M. Michel Mercier. Arrêtez de dire que les élus locaux taxent les entreprises !
M. Gérard Delfau. Surtout au Sénat !
M. Michel Mercier. Ils n'ont pas d'autre choix !
Si cette taxe est inadéquate, qu'on en institue une autre ! Je suis prêt à étudier la question avec vous. En tant que rapporteur, j'ai ma part de responsabilité, mais elle est vraiment ténue ...
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le plus gros budget !
M. Michel Mercier. Il s'agit de pouvoir et j'en ai bien moins que vous, monsieur le rapporteur général !
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'en ai tellement peu...
M. Michel Mercier. Par ailleurs, je rappellerai que le Sénat a incité les intercommunalités à choisir la taxe professionnelle unique comme impôt. Comment conserver la confiance des élus locaux lorsqu'on leur attribue le produit d'une taxe et qu'on le leur retire brutalement l'année suivante ?
M. Jean-Claude Frécon. Eh oui !
M. Michel Mercier. Ils ne peuvent pas tout accepter tout le temps ! C'est à cela qu'il faut porter remède, en établissant de nouvelles relations, un pacte de confiance.
Cet après-midi même, la Conférence nationale des services d'incendie et de secours est réunie. Nous savons de quel poids ces services pèsent sur les budgets des collectivités locales, notamment des départements. Nous savons également que, dans quelques jours, la mise en oeuvre de la loi Jacob va se traduire par une très forte augmentation des dépenses de fonctionnement des SDIS. Est-ce la faute des élus locaux ?
Je ne vous fais pas de reproches quant aux recettes, messieurs les ministres, mais j'exprime de très fortes demandes : les dépenses des collectivités locales ne doivent plus être fixées unilatéralement par le Gouvernement. Je réclame une association plus forte et plus vraie des élus locaux à la prise de décisions relatives aux dépenses qu'ils devront financer. (M. Jean-Jacques Jégou applaudit.)
M. Michel Mercier. Je sais, d'ailleurs, que vous partagez cette opinion, même si vous ne pouvez le manifester immédiatement.
M. Michel Mercier. Oui, mais pas assez !
Ainsi, qu'en sera-t-il ainsi du traitement des sapeurs-pompiers ? Cela va se traduire, à nouveau, par une forte augmentation des charges.
Il faut donc trouver les moyens de définir les dépenses : c'est le défi que nous devons relever si l'on veut donner tout son sens à la décentralisation, qui a été conduite par tous les gouvernements, de gauche comme de droite. Il ne s'agit pas seulement des recettes ; si les élus en réclament davantage, c'est parce que l'on décide des dépenses à leur place. Lorsque cela cessera, nous pourrons leur demander de se montrer responsables en matière de recettes !
Toutefois, aujourd'hui, nous n'en sommes pas là, et votre tâche, messieurs les ministres, c'est de faire en sorte que nous y parvenions demain. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia.
M. Louis de Broissia. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je ne tomberai pas dans la caricature, comme notre collègue François Marc, qui, à mon grand amusement, a évoqué le site internet « lacoleredeselus.com », patronné par la Fédération nationale des élus socialistes et républicains et né le 1er avril de cette année. Mes chers collègues de l'opposition, je croyais que nous n'en parlerions plus après cette date, mais vous avez remis ce site à l'honneur ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste. -Sourires sur les travées de l'UMP.)
Je ferai plutôt mien l'esprit de nuance que vient de manifester mon éminent collègue Michel Mercier.
En effet, mes chers collègues, les conseils généraux, dans leur ensemble, accueillent favorablement le volet « recettes » du projet de loi de finances pour 2007.
J'évoquerai les principaux points de ce texte, puis je tracerai quelques perspectives au sujet de l'avenir des relations financières entre l'État et les collectivités territoriales, en allant au-delà des analyses réductrices qui sont parfois proposées.
Les dispositions du projet de loi de finances pour 2007 ont amené Didier Migaud, qui n'appartient pas à ma famille politique, à déclarer à la presse : « la bonne nouvelle, c'est qu'il n'y a pas de mauvaise nouvelle ». C'est dire si, en matière budgétaire, le cru 2007 n'est pas si mauvais, et s'il est même prometteur !
Mes chers collègues, je montrerai que ce budget est à la fois respectueux, solidaire et offensif vis-à-vis des collectivités territoriales. Toutefois, messieurs les ministres, je formulerai également quelques demandes à votre intention.
Premièrement, ce budget est respectueux. Si nous sommes objectifs - et après tout, nous ne sommes pas encore entrés dans le combat électoral de 2007 -, nous devons reconnaître que l'État respecte ses engagements vis-à-vis des collectivités territoriales.
Ainsi, le projet de loi de finances prend acte des transferts de compétences opérés cette année en direction des collectivités. Les montants de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, la TSCA, qui sont prélevés sur la branche « automobile » et que nous avons négociés à l'époque où M. Lambert était ministre chargé du budget, passeront de 110 millions en 2006 à 776 millions en 2007, afin de compenser les transferts, en particulier celui des agents TOS.
Je le rappelle - et nous ne nous en plaindrons pas, nous qui sommes des élus locaux décentralisateurs -, 73,5 % des agents TOS ont rejoint le camp de la fonction publique territoriale. C'est dire si nous sommes attrayants, mes chers collègues ! Ne voyons pas uniquement le verre à moitié vide : il s'agit là d'une marque de confiance, ce qui n'est pas rien.
L'ensemble des concours financiers aux collectivités, qui représenteront 67,48 milliards d'euros en 2007, soit une progression de près de un milliard d'euros par rapport à 2006, ainsi que le contrat de croissance et de solidarité, qui a été renouvelé, constituent également des marques du respect de l'État pour les collectivités.
Mes chers collègues, tous ces chiffres témoignent que, à un moment où l'argent public est rare, l'État se lance avec courage dans le soutien aux collectivités locales. Cet effort devra être poursuivi.
Messieurs les ministres, je veux souligner notre attachement au contrat de croissance et de solidarité. De façon maladroite, le Conseil d'orientation des finances publiques a mis en cause les collectivités, en affirmant qu'elles contribuaient à la dette publique. Il s'agit là d'une accusation gratuite, car elles présentent chaque année un budget en équilibre. En outre, les transferts de compétences se sont accompagnés à la fois d'économies de gestion et d'une amélioration du service rendu à nos concitoyens, qui, d'ailleurs, apprécient.
Il est vrai que nous pouvons toujours aller plus loin dans la confiance, qui, comme l'a rappelé à juste titre Michel Mercier, se renouvelle chaque jour.
Le respect des collectivités territoriales passe par l'observation de règles équitables dans les transferts. La neutralité de ces derniers est inscrite dans la Constitution. Veillons à en respecter l'esprit.
Or, messieurs les ministres, ce principe n'a pas vraiment régi le transfert des personnels. Comme d'autres orateurs l'ont souligné, les emplois « disparus » ne seront compensés qu'au terme de la période d'exercice du droit d'option des intéressés. Nous devrons donc consentir des avances sur trésorerie - pardonnez ma franchise, mes chers collègues, mais je dois être objectif, et tout dire.
De même, le mode de calcul retenu pour mesurer la compensation des emplois vacants se base sur le pied de corps et non sur le niveau médian, ce qui n'est pas adapté.
M. Claude Haut. C'est même inacceptable !
M. Louis de Broissia. Nous avons suscité sur cette question d'inutiles points d'achoppement. J'espère que notre discussion permettra de perfectionner ce texte de loi.
Je souhaite évoquer une dernière demande des départements, qui porte sur la répartition du produit des radars.
Messieurs les ministres, le produit des radars situés sur les routes transférées doit être affecté à ceux qui entretiennent ces voies.
M. Claude Haut. Nous sommes d'accord !
M. Louis de Broissia. Nous aurons sans doute l'occasion d'en débattre ultérieurement.
Deuxièmement, ce budget est solidaire. Je m'étonne que François Marc ait affirmé que la dotation de péréquation n'était pas convenable ! En 2006, je le rappelle, la dotation de solidarité urbaine, ou DSU, a augmenté de 8,8 % - on n'a jamais autant fait pour les villes ! -, et la dotation de fonctionnement minimal, ou DFM, de 12,6 %.
Mes chers collègues, j'ai été le seul à remercier M. Borloo quand il a remis au maire de Dijon 49,6 millions d'euros au nom de l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine. J'eusse aimé que M. le ministre en fasse de même à l'égard du conseil général de la Côte d'Or ! Pour ma part, je sais remercier.
M. Alain Lambert. Quelle élégance !
M. Louis de Broissia. C'est le fruit de mon éducation, monsieur Lambert !
M. Louis de Broissia. C'était M. Borloo ! Je l'ai remercié au nom de la ville de Dijon. Mes chers collègues, il est possible de faire de la politique d'une façon qui ne soit pas médiocre !
Je le rappelle, la dotation de péréquation bénéficiera d'un abondement supplémentaire, comme vous l'avez annoncé, monsieur le ministre délégué aux collectivités territoriales, lors d'une récente réunion du comité des finances locales. Il est vrai que nous souhaitons que la refonte de mécanismes de péréquation soit intégrée à notre réflexion collective sur le devenir des finances locales.
À cet égard, et je m'exprime ici au nom des départements, les critères d'éligibilité à la DSU et à la DFM doivent être resserrés, afin de concentrer davantage les crédits publics sur les collectivités territoriales qui sont particulièrement en difficulté. Il s'agirait ainsi d'une véritable péréquation au profit des plus faibles. Il faudra également simplifier les modes de calcul de ces dotations, me semble-t-il. Nous devons corriger des inégalités de situation, non de gestion.
M. Claude Haut. Très bien !
M. Louis de Broissia. Troisièmement, ce budget est offensif. Le présent gouvernement, comme celui qui l'a précédé, a réalisé des efforts marqués au profit des collectivités territoriales.
Ainsi, les départements ont négocié un abondement de 500 millions d'euros, étalé sur trois années consécutives, au titre du financement du RMI. Je tiens à saluer l'effort accompli dans ce domaine par l'État, puisque, en moyenne, le taux de couverture des dépenses liées au RMI est de 94 %.
J'évoquerai plus tard l'APA, l'allocation personnalisée d'autonomie - en ce qui me concerne, je n'oublie pas cette question !
M. Henri de Raincourt. Nous non plus !
M. Louis de Broissia. S'agissant du RMI, l'État s'est donc engagé à compenser les prestations versées pendant trois ans. Nous ne doutons pas que, dans la loi de finances pour 2008, le gouvernement d'alors, quel qu'il soit, honorera ces engagements. D'ailleurs, le Sénat y veillera, car c'est son rôle.
Il est important, me semble-t-il, qu'une partie du Fonds de mobilisation départementale pour l'insertion prenne en compte les efforts accomplis par les conseils généraux en la matière. Le Gouvernement m'a d'ailleurs suivi sur ce point.
Mes chers collègues de l'opposition, si nous avions satisfait les revendications du site « lacoleredeselus.com », nous aurions dû verser un milliard d'euros aux 102 départements, alors que l'analyse de leur situation ne fait apparaître qu'un besoin de 830 millions d'euros ! Naturellement, il est toujours possible de demander à l'État de compenser au-delà des dépenses réalisées, mais une telle exigence est difficile à négocier, quel que soit le gouvernement en place...
Enfin, je souhaite saluer le coup de pouce donné aux conseils généraux pour le financement des contrats d'avenir, dont M. Borloo a souhaité modifier les règles de financement, ce qui est important.
Selon moi, le projet de loi de finances pour 2007 reflète donc les efforts réels accomplis par le Gouvernement pour inciter les élus locaux à s'engager toujours plus dans la bataille pour l'emploi, qui constitue l'une des principales préoccupations de nos concitoyens.
Je terminerai en formulant quelques voeux, car la saison s'y prête, me semble-t-il.
Messieurs les ministres, je voudrais attirer l'attention, à la suite de Michel Mercier, sur la place particulière qu'occupent les conseils généraux dans le paysage local.
Le département est une institution hybride. Il est une collectivité territoriale pour la moitié de son budget, et le « service instructeur de la solidarité nationale » pour l'autre.
Dans nos départements, pour 50 % de nos budgets, nous appliquons des règles fixées au niveau national, qu'elles concernent l'APA, le RMI, la PCH, la prestation de compensation du handicap, ou l'enfance en danger.
Mme Marie-France Beaufils. Les collectivités locales sont considérées par l'État comme des sous-traitants !
M. Louis de Broissia. Notre honneur est, d'ailleurs, d'instruire les dossiers liés à ces prestations de la façon la plus intelligente et la plus adaptée au terrain possible.
Nous, les 4 218 conseillers généraux de France, nous considérons que ce double visage du département, dont nous sommes fiers, doit être reconnu par la loi.
En corollaire, se pose la question du financement, dans la mesure où les conseils généraux ne maîtrisent pas les dépenses liées à des décisions nationales.
S'agissant du RMI, je le répète, le taux de couverture est de 94 %. Nous considérons qu'un taux de 100 % serait préférable, bien sûr, mais 94 % n'est pas un mauvais résultat.
S'agissant de la PCH, la montée en charge de cette prestation n'a pas eu lieu car, pour le moment, les personnes handicapées préfèrent majoritairement conserver I'ACTP, l'allocation compensatrice à la tierce personne, qui leur semble plus intéressante. Il faut avoir l'honnêteté de souligner que la PCH ne constitue pas aujourd'hui une « seconde APA ». Néanmoins, restons vigilants.
J'évoquerai à présent l'APA, dont personne parmi nous ne parle, ce qui est étrange, parce que la situation liée à cette prestation est très préoccupante.
La loi qui a créé l'APA n'a prévu ni mécanisme de compensation ni financement. Je me souviens, car j'étais déjà parlementaire, qu'on indiquait au moment de la création de cette prestation qu'une compensation serait instituée, dont le taux serait négocié, avec l'objectif d'un partage à égalité des coûts entre l'État et les collectivités locales.
M. Claude Haut. En effet !
M. Louis de Broissia. Mes chers collègues de l'opposition, que n'avez-vous inscrit alors ce mécanisme de financement et de péréquation dans la loi ! Aujourd'hui, l'APA constitue un gouffre financier. Elle coûte 4,2 milliards d'euros aux départements et elle est prise en charge par l'État à hauteur de 32 % ou 33 %, dans le meilleur des cas.
Pire, le coût de l'APA ne cesse de progresser. Il a augmenté de 9 % en 2005, alors que les dépenses liées au RMI avaient tendance à baisser, ce qui est heureux d'ailleurs. On nous annonce une hausse du coût de l'APA d'au moins 7 % en 2006. Et ce n'est rien à côté de la prise en charge des générations du « papy boom » qui nous attend !
Messieurs les ministres, il est nécessaire d'apporter une solution définitive à ce problème.
L'idée d'une CSG départementale a été évoquée ici ou là. Mes chers collègues de l'opposition, je suis assez réservé sur cette proposition, dans la mesure où la CSG est un impôt qui, en proportion, touche plus fortement les classes modestes et moyennes, car son taux n'est pas progressif. En outre, le niveau de cet impôt est déjà élevé.
À titre personnel, je plaide, comme beaucoup d'autres, pour que la mise en place de la Caisse nationale pour la solidarité et l'autonomie débouche sur la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale. En d'autres termes, je souhaite que nous, les élus des départements, une fois par an, nous puissions rencontrer non seulement les ministres chargés du budget et des collectivités locales, mais également celui chargé de la solidarité nationale, pour discuter.
En conclusion, je le répète, la France ne s'épargnera pas une réflexion en profondeur sur la réforme de sa fiscalité locale. Les présidents des associations représentant les maires, les départements et les régions ont eu raison de saisir conjointement le Conseil économique et social sur ce sujet.
Plusieurs pistes peuvent être suivies. Il s'agirait de limiter les financements croisés, qui sont devenus incompréhensibles - pour inaugurer le moindre édicule, il faut désormais cinq ou six financeurs ! - ; d'appliquer le principe « une collectivité, un champ de compétence, une ressource » ; de réfléchir sur la spécialisation de l'impôt local - je sais que la commission des finances du Sénat travaille activement sur cette question - ; de réviser les bases locatives - il n'est pas acceptable de les laisser se dégrader plus longtemps - ; de poursuivre la réforme de la taxe professionnelle, afin de prendre en compte la dématérialisation de l'économie et de mieux lutter contre les délocalisations - mes chers collègues, ne tournons pas le dos à la réalité de l'économie ! - ; de restaurer l'autonomie fiscale des collectivités territoriales ; enfin, de réviser les mécanismes de péréquation. Vous le voyez, la liste est longue et les pistes de réflexion ne manquent pas.
Ce débat permettra d'aboutir, du moins je l'espère, messieurs les ministres, à une refonte profonde de notre système - oserai-je évoquer une « rupture », pour reprendre un mot à la mode ? -, qui viserait à introduire plus d'équité entre les contribuables et à donner plus de responsabilités aux décideurs, afin d'instaurer une démocratie locale qui est à la base de notre république. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. En m'exprimant l'année dernière à cette tribune, à l'occasion de ce même débat, je vous avais fait part, monsieur le ministre, de ma très grande perplexité - c'était un euphémisme ! - face aux dotations financières insuffisantes que vous offriez aux collectivités locales. Un an plus tard, force est de constater que vous persistez dans cette logique de « décentralisation » des déficits de l'État au détriment des collectivités les plus pauvres, notamment les communes, au nom desquelles je m'exprimerai plus particulièrement.
Déjà, la loi de finances pour 2006 avait considérablement amoindri les ressources financières des communes.
Ainsi, la taxe sur le foncier non bâti concerne essentiellement les terres à vocation agricole. Près de 35 000 communes en bénéficient et, pour 2 200 d'entre elles, elle représente plus de 50 % de leurs recettes fiscales. Or le dispositif voté l'an dernier prévoit que la compensation versée par l'État pour le manque à gagner est indexée sur l'année 2005, ce qui revient à réduire mécaniquement au bout de quelques années les ressources dont disposeront les communes rurales.
Par ailleurs, la réforme de la taxe professionnelle a introduit un dispositif de plafonnement de la valeur ajoutée sur laquelle est assise cette taxe, ce qui permet à l'État de limiter la compensation qu'il doit verser. De fait, elle handicape lourdement les collectivités, car celles-ci ne peuvent plus moduler leur taux. Leur produit fiscal est ainsi largement comprimé. Monsieur le ministre, vos services ont certainement déjà travaillé sur les premiers effets de cette mesure. Est-ce parce que les résultats sont mauvais que vous ne communiquez pas sur ce point ?
En outre, l'instauration d'un bouclier fiscal, qui limite à 60 % des revenus l'imposition réelle des contribuables, ampute encore les recettes propres des collectivités. Cette mesure est non seulement marginale, puisque seuls 90 000 contribuables parmi les plus aisés sont concernés, mais surtout elle est moralement choquante. Notre droit fiscal repose depuis 1789 sur la capacité contributive de chaque contribuable, étant entendu que ceux qui gagnent le plus doivent davantage participer au financement des missions d'intérêt général.
M. François Marc. Très bien !
M. Gérard Delfau. Or ce bouclier fiscal est un nouveau cadeau offert aux plus riches, qui n'en demandaient pas tant.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ceux qui sont à l'étranger ne contribuent à rien !
M. Gérard Delfau. M. le rapporteur général n'est sans doute pas de cet avis !
Monsieur le ministre, je constate que le projet de loi de finances pour 2007 persiste dans la même voie dangereuse, qui porte en filigrane l'étouffement financier des communes. Vous continuez à déposséder les maires de leurs ressources et donc de leur autonomie.
La reconduction du contrat de croissance et de solidarité, à l'article 12, annonce une hausse globale de l'enveloppe normée, après ajustements, de 2,22 %. La DGF est abondée à hauteur de 39,22 milliards d'euros, pour une hausse de 1 milliard d'euros par rapport à l'année dernière, soit une progression de 2,5 %. La majorité des dotations étant indexées sur la DGF, c'est bien une progression a minima que vous nous proposez d'entériner, alors que vous avez aggravé les besoins à combler. À ce titre, je regrette que vous persistiez à refuser de porter à 50 % la prise en compte du taux de croissance du PIB dans le calcul de la progression de l'enveloppe normée.
La DSU et la DSR semblent bénéficier de hausses prioritaires, à hauteur de 15,8 % chacune, après des années de sous-financement chronique. Ce rattrapage ne suffira pas à combler le retard financier que vous avez laissé se creuser depuis 2002, et qui est encore aggravé pas l'ensemble de votre politique.
Et que dire du mode de calcul de la dotation élu local ? Le passage du potentiel fiscal au potentiel financier a artificiellement majoré la richesse de nombreuses communes, lesquelles se verront privées de cette dotation pourtant précieuse. Il avait fallu, en son temps, que le comité des finances locales, auquel je rends hommage, intervienne pour retarder l'entrée en vigueur de cette mesure. Mais, dès l'année prochaine, de nombreuses communes rurales devront se passer d'un financement pourtant précieux pour faire face à la technicité croissante des obligations qui s'imposent aux maires. Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour répondre aux besoins de formation de ces élus ruraux ?
Il faut également se pencher sur l'évolution de la relation financière entre les communes et les établissements publics de coopération intercommunale, qui n'est ni exempte d'ambiguïtés ni toujours conforme au principe d'égalité entre contribuables.
Ainsi suis-je interpellé par des maires de communes moyennes, qui, ayant accompli un important effort de développement de leur zone d'activité, se voient soudain dessaisis de la progression de la ressource afférente par la mise en place de la TPU. Pour peu que le calcul de la dotation de solidarité n'intègre pas, ou intègre insuffisamment, ce paramètre, cela se traduit par un manque à gagner important pour le budget communal. Si, en outre, la communauté de communes ou d'agglomération ne rend pas ces sommes à la commune, sous la forme de subventions d'investissement, le préjudice est réel, et le contribuable de cette commune se retrouve à payer deux fois.
J'entends bien qu'il convient de laisser assez de souplesse aux élus membres des conseils des communautés de communes ou des communautés d'agglomération, selon le principe de libre administration. Pour autant, monsieur le ministre, ne faudrait-il pas fixer un cadre minimal de reversement pour éviter des situations choquantes, qui confinent à une forme de spoliation au détriment des communes ayant contribué par leur engagement financier à la création de richesses et d'emplois sur tout leur territoire ? Nous avons le recul nécessaire pour envisager sereinement cette question, sans remettre en cause la dynamique des EPCI.
À l'autre bout de la chaîne, s'agissant de l'intercommunalité, on constate bien des insuffisances et des incompréhensions. Les EPCI, spécialement lorsqu'ils englobent des communes moyennes, attendent plus de souplesse et de moyens.
Or, les différences de traitement entre les multiples catégories d'intercommunalité sont flagrantes, sans que le degré d'intégration de l'établissement public justifie à lui seul les écarts de niveaux de dotations. En 2006, la DGF par habitant des communautés de communes à TPU simple, dont celles qui sont les plus intégrées, atteint 21,95 euros, contre 42,38 euros pour les communautés d'agglomération, et 83,60 euros pour les communautés urbaines ! Pourquoi les intercommunalités constituées pour l'essentiel de communes rurales et moyennes, qui sont déjà peu aidées par les dispositifs de péréquation, doivent-elles faire face à ce lourd handicap ?
L'impact de l'ensemble de ces dispositifs négatifs se double de l'absence d'une véritable politique de péréquation à l'échelon national. De ce point de vue, le projet de loi de finances pour 2007 illustre cet axiome ancien : on ne touche pas aux rentes de situation ; la péréquation ne se fait qu'aux marges, non comme principe d'organisation du budget. Ainsi se renforce le processus de paupérisation, qui regroupe sur les mêmes territoires communes à petits revenus et habitants à faibles ressources. Là est le coeur du malaise territorial français, dont les émeutes dans les banlieues, à la fin de l'année 2005, ne sont que l'un des symptômes.
Enfin, je me contenterai de mentionner la dernière cause de cette aggravation des inégalités entre collectivités : la politique de « décentralisation », initiée par le gouvernement Raffarin en 2002, et qui s'est faite à marche forcée, sans association réelle des collectivités et, surtout, sans compensation intégrale, alors qu'elle avait été promise !
Monsieur le ministre, voilà le jugement que je porte sur la loi de finances pour 2006 et sur le projet de loi de finances pour 2007. Les mesures financières à destination des collectivités locales que vous nous proposez sont inéquitables, confuses, inadaptées aux problèmes que vivent les élus locaux.
M. François Marc. Tout à fait !
M. Gérard Delfau. Je voulais en porter témoignage au nom des maires et de leurs administrés. Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, je ne voterai pas ce projet de loi de finances pour 2007, s'il demeure en l'état. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel.
M. Gérard Miquel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, François Marc ayant présenté une analyse générale sur la situation des collectivités locales, je m'en tiendrai, pour ma part, au financement des conseils généraux.
Si je suis le quatrième président de conseil général à intervenir dans ce débat, mon département est le plus petit - 167 000 habitants - et a des moyens limités !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est le plus grand en gastronomie !
M. Gérard Miquel. Depuis plus de vingt ans, les conseils généraux ont prouvé leur capacité à gérer les compétences qui leur étaient transférées.
Je suis profondément décentralisateur. Aussi me suis-je personnellement investi dans le transfert des nouvelles compétences découlant de la loi organique du 29 juillet 2004 et de la loi du 13 août 2004.
J'ai entendu à plusieurs reprises le ministre délégué au budget affirmer que les transferts se feraient « à l'euro près ».
M. Michel Sergent. Oui !
M. Gérard Miquel. Force est de constater aujourd'hui qu'il n'a pas tenu parole. L'exemple de la collectivité que je préside suffira à le prouver.
Au 31 décembre 2006, le nombre de fonctionnaires territoriaux du département du Lot aura doublé, passant de 500 à 1 000.
Pour ce qui est du transfert des TOS, il aurait été très simple de faire le calcul des salaires des agents transférés par département. Mais, non ! Vous avez pris la base des indices moyens par académie. Or, dans mon département, les TOS sont un peu plus âgés qu'ailleurs : la perte est donc de 140 000 euros. La faiblesse des crédits de suppléance entraîne de facto un surcoût de 75 000 euros.
Mon collègue Michel Mercier a également cité des chiffres, mais ils ne sont pas comparables, car le département du Rhône et celui du Lot ne sont pas de même dimension !
La compensation des emplois disparus sera étudiée sur la base du pied de corps et interviendra en 2009 pour les TOS et en 2010 pour les emplois relevant de l'équipement. En attendant, les collectivités feront l'avance, et, à cette occasion, on peut dire que vous vous défaussez sur vos successeurs, monsieur le ministre !
S'agissant de la compensation des contrats aidés, la perte des trois quarts des financements de chaque poste se traduit, pour mon département, par un déficit de 180 000 euros.
Quant aux compléments de rémunération, nous avons remarqué que les primes des conseils généraux, même si elles ne sont pas très élevées, étaient supérieures aux primes de l'État. Cette différence s'élève à 272 000 euros !
Le financement total non compensé pour les 160 TOS de mon département est de 667 000 euros. Pour connaître la situation des départements qui emploient un plus grand nombre de TOS, il suffit de multiplier !
S'agissant du RMI, mon collègue Louis de Broissia a souligné que, à l'échelon national, la compensation était de 94 %. (M. Louis de Broissia acquiesce.) Dans le département du Lot, ce n'est pas le cas. Mais peut-être que la compensation est supérieure à 100 % dans certains départements. Je les envie !
J'ai souhaité jouer le jeu des contrats aidés, y compris avec l'éducation nationale, qui se comporte comme le pire des employeurs : ni formation, ni tutorat, ni encadrement des contrats d'avenir !
Les bénéficiaires du RMI les plus aptes à trouver un emploi sont maintenus à la charge du département par le biais des contrats aidés.
Le déficit attendu pour mon département du Lot, du fait du RMI, est de 2 310 000 euros.
Les conseils généraux financent les emplois aidés du plan Borloo et, dans le même temps, les activités d'insertion de l'ANPE sont tarifées aux collectivités locales sans que l'État compense ce nouveau coût.
Ce n'est pas l'augmentation de 500 millions d'euros du fonds de mobilisation départementale pour l'insertion qui pourra couvrir le surcoût constaté. D'ailleurs, on peut légitimement s'interroger sur le fait que ce fonds apparaisse ici en tant que prélèvement sur recettes alors qu'il s'agit en fait d'une dépense du budget général. Cette volonté d'affichage politique contredit l'esprit de rigueur de la LOLF dans la présentation du budget. Nous assistons dans ce secteur à une véritable remise en cause des politiques publiques, et ce au détriment des collectivités, notamment des départements.
En 2007, la réforme de la taxe professionnelle et son plafonnement coûteront au département du Lot 596 000 euros, ce qui équivaut à une augmentation de l'impôt des ménages de 1,9 %. En ma qualité de président du conseil général, chaque fois que j'augmenterai l'impôt de 1 %, je perdrai 118 300 euros.
M. François Marc. Eh oui !
M. Gérard Miquel. Le manque à gagner pour les collectivités, sur la base des taux de 2004 majorés, est évalué à environ 600 millions d'euros pour l'année 2007, soit 2,6 % du produit de la taxe professionnelle, qui représente la moitié des recettes de la fiscalité directe locale.
En plafonnant ainsi la principale ressource fiscale des collectivités qu'est la taxe professionnelle, le Gouvernement réduit les marges fiscales de ces dernières, et ce sont les collectivités qui sont déjà les moins avantagées en termes de présence d'entreprises dynamiques qui en pâtissent.
Cette réforme, aux conséquences néfastes, poussera les collectivités - elles n'auront d'ailleurs pas d'autre choix pour assumer les augmentations à venir de leurs charges - à accroître la pression fiscale sur les entreprises non plafonnées et sur les ménages en augmentant la taxe d'habitation et la taxe sur le foncier bâti.
L'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, coûte à mon département 23 millions d'euros. La compensation de cette charge était de 55 % en 2003, de 47 % en 2004 et de 33 % en 2005 ; j'espère qu'elle restera à ce niveau en 2006.
Le point d'impôt dans le Lot est de 560 000 euros.
Tous ces éléments, monsieur le ministre, doivent vous permettre de prendre conscience de la situation très délicate d'un grand nombre de départements. Ces derniers sont amenés à effectuer des choix fiscaux pour de multiples raisons liées à des situations locales diverses et à l'insuffisante péréquation des ressources. Ces charges nouvelles nous amènent à augmenter la pression fiscale, notamment l'impôt supporté par les ménages, alors que nous savons tous qu'il est très injustement réparti !
Nous n'avons pas eu et vous n'avez pas eu le courage politique de mener à bien la réforme des bases de la fiscalité locale, alors qu'elle aurait dû être le corollaire de cette nouvelle vague de décentralisation.
Une remise à plat des financements des collectivités s'impose, ainsi qu'une vraie péréquation en fonction de critères objectifs. Nos concitoyens l'attendent. Ils ont aujourd'hui le sentiment que l'injustice fiscale est devenue la règle dans notre pays. Les dispositions que vous avez prises concernant l'impôt sur le revenu et le bouclier fiscal ne font que les conforter dans ce sentiment Aucune décision nationale ne devrait être prise sans que son incidence soit mesurée en termes financiers.
L'exemple du financement des SDIS, les services départementaux d'incendie et de secours, est très évocateur de cette méthode. Dans mon département, j'augmente depuis plus de cinq ans de 13 % par an les sommes que j'affecte au budget des SDIS pour appliquer des dispositions nationales qui nous sont imposées.