PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà seulement huit mois, la configuration de cet hémicycle était similaire : les mêmes ministres étaient présents, pour évoquer, comme aujourd'hui, le problème du logement. Il avait même été question du droit au logement opposable, dont nous débattons aujourd'hui de façon assez expéditive, hélas ! vous en conviendrez !
M. Thierry Repentin. On peut s'étonner que ceux qui, l'année dernière, souhaitaient faire de la question du logement un « engagement national » n'aient pas défendu à cette occasion le droit au logement opposable. Or ils prétendent aujourd'hui régler cet important problème dans la précipitation, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela fait un an que nous réfléchissons !
M. Thierry Repentin. ...laissant ainsi le soin à la majorité qui sortira des urnes de donner vie à ce principe.
M. Thierry Repentin. Méfions-nous des attentes légitimes que de telles annonces pourraient susciter au sein de la population, car celles-ci seraient rapidement déçues si ces déclarations restaient lettre morte. Créer une telle attente parmi nos concitoyens sans donner de suites concrètes ne pourra que contribuer à aggraver la défiance à l'encontre des responsables politiques.
Je souhaite donc que nos débats, durant les prochaines soixante-douze heures, soient plus fructueux que les précédents et qu'ils concourent à faire du droit au logement opposable une perspective que j'oserai qualifier de « prochaine et réaliste ».
En effet, c'est l'accès de tous à un logement décent et indépendant qui est au coeur de l'engagement des sénatrices et des sénateurs de gauche, plus particulièrement dans les rangs socialistes.
M. Thierry Repentin. Ce combat historique de la gauche s'est traduit dès 1989 par l'inscription dans la loi du droit au logement en tant que droit fondamental.
Mais c'est la loi Besson du 31 mai 1990 qui franchit un pas décisif, en transformant le droit du logement en droit au logement. Parce que son objet est le logement des personnes les plus défavorisées, ce texte de 1990 fait du droit au logement son fondement. Son article 1er précise d'ailleurs que « garantir le droit au logement constitue un devoir de solidarité pour l'ensemble de la nation ». La décision du Conseil constitutionnel, en 1995, viendra conforter ce droit en le reconnaissant « objectif de valeur constitutionnelle ».
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument ! C'est ça qui importe !
M. Thierry Repentin. C'est à nouveau dans une loi adoptée sur l'initiative de l'union de la gauche plurielle en 1998, la loi d'orientation relative à la lutte contre les exclusions, que ce droit est réaffirmé comme un enjeu majeur des politiques publiques.
M. Jean-Louis Borloo, ministre (brandissant un graphique). C'est bizarre, plus vous faites adopter des textes, plus le nombre de logements sociaux diminue !
M. Thierry Repentin. C'est, enfin, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains adoptée en 2000, sous un gouvernement de gauche, qui témoignera d'un engagement sans précédent en faveur de l'effectivité de l'accès au logement, par le biais, notamment, de son article 55.
M. Jean-Louis Borloo, ministre (brandissant un graphique). Pourquoi le nombre de logements sociaux a-t-il baissé ?
M. Thierry Repentin. Voilà rapidement résumés presque vingt ans de législation relative au sujet qui nous occupe, presque vingt ans de textes audacieux voulus par la gauche et systématiquement déférés au Conseil constitutionnel par l'opposition d'alors, comme M. Braye s'en souvient certainement. Je constate aujourd'hui que la majorité sénatoriale va devoir se ranger derrière nos positions historiques, une fois n'est pas coutume !
M. Thierry Repentin. Je salue cette indéniable avancée, même si je regrette qu'elle soit encore bien timide. J'en veux pour preuve ce curieux glissement sémantique du « droit au logement opposable » au « droit opposable au logement ». (M. Jean-Louis Borloo s'exclame.) Le premier intitulé est celui qui a été retenu par toutes les associations et largement diffusé par les rapports annuels du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées depuis 2002. Il a été supplanté dans ce projet de loi par une innovation malheureuse : un droit, opposable au logement.
M. Thierry Repentin. Après l'émotion légitime suscitée par les Enfants de Don Quichotte concernant la situation des personnes sans abri, le présent projet de loi est présenté comme un tournant du droit et des politiques publiques en faveur de nos très nombreux concitoyens éprouvant des difficultés à se loger. Pourtant, j'ai le regret de le dire, il y a, pour l'instant, tromperie. Ce projet de loi n'apportera pas de réponse à la grave crise du logement à laquelle nous sommes confrontés et n'améliorera pas le quotidien des trois millions de personnes mal logées qui vivent dans notre pays.
M. Thierry Repentin. Je vais répondre à vos chiffres, monsieur le ministre ! À ce sujet, j'ai lu avec étonnement les propos que vous avez tenus la semaine dernière à l'Assemblée nationale, en réponse à une question de M. le député Pierre-André Périssol. Vous avez alors affirmé ceci : « Plus jamais notre pays ne doit, durant toute une décennie - s'agit-il de celle-ci ? -, construire deux fois moins de logements qu'il n'en a besoin. Tel est l'objectif de cette loi. »
Monsieur le ministre, parlons-nous bien du même texte ? En effet - vous le savez d'ailleurs en votre for intérieur -, ce projet de loi ne créera en vérité pas un seul logement supplémentaire, a fortiori pas un seul logement social supplémentaire, puisqu'il ne comporte aucune disposition visant à renforcer l'application de la loi dite SRU ou à augmenter l'effort public en faveur de la construction abordable. Ce dispositif, imaginé dans la précipitation et discuté en urgence, est en complet décalage avec l'ampleur des besoins.
Monsieur le ministre, vous avez exprimé votre colère, que je partage, au sujet du fonds du 1 % logement. Mais sans doute avez-vous été partiellement - je ne dis pas « partialement » - informé par vos conseillers sur ce sujet.
M. Thierry Repentin. En effet, de quoi s'agit-il exactement ? Lorsque M. Périssol était ministre, il avait mis en place le dispositif du prêt à taux zéro, le PTZ. Mais le premier ministre de l'époque, M. Juppé, lui avait demandé de se débrouiller pour trouver les fonds nécessaires. Vous pourrez vérifier cette information dans les archives du ministère : de 1997 à 1998, le PTZ a été financé, à hauteur de 7 milliards de francs, par les seules contributions du 1 % logement. Après le départ de M. Périssol, il a fallu trouver une sortie à ce dispositif.
M. Thierry Repentin. Par conséquent, plutôt que de la colère, je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous éprouviez de la reconnaissance à l'égard du ministre qui a résolu ce problème ! Ainsi, quand M. de Robien est devenu ministre du logement, il n'a pas eu à gérer cette difficulté, puisque, sous le gouvernement de Lionel Jospin, le fonds du 1 % logement avait retrouvé la plénitude de ses moyens.
M. Thierry Repentin. Telle est la réalité ! Mais sans doute ces informations ne vous avaient-elles pas été données !
M. Thierry Repentin. J'en reviens au projet de loi, qui distingue cinq catégories de demandeurs prioritaires pouvant saisir la commission de médiation sans condition de délai, dès le 1er décembre 2008 : il s'agit des personnes dépourvues de logement, expulsées sans relogement, hébergées, logées dans des locaux impropres à l'habitation ou insalubres, ou ayant des enfants mineurs et vivant dans un logement indécent ou suroccupé.
Pour répondre aux demandes considérées comme « urgentes » par la commission, l'État est appelé à mobiliser ses droits de réservation dans le parc social : c'est le « contingent préfectoral ». Bien entendu, il ne pourra effectivement le faire que dans le cadre des mutations, c'est-à-dire lorsqu'un logement se libère. Or les taux de rotation, dans le parc social, atteignent à l'heure actuelle des niveaux historiquement bas.
En d'autres termes, le hiatus sera immense entre le nombre de demandes que l'État devra honorer à la suite d'une décision de la commission ou du tribunal administratif et le nombre de logements dont il disposera pour loger ces personnes. À Paris, par exemple, le nombre des publics prioritaires concernés par ce texte est estimé à 35 000 ménages, pour quelque 1 000 attributions effectuées chaque année dans le cadre du contingent préfectoral. Par conséquent, 34 000 demandes resteront sans solution et seront susceptibles de donner lieu à une astreinte ! C'est l'équivalent de trente-quatre années d'attribution : est-ce bien réaliste ?
Au niveau national, selon la Fondation Abbé-Pierre, les critères de priorité établis par le projet de loi concerneront 7,9 millions de personnes. Certes, toutes n'ont pas déposé une demande de logement social, puisque le nombre de dossiers est estimé à 1,4 million environ. Néanmoins, ce sont près de 8 millions de personnes mal logées ou dont le logement est précaire qui attendent potentiellement du débat parlementaire des réponses à leurs difficultés. Près de 8 millions de personnes croient que l'un des aspects les plus précaires et les plus angoissants de leur quotidien disparaîtra grâce à l'adoption de l'opposabilité du droit au logement. Près de 8 millions de personnes, enfin, auront une bien piètre opinion des politiques lorsqu'elles s'apercevront de la mystification.
Prenons bien la mesure de la responsabilité qui est la nôtre, aujourd'hui, dans cet hémicycle. Si la loi instituant le droit opposable au logement ne revient qu'à changer l'ordre de la file d'attente, nous aurons raté le coche, en adoptant une déclaration d'intention, rien de plus.
À ce stade de mon propos, je voudrais dire un mot sur les astreintes prévues à l'article 3 du projet de loi, qui font l'objet d'un autre malentendu. Nos concitoyens ont bien compris que, s'ils obtiennent gain de cause devant le tribunal et si l'État n'est pas en mesure de leur attribuer un logement, ce dernier sera condamné à payer une sorte d'indemnité dénommée « astreinte ». Nos concitoyens imaginent, en toute logique, que cet argent leur sera versé,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !
M. Thierry Repentin. ... ce qui leur permettrait de se loger par eux-mêmes, notamment dans le parc privé. Pourtant, ils n'en toucheront pas un centime, puisque le montant des astreintes abondera un fonds d'aménagement urbain. Belle satisfaction !
Tel qu'il est actuellement rédigé, le projet de loi ne répondra donc pas aux besoins des Français les plus en difficulté, mais il suscitera des interrogations de la part des ménages qui attendent un logement social depuis longtemps, quelquefois depuis plusieurs années. Comme cela a été dit, il sera difficile d'expliquer à ces familles qui remplissent les conditions de ressources pour accéder à un logement social et qui, pour 40% d'entre elles, attendent depuis plus de trois ans cette attribution que la probabilité pour qu'elles en bénéficient diminue encore. Veillons à ne pas dresser les classes moyennes contre les ménages modestes, les ménages modestes contre les personnes en situation de précarité et les personnes en situation de précarité contre les personnes les plus démunies !
Le groupe socialiste n'aura de cesse de défendre, au sein et hors de cet hémicycle, le droit au logement opposable. Encore faut-il que ce dernier soit mis en oeuvre de manière effective et efficace !
Un retour à la définition du droit au logement s'impose à nous, mes chers collègues. La loi de 1990 prévoit que « toute personne ou famille éprouvant des difficultés particulières, en raison notamment de l'inadaptation de ses ressources ou de ses conditions d'existence, a droit à une aide de la collectivité [...] pour accéder à un logement décent et indépendant ou s'y maintenir ».
Dans ce texte, chaque mot est important. Il y est tout d'abord question d' « accéder à un logement ». Le droit au logement est donc bien distinct du droit à l'hébergement. Tous deux doivent être garantis, mais ils ne recouvrent pas les mêmes réalités et, surtout, ne doivent pas être assimilés. Il serait en effet absurde de proposer un hébergement en lieu et place d'un logement à une famille jusqu'alors installée dans un appartement suroccupé et menacée d'expulsion sans relogement ou à une personne sans abri qui travaille. J'ai bien entendu les propositions de M. Dominique Braye qui visent à nous faire adopter un texte instituant un droit à l'hébergement et non pas un droit au logement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut les deux ! On ne peut pas mettre immédiatement dans un logement certaines personnes ! Ce serait ridicule ! Il faut un parcours résidentiel !
M. Thierry Repentin. Au-delà des effets d'annonce qui laissent croire à nos concitoyens que le problème des personnes sans domicile fixe pourrait être définitivement résolu en moins de deux ans, l'effort public doit être accru afin de développer le nombre de places en centres d'hébergement d'urgence. Une loi de 1994 impose déjà, il est vrai, la réalisation d'une place d'hébergement par tranche de 1 000 habitants. Toutefois, cette obligation est loin d'être respectée par les acteurs qui en ont la charge.
À l'image du dispositif obligeant les communes déficitaires à proposer 20 % de logements sociaux, les parlementaires du groupe socialiste et apparentés ont déposé un amendement dont l'objet est d'assurer un plus grand respect de la loi de 1994, en mettant en place des sanctions adéquates contre les communes qui ne se conformeraient pas à cet objectif. En contrepartie, l'État devra s'engager à apporter les crédits nécessaires à la réalisation de ces logements.
C'est en distinguant clairement droit au logement et droit à l'hébergement, comme nous vous y inviterons, que l'on peut élaborer un droit au logement opposable universel. Telle est notre conception de l'opposabilité du droit au logement : un progrès pour tous, pas seulement pour les personnes les plus démunies, et un droit effectif, s'appuyant sur un large parc de logements disponibles.
Or, c'est là que le bât blesse. Le contingent préfectoral ne permettra pas de répondre à l'ampleur des besoins existants. J'irai même plus loin : il n'est pas souhaitable que le parc social réponde seul aux besoins de logement des publics prioritaires. En effet, mobiliser le seul parc HLM reviendra à accentuer encore la paupérisation des quartiers.
C'est pourquoi le parc privé conventionné devra contribuer à la mise en oeuvre du droit au logement opposable.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est la garantie des risques locatifs !
M. Thierry Repentin. Vous avez dit tout à l'heure que toute forme de responsabilité, publique ou privée, devait être mise en oeuvre. Nous vous tendons une perche !
Le groupe socialiste a déposé plusieurs amendements tendant à ce que les conventions passées entre un bailleur privé et l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat prévoient la possibilité pour le préfet de mobiliser le logement concerné en réponse à une injonction du juge.
De façon plus large, la seule mobilisation du parc HLM est une atteinte à la mixité non seulement sociale, mais aussi urbaine et territoriale.
En effet, dans sa rédaction actuelle, ce projet de loi contribuera à solliciter les seuls territoires disposant d'un nombre significatif de logements sociaux. En d'autres termes, seront à nouveau sollicités ceux qui prennent déjà leurs responsabilités dans l'effort de solidarité nationale. Quant aux communes qui ne respectent pas l'article 55 de la loi SRU, elles resteront complètement étrangères au dispositif !
Aujourd'hui, certaines d'entre elles ne veulent pas construire de logements sociaux et violent délibérément la loi, ...
M. Thierry Repentin. ... sans que l'État use - sauf dans un seul cas, pour le moment - des prérogatives dont il dispose, tels le constat de carence et la substitution à la collectivité défaillante.
Demain, ces mêmes communes ne seront pas le moins du monde concernées par l'opposabilité du droit au logement. On voit mal, en effet, comment elles pourraient accueillir des ménages prioritaires dans des logements sociaux qui n'existent pas sur leur territoire !
Les sénatrices et les sénateurs du groupe socialiste ne peuvent accepter que des maires s'exemptent de tout devoir de solidarité. Ils ont donc déposé plusieurs amendements à cet égard.
L'un d'entre eux vise ainsi à rendre les communes contrevenantes directement responsables de l'opposabilité du droit au logement. Rendre opposable l'article 55 de la loi SRU, voilà qui serait incitatif et symboliquement fort !
Dans le même ordre d'idées, et afin de ne pas ghettoïser davantage les communes dont les habitants sont très défavorisés et qui accueillent sur leur territoire une majorité de logements sociaux - 50 %, 60 %, voire 70% -, ils proposeront que celles-ci soient exclues des attributions préfectorales issues de l'application du présent projet de loi.
J'ajoute que 62 % du parc HLM est localisé dans les aires urbaines de plus de 100 000 habitants, contre 13 % dans les communes rurales et les aires urbaines de moins de 10 000 habitants. Pour autant, les publics décrits comme prioritaires dans le projet de loi ne vivent pas tous à Paris, Lille, Lyon ou Marseille ! Dans certaines zones rurales paupérisées où l'offre locative est très restreinte, l'accès au logement peut représenter une véritable difficulté. Le droit au logement opposable perdra-t-il de sa valeur dans certaines régions ? Sera-t-il moins garanti dans les petites communes que dans les grandes villes ?
Les parlementaires socialistes ne peuvent, pour leur part, se satisfaire de cette perspective et proposeront donc que l'opposabilité du droit au logement s'accompagne d'une politique publique volontariste faisant du logement une grande cause nationale. Celle-ci passera tout d'abord par un renforcement de l'article 55 de la loi SRU, cher au coeur de M. Braye. Grâce à cette dernière disposition, qu'il avait combattue, vous pouvez vous targuer, monsieur le ministre, d'avoir mis en place, en 2006, 16 000 PLAI et PLUS, dont le bénéfice revient, sur le plan statistique, au gouvernement auquel vous appartenez.
Or si ces PLAI et ces PLUS ont été accordés, c'est parce qu'une loi, en 2000, a permis d'enjoindre à ces communes de réaliser les logements qu'elles refusaient de construire.
M. Thierry Repentin. Nous sommes ravis que vous puissiez porter à votre crédit des réalisations rendues possibles grâce à une loi votée sous un gouvernement de gauche !
Un autre de nos amendements tend à conditionner l'octroi du permis de construire, dans les communes faisant l'objet d'un constat de carence, à la réalisation de 30 % au moins de logements sociaux lors de chaque opération nouvelle, et à définir précisément ce qu'est un logement social. En effet, nous avons visiblement, sur ce point, des divergences d'interprétation.
Il ne s'agit plus de construire n'importe quelle offre.
Les PLS sont loin d'être accessibles à une majorité de demandeurs. Il est d'ores et déjà parfois difficile, dans certaines régions, d'attribuer des logements de type PLUS, en raison de la faiblesse des revenus des demandeurs de logement social. La France manque cruellement de logements très sociaux : moins de 8 000 PLAI ont été réalisés en 2006, ce qui est largement insuffisant.
Avant de conclure mon propos, je m'arrêterai sur l'un des termes de la définition du droit au logement donnée par la loi de 1990 : la capacité à se « maintenir » dans le logement. Cette expression a été reprise dans l'article 1er du projet de loi, et seulement dans cet article. Aucune disposition, dans les articles suivants, ne tend à prévoir que la collectivité doit venir en aide aux personnes et aux familles éprouvant des difficultés à se « maintenir » dans leur logement.
Pourtant, rendre effectif ce droit au maintien dans le logement passe immanquablement par la solvabilisation des ménages, laquelle a pour fondements la revalorisation des aides au logement, d'une part, et l'indexation de ces aides sur l'indice de référence des loyers, d'autre part.
C'est l'objet de l'un de nos amendements, qui a déjà été déposé à plusieurs reprises - à l'occasion de l'examen du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, du projet de loi portant engagement national pour le logement, mais aussi des projets de lois de finances pour 2005, pour 2006 et pour 2007 -, et auquel a été opposé à chaque fois l'article 40 de la Constitution.
J'ai constaté avec intérêt que M. Seillier, rapporteur de la commission saisie au fond, avait déposé ces jours-ci un amendement identique. Souhaitons, puisque nous vivons une période de conversions soudaines à nos idées (Murmures sur les travées de l'UMP.), qu'un meilleur accueil soit réservé à cette proposition !
En conclusion, je tiens à vous assurer, madame, messieurs les ministres, que mes collègues du groupe socialiste et apparentés et moi-même avons la farouche volonté d'inscrire l'opposabilité du droit au logement dans le droit français. Comment, en effet, pourrait-il en être autrement ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous verrons !
M. Thierry Repentin. Nous ne renierons ni nos combats, ni nos engagements, ni nos ambitions. Nous y contribuerons, par notre vote, dès lors que l'effectivité du droit au logement opposable sera garantie.
Monsieur le ministre, nous serons vigilants, et nous apprécierons la sincérité de l'engagement gouvernemental...
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Vous auriez mieux fait de le faire en 1997 et en 2002 !
M. Thierry Repentin. ... à la lumière de l'utilisation raisonnée qu'il fera de l'article 40 de la Constitution et des avis qu'il émettra sur les amendements des rapporteurs et des sénateurs.
Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous abordons la discussion parlementaire dans un esprit de « construction », au sens propre comme au sens figuré du terme, et nous aurons pour exigence morale, au moment du vote, de ne pas mentir à nos concitoyens. L'adoption de nos amendements de fond peut vous aider à nous rejoindre sur la voie de cette exigence morale et républicaine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, les tentes dressées le long du canal Saint-Martin et l'action de l'association des Enfants de Don Quichotte ont été emblématiques de la crise du mal-logement à laquelle est confrontée une partie de nos compatriotes.
Cette action emblématique a provoqué une prise de conscience, que les associations oeuvrant dans ce secteur ont eu bien des difficultés, pendant des années, à faire partager, malgré leur énorme mobilisation et le formidable travail qu'elles accomplissent au quotidien, et que je salue en cette occasion. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
Cette action, elles en ont été le flambeau et le porte-drapeau. En effet, on ne répétera jamais assez combien, depuis des années, l'ensemble du tissu associatif défend cette cause auprès de chacun d'entre nous.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
Mme Valérie Létard. Cette action très médiatique a placé cette prise de conscience au premier rang de l'actualité. On peut regretter qu'il faille en venir à de telles « opérations coup-de-poing » pour sensibiliser l'opinion. Mais on peut aussi se réjouir que ce coup de projecteur sur la situation des plus démunis d'entre nous ait été l'élément déclencheur permettant de franchir une nouvelle étape vers l'opposabilité du droit au logement.
Comme la plupart d'entre nous, je me félicite que cette mesure, qui paraissait voilà quelques mois encore impossible à atteindre, fasse aujourd'hui l'objet d'un projet de loi. Quelque part, la demande répétée de ces associations n'était donc pas déraisonnable !
Dans le même temps, il nous faut constater que jamais, jusqu'ici, un gouvernement n'avait annoncé un effort de construction aussi important que celui qui est présenté au travers du plan de rénovation urbaine et du plan de cohésion sociale. Pourtant, nos concitoyens ressentent aujourd'hui un décalage énorme entre la difficulté de se loger au quotidien, qui touche quasiment tout le monde, et l'annonce de ces milliers de logements.
Oui, nous sommes favorables a priori au principe du droit opposable au logement, car il est impossible d'accepter que, dans une société comme la nôtre, les personnes en situation particulièrement précaire n'aient pas droit à un toit.
Notre soutien à ce projet de loi s'accompagnera cependant, monsieur le ministre, de nombreuses questions et interrogations concernant sa mise en oeuvre effective, afin de lever toute inquiétude quant à son application concrète.
La première question, évidente, qui se pose porte sur le calendrier. Ce qui était irréalisable, voilà quelques mois encore, doit désormais devenir possible.
Vous avez rappelé, monsieur le ministre, l'effort considérable consenti pour construire et rénover massivement des logements. Nous ne demandons qu'à vous croire. Mais, en tant qu'élus de terrain, nous constatons, dans nos régions respectives, combien il est difficile de faire sortir de terre les logements programmés sur le papier.
L'ambition de rénover les quartiers dégradés tout en produisant des logements supplémentaires exige, il est vrai, non seulement des moyens, mais aussi des opérateurs capables d'assumer ces deux entreprises de front. C'est un sacré pari ! Et sans doute avons-nous demandé aux opérateurs de logements de fournir un effort quelque peu démesuré par rapport à leurs possibilités. Il faudra donc, désormais, les accompagner dans le développement de ces projets.
Dans la perspective de l'ouverture de ce droit nouveau à partir de 2008, et sachant que l'effort de construction de logements sociaux que vous annoncez ne pourra se traduire concrètement avant deux ou trois ans au minimum, il nous faudra redoubler d'énergie et mettre en oeuvre tous les outils nécessaires à la réalisation de cet objectif. Nous aborderons ce point dans nos amendements.
Par ailleurs, nous sommes favorables à l'introduction du droit opposable à l'hébergement. Il nous semble en effet nécessaire de définir ce droit particulier et de le dissocier du droit au logement opposable. Les propositions faites à cet égard sont assez intéressantes. Mais il est avant tout essentiel, selon nous, de respecter le calendrier fixé, dans le texte que vous nous présentez, pour la mise en oeuvre du droit opposable au logement.
Ma deuxième interrogation porte sur l'offre de logements nécessaire afin de garantir à chacun un logement adapté à ses besoins.
Nous présenterons plusieurs amendements tendant à encourager la production de logements très sociaux, en particulier dans les communes soumises à l'article 55 de la loi SRU. À titre personnel, je soutiendrai également la proposition de notre collègue Pierre Jarlier visant à l'extension du périmètre d'application de l'article 55 de la loi SRU dans les agglomérations.
En effet, la crédibilité de la démarche du Gouvernement reposera entièrement sur cet effort global de construction de logement très social. À défaut d'un tel effort, la procédure de recours ouverte par le projet de loi débouchera sur une nouvelle file d'attente, dont l'ordre de passage aura simplement été un peu revu. Mais l'objectif final, c'est-à-dire trouver un toit, ne sera toujours pas atteint.
S'il nous faut plus de logements sociaux, il nous faut encore plus de logements très sociaux. C'est le chaînon manquant du parcours résidentiel, chacun en est conscient. Il faut désormais passer aux actes.
Enfin, et ce sera le troisième point de mon intervention, il ne suffit pas de produire des logements ; encore faut-il que les personnes qui y vivent soient autonomes et capables de s'y maintenir. L'ouverture du droit au logement opposable nous conduit donc inévitablement à nous interroger sur notre capacité à accompagner ces personnes dans la voie de l'accès et du maintien dans le logement.
Mme Valérie Létard. Les associations, les bailleurs sociaux et les collectivités seront très attentifs à cette question, et nous vous proposerons des amendements sur ce point.
Je souhaite vivement, madame, messieurs les ministres, que cette question fondamentale ne soit pas absente de nos débats, car elle y est intimement liée, qu'il s'agisse du niveau des aides au logement, de leur indexation, ou de l'accompagnement social.
Vous le savez mieux que quiconque, monsieur Borloo, car vous connaissez bien ce type de publics : une personne en très grande difficulté, qui bénéficie d'un relogement à la suite de l'examen de son dossier par la commission de médiation, risque à tout coup de voir sa situation se dégrader à nouveau très rapidement si un accompagnement social n'a pas été assuré parallèlement. En effet, ce droit au logement ne dure qu'un temps.
L'autre point crucial du texte, c'est la place des collectivités locales dans ce dispositif.
Nous soutiendrons, comme les rapporteurs des trois commissions l'ont proposé, une clarification du rôle des collectivités, intercommunalités ou communes ayant en charge la délégation de l'aide à la pierre et assumant la délégation du contingent préfectoral.
Les collectivités sont bien évidemment au coeur du processus de production de logements. Elles pourront ainsi procéder, au plus près des besoins, aux attributions de logement et à la gestion de ce contingent.
Mais, en aucun cas, elles ne peuvent porter une responsabilité qui est celle de l'État. Si ce dernier choisit de s'engager sur le droit opposable, il doit en assumer les conséquences juridiques, et le recours ne peut se faire que contre lui.
Ce débat de clarification, qui sera sans nul doute un moment important de la discussion du texte, sera déterminant sur notre vote définitif si nous voulons que le système ne soit pas verrouillé d'entrée et ne décourage la bonne volonté des collectivités désireuses de s'investir sur ces questions.
Á l'heure où le Gouvernement vient, à l'occasion du projet de loi de modernisation du dialogue social, de proposer la consultation systématique en amont des partenaires sociaux sur les sujets qui les concernent, il est dommage qu'un texte aussi important n'ait pas fait l'objet d'une très large concertation avec les associations.
Au-delà de l'indéniable caractère prioritaire que revêt ce projet, je regrette que la procédure d'urgence ne permette pas une réflexion semblable à celle que nous avons eue lors de la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement. Avec plusieurs lectures, sans doute aurions-nous été en mesure de mieux cerner le dispositif entre hébergement et logement, de mieux préciser le fonctionnement de la commission de médiation et ses voies de recours.
Certes, il fallait entamer le débat, il fallait poser des jalons. Monsieur le ministre, ce que nous souhaitons maintenant, c'est que le travail du Haut comité de suivi porte ses fruits. Fort de ses conclusions, le Parlement reprendra la réflexion pour améliorer encore l'ambition que vous venez d'inscrire dans le marbre et redéfinir les moyens nécessaires.
Telle est, en l'état, notre contribution à ce vaste chantier sur lequel chacun d'entre nous se doit d'avancer. Monsieur le ministre, nous vous remercions d'avoir bien voulu inscrire à l'ordre du jour du Parlement ce texte, certes imparfait, sur un sujet qui n'est pas simple.
J'espère que ce débat initiera une vaste réflexion commune et que d'autres projets suivront afin que chacun soit entendu et que les moyens soient ajustés au plus près des besoins. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le président, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes devant un texte législatif majeur, un de ceux qui donnent du sens à l'action publique parce qu'ils sont au coeur du pacte républicain, fondé sur l'égalité et la fraternité.
La disparition de l'abbé Pierre, au moment où s'ouvre ce débat, résonne comme un ultime message nous enjoignant d'agir et de créer l'irréversible pour que notre société se mobilise et s'engage définitivement à ne plus accepter l'inacceptable : des femmes, des hommes et des enfants sans habitat pour construire leur parcours de vie.
Monsieur le ministre, je suis heureux que cette loi fondatrice d'un droit essentiel porte votre nom ; j'y associe évidemment celui de Mme Vautrin. J'en suis heureux, car il est juste de reconnaître qu'elle est l'aboutissement naturel de votre action, qu'elle a la crédibilité de votre bilan et de votre démarche. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Jean-Paul Alduy. Là où vos prédécesseurs, de gauche comme de droite, restaient prisonniers de lois, de procédures, d'administrations, de budgets qui conduisaient les maires et tous les acteurs du logement à accepter comme une fatalité la stagnation, voire la baisse de la construction sociale et la concentration inéluctable de toutes les précarités dans nos cités HLM, vous avez brisé les scepticismes, rassemblé et mobilisé toutes les énergies pour relever ces défis incontournables.
M. Roland Muzeau. Pas chez Sarkozy ! Pas dans les Hauts-de-Seine !
M. Jean-Paul Alduy. Avec l'ANRU, ce sont 500 projets décidés ou examinés, représentant 33 millions d'euros de travaux, dont un tiers est subventionné. Ce sont 400 000 logements réhabilités ou « résidencialisés », 100 000 qui sont démolis ou reconstruits. Au total, ce sont plus de 500 000 ménages qui vont accéder à un habitat de qualité, dans des quartiers qui n'auront rien à envier, ni par leurs équipements ni par leur mixité sociale, aux autres quartiers de la ville.
Avec le plan de cohésion sociale et la loi portant engagement national pour le logement, vous nous avez démontré qu'il était possible de doubler le rythme de la construction sociale, voire de le porter à 2,5 si l'on se réfère à l'année 2000. Vous nous avez appris également qu'il était possible de multiplier par trois la mise sur le marché de logements privés à loyers maîtrisés produits avec l'aide de l'ANAH. Vous avez contribué à la relance de l'accession sociale qui libérera, dans le parc social, des logements pour les plus nécessiteux.
Oui, monsieur le ministre, vous nous avez démontré qu'on sous-estime l'énergie que peut produire une société rassemblée sur un objectif clair et partagé. Et le droit opposable au logement fait partie de ces objectifs qui doivent, chers collègues, tous nous rassembler.
M. Roland Muzeau. En pratique, ce n'est pas pour demain matin !
M. Jean-Paul Alduy. Vous aurez, quant à vous, du mal à défendre le bilan en la matière des gouvernements que vous souteniez !
M. Roland Muzeau. Ne vous inquiétez pas ! Vous n'en avez pas pour longtemps !
M. Jean-Paul Alduy. Le problème qui se pose à nous est donc non pas de contester le bien-fondé de cette loi, mais de l'enrichir. Je tiens, ici, à saluer la contribution remarquable de nos rapporteurs et la mobilisation des trois commissions : affaires sociales, lois et affaires économiques. Les nombreux amendements déposés illustrent, monsieur le ministre, notre volonté d'être à vos côtés pour renforcer les chances d'atteindre l'objectif.
Personnellement, je souhaite aborder trois questions : quelles étapes et quel calendrier doit-on retenir ? Quelles accélérations convient-il de donner à la politique déjà mise en oeuvre ? Quelle doit être la place des collectivités locales dans le dispositif ?
Première question : quelles étapes et quel calendrier faut-il retenir ? Vous fixez, monsieur le ministre, au 1er décembre 2008 - c'est-à-dire dans vingt mois - soit à six mois du renouvellement des équipes municipales, la première étape d'application du droit au logement pour une population d'ayants droit largement définie ou, du moins, qui peut être très importante suivant les interprétations locales de la phrase « personnes logées dans des locaux impropres à l'habitat ou ne disposant pas d'un logement décent ».
Je me permets de signaler que l'hébergement est aujourd'hui loin d'être assuré dans des conditions décentes sur l'ensemble du territoire. Vous l'avez, d'ailleurs, vous-même reconnu en définissant un nouveau dispositif destiné à « changer radicalement l'accueil dans les centres d'hébergement d'urgence » - je ne fais que reprendre vos propres termes - et en prévoyant près de 30 000 nouvelles places disponibles pour répondre à toute demande d'hébergement de façon adaptée.
Dès lors, ne faut-il pas définir une étape préalable, à savoir le droit à l'hébergement opposable, avant de renvoyer vers les tribunaux celles et ceux auxquels l'État serait incapable de fournir un logement ? Il s'agit, non de transformer cette loi en droit à l'hébergement opposable, mais d'assumer un constat, à savoir la nécessité d'assurer au préalable le droit à l'hébergement.
Fort de ma propre expérience à Perpignan, je crois sincèrement, monsieur le ministre, que la première étape est fragile dans son calendrier, sauf à compromettre tous les efforts consentis pour promouvoir la mixité sociale dans les cités HLM où se sont concentrées toutes les précarités, sauf aussi à donner les moyens juridiques et financiers à l'État pour réquisitionner massivement les logements privés vacants, ce qui n'est pas le cas.
Vingt mois pour une première étape d'application large, c'est, à mon avis, un peu court. Rien ne serait plus dangereux qu'une loi que tout le monde, ou presque, s'accorde aujourd'hui à juger nécessaire, mais qui, dès la première étape, serait appliquée dans la confusion et, surtout, inégalement suivant les territoires.
M. Thierry Repentin. C'est vrai !
M. Jean-Paul Alduy. J'ai du mal à croire qu'en Île-de-France, compte tenu des difficultés de rénovation urbaine que l'on y connaît, il sera possible d'être, dans vingt mois, au rendez-vous fixé par la loi. Il faut donc se poser la deuxième question : quelles accélérations donner à la politique mise en oeuvre ?
Il est évident, monsieur le ministre, qu'il faudra revisiter tout à la fois votre plan de cohésion sociale, l'article 55 de la loi SRU et l'ensemble des textes qui permettent de mobiliser le parc privé, conventionné ou non par l'ANAH.
Cette tâche incombera...
M. Thierry Repentin. Au prochain gouvernement !
M. Jean-Paul Alduy. ..., pour l'essentiel, à l'équipe gouvernementale et à l'Assemblée nationale qui sortiront des scrutins des mois à venir. Et ce n'est pas votre bilan 1997-2002 en matière de logement que vous pourrez mettre en avant, chers collègues de l'opposition !
M. Henri de Raincourt. C'est bien vrai !
M. Jean-Paul Alduy. En tout cas, il nous appartient, dès à présent, de montrer le chemin, par exemple, en proposant de revisiter l'échéancier du plan de programmation pour la cohésion sociale ; de compléter les financements à la disposition de l'ANRU ; d'améliorer les incitations, notamment fiscales, au bénéfice des bailleurs privés conventionnés ; d'imposer des obligations nouvelles aux communes qui ne respectent pas le seuil des 20 % de logements sociaux, par exemple en réservant 20 % de logements sociaux...
M. Roland Muzeau. Et même 50 % !
M. Jean-Paul Alduy. ... dans toute construction nouvelle de plus de dix logements, voire en liant, dans ces communes, toute vente d'HLM ou tout déconventionnement à la compensation par un nombre équivalent de logements sociaux nouveaux, à l'instar des démolitions dans les programmes de rénovation urbaine.
Mais il faudra aussi aborder, demain, la question de la mobilisation du parc privé. Le conventionnement sans travaux, la réforme des procédures sur l'insalubrité et les logements indignes vont dans le bon sens. Innovation considérable, la garantie des risques locatifs va permettre de remobiliser le secteur privé, mais il faudra certainement aller plus loin.
Permettez au Catalan que je suis d'évoquer au passage la loi projetée par la Catalogne, qui obligera à louer un appartement laissé vacant deux ans, sauf à se voir, en cas de refus, dépossédé temporairement - pendant cinq ans - de la propriété dudit logement.
M. Thierry Repentin. C'est astucieux !
M. Jean-Paul Alduy. Je ne pense pas souhaitable d'en arriver à cette extrémité...
M. Gérard Delfau. Chiche !
M. Jean-Paul Alduy. ..., mais cet exemple illustre la nécessité de ne pas faire peser la charge du droit au logement opposable sur les seuls bailleurs sociaux.
Mme Catherine Procaccia. Très bien !
M. Jean-Paul Alduy. Troisième question : quelle est la place des collectivités locales dans ce dispositif ? Tout en approuvant sans réserve l'objectif de la loi et le fait que l'État assumera cette mission, l'Association des maires des grandes villes de France, présidée par notre collègue, Jean-Marie Bockel, a exprimé plusieurs inquiétudes.
Je ne reviens pas sur la nécessité d'assurer en préalable le droit à l'hébergement décent, ni sur celle d'accroître les moyens financiers du plan de cohésion sociale. Je n'insisterai pas davantage sur le renforcement des contraintes dans les communes qui ne satisfont pas aux 20 % de logements sociaux.
L'inquiétude porte fondamentalement sur trois questions : d'abord, en situation de pénurie et de répartition inégale des logements sociaux, le risque est grand de concentrer à nouveau toutes les précarités dans les quartiers, dans les communes et les communautés qui cherchent, avec votre aide, monsieur le ministre, à améliorer la mixité sociale, condition nécessaire du combat contre le communautarisme, les discriminations à l'emploi ou encore l'échec scolaire. (M. Thierry Repentin applaudit.). Les maires et les présidents d'EPCI doivent être étroitement associés par les préfets à la mise en oeuvre du droit au logement effectif.
Ensuite, si les moyens de l'accompagnement social ne sont pas considérablement renforcés - et, là, les conseils généraux sont directement impliqués - l'accès au logement ne permettra pas à ces ménages de recouvrer rapidement une situation d'autonomie et, donc, d'intégration sociale. Le projet de loi n'aborde pas cette question ; tôt ou tard, il faudra le faire !
Enfin, de nombreux EPCI sont aujourd'hui l'autorité organisatrice de la politique sociale du logement par délégation de l'État. Il est clair que les conventions actuelles seront rendues caduques dès que le droit au logement sera opposable ; de nouvelles conventions devront être négociées avec l'État, comme avec les conseils généraux. L'objectif est de faire émerger un bloc de compétences cohérent depuis le financement, en passant par la planification, l'accompagnement social, les programmes de rénovation urbaine ou le droit de réquisition pour leur permettre d'assumer cette responsabilité.
Monsieur le ministre, je suis de ceux qui sont convaincus que, tôt ou tard, ce seront des EPCI élus démocratiquement qui pourront être l'autorité responsable et efficace parce que proche du terrain et impliquée dans la politique de la ville sous tous ses aspects et sur un territoire pertinent.
Vous le voyez, monsieur le ministre, vous ouvrez un chantier immense, et personne n'était plus crédible que vous pour nous y engager.
La grande vertu de ce texte qui couronne, j'aime à le rappeler, votre bilan exceptionnel est de créer enfin l'irréversible, de briser une fois encore les scepticismes. Et si le scepticisme est d'humeur, avec vous, monsieur le ministre, l'optimisme est de volonté ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en commençant l'examen de ce projet de loi, comment ne pas évoquer la mémoire de l'abbé Pierre, dont l'infatigable combat a porté la voix des plus démunis ?
Pendant plus de cinquante ans, il a conservé intacte sa capacité d'indignation pour essayer de redonner à ceux qui n'avaient plus rien les moyens de vivre dignement. Il bousculait les consciences, du simple citoyen aux plus hauts dirigeants de ce monde. Et il est malheureusement vrai que notre société d'opulence détourne encore souvent les yeux de la souffrance des plus faibles.
En 2007, en France, pays développé, est-il admissible, mes chers collègues, que des dizaines de milliers de nos compatriotes - nos frères ! - dorment dans la rue ? De cela, nous sommes tous un peu responsables.
Le principe de précaution, érigé en dogme à tout bout de champ, n'est pas pris en compte dans ce domaine du logement, pourtant capital pour les SDF, dont l'espérance de vie est faible.
Selon le rapport pour 2006 de la Fondation Abbé-Pierre, environ 86 000 personnes sont dépourvues de logement, plus de 120 000 sont accueillies dans des structures d'hébergement d'urgence et d'insertion, plus de 200 000 sont hébergées de façon précaire par des amis ou des parents, et plus de 2 millions sont logées dans un habitat indécent.
Ces chiffres sont indignes ! Mais il s'agit aussi de garder en mémoire la multiplicité des cas qu'ils recouvrent : travailleurs et retraités pauvres, ménages dépendant des minima sociaux, familles monoparentales, étrangers en situation irrégulière, etc. Chaque situation appelle un traitement adapté.
Les causes du « mal logement » sont également multiples. L'insuffisance du parc social conjuguée à l'augmentation des prix de l'immobilier a poussé de plus en plus de personnes hors des circuits traditionnels. Les délais d'attente sont de plus en plus longs, surtout en région parisienne. Les retards des programmes de construction accumulés ainsi que l'insécurité juridique de certains bailleurs privés ont amplifié le phénomène.
L'espérance de l'abbé Pierre ne doit pas rester vaine. Il nous appartient maintenant, à nous représentants de la souveraineté nationale, de rendre un ultime hommage à son juste combat en inscrivant dans le marbre de la loi républicaine que l'État aura désormais l'obligation de garantir un logement décent à tout citoyen qui n'a pas les moyens d'y accéder.
Du point de vue juridique, le droit au logement a connu bien des vicissitudes. Proclamé par la Déclaration universelle des droits de l'homme en 1948, il était déjà reconnu comme principe concourant au droit à une existence convenable par le Préambule de la Constitution de 1946. Il fut également érigé en objectif de valeur constitutionnelle en 1995 par le Conseil constitutionnel. Le législateur ne fut pas en reste, puisqu'il en proclama le caractère fondamental à de nombreuses reprises, en 1982, 1990, 1995 et 1998 notamment.
Aujourd'hui, sous l'impulsion du Président de la République, nous nous apprêtons à dépasser la simple déclaration de bonnes intentions pour transcrire durablement ce devoir de protection des plus faibles par la collectivité. Nous rendons ainsi effectif ce devoir de solidarité dont nous sommes les débiteurs vis-à-vis de nos compatriotes les plus démunis.
Cette loi n'aurait pas vu le jour sans le travail considérable et le concours efficace du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, qui a su mobiliser des experts de tous horizons au service de la cause des sans-logis et des mal-logés pour assigner aux pouvoirs publics une obligation de résultat. Je tiens ici à saluer l'action de ses deux présidents successifs, Louis Besson et Xavier Emmanuelli. Enfin, je veux rendre hommage au remarquable travail de notre rapporteur, Bernard Seillier, dont l'engagement en faveur de l'insertion et de la lutte contre l'exclusion ne sont plus à démontrer, notamment au sein du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l'exclusion sociale.
L'opposabilité du droit au logement doit s'articuler avec une politique du logement ambitieuse. Ce texte resterait lettre morte s'il ne s'accompagnait pas de la construction des logements afférents.
Je connais suffisamment votre détermination à ce sujet, monsieur le ministre, pour savoir que votre volonté est sans faille. L'ensemble des acteurs de la chaîne du logement doivent être impliqués : État, élus locaux, partenaires sociaux ou encore représentants des bailleurs sociaux, des propriétaires privés et des locataires.
Donnons aussi l'exemple : l'accès au logement social doit être réservé à ceux qui en ont vraiment besoin.
En 2006, les premiers résultats tangibles du volet « logement » du plan de cohésion sociale ont été observés, avec la mise en chantier de près de 430 000 logements. Votre objectif de construire 120 000 logements sociaux par an est en passe d'être atteint et contribuera, à n'en pas douter, à rendre effective l'opposabilité du droit au logement.
Il est indispensable que cette politique du logement soit coordonnée avec une politique sociale globale.
L'État et les pouvoirs publics doivent exercer pleinement leur rôle de garant du développement des individus, mais il ne faut pas pour autant négliger la responsabilité et le libre arbitre des bénéficiaires des dispositifs d'aide sociale. Le relogement n'est qu'une étape, certes indispensable, vers la réinsertion. La lutte contre le chômage est ainsi le premier rempart contre la spirale infernale menant à la précarité et à l'exclusion. Sur ce point, vous commencez à recueillir, monsieur le ministre, le fruit des réformes initiées depuis quelques années.
Une fois cette loi votée, notre vigilance sera grande. Le groupe du RDSE, comme Thierry Repentin, veillera particulièrement à la mise en application de ce texte. Le temps des atermoiements a cessé, celui de l'action est venu.
Léon Bourgeois, grande figure radicale, auteur, au début du xxe siècle, de la doctrine solidariste, voulait que la République assurât le progrès et l'épanouissement. C'est ainsi qu'il écrivait en 1902 : « La Nation veut que la République soit une société vraiment équitable où, dans un commun respect pour toutes les lois, le citoyen puisse avec sûreté jouir de tous ses droits, exercer toutes ses activités, trouver la juste récompense de son travail et de son mérite ».
C'est fort de cet état d'esprit, et conscient de la solennité du moment, que je voterai, avec bon nombre de mes collègues, ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.
Mme Sylvie Desmarescaux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la disparition de l'abbé Pierre a monopolisé ces derniers jours tous les médias. Rien de plus normal : l'abbé Pierre méritait un tel hommage, lui qui a dédié toute sa vie aux plus démunis et, surtout, aux personnes sans logis.
Je m'y associe pleinement, mais je souhaite également rendre hommage à tous ceux qui oeuvrent sans relâche auprès des familles en difficulté et des sans-abri, de plus en plus nombreux. La tâche des « aidants » est de plus en plus lourde, car les solutions deviennent de plus en plus difficiles à trouver tant les problèmes sont complexes.
J'ai moi-même été assistante sociale durant plus de vingt ans. De nombreuses familles étaient déjà en grande difficulté, mais force est de constater que, depuis ces quinze dernières années, le fossé de la précarité s'est creusé.
Rendre la dignité à toutes ces personnes doit être notre priorité, et leur permettre d'avoir un toit constitue une première réponse.
L'abbé Pierre le savait bien. C'est ainsi qu'à mon collègue député du Nord, Marc-Philippe Daubresse, alors ministre du logement, qui lui parlait du droit au logement opposable pour 2010, il avait répondu : « Cinq ans, c'est trop long, il faut aller plus vite ! »
Notre gouvernement a répondu à l'appel des sans-abri en annonçant, dès la fin du mois de décembre, une série de mesures, dont l'extension immédiate des horaires d'ouverture des centres d'accueil d'urgence. Le 17 janvier, le conseil des ministres adoptait le projet de loi instituant le droit opposable au logement : d'ici à cinq ans, ce nouveau droit sera ainsi placé au même rang que le droit aux soins ou le droit à l'éducation.
Trois millions de personnes sont, en France, mal logées et environ 100 000 vivent dans la rue. À ce jour, un seul pays européen, l'Écosse, a adopté une telle loi.
Monsieur le ministre, je salue votre détermination. Et je m'étonne que cette loi ne fasse pas l'unanimité auprès de mes collègues, car, sauf erreur de ma part, elle répond aux appels des associations et à celui de l'abbé Pierre, qui nous avait demandé de faire vite.
M. Philippe Darniche. Très bien !
Mme Sylvie Desmarescaux. Le droit au logement existe déjà en France - lois de 1982, de 1989, de 1990 et de 1998 -, mais il demeure, d'une certaine façon, virtuel. C'est pourquoi les protections juridiques au profit des plus démunis doivent être renforcées.
Certes, il existe déjà des mécanismes, tels que les commissions de médiation, qui ont pour mission la prise en charge des personnes n'ayant pas obtenu un logement social après un délai anormalement long. Mais ces candidats à la location n'ont aucune garantie quant à l'obtention d'une HLM. Ils restent tributaires des disponibilités dans le parc social et de modalités d'attribution souvent complexes.
Dans le Nord-Pas-de-Calais, par exemple, 115 000 personnes sont toujours en attente d'une solution pour se loger, alors que le parc de logements sociaux y est de 10 points supérieur à la densité moyenne nationale.
Pourtant, on ne peut pas dire que rien n'a été fait dans ce domaine depuis 2002. En effet, dès son arrivée aux commandes de notre pays, le Gouvernement a compris la mesure du problème et l'a pris à bras-le-corps. Je citerai simplement la mise en oeuvre du plan de rénovation urbaine, du plan de cohésion sociale et la loi de 2006 portant engagement national pour le logement.
Ainsi, environ 430 000 logements ont été mis en chantier et 565 000 nouveaux logements ont été autorisés depuis cinq ans. De même, le Gouvernement a financé 105 000 logements locatifs sociaux en 2006, soit deux fois plus qu'en 2001. En termes financiers, ce sont 720 millions d'euros qui ont été dévolus à cette politique en 2006, soit 150 millions d'euros de plus qu'en 2001. Jamais un gouvernement n'a construit autant de logements sociaux !
En instaurant un droit opposable au logement, l'État met en place un dispositif coercitif donnant à chacun la possibilité de faire valoir un droit déjà reconnu, je l'ai dit, dans plusieurs textes. Mais l'objectif est bien de tout mettre en oeuvre pour qu'il n'y ait pas de contentieux. Pour ce faire, l'opposabilité doit impérativement s'accompagner d'une production de plus en plus importante de logements à loyers accessibles, mais également d'une forte mobilisation des collectivités locales et de l'État pour parvenir à une offre adéquate de logements sur l'ensemble du territoire.
Avant de conclure, je souhaite dire quelques mots sur l'accueil et l'hébergement d'urgence. Sous l'impulsion de notre ministre Catherine Vautrin, dont je salue le travail de grande qualité, le nombre de places d'hébergement et d'insertion a augmenté de 50 %. De nouveaux types d'hébergement, en maisons relais ou en structures dites « de stabilisation », ont été créés pour accueillir les personnes sans domicile fixe.
Permettez-moi de citer en exemple ce qui a été fait sur mon secteur du Dunkerquois, que je connais particulièrement bien. En tant que vice-présidente du PACT, je me suis en effet impliquée fortement sur ces dossiers.
Depuis 2005, un local dit « grand froid » ouvre ses portes jour et nuit, et quinze personnes y résident. C'était, jusqu'à la fin de l'année dernière, le seul lieu d'accueil en France à avoir cette amplitude d'ouverture.
Je citerai aussi, toujours dans la région de Dunkerque, la construction, en pleine concertation avec les associations et la communauté urbaine, de trois maisons relais, dispositif créé dans les années quatre-vingt-dix sous le nom de « pension de famille ». Ces maisons relais apportent une réponse pertinente, car elles s'adaptent aux gens qui vivent dans la rue, et non l'inverse.
Ce droit à l'hébergement constitue le premier niveau du droit au logement et permet une réinsertion en douceur, avec l'appui d'équipes compétentes en termes d'encadrement. C'est très important, car je reste convaincue que seule fonctionne l'aide qui demande une participation active de la personne aidée. L'application de ce principe, qui n'est rendue difficile, voire impossible, que dans quelques cas extrêmes, respecte réellement la personne aidée et lui permet de se rendre davantage maître de son destin.
L'aide à sens unique, l'État providence, l'assistanat ne peuvent constituer que des solutions à court terme.
Le Gouvernement l'a bien compris et a engagé, depuis cinq ans, une politique volontariste qui a permis d'accroître considérablement le parc locatif social. Cette tendance se poursuivra dans les années à venir, et l'opposabilité du droit au logement servira de piqûre de rappel au cas où l'État ne respecterait pas ses obligations.
Je souscris donc pleinement aux objectifs de ce texte et je tiens à féliciter le Gouvernement pour son audace ainsi que nos collègues rapporteurs pour la qualité de leur travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après Thierry Repentin, qui s'est exprimé sur les dispositions relatives au logement, j'évoquerai, pour ma part, celles qui ont trait à la cohésion sociale.
Les quatre articles concernés permettent en fait au Gouvernement de s'offrir une session de rattrapage, tant il est vrai qu'ils reprennent pour l'essentiel des mesures qui furent, soit censurées par le Conseil constitutionnel au motif qu'elles constituaient des cavaliers sur d'autres textes, soit retirées parce que « pas au point », soit rejetées par une majorité de députés UMP.
Étant donné le manque de cohérence entre ces articles, je me permettrai de les commenter l'un après l'autre.
L'article 6 crée un bouclier social pour les travailleurs indépendants.
Chacun d'entre nous ici se souvient que cette disposition avait été introduite par le Gouvernement dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, à la faveur d'un amendement communiqué aux sénateurs présents en séance dix minutes avant son examen, alors même que la presse en annonçait le contenu depuis le matin !
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Jean-Pierre Godefroy. Sur toutes les travées, nous avions protesté contre cette façon de traiter le Parlement et je me plais à croire que c'est aussi cette méthode que le Conseil constitutionnel a censurée dans sa décision du 14 décembre 2006.
Aujourd'hui, nous avons eu le temps d'étudier cette disposition ; elle nous semble a priori positive.
La question des cotisations sociales des travailleurs indépendants qui débutent leur activité est à la fois réelle et récurrente. Les articles L. 131- 6 et L. 131- 6- 1 ont, en effet, déjà été modifiés à plusieurs reprises, tant en 1998 qu'en 1999 et en 2003.
A chaque fois, l'objectif était de parvenir à un taux de cotisations sociales dont le montant ne puisse mettre en péril l'activité de la jeune entreprise, dont nous savons tous que c'est pendant les trois premières années qu'elle est la plus fragile.
Le groupe socialiste est donc prêt à souscrire à cette disposition, à la condition expresse que le Gouvernement réaffirme bien son engagement de compenser à la sécurité sociale les pertes de recettes qu'elle implique. Nous aimerions aussi savoir, monsieur le ministre, si ces mesures seront applicables à ceux qui ont déjà contractualisé et qui rencontrent des difficultés de ce fait.
L'article 7 crée une aide à la réinsertion familiale et sociale des anciens travailleurs migrants dans leur pays d'origine.
Nous connaissons tous, dans nos villes, ces chibani venus travailler dans notre pays dans les années 1960-1970 en laissant leur famille au pays et qui, aujourd'hui, ne peuvent pas rentrer chez eux sous peine de perdre le bénéfice des prestations sociales, notamment le minimum vieillesse. Ainsi, nombreux sont ceux qui vivent complètement isolés dans les foyers ex- Sonacotra, désormais appelés foyers Adoma. Ma collègue Bariza Khiari reviendra plus longuement sur cette mesure lors de l'examen de l'article 7, car sa rédaction comporte quelques incertitudes.
Cela étant dit, je puis d'ores et déjà vous indiquer que nous accueillons plutôt favorablement cet article qui, d'une certaine manière, permet de rétablir la dignité de ces personnes.
L'article 8 ouvre un crédit d'impôt pour les ménages non imposables utilisateurs de services à la personne.
Contrairement à ce qui est affirmé dans l'exposé des motifs du projet de loi, monsieur le ministre, cet article n'est pas seulement rédactionnel ; il vise, en fait, à revenir sur la décision des députés UMP qui, lors du vote de la loi de finances rectificative, ont largement et volontairement restreint la portée du dispositif que vous aviez proposé au Sénat par l'intermédiaire de notre collègue Alain Gournac.
Au groupe socialiste, nous n'avons jamais été, vous le savez pertinemment, opposés au développement des services à la personne, et pour cause ! Il nous semble à cet égard que le fait de permettre aux ménages non imposables de recourir à ces prestations grâce à un crédit d'impôt constitue une mesure d'équité.
Les services à la personne ne doivent pas, en effet, être réservés à ceux qui payent l'impôt, car, lorsqu'il s'agit de faire garder ses enfants, de s'occuper d'une personne âgée ou handicapée, les besoins sont les mêmes, que l'on soit ou non imposable ; je dirais même que la charge est proportionnellement plus lourde quand on dispose de revenus modestes.
Nous l'avions déjà dit au moment du vote de la loi du 26 juillet 2005 et nous avions également déposé un amendement similaire à l'occasion de l'examen du dernier projet de loi de finances, visant à transformer la réduction d'impôt accordée aux ménages ayant recours à une aide à domicile en crédit d'impôt, l'objectif étant d'ouvrir le bénéfice de cette aide aux foyers non imposables, comme l'avait recommandé le Conseil des impôts dans son rapport de 2003 consacré à la fiscalité dérogatoire.
A cette époque, pas si lointaine, notre amendement avait été rejeté ; nous nous réjouissons donc du changement de cap qui est intervenu.
Néanmoins, cela ne règle en rien le problème des conditions de travail des prestataires de ces services à la personne. Certes, monsieur le ministre, le secteur des services à la personne est un vivier d'emplois, mais le plus souvent il s'agit d'emplois faiblement qualifiés, à temps très partiel et avec des horaires fractionnés. Or ce ne sont pas les mesures fiscales que vous proposez qui donneront un statut à ces milliers de salariés.
Comme le précisait il y a quelques années un rapport du Commissariat général du plan, « le défi consiste à faire en sorte que ces emplois ne viennent pas gonfler les cohortes des working poors », autrement dit des travailleurs pauvres. Dans ce domaine, le chantier reste donc totalement ouvert.
Monsieur le ministre, la dernière disposition de votre texte sur laquelle je voudrais insister est beaucoup plus contestable, puisqu'elle vise à priver de RMI, de CMU et de prestations familiales les ressortissants communautaires venus en France pour y trouver un emploi pendant la période de recherche d'emploi.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est logique !
M. Jean-Pierre Godefroy. Selon l'exposé des motifs du projet de loi, l'article 9 a pour objet de lutter contre les fraudes. Or s'il est vrai que certains départements ont connu quelques cas étranges, nous avons la conviction que la disposition que vous préconisez ne résoudra pas ce problème, monsieur le ministre.
Devant notre commission, vous avez indiqué que cette mesure était surtout destinée à empêcher les effets d'aubaine, voire les multiples appels d'air dont pourraient abusivement profiter les étrangers communautaires, en l'occurrence les ressortissants des pays de l'Est nouvellement intégrés ; c'est ce que vous avez laissé entendre.
Pour cela - et cela fera sans doute l'objet d'un nouveau débat -, vous utilisez la possibilité offerte par la directive européenne 2004/38/CE du 29 avril 2004 qui précise que « les citoyens de l'Union européenne et les membres de leurs familles ont un droit de séjour (...) tant qu'ils ne deviennent pas une charge déraisonnable pour le système d'assurance sociale de l'État membre d'accueil ».
En fait, nous avons déjà eu cette discussion au Parlement voilà à peine un an, lors des débats sur le projet de loi pour le retour à l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de minima sociaux, dont l'article 7 prévoyait une condition de résidence de trois mois pour l'accès au RMI.
Il s'agissait là de l'une des deux restrictions à l'égalité de traitement normalement applicable entre nationaux et ressortissants communautaires, permises par l'article 24 de la directive précitée. À l'époque, nous ne nous étions pas opposés à cette mesure au motif qu'il convenait de prendre quelques précautions ; je vais y revenir.
Or, aujourd'hui, vous avez changé d'avis, puisque vous décidez finalement de durcir les conditions d'attribution de ces prestations sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Peut-être est-ce bien à vos yeux, monsieur About, mais tel n'est pas notre avis !
En effet, vous introduisez dans notre législation la seconde restriction, celle qui figure à l'article 14, paragraphe 4, point b, et qui concerne la période de recherche d'emploi. Je me demande ce qui, en quelques mois, vous a conduit à un tel durcissement de votre position ! L'afflux de demandeurs du RMI venus des pays récemment entrés dans l'Union européenne a-t-il été tel qu'il justifie un pareil choix ? Si c'est le cas, il faut le dire et nous attendons que vous le démontriez, monsieur le ministre.
Pour notre part, nous ne le croyons pas et nous nous demandons si, en fin de compte, il ne s'agit pas d'un « alignement sarkozien » de circonstance ! (Murmures sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Tout à fait !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Cela vous hante !
M. Jean-Pierre Godefroy. Pas du tout, monsieur Braye !
Cette seconde restriction a été introduite lors de l'examen de la loi n° 2006- 911 du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration. En effet, il y est prévu que le droit au séjour de plus de trois mois des citoyens de l'Union européenne dans un autre État membre est conditionné par des critères socio-économiques. Ainsi, il faut disposer de « ressources suffisantes afin de ne pas devenir une charge pour le système d'assurance sociale », ainsi que d'une assurance maladie.
Cette fois-là, nous nous étions opposés à une telle mesure, considérant que ce critère introduisait une discrimination entre citoyens de l'Union, plongeait dans l'irrégularité ceux qui n'avaient pas les ressources suffisantes ou un travail, et ne permettait pas, in fine, de garantir l'effectivité du droit au séjour à tous les citoyens européens quelle que soit leur situation économique.
Pour nous, de telles conditions sont inacceptables en ce qu'elles représentent une rupture avec la logique de solidarité européenne et avec l'objectif de construction d'une Europe sociale, qui reste à faire ; en effet, vous ne seriez pas dans l'obligation de prendre de telles dispositions si une Europe sociale commençait à voir le jour !
Or, pendant ce temps, les capitaux, eux, continueront à circuler librement, les travailleurs les plus diplômés seront « aspirés » par les entreprises et les délocalisations perdureront, avec pour conséquence inévitable de faire travailler à bas prix ces salariés dans leur pays d'origine. Le tour est joué !
Nous demanderons donc la suppression de l'article 9.
En résumé, je dirai que trois des quatre articles du chapitre II de ce projet de loi nous semblent pouvoir faire l'objet de discussions.
Il est dommage, monsieur le ministre, que, à la fin du texte, vous ayez retrouvé vos réflexes communautaristes et d'exclusion, à l'image en quelque sorte de la politique menée ces cinq dernières années par les gouvernements successifs, en particulier en matière de code du travail et de droits des salariés.
Dans ce domaine, la politique conduite depuis cinq ans a ébranlé en profondeur notre pays et a profondément dénaturé notre modèle social. Qu'il s'agisse du temps de travail, du contrat de travail, des droits sociaux, le Gouvernement n'a cessé d'aggraver les inégalités et les précarités.
Il serait trop long de dresser un inventaire ; celui-ci ne manquera pas d'être fait le moment venu. Vous avez d'ailleurs déjà été largement sanctionnés non seulement par la rue - la crise du CPE en fut le point d'orgue -, mais aussi par les plus hautes juridictions françaises et communautaires : l'annulation récente par la Cour de justice des Communautés européennes de l'ordonnance excluant les jeunes de moins de vingt-six ans du décompte des effectifs des entreprises en est le dernier exemple. Dois-je rappeler combien d'heures nous avons passées ici à expliquer qu'il n'était pas bon de dire à ces jeunes qu'ils n'avaient pas d'existence dans l'entreprise, alors qu'ils existent bel et bien comme citoyens en tant qu'électeurs ?
M. Guy Fischer. Très bien ! C'est la vérité !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous réservons donc notre vote sur ce texte, en fonction, d'une part, de vos explications, monsieur le ministre, et, d'autre part, du sort qui sera réservé à nos amendements portant sur les articles 6, 7, et 8. Quant à l'article 9, ainsi que je l'ai indiqué, nous en demanderons la suppression. À défaut, nous voterons contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat.
Mme Françoise Férat. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi, la Haute Assemblée est invitée par le Président de la République et le Gouvernement à contribuer, en toute hâte, à l'instauration du droit opposable au logement.
Eu égard à l'importance de ce texte fondateur, je tiens à exprimer ma satisfaction tout autant que ma frustration : satisfaction de débattre, enfin, de cette évolution du droit au logement vers une véritable obligation de résultat, mais frustration d'avoir à examiner, dans l'urgence, des dispositions aussi indispensables que complexes.
Monsieur le ministre, vous avez placé le droit au logement au même rang que le droit aux soins ou à l'éducation ; j'y souscris.
Comme vous le savez, l'histoire parlementaire est riche de débats passionnés au cours desquels la représentation nationale a pu exprimer la diversité des opinions sur l'instauration de telles normes protectrices.
Nous trouvons l'une des plus belles illustrations de ces déclarations dogmatiques dans les oppositions manifestées lors de l'examen des lois de Jules Ferry qui établirent, à la fin du XIXe siècle, les principes de l'obligation scolaire, de la liberté, de la gratuité et de la laïcité de l'enseignement.
C'est ainsi que, au cours de la séance publique du 2 juin 1881, le sénateur de la Dordogne Marie-François-Oscar Bardy de Fourtou, déclarait : « (...) le principe de l'instruction obligatoire est moins en cause (...) que la liberté d'enseignement et la liberté de conscience elles-mêmes. ».
Sur d'autres sièges, une conception opposée se faisait jour : celle d'une école de la République entièrement dévouée à l'épanouissement individuel.
Le baron Gui Lafond de Saint-Mür s'exprimait en ces termes : « Au droit de l'enfant, au droit de la société, au droit du suffrage universel, on viendrait opposer un prétendu droit du père de famille ; on violerait sa liberté ?
« Quelle liberté ? Celle de laisser son enfant sans lumière et, par suite, frappé d'infériorité, voué peut-être à la misère, à l'immoralité ? ».
Or, malgré ces débats, tant au sein du Parlement que dans la société tout entière, ces grands principes ne furent jamais remis en cause par les gouvernants et les régimes suivants.
Comment, dès lors, expliquer cette permanence des lois Ferry ?
Est-ce une victoire de la République sur une tradition séculaire ? Non ! Cette universalité de l'obligation scolaire et de ses corollaires s'explique par son caractère consensuel, qui fut possible seulement à force d'échanges et de confrontations d'idées.
La France aura finalement fait sienne la pensée de Jules Ferry, qui considérait l'enseignement primaire gratuit, laïque et obligatoire comme le moyen d'« assurer l'avenir de la démocratie et [de] garantir la paix sociale ».
Mes chers collègues, avec ce droit opposable au logement, nous visons les mêmes objectifs et aspirons aux mêmes garanties. Percevez donc mes propos non comme une diatribe à l'encontre de ce droit, mais plutôt comme la manifestation d'un regret, celui de devoir le consacrer dans la précipitation.
Bien évidement, je me félicite que la situation des « mal- logés » et des personnes « sans toit » ait enfin incité nos gouvernants à agir. Mais ceux-ci, à force de confondre, depuis des décennies, les plans d'urgence avec l'urgence d'une stratégie, ne pouvaient que céder, un jour ou l'autre, à la pression d'un mouvement d'opinion qui, orchestré avec obstination par les responsables des Enfants de Don Quichotte et abondamment relayé par les médias, a paradoxalement abouti alors que l'hiver présentait des températures et un climat aux accents automnaux !
Avec des circonstances météorologiques si clémentes, comment expliquer ce revirement de notre pouvoir exécutif ? N'avions-nous pas entendu le Gouvernement, à l'occasion des débats sur le projet de loi portant engagement national pour le logement, qualifier ce droit opposable de « prématuré et irréaliste » ?
Quelles réponses apporter à ces interrogations ? Je n'en vois qu'une seule : l'absence d'un réel projet politique pour venir en aide aux Français privés de logement. Ce vide a permis au temps médiatique de dicter sa loi au temps politique. Il en résulte un texte qui, certes, prévoit de consacrer le droit opposable au logement, mais qui repose sur une confusion et comporte des incertitudes.
La discussion parlementaire revêt donc une importance toute particulière. En effet, vouloir apporter des réponses aux sans domicile fixe en érigeant le droit opposable au logement en arme universelle risque de déplacer le problème vers d'autres publics et d'altérer les effets escomptés des opérations de renouvellement urbain.
Aussi, à l'instar de nombreux collègues, je milite en faveur d'un plan ambitieux adaptant les réponses à la spécificité des difficultés rencontrées, avec la reconnaissance d'un droit à l'hébergement puis, progressivement, d'un droit opposable au logement.
Ces propositions ne constituent nullement une critique adressée aux promoteurs du projet de loi ; elles se veulent plutôt une invitation à en améliorer l'effectivité, dans le respect des compétences et des moyens des collectivités publiques et des bailleurs concernés.
En effet, que recouvre cette notion d'opposabilité appliquée au droit au logement ? Comme vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, « le droit au logement constitue jusqu'à présent davantage une obligation de moyens qu'une obligation de résultat. ». Le présent projet de loi a donc pour ambition, selon vous, « de permettre aux personnes défavorisées prioritaires dans l'attribution d'un logement de pouvoir non seulement saisir la commission de médiation mais aussi d'engager un recours devant la juridiction administrative en cas d'avis favorable de la commission non suivi d'effet dans un délai raisonnable. »
Largement inspiré des réflexions et préconisations du Haut comité pour le logement des personnes défavorisées, dont je tiens d'ailleurs à saluer ici l'excellente qualité des travaux, ce texte ne devrait donc inspirer aucune interrogation, ni même appeler de modification.
Toutefois, la démarche globale du Haut comité présidé par M. Xavier Emmanuelli a accouché d'un projet de loi aux mesures volontaristes, certes, mais par trop partielles. En effet, l'absence d'une réelle mobilisation du parc locatif privé exercera une pression préjudiciable sur le parc social.
Pourtant, comme le souligne le rapport du Haut comité, « le parc locatif privé présente des atouts essentiels dans une politique visant à répondre, dans les meilleures conditions, aux besoins de logement des populations en difficulté. Sa grande diffusion géographique permet d'assurer la présence d'une offre locative sur l'ensemble du territoire, y compris en milieu rural. Son insertion urbaine diversifiée ne peut qu'être favorable à la bonne intégration des populations fragiles ; elle est un élément de réponse à l'objectif de mixité sociale. »
Sans cette contribution du parc privé, les obligations rejailliront entièrement sur les communes qui possèdent un nombre important de logements sociaux, aggravant encore leurs difficultés.
Nombre de maires m'ont fait part de leur appréhension. Qu'adviendra-t-il des opérations de renouvellement urbain qui procèdent à une « dédensification » urbaine par la suppression de barres entières de logements ? Ces appartements seront-ils réquisitionnés par les préfets ?
Il existe, par ailleurs, de longues listes d'attente qui pourraient être grandement perturbées par la mise en oeuvre aveugle du droit opposable au logement. Sur ces listes figurent, comme l'a souligné notre collègue Jean-Paul Alduy, « des personnes qui sont véritablement en attente d'un logement mais qui ne sont pas dans la cible de la loi ».
Aussi, il importe de sérier les problèmes en leur apportant des solutions adaptées. Pour répondre aux situations insoutenables et intolérables vécues par les « sans domicile fixe », consacrons législativement le droit à l'hébergement et engageons les moyens financiers propres à la création de structures d'hébergement, d'établissements spécialisés, de logements de transition ou de logements-foyers.
Aux familles victimes du « mal-logement », soit plus de trois millions de nos concitoyens, adressons un message fort, celui d'une nation solidaire, qui consacre le droit opposable au logement tout en fixant un calendrier réaliste et un cadre ambitieux, inspirés tous deux de l'exemple écossais, que vous avez d'ailleurs évoqué tout à l'heure, monsieur le ministre.
Pour notre voisin européen, en effet, l'enjeu réel est de se trouver au rendez-vous de 2012 en termes de programmation d'une offre de logements accessibles. Pour lui, l'opposabilité du droit au logement est garantie par un processus partenarial entre le gouvernement écossais, les collectivités locales, les bailleurs sociaux agréés, les bailleurs privés et les services de solidarité.
Cette démarche, empreinte de pragmatisme et d'une réelle solidarité nationale, doit nous guider.
Dans cette perspective, affirmons que le droit opposable au logement ne peut se concevoir qu'avec le recours aux bailleurs privés, bénéficiaires d'aides publiques versées par l'ANAH.
Dans cette perspective, adaptons la progressivité de ce droit à la réalisation de programmes sociaux complémentaires des opérations de renouvellement urbain.
Dans cette perspective, reconnaissons les singularités franciliennes pour mieux adapter les moyens d'action.
Dans cette perspective, faisons de l'accompagnement social et d'une meilleure indexation des aides au logement les corollaires indissociables du droit opposable au logement.
Dans cette perspective, n'enfermons pas les communes ou groupements de communes délégataires de l'aide à la pierre dans un processus faussement volontaire, qui les amènerait, à quelques mois du scrutin municipal, moins à délibérer sur leur volonté de poursuivre cette délégation qu'à assumer ses conséquences en termes de responsabilité dans la mise en oeuvre du droit opposable au logement.
Dans cette perspective, plaçons plutôt notre confiance dans les élus locaux et offrons-leur la possibilité de mener, sur la base du volontariat, des expérimentations sur leurs territoires.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, l'urgence a marqué la rédaction, puis l'inscription à l'ordre du jour des travaux du Parlement de ce projet de loi. Sénateurs et députés ne disposeront donc que d'une seule lecture pour adopter un texte fondateur. Souhaitons, à l'instar ce qui a prévalu pour les lois Ferry évoquées dans mon propos introductif, que la sagesse sénatoriale nous guide tout au long de ce débat et nous permette d'aboutir, par une démarche consensuelle, à l'instauration effective d'un droit à l'hébergement et d'un droit au logement opposables.
Si nous y parvenons, nous aurons rétabli la primauté du temps politique sur le temps médiatique, mais nous aurons surtout le sentiment d'avoir honoré, comme il se doit, la mémoire de l'abbé Pierre, qui a tant oeuvré pour améliorer l'existence de nos compatriotes les plus fragiles. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui constitue un texte charnière : il clôt un premier cycle de réformes législatives réalisées en faveur de la construction de logements pour ouvrir la voie aux nouvelles réflexions que ne manquera pas de susciter le droit au logement opposable.
Ce texte est au coeur de l'actualité, mais il ne doit pas, selon moi, être considéré comme une réaction à chaud. Il constitue la conclusion logique de cinq années d'efforts en faveur du logement pour tous, au cours desquelles le Parlement a été saisi de quatre textes, qu'il a enrichis : en 2002, la loi « habitat et urbanisme » ; en 2003, la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine, qui a créé l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU ; en 2004, la programmation pour la cohésion sociale, que j'ai pu voter car j'étais alors parlementaire, et qui a fixé un objectif de réalisation de 500 000 logements locatifs sociaux ; en 2005, enfin, la loi portant engagement national pour le logement, qui a mis en place des mesures visant à développer l'accession à la propriété, à lutter contre l'insalubrité et la vacance des logements, mais aussi à inciter les collectivités locales à construire des logements sociaux.
Cette construction législative a été progressive et accompagnée des moyens financiers nécessaires à sa mise en oeuvre. Pour ma part, j'estime qu'il s'agit d'un succès, puisque nous avons enregistré ces six dernières années une augmentation de 40% du nombre des chantiers nouveaux, de 130 % du nombre de logements sociaux et de 400 % du nombre des logements locatifs privés conventionnés.
Mes chers collègues, ne nous y trompons pas : c'est parce que des efforts ont été demandés à tous les acteurs, et surtout aux collectivités locales, que nous nous trouvons maintenant au coeur d'une dynamique d'accroissement du parc de logements et que nous pouvons aborder la question du droit opposable au logement.
En ce qui concerne les efforts consentis par les collectivités locales, je partage l'opinion formulée par M. Dominique Braye dans son rapport, qui est également celle de nombreux maires que j'ai pu rencontrer, en particulier hier, lors de la réunion du conseil général dont je suis membre : il est nécessaire de marquer une pause dans les réformes législatives, afin de laisser aux acteurs locaux le temps de s'adapter.
M. Christian Cambon. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Quant à M. Seillier, rapporteur de la commission des affaires sociales, il a parfaitement saisi ce que mes collègues franciliens et moi-même avons tenté de dire, ici même, lors de l'examen de la loi portant engagement national sur le logement : en raison du taux de chômage et du nombre élevé de divorces, ce sont à présent 60 % de notre population qui peuvent prétendre à un logement social, du moins en région parisienne et dans le département dont je suis l'élue ! Naturellement, ce n'est pas une loi qui réglera tout d'un seul coup.
Je rappellerai aussi que la sédentarisation des locataires dans les logements sociaux bloque l'ensemble du système : comme le maintien dans les lieux est intangible, toute fluidité est impossible et la seule solution est de toujours construire, y compris des places d'urgence, puisque les gens ne quittent plus les logements sociaux, compte tenu du prix du marché !
M. Roland Muzeau. Mais oui, il y a trop de pauvres ! Dehors, les pauvres ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
Mme Catherine Procaccia. Mes chers collègues, vous noterez que les membres du groupe CRC approuvent mes propos !
M. Guy Fischer. Seulement cette remarque !
Mme Catherine Procaccia. Le droit au logement opposable doit être pensé et développé à côté des mesures en faveur de la construction et pour l'accession à la propriété.
M. Guy Fischer. Et la mixité sociale ?
M. Roland Muzeau. Il faut construire des logements sociaux à Saint-Maur, à Vincennes, partout où il n'y en a pas, et rendre inéligibles les maires qui n'en construisent pas !
Mme Catherine Procaccia. Je ne m'étendrai pas sur les mécanismes introduits par cette loi afin de consacrer le droit opposable au logement : M. le ministre et les orateurs qui m'ont précédée ont été suffisamment clairs et explicites.
Toutefois, je veux aborder ce qui constitue à mes yeux le corollaire du droit opposable au logement, à savoir le droit du propriétaire occupant ou du locataire de pouvoir habiter dans son logement - j'insiste sur ce point -, c'est-à-dire sa résidence principale, en supposant d'ailleurs qu'il en ait une autre !
Même si j'y suis attachée et si certaines décisions de justice le disqualifient pour non-usage, c'est non pas le droit de propriété que je veux défendre à l'occasion de l'examen de ce texte, mais le droit pour une famille de pouvoir habiter dans le logement dont elle est locataire en titre ou propriétaire occupante !
En effet, les exemples se multiplient de personnes qui, au retour d'un mois de vacances ou d'un déplacement professionnel, ne peuvent plus ni rentrer chez elles, parce que les squatters ont changé les serrures, ni faire expulser ces occupants sans titre et surtout sans scrupules ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, applaudit également.)
M. Christian Cambon. C'est vrai !
Mme Catherine Procaccia. Mes chers collègues, interrogez les gens autour de vous, y compris au Sénat, et vous constaterez que ce phénomène se répand de plus en plus ; j'ai été étonnée du nombre de cas qui se sont produits, et qui m'ont confortée dans ma décision de m'attaquer à ce problème.
Imaginez le drame d'une famille qui revient chez elle avec ses enfants après trois semaines d'absence et qui ne peut réintégrer son logement, ou celui de la personne âgée qui, au retour d'un séjour à l'hôpital ou en rééducation, se retrouve brusquement à la rue !
Monsieur le ministre, l'exclusion, c'est aussi cela ! Et cette situation est possible parce que le squatter est défini comme un occupant sans titre d'un local qui devait être vide, et non occupé, et qu'il bénéficie d'une protection, puisque, passé un délai de quarante-huit heures, le logement en question devient le domicile de la personne installée illégalement !
M. Alain Vasselle. C'est invraisemblable !
M. Christian Cambon. C'est aberrant !
Mme Catherine Procaccia. Le locataire, ou le propriétaire, qui tente de reprendre par la force possession de son habitation commet alors une violation de domicile, ce qui, comme vous l'avez souligné, monsieur Vasselle, est invraisemblable !
J'ai vérifié cette information auprès de commissaires de police, qui m'ont cité des cas où ils avaient dû intervenir contre les occupants en titre d'un appartement, ...
M. Christian Cambon. C'est scandaleux !
Mme Catherine Procaccia. ... parce que les squatters occupaient celui-ci depuis plus de deux jours !
M. Alain Vasselle. Que fait le Gouvernement ?
Mme Catherine Procaccia. Ces individus ne pouvaient donc pas faire l'objet d'un flagrant délit !
Ces cas ne sont plus marginaux : il existe maintenant des squatters professionnels.
M. Christian Cambon. Il y a des sites internet !
Mme Catherine Procaccia. Je vous conseille de suivre mon exemple et d'aller sur Internet, comme je l'ai fait hier soir. J'y ai découvert un site qui s'intitule littéralement « Comment squatter sans se faire expulser » (M. Alain Vasselle s'exclame.), et qui dispense quelques conseils : ne pas se faire remarquer pendant deux jours, remplacer les serrures, faire changer la quittance de gaz ou d'électricité - il suffit de téléphoner : c'est simple et aucun contrôle n'est effectué -, se faire envoyer du courrier, être aimable avec le voisinage. Si la police arrive, il suffit de ne pas lui ouvrir et d'expliquer que l'on se trouve là depuis plusieurs semaines parce que l'on n'a pas d'autre endroit pour se loger.
Il ne reste plus aux locataires qu'à attendre une décision d'expulsion du tribunal, ce qui sera long. Pour la faire exécuter, il leur faudra s'adresser à un huissier, qui devra faire appel à la force publique. Pendant tous ces mois, la famille doit bien se reloger, s'habiller. En outre, elle ne sait pas dans quel état elle retrouvera son logement. Enfin, il faut imaginer le traumatisme qu'une telle situation provoque.
Vous l'aurez compris, je défendrai avec conviction un amendement visant à instaurer une procédure d'expulsion d'urgence en cas de squat d'un logement occupé. Je remercie les dix-sept collègues qui l'ont cosigné. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Vasselle. Pourquoi le Gouvernement n'y a-t-il pas pensé ?
Mme Catherine Procaccia. Par ailleurs, monsieur le ministre, vous nous proposez de compléter le dispositif de cohésion sociale, à l'aide de quatre mesures très différentes.
La première, nommée « bouclier social » - vous l'avez évoquée tout à l'heure -, a pour objet de simplifier la vie administrative et financière des travailleurs indépendants qui réalisent un petit chiffre d'affaires, surtout lorsqu'ils démarrent leur activité.
L'amendement gouvernemental, adopté par le Sénat et confirmé par la commission mixte paritaire, a été censuré par le Conseil constitutionnel - encore une fois ! -, pour des raisons de procédure parlementaire.
M. Roland Muzeau. Il était illégal !
Mme Catherine Procaccia. Il serait dommage de renoncer à une telle mesure. En effet, même s'il a été aménagé par rapport au droit commun, le régime actuel de la micro- entreprise demeure encore trop pénalisant dans la pratique : les travailleurs indépendants se retrouvent à devoir acquitter des charges sociales pour un montant supérieur au chiffre d'affaires réalisé. Dans ces conditions, comment éviter le travail illégal ?
Le système met en place une cotisation sociale proportionnelle, vous l'avez également rappelé, monsieur le ministre. Elle me paraît adaptée aux moyens du travailleur indépendant. Le paiement des charges sociales pourra s'effectuer chaque trimestre, sur la base du chiffre d'affaires constaté. Naturellement, les droits sociaux équivalents en termes de retraite ou d'assurance maladie sont garantis. Il s'agit d'une bonne mesure pour ces petits travailleurs indépendants.
La seule réserve que j'émettrai porte sur les seuils relativement bas au-delà desquels cette cotisation proportionnelle devient moins intéressante qu'une cotisation forfaitaire. Il faudra faire preuve d'une grande vigilance, afin, je le souhaite, de permettre au travailleur indépendant d'acquitter une cotisation en rapport avec sa situation personnelle.
La deuxième mesure concerne la création d'une aide à la réinsertion familiale et sociale des vieux migrants. Cela a été évoqué à cette tribune par plusieurs orateurs. Depuis le 1er janvier 2006, nous avons mis un terme au versement du minimum vieillesse à l'étranger. En effet, de nombreux cas de fraudes étaient constatés et ce versement avait un coût élevé.
Afin que les vieux travailleurs immigrés n'aient plus à choisir entre continuer à bénéficier de cette prestation, et donc organiser des séjours durables en France, et y renoncer en demeurant dans leur pays d'origine, vous avez choisi, monsieur le ministre, de créer une aide équivalente à la somme que ces personnes auraient perçue si le minimum vieillesse était toujours exportable. Dans ce cadre, ces personnes auront les moyens de réaliser des allers et retours vers leur pays d'origine, tout en continuant de résider en France quelques mois par an, dans leur foyer habituel, selon un système de location alternée.
Monsieur le ministre, je vous avoue rejoindre le jugement mesuré et nuancé du rapporteur, Bernard Seillier, sur les modalités d'application de cette mesure, qui soulèvent d'importantes difficultés sur les plans juridique - peut-être les résoudrez-vous - et financier.
Le texte renvoie très largement la définition de ces modalités au pouvoir réglementaire. Nous souhaitons donc connaître les conditions d'accès au dispositif et les moyens qui seront mis en oeuvre pour lutter contre la fraude, puisqu'elle continuera à exister et que c'est elle qui avait conduit à supprimer le système que nous rétablissons aujourd'hui. Enfin, monsieur le ministre - cette question a déjà été posée -, avez-vous une idée du coût global d'une telle disposition ?
La troisième mesure complète l'article 70 de la loi de finances rectificative pour 2006 et institue un crédit d'impôt sur le revenu au titre des services à la personne. Elle est le pendant de celle qui permet de déduire de l'impôt sur le revenu la moitié des dépenses effectuées pour l'emploi d'un salarié à domicile, dans la limite d'un plafond.
Il me semble normal que cette mesure, qui encourage l'emploi et contribue à lutter contre le travail illégal, puisse également bénéficier aux personnes payant peu d'impôt sur le revenu, voire n'en payant pas du tout.
La commission mixte paritaire avait réduit le champ d'application d'un tel dispositif. Monsieur le ministre, vous nous proposez aujourd'hui d'étendre le bénéfice du crédit d'impôt non seulement aux personnes qui passent par l'intermédiaire d'une association ou d'une entreprise agréée, mais également à l'ensemble des services à domicile, et non plus exclusivement aux gardes d'enfant et au soutien scolaire.
Cette disposition devrait être positive pour les ménages à revenus modestes. En outre, elle conforte le principe qui avait été mis en oeuvre.
La quatrième mesure supprime l'accès à certaines prestations pour les citoyens de l'Union européenne qui viennent chercher un emploi. Jean-Pierre Godefroy vient de l'évoquer, je ne m'y étendrai donc pas.
Il s'agit de l'application d'une directive européenne qui repose sur le principe selon lequel « il convient d'éviter que les personnes exerçant leur droit de séjour ne deviennent une charge déraisonnable pour le système d'assistance sociale de l'État membre d'accueil pendant une première période de séjour ». L'effet d'aubaine, déjà évoqué à cette tribune, existe bien, surtout dans une Europe élargie à laquelle je suis, personnellement, tout à fait favorable.
Je vous remercie à l'avance, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, messieurs les rapporteurs pour avis, de l'attention que vous porterez aux amendements que j'ai déposés avec mes collègues, dont l'objet est d'améliorer le texte, sans le déformer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, plusieurs lectures de ce projet de loi insolite instituant le droit opposable au logement peuvent être faites.
Les uns souligneront la précipitation de l'initiative gouvernementale, à moins de trois mois de l'élection présidentielle. « Politicien », diront-ils, non sans raison !
D'autres pointeront le risque de judiciarisation d'un droit au logement promulgué par la loi depuis 1990, maintes fois réaffirmé depuis et sans cesse démenti par les faits, comme le montrent en ce moment même les tentes de sans-abri le long du canal Saint-Martin, à Paris, ou le million de demandeurs inscrits sur les listes d'attente des organismes d'HLM. « Hypocrite », diront ceux-là, expliquant que le recours au juge et à l'État sert à nous exonérer du seul devoir qui nous incombe : construire, construire encore, pour satisfaire tous les citoyens en mal de logement. Les plus cyniques ajouteront que l'afflux massif de plaintes auprès du tribunal administratif suffira à déconsidérer rapidement la procédure.
Ainsi, le droit au logement resterait, une fois de plus, lettre morte pour toutes les catégories de Français qui n'ont pas les ressources financières suffisantes, eu égard à l'explosion des loyers et à l'envolée spéculative du prix du foncier.
Monsieur le ministre, je fais miennes toutes ces considérations : calendrier tardif, risque de judiciarisation d'un problème éminemment politique, absence de données économiques par strates de logements et par grandes régions au regard des besoins recensés. Et pourtant, j'ai décidé de prendre au mot le Gouvernement et de tenter de donner forme à ce droit opposable au logement qui s'imposerait à la nouvelle majorité, quelle qu'elle soit.
Sans doute suis-je influencé par l'abbé Pierre et la Fondation Emmaüs, sans oublier toutes ces associations qui oeuvrent en faveur des exclus : Mouvement international ATD Quart monde, Les Restos du coeur, le Secours populaire, Les Enfants de Don Quichotte, etc.
Plus profondément, j'ai le sentiment aigu d'une urgence. Après tant de dispositifs législatifs inopérants, tant de discours vains, le moment est venu de renverser les rôles : donner à l'État une obligation de résultat et mettre entre les mains du citoyen l'arme du recours amiable ou contentieux, lui qui jusqu'ici n'obtient même pas toujours une réponse, fût-elle négative, à sa demande de logement social.
Cette dernière formule m'alerte. S'agit-il seulement de construire des HLM à la façon des années soixante-dix et dans les mêmes cités ? Ce projet de loi n'a-t-il pas pour dessein secret de cantonner socialement et géographiquement les populations pauvres dans des quartiers réservés ?
La tentation existe, comme l'a montré encore récemment la pression de la majorité de droite pour exonérer certaines villes de l'obligation de proposer 20 % de logement social. La décision de la commission de médiation, ou celle du juge, au cas par cas, ne saurait garantir la mixité sociale, concept fondamental que ce texte ignore.
Le droit opposable au logement doit s'inscrire dans une problématique plus vaste et concerner aussi les classes moyennes, qui ne sauraient faire les frais du « tout-privé » pour les plus riches et du « tout-social » pour les exclus. C'est même là tout le problème : ce droit opposable au logement ne risque-t-il pas de se transformer en machine à ségrégation ?
J'imagine que le Gouvernement va protester de sa bonne foi, énumérer comme autant de trophées les prévisions à la hausse de constructions depuis 2005 - après, il est vrai, un début de législature catastrophique -, mais cela ne suffira pas à nous rassurer.
Au fond, monsieur le ministre, vous nous demandez de tirer une traite sur l'avenir, de faire confiance à la prochaine majorité et au prochain Président de la République.
Quelle imprudence et quelle naïveté, me diront mes amis ! Et pourtant, parce que la détresse des mal-logés est immense, comme sont également immenses le dévouement et la générosité des bénévoles qui sont mobilisés sur le terrain, j'accepte le risque et j'entre dans le débat sans a priori, attentif aux améliorations indispensables que vous accepterez sous la forme d'amendements.
Mais, monsieur le ministre, prenez garde à vos amis. Ils sont sans doute le principal risque de naufrage pour votre fragile embarcation ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en quelques années, le logement est devenu pour les Français un sujet de préoccupation majeur.
En effet, un million de personnes ne bénéficient pas d'un logement décent et indépendant. Ainsi, 100 000 d'entre elles sont à la rue, les autres vivant dans un habitat précaire : hôtel meublé, sous-location surpeuplée, camping-caravaning, habitat de fortune. Il convient d'y ajouter les 5 % de Français qui, en matière de logement, cumulent les déficiences : surpeuplement, vétusté, absence de confort. Enfin, 9 % de la population habitent dans des logements surpeuplés : 800 000 personnes, dont un tiers de jeunes, sont privées de domicile personnel, 450 000 adultes, hors étudiants et apprentis, vivent chez des proches, parfois avec des enfants. Entre 400 000 et 600 000 logements sont indignes, insalubres ou dangereux.
Par ailleurs, jamais le logement n'aura autant pesé sur le budget des ménages. L'inflation constante des prix de l'immobilier, la progression des coûts de construction et, bien sûr, la hausse des loyers - 2,7 % en moyenne pour les loyers, 5 % pour les charges en 2006 - condamnent de nombreux Français à une précarité durable. Selon la FNAIM, les loyers des appartements ont augmenté de 4,6 % par an depuis 2000, soit largement le double de l'inflation.
La loi de finances pour 2007 constate que le taux d'effort net moyen des ménages est de 19,5 % pour les bénéficiaires des minima sociaux et de 27,4 % pour les salariés. Mais, selon la Fondation Abbé-Pierre pour le logement des défavorisés, ceux qui perçoivent les plus bas salaires - un SMIC pour une personne isolée ou 1,5 SMIC pour un couple avec deux enfants - peuvent supporter un taux d'effort proche de 50 %.
Le logement constitue, aujourd'hui, un critère de ségrégation, non seulement sociale mais aussi territoriale. En effet, lorsqu'ils existent, les logements locatifs sociaux se trouvent concentrés sur certaines communes. Ce sont elles qui supportent au quotidien l'effort de la nation, réparti de manière inégale sur le territoire. Je rappelle, d'emblée, que sur les 740 communes concernées par l'application de la loi SRU, un tiers ont réalisé moins de 50 % de leurs objectifs et près d'une centaine n'ont rien entrepris pour rattraper leur retard. C'est inacceptable !
En cristallisant autant d'inégalités, le logement constitue désormais un enjeu de cohésion sociale.
Face à cet enjeu, monsieur le ministre, vous avez affirmé votre volonté politique. Vous présentez, d'ailleurs, la relance de la construction, chiffres à l'appui, comme le gage du succès de votre action. Certes ! Vous prétendez, aujourd'hui, parachever votre travail en instituant un droit opposable au logement. Pourquoi pas ?
Le droit au logement, qui a été depuis longtemps affirmé par la législation - il est inscrit dans la loi depuis 1989 ; il a été renforcé par la loi du 31 mai 1990 visant à la mise en oeuvre du droit au logement et reconnu comme objectif de valeur constitutionnelle depuis 1995 -, constitue un principe de progrès et de justice. Il a, d'ailleurs, été au coeur des combats menés par la gauche, tant institutionnelle que sociale.
Mais plus ce principe est érigé en obligation légale, constitutionnelle, plus la question de sa mise en oeuvre se pose. Ce n'est pas parce que l'on déclare passer d'une obligation de moyens à une obligation de résultat que la question pratique, liée à l'effectivité de ce droit, cesse de se poser.
Oui à un droit opposable au logement si, et seulement si, sa mise en oeuvre obéit au réalisme le plus élémentaire, si des dispositions fortes et concrètes sont prises en faveur du logement social destiné à tous les Français non logés ou mal logés.
Les amendements proposés par le groupe socialiste vous aideront, monsieur le ministre, à avancer concrètement dans cette direction. Vous en aurez d'ailleurs bien besoin, car en légiférant avec autant de précipitation, en prétendant résoudre aussi vite et aussi complètement le déficit en matière de logements, le Gouvernement éveille une suspicion bien légitime parmi tous les acteurs du secteur.
Rendre concret le droit opposable au logement signifie moins préciser les contours du recours juridictionnel que créer les conditions rendant inutile son emploi. Autrement dit, le droit opposable au logement n'intéresse les Français que s'ils n'ont pas à s'en servir !
Ce qui les intéresse, c'est d'être logés et non de voir l'astreinte versée par l'État, ou par son délégataire, enrichir un fonds d'aménagement urbain devant, à son tour, contribuer à leur logement. Or, la réponse à cette demande ne se trouve pas dans la seule augmentation quantitative de l'offre globale de construction. En effet, il convient de distinguer, en général, les logements financés et les logements lancés. Ensuite, seule la pleine adaptation de l'offre à la demande est en mesure de rapprocher véritablement les plus défavorisés du logement.
De ce point de vue, le nombre et, surtout, la structure des logements sociaux locatifs ne sont pas encore à la hauteur des besoins. Certes - c'est un point positif - vous venez de revoir vos ambitions à la hausse en ce domaine, mais le déficit structurel demeure et vous avez pris du retard.
M. Roger Madec. En 2005, seuls 7 700 logements ont été construits grâce à un prêt locatif aidé d'intégration, un PLAI, la part de logement social intermédiaire atteignant, quant à elle, 30 % des logements financés. Or, les deux tiers des demandeurs ont des ressources inférieures à 60 % des plafonds relatifs au prêt locatif à usage social, le PLUS.
Par ailleurs, l'offre n'existe pas toujours, car il faut passer des programmes financés aux programmes lancés, puis déduire les démolitions, les ventes et les expirations de convention. En raisonnant en termes de solde, le parc social n'a augmenté que de 41 000 logements en 2005, alors que, en 2004, il avait crû de 30 000.
Soulignons, au passage, qu'il nous manque des données précises et harmonisées en ce qui concerne tant la réalité de la demande que la structure exacte de l'offre.
La mobilisation du contingent préfectoral annoncée dans le projet de loi, par le biais des conventions de délégation, ne suffira pas à garantir l'offre et à assurer ainsi l'effectivité du droit opposable au logement.
De plus, un tel levier fait toujours peser la charge du logement social sur les mêmes communes. L'un des paradoxes de l'application du droit opposable au logement pourrait être le renforcement de la ségrégation territoriale. Cette amplification du phénomène de ghettoïsation urbaine aurait alors un coût social extrêmement élevé.
La pleine application de l'article 55 de la loi SRU constitue donc une priorité, si l'on souhaite à la fois répondre au défi du logement pour tous et garantir la mixité sociale.
De nombreux outils existent : étendre le champ des communes soumises à l'obligation de disposer de 20 % de logements locatifs sociaux, affecter un coefficient supérieur au logement financé par un PLAI ou un PST et minorer les PLS, multiplier le prélèvement effectué par logement social manquant ou moduler la DGF en fonction de la réalité de l'effort entrepris, substituer à la défaillance communale l'autorité de l'État pour la mise en oeuvre de programmes de rattrapage.
Comme vous le savez, monsieur le ministre, un certain nombre de maires, qui vous sont proches, préfèrent payer une amende plutôt que de souscrire aux programmes de solidarité dans le domaine du logement.
Dans un esprit proche, pour assurer l'égalité de traitement des collectivités territoriales devant l'effort en matière de logement, les plans départementaux de l'habitat, les PDH, et les plans départementaux d'action pour le logement des personnes défavorisées, les PDALPD, pourraient être généralisés et devenir très contraignants.
Au-delà de la loi SRU, l'exigence de mixité de l'habitat devrait être encouragée à toutes les échelles : tout programme neuf financé en PLUS pourrait comprendre un pourcentage de logements financés en PLAI ; tout programme de construction aidé, notamment fiscalement, pourrait comporter un pourcentage de logements sociaux et très sociaux.
Par ailleurs, il serait illégitime et inefficace de limiter l'action en faveur de l'offre au seul parc public. La mobilisation du parc privé est nécessaire, afin non seulement d'accroître l'offre quantitative, mais aussi d'en garantir la qualité, notamment en termes de mixité et de confort.
À cet effet, notamment par le biais de l'ANAH, les programmes d'action des PLH peuvent à la fois orienter la construction neuve privée et contribuer au développement d'une offre locative à loyers maîtrisés, voire très maîtrisés. Ils peuvent favoriser la résorption de la vacance et aider à la lutte contre l'habitat indigne.
Les collectivités territoriales, ou l'État en cas de défaillance, pourraient aussi répondre graduellement aux besoins par la location temporaire de logements ordinaires, financée notamment par l'aide personnelle.
En cet instant, je souhaite ouvrir une parenthèse et citer l'expérience intéressante menée en Grande-Bretagne. Ce pays a mis en place, depuis 1977, le homeless persons act, notamment à Londres, qui met en réseau les mairies d'arrondissement, les housing associations, les propriétaires et l'État. Les mairies, auxquelles incombe l'obligation du droit opposable au logement, établissent des listes de homeless et s'adressent aux associations précitées pour trouver des opportunités de location, moyennant rémunération. Les housing associations passent des contrats avec les propriétaires privés et remettent les logements en état a minima. Les propriétaires ont une garantie de loyer. Les populations défavorisées sont logées et réparties dans le parc privé. Elles y restent entre six mois et cinq ans, ce qui permet de trouver des solutions plus définitives. L'État verse aux housing associations l'équivalent d'une aide personnelle au logement. En 2004, 280 000 personnes étaient ainsi hébergées en logements temporaires.
Un tel dispositif, qui se substitue au système de l'hébergement en hôtel, permet actuellement d'apporter une bouffée d'air en matière de logement, secteur également confronté à de grandes difficultés en Grande-Bretagne, notamment à Londres. À Paris, un effort a été effectué, puisque la société immobilière d'économie mixte de la ville de Paris, la SIAMP, s'est vu confier la mission d'inciter des propriétaires privés à louer leur appartement, moyennant un loyer garanti.
De manière générale, les collectivités locales sont de plus en plus mises à contribution, notamment celles qui ont demandé la délégation des aides à la pierre. Nombre d'entre elles ne sont pas servies financièrement à hauteur des conventions de délégation signées.
De plus, la subvention unitaire moyenne accordée par l'État aux opérations financées par un PLUS ou un PLAI est en baisse relative, compte tenu de la forte augmentation des coûts de construction.
Ces mêmes collectivités continuent à financer les surcharges foncières et elles gèrent, au niveau des départements, les fonds de solidarité pour le logement, après le retrait de l'État et des ASSEDIC.
À rebours de ce mouvement, les maires bâtisseurs de logements sociaux devraient, au contraire, être financièrement encouragés, par exemple, à travers la dotation d'équipement, la modulation des taux de subvention pour les équipements publics ou la modulation de la DGF.
Si l'on ajoute à cela la fiscalisation croissante de la politique du logement, au détriment, notamment, de l'investissement budgétaire, on conviendra que nous assistons, en termes de moyens, à un désengagement relatif de l'État.
Rappelons à ce titre que, en 2007, l'amortissement Robien devrait coûter à l'État 400 millions d'euros, montant comparable aux crédits finançant les logements locatifs sociaux. Un logement financé selon le dispositif de l'amortissement Robien coûte bien plus cher à la nation qu'un logement social : son coût s'élève à 33 000 euros par an. Je vous communique ce chiffre pour que vous puissiez le méditer !
Cette défiscalisation a contribué à l'enrichissement personnel d'investisseurs plutôt aisés sans contrepartie sociale : les logements haut de gamme ainsi construits, loués à un prix élevé, trouvent parfois difficilement des locataires.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Roger Madec. L'amortissement Robien aura contribué à la hausse des prix du marché et à la constitution, avec la bénédiction de l'État, d'une ségrégation supplémentaire, d'un nouvel « entre soi » réunissant ceux qui peuvent supporter le coût de loyers élevés.
Mes chers collègues, cela est d'autant plus choquant que, dans le même temps, les aides à la personne ont été peu augmentées, voire pas du tout. Or, ce sont bien ces aides, au sens large du terme, qui constituent l'outil le plus efficace pour garantir le logement pour tous. Disons le nettement : l'offre est, certes, insuffisante, mais elle est surtout inadaptée car trop chère.
Une action sociale forte en faveur de l'accès au logement serait le plus sûr moyen d'assurer concrètement le droit au logement. Face à la constante inflation des loyers, c'est bien leur blocage pendant un an et leur indexation sur les prix qui s'imposent. De plus, la solvabilité des familles doit être mieux prise en compte.
Au-delà de leur augmentation, les aides personnelles doivent être mises en cohérence avec le plafond des aides à la pierre ; leur barème doit être révisé en tenant compte des ressources de transfert et de la modulation des charges en fonction de leur coût réel.
Dans le même esprit, la question du mois de carence pour les emplois précaires doit être réexaminée.
Plus généralement, les aides à la personne doivent permettre de ne pas dépasser un certain taux d'effort pour tous ceux qui bénéficient d'un loyer conventionné ou réglementé. Tel est le principe du « bouclier logement », présenté dans le projet du parti socialiste.
Mais les aides ne sont pas seulement quantitatives ; elles impliquent également un meilleur suivi social des familles. On peut ici préconiser la généralisation de la gestion urbaine de proximité, associant les élus et les bailleurs sociaux.
Les organismes de logements sociaux doivent être davantage responsabilisés, notamment dans leurs relations avec les réservataires, à condition que les bailleurs reçoivent en retour l'aide nécessaire au suivi social.
Monsieur le ministre, tout le monde est favorable au droit opposable au logement. Cependant, nous devons non pas fabriquer de faux droits, gagés sur la parole, mais nous doter des moyens adéquats.
Je ne mets pas votre bonne foi en cause et je souhaite que vous interveniez auprès d'un certain nombre de vos amis politiques, maires de communes, qui, dans cet hémicycle, au mois de juin dernier, poussaient des cris d'orfraie lorsque vous présentiez un autre texte relatif au logement et qui se soustraient à l'obligation qui leur est faite de construire des logements sociaux. Si vous voulez que ce projet de loi connaisse des résultats positifs, il faut que tout le monde participe à l'effort de solidarité en la matière. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Demande de réserve
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, ne voulant pas rompre avec une vieille tradition - l'opposition m'en voudrait ! - et dans un souci de logique, je demande la réserve...
M. Roland Muzeau. Cela ne m'étonne pas !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ...de tous les amendements tendant à insérer un article additionnel au chapitre Ier, et ce jusqu'à la fin de l'examen dudit chapitre. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
M. le président. La réserve est de droit.
La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Je tiens à m'élever vivement contre la méthode employée ! En effet, M. le président de la commission, en accord avec M. le ministre, vient de mettre à bas tout le travail que nous avions effectué sur ce texte en renvoyant la discussion de l'ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels au chapitre Ier jusqu'après l'examen dudit chapitre.
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. C'est très bien !
M. Guy Fischer. Cela, nous ne pouvons l'admettre. C'est une remise en cause du droit d'amendement des sénateurs !
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Pas du tout !
M. Guy Fischer. Notre groupe, comme d'autres, j'en suis persuadé, a travaillé, a imaginé une stratégie, qui se trouve ainsi ruinée d'une manière autoritaire par M. le président de la commission.
Nous protestons donc véhémentement ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye, rapporteur pour avis. Nous prenons acte de votre protestation !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'interviens pour que les choses soient claires, monsieur le président : je demande la réserve de l'ensemble des amendements tendant à insérer des articles additionnels au chapitre Ier jusqu'après l'examen dudit chapitre !
M. Guy Fischer. C'est déjà trop !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous verrons pour la suite...
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Ce n'est pas la première fois que l'on nous « fait le coup » ! Tout le monde a bien compris qu'il s'agit là d'un moyen de fausser le débat.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout !
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est un moyen de le fausser parce que - mon collègue M. Thierry Repentin l'a bien dit - le sort réservé aux amendements tendant à insérer des articles additionnels au chapitre Ier que le groupe socialiste a déposés conditionne la position qu'il prendra.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous n'obtiendrons évidemment aucune réponse sur ces amendements...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais si !
M. Jean-Pierre Godefroy. ... qui puisse nous permettre de déterminer notre position. Le débat est donc faussé,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous aurez une réponse à la fin !
M. Jean-Pierre Godefroy. ...ce que je trouve tout à fait dommage.
Si le Gouvernement souhaitait que ce texte soit consensuel, il ne fallait pas qu'il adopte cette méthode ! En agissant ainsi, il fait en sorte qu'il n'y ait pas de consensus !
Il faudrait savoir si ce projet de loi vise réellement à instituer le droit opposable au logement ou s'il est purement politicien...
M. Guy Fischer. C'est pour faire taire l'opposition !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures trente, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.)