compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
1
PROCÈS-VERBAL
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
CONVOCATION DU PARLEMENT EN CONGRèS
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Président de la République la lettre suivante :
« Paris, le 9 février 2007.
« Monsieur le président,
« Le projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 77 de la Constitution a été voté en termes identiques par l'Assemblée nationale le 13 décembre 2006 et par le Sénat le 16 janvier 2007. De même, le projet de loi constitutionnelle portant modification du titre IX de la Constitution et le projet de loi constitutionnelle relatif à l'interdiction de la peine de mort ont été votés en termes identiques par l'Assemblée nationale, respectivement le 16 janvier 2007 et le 30 janvier 2007, et par le Sénat le 7 février 2007.
« J'ai décidé de soumettre au Parlement convoqué en Congrès le 19 février 2007 ces trois projets de loi constitutionnelle en vue de leur approbation définitive dans les conditions prévues par l'article 89 de la Constitution.
« Je vous adresse ci-joint, avant sa publication au Journal officiel, une ampliation du décret de convocation du Congrès auquel seront annexés les textes que cette assemblée aura à examiner.
« Veuillez croire, monsieur le président, à l'assurance de ma haute considération.
« Signé : Jacques Chirac. »
L'article 2 du décret fixe l'ordre du jour du Congrès. Je vous en donne lecture :
« Art. 2. - L'ordre du jour du Congrès est fixé ainsi qu'il suit :
« 1. Vote sur le projet de loi constitutionnelle modifiant l'article 77 de la Constitution ;
« 2. Vote sur le projet de loi constitutionnelle portant modification du titre IX de la Constitution ;
« 3. Vote sur le projet de loi constitutionnelle relatif à l'interdiction de la peine de mort. »
Par lettre en date du 9 février, M. Jean-Louis Debré, président du Congrès, nous a fait savoir que le Congrès se réunirait le lundi 19 février pour deux séances, la première débutant à onze heures et la seconde à quatorze heures trente et s'achevant en fin d'après-midi.
Il appartiendra au Bureau du Congrès, qui se réunira le jeudi 15 février, de fixer les modalités d'organisation de ces séances.
Le même jour, les présidents de groupe de l'Assemblée nationale et du Sénat se réuniront pour procéder aux trois tirages au sort de l'ordre des intervenants dans les explications de vote.
Acte est donné de ces communications.
3
CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi tendant à renforcer l'équilibre de la procédure pénale.
J'informe le Sénat que la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du Règlement.
4
SAISINE DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 9 février 2007, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative aux règles d'urbanisme applicables dans le périmètre de l'opération d'intérêt national de La Défense et portant création d'un établissement public de gestion du quartier d'affaires de « La Défense ».
Acte est donné de cette communication.
Le texte de cette saisine du Conseil constitutionnel est disponible au bureau de la distribution.
5
FIN DE MISSION D'UN SÉNATEUR
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 9 février 2007 annonçant, dans le cadre des dispositions de l'article L.O. 297 du code électoral, la fin, le 28 février 2007, de la mission temporaire auprès du ministre de l'agriculture et de la pêche confiée à M. Dominique Mortemousque, sénateur de la Dordogne, sur l'évolution des assurances récoltes.
Acte est donné de cette communication.
6
Protection de l'enfance
Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, réformant la protection de l'enfance (nos 154, 205).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et au banc de la commission.)
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureux de revenir devant vous avec ce texte sur la protection de l'enfance en deuxième lecture, après le débat que nous avions déjà eu au Sénat au mois de juin dernier.
Comme vous le savez, ce projet de loi a fait l'objet d'une grande concertation. Je l'ai en effet voulu représentatif de la réflexion menée au cours de multiples débats et forums par tous les professionnels du secteur de la protection de l'enfance, lesquels se sont aussi réunis au sein de nombreux groupes de travail pour préparer cette réforme.
L'objectif central est de mettre fin, dans notre pays, aux situations encore si nombreuses où tant d'enfants souffrent en secret, en silence pendant des années sans que personne s'en aperçoive et leur vienne en aide. Ce sera possible grâce à une politique qui donnera une plus large place à la prévention, qui rendra plus efficace le signalement des situations de danger et qui permettra de diversifier nos modes d'action en faveur des enfants en difficulté et aussi, bien entendu, de leurs familles.
En effet, il s'agit, comme nous avons l'habitude de le faire dans notre pays, de permettre le plus possible aux parents de jouer pleinement leur rôle auprès des enfants, sans exclure naturellement les situations extrêmes dans lesquelles cela n'est plus possible et où il faut alors intervenir dans l'urgence.
Je tiens à saluer particulièrement votre travail, mesdames, messieurs les sénateurs, ainsi que celui de la commission des affaires sociales et de son rapporteur M. André Lardeux.
Cette loi est la vôtre. Elle est la vôtre parce qu'elle reprend nombre de propositions formulées dans des rapports issus de la Haute Assemblée : ceux de Mme Marie-Thérèse Hermange, de M. Philippe Nogrix et de M. Louis de Broissia.
Cette loi est aussi la vôtre parce que, aux termes de l'article 3 de la Constitution, vous représentez les collectivités locales de notre pays et que les départements sont, depuis 1983 les premiers acteurs de la protection de l'enfance.
Cette loi est encore la vôtre parce que ce sont les conseils généraux, à travers l'ensemble des débats qu'ils ont organisés dans la plupart des départements de France à la fin de l'année 2005, qui nous ont fourni la matière de ce texte grâce à leur expérience des difficultés de la protection de l'enfance et de l'évolution des situations auxquelles l'aide sociale à l'enfance est confrontée.
L'une des ambitions de la réforme est de faire une référence nationale des meilleures pratiques professionnelles mises en oeuvre dans plusieurs - beaucoup ! - de départements, pour que tous les départements de France puissent à leur tour en bénéficier.
Ce sont naturellement encore les conseils généraux, et leurs services de l'aide sociale à l'enfance et de la prévention maternelle et infantile, qui appliqueront le texte dont nous débattons aujourd'hui. Les présidents de conseil général auront à porter cette réforme ; c'est avec eux que je l'ai préparée. Ils ont été le fer de la lance de la concertation très large que j'ai menée pendant plus d'un an. Ils se sont engagés dans la réforme en organisant dans leurs départements des journées de travail sur la protection de l'enfance.
Ce texte, qui a été adopté sans aucune opposition au Sénat comme à l'Assemblée nationale, fait aujourd'hui l'objet d'un consensus global quant à l'esprit de la réforme et aux modalités d'action que nous devons mettre en oeuvre.
M. Lardeux exprime dans son rapport sa satisfaction sur l'ensemble du texte, sur son économie et sur ses objectifs. Je tiens à l'en remercier, ainsi que la commission des affaires sociales.
Il me paraît très important, sans revenir sur l'ensemble du texte, de rappeler les points d'accord conséquents qui se sont déjà dégagés entre les deux assemblées sur le fond de la réforme.
Tout d'abord, le rôle du président du conseil général est conforté. Il est le chef de file et le référent de la protection de l'enfance. C'est fondamental si nous voulons assurer une plus grande continuité et une plus grande cohérence de la prise en charge de l'enfant dans le temps.
Ensuite, les objectifs de la réforme vont se traduire par des actions nouvelles.
Comme je le disais d'entrée de jeu, le premier objectif est le renforcement de la prévention, pour agir avant que des drames ne se produisent. Cela suppose de multiplier les points de contact avec l'enfant, sa famille et les professionnels pour prévenir les difficultés et pouvoir soutenir les familles avant que la situation ne se détériore.
La prévention maternelle et infantile joue un rôle essentiel dans cette démarche. Cette priorité donnée à la prévention a encore été accrue par l'Assemblée nationale, grâce à l'introduction de deux nouvelles visites médicales obligatoires à la neuvième et à la quinzième année de l'enfant, en plus de celles que vous aviez vous-mêmes ajoutées au texte initial.
Le deuxième objectif est l'organisation du signalement, de l'alerte, pour que tous ceux qui sont en contact avec l'enfant puissent partager les informations qui permettront de mieux l'aider et d'agir à temps.
Si le secret professionnel est vraiment nécessaire pour assurer la relation de confiance avec les parents, relation sans laquelle beaucoup de difficultés demeureraient inconnues des services sociaux, il ne doit pour autant pas faire obstacle au partage nécessaire de l'information entre professionnels également assujettis au secret, dans la limite de ce qui est nécessaire à la bonne prise en charge de l'enfant. C'est exactement ce que prévoit le texte que vous avez adopté en première lecture au mois de juin dernier.
Ne laissons plus aujourd'hui la maîtresse d'école, l'infirmière scolaire, l'assistante sociale, l'assistante maternelle chacune seule face à sa conscience quand il y a doute sur la situation réelle d'un enfant dont on ne sait pas au juste si le comportement résulte de sa psychologie, de son caractère, de sévices psychiques, sexuels ou de maltraitance ne laissant pas de traces sur son corps.
Pour cela, permettons à chaque professionnel de prendre appui sur cette cellule départementale du signalement - elle a déjà été expérimentée dans un certain nombre de départements - que le sénateur Philippe Nogrix avait recommandé de généraliser et qui est l'une des grandes innovations de cette réforme.
Enfin, le troisième objectif est la diversification des modes d'accueil, pour que chaque enfant soit pris en charge d'une façon personnalisée et adaptée à sa situation.
Avec cette loi, nous ouvrirons grand tout l'éventail des possibilités pour que chaque enfant dispose d'une solution conçue pour lui.
De nouveaux modes d'accueil doivent donc être favorisés. Jusqu'à présent, les professionnels ne pouvaient trop souvent choisir qu'entre placement et maintien à domicile de l'enfant sans que toutes les formules intermédiaires soient suffisamment explorées, alors que j'ai pu constater, au cours de mes nombreux déplacements sur le terrain, la qualité des expérimentations réalisées.
Désormais, les professionnels pourront donc dépasser cette alternative binaire et recourir à d'autres modes de prise en charge : l'accueil de jour, l'accueil périodique, mais aussi l'accueil mixte, à la fois thérapeutique et éducatif pour les enfants qui souffrent de troubles psychologiques graves.
Les principaux points de la réforme que vous aviez adoptée ont également fait l'objet d'un consensus à l'Assemblée nationale. Je veux souligner les apports positifs de cette dernière au texte qui revient aujourd'hui devant vous.
Tout d'abord, le rôle de l'observatoire départemental a été renforcé. Cet observatoire, en plus de ses missions prévues initialement, pourra émettre des avis sur les politiques locales de protection de l'enfance.
L'Assemblée nationale a également clarifié le positionnement des services de protection maternelle et infantile, qui relèvent sans ambiguïté possible du président du conseil général lui-même.
Enfin, des dispositions visant à assouplir le congé de maternité ont été adoptées. Elles permettront à la future maman, avec la garantie absolue d'un avis conforme du médecin ou de la sage-femme, de reporter jusqu'à trois semaines de son congé prénatal après la naissance de son enfant afin de pouvoir passer plus de temps avec ce dernier, au moment où il est si nécessaire de construire le lien mère-enfant. Cette disposition a reçu l'accord à la fois du collège national des gynécologues-obstétriciens français, de l'ordre des sages-femmes et de l'ensemble des professionnels concernés.
Toutes ces modifications au texte que vous aviez précédemment voté devraient rencontrer votre assentiment, mesdames, messieurs les sénateurs. M. le rapporteur de la commission les a d'ailleurs saluées.
Par ailleurs, un certain nombre de dispositions ont été ajoutées pour mieux protéger l'enfant contre les dérives sectaires. La commission des affaires sociales, tout en admettant la nécessité d'améliorer aujourd'hui la protection des enfants, petits et grands, contre ces dérives sectaires, a déposé des amendements sur ce point afin d'améliorer les dispositions adoptées par l'Assemblée nationale.
Les débats que nous aurons sur ces sujets lors de l'examen des différents amendements seront utiles. Le Gouvernement les abordera dans l'esprit de trouver les meilleures solutions possibles et de répondre ainsi aux questions que vous avez souhaité à nouveau soulever avant l'achèvement de la discussion de ce texte.
Ce texte n'est évidemment pas parfait, mais il constitue selon moi, et selon le monde associatif qui s'est pleinement impliqué dans l'élaboration de la réforme, un progrès très important pour la protection des enfants menacés dans notre pays.
Bien sûr, la réflexion devra se poursuivre à l'avenir s'agissant, par exemple, du recueil de la parole de l'enfant ou du rôle joué par les administrateurs ad hoc. Ces questions sont très importantes.
Dans les cas de maltraitance, non seulement le recueil de la parole de l'enfant par la justice permet de disposer du témoignage de l'enfant, mais il constitue aussi, dans la plupart des cas, le seul moyen d'avoir des présomptions sur la matérialité des faits elle-même.
Le recueil de la parole de ce dernier doit donc être accompagné de solides garanties, afin d'éviter d'avoir à l'auditionner à nouveau, comme si son témoignage était imparfait. Compte tenu de la longueur des procédures, plusieurs années peuvent en effet s'écouler avant que l'on puisse revenir sur ses propos. Un enfant change si vite - plus vite que nous ! -, est soumis à de telles pressions, éprouve parfois un tel sentiment de culpabilité qu'il peut être difficile de mesurer la valeur de ses premières déclarations par rapport à celles qu'il a faites ensuite. La représentation nationale aura à nouveau à discuter de ce sujet.
Sur l'essentiel, ce texte apporte, me semble-t-il, des progrès majeurs, comme le soulignera la commission des affaires sociales. J'ai en effet pris connaissance de son rapport et je la remercie une fois de plus de la qualité du travail qu'elle a accompli pour préparer cette réforme et ce débat, que j'aborde naturellement dans un esprit de très grande ouverture.
Au-delà du texte lui-même, la concertation s'est poursuivie depuis le mois de juin, parallèlement au travail législatif. Ce texte n'est en effet pas comme les autres : l'application de la loi qui résultera des travaux parlementaires s'appuiera non pas sur des décrets et des arrêtés, mais sur le travail des associations de sauvegarde, des conseils généraux, des professionnels, de la justice, des hôpitaux, des services de santé, de l'aide sociale à l'enfance, de l'école, ainsi que sur les meilleures pratiques professionnelles recensées dans des guides élaborés avec les départements et les professionnels.
Depuis le mois de juin dernier, j'ai en effet réuni de nombreux professionnels de tous horizons. Quinze groupes de travail, composés d'élus, d'experts, de professionnels et d'associations venus de toute la France, se sont réunis pour partager leurs compétences. Cette concertation a permis l'élaboration de guides de bonnes pratiques, qui nous permettront de rendre homogène dans tout le pays notre manière d'aborder la prise en charge des enfants en difficulté.
J'ai également mis en place un forum de discussion sur Internet, ouvert à tous, pour recueillir des contributions, des points de vue, nourrir les échanges. Cette loi doit en effet être portée par tous ceux qui ont dédié leur vie professionnelle ou leur engagement associatif à la protection de l'enfance.
Ces guides nationaux d'accompagnement de la réforme sont pratiquement prêts. Ils permettront de favoriser la mise en oeuvre de la loi, d'expliquer ses objectifs, son esprit et ses dispositions. Ils permettront également de recommander des pratiques adaptées, fondées sur des initiatives et des expériences connues et évaluées.
Les thèmes de ces guides sont au nombre de cinq, à savoir la prévention, l'accompagnement, l'alerte, l'accueil et le fonctionnement de l'observatoire de la protection de l'enfance. Ces cinq guides seront disponibles dès le mois d'avril. Cette réforme, si elle est adoptée par le Parlement, comme je le souhaite, sera donc immédiatement opérationnelle.
M. Guy Fischer. Très bien !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Il s'agit donc d'une réforme en mouvement, qui dépend maintenant moins du droit que de son appropriation par ceux-là mêmes qui sont à l'origine du travail que j'ai présenté devant vous sous forme de projet de loi.
Enfin, je souhaite que, en 2007, puisse être renouvelée l'expérience des Assises nationales de la protection de l'enfance, dont les premières se sont tenues à Angers, en 2006, afin de continuer de faire avancer ce processus qui doit aller bien au-delà de la réforme et devenir permanent.
Telles sont, madame la présidente, monsieur le président de la commission des affaires sociales, mesdames, messieurs les sénateurs, les remarques que je tenais à faire. Notre débat est aujourd'hui l'aboutissement d'un travail de longue haleine que j'ai engagé dès ma prise de fonctions, avec l'aide de tous ceux qui ont travaillé sur la protection de l'enfance.
Ce texte permettra de venir en aide plus efficacement à des dizaines de milliers d'enfants qui, dans notre pays, souffrent de négligences ou de mauvais traitements. Il permettra également de parvenir à un meilleur équilibre entre la nécessaire responsabilité des parents, qui restera première, et les missions de la protection de l'enfance, afin de venir au secours des enfants en difficulté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M. André Lardeux, rapporteur. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi tel qu'il résulte de son examen en première lecture par l'Assemblée nationale a suscité de vifs débats, dont témoignent les vingt et un nouveaux articles qu'il comporte désormais.
Globalement, et j'en suis heureux, les solutions précédemment retenues par le Sénat ont été confirmées. Je pense notamment à notre souci de mieux associer la médecine scolaire à la politique de prévention, à travers la création d'un examen médical obligatoire à l'entrée au collège. L'Assemblée nationale a d'ailleurs ajouté deux visites médicales supplémentaires - il faudra les financer ! -, ...
M. Nicolas About, rapporteur. ... pour les élèves de neuf ans et de quinze ans, qui seront aussi l'occasion de contrôler la santé psychologique des enfants.
L'analyse est la même en ce qui concerne le rôle de chef de file dévolu au département en matière de protection de l'enfance, rôle que nous avions conforté en organisant l'information complète du président du conseil général sur les signalements d'enfants en danger et en lui confiant la coordination des services chargés de l'exécution des mesures de protection de l'enfance. L'Assemblée nationale est restée sur notre ligne puisqu'elle a souhaité lui accorder le contrôle des services de protection maternelle et infantile.
De la même manière, l'Assemblée nationale a soutenu notre volonté d'instaurer de nouveaux modes de prise en charge des enfants en danger, mieux adaptés à leurs besoins, et notre demande de voir sécuriser les modalités de financement de la réforme de la protection de l'enfance.
Tous ces points me semblent pouvoir faire l'objet d'un vote conforme au cours de cette deuxième lecture ; il en va de même des innovations utiles apportées par l'Assemblée nationale : à cet égard, je pense à l'assouplissement des modalités du congé de maternité, que vous avez évoqué, monsieur le ministre, à la rigueur accrue des règles d'installation de sex-shops ou à la sévérité renforcée des sanctions à l'égard des usagers de sites Internet pédo-pornographiques. Ces dispositions me paraissent être parfaitement justifiées.
M. Nicolas About, rapporteur. Sur d'autres aspects du texte, en revanche, l'Assemblée nationale s'est écartée du schéma que nous avions retenu.
Certaines fois, après y avoir bien réfléchi, je crois que c'est à bon escient.
Par exemple, la position de l'Assemblée nationale sur la dispense automatique de l'obligation alimentaire pour les enfants qui ont été retirés de leur milieu familial, ainsi que pour les enfants adoptés sous le régime de l'adoption simple à l'égard de leurs parents naturels, me paraît raisonnable.
De même, nous avions imposé aux établissements accueillant des mineurs de s'organiser en unités de vie distinctes, pour regrouper les enfants en fonction du motif de leur placement, afin d'assurer leur sécurité. Ici encore, à la réflexion, la solution de l'Assemblée nationale me paraît convaincante : elle consiste à assigner à ces établissements une obligation de résultat, libre à eux de s'organiser comme ils le souhaitent pour la remplir.
Je serai plus réservé sur d'autres sujets, sur lesquels l'Assemblée nationale a été peut-être trop audacieuse.
Elle a, par exemple, et même si j'y suis favorable, étendu les possibilités de saisine du Défenseur des enfants. N'y a-t-il pas là, monsieur le ministre, un risque d'engorgement de cette institution ? En tous les cas, il vous faudra accorder à cette dernière plus de moyens afin de lui permettre de faire face à toutes les demandes.
De même, l'Assemblée nationale a prévu que l'enfant pourrait refuser d'être entendu par le juge. J'avoue ma perplexité devant une telle exception au principe, jusqu'ici universel, selon lequel nul ne peut refuser de déférer à une convocation du juge. D'un côté, je comprends qu'il vaut parfois mieux éviter à l'enfant d'avoir à prendre parti entre ses parents - on ne le lui demande d'ailleurs pas -, mais, d'un autre, je crains qu'il ne soit trop facile, pour le parent qui assure la garde de l'enfant, de faire pression sur ce dernier pour qu'il refuse de rencontrer le juge. Il faut, à mon avis, en revenir au principe et supprimer cette disposition nouvelle.
Plus grave encore est, à mon sens, l'idée d'introduire un troisième cas de saisine du juge des enfants, qui s'ajouterait au cas d'échec des mesures administratives et au cas de refus manifeste des parents de collaborer avec le service de l'aide sociale à l'enfance : il s'agit de l'hypothèse du danger grave et manifeste pour l'enfant.
Je vois dans cette innovation un risque de confusion. Comment, en effet, distinguer le danger « grave et manifeste » du danger « normal » ? Et même si l'on arrivait à définir cette notion, ces situations doivent-elles conduire automatiquement à saisir le juge ?
Cette disposition a pour origine, me semble-t-il, un malentendu sur l'étendue des pouvoirs respectifs du président du conseil général et du juge : tous deux disposent en réalité des mêmes outils de protection - placement et action en milieu ouvert - et de la même capacité à agir en cas d'urgence. La seule véritable différence tient au fait que le juge peut obliger des parents à se plier à la mesure, là où le président du conseil général doit obtenir leur accord.
Pour éviter cette difficulté, je vous proposerai une autre rédaction de cette disposition. Nous en reparlerons au moment de la discussion des articles.
À cet instant de mon propos, permettez-moi de m'arrêter un temps sur les nouvelles mesures introduites dans le texte par l'Assemblée nationale pour traduire certaines des propositions émises par la commission d'enquête sur les sectes, qui a rendu ses conclusions en décembre 2006.
En effet, cette commission a montré que l'instruction à domicile, l'enseignement à distance et le soutien scolaire peuvent être instrumentalisés par les adeptes de ces mouvements pour couper les jeunes du monde extérieur. Je connais bien ce sujet, car je suis à l'origine de la loi tendant à renforcer le contrôle de l'obligation scolaire. Cette exclusion emporte des conséquences non seulement sur la socialisation des enfants, mais aussi sur leur santé quand ils sont soustraits aux dispositifs de suivi par la médecine scolaire et que leurs parents leur imposent des modes de vie parfois dangereux d'un point de vue sanitaire.
L'Assemblée nationale a donc ajouté au texte, et c'est une initiative bienvenue, un titre entier consacré à l'enseignement.
Toutefois, plusieurs rédactions demandent à être corrigées, car, si l'intention est excellente, le résultat risque d'être inverse à celui qui est recherché. C'est le cas pour l'organisation pratique de l'instruction à domicile qui, en l'état, est plus permissive que ne l'autorise la jurisprudence ; c'est aussi le cas pour la définition des exigences requises en matière de qualification et de moralité des directeurs des organismes privés d'enseignement à distance, qui sont en recul par rapport au droit actuellement en vigueur.
Sur ces deux points, comme sur celui qui traite des sanctions pour refus de vaccination des enfants, je vous proposerai donc, mes chers collègues, des amendements pour rendre ces dispositions plus efficaces.
En définitive, le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale est globalement satisfaisant. Il conforte les objectifs assignés à la protection de l'enfant par le Gouvernement et approuvés par le Sénat en première lecture ; il complète utilement le projet de loi, en particulier dans le domaine de la lutte contre les dérives sectaires.
L'entrée en vigueur de ce texte est attendue avec impatience par les professionnels de la protection de l'enfance, qui ont largement contribué - vous l'avez rappelé, monsieur le ministre - à son élaboration. Il leur appartiendra de faire évoluer les pratiques professionnelles et de construire une culture partagée, indispensable à la fluidité du dispositif de signalement et de prise en charge des enfants en danger mis en place par ce texte.
Pour toutes ces raisons, mes chers collègues, je vous propose d'adopter ce projet de loi, complété par les amendements que je vous présenterai au nom de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 33 minutes ;
Groupe socialiste, 23 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 11 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mis en cause depuis plusieurs années, le système français de protection de l'enfance avait besoin d'une réforme. Depuis une dizaine d'années, nombreux étaient les rapports sur la protection de l'enfance qui mettaient en lumière certains dysfonctionnements en atténuant l'efficacité.
Du rapport Naves-Catala sur les placements d'enfants aux récents rapports de l'Observatoire national de l'enfance en danger, l'ONED, de M. Nogrix sur le signalement ou de la mission de l'Assemblée nationale sur la protection de l'enfance, l'ensemble des acteurs s'accordent à déplorer la complexité de notre système dual de protection de l'enfance - à la fois judiciaire et administratif -, dans lequel les responsabilités et les compétences ne sont pas toujours clairement identifiées et où le judiciaire se substitue, sans que cela soit toujours justifié, au dispositif administratif.
Les affaires d'Outreau, de Drancy et d'Angers ont également apporté un éclairage dramatique sur les conséquences de l'isolement des acteurs susceptibles d'alerter sur les dangers encourus par l'enfant.
Enfin, c'est la rigidité des modes d'intervention auprès des familles qui est souvent dénoncée, rigidité ne laissant pas de place aux solutions intermédiaires, plus souples, entre l'action éducative et le placement : c'est donc en marge de la légalité que les initiatives innovantes ont dû se développer, en particulier afin de faire face à de nouveaux dangers auxquels sont exposés les enfants.
Je pense en particulier aux mineurs isolés, en situation d'ultime fragilité qui les expose particulièrement à des risques pour leur sécurité tant physique que psychique. Je suis heureux que l'Assemblée nationale ait - enfin ! - accepté de le reconnaître, en visant très explicitement les mineurs privés de la protection de leur famille.
Je pense également à la précarisation sociale et économique qui conduit de plus en plus de familles à rencontrer des difficultés pour satisfaire leurs besoins élémentaires, voire fondamentaux - se nourrir, se loger, se soigner, s'éduquer -, dans un système social qui tend à exclure plutôt qu'à intégrer. Ne parle-t-on pas de 7 millions de travailleurs pauvres, avec toutes les conséquences que cela implique ?
C'est pourquoi nous plaidons encore aujourd'hui pour une loi-cadre qui privilégierait une vision d'ensemble et le dépassement des clivages, notamment institutionnels, comme nous y invitait « l'Appel des 100 pour le renouveau de la protection de l'enfance », sur l'initiative du président du tribunal pour enfants de Bobigny et du directeur de l'aide sociale à l'enfance, l'ASE, de Seine-Saint-Denis.
Au lieu de ce grand débat public, le Gouvernement a privilégié une approche plus modeste...
M. Nicolas About, rapporteur. Efficace !
M. Guy Fischer. ...qui tend à consacrer dans les textes certaines évolutions consensuelles, telle l'institution du secret professionnel partagé ou la création de cellules départementales de signalement.
Cette option, malgré son manque d'ambition, aurait pu recevoir notre agrément si elle ne s'était toutefois heurtée, dès le départ, à deux écueils.
Le premier écueil est l'importance du désengagement, notamment financier, de l'État.
La réflexion sur la réforme de la protection de l'enfance s'est malheureusement doublée, dès son origine, d'une volonté de réduire, à cette occasion, les dépenses publiques de l'État. La méthode n'est pas nouvelle qui, sous couvert de proximité, d'exercice des compétences, transfère des compétences aux départements sans les compenser intégralement. Je reviendrai dans le débat, monsieur le ministre, sur l'hypocrisie qui consiste à se décharger sur la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, du financement de la protection de l'enfance.
Ce désengagement est d'autant plus préoccupant en l'espèce que le projet de loi opère fort heureusement une extension conséquente des missions de prévention de la protection de l'enfance. Je pense à l'examen périodique dans les écoles pour le dépistage des troubles de santé, dans un contexte - tout le monde en conviendra - de pénurie des infirmières scolaires et des médecins, sans même parler de la déshérence de la pédopsychiatrie.
Je pense également à la consécration législative des modes d'intervention plus souples, qui risquent de ne pas être effectifs dans de nombreux départements faute de moyens.
Ces changements, indispensables à de meilleures réactivité et adéquation de notre système, auraient nécessité une réelle implication de l'État que nous ne retrouvons pas ici, monsieur le ministre. Vous me répondrez que vous confiez des responsabilités importantes, en vertu de la décentralisation, aux présidents de conseil général. Mais nous aurions aimé trouver dans ce texte la réaffirmation du rôle central de l'État, seul à même de garantir l'égalité de traitement de toutes les familles et de tous les enfants sur le territoire, et d'assurer la cohérence du système.
Je rappelle que, en 2005, la Défenseure des enfants avait alerté contre les inégalités constatées entre les départements dans la prise en charge des mineurs en danger : il est dommage que l'on n'en ait pas plus tenu compte.
Pour ma part, vous l'aurez compris, je ne suis pas partisan de la subsidiarité à outrance telle que nous la recommande la majorité de la commission des affaires sociales.
Dans certaines situations de danger - je pense en particulier au risque de violences graves -, alors même que des mesures administratives n'ont pas encore été mises en place, la compétence judiciaire doit s'exercer immédiatement. Je regrette que la commission ait proposé une rédaction de l'article 5 qui revienne sur cette règle.
M. Nicolas About, rapporteur. Nous en débattrons !
M. Guy Fischer. Le second écueil est la pénalisation de la protection de l'enfance.
Rappelons que, dès le départ, le texte avait été « pollué » par l'insertion du dépistage systématique des troubles de comportement chez les très jeunes enfants, héritage du texte relatif à la prévention de la délinquance, qui, en se fondant sur un rapport très controversé de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, prétendait débusquer par cette voie les futurs délinquants. Le débat très vif qui s'est ensuivi a permis au texte d'évoluer sur ce point ; nous nous en réjouissons.
Si ces dispositions n'ont pas survécu à la navette parlementaire, le texte qui nous revient en porte encore les stigmates : on peut être légitimement inquiet de l'introduction d'un entretien psychosocial systématique des femmes enceintes, comme si les difficultés sociales auguraient d'un trouble de la parentalité.
Cette confusion des genres entre protection de l'enfance et délinquance n'est malheureusement pas nouvelle : le contrat de responsabilité parentale, dont la sanction du refus de conclusion ou du non-respect était la mise sous tutelle des prestations familiales, ouvrait déjà largement la voie.
Fallait-il ajouter de la confusion au débat en introduisant, dans le présent texte, des modifications du code pénal et en créant de nouveaux délits là où, souvent, les textes actuels suffisent ?
Faut-il menacer de six mois de prison un défaut de vaccination, alors que, par ailleurs, la vaccination obligatoire existe depuis le début du siècle ? On peut en douter. Quel magistrat appliquera de telles sanctions ?
Cette lecture de la protection de l'enfance a malheureusement un effet pervers de taille : elle conduit finalement à occulter ce qui était, à l'origine, le principal objectif du projet de loi, à savoir l'amélioration de la prévention.
Or, en fait de prévention, on constate que le service de la protection maternelle et infantile, la PMI, se voit fragilisé par la dilution de ses missions dans l'organigramme général du conseil général. On rappellera qu'à l'heure actuelle seuls 4 % des 5 milliards d'euros consacrés chaque année à la protection de l'enfance par les départements sont affectés à la prévention.
Sur l'ensemble de ces points, mes chers collègues, nous vous proposerons des amendements tendant à améliorer le texte, afin de resituer la protection de l'enfance dans sa logique première d'aide aux familles en difficulté et aux enfants en danger.
Même si ces amendements n'ont pas rencontré beaucoup de succès auprès de la commission, nous espérons qu'il en sera tenu compte dans le débat. Dans le cas contraire, nous nous abstiendrions une nouvelle fois sur ce projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.
Mme Claire-Lise Campion. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi réformant la protection de l'enfance revient enfin devant la Haute Assemblée, enrichi par nos collègues députés.
Je dis « enfin », car, depuis le vote de ce texte en première lecture, ici même, en juin 2006, il nous aura fallu attendre huit mois pour entamer la deuxième lecture, dans des conditions une nouvelle fois difficiles.
Cette discussion, ô combien attendue par les départements, les associations, les travailleurs sociaux, les juges et les médecins, a été retardée, de toute évidence, par l'examen du projet de loi relatif à la prévention de la délinquance.
M. Guy Fischer. M. Sarkozy n'attend pas !
Mme Claire-Lise Campion. Cependant, je reconnais que la qualité des débats concernant le projet de loi réformant la protection de l'enfance fut aussi exemplaire à l'Assemblée nationale qu'au Sénat. J'en évoquerai quelques points.
Ainsi, l'Assemblée nationale a apporté des précisions sur ce que l'on doit entendre par « intérêt de l'enfant », « projet de vie », des notions importantes que la loi ne peut certes définir strictement, mais dont elle précise le sens.
La prévention sanitaire a également été renforcée dans le cadre de la médecine scolaire, avec l'organisation de visites médicales étendues aux classes d'âge de neuf et de quinze ans. J'espère cependant que cette mesure ne demeurera pas un voeu pieux au regard de l'engagement financier important qu'elle nécessite ; nous aurons l'occasion d'en reparler.
M. Claude Domeizel. Eh oui !
Mme Claire-Lise Campion. J'approuve et je soutiens la volonté affichée par l'Assemblée nationale d'assurer aux enfants une continuité dans leur vie affective. Trop d'entre eux sont encore ballottés de placement en placement.
Les députés ont également clarifié l'articulation entre le dispositif judiciaire et le dispositif social, en maintenant les fonctions traditionnelles de la justice et du juge des enfants.
S'agissant de l'obligation alimentaire pour les enfants adoptés sous le régime de l'adoption simple, j'approuve l'avancée votée par l'Assemblée nationale consistant à la limiter de façon importante.
Par ailleurs, le positionnement des services de la protection maternelle et infantile sous l'autorité du président du conseil général a été renforcé. Ainsi, cette dernière est-elle reconnue comme une responsabilité directe du président du conseil général, qui la met en oeuvre à travers un service spécifique. Je salue cette précision qui met fin à l'ambiguïté résultant de la rédaction actuelle de l'article L. 2112-1 du code de la santé publique.
De nombreux articles additionnels ont également été adoptés, dans des domaines qui, pour certains, ne relèvent pas toujours du texte à proprement parler et qui sont la preuve de certaines insuffisances.
Si l'on peut admettre que, face aux impératifs des délais de transposition de directives européennes, il est urgent de déposer certains amendements, d'autres mesures font débat à cet égard et ne semblent pas résulter d'une réelle concertation. Je pense notamment à l'article relatif à la vaccination.
En effet, le défaut de vaccination est actuellement, à juste titre, passible d'une contravention. Toutefois, le requalifier en délit ne me paraît pas justifié, même pour renforcer la protection contre les dérives sectaires. Cette disposition n'aura aucune incidence sur l'application qu'en font déjà les juges dans la pratique. Or c'est cette pratique par les juges qui est dénoncée, et seulement cela.
Il ne s'agit pas non plus bien évidemment de revenir sur l'utilité de la vaccination en tant que telle. Elle est un axe majeur des politiques de prévention menées par les autorités sanitaires et constitue un moyen fondamental de lutte contre de nombreuses maladies infectieuses. La loi du 4 mars 2002 a rappelé que cet acte est avant tout médical, personnel et personnalisé.
En outre, l'adoption de l'article relatif à la modulation du congé de maternité me paraît tout aussi peu opportune et acceptable. Cela ne peut être considéré comme un mode de garde alternatif ou modulable.
Le congé prénatal relève de l'assurance maladie et répond à des impératifs de santé publique pour la mère comme pour l'enfant. Certes, l'avis du médecin est requis pour autoriser ce glissement vers le congé postnatal - vous venez de nous indiquer, monsieur le ministre, que vous aviez obtenu l'avis positif du collège national des gynécologues-obstétriciens français et de l'ordre des sages-femmes -, mais les femmes dans leur grande majorité seront tentées de « courir le risque », au détriment de leur santé et de celle de l'enfant. Par ailleurs, les emplois des femmes sont déjà suffisamment précaires sans qu'il soit nécessaire d'y introduire encore plus de flexibilité.
Enfin, je note que subsistent malheureusement les raisons principales qui ont conduit les groupes socialistes du Sénat et de l'Assemblée nationale à s'abstenir sur le texte.
D'une part, il y a le télescopage de trois textes qui se contredisent sur plusieurs points : la loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances, qui est à l'origine du contrat de responsabilité parentale, le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance et le présent projet de loi.
Deux conceptions s'affrontent donc au sein du Gouvernement, celle qui fait de l'enfant un être en devenir pour lequel il s'agit de trouver les moyens de son épanouissement et celle où la préoccupation principale est la protection de la société fondée sur le déterminisme, la répression et la traque du délinquant en devenir.
M. Guy Fischer. Le bâton !
Mme Claire-Lise Campion. Je me demande réellement comment, dans la pratique, les professionnels pourront mettre en oeuvre des dispositifs aussi peu cohérents et quel en sera le prix ! Perte de temps, conflits entre services, administrations et responsables politiques ?
Selon vos propos, monsieur le ministre, le projet de loi réformant la protection de l'enfance privilégie la démarche éducative et contribue à ce que toutes les familles puissent remplir leur devoir éducatif. Certes, mais les dispositifs prévus dans le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance sont peu cohérents avec un tel discours. En attestent deux exemples.
Tout d'abord, le fichier de données à caractère personnel que le maire pourra mettre en place concernant le montant des prestations familiales et l'absentéisme scolaire ne servira-t-il pas à repérer au plus tôt les comportements dits hors normes ?
Ensuite, la création du Conseil pour les droits et devoirs des familles piloté par le maire révèle, quant à lui, le passage d'une philosophie de protection de l'enfant à un système de sanction des parents, avec la possibilité de mettre sous tutelle ou même de supprimer les allocations familiales.
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Claire-Lise Campion. Cette mesure sera inefficace et inéquitable.
D'autre part - c'est la seconde raison principale qui a conduit les groupes socialistes du Sénat et de l'Assemblée nationale à s'abstenir sur ce texte lors de la première lecture et qui subsiste encore en deuxième lecture -, il y a le caractère très aléatoire du dispositif financier retenu par le Gouvernement concernant notamment la compensation des charges transférées aux départements.
Le dispositif de financement que vous nous proposez est insuffisant et inadapté au point de remettre en cause son application.
L'article 17 crée, je le rappelle, un fonds national de financement de la protection de l'enfance au sein de la caisse nationale des allocations familiales. (M. Guy Fischer s'exclame.) Les ressources de ce fonds sont constituées par un versement de la CNAF, arrêté en loi de financement de la sécurité sociale, et un versement annuel de l'État, arrêté en loi de finances.
Monsieur le ministre, nous nous interrogeons. La branche famille n'a pas à financer la protection de l'enfance, car ce n'est pas de sa compétence directe. La clarification des modes de fonctionnement que vous prônez dans ce texte est amoindrie par un manque de lisibilité quant au dispositif financier. Ce financement est d'autant plus critiquable que, depuis maintenant trois ans, cette branche est largement déficitaire.
Au-delà même du principe, comment la CNAF sera-t-elle en mesure de financer ce fonds sans opérer à nouveau des redéploiements dans des domaines qui, cette fois, relèvent véritablement de la branche famille et qui sont déjà en difficulté ? (M. Guy Fischer acquiesce.)
En effet, en tant qu'élus, nous sommes tous témoins du désengagement financier opéré par les caisses d'allocations familiales à travers les nouveaux contrats « enfance jeunesse ».
MM. Claude Domeizel et Guy Fischer. Eh oui !
Mme Claire-Lise Campion. D'ailleurs, l'avenant voté voilà quelques jours par le conseil d'administration de la CNAF et prévoyant un abondement de 22 millions d'euros en 2007 ainsi que la même somme en 2008 pour la création de 4 000 places de crèches sur ces deux années est la preuve de budgets trop justes.
Alors que la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 prévoit que la branche famille affectera 30 millions d'euros en 2007 à ce fonds, rien n'a été prévu dans la loi de finances pour 2007 concernant la participation de l'État. (M. Guy Fischer s'exclame.) Monsieur le ministre, pouvez-vous nous éclairer sur ce point ?
M. Philippe Nogrix. Il n'y a plus de sous !
Mme Claire-Lise Campion. Toujours dans le domaine des moyens, j'évoquais à l'instant les visites médicales obligatoires à l'âge de neuf ans et de quinze ans.
Si une amélioration de la surveillance médicale est un point positif, comment envisagez-vous concrètement la mise en place de ces bilans, monsieur le ministre ? L'Assemblée nationale a prévu leur montée en charge progressive sur six années. Cela me semble insuffisant quand on sait qu'actuellement la seule et unique visite prévue en classe de sixième n'est assurée que pour les trois quarts des enfants !
M. Guy Fischer. C'est vrai !
Mme Claire-Lise Campion. En première lecture, je m'inquiétais déjà des difficultés à recruter dans certaines professions. La pénurie d'infirmières scolaires et de médecins scolaires est une réalité et jette le doute quant à la faisabilité de tels bilans si aucune mesure supplémentaire n'est prise.
Le Sénat avait adopté à l'article 2 un amendement du groupe socialiste qui limitait la compétence des conseils généraux dans le domaine de la protection de l'enfance aux jeunes majeurs de moins de vingt et un ans ayant fait précédemment l'objet d'un suivi au titre de l'aide sociale à l'enfance. L'Assemblée nationale a modifié le texte en étendant la compétence des conseils généraux aux jeunes majeurs de moins de vingt et un ans sans distinction.
Je comprends l'intention de nos collègues députés de légaliser une pratique parfois courante. J'entends également que le texte portant réforme de la protection juridique des majeurs, qui est actuellement en discussion, met en place un nouveau dispositif spécifiquement réservé aux personnes en situation de vulnérabilité sociale et répondra à la situation de ces derniers. Le conseil général sera d'ailleurs en charge de ce nouveau dispositif, qui ne sera mis en oeuvre qu'en 2009.
Mais jusqu'à cette date, et si l'article ainsi modifié est adopté par l'Assemblée nationale, la compétence des conseils généraux sera étendue aux jeunes majeurs avec toutes les conséquences que cela induit, notamment pour certains départements urbains. Il s'agit là encore d'un véritable transfert de compétences sans bien entendu qu'aucune compensation financière de l'État ait été prévue.
Mes chers collègues, le groupe socialiste vous présentera différents amendements de précision. Nous reviendrons notamment sur la modification apportée par l'Assemblée nationale à l'article 5 concernant la transmission des informations au président du conseil général. La transmission « sans délai » signifiant « immédiatement », elle nous paraît donc contre-productive.
L'Assemblée nationale a étendu les possibilités de saisine du Défenseur des enfants à la demande de celui-ci. Je profiterai de cette occasion pour défendre un amendement complémentaire instituant la saisine pour avis de cette institution par le Gouvernement sur tous les textes ayant trait aux droits de l'enfant ainsi qu'un autre reprenant ma proposition de loi visant à la création d'une délégation parlementaire aux droits des enfants au sein de chaque assemblée.
Pour conclure, je dirais que ce projet de loi a permis de dégager un consensus relatif sur la nécessité d'agir et les mesures à prendre.
Toutefois, cette réforme ne peut se suffire à elle-même et n'est qu'une première étape. Tout en apportant une sécurité juridique à des pratiques qui existent déjà, elle demeure en effet insuffisante si l'on veut, d'une part, modifier les comportements et, d'autre part, envisager de nouveaux moyens d'action.
Nous devrons donc revenir sur la pénurie de pédopsychiatres hospitaliers, sur la formation continue des travailleurs sociaux, sur la réintroduction des schémas conjoints dans le domaine de la protection de l'enfance.
Plus généralement - j'ai déjà eu l'occasion de le dire lors de la première lecture -, la protection de l'enfance doit être associée à une véritable promotion de la famille par la garantie des droits fondamentaux dans des domaines très concrets tels que l'emploi, le logement, l'éducation, la formation et la santé.
Elle exige également une mobilisation de l'ensemble des partenaires et non de la seule PMI, sauf à dire que la prévention spécialisée n'existe pas ou qu'il n'y a pas d'autre prévention que la prévention précoce. L'État est non seulement garant de la cohérence du dispositif et du respect des engagements internationaux de la France, mais il contribue également lui-même à la protection de l'enfant grâce à son action dans les domaines de la justice, de la santé et de l'éducation.
Le Gouvernement semble s'en rendre compte seulement maintenant et fait voter dans l'urgence des textes sur le logement ou les tutelles, qui ne trompent personne.
Mme Claire-Lise Campion. Le débat doit se poursuivre. Ce n'en sont ici que les prémices, et seule une loi d'orientation sur l'enfance sera en mesure de répondre à ce défi.
Cette nécessité de mettre en place une loi-cadre a déjà été avancée tant par « l'Appel des 100 pour le renouveau de la protection de l'enfance » qu'à Créteil, le 26 janvier 2006, par un certain nombre de conseils généraux de l'Île-de-France, dont celui de mon département, qui ont réaffirmé les principes fondamentaux de la protection de l'enfance, en particulier le primat de l'éducatif, le rôle des parents et l'intérêt de l'enfant.
Nous attendons cette grande loi-cadre. Dans ces conditions, nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette réforme de la protection de l'enfance, que nous avions examinée en première lecture voilà sept mois, est pour le moins attendue. En effet, aucune mesure d'envergure de politique publique n'a été envisagée depuis la loi de 1989.
Il était nécessaire de clarifier le dispositif existant et les compétences de chacun en vue d'une plus grande efficacité du système. Les acteurs appelaient à un décloisonnement, à une véritable mise en réseau des intervenants et des informations recueillies. Le défaut de coordination déploré sur le terrain trouve dans votre projet de loi, monsieur le ministre, une réponse intéressante.
Ce texte apporte en effet des solutions aux principales failles du dispositif actuel en matière de protection de l'enfance.
Tout d'abord, il améliore la procédure de signalement des enfants en danger, à laquelle, vous le savez, je suis très attaché.
La création d'une cellule opérationnelle clairement identifiée au sein de chaque département, couplée avec la levée partielle du secret professionnel pour les professionnels de la protection de l'enfance, devrait permettre de renforcer les synergies entre les équipes et de repérer plus facilement les enfants en danger.
Je peux témoigner devant vous, mes chers collègues, du fait que les travaux ayant permis d'élaborer ce nouveau texte de référence ont été engagés par M. le ministre, qui a fait preuve d'une grande ouverture à l'égard des acteurs connaissant bien ce sujet.
Monsieur le ministre, je préfère votre approche à celle de « l'Appel des 100 pour le renouveau de la protection de l'enfance », mais je dois constater que la diversité des réactions fait avancer les choses.
Le projet de loi instaure pour la première fois une politique de prévention systématique par les services de la PMI, et ce dès la grossesse. Ces services pourront également intervenir pendant une période particulièrement sensible pour les nouveaux parents lors du retour à la maison avec le nourrisson.
Le projet de loi prévoit également à bon escient un bilan approfondi obligatoire pour les enfants âgés de trois à quatre ans, soit au moment de l'entrée en école maternelle. Les députés ont renforcé cette démarche de prévention en instaurant deux visites médicales complémentaires pour les enfants âgés de neuf ans et de quinze ans, ce qui permettra un suivi triennal et renforcera le bon état sanitaire de notre pays par des interventions en amont des dérèglements. C'est de la bonne prévention, et le financement de ces examens sera la preuve de la volonté du Gouvernement.
Enfin, le projet de loi permet de diversifier les modes de prise en charge et régularise ainsi des expérimentations qui ont été mises en place par de nombreux départements. Je ne reviendrai pas sur les différents types d'accueil proposés par ce texte. Dans le domaine de la protection de l'enfance, il est nécessaire de pouvoir s'adapter, et il est même indispensable de le faire : chaque cas est spécifique, et plus l'éventail des modes de prise en charge sera large, plus il sera facile de pouvoir apporter une réponse ciblée et adaptée à chaque enfant.
Je suis également très favorable à la création d'une mesure administrative d'accompagnement en économie sociale et familiale pour permettre une prise en charge précoce des familles qui connaissent des difficultés dans la gestion de leur budget, difficultés dont les conséquences peuvent être dommageables à terme pour l'enfant.
En outre, la compensation financière pour les départements, votée par le Sénat et confirmée par l'Assemblée nationale, permettant de financer les extensions de leurs compétences, notamment les nouvelles missions de prévention sociale confiées aux services des PMI, est indispensable si l'on veut que ce texte puisse être rapidement appliqué.
En effet, l'aide sociale à l'enfance représente le premier poste du budget des départements, dépassant les 5 milliards d'euros en 2004.
Dans le contexte financier difficile que connaissent les départements, avec l'explosion des dépenses de RMI et la montée en charge rapide de la nouvelle prestation de compensation du handicap, il est, monsieur le ministre, absolument nécessaire de prévoir un accompagnement financier adéquat si l'on veut que cette réforme ait de la consistance et donne lieu à un dispositif unifié sur l'ensemble du territoire.
En effet, pour certains départements, ce projet de loi n'aura pas d'incidence financière particulière, car le dispositif que nous allons voter aujourd'hui est déjà en place, à quelques détails près. Pour d'autres départements, hélas ! beaucoup plus nombreux, ce texte ne fera qu'accroître leurs charges.
Or les enfants en danger ne peuvent attendre. Il est donc impératif de permettre à tous les départements de mettre rapidement en place ces nouvelles mesures. Le Gouvernement a estimé le coût de la mise en oeuvre de cette réforme à 150 millions d'euros, au terme de sa montée en charge prévue sur trois ans, dont 115 millions d'euros à la charge des départements.
Nos collègues députés ont largement précisé le dispositif du Fonds national de financement de la protection de l'enfance en prévoyant que les crédits du fonds seront répartis en fonction de critères nationaux et en fixant à 30 millions d'euros la participation de la CNAF au financement du fonds pour 2007.
Je regrette que l'on impose à la branche famille une nouvelle dépense qui n'a qu'un lien très ténu avec ses compétences.
Toutefois, cette solution permet de mettre rapidement les fonds à disposition des conseils généraux. On peut toujours promettre la lune, on sait très bien que sans financement, ce n'est que de la poudre aux yeux !
M. Nicolas About, rapporteur. C'est vrai !
M. Philippe Nogrix. Il était nécessaire, même si c'est douloureux pour nous, que la CNAF participe puisqu'il en va du bien des familles et des enfants.
Si les députés ont globalement conforté les avancées proposées par le Sénat en première lecture, ils ont également suivi, pour compléter ce projet de loi, les conclusions de la mission d'information sur la famille et les droits des enfants ainsi que celles de la commission d'enquête sur l'influence des mouvements à caractère sectaire sur la santé physique et mentale des mineurs.
Les députés ont ainsi instauré la possibilité pour les femmes enceintes de reporter après l'accouchement une partie de leur congé de maternité. C'est une disposition de bon sens dans la mesure où elle est clairement encadrée et où elle ne pourra conduire à des comportements abusifs de la part des employeurs.
En effet, quand leur grossesse se déroule bien, les futures mères peuvent désirer disposer de plus de souplesse dans la gestion de leur congé de maternité afin de pouvoir passer plus de temps avec leur bébé en faisant débuter leur congé plus tard.
Elles pourront ainsi reporter jusqu'à trois semaines de congé prénatal après la naissance de leur enfant, ce qui me semble être une disposition excellente ; chacun sait que les premières semaines de l'enfant dans sa famille sont très importantes pour son développement.
Mais, surtout, les députés ont instauré deux nouveaux titres visant expressément à lutter contre les mouvements sectaires.
En effet, il est indispensable de tenter de préserver par tous les moyens possibles les enfants dont les parents appartiennent à une secte en leur permettant de suivre une scolarité classique et non pas à domicile, une scolarité qui les ouvre sur le monde extérieur et qui leur donne la socialisation dont ils auront besoin par la suite.
Nous savons tous combien l'instruction à domicile et l'enseignement à distance peuvent être instrumentalisés par les adeptes de ces mouvements, qui coupent ainsi leurs enfants du monde extérieur.
C'est pourquoi les députés ont limité à deux le nombre de familles autorisées à donner en commun une instruction à domicile à leurs enfants. Je partage cette préoccupation.
Toutefois, comme le souligne dans son excellent rapport M. Lardeux, « le seuil de deux familles, plus laxiste que celui fixé par la jurisprudence depuis plus d'un siècle, » pourrait donner aux sectes un signal inverse de celui que l'on voulait donner et être interprété comme une preuve de plus grand laxisme.
En conséquence, le groupe UC-UDF soutiendra avec conviction la position de la commission des affaires sociales.
Les députés ont également prévu de renforcer les sanctions pénales applicables aux infractions les plus souvent reprochées aux mouvements sectaires, comme l'absence de déclaration de naissance ou le refus de vaccination des enfants. Ces faits deviennent des délits et sont punis de six mois d'emprisonnement et de 3 750 euros d'amende, ce qui n'est pas négligeable !
Certes, le refus de vaccination peut se justifier en cas de contre-indication thérapeutique ; mais la définition d'un délit pour ce refus a le mérite de permettre de repérer et de sanctionner les mouvements sectaires, dont nous savons aujourd'hui quel mal ils font à notre jeunesse !
Enfin, j'insisterai de nouveau sur un problème essentiel que j'avais évoqué en première lecture : la formation.
En effet, le succès de la réforme dépend - vous l'avez bien expliqué, monsieur le ministre - de la capacité des professionnels à détecter, à analyser et à rendre compte des situations à risque. L'élargissement de la cible de la formation opéré par le projet de loi va évidemment dans le bon sens.
Or, on le sait, les services de la PMI connaissent des difficultés de recrutement, notamment en ce qui concerne les médecins. Il importe d'imaginer des solutions adaptées.
De même, il faut entamer immédiatement une concertation avec les régions, chargées de la formation professionnelle, pour que les places offertes, notamment en école d'infirmières, répondent aux besoins, qui restent énormes en la matière.
La question se pose également pour les conseillers en économie sociale et familiale, dont le nombre semble avoir été sous-évalué par le Gouvernement, et qui sont pourtant l'une des clés de la réussite des nouvelles interventions prévues dans ce projet de loi.
Pour conclure, au nom du groupe UC-UDF, je vous dirai, monsieur le ministre, notre satisfaction d'avoir à nous prononcer sur le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui et que nous attendions pour le mieux-être des enfants et de leur famille. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE)
Mme la présidente. La parole est à Mme Joëlle Garriaud-Maylam.
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Si j'ai souhaité m'exprimer en deuxième lecture du projet de loi réformant la protection de l'enfance, dès la discussion générale, c'est pour sensibiliser la représentation nationale et vous-même, monsieur le ministre, aux situations de détresse d'enfants français à l'étranger.
Elles sont réelles, elles sont souvent d'ailleurs aggravées par l'éloignement et elles correspondent aux mêmes motifs que ceux que nous connaissons en France : précarité, difficultés familiales, violence, parents isolés.
Or, du fait même de la vision très partielle, partiale et souvent déformée que les Français ont fréquemment de la situation de leurs compatriotes établis à l'étranger, ces problématiques sont ignorées.
Il me semble que, dans le cadre d'une discussion sur la protection de l'enfance, il était indispensable d'évoquer ces difficultés.
C'est tellement vrai que le ministère des affaires étrangères, en charge de la protection de nos ressortissants à l'étranger, a signé le 12 février 2004 un protocole de partenariat avec le Défenseur des enfants.
Ce protocole vise à préciser les modalités de coopération entre les deux institutions pour améliorer l'assistance aux enfants français en situation de détresse à l'étranger et indique qu'« au titre de l'assistance aux Français à l'étranger, les autorités consulaires françaises facilitent, en relation avec les autorités compétentes, y compris locales - c'est-à-dire celles du pays d'accueil - la meilleure prise en charge de ces enfants ». Le protocole continue pour justifier cette coopération indispensable.
Notons bien, monsieur le ministre, que, aux termes de ce protocole, nos autorités consulaires sont effectivement compétentes pour traiter des situations de détresse des enfants français à l'étranger, contrairement à ce qui a été avancé, notamment par l'Assemblée nationale, pour repousser les dispositions contenues dans l'amendement en leur faveur que j'avais déposé avec l'ensemble de mes collègues sénateurs UMP des Français de l'étranger.
En 2005, dans un compte rendu de la Commission permanente pour la protection sociale des Français de l'étranger, la direction des Français à l'étranger du ministère des affaires étrangères précisait que, pour améliorer notre dispositif d'aide social, il convenait de prendre davantage en considération la situation des enfants en détresse et elle autorisait les postes consulaires à leur accorder, à titre expérimental, des secours mensuels spécifiques en fonction de leurs besoins - soutien psychologique, médical, alimentaire, scolaire.
J'ajoute à titre d'information que, en 2005, 60 000 euros avaient été provisionnés pour la première fois alors que, de l'avis même du ministère, 90 000 euros auraient été nécessaires !
M. Guy Fischer. Et voilà !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Par ailleurs, 538 aides ponctuelles ont été ajoutées, soit 80 000 euros supplémentaires.
En 2006, les secours mensuels spécifiques sont passés à 214 000 euros pour 148 enfants, et les aides ponctuelles représentent un budget total d'actions sociales avoisinant les 15 millions d'euros.
Dans cette optique, les postes consulaires devraient pouvoir assurer le suivi et dresser un bilan en fin d'exercice, en demandant, si nécessaire, le concours des consuls honoraires et des sociétés de bienfaisance dans le ressort de la circonscription.
Pour compléter la description de ce dispositif, j'ajoute que les comités consulaires pour la protection et l'action sociale, les CCPAS, composés d'élus à l'Assemblée des Français de l'étranger et de représentants d'associations représentatives, ont à connaître des situations de détresse de nos ressortissants.
Les CCPAS proposent la répartition des crédits d'aide sociale, gérés par le ministère des affaires étrangères, qui bénéficient aux Français en difficulté.
Si les aides versées sont en général ponctuelles, les allocations aux enfants et aux adultes handicapés sont en principe permanentes, tout comme l'allocation de solidarité pour les retraités.
Cette aide sociale apportée par l'État français vient en complément, et en complément seulement, des aides éventuelles des pays d'accueil. Elle ne se substitue pas aux États de résidence et ne porte certainement pas atteinte à leur souveraineté.
La France, depuis longtemps déjà, tient à faire bénéficier nos concitoyens qui en ont le plus besoin, hors de ses frontières, du modèle social construit au fil des années. Cette politique, bien entendu, doit évoluer en fonction des situations et du contexte mondial.
Dans son dernier rapport, le Défenseur des enfants indique que 11 % des dossiers qui lui ont été soumis l'année dernière concernent des enfants vivant à l'étranger. Ce chiffre est en augmentation constante. Il s'agit d'enfants français ou binationaux en situation de détresse : orphelins, enfants de la rue, enfants victimes d'abus sexuel, voire prostitués.
M. Guy Fischer. Eh oui, ça existe !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Je citerai l'exemple d'une jeune mineure franco-malgache, prostituée par sa mère et qu'il a fallu rapatrier à l'île de la Réunion pour la soustraire à cet enfer, ou celui de mineures que leurs parents voulaient marier de force à l'étranger.
M. Guy Fischer. Eh oui !
Mme Joëlle Garriaud-Maylam. Cette contrainte est heureusement proscrite dans le droit français depuis la réforme du code civil à l'occasion de laquelle l'âge légal du mariage pour la femme a été relevé de quinze ans à dix-huit ans et le dispositif pénal contre les mariages forcés raffermi.
Comment ne pas évoquer le cas de ces enfants binationaux résidant à l'étranger avec un de leurs parents et privés de tout accès au deuxième parent à la suite d'une rupture et d'un enlèvement ? La Convention de La Haye de 1980 n'arrive toujours pas à leur garantir un simple droit de visite, d'échange oral ou épistolaire.
Devant les situations que je viens d'évoquer brièvement, il m'est apparu tout à fait évident que les institutions françaises compétentes à l'étranger devaient être associées au dispositif proposé par le projet de loi réformant la protection de l'enfance afin de mieux protéger nos jeunes compatriotes des situations de détresse
Nombre de pays, en effet, n'ont pas de politique de prévention ou de protection des enfants, soit parce qu'ils n'en ont pas les moyens, soit parce qu'ils n'en ont pas la volonté.
Bien que parfaitement consciente du fait que la transposition du droit français n'est pas possible à l'étranger, j'estime de notre devoir de faire bénéficier la communauté française de l'extérieur d'une protection adaptée aux risques auxquels elle est soumise.
C'est pourquoi, en première lecture, j'ai déposé à l'article 8 un amendement, adopté grâce à la sagesse de notre assemblée, visant à instituer pour les Français établis hors de France l'obligation faite aux agents consulaires en liaison avec les CCPAS d'établir un rapport annuel à l'Observatoire national de l'enfance en danger, de la même façon qu'il est exigé des observatoires départementaux.
Il s'agit, par cette disposition, de sensibiliser les acteurs de terrain à l'étranger et de permettre une meilleure approche du problème des enfants en détresse, tant du point de vue quantitatif que du point de vue qualitatif. Nous ne disposons pas des données suffisantes en la matière et, même s'il n'est pas question d'obtenir à l'étranger un inventaire exhaustif, il est de notre devoir de mettre en place les moyens d'une meilleure connaissance des difficultés.
Les députés ont supprimé cette disposition, arguant du fait que « la protection de l'enfance relevait des autorités du territoire où l'enfant se trouve, quelle que soit sa nationalité » et que les « autorités consulaires risquaient d'être assez démunies face à cette demande ». Il a même été affirmé que les services consulaires n'avaient juridiquement et diplomatiquement pas compétence pour enquêter sur la politique de protection de l'enfance dans les pays souverains. Je crois que les textes que j'ai cités en provenance du ministère des affaires étrangères prouvent, bien évidemment, le contraire.
Certes, les consulats ont peu de moyens, nous le savons tous ici, mais ce n'est certainement pas une information sur les cas d'enfants en difficulté qui viendrait considérablement alourdir leur charge de travail. Je peux vous dire en tout cas que j'ai toujours reçu un accueil extrêmement positif lorsque j'ai mentionné cette proposition à l'occasion de mes déplacements ou de mes échanges avec les autorités diplomatiques et consulaires.
Il ne s'agit absolument pas de s'immiscer dans les affaires d'un État souverain. Il s'agit par contre de sensibiliser nos consulats à cette question importante, afin qu'en cas de difficultés ils puissent assister les autorités du pays d'accueil, voire coopérer avec elles pour trouver les solutions les plus appropriées.
Il s'agit enfin de faire en sorte que nos petits nationaux ne soient pas les grands oubliés des dispositifs mis en place par l'État français.
Je constate qu'il est souvent difficile de faire connaître la situation spécifique des Français à l'étranger. Peut-être d'ailleurs les ministères des affaires sociales et des affaires étrangères devraient-ils se concerter un peu plus. En tout cas, les sénateurs représentant les Français établis hors de France sont là pour faire progresser les choses.
J'espère avoir démontré que nous avons à l'étranger un outil, les consulats, et en leur sein, avec le réseau des élus à l'Assemblée des Français de l'étranger, les comités consulaires pour la protection et l'action sociale, les CCPAS, où sont représentées également les associations d'entraide et de bienfaisance.
Il serait intolérable que les enfants restent les grands oubliés des actions pour la protection sociale à l'étranger. Plus encore que tous les adultes - qu'ils soient handicapés, malades, sans ressources - que nous aidons déjà par des aides sociales ponctuelles ou régulières après décision collégiale des CCPAS, ils ont besoin d'aide et de protection.
J'ai donc déposé de nouveau mon amendement à l'article 8, en espérant que ma brève intervention aura permis de mieux appréhender la situation et les besoins de nos compatriotes à l'étranger. Je vous remercie, monsieur le ministre, de l'avoir écoutée. Bien entendu, il ne s'agit pas de demander un rapport exhaustif, scientifique et chiffré de façon indiscutable.
J'aurais, bien sûr, souhaité que soient prises d'autres mesures. J'aurais souhaité par exemple que soit élaboré un guide des bonnes pratiques en ce domaine à l'étranger, dans le prolongement du travail que vous avez vous-même commencé, monsieur le ministre, et dont je vous félicite. Mais j'ai voulu rester modeste dans mes revendications, dans nos revendications, pour les Français de l'étranger.
Je vous félicite en tout cas, monsieur le ministre, pour ce projet de loi dont je partage l'esprit, les orientations et dont je soutiendrai les dispositions.
Il s'agit essentiellement de faire en sorte que les problèmes rencontrés par nos enfants français à l'étranger soient, eux aussi, pris en compte par le législateur, conformément à ce qui est notre devoir, à nous sénateurs des Français de l'étranger.
C'est à cette fin et parce que j'approuve totalement ce texte que je souhaite que nos enfants français à l'étranger n'en soient pas écartés. C'est une question de cohérence et de logique dans l'esprit de solidarité nationale qui doit sans cesse nous animer. C'est aussi une exigence morale face à ces enfants sans voix et pratiquement sans défense, loin de notre territoire.
J'espère, monsieur le ministre, que vous aurez su m'écouter et m'entendre ; je vous en remercie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, je sollicite une brève suspension de séance afin de permettre à la commission de se réunir.
Mme la présidente. Le Sénat va, bien sûr, accéder à cette demande.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.