Article 8
A. - L'article 199 sexdecies du code général des impôts est ainsi modifié :
I. - Le 1 est ainsi modifié :
1° Au a, les mots : « ou le recours à une association ou à une entreprise agréée par l'État » sont supprimés ;
2° Le b devient un c ;
3° Il est inséré un b ainsi rédigé :
« b) Le recours à une association, une entreprise ou un organisme, ayant reçu un agrément délivré par l'État et qui rend des services mentionnés au a ; ».
II. - Le premier alinéa du 4 est ainsi modifié :
1° Les mots : « aux 4° et 5° de » sont remplacés par le mot : « à » ;
2° Les mots : « pour l'emploi d'un salarié à leur résidence » sont remplacés par les mots : « à leur résidence au titre de l'emploi d'un salarié ou en cas de recours à une association, une entreprise ou un organisme, mentionné au b ou au c du 1° ».
III. - Le b du 5 est remplacé par les dispositions suivantes :
« b) Les personnes mentionnées au 4 qui n'ont pas utilisé pour ces dépenses un chèque emploi-service universel prévu à l'article L. 129-5 du code du travail ou qui ont supporté ces dépenses à la résidence d'un ascendant. »
B. - Le présent article est applicable à compter de l'imposition des revenus de l'année 2007.
Mme la présidente. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Proposer un crédit d'impôt pour l'emploi d'un salarié à domicile destiné aux ménages qui ne sont pas imposables et étendre le champ d'application de cette mesure permet de rétablir une certaine équité.
En effet, les besoins sont souvent les mêmes, que l'on ait ou non des revenus suffisants pour payer l'impôt sur le revenu, lorsqu'il s'agit non seulement de la garde d'un jeune enfant, bien sûr, ou du soutien scolaire, mais aussi du maintien à domicile des personnes âgées, de l'aide à apporter à une personne handicapée ou encore de tout autre service à la personne.
Pour faire face à de telles situations, le fait que certains bénéficient d'abattements sur l'impôt sur le revenu alors que les plus modestes sont exclus de ce type de service faute de soutien de l'État était une injustice aussi symbolique que réelle. L'article 8 visant à améliorer la situation et à remédier à cette injustice, nous le voterons, bien sûr, d'autant que, lors de l'examen du projet de loi de finances, nous avions déposé un amendement qui, précisément, prévoyait la création d'un crédit d'impôt, mais qui avait été rejeté. Le temps a fait son oeuvre et vous voilà rendu à nos arguments ; tant mieux !
Toutefois, l'article 8 vise à accorder ce crédit d'impôt aux seuls paiements effectués via le chèque emploi-service universel, CESU. De notre point de vue, cette limite est tout à fait discutable. Un certain nombre d'amendements rectificatifs ont été déposés, notamment par le Gouvernement. Ces dispositions vont dans le bon sens.
Pour autant, nous ne sommes pas dupes ! La période électorale vous pousse à redorer votre blason en matière de politique sociale. Ainsi, vous faites quelques aumônes en fin de législature, mais le vrai bilan de ce Gouvernement est quand même la multiplication du nombre de travailleurs pauvres et la précarisation des contrats de travail.
Aujourd'hui, la précarité devient le lot commun. Or le secteur des services à la personne est particulièrement sensible à cette évolution. Faiblement qualifié, à temps très partiel, soumis à des horaires fractionnés, ce type d'emploi pose le problème du statut et des conditions de travail des personnes concernées. Ce ne sont pas des mesures fiscales qui apporteront des réponses à cet état de fait.
Si cet article relatif au crédit d'impôt constitue une avancée, il n'en reste pas moins anecdotique compte tenu de l'ampleur des problèmes et il est - hélas ! - révélateur de vos méthodes. Vous améliorez quelques détails pour mieux vous exonérer des travaux de structure. Vous ajoutez un pot de géraniums aux fenêtres, mais la maison menace toujours ruine !
Aujourd'hui, en France, on peut avoir un travail et ne pas être en mesure de vivre décemment. Comme l'a rappelé Jean-Pierre Godefroy lors de la discussion générale, le défi consiste à faire en sorte que ces emplois ne gonflent pas les cohortes de travailleurs pauvres. Relever ce défi serait une bonne chose, mais je ne suis pas sûre que vous y parveniez !
Mme la présidente. L'amendement n° 15, présenté par M. Vera, Mme Demessine, MM. Muzeau, Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa du 3° du I du A de cet article et dans le 2° du II du même A, supprimer les mots :
, une entreprise ou un organisme,
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'article 8 de ce projet de loi a toutes les caractéristiques d'un article de pure opportunité. Il nous est présenté comme la réparation d'un oubli de ce qui constituerait une formidable avancée : la transformation de la réduction d'impôt pour emploi de services à domicile en crédit d'impôt éventuellement remboursable. Bien entendu, les plus intéressés par ce crédit d'impôt sont ceux qui sont au plafond pour la réduction d'impôt actuelle !
La moyenne actuelle des dépenses prises en compte pour la réduction d'impôt est de 2 350 euros par article. Dans l'absolu, le crédit d'impôt correspondant serait donc de 1 175 euros par contribuable, ce qui signifie, au mieux, que chaque contribuable percevra une remise de 1 175 euros sous forme de crédit remboursable. Mais encore faut-il avoir réalisé la dépense correspondante, qui représente tout de même - devons-nous le souligner ? - près de 15 % du revenu net fiscal moyen dans notre pays...
Décidément, parce que le crédit d'impôt sera étroitement dépendant du niveau de dépenses exposées, la faculté de le rembourser n'aura de sens que pour ceux qui ont beaucoup à faire valoir à ce titre.
Les 7 500 euros de crédit remboursable, qui concernent-ils, sinon les contribuables devant s'acquitter de cette somme auprès du trésor public, c'est-à-dire disposant de revenus fiscaux proches des 80 000 euros annuels ? Nous avons cherché : il s'agit tout simplement d'un peu moins de 450 000 foyers fiscaux, c'est-à-dire 1 % des foyers déclarants ou peu s'en faut !
Mesure démagogique donc que cet article 8 qui, sous couvert de prendre en compte le cas des familles les plus modestes et confrontées aux difficultés quotidiennes, propose une disposition dont le plein effet ne vise toujours que les mêmes privilégiés !
Enfin, et ce n'est pas innocent, dans cet article 8 - ce qui explique notre amendement -, quel que soit le prestataire de service, c'est du pareil au même ! Votre article, monsieur le ministre, sous couvert de lutte contre le travail non déclaré, n'est rien d'autre qu'une individualisation des droits acquis par la collectivité, notamment en matière d'éducation. De ce qui procède normalement et naturellement des missions de l'éducation nationale, vous faites un service marchand destiné à être rémunéré comme tel et susceptible, à ce titre, d'être fiscalement pris en charge par la collectivité !
Cet article n'est pas que le bouclier fiscal du pauvre ; c'est un article que l'on pourrait qualifier d' » Acadomia » ou du nom de je ne sais quelle autre officine de cours privés à domicile, en rupture avec l'égalité de tous les enfants devant l'instruction.
C'est aussi pour ces raisons que nous demandons la suppression des mots : « une entreprise ou un organisme ».
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Le groupe CRC propose de supprimer l'aide fiscale prévue en matière de services à la personne lorsque ces services sont proposés par des entreprises ou des organismes.
Je précise que les entreprises ou les organismes concernés doivent être agréés ; cela signifie qu'il existe, en principe, une réelle garantie sur la qualité du service qui doit être rendu.
Par ailleurs, la catégorie « organismes » comprend notamment les centres communaux d'action sociale, qu'il serait très dommage et peu justifié d'exclure du champ des services permettant de bénéficier de l'aide fiscale.
Le plus souvent, ce sont les personnes ayant des faibles revenus qui font appel non pas directement à une personne, mais à des associations, à des organismes intermédiaires, pour délivrer le service à la personne.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame la présidente, je suis convaincu que M. Muzeau va retirer son amendement. Le voter reviendrait à n'autoriser l'aide à la personne non redevable de l'impôt sur le revenu que lorsque les services sont proposés par des particuliers, ce qui exclurait des organismes tels que les CCAS, par exemple. C'est absurde ! Cette aide directe à la personne doit être également applicable lorsqu'il s'agit d'organismes agréés.
Très sincèrement, je pense qu'il y a un problème de compréhension, monsieur Muzeau ; le processus doit être explicité. Si l'amendement n'était pas retiré, le Gouvernement émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Muzeau, l'amendement est-il maintenu ?
M. Roland Muzeau. C'est justement parce que j'ai l'impression d'avoir presque tout compris que je maintiens mon amendement ! Peut-être serai-je davantage convaincu par le débat, si tant est qu'il y en ait un, qui aura lieu à l'Assemblée nationale ?
En attendant, je crains fort qu'une partie importante de la motivation de cet article 8 soit, justement, de privilégier le caractère d'entreprise ; c'est l'exemple que je donnais. Je me trompe peut-être, je vous vois hocher la tête en signe de dénégation, monsieur le ministre.
Peut-être parviendrez-vous, dans la vraie vie, comme vous dites, à me convaincre. Pour l'instant, très franchement, vous n'avez pas fait assez d'efforts !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Madame la présidente, puisque notre collègue attend des clarifications des débats futurs, je peux d'ores et déjà lui en apporter une.
J'ai cité les centres communaux d'action sociale, CCAS, mais je peux aussi faire référence aux associations d'aide à domicile en milieu rural, ADMR, que tout le monde connaît et qui font partie des organismes en question.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 281, présenté par M. Seillier, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le 2° du II du A de cet article :
2° Les mots : « pour l'emploi d'un salarié à leur résidence » sont remplacés par les mots : « au titre de l'emploi, à leur résidence, d'un salarié ou en cas de recours à une association, une entreprise ou un organisme, mentionné au b ou au c du 1° »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Bernard Seillier, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de clarification rédactionnelle.
Mme la présidente. L'amendement n° 220, présenté par Mme Procaccia, est ainsi libellé :
I - Dans le 2° du II du A de cet article, après les mots :
à leur résidence
insérer les mots :
ou à celle d'un de leurs ascendants remplissant les conditions prévues au premier alinéa de l'article L. 232-2 du code de l'action sociale et des familles
II - À la fin du second alinéa du III du même A, supprimer les mots :
ou qui ont supporté ces dépenses à la résidence d'un ascendant
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Cet amendement a pour objet de prévoir qu'à l'instar de la réduction d'impôt le crédit d'impôt bénéficie au contribuable à raison des dépenses de services à la personne exposées au domicile de son ascendant qui ouvre droit à l'allocation personnalisée d'autonomie. À nos âges, nous avons tous un parent concerné. Cette idée me semble acceptable.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Cet amendement vise à étendre le bénéfice du crédit d'impôt aux dépenses de services à la personne exposées au domicile d'un ascendant ouvrant droit à l'allocation personnalisée d'autonomie.
Les textes en vigueur autorisent la prise en compte de ces dépenses pour la réduction d'impôt, mais non pour le crédit d'impôt. L'extension proposée n'est pas sans justification, mais elle aura un coût. C'est pourquoi la commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame Procaccia, accepteriez-vous de retirer l'amendement n° 220, afin que seul l'amendement n° 281 reste en discussion ?
Mme la présidente. Madame Procaccia, accédez-vous à la demande de M. le ministre ?
Mme Catherine Procaccia. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 220 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 281.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 218 rectifié est présenté par le Gouvernement.
L'amendement n° 221 est présenté par Mme Procaccia.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. - Compléter le II du A de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
...° Les mots : « et payées à l'aide du chèque emploi-service universel prévu à l'article L. 129-5 du même code » sont supprimés.
II - Dans le second alinéa du III du A, supprimer les mots :
qui n'ont pas utilisé pour ces dépenses un chèque emploi-service universel prévu à l'article L. 129-5 du code du travail ou
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° 218 rectifié.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour présenter l'amendement n° 221.
Mme Catherine Procaccia. M. le ministre ayant considéré qu'il était défendu, il en est de même pour moi !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. Avis favorable, madame la présidente.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 218 rectifié et 221.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
M. Roland Muzeau. Le groupe CRC s'abstient.
(L'article 8 est adopté.)
Article additionnel après l'article 8
Mme la présidente. L'amendement n° 122, présenté par Mme David, M. Muzeau, Mme Demessine, M. Ralite et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 165 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre 2006 de finances rectificative pour 2006 est abrogé.
La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Les sections internationales qui existent dans un certain nombre d'établissements scolaires depuis une quarantaine d'années et dont la généralisation à toutes les académies a été, je le rappelle, adoptée par le Parlement, sont financées pour partie par l'État et pour partie par le privé - gouvernements étrangers, entreprises, associations de parents d'élèves, notamment.
Cet amendement vise à pérenniser leur financement. En effet, si ce système de financement était menacé, le ministère de l'éducation nationale serait alors obligé de recruter des centaines de contractuels.
L'exigence de qualité de l'enseignement secondaire nécessite, de notre point de vue, que les garanties les plus significatives soient mises en avant pour développer les sections à vocation internationale de nos établissements.
Sous ce prétexte, la mise à disposition par convention avec des pays étrangers ou le recrutement et la rémunération par des associations ad hoc ont été favorisés dans les lycées à vocation internationale par un amendement devenu l'article 165 de la loi n° 2006-1771 du 30 décembre de finances rectificative pour 2006. Cette solution ne nous semble pas être - devons-nous le souligner ? - la meilleure solution au problème qui nous est posé.
En effet, si l'on peut, à la rigueur, admettre que des accords de coopération entre administrations éducatives, c'est-à-dire entre ministères de chaque pays investi de missions d'éducation nationale, trouvent leur traduction dans le cas qui nous préoccupe, il n'en est pas de même, loin de là, des recrutements d'intervenants ou de vacataires externes, pilotés en premier lieu par des associations ad hoc, car cela ouvre la voie à une remise en cause du principe de gratuité.
Le problème est que l'éducation nationale de notre pays n'a pas vraiment d'équivalent dans le monde, les compétences en la matière n'étant pas assurées de la même manière partout, notamment en Europe.
En fait, il s'agit d'une atteinte aux garanties statutaires des enseignants, qui pourraient ainsi être recrutés et rémunérés par des personnes privées. Or, qualité pédagogique des enseignements et précarité des conditions d'embauche - c'est bien de cela qu'il s'agit avec les recrutements de personnels enseignants extérieurs aux administrations - ne font pas nécessairement bon ménage.
Aussi, nous souhaitons, par cet amendement, abroger l'article 165 créé, bien opportunément, devons-nous le dire, lors de la loi de finances rectificative pour 2006, qui nie la réalité de la compétence acquise par le corps enseignant dans notre pays et qui crée les conditions d'une détérioration de la qualité du service rendu dans certains établissements scolaires à la réputation pourtant flatteuse.
En effet, la solution apportée par cet article n'a qu'un rapport fort éloigné avec les besoins qu'il est censé prendre en compte.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission, n'ayant pas saisi le lien de cet amendement avec le texte examiné, émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. La sagacité du Gouvernement ne lui a pas davantage permis de comprendre l'opportunité de cet amendement. (Sourires.)
Avis défavorable par conséquent.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 122.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 9
I. - Le dernier alinéa de l'article L. 262-9-1 du code de l'action sociale et des familles est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre ne bénéficient pas du revenu minimum d'insertion. »
II. - L'article L. 380-3 du code de la sécurité sociale est complété par un 6° ainsi rédigé :
« 6° Les ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre. »
III. - Le deuxième alinéa de l'article L. 512-1 du code de la sécurité sociale est complété par la phrase suivante : « Il ne s'applique pas également aux ressortissants des États membres de la Communauté européenne et des autres États parties à l'accord sur l'Espace économique européen entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par M. Muzeau, Mme Demessine, M. Ralite et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 95 rectifié est présenté par MM. Godefroy, Repentin et Desessard, Mmes Printz, Le Texier, San Vicente - Baudrin, Khiari, Demontès et Herviaux, MM. Madec, Caffet, Sueur, Guérini, Ries, Bockel, Collombat, Dauge, Lagauche, Raoul et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour présenter l'amendement n° 16.
M. Roland Muzeau. L'article 9 décide d'exclure du bénéfice du RMI, de la CMU et des prestations familiales les ressortissants de pays membres de l'Union européenne entrés en France pour y chercher un emploi et qui s'y maintiennent à ce titre.
Cette mesure intervient en application de la directive européenne 2004/38/CE du 29 avril 2004 relative aux droits des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des États membres. L'article 24 de cette directive prévoit la possibilité de déroger au principe de l'égalité de traitement entre les citoyens de l'Union européenne.
Il y est en effet prévu que le pays d'accueil membre de l'Union n'est pas obligé d'accorder à un ressortissant d'un autre État membre le droit à une prestation d'assistance sociale pendant les trois premiers mois de son séjour. Il en est de même pendant la période plus longue prévue à l'article 14 de la même directive, c'est-à-dire lorsque les citoyens de l'Union sont entrés sur le territoire du pays d'accueil pour y chercher un emploi. Dans ce dernier cas, les personnes concernées doivent être en mesure de faire la preuve qu'elles continuent à chercher un emploi et qu'elles ont des chances réelles d'être engagées.
Afin de « prévenir les abus » et, comme le précise encore une note gouvernementale, de rendre impossible pour les personnes de venir « s'installer en France dans le but de toucher les minima sociaux ou la CMU » et de bénéficier « dès l'installation en France simplement en s'inscrivant à l'ANPE », le présent article supprime le droit à l'obtention des trois types de prestations pour les ressortissants de pays membres de l'Union à la recherche d'un emploi.
C'est un bien étrange objet européen que l'on nous propose de mettre en oeuvre !
Si l'on en croit les auteurs de la directive, il y aurait trois catégories de ressortissants européens.
D'une part, les ressortissants des pays jouissant d'une appartenance ancienne à l'Union - autrement dit, les pays fondateurs et ceux dont l'adhésion est intervenue dans les années soixante-dix et au début des années quatre-vingt - qui pourraient, sans difficulté majeure, bénéficier des prestations de toutes natures versées en France.
D'autre part, les deux catégories de pays ayant adhéré plus ou moins récemment à l'Union européenne et qui, pour des raisons diverses, verraient leurs ressortissants privés du droit de bénéficier des prestations sociales.
Une telle démarche est tout bonnement sidérante !
Cette directive européenne, soutenue d'ailleurs par la plupart des députés européens français, à l'exception notable des parlementaires communistes, membres du groupe de la gauche unitaire européenne et des élus Verts, est une remise en question de l'un des principaux fondements de l'Union, la libre circulation des ressortissants des pays membres.
La directive et le présent article constituent tout bonnement une sorte d'« euroracisme » à l'encontre de populations dont on présume qu'elles risquent de profiter de manière « déraisonnable », pour reprendre les termes de la directive, des prestations sociales servies dans notre pays.
Or une telle démarche ne changera rien au problème. Cet article 9 fait donc franchement désordre.
Nous avions commencé par le droit au logement opposable, nous finissons avec une opposabilité à la mise en oeuvre des droits sociaux qui se fonde sur le fantasme, régulièrement entretenu, de la peur de l'étranger.
Il est vrai que, venant d'un Gouvernement qui, le lendemain même de l'annonce de ce projet de loi, envoyait plusieurs compagnies de CRS pour déloger un camp de Roms installé à la Plaine-Saint-Denis, il ne faut probablement s'étonner de rien ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Cette intervention a d'ailleurs motivé la saisine par certains élus locaux de la Plaine-Saint-Denis de la Commission nationale de déontologie de la sécurité, ce qui se justifiait d'autant plus que, au-delà du caractère éminemment précaire des conditions de vie des personnes concernées, un travail de suivi social et scolaire avait été engagé depuis un certain temps pour permettre aux familles roms de s'intégrer.
C'est en effet un camp de personnes sédentarisées, dont les enfants fréquentaient régulièrement les établissements scolaires du secteur, qui a été « visité » de manière quelque peu brutale par les forces de l'ordre !
Pour en revenir à l'article 9, en tout état de cause, les attendus fondamentaux de la construction européenne ne peuvent, à notre sens, être compatibles avec de telles dispositions discriminatoires, manifestement contraires à l'esprit comme à la lettre des traités européens, sauf à penser que cette construction européenne-là se couvre bel et bien des oripeaux de la générosité pour mieux faire accepter discriminations et inégalités entre ses propres citoyens.
Nous ne pouvons donc que refuser de voter cet article et proposer sa suppression.
Mme la présidente. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 95 rectifié.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, vous avez choisi pour la transposition de la directive du 29 avril 2004 la solution la plus restrictive, alors que vous vous en teniez jusqu'à présent à la condition de résidence de trois mois pour ouvrir la possibilité de demande d'allocation à un demandeur d'emploi originaire d'un autre État membre de l'Union européenne.
Cet article 9 traduit un durcissement de la position du Gouvernement sur la question de l'immigration.
Nous sommes bien ici dans le cadre de l'« immigration choisie », telle que la veut le candidat à la présidence de la République et ministre de l'intérieur, Nicolas Sarkozy.
Vous prenez prétexte de demandes de RMI présentées indûment par des résidents étrangers fortunés auprès de certains conseils généraux du sud-ouest pour viser en réalité de tout autres personnes.
En effet, ces cas demeurent marginaux et ont pu être résolus par les présidents de conseils généraux qui ont, à bon droit, supprimé le versement de la prestation.
Les populations visées par cet article sont, chacun en est parfaitement conscient, celles des nouveaux pays entrants dans l'Union européenne.
Le Gouvernement n'entend certes pas stopper toute immigration, puisque notre économie, dans certains secteurs, a besoin de main-d'oeuvre. Vous voulez donc permettre l'immigration, mais en sélectionnant des travailleurs immédiatement exploitables.
C'est un choix que nous ne pouvons pas cautionner, mais il recouvre de surcroît un autre enjeu. On a beaucoup glosé sur l'impréparation et la précipitation dans lesquelles a eu lieu l'élargissement à vingt-cinq. Il aurait sans doute fallu, tant sur le plan économique que sur le plan politique, et en particulier en matière d'harmonisation fiscale et sociale, une meilleure coordination.
Toutefois, nous savons aussi que, dans ces deux domaines, l'absence d'harmonisation fait les affaires de ceux qui tirent profit des bas salaires, des conditions de travail et de la faiblesse de la protection sociale qui perdurent ici et là.
Une question se pose alors : les populations réellement visées par ce texte, apparemment de portée générale, doivent-elles, sauf si certains intérêts économiques les réclament, demeurer là où elles se trouvent, en quelque sorte assignées à résidence ?
L'élargissement a eu lieu dans les conditions que l'on sait. Nous ne devons pas seulement en profiter, mais aussi l'assumer. Il n'existe pas plusieurs catégories de citoyens européens.
Ce que démontre le fait que vous présentiez cette disposition, c'est que l'Europe ne peut se passer d'un projet politique et social cohérent, respectueux des citoyens et auquel ceux-ci puissent adhérer. L'Europe ne se réduit pas à un réservoir de main-d'oeuvre et à une zone de libre-échange.
Pour l'ensemble de ces raisons nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bernard Seillier, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.
Elle considère en effet que le meilleur moyen d'instaurer un régime de protection sociale dans le cadre européen consiste à procéder progressivement. Vouloir aller trop vite, c'est-à-dire considérer que ce régime existe déjà et est accessible immédiatement, aboutirait exactement à l'inverse et détruirait les régimes de protection nationaux avant que soit mise en place une protection sociale au niveau européen. En partant d'une bonne intention, on provoquerait ainsi la ruine des régimes de protection sociale.
Je suis persuadé, et j'attire sur ce point l'attention des auteurs des amendements, que, dans la compétition qui existe entre le politique et l'économique, c'est à l'intérieur du cadre territorial que l'on peut garantir l'équilibre entre ces deux aspects. Le tout est donc d'élargir progressivement ce cadre pour préserver la compatibilité entre le politique et l'économique, et de procéder dans le même temps à une extension progressive des systèmes de protection. Pour ce faire, il est évident qu'il faut au minimum commencer par les protéger !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. L'avis du Gouvernement est bien sûr identique à celui de la commission.
Je crois vraiment que, si l'on ne veut pas assister à une course à la réduction des protections sociales dans chaque pays, en réponse à la liberté de mouvement totale des personnes, il ne faut pas créer un système aussi ouvert que vous le souhaitez.
Nous irions en effet vers le moins-disant social. Il faut, sous le regard attentif du Conseil d'État, conjuguer la capacité de circulation et l'exigence d'installation pendant un temps minimum pour accéder aux avantages sociaux de chaque pays, en l'occurrence ceux de la France.
Si nous faisons le contraire, nous provoquerons de véritables catastrophes, en particulier dans les territoires transfrontaliers. Les régimes sociaux de chaque pays seront revus à la baisse. Voilà pourquoi nous adaptons en ces termes la directive européenne, qui constitue à nos yeux un élément de protection élémentaire pour nos systèmes sociaux.
J'avoue avoir du mal à comprendre comment vous pouvez proposer une telle course à l'allocation. Ce sera à qui ira là où on peut toucher le plus : en France le RMI, en Belgique autre chose, et ainsi de suite. On aboutira ainsi forcément à une désescalade des prestations.
Je suis d'autant plus étonné que la question a été excellemment exposée par un certain nombre de conseillers généraux, indépendamment d'ailleurs de leur sensibilité politique puisque tous n'appartenaient pas à la majorité actuelle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.
M. Jean Desessard. Madame la présidente, je voudrais poser une question à M. le ministre.
En ce qui concerne la construction de l'Europe sociale, indispensable pour que nous allions vers un mieux-disant social dans chaque pays, où en sommes-nous de la discussion avec les autres pays européens au sujet de l'instauration d'un minimum d'insertion sociale dans toute l'Europe ?
Pouvez-vous nous faire part aujourd'hui de réponses positives ? Cela nous intéresse !
Mme la présidente. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. M. le ministre aurait dû compléter son intervention. Il nous dit en effet de prendre garde, que nous nous lançons dans la course au moins-disant social, alors que nous souhaitons évidemment l'inverse.
Vous auriez pu ajouter, monsieur le ministre, que cette « course » se fait à l'exemple de celle au mieux-disant fiscal, dans laquelle se sont lancés les supporters de Nicolas Sarkozy, qui s'en vont tous en Suisse, à Monaco, aux Bermudes ou je ne sais où !
Dans le système actuel, l'Europe fiscale, il faut le dire, est tout de même bien mal en point. De ce point de vue, on ne peut pas dire que les problèmes sont pour demain, car nous les connaissons dès aujourd'hui.
Je discutais tout à l'heure avec une délégation de salariés du Pas-de-Calais victimes des Leverage Buy Out, les LBO, dont il a été question la semaine dernière lors des questions au Gouvernement.
Ces salariés voient l'entreprise Samsonite se livrer à un tour de passe-passe consistant à arrêter de fabriquer des bagages pour se lancer dans les panneaux solaires. Cela risque de ne pas durer longtemps, mais entre-temps l'entreprise aura empoché un bon paquet d'argent.
Telle autre entreprise, spécialisée dans un autre domaine, procédera de même. Ce sera « kif-kif bourricot », comme on dit familièrement : elle s'installera dans un autre pays européen, toujours au nom du mieux-disant social, c'est-à-dire en l'espèce des salaires plus bas, une protection sociale quasiment inexistante ou tellement faible que s'instaure nécessairement une concurrence sauvage à l'intérieur de l'Europe.
Je crois donc que, tant sur le plan fiscal que sur le plan social, nous avons encore beaucoup de travail !
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 95 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)