sommaire
présidence de M. Jean-Claude Gaudin
situation des personnels français de l'osce
Question de M. Richard Yung. - Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; M. Richard Yung.
conseils départementaux de l'éducation nationale et conditions de quorum
Question de Mme Muguette Dini. - Mmes Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie ; Muguette Dini.
conditions de livraison des passeports dans les petites communes
Question de M. Paul Girod. - MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Paul Girod.
adaptation des réseaux d'eau à la défense incendie
Question de M. Bernard Murat. - MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Bernard Murat.
discriminations concernant les femmes portant le foulard islamique
Question de Mme Alima Boumediene-Thiery. - M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Mme Alima Boumediene-Thiery.
prise en charge des préjudices agricoles causés par divers sinistres climatiques
Question de M. Bernard Piras. - MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Bernard Piras.
revalorisation des petites retraites agricoles
Question de M. René-Pierre Signé. - MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; René-Pierre Signé.
Question de M. Alain Lambert. - MM. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement ; Alain Lambert.
Question de Mme Marie-France Beaufils. - M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement ; Mme Marie-France Beaufils.
code des marchés publics et mission des scènes nationales
Question de M. Michel Billout. - MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; Michel Billout.
Question de M. Claude Biwer. - MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; Claude Biwer.
allongement des périodes de chasse
Question de M. Roland Courteau. - MM. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication ; Roland Courteau.
situation des soins palliatifs en France
Question de M. Bernard Cazeau. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Bernard Cazeau.
évaluation du nouveau dispositif de permanence des soins en médecine ambulatoire
Question de M. Philippe Leroy. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Philippe Leroy.
adaptation de méthodes scientifiques aux protocoles d'évaluation des médicaments
Question de Mme Anne-Marie Payet. - M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Mme Anne-Marie Payet.
Question de M. Alain Gournac. - MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; Alain Gournac.
desserte ferroviaire de gramat
Question de M. André Boyer. - MM. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme ; André Boyer.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
3. Dépôt d'un rapport du Gouvernement
4. Saisine du Conseil constitutionnel
5. Financement de la sécurité sociale pour 2007. - Suite de la discussion d'un projet de loi
Débat sur la prise en charge de la dépendance
MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie ; Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.
présidence de Mme Michèle André
MM. Michel Mercier, Paul Blanc, Guy Fischer, Mme Gisèle Printz, M. André Lardeux, Mme Patricia Schillinger, M. Bernard Cazeau.
MM. le ministre délégué, Bernard Cazeau.
Clôture du débat.
Troisième partie (Dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour 2007)
Amendements identiques nos 232 de M. Bernard Cazeau et 263 de M. Guy Fischer ; amendements nos 3 de la commission, 74 et 75 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - MM. Bernard Cazeau, Guy Fischer, Alain Vasselle, rapporteur ; le rapporteur pour avis, le ministre délégué, le président de la commission. - Retrait des amendements nos 232 et 3 ; reprise de l'amendement no 3 rectifié par M. Bernard Cazeau ; rejet des amendements nos 263 et 3 rectifié ; adoption de l'amendement no 74 ; retrait de l'amendement no 75.
Adoption de l'article et de l'annexe modifiés.
Suspension et reprise de la séance
Articles additionnels avant l'article 10
Amendements nos 127 rectifié et 128 rectifié de M. Alain Fouché. - Mme Françoise Henneron, MM. Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait des deux amendements.
Amendement no 311 de M. François Autain. - MM. François Autain, Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 4 de la commission. - MM. Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels avant l'article 11
Amendements nos 5 de la commission et 135 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Alain Vasselle, rapporteur ; Jean-Pierre Godefroy, le ministre délégué, Guy Fischer. - Retrait de l'amendement no 5 ; rejet, par scrutin public, de l'amendement no 135.
Amendement no 76 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur pour avis, Alain Vasselle, rapporteur ; Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ; Jean-Pierre Godefroy, Gérard Cornu. - Rejet par scrutin public.
Amendement no 115 de M. Gérard Cornu. - MM. Gérard Cornu, Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait.
Amendement no 403 du Gouvernement. - MM. le ministre, Alain Vasselle, rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles additionnels après l'article 11
Amendement no 116 de M. Gérard Cornu. - MM. Gérard Cornu, Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 117 de M. Gérard Cornu. - MM. Gérard Cornu, Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait.
Amendement no 418 du Gouvernement. - MM. le ministre, Alain Vasselle, rapporteur ; le président de la commission, Jean Arthuis, président de la commission des finances ; Gérard Cornu, Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendement no 118 de M. Gérard Cornu. - MM. Gérard Cornu, Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait.
Amendement no 389 rectifié de Mme Catherine Procaccia. - Mme Catherine Procaccia, MM. Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait.
Amendements nos 6 rectifié de la commission et 105 rectifié de M. Dominique Leclerc. - MM. Alain Vasselle, rapporteur ; Gérard Dériot, le ministre délégué. - Adoption de l'amendement no 6 rectifié, l'amendement no 105 rectifié devenant sans objet.
Amendements identiques nos 201 de M. Michel Mercier, 233 de M. Bernard Cazeau et 264 de M. Guy Fischer. - MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Bernard Cazeau, Guy Fischer, Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué, Michel Mercier. - Retrait de l'amendement no 201 ; rejet des amendements nos 233 et 264.
Amendement no 200 de M. Michel Mercier. - MM. Jean-Marie Vanlerenberghe, Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Adoption.
Amendement no 209 rectifié de Mme Marie-Thérèse Hermange. - MM. André Lardeux, Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Devenu sans objet.
Amendement no 265 de M. Guy Fischer. - MM. Guy Fischer, Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 227 de M. Claude Domeizel. - MM. Jean-Pierre Godefroy, Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 12
Amendement no 7 de la commission. - MM. Alain Vasselle, rapporteur ; le ministre délégué. - Retrait.
M. Jean-Pierre Godefroy.
Amendements nos 266 de M. Guy Fischer, 415 de la commission et sous-amendement no 421 de M. Gérard Cornu. - MM. Guy Fischer, Alain Vasselle, rapporteur ; Gérard Cornu, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. - Rejet, par scrutin public, de l'amendement no 266 ; adoption du sous-amendement no 421 et de l'amendement no 415 modifié rédigeant l'article.
Amendements identiques nos 136 de M. Jean-Pierre Godefroy et 267 de M. Guy Fischer ; amendements nos 77 rectifié de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, et 8 de la commission. - MM. Jean-Jacques Jégou, le rapporteur pour avis ; Jean-Pierre Godefroy, Guy Fischer, Alain Vasselle, rapporteur ; Gérard Larcher, ministre délégué. - Rejet des amendements nos 136, 267 et 77 rectifié ; adoption de l'amendement no 8.
Adoption de l'article modifié.
M. André Lardeux.
Amendements identiques nos 9 de la commission, 78 de M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, et 137 de M. Jean-Pierre Godefroy. - MM. Alain Vasselle, rapporteur ; le rapporteur pour avis, Jean-Pierre Godefroy, le ministre délégué. - Adoption, par scrutin public, des trois amendements supprimant l'article.
Renvoi de la suite de la discussion.
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Questions orales
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
Situation des personnels français de l'OSCE
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, auteur de la question n° 1134, adressée à M. le ministre des affaires étrangères.
M. Richard Yung. Je souhaite appeler l'attention de notre assemblée et du Gouvernement sur la situation des personnels français mis à disposition auprès de l'OSCE, l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe.
Il s'agit à mon sens d'une institution importante, puisqu'elle a pour vocation de promouvoir la démocratie et les droits de l'homme, ainsi que de veiller au maintien des frontières. Elle fournit un gros effort en matière de formation, en particulier dans les pays de l'ex-Yougoslavie et du Caucase.
Treize Français travaillent actuellement au secrétariat, qui regroupe 450 personnes, et dans les institutions diverses constituant cette organisation. Parmi eux, selon mes informations, une seule personne est mise à disposition par le Gouvernement français, les autres personnels étant des fonctionnaires internationaux et des agents recrutés localement. S'agissant des missions de terrain, qui emploient quelque 3 000 personnes, on compte quarante-cinq experts français, surtout présents dans les Balkans, le Caucase et l'Asie centrale.
La rémunération des agents mis à disposition comprend, d'une part, l'indemnité versée par le ministère des affaires étrangères, et, d'autre part, ce que l'on appelle, dans le jargon des organisations internationales, le per diem, alloué par l'OSCE et qui est destiné à couvrir les frais de logement et de nourriture.
Malgré la mise en place d'une nouvelle grille indiciaire, en 2003, les personnels français sont actuellement moins bien rémunérés que les agents américains, britanniques ou allemands. Pis encore, les Français en poste sur le terrain, notamment dans les Balkans et le Caucase, ont même vu baisser leur rémunération, en raison de la diminution des crédits budgétaires affectés au ministère des affaires étrangères via le fonds dit « d'expertise OSCE ».
Par ailleurs, le statut de ces agents est très précaire. Ils ne sont pas affiliés aux caisses de retraite et de chômage et ne bénéficient d'aucune aide lorsqu'ils regagnent la France une fois leur mission sur le terrain terminée.
Je signale également que certains ressortissants français, notamment ceux qui occupent des postes de haut niveau, ne reçoivent que le per diem attribué par l'OSCE, car le ministère des affaires étrangères refuse d'autoriser leur mise à disposition, et donc de leur verser une indemnité.
Je souhaiterais savoir comment le Gouvernement envisage d'améliorer le statut et la rémunération de ces personnels, afin de maintenir une présence française influente au sein de l'OSCE.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord vous dire que les objectifs de la France, s'agissant de sa participation aux missions de terrain de l'OSCE et aux missions d'observation électorale, demeurent ambitieux.
Aussi continuons-nous, pour soutenir l'action décidée par l'OSCE, à offrir des débouchés à nos experts, ainsi qu'à nos jeunes diplômés, et à leur permettre de renforcer leur parcours de carrière dans les organisations internationales. Nous persévérons dans le maintien d'une présence importante de personnels français au sein des missions de terrain et des institutions de l'OSCE. Plus largement, au travers de la qualité de l'engagement de ces personnels français, nous contribuons à entretenir une image positive de la France et à servir notre objectif de stabilisation des pays où se rendent ces missions.
Cette ambition, nous la cultivons malgré les contraintes qui pèsent sur le budget du ministère des affaires étrangères, dans le cadre général de la stabilisation des finances de l'État, alors même que nos contributions internationales obligatoires ont augmenté. Cela est vrai notamment pour l'OSCE, la France ayant accepté, à la fin de 2005, un relèvement très sensible de sa contribution obligatoire au financement de cette organisation. Les nouveaux barèmes de rémunération ont induit, pour les années 2006 et 2007, une augmentation de notre contribution, à hauteur respectivement de 1,3 million d'euros en 2006 et de 800 000 euros en 2007. Une telle augmentation s'inscrit dans un contexte budgétaire qui impose une stricte maîtrise des dépenses et leur justification au premier euro.
L'influence de la France au sein de l'OSCE ne saurait donc diminuer, puisque nous sommes aujourd'hui le troisième contributeur à cette organisation et que nous serons bientôt le deuxième, à égalité avec l'Allemagne, le Royaume-Uni et l'Italie.
Par ailleurs, notre pays maintient un nombre important de personnels mis à disposition au sein de l'OSCE et demeure de ce fait le troisième contributeur en personnel aux missions de terrain, après les États-Unis et l'Allemagne, mais avant le Royaume-Uni.
Pour conclure, monsieur le sénateur, je ferai observer que, si la rémunération complémentaire à celle de l'OSCE - qui est de plus de 3 000 euros par mois, tous niveaux confondus -versée par la France est inférieure en moyenne à celle dont bénéficient les agents britanniques, américains ou allemands, elle est cependant supérieure, voire très supérieure, à celle qui est accordée par d'autres grands pays tels que l'Italie, l'Espagne, le Canada ou l'Autriche.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Nous avons, me semble-t-il, une volonté commune d'assurer une présence forte de la France au sein de cette organisation, pour des raisons politiques et diplomatiques. Les informations que vous venez de me donner, madame la ministre, vont dans le bon sens, celui d'une amélioration de l'indemnité accordée par le ministère des affaires étrangères aux personnels français.
Je m'en réjouis, mais je crois qu'il faut que nous restions vigilants si nous voulons que la France continue à jouer un rôle important dans cette organisation. Plusieurs de mes collègues parlementaires, appartenant d'ailleurs tant à la majorité qu'à l'opposition, s'étaient émus de la baisse des effectifs des personnels français : souhaitons que la situation puisse être redressée.
Conseils départementaux de l'éducation nationale et conditions de quorum
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini, auteur de la question n° 1127, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Muguette Dini. Madame la ministre, ma question porte sur la composition des conseils départementaux de l'éducation nationale et, plus particulièrement, sur les règles de quorum qui s'attachent à leur réunion.
Les dispositions et modalités issues de la circulaire du 19 novembre 1985 établissent l'obligation d'un quorum :
« Les conseils de l'éducation nationale ne peuvent siéger valablement que si le nombre des membres présents est égal à la majorité des membres composant le conseil et ayant voix délibérative. Si ce quorum n'est pas atteint, le conseil est convoqué en vue d'une nouvelle réunion qui doit se tenir dans un délai minimum de huit jours [...]. »
Or ces conseils départementaux de l'éducation nationale, composés, outre les présidents et les vice-présidents, de trente membres représentant les communes, le département, la région, les personnels titulaires de l'État et les usagers, rencontrent systématiquement des difficultés pour atteindre le quorum et réunir leurs membres, très sollicités par ailleurs.
Malgré les dispositions de l'article R. 235-4 du code de l'éducation, qui stipule que, pour chaque membre titulaire du conseil départemental de l'éducation nationale, il est procédé à la désignation d'un membre suppléant, les conditions de quorum sont inadaptées et rarement remplies lors de la première convocation.
Il en résulte la nécessité de convoquer de façon systématique les membres du conseil une seconde fois, ainsi que des pertes de temps pour ceux qui ont pris la peine de répondre à la première convocation.
D'ailleurs, beaucoup de membres titulaires et suppléants des CDEN ont désormais pris acte de cette systématisation de l'absence de quorum et ne se présentent même plus à la suite de la première convocation.
Par conséquent, madame la ministre, je forme le voeu que soient supprimées ces conditions de quorum fixées par la circulaire précitée, afin que les CDEN puissent être réunis plus facilement et plus rapidement.
Je vous remercie de me faire part de la position du Gouvernement sur cette question et souhaite que ma requête puisse être entendue.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Madame la sénatrice, le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche vous prie de bien vouloir l'excuser de ne pouvoir vous répondre lui-même, puisqu'il se trouve en ce moment même à Amiens, où il doit accueillir le Président de la République.
La circulaire du 19 novembre 1985 que vous avez évoquée détermine les conditions dans lesquelles peut siéger le conseil départemental de l'éducation nationale. Il ne peut le faire valablement que si le quorum est atteint, soit la majorité des membres composant le conseil et ayant voix délibérative.
À défaut de quorum, le conseil est convoqué en vue d'une nouvelle réunion. Il délibère dès lors valablement quel que soit le nombre des membres présents.
Devant les difficultés rencontrées pour tenir les réunions du conseil départemental de l'éducation nationale sous première convocation, vous souhaitez donc, madame la sénatrice, l'abrogation pure et simple de la circulaire précitée, afin que les conditions de quorum ne soient plus exigées.
Il faut rappeler, dans un premier temps, que le conseil départemental de l'éducation nationale a le statut de commission administrative à caractère consultatif placée auprès d'une autorité de l'État. Son fonctionnement est donc fixé par le décret n° 2006-672 du 8 juin 2006, dont l'article 11 fait explicitement référence au quorum, et non pas seulement par la circulaire en question.
Par ailleurs, cette modalité de fonctionnement a fait l'objet d'une jurisprudence constante du Conseil d'État. À plusieurs reprises, ce dernier a considéré que, en l'absence de dispositions réglementaires, cette règle de quorum s'applique à tout organisme collégial. Dès lors, même dans l'hypothèse d'une abrogation de la circulaire du 19 novembre 1985, la règle de quorum, en raison même de la jurisprudence administrative, demeurerait applicable.
M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.
Mme Muguette Dini. Madame la ministre, je constate que la situation reste figée. Certes, j'ai bien entendu les observations du ministre de l'éducation nationale, mais ses réponses sont totalement administratives. Le système du quorum ne fonctionne dans aucun département. Il faut donc changer ce système, dont les conséquences sont insupportables.
En tant que vice-présidente du conseil général du Rhône, je préside, par délégation, les réunions du CDEN. Or, chaque fois que l'inspecteur d'académie et moi-même fixons une réunion, nous savons parfaitement qu'elle n'aura pas lieu, faute de quorum. Depuis dix ans, jamais le quorum n'a été atteint.
Certes, je veux bien admettre que les propositions que j'ai faites ne soient pas applicables. Chaque fois, nous perdons notre temps et les représentants l'éducation nationale ont déjà été informés des dispositions sur lesquelles ils doivent émettre un avis dans d'autres instances.
La situation est absurde. Je suis désolée de ne pas avoir pu faire avancer les choses.
conditions de livraison des passeports dans les petites communes
M. le président. La parole est à M. Paul Girod, auteur de la question n° 1123, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
M. Paul Girod. Monsieur le ministre, je ne reviendrai pas sur la tragi-comédie qui s'est jouée lors de la mise en place du passeport biométrique et qui a d'ailleurs valu à nos concitoyens quelques difficultés avec les autorités américaines pour l'obtention de leur visa.
Toutefois, j'attire votre attention sur la manière dont l'Imprimerie nationale traite l'acheminement des passeports. Dans les petites communes, la société chargée de cette mission passe en dehors des heures d'ouverture des mairies, voire de ses jours d'ouverture, et dépose n'importe où ses avis de passage. En dépit des appels téléphoniques de la mairie, les passeports retournent à l'Imprimerie nationale, pour revenir ensuite à la sous-préfecture, ce qui crée un désordre dommageable, surtout dans les très petites communes.
J'aimerais donc savoir dans quelle mesure vous pourriez donner des instructions de nature à faciliter l'acheminement des passeports.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, le déploiement du passeport électronique s'est achevé le 4 juillet 2006, avec la possibilité pour les îles Wallis-et-Futuna - il s'agit là aussi de petites communes - de bénéficier dorénavant d'un acheminement informatique direct des demandes de passeports électroniques via le réseau informatique sécurisé du ministère de l'intérieur.
Qu'ils soient destinés à des usagers domiciliés en France métropolitaine ou outre-mer, tous les passeports électroniques sont effectivement conditionnés et acheminés jusqu'aux mairies, lieux de remise des titres, sous la responsabilité de l'Imprimerie nationale et par l'intermédiaire d'une société privée qu'elle a sélectionnée pour sa garantie de fiabilité.
Un protocole très précis de livraison a été défini à la demande du ministère de l'intérieur pour que cette prestation puisse être assurée dans les meilleurs délais et de façon totalement sécurisée aux heures habituelles d'ouverture des mairies. Les colis de passeports sont ainsi présentés et déposés contre récépissé entre huit heures trente et dix-sept heures à l'adresse exacte de la mairie qui aura été communiquée à l'Imprimerie nationale par la préfecture ou la sous-préfecture, lors de la transmission informatique de la demande.
Si la mairie est fermée, un avis de passage mentionnant les coordonnées téléphoniques du livreur permet de convenir d'une nouvelle livraison, car elle est seule habilitée, pour des raisons de sécurité, à réceptionner les passeports. À défaut d'une prise de contact, le colis de passeports qui ne peut être indéfiniment conservé par la société prestataire de services est retourné à l'Imprimerie nationale au terme de dix jours d'attente. On peut penser que, pendant ce délai, ce colis pourra enfin parvenir à son destinataire.
Compte tenu de la multiplicité des points de livraison et de la faible amplitude des horaires d'ouverture de nombreuses mairies en zone rurale, des difficultés ont effectivement été rencontrées. Parallèlement, il convient de noter que, dans ces communes, ont aussi été signalés des dysfonctionnements ponctuels, qui correspondent à autant de manquements au protocole que je viens d'exposer.
Afin de remédier à ces difficultés, les services du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire sont en train d'étudier, dans le cadre du monopole dévolu à l'Imprimerie nationale, une solution alternative pour les petites mairies, qui reposera sur une offre du groupe La Poste.
Cette solution devrait permettre, en cas d'échec de la livraison d'un pli contenant des passeports électroniques, de mettre celui-ci en instance au bureau de poste dont dépend la mairie concernée.
Ce dispositif, qui suppose une modification des systèmes de production de l'Imprimerie nationale, sera mis en oeuvre très rapidement.
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être conscient de ce problème d'acheminement et d'essayer de le régler.
Cela dit, c'est plus le comportement de la société privée qui pose problème puisqu'elle dépose ses avis de passage non pas dans la boîte aux lettres de la mairie, mais dans celle d'un quelconque voisin, ce qui entraîne les pires difficultés.
Je souhaite que les démarches entreprises aboutissent rapidement, car la situation est difficile à vivre, quand il faut attendre trois semaines ou un mois pour aller récupérer à la sous-préfecture le passeport, qui fait des aller-retour entre l'Imprimerie nationale et la mairie, et nos concitoyens sont , de surcroît, pénalisés.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Vous avez raison !
adaptation des réseaux d'eau à la défense incendie
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat, auteur de la question n° 1154, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
M. Bernard Murat. Monsieur le ministre, élu d'un département très rural, je suis confronté aux problèmes quotidiens que rencontrent les maires de nos petites communes, s'agissant de la défense et de l'illustration de l'aménagement et du développement de nos territoires ruraux.
Vous ne serez donc pas surpris que j'aborde de nouveau, ce matin, monsieur le ministre, la question de l'adaptation des réseaux d'eau à la défense incendie.
Tout a déjà été dit sur ce sujet dans cette enceinte ; les règles relatives à l'implantation des points d'eau servant à la défense incendie dans les communes rurales, définies essentiellement par la circulaire du 10 décembre 1951, complétée par celles du 20 février 1957 et du 9 août 1967, suscitent de nombreuses difficultés de mise en oeuvre, ne serait-ce que par l'évolution des technologies et de l'utilisation des voies d'accès.
Le Gouvernement s'était engagé à apporter des solutions concrètes à ces difficultés et à mettre en place une réforme des règles relatives à la défense communale contre l'incendie.
En mars dernier, répondant à une question orale que je vous avais déjà posée sur ce sujet, monsieur le ministre, vous avez détaillé les nouvelles règles de ce projet de réforme et annoncé son aboutissement avant la fin de l'année 2006.
Je ne vous cache pas que, sur le terrain, ces déclarations ont suscité de l'espoir. Ainsi, lors de chaque réunion cantonale à laquelle je participe en Corrèze, on me demande quand entrera en vigueur cette réforme tant attendue. Je suis sûr que tous les élus des communes rurales expriment cette même attente.
Ainsi, pour pouvoir apporter une réponse aux élus corréziens et, à la veille du 89e Congrès des maires de France, à tous les maires des communes rurales, je vous demande, monsieur le ministre, de nous indiquer, conformément à vos engagements, quand sera présenté le projet de décret visant à instituer le nouveau système de défense incendie, afin qu'il entre en application dans les meilleurs délais. Je rappelle que l'esprit de concertation avait dominé l'ensemble des travaux relatifs à cette réforme.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, comme le Gouvernement s'y était engagé lors de la discussion du projet de loi de modernisation de la sécurité civile en 2004, un projet de réforme des règles d'implantation des points d'eau servant à la défense contre l'incendie dans les communes rurales est en cours depuis le début de l'année 2005.
À cet effet, un groupe national de travail technique a été mis en place sous l'égide de la direction de la défense et de la sécurité civiles.
Deux précédentes tentatives ayant échoué en trente ans, le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire entend conduire méthodiquement les travaux, afin de mener à son terme cette réforme complexe, attendue par de nombreux élus locaux, par les services d'incendie et de secours et par les services chargés de l'instruction des permis de construire. Il importe qu'elle soit comprise et adoptée par tous les acteurs concernés au service de la sécurité de nos concitoyens.
Sous réserve des conclusions définitives des travaux en cours, le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire souhaite que cette réforme précise et éclaircisse les responsabilités et rôles respectifs des communes, des intercommunalités et du service départemental d'incendie et de secours, le SDIS, en la matière.
Il privilégie d'inscrire la conception de la défense des communes contre l'incendie, dans le cadre de la décentralisation et de celle de l'évolution des SDIS. À ce titre, une approche départementale et partenariale rassemblant les responsables élus et les techniciens permettrait d'arrêter des règles mieux adaptées aux risques à défendre, particulièrement ceux qui sont rencontrés dans les communes rurales, et ce en cohérence avec la politique du SDIS et celle de la gestion générale des ressources en eau.
Le projet prévoit ainsi la définition de règles à trois niveaux : un cadre national global, un règlement départemental de la défense incendie en liaison avec l'organisation du SDIS et un schéma communal ou intercommunal de la défense incendie. Ces règles reposent sur une méthode de conception de la défense incendie appuyée sur l'analyse des risques.
Cette analyse permet notamment au maire de connaître quel type de risque peut être couvert avec la défense incendie existante et quel type de défense il conviendrait de mettre en place en cas de développement de l'urbanisation.
En l'état, les axes de ce projet de réforme ont été présentés à l'Association des maires de France en novembre 2005 et en mars 2006. Le groupe national de travail achève d'élaborer un projet de texte-cadre et de guide méthodologique relatif à la défense contre l'incendie.
Ces documents seront finalisés très prochainement par le ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Ils seront soumis pour avis à l'Association des maires de France, comme le Gouvernement s'y était engagé. En fonction des observations, les délais de publication de ces textes ne devraient pas excéder fin mars 2007.
Je sais, monsieur le sénateur, que vous êtes intervenu à de nombreuses reprises sur ce sujet ; j'ai déjà eu l'occasion de vous répondre. Je vous remercie de votre vigilance ainsi que de vos propositions, qui, pour nombre d'entre elles, ont été retenues dans la méthodologie que nous avons mise en place. Je vous confirme, au nom du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, que nous devrions enfin pouvoir publier ces textes à la fin du mois de mars 2007.
M. le président. La parole est à M. Bernard Murat.
M. Bernard Murat. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse claire. Croyez bien que les maires y seront très sensibles. Il me semble très important que nous puissions disposer du cadre national de cette réforme dans un délai très rapide, afin de le décliner au niveau départemental.
Je veux insister sur le fait que, aujourd'hui, les élus de terrain s'impatientent et s'organisent. Ils prennent des initiatives pour pallier les manquements et résoudre les problèmes qui se posent à eux, en se fondant notamment sur les expérimentations qui ont eu lieu dans les Deux-Sèvres. Il ne faudrait pas que cette réforme, fruit d'une longue réflexion et d'une concertation nourrie, et dont la vocation première était, je le rappelle, de simplifier le système de défense incendie existant rencontre des difficultés d'application parce que nous avons trop tardé à la mettre en place.
Mon souci est à ce jour partagé par les personnes chargées de ce dossier au sein de l'Association des maires de France ; Jacques Pélissard, qui en est le président, a d'ailleurs interpellé, il y a quelques jours, le ministre de l'intérieur sur ce sujet. Je souhaite simplement que nous puissions leur transmettre très rapidement ce décret.
Si vous en êtes d'accord, je souhaite personnellement être impliqué dans le processus, monsieur le ministre, car je suis ce dossier depuis maintenant quatre ans.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. J'y veillerai !
discriminations concernant les femmes portant le foulard islamique
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, auteur de la question n° 1136, transmise à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, je ne souhaite pas ici m'appesantir sur l'accroissement du nombre des agressions et des discriminations exercées à l'encontre des femmes portant un foulard, foulard qualifié d' « islamique », mais je veux attirer votre attention sur les discriminations exercées à l'encontre de ces femmes par des personnes titulaires de l'autorité publique.
Je vous rappelle que la loi du 15 mars 2004 détermine un régime légal, détaillé par la circulaire Fillon du 18 mai 2004, et que son champ d'application est supposé ne concerner que les élèves dans les écoles, collèges et lycées.
Or, des fonctionnaires et des élus multiplient les discriminations, en alléguant la loi sur les signes religieux et en l'appliquant partout, en dehors et au sein de l'éducation nationale.
Des officiers d'état civil refusent ainsi de célébrer un mariage au motif que l'un des témoins, ou la future mariée, porte un voile sur la tête tout en laissant apparaître son visage. Il me semblait pourtant que le voile de la mariée était une tradition en France !
À cela s'ajoutent les agents préfectoraux qui refusent d'octroyer ou de renouveler un titre de séjour à des femmes portant le foulard au motif de cette loi sur les signes religieux, et donc d'une non-intégration aux principes républicains. Cela a été le cas à la préfecture de Seine-Saint-Denis.
Ces discriminations exercées par des agents de l'État sont corroborées par les actes de certains maires. Ainsi, le député-maire d'Argenteuil a récemment interdit à une femme, qui portait un foulard, de participer à la cérémonie d'acquisition de la nationalité française. Il est allé jusqu'à alléguer à l'appui de cette fin de non-recevoir le principe de laïcité, qui nécessiterait de s'européaniser et de ressembler à tout le monde.
Je vous suggère de lire la lettre qu'il a envoyée à cette femme en lui opposant des motifs tout à fait illégaux. Savez-vous que la victime de cette discrimination a dû attendre près d'un an entre sa convocation à la délivrance de son décret de naturalisation et sa remise effective ?
Les membres de l'éducation nationale ne sont pas en reste en ce qui concerne la violation du principe d'égalité des usagers devant le service public. Il se développe des pratiques exorbitantes du droit commun qui sont tout à fait illégales.
Ainsi, dans de nombreuses villes, des mères portant un foulard sont exclues des activités périscolaires ou extrascolaires organisées par les établissements où sont scolarisés leurs enfants. Cette exclusion porte à la fois sur la participation à des ateliers, sur la présence aux réunions de parents d'élèves, sur la possibilité de se présenter aux élections du conseil d'école et sur le refus d'accès à l'établissement scolaire ou même aux salles de classes pour récupérer leur enfant à la fin de la journée.
Que ce soit à Aubervilliers, Bobigny, Pantin, Thiais ou ailleurs en France - je pourrais citer plusieurs autres villes -, les exclusions se multiplient. C'est ainsi que plusieurs mères de jeunes enfants, onze à Montreuil et sept à Ivry, ont été exclues des activités ou du conseil de parents d'élèves, qui sont pourtant pour elles, du fait de leur situation sociale, l'une des rares possibilités d'accéder à des activités culturelles avec leurs enfants.
Comme je l'ai dit, la loi du 15 mars 2004 ne concerne pas les parents. Les dispositions de la circulaire Fillon sont explicites. D'ailleurs, le ministre de l'éducation nationale a déclaré publiquement le 9 novembre 2004 que la loi sur les signes religieux à l'école ne devait pas s'appliquer aux « adultes ne faisant pas partie de la communauté éducative », tels que les parents d'élèves et les aumôniers.
Le Premier ministre a insisté pour que cette loi soit respectée. M. Fillon a demandé « qu'on n'aille pas au-delà de la loi et que dans les établissements on ne cherche pas à faire appliquer la loi à des gens à qui elle ne s'applique pas ».
Or, on nous répond que les parents ont le statut de collaborateurs occasionnels du service public dès lors qu'ils participent au service public en accompagnant les classes scolaires. Cet argument est injustement invoqué !
Sur ce point, la loi et la jurisprudence sont claires. Cette assimilation avait pour objet de conférer un avantage : permettre en l'occurrence à un parent accompagnateur d'une sortie scolaire de réclamer à l'État une indemnisation de son préjudice en cas d'accident survenu dans l'exercice de ses fonctions d'accompagnateur scolaire. En aucun cas, cette assimilation ne doit avoir pour objet d'exclure ou de trier de façon sélective les parents d'élèves.
Monsieur le ministre, alors que le Gouvernement s'était engagé à ce que cette loi ne soit pas une loi contre l'islam et les musulmans, et au moment où nous vivons dans notre pays des moments d'une extrême gravité en matière de libertés et de droits fondamentaux, illustrés par le fait que des bagagistes perdent leur accréditation, et donc leur travail, du simple fait de leur pratique religieuse, je vous demande de faire preuve de courage et de fermeté pour faire respecter les engagements pris par votre Gouvernement.
Je vous remercie d'apporter les clarifications réglementaires nécessaires afin que cessent de la part de représentants de l'État des pratiques qui sont indignes de notre démocratie et de notre République.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Madame la sénatrice, vous vous préoccupez d'actes de discrimination dont seraient victimes, de la part d'agents de l'État, d'officiers d'état civil ou d'élus, des femmes porteuses du voile.
La loi du 15 mars 2004 interdit le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les écoles, collèges et lycées publics. C'est son seul objet.
Toutefois, vous évoquez trois situations précises : les cérémonies de mariage, les remises de décrets de naturalisation, la situation des mères d'enfants scolarisés.
Lors des cérémonies de remise du décret de naturalisation, le préfet peut être confronté au respect de deux principes garantis, l'un comme l'autre, par la Constitution, mais dont l'application peut entraîner des situations conflictuelles : d'une part, le principe de laïcité, d'autre part, la liberté de conscience, notamment la liberté de croire ou de ne pas croire qui peut se manifester par des signes extérieurs évoquant l'appartenance religieuse.
La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, a eu d'ailleurs à prendre position sur le cas d'une personne qui, ayant refusé d'ôter son voile, s'était vu interdire l'accès à une cérémonie de remise de décrets de naturalisation. Elle a rappelé à cette occasion que le principe de neutralité s'imposait aux seuls agents du service public et non aux usagers, hormis les cas prévus par la loi de mars 2004.
Dès lors, le ministre d'État, Nicolas Sarkozy, a donné instruction aux préfets de ne pas fonder le refus de participation à une cérémonie d'accueil dans la citoyenneté française au seul motif du port d'un voile, ou de tout autre signe religieux, qui ne suffit pas à caractériser un défaut d'assimilation à la communauté française. Les instructions données par le ministre de l'intérieur vont donc dans votre sens.
Toutefois, cette position n'entame en rien la double obligation qui s'impose aux préfets consistant, d'une part, à s'assurer de l'identité des participants, et, d'autre part, à veiller au respect du bon ordre lors du déroulement de la cérémonie. Il peut donc être demandé à la personne voilée de retirer très momentanément son voile le temps du contrôle de l'identité. En vertu de son pouvoir d'appréciation, le préfet peut aussi prendre des mesures appropriées en cas de menaces de trouble à l'ordre public pouvant être causées par le port du voile.
Les instructions de ministre de l'intérieur sont très claires. Lors d'une cérémonie, le voile ne doit être en aucun cas un élément discriminatoire. Nous devons respecter le souhait de chacun de pouvoir témoigner de son appartenance religieuse, mais il est nécessaire de disposer des moyens de vérifier l'identité.
S'agissant des cérémonies de mariage, je tiens à rappeler que celles-ci obéissent à des règles de forme et de publicité prévues par le code civil à peine de nullité. Ainsi, l'officier d'état civil, mais aussi les témoins et le public doivent être en mesure de s'assurer de l'identité des époux pour pouvoir, le cas échéant, former opposition au mariage. En conséquence, le port du voile par la future épouse ne permettant pas d'identifier celle-ci avec certitude lors de l'échange des consentements n'est pas compatible avec les règles du code civil.
Pour ce qui concerne la délivrance de titres de séjour, le seul fait de porter le voile ne peut constituer un motif de refus suffisant. En principe, les motifs tirés de la religion ou de l'environnement culturel du demandeur ne sont pas considérés, par le Conseil d'État, comme un défaut d'assimilation.
Quant aux règles susceptibles de s'appliquer à la situation des mères d'enfants scolarisées, elles relèvent de la compétence du ministre de l'éducation nationale, qu'il s'agisse de mères voilées qui souhaitent accompagner les enfants dans le cadre d'activités périscolaires ou de mères également voilées qui viennent chercher leurs enfants à la sortie des classes.
Il semble que le parent encadrant une activité périscolaire, placé sous la responsabilité de l'enseignant en charge de la classe, est assimilé à un collaborateur occasionnel du service public, ce qui l'oblige au respect du principe de neutralité que doit observer tout agent public dans le cadre de ses fonctions.
La circulaire du 18 mai 2004, prise en application de la loi du 15 mars 2004, indique que la loi ne modifie pas les règles applicables aux agents du service public. Elle mentionne expressément que « les agents contribuant au service public de l'éducation, quels que soient leur fonction et leur statut, sont soumis à un strict devoir de neutralité qui leur interdit le port de tout signe d'appartenance religieuse [...] ».
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il va de soi que nous sommes dans le respect du principe de laïcité consacré par la loi de 1905. Cette loi n'a pas pour objet d'exclure ou de discriminer, mais, au contraire, de respecter toutes les religions dans une égalité de traitement. Or, malheureusement, nous savons que cette réalité a du mal à s'imposer. La HALDE a pourtant donné raison aux familles et aux personnes exclues de certaines cérémonies.
Je vous remercie de bien vouloir rappeler à nos différents agents, de préfecture ou de mairie et à certains élus qu'il ne s'agit que d'un foulard sur la tête et non pas d'un visage caché.
Lors d'une cérémonie de mariage ou de remise de décret de naturalisation, il est bien sûr nécessaire que ce visage soit découvert pour mieux vérifier l'identité de la personne. Je suis tout à fait d'accord avec cela. Le Conseil d'État a bien rappelé que cela ne constituait pas un défaut d'assimilation. Trop souvent, ces personnes sont exclues de manière injuste et illégale.
En ce qui concerne la situation en milieu scolaire, je poserai la question au ministre de l'éducation nationale. Il me semblait toutefois que, selon la jurisprudence, il s'agissait bien d'un avantage et d'une couverture en cas d'accident pour les parents et non pas d'un moyen de sélection.
PRISE EN CHARGE DES PRÉJUDICES AGRICOLES CAUSÉS PAR DIVERS SINISTRES CLIMATIQUES
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, auteur de la question n° 1133, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Bernard Piras. Monsieur ministre, je souhaiterais attirer l'attention du ministre de l'agriculture et de la pêche sur la prise en charge des préjudices agricoles causés par les divers sinistres climatiques. L'année 2006 n'a fait, dans ce domaine, que confirmer les précédentes. Ainsi, à titre d'exemple, l'ensemble du département de la Drôme a été concerné par des épisodes de grêle ou de sécheresse.
La procédure de calamité agricole, qui ne concerne que les risques non assurables, se révèle inadaptée lorsque les calamités se succèdent, puisque l'année sinistrée est alors comparée avec des années antérieures également sinistrées. Face à cela, le taux d'indemnisation doit être majoré notablement. Ainsi, en 2006, un taux de 40 %, au lieu du taux de 28 % habituel, est indispensable.
Par ailleurs, la réglementation applicable en matière d'assurance récolte n'est pas satisfaisante. Il en ressort que certaines productions ne sont pas assurables, les fourrages par exemple, et que certains secteurs géographiques ne sont plus assurables, leur coût étant trop prohibitif. En outre, au regard de la franchise trop élevée, l'assurance n'est intéressante que lors de très gros sinistres, c'est-à-dire une destruction quasi-totale de la production. Ainsi, trente contrats seulement ont été signés dans le département de la Drôme pour la production fruitière.
Ainsi, le système actuel ne répond pas à la complexité du territoire et à la diversité des productions, comme cela est le cas dans mon département. Face à cela, certains préconisent le principe d'une assurance de base obligatoire, permettant ainsi la mutualisation des risques, avec un système complémentaire au choix. Il faudrait une assurance obligatoire par espèce mais à la parcelle. À ce jour, l'assurance récolte est bien moins intéressante que l'assurance par espèce.
Il apparaît nécessaire de casser ce cercle vicieux qui veut que les agriculteurs préfèrent ne pas s'assurer plutôt que d'anéantir à l'avance, par le coût exorbitant de l'assurance, la faible marge espérée.
Pour la lavande, la succession des calamités a conduit à la destruction des plans et ainsi à la perte de 30 % des surfaces drômoises en quatre ans. Or, cette production ne peut bénéficier d'une assurance récolte.
Des mesures fiscales incitatives pourraient également être mises en place pour encourager fortement les agriculteurs à installer des dispositifs de protection contre certaines calamités agricoles, tels que les filets contre la grêle ou un système d'aspersion ou de ventilation contre le gel.
Sur tous ces points, monsieur le ministre, pouvez-vous m'indiquer si vous êtes en mesure de m'apporter des réponses pour rassurer la profession agricole qui traverse une période plus que difficile ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous me faites état de plusieurs éléments relatifs aux deux dispositifs d'indemnisation des dommages occasionnés aux cultures par les aléas climatiques : le régime des calamités agricoles et l'assurance récolte. Le ministre de l'agriculture, Dominique Bussereau, m'a demandé de porter à votre connaissance les éléments de réponse suivants.
S'agissant des années prises comme référence, il est à relever que le régime des calamités agricoles évalue les pertes par référence aux productions moyennes habituelles, en excluant les années extrêmes. C'est une règle générale, prescrite par le droit communautaire et appliquée dans tous les dispositifs d'assurance ou d'indemnisation publique des sinistres climatiques agricoles, notamment dans les pays les plus avancés en matière d'assurance récolte.
Il importe aussi de rappeler qu'en cas de sinistre récurrent les taux d'indemnisation peuvent être majorés dans le cadre du régime des calamités agricoles. Ainsi, les dommages sur les cultures fourragères imputables à la sécheresse de cette année ont pu être indemnisés au taux de 35 %, au lieu de 28 %, lorsque l'exploitant est pour la troisième année consécutive victime de ce type de calamité.
Le Gouvernement a, en accord avec les organisations professionnelles agricoles, choisi d'orienter plus nettement notre système de protection vers l'assurance récolte.
Certes, pour l'instant, l'offre des assureurs reste à compléter et, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, certaines productions ne sont pas actuellement prises en charge par les assureurs et continuent donc de relever du régime des calamités agricoles.
Il ne faudrait surtout pas en conclure que l'assurance est inadaptée à ces productions, car notre orientation vers l'assurance récolte est récente, les premiers contrats multirisques n'étant proposés par les assureurs que depuis l'an dernier.
Le Gouvernement, les assureurs et les organisations professionnelles, dans le cadre du comité de suivi de l'assurance récolte, étudient les diverses voies et adaptations envisageables pour améliorer le dispositif. Parmi celles-ci, l'obligation de s'assurer a fait l'objet de nombreuses études. Dans l'immédiat, il en ressort qu'une telle option serait prématurée, du moins tant que l'offre des assureurs n'est pas suffisamment implantée.
Quant à l'échelle à laquelle il convient que s'applique la garantie de l'assurance récolte, il a été fait le choix de s'appuyer sur deux types de contrats : les contrats à l'exploitation, qui couvrent la totalité des espèces assurables d'une même exploitation et qui ne permettent que l'indemnisation de la perte globale enregistrée sur l'ensemble de ces productions, après déduction des résultats éventuellement supérieurs aux franchises obtenus sur les productions non sinistrées, et les contrats par culture, qui, plus classiquement, permettent l'indemnisation de chaque culture sinistrée, indépendamment des résultats obtenus sur les autres productions. Dans ce schéma, l'exploitant peut donc opter, s'il le désire, pour une assurance « par espèce ».
Les crédits inscrits par le Gouvernement dans le projet de loi de finances pour 2007 confirment le tournant pris en faveur de l'assurance récolte : ainsi, 30 millions d'euros sont prévus, soit une hausse de 5 millions d'euros, conformément aux prévisions de diffusion et aux décisions envisagées en matière de taux d'aide. Une concertation est par ailleurs engagée sur la question de la réassurance, cruciale pour le développement de l'assurance récolte, notamment sur les cultures fourragères.
S'agissant des installations de protection contre la grêle ou le gel, elles peuvent bénéficier de certaines aides à l'investissement, nationales ou mises en oeuvre par les collectivités territoriales.
Par ailleurs, en matière de mesures fiscales visant à mieux gérer les fluctuations de revenus, l'option retenue est de développer le mécanisme de déduction pour aléas. La loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 a ainsi apporté plusieurs améliorations attendues à ce dispositif, notamment le relèvement des plafonds de déduction.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J'aurai l'occasion de discuter de ce sujet avec M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Vous montrez, monsieur le ministre, que le Gouvernement cherche toujours à améliorer les dispositifs existants. Je souhaite que cette recherche se poursuive afin que l'on parvienne à une solution satisfaisante pour le plus grand nombre d'agriculteurs et j'espère qu'il y aura le moins de calamités possible, afin que l'on n'ait pas recours aux assurances.
Revalorisation des petites retraites agricoles
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 1144, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. René-Pierre Signé. Monsieur le ministre, ma question porte sur le niveau des retraites des agriculteurs ayant des carrières incomplètes.
Près de 300 000 retraités agricoles sont exclus de toutes mesures de revalorisation. Cette situation touche plus particulièrement les conjointes, ayant mené toute leur carrière avec ce statut et pour qui le minimum vieillesse est devenu la retraite maximum qu'elles puissent atteindre.
Si une revalorisation des plus petites retraites agricoles à hauteur du minimum vieillesse a été obtenue entre 1998 et 2002, les conditions d'application très restrictives de cette revalorisation ont amputé les retraites des actifs agricoles dont la carrière est incomplète. La loi d'orientation agricole du 5 janvier 2006 n'a permis qu'à 15 000 retraités de bénéficier d'une revalorisation.
Le Gouvernement vient enfin d'annoncer un plan de rattrapage progressif des petites retraites agricoles à compter de 2007 - comme l'a indiqué le Président de la République en Auvergne -, avec des améliorations s'agissant de la durée minimale d'activité et l'instauration d'une décote constante de 5,5 % par année manquante.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, m'indiquer les conditions et les délais d'application de cette promesse ? Les agriculteurs concernés, qui ne touchent aucun des minima sociaux, méritent d'être traités dans un souci d'égalité et avec considération.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche, m'a demandé de porter à votre connaissance les éléments de réponse suivants.
L'objectif du plan de revalorisation des petites retraites mis en place de 1994 à 2002 était qu'aucune pension ne soit inférieure au montant du minimum vieillesse à l'issue d'une carrière complète dans l'agriculture.
Grâce à l'action déterminée des pouvoirs publics, cet objectif a été atteint.
Toutefois, beaucoup d'agriculteurs, principalement des conjointes d'agriculteurs, qui ont travaillé très longtemps dans les exploitations sans pour autant effectuer une carrière complète, n'ont pas bénéficié des revalorisations.
La mesure à laquelle vous avez fait allusion est un progrès important, accompli lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole quand la Haute Assemblée a adopté, avec l'accord du Gouvernement, l'amendement de M. Gérard César tendant à permettre aux conjointes d'agriculteurs d'accéder aux revalorisations à compter du 1er janvier 2006. Ainsi, 15 000 retraitées verront leur retraite augmenter en moyenne de 1 300 euros par an.
La revalorisation des petites retraites agricoles a par ailleurs fait l'objet de réflexions importantes au cours des dernières années. Elles ont d'abord été menées avec les associations de retraités et les organisations professionnelles d'agriculteurs.
Cette concertation a conduit le Gouvernement à demander à trois députés, MM. Yves Censi, Daniel Garrigue et Marc Le Fur, d'identifier les mesures les plus pertinentes afin d'améliorer les petites retraites agricoles. Ils ont conclu à l'importance de modifier les seuils d'accès aux revalorisations des pensions des non-salariés agricoles.
C'est ainsi que, le 5 octobre 2006, le Président de la République a annoncé une revalorisation des retraites agricoles dès le début 2007, selon des modalités inspirées des travaux de ces trois parlementaires.
Je veux maintenant vous préciser le détail de cette mesure.
Le 1er janvier 2007, la durée minimale d'activité non salariée agricole nécessaire pour bénéficier des revalorisations passera de 32,5 ans à 22,5 ans.
À partir de cette même date, les taux de décote, actuellement de 15 % et 10 % par année manquante lorsque la durée de la carrière agricole est inférieure à 37,5 ans, seront remplacés par une décote constante de 5,5 %. À compter du 1er janvier 2008, cette décote sera abaissée à 4 % par an.
Ce dispositif représentera un coût de 163 millions d'euros en 2007 et de 205 millions d'euros à partir de 2008.
Ainsi, 300 000 non-salariés agricoles, dont les pensions étaient encore très faibles, verront leur retraite améliorée. Par exemple, un chef d'exploitation dont la durée de carrière agricole a été de 27,5 ans perçoit actuellement une pension de 3 764 euros au titre du régime agricole. Il percevra 4 487 euros en 2007, puis 4 727 euros en 2008, soit une augmentation totale de 26,6 % en deux ans.
Je tiens à préciser que tous les dossiers des non-salariés retraités avant le 1er janvier 2002 feront l'objet d'un réexamen.
Ces éléments montrent, monsieur le sénateur, que le Gouvernement agit au bénéfice des agriculteurs et combien le Président de la République attache une importance particulière à la situation des retraités agricoles les plus modestes.
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Je vous remercie, monsieur le ministre, de rappeler les mesures qui ont été prises. Nul ne saurait les nier.
S'agissant des retraites agricoles, il n'y a pas, me semble-t-il, de solution possible sans appel à la solidarité nationale, compte tenu de la diminution du nombre des actifs agricoles par rapport aux retraités.
Les retraités agricoles méritent bien cette solidarité, car ils ont fait de la France une puissance agro-alimentaire, ont été des créateurs de richesses et ont structuré l'espace rural. Il n'y a « pas de pays sans paysans », le slogan est connu.
Cela dit, au-delà du passage de la décote de 15 % ou 10 %, selon les années, à 5,5 % et de l'abaissement de 32 ans et demi à 22 ans et demi de la durée minimale d'activité agricole permettant d'avoir accès aux revalorisations, je souhaiterais connaître le calendrier de mise en oeuvre de ces promesses et savoir si elles vont être tenues rapidement.
Par ailleurs, monsieur le ministre, il faudrait également prévoir des mesures permettant à tous les retraités agricoles non salariés, ayant une carrière complète, de bénéficier d'une retraite au moins égale à 80 % du SMIC, comme cela a été prévu lors de la réforme des retraites en 2003.
Bail à réhabilitation
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert, auteur de la question n° 1131, transmise à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
M. Alain Lambert. Monsieur le ministre, ma question, relative à la commande publique, aux marchés publics, va vous accabler quelque peu.
Elle est l'occasion pour moi de souligner devant le grand élu local que vous êtes, monsieur le président, combien ce droit est devenu extrêmement difficile pour les élus locaux : il est incroyablement risqué, y compris dans le domaine pénal, et l'on ne sait plus très bien comment l'appliquer. C'est du reste le sens de ma question.
Monsieur le ministre, voilà un an que j'interroge tous les bureaux, au ministère de l'intérieur, qui est le ministère de rattachement des collectivités locales, au ministère de la justice, au ministère des finances... J'ai, en outre, épuisé toutes les ressources dont dispose le Parlement en matière de questions écrites et autres. Je n'ai jamais été honoré de la moindre réponse ! C'est pourquoi je pose la présente question orale, et je ne doute pas un instant que la clarté de la réponse du ministre saura illuminer les ténèbres dans lesquels nous nous trouvons depuis un an ! (Sourires.)
Ma question, relative au bail à réhabilitation, est la suivante. Une communauté de communes, et non des moindres puisqu'il s'agit de celle du président du conseil général de mon département, a acquis une ancienne école en vue d'y réaliser des logements sociaux ; elle envisage de passer un bail à réhabilitation avec une société d'aménagement.
La conclusion de ce bail à réhabilitation est-elle soumise au droit qui régit la commande publique ? Dans l'affirmative, quelles sont les procédures à suivre en ce cas ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le sénateur, M. Borloo, qui accompagne M. le Président de la République à Amiens, regrette de ne pouvoir être présent pour vous répondre aujourd'hui. Il m'a chargé de vous transmettre la réponse qu'il souhaitait vous faire.
Il ressort de l'article L. 252-1 du code de la construction et de l'habitation que le bail à réhabilitation est un contrat par lequel un immeuble à usage d'habitation nécessitant des travaux de réhabilitation est loué, soit à un organisme d'habitations à loyer modéré, soit à une société d'économie mixte dont l'objet est de construire ou de donner à bail des logements, soit à une collectivité territoriale, soit à un organisme dont l'un des objets est de contribuer au logement des personnes défavorisées et agréé à cette fin par le préfet.
Le preneur à bail s'engage alors à réaliser les travaux nécessaires à la réhabilitation et à l'entretien de l'immeuble pendant la durée du contrat, en contrepartie du droit d'en disposer pendant au moins douze ans. Il est également possible de prévoir que le preneur à bail acquitte un loyer pendant toute la durée du contrat.
Ce contrat ne semble donc pas répondre à la définition du marché public telle qu'elle est posée par l'article 1er du code des marchés publics. En effet, un tel bail n'a pas pour finalité première de répondre à un besoin du pouvoir adjudicateur en matière de travaux et ne comporte pas de contrepartie directe ou indirecte au profit de l'organisme preneur. De plus, le bailleur ne bénéficie des aménagements qu'au terme du bail.
Cependant, monsieur le sénateur, si le pouvoir adjudicateur devait intervenir dans la définition précise des prestations à réaliser, dans la direction technique de l'exécution des travaux, ou si le contrat prévoyait une rémunération correspondant aux travaux réalisés par le preneur, alors le contrat de bail pourrait être qualifié de marché public.
Monsieur le sénateur, j'espère que vous avez obtenu la réponse que vous attendez depuis si longtemps. Si tel n'était pas le cas, je serais naturellement votre intercesseur auprès de M. Borloo.
M. le président. La parole est à M. Alain Lambert.
M. Alain Lambert. Vous nous dites, monsieur le ministre, que, dans le cas du bail à réhabilitation, dont vous nous avez par ailleurs rappelé le contenu juridique, le contrat « ne semble pas répondre » au code des marchés publics. Avec votre permission j'interprète votre réponse : le contrat « n'est pas soumis » au code des marchés publics - j'exclus la seconde hypothèse que vous avez évoquée.
Dans la mesure où les directions départementales de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont en train de traîner les élus locaux devant les tribunaux au motif que ceux-ci ne respectent pas le droit des marchés publics - c'est, du moins, le cas dans mon département -, nous avions besoin que l'exécutif nous réponde clairement sur ce sujet. Vous l'avez fait en indiquant que le bail à réhabilitation ne répond pas au droit des marchés publics pour les raisons que vous avez très bien expliquées, dès lors que le propriétaire ne s'immisce pas dans l'opération de réalisation des travaux.
Je vous remercie de cette réponse.
Difficultés financières des associations à caractère social suite aux restrictions de crédit et retards de versement
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 1126, adressée à Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.
Mme Marie-France Beaufils. J'ai reçu le 8 septembre dernier, après un premier échange au début du mois de juillet, les associations tourangelles qui interviennent auprès des publics en difficulté, dans le domaine de l'hébergement, de l'accompagnement et de la formation, afin de faire le point
Elles me faisaient alors part unanimement des difficultés qu'elles rencontraient, certaines étant au bord de l'asphyxie financière. La baisse de leur budget, exigée par la DDASS de l'Indre-et-Loire, risquait de provoquer la fermeture définitive de structures destinées aux personnes en situation de précarité.
Une association spécialisée dans l'accueil des demandeurs d'asile, qui ne connaissait pas le montant des subventions qu'elle devait percevoir, se voyait dans l'obligation de supprimer une part importante de son activité. Les conséquences possibles étaient claires : le licenciement de certains personnels, la suppression d'un service d'hébergement temporaire, d'une plate-forme d'accueil et d'un service d'accompagnement social touchant une centaine de bénéficiaires.
Une autre association, faute de moyens, s'apprêtait à mettre une centaine de personnes à la rue. Ce sont ainsi plus de trois cents personnes qui, d'après ces organismes, devaient se retrouver sans logement à la veille de l'hiver.
Toutes les associations que j'ai rencontrées étaient dans la même situation, ne sachant pas si elles pourraient terminer l'année. Or, en 2005 et en 2006, la Touraine avait été placée sous les feux de l'actualité avec l'occupation de la faculté de lettres par les demandeurs d'asile, faute de moyens pour les accueillir.
Je suis donc intervenue auprès de M. le préfet pour l'alerter sur cette situation. Dans le même temps, je déposais une question orale, le 25 septembre dernier, auprès des services du Sénat. Ma question a été repoussée en raison du conseil des ministres du 14 octobre et, dans ce laps de temps, la plupart des associations en question ont obtenu les subventions qu'elles demandaient, à peu de chose près.
Je m'en félicite, monsieur le ministre, mais je voudrais faire observer que ces décisions arrivent bien tard et créent, pour la majeure partie de ces associations, des situations extrêmement difficiles. Comment gérer des familles en précarité lorsque, de votre côté, vous précarisez la situation de ces associations ? Comment admettre qu'il faille attendre le début du mois de novembre pour connaître le montant précis des subventions de l'année en cours ?
Vous placez les associations dans des difficultés de trésorerie telles qu'elles mettent en cause leur pérennité même. Elles sont obligées de solliciter des prêts relais qui leur coûtent fort cher en agios, ce qui profite aux banques mais pas à la vie associative.
Pouvez-vous nous expliquer le retard de bouclage des budgets de ces associations, alors que ces structures fonctionnent depuis maintenant plus de neuf mois sans réponse ?
Vous les fragilisez en procédant de la sorte, et j'aimerais savoir si vous comptez prendre des mesures pour prévenir les situations catastrophiques vécues cette année par ces associations qui ont en charge nos concitoyens les plus pauvres.
Ce que vous avez tenté de récupérer en catastrophe cette année dans notre département me laisse à penser que l'État, qui exige en permanence des associations le sérieux dans leur gestion, devrait commencer par donner l'exemple en versant les subventions dans des délais raisonnables.
Le budget de l'État est voté en décembre ; hormis le souhait du Gouvernement de geler certains crédits en cours d'année, comme cela s'est déjà produit, je ne comprends pas cette attitude.
Ces associations existent bien souvent depuis de longues années. Il me semblerait donc judicieux que les délégations de crédits soient notifiées dans nos départements à la fin du premier trimestre ou, au plus tard, au début du deuxième trimestre.
Les associations assurent en effet des missions publiques, avec l'accord voire à la demande de services de l'État. Elles ont droit à plus de considération !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Madame la sénatrice, je vous prie d'excuser l'absence de Mme Catherine Vautrin ce matin. Je vais donc vous apporter une réponse en son nom.
Mme Vautrin conteste le chiffre de plus de trois cents personnes qui, selon vous, seraient en difficulté dans votre département. En effet, les supposés problèmes budgétaires que vous évoquez ne concernent qu'une structure, à savoir l'AFTAM, l'association pour l'accueil et la formation des travailleurs migrants.
Cette association a fait savoir qu'elle envisageait de fermer son service d'hébergement temporaire à la fin de 2006 si elle n'obtenait pas les financements qu'elle réclame. Or celui-ci a une capacité maximale de l'ordre de cent cinquante places, ce qui ne correspond pas aux trois cents personnes auxquelles vous faites référence.
La demande de financement de l'AFTAM pour 2006 représenterait une augmentation de plus de 33 % par rapport à 2005, sans qu'aucun élément objectif ne justifie cette progression. En outre, cette structure bénéficie de 64 % de l'enveloppe budgétaire du département d'Indre-et-Loire au titre du programme 104 « Accueil des étrangers et intégration ».
Étant la principale association en matière d'hébergement des demandeurs d'asile, l'État n'a donc aucun intérêt à la fragiliser.
Aujourd'hui, l'activité du service d'hébergement temporaire de l'AFTAM est appelée à ralentir du fait de l'ouverture de places supplémentaires dans les centres d'accueil pour demandeurs d'asile. Ainsi, en Indre-et-Loire, trente places de plus ont été créées à la fin de 2005 et quarante places l'ont été en août 2006. C'est la raison pour laquelle la subvention qui sera versée au service d'hébergement temporaire en 2006 enregistre une baisse de 5,5 % par rapport à 2005, passant de 371 000 euros à 350 000 euros.
Dans le même temps, la subvention allouée à la plate-forme d'accueil et d'orientation des demandeurs d'asile, également gérée par l'AFTAM, connaît une augmentation de 200 %, passant de 50 000 euros en 2005 à 150 000 euros en 2006. Dans ces conditions, la baisse toute relative de la subvention au service d'hébergement temporaire géré par l'AFTAM ne met pas en difficulté financière cette association.
Ces informations ont été communiquées aux représentants des salariés de l'AFTAM par la DDASS, où ils ont été reçus à leur demande les 24 août et 19 septembre derniers.
Pour ce qui concerne les retards de versement, ils sont principalement liés aux insuffisances du dossier de demande de subvention de certaines associations, et ce malgré les multiples relances de la DDASS, alors même que les crédits correspondants avaient été délégués.
Telles sont les précisions que je pouvais vous donner, au nom de Mme Vautrin.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. J'ai entendu la réponse qui m'a été apportée. Il est vrai que certains éléments ont évolué entre le moment où j'ai déposé ma question et aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle j'ai pris la précaution de préciser, dans mon intervention, qu'un laps de temps s'était écoulé avant que je puisse la poser en séance publique.
Cela étant, même si la situation des associations est meilleure qu'au mois de septembre, lorsque je les avais reçues - ma question ne concernait pas que l'AFTAM -, je souhaiterais que l'on puisse travailler avec elles en amont pour leur permettre de présenter des budgets comme le souhaite l'État. Un certain nombre de ces associations, qui sont de toutes petites structures, connaissent de véritables problèmes en la matière.
Par ailleurs, la DDASS d'Indre-et-Loire est en sous-effectif depuis de nombreux mois. Elle a donc un mal fou à apporter les réponses nécessaires aux associations. Si je le souligne, c'est parce que la situation est catastrophique. À une époque, il n'y avait même qu'une seule personne de disponible sur les cinq qui auraient dû être présentes. Entre les malades et les personnels partis sur d'autres sites, nous avons été en grande difficulté.
Une autre partie de ma question concernait les délais de versement des subventions.
Il peut exister des difficultés de présentation des budgets, mais les crédits accordés aux associations sont versés avec beaucoup de retard. Cette situation récurrente oblige les autres collectivités à apporter leur contribution en attendant les versements de l'État. Les découverts bancaires ne les mettent pas dans une situation favorable. Cela pose donc de vrais problèmes de gestion.
Voilà ce que je voulais dire après la réponse que m'aurait faite Mme Vautrin.
code des marchés publics et mission des scènes nationales
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, auteur de la question n° 1132, adressée à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Michel Billout. Monsieur le ministre, en avril 2006, le conseil général de Seine-et-Marne décidait, par voie de délibération, d'organiser un festival départemental à caractère culturel et d'en confier la direction artistique aux deux scènes nationales du département, à savoir la Coupole à Sénart et la Ferme du buisson à Marne-la-Vallée.
Quatre mois plus tard, après un certain temps de réflexion, le préfet de Seine-et-Marne décidait de saisir le tribunal administratif pour non-respect du code des marchés publics. Il estimait, en effet, que l'organisation d'une telle manifestation devait s'analyser comme un marché de prestation de service. Cette décision a, bien évidemment, suscité une grande émotion dans le département.
Les deux scènes nationales concernées remplissent depuis de nombreuses années, et avec succès, des missions de service public et d'aménagement culturel du territoire de Seine-et-Marne. Celles-ci sont réalisées dans un cadre contractuel et partenarial, celui de la convention d'objectifs de développement culturel, de création artistique et d'insertion sociale de ces actions sur ces territoires, qui a été signée entre les associations, les collectivités territoriales et l'État.
Les deux scènes nationales apparaissent bien comme les partenaires naturels du conseil général pour l'organisation d'un festival départemental d'art et de culture. Il ne s'agit donc pas d'une simple « prestation de service ».
Dans ce cadre, l'article 30 du code des marchés publics dispose, d'ailleurs, que la personne responsable du marché peut décider qu'une mise en concurrence du fait des caractéristiques du marché est inutile, voire impossible.
En outre, le décret n° 2005-1008, publié au Journal officiel le 25 août 2005, mentionne l'hypothèse, à l'alinéa 3 de l'article 30 du code des marchés publics, où les caractéristiques du marché permettraient de déroger à cette règle. Cette éventualité fait, notamment, référence aux marchés qui ne peuvent être confiés qu'à un prestataire déterminé pour des raisons notamment « artistiques ».
Il s'agit donc bien d'une lecture particulière du code des marchés publics, qui risque d'avoir des conséquences graves : d'une part, supprimer des emplois, ce festival prévoyant l'intervention de plusieurs centaines d'intermittents du spectacle sur tout le territoire de la Seine-et-Marne ainsi que sur l'organisation d'un chantier d'insertion, et, d'autre part, soumettre à la concurrence l'ensemble des missions de service public des associations et établissements publics culturels, mais également « les spectacles musicaux, de danse, de théâtre, de représentation artistique, de cirque, des artistes amateurs ou professionnels ».
Monsieur le ministre, n'êtes-vous pas inquiet de la jurisprudence qui pourrait résulter de l'initiative du préfet de Seine-et-Marne au regard de ses implications sur l'avenir des scènes nationales et des missions de service public qui leur sont confiées ?
Je serais également particulièrement intéressé de savoir si vous jugez cette position conforme à la convention de l'UNESCO sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. En effet, en l'adoptant, le 20 octobre 2005, la France a fait sienne, avec cent quarante-sept autres pays, une définition de la culture qui la reconnaît comme étant un bien de l'humanité.
C'est à l'opposé des conceptions exprimées par l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, où par l'accord général sur le commerce des services, l'AGCS, qui font de la culture un produit marchand, ce qui entre en contradiction, bien sûr, avec l'application du code des marchés publics pour les actions culturelles et artistiques.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, vous soulevez des questions de principe très importantes.
Le conseil général de Seine-et-Marne a passé convention, comme vous l'avez rappelé, avec les scènes nationales de Sénart et de la Ferme du buisson pour la réalisation d'un festival.
Le juge des référés du tribunal administratif de Melun a prononcé la suspension des conventions d'objectifs signées avec ces deux associations. Il estime, en effet, qu'il existe un doute sur la légalité des décisions dans la mesure où elles se rapporteraient, selon lui, à l'attribution de marchés publics de services soumis aux procédures du code des marchés publics.
Le conseil général de Seine-et-Marne a formé un pourvoi en cassation devant le Conseil d'État contre cette décision. Vous comprendrez que je reste très prudent sur l'analyse juridique, la justice n'ayant pas tranché définitivement.
Toutefois, je ne souhaite pas que les missions de service public soient remises en cause pour les subventions que nous attribuons conjointement, avec les collectivités territoriales, au réseau des institutions du spectacle vivant.
Pour clarifier les choses, le Premier ministre a annoncé, lors de la première conférence de la vie associative, la mise en place d'un groupe de travail associant des représentants du Conseil d'État et de la Cour des comptes. Ce groupe aura pour mission de préciser ces notions de subvention, de commande publique et de délégation de service public.
Je partage vos inquiétudes, monsieur le sénateur. Je pense, comme vous, que la culture n'est pas un produit marchand. La France a, d'ailleurs, conduit la manoeuvre à l'UNESCO pour la convention sur la diversité des expressions culturelles. De surcroît, nous veillons à l'entrée en vigueur de cette convention ainsi qu'à sa ratification, ce qui sera chose faite, je vous l'annonce, le 19 décembre prochain. En effet, grâce à la Commission européenne et à l'adhésion d'un certain nombre de pays de l'Union européenne, la convention va s'appliquer.
Bref, la question que vous posez, monsieur le sénateur, est sensible. Il n'est pas envisageable que le secteur du spectacle vivant soit paralysé. C'est la raison pour laquelle des précisions juridiques doivent être apportées.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Je remercie M. le ministre de cette réponse. Je comprends qu'elle ne soit pas complète dans la mesure où la justice est saisie de ce dossier.
Néanmoins, la problématique du secteur artistique et culturel doit absolument être clarifiée. Il convient que ce secteur soit distinctement placé en dehors du champ de l'activité marchande et concurrentielle, afin d'éviter au représentant de l'État dans certains départements de faire preuve d'un zèle excessif.
En effet, avant que le tribunal administratif soit saisi de l'affaire, il a bien fallu qu'une démarche soit engagée pour contester la validité de la délibération du conseil général. Et c'est, en l'occurrence, le représentant de l'État qui a été à l'origine de cette démarche.
Il est donc important que tout soit parfaitement clair afin d'éviter la paralysie du secteur et la mise au chômage de centaines d'intermittents du spectacle.
fonctionnement du fisac
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer, auteur de la question n° 1108, adressée à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.
M. Claude Biwer. Le rôle du fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC, est très important dans la mesure où ce fonds permet de financer la sauvegarde des activités commerciales ou artisanales.
Il distribue deux grands types d'aides : des aides à des opérations à caractère territorial concernant, notamment, des commerces situés en milieu rural ou en milieu urbain, ou encore des aides à caractère sectoriel permettant de répondre aux difficultés que peuvent rencontrer les professionnels du commerce et de l'artisanat confrontés à des mutations économiques, techniques, sociales ou règlementaires.
Le FISAC peut également venir en aide aux commerçants et aux artisans victimes de calamités naturelles ou industrielles. Par ailleurs, il peut, depuis 2003, intervenir en matière de modernisation et de création d'entreprises.
Il convient d'observer que les dossiers traités par le FISAC font l'objet, dans leur très grande majorité, d'un cofinancement soit par les chambres de commerce ou les chambres de métiers, soit aussi et surtout par les collectivités territoriales.
Dans un récent rapport de la Cour des comptes, qui a fait l'objet d'un rapport d'information de la part de la commission des finances du Sénat, il a été regretté que le traitement par ordre chronologique des dossiers puisse introduire une disparité territoriale dans la distribution des aides, sans lien direct avec les besoins réels du tissu local.
Il a également été observé que les procédures relatives aux aides du FISAC, qui se sont élevées à quelque 95 millions d'euros en 2004, demeurent très concentrées, les décisions attributives relevant du ministre lui-même, après instruction complémentaire de l'administration centrale, étape dont le faible taux de rejet des dossiers observé par la Cour des comptes lui fait douter de l'utilité.
En fait, les dossiers de demandes d'aide formulées par les commerçants ou les artisans sont instruits dans un premier temps par les services économiques des préfectures, en liaison, souvent, avec les chambres consulaires. Puis, ces dossiers « remontent » à Paris et les décisions attributives de subvention - je le répète - relèvent personnellement du ministre chargé des PME, après instruction complémentaire par la direction du commerce, de l'artisanat, des services et des professions libérales.
Dans la mesure où cette étape allonge, semble-t-il, sensiblement les délais d'attribution des aides, et alors que, s'agissant de la sauvegarde ou de la modernisation d'activités commerciales ou artisanales, il convient au contraire d'être particulièrement réactif, plutôt que de déléguer cette responsabilité aux régions, car les dossiers feraient aussi l'objet d'un deuxième et tout aussi long traitement administratif, ne serait-il pas plus efficace de confier aux préfets la décision attributive des aides du FISAC ?
En résumé, il faut à tout prix conserver la spécificité du FISAC, qui a fait ses preuves. Cependant, afin de raccourcir les délais d'examen des dossiers de demandes d'aide, pourquoi ne pas confier au représentant de l'État dans le département, dont les services sont déjà chargés d'examiner lesdits dossiers, la responsabilité d'attribuer ces fonds ? Cela nous ferait gagner beaucoup de temps et rendrait le système bien plus efficace.
De plus, une telle initiative répondrait à un critère dont nous entendons souvent parler, celui de la simplification administrative, qui serait de ce fait au rendez-vous.
J'ose espérer, monsieur le ministre, que le Gouvernement voudra bien réserver une suite favorable à cette suggestion.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Un point nous réunit : l'utilité des subventions accordées par le FISAC pour l'ensemble de nos structures économiques.
Des mesures partielles de déconcentration du FISAC sont déjà mises en oeuvre. Ainsi, la gestion des dispositifs exceptionnels mis en place à l'occasion de catastrophes naturelles ou technologiques pour venir en aide aux entreprises sinistrées est, en règle générale, déconcentrée à l'échelon du département afin que les réparations interviennent le plus rapidement possible.
Les bilans qui ont pu en être tirés sont, dans l'ensemble, positifs : la réactivité des services de l'État dans de telles circonstances est très appréciée ; les dossiers d'aide exceptionnelle aux entreprises sont traités dans des délais rapides ; enfin, un encadrement strict des modalités d'intervention permet d'éviter l'attribution d'aides selon des critères ou des conditions hétérogènes.
La situation se présente différemment en ce qui concerne les dossiers « classiques » du FISAC : l'instruction, comme vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, faite à l'échelon local est complétée, dans une forte majorité des cas, par des vérifications effectuées au niveau national et, le cas échéant, par des compléments d'instruction.
Ce travail paraît judicieux, même si je comprends parfaitement le critère de rapidité que vous défendez, monsieur le sénateur. D'une part, il débouche sur une réduction des subventions accordées de l'ordre de 25 % des montants demandés et validés à l'échelon local. D'autre part, il permet une bonne harmonisation des décisions sur l'ensemble du territoire.
De plus, une déconcentration accrue du FISAC n'est pas souhaitable en termes de gestion budgétaire, car cela supposerait que des enveloppes de crédits, région par région, soient définies une fois pour toutes, indépendamment de la pluralité des dossiers. La définition d'enveloppes de crédits par région aboutirait à des effets d'aubaine pour des régions comportant peu de projets et, à l'inverse, à un taux d'aide trop faible pour les régions les plus dynamiques.
Dans ces conditions, une déconcentration plus prononcée de la gestion de ces dossiers n'est pas envisagée à ce jour, d'autant que les délais de traitement sont redevenus normaux après les ralentissements provoqués par l'afflux enregistré en 2004 et 2005. Actuellement, le nombre de dossiers en instance est inférieur à deux cents, ce qui représente une charge de travail de deux mois.
La simplification des procédures de gestion devrait être encore accrue par une prochaine circulaire, qui prévoit l'utilisation d'un cadre normalisé pour les opérations urbaines. Ce sera peut-être là un moyen de répondre concrètement à votre interrogation, monsieur le sénateur.
S'agissant des observations formulées dans le rapport du Sénat sur le FISAC, les points suivants peuvent être mentionnés : le FISAC ne servira plus à accorder des prêts sans intérêt ; le rapport d'activité annuel détaille désormais les opérations nationales ; les opérations non apurées ont fait l'objet d'une campagne de relance qui a abouti au solde de la quasi-totalité des opérations concernées ; l'évaluation des opérations rurales a été poursuivie sur des opérations aidées en 2000 et 2002 et il se confirme que le taux d'échec des aides est très réduit - il est de 5 % environ - ; l'évaluation des opérations urbaines est en cours.
Il importe toutefois de souligner dès maintenant que l'évaluation des effets propres de l'intervention du FISAC sera sans doute délicate, de nombreux facteurs extérieurs étant susceptibles d'avoir une incidence sur le développement local du commerce - évolution de l'économie locale, options d'urbanisme ou d'aménagement à l'échelon local, transformation de la population résidente, modification de l'offre commerciale sur place ou à proximité.
Enfin, ces évolutions se combinent avec la modification à paraître du décret relatif au FISAC pour tenir compte des décisions du comité interministériel des villes du 9 mars dernier, ce qui permettra - je crois que vous le souhaitiez - une intervention renforcée dans les ZUS et ZFU, ainsi que de la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, ce qui permettra de développer l'accessibilité de certains commerces à ces publics.
Bref, ces dépenses sont utiles. Nous veillons à ce que, dans le cadre de l'instruction des dossiers, ces aides soient le plus rapidement possible mises à la disposition des entités commerciales.
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.
Notre problème est véritablement un problème de délai. Nous sommes souvent confrontés à ces difficultés.
Quoi qu'il en soit, je comprends que la répartition soit difficile à opérer région par région et je prends note de votre volonté d'accélérer le délai d'instruction des dossiers afin de rendre cette aide plus efficace. C'est finalement ce que nous souhaitons !
allongement des périodes de chasse
M. le président. La parole est à M. Roland Courteau, auteur de la question n° 1083, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Roland Courteau. J'ai pu, au cours de ces derniers mois, et à diverses reprises, attirer l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur la nécessité d'accélérer la résolution du contentieux sur les dates d'ouverture et de fermeture de la chasse aux espèces appartenant à l'avifaune migratrice, concernant tant le gibier d'eau que les oiseaux de passage.
Mme la ministre sait mieux que quiconque combien cette question des dates d'ouverture et de fermeture de la chasse est susceptible de créer des tensions au sein des associations de chasseurs.
Pour n'évoquer que des périodes récentes, je crois me souvenir que la question de l'allongement de la période de chasse avait été envisagée par Mme la ministre pour février 2005, puis abandonnée, tandis que l'arrêté signé le 24 mars 2006 concernant la fixation des dates d'ouverture de la chasse au gibier d'eau pour la présente saison avait semé quelque peu le trouble dans un certain nombre de départements.
J'avais donc saisi Mme la ministre, voilà quelques mois, de la requête des associations de chasseurs concernant les suites susceptibles d'être données à la publication par la Commission européenne du guide interprétatif de la directive « Oiseaux ».
En réponse, il m'avait été indiqué que l'essentiel des difficultés de mise en oeuvre des directives « Oiseaux » et « Habitats » relevait de l'interprétation des tribunaux nationaux ou communautaires.
Ainsi m'était-il précisé : « La clarification des données techniques et scientifiques sur lesquelles s'appuient les décisions de justice paraît-elle nécessaire » ? Mme la ministre ajoutait : « L'intégration du guide interprétatif de la directive « Oiseaux » élaboré sur l'initiative de la Commission européenne, dans l'annexe V de cette directive, paraît pouvoir y contribuer ».
Toujours selon les précisions qui m'avaient été apportées, il semblerait que le président de la Commission européenne ait donné son accord et que la Commission ait fait part de sa volonté d'accélérer la résolution du contentieux sur les dates de chasse, engagé il y a plusieurs années.
Apparemment donc, compte tenu de ces informations et de la volonté affichée par les uns et par les autres, l'on pourrait avoir le sentiment que le dossier avance. Toute la question est de savoir ce qu'il en est exactement et à quel stade nous en sommes.
C'est important, car, selon les informations dont je dispose, le guide interprétatif, par l'interprétation des articles 7 et 9 de la directive « Oiseaux », admet notamment la possibilité de chevauchement d'une décade entre la date d'ouverture de la chasse et la date de fin de reproduction ou, encore, entre la date de fermeture et la date du début de migration nuptiale figurant dans le rapport ORNIS de 2001 pour chaque État membre.
Or, en mars 2006, Mme la ministre me faisait savoir qu'elle s'apprêtait à faire part à la Commission de son intention d'adopter, pour la prochaine saison de chasse, des dates conformes aux préconisations du guide interprétatif. C'était clair.
La question - qui ne l'est pas moins - que mon collègue M. Marcel Rainaud et moi-même posons est donc la suivante : peut-on envisager, en fonction des analyses techniques et scientifiques parfaitement établies, un allongement, en février prochain, de la période de chasse d'environ une décade ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, il est très symbolique que ce soit le ministre de la culture qui réponde à une question liée à la chasse ! La chasse fait, en effet, partie de l'histoire, de la tradition, du patrimoine de notre pays et constitue un aspect très vivant des loisirs de nos concitoyens.
M. Roland Courteau. Et de la culture ! (Sourires.)
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Je vous prie d'excuser l'absence de Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable, qui se trouve actuellement à Nairobi pour la 12e conférence internationale sur le climat.
Nous avons assisté, ces six derniers mois, à un apaisement des contentieux sur la chasse au gibier d'eau. C'est, pour les chasseurs, une excellente nouvelle.
Les dates de chasse en France faisaient, en effet, l'objet d'un contentieux avec la Commission depuis 1995. La France avait été condamnée une première fois par la Cour de Luxembourg sur ce sujet, en décembre 2000.
La Commission européenne a, en mai 2005, décidé de rouvrir ce dossier, alors même que, depuis 2003, les dates étaient en voie de stabilisation et que, depuis 2000, la France avait profondément modifié son droit de la chasse, répondant à plusieurs griefs qu'avait retenus la Cour.
Dans ces conditions, la ministre de l'écologie et du développement durable a estimé nécessaire et urgent de stabiliser les dates de chasse et d'éviter ainsi d'exposer les chasseurs à de nouveaux contentieux qui auraient menacé très sérieusement les acquis de la situation actuelle.
Ainsi, son arrêté en date du 24 mars 2006 a fixé les dates d'ouverture de la chasse aux oiseaux de passage et au gibier d'eau. Il répond de façon plus précise à l'arrêt de la Cour de justice, en fixant dans le courant du mois de septembre la date d'ouverture de la chasse de sept espèces aux appellations d'ailleurs très poétiques : canard chipeau, fuligule milouin, fuligule morillon, nette rousse, foulque macroule, poule d'eau et râle d'eau.
Ces dates correspondent à celles qui ont été fixées par la directive européenne « Oiseaux » et qui sont préconisées par le comité ORNIS.
À la suite de la publication de l'arrêté du 24 mars 2006, la Commission européenne a décidé de clore ce contentieux, évitant ainsi à la France de lourdes pénalités financières.
Par un arrêt en date du 13 juillet 2006, le Conseil d'État a rejeté les recours formés contre cet arrêté et a ainsi, pour la première fois depuis de très nombreuses années, s'agissant des dates de chasse, donné raison au ministre en charge de la chasse. L'abandon du contentieux par la Commission a, au regard des attendus de l'arrêt, été un facteur déterminant de la décision des juges.
Cet arrêt marque une étape historique dans la suite des contentieux sur les dates de chasse. Il indique en même temps aux chasseurs les perspectives de progrès futurs : le respect scrupuleux du droit, d'une part, et la présentation d'études scientifiques sérieuses, d'autre part.
Tout progrès ne sera possible que dans le strict respect des dates réglementaires, sur lesquelles la France est très observée.
Concernant le guide interprétatif sur la chasse, la France a non seulement maintenu, mais réitéré sa demande qu'il soit rapidement intégré dans l'annexe V de la directive « Oiseaux ».
Le Premier ministre a de nouveau écrit, le 19 septembre dernier, au président de la Commission, afin de lui rappeler l'attachement de la France à ce dossier et lui a demandé d'organiser sans délai les nécessaires débats sur ce sujet au sein du comité ORNIS.
Mme Nelly Olin reste, personnellement, extrêmement attentive à ce dossier dont elle entretient régulièrement le commissaire à l'environnement M. Stavros Dimas.
En l'absence d'autres études scientifiques sérieuses que celles qui ont été présentées à l'appui de son arrêté du 24 mars, et de son arrêté du 31 janvier 2006 concernant la fermeture de la chasse à certaines grives et au merle noir dans dix-sept départements du sud de la France, dont l'Aude, ou à l'appui d'un prochain arrêté sur la fermeture de la chasse aux pigeons dans le Gers, il serait extrêmement périlleux de prétendre faire évoluer les dates de chasse.
Les chasseurs n'ont strictement aucun intérêt à voir renaître des contentieux sur les dates de chasse.
Tels sont les termes du point d'équilibre, certes fragile et complexe, mais qui me semble, aujourd'hui, véritablement acquis.
Situation des soins palliatifs en France
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 1089, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.
M. Bernard Cazeau. Je souhaite appeler l'attention de M. Philippe Bas - enfin un ministre dont la compétence est en adéquation avec le sujet que je vais évoquer ! - sur la situation actuelle des soins palliatifs en France.
Dans les articles 11 à 14 de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie était évoquée la nécessité de développer la culture des soins palliatifs, à la fois par des dispositions légales créant des médecins référents spécialisés et par l'obligation de créer de telles unités identifiées dans certaines structures médicales et médico-sociales.
Un an après le vote de cette loi, un rapport de la Cour des comptes, révélé publiquement par l'Agence française de presse, mettait en évidence l'insuffisance de dispositifs de lits de soins palliatifs dans la région du Sud-Ouest, en particulier.
Curieusement, ce rapport de la Cour des comptes, achevé en septembre 2005, n'a jamais été divulgué aux parlementaires. Ce travail, qui avait été commandé d'ailleurs par les autorités sanitaires, indiquait pourtant que la région du Sud-Ouest, avec une forte population vieillissante, était l'une des moins dotées en lits de soins palliatifs dans les structures hospitalières.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de nous éclairer sur la réalité des éléments contenus dans ce rapport. En outre, je souhaiterais connaître les décisions que vous comptez prendre afin que le droit à disposer de soins palliatifs soit respecté, cela d'une manière cohérente et égalitaire sur l'ensemble du territoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, Xavier Bertrand et moi-même sommes très engagés en faveur du développement des soins palliatifs dans notre pays, que ce soit au sein des structures hospitalières, dans des services qui y sont dédiés ou à travers des équipes mobiles, mais aussi dans les réseaux ambulatoires.
Je connais la détresse des familles face à un malade qui voit sa dernière heure approcher, mais aussi celle des médecins qui, souvent, sont désemparés lorsqu'ils doivent prendre en charge de tels patients et ont pour premier réflexe de les renvoyer vers l'hôpital. Les soins palliatifs commencent bien souvent par le maintien à domicile, qui permet de mobiliser autour de la personne en fin de vie un peu de confort et de paix.
Le développement des soins palliatifs est l'affaire de plusieurs années. Ainsi, depuis 2002, a été mis en oeuvre un programme national de développement des soins palliatifs, qui met l'accent sur le déploiement de la culture palliative dans les établissements de santé comme en dehors de ceux-ci et qui prévoit la mise à niveau des structures nécessaires à la prise en charge des patients.
Les orientations de cette politique ont été précisées, d'une part, dans une circulaire de février 2002 et, d'autre part, dans le plan cancer. C'est ainsi que le plan cancer 2003-2007 assure le financement des lits identifiés de soins palliatifs, des équipes mobiles et des unités qui s'y consacrent.
J'ai eu l'occasion, la semaine dernière, de prolonger cette politique en direction des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, afin que, là aussi, la personne très âgée, dont l'existence touche à sa fin, puisse être maintenue dans son lieu de vie, car c'est la première condition d'une approche palliative qui apporte du soulagement à la personne.
Le bilan des capacités de prises en charge déjà installées au 31 décembre 2004 fait état de 317 équipes mobiles, 78 unités, 1 281 lits identifiés, 20 lits d'hôpital de jour, soit un total de 2084 lits spécifiques de soins palliatifs. S'y ajoutent 84 réseaux et les services d'hospitalisation à domicile, qui ont pris en charge près de 3 600 personnes.
Dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et à la fin de vie, nous poursuivons l'effort de développement des structures, notamment en matière de lits identifiés pour les soins palliatifs.
Nous avons ainsi créé, en moyenne, depuis 2002, 350 lits identifiés chaque année, ce qui représente 965 nouveaux lits.
En 2008, les cinq régions qui ne disposaient pas encore en 2005 d'une unité de soins palliatifs en seront dotées ; deux d'entre elles, la Basse-Normandie et le Centre, viennent d'ailleurs de bénéficier d'un financement en 2006.
En matière de situation budgétaire des établissements mettant en oeuvre les soins palliatifs, il convient de rappeler l'effort particulier qui a été consenti depuis 2005. Dans le cadre de la tarification à l'activité, nous avons identifié un groupe homogène de malades, qui correspond à trois catégories de tarifs, dits « groupes homogènes de séjours » en fonction du type de structure dans lesquelles ces soins sont mis en oeuvre. Cette tarification permet d'adapter les ressources à l'activité des services chargés des soins palliatifs.
De plus, le Gouvernement a, le 13 juillet dernier, installé un comité national de suivi. Ce comité est chargé de déterminer les principales orientations en matière de développement des soins palliatifs pour les prochaines années. Il est également chargé de proposer, si nécessaire, des inflexions aux orientations de la politique actuelle en la matière.
Concernant la région Aquitaine, le dispositif de soins palliatifs comprenait, en 2005, treize équipes mobiles, trois unités et un réseau, ce qui situait la région - il faut le reconnaître - en dessous de la moyenne nationale. Seulement quinze lits identifiés étaient recensés à la fin de 2005 ; ce retard devra être rattrapé en 2007 et 2008. Le Gouvernement s'y engage.
En revanche, la prise en charge en hospitalisation à domicile, dans cette région, est nettement plus favorable.
À partir des enquêtes qui sont menées annuellement par mes services, il faudra mesurer l'évolution de ce dispositif de prise en charge, conformément aux schémas régionaux d'organisation sanitaire.
L'importance de l'accès à des soins palliatifs de qualité a d'ailleurs conduit votre région à prévoir la mise en place d'une structure régionale d'expertise et de coopération destinée à développer l'organisation régionale de la prise en charge.
Au sein de la région Aquitaine, nous avons également créé un comité de suivi du schéma régional d'organisation sanitaire pour son volet relatif aux soins palliatifs, afin d'évaluer annuellement la mise en oeuvre du schéma.
Monsieur le sénateur, vous le voyez, nous restons très mobilisés pour répondre à la détresse des malades et de leur famille.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, comme d'habitude, vous êtes plein de bonnes intentions et - permettez-moi de le constater avec gentillesse - vous n'avez pas peur des effets d'annonce.
Vous avez, il est vrai, effectué un « tour de France » des lits de soins palliatifs. Cependant, au bout de près de cinq années - vous avez entamé cette démarche en 2002, et vous y avez d'ailleurs fait référence -, le nombre de lits qui était à l'époque préconisé par le Conseil économique et social, c'est-à-dire 3 000, n'est pas encore atteint.
Dès lors, vous évoquez l'année 2008. Fort bien. Mais qui sera aux responsabilités à ce moment-là ? Pour ma part, en tant que membre de l'opposition, j'espère que ce ne sera pas vous.
M. Bernard Cazeau. Parce que je m'exprime en tant que membre de l'opposition ! Mais peut-être avez-vous l'intention de modifier totalement vos options politiques, monsieur le ministre ? (Sourires.)
M. Alain Gournac. Je ne le pense pas ! (Nouveaux sourires.)
M. Bernard Cazeau. Quoi qu'il en soit, il est facile de faire aujourd'hui référence à l'année 2008, alors que les « files d'attente » - en réalité, ce sont les familles, et non les personnes dans un tel état, qui attendent - sont nombreuses.
Actuellement, nombre de malades qui sont en stade terminal n'ont la possibilité ni d'accéder à des lits de soins palliatifs ni d'être suivis par des médecins formés, parce que l'on constate également des manques en ce domaine.
Par conséquent, et puisque vous avez mentionné la région Aquitaine, je souhaite que vous rattrapiez rapidement les retards dans cette région et que la mise en oeuvre d'une telle technique palliative à l'échelle nationale constitue une volonté forte du Gouvernement. En effet, à mon sens, les attentes de nos concitoyens en la matière sont réelles.
M. le président. Mes chers collègues, je voudrais apporter un élément complémentaire.
Je tiens à remercier M. le ministre de s'occuper de la Maison de Gardanne. (M. le ministre acquiesce.) Il s'agit d'un établissement de soins palliatifs, qui accueille des personnes atteintes par la maladie en fin de vie.
Monsieur le ministre, je suis très sensible à votre engagement personnel en faveur de cette structure.
évaluation du nouveau dispositif de permanence des soins en médecine ambulatoire
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, auteur de la question n° 1103, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.
M. Philippe Leroy. Monsieur le ministre, dans un contexte marqué par le vieillissement de nos populations et surtout par des attentes fortes en matière de sécurité, et ce de la part de toutes les classes d'âge, nous pouvons penser que la qualité et l'efficacité de notre dispositif de permanence de soins ne sont plus assurées.
En effet, dans une situation donnée, il est souhaitable qu'une personne sache à quel secours s'adresser, puisse facilement le contacter et obtienne de sa part une réponse médicale rapide et accompagnée des moyens adaptés.
S'agissant du département de la Moselle comme de l'ensemble du pays, le dispositif démontre au quotidien sa complexité et sa fragilité, en ville et plus encore en zone rurale.
En effet, selon le lieu sur lequel l'accident, ou l'incident, se produit, par exemple sur la voie publique ou au domicile de la personne concernée, et selon son caractère urgent ou non, les secours engagés ne seront pas nécessairement les mêmes. Suivant les cas, seront mobilisés le médecin de garde ou le médecin sapeur-pompier, une ambulance privée ou une ambulance de sapeurs-pompiers, éventuellement complétés par le service mobile d'urgence et de réanimation, ou SMUR.
En outre, l'interconnexion des centres de réception et de régulation des appels, comme le numéro 15, lié au SAMU, le numéro 18, c'est-à-dire les sapeurs-pompiers, ou les numéros liés au service Médigarde, conditionne la qualité des secours.
Il n'est pas rare que les services engagés tardent à se rendre sur le lieu de l'intervention ou ne soient pas adaptés à la situation, ce qui nécessite l'envoi de nouveaux moyens et allonge d'autant plus le délai d'attente. J'ai pu moi-même en être témoin devant mon domicile.
De surcroît, le problème de la répartition des effectifs des médecins généralistes libéraux, notamment en zone rurale, et la mise en place depuis l'année 2004 de gardes assurées sur la base du volontariat accentuent encore les difficultés quant aux disponibilités des médecins.
Monsieur le ministre, la mission que vous aviez chargée, au mois de septembre 2005, d'évaluer les nouveaux dispositifs de permanence de soins déjà institués ou à mettre en place vous a remis son rapport au mois de mars dernier. Ce rapport conforte le sentiment de complexité et de fragilité. En effet, même si des avancées ont été apportées, par exemple par le décret du 7 avril 2005, de nombreuses difficultés subsistent s'agissant tant du financement que de l'organisation du dispositif.
Monsieur le ministre, nous avons le devoir de répondre aux inquiétudes de nos concitoyens. Il est souhaitable de simplifier l'organisation de la permanence des soins et de la rendre plus lisible, plus claire et plus efficace, afin d'obtenir un service de soins conforme à nos attentes.
En ce sens, je partage l'avis de la mission, selon laquelle l'organisation de la permanence des soins devrait constituer un des volets du schéma régional d'organisation sanitaire, le SROS, afin d'adapter le système aux situations extrêmement diversifiées des régions française et aux réalités locales.
En dépit de demandes répétées, je n'ai pas pu obtenir l'état des réflexions sur ce sujet pour la Lorraine. L'agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, qui était chargée de l'établissement du SROS, a refusé de s'en occuper. Je souhaite donc que l'on puisse de nouveau examiner cette demande.
De même, je serais favorable à la mise en place d'un numéro d'appel unique, afin d'éviter les incidents de régulation.
Monsieur le ministre, à la lumière du rapport qui vous a été remis par la mission que j'évoquais à l'instant, pourriez-vous m'indiquer les premières conclusions que vous en avez tirées ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, vous avez entièrement raison.
En effet, pouvoir accéder à des soins à toute heure du jour et de la nuit est une exigence fondamentale pour tous nos compatriotes, à la ville comme à la campagne. D'ailleurs, c'est peut-être encore plus indispensable en milieu rural, où les distances qui séparent les habitants et le médecin sont souvent plus grandes.
C'est pourquoi l'organisation de la permanence des soins constitue également l'un des éléments d'une politique d'aménagement du territoire permettant de maintenir l'activité et la vie en milieu rural.
Dans ces conditions, Xavier Bertrand et moi-même souhaitons assouplir, mais également mieux organiser la mise en oeuvre de cette exigence de permanence des soins, et ce pour trois raisons.
D'abord, avoir accès à une réponse médicale adaptée est un droit pour nos concitoyens.
Ensuite, une telle démarche est également indispensable pour conforter notre politique si nécessaire de maintien à leur domicile des personnes âgées.
Enfin, c'est une condition essentielle pour la permanence des professionnels de santé dans les territoires ruraux. En effet, ces personnels ont aujourd'hui besoin d'avoir un emploi du temps mieux organisé et qui leur assure des conditions de vie comparables à celles des autres professionnels, même si nous savons tous que la profession médicale continuera évidemment de comporter des exigences particulières.
Vous ne l'ignorez pas, le Gouvernement a d'ores et déjà pris de nombreuses initiatives pour améliorer l'organisation de la permanence des soins et la présence médicale dans nos territoires ruraux. À cet égard, permettez-moi de mentionner la loi du 23 février 2005 relative au développement des territoires ruraux, dont vous avez débattu dans cet hémicycle - et je sais combien vous vous êtes personnellement engagé sur ce dossier, monsieur le sénateur - ainsi que le plan pour la démographie médicale, qui a été présenté par Xavier Bertrand le 26 janvier dernier.
Au-delà de ces dispositions, et comme je l'évoquais à l'instant, il est nécessaire de donner plus de souplesse aux acteurs locaux.
Comme vous le savez, les signataires de la convention des médecins ont, pour leur part, augmenté en 2005 les incitations à leurs confrères pour assurer la permanence des soins, puisque le paiement des astreintes a été très fortement réévalué ; il a été multiplié par trois pour une période de douze heures.
Vous avez fait référence au rapport d'évaluation que nous avons demandé à l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, pour améliorer encore le dispositif. Ce rapport a constaté les progrès réalisés, la participation en hausse des médecins libéraux à la régulation et à la permanence des soins, mais il a également relevé - il faut bien le dire - des difficultés persistantes, notamment pour la deuxième partie de la nuit, ainsi que la complexité de certains circuits de financement et de décision.
À la suite d'une réunion de concertation qui s'est tenue le 4 mai dernier avec l'ensemble des organisations concernées, des décisions ont été prises.
D'abord, la participation des médecins libéraux à la régulation a été généralisée dans tous les départements, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ainsi, le 10 octobre dernier, des instructions ont été données aux vingt-quatre préfets des départements où cette participation n'était pas encore effective. Le statut et la protection juridique du médecin régulateur ont été précisés à cette occasion.
Ensuite, afin de faciliter l'organisation de la permanence des soins, les préfets ont reçu par la même circulaire l'instruction de poursuivre la réorganisation des secteurs en deuxième partie de nuit. Ainsi, en l'absence d'autre solution, ils auront la possibilité de confier, au cas par cas, à un ou plusieurs établissements hospitaliers, l'organisation de la permanence des soins en deuxième partie de nuit, accompagnée des moyens correspondants pour l'hôpital qui se chargerait de pallier la défaillance de la permanence des soins des médecins libéraux.
En outre, s'ils l'estiment nécessaire, les préfets pourront également étendre les périodes de permanence au samedi après-midi. Le décret qui prévoit cette possibilité sera justement examiné par le Conseil d'État mardi prochain. Comme vous le voyez, nous obtenons des avancées sur ce dossier.
Je voudrais également mentionner le rapport du docteur Grall relatif aux maisons médicales de garde. Il s'agit également d'un point important, puisque ce rapport trouvera sa concrétisation législative dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui est en cours d'examen par votre Haute Assemblée. En effet, celui-ci prévoira notamment la possibilité de financement pluriannuel de telles structures.
Nous avons également adopté des dispositions, à l'Assemblée nationale, pour permettre aux collectivités territoriales d'accorder des bourses à des étudiants en médecine dès la deuxième année d'études en échange de leur engagement de s'installer dans le département qui leur fait bénéficier ainsi d'une aide du contribuable local.
Par ailleurs, des appels d'offres viennent d'être lancés pour préparer une campagne d'information à destination du grand public sur le bon usage du numéro 15 pour les appels d'urgence.
Enfin, les partenaires concernés seront, bien entendu, de nouveau réunis au sein du Comité national de la permanence des soins pour suivre l'application de telles décisions.
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Je voudrais féliciter M. le ministre de l'ensemble des dispositions concrètes qui sont en train d'être mises en place. Il s'agit non pas d'effets d'annonce, mais bien de réalités.
Monsieur le ministre, à la différence de Bernard Cazeau, je souhaite que nous puissions réévaluer avec vous le bilan de toutes ces mesures dans quelques années.
J'insiste beaucoup sur la nécessité de réfléchir à une meilleure coordination entre les sapeurs-pompiers et les services civils de secours, qui, parfois, font visiblement double emploi. Il est nécessaire de reconsidérer cette question.
En outre, au niveau des schémas régionaux d'organisation sanitaire, il faut également veiller à faire figurer l'urgence parmi les compétences de l'ARH. Certes, cela ne les intéresse pas beaucoup, mais il s'agit d'un sujet qui fait partie, me semble-t-il, de la médecine et de la sécurité médicale.
adaptation de méthodes scientifiques aux protocoles d'évaluation des médicaments
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 1105, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Mme Anne-Marie Payet. Ma question s'adresse à M. le ministre de la santé et des solidarités et porte sur les méthodes classiques d'évaluation de toxicité des médicaments.
Celles-ci sont largement fondées sur l'expérimentation animale alors qu'il est prouvé scientifiquement qu'aucune espèce animale ne constitue un modèle biologique fiable pour une autre espèce. Une même substance peut, par exemple, être déclarée cancérigène ou non cancérigène selon la lignée de souris sur laquelle on la teste.
La transposition à l'homme de résultats obtenus sur des animaux n'en est que plus hasardeuse ; elle fait courir des risques inutiles à nos concitoyens lors des essais cliniques.
En effet, la recherche moderne a créé des méthodes non invasives, véritablement scientifiques, permettant de mesurer précisément les réactions biologiques humaines à une substance chimique. La toxicogénomique est l'une de ces méthodes les plus avancées. Elle présente des avantages considérables en termes de fiabilité, de coût et de rapidité. C'est la raison pour laquelle elle est largement employée aux États-Unis et au Japon ; je m'étonne de sa quasi-inutilisation en Europe.
Une approche originale de cette méthode a pourtant été développée par un comité scientifique qui en a informé les services du ministère de la santé, ainsi que ceux de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, l'AFSSAPS, et de la Haute autorité de santé, sans obtenir de réponse à ce jour.
Monsieur le ministre, ne faudrait-il pas développer la toxicogénomique en France ? Nous ne devons pas oublier qu'un accident est survenu, en mars dernier, au cours d'essais cliniques d'un médicament, conduisant six volontaires au seuil de la mort. Le médicament en cause avait pourtant passé sans encombre les tests précliniques sur des animaux. Cet accident confirme le manque de fiabilité des méthodes classiques d'évaluation de la toxicité des médicaments, souligné par un grand nombre de scientifiques.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame le sénateur, il va de soi que le Gouvernement partage entièrement votre préoccupation.
Bien entendu, chaque fois que des expérimentations animales peuvent être évitées, la mise en oeuvre de méthodes de substitution est un devoir. Mais, vous le savez bien, cet objectif est difficile à atteindre, car notre priorité reste naturellement l'amélioration de la santé humaine.
Nous savons que certaines méthodes n'ont, malheureusement, pas toujours pas d'alternative : c'est, parfois, le cas de l'expérimentation animale. Je souhaite, bien entendu, que nous puissions pousser les feux de la recherche sur les techniques substitutives pour atteindre le même degré d'efficacité. Il ne faudrait cependant pas que notre préoccupation commune de protection des animaux nous conduise à mettre en péril la mise au point de médicaments ni la vérification de leur innocuité, dans le cadre d'essais thérapeutiques qui sont pratiqués encore aujourd'hui sur l'animal.
Les autorités compétentes au niveau européen, comme le Gouvernement, ont pris en compte depuis de nombreuses années la nécessité de remplacer, chaque fois que c'est possible et justifié, les techniques classiques d'évaluation de toxicité fondées sur l'expérimentation animale par des techniques de rechange.
L'AFSSAPS a toujours été particulièrement impliquée dans le développement de ces nouvelles méthodes visant à réduire ou à remplacer l'expérimentation animale, en relation avec les autorités sanitaires ainsi que les milieux universitaires et industriels. Je veux ici rendre hommage au travail remarquable accompli à la tête de cette agence par M. Jean Marimbert afin de développer ces méthodes substitutives, avec le souci éthique que nous partageons avec vous.
Toutefois, la démarche visant à substituer une méthode in vitro, telle que la toxicogénomique, à une méthode in vivo nécessite des étapes de validation souvent longues et toujours complexes. Il faut prouver que la nouvelle méthode in vitro permet effectivement de supprimer le recours aux tests sur l'animal tout en donnant des résultats aussi fiables. Bien que la recherche ait progressé, il n'est pas possible de renoncer à toutes les expérimentations menées sur l'animal, en l'état actuel des connaissances scientifiques.
Par ailleurs, les tests réalisés par l'AFSSAPS n'ont recours aux animaux que lorsque les nécessités de contrôle, ou la réglementation européenne, l'imposent strictement en excluant tout autre procédure. L'utilisation des animaux est ainsi essentiellement limitée aux contrôles d'activité et de sécurité des vaccins dans le cadre de la procédure européenne de libération des lots par l'autorité nationale.
L'Agence porte toute son attention sur l'intérêt et l'apport des nouvelles approches en toxicogénomique. Elle est notamment engagée dans des actions concrètes visant à réduire le recours à l'animal de laboratoire.
L'une de ces actions porte sur un projet de recherche, développé en collaboration avec les équipes du Commissariat à l'énergie atomique, qui vise à utiliser des puces ADN dans des dispositifs d'aide au diagnostic après intoxication chimique ou biologique.
L'autre consiste en la création d'une plate-forme nationale pour le développement des méthodes de substitution, réunissant de nombreux intervenants, le ministère de la recherche, bien sûr, ainsi que l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale et les industriels du médicament, mais aussi des cosmétiques et de la chimie. Le débouché vers des sources de financements européens sera ainsi facilité, le coût de la validation des méthodes substitutives demeurant, à l'heure actuelle, très important.
Madame le sénateur, je voulais prendre devant vous l'engagement de poursuivre le développement des méthodes de substitution. Mais je suis aussi dans l'obligation de vous rappeler que nous sommes contraints, aujourd'hui encore et, je l'espère, beaucoup moins demain, de continuer à procéder à certaines expérimentations sur l'animal.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre.
Il faut savoir que les tests effectués sur les animaux ont été qualifiés récemment de « mauvaise science » par un responsable scientifique de la Commission européenne, qui vient de créer un département de toxicogénomique.
Je suis heureuse d'apprendre que la position de la France a évolué sur ce sujet. Je pense que notre pays pourrait être à l'avant-garde dans ce domaine. En persistant dans l'immobilisme, il se priverait en revanche d'une occasion que nos collègues belges entendent saisir : le Sénat belge étudie en effet actuellement une récente proposition de résolution demandant au gouvernement fédéral de « réaliser une étude de faisabilité en vue de la création d'un centre belge de toxicogénomique ».
permis à points
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac, auteur de la question n° 1116, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. Alain Gournac. Monsieur le président, M. le ministre des transports a eu la gentillesse de me faire prévenir hier qu'il accompagnerait aujourd'hui M. le Premier ministre à Toulouse ; je comprends donc très bien qu'il ne soit pas présent pour me répondre en personne.
Je tenais à vous parler du permis à points et des radars automatiques. Je n'entends certainement pas contester le bien-fondé de l'action entreprise, parce qu'elle répond à la nécessité de renforcer la sécurité routière. Je ne fais pas partie de ceux qui, d'un côté, approuvent l'installation de radars automatiques car elle améliore la sécurité et, de l'autre, la déplorent parce qu'elle risquerait de leur faire perdre des voix !
M. le président. Vous avez de la marge, mon cher collègue ! Même si vous n'étiez pas candidat, vous seriez élu ! (Sourires.)
M. Alain Gournac. Merci, monsieur le président !
Tel n'est donc pas mon état d'esprit. Dans ma commune du Pecq, par exemple, je souhaite l'installation d'un radar automatique au carrefour de l'Ermitage, qui est extrêmement dangereux.
Par ailleurs, celle qui est dans mon coeur - elle est présente dans les tribunes - vient de commettre un excès de vitesse et a reçu une contravention, qu'elle a payée. En aucun cas, je n'aurais entrepris une démarche pour en être déchargé, même si cela m'était arrivé à moi-même !
Mais tel n'est pas l'objet de ma question. En revanche, je voudrais savoir pourquoi, à l'heure de l'informatique, l'administration n'est pas capable d'indiquer directement sur l'avis de contravention au code de la route le nombre de points perdus, avec possibilité de rectification en cas de contestation, au lieu d'écrire, comme je le vois ici (M. Gournac brandit l'avis de contravention) : « perte de points du permis de conduire : oui »
Bien sûr, si le contrevenant tourne je ne sais combien de pages, il finira par découvrir qu'il a perdu un point, ou plus. Je pense sincèrement qu'il serait possible d'établir des formulaires beaucoup plus clairs. Tel est l'objet de ma première question.
La seconde porte sur la mention du nombre de points du permis de conduire restant, information que beaucoup de gens ignorent. J'entends dire que le Gouvernement prévoit de rendre cette information accessible sur Internet. Moi qui suis un « handicapé d'Internet », j'aurais du mal à regarder mes points, ne sachant pas comment faire ! De plus, tout le monde n'a pas accès à Internet dans la France profonde, monsieur le ministre ; il faudrait donc trouver une solution beaucoup plus simple pour apporter une réponse à cette demande légitime.
Si le permis à points joue un rôle pédagogique certain pour faire comprendre aux automobilistes la nécessité de la prudence, parce que conduire de manière inconsciente crée un risque pour eux-mêmes et pour les autres, il est également important que ces mêmes automobilistes sachent exactement combien de points ils ont perdu et combien il leur en reste, pour avoir conscience du risque qu'ils encourent de voir leur permis de conduire suspendu.
Monsieur le ministre, je ne suis pas le seul à poser ces questions puisque, de temps en temps, je rencontre des Français qui s'étonnent qu'on ne soit pas en mesure, malgré l'informatique, de fournir directement ces renseignements aux contrevenants - la violation des limitations de vitesse n'est d'ailleurs pas seule en cause. Il importe que les automobilistes puissent prendre tout de suite conscience du nombre de points qui leur sont retirés et de ceux qui leur restent.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le sénateur, le dispositif du permis de conduire à points, mis en place en France en 1992, est un élément essentiel de la politique de lutte contre l'insécurité routière menée avec détermination par les pouvoirs publics depuis 2002.
Cependant, les principes d'organisation du permis à points sont restés inchangés depuis l'origine. Le Comité interministériel de la sécurité routière du 6 juillet 2006 a donc décidé de lancer une évaluation du permis à points, confiée à M. le préfet Jean Aribaud, qui a remis son rapport le 8 novembre dernier.
L'objet de la démarche, comme vous venez de le rappeler, est non pas de remettre en cause la politique de sécurité routière, qui est un succès comme en témoigne la diminution du nombre de victimes, tuées et blessées, mais d'apporter des améliorations à ce dispositif.
L'une des mesures décidées par le Premier ministre répond précisément à votre demande, monsieur le sénateur. Tout conducteur pourra, à partir du 1er juillet 2007, consulter en toute confidentialité sur un site Internet son capital de points restant. J'ai bien entendu votre préoccupation s'agissant des personnes qui ne sont pas internautes ; nous en prenons note pour voir quelle solution de rechange nous pourrions trouver.
De plus, un courrier recommandé sera envoyé, à partir du 1er janvier 2008, à tout conducteur qui atteint le seuil de six points sur son permis de conduire, afin de l'alerter et de lui rappeler les possibilités d'effectuer un stage de sensibilisation à la sécurité routière.
Afin de favoriser le retour au permis de conduire après une annulation, et tout en maintenant le délai de six mois sans permis, l'anticipation des démarches sera autorisée et encouragée. Ainsi, un conducteur qui se sera acquitté de ses obligations pourra retrouver son permis dès le premier jour suivant le délai de six mois.
Il sera également tenu compte de la situation du bon conducteur qui commet une seule infraction sanctionnée par la perte d'un point. Ce conducteur récupèrera le point perdu au bout de un an et non de trois ans, comme c'est le cas actuellement. Je précise que cette disposition ne s'appliquera pas à des infractions lourdes, ou à plusieurs infractions entraînant la perte d'un seul point commises la même année, sinon la mesure perdrait toute vertu pédagogique.
Enfin, les conditions d'agrément des organismes proposant des stages de sensibilisation à la sécurité routière seront renforcées afin de conforter la qualité des contenus des stages, en prenant notamment en compte la situation du cas minoritaire des récidivistes. Un dispositif d'évaluation de leur efficacité sera également mis en place.
Telles sont, monsieur le sénateur, les réponses que nous pouvons vous apporter et qui correspondent, je le crois, à vos préoccupations.
M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.
M. Alain Gournac. Monsieur le ministre, je veux tout d'abord vous remercier de votre réponse, qui a été, je le constate, bien préparée. Cependant - et je souhaite que vous transmettiez ce message à votre collègue chargé des transports -, je tiens à répéter que tout le monde n'a pas Internet et ne sait pas se servir de cet outil. Il faut garder cela à l'esprit.
Je fais partie de la Commission nationale de simplification des actes administratifs dont les membres travaillent beaucoup pour faciliter la compréhension des Français. Si je vous lisais certains passages de l'avis d'amende que j'ai montré tout à l'heure, vous seriez étonné de son peu de lisibilité. Il faut absolument qu'un contrevenant sache de quelle façon il peut, en dehors de toute connexion à Internet, connaître le nombre de points qu'il a perdu.
Comme vous l'avez compris, mais j'insiste beaucoup sur ce point, je suis totalement favorable au dispositif existant, que je soutiens, comme je soutiens la proposition formulée ces derniers jours tendant à essayer d'alléger le système. Je suis également inquiet eu égard aux automobilistes qui finissent par conduire sans permis.
Desserte ferroviaire de Gramat
M. le président. La parole est à M. André Boyer, auteur de la question n° 1164, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. André Boyer. Monsieur le ministre, dans le cadre du projet de développement des dessertes ferroviaires du quart nord-est de la région Midi-Pyrénées, la SNCF envisage de supprimer les arrêts en gare de Gramat de quatre trains express régionaux, les TER, assurant la liaison Brive-Rodez.
Cette mesure, qui doit prendre effet à compter du 10 décembre prochain, provoque l'incompréhension et l'inquiétude des élus locaux.
Ces derniers ont d'abord un sentiment d'incompréhension, car ladite mesure a été prise sans aucune concertation et au mépris des besoins des usagers.
Comptant environ 400 clients par semaine, essentiellement des voyageurs se déplaçant vers Paris et des étudiants scolarisés dans les IUT de Figeac et de Rodez, la gare de Gramat a, semble-t-il, dépassé en 2006 les objectifs de fréquentation fixés par la SNCF. De surcroît, deux des trains concernés, l'un au départ de Gramat à 16h22 pour Brive et l'autre au départ de Brive à 18h10, sont les plus fréquentés de la journée.
Les élus locaux manifestent aussi leur inquiétude, car cette réorganisation aura inévitablement des conséquences sur l'activité économique de cette région du Lot.
Le cas du centre d'études de Gramat, le CEG, me paraît devoir être considéré avec une attention toute particulière, monsieur le ministre.
Créé en 1959, cet établissement, qui emploie aujourd'hui 280 personnes, est un expert reconnu au service des programmes d'armement. Les certifications ISO 9001 et ISO 14 001 qui lui ont été décernées, ainsi que les 10 000 visiteurs qu'il reçoit chaque année dans le cadre de conventions avec des universités et des organismes de recherche, français ou étrangers, sont des gages de son excellence et de son succès.
Le CEG a réellement vocation à devenir le centre de référence national et le partenaire européen incontournable pour l'expertise de la vulnérabilité des systèmes d'armes aux agressions militaires de tout type.
Or, la suppression, envisagée par la SNCF, des arrêts en gare de Gramat de quatre TER aura malheureusement un impact certain sur la capacité du centre à réaliser cette ambition. Contraint d'assurer par la route le transfert des personnels et des experts parisiens voyageant habituellement dans ces trains, le centre d'études devra investir près de 100 000 euros par an pour mettre à leur disposition deux voitures avec chauffeur. Cela représente une perte de production globale de 1 500 heures correspondant à un poste d'expert.
Dans un contexte de resserrement du budget de la défense, le cri d'alarme de la direction et du personnel du CEG est tout à fait justifié, d'autant que l'apparition de difficultés d'accès au site risque d'entraîner une baisse de sa fréquentation.
Enfin - et cette remarque concerne aussi votre ministère, monsieur le ministre -, je rappellerai que Gramat est la desserte ferroviaire la plus proche des sites touristiques majeurs que sont Rocamadour, fréquenté par un million de visiteurs par an, et Padirac, visité par 500 000 personnes chaque année. Ces sites attirent donc un public très nombreux, qui se déplace majoritairement en train ; une diminution du trafic ou un éloignement de la desserte ne manquera pas d'avoir des conséquences sur leur fréquentation.
Au vu de ces enjeux, vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous contestions avec vigueur la décision de la SNCF, qui générera uniquement une économie de temps. Ainsi, seront gagnées une minute d'arrêt, trente secondes de décélération et trente autres secondes d'accélération nécessaires au nouveau départ du train.
Quels critères la SNCF a-t-elle retenus pour fonder cette décision ? Quelles sont les chances qu'elle reconsidère sa position ? Je souhaite, monsieur le ministre, que vous puissiez nous apporter des précisions sur ces points.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Léon Bertrand, ministre délégué au tourisme. Monsieur le sénateur, comme vous le venez de le souligner, la desserte Brive-Rodez va connaître des évolutions à l'occasion de la mise en place du service ferroviaire d'hiver 2006-2007, à compter du 10 décembre prochain.
Je vous rappelle que ces dessertes régionales sont organisées par la région Midi-Pyrénées, qui est l'autorité organisatrice des transports régionaux de voyageurs depuis 2002. Cette dernière a, en fait, décidé de renforcer l'offre régionale sur les liaisons Gramat-Brive et Gramat-Rodez.
La nouvelle desserte ferroviaire entre Brive-la-Gaillarde et Rodez a été élaborée afin de mieux répondre aux besoins de la clientèle régionale. Elle tient compte de la configuration de la ligne, qui comporte une voie unique, et du délai nécessaire pour assurer une bonne correspondance à Brive entre les trains régionaux et les trains de grandes lignes. À compter du 10 décembre prochain, tous les trains entre Paris et Brive seront des Corail Téoz, qui offriront un confort significativement amélioré.
Dans ces conditions, certains horaires de la liaison Brive-Rodez se trouvent repositionnés et l'offre ferroviaire est renforcée, puisqu'elle passera de cinq à sept liaisons par jour dans le sens Gramat-Rodez. Cette desserte sera composée de six liaisons par TER, auxquelles s'ajoute, tôt le matin, le train Corail linéaire Paris-Rodez, qui s'arrête à Gramat à 5h20. Dans l'autre sens, de Gramat vers Brive, les voyageurs disposeront quotidiennement de six liaisons par TER, au lieu de cinq actuellement. Le train de nuit Corail linéaire s'arrêtera à Gramat à 0h45, mais ne desservira pas Brive avant de rejoindre Paris.
Dans ce contexte, la ville de Gramat se trouvera desservie par un plus grand nombre de trains qu'aujourd'hui. La plage horaire concernée sera plus importante.
Toutefois, monsieur le sénateur - et vous avez eu raison d'évoquer la question du tourisme, qui est fortement liée aux questions de transport -, si le centre d'études de la délégation générale pour l'armement considérait que des améliorations d'horaires étaient souhaitables, il pourra bien sûr faire part des difficultés rencontrées à la SNCF et au conseil régional de Midi-Pyrénées, qui est compétent pour décider des services à mettre en place.
En ma qualité de ministre délégué au tourisme, je suis bien entendu prêt à soutenir une telle démarche.
M. le président. La parole est à M. André Boyer.
M. André Boyer. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre promesse de soutien en votre qualité de ministre délégué au tourisme, mais les précisions que vous m'avez données sur les dessertes et les horaires d'arrêts nocturnes en gare de Gramat ne me satisfont nullement, vous le comprendrez aisément.
Contraindre les étudiants qui fréquentent la ligne Gramat-Rodez à prendre le train à cinq heures du matin pour rejoindre l'IUT de Figeac ou de Rodez laisse beaucoup à penser sur la légèreté de l'argumentation avancée !
Quant aux personnes qui viennent au CEG de Gramat pour collaborer à ses travaux, leur imposer de prendre des trains de nuit pour se rendre dans cette ville du Causse sera probablement de nature à les faire renoncer à leur déplacement.
Plus généralement, je voudrais rappeler que, dans le Lot, le trafic ferroviaire a déjà été interrompu sur certaines lignes, désormais désaffectées. D'autres lignes, comme la liaison Rodez-Paris, que vous avez évoquée, monsieur le ministre, sont purement et simplement menacées de suppression. Les manifestations qui ont lieu dans le département attestent de l'inquiétude que suscite cette question. Les dessertes régionales sont toujours affectées par des réductions d'horaires ; les liaisons rapides ont disparu.
Nous avons connu le temps, heureux, du Capitole, mais ce n'est plus qu'un souvenir !
Par ailleurs, nous savons que nous n'aurons jamais de TGV en raison des contraintes géographiques qui existent localement.
De surcroît, l'acheminement du courrier - tout est lié - subit des retards croissants, malgré la substitution de l'avion et du camion au train postal.
Certes, les habitants de la région disposent désormais de l'autoroute médiane à péage, mais n'oublions pas les contraintes géographiques : l'habitat est dispersé ; les zones d'activité sont périphériques et le trafic routier qui se densifie sur les routes départementales atteindra bientôt ses limites pour faire face à une activité économique que nous souhaitons préserver.
Le train demeure, pour nous, une voie de liaison majeure et la SNCF devrait comprendre que ses décisions non justifiées sont un défi pour notre population, qui souhaite, monsieur le ministre, pouvoir compter sur vous pour soutenir son refus d'un isolement croissant qui handicape notre économie et pénalise lourdement ceux qui n'ont d'autre solution que le train pour se déplacer.
J'espère que vous saurez nous aider à faire valoir ces arguments auprès de la SNCF, qui agit avec légèreté vis-à-vis de la population.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
3
DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le rapport sur les activités du Fonds monétaire international et de la Banque mondiale en 2005-2006, conformément à l'article 44 de la loi n° 98-1267 du 30 décembre 1998 de finances rectificative pour 1998.
Acte est donné du dépôt de ce rapport.
Il sera transmis à la commission des affaires étrangères et à la commission des finances et sera disponible au bureau de la distribution.
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saisine du conseil constitutionnel
M. le président. J'ai reçu de M. le président du Conseil constitutionnel une lettre par laquelle il informe le Sénat que le Conseil constitutionnel a été saisi, le 14 novembre 2006, en application de l'article 61, alinéa 2, de la Constitution, par plus de soixante sénateurs, d'une demande d'examen de la conformité à la Constitution de la loi relative au secteur de l'énergie.
Acte est donné de cette communication.
Le texte de cette saisine est disponible au bureau de la distribution.
5
Financement de la sécurité sociale pour 2007
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale (nos 51, 59, 60).
débat sur la prise en charge de la dépendance
M. le président. Nous allons procéder au débat sur la prise en charge de la dépendance.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est désormais une tradition : chaque année, au moment de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, la Haute Assemblée organise un débat sur les questions de protection sociale, qui sont effectivement les plus importantes pour l'avenir des Français. Je me réjouis de cette très heureuse avancée, que nous devons à votre initiative, monsieur le président.
M. le président. Merci, monsieur le ministre, de ces paroles aimables.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le thème retenu cette année est évidemment au centre des préoccupations de nombreuses familles, qui ont des parents vieillissants affectés par les maladies du grand âge. En effet, si l'on s'en tient aux seuls allocataires de l'allocation personnalisée d'autonomie, la dépendance affecte aujourd'hui 971 000 personnes en France, sans compter les personnes handicapées. Avec le vieillissement de notre population, ce nombre est destiné à croître rapidement dans les années à venir.
Or, si le nombre de personnes âgées de plus de 85 ans est resté stable entre 1995 et 2005, en raison d'un déficit de naissances lié à la Première Guerre mondiale, il va au contraire considérablement augmenter dans la période qui s'ouvre, passant de 1,1 million de personnes en 2005 à 1,9 million en 2015. En termes de vieillissement de la population, c'est donc à un véritable « raz de marée » que nous allons assister.
Bien sûr, et fort heureusement, le vieillissement et la longévité ne sont pas synonymes de dépendance et le seront, d'ailleurs, de moins en moins.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Heureusement !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Aujourd'hui, déjà, le tiers des personnes âgées de plus de 90 ans est autonome, et cette proportion passe à la moitié pour les hommes.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Les autres ont intérêt à avoir une famille !
M. Philippe Bas, ministre délégué. L'espérance de vie sans incapacité progressant plus vite que l'espérance de vie moyenne, une très large majorité de nos concitoyens va donc vieillir dans de bonnes conditions de santé.
Toutefois, selon les estimations, la dépendance va continuer à toucher, dans les années à venir, de 6 % à 7 % des personnes âgées de plus de 60 ans. C'est la raison pour laquelle, dans son récent rapport, la Cour des comptes a insisté sur l'inévitable augmentation des dépenses liées à la prise en charge de la dépendance.
Actuellement, les sources de financement de la dépendance sont multiples et dispersées.
Il y a, d'abord, bien sûr, les 2 milliards d'euros dégagés par la journée de solidarité.
Il y a, ensuite, les enveloppes de l'assurance maladie destinées aux personnes âgées et aux personnes handicapées. Vous en voterez l'affectation dans la loi de financement de la sécurité sociale.
En 2007, ces crédits pour les personnes âgées augmenteront de plus de 13 % et atteindront en valeur absolue un montant encore plus élevé que celui, déjà sans précédent, de l'année 2006.
Il y a également les fonds dégagés par la Caisse nationale d'assurance vieillesse afin de financer les aides à domicile, que j'ai souhaité faire passer de 231 millions d'euros, chiffre de 2005, à 255 millions d'euros. Il y a aussi, et c'est essentiel, l'aide importante des collectivités territoriales, notamment des départements, auxquels je tiens à rendre hommage. Et je ne compte pas les aides fiscales, les aides au logement et la prise en charge des soins.
Il y a enfin ce qui reste à la charge de la personne dépendante et de sa famille. Malgré tous les efforts fournis par la collectivité, cette part demeure la plus importante. Bien souvent, ce « reste à charge » est difficile à supporter pour les familles : à la souffrance de voir un être cher perdre son autonomie s'ajoutent des préoccupations d'ordre pécuniaire, parfois très graves.
Par exemple, sur 100 euros dépensés pour faire fonctionner un établissement accueillant des personnes âgées dépendantes, c'est-à-dire une maison de retraite médicalisée, l'assurance maladie paie 35 euros pour les soins, le conseil général 5 euros pour la dépendance...
M. Guy Fischer. Ce n'est pas beaucoup !
M. Michel Mercier. Dans quel département ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...et l'aide sociale 6 euros au titre de l'hébergement. Il reste donc en moyenne 54 euros à la charge du résident.
M. Guy Fischer. C'est beaucoup trop !
M. Philippe Bas, ministre délégué. La question centrale reste donc celle du financement de la prise en charge de la dépendance. Au-delà, notre préoccupation doit se porter sur le financement de la part qui reste à la charge des résidents, de leur famille ou, à défaut, de l'aide sociale. C'est une question importante pour les finances publiques dans leur globalité, qu'il s'agisse des finances locales, du budget de l'État ou de celui de la sécurité sociale. C'est aussi une question importante pour tous les Français.
Avec la journée de solidarité, nous avons franchi une première étape. Comme chacun de vous s'en souvient, le gouvernement de la gauche plurielle avait créé l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, sans se soucier des modalités de son financement. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. Bruno Sido. C'est exact !
M. Guy Fischer. Encore la même rengaine !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Il avait ainsi exposé les personnes âgées à une rupture très grave de prise en charge. Les départements ont, hélas ! fait les frais de ce manque de discernement et de courage.
La loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées a permis de résoudre en partie le problème du financement de cette prestation...
M. Guy Fischer. En partie seulement !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...mais, du fait de l'augmentation continue du nombre de demandeurs et d'allocataires, nous devons encore faire face à ce problème pour le présent et pour l'avenir.
La journée de solidarité travaillée par les Français a permis de dégager 2 milliards d'euros supplémentaires en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.
Cet effort fourni par tous nos compatriotes permet de mieux financer l'allocation personnalisée d'autonomie et la prestation de compensation du handicap.
Des fonds très importants ont été délégués, dès le mois de janvier de cette année, aux conseils généraux pour les maisons départementales des personnes handicapées. Ils n'ont pas encore été consommés,...
M. Guy Fischer. Parlons-en !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...mais c'est normal, car la montée en régime de la prestation n'est pas achevée.
L'État a ainsi pu contribuer à la trésorerie des conseils généraux, ce qui ne peut que réjouir M. Mercier, qui connaît bien le problème. (M. Michel Mercier sourit.)
Surtout, la journée de solidarité a ouvert la voie à une nouvelle forme de solidarité : la solidarité par le travail.
M. Guy Fischer. Non !
Mme Gisèle Printz. Pas toujours !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Dans un pays, la France, où l'on entre plus tard dans la vie professionnelle, où l'on quitte celle-ci plus tôt et où la semaine de travail est plus courte qu'ailleurs,...
M. Roland Muzeau. Et alors ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... il était tout de même possible de consacrer une journée de solidarité à nos aînés et aux personnes handicapées,...
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...sous le contrôle de la Cour des comptes. Celle-ci veille en effet à ce que chaque euro provenant de cette journée soit bien affecté à la dépendance des personnes âgées et des personnes handicapées. Dans son rapport, elle donne d'ailleurs quitus au Gouvernement et aux départements du bon emploi de ces crédits. Nous devons aux Français la transparence et nous la leur garantissons.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Roland Muzeau. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Après la mise en place de la journée de solidarité, nous avons franchi un nouveau cap avec le plan « Solidarité grand âge », que j'ai présenté le 27 juin dernier.
M. Michel Mercier. Eh oui !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Plusieurs mesures de ce plan permettent de mieux maîtriser le coût payé par les familles et par les résidents. Ce point est essentiel, la part restant à la charge des familles, déjà beaucoup trop élevée, n'ayant cessé d'augmenter au fil des années.
J'ai d'abord voulu permettre aux établissements de continuer à réaliser, année après année, les travaux d'humanisation et de modernisation dont ils ont absolument besoin. Ces établissements hésitent trop souvent à le faire par crainte de devoir augmenter le prix de journée.
M. Bruno Sido. Tout à fait !
M. Philippe Bas, ministre délégué. En effet, les charges d'amortissement sont souvent répercutées, faute d'aides, sur le prix payé par les personnes hébergées.
J'ai par ailleurs décidé d'abaisser le taux de TVA de 19,6 % à 5,5 % pour les travaux réalisés dans les maisons de retraite médicalisées.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est pour moi une grande joie de voir, lorsque je visite ces établissements, que des projets coûtant 8 millions d'euros pour soixante lits ont vu leur prix ramené, grâce à cette seule mesure, à 6 millions d'euros.
En 2005, grâce aux crédits provenant de la journée de solidarité, nous avons pu consacrer 500 millions d'euros à la réalisation de travaux dans les établissements accueillant des personnes âgées et des personnes handicapées. C'est une somme énorme !
Mais elle ne signifie peut-être pas grand-chose pour nos compatriotes.
M. Guy Fischer. Effectivement !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Cette somme, réunie en une seule année, représente exactement dix fois l'effort total réalisé au cours des cinq années précédentes ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Il était temps de le faire ; c'était même indispensable. Mais quel effort de rattrapage pour mettre à niveau notre capacité d'accueil en établissement des personnes âgées dépendantes et des personnes handicapées sans aggraver le prix de journée, ce qui était notre première préoccupation !
Pour 2007, j'ai proposé au Sénat et à l'Assemblée nationale de donner un nouveau coup de pouce à l'investissement. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui vous est soumis a pour objectif d'offrir aux établissements des prêts à taux zéro, afin que les travaux engagés n'entraînent pas une hausse trop sensible du tarif payé par les résidents. Cette mesure de 25 millions d'euros, pour la bonification d'intérêts, permet un flux d'investissement de 400 millions d'euros par an.
Je me suis également engagé à alléger, par voie réglementaire, l'impact des subventions publiques sur les comptes de charge des établissements, mesure très importante pour leurs gestionnaires.
En outre, je veux saluer une initiative de M. le sénateur Jacques Blanc, avec laquelle je suis en plein accord. Votre collègue propose en effet de prolonger cet effort en affectant à l'aide à la modernisation les excédents dégagés par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie en 2006.
M. Michel Mercier. Comment cette caisse peut-elle être excédentaire ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Vous examinerez cet amendement prochainement, mais je tiens d'ores et déjà à vous dire combien je trouve cette disposition intéressante : elle nous permettra d'amplifier encore l'effort d'humanisation et de modernisation de nos établissements.
À côté de notre action tendant à réduire le « reste à charge » payé par le résident, nous avons voulu faire en sorte de diminuer le nombre de personnes âgées dépendantes. Avant de prendre des mesures de financement, d'augmenter nos moyens et de réduire nos coûts, nous devons en premier lieu, après avoir ajouté des années à la vie, ajouter de la vie aux années. (M. Bruno Sido applaudit.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très belle formule !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Cela suppose de faire un effort accru de prévention. Tel est le sens du programme national « Bien vieillir » que j'ai décidé de relancer en mobilisant 3 millions d'euros, en vue de donner un coup de fouet aux initiatives locales et nationales d'aide à la vie quotidienne des personnes âgées.
Je souhaite aussi que, à partir de 2007, nous puissions offrir à toutes les personnes ayant atteint l'âge de 70 ans une consultation gratuite de prévention qui leur permettra de repérer leurs points de faiblesse, d'ajuster leur mode de vie, de prévenir les maladies du grand âge et, ainsi, de retarder la dépendance.
Nous augmenterons également l'effort de recherche sur les maladies liées au vieillissement. M. Dominique de Villepin a d'ailleurs décidé de faire de la lutte contre la maladie d'Alzheimer la prochaine grande cause nationale. La mise en avant de nos besoins à cet égard nous permettra de mobiliser des moyens supplémentaires.
Nous avons confié à M. Jacques Glowinsky, professeur honoraire au Collège de France, une mission sur l'organisation de la recherche autour des maladies du système nerveux et du cerveau.
Les organismes de recherche consacrent déjà 200 millions d'euros à la recherche sur les neurosciences. Grâce à une décision de François Goulard, l'Agence nationale de la recherche consacrera 20 millions d'euros supplémentaires à cet effort. Cela nous permettra de lancer un « plan national de recherche sur le cerveau et les maladies du système nerveux » qui soit à la hauteur du dispositif de lutte contre le cancer. Le fléau sanitaire est en effet de même ampleur.
Plus de 800 000 de nos compatriotes sont aujourd'hui atteints de la maladie d'Alzheimer et 220 000 nouveaux cas apparaissent chaque année. Il était donc grand temps que la France se mobilise pour y faire face.
Au-delà de ces efforts de diminution du « reste à charge » et de réduction de la prévalence de la dépendance, nous devons préparer l'avenir en réfléchissant à de nouveaux modes de financement.
Il nous faut explorer les nouvelles pistes de financement complémentaire de la dépendance en nous référant à ce qui existe en matière de maladie et de retraites. Ainsi, s'agissant des retraites, il existe une assurance complémentaire obligatoire gérée par les partenaires sociaux. Personne ne songe aujourd'hui à remettre en cause cette organisation, qui comprend un régime de base et un système complémentaire.
En ce qui concerne la maladie, notre système est unique au monde : 77 % des dépenses de santé sont prises en charge par l'assurance maladie, mais il faut payer un complément. Les Français les plus démunis bénéficient de la couverture maladie universelle ; et pour ceux qui, tout en ayant des revenus modestes, ne peuvent en profiter, il existe l'aide à l'acquisition d'une assurance complémentaire. Le texte qui vous est proposé tend à renforcer cette aide.
En outre, les mutuelles, les institutions de prévoyance sociale et les assurances privées proposent des contrats complémentaires « dépendance ».
M. Guy Fischer. Mais il faut payer !
M. Philippe Bas, ministre délégué. La question est non pas de savoir s'il est bien ou mal de disposer d'un système complétant la protection de base mise en place grâce à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, et que nous devons consolider dans les années à venir, mais de définir comment nous allons faire pour compléter cette protection de base, à l'instar de ce que nous faisons déjà pour la maladie et la vieillesse.
Ce problème, qui n'est pas idéologique, mais très concret, il nous faut le résoudre ensemble. Compte tenu de l'augmentation de la population atteinte par les maladies du grand âge et malgré l'amélioration de l'autonomie de chaque personne à un âge donné, nous serons en effet confrontés dans les années à venir à de graves difficultés de financement. Il faut regarder cette réalité en face et s'y préparer.
C'est la raison pour laquelle, au moment où j'ai annoncé la mise en place du plan « Solidarité grand âge », j'ai décidé de confier une mission très importante à Mme Hélène Gisserot, qui avait à mes yeux toutes les qualités requises. Pour avoir été procureur général près la Cour des comptes et avoir exercé des responsabilités très importantes dans le domaine hospitalier, elle connaît parfaitement ces problèmes.
Je l'ai chargée d'animer un groupe de travail et de procéder à de très nombreuses auditions. Je lui ai également demandé de rencontrer celles et ceux d'entre vous qui, au sein de cette assemblée, travaillent depuis des années sur ces questions - par exemple MM. les sénateurs Paul Blanc, Alain Vasselle et Nicolas About -, pour que nous puissions déterminer la meilleure solution possible.
Mme Gisserot me remettra son rapport au début de l'année prochaine. Je souhaite qu'il puisse servir de base au grand débat que nous devons nourrir au-delà des enceintes parlementaires pour faire en sorte que, au moment du grand rendez-vous démocratique de 2007, la question soit clairement mise sur la table, et les propositions de solutions soumises aux Françaises et aux Français.
Voilà, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais vous dire en ouverture de ce débat sur le financement de la dépendance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme elle le fait chaque année - c'est devenu maintenant une habitude -, notre assemblée va débattre, au sein de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, d'un thème particulier. Le sujet retenu pour 2006 est la dépendance, plus particulièrement sa prise en charge - toute la problématique est en effet là.
Je le dis au passage, ce sujet ne présente pas, dans l'immédiat tout au moins, le caractère dramatique dont souffre la situation des comptes du FSV, le Fonds de solidarité vieillesse, et du FFIPSA, le Fonds de financement des prestations sociales agricoles.
M. Bruno Sido. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je pense que, comme nous tous, M. le ministre en a bien conscience, et j'espère que le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ainsi que le ministre délégué au budget ont la même perception de l'acuité des difficultés auxquelles nous devons faire face.
M. Guy Fischer. Mais vous avez une solution : faire payer les familles !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je voudrais cependant vous convaincre, si ce n'est déjà fait, de l'urgence qu'il y a à mettre au point un système de financement viable et pérenne.
Certes, des progrès incontestables ont été faits sous ce gouvernement et sous le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, dont je tiens à saluer ici, au nom de la commission des affaires sociales, l'action forte et déterminée à cet égard.
Toutefois, il n'existe pas encore - du moins au niveau gouvernemental - de véritable réflexion sur ce que la Cour de comptes appelle, dans son excellent rapport de novembre 2005 sur les personnes âgées dépendantes, « les potentialités de l'articulation entre prise en charge socialisée et assurance volontaire ».
Par cette formule, la Cour veut sans doute parler de l'articulation entre la prise en charge de la dépendance par la collectivité, à travers l'allocation personnalisée d'autonomie et l'assurance maladie, d'une part, et la prise en charge par l'assuré lui-même au travers de cotisations à des assurances privées, d'autre part.
Cette réflexion, la commission des affaires sociales l'a pour sa part lancée depuis plusieurs années, notamment en reprenant à son compte les principaux éléments d'une proposition de loi relative à la création d'une assurance dépendance, déposée sur mon initiative en janvier 2004 et cosignée par quelque quatre-vingts sénateurs de la majorité, dont M. Paul Blanc.
Voilà maintenant trois ans que nous avons déposé cette proposition de loi dont j'ai cru comprendre, monsieur le ministre, que s'inspirerait, au moins partiellement, le rapport que vous venez de nous annoncer.
Vous en convenez, l'enjeu est considérable. Je vais me livrer à un très rapide cadrage macro-économique qui débutera par ce constat : le phénomène de la dépendance des personnes âgées se développera inévitablement de façon exponentielle au cours des prochaines années.
Nous disposons, pour étayer cette affirmation, de deux projections concordantes : l'une élaborée par l'INSEE en avril 2004, l'autre rédigée par vos services, monsieur le ministre, en l'occurrence par la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques, la DREES, en 2002 et récemment actualisée.
Nous pouvons également nous appuyer sur le rapport, paru en juillet 2005, de l'Office parlementaire d'évaluation des politiques de santé, coprésidé par MM. About et Dubernard, sur la maladie d'Alzheimer et les maladies apparentées.
J'avais d'ailleurs moi-même déposé une proposition de loi sur la maladie d'Alzheimer. Le ministre délégué à la santé était alors Bernard Kouchner. Le Sénat a examiné ce texte en première lecture, mais l'Assemblée nationale, dont la majorité politique était opposée, n'a pas jugé bon d'en discuter, de sorte qu'il est resté lettre morte.
Les personnes concernées par la dépendance pourraient voir leur nombre progresser de 50 à 70 % d'ici à 2040, ce qui n'est pas rien. De 800 000 en 2000, elles devraient passer à un million en 2020 et à 1,3 million en 2040.
Comme l'a dit M. le ministre, avec l'amélioration de l'espérance de vie, la dépendance arrive de plus en plus tard. Elle recule en effet plus vite que n'avance l'espérance de vie, ce qui est un bon point.
Cela explique que l'augmentation ne serait pas linéaire, et comporterait deux fortes poussées : l'une avant 2015 - autant dire presque demain, compte tenu des délais pour examiner les textes de loi et les mettre en application -, l'autre à partir de 2030.
Pour les maladies neuro-dégénératives de type Alzheimer, le nombre de nouveaux cas est actuellement de 225 000 par an. Avec l'allongement de la durée de la vie, il y en aura probablement trois fois plus d'ici à 2020. Plus d'un Français sur quatre est déjà concerné par ces pathologies au titre de l'un de ses parents, voire des deux.
À terme rapproché, la maladie d'Alzheimer est susceptible de motiver la majorité des demandes d'allocation personnalisée d'autonomie. Or, les maladies neuro-dégénératives entraînent une dépendance particulièrement difficile à prendre en charge, requérant tôt ou tard une assistance permanente, souvent de longue durée, extrêmement éprouvante pour les proches et très coûteuse lorsqu'elle fait intervenir des professionnels.
J'en viens précisément au coût de la dépendance pour la collectivité. Ce coût va nécessairement croître, comme l'ont compris plus vite que les autres les présidents de conseils généraux.
M. Bruno Sido. Oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. En effet, non seulement le nombre de personnes dépendantes va augmenter, mais la montée des exigences en matière de qualité des prestations va également impliquer un accroissement des besoins en personnels qualifiés et une modernisation des structures d'accueil, autant de choses qui ont un coût en termes tant d'investissements que de fonctionnement.
La multiplicité des acteurs et la complexité des circuits de financement ont longtemps caché l'ampleur de l'effort déjà consenti pour la dépendance.
Avec son rapport sur les personnes âgées dépendantes, la Cour des comptes est à ma connaissance la première à s'être livrée à une tentative de chiffrage. Se fondant sur les données de l'exercice 2003, elle a estimé la dépense publique annuelle consacrée aux personnes âgées dépendantes à 15,5 milliards d'euros, soit un peu plus de 1 % du produit intérieur brut.
Aujourd'hui, cette enveloppe peut même être majorée d'environ 1,2 milliard d'euros, notamment grâce aux nouvelles sources de financement dégagées par la loi de 2004 créant la journée de solidarité.
Selon la Cour des comptes, sous l'effet cumulé de la démographie et de l'amélioration du service rendu, l'effort financier produit en 2003 pourrait aller jusqu'à doubler et atteindre ainsi, d'ici à 2020, plus de 30 milliards d'euros hors inflation, ce qui n'est pas rien.
Le coût de la seule allocation personnalisée d'autonomie progresserait de près 200 millions d'euros par an, pour dépasser 6 milliards d'euros en 2020 au lieu de 3,2 milliards d'euros en 2003.
Encore cette hypothèse apparaît-elle comme relativement modérée, alors que les toutes dernières données disponibles font apparaître que nous frôlons le million de bénéficiaires pour une dépense d'APA de quelque 4 milliards d'euros.
Cela étant, le Gouvernement n'est pas resté inerte. Les réformes intervenues ces dernières années pour répondre aux défis de la dépendance ont été substantielles, qu'il s'agisse de la création de l'allocation personnalisée d'autonomie ou de celle de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, nouvelle pierre apportée à notre édifice social par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, qui a permis de sécuriser et de pérenniser le financement de l'APA.
La Cour des comptes, dans un rapport de juillet 2006, a salué le travail de cet organisme qui gère dans une parfaite transparence les ressources financières issues de la journée de solidarité et assure l'égalité de traitement des patients sur tout le territoire.
L'année écoulée a également vu la mise en place du plan « Solidarité grand âge » en faveur des personnes âgées dépendantes, annoncé par le Premier ministre à Bergerac, le 26 mai dernier, plan qui propose un effort réel en direction de ce public. Vous en avez rappelé les principaux éléments, monsieur le ministre.
Le plan « Solidarité grand âge » trouve sa traduction législative et financière dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, avec la mobilisation de moyens importants.
L'objectif global des dépenses, qui regroupe les financements consacrés aux établissements et services concernant les personnes âgées, augmentera de plus de 13 % en 2007 - bien plus que l'ONDAM soins de ville et l'ONDAM hôpital - pour atteindre 5,6 milliards d'euros, dont 4,7 milliards d'euros au titre de la contribution de l'assurance maladie aux dépenses en établissements et services pour les personnes âgées, le solde provenant d'une dotation versée par la CNSA.
Ce sont ainsi 649 millions d'euros supplémentaires qui seront consacrés en 2007 à la prise en charge médicalisée du grand âge dans les établissements et services médico-sociaux, confortant l'augmentation de 587 millions d'euros déjà consentie en 2006.
Pour remarquable qu'il soit, cet effort doit cependant être mis en regard de l'enjeu financier décrit dans le rapport de la Cour des comptes, à savoir un doublement de l'effort public de financement à l'échéance 2020 - en moins de quinze ans, donc -, qui suppose des taux de croissance de l'objectif global de dépenses durablement supérieurs, voire nettement supérieurs, au taux de progression de l'ONDAM.
On peut douter parallèlement que les départements, confrontés à la croissance d'autres demandes à caractère social, le RMI notamment, soient nombreux à pouvoir solliciter davantage leurs ressources fiscales.
C'est presque un cri d'alarme qu'ont lancé certains présidents de conseils généraux, qui se demandent comment ils vont bien pouvoir faire face à cette évolution exponentielle des dépenses. Même s'ils l'appellent de leurs voeux, ils ne croient pas à une contribution supplémentaire de l'État.
Nous ne pensons pas que le seul produit de la CNSA, qui devra également faire face aux besoins de financement de la politique des handicapés, notamment de l'allocation de compensation, permettra de dégager des revenus à la hauteur des besoins tels qu'ils apparaîtront en 2020.
Les exemples étrangers incitent au même pessimisme prudent. L'Allemagne, souvent citée pour la précocité de son engagement, sur la base, il est vrai, d'une situation démographique bien plus défavorable que la nôtre, de sorte qu'il y avait urgence à intervenir, demeure ainsi confrontée à des difficultés importantes dont elle peine à se dégager.
Nos voisins d'outre-Rhin ont, vous le savez, opté dès 1994 pour la création d'une cinquième branche de la sécurité sociale, idée dans laquelle certains voient la recette miraculeuse qui va régler tous les problèmes.
En Allemagne, cette cinquième branche est financée par une assurance dépendance obligatoire, prélevée sous forme de cotisation versée à parité auprès des employeurs et des employés, et couvre environ 90 % de la population.
Une partie du financement provient également, comme en France, de la suppression d'un jour férié.
La mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale que j'ai l'honneur de présider s'est rendue à Berlin au printemps dernier pour étudier les mutations de la protection sociale allemande.
Après avoir auditionné de nombreuses personnalités allemandes, au niveau tant de la Chancellerie que du ministère de la santé, la mission a pu constater que, après un démarrage très prometteur du dispositif du cinquième risque, le régime public d'assurance dépendance s'est enfoncé depuis 2002 dans des déficits considérables, au point même d'absorber la totalité des sommes que le Gouvernement allemand avait placées sur un fonds de réserve initialement destiné à assurer la viabilité à long terme du système.
Cette expérience rappelle celle du fonds de réserve pour les retraites qui avait été créé sous le gouvernement Jospin et qui devait permettre de « lisser » l'augmentation des cotisations pour alimenter le financement des retraites. Nous savons ce qu'il en est aujourd'hui ...
M. Guy Fischer. On ne va pas vous laisser raconter des mensonges : il a été détourné !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je ne pense pas qu'il ait été détourné, mais, en tout état de cause, nous sommes loin du compte et il est peu probable qu'il remplisse le rôle espéré.
M. Guy Fischer. Il n'est pas alimenté !
M. Alain Vasselle, rapporteur. La situation en Allemagne doit nous faire prendre conscience que la solution du cinquième risque qu'avancent certains mérite sans aucun doute d'être étudiée, mais qu'il nous faudra beaucoup de rigueur si nous voulons que la nouvelle branche reste durablement équilibrée.
M. Guy Fischer. Je préfère cela...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Sachant que, depuis maintenant plus d'une décennie, nous ne sommes parvenus à équilibrer ni la branche vieillesse, ni la branche maladie, ni la branche famille, qui elle aussi a connu des déficits, ni la branche accidents du travail, on peut se demander de quel talent il nous faudra faire preuve pour réussir à équilibrer une branche dépendance dont nous savons par avance qu'elle nécessitera des moyens considérables !
Assurer l'équilibre de cette branche uniquement avec le produit des cotisations payées par les salariés et par les employeurs serait d'ailleurs d'autant plus difficile que, comme l'a fait apparaître le débat sur les prélèvements obligatoires, il faut limiter ces prélèvements et qu'il est donc hors de question d'envisager une augmentation des cotisations existantes ou la création de nouvelles cotisations.
M. Paul Blanc. Très bien !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faudra bien se poser la question de savoir si, pour financer la prestation personnalisée d'autonomie, l'on doit faire appel aux cotisations, à la solidarité nationale sous une autre forme ou encore, solution qui ne doit à mon avis pas être écartée, aux assurances privées, selon une formule telle que celle que nous avons développée avec Paul Blanc et qui a fait l'objet d'une proposition de loi cosignée par quelque quatre-vingt de nos collègues.
Un autre élément doit également être pris en compte, celui du contexte sociologique, qui est tout aussi peu porteur aujourd'hui. Il faut en effet admettre que la réduction de l'aide matérielle et financière accordée jusqu'à présent par l'environnement familial est inéluctable. Les temps qu'a connus la génération de nos parents, ceux que connaissent ou connaîtront nos enfants et ceux que connaîtront nos petits-enfants ne sont en effet en rien comparables en termes de solidarité familiale.
Cet effacement de l'entourage familial est d'abord le résultat d'une évolution mécanique. Selon une étude de la DREES diligentée par M. Bas - ce n'est donc pas moi qui le dis - les « aidants » non professionnels étaient au nombre de 3,7 millions au début des années 2000 et, dans 80 % des cas, leur âge était compris entre 50 et 80 ans. Or, globalement, la population de la tranche d'âge de 50 à 79 ans va progresser moins vite que le nombre de personnes âgées dépendantes - c'est, bien sûr, l'effet du baby-boom. Après avoir augmenté de 16 % entre 2000 et 2011, cette population va se stabiliser en valeur absolue puis décliner, et elle n'augmentera au total que de 10 % entre 2000 et 2040. En conséquence, les aidants familiaux seront donc moins nombreux qu'ils ne l'ont été avant 2000.
À cela s'ajoute le fait qu'une bonne part des aidants actuels est constituée de femmes sans activité professionnelle. Or, toujours selon la DREES, le nombre de femmes inactives de 50 à 64 ans va progresser encore moins vite que celui de la population de la tranche de 50 à 79 ans, avec un taux de 6 % seulement d'accroissement d'ici à 2040.
Selon l'INSEE, le nombre des aidants potentiels par personnes âgées passera ainsi d'un ratio actuel de 2,8 pour les hommes et de 2,2 pour les femmes à un ratio de 2 pour l'ensemble.
Au problème que soulèvera cette diminution mécanique à laquelle nous ne pourrons pas échapper s'ajoute celui des modes de vie, raison pour laquelle je faisais référence aux nouvelles générations.
L'aide aux personnes dépendantes soumet les aidants à des contraintes dont rien n'indique qu'elles seront supportées de la même façon dans l'avenir. Le Gouvernement en a d'ailleurs d'ores et déjà tiré les conséquences en faisant de l'aide aux aidants familiaux un axe du rapport de la conférence de la famille pour 2006 ...
M. Alain Vasselle, rapporteur. ...- des dispositions ont ainsi été présentées dans le cadre des deux lois de financement de la sécurité sociale qui se sont succédé - et en évoquant un « droit au répit » qui justifie une partie de l'effort financier consenti dans le cadre de son plan « Solidarité grand âge ».
Pour résumer mes propos, je dirai que nous avons devant nous une situation financière qui ne nous laisse pas une marge de manoeuvre à la hauteur des enjeux, d'une part, et un effacement des relais familiaux dans la prise en charge de la dépendance, d'autre part. La Cour des comptes déclare ceci : « La difficulté prévisible de la collectivité à financer l'ensemble des coûts futurs devrait conduire à chercher à mobiliser les capacités de financement individuelles par une incitation à l'assurance ».
J'en reviens donc à mon propos introductif : monsieur le ministre, mes chers collègues, la commission des affaires sociales a déposé une nouvelle fois un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale en vue de proposer des mécanismes de réduction d'impôt sur le revenu en cas de souscription d'un contrat d'assurance dépendance et de réduction d'assiette des cotisations sociales pour les contributions des employeurs afférentes à un contrat collectif d'assurance dépendance.
Ce sont les éléments qui étaient déjà inscrits dans ma proposition de loi du 13 janvier 2004 et que la commission avait fait siens dans les amendements que son rapporteur, notre collègue André Lardeux, avait présentés lors de l'examen du projet de loi relatif à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, texte qui a instauré la journée de solidarité.
Ces amendements, monsieur le ministre, nous les avions retirés à la demande de M. Falco, alors ministre délégué aux personnes âgées, afin de lui permettre d'étudier leur impact financier sur le budget de l'État et sur celui de la sécurité sociale.
Par la suite, Mme Vautrin, succédant à M. Falco au titre de secrétaire d'État aux personnes âgées, m'avait indiqué que, le Gouvernement ne remettant pas en cause le principe, une mission commune de l'Inspection générale des affaires sociales et de l'Inspection générale des finances serait diligentée pour expertiser ma proposition de loi et son coût budgétaire pour l'État.
Mme Vautrin a changé de ministère, et vous lui avez succédé, monsieur le ministre. Je vous ai interrogé le 12 avril dernier, dans le cadre d'une question orale, sur ce sujet. Vous ne m'avez apporté aucune indication sur une éventuelle étude d'impact de mes propositions, ni sur la mission conjointe de l'IGF et de l'IGAS que Mme Vautrin m'avait indiqué avoir commandée.
M. Roland Muzeau. Cela ne m'étonne pas !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Sans esquisser de dispositif concret, vous m'avez simplement répondu, monsieur le ministre, que, quel que soit le mode de couverture retenu pour la dépendance, il impliquerait nécessairement une dépense fiscale ou une dépense publique - nous le savions -, et vous avez évoqué les marges financières susceptibles d'être dégagées par la baisse tendancielle des dépenses liées au chômage.
C'est évidemment une voie, mais on ne peut pas utiliser la baisse tendancielle du chômage pour financer toutes les réformes ! Or M. Fillon a annoncé devant la représentation nationale qu'il comptait sur la baisse du chômage - avec un taux prévisionnel particulièrement ambitieux et volontariste puisqu'il l'estimait à environ 4,5 % à l'horizon 2020 - pour dégager, à travers les cotisations UNEDIC, 10 milliards d'euros que l'on pourra faire « basculer » sur les cotisations de l'assurance vieillesse, en allégeant d'autant les cotisations UNEDIC, de telle manière que tout cela restera neutre pour nos concitoyens en termes de prélèvements et de cotisations.
Si le Gouvernement, au moment où il sera confronté à cette situation, utilise la totalité de la marge de manoeuvre qui peut se dégager grâce à un taux de chômage très faible, je ne vois pas comment il pourra également utiliser celle-ci pour financer la prise en charge de la dépendance, d'où les mesures incitatives que nous proposons pour la mise en oeuvre d'un système d'assurance volontaire.
Je souhaite que les présidents de conseils généraux se posent, avec le Gouvernement, la question de savoir s'il vaut mieux maintenir le système actuel en prévoyant une contribution complémentaire sur leurs propres ressources fiscales pour assurer le financement de la prestation personnalisée d'autonomie ou s'il ne vaudrait pas mieux mettre en place au niveau national un système d'incitation fiscale dont pourraient bénéficier ceux de nos concitoyens qui ont la capacité d'assurer pour leur propre compte la couverture du risque dépendance.
Bien sûr, la solidarité nationale devra subsister pour celles et ceux dont les ressources ne sont pas suffisantes pour bénéficier de cet avantage fiscal.
À cet égard, on pourrait envisager un système équivalent à celui qui a fonctionné pendant des années pour l'allocation personnelle. Rappelez-vous, mes chers collègues, lorsque des familles particulièrement déshéritées et aux ressources faibles demandaient à la commission cantonale d'aide sociale la prise en charge de journées d'hospitalisation, souvent les conseils généraux payaient la première facture, mais, pour éviter d'avoir à faire de même pour les suivantes, ils préféraient prendre en charge l'assurance complémentaire pour la couverture du ticket modérateur, cette solution leur revenant beaucoup moins cher que le paiement des journées d'hospitalisation.
De même, je pense que, pour la prestation dépendance, il vaudra mieux prendre en charge, au niveau de l'aide sociale, la couverture des personnes dont les ressources sont insuffisantes pour bénéficier de l'avantage fiscal et leur permettre à terme de disposer de l'assurance qui sera offerte.
M. Paul Blanc. Tout à fait !
M. Alain Vasselle, rapporteur. La solidarité nationale ou départementale ne jouerait de fait que pour celles et ceux qui n'auront pas bénéficié de ce dispositif, et ils devraient représenter une minorité.
Ainsi, nous devrions parvenir à une meilleure maîtrise de l'évolution des dépenses liées à la dépendance, raison pour laquelle cette proposition mérite de ne pas être rejetée d'un revers de la main, et je m'inscris complètement en faux contre les affirmations de certains de nos collègues qui siègent sur les travées de la gauche, affirmations selon lesquelles procéder ainsi serait aller vers une privatisation du système de couverture de la prestation dépendance.
M. Guy Fischer. Eh oui !
M. Paul Blanc. Mais non ! Cela n'a rien à voir !
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est un mauvais procès, et on peut le démontrer chiffres à l'appui et en apportant tous les éléments de nature à rassurer l'ensemble de nos concitoyens.
M. Bruno Sido. Oui !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je souhaite bien évidemment que le Gouvernement prenne à l'égard de la représentation nationale l'engagement très clair de mettre en chantier les études nécessaires afin d'être en mesure de revenir devant le Parlement pour lui faire des propositions concrètes qui, non seulement rassureront tant nos concitoyens que les présidents de conseils généraux, mais ménageront en outre les finances publiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui se tient aujourd'hui présente un intérêt tout à fait particulier dans la mesure où, comme l'ont dit tous les orateurs qui se sont exprimés avant moi, il nous permet de faire le point sur un sujet qui ne fera que prendre de l'importance et qui est « en marge » du projet de loi de financement de la sécurité sociale : la prise en charge de la dépendance.
Les enjeux sont en effet considérables. Dans un rapport de novembre 2005 consacré aux personnes âgées dépendantes, déjà cité par Alain Vasselle, la Cour des comptes estimait que le nombre de personnes très dépendantes passerait de 796 000 personnes en 2000 à un million de personnes en 2020 et à 1,22 million de personnes en 2040, et ces chiffres seraient même légèrement dépassés.
Il convient toutefois de rappeler que la dépendance ne concerne pas que les personnes âgées, mais que l'on inclut également dans cette catégorie les personnes handicapées.
Le coût de la prise en charge de la dépendance devrait donc connaître une croissance forte, et il a déjà commencé d'augmenter, ce à quoi le rapporteur pour avis de la commission des finances que je suis ne peut qu'être sensible.
On rappellera en effet que les aides accordées aux personnes dépendantes se sont développées ces dernières années : au 30 juin 2006, 971 000 personnes bénéficiaient ainsi de l'allocation personnalisée pour l'autonomie, qui a succédé à la prestation spécifique dépendance - pour un montant moyen de 476 euros à domicile et de 402 euros en établissement.
Les conseils généraux prennent en charge l'essentiel de cette allocation : ils versent en moyenne 398 euros dans le cas des personnes à domicile et 274 euros dans le cas des personnes en établissement.
La loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a également contribué à améliorer le traitement de la prise en charge du handicap, en créant notamment la prestation de compensation du handicap.
Enfin, la loi du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées a institué la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, financée notamment par le produit d'une contribution dite de solidarité de 0,3 %, portant sur les mêmes revenus que ceux qui sont assujettis aux cotisations d'assurance maladie et de 0,3 % sur les revenus du patrimoine et des placements.
Je voudrais, après avoir brossé ce très rapide tableau, insister sur deux points : le coût de la prise en charge de la dépendance et l'organisation de cette prise en charge.
Le fascicule bleu « solidarité et intégration » du projet de loi de finances chiffre au total la dépense publique en faveur des personnes dépendantes à 46,66 milliards d'euros en 2006.
L'État couvrirait ainsi 21,1 % de la dépense totale, avec une participation de 9,84 milliards d'euros, la sécurité sociale 55,5 %, avec 25,91 milliards d'euros, les départements 16,3 %, avec 7,62 milliards d'euros, les crédits propres de la CNSA 6,2 %, avec 2,87 milliards d'euros, et l'association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, 0,9 %, soit 420 millions d'euros
Encore faut-il préciser que ces données ne concernent que les crédits accordés et ne prennent pas en compte les dépenses fiscales. Or celles-ci sont de plus en plus importantes. En effet, le fascicule bleu « solidarité et intégration » fait apparaître un montant de dépenses fiscales directement liées à la prise en charge de la dépendance évalué à 5,27 milliards d'euros. Il convient d'y ajouter 4,79 milliards d'euros de dépenses fiscales, qui contribuent à la prise en charge de la dépendance sans que ce soit leur objet principal
Le coût pour les finances publiques est donc déjà très lourd, et il ne pourra que croître, compte tenu des évolutions démographiques attendues. Il pèse déjà fortement sur les comptes publics, notamment sur les marges de manoeuvre des conseils généraux.
La question que je me pose est donc simple : jusqu'à quel point la collectivité peut-elle prendre en charge la dépendance ? Qu'est-ce qui doit être du ressort de la collectivité ? Qu'est-ce qui doit demeurer à la charge des personnes concernées ?
Cette problématique est très proche de celle qu'abordait notre collègue Alain Vasselle par le biais de son amendement sur l'assurance dépendance.
J'observe également que M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, prônait dans un récent rapport sur l'épargne retraite de « conjuguer la couverture du risque dépendance avec le développement de l'épargne retraite ».
S'il ne s'agit pas de trancher l'ensemble de ces questions dès aujourd'hui, ce débat doit être l'occasion pour chacun d'entre nous de prendre la mesure des enjeux et de faire avancer les réflexions.
Le second point sur lequel je voudrais insister concerne la CNSA. Cette caisse a été présentée, lors de sa création, comme l'émergence d'une « cinquième branche de la protection sociale », et non comme une branche à part entière de la sécurité sociale.
Elle conserve ainsi un statut hybride, comme l'a montré son traitement dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale. En 2005, cette caisse apparaissait au titre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base.
La CNSA a aujourd'hui disparu des tableaux d'équilibre, même si l'on trouve des données la concernant dans les annexes, dans la mesure où elle est désormais un organisme qui reçoit des concours provenant des organismes de sécurité sociale. En l'espèce, elle assure la gestion de l'ONDAM médico-social.
Cette architecture de financement ne simplifie pas la lisibilité globale de notre système de protection sociale et ne favorise pas non plus une répartition claire des responsabilités. Celle-ci ne pourra toutefois apparaître que lorsque sera tranchée la question centrale : quel coût la collectivité est-elle prête à assumer pour la prise en charge de la dépendance, compte tenu de ses autres missions et de ses autres besoins ?
Cette intervention soulève donc plus de questions qu'elle n'apporte de réponses, mais j'estime que cette problématique, qui est au coeur des enjeux de demain, doit faire l'objet d'une importante réflexion, avant que l'on ne fasse des choix pouvant se révéler très coûteux et, finalement, budgétairement insoutenables pour la collectivité. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - MM. Gérard Dériot et Louis Souvet applaudissent également.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dépendance, c'est bien sûr celle qui est liée au grand âge, et Alain Vasselle vous en a admirablement exposé les difficultés et les enjeux.
Pour moi, cela ne vous étonnera pas, il s'agit aussi de la dépendance des personnes handicapées, et je souhaite saisir l'occasion de ce débat pour dresser un premier bilan de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
Vingt et un mois se sont écoulés depuis l'adoption de ce texte, le 11 février 2005. Onze mois ont passé depuis l'entrée en vigueur de l'innovation majeure de cette loi, la prestation de compensation du handicap, ou PCH, en faveur de laquelle la commission des affaires sociales et son rapporteur, M. Paul Blanc, s'étaient beaucoup battus.
Les financements ont été mis en place : les départements y consacrent en 2006 655 millions d'euros, soit autant qu'à l'ancienne allocation compensatrice pour tierce personne. La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie complète ces financements à hauteur de 502 millions d'euros. Sur ces sommes toutefois, combien aura réellement été dépensé au profit des personnes handicapées ?
Au 1er janvier 2006 en effet, seuls les décrets relatifs aux personnes prises en charge à domicile étaient parus. Pour les personnes accueillies en établissement, aucune mesure d'application n'a encore été publiée, et le décret permettant l'attribution d'une aide humaine 24 heures sur 24 n'est paru qu'en juin dernier.
À ce jour, très peu de prestations ont réellement pu être attribuées, et de nombreux dossiers restent bloqués au stade des premières évaluations.
Dans bien des départements, les équipes pluridisciplinaires ne sont pas en place ou s'efforcent de parer au plus pressé. Elles sont en fait l'exacte réplique des anciennes équipes de COTOREP, les commissions techniques d'orientation et de reclassement professionnel. La loi prévoyait pourtant d'étoffer ces équipes, de leur apporter le concours de professionnels différents,...
M. Michel Mercier. C'est ce que nous avons fait !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dans le Rhône bien sûr, monsieur Mercier, département qui reste la référence !
La loi prévoyait donc des équipes étoffées susceptibles d'enrichir leurs expertises : ergothérapeutes, spécialistes de telle ou telle pathologie ou professionnels de l'aide à domicile.
Comme pratiquement rien n'a changé, les évaluations sont en fait toujours établies avec la même approche et dans le même état d'esprit : on estime le nombre d'heures nécessaires pour aider la personne handicapée à manger, à se laver, à se coucher. C'est important, mais on ne se soucie pas encore beaucoup de son projet de vie. Telle était pourtant notre préoccupation première.
J'observe par ailleurs que, sur de nombreux points, les décrets méconnaissent l'esprit de la loi.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Ils ont tous été rédigés avec la participation active des associations de personnes handicapées !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je n'en doute pas !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais non avec les parlementaires !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ainsi, dans un premier temps, les décrets ont limité les aides humaines susceptibles d'être prises en charge dans le cadre de la prestation de compensation aux seuls besoins liés directement aux soins ou aux actes essentiels de la vie - je dirai même de la survie, monsieur le ministre. Aucune attention n'a été portée à l'estimation de besoins plus larges, pour l'assistance dans la vie quotidienne ou l'aide ménagère.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'a été mis fin à cette restriction que depuis moins d'un mois, grâce à la mobilisation des personnes handicapées elles-mêmes.
Je citerai un autre exemple des ratés de l'application de la loi : les tarifs de prise en charge pour les aides humaines ont été fixés à un niveau tellement bas qu'il est très difficile, surtout en région parisienne, de trouver des candidats à ces fonctions.
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Comment expliquer en effet qu'une aide humaine recrutée de gré à gré ne puisse être rémunérée qu'à hauteur de 8,50 euros de l'heure,...
M. Guy Fischer. Une misère !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ...quand une femme de ménage est payée en moyenne 12 euros, alors que l'on attend naturellement de la première bien plus qu'un service technique : elle apporte aussi de la chaleur, de l'attention et du soin.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Arguant du fait que la prestation de compensation est une prestation affectée, les décrets ont également mis en place un contrôle de l'effectivité de l'aide que je qualifierai de totalement excessif.
Le dispositif imaginé par le législateur était le suivant : il consistait à verser chaque mois à la personne handicapée une somme correspondant à la moyenne de ses besoins, de telle sorte qu'elle puisse lisser ses dépenses d'un mois sur l'autre, la régularisation intervenant en fin d'année.
Or, dans les faits, on demande à cette personne handicapée qui ne dispose que de peu de ressources d'avancer l'intégralité des sommes nécessaires à la couverture de ses besoins, pour les lui rembourser dans un délai aléatoire, sur présentation de justificatifs et bien sûr dans la limite d'un plafond.
Dans ces conditions, les sommes non dépensées un mois donné sont définitivement perdues.
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Elles ne peuvent être reportées sur les mois où les besoins sont plus importants, mois de vacances ou mois de maladie, où l'on demandera aux aides humaines d'assurer un plus grand nombre d'heures.
C'est pourquoi je soutiendrai un amendement tendant à autoriser, pour les personnes handicapées qui le souhaitent, le versement en deux fois des aides relatives aux aides humaines : 90 % de ces aides en début d'année, et le solde après vérification des justificatifs, en fin d'année.
Par ailleurs, un pan entier du dispositif imaginé par la loi du 11 février 2005 reste aujourd'hui lettre morte : il s'agit de la partie qui concerne les fonds départementaux de compensation, normalement chargés de compléter les sommes apportées par la prestation de compensation du handicap au titre de l'aide extralégale, afin de réduire le « reste à charge » pour les personnes handicapées.
M. Guy Fischer. Nous sommes d'accord !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Or peu de départements - peut-être le Rhône, toujours à la pointe du progrès - ont mis en place ces fonds.
M. Guy Fischer. Le problème est posé.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Lorsqu'ils l'ont fait, leur participation est réduite à son minimum.
M. Guy Fischer. Exact !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L'État, contributeur obligatoire à ces fonds, ne montre d'ailleurs pas l'exemple en la matière : sa participation est strictement identique depuis deux ans aux crédits précédemment affectés aux sites pour vie autonome, alors que les missions des fonds sont infiniment plus larges, désormais.
Lorsque les fonds existent, ils refusent d'apporter une aide au-delà des maxima prévus par le barème de la prestation de compensation, ce qui est à la fois absurde et totalement contradictoire avec leur objet même.
Beaucoup refusent également de soutenir les parents d'enfants lourdement handicapés, et ce malgré votre circulaire, monsieur le ministre, qui en fait un public prioritaire, dans l'attente de l'extension aux mineurs de la prestation de compensation du handicap.
Je rappelle d'ailleurs que l'article 13 de la loi du 11 février 2005 pose explicitement le principe de l'extension aux enfants de cette prestation. Ce point, vous vous en souvenez, avait fait l'objet d'un vif débat au sein de la Haute Assemblée, et la commission des affaires sociales y est très attachée.
La loi prévoit que cette extension doit intervenir dans un délai de trois ans à compter de son entrée en vigueur.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, cela signifie qu'il nous reste désormais moins de dix-huit mois pour identifier et dépasser l'ensemble des obstacles juridiques, financiers et pratiques liés à l'élargissement des catégories de bénéficiaires.
De plus, dans un délai de cinq ans, ce sont les personnes âgées dépendantes qui seront visées par cette extension. Cela suppose de réfléchir dès maintenant aux évolutions des missions et des ressources de la CNSA et aux conséquences de cette mesure sur toutes les branches de la sécurité sociale.
Au-delà de la question de la prestation de compensation, je voudrais encore aborder deux points.
Le premier se rattache à la mise en place des maisons départementales des personnes handicapées.
Je crois nécessaire d'insister à nouveau sur leur mission d'information et de conseil auprès des personnes handicapées et de leurs familles, non seulement quant aux aides et prestations disponibles mais aussi quant aux droits, comme allocataire naturellement, comme employeur parfois, et tout simplement comme citoyen à part entière.
Jusqu'ici, l'administration a déployé beaucoup d'efforts pour former et informer les professionnels, ce qui était sans doute indispensable pour assurer le démarrage de la réforme.
Il convient désormais d'engager la même démarche au bénéfice des personnes handicapées, s'agissant, notamment, de leurs besoins de formation aux différentes responsabilités de l'employeur, lorsqu'elles souhaitent recourir elles-mêmes au recrutement de leurs aides humaines en gré à gré.
Mon second point portera sur la question de la représentativité associative et de la place laissée dans les faits aux associations non gestionnaires d'établissements.
L'article 1er de la loi du 11 février 2005 rend obligatoire la présence simultanée d'associations gestionnaires et non gestionnaires au sein de toutes les instances nationales et locales qui émettent un avis ou prennent des décisions concernant la politique relative aux personnes handicapées.
Or, nous ne pouvons le nier, ce principe est très mal respecté dans les faits : les associations non gestionnaires, lorsqu'elles sont effectivement représentées, n'ont qu'un très faible poids, que ce soit dans les commissions des droits et de l'autonomie, dans les commissions exécutives des maisons départementales ou encore dans les conseils consultatifs des personnes handicapées.
Pourtant, je persiste à penser qu'il s'agit d'une mesure essentielle.
Tout d'abord, la nouvelle génération de parents ne souhaite plus forcément assurer ce rôle de gestionnaires et considère, avec raison, que ce dernier doit revenir à l'État, au nom de la solidarité nationale.
Ensuite, nous ne pouvons passer sous silence les inévitables conflits d'intérêt qui naissent de cette confusion des rôles, notamment en matière d'orientation des personnes handicapées.
Comment une association gestionnaire peut-elle être totalement neutre à l'égard du choix de vie d'une personne lorsqu'elle a le souci de la pérennité des structures d'accueil qu'elle gère elle-même ?
En 2005, le législateur n'a pas souhaité poser un interdit brutal, sous la forme d'une incompatibilité totale entre les fonctions de gestionnaire et celles de représentant des personnes handicapées. Il a voulu laisser au monde associatif une chance de prendre lui-même conscience de la nécessité de mieux séparer ces fonctions.
Mais encore faut-il que les pouvoirs publics, désormais chargés d'appliquer les principes édictés par le législateur, encouragent en ce sens les associations, ce qui est très loin d'être le cas.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, veillons donc à la bonne application de la loi de 2005, afin de ne pas décevoir les espoirs qu'elle a suscités.
Gardons présent à l'esprit que ce que nous faisons aujourd'hui pour les personnes handicapées servira demain à nous-mêmes ou à un membre de notre famille.
Notre société ne recueillera l'adhésion de tous que si elle sait faire preuve de solidarité à l'égard de ceux qui en ont particulièrement besoin. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Gérard Dériot applaudit également.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite tout d'abord remercier M. le président de la commission des affaires sociales, M. le rapporteur et M. le ministre d'avoir accepté d'organiser ce débat sur la dépendance.
Je m'exprimerai devant vous non en tant qu'expert, comme l'ont fait ceux qui m'ont précédé, mais en tant que simple praticien des textes qui ont été votés par le Sénat, et dont j'évoquerai la mise en oeuvre.
Il est tout à fait exact que, lorsque l'on traite de la dépendance, il faut songer à la fois aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées. Si les textes que nous avons adoptés nous conduisent à évoquer de façon globale ce problème, nous aurons déjà accompli un grand progrès.
Dans les réformes en cours, je soulignerai, dans un premier temps, ce qui me semble constituer un mieux, avant de relever, dans un second temps, ce qui marche moins bien, car j'y suis, hélas ! obligé ; c'est d'ailleurs tout à fait normal s'agissant de réformes de l'ampleur de celles que nous avons lancées, qui visent à mieux prendre en charge la dépendance des personnes âgées et à mieux accueillir les personnes handicapées dans notre société.
L'étude personnalisée de la dépendance, tout d'abord, me semble constituer une véritable réforme de fond. Désormais, une personne handicapée ou une personne âgée dépendante est non plus un dossier, mais une personne, qui est suivie par une équipe pluridisciplinaire. Il s'agit là d'un des plus grands progrès qui aient été accomplis dans le domaine de l'action sociale.
Offrir à chacun un traitement personnalisé, permettre à la personne dépendante ou handicapée de définir un projet de vie, qui est ensuite validé et porté par une équipe pluridisciplinaire, constitue une réelle nouveauté, qui honore notre pays et sa conception de l'action sociale.
À l'évidence, les deux lois que nous avons adoptées sont très généreuses, et c'est bien normal. Toutefois, elles posent un certain nombre de problèmes.
Les personnes âgées dépendantes, tout d'abord, se sont révélées particulièrement nombreuses. Dans le département que j'ai l'honneur d'administrer, avec l'aide de Mme Dini et de M. Fischer d'ailleurs - vous voyez, mes chers collègues, combien ma tâche est facile ! (Sourires.) -, chaque mois, environ 150 personnes âgées dépendantes supplémentaires perçoivent l'allocation personnalisée d'autonomie.
En l'espace de seulement cinq ans, dans le département du Rhône, le nombre de personnes âgées qui touchent l'APA est passé de 14 600 à 20 500, soit 6 000 personnes supplémentaires.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le département du Rhône constitue un cas très particulier !
M. Michel Mercier. Il s'agit donc d'un dossier très important, qui pèse lourdement sur les départements.
Je souhaite rendre hommage aux agents qui, dans tous les départements, ont pris de plein fouet les deux réformes que nous avons lancées. Leur capacité à transformer aussi vite l'action sociale afin de personnaliser l'aide mérite d'être soulignée.
Des dizaines de milliers de dossiers constitués par les personnes âgées, et maintenant par les personnes handicapées, parviennent aujourd'hui dans les services des conseils généraux, où ils sont plutôt bien et rapidement traités.
À la fin de l'année, nous pourrons constater, me semble-t-il, que les délais prévus par la loi pour le traitement des dossiers présentés par les personnes handicapées auront été sinon scrupuleusement suivis, du moins approchés de très près. Je suis même certain que, dans bien des départements, la gageure du respect des délais inscrits dans la loi aura été tenue.
Face à une telle augmentation du nombre des personnes concernées, comment mettre en oeuvre les plans d'aide définis au profit des personnes âgées dépendantes ou des personnes handicapées ? Deux solutions sont possibles : recourir aux établissements spécialisés ou engager des intervenants à domicile.
Les plans d'aide réalisés à domicile sont relativement habituels s'agissant des personnes âgées, mais entièrement nouveaux pour ce qui concerne les personnes handicapées.
La remarque formulée par Nicolas About, qui soulignait tout à l'heure la nécessité de faire jouer un rôle plus important aux associations non gestionnaires d'établissements, prend ici tout son sens. En effet, dès lors qu'une part importante de la prise en charge du handicap se fera à domicile, ce sont toutes les associations représentatives, et non plus seulement les gestionnaires, qui devront siéger dans les instances existantes.
Monsieur le ministre, les aidants professionnels posent de véritables problèmes, car leur coût s'accroît, et ce n'est pas près de cesser.
Le Parlement a adopté divers textes, qui étaient tous fondés et qui s'articulent bien, mais qui ont conduit à une très forte augmentation du coût des aidants à domicile. Je pense notamment aux lois relatives à la validation des acquis de l'expérience, aux formations professionnelles et à l'accroissement des salaires des aides ménagères, que nous avons tous souhaité, mes chers collègues.
S'agissant du financement, monsieur le ministre, j'ai trouvé vos propos tout à fait merveilleux, même si je reconnais que vous étiez dans votre rôle.
En fait, j'ai bien mesuré la distance qui séparait la rue Duquesne d'une ville comme Lyon, car les financements ont quelques difficultés à arriver sur le terrain.
M. Guy Fischer. Çà, c'est sûr !
M. Michel Mercier. Si l'on examine le financement de l'APA, on constate qu'il représente pour les départements une dépense bien plus lourde que le RMI.
Dans un département comme celui dont je suis l'élu, le RMI qui n'est pas versé par l'État représente grosso modo 25 millions d'euros par an, alors que le financement de l'APA qui n'est pas avancé par la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, est bien supérieur.
D'ailleurs, la CNSA finance de moins en moins l'accompagnement de la perte d'autonomie ! Je ne comprends pas comment elle peut, dans ces conditions, dégager des excédents ! Si cette caisse finançait les prestations au même niveau qu'il y a trois ans, ...
M. Michel Mercier. ...elle ne connaîtrait pas d'excédents, me semble-t-il, et il serait donc bien moins difficile de répartir ces fonds !
Dans le département du Rhône, la CNSA couvrait au départ un peu plus de 30 % des dépenses, contre 29 % cette année et 26 % l'an prochain. La charge nette pour les départements, qui était inférieure à 50 millions d'euros à l'origine, sera de 60 millions d'euros cette année et probablement de 70 millions d'euros l'an prochain.
Cette progression forte, et inquiétante naturellement, doit nous amener à réfléchir ensemble sur le financement de la dépendance.
En effet, réclamer plus d'argent à l'État constitue un exercice assez facile, auquel il est toujours loisible de se livrer - il peut d'ailleurs faire plaisir pendant un moment -, mais qui ne rapportera pas grand-chose si vous n'avez rien à donner, monsieur le ministre.
M. Michel Mercier. Il faut donc aller plus loin, probablement en recentrant la CNSA sur ses missions premières.
Monsieur le ministre, il ne faut pas faire financer par cette caisse toutes les idées qui peuvent passer par la tête de vos collaborateurs, même si ceux-ci sont excellents !
Certains des articles du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient que la CNSA financera des actions innovantes, entre autres. C'est une très bonne idée, et il faut développer ces initiatives, mais, de grâce, commençons par régler les dépenses de base avant de financer ce qui, demain, sera peut-être intéressant !
J'évoquerai également le problème du financement du handicap. La prestation compensatoire du handicap est-elle plus ou moins généreuse que les dispositifs qui l'ont précédée ? En fait, elle l'est plus sur le papier et beaucoup moins dans la réalité, car elle laisse les personnes handicapées et les personnes âgées résoudre seules le problème du « reste à charge ».
Monsieur le ministre, vous avez eu raison de souligner qu'il s'agissait là d'une question essentielle, mais ce n'est pas la CNSA qui financera le « reste à charge ».
Pour ma part, je vous demanderai pourquoi la contribution de l'État au fonds de compensation du handicap diminuera l'année prochaine, et ce très nettement puisque, dans un département comme le mien, on annonce une baisse de 30 % de la participation de l'État à ce fonds, ce qui pose certains problèmes.
De la même façon, je souhaite vous interroger sur les dispositions de l'article 42 du texte dont nous débattons aujourd'hui. Cet article ne crée rien : c'est l'article 46 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 qui établit une distinction entre les personnes âgées très dépendantes hébergées dans les unités de soins de longue durée, les USLD, qui relèvent du secteur sanitaire, et celles qui dépendent du secteur médicosocial. Pourquoi réduire les moyens affectés au financement des lits de long séjour ? Vous habillez cela parfaitement, monsieur le ministre, et, du point de vue théorique, il n'y a rien à y redire.
Un arrêté publié au mois de mai dernier - la commission des affaires sociales vous félicite de votre célérité - a établi un « référentiel définissant les caractéristiques des personnes relevant de soins de longue durée », qui vise à distinguer, parmi les personnes grabataires, celles qui sont « grabataires-grabataires » des autres. Il fallait inventer une telle classification ! Vous l'avez fait, monsieur le ministre !
En fait, cet outil a pour seul objet de supprimer les unités de soins de long séjour et de les remplacer par des sections chargées d'accueillir un nombre beaucoup moins important de personnes âgées, nécessitant des soins médicotechniques importants, les SMTI. À peu près le tiers des patients actuellement en USLD dépendront de cette structure, les deux tiers restants sortant du financement de la sécurité sociale intégrale, ce qui entraînera une forte baisse du financement par l'assurance maladie.
Monsieur le ministre, vous nous avez annoncé beaucoup de « plus ». Je souhaite donc, pour ma part, vous interroger sur les « moins », notamment sur cette baisse qui concernera un grand nombre de personnes. Certes, le dispositif ne sera pleinement appliqué qu'en 2009, mais j'aimerais savoir comment les diverses augmentations de financement que vous nous avez annoncées s'articuleront avec les diminutions très fortes que vous nous proposez de voter à l'article 42.
Telles sont les quelques remarques que je tenais à formuler sur la mise en oeuvre pratique du texte qui nous est soumis. Tout ne peut pas être fait en un jour, nous le savons bien, et j'ai souligné les aspects positifs de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Mais la vraie question du financement reste devant nous.
M. Michel Mercier. Plutôt que répéter que tout va bien, profitons du bruit que feront les diverses élections...
M. Roland Muzeau. C'est sûr, cela va faire du bruit !
M. Michel Mercier. ...pour travailler à trouver de bonnes solutions.
M. Michel Mercier. En l'espèce, ce ne sont pas des solutions, c'est plutôt du bricolage !
M. Roland Muzeau. Oui, le ministre est bricoleur !
M. Michel Mercier. On retire aux personnes âgées, on contrôle un peu plus les personnes handicapées...
Bien sûr, de tels contrôles s'imposent, mais, demain, le nombre de personnes âgées, qu'elles soient handicapées ou non, augmentera, et il faudra définir les modes de financement nécessaires.
Je souhaite donc que les financements de la CNSA soient concentrés très fortement sur les prises en charge directes des personnes âgées et des personnes handicapées. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)
(Mme Michèle André remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Blanc.
M. Paul Blanc. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous réunit aujourd'hui concerne une partie somme toute réduite des dépenses de la sécurité sociale, mais qui est en progression constante du fait de l'évolution de notre société.
Pour tout ce qui concerne les soins, la dépendance est prise en charge par la sécurité sociale, à travers les dépenses de prestations sociales et médicosociales.
La redéfinition par la loi du 11 février 2005 des missions de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a modifié le cadre de gestion de ces dépenses. Seules nous intéressent dans ce débat les dépenses des établissements et services pour personnes âgées dépendantes et pour personnes handicapées, qui relèvent de la CNSA.
L'année 2006 est la première année de plein exercice des attributions définitives de la CNSA : cela fonctionne parfaitement bien, et nous avons certainement fait les bons choix institutionnels en ne créant pas une nouvelle branche, dont les lourdeurs auraient pu nous faire perdre tous les bénéfices de ce que nous avons mis en place. Elle est aussi la première année de mise en oeuvre de la réforme du lien entre autorisation et financement, qui permet la création de places par anticipation. C'était une réforme très attendue par de nombreux établissements et services dont l'extension ou la création était bloquée par la rigueur de la règle de l'annualité budgétaire, qui empêchait de faire avancer des dossiers en raison de l'absence de dotation budgétaire.
Le 10 juillet dernier, la Cour des comptes a rendu public son rapport sur les conditions de mise en place et d'affectation des ressources de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Elle constate que les nouvelles recettes créées en 2004, en particulier celles qui sont tirées de la journée de solidarité, ont bien été intégralement affectées à la Caisse : « Les craintes qui ont pu être exprimées sur l'affectation des nouvelles ressources de la contribution de solidarité ne sont pas fondées : elles bénéficient bien intégralement aux personnes âgées dépendantes et aux personnes handicapées. Un "effet vignette" n'est pas à craindre. »
Les « Cassandre » qui avaient annoncé que l'utilisation de ces fonds risquait d'être détournée se sont trompées. Nous ne pouvons donc que nous féliciter du dispositif mis en place et des choix qui ont été faits. C'était indispensable au regard de l'évolution très dynamique des dépenses d'assurance maladie en faveur du secteur médico-social, de l'ordre de 9,12 %. Pour 2006 et 2007, les recettes de la journée de solidarité ont rendu possibles de nombreux progrès en termes de prise en charge pour les personnes âgées dépendantes comme pour les personnes handicapées.
Pour les personnes âgées, les montants dégagés ont permis de poursuivre la médicalisation des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, et d'assurer, voire dans certains cas d'accélérer, la mise en oeuvre des plans pluriannuels de créations de places et de structures.
Le plan « Vieillissement et solidarités » de 2003 avait déjà permis la création de nombreuses places nouvelles en établissements, mais aussi de services de soins infirmiers à domicile, les SSIAD.
Monsieur le ministre, vous venez de présenter un nouveau plan, le plan « Solidarité grand âge », qui amplifiera cet effort. Il prévoit un doublement du rythme actuel de créations de places : le nombre des places de SSIAD sera augmenté de 40 % sur cinq ans ; 2 500 places d'accueil de jour et 1 100 places d'hébergement temporaire seront créées par an afin d'apporter un soutien physique et matériel aux aidants familiaux, qui souffrent trop souvent d'isolement et de fatigue ; le taux d'encadrement par des professionnels soignants des personnes âgées les plus dépendantes dans les maisons de retraite sera relevé.
De même, la complémentarité entre l'accompagnement en hôpital et l'accompagnement en service social et médico-social sera améliorée. En effet, chacun a pu constater que la prise en charge de pathologies propres aux personnes âgées est reportée trop souvent sur des structures d'urgence ou de spécialité médicale. Des places de gériatrie seront donc créées pour parfaire l'accueil des personnes âgées.
Pour les personnes handicapées, de nouvelles places seront ouvertes. Pour les adultes handicapés, cela concerne 2 250 places de SSIAD et 2 500 places en maisons d'accueil spécialisé et foyers d'accueil médicalisé. Pour les enfants, cela représente 1 250 places de services d'éducation spéciale et de soins à domicile, 180 places en établissement pour polyhandicapés, 250 places en établissement pour autistes, 120 places d'instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques, 7 centres de ressources pour autistes, 22 centres médico-psycho-pédagogiques et 22 centres d'action médico-sociale précoce.
Un tel dispositif est très satisfaisant et démontre une fois de plus, si cela était nécessaire, la volonté du Gouvernement de répondre toujours mieux aux besoins de ceux qui souffrent et à l'égard desquels la solidarité doit s'exercer avec la plus grande vigueur.
Je me félicite de voir les efforts dirigés notamment vers les services de soins à domicile, qui manquent cruellement.
Je profiterai de ce débat pour aborder un sujet qui me tient particulièrement à coeur, le vieillissement des personnes handicapées. Cette question, qui se pose en France depuis une vingtaine d'années avec de plus en plus d'acuité, a été soulevée de façon récurrente, en particulier par les professionnels et par les familles, ces derniers s'alarmant des difficultés concrètes de prise en charge des personnes handicapées vieillissantes.
Monsieur le ministre, vous avez bien voulu me charger d'étudier les enjeux de ce problème : je vous ai remis au mois de juillet dernier un rapport proposant plusieurs pistes de réflexion. Vous me permettrez de reprendre aujourd'hui quelques-unes des idées que j'ai développées à cette occasion.
Le problème du vieillissement des personnes handicapées prend une nouvelle dimension du fait de l'ampleur des mutations démographiques et sociales en cours. Dans un pays qui a structuré ses droits sociaux et ses formes d'aide aux personnes en perte d'autonomie en deux régimes bien distincts - l'un pour les personnes handicapées, l'autre pour les personnes dépendantes âgées -, l'apparition d'une catégorie intermédiaire, les personnes handicapées vieillissantes, contraint à repenser la structure globale du dispositif. En effet, le critère d'âge est devenu à l'évidence excessivement simplificateur.
Les choix qui seront opérés à court et à long terme auront des conséquences sensibles non seulement pour les personnes concernées et leur famille, mais aussi pour les financeurs des dispositifs, principalement l'État, l'assurance maladie et les départements, sans oublier les personnes concernées elles-mêmes.
La loi du 11 février 2005 prévoit de supprimer d'ici à cinq ans toute distinction en matière de compensation et d'aide sociale à l'hébergement entre personnes handicapées en fonction de l'âge. Le critère d'âge conduit en effet aujourd'hui à distinguer deux régimes conçus en réponse à des situations types contrastées : un système destiné aux personnes âgées, qui répond à des situations considérées comme caractéristiques du grand âge et relativement homogènes ; un autre système destiné aux personnes handicapées, qui embrasse une gamme plus hétérogène de situations, évaluées par des outils multidimensionnels, et qui se situe dans la perspective dynamique d'un projet de vie.
La dualité des systèmes et l'appartenance à l'un ou l'autre régime selon un critère d'âge posent donc des problèmes incontestables de frontière et d'équité.
Bien sûr, le système le plus universel dans son objet n'est supportable par la société et les collectivités publiques que dans la mesure où il demeure réservé à des situations exceptionnelles. Pour autant, les deux régimes sont destinés à converger à terme, car, s'ils diffèrent sur leurs « cibles », ils ont des points communs. Un rapprochement des institutions et des dispositifs locaux est donc souhaitable.
Devant le panorama institutionnel - maisons départementales des personnes handicapées, d'un côté, centres de liaison et d'information, et équipes médicosociales qui évaluent la situation au regard de l'APA, de l'autre -, l'existence d'un double dispositif peut apparaître comme une source de complication et de perte d'efficacité. Certains départements y ont d'ailleurs déjà réfléchi.
Ce rapprochement des structures aurait l'avantage de permettre une meilleure diffusion territoriale et le partage des savoir-faire utiles. Par ailleurs, des procédures parallèles sont déjà prévues et rendues obligatoires par les textes en ce qui concerne l'élaboration et la validation de stratégies à moyen terme dans les deux secteurs.
Les collaborations d'ores et déjà constatées contribuent à une salutaire confrontation avec des réalités de terrain. Les représentations que chacun se fait de « l'autre secteur » peuvent ainsi évoluer. À terme, on peut, dans ces conditions, projeter la constitution d'un large réseau technique, comprenant un panel de compétences diversifiées et les spécialisations nécessaires.
Les plus importantes difficultés immédiates pourraient se rencontrer dans les départements où aucune politique active de liaison et de coordination dans le secteur des personnes âgées n'a encore été mise en place. Tel n'est pas le cas, je le sais, dans le département du Rhône !
Il est également indispensable de préparer une évolution des référentiels et des grilles d'évaluation.
En effet, pour cadrer les décisions d'attribution des prestations et construire les plans de compensation et d'aide, dans le secteur des personnes âgées comme dans celui du handicap, il est fait appel à des référentiels se fondant sur la classification internationale du handicap.
Cependant, les objectifs visés au travers de la construction des grilles diffèrent.
La grille AGGIR, utilisée en matière de dépendance des personnes âgées, permet de construire un « score », d'apprécier la lourdeur du handicap d'une personne, tandis que, dans le secteur du handicap, le référentiel employé et le guide d'évaluation ne sont pas conçus pour permettre de classer une personne dans un « groupe » ou sur une « échelle » de handicap. Si les deux systèmes de référence et d'évaluation sont appelés à évoluer, car rien techniquement ne s'y oppose, on ne connaît pas les conséquences, pour la solidarité nationale ou les collectivités publiques, de la généralisation de l'un des deux à l'ensemble des personnes visées.
Il me semblerait donc opportun qu'une réflexion soit entreprise sur les possibilités techniques de juxtaposer un « tronc commun » de références pour l'accès au droit à compensation, ce qui serait plus satisfaisant que la situation actuelle au regard du principe d'universalité du droit à compensation, et des « questions filtres » permettant de répartir les personnes ayant droit à compensation entre plusieurs régimes, dont un régime applicable aux personnes âgées dépendantes.
Par ailleurs, nous devons progresser vers une harmonisation des prestations, des prises en charge et des tarifs.
Du fait de la dualité des systèmes, les prestations, les tarifs et les conditions d'accès aux différents types de prise en charge appliqués aux personnes handicapées et aux personnes âgées diffèrent de façon souvent inutilement compliquée, aussi bien pour les personnes concernées que pour les prestataires de services et les financeurs. Dans la perspective d'une convergence, ces disparités doivent être traitées chaque fois que c'est possible.
En tout état de cause, une harmonisation est de nature à simplifier la gestion de toutes les instances qui ont à traiter de ces sujets, depuis les administrations jusqu'aux prestataires de services.
Quant à la question de l'évolution des sources de financement, elle est cruciale, eu égard à une hausse des charges difficilement évitable.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Paul Blanc. Des pistes ont été récemment ouvertes par le rapport du Centre d'analyse stratégique sur ce sujet. La principale difficulté réside, tout le monde l'a dit, dans le « reste à charge » des personnes.
Le rapport souligne qu'il convient de limiter son montant, pour permettre un vrai choix de vie aux personnes dépendantes. Ses auteurs préconisent sans ambages plusieurs actions, dont une « remise à plat de l'aide sociale en établissement » : il s'agit notamment de considérer « dans des ensembles cohérents, d'une part les différentes possibilités de solvabilisation de la prise en charge en institution à la charge des départements (quelles que soient les sections tarifaires et en prenant en compte la solidarité devant s'exercer envers les personnes démunies), d'autre part les possibilités de mobilisation du patrimoine [...] ».
Si les propositions visant à « renforcer la sélectivité des dispositifs de solvabilisation publics en faveur des publics les plus fragiles » étaient retenues et si des ressources nouvelles étaient recherchées, comme le préconise le Centre d'analyse stratégique, par la prévoyance individuelle,...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui !
M. Paul Blanc. ... l'accès au crédit et l'assurance dépendance, des possibilités nouvelles de rapprochement entre systèmes et de « suppression des barrières d'âge » seraient ouvertes.
Chacune de ces pistes doit être explorée, monsieur le ministre, et, dans cette perspective, la contribution des représentants des personnes handicapées et de leurs familles à ces travaux sera particulièrement utile.
Sachez que nous soutenons pleinement la politique mise en place par le Gouvernement,...
M. Guy Fischer. Ah, ça !
M. Paul Blanc. ... grâce à laquelle notre société progresse, de façon sans doute perfectible mais significative, vers une meilleure intégration des personnes privées de leur autonomie. Ce texte concourt pleinement à cette évolution, et reçoit donc tout notre soutien.
Certains, sur les travées de gauche, sont toujours prêts à critiquer. (Mme Patricia Schillinger s'exclame.)
M. Adrien Gouteyron. Ils ont la mémoire très courte !
M. Paul Blanc. Je constate néanmoins que, lorsque je suis entré à la Haute Assemblée, en 1992, on parlait déjà de travailler sur ce dossier. Or rien n'a été fait, jusqu'à ce que vous engagiez, monsieur le ministre, une démarche positive ; c'est la raison pour laquelle nous vous apportons notre entier soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Adrien Gouteyron. Cela va être une autre chanson !
M. Guy Fischer. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais commencer mon propos sur la prise en charge de la dépendance par une affirmation : il ne devrait pas y avoir « morcellement » des mesures distinguant entre personnes âgées et personnes handicapées. Cela permettrait de répondre aux besoins de nos concitoyens les plus fragilisés de façon cohérente, plus universelle et plus solidaire, sans que soit instaurée, comme actuellement, une barrière d'âge.
Faute de temps pour revenir en arrière (Sourires sur les travées de l'UMP.) ...
M. Paul Blanc. Eh oui ! Passons...
M. Guy Fischer. ... et évoquer des dispositifs tels que la prestation spécifique dépendance, remplacée par l'APA, la modification restrictive des conditions d'attribution de celle-ci, intervenue en 2002, les conventions tripartites, je m'arrêterai à la création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Avec un statut incertain et un périmètre grossièrement défini, que M. Mercier a d'ailleurs souhaité préciser, la CNSA constituait déjà, selon moi, l'amorce de la mise en place d'un dispositif de protection séparé pour les personnes âgées et les personnes handicapées, contraire aux principes de l'assurance maladie, qui a vocation à couvrir tous les besoins de toutes les catégories de population.
Cette volonté de « mettre à part » les personnes âgées et les handicapés constitue en effet une remise en cause de la solidarité entre les bien-portants et les malades, entre les cotisants et les autres. La création de cette « caisse » signifiait clairement que la dépendance due au vieillissement ou au handicap n'aurait plus vocation à être prise en charge par la solidarité nationale.
De la même façon, la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées a créé une prestation de compensation dont le financement est des plus flous, puisqu'il relève lui aussi de la CNSA.
Je n'aurai garde d'oublier, dans cette « panoplie », la loi relative aux libertés et responsabilités locales, qui a confié aux départements la mise en oeuvre complète des trois grandes allocations de solidarité que sont le RMI, l'APA et la PCH, sans que leur soit assurée une dotation couvrant intégralement les charges transférées. C'est un débat prégnant au sein de l'Assemblée des départements de France.
M. Adrien Gouteyron. Oui !
M. Guy Fischer. Aujourd'hui, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, monsieur le ministre, que proposez-vous pour les personnes dépendantes, qu'elles soient âgées ou handicapées ?
M. Roland Muzeau. Pas grand-chose !
M. Guy Fischer. Voyons votre plan « Solidarité grand âge » : ses crédits augmenteront de 650 millions d'euros en 2007, soit une progression de 13 % ; 6 000 places supplémentaires en services de soins infirmiers à domicile seront créées, et un plan d'investissement « exceptionnel » sera mis en oeuvre au profit des maisons de retraite.
S'agissant des personnes handicapées, vous proposez de déployer 385 millions d'euros supplémentaires provenant de l'assurance maladie et de créer 6 800 places dans les établissements et les services.
Toutefois, la réalité vient grandement atténuer la portée de vos promesses.
En effet, si la progression de 13 % des crédits affectés au plan « Solidarité grand âge » est apparemment séduisante, ce taux d'augmentation annoncé se fonde sur des prévisions excessivement optimistes s'agissant des crédits dégagés grâce à la suppression d'un jour férié ; ainsi, le taux d'augmentation des crédits de l'assurance maladie est inférieur pour 2007 à celui que l'on aura connu en 2006 !
En outre, vous utilisez des subterfuges pour afficher des créations de postes et de places, par ailleurs insuffisantes tant les besoins sont grands.
Tout d'abord, il y a diminution du ratio entre personnels et personnes hébergées dans certains établissements, dont les USLD, les unités de soins de longue durée. C'est là, on le sait, l'un des principaux enjeux, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir : disons-le clairement d'emblée, les lits en USLD devant devenir des lits d'EHPAD, on voit bien qu'il s'agit d'une manoeuvre consistant à procéder à des transferts de charges. Sur ce point, je suis d'accord avec M. Mercier.
M. Adrien Gouteyron. Ah bon ?
M. Michel Mercier. C'est vrai !
M. Guy Fischer. Par ailleurs, les augmentations de salaires des employés ne sont pas prises en compte.
Enfin, vous transférez à la CNSA des charges non financées, liées notamment à la création de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, ainsi qu'à la prise en charge des cotisations vieillesse des aidants familiaux.
Rappelons que même la Cour des comptes considérait récemment que les besoins des personnes âgées fragilisées n'étaient couverts qu'à moitié !
Par ailleurs, vous prévoyez d'instaurer un congé de soutien familial permettant à son bénéficiaire de s'occuper d'un proche dépendant. Non rémunéré, d'une durée de trois mois renouvelable quatre fois, il ne pourra pas être refusé par l'entreprise. Le salarié qui en bénéficiera retrouvera son poste, ou un poste équivalent, à son issue. Entre-temps, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie financera ses droits à la retraite. Toutefois, cette mesure laisse entiers les problèmes que pose la pénurie de structures d'aide, les tarifs élevés des établissements et, surtout, le manque de personnel dans les services à domicile et dans les structures d'accueil.
Pour qu'il s'agisse d'un véritable progrès, il faudrait que les personnes concernées puissent choisir entre un maintien à domicile grâce à des structures spécialisées et ce congé de soutien familial. Ce n'est pas le cas. On reste dans une approche palliative de la prise en charge de la dépendance.
En ce qui concerne le maintien à domicile, je dirai qu'il est plus confortable, plus respectueux du maintien de l'indépendance de la personne âgée ou handicapée, dans de bonnes conditions, bien sûr, pour elle et ses proches. Le problème actuel est qu'il est largement à la charge des familles, sur le plan tant de l'organisation que du coût financier. Cela est même devenu l'enjeu d'un véritable marché, comme tout ce qui touche à la retraite, au grand âge, à toutes les formes de dépendance. C'est inégalitaire et inadmissible.
C'est pourquoi nous pensons que le maintien à domicile des personnes dépendantes doit devenir une mission de service public. Cela suppose que, en cas de perte d'autonomie, les personnes concernées puissent accéder à toutes les activités sociales : coordination des soins par des professionnels, transports, accès aux commerces, à la culture, aux moyens de communication. Cela intéresse forcément l'ensemble des services publics.
J'aurais souhaité aborder maintenant les trois questions fondamentales concernant les établissements pour personnes âgées : le manque de structures d'hébergement, la pénurie de personnel qualifié et la question des prix de journée.
Faute de temps, je me bornerai à souligner que le coût de la prise en charge est réparti d'une manière fort peu satisfaisante : il est supporté à hauteur de près de 60 % par le résident ou sa famille, de 25 % par l'assurance maladie et de 15 % par les conseils généraux, au travers de l'APA et de l'aide sociale.
Or il faut savoir que le tarif moyen mensuel d'hébergement est de 1 700 euros et que le montant moyen de la retraite varie de 1 100 à 1 200 euros selon les sources... Pour ma part, je suis chaque jour confronté à des situations dramatiques, où des familles s'endettent pour pouvoir faire face. Les économies de toute une existence sont bien souvent englouties ; les biens immobiliers acquis grâce à toute une vie de travail doivent la plupart du temps être vendus, pour que les familles puissent faire face aux charges qu'elles doivent assumer.
Le problème du « reste à charge » demeure au coeur des préoccupations des Français. Il faut entendre leur colère sourde gronder quand arrivent à la fin de chaque mois des factures d'un montant de 1 700, 1 800, 2500, voire 3 000 euros.
Permettez-moi d'ajouter un mot sur la réforme des unités de soins de longue durée. La date butoir du 31 décembre 2006, fixée dans la loi de financement de 2006, pour déterminer les nouvelles capacités en lits d'USLD et en lits d'EHPAD est repoussée à une date ultérieure.
L'objectif est de requalifier 56 000 lits d'USLD en lits d'EHPAD, avec la baisse du ratio agent-lit qui en découle. Avec les associations, dont l'ADEHPA, j'estime qu'on ne peut accepter cette situation. Le financement des USLD doit être intégralement pris en charge par l'assurance maladie.
S'agissant des personnes handicapées, je voudrais citer un fait récent qui pointe une fois encore les imperfections de la loi du 11 février 2005, si bien décrite par le président About. À la suite d'une réclamation, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, devrait délibérer sur la différence de traitement relative à l'accès aux prestations accordées au titre du handicap.
Celle-ci résulterait de l'article 16 de la loi du 11 février 2005, qui instaure une garantie de ressources pour les personnes handicapées, la GRPH, et une majoration pour la vie autonome, la MPVH, pour les personnes bénéficiaires de l'AAH. Ne peuvent y prétendre les bénéficiaires d'une pension d'invalidité alors qu'ils justifient, au titre des prestations accordées par ce régime, d'un niveau de ressources pourtant identique à celui des bénéficiaires de l'AAH.
Il y a donc là une différence de traitement, voire une discrimination. Finalement, votre gouvernement et les précédents ont sans cesse éludé le débat de fond qui porte bien sur la définition d'un droit à compensation universel et son financement, fondé sur l'expression d'une réelle solidarité, comme celle qui présida en 1945 à la création de la sécurité sociale.
C'est donc bien d'une réforme du financement de notre protection sociale qu'il est question. En effet, la situation dramatique qui prévaut actuellement est aussi la conséquence d'une politique de réduction des moyens affectés à la santé - c'est vrai à l'échelle européenne -, de disparition des hôpitaux de proximité ...
M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous ne vous feriez pas opérer dans un hôpital de proximité, qui a un petit plateau technique !
M. Guy Fischer. Vous êtes donc pour la suppression des blocs opératoires ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est facile de dénoncer !
M. Guy Fischer. ... et de milliers de postes de médecins et d'infirmiers, de milliers de lits, notamment de gérontologie, et du gel des crédits destinés aux personnes âgées ou handicapées. Tout se tient.
Dans le même esprit, je considère qu'il existe un risque de privatisation de la prise en charge de la dépendance, avec la volonté clairement affichée du Gouvernement et de certains membres de la majorité de privilégier la prévoyance individuelle, assurantielle, en matière d'autonomie. Les grandes compagnies d'assurance sont d'ailleurs bien conscientes du marché qui leur est ouvert.
Mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen et moi-même considérons qu'il existe des pistes de financement fondées sur une plus grande justice sociale et sur la solidarité. Lorsque l'on sait que plus de 25 milliards d'euros d'aides directes sont consentis aux entreprises sous forme d'exonération de charges - sans effet sur l'emploi -, on imagine aisément le nombre d'actions qui pourraient être financées dans le domaine de la solidarité nationale !
Nous sommes en revanche opposés à toute forme de TVA sociale ou de fiscalisation accrue. C'est donc bien la réforme du financement de la sécurité sociale qui est à l'ordre du jour.
Forts de ces nouvelles sources de financement, nous proposons de créer un cinquième risque de la sécurité sociale, celui de la dépendance, de l'incapacité ou de la perte d'autonomie, sans discrimination quant à l'âge de la personne ou quant à l'origine de son handicap. En 2004, le Conseil économique et social avait d'ailleurs mis au point la définition d'une branche nommée « handicap, incapacité, dépendance » qu'il considérait nécessaire de créer au sein du régime général.
Je note avec satisfaction, monsieur le ministre, que vous évoquez à présent le fameux cinquième risque que nous préconisons depuis plusieurs années ! J'attends donc de vous des éclaircissements quant à l'évolution de votre politique à l'égard des personnes âgées et des personnes handicapées.
Votre dernier texte sur le handicap a soulevé beaucoup d'espoir chez les personnes handicapées. Mais de nombreuses déceptions sont en train de naître, notamment parce que les aides techniques pour les personnes restant sous le régime de l'allocation compensatrice de tierce personne ne sont pas prises en charge.
De même, il conviendra d'approfondir l'examen de la situation réelle, et de ses conséquences, des bénéficiaires de l'AAH qui basculent dans le RMI, dont le nombre est de plus en plus important. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, il y a un peu plus de trois ans, la canicule tuait quinze mille personnes et mettait gravement en cause la crédibilité des pouvoirs publics dans le domaine de la prise en charge des personnes âgées.
Le 6 novembre 2003, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin annonçait un plan Vieillissement et solidarité ouvrant des droits garantis en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées.
Ces droits devaient être garantis par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, elle-même financée par un jour férié travaillé. C'est le lundi de Pentecôte qui fut choisi, sans aucune concertation, ce qui a finalement abouti à une journée de grève et à un absentéisme record.
Devant un tel fiasco, le comité de suivi et d'évaluation de la journée de solidarité préconisa des aménagements. Le nouveau Premier ministre fit alors adopter des circulaires permettant aux employeurs publics et privés de s'organiser librement en 2006. Ainsi, un accord de branche ou d'entreprise peut dorénavant fixer la journée de solidarité à une autre date que la Pentecôte.
Cette solution n'est pas la bonne. Elle génère des inégalités et des confusions, car - ne l'oublions pas ! - toutes les professions ne participent pas à ce geste de solidarité. Les professions libérales par exemple ne sont pas sollicitées. Nous pensons que le jour férié doit être abrogé et remplacé par un prélèvement prenant en compte tous les revenus, comme le fait la CSG. C'est une question de justice sociale.
Le plan Raffarin, qui se voulait historique, a vite montré ses limites en raison de la méthode utilisée, mais aussi et surtout parce que le financement de la CNSA s'est révélé inconséquent. La suppression d'un jour férié n'est en effet pas suffisante pour financer le retard français en matière d'aide aux personnes âgées dépendantes handicapées.
De plus, le dispositif a subi plusieurs amputations puisqu'il a servi au financement de dispositifs décidés antérieurement, comme le plan d'aide aux personnes handicapées - certes indispensable mais qui aurait dû être mis en place grâce à d'autres financements -, ou comme l'aide personnalisée à l'autonomie votée en 2001 !
Depuis sa création, la CNSA a aussi été l'objet de pertes de crédits dues à des désengagements parfois importants de la sécurité sociale ou de l'État. En 2005 par exemple, l'État a fait diminuer l'effort de l'assurance maladie en matière d'aide aux personnes âgées, parallèlement à l'arrivée des crédits liés à la suppression du jour férié. La même année, l'État a utilisé une partie des fonds de la CNSA pour payer les engagements qu'il n'avait pas honorés antérieurement dans ses contrats de plan signés avec les régions. En 2006, l'État a demandé à la CNSA de financer les enquêtes sur les conditions de vie des personnes âgées et handicapées.
Si la CNSA est reconnue depuis sa création comme un véritable lieu de participation, d'échanges et d'information, nous pensons que la tutelle excessive et les pressions exercées par l'État doivent être considérablement allégées, afin de lui permettre de remplir ses missions en toute sérénité.
En mai dernier, le Gouvernement annonçait la mise en oeuvre du plan solidarité grand âge. Vous l'avez ensuite détaillé le 27 juin dernier, en évoquant le lourd défi posé à la France pour les prochaines années par un « tsunami démographique » d'ici à 2015, où le nombre des plus de 85 ans va passer de 1,1 million à 1,9 million.
L'objectif de ce plan est d'adapter le dispositif à la diversité des attentes et des besoins des personnes âgées. Il prévoit la création de 25 000 places supplémentaires en maisons de retraite, une augmentation du taux d'encadrement, mais aussi une plus grande possibilité de rester à domicile. Dans cette optique, il envisage la création de 32 000 places de services de soins infirmiers à domicile et de porter le nombre de places en hospitalisation à domicile à 15 000. Pour son financement, l'assurance maladie devra consacrer 2,3 milliards d'euros de crédits supplémentaires, de manière progressive sur cinq ans.
Les réactions n'ont pas tardé. Les initiateurs de la pétition « Vieillir digne » ont évoqué un plan « largement sous dimensionné » par rapport à l'évolution des besoins. Ils ont trouvé « très étonnant - et même inquiétant - de voir qu'un plan censé être consacré à la prise en charge des personnes âgées faisait totalement abstraction de la problématique des unités hospitalières de soins de longue durée ».
L'Association des directeurs d'établissements d'hébergement pour personnes âgées, l'ADEHPA, a exprimé quant à elle son « désaccord sur les réponses qui sont apportées ». Pour elle, « on se trouve à nouveau avec un petit plan ». Pour l'UNIOPPS, ce plan « fixe des objectifs consensuels mais, quand on y regarde de près, il est très loin de répondre aux besoins, qu'il s'agisse du taux d'encadrement en personnel soignant dans les établissements ou les services de soins, ou du nombre de créations de places en établissements d'hébergement ».
Enfin, si la Fédération hospitalière de France, la FHF, a approuvé les mesures du plan, elle a estimé que « les moyens annoncés pour financer ce plan ne sont pas suffisants ». Elle a également regretté que la question « du ?reste à charge? » pour les résidents et leur famille, aujourd'hui encore beaucoup trop élevé » ne soit abordée que de manière partielle.
D'un avis unanime, monsieur le ministre, c'est le terme « insuffisant » qui caractérise le mieux votre plan. J'ajouterai même, au regard de sa mise en oeuvre dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, qu'il s'inscrit dans une démarche pusillanime.
Si l'on prend l'exemple du congé de soutien familial, permettant à un membre de la famille d'interrompre son activité professionnelle, il ne s'adresse qu'à des cas où les revenus familiaux le permettent. Comment feront les familles les plus démunies ? Elles devront se débrouiller pour financer la prise en charge de la personne dépendante avec des aides qui fondent comme neige au soleil.
Mettre en place une consultation de prévention pour les personnes de plus de soixante-dix ans afin de dépister des maladies ou des incapacités est certes une bonne idée, mais à cet âge, il est un peu tard pour faire de la prévention. C'est tout au long de la vie qu'il faut instaurer la prévention et l'éducation à la santé. Monsieur le ministre, il ne faut pas avoir peur d'aller plus loin !
La prise en charge de la dépendance des personnes âgées est une réforme qui doit être menée en profondeur. L'insuffisance de financement de votre plan fait craindre que des problèmes essentiels ne soient mis de côté.
La formation des personnels est l'un de ces problèmes. Il faut veiller à ce que la formation soit de qualité et à ce qu'elle intègre une approche spécifique et humanitaire du patient.
La complexité des financements est un autre problème. Cette complexité aboutit à des financements disparates sur tout le territoire, au détriment d'une prise en charge équitable des personnes dépendantes, ce dont ces personnes sont les premières victimes ainsi que leurs familles. La participation de l'État, du département, des communes, des caisses de sécurité sociale, sans oublier la contribution des personnes âgées rendent illisible le partage des responsabilités et des compétences en matière de financement. La trop grande hétérogénéité des tarifs ne permet pas d'appréhender facilement le « reste à charge ». Une transparence totale doit être apportée en matière de tarification.
La prise en charge de la dépendance est un défi auquel nous devrons faire face dans les années à venir. L'allongement de la durée de vie est une chance pour notre société, mais il doit être correctement accompagné par la création de places en maisons de retraite et d'emplois supplémentaires. D'autres questions essentielles devront être également traitées : le coût élevé des établissements, le « reste à charge », la clarification des compétences et la formation des personnels. Pour répondre à toutes ces questions, un débat public avec tous les partenaires nous paraît indispensable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dépendance présente de multiples aspects et concerne de nombreuses personnes, âgées ou non, ainsi que leurs familles. Des problèmes difficiles commencent à se poser. On pourrait ainsi longuement évoquer le problème de la prise en charge des adultes handicapés par des parents âgés ; des solutions d'hébergement devront être trouvées très rapidement.
Je n'aborderai ici que certains points concernant la situation des personnes âgées.
La dépendance est l'un des problèmes sociaux les plus aigus auxquels nous sommes confrontés, non pas que le phénomène soit nouveau - les premiers rapports sur ce sujet datent d'environ vingt ans -, mais l'allongement de la vie entraîne mécaniquement l'augmentation du nombre de personnes et de familles concernées. C'est ce qui se passe notamment en ce qui concerne les situations de désorientation temporo-spatiale, qu'elles soient dues à la maladie d'Alzheimer ou à d'autres formes de dégénérescence. Dans ces situations, les proches sont souvent désemparés, d'autant plus que l'état de dépendance peut s'étendre sur une longue période.
La majorité actuelle, monsieur le ministre, a fait plus que n'importe quelle autre dans ce domaine, en assurant notamment la pérennisation d'un certain nombre de financements, auparavant fort aléatoires ; elle a en quelque sorte mis fin au financement à crédit pratiqué précédemment.
Il n'en reste pas moins que nous devons relever plusieurs défis. J'en distinguerai plus particulièrement trois : la prévention, la prise en charge et le financement de la dépendance. Je conclurai par quelques mots sur un problème qui m'inquiète, à savoir la complexité administrative de plus en plus grande dans ce secteur.
Le premier défi à relever est celui de la prévention.
Il n'est pas sûr que la prévalence de la dépendance augmente à l'avenir. Des signes indiquent même qu'elle pourrait diminuer dans les sociétés développées, du fait d'une amélioration de la qualité de vie et des soins, ainsi que d'une plus grande activité intellectuelle des générations à venir de personnes âgées. Cependant, cette diminution pourrait être en grande partie masquée par l'augmentation de l'indice de vieillissement de la population.
Aussi, si nous voulons limiter le nombre de personnes dépendantes, il nous faut développer la recherche dans ce domaine, tant en sciences médicales qu'en sciences humaines, tout en nous gardant de susciter des espoirs inconsidérés s'agissant de telle ou telle thérapie innovante que d'aucuns s'empressent de nous présenter comme le miracle absolu. Aucun résultat dans ce domaine ne peut être atteint du jour au lendemain.
Il y a lieu également de préparer les futurs retraités à cette nouvelle période de leur vie. Si un grand nombre d'entre eux savent préparer intelligemment et activement ce changement de situation, il en est trop qui se trouvent désemparés, se sentent inutiles et plus ou moins rejetés par nos systèmes économiques et sociaux - cela plaide d'ailleurs en faveur du maintien au travail des seniors. Ils peuvent alors être victimes davantage et plus vite de la dépendance. Il nous faut donc encourager les initiatives dans ce domaine.
Le deuxième défi qu'il nous faut relever est celui de la prise en charge.
Dans ce domaine, il y a lieu de se pencher sur la formation de ceux qui sont appelés à intervenir auprès des personnes âgées. Les aspects techniques de la formation sont en général assez bien assurés. En revanche, la formation humaine constitue un point faible. En effet, les personnes âgées à prendre en charge, quelle que soit la dégradation de leur état, demeurent des personnes à part entière et doivent être considérées et traitées avec encore plus d'humanité.
Certes, la plupart des professionnels font des efforts considérables dans ce sens, mais n'oublions pas que la maltraitance existe, comme cela a été souligné dans de nombreux rapports, celle-ci étant plus souvent due à une absence de connaissances qu'à une volonté de nuire.
La formation humaine doit, à mon sens, concerner l'ensemble des intervenants, du médecin jusqu'au personnel de service, en passant par les cadres hospitaliers, les infirmiers, les aides-soignants ou les gestionnaires d'établissement.
La prise en charge peut également être améliorée, me semble-t-il, par une meilleure organisation, notamment dans les établissements. À cet égard, il est regrettable que la généralisation de la réduction du temps de travail ait trop souvent eu trois conséquences : l'augmentation de la charge financière pour les résidents - et éventuellement pour la collectivité -, l'accroissement de la charge de travail pour certains personnels et, en fin de compte, la détérioration du service. Finalement, si la réduction du temps de travail a peut-être été une avancée sociale pour certains, elle a également constitué une régression sociale pour d'autres.
Il n'est que trop patent que le maintien du carcan absurde de la RTT empêchera toute amélioration significative du service rendu aux personnes. Ainsi, j'ai fait calculer dans le département du Maine-et-Loire, lorsque j'en avais la responsabilité, le coût des 35 heures dans le domaine du handicap : il a représenté deux cents places d'accueil de personnes adultes handicapées !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Rien que ça ?
M. André Lardeux. Permettez-moi donc de faire une suggestion.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faut faire sauter le verrou des 35 heures !
M. André Lardeux. Beaucoup pensent - et l'idée n'est pas à rejeter - au développement d'un service civil pour les jeunes. D'aucuns imaginent de le rendre obligatoire, sans s'inquiéter du fait que l'on n'ait pas le premier euro pour le financer. Malgré tout, si un tel service devait être instauré, que ce soit ou non sur la base du volontariat, l'accompagnement de la population âgée devrait être l'un des axes de sa mise en oeuvre. Cela aurait, me semble-t-il, l'avantage de rapprocher les générations, de permettre aux jeunes qui accompliraient ce service d'acquérir une expérience utile et, accessoirement, d'atténuer les coûts de prise en charge.
J'en viens au troisième défi : le financement de la dépendance.
Certains occultent volontiers cet aspect ou s'imaginent qu'il y a ici ou là une poudre de perlimpinpin, des trésors cachés qu'il suffirait de faire surgir. En réalité, le financement est le nerf de la guerre, mais la porte du financement est étroite...
Monsieur le ministre, je veux saluer à cet égard les améliorations que prévoit le projet de loi de financement de la sécurité sociale, comme le congé de soutien familial, mais tout le monde sait que le cadre actuel de financement ne suffira pas dans l'avenir, que ce soit le financement national ou le financement départemental.
Un premier pas a été fait avec la fameuse Journée de solidarité, le lundi de Pentecôte. Si l'on veut financer de nouveaux besoins, il faut en effet créer un peu plus de richesses. Cela passe évidemment par une augmentation du temps de production. Dans le cas présent, l'effort demandé a été minime, puisqu'il ne représente qu'un surcroît de 0,4 %, soit deux minutes par jour travaillé. Ce n'est tout de même pas la mer à boire ! Je regrette donc l'incroyable manifestation d'égoïsme national qui s'est déclenchée au moment de la mise en oeuvre de cette Journée. En observant cela, on ne peut qu'être inquiet quant à l'idée que certains se font de la solidarité et se dire que l'on aurait peut-être dû être plus audacieux : quitte à être impopulaire, autant instaurer non par une Journée, mais deux Journées de solidarité !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui !
M. André Lardeux. Cela nous aurait donné un peu plus de moyens et de recul pour examiner les problèmes à venir.
M. Roland Muzeau. Pourquoi ne pas faire sauter la cinquième semaine de congés payés aussi ?
M. André Lardeux. Cela arrivera peut-être un jour, monsieur Muzeau !
M. Roland Muzeau. Eh bien bravo...
M. André Lardeux. Cela étant dit, comme on ne peut raisonnablement pas augmenter les prélèvements obligatoires, qui sont l'une des causes de la faible croissance en France et dans la zone euro, il faudra avoir le courage de faire des choix entre les différentes prestations et de remettre en cause une partie d'entre elles, dans certaines limites cependant. Ainsi, il ne faut pas toucher aux prestations concernant l'enfance, qui conditionnent notre avenir.
J'évoquerai également un sujet qui est cher à certains d'entre nous- je suis de ceux-là - et que d'aucuns considèrent comme un serpent de mer : la récupération sur succession.
On va crier à l'injustice, ce qui ne me paraît pas justifié. À mon sens, c'est la situation actuelle qui est injuste. En effet, la récupération est possible sur l'aide sociale à l'hébergement, mais non sur l'allocation personnalisée d'autonomie. La récupération s'effectue donc au détriment des personnes les moins favorisées, ce qui est un comble !
On peut certes préconiser la suppression de toute récupération, mais je pense qu'il faut faire le contraire. La récupération sur succession a un effet non négligeable de moralisation et de régulation de la demande. Elle permet à ces aides de demeurer ce qu'elles doivent être, c'est-à-dire des aides subsidiaires.
Nous devrons donc, les uns et les autres, faire preuve d'un peu de courage. Si tel n'était pas le cas, nous ne serions plus très fondés à récriminer contre l'augmentation des charges, notamment à l'échelon départemental.
Je n'ignore pas, monsieur le ministre, les objections juridiques que vous ne manquerez pas d'opposer à ces arguments, mais elles ne doivent pas, à mon sens, nous interdire d'examiner cette question de façon approfondie.
Pour terminer sur ce chapitre, j'indique dès maintenant que j'apporterai tout mon soutien aux amendements qu'Alain Vasselle défendra dans la suite du débat sur l'assurance dépendance.
En annexe à ces questions de financement, je tiens à aborder le problème des subventions d'investissement que l'on accorde aux établissements. J'ai évidemment accordé de telles subventions lorsque j'étais responsable d'une collectivité, mais je me suis toujours interrogé à leur sujet, notamment sur leur efficacité.
Il faut savoir que dans le prix de journée les frais de personnel représentent 70 %. L'investissement pèse donc assez peu. Lorsqu'il bénéficie d'une subvention d'investissement, l'établissement ne fait donc que l'économie des frais financiers que représente l'emprunt non réalisé. En revanche, le capital doit être amorti et répercuté sur le prix de journée. Bien sûr, nous pouvons utiliser l'artifice de l'allongement de la durée d'amortissement, mais cela a des limites, notamment pour la rénovation future et la modernisation des établissements. Il nous faut donc réfléchir à des moyens. L'idée du prêt à taux zéro constitue déjà un progrès dans ce sens.
Enfin, pour conclure, je dirai quelques mots de la complexité administrative de notre système de prise en charge.
Nous avons mis en place la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, ce qui est une bonne chose. Dans son principe, cette Caisse devait permettre une simplification. À cet égard, je tiens à saluer le travail qu'effectuent son président et son directeur pour la faire fonctionner le mieux possible.
Mais vues de la base, les choses ne paraissent pas si simples. Les responsables d'établissement sont ballottés entre la CNSA, le conseil général, la direction départementale des affaires sanitaires et sociales, la DDASS, les services centraux du ministère, sans oublier l'agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, la caisse régionale d'assurance maladie, la CRAM, la caisse primaire d'assurance maladie, la CPAM, la Mutualité sociale agricole, la MSA, et les divers organismes de retraite. C'est à se demander s'il y a réellement un pilote dans l'avion !
Pourquoi faire adresser à l'administration centrale les demandes de subventions qui sont financées par la CNSA ? Dans ce cas, à quoi sert la DDASS ? En matière de déconcentration, il me semble qu'on fait mieux et que cela n'accélère pas la consommation des crédits. Je vous laisse imaginer les dégâts lorsque la réponse est négative alors que le dossier a exigé beaucoup de temps, que la demande répond aux critères et qu'elle porte parfois sur un montant modeste ! Comment voulez-vous que les acteurs locaux ne perdent pas un peu confiance ? Ces demandes devraient être traitées à l'échelon local.
Monsieur le ministre, il me semble nécessaire de mettre un peu d'ordre dans ce domaine. Il est urgent que, sur le terrain, les responsables disposent d'un interlocuteur unique. Les DDASS sont-elles encore nécessaires ? Peut-être pas. Peut-être faudrait-il imaginer un autre dispositif et créer, par exemple, un échelon régional unique, regroupant la direction régionale des affaires sanitaires et sociales, la DRASS, et l'ARH, avec des responsabilités déconcentrées.
Voilà les quelques réflexions que m'inspire la question de la dépendance. La façon dont nous y répondrons fixera l'image de notre société : elle sera positive si la solidarité s'exerce effectivement, négative si l'individualisme hédoniste le plus égoïste triomphe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Patricia Schillinger.
Mme Patricia Schillinger. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2005, on comptait en France quelque 1 100 000 personnes de plus de quatre-vingt-cinq ans. Elles seront 800 000 de plus en 2015 et leur nombre aura doublé en 2020. Si la plupart des personnes âgées vont bien vieillir, en conservant un bon état de santé, il faut savoir que la perte d'autonomie touche aujourd'hui 6 % à 7 % des personnes de plus de soixante ans.
Toutes les projections démographiques le confirment : nous allons vers un vieillissement progressif de la population française et un accroissement des situations de dépendance physique et psychique. La société française, comme la plupart des sociétés occidentales, va être durablement affectée par cette situation qui, directement ou indirectement, concernera tôt ou tard toutes les familles. Il s'agit d'un défi médical, social et financier encore largement sous-estimé, que seule une politique soigneusement préparée et construite pourrait aider à relever.
Malheureusement, la politique du Gouvernement en direction des personnes âgées et handicapées souffre d'un manque de lisibilité et de cohérence. Cette politique, faute de financement pérenne, manque d'ambition. Elle se situe encore aux limites de l'aide sociale, alors que la perte d'autonomie devrait être appréhendée comme un risque social à part entière, avec un financement et une prise en charge à long terme. Les perspectives concernant la prise en charge sont pessimistes, aussi bien pour les personnes âgées dépendantes que pour les handicapés.
La Cour des comptes a, à maintes reprises, fortement critiqué l'insuffisance des financements concernant les personnes âgées dépendantes. Les personnes âgées et leurs familles sont les premières victimes de l'insuffisance et de la complexité des financements.
En effet, la situation actuelle aboutit à des financements disparates sur tout le territoire, au risque d'engendrer des discriminations, au détriment d'une prise en charge équitable des personnes.
Le financement des dépenses assurées par la collectivité relève d'un grand nombre d'acteurs : l'État, les collectivités territoriales, la sécurité sociale, les établissements publics comme le Fonds de financement de l'allocation personnalisée d'autonomie, le FFAPA, remplacé en 2004 par la CNSA. Cet ensemble d'acteurs est marqué par un faible engagement direct du budget de l'État dans les dépenses en faveur des personnes âgées. L'essentiel des financements provient des départements, de l'assurance maladie et des coûts supportés indirectement par l'État via des exonérations d'impôts.
Les financements budgétaires de l'État en faveur des personnes âgées dépendantes ont toujours été limités et ont régressé au rythme des transferts de compétences vers le FFAPA, puis la CNSA et les départements.
Les sources et les circuits de financement sont particulièrement complexes, puisqu'ils font intervenir la fiscalité nationale, la fiscalité locale, les cotisations sociales. Un même type de ressources peut profiter à plusieurs acteurs : la contribution sociale généralisée, la CSG, participe ainsi au financement des prestations de la sécurité sociale, mais aussi à celui de l'APA.
L'État, les départements, les communes, les caisses de sécurité sociale ou de vieillesse ainsi que les établissements sont autant d'intervenants pour cette prise en charge. De plus, les personnes âgées contribuent directement.
Cette multiplicité d'intervenants rend illisible le partage des responsabilités et des compétences en matière de financement des dépenses de fonctionnement et d'investissement des établissements. Il faut simplifier le paysage institutionnel. Un service efficace est aussi un service lisible, et ce n'est pas le cas actuellement.
La création de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, par la loi du 30 juin 2004, annoncée comme une solution par le Gouvernement, n'a pas permis de clarifier le financement des actions en faveur des personnes âgées, actuellement prises en charge par de multiples acteurs. Comme nous l'avions annoncé au cours des débats en 2004, la création de cette caisse a renforcé la complexité d'un système déjà fort compliqué, avec des responsables multiples et des financements croisés.
Les différentes aides apportées aux personnes dépendantes doivent être clairement affichées, qu'elles proviennent des collectivités territoriales ou des caisses de sécurité sociale et de retraite. Il est urgent de mettre en place un système d'information maîtrisé par la Caisse qui organise la transparence sur les actions menées et les dépenses réalisées par les départements et qui permette de repérer les situations particulières.
Par ailleurs, le 25 avril 2006, lors d'une réunion du conseil de la CNSA, il aurait été décidé de l'affectation partielle de fonds au financement du recrutement et de la formation de trois cents éducateurs sportifs au bénéfice de fédérations de sport adapté. Cette information est-elle exacte, monsieur le ministre ?
Cette décision est particulièrement choquante. Je rappelle que le budget de la CNSA, financé par les salariés à travers les cotisations sociales et la journée annuelle de travail gratuite, ne doit pas financer une activité qui est du ressort du budget de l'éducation nationale et donc de l'État. À l'issue de cette réunion, de nombreux membres du conseil de la CNSA auraient d'ailleurs demandé à leur président de notifier au Gouvernement leur opposition à cette décision.
Monsieur le ministre, où est la transparence ? Pouvez-vous nous donner des explications ?
Il faut assurer une meilleure visibilité des enveloppes budgétaires et de leur répartition dans le but de mieux connaître les besoins analysés au niveau local.
En l'état actuel, malgré de nouvelles sources gérées par la CNSA, les financements sont loin de couvrir les besoins de l'ensemble des personnes âgées.
Je tiens à évoquer un autre défi, celui de la prise en charge des personnes handicapées vieillissantes. À soixante ans, celles-ci sont souvent renvoyées des établissements spécialisés. Environ 650 000 personnes sont aujourd'hui concernées.
Déjà lourd à prendre en charge pour les familles, le handicap est encore plus difficile à appréhender lorsqu'il est cumulé avec l'âge. Que devient-on quand on est handicapé, particulièrement handicapé mental, et que l'on atteint l'âge de soixante ans ? Passé ce stade, les institutions considèrent ces citoyens non plus comme des handicapés, mais comme de simples personnes âgées, ne leur proposant donc pas d'accueil spécifique.
À l'exception de certaines initiatives locales individuelles dispersées sur le territoire, il n'y a, à ce jour, aucun système coordonné en France pour faire face à ce problème singulier et, compte tenu de l'augmentation de l'espérance de vie, inexorablement croissant. Or quelque 400 000 personnes handicapées depuis leur plus jeune âge ont aujourd'hui dépassé la soixantaine. Au total, la population handicapée vieillissante est estimée à 650 000. C'est ainsi que 70 % des actuels porteurs de la trisomie 21 devraient vivre au-delà de cinquante ans.
Le rapport de M. Paul Blanc intitulé : « Une longévité accrue pour les personnes handicapées vieillissantes : un nouveau défi pour leur prise en charge » dénonce une situation alarmante. Selon lui, « les personnes handicapées vieillissantes et leur famille vivent dans la hantise d'être virées de l'établissement qui les héberge après soixante ans ».
M. Paul Blanc. Tout à fait !
Mme Patricia Schillinger. Toujours selon ce rapport, l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, qui intervient à soixante ans, inciterait les directeurs d'établissements spécialisés à « mettre dehors » ces personnes handicapées...
Mme Patricia Schillinger. ...sous prétexte qu'elle peut couvrir en partie les frais d'hébergement dans des maisons de retraite ou des établissements pour personnes âgées classiques.
Il faut donc des places spécifiquement destinées à ces personnes dans les établissements...
Mme Patricia Schillinger. ...et davantage de fonds, monsieur le ministre.
Pour finir, on observe que l'insuffisance des crédits globaux conduit l'État à différents subterfuges tels que la diminution des ratios de personnels dans certains établissements, le non-financement des augmentations de salaires des employés, la sous-estimation du coût réel des créations nouvelles et le transfert à la CNSA de charges non financées.
L'amélioration de l'aide aux personnes âgées fragilisées à domicile et en établissement ne peut passer que par la création de ressources nouvelles, sans quoi les graves retards français ne pourront jamais être comblés.
La seule réponse tangible du Gouvernement aux besoins de prise en charge de la dépendance est finalement la suppression d'un jour de congé au détriment des salariés, qu'il s'agisse d'un jour férié travaillé - le fameux lundi de Pentecôte - ou d'un jour de congé dans le cadre de la réduction du temps de travail. Le plan dépendance sera donc financé par les salariés, qui devront travailler un jour supplémentaire, et ce gratuitement.
Ainsi, après avoir joué de la culpabilisation, le Gouvernement fait porter le poids de la solidarité nationale sur les seuls salariés. Il prend prétexte d'un problème grave pour notre pays qui exige une vraie réponse solidaire.
La dépendance est un défi majeur qu'il faut relever. L'important est de définir clairement les responsabilités et de se donner les moyens.
Je me permets d'insister sur la nécessité d'accélérer la professionnalisation des personnels. La formation doit permettre une nouvelle approche des soins : technicité et humanité doivent aller de pair pour améliorer le bien-être des résidents dans les établissements. Un plan de formation et de qualification est un élément essentiel pour que les établissements répondent aux besoins des personnes et de leurs familles.
Il est également essentiel de développer un partenariat dans l'ensemble du champ sanitaire, social et médicosocial. L'accès aux soins de proximité doit être préservé et même privilégié dans certaines régions qui subissent un déficit de professionnels. L'articulation entre les secteurs hospitalier et ambulatoire, mais aussi médicosocial, social, médical et paramédical doit être encouragée, notamment en gérontologie.
Notre pays va devoir relever le grand défi du vieillissement de la population et de la prise en charge des personnes dépendantes. Cela aurait mérité une réflexion collective plus approfondie. Il faut bien dire que le Gouvernement manque aujourd'hui d'une véritable ambition pour répondre durablement aux questions posées par les réalités démographiques et sanitaires. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la dépendance est une question grave, à la fois humaine et sociale.
À son sujet, nos concitoyens sont travaillés par deux interrogations : « comment prendra-t-on en charge la dépendance de l'un de mes proches ou de moi-même ? Combien cela me coûtera-t-il au final ? », qui deviennent tout simplement pour les plus modestes : « pourrai-je payer ? ».
Parce qu'il en va de la dignité de l'existence et qu'ils ont conscience que les handicaps physiques ou mentaux sont incontournables, les Français aspirent fondamentalement à une prise en charge collective de la dépendance.
Comme pour les risques traditionnels, ils souhaitent que nous nous dotions de mécanismes solidaires de prévention et de protection. Ils refusent ainsi de voir le devenir des personnes âgées ou handicapées relever de la simple responsabilité familiale, avec le cortège d'inégalités qu'implique le chacun pour soi.
C'est de l'adéquation entre les besoins des personnes dépendantes et les capacités de notre système de santé et de solidarité qu'il nous faut aujourd'hui parler. Mon propos consistera donc à aborder les deux défis que nous aurons à affronter : améliorer la qualité des soins et veiller à un financement suffisant et pérenne des politiques publiques de prise en charge de la dépendance. Comme l'atteste une récente étude de la DRESS, ce sont les deux préoccupations majeures des Français.
Je passerai assez rapidement sur la question de la qualité des soins et des prises en charge, tant les efforts accomplis par les professionnels, qu'il s'agisse des intervenants à domicile ou en établissement, sont constants et incontestables.
Toutefois, il est intéressant de noter que la CNSA a fait figurer parmi ses objectifs pour 2007 une inscription budgétaire en faveur de l'élévation de la qualité des interventions pour les personnes dépendantes. Ces subventions pour le renforcement de la professionnalisation des métiers de service, inscrites dans la section IV du budget de la caisse, vont dans le bon sens. Elles devraient cependant être réformées.
En effet, en 2006, les crédits budgétés pour l'aide à la qualification de l'aide à domicile n'ont été que peu consommés, faute sûrement d'incitation ou de communication suffisante. Ne pourrait-on imaginer que cette enveloppe soit déléguée aux conseils généraux afin qu'ils impulsent, en lien avec l'État et les conseils régionaux, des démarches locales pour améliorer la profession ainsi que les statuts des intervenants, qui sont souvent précaires ?
En 2007, la CNSA a prévu l'élargissement de ces actions de formation vers les personnes handicapées. C'est heureux ! Il serait paradoxal, alors que vient d'être instaurée une nouvelle et généreuse prestation centrée sur les aides humaines - la prestation de compensation du handicap -, que rien ne soit prévu pour la professionnalisation des métiers d'aide à la personne handicapée.
À ce propos, je souhaite préciser que la CNSA, malgré les déclarations rassurantes ou les documents d'objectifs communs, a pris un parti contraire à celui du Gouvernement. Ce dernier, en introduisant l'aide à domicile parmi les secteurs d'activité éligibles au chèque emploi-service universel, a en effet ouvert la brèche de l'abaissement de la qualification moyenne des intervenants, et donc de la réduction potentielle de la qualité des prises en charge.
La vision très libérale du Gouvernement, avec l'organisation d'une concurrence par les prix entre quelques grandes enseignes du secteur de la banque et de l'assurance, n'est pas celle que nous souhaitons. À nos yeux, l'aide à domicile n'est pas et n'a pas à devenir un marché comme les autres. Nous souhaitons donc que l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, créée par le projet de loi de financement de la sécurité sociale, permette la mise en place d'une évaluation objective et transparente du niveau des prestations fournies aux personnes âgées et handicapées.
Mais venons-en aux questions quantitatives, qui constituent le coeur du problème.
La solidarité pour l'autonomie progresse-t-elle en France ? Si oui, peut-on dire que son rythme de progression est compatible avec les besoins de notre époque ? Son financement est-il suffisant et pérenne ?
J'ai bien noté la volonté du Gouvernement, maintes fois réitérée depuis la catastrophe sanitaire de l'été 2003, d'« adapter le système de soins à la longévité de la vie », notamment par l'application du plan de solidarité grand âge.
J'ai également pris acte de la volonté exprimée dans le PLFSS d'offrir des solutions sur tout le territoire aux personnes en situation de handicap.
Reste toutefois à savoir si la vérité des actes est en harmonie avec le volontarisme des paroles. Pour répondre à cette question, je distinguerai deux éléments dans les engagements financiers de l'ONDAM médico-social et de la CNSA : d'une part, les établissements et, d'autre part, les allocations individuelles, qui, si elles ne relèvent pas de I'ONDAM stricto sensu, participent de la volonté d'humanisation de la dépendance.
En ce qui concerne les établissements, je veux d'abord saluer la méthode de travail instaurée par la CNSA en vue d'évaluer les besoins médico-sociaux sur l'ensemble du territoire. La méthode des programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie, plus communément appelés PRIAC, devrait permettre une analyse exhaustive et, je l'espère, partagée des besoins. En tout cas, pour la première année de sa mise en oeuvre, la concertation entre les représentants de l'État - le préfet de région et le préfet de département - et les présidents de conseils généraux a été très limitée, du moins pour ce qui me concerne.
Aujourd'hui, sans contestation possible, nous savons où nous en sommes des projets sur le territoire. Mais passés les décomptes vient l'heure des comptes. Et là, malgré des efforts, le Gouvernement nous soumet un PLFSS trop peu doté !
Certes, l'objectif global des dépenses médico-sociales, c'est-à-dire le cumul de I'ONDAM médico-social et de la dotation complémentaire de la CNSA, augmente à un rythme notable, comme l'a indiqué M. le rapporteur. Avec une inscription de 11,700 milliards d'euros, l'OGD évolue. C'est essentiellement le cas pour les crédits en faveur des personnes âgées, qui enregistrent une progression supérieure à 10 %, tandis que les financements médico-sociaux pour les personnes handicapées ne devraient augmenter que de 5 %, passant de 6,8 milliards à 7,5 milliards d'euros.
Nous pourrions être tentés de penser que le Gouvernement a enfin pris le parti de l'action, après quatre années insatisfaisantes. Mais les évolutions en pourcentage ne doivent pas masquer que nous partons de très loin ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quel aveu, monsieur Cazeau !
M. Bernard Cazeau. Nous partons de loin en raison de votre inaction.
Mme Raymonde Le Texier. C'est insupportable : c'est toujours la faute des autres !
M. Bernard Cazeau. Nous connaissons le refrain de l'héritage. On nous le serine depuis le début de la législature. Mais il faudrait peut-être arrêter : vous êtes au pouvoir depuis cinq ans !
M. Bernard Cazeau. Bref, pour les personnes âgées, on nous annonce 5 000 places supplémentaires en EHPAD. C'est positif, mais il en faudrait le double ! Ce n'est pas moi qui le dis, c'est l'ensemble des acteurs de ce secteur. Certains parlent même de 30 000 places par an jusqu'en 2010. Vous le savez, le nombre de personnes âgées est en forte croissance dans ce pays grâce aux progrès de la médecine.
On nous parle de la maison de retraite de demain, mieux encadrée, mieux médicalisée. Mais nous en sommes bien loin en pratique, et les taux d'encadrement en établissement n'évoluent que symboliquement.
On nous parle du libre choix et de la promotion du maintien à domicile, alors que l'on ne propose que 6 000 places supplémentaires de SSIAD, tandis que les besoins sur le terrain sont colossaux.
M. Bernard Cazeau. Je ne fais que constater l'augmentation des besoins, monsieur le ministre.
Quel paradoxe de la communication politique de voir le Gouvernement se réjouir dès la mise en place du plan de solidarité grand âge quand on sait que son rythme de croisière ne sera atteint qu'en 2010, c'est-à-dire dans quatre ans, et que nous n'en sommes encore qu'aux balbutiements. Mais je sais que vous êtes un champion de l'effet d'annonce. Il faut bien être champion de quelque chose ...
M. Bernard Cazeau. Pour les personnes handicapées, de nombreuses créations sont annoncées en MAS, FAM ou SAMSAH. L'autisme et le polyhandicap semblent être mieux pris en compte. Vous le voyez, je reconnais que votre bilan n'est pas toujours négatif.
Mais, dans le détail, ces mesures nouvelles sont insuffisantes, surtout dans mon département où elles sont égales à zéro ! Pourtant, nous avions fait de fortes demandes.
Bref, I'OGD a beau progresser, le compte n'y est pas encore.
Je terminerai par les allocations.
Je profite du débat sur la prise en charge de la dépendance pour alerter notre Haute Assemblée sur les manquements à la solidarité nationale en matière de prestations individualisées sous forme d'allocation. C'est dès à présent vrai pour l'allocation personnalisée d'autonomie, que M. Mercier a lui-même évoquée.
Après un taux de couverture de la dépense de l'APA des départements par la CNSA de 34 % en 2005, de 33 % en 2006, nous nous acheminons - je parle en moyenne, car certains chiffres sont inférieurs à 30 % - vers un taux de 32 % en 2007.
Cette situation appelle une réforme urgente. La solidarité nationale, si elle poursuit son déclin, risque de déboucher sur de fortes disparités entre départements riches et pauvres. L'APA, qui se fondait sur la parité entre solidarité nationale et solidarité locale, ne correspond plus à la volonté du législateur de 2002. En sera-t-il de même pour la PCH, qui, contrairement à I'APA, connaît une montée en charge beaucoup plus lente, mais dont le fort élargissement de l'assiette peut nous laisser craindre des problèmes financiers à l'avenir ?
Les allocations individuelles, outils majeurs de la prise en charge de la dépendance, ne sont finalement pas correctement financées. Les conseils généraux en paient le prix, parfois aux dépens de leurs politiques traditionnelles, parfois au prix de l'élévation de la pression fiscale. M. Mercier le sait bien, mais son département étant riche, il parvient à surmonter le problème sans trop pressurer les contribuables, quoique ....
M. Bernard Cazeau. Cette situation n'est pas tenable. L'État doit donc prendre ses responsabilités mieux qu'il ne le fait aujourd'hui.
Vous le voyez, monsieur le ministre, le tableau de la politique nationale de la dépendance n'est pas aussi idyllique que la communication gouvernementale voudrait le laisser croire. Nous possédons certes de bons outils, mais pas assez de moyens pour les rendre performants.
Prenons le cas de la CNSA, qui a fait ses preuves.
Malgré son incongruité sociale originelle - une solidarité principalement payée par les travailleurs de ce pays -, la CNSA s'est inscrite dans le paysage national. En matière de pilotage budgétaire, elle a prouvé qu'elle pouvait être un délégataire opérationnel efficace des crédits de l'assurance maladie consacrés à la dépendance : elle a bien maîtrisé ses coûts de gestion - il faut en remercier M. Denis Piveteau - et elle collabore intelligemment avec les autres institutions publiques impliquées dans le traitement de la dépendance. Mais elle témoigne de plusieurs carences, qui ont toutes la même origine : la CNSA ne peut dépenser que ce qu'elle peut donner !
Se pose dès lors la question fondamentale de l'évolution des coûts des prises en charge pour les bénéficiaires et leurs familles. À domicile, ces coûts devraient croître de 4 % à 5 % par an. En établissement, ils croîtront de 6 % à 8 % annuellement. Qui prendra en charge ces évolutions, soit directement, soit indirectement par le biais de la fiscalité départementale : la solidarité nationale ou les familles ?
Sur ce point, nous savons que le Gouvernement n'a pas de réponse à apporter, du moins pour l'instant. Mais nous savons surtout que les familles - et pas seulement les plus modestes - n'en peuvent plus d'ores et déjà.
Je terminerai donc par où j'avais commencé : notre pays est-il préparé aux bouleversements à venir, à une société à quatre générations, celle que nous allons connaître et qui existe parfois déjà ? Pas encore ! Il semble que le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, n'en ait pas jusqu'ici pris la mesure. Nous espérons qu'à la suite de ce débat il commencera à le faire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Nous voici parvenus au terme du débat sur la prise en charge de la dépendance. Je vais maintenant m'efforcer de répondre à chacun des intervenants.
Je voudrais d'abord souligner l'importance des mesures du projet de loi de financement de la sécurité sociale visant à permettre la mise en oeuvre en 2007 du plan de solidarité grand âge, que j'ai présenté en juin dernier.
Ainsi, 32 millions d'euros seront consacrés au développement des services de soins infirmiers à domicile, 5 millions à la création du congé de soutien familial, 38 millions - ce qui représente 5 000 places - à la création de places en maison de retraite médicalisée, 159 millions - soit 90 000 places - à l'achèvement de la médicalisation des places existantes et 67 millions à l'augmentation de l'encadrement en personnels soignants pour les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes. Le projet de loi prévoit également la modernisation du cadre bâti, sans peser sur le prix de journée grâce au prêt à taux zéro, auquel devraient s'ajouter, je l'espère, 100 millions d'euros si le Sénat décidait d'affecter cette somme aux travaux dans les établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes.
En outre, une politique de qualité est engagée avec la création de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux, la création de filières gériatriques, la réorganisation des unités de soins de longue durée et la consultation de prévention pour les personnes de plus de soixante-dix ans, ce qui représente 26 millions d'euros sur l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour les soins ambulatoires.
Ce sont donc des moyens très importants qui sont mobilisés au service de notre politique de solidarité à l'égard des personnes âgées dépendantes.
L'objectif global de dépenses, qui recouvre la totalité des financements des établissements et services concernant les personnes âgées dépendantes, augmentera en 2007 de 13,04 %, pour atteindre 5,6 milliards d'euros. Ce sont ainsi 650 millions d'euros supplémentaires qui seront consacrés en 2007 aux personnes âgées dépendantes, contre 587 millions d'euros en 2006.
L'énoncé de ces quelques chiffres suffit, monsieur Cazeau, à démontrer que votre survol de l'effort de la nation en faveur des personnes âgées dépendantes a pris une altitude telle que vous avez perdu l'exacte mesure des dispositions que contient le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007 ! Je tenais à faire cette mise au point.
MM. Vasselle, Jégou et Mercier ont rappelé l'ampleur de l'évolution de la dépendance et le coût qu'elle aura pour la collectivité mais aussi pour les personnes âgées et pour leur famille.
C'est en raison de l'importance de ces coûts qu'il est aujourd'hui tout à fait nécessaire de réfléchir à l'élaboration d'un nouveau schéma pour le financement de la dépendance.
M. Vasselle a évoqué l'expérience allemande. Il a également fait part de ses limites puisque l'instauration d'un cinquième risque dans ce pays constitue d'une certaine façon un demi-succès ou un demi-échec !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui !
M. Philippe Bas, ministre délégué. En fait, j'ai perçu la réticence que vous éprouvez pour ce schéma allemand, monsieur le rapporteur. Vous vous prononcez clairement en faveur d'un schéma alternatif qui prendrait la forme d'un système d'encouragements fiscal et social à la souscription d'une assurance dépendance. Il s'agit d'une proposition à étudier.
À cet égard, l'examen que vous avez entrepris et qui a débouché sur une proposition de loi, cosignée par Paul Blanc et quatre-vingt de vos collègues, constitue un pas en avant dans cette voie.
Cependant, il ne s'agit pas du seul schéma possible. C'est pourquoi j'ai confié à Mme Gisserot une mission dont j'ai rappelé tout à l'heure l'importance. Le rapport qu'elle remettra préparera le grand débat national de 2007 sur la prise en charge des personnes âgées dépendantes.
M. Mercier a exprimé le souci qu'il se fait au sujet de la transformation d'une partie des lits d'unités de soins de longue durée en lits de maisons de retraite médicalisées.
C'est un sujet sur lequel je travaille depuis dix-huit mois. J'ai hérité d'un dispositif qui, dans un premier temps, visait à transférer l'intégralité des unités de soins de longue durée en maisons de retraite médicalisées. Puis, l'année dernière, vous avez adopté, mesdames, messieurs les sénateurs, une mesure qui nous donnait un an de réflexion.
À l'expiration de cette échéance, je vous propose de permettre aux établissements de choisir la formule qui leur convient le mieux, et ce dans un délai de trois ans.
Il faut considérer, en effet, que la place d'une personne âgée quand elle n'est pas malade, même si elle est lourdement dépendante, n'est pas à l'hôpital. Le maintien durable au sein du système hospitalier des personnes âgées de notre pays n'est pas un avenir à leur offrir. L'accueil dans une maison de retraite médicalisée conviendrait beaucoup mieux à leur situation en leur offrant une prise en charge et une combinaison d'actes de soins en relation avec leur état.
M. Guy Fischer. Il y a de quoi faire !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Il est donc très légitime de s'interroger sur la pertinence de la prise en charge hospitalière d'un certain nombre de personnes âgées qui ne souffrent pas de maladie.
C'est tout simplement en fonction de cette approche, que je qualifierai d'humaniste, que ce processus a été engagé bien avant que je sois ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. J'ai souhaité accorder tout le temps nécessaire pour que cette prise en charge s'opère dans de bonnes conditions, en faisant en sorte que le partage des malades, sur place - il ne s'agit bien sûr pas de faire déménager qui que ce soit ! -, entre les personnes âgées qui vivront sous le régime de la maison de retraite médicalisée et celles qui seront maintenues en unité de soins gériatriques puisse se faire au cas par cas, dans les meilleures conditions possibles pour les établissements et en accordant naturellement à ces derniers les moyens qui conviennent à leur bon fonctionnement. C'est un engagement que j'ai pris et qui sera tenu.
Il s'agit uniquement pour moi d'améliorer la prise en charge des personnes âgées et non de mettre en oeuvre des dispositions dont le seul motif serait d'ordre financier. Cela va de soi, je n'y insiste pas.
M. Guy Fischer. La vérité, c'est que vous voulez faire des économies !
M. Philippe Bas, ministre délégué. M. Paul Blanc a rappelé notre effort de création de places.
J'ai cru comprendre que pour M. Cazeau cet effort n'était pas suffisant. Pourtant, monsieur le sénateur, avant le plan vieillesse-solidarité, décidé par le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin, et le plan solidarité grand âge, décidé par le gouvernement de Dominique de Villepin, jamais en France un effort aussi colossal - pour reprendre votre expression - n'avait été mis en oeuvre dans la prise en charge des personnes âgées.
On n'avait jamais rien vu de tel en France auparavant : une création de 6 000 places de soins infirmiers à domicile par an pendant cinq ans, c'est tout à fait considérable quand on sait que ces places s'ajoutent aux 5 000 places en maisons de retraite médicalisées, aux 2 250 places en hébergements temporaires et aux 1 250 places d'accueil de jour !
Par ailleurs, l'augmentation du nombre de places en hospitalisation à domicile, qui est aujourd'hui de 8 000 places et qui atteindra 15 000 places en 2010, profitera également beaucoup aux personnes âgées dépendantes.
Cet incontestable effort sans précédent, qui ne relève pas de l'effet d'annonce puisqu'il est intégralement financé et qu'il est en cours d'accomplissement, nous permet effectivement de rattraper un retard colossal, monsieur Cazeau, le mot est juste ! Et ce retard, monsieur Cazeau, je suis au regret de devoir vous le rappeler, ce n'est pas la majorité de gauche qui aura contribué à le combler entre 1997 et 200 ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Monsieur About, s'agissant des personnes handicapées, on peut bien sûr voir tout ce qui ne va pas. En ce qui me concerne, sur le terrain, chaque fois que quelque chose ne va pas - je me rends deux fois par semaine dans nos régions -, je prends les dispositions nécessaires pour y remédier ! Mais on peut aussi considérer l'importance des progrès qui, grâce à la majorité, ont été réalisés de par l'adoption de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, que Mme Boisseau, puis Mme Montchamp vous ont présentée.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous savons que nous vous devons beaucoup, monsieur le ministre !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je me suis attelé à la mise en oeuvre de cette loi et j'essaie d'y mettre toute l'énergie possible, car il s'agit d'un important changement culturel.
En effet, les prestations ne sont plus, comme dans le passé, calculées en fonction d'un taux de handicap, sans considération du projet de vie de la personne. Il s'agit aujourd'hui avant tout de partir non du handicap mais du projet de la personne, de ses capacités, de ses talents, de ses possibilités, de son potentiel, pour l'amener à se dépasser elle-même grâce à la mobilisation des moyens de la solidarité.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est la raison pour laquelle il ne suffit pas de transférer des fonctionnaires de l'État, comme nous l'avons fait, aux maisons départementales des personnes handicapées. Encore faut-il qu'une nouvelle culture de la prise en charge du handicap se diffuse !
À cet égard, je remercie l'ensemble des présidents de conseil général qui s'impliquent personnellement dans le succès des maisons départementales de personnes handicapées, ce qui nous permet justement d'entrer dans cette ère nouvelle.
Je suis naturellement prêt à apporter toutes les corrections nécessaires aux textes réglementaires qui vous paraîtront insuffisants.
Néanmoins, je dois également être attentif à ce que les moyens de la solidarité très importants qui sont mobilisés grâce à la Journée de solidarité, mais aussi grâce aux prélèvements que nous opérons sur les crédits de l'assurance maladie en faveur des établissements médicosociaux pour enfants et adultes handicapés soient dépensés au mieux de l'intérêt des personnes handicapées, en assurant l'équilibre de ce compte de solidarité.
Bien sûr, je souhaite moi aussi pouvoir faire davantage. Mais commençons aujourd'hui par attribuer la prestation de compensation du handicap à ceux qui la demandent et attendons de faire le bilan pour voir s'il est possible d'aller plus loin !
Je ne méconnais pas certaines difficultés - je pense, par exemple, en ce qui concerne les aides humaines, aux tarifs qui ont été retenus par les textes réglementaires. Mais vous savez qu'il nous faut aussi comparer le système actuel avec le système antérieur.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y a pas photo !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Sous le régime de l'allocation compensatrice pour tierce personne, l'ACTP, il existait deux tarifs. Chacun recevait son allocation indépendamment du coût de la prestation et avait droit à autant d'aide humaine qu'il lui était accordé d'argent via l'ACTP, c'est-à-dire très peu en réalité !
Aujourd'hui, la prestation de compensation du handicap ouvre droit à un nombre d'heures en principe nettement plus important qu'avec l'allocation compensatrice, ...
M. Bernard Cazeau. Oui, mais ils n'en veulent pas !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... mais il est vrai que le tarif de chaque heure est plafonné, car nous avons été très attentifs aux demandes de l'Assemblée des départements de France, notamment à celles du président de sa commission des affaires sociales, ...
M. Michel Mercier. Vous n'auriez pas dû ! (Sourires.)
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... qui nous a mis en garde sur les coûts, n'est-ce pas, monsieur Cazeau ? Vous le savez bien puisque c'est de vous qu'il s'agit !
Nous avons veillé à ce que les tarifs correspondent à une juste moyenne. Je constate que, dans certains départements, notamment parce que les temps de transport sont assez longs et qu'il faut davantage de personnels, 14 euros de l'heure, c'est insuffisant pour financer un service prestataire. J'en suis conscient et j'apporterai, en concertation avec les associations de personnes handicapées, une solution à ce problème d'ici à la fin de l'année, notamment en mobilisant les crédits de l'État qui subsistent pour la prise en charge des auxiliaires de vie. De la sorte, nous pourrons améliorer les capacités de financement des maisons départementales des personnes handicapées en allant au-delà de ces 14 euros de l'heure lorsque le service prestataire coûte plus cher.
En tout état de cause, aujourd'hui déjà, les allocations qui sont accordées au titre de la prestation de compensation du handicap donnent davantage de moyens aux personnes handicapées pour les aides humaines que ne leur en accordait l'allocation compensatrice pour tierce personne.
S'agissant des fonds de compensation qui prennent en quelque sorte le relais des sites de la vie autonome et qui seront gérés au sein des maisons départementales des personnes handicapées, monsieur About, de nombreux crédits d'État ont été délégués aux maisons départementales : 13,8 millions d'euros au titre des crédits anciennement attribués aux sites pour la vie autonome ; 13,9 millions d'euros supplémentaires pour doter les fonds de compensation ; enfin, 14,5 millions d'euros délégués en 2006 pour abonder les fonds de compensation spécifiquement consacrés aux aides techniques grâce à un fonds de concours qui a été alimenté par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Je pourrais naturellement, monsieur About, répondre plus en détail à un certain nombre de vos questions, mais je souhaitais surtout souligner ce point, qui me paraît revêtir une importance particulière.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je reconnais le mérite de tout ce que vous avez fait !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je souhaite également répondre à M. Paul Blanc.
Je tiens d'abord à faire part à la Haute Assemblée de la qualité de la collaboration que nous avons nouée de nouveau, puisque M. Blanc m'a remis au mois de juillet dernier un rapport sur une question cruciale pour les personnes handicapées et surtout pour leurs familles, à savoir le vieillissement des personnes handicapées.
Vous vous souvenez, monsieur Blanc, que j'avais aussitôt pris un certain nombre de mesures.
À ce propos, je tiens à répondre à celles et ceux d'entre vous qui ont fait part de leur inquiétude ; je pense en particulier à Mme Schillinger. Mesdames, messieurs les sénateurs, il n'existe aucune loi permettant à un établissement pour personnes handicapées de contraindre une personne qui a atteint l'âge de soixante ans à quitter l'établissement. C'est exactement le contraire : l'établissement doit garder ces personnes handicapées quand elles atteignent l'âge de soixante ans.
Pour qu'il n'y ait aucune ambiguïté sur ce point, immédiatement après avoir reçu le rapport de M. Paul Blanc, j'ai adressé à chaque préfet une instruction d'une très grande clarté afin qu'il veille à ce qu'une telle situation ne puisse pas se produire. Pour rencontrer souvent des familles de personnes handicapées, je sais que c'est une grande angoisse pour elles.
Je le répète, tout établissement accueillant des personnes handicapées en France a l'obligation de garder la personne qui a atteint l'âge de soixante ans, sauf si elle-même ou sa famille préfère opter pour une autre solution.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Philippe Bas, ministre délégué. À partir du rapport de M. Paul Blanc, j'ai également décidé que 10 % des places créées en maison d'accueil spécialisée seraient dorénavant réservées aux personnes handicapées vieillissantes, de manière à leur assurer des perspectives de vie, souvent dans les lieux mêmes où elles ont passé plusieurs décennies avant d'atteindre l'âge de leur retraite, à leur permettre de continuer à vivre au milieu de ceux qui ont partagé leur vie durant toutes ces années.
J'ai aussi demandé au directeur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qu'il me soumette des propositions très précises pour permettre d'accueillir en maison de retraite médicalisée les parents, devenus dépendants, d'une personne handicapée ayant elle-même atteint l'âge de la retraite afin qu'ils ne soient pas séparés de leur enfant handicapé dont ils se sont toujours occupés. Il convient de prévoir une prise en charge spécifique au sein de certaines maisons de retraite pour que ces familles ne soient pas séparées, comme c'est encore le cas trop souvent aujourd'hui.
Monsieur Blanc, je tenais à rendre hommage à la qualité de vos propositions sur ce point puisqu'elles nous ont permis de prendre, très rapidement, des décisions pratiques et concrètes, ce qui, là encore, montre, contrairement à ce que M. Cazeau disait tout à l'heure, que le Gouvernement ne se borne pas à des effets d'annonce.
Monsieur Fischer, vous craignez un morcellement des mesures, et vous vous inquiétez du statut de la CNSA, du périmètre que couvrent ses interventions.
Les choses sont plus simples que vous ne l'avez dit. La maladie est du ressort de l'assurance maladie ; pour les retraites, c'est l'assurance vieillesse ; pour la famille, c'est la Caisse nationale des allocations familiales ; pour les personnes âgées dépendantes et pour les personnes handicapées, c'est la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie.
Bien sûr, cette dernière protection ne constitue pas une branche de la sécurité sociale. Le texte créant la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie a défini ce nouvel instrument de solidarité comme une branche de la protection sociale et non pas de la sécurité sociale. C'est un choix qu'il faut assumer.
À la différence de la sécurité sociale que nous ont léguée nos pairs, correspondant à un système d'assurance fondé sur la solidarité et géré paritairement entre organisations syndicales et patronales, ce système, qui procède également de la solidarité, est financé par des ressources de l'assurance maladie et par celles de la Journée de solidarité. Il s'agit donc bien d'un financement solidaire mais qui s'appuie sur un réseau d'actions de proximité relevant des départements. C'est ce mariage unique entre un système de solidarité nationale et une responsabilité qui est confiée aux acteurs de proximité que sont les départements qui fait l'originalité de notre Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie et de cette cinquième branche de protection sociale, qui n'est pas une branche de la sécurité sociale.
Il faut bien sûr continuer à réfléchir afin d'aller plus loin, mais il est vital de maintenir l'implication très forte et maintenant ancienne des départements dans la prise en charge des personnes âgées dépendantes, dont les maisons départementales des personnes handicapées sont aujourd'hui une nouvelle illustration. Il est donc essentiel d'assurer aux départements les financements qui sont nécessaires au fonctionnement de cette solidarité.
Nous ne sommes pas encore allés au bout du chemin. La réflexion se poursuit. Comme je l'ai déjà dit, j'attends avec intérêt le rapport de la commission présidée par Mme Gisserot.
Mme Printz a soulevé la question du « reste à charge », sur laquelle j'ai moi-même insisté dans mon intervention liminaire.
Nous faisons déjà beaucoup pour limiter la progression de ce « reste à charge ». Mais il est vrai que ce qui reste à la charge de la personne âgée, de sa famille et de l'aide sociale représente plus de 50 % du coût de la maison de retraite médicalisée. C'est un problème d'autant plus important que le coût du foncier et la nécessité de mettre aux normes de confort moderne et aux normes d'accueil pour des personnes handicapées vont encore accroître pour les établissements le coût d'hébergement des personnes résidentes.
Nous devons donc prendre des mesures. C'est tout le sens des propositions formulées dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, notamment de l'abaissement à 5,5 % de la TVA sur les travaux, des 500 millions d'euros mobilisés cette année ou du prêt à taux zéro.
C'est aussi le sens de l'amendement déposé par M. Jacques Blanc qui vise à augmenter de 100 millions d'euros, en 2007, les moyens destinés à lutter contre la vétusté de certains établissements, amendement qui sera accueilli favorablement par le Gouvernement.
M. Jacques Blanc. Je vous en remercie, monsieur le ministre !
M. Philippe Bas, ministre délégué. M. Lardeux s'est inquiété de la diversité des acteurs. Mais diversité d'acteurs ne signifie pas forcément confusion. Nous avons besoin de tous ces acteurs. L'essentiel est que leurs interventions soient bien coordonnées.
Je conçois que, pour une maison de retraite, devoir établir une distinction entre les crédits qui proviennent de l'assurance maladie et ceux qui lui sont attribués par le département, ou entre les personnels qui relèvent de la prise en charge de la dépendance et ceux qui relèvent de la prise en charge des soins, ce soit très artificiel. Seul le directeur de la maison de retraite médicalisée peut faire la synthèse de tout cela.
Des conventions sont établies entre le département et l'État. Le département prend un certain pourcentage de l'aide sociale ; il en est de même pour l'assurance maladie. Mais, naturellement, tout cela peut être rediscuté, simplifié, et je souhaite vraiment que nous parvenions à une certaine simplification.
Vous avez aussi souligné, monsieur Lardeux, l'importance de la recherche dans la prévention de la dépendance, j'y souscris pleinement.
Vous avez insisté sur l'importance de préparer les futurs retraités à cette nouvelle période de leur vie. C'est en effet essentiel.
Vous avez évoqué la nécessité d'améliorer nos connaissances dans la prévention de la maltraitance. Cela fait partie de mes propres objectifs, et la création de l'Agence nationale de l'évaluation et de la qualité des établissements et services sociaux et médico-sociaux nous permettra, j'en suis certain, de progresser dans cette voie.
Monsieur Cazeau, tout d'abord, je vous remercie de m'avoir donné acte de l'augmentation des crédits consacrés à la prise en charge de la dépendance. En effet, comme vous l'avez souligné, l'objectif de dépenses croît rapidement.
D'ailleurs, je regrette - mais peut-être le regrettez-vous plus que moi -, compte tenu des louanges que vous avez adressées à la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, à la différence de Mmes Printz et Schillinger, qui n'ont pas attribué tant de mérites à cette institution (Mmes Gisèle Printz et Patricia Schillinger font un signe de dénégation.) - mais sans doute la connaissez-vous davantage - que vous n'ayez pas voté la création de cette institution en 2004.
Après avoir reconnu l'effort réalisé, vous avez ensuite affirmé, dans une brusque inflexion de votre discours, sans doute pour équilibrer votre propos, que les besoins étaient vraiment colossaux et que le compte, en quelque sorte, n'y était pas. Vous avez ajouté : « dans mon département, la Dordogne, c'est zéro ! ».
Monsieur Cazeau, j'ai dû - et je vous prie de me le pardonner - mal vous informer.
J'ai effectivement été saisi par les élus de la Dordogne du cas de la maison de retraite de Brantôme, très belle ville, surtout connue pour son abbaye, heureusement moins connue pour sa maison de retraite, laquelle battait des records de vétusté. Installée au dernier étage, dans une sorte de grenier, la salle commune où s'alignaient les lits des personnes âgées était dans un tel état de vétusté - les fils électriques pendaient aux poutres -, que j'ai pris les dispositions nécessaires pour financer un investissement qui est parmi les plus importants de France.
M. Adrien Gouteyron. C'est vrai !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je regrette que le président du conseil général de la Dordogne, que j'avais pourtant informé par courrier, n'ait pas reconnu l'importance de cet effort et puisse dire aujourd'hui que, pour son département, les crédits dévolus à la lutte contre la vétusté des maisons de retraite ont été inexistants. (M. Bernard Cazeau proteste.)
Non, monsieur Cazeau, en Dordogne, comme dans tous les départements de France, l'effort consenti est très important.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Considérable !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Il est particulièrement significatif pour Brantôme. Peut-être le cas de Brantôme ne vous intéresse-t-il pas, ...
M. Bernard Cazeau. Je vous en prie, monsieur le ministre !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... mais le ministre des personnes âgées que je suis ne pouvait pas laisser cet établissement dans un tel état de vétusté.
M. Alain Vasselle. Ce n'était pas possible, monsieur Cazeau !
M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Laissez-moi terminer, j'en ai pour une minute ; vous aurez ensuite tout loisir de vous exprimer.
Madame Schillinger, je m'honore, et c'est également à l'honneur de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, d'avoir pris les décisions qui ont permis le recrutement de 300 professionnels de l'éducation physique et sportive affectés dans des maisons pour mineurs handicapés. J'estime, en effet, qu'il est de notre devoir de proposer aux personnes dépendantes, notamment aux jeunes, l'accès aux activités sportives.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Philippe Bas, ministre délégué. La loi de 2005 pour la citoyenneté des personnes handicapées le prévoit. C'est, à mes yeux, extrêmement important.
Mesdames, messieurs les sénateurs, compte tenu de leur très grande richesse, je n'ai pu répondre à toutes les observations qui ont été présentées par chacun des orateurs, mais je tenais à vous apporter ces différents éléments de réponse. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, il faut être précis dans la vie, particulièrement en politique. Sans doute votre perception était-elle altérée au moment où je m'exprimais par la présence, à vos côtés, de M. Mercier, qui vous entretenait. En effet, je vous ai dit : « En ce qui concerne les personnes handicapées, de nombreuses créations sont annoncées en MAS, FAM, ou SAMSAH ». Je ne parlais ni des personnes âgées ni de la maison de retraite de Brantôme. Il s'agissait bien des personnes handicapées.
D'ailleurs, si vous le souhaitez, je tiens à votre disposition le document de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie qui l'atteste - vous savez que je suis membre du conseil de cette instance : dans le département de la Dordogne, l'effort en faveur des personnes handicapées, c'est zéro ! Je le réaffirme avec force. Il ne faut pas confondre les établissements pour personnes handicapées et les maisons pour personnes âgées.
Je souhaitais apporter cette rectification, monsieur le ministre, car je n'ai pas l'habitude d'énoncer des contrevérités, en particulier lorsque je m'exprime à la tribune de cette assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'avoir implicitement reconnu l'importance de l'effort que nous menons en faveur des personnes âgées dans votre département. (Rires sur les travées de l'UMP - Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Par ailleurs, s'agissant de l'accueil des personnes handicapées, la Dordogne n'a naturellement pas été oubliée. Mais l'État ne peut apporter de financements aux foyers d'accueil médicalisés, aux maisons d'accueil spécialisées et aux centres d'aide par le travail que si le conseil général le fait également. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. Nous avons achevé le débat sur la prise en charge de la dépendance.
Nous reprenons l'examen des articles du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007.
Nous en sommes parvenus à l'examen de la troisième partie, concernant les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour 2007.
TROISIÈME PARTIE
DISPOSITIONS RELATIVES AUX RECETTES ET À L'ÉQUILIBRE GÉNÉRAL POUR 2007
Article 9 et annexe B
Est approuvé le rapport figurant en annexe B à la présente loi décrivant, pour les quatre années à venir (2007-2010), les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base de sécurité sociale et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes, ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie.
ANNEXE B
Rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, les prévisions de recettes et de dépenses des organismes concourant au financement de ces régimes ainsi que l'objectif national de dépenses d'assurance maladie pour les quatre années à venir
Hypothèses d'évolution - moyennes sur la période 2008-2010
|
Scénario haut |
Scénario bas |
Produit intérieur brut volume |
3,0 % |
2,25 % |
Masse salariale du secteur privé |
5,2 % |
4,4 % |
Objectif national de dépenses d'assurance maladie |
2,5 % |
2,2 % |
Inflation hors tabac |
1,75 % |
1,75 % |
Les projections quadriennales sont présentées sous deux scénarios économiques et en l'absence de toute affectation de ressources supplémentaires.
Ces deux scénarios reprennent les hypothèses d'évolution du produit intérieur brut (PIB), de la masse salariale et de l'inflation retenues dans les scénarios présentés dans le rapport sur la situation et les perspectives économiques, sociales et financières de la Nation annexé au projet de loi de finances pour 2007. Dans ces deux scénarios et en retenant une progression moyenne de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (ONDAM) de 2,5 % dans le scénario haut et de 2,2 % dans le scénario bas, le solde global du régime général et de l'ensemble des régimes de base s'améliore régulièrement sur la période 2007-2010. Le retour à l'équilibre du régime général est atteint en 2009 dans le scénario haut, et en 2010 dans le scénario bas.
Le déficit de la branche Maladie se réduit rapidement, la branche redevenant excédentaire dès 2009 dans les deux scénarios. La forte progression apparente des charges et des produits de la branche entre 2005 et 2006 est due à la prise en compte des nouveaux transferts entre l'assurance maladie et la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) : en application de la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, outre le versement des dépenses médico-sociales, les régimes d'assurance maladie doivent à partir de 2006 comptabiliser en charges un transfert égal à l'ONDAM médico-social vers la CNSA et en contrepartie reçoivent en produits le remboursement par la CNSA des prestations médico-sociales.
L'excédent de la branche Accidents du travail - maladies professionnelles augmente régulièrement sur la période.
La branche Famille renoue avec une situation excédentaire dès 2008 dans les deux scénarios, notamment du fait de l'achèvement de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant.
S'agissant de la branche Vieillesse, l'anticipation du départ en retraite de certains travailleurs et le grand nombre de bénéficiaires de la mesure « carrière longue » amènent à constater un déficit plus important qu'en 2006. Cette dégradation ne remet pas en cause le sens des projections de moyen et de long termes réalisées dans le cadre du Conseil d'orientation des retraites. Conformément au choix fait de présenter ces tableaux sans affectation de ressources supplémentaire, les présentes projections sont bâties sans préjuger des mesures qui pourraient être prises dans le cadre du premier rendez-vous quinquennal d'examen du financement de la branche pour assurer un retour du régime général à l'équilibre en 2009 et qui devront notamment tenir compte de l'amélioration de la situation de l'emploi.
Les soldes calculés sur l'ensemble des régimes de base sont assez proches de ceux du seul régime général. De nombreux régimes bénéficient en effet de mécanismes garantissant leur équilibre financier (contribution du régime général, subvention de l'État ou attribution d'une ressource externe). Le poids des quelques régimes ne bénéficiant pas de tels dispositifs d'équilibrage étant faible, leurs résultats n'affectent que marginalement celui du régime général.
Le Fonds de solidarité vieillesse devrait quant à lui bénéficier de l'amélioration de la conjoncture, qui se traduit par une accélération des recettes, et par un ralentissement des charges au titre de la prise en charge des cotisations de retraite des chômeurs. Son solde s'améliorerait notablement sur la période.
Le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles (FFIPSA) connaît une progression relativement modérée de ses charges comme de ses recettes. Le déficit de ce fonds ne se retrouve pas au sein des comptes de l'ensemble des régimes de base, puisque, avec la mise en place du FFIPSA en 2005, le régime des non salariés agricoles comptabilise un produit à recevoir du FFIPSA.
Prévision de recettes et de dépenses sur la période 2007-2010
- scénario économique bas
Régime général
(En milliards d'euros) |
||||||
|
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
Maladie |
||||||
Recettes |
121,0 |
136,7 |
142,8 |
148,0 |
154,0 |
160,4 |
Dépenses |
129,0 |
142,7 |
146,7 |
150,2 |
154,1 |
158,0 |
Solde |
- 8,0 |
- 6,0 |
- 3,9 |
- 2,2 |
- 0,1 |
2,4 |
Accidents du travail - maladies professionnelles |
||||||
Recettes |
9,0 |
9,8 |
10,3 |
10,7 |
11,1 |
11,6 |
Dépenses |
9,4 |
9,8 |
10,2 |
10,5 |
10,8 |
10,9 |
Solde |
- 0,4 |
0,0 |
0,1 |
0,2 |
0,4 |
0,7 |
Famille |
||||||
Recettes |
50,0 |
52,0 |
54,1 |
56,1 |
58,4 |
60,7 |
Dépenses |
51,4 |
53,3 |
54,9 |
56,1 |
57,3 |
58,6 |
Solde |
- 1,3 |
- 1,3 |
-0,8 |
0,0 |
1,0 |
2,0 |
Vieillesse |
||||||
Recettes |
78,8 |
82,4 |
85,4 |
88,4 |
91,7 |
95,5 |
Dépenses |
80,7 |
84,7 |
88,9 |
92,9 |
96,8 |
100,7 |
Solde |
- 1,9 |
- 2,4 |
- 3,5 |
- 4,5 |
- 5,1 |
- 5,1 |
Toutes branches consolidé |
||||||
Recettes |
253,9 |
275,9 |
287,5 |
297,9 |
309,7 |
322,5 |
Dépenses |
264,5 |
285,6 |
295,5 |
304,5 |
313,5 |
322,5 |
Solde |
- 11,6 |
- 9,7 |
- 8,0 |
- 6,6 |
- 3,7 |
- 0,1 |
Ensemble des régimes obligatoires de base (En milliards d'euros) |
||||||
|
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
Maladie |
||||||
Recettes |
141,8 |
159,3 |
166,2 |
171,6 |
178,4 |
185,5 |
Dépenses |
149,9 |
165,2 |
170,1 |
174,3 |
178,9 |
183,5 |
Solde |
- 8,1 |
- 5,9 |
- 4,0 |
- 2,7 |
- 0,4 |
2,0 |
Accidents du travail - maladies professionnelles |
||||||
Recettes |
10,4 |
11,1 |
11,5 |
12,0 |
12,5 |
13,0 |
Dépenses |
10,8 |
11,1 |
11,4 |
11,8 |
12,1 |
12,3 |
Solde |
- 0,4 |
0,0 |
0,1 |
0,2 |
0,4 |
0,7 |
Famille |
||||||
Recettes |
50,5 |
52,5 |
54,6 |
56,6 |
58,8 |
61,1 |
Dépenses |
51,7 |
53,6 |
55,3 |
56,5 |
57,7 |
59,0 |
Solde |
- 1,2 |
- 1,2 |
- 0,7 |
0,1 |
1,1 |
2,1 |
Vieillesse |
||||||
Recettes |
154,8 |
161,0 |
167,7 |
174,0 |
180,3 |
187,3 |
Dépenses |
156,4 |
162,7 |
170,6 |
178,2 |
185,3 |
192,4 |
Solde |
- 1,6 |
- 1,6 |
- 2,9 |
- 4,2 |
- 4,9 |
- 5,1 |
Toutes branches consolidé |
||||||
Recettes |
352,3 |
378,8 |
394,8 |
408,8 |
424,5 |
441,1 |
Dépenses |
363,7 |
387,6 |
402,3 |
415,4 |
428,3 |
441,4 |
Solde |
- 11,4 |
- 8,8 |
-7,5 |
- 6,6 |
- 3,8 |
- 0,3 |
Fonds de solidarité vieillesse
(En milliards d'euros) |
||||||
|
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
Recettes |
12,6 |
13,4 |
13,8 |
14,1 |
14,7 |
15,3 |
Dépenses |
14,6 |
14,6 |
14,5 |
14,6 |
14,7 |
15,3 |
Solde |
- 2,0 |
- 1,2 |
- 0,7 |
- 0,5 |
0,0 |
0,0 |
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles
(En milliards d'euros) |
||||||
|
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
Recettes |
14,3 |
14,4 |
14,5 |
14,7 |
14,9 |
15,1 |
Dépenses |
15,7 |
16,3 |
16,6 |
16,8 |
17,0 |
17,3 |
Solde |
- 1,4 |
- 1,9 |
- 2,1 |
- 2,2 |
- 2,2 |
- 2,2 |
Prévision de recettes et de dépenses sur la période 2007-2010
- scénario économique haut
Régime général
(En milliards d'euros) |
||||||
|
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
Maladie |
||||||
Recettes |
121,0 |
136,7 |
142,8 |
148,8 |
155,7 |
163,0 |
Dépenses |
129,0 |
142,7 |
146,7 |
150,2 |
154,2 |
159,0 |
Solde |
- 8,0 |
- 6,0 |
- 3,9 |
- 1,4 |
1,4 |
4,0 |
Accidents du travail - maladies professionnelles |
||||||
Recettes |
9,0 |
9,8 |
10,3 |
10,8 |
11,3 |
11,9 |
Dépenses |
9,4 |
9,8 |
10,2 |
10,5 |
10,8 |
11,0 |
Solde |
- 0,4 |
0,0 |
0,1 |
0,2 |
0,5 |
0,9 |
Famille |
||||||
Recettes |
50,0 |
52,0 |
54,1 |
56,4 |
58,9 |
61,6 |
Dépenses |
51,4 |
53,3 |
54,9 |
56,1 |
57,3 |
58,7 |
Solde |
- 1,3 |
- 1,3 |
- 0,8 |
0,3 |
1,6 |
2,9 |
Vieillesse |
||||||
Recettes |
78,8 |
82,4 |
85,4 |
88,9 |
92,9 |
97,4 |
Dépenses |
80,7 |
84,7 |
88,9 |
92,9 |
96,8 |
100,7 |
Solde |
- 1,9 |
- 2,4 |
- 3,5 |
- 4,1 |
- 3,8 |
- 3,3 |
Toutes branches consolidé |
||||||
Recettes |
253,9 |
275,9 |
287,5 |
299,5 |
313,3 |
328,1 |
Dépenses |
265,5 |
285,6 |
295,5 |
304,5 |
313,6 |
323,6 |
Solde |
- 11,6 |
- 9,7 |
- 8,0 |
-4,9 |
- 0,2 |
4,5 |
Ensemble des régimes obligatoires de base
(En milliards d'euros) |
||||||
|
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
Maladie |
||||||
Recettes |
141,8 |
159,3 |
166,2 |
172,4 |
180,1 |
188,2 |
Dépenses |
149,9 |
165,2 |
170,1 |
174,2 |
179,0 |
184,6 |
Solde |
- 8,1 |
- 5,9 |
- 4,0 |
- 1,9 |
1,1 |
3,6 |
Accidents du travail - maladies professionnelles |
||||||
Recettes |
10,4 |
11,1 |
11,5 |
12,1 |
12,7 |
13,2 |
Dépenses |
10,8 |
11,1 |
11,4 |
11,8 |
12,1 |
12,3 |
Solde |
- 0,4 |
0,0 |
0,1 |
0,3 |
0,6 |
1,0 |
Famille |
||||||
Recettes |
50,5 |
52,5 |
54,6 |
56,9 |
59,4 |
62,1 |
Dépenses |
51,7 |
53,6 |
55,3 |
56,5 |
57,7 |
59,0 |
Solde |
- 1,2 |
- 1,2 |
- 0,7 |
0,4 |
1,7 |
3,0 |
Vieillesse |
||||||
Recettes |
154,8 |
161,0 |
167,7 |
174,5 |
181,6 |
189,1 |
Dépenses |
156,4 |
162,7 |
170,6 |
178,3 |
185,3 |
192,4 |
Solde |
- 1,6 |
- 1,6 |
- 2,9 |
- 3,7 |
- 3,7 |
- 3,3 |
Toutes branches consolidé |
||||||
Recettes |
352,3 |
378,8 |
394,8 |
410,5 |
428,1 |
446,7 |
Dépenses |
363,7 |
387,6 |
402,3 |
415,4 |
428,4 |
442,4 |
Solde |
- 11,4 |
- 8,8 |
- 7,5 |
- 4,9 |
- 0,3 |
4,3 |
Fonds de solidarité vieillesse
(En milliards d'euros)
|
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
Recettes |
12,6 |
13,4 |
13,9 |
14,2 |
14,8 |
15,5 |
Dépenses |
14,6 |
14,6 |
14,5 |
14,6 |
14,8 |
15,4 |
Solde |
- 2,0 |
- 1,2 |
- 0,6 |
- 0,4 |
0,0 |
0,0 |
Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles
(En milliards d'euros)
|
2005 |
2006 |
2007 |
2008 |
2009 |
2010 |
Recettes |
14,3 |
14,4 |
14,5 |
14,7 |
14,9 |
15,2 |
Dépenses |
15,7 |
16,3 |
16,6 |
16,8 |
17,0 |
17,3 |
Solde |
- 1,4 |
- 1,9 |
- 2,1 |
- 2,1 |
- 2,1 |
- 2,1 |
Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 232 est présenté par MM. Cazeau et Godefroy, Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Domeizel, Mmes Printz, Alquier et Jarraud-Vergnolle, M. Tropeano et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 263 est présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 232.
M. Bernard Cazeau. L'article 9 ouvre la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui concerne les dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre général pour 2007. En l'occurrence, il nous est demandé d'approuver, dès cet article, les perspectives d'évolution sur les quatre prochaines années.
Comment voulez-vous que nous vous accordions une once de confiance quand nous actons un déficit de 8 milliards d'euros sur 2007, c'est-à-dire dès la première de ces quatre années, au lieu du retour à l'équilibre auquel vous vous étiez engagés, et alors que les besoins de financement avoisineront 37 milliards d'euros sur la période 2004-2009 ?
Comment voulez-vous que nous considérions comme sincère le rapport figurant en annexe B, auquel l'article 9 fait référence, alors que vous n'avez jamais su, pu et encore moins voulu tenir un engagement tout au long de cette législature ?
Monsieur le ministre, la confiance ne va pas de soi ; elle se mérite. La méritez-vous quand nous actons une détérioration du financement de notre protection sociale année après année ? Comment vous accorder un quelconque crédit quand vous laissez comme héritage - cette fois, vous ne pourrez pas accuser la gauche, qui vous avait laissé des comptes sociaux pratiquement en équilibre - près de 50 milliards de déficit cumulé ?
De surcroît, au-delà des dettes accumulées, vous avez entrepris d'assécher volontairement les recettes. La situation est telle que le montant dû par l'État atteignait 14 milliards d'euros en 2003 et que la sécurité sociale a perçu l'année de la réforme 9 milliards d'euros de moins, ce qui équivaut à 75 % de son déficit annuel ; excusez du peu !
Votre politique d'exonération de cotisations sociales est également responsable de l'état financier de notre système de protection. L'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, évalue le montant de ces exonérations à 19,8 milliards d'euros pour l'année 2005 et à 25 milliards d'euros pour l'année prochaine.
Certes, et je vous l'accorde, monsieur le ministre, la responsabilité du ministère n'est pas totale. En effet, la Cour des comptes a relevé que trente-six mesures ont été envisagées depuis le janvier 2005, dont dix-sept sans que le ministère en charge des affaires sociales soit informé ! Au-delà de cette illustration de la cohésion gouvernementale (sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), se pose le problème de la non-compensation de ces mesures. En effet, les montants qui feront défaut s'élèveront à 2,4 milliards d'euros cette année et à 2,6 milliards l'année prochaine. Ainsi, depuis 2004, les organismes de sécurité sociale ont subi une perte de recettes de 6,5 milliards d'euros. Voilà la facture de votre politique ! Je ne fais en l'occurrence que reprendre les propos de M. le rapporteur Alain Vasselle, président de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat, la MECSS. Et vous parlez sans cesse d'« État vertueux » et d'« esprit de responsabilité » !
Au-delà de cette mascarade, car c'en est une, vous faites fi d'une des caractéristiques principales de notre économie, c'est-à-dire son incertitude. Notre puissance économique peut être faite de changements nationaux ou internationaux susceptibles de remettre en cause vos prévisions. Savez-vous quelle sera l'évolution du baril de brut dans les trois prochaines années ? Souvenez-vous des propos du Président de la République, qui, lors du sommet d'Evian au mois de mai 2003, déclarait : « Nous venons de subir, ces deux dernières années, un ralentissement très significatif de la croissance mondiale, aggravé par les incertitudes internationales. Il a touché toutes les grandes zones économiques. » Croyez-vous sincèrement que rien ne viendra désormais perturber votre planification ?
En outre, comment ne pas évoquer une fois encore l'injustice de cette politique ? Quelle autre conclusion tirer quand la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et statistiques, la DRESS, observe que « la part de la sécurité sociale et des organismes complémentaires dans le financement des dépenses de santé diminue de 0,27 point en 2005, le reste à charge des ménages augmentant à due proportion, passant de 8,47 % en 2004 à 8,74 % en 2005 » ? Cela procède d'une simple logique mécanique : lorsque l'État baisse le taux de participation de la sécurité sociale pour l'ensemble des dépenses de soins, ce sont les ménages qui règlent la facture.
La situation n'est-elle pas suffisamment alarmante pour vous ? Visiblement pas ! Mais, en la laissant se détériorer inéluctablement, peut-être nourrissez-vous un autre dessein pour la protection sociale, un dessein qui - je l'ai déjà laissé entendre les deux années précédentes, mais il faut parfois répéter certains propos - s'apparenterait à la logique d'une médecine à deux vitesses, logique que vous enclenchez dans le présent projet de loi de financement à travers le système optionnel. Ne souhaitez-vous pas une protection minimale pour tous qui laisserait la logique du profit se saisir de notre bien le plus précieux, la santé ?
C'est au regard de ces considérations et de ces inquiétudes que nous proposons la suppression de l'article 9.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 263.
M. Guy Fischer. Notre amendement vise également à supprimer l'article 9.
En effet, cet article fait référence au rapport fourni en annexe, relatif aux prévisions de dépenses et de recettes pour les quatre années à venir et dans lequel nous trouvons des prévisions particulièrement optimistes. À l'aube de grandes échéances électorales, le Gouvernement et sa majorité souhaitent certainement pouvoir communiquer sur de telles prévisions.
Non seulement vous ne tablez pas sur un équilibre des comptes à l'horizon 2010 - si l'équilibre était atteint, ce ne serait déjà pas si mal -, mais vous misez carrément sur un excédent qui pourrait atteindre 4,7 milliards d'euros. C'est une première surprise.
Autre surprise, l'équilibre viendrait de l'assurance maladie, qui pourrait afficher un solde positif de 4,1 milliards d'euros en 2010.
Monsieur le ministre, pour arriver à de tels chiffres, vos services ont dû choisir les données conjoncturelles les plus hautes. Or qu'en est-il au troisième trimestre de cette année s'agissant de la croissance du PIB ? Les prévisions les plus optimistes se sont-elles vérifiées ? Pas du tout : c'est la stagnation, le calme plat !
Cela n'empêche pas vos services de retenir les hypothèses conjoncturelles les plus hautes. Ainsi, vous vous basez sur un taux de croissance du PIB moyen de 3 % sur la période 2008-2010, sur une progression de la masse salariale - les salariés et les retraités pourront s'en réjouir (sourires sur les travées du groupe CRC) - de 5,2 % et sur un ONDAM en hausse de 2,5 %. Selon ces mêmes prévisions, seule la branche vieillesse serait en déficit de 3,3 milliards d'euros.
Par ailleurs, les fonds de financement connaîtraient la même embellie. Ainsi, le FSV atteindrait l'équilibre en 2009 et le FFIPSA verrait son déficit limité à moins de 2 milliards d'euros.
C'est peut-être ce qui justifie l'attitude de M. Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, consistant à ne pas bouger et à ne pas apporter les assurances tant réclamées par les agriculteurs, notamment par la mutualité sociale agricole.
Ces prévisions ne nous semblent pas seulement optimistes ; elles manquent totalement de sincérité.
Je le rappelle, la Cour des comptes se prononce de façon particulièrement claire sur le sujet. En effet, selon elle, « aucune amélioration globale n'est prévue pour les prochaines années ». Cette analyse nous paraît bien plus proche de la réalité.
Au regard de la situation actuelle des finances sociales et surtout, hélas ! de votre volonté de contourner une nouvelle fois tout débat sur le financement de la protection sociale alors qu'aucun mode de financement pérenne n'est proposé par votre majorité, nous ne pouvons que refuser de tels chiffres.
Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
A. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II.- À compter de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, l'annexe B comprendra la présentation détaillée des hypothèses, des méthodes et des résultats des projections sur la base desquelles est établi le projet de loi de financement de l'année à venir, ainsi que les perspectives d'évolution pour les quatre années à venir.
B. En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I.-
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Le dispositif que cet amendement tend à instituer s'inscrit dans la continuité des propos que j'ai tenus sur la présentation des prévisions quadriennales à l'occasion de la discussion générale.
La commission des affaires sociales a considéré, et à l'unanimité me semble-t-il, qu'il y avait lieu de demander au Gouvernement de développer le contenu de l'annexe quadriennale. En effet, les quelques paragraphes que celle-ci comporte aujourd'hui sont nettement insuffisants pour permettre une appréciation des évolutions des finances sociales à quatre ans qui ne soit pas excessivement simpliste.
D'ailleurs, nous ne demandons rien de plus que des prévisions détaillées sur le modèle des prévisions quadriennales qui sont apportées par le ministère des finances dans le cadre du projet de loi de finances. Nous souhaitons donc le parallélisme des formes, afin de pouvoir apprécier les évolutions futures à leur juste mesure.
Mme la présidente. L'amendement n° 74, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. Dans la deuxième ligne (Recettes) de la quatrième colonne (2007) du quatrième tableau (Fonds de solidarité vieillesse) de cette annexe, remplacer le chiffre :
13,8
par le chiffre :
13,9
II. En conséquence, dans la dernière ligne (Solde) de la quatrième colonne (2007) du quatrième tableau (Fonds de solidarité vieillesse) de l'annexe B, remplacer le chiffre :
- 0,7
par le chiffre :
- 0,6
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cet amendement vise simplement à rectifier une erreur qui est contenue dans le tableau retraçant l'évolution des recettes et des dépenses du fonds de solidarité vieillesse.
En effet, toutes les autres données relatives à la situation du FSV en 2007 mentionnent des recettes de 13,9 milliards d'euros et un déficit de 600 millions d'euros.
Les chiffres évoqués dans ce tableau correspondent aux données de la commission des comptes de la sécurité sociale avant prise en compte de l'effet du présent projet de loi de financement de la sécurité sociale sur les recettes du FSV.
Il convient donc de mettre en cohérence les données de ce tableau avec celles qui figurent dans les autres parties du projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Permettez-moi de profiter de cette occasion pour souligner les difficultés liées à l'utilisation d'arrondis grossiers dans les différents tableaux du projet de loi.
Mme la présidente. L'amendement n° 75, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Dans la dernière ligne (Solde) de la dernière colonne (2010) de l'avant-dernier tableau (Fonds de solidarité vieillesse) de cette annexe, remplacer le chiffre :
0,0
par le chiffre :
0,1
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cet amendement vise également à corriger une erreur d'addition dans le tableau retraçant l'évolution du FSV à l'horizon 2010. Celle-ci est peut-être due aux arrondis auxquels le Gouvernement a procédé mais, dans ce cas, force est de constater qu'il est difficile de s'y retrouver.
Je voudrais, à cette occasion, attirer l'attention du Gouvernement sur la nécessité de traiter convenablement cet exercice de projection pluriannuelle et de prêter toute l'attention nécessaire à la rédaction des tableaux annexés.
Je m'étonne, en particulier, que la situation du FSV diffère très peu entre les scénarios économiques haut et bas, présentés en annexe B. Cette quasi-identité de situation, en dépit de deux situations économiques différentes me paraît particulièrement étrange dans la mesure où le FSV est extrêmement sensible à la conjoncture économique, tant en recettes qu'en dépenses.
Je voudrais donc comprendre, monsieur le ministre, comment on peut aboutir à des résultats aussi similaires. J'ai cru comprendre que cette situation pourrait s'expliquer par des transferts opérés entre le FSV et la CNAVTS, mais il n'en est pas fait mention dans l'annexe B.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les amendements nos 232 et 263 visent à la suppression de l'article 9, ce qui entraînerait le non-respect d'une disposition de la loi organique. Ils ne sont donc pas recevables à ce titre.
Mme Raymonde Le Texier. C'est dommage !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Ils ont sans doute offert l'occasion à MM. Cazeau et Fischer de prendre la parole pour exprimer leur point de vue. Maintenant qu'ils se sont exprimés, nos collègues conviendront qu'il serait plus sage de leur part de retirer leurs amendements qui vont à l'encontre de la loi organique. S'ils étaient adoptés, nous risquerions d'encourir les foudres du Conseil constitutionnel. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Bernard Cazeau. C'est vous qui le contrôlez !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nos collègues savent bien, de toute façon, que l'amendement de la commission risque d'être adopté par la Haute Assemblée.
Quant aux amendements nos 74 et 75, présentés au nom de la commission des finances par M. Jégou, qui est perfectionniste dans l'âme, ils méritent de faire l'objet d'un commentaire de la part du Gouvernement.
La commission des affaires sociales s'est, elle aussi, interrogée sur la pertinence de la présentation de vos chiffres, monsieur le ministre. Elle a pensé qu'un degré de précision plus fin que la centaine de millions d'euros devait pouvoir être obtenu.
Vous savez que la commission des finances a l'habitude de travailler à l'euro près. Le fait que la commission des affaires sociales travaille à la centaine de millions d'euros près apporterait de l'eau au moulin des membres de ladite commission des finances qui considèrent que nous ne sommes pas de véritables gestionnaires ! Ce qui est faux, bien sûr !
Rassurez donc la Haute Assemblée, monsieur le ministre, et surtout les membres de la commission des finances, qui risqueraient sinon de réserver au PLFSS un sort qui n'est pas celui que nous souhaitons !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Tout comme la commission, le Gouvernement est défavorable aux amendements nos 232 et 263 et pour les mêmes motifs.
S'agissant de l'amendement n° 3, je comprends, bien sûr, les préoccupations de la commission, mais il me semble très difficile de parvenir à une plus grande précision pour des prévisions à l'échéance de quatre ans.
M. Guy Fischer. Et nous, nous n'arrivons pas à comprendre d'où viennent les 4,7 milliards d'euros d'excédent en 2010 !
M. Philippe Bas, ministre délégué. En tout cas, je serai disposé à y travailler avec vous, mais il n'est pas besoin pour cela d'adopter une disposition législative. Sous le bénéfice de cette explication, je souhaite que la commission veuille bien retirer son amendement.
Quant aux amendements nos 74 et 75, je propose au Sénat de leur réserver un sort différent.
L'amendement n° 74 met en cohérence des tableaux d'équilibre. Il est donc bienvenu et je remercie M. Jégou d'avoir mis le doigt sur une imperfection réelle de la présentation de ces tableaux.
Quant à l'amendement n° 75, il vise à corriger l'arrondi d'un solde afin de le rendre conforme à la différence des arrondis des produits et des charges. J'ai d'abord été ébranlé par la motivation de cet amendement. Puis, mes services ont fait travailler les ordinateurs et nous avons constaté qu'il y avait effectivement un problème de cumul d'arrondis.
M. Guy Fischer. Voilà le secret !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais il ressort de nos recherches, monsieur le rapporteur pour avis, que le montant du solde qui figure dans le projet de loi est le bon,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... même si l'addition des résultats intermédiaires figurant à l'annexe B n'aboutit pas à l'évidence à ce total, parce que l'on a additionné des grandeurs qui ont été arrondies, tandis que le total a été calculé en conservant les décimales.
Je vous remercie d'avoir fait preuve une fois de plus d'acuité dans votre examen des comptes mais, puisque notre résultat est le bon, il faut maintenir les chiffres qui sont inscrits dans le texte du projet de loi.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, je vous remercie de vos explications. L'exercice n'est pas facile et notre travail consiste à faire preuve d'une grande attention en vous apportant ainsi un service supplémentaire de vérification. Mais, contre l'ordinateur, je reconnais que je n'avais aucune chance !
Au demeurant, vous ne m'avez pas expliqué l'absence de variation du solde du FSV en fonction des prévisions hautes et basses de la conjoncture économique alors que tout le monde connaît l'extrême sensibilité du FSV à la variabilité du contexte économique.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Entre le cumul d'arrondis, la sensibilité à la variabilité, nous sommes très étonnés que l'on puisse prévoir à l'échéance de 2010 un excédent de 4,7 milliards d'euros. Il doit certainement y avoir « anguille sous roche ». En fait, les conséquences de vos choix au regard des besoins pèseront certainement dans les résultats que vous attendez.
Nous avons retrouvé une étude de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques du ministère de la santé et des solidarités qui montre que « la part de la sécurité sociale et des organismes complémentaires dans le financement des dépenses de santé a diminué de 0,27 point en 2005, le reste à charge des ménages augmentant à due proportion, passant de 8,47 % en 2004 à 8,74 % en 2005 ». C'est donc cela, le cumul des variations...
Cette même étude souligne par ailleurs, concernant le financement de la dépense de soins et biens médicaux, la « diminution de 0,14 point de la part de prise en charge par la sécurité sociale en 2005 ». Mon ami le député Patrick Braouezec, s'appuyant sur un échange que vous aviez eu avec Mme Jacqueline Fraysse lors du débat d'orientation budgétaire à l'Assemblée nationale, en a fait la démonstration.
Le Gouvernement prétendait à l'époque prendre des mesures de justice sociale sans toucher le périmètre de prise en charge des soins. Or les dépassements d'honoraires autorisés non remboursés - rappelez-vous le maquis de la convention tarifaire de janvier 2005 -, la contribution d'un euro et les vagues de déremboursements de médicaments - qui continuent pourtant d'être prescrits - ont amputé la couverture de base. Pour que ces références soient bonnes, monsieur le ministre, il faut les prendre en compte non pas sur dix ans, mais sur cette dernière période !
Nous estimons que de telles prévisions ne sont possibles qu'au prix d'une mise à contribution plus grande encore des assurés sociaux. C'est la raison pour laquelle nous pensons que vos tableaux ne sont pas sincères et nous demandons la suppression de l'article 9.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Madame la présidente, nous allons, pour notre part, « arrondir » notre position et retirer notre amendement. Nous n'avons pas besoin de faire chauffer les ordinateurs pour voir que l'amendement n° 3 de M. Vasselle s'inscrit dans le même esprit que le nôtre. Nous nous rallions donc à cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 232 est retiré.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En raison des engagements pris par M. le ministre de travailler en collaboration plus étroite avec elle sur les équilibres financiers et consciente qu'elle va obtenir pour les années à venir des rapports plus complets et plus étoffés, la commission retire l'amendement n° 3. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. L'amendement n° 3 est retiré.
M. Bernard Cazeau. Je le reprends, madame la présidente.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Cazeau, qui est ainsi libellé :
A. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II.- À compter de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, l'annexe B comprendra la présentation détaillée des hypothèses, des méthodes et des résultats des projections sur la base desquelles est établi le projet de loi de financement de l'année à venir, ainsi que les perspectives d'évolution pour les quatre années à venir.
B. En conséquence, faire précéder le début de cet article de la mention :
I.-
Je mets aux voix l'amendement n° 263.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour explication de vote sur l'amendement n° 75.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. En liaison avec nos collègues de la commission des affaires sociales, avec lesquels nous travaillons en très bonne intelligence, et dans l'intérêt du Gouvernement, je souhaiterais obtenir une réponse de M. le ministre à ma question sur le FSV. Nous avons reçu des explications contradictoires et je souhaiterais que nous puissions y voir clair.
Il ne s'agit pas pour nous de vous créer une difficulté, monsieur le ministre, mais nous voudrions comprendre. Si j'ai bien saisi, les dettes du FSV ne seraient pas remboursées avant de servir la CNAV. Mon amendement serait donc fondé.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le rapporteur pour avis, vous vous êtes interrogé sur la très faible variabilité du solde inscrit au titre du FSV dans l'annexe B quelles que soient les hypothèses économiques retenues. Mais le FSV n'a pas vocation à dégager des excédents.
Lors de l'élaboration des prévisions, l'hypothèse de travail retenue fut la suivante : à partir du jour où le Fonds de solidarité vieillesse sera en excédent, les sommes excédentaires dégagées devront être utilisées à d'autres fins que le financement dudit fonds. Leur vocation la plus naturelle est de venir augmenter les ressources de la Caisse nationale d'assurance vieillesse, qui, naturellement, malgré la réforme de ce secteur, aura besoin de ces crédits complémentaires.
À ce moment-là - moment proche car le FSV reprend assez rapidement le chemin de l'équilibre -, nous étudierons les décisions qui devront être prises.
En tout cas, il est certain que, dès que la ligne relative au FSV enregistre un excédent, les chiffres ne sont plus modifiés.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. J'ai bien compris, mais qui rembourse la dette ?
Mme la présidente. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mes chers collègues, je voudrais attirer votre attention pour que nous gardions l'attitude cohérente qui a toujours été la nôtre.
Nous ne pouvons pas critiquer le ministère des finances de ne pas engager le remboursement de la dette de l'État vis-à-vis de la sécurité sociale, dette qui, je le rappelle, s'élève aujourd'hui à 5 milliards d'euros, si nous-mêmes nous n'acceptons pas d'amorcer le remboursement de la dette du FSV et, dès lors que ce dernier sera excédentaire, de permettre l'utilisation de ces excédents pour alimenter la CNAV, qui connaît des difficultés.
Quoi qu'il en soit, si nous décidions d'affecter les excédents du FSV à la CNAV, nous devrions modifier une disposition législative aux termes de laquelle les excédents dégagés par le FSV doivent alimenter le FRR, le Fonds de réserve des retraites.
Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point puisque la mise en oeuvre de la proposition que vient de formuler M. le ministre nécessitera l'adoption d'une disposition législative.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à fait !
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. J'en suis navré, monsieur le ministre, mais, selon moi, l'annexe est fausse.
M. Guy Fischer. Et voilà !
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je vous en prie, mon cher collègue, n'ajoutez pas à la difficulté ! (Sourires.)
Par conséquent, il me semble préférable que l'amendement n° 75 soit adopté.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire que l'annexe est fausse ! Elle est juste, compte tenu des hypothèses qui ont été prises. C'est la raison pour laquelle je vous ai demandé de retirer votre amendement.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 75 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. À cette heure, madame la présidente, étant donné notre état d'hypoglycémie certain, je suis bien obligé de le retirer.
Mme la présidente. L'amendement n° 75 est retiré.
Je mets aux voix l'article 9 et l'annexe B, modifiés.
(L'article 9 et l'annexe B sont adoptés.)
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures vingt-cinq.)
Mme la présidente. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus aux amendements tendant à insérer un article additionnel avant l'article 10.
Section 1
Dispositions relatives aux recettes des régimes obligatoires de base et des organismes concourant à leur financement
Articles additionnels avant l'article 10
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 127 rectifié, présenté par MM. Fouché, Besse, de Broissia, Détraigne, Doublet, Duvernois et Fournier, Mme Gousseau, MM. Haenel, Houel et du Luart, Mme Mélot, MM. Nachbar et Richert, Mme Sittler, MM. Carle, Cléach, Falco et Goulet, Mme Henneron, MM. Revet et de Richemont, est ainsi libellé :
Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :
« Sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions destinées au financement des régimes de retraite complémentaire mentionnés au chapitre Ier du titre II du livre IX mises à la charge des employeurs en application d'une disposition législative ou réglementaire ou en application d'un accord national interprofessionnel mentionné à l'article L. 921-4 et des accords, au sens de l'article L. 132-1 du code du travail et de l'article L. 911-1 du présent code, pris pour leur application.
« Sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les cotisations prises en charge par l'employeur et incombant aux salariés en application d'une disposition législative ou réglementaire ou d'une convention ou d'un accord national interprofessionnel étendu à la condition que cette prise en charge soit instituée conformément à l'une des procédures prévues à l'article L. 911-1 du présent code. »
II - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Françoise Henneron.
Mme Françoise Henneron. L'un des moyens simples pour favoriser le dialogue social dans les entreprises consiste à autoriser ces dernières à prendre à leur charge tout ou partie des cotisations salariales. En effet, comme le rappelait voilà quelques jours le Président de la République à propos de la réforme du dialogue social, l'un des principes en matière de négociation sociale est de laisser les partenaires s'entendre directement et de ne légiférer que s'ils ne trouvent d'accord. Par ailleurs, selon le principe de faveur, qui s'articule avec le précédent, il est possible de déroger à un accord national interprofessionnel, à un accord ou à une convention de branche, mais à condition que cela bénéficie aux salariés.
Actuellement, la répartition des cotisations sociales entre salariés et employeurs résulte soit de la loi, soit d'accords nationaux interprofessionnels, ce qui entraîne une rigidité préjudiciable au dialogue social. Ainsi, au niveau des branches comme des entreprises, alors que les cotisations relatives aux retraites complémentaires et aux ASSEDIC relèvent pourtant uniquement des partenaires sociaux, les deux parties ne sont pas libres de choisir une répartition de ces cotisations plus favorable aux salariés, ce qui est donc contraire au principe de faveur que j'invoquais à l'instant.
Par conséquent, il n'est que temps de permettre à un accord d'entreprise de prévoir une répartition plus favorable aux salariés, selon lequel l'entreprise prendra irréversiblement à sa charge tout ou partie des cotisations payées par les salariés. Avec un tel transfert de charges, car c'est bien uniquement de cela qu'il s'agit, le dialogue social est encouragé, dans le respect du principe de faveur.
Les plus sceptiques nous rétorqueront que, au final, le grand perdant est l'entreprise, car c'est elle qui devra payer. Certes, mais elle paiera près de deux fois moins, et cela change tout ! Pour les observateurs, les entreprises ne veulent plus faire que des augmentations individuelles de salaires. Si nous voulons encourager les augmentations collectives, il faut « doper » le rapport entre le coût et l'efficacité.
Par conséquent, mes chers collègues, l'amendement n° 127 rectifié vise à rendre possibles les transferts de charges. Cela présente le double avantage de raviver le dialogue social et de redonner du pouvoir d'achat aux salariés, le tout sans la moindre perte de recettes, car l'assiette des cotisations sociales n'est absolument pas touchée : ni l'URSSAF, ni les ASSEDIC, ni les caisses de retraites complémentaires ne perdent un centime dans cette opération ; au contraire, c'est l'État qui y gagne en recettes de TVA et d'impôt sur le revenu.
Je le répète, il n'est que temps d'offrir une telle possibilité, qui s'avérera bénéfique aux entreprises comme aux salariés.
Mme la présidente. L'amendement n° 128 rectifié, présenté par MM. Fouché, Besse, de Broissia, Détraigne, Doublet, Duvernois et Fournier, Mme Gousseau, MM. Haenel, Houel et du Luart, Mme Mélot, MM. Nachbar et Richert, Mme Sittler, MM. Carle, Cléach, Falco et Goulet, Mme Henneron, MM. Revet et de Richemont, est ainsi libellé :
Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Le cinquième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Sont exclues de l'assiette des cotisations mentionnées au premier alinéa les contributions destinées au financement des régimes de retraite complémentaire mentionnés au chapitre premier du titre II du livre IX mises à la charge des employeurs en application d'une disposition législative ou réglementaire ou en application d'un accord national interprofessionnel mentionné à l'article L. 921-4 et des accords, au sens de l'article L. 132-1 du code du travail et de l'article L. 911-1 du présent code, pris pour leur application. »
II - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant du I ci-dessus est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnel aux des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Françoise Henneron.
Mme Françoise Henneron. Cet amendement de repli par rapport au précédent, puisqu'il est limité aux cotisations de retraites complémentaires, vise très directement à rétablir une disposition qui a été malencontreusement supprimée lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.
En effet, actuellement, la répartition entre salarié et entreprise des cotisations de retraite complémentaire - retraites obligatoires de l'ARRCO et de l'AGIRC - résulte d'accords nationaux interprofessionnels.
La loi intervient par ailleurs - c'est l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale - pour fixer les règles de déductibilité des cotisations de retraite complémentaire.
Avant la loi Fillon du 21 août 2003 portant réforme des retraites, cette modification par accord d'entreprise était possible, quoique contestée un temps par les URSSAF, mais la Cour de cassation tranchait systématiquement en faveur de la liberté de répartition. La loi Fillon clarifia l'article 242-1 dudit code. La répartition entre partenaires de ces cotisations devenait clairement libre pourvu que le principe de faveur fût respecté.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 a rendu proprement impossible cette répartition plus favorable au salarié, en soumettant les cotisations transférées aux charges sociales.
Ce coût prohibitif s'applique non seulement aux accords futurs, mais aussi aux accords antérieurement signés sous l'ancienne législation, devenus irréversibles puisque transformés en avantages acquis. Il était déjà regrettable de pénaliser les entreprises qui s'étaient montrées le plus « sociales ». Mais était-il judicieux d'interdire aux autres de le devenir ?
Notre amendement vise donc à rétablir un droit : la prise en charge par l'employeur des cotisations salariales de retraite complémentaire, ce qui présente le double avantage de ranimer le dialogue social et de stimuler le pouvoir d'achat des salariés.
Enfin, et ceci est essentiel, le dispositif que nous proposons relève de la plus élémentaire justice sociale puisque, en l'état actuel du droit, la libre répartition des cotisations de retraite complémentaire n'est possible que pour les cadres de la tranche C, c'est-à-dire les cadres dirigeants dont le revenu mensuel est quatre fois supérieur au plafond de la sécurité sociale, soit 10 356 euros.
Nous proposons tout simplement d'étendre cette faculté aux cadres des tranches A et B et aux non-cadres. Cette dernière considération démontre à elle seule que notre proposition ne coûte rien. Sinon, comment pourrait-on expliquer qu'elle soit aujourd'hui réservée aux cadres les mieux rémunérés ?
Contrairement à ce qui a déjà été affirmé, mes chers collègues, il n'y a pas la moindre perte de recettes, l'assiette des cotisations sociales n'étant absolument pas touchée. Ni l'État, ni les organismes sociaux, ni les caisses de retraites complémentaires ne perdent un centime dans cette opération. Au contraire, l'État y gagne en recettes de TVA et d'impôt sur le revenu.
Par conséquent, il est temps de rétablir cette mesure salutaire.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Mme Henneron propose de favoriser la prise en charge par les employeurs soit de l'ensemble des cotisations sociales, soit uniquement des cotisations de retraite complémentaire incombant aux salariés.
Je rappelle que l'on a quasiment fait disparaître les cotisations maladie puisque, dans les entreprises de moins de vingt salariés, on va les éliminer complètement et qu'elles devraient être compensées par le budget de l'État.
Maintenant qu'on est débarrassé des cotisations sociales des employeurs, tant qu'on y est, on peut s'intéresser aux cotisations sociales des salariés ! Pour ne pas intervenir directement sur ces cotisations, mieux vaut demander aux employeurs d'en supporter la charge... Ensuite, on se rendra compte, naturellement, que ces cotisations pèsent sur la compétitivité des entreprises : ne restera plus qu'à trouver un moyen de les faire disparaître et de compenser l'allégement... Alors, bien sûr, M. Copé ne manquera pas de nous dire que ces allégements coûtent extrêmement cher au budget de l'État et mettent en péril l'équilibre des comptes. Car c'est bien connu : que l'assurance maladie ou le régime général de la sécurité sociale soient déficitaires, ce n'est pas trop grave, mais que le déficit du budget de l'État se creuse, ce n'est pas acceptable !
Voilà pourquoi la commission des affaires sociales m'a chargé de recueillir l'avis du Gouvernement sur ces amendements et de s'y conformer.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Guy Fischer. Ah, quand même !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je comprends très bien que l'on puisse souhaiter, dans une optique sociale, encourager la négociation collective au sein de l'entreprise et permettre à l'employeur de prendre à sa charge les cotisations salariales à des régimes obligatoires de retraite complémentaire.
Mais il s'agit de cotisations salariales !
Chaque année, l'employeur est assujetti à l'obligation de négocier l'évolution des salaires. Naturellement, tout employeur préférera augmenter le pouvoir d'achat de ses salariés sous forme d'avantages affranchis de cotisations sociales plutôt que de salaires soumis à cotisations sociales. En effet, l'employeur qui fait bénéficier ses salariés de tickets-restaurant, de chèques-vacances ou d'un intéressement aura l'avantage de ne pas payer de cotisations sociales. En revanche, s'il augmente les salaires, il paiera des cotisations sociales.
Certes, l'augmentation de sa masse salariale en franchise de cotisations peut aussi constituer pour l'employeur une motivation importante. Mais, surtout au moment où nous débattons du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous devons être les gardiens des recettes de la sécurité sociale. Or celles-ci n'ont que trop tendance à être réduites par le biais d'exonérations, alors même que le vieillissement de la population, l'augmentation du coût des médicaments et des technologies médicales rendent au contraire nécessaire le développement de ces recettes.
C'est la raison pour laquelle, soutenu par les encouragements de M. Jean-Louis Borloo et de M. Gérard Larcher,...
M. Philippe Bas, ministre délégué.... qui connaissent parfaitement les différents paramètres de la négociation salariale au sein des entreprises, je vous demande, madame Henneron, de bien vouloir retirer cet amendement, qui n'est pas compatible avec la nécessité d'assurer à moyen terme des ressources suffisantes pour la sécurité sociale.
Mme la présidente. Madame Henneron, les amendements nos 127 rectifié et 128 rectifié sont-ils maintenus ?
Mme Françoise Henneron. C'est à regret que je vais retirer ces amendements, car une injustice demeure. Pourquoi les cadres supérieurs peuvent-ils bénéficier de la libre répartition des cotisations de retraites complémentaires, et non les simples employés ? J'espère que nous pourrons revenir sur cette question ultérieurement.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Bravo, madame Henneron !
Mme la présidente. Les amendements nos 127 rectifié et 128 rectifié sont retirés.
L'amendement n° 311, présenté par MM. Autain et Fischer, Mme Hoarau, M. Muzeau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 10, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le premier alinéa de l'article L. 712-9 du code de la sécurité sociale est complété par une phrase ainsi rédigée : « À compter du 1er janvier 2008, ce taux est fixé à 11,9 %. »
II. Les conséquences financières résultant pour l'État du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code des impôts.
La parole est à M. François Autain.
M. François Autain. Cet amendement vise à aligner les cotisations sociales de l'État employeur sur celles versées par les employeurs privés.
En vérité, c'est la troisième fois que je dépose un tel amendement, mais je n'ai jamais, jusqu'à présent, obtenu : le succès espéré. Il faut quelquefois savoir être persévérant !
Je rappelle brièvement les données du problème.
L'opacité des relations financières entre l'État et la sécurité sociale, dénoncée régulièrement par notre collègue Alain Vasselle, existe dès le stade de la perception des cotisations sociales. En effet, alors que les employeurs privés sont assujettis à un taux de cotisations de 11,9 %, l'État, pour sa part, s'en sort bien mieux puisque son taux de cotisation n'est que de 9,70 %.
Il me faut ici répertorier dans l'ordre les réponses qui m'ont été faites depuis que je dépose cet amendement.
En 2005, on m'a rétorqué que la question était trop importante pour être traitée au détour d'un amendement au projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Il m'a aussi été répondu - mon interlocuteur de l'époque était M. Xavier Bertrand, me semble-t-il, - que le projet de loi organique n'était pas le « véhicule adapté » pour en parler, mais que l'on m'avait « entendu et compris ».
M. François Autain. L'année dernière, c'était vous, monsieur Bas, et vous m'avez répondu que la détermination du niveau de cotisation relevait, non de la loi, mais du règlement et qu'il faudrait « y regarder de près ». J'aurai donc tout entendu !
Nous voici fin 2006 et je n'ai pas l'impression que vous y ayez effectivement « regardé de plus près ». En effet, sauf inattention de ma part, aucun rapport n'a été rédigé et aucune consultation n'a été engagée sur ce sujet.
Pourtant, la Cour des comptes avait dénoncé dès 2003 cette disparité de taux et recommandé un alignement sur le taux de cotisation des employeurs privés, observant qu'une telle disparité impliquait un manque à gagner de 2 milliards d'euros au seul titre de l'État.
Depuis lors, comme moi aujourd'hui, la Cour des comptes réitère chaque année, inlassablement, cette recommandation ; elle l'a d'ailleurs fait cette année encore. Nous sommes même aujourd'hui trois puisque, plus récemment, le directeur de l'UNCAM, l'Union nationale de coordination des associations militaires, a plaidé dans le sens d'une harmonisation des taux. Mais cette proposition n'a pas été retenue au moment des arbitrages auxquels vous avez procédé lors de la préparation de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.
En commission, M. Copé, que nous avons longuement auditionné, m'a opposé un nouvel argument : l'État étant son propre assureur pour un certain nombre de risques - arrêt de travail, invalidité, décès -, il ne serait pas possible d'envisager un quelconque alignement. Pas plus que les autres, cet argument ne me convainc. J'attends que l'on m'apporte une évaluation chiffrée du coût financier que ces charges supplémentaires feraient peser sur l'État.
Par ailleurs, je me permets d'observer, avec la Cour des comptes, que, « lors du transfert aux CAF du versement des prestations familiales dues aux fonctionnaires, le taux de la cotisation employeur a été aligné sur le droit commun » et que, « en revanche, il reste différent en maladie et les indemnités n'ont toujours pas été intégrées dans l'assiette ».
Pouvons-nous aujourd'hui espérer, monsieur le ministre, que vous cesserez de « botter en touche » ?
J'ose également espérer que mes collègues de la majorité sénatoriale, soucieux de voir l'État adopter une posture plus transparente, adopteront le présent amendement. Il n'est pas nécessaire d'espérer pour entreprendre !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. M. Autain l'a dit lui-même, ce n'est pas la première fois qu'il dépose ce type d'amendement : je crains donc qu'il n'entende la même réponse.
La commission des affaires sociales a émis un avis défavorable sur cet amendement. Cela étant, il me semblerait tout à fait intéressant d'analyser, d'une manière aussi fine que possible, dans le cadre de la MECSS, la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, que j'ai l'honneur de présider, la part des risques que l'État couvre en qualité d'assureur. On peut effectivement se demander pourquoi l'État a décidé de n'être son propre assureur que pour une partie des risques et non pour la totalité.
On peut imaginer que l'État décide de ne plus assurer lui-même ces risques et de confier aux branches le soin de le faire. Nous aboutirions alors à un même niveau de cotisations pour l'État et pour les employeurs privées.
Sans doute l'analyse démontrera-t-elle - encore faudrait-il que l'on procédât à cet exercice - que l'État est plutôt gagnant en étant son propre assureur pour un certain nombre de risques et que cela lui coûterait beaucoup plus cher de cotiser pour ces risques dans la mesure où les fonds qu'il doit mobiliser lorsque ces risques surviennent sont, dans la durée, moins importants que l'ensemble des fonds qu'il devrait consacrer, sur la même période, à ces cotisations, étant entendu que c'est le souci d'économiser les deniers publics et de ne pas accroître le déficit budgétaire qui doit toujours nous guider.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur Autain, la question que vous posez me paraît tout à fait fondée : pourquoi les cotisations destinées à couvrir les dépenses d'assurance maladie des travailleurs sont-elles différentes selon que l'employeur est l'État ou une entreprise du secteur privé ? Je l'avoue, j'ai beau chercher, je ne trouve guère de raisons.
Toutefois, la prise en considération des difficultés que rencontrent mes collègues le ministre de l'économie et des finances et le ministre du budget pour boucler le projet de loi de finances pour 2007 m'amène à penser que la correction de ce que vous présentez comme une anomalie - et c'en est peut-être effectivement une - contraindrait l'État à verser des cotisations très élevées, qu'il estime ne pas être en mesure de verser aujourd'hui.
C'est la raison pour laquelle je ne peux, au nom du Gouvernement, émettre un avis favorable sur votre amendement. Mais sachez que c'est à regret, en espérant que, comme nous l'avons déjà fait pour les cotisations assises sur les allocations familiales des fonctionnaires, nous puissions progressivement arriver à mettre au même niveau les cotisations de l'État employeur et celles des entreprises du secteur privé. Je suis sûr, monsieur le sénateur, que nous y parviendrons.
Mme la présidente. Monsieur Autain, l'amendement est-il maintenu ?
M. François Autain. Je remercie M. le ministre et M. le rapporteur de leur réponse, qui n'est pas totalement négative. Fort du progrès que je perçois par rapport à l'année dernière, j'espère que le prochain pas sera décisif au point de pouvoir enfin mettre en oeuvre cette mesure.
M. François Autain. Je ne sais pas pourquoi, je n'ose pas trop compter sur vous l'année prochaine ! (Sourires.) Nous aurons l'occasion d'en reparler.
Toujours est-il que j'espère que la MECSS, dont M. Vasselle assure la présidence, pourra procéder à cette étude, qui me semble tout à fait indispensable. Il convient, en effet, de préciser les choses pour savoir si l'État retire véritablement un bénéfice du fait qu'il est son propre assureur pour un certain nombre de risques.
Quoi qu'il en soit, madame la présidente, je maintiens mon amendement puisque, pour le moment, aucune solution ne nous est proposée.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 311.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 10
I. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l'article L. 131-6 est ainsi rédigé :
« Le revenu professionnel pris en compte est celui retenu pour le calcul de l'impôt sur le revenu avant les déductions et exonérations mentionnées aux articles 44 sexies, 44 octies, 44 octies A et 44 undecies et au deuxième alinéa du I de l'article 154 bis du code général des impôts à l'exception des cotisations versées aux régimes facultatifs par les assurés ayant adhéré à ces régimes avant la date d'effet de l'article 24 de la loi n° 94-126 du 11 février 1994 relative à l'initiative et à l'entreprise individuelle. Il n'est pas tenu compte des reports déficitaires, des amortissements réputés différés au sens du 2° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, des plus-values et moins-values professionnelles à long terme, des provisions mentionnées aux articles 39 octies E et 39 octies F du même code et du coefficient multiplicateur mentionné au 7 de l'article 158 du même code. » ;
2° Le deuxième alinéa de l'article L. 136-3 est ainsi rédigé :
« La contribution est assise sur les revenus déterminés par application des dispositions de l'article L. 131-6. Les cotisations personnelles de sécurité sociale mentionnées à l'article 154 bis du code général des impôts ainsi que les sommes mentionnées aux articles L. 441-4 et L. 443-8 du code du travail et versées au bénéfice de l'employeur et du travailleur indépendant sont ajoutées au bénéfice pour le calcul de la contribution, à l'exception de celles prises en compte dans le revenu professionnel défini à l'article L. 131-6. » ;
3° Les deux premières phrases du troisième alinéa du I de l'article L. 136-4 sont ainsi rédigées :
« Pour la détermination des revenus mentionnés au précédent alinéa, il n'est pas tenu compte des reports déficitaires, des amortissements réputés différés au sens du 2° du 1 de l'article 39 du code général des impôts, des plus-values et moins-values professionnelles à long terme, des modalités d'assiette mentionnées aux articles 75-0 A et 75-0 B du même code ainsi que du coefficient multiplicateur mentionné au 7 de l'article 158 du même code. Les revenus sont majorés des déductions et abattements mentionnés aux articles 44 sexies, 44 undecies et 73 B du code général des impôts, des cotisations personnelles de sécurité sociale de l'exploitant, de son conjoint et des membres de sa famille ainsi que des sommes mentionnées aux articles L. 441-4 et L. 443-8 du code du travail et versées au bénéfice des intéressés, à l'exception de celles prises en compte dans le revenu défini à l'article L. 731-14 du code rural. »
II. - Le troisième alinéa de l'article L. 731-15 du code rural est ainsi rédigé :
« Il n'est pas tenu compte des reports déficitaires, des plus-values et moins-values professionnelles à long terme, des modalités d'assiette qui résultent d'une option du contribuable et du coefficient multiplicateur mentionné au 7 de l'article 158 du code général des impôts. »
III. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Dans le troisième alinéa du 1 de l'article 50-0, les taux : « 68 % » et « 45 % » sont remplacés, respectivement, par les taux : « 71 % » et « 50 % » ;
2° Dans le premier alinéa du 1 de l'article 102 ter, le taux : « 25 % » est remplacé par le taux : « 34 % ».
IV. - Les dispositions du présent article s'appliquent pour la première fois pour l'imposition des revenus et le calcul des cotisations et contributions assises sur les revenus de l'année 2006.
Mme la présidente. L'amendement n° 4, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
A. Dans la première phrase du texte proposé par le 1° du I de cet article pour le deuxième alinéa de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :
44 sexies, 44 octies, 44 octies A et 44 undecies
par les mots :
44 sexies, 44 sexies A, 44 octies, 44 octies A, 44 undecies et 151 septies A
B. En conséquence, rédiger comme suit le début de la seconde phrase du texte proposé par le 3° du I de cet article :
Les revenus sont majorés des déductions, abattements et exonérations mentionnés aux articles 44 sexies, 44 sexies A, 44 undecies, 73 B et 151 septies A du code général des impôts...
C. Rédiger comme suit le II de cet article :
II.- L'article L. 731-15 du code rural est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« Il n'est pas tenu compte des reports déficitaires, des plus values et moins-values professionnelles à long terme, des modalités d'assiette qui résultent d'une option du contribuable et du coefficient multiplicateur mentionné au 7 de l'article 158 du code général des impôts. »
2° Le dernier alinéa est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ces revenus sont également majorés du montant des plus-values à court terme exonérées d'impôt sur le revenu en application de l'article 151 septies A du code général des impôts. »
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
(L'article 10 est adopté.)
Article 10 bis
I. - Le II de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Le a est ainsi rédigé :
« a) Les sommes soumises à l'impôt sur le revenu en application des articles 168, 1649 A et 1649 quater A du code général des impôts ainsi que de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ; »
2° Après le a, il est inséré un a bis ainsi rédigé :
« a bis) Les sommes soumises à l'impôt sur le revenu en application du 1° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et qui ne sont pas assujetties à la contribution en vertu d'une autre disposition ; ».
II. - L'article 1600-0 H du code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le 2 est ainsi rédigé :
« 2. Les sommes soumises à l'impôt sur le revenu en application des articles 168, 1649 A et 1649 quater A ainsi que de l'article L. 69 du livre des procédures fiscales ; »
2° Après le 2, il est inséré un 2 bis ainsi rédigé :
« 2 bis. Les sommes soumises à l'impôt sur le revenu en application du 1° de l'article L. 66 du livre des procédures fiscales et qui ne sont pas assujetties à la contribution en vertu d'une autre disposition ; »
3° Dans le 3, les mots : « perçus au titre des années définies au I de l'article 1600-0 G, » sont supprimés ;
4° Dans le 4, les mots : « au titre des années visées au I de l'article 1600-0 G » sont supprimés.
III. - Les dispositions des I et II s'appliquent à compter de l'imposition des revenus de l'année 2006. - (Adopté.)
Articles additionnels avant l'article 11
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Est considéré comme une rémunération l'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de la levée d'une option consentie dans les conditions prévues aux articles L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce et le prix effectif de souscription ou d'achat de cette option, lorsque le bénéficiaire ne remplit pas les conditions prévues au I de l'article 163 bis C du code général des impôts et, en tout état de cause, pour la fraction de cet avantage supérieure à cinq fois le plafond prévu à l'article L. 241-3 du présent code en vigueur à la date de levée de l'option. Pour la détermination de ce seuil, il est fait masse du total des gains enregistrés par le bénéficiaire sur une année civile. »
II. - Les dispositions du I sont applicables aux options levées à compter du 1er janvier 2007.
La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. À travers cet amendement, nous ne faisons rien d'autre que nous inspirer des initiatives prises, concernant les niches fiscales, par le ministère de l'économie et des finances, confortées par les commissions des finances des deux assemblées : nous proposons d'agir sur les niches sociales. Il nous paraîtrait en effet judicieux, ne serait-ce qu'au nom du parallélisme des formes, d'étendre à celles-ci ce qui a été fait pour celles-là.
Cet amendement vise à engager un débat sur ce sujet avec les membres du Gouvernement pour recueillir leur avis, connaître leurs intentions et savoir s'ils sont prêts à aller dans cette direction.
Du reste, je ne doute pas un seul instant que M. le ministre de la santé, comme celui qui est en charge de la sécurité sociale, soient sensibles à notre proposition, car des ressources nouvelles seront toujours les bienvenues pour contribuer à l'équilibre des comptes de la sécurité sociale.
Le coût de l'ensemble des dispositifs dérogatoires, hors allégements généraux de charges sociales, est en effet très élevé : il est actuellement estimé à environ 20 milliards d'euros.
L'amendement a pour objet de soumettre aux cotisations et contributions de sécurité sociale la plus-value d'acquisition réalisée lors de la levée d'une option, soit lorsque le délai minimal d'indisponibilité de quatre ans prévu par le code général des impôts n'est pas respecté, soit, en cas de respect de ce délai, lorsque cette plus-value dépasse un montant d'environ 150 000 euros par bénéficiaire et par an.
Il vise, par ailleurs, à assimiler à une rémunération le rabais consenti lors de l'attribution des titres, actuellement exclu de l'assiette sociale lorsqu'il est inférieur à 5 %.
Ces mesures modifieront la politique de rémunération des cadres dirigeants dans un sens favorable aux salaires, tout en réduisant les pertes d'assiette sociale engendrées par la législation actuelle.
Même en mettant en place un tel dispositif, les détenteurs des stocks-options conserveraient évidemment une partie du produit de la plus-value.
Mme la présidente. L'amendement n° 135, présenté par MM. Godefroy, Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Le Texier, Alquier, Jarraud - Vergnolle, Printz, Schillinger, San Vicente - Baudrin, Cerisier - ben Guiga et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Le deuxième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigé :
« Est considéré comme une rémunération l'avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l'action à la date de la levée d'une option consentie dans les conditions prévues aux article L. 225-177 à L. 225-186 du code de commerce et le prix effectif de souscription ou d'achat de cette option, pour la fraction de cet avantage supérieure au plafond prévu à l'article L. 241-3 du présent code en vigueur à la date de levée de l'option. Pour la détermination de ce seuil, il est fait masse du total des gains enregistrés par le bénéficiaire sur une année civile. »
II. - Les dispositions du I sont applicables aux options levées à compter du 1er janvier 2007.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement nous ramène quelques instants au débat sur les stock-options que nous avons eu la semaine passée lors de la discussion du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.
Au point atteint aujourd'hui, les stock-options sont devenues le symbole de la perversion de l'économie, la figure centrale d'un véritable monopoly financier où seules règnent les motivations de rendement à court terme.
Les dirigeants de grandes sociétés qui détiennent des stock-options sont motivés d'abord par l'augmentation de la valeur de leurs actions. Mais la valeur des actions est désormais largement déconnectée du développement de l'entreprise, et a fortiori de l'emploi.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Pas à long terme !
M. Jean-Pierre Godefroy. On a créé volontairement une confusion entre les actionnaires et les cadres dirigeants, de telle sorte que ceux-ci ont tendance à se comporter aujourd'hui comme des actionnaires beaucoup plus que comme des entrepreneurs. Mais qu'est-ce aujourd'hui qu'un actionnaire ? Est-ce quelqu'un qui investit dans une entreprise à long terme, ou un spéculateur sur les marchés internationaux ?
On en arrive à cet excès suicidaire qui consiste à sacrifier les éléments porteurs d'avenir à terme pour l'entreprise, tels que la recherche ou la formation des salariés, pour augmenter les profits à court terme.
La caricature de ce comportement est le leverage buy out, communément appelé LBO, où l'on en arrive à transformer une entreprise viable en simple réceptacle de dettes transférées, et à se retirer, fortune faite, pour aller plus loin accomplir sa sale besogne de prédateur.
Quant aux salariés, ils quittent aussi l'entreprise, contraints et forcés, mais, eux, avec seulement leur indemnité de licenciement, sans commune mesure avec les rémunérations des dirigeants ! Je rappelle que celles-ci peuvent atteindre 400 fois le salaire moyen !
Non seulement cette situation est scandaleuse, mais elle est génératrice de bulles spéculatives et, donc, extrêmement périlleuse à terme pour l'économie. Il faut, par conséquent, user de tous les moyens à notre disposition pour y mettre un terme.
Nous avons en France une possibilité spécifique, qui est celle des cotisations sociales. En effet, les stock-options, pour le dire simplement, sont exonérées de cotisations sociales. Est-ce acceptable, dans la mesure où il s'agit d'éléments de rémunération considérables ? Cette exonération finit par grever de manière non négligeable le budget de la sécurité sociale.
Nous rejoignons sur ce point la préoccupation de notre rapporteur, M. Alain Vasselle, qui voit à juste titre dans les stock-options une « niche sociale » permettant d'octroyer - voire de « s'octroyer » ! - des sommes considérables exonérées de cotisations.
Non seulement il s'agit d'un péril économique, mais encore d'un refus de participer à la solidarité nationale.
Nous souhaitons donc un encadrement strict des stock-options non seulement sur le plan de leur attribution et des modalités de levée, mais aussi pour qu'elles n'échappent pas, en tant qu'élément primordial de rémunération, au financement de la protection sociale.
Nous présentons en ce sens un amendement voisin de celui de notre rapporteur, mais avec un curseur un peu moins indulgent. En effet, nous ne prévoyons pas de condition de respect des délais. Notre amendement concerne toutes les stock-options.
De plus, nous estimons, compte tenu des disparités de plus en plus considérables entre les revenus et de la situation de la sécurité sociale, qu'il n'y a pas lieu d'exonérer sous un seuil aussi élevé que 150 000 euros. Ainsi, notre unité de mesure n'est pas ici tout à fait la même que celle de notre rapporteur, mais notre objectif est le même. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. À chaque jour suffit sa peine ! Il faut commencer par une première étape, et nous considérons que l'amendement de la commission en est déjà une. N'allons pas trop loin ! M. Godefroy pèche par excès de zèle : il veut aller encore plus loin que la commission. Il faut savoir patienter, mon cher collègue !
Nous allons écouter l'avis du Gouvernement et, plus tard, il sera temps d'agir avec un peu plus de vigueur.
C'est la raison pour laquelle la commission préfère s'en tenir à son propre amendement et émet un avis défavorable sur l'amendement n° 135.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 5 et 135 ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement a examiné avec beaucoup d'attention ces deux amendements.
Il tient à être cohérent avec les positions qu'il a prises lors du débat d'orientation sur les prélèvements obligatoires ainsi qu'à l'occasion de la discussion générale de ce projet de loi.
Il faut veiller à maintenir, pour l'avenir, aux recettes de la sécurité sociale un dynamisme suffisant pour couvrir l'augmentation nécessaire et justifiée médicalement des dépenses liées au vieillissement de la population, aux nouvelles technologies médicales et au coût des nouvelles molécules mises au point par les laboratoires pharmaceutiques.
Pour autant, le Gouvernement ne souhaite pas aborder la question des niches sociales par petites touches. Il y a aujourd'hui de très nombreuses niches sociales, et elles ne concernent pas simplement les stock-options. Il nous paraît tout à fait important de procéder à un examen d'ensemble de ces niches sociales, dont le montant est certainement excessif au regard d'assurer un financement stable à notre sécurité sociale.
C'est la raison pour laquelle la proposition que je vous soumets est de mettre en oeuvre entre nous - Gouvernement et Parlement - un examen approfondi de ces niches sociales, à l'instar de ce qui a été fait pour les niches fiscales en matière d'impôt sur le revenu. C'est seulement à partir de là que nous aurons les informations nécessaires pour prendre de bonnes décisions.
Par conséquent, je ne peux que vous demander, monsieur le rapporteur, monsieur Godefroy, de bien vouloir retirer vos amendements au bénéfice de ces explications.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 5 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je veux faire remarquer à nos collègues de l'opposition, qui auraient souhaité une mise en oeuvre immédiate de cette action au niveau des niches sociales, que M. le ministre nous ouvre des possibilités tout à fait intéressantes.
Il l'a déjà fait à propos d'un amendement, que j'ai retiré, et qui portait sur tableaux projetant l'évolution quadriennale des comptes des branches : il a suggéré que nous nous retrouvions, dès que notre commission en fera la demande, autour d'une table pour pouvoir travailler ensemble sur le PLFSS pour 2008. J'en ai pris bonne note, et nous ne manquerons pas, monsieur le ministre, de frapper à votre porte.
Eh bien, nous ferons de même en ce qui concerne les niches sociales, car, je le répète, il n'y a pas de raison de ne pas établir un parallélisme entre budget de l'État et budget de la sécurité sociale, c'est-à-dire entre niches fiscales, d'une part, et niches sociales, d'autre part.
À la limite, monsieur le ministre, puisque nous ne voulons pas accroître globalement le poids des prélèvements obligatoires, nous pouvons très bien admettre un partage entre recettes fiscales et recettes sociales : diminuer les premières permettrait d'augmenter les secondes au travers de cotisations sociales assises sur les plus-values liées à ces niches fiscales.
C'est une des pistes qui pourraient être étudiées : fixez-nous rendez-vous quand vous le souhaiterez - pourquoi pas dans le courant du premier trimestre si vous en avez le temps ? - pour que nous commencions à y travailler, monsieur le ministre.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Demain !
M. François Autain. Le temps presse !
Mme la présidente. L'amendement n° 5 est retiré.
Monsieur Godefroy, l'amendement n° 135 est-il également retiré ?
M. Jean-Pierre Godefroy. M. Vasselle comprendra que je persiste dans mon excès de zèle, car, si je ne le fais pas, le débat sera clos.
M. Vasselle fait en effet souvent de très bonnes propositions, je lui en donne acte, mais, hélas, il les retire toujours prématurément. Aussi, pour l'aider à faire passer ses bonnes idées, nous maintenons notre amendement.
Monsieur le ministre, permettez-moi de le relever, l'expérience montre que l'on trouve toujours de bonnes raisons pour reporter les décisions qui s'attaquent à des privilèges manifestement scandaleux, mais que le moment est toujours bon pour s'en prendre aux salariés ! Il suffit d'examiner tout ce qui a été fait au cours des dernières années, et encore lors des semaines qui viennent de s'écouler !
Bien sûr, M. Vasselle ne votera pas notre amendement, mais je suis certain qu'en son for intérieur il l'approuve. (Sourires.)
Mme Gisèle Printz. Bravo !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Outre que l'exonération de cotisations sociales sur les stock-options contribue à affaiblir de manière inadmissible le budget de la sécurité sociale et, partant, la protection sociale, elle conduit bien souvent à des situations scandaleuses contre lesquelles on ne peut que s'insurger.
La remise en cause de telles niches sociales se justifie pleinement, car elles ont des conséquences non seulement sur les recettes de la sécurité sociale, mais aussi sur l'emploi.
Comment ne pas rappeler que les conditions du départ à la retraite de l'ancien président-directeur général du groupe Vinci, M. Zacharias, ont d'autant plus choqué qu'il s'était préalablement lui-même accordé des sommes énormes, notamment sous la forme d'un volume extraordinaire de stock-options, bien sûr exonérées de cotisations sociales.
L'actualité nous amène à évoquer aussi l'affaire EADS-Airbus, qui a conduit nos collègues socialistes à demander la création d'une commission d'enquête. Il y a en effet eu des ventes d'actions qui ont permis à des actionnaires importants et à des dirigeants - ainsi qu'à leurs enfants - d'encaisser des sommes considérables, avec, toujours à la clef, des stock-options exonérées de cotisations sociales.
Il y a donc bien deux poids, deux mesures. Il est urgent... de ne rien faire lorsqu'il s'agit de défendre des situations scandaleuses, qui perdurent depuis des années et qui vont à l'encontre de l'emploi puisque la valorisation des actions, en particulier des stock-options, est bien souvent privilégiée au détriment de celui-ci et se traduit parfois par des plans sociaux entraînant le licenciement de plusieurs centaines de travailleurs.
Cela étant dit, monsieur le rapporteur, votre attitude ne nous a pas étonnés, car, chaque fois que vous nous convainquez de l'intérêt d'un amendement que vous présentez, au dernier moment, vous cédez à la demande du Gouvernement !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Je vous mets souvent l'eau à la bouche !
M. Guy Fischer. Nous voterons donc, bien entendu, l'amendement qui vient d'être présenté par notre collègue Jean-Pierre Godefroy.
Mme la présidente. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.
M. François Autain. Monsieur le rapporteur, en effet, vous nous mettez en effet l'eau à la bouche, mais c'est au final pour, brutalement, nous retirer le pain de la bouche...
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est pour votre santé !
M. François Autain.... et il s'ensuit pour nous une très grande frustration. (Sourires.)
Vous ne vous étonnerez donc pas qu'il nous paraisse nécessaire de nous expliquer sur cet amendement, qui mérite tout particulièrement d'être adopté.
Je ne comprends d'ailleurs pas votre attitude, monsieur le ministre. Au cours de la discussion générale, un certain nombre d'entre nous ont déploré le sous-financement chronique de la sécurité sociale. Ainsi, vous laisserez à la fin de 2006 une dette de 16 milliards d'euros qui ne sera pas financée et, alors que vous est proposé un moyen d'affecter à la sécurité sociale des ressources permanentes, au travers soit d'une augmentation des cotisations - il s'agissait, en l'occurrence, de celles de l'État -, soit d'un assujettissement des stock-options, vous nous opposez une fin de non-recevoir.
Vous refusez ainsi l'amendement de nos collègues socialistes, qui vise à s'opposer aux directions d'entreprise qui soustraient, par le biais des stock-options, les rémunérations de certains salariés aux cotisations sociales, ce qui est une mesure de justice sociale et va donc dans le sens de la moralisation, voie dans laquelle j'espère que nous pourrons avancer l'année prochaine... (M. Guy Fischer applaudit.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 135.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 47 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Article 11
I. - Après le 7° de l'article L. 351-24 du code du travail, sont insérés un 8° et un 9° ainsi rédigés :
« 8° Les personnes physiques créant une entreprise implantée au sein d'une zone urbaine sensible ;
« 9° Les bénéficiaires du complément de libre choix d'activité mentionné à l'article L. 531-4 du code de la sécurité sociale. »
II. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° L'article L. 161-1 est abrogé ;
2° Dans le premier alinéa de l'article L. 161-1-1, la référence : « 7° » est remplacée par la référence : « 9° ».
III. - Les personnes pour lesquelles, à la date du 1er janvier 2007, le délai prévu à l'article L. 161-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction antérieure à la présente loi, n'a pas expiré peuvent bénéficier, si elles en remplissent les conditions, de la prolongation d'exonération mentionnée à l'article L. 161-1-1 du même code.
IV. - Dans les premier et dixième alinéas de l'article L. 351-24 du code du travail, les références : « aux articles L. 161-1 et » sont remplacés par les mots : « à l'article ».
Mme la présidente. L'amendement n° 76, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. Supprimer le I de cet article.
II. Supprimer le 2° du II de cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Tout à l'heure, monsieur Bas, j'ai été battu par l'ordinateur. Ce soir, constatant la présence au banc du Gouvernement de trois ministres « sociaux », et donc un peu dépensiers, je me suis d'abord inquiété, mais je vous ai entendu parler de « niches » et de « recettes dynamiques » et, tout d'un coup, mon espoir renaît de vous voir accepter l'aide que, par cet amendement, je veux vous apporter.
Cet amendement a en effet pour objet de supprimer les nouvelles exonérations de cotisations sociales instituées par l'article 11 dans le cadre du régime de l'aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d'entreprise, la fameuse ACCRE, au profit des personnes physiques créant une entreprise implantée au sein d'une zone urbaine sensible ou des bénéficiaires du complément de libre choix d'activité.
L'annexe 9 au présent projet de loi de financement de la sécurité sociale évalue à 100 millions d'euros la perte de recettes induites par cet article, soit 15 millions d'euros pour le régime général et 85 millions d'euros pour le régime social des indépendants, et cela sans compensation, ce qui est encore plus grave ; n'est-ce pas cher collègue et ami Alain Vasselle ?
Cet élargissement du dispositif de l'ACCRE, qui se révèle très coûteux, m'apparaît inopportun : les aides se multiplient sans que le nombre des créations d'emplois qui devraient leur correspondre n'augmente ; ou alors, quand des emplois sont tout de même créés, leur coût relatif par rapport à celui de l'aide est absolument exorbitant.
L'avantage accordé aux personnes créant une entreprise en zone urbaine sensible est très large puisque l'on compte aujourd'hui 751 ZUS, et ce dispositif vient directement concurrencer celui qui est mis en place en faveur des zones franches urbaines, ou ZFU. Or l'exposé des motifs ne fournit aucun élément justifiant la mise en place d'un tel dispositif, qui est porteur d'effets d'aubaine.
En outre, la cartographie des ZUS est aujourd'hui obsolète.
Cette mesure mérite donc d'être supprimée.
Le même raisonnement s'applique à l'extension du dispositif au complément de libre choix d'activité, qui profite à 276 000 personnes au total, pour un coût de 1,2 milliard d'euros, ce qui est exorbitant.
Le champ potentiel du dispositif est très large et, en l'absence de justification précise, la commission des finances ne voit pas la nécessité de procéder à une telle dépense sociale.
Nous vous proposons donc de supprimer également cette mesure.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission m'a chargé de solliciter l'avis du Gouvernement.
Quant à moi, je partage en partie les préoccupations de M. Jégou, non que je veuille remettre en cause l'intérêt ou l'opportunité de ces mesures, mais je constate que, dans l'article 21, le Gouvernement s'est bien gardé de compenser les allégements de cotisations qu'il propose.
On se sert donc une fois de plus de la sécurité sociale comme d'une variable d'ajustement des comptes de l'État, notamment du budget de l'emploi : on utilise la sécurité sociale pour financer la politique de l'emploi du pays. Ce n'est d'ailleurs pas nouveau : M. Jospin et les socialistes ne s'en sont pas privés. Mais on continue !
Ce n'est pas ainsi que l'on parviendra à mieux équilibrer les comptes de la sécurité sociale !
M. Jean-Pierre Godefroy. Quand nous vous proposons des recettes, vous les refusez !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Si l'on prend des mesures, il est nécessaire d'en assurer le financement, et il ne s'agit pas de prendre l'argent dans la poche de son voisin ! Or cette méthode devient récurrente, ce qui est en soi préoccupant.
M. François Autain. Il ne suffit pas de se plaindre !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. S'il est une question qui revient souvent, c'est bien celle-ci : faut-il financer une politique de l'emploi de manière que les emplois créés génèrent des ressources supplémentaires, ou faut-il préalablement construire un système autobloquant ?
Qu'on le veuille ou non, la politique du Gouvernement a tout de même apporté, en vingt et un mois, 368 000 cotisants de plus à la sécurité sociale.
Une partie de cette politique de l'emploi repose sur la dynamisation de la création d'entreprise. Je rappelle que nous sommes passés de 168 000 créations d'entreprise par an sous le gouvernement de M. Jospin à 248 000 créations aujourd'hui.
Les deux amendements que vous propose le Gouvernement ont vocation à augmenter le volume global des créations d'entreprise, étant entendu que la création d'entreprise entraîne davantage d'activité, donc plus de recettes pour la sécurité sociale.
On peut être un défenseur des comptes de la sécurité sociale tout en acceptant parfois que des investissements lourds soient réalisés.
Permettez-moi de vous dire, monsieur Jégou, que l'idée selon laquelle les investissements sociaux seraient « dépensiers » devrait faire l'objet d'un débat plus approfondi.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Quand vous voudrez !
M. Guy Fischer. Cela ne date pas d'aujourd'hui !
M. Jean-Louis Borloo, ministre.... qui n'est pas un de vos plus farouches ennemis, et qu'il avait pour vocation de soutenir la création d'entreprise d'une manière générale, mais plus spécifiquement lorsqu'elle était le fait de demandeurs d'emplois.
Or il se trouve que, en France, c'est particulièrement dans les zones urbaines sensibles que se créent les entreprises et que de nombreuses entreprises sont créées par des demandeurs d'emploi : une création sur cinq.
Aujourd'hui, ce ne sont pas tant les jeunes gens du VIIe arrondissement issus de l'École supérieure de commerce de Paris qui créent des entreprises que des jeunes à la culture multiple, métissée, exerçant de nouveaux métiers ; c'est plutôt chez ces derniers que se manifeste l'esprit entrepreneurial.
L'extension de l'ACCRE aux zones urbaines sensibles qu'a proposée le Gouvernement à la suite des événements de l'année dernière, qui nous ont tous interpellés, s'appuie sur l'idée d'une dynamique de ces quartiers et sur la volonté d'aider ce type de création d'entreprise que j'évoquais.
Il s'agit donc d'étendre l'ACCRE et d'en porter la durée de un à trois ans. Il s'agit surtout de permettre que, dans ces zones urbaines sensibles, qui ont « décroché » de la République, toute personne ayant un puissant potentiel puisse mettre son talent au service du dynamisme général de notre pays.
C'est pourquoi je dirai que, même si je comprends la problématique soulevée par les comptes de la sécurité sociale, les investissements consacrés aujourd'hui à l'ACCRE constituent les recettes de sécurité sociale de demain.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 76.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'examen de deux amendements aura suffi pour que l'on parvienne au coeur du débat.
La commission des finances vient nous proposer, à travers la suppression de deux mesures inscrites dans le projet de loi, de réaliser des économies. Ces économies-là, M. Borloo a, selon moi, raison de les refuser. Certes, on ne connaît l'effet exact de ces mesures sur la création d'emplois, mais elles n'en sont pas moins nécessaires.
Toutefois, lorsque nous proposons, non pas de supprimer des aides dans des quartiers difficiles, dans des endroits où la volonté de se lancer dans une activité doit être épaulée, mais d'instituer des recettes qui ne changeront rien ni aux résultats des entreprises existantes ni à la possibilité d'en créer de nouvelles, vous nous opposez un refus.
Ainsi, vous ne voulez pas des recettes qui proviendraient de l'assujettissement des stock-options, mais vous voulez supprimer des dépenses consacrées aux zones urbaines sensibles !
Nous nous trouvons là au coeur même de ce qui nous oppose. M. le rapporteur de la commission des finances et M. le rapporteur de la commission des affaires sociales en ont fait la démonstration.
Heureusement, monsieur le ministre, vous ne suivrez pas cette logique. Mais vous auriez dû nous soutenir tout à l'heure, lorsque nous proposions de taxer les stock-options.
Si l'on veut véritablement agir sur la sécurité sociale, il faut trouver des recettes plutôt que supprimer des dépenses sociales manifestement nécessaires. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Il ne serait pas nouveau que l'on veuille nous faire passer pour affreux et méchants parce que nous appartenons à la commission des finances et proposons des économies.
M. Borloo a suffisamment de talent pour enflammer l'hémicycle, mais il n'est pas ici question de porter atteinte aux chômeurs qui créent des emplois.
En fait, cette mesure est redondante : il y a déjà sept catégories de bénéficiaires de l'ACCRE.
Je reconnais votre sagacité, monsieur le ministre, mais je considère, malgré mon barrisme aggravé (Sourires), que l'on peut tout de même discuter d'une mesure qui a au moins vingt ans.
On peut emballer les foules et provoquer les applaudissements, mais il est tout de même légitime de s'interroger sur l'efficacité réelle de telle ou telle mesure destinée à favoriser l'emploi.
Comment ne pas être interpellés par les exonérations et aides diverses dont bénéficient aussi les grandes entreprises ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Par exemple, si l'on met en regard les 25 milliards d'euros que perçoivent les entreprises au titre des 35 heures et le nombre d'emplois créés, on s'aperçoit que la création d'un emploi revient pratiquement à 100 000 euros !
Étant donné la situation du budget de l'État et des finances sociales, on est en droit de se demander quelle est l'efficacité de la dépense publique Et je vous rappelle que, depuis deux ans, nous sommes sous l'empire de la LOLF, qui vise précisément à nous poser de telles questions. Il n'y a donc pas là matière à se faire montrer du doigt !
C'est pourquoi, quitte à être battu, je maintiens cet amendement, car il s'agit de supprimer un dispositif qui coûtera 100 millions d'euros, mais qui ne créera que peu d'emplois.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Le dispositif de l'ACCRE est extrêmement précieux, car, croyez-moi, ce n'est pas facile de créer des entreprises en ZUS.
On ne peut pas raisonner de façon strictement comptable sur de tels sujets.
Mme Patricia Schillinger. Très bien !
M. Gérard Cornu. Il est très important que l'on puisse créer des entreprises dans des secteurs particulièrement déshérités.
Il me semble donc nécessaire, même s'il est vrai que cela coûte très cher, d'avoir une action volontariste dans les zones sensibles, comme le permet l'ACCRE.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 76.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Très bien !
Mme la présidente. Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 48 :
Nombre de votants | 325 |
Nombre de suffrages exprimés | 287 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 145 |
Pour l'adoption | 6 |
Contre | 281 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 115 est présenté par M. Cornu.
L'amendement n° 170 est présenté par M. Mouly.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Modifier comme suit le II de cet article :
A - Supprimer le 1° ;
B - Après le 2°, insérer deux alinéas ainsi rédigés :
...° L'article L. 161-1-1 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Dans le cas mentionné au 2°, le conjoint collaborateur ou le conjoint associé des personnes mentionnées aux 1° à 9° de l'article L. 351-24 du code du travail bénéficie, dans les mêmes conditions, de l'exonération des cotisations due aux régimes d'assurance vieillesse, invalidité décès ».
La parole est à M. Gérard Cornu, pour présenter l'amendement n° 115.
M. Gérard Cornu. Cet amendement a en réalité deux objets.
Premièrement, il vise à maintenir les personnes qui bénéficient de l'ACCRE au sein du régime de sécurité sociale dont elles relevaient antérieurement, et qui continuerait donc à les indemniser, ce qui constitue, me semble-t-il, la contrepartie des cotisations qu'elles ont versées.
À l'inverse, rattacher ces personnes, dès la première année de vie de l'entreprise, à leur nouveau régime de sécurité sociale créerait, pour ce dernier, une charge dépourvue de contrepartie.
Deuxièmement, cet amendement tend à s'inscrire dans la perspective tracée par le Président de la République, qui a évoqué, aujourd'hui même, me semble-t-il, le « bouclier fiscal et social ».
En effet, la loi du 2 août 2005, dite « Dutreil II », relative aux PME a rendu obligatoire le choix d'un statut pour le conjoint participant à l'activité de l'entreprise. Cette contrainte s'accompagne d'une obligation de cotisation au régime vieillesse du conjoint collaborateur ou du conjoint associé ayant une activité régulière dans la société.
Or, lorsque l'exonération des cotisations sociales est accordée au chef d'entreprise dans le cadre de l'ACCRE, il convient, selon moi, de faire bénéficier le conjoint collaborateur de l'exonération des cotisations vieillesse.
Mme la présidente. L'amendement n° 170 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 115 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission des affaires sociales, qui comprend les préoccupations de notre collègue Gérard Cornu, souhaite recueillir l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur Cornu, si cet amendement était adopté, la prolongation de l'ACCRE ne pourrait être accordée aux chômeurs indemnisés, ce qui n'est certainement pas votre souhait.
Compte tenu de cette conséquence juridique inévitable, qui tient à la rédaction même de cet amendement, le Gouvernement en demande le retrait, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Cornu, l'amendement n° 115 est-il maintenu ?
M. Gérard Cornu. Je l'avoue, je n'avais pas perçu la difficulté que pointe M. le ministre. (Exclamations amusées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Cela étant, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur le problème de fond soulevé par cet amendement.
Nous louons tous l'efficacité de l'ACCRE, même s'il s'agit d'un dispositif complexe ; je crois d'ailleurs que le Gouvernement présentera un amendement pour le simplifier, ce dont je me réjouis.
Toutefois, un chômeur qui, après avoir cotisé à un régime de sécurité sociale en tant que salarié, crée une entreprise, par exemple individuelle, et bénéficie de l'ACCRE, devra cotiser à un autre régime. Et c'est ce dernier, qui n'a jamais perçu de cotisations sociales, qui devra supporter les exonérations de charges patronales et salariales. Monsieur le ministre, ce n'est pas normal !
La méthode que je propose n'est sans doute pas la bonne, et mon amendement présente quelques failles, je le reconnais. Toutefois, le Gouvernement devrait poursuivre sa réflexion sur cette question, car elle peut être utile, me semble-t-il, notamment pour les régimes sociaux qui connaissent des difficultés. (MM. les ministres acquiescent.)
Sous le bénéfice de l'implication ultérieure du Gouvernement, et puisque je vois MM. les ministres opiner, je retire mon amendement, madame la présidente. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur Cornu, je vous remercie. Vous soulevez un problème réel, qui sera à ce titre examiné, en liaison étroite avec vous, bien sûr, mais aussi en concertation avec le ministère chargé du travail et de l'emploi et le ministère chargé de la sécurité sociale.
Mme la présidente. L'amendement n° 403, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
V. - L'article L.351-24-1 du code du travail est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, les mots : « de deux mois » sont remplacés par les mots : « d'un mois » et la dernière phrase est supprimée ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « en tenant compte des caractéristiques du projet de création ou de reprise d'entreprise, notamment sa réalité, sa consistance, sa viabilité et la contribution à l'insertion professionnelle durable de l'intéressé, en fonction de l'environnement économique local » sont supprimés.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Cet amendement tend à simplifier les formulaires de l'ACCRE, afin de les réduire à un seul document, au lieu d'une douzaine de pages.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est là une très bonne mesure, comme il faudrait les multiplier. Monsieur le ministre, les simplifications administratives, les Français en réclament des tonnes !
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. En voilà déjà quelques grammes ! (Sourires.)
M. Alain Vasselle, rapporteur. Donc, continuez, vous êtes sur la bonne voie !
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
(L'article 11 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 11
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 116 est présenté par M. Cornu.
L'amendement n° 172 est présenté par M. Mouly.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa et le début du second alinéa du II de l'article L. 121-4 du code de commerce sont ainsi rédigés :
« En ce qui concerne les sociétés, le statut de conjoint collaborateur n'est autorisé qu'au conjoint du gérant associé unique ou majoritaire d'une société à responsabilité limitée, d'une société d'exercice libéral à responsabilité limité, ou à celui de l'associé d'une société en nom collectif ou d'une société en commandite simple sous réserve que ces sociétés répondent à des conditions des seuils fixées par décret en Conseil d'État.
« Le choix effectué par ces conjoints de bénéficier du statut de conjoint collaborateur est porté à la connaissance des associés (le reste sans changement). »
La parole est à M. Gérard Cornu, pour présenter l'amendement n° 116.
M. Gérard Cornu. Cet amendement tend de nouveau à compléter la loi dite « Dutreil II » relative aux PME, qui a obligé les conjoints des chefs d'entreprise exerçant une activité professionnelle régulière dans l'entreprise à choisir un statut.
Or cette loi, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur, a souffert d'une omission : le statut de conjoint collaborateur est réservé aux seuls conjoints du gérant associé unique ou du gérant associé majoritaire de SARL ou de société d'exercice libéral à responsabilité limitée.
Il conviendrait, me semble-t-il, d'étendre la faculté de choisir ce statut au conjoint de l'associé de société en nom collectif et de l'associé de société en commandite simple puisque ceux-ci, de par leur qualité de commerçants, relèvent tous deux du régime social des indépendants.
Mme la présidente. L'amendement n° 172 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 116 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur Cornu, le Gouvernement vous demande de retirer cet amendement.
En effet, jusqu'à la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et des moyennes entreprises, le statut de conjoint collaborateur était réservé aux conjoints des chefs d'entreprise individuelle. Cette loi l'a étendu aux conjoints des gérants majoritaires de société à responsabilité limitée. Il faut savoir que les SARL sont en nombre croissant : près de 40 % des entreprises artisanales sont aujourd'hui régies par ce statut.
Si cette extension n'a pas concerné les sociétés en nom collectif ou en commandite simple, c'est parce que celles-ci comptent moins de 2 % d'entreprises artisanales. Autrement dit, monsieur Cornu, si, comme vous le proposez, nous étendions ce régime aux 98 % restantes, nous toucherions des sociétés qui, par leur taille et leur nature, sont extrêmement éloignées des toutes petites entreprises que la loi du 2 août 2005 a entendu favoriser.
Il n'y a donc pas eu d'oubli dans cette loi car, à l'époque, cette question avait donné lieu à un examen approfondi.
Mme la présidente. Monsieur Cornu, l'amendement n° 116 est-il maintenu ?
M. Gérard Cornu. Monsieur le ministre, votre réponse technocratique ne me convient guère, je le crains !
Ce qui m'importe, c'est le statut des gérants des sociétés en nom collectif et en commandite simple - qui sont très peu nombreuses -, car ceux-ci, de par leur qualité de commerçants, relèvent du régime social des indépendants, le RSI.
Monsieur le ministre, je ne comprends donc pas votre réponse. Je puis vous assurer que la volonté du législateur lors de l'examen de la loi du 2 août 2005 relative aux PME était de couvrir l'ensemble des bénéficiaires du régime social des indépendants.
Je maintiens donc mon amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 117 est présenté par M. Cornu.
L'amendement n° 173 est présenté par M. Mouly.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'avant-dernier alinéa de l'article L. 131-6 du code de la sécurité sociale est complété par deux phrases ainsi rédigées :
« Ces dispositions sont également applicables aux cotisations vieillesse dues par le conjoint collaborateur mentionné à l'article L. 121-4 du code de commerce. Lorsque le revenu professionnel est connu, ces cotisations sont calculées conformément aux dispositions de l'article L. 633-10 du présent code. »
La parole est à M. Gérard Cornu pour présenter l'amendement n° 117.
M. Gérard Cornu. Lors de la création d'une entreprise, les cotisations dues pour la première année civile d'activité des travailleurs non salariés sont calculées à titre provisionnel sur une base forfaitaire qui ne peut excéder dix-huit fois la valeur de la base mensuelle de calcul des prestations familiales en vigueur au 1er octobre de l'année précédente.
Il devrait en aller de même pour les cotisations vieillesse du conjoint collaborateur.
La troisième année, les cotisations du conjoint collaborateur seraient calculées conformément à l'article L. 633 - 10 du code de la sécurité sociale.
Cet amendement a donc pour objet d'étendre aux conjoints collaborateurs les dispositions relatives aux cotisations vieillesse qui ont été introduites au bénéfice des chefs d'entreprise.
Mme la présidente. L'amendement n° 173 n'est pas défendu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 117 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. À la différence de l'amendement n° 116, l'amendement n° 117 a une incidence financière. C'est pourquoi la commission des affaires sociales a décidé de solliciter l'avis du Gouvernement.
Monsieur Cornu, si le Gouvernement compense financièrement votre amendement, je ne vois aucun inconvénient à ce que nous accédions à votre demande. Le problème est toujours le même !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Hélas, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
En effet, si nous appliquions le régime forfaitaire à des conjoints d'entrepreneurs individuels qui sont eux-mêmes soumis au régime réel, le système deviendrait complètement incompréhensible.
C'est pourquoi, monsieur Cornu, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement, faute de quoi il émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Monsieur Cornu, l'amendement n° 117 est-il maintenu ?
M. Gérard Cornu. Compte tenu des explications de M. le rapporteur et de M. le ministre, je retire cet amendement, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 117 est retiré.
L'amendement n° 418, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Après l'article L. 131-6-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un article L. 131-6-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 131-6-2. - Les cotisations obligatoires de sécurité sociale applicables aux travailleurs non salariés non agricoles visés aux articles 50-0 ou 102 ter du code général des impôts font l'objet d'une exonération égale à la différence, si elle est positive, entre le total des cotisations et contributions sociales dont ils sont redevables et des fractions de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux.
« Les dispositions de l'alinéa précédent ne sont pas applicables pendant les périodes au cours desquelles les travailleurs non salariés non agricoles bénéficient des exonérations mentionnées au premier alinéa de l'article L. 161-1-1, aux articles L. 161-1-2, L. 161-1-3, L. 756-2 et au deuxième alinéa de l'article L. 756-5 du code de la sécurité sociale, ainsi qu'à l'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville et à l'article 146 de la loi de finances pour 2002 n° 2001-1275 du 28 décembre 2001. »
II. Un décret prévoit les conditions d'application du I, et notamment le montant des fractions prévues au premier alinéa de l'article L. 131-6-2 ainsi que les conditions que doivent remplir les bénéficiaires de l'exonération prévue au même alinéa.
III. - L'article L. 131-6 du même code est ainsi modifié :
1° Le quatrième alinéa est ainsi rédigé :
« Les cotisations sont établies sur une base annuelle. Elles sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu professionnel de l'avant-dernière année ou de revenus forfaitaires. Lorsque le revenu professionnel est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation. »
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation aux quatrième et sixième alinéas, les travailleurs non salariés entrant dans le champ de l'exonération visée à l'article L. 131-6-2 peuvent demander annuellement, pour l'année au cours de laquelle débute leur activité professionnelle et les deux années civiles suivantes, à ce que l'ensemble des cotisations et contributions de sécurité sociale dont ils sont redevables soient calculées trimestriellement en fonction de leur chiffre d'affaires ou de leurs revenus non commerciaux. Ce régime est applicable l'année de création de l'entreprise et le reste pendant l'année civile au cours de laquelle les limites de chiffre d'affaires ou de recettes prévues par les articles 50-0 et 102 ter du code général des impôts sont dépassées. »
IV- Au premier alinéa de l'article L. 131-6-1 du même code, après les mots : « code du travail » sont insérés les mots : « et lorsqu'il n'est pas fait application du dernier alinéa de l'article L. 131-6 ».
V - L'article L 136-3 du même code est ainsi modifié :
1° Le troisième alinéa est ainsi rédigé :
« La contribution est établie à titre annueL. Elle est assise, à titre provisionnel, sur le revenu professionnel de l'avant-dernière année précédant celle au titre de laquelle elle est due. Lorsque le revenu professionnel est définitivement connu, la contribution fait l'objet d'une régularisation. »
2° Le dernier alinéa est ainsi rédigé :
« Par dérogation aux troisième et quatrième alinéas, les dispositions du dernier alinéa de l'article L. 131-6 sont applicables lorsque les employeurs ou les travailleurs indépendants ont exercé l'option prévue par ledit alinéa. »
VI- L'article L. 133-6-2 du code de la sécurité sociale est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Par dérogation au premier alinéa, les travailleurs indépendants relevant des dispositions du dernier alinéa de l'article L. 131-6 sont dispensés de la déclaration de revenus auprès du régime social des indépendants. ».
VII- Un décret détermine les conditions d'application du III au VI, et notamment les obligations déclaratives des travailleurs non salariés.
VIII- Les dispositions du I s'appliquent pour la première fois pour le calcul des cotisations assises sur les revenus de l'année 2007.
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, cet amendement tend à mettre en place un prélèvement social proportionnel.
Actuellement, lorsqu'un particulier crée une entreprise, sous quelque forme que ce soit, il doit supporter une contribution forfaitaire, au titre des différentes branches. De ce fait, dès le premier euro de chiffre d'affaire qui est facturé et, si Dieu le veut, encaissé, l'entrepreneur doit acquitter précisément 3 123 euros dès la première année d'activité, dont 781 euros pour le premier trimestre. Ainsi, il n'existe aucun rapport entre la somme des charges forfaitaires que doit supporter ce créateur d'entreprise et son activité réelle.
Voilà des années que mon administration et tous ceux qui s'intéressent à ces questions se battent pour que la personne qui a l'idée de créer une entreprise cesse d'être frappé d'emblée par 781 euros de charges !
Certes, monsieur Jégou, on comprend bien l'intérêt qu'ont les caisses de sécurité sociale à maintenir de telles obligations. Mais imagine-t-on combien de gens ne créent pas d'entreprise ou d'activité complémentaire, à cause de ce système complètement absurde. Représentez-vous le volume de « travail au noir » qu'il suscite dans notre pays !
Il a fallu que, avec l'ensemble des organisations syndicales, les services de Thierry Breton, ceux de Xavier Bertrand et de Philippe Bas, nous trouvions un moyen de sortir de ce système de contribution forfaitaire. Ce fut un travail long et complexe.
Nous avons finalement réussi à mettre au point ce dispositif reposant sur une déclaration unique et sur un prélèvement proportionnel au chiffre d'affaires. Nous avons retenu deux taux, selon la nature de l'activité : 14 % pour celui qui fait de l'achat-revente et 24,5 % pour celui qui transforme. Mais l'essentiel est bien que la contribution soit fixée en pourcentage du chiffre d'affaires.
Ainsi n'importe qui pourra, avec ou sans l'ACCRE, démarrer tranquillement une activité, sachant que, quel que soit son chiffre d'affaires le premier mois - 500 euros, 1 000 euros, 1 500 euros... - ou le mois suivant, le montant de sa cotisation sera seulement une certaine fraction de ce chiffre d'affaires.
Les estimations les plus basses qui ont été réalisées prévoient la transformation immédiate de 300 000 activités au noir en activités déclarées, ainsi que la création de 300 000 microsociétés, grâce à la compensation par l'État, et ce n'est pas seulement pour vous être agréable, monsieur Jégou, mais simplement parce que cet effort est normal. Au total, 600 000 activités nouvelles sont donc prévues.
Tous ceux qui connaissent le secteur de la micro-entreprise, tous ceux qui mesurent l'ampleur de l'activité complémentaire ou parallèle s'accordaient à réclamer la suppression de la contribution forfaitaire.
Cette mesure est d'autant plus utile que le fait de se lancer dans une activité complémentaire peut être un moyen d'améliorer son pouvoir d'achat, pour un retraité, pour l'épouse d'un artisan ou d'un commerçant, pour un demandeur d'emploi, un RMIste, voire un travailleur cherchant une deuxième activité...
Ce dispositif est donc plus qu'une petite mesure technique : c'est une mesure de pouvoir d'achat, de justice sociale, de dynamisme économique. Mais c'est avant tout une mesure de création d'entreprises !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission des affaires sociales comprend l'objectif recherché par le Gouvernement et le Président de la République à travers cette disposition.
Nombreux sont les travailleurs indépendants à avoir renoncé à créer leur entreprise en raison de la disproportion des cotisations URSSAF au regard du chiffre d'affaires escompté. De ce point de vue, l'initiative du Gouvernement paraît tout à fait intéressante, crédible et digne d'intérêt.
Toutefois, et je suis dans mon rôle en formulant cette remarque, l'instauration d'un bouclier social revient à priver potentiellement la sécurité sociale d'une partie des recettes qu'elle était en droit d'attendre de la création de ces entreprises.
Monsieur le ministre, il est un point sur lequel nous souhaitons des éclaircissements. Vous venez de nous expliquer que le taux varierait en fonction de la nature de l'activité - 14 % dans un cas, 24,5 % dans l'autre. Or, lorsque cet amendement a été présenté en commission, il nous a été précisé que deux assiettes seraient prises en compte.
En effet, tel qu'il est rédigé, l'amendement fait référence à l'article L. 131 - 6 du code de la sécurité sociale, dont le quatrième alinéa est ainsi modifié au III : « Les cotisations sont établies sur une base annuelle. Elles sont calculées, à titre provisionnel, en pourcentage du revenu professionnel de l'avant-dernière année ou de revenus forfaitaires. Lorsque le revenu professionnel est définitivement connu, les cotisations font l'objet d'une régularisation. » Dans un cas, il est donc question de chiffre d'affaires, dans l'autre, de revenus professionnels.
Cet amendement a été déposé à la dernière minute, ce qui explique que la commission des affaires sociales n'ait pas eu le temps de l'examiner de manière approfondie. Des explications complémentaires seraient donc bienvenues, monsieur le ministre.
Sous les réserves que je viens d'émettre, la commission est favorable à cet amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Cet amendement vous a été soumis à la dernière minute, monsieur le rapporteur, et je dois avouer, pour être franc, que l'arbitrage final a eu lieu in extremis !
Pour ce qui est du taux, les modalités seront arrêtées par décret. Pour l'instant, il varie selon qu'il s'agit d'une activité de commerce ou d'une activité hors-commerce.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Là, c'est clair.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. J'admets très volontiers que cela mérite un examen plus approfondi et quelques ajustements, car je ne suis pas sûr qu'une simplification de cette nature prenne en compte toutes les contradictions ou toutes les difficultés de l'activité économique.
La loi arrête un principe, celui du pourcentage, mais c'est le décret qui en précisera les aspects pratiques : cela nécessitera des débats, y compris avec vos propres commissions. Il nous faudra être diligents pour que ce dispositif soit applicable dès le mois de janvier prochain.
Il en va de même pour l'interprétation des revenus forfaitaires, dont le principe est assez simple : les décisions finales seront prises par décret, en concertation avec les commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale.
M. Alain Vasselle, rapporteur. N'oubliez pas les commissions des affaires sociales !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je me demande si M. le ministre n'a pas inversé les taux : celui de 24,5 % s'appliquerait aux activités d'achat-revente, et celui de 14 % concernerait les activités de transformation. Dans le cas contraire, ce ne serait pas cohérent !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. C'est effectivement ce qui est prévu, sous la réserve du débat que nous aurons ensemble pour mettre au point le décret.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cette mesure est certainement une idée intéressante. Toutefois, je voudrais vous dire mon étonnement, messieurs les ministres.
Nous débattons de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale depuis deux jours, alors que les députés se sont déjà prononcés sur ce texte. Nous examinerons prochainement le projet de loi de finances pour 2007, une fois que les députés en auront achevé la discussion. Or voilà que nous est présentée une disposition forte et emblématique, qui n'est pas sans conséquences budgétaires. Je n'ai pas le sentiment que le Parlement soit convenablement traité en la circonstance.
M. Guy Fischer. Exactement !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous nous soumettez un amendement, dont la rédaction est sans doute d'une limpidité totale pour les plus familiers de ces affaires, mais sur lequel je ne peux exprimer d'opinion puisque son dépôt tardif m'a empêché d'en faire une lecture autre que superficielle. Certes, je fais confiance à la commission des affaires sociales,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah ! (Sourires.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances.... mais, sur la forme, mes chers collègues, ce n'est pas une bonne manière de travailler et je blâme la méthode employée. On ne cesse de proclamer le respect du Parlement, de se présenter devant les électeurs avec des projets de revalorisation du pouvoir législatif, mais, ce soir, alors qu'il s'agit d'une question que je crois fondamentale, on nous demande d'acheter un lapin dans un sac !
Par ailleurs, messieurs les ministres, vous n'avez pas non plus précisé combien il en coûtera au budget de l'État. Nous avons entendu M. le ministre de l'économie et des finances plaider pour la maîtrise des dépenses publiques. Or voilà que nous est proposée une dépense publique supplémentaire ! Sans doute est-elle utile, mais pourquoi n'avoir pas jugé opportun d'associer aux réunions d'experts les humbles parlementaires que nous sommes, afin que nous puissions ce soir exprimer une opinion ?
Je le répète, ce n'est vraiment pas une bonne façon de traiter le Parlement. Certes, hors de l'hémicycle, nous pouvons regretter à quel point nous vivons une sorte de résignation permanente, déplorer que le Parlement ne puisse s'exprimer et que, en définitive, ce soit le Gouvernement qui fait la loi.
Pour toutes ces raisons de principe, je ne me sens pas prêt à voter cette disposition.
J'en viens maintenant au contenu même de la mesure. Les explications du ministre sont extrêmement éclairantes, mais j'avoue que ce que j'ai lu dans la presse quotidienne économique ce matin m'en a appris davantage ! (M. le rapporteur pour avis acquiesce.)
Cela m'amène à poser une question. Certes, il est important d'alléger les charges sociales qui pèsent sur les actes de production. Comme vous, mes chers collègues, je me suis pris à rêver le soir du 31 décembre 2005, lorsque M. le Président de la République, dans ses voeux à la nation, nous a annoncé qu'il fallait financer autrement la protection sociale. Pourtant, j'ai bien vite compris qu'il ne se passerait rien et que taxer la valeur ajoutée des entreprises serait un contresens économique : cela reviendrait à réinventer la taxe professionnelle que nous avions condamnée un an plus tôt et tenté vainement de réformer.
S'agissant de ce dispositif, je voudrais être sûr qu'il sera de nature à créer de l'emploi. Or, si j'ai bien compris, en deçà d'un certain chiffre d'affaires, que la presse quotidienne économique évaluait - sans doute à partir d'informations puisées à bonne source ! - à 75 000 euros pour des activités commerciales et à 27 000 euros pour les services, ce ne sera pas le cas !
En effet, pour un chef d'entreprise, recruter un collaborateur reviendrait à franchir instantanément le plafond que vous avez fixé, messieurs les ministres. En d'autres termes, si elle est avantageuse pour l'entrepreneur individuel qui n'a pas de collaborateur, cette mesure risque d'empêcher toute création d'emploi.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. C'est une fausse bonne idée !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Elle serait recevable si elle prévoyait une sortie en sifflet, c'est-à-dire si l'augmentation du chiffre d'affaires n'entraînait pas instantanément l'avalanche de charges sociales qu'on a cherché à éviter.
Je crains donc qu'en votant précipitamment cette disposition nous n'allions à l'inverse de l'objectif de création d'emplois et de cohésion sociale.
Cette mesure m'inspire donc de fortes réserves et je ne suis pas prêt à voter un dispositif sur lequel je n'arrive pas à me faire d'opinion. J'ai retenu que le décret serait déterminant et que, si je vous ai bien entendu, monsieur le ministre, nous l'écririons ensemble, mais cela ne me satisfait pas pour autant.
D'ailleurs, d'une manière générale, la multiplication des mesures d'exonération à hauteur du SMIC ne m'enchante guère. Nous nous acheminons vers une société où tous les salariés seront rémunérés au SMIC, où tous les entrepreneurs choisiront la forme de l'entreprise individuelle pour ne pas avoir à franchir les plafonds que vous avez fixés. Est-ce là le modèle de société que nous voulons défendre ? Je ne le crois pas !
Il nous faut par conséquent mener une réflexion plus soutenue sur l'évolution des prélèvements obligatoires. Je le répète, il est totalement contradictoire de persister à prélever sur les salaires des cotisations pour financer la santé, la politique familiale : c'est un accélérateur de délocalisations !
Pendant très longtemps, ce sujet était tabou : les délocalisations n'existaient pas. Il a fallu qu'un grand assureur national...
M. Guy Fischer. Axa !
M. Jean Arthuis. Oui, monsieur Fischer, Axa !
... rompe la loi du silence et n'hésite pas à dire qu'il irait produire ailleurs.
Or je n'ai pas le sentiment que l'instauration d'un « bouclier social », qui ferait suite au bouclier fiscal que nous avons voté l'an passé et au bouclier contre les dévaluations compétitives que constitue l'euro, soit une réponse satisfaisante. Cette multiplication de boucliers ne me rassure pas. Voilà pourquoi je ne suis pas disposé à voter cet amendement ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Monsieur le président Arthuis, disons les choses franchement, j'ai bien noté votre déception de ne pas avoir été suivi avec autant d'enthousiasme que vous l'auriez souhaité lorsque vous avez proposé d'instaurer une TVA sociale, idée que vous défendez depuis longtemps. Pour tout vous dire, vous n'êtes pas le seul, dans ce pays, à éprouver, parfois, de telles déceptions.
Cependant, l'amertume que vous ressentez ne doit pas vous amener à considérer que le système qui consiste à forfaitiser à un niveau incroyablement élevé les charges sociales affectant un début d'activité est satisfaisant. Vous savez mieux que quiconque que ce n'est pas le cas.
MM. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et Jean-Marie Vanlerenberghe. Là-dessus, nous sommes d'accord !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il ne s'agit que de cela !
La question est assez simple, monsieur Arthuis : le premier euro d'activité engendre immédiatement de 3 500 à 4 500 euros de charges sociales !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas possible !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Ne serait-il pas préférable que le montant de ces charges progresse régulièrement, de manière proportionnée à l'activité ?
Quoi qu'il en soit, je ne suis pas de ceux qui pensent que, sur cette question, vous avez forcément tort, monsieur Arthuis. J'estime que le débat que vous soulevez mérite d'être ouvert et que le pays ne doit pas s'en exonérer. Chacun doit pouvoir exprimer son opinion, et la période que nous vivons s'y prête particulièrement.
Cela étant, la proposition que nous faisons, pour importante qu'elle soit, n'est pas aussi déterminante que vous le dites en ce qui concerne les délocalisations. Elle n'a pas d'incidence non plus sur le financement des régimes de sécurité sociale concernés puisque la compensation est prévue. Notre ambition est modeste : nous souhaitons simplement que le montant des charges soit proportionnel au chiffre d'affaires, que les talents naissants puissent s'exprimer et que l'on fasse très largement reculer le travail au noir.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Il y a tout de même un problème de seuil !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Dans ces conditions, je vous donne acte de votre position de fond, mais, de grâce, acceptez que d'autres voix se fassent entendre sur ce sujet. Je ne voudrais pas que ce débat soit influencé par les appréciations que l'on peut porter sur d'autres problématiques, et que je peux comprendre par ailleurs.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il s'agit là de questions fondamentales, que l'on ne peut traiter à la légère. C'est pourquoi je vous fais grief, messieurs les ministres, d'avoir attendu ce soir pour nous saisir de cette possibilité d'avancer dans la bonne direction.
Il y a deux formes de délocalisation : la délocalisation géographique, quand une entreprise quitte le territoire national pour aller produire ailleurs et échapper à l'impôt ; la délocalisation sur place, si je puis m'exprimer ainsi, par un basculement dans le marché parallèle, dans l'économie grise, dans le travail au noir. Dans le second cas, il s'agit aussi de délocalisation, et nous devons y être attentifs.
J'entends bien vos arguments, monsieur Borloo, mais je ne pourrai vraiment pas voter cet amendement si n'est pas insérée une disposition prévoyant une sortie progressive du dispositif. En effet, si vous maintenez un couperet, un seuil de chiffre d'affaires au-delà duquel le calcul des cotisations relèvera d'un autre barème, vous risquez d'amener un certain nombre d'entrepreneurs à ne pas développer l'activité, et donc à ne pas créer d'emplois.
Par conséquent, je ne peux pas m'accommoder d'un dispositif comportant des seuils aussi brutaux. La France, dans sa législation fiscale et sociale, est malade d'un empilement de seuils qui faussent les comportements. Or vous proposez d'en créer un nouveau. Je vous demande donc instamment de revoir ce dispositif, de modifier la rédaction de votre texte et de prévoir dans la loi que la sortie du dispositif sera progressive, afin d'éviter un effet couperet qui neutraliserait totalement le potentiel de création d'emplois dans les micro-entreprises.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Monsieur Arthuis, je peux comprendre cet argument. Cela étant, vous donnez à entendre que le dispositif comporterait un avantage qui serait brutalement supprimé au-delà d'un certain seuil de chiffre d'affaires. Or il n'en est rien ! Il s'agit d'un dispositif proportionnel, et donc progressif, qui s'appliquera jusqu'à 30 000 euros de chiffre d'affaires, ce qui correspond à peu près à l'activité que peut réaliser, sur l'année, un entrepreneur travaillant seul. Cependant, même dans ce cas de figure, les cotisations sociales acquittées par le biais de ce dispositif finiront par être plus élevées que dans le système forfaitaire actuel.
Il n'y a donc pas de rupture, il ne s'agit pas d'octroyer un allégement des charges sociales les premières années d'activité, puis de passer tout à coup à un autre système. Ce n'est pas du tout cela, et vous le savez, monsieur Arthuis. Il s'agit de parvenir au taux actuel de prélèvements sociaux de manière graduelle, par un système progressif, au lieu d'imposer à l'entrepreneur un montant forfaitaire dès le premier euro de chiffre d'affaires réalisé. Cela ne portera nullement atteinte au financement des régimes de sécurité sociale. D'ailleurs, bien avant que le premier salarié ne soit embauché, le taux de cotisations sociales actuellement en vigueur sera atteint.
L'objectif est de faire sortir 300 000 personnes du travail au noir, de créer de l'activité : tel est le vrai sujet du débat. Dans cette perspective, j'apprécierais vivement que vous m'apportiez votre éminent soutien, monsieur Arthuis.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Messieurs les ministres, deux d'entre vous, me semble-t-il, ont été parlementaires avant d'entrer au Gouvernement. Par conséquent, vous comprendrez que nous n'appréciions guère que l'on nous remette aussi tardivement un amendement de trois pages, en incluant l'exposé des motifs, assez compliqué et difficile à lire.
On peut donc comprendre le mécontentement manifesté par notre collègue Jean Arthuis à l'égard de la méthode employée.
Cela étant, il est tout à fait vrai que les créateurs d'entreprise doivent acquitter des charges sociales trop lourdes au regard du chiffre d'affaires qu'ils réalisent au début de leur activité.
J'estime donc que le dispositif présenté constitue, sur le fond, une réelle avancée, même si, sur la forme, la démarche suivie ne me satisfait pas forcément. Messieurs les ministres, qu'auriez-vous pensé, dans de telles circonstances, quand vous étiez parlementaires ? Auriez-vous apprécié que le Gouvernement vous présente au dernier moment un amendement assez complexe et vous place dans l'obligation de vous en remettre à ses explications ?
Quoi qu'il en soit, le groupe de l'UMP est tout à fait d'accord avec votre proposition, parce qu'elle va dans le bon sens. Admettez seulement que nous puissions ne pas être très contents de la méthode employée.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je vous donne volontiers acte de votre mécontentement, monsieur Cornu. Croyez bien, d'ailleurs, que je n'ai guère apprécié que des journalistes français s'expriment sur un sujet dont le Sénat aurait dû avoir la primeur ce soir, même si l'élaboration du dispositif n'avait pu être entièrement menée à son terme. Je n'ai pas trouvé cela très élégant.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. C'est parce que vous leur avez donné l'information ! Ils n'ont pas inventé !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Par qui ont-ils été informés, monsieur le ministre ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Pas par moi, monsieur le sénateur !
En ce qui concerne la méthode, monsieur Cornu, je rappellerai que nous avons eu, voilà quelque temps, un débat sur la réforme des sociétés anonymes de crédit immobilier, qui a débouché sur l'élaboration d'une loi d'habilitation et d'une ordonnance. J'avais alors pris l'engagement que cette ordonnance serait rédigée en collaboration avec un comité des sages désigné par le Sénat et par l'Assemblée nationale. Ce comité des sages s'est réuni régulièrement et a rendu compte de ses travaux devant les différentes commissions compétentes des deux assemblées, et le texte de l'ordonnance a finalement reçu l'aval des parlementaires.
S'agissant du dispositif qui nous occupe maintenant, je m'engage à ce que le décret d'application soit rédigé suivant la même procédure.
M. Gérard Cornu. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Plusieurs de nos collègues ont manifesté leur mécontentement quant aux conditions dans lesquelles nous travaillons sur un amendement très complexe, dont nous sommes très peu à pouvoir appréhender toutes les implications et toutes les subtilités. M. Arthuis s'est très bien exprimé sur ce point.
Il est donc tout à fait normal que nous fassions part de notre réprobation à cet égard.
De manière générale, j'observerai que, depuis le début de nos débats, des amendements du Gouvernement nous sont soumis au dernier moment, alors que la presse en a déjà fait état. Ainsi, un article paru hier dans Les Échos évoquait cinq amendements gouvernementaux qui ne nous avaient pas encore été présentés, l'un d'entre eux portant notamment sur la possibilité de renouveler des lunettes sans s'être préalablement rendu chez un ophtalmologue. Aujourd'hui, nous avons appris par Le Monde que le numéro de sécurité sociale pourrait devenir la clef d'accès au dossier médical personnel...
Nous pourrions multiplier les exemples de ce type. À ma connaissance, c'est bien la première fois que nous sommes amenés à travailler dans de telles conditions. Peut-être est-ce dû à l'approche de l'élection présidentielle, mais cela reste tout à fait inadmissible.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'ignore si la proposition que je vais formuler est recevable, mais il faut avancer et construire, en pensant au pays, à celles et ceux de nos compatriotes qui veulent entreprendre et créer des richesses.
J'ai bien entendu vos arguments, monsieur le ministre, mais il conviendrait que vous mettiez à notre disposition des éléments permettant de procéder à des simulations, de telle sorte que soit fixé, dans le décret, le chiffre d'affaires plafond pour l'application du dispositif proportionnel à un niveau où le montant des cotisations sociales calculé selon le nouveau système rejoindrait celui qui correspond au taux actuellement en vigueur. Telle devrait être la règle.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Le mécanisme serait tel que le montant des cotisations sociales calculé proportionnellement au chiffre d'affaires serait égal, une fois le plafond atteint, à celui des charges acquittées selon les règles actuelles. Ce seuil devrait constituer le point de jonction entre les deux dispositifs, le niveau de sortie du régime dérogatoire.
Si vous pouviez nous confirmer qu'il en sera ainsi, monsieur le ministre, et qu'un tel seuil pourra être institué, je lèverais bien entendu les réserves de fond que j'ai formulées.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous venons d'assister à un travail de commission en séance publique sur un amendement de dernière minute. Avec un peu plus de temps, nous aurions peut-être pu faire l'économie de ce débat.
Il m'appartient maintenant de donner l'avis de la commission sur l'amendement du Gouvernement.
Nous avons entendu les explications de M. Jean-Louis Borloo, qui s'est en outre engagé, au nom du Gouvernement, à préparer la rédaction du décret en liaison étroite avec les commissions des finances et des affaires sociales des deux assemblées. J'émets donc un avis de sagesse sur cet amendement, et je ne doute pas que la Haute Assemblée saura prendre ses responsabilités dans le sens souhaité par le Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Les propos tenus par notre collègue Jean Arthuis étaient très intéressants. Je regrette quelque peu qu'il accepte l'« avancée » proposée par le Gouvernement, même si je comprends bien ses raisons.
Toute la journée, nous avons vu défiler sur les bancs-titres des chaînes d'information permanente de la télévision l'annonce d'un « bouclier social ». Je me suis demandé à quel moment nous allions, en tant que membres de la représentation nationale, en être officiellement informés par le Gouvernement. Or c'est seulement à vingt-deux heures quinze que le Parlement a pu prendre connaissance de cette proposition ! Je considère que ce n'est pas une bonne méthode de travail.
Je ne mets pas en doute la volonté du Gouvernement d'associer le Parlement, mais la méthode utilisée n'est quand même pas acceptable. Vous renvoyez en permanence les points difficiles à une commission ad hoc pour nous empêcher de débattre dans l'hémicycle. Le décret sera pris et nous n'en entendrons plus jamais parler ! D'ailleurs, sur quel véhicule législatif pourrions-nous nous prononcer à nouveau sur cette question ?
Pour voter un tel amendement, il faudrait que nous puissions, comme notre collègue Gérard Cornu, faire confiance au Gouvernement. Or nous n'y sommes guère enclins aujourd'hui... Nous ne voterons donc pas cet amendement.
Pour le reste, nous regrettons vraiment ces méthodes de travail et particulièrement l'annonce aux médias au cours de la journée d'une décision phare alors que le Parlement n'en a été informé que le soir, à la reprise de ses travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Je souhaite répondre au président Arthuis.
Comme son nom l'indique, le prélèvement social proportionnel est... proportionnel.
Pour ce qui est de la méthode, je le répète, je propose d'utiliser la même que celle que nous avons utilisée - je crois, à la satisfaction générale - sur la réforme difficile du crédit immobilier. Lors de la préparation du décret, nous devons prêter attention à l'articulation des courbes de cotisations dans le temps et, en particulier, au point de rupture.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je vais voter cet amendement. (Marques de satisfaction sur les travées de l'UMP.)
Je voudrais cependant que le Gouvernement prenne l'engagement de nous permettre d'expertiser ce texte et de le modifier, si besoin est, en commission mixte paritaire pour qu'il réponde à nos souhaits.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 418.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 49 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 200 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 118 est présenté par M. Cornu.
L'amendement n° 174 est présenté par M. Mouly.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le premier alinéa de l'article L. 634-2-1 du code de la sécurité sociale, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« L'assuré est informé de cette possibilité chaque année jusqu'à expiration du délai pendant lequel ce versement complémentaire est autorisé ».
La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Avec cet amendement, je souhaite faire la promotion - n'y voyez aucune allusion avec la fameuse publicité pour un numéro de téléphone commençant précisément par 118 ! (Sourires) - d'un système judicieux mais trop souvent ignoré.
Les assurés du régime social des indépendants qui n'ont pas pu valider quatre trimestres en raison d'une diminution de leurs revenus sont autorisés à effectuer des versements complémentaires de cotisations pendant un délai de six années.
Cette possibilité est largement méconnue, ce qui en réduit l'efficacité. Il serait souhaitable de prévoir une obligation d'information annuelle systématique à ce sujet.
Voilà une disposition peu coûteuse qui peut néanmoins être intéressante pour permettre à nos chefs d'entreprise de rétablir leur situation en matière de cotisations.
Mme la présidente. L'amendement n° 174 n'est pas soutenu.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 118 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. A priori, la commission n'est pas défavorable à cet amendement, mais elle souhaite recueillir l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement est à tel point favorable à l'idée défendue par M. Cornu qu'il a pris l'initiative, lors de la négociation de la convention d'objectifs et de gestion du régime social des indépendants, d'inscrire cette obligation dans ladite convention.
Ainsi, monsieur le sénateur, d'une certaine façon, votre amendement est satisfait, d'autant que son contenu relève plutôt du niveau de la convention que du niveau législatif.
C'est la raison pour laquelle je vous suggère de retirer votre amendement ; à défaut, je m'en remettrais à la sagesse de la Haute Assemblée puisque, sur le fond, je suis d'accord avec vous ; mon objection ne porte que sur le plan juridique.
Mme la présidente. Monsieur Cornu, l'amendement est-il maintenu ?
M. Gérard Cornu. Il ne s'agit pas pour moi d'inscrire à tout prix cette disposition dans la loi. Étant, moi aussi, soucieux de simplification, à partir du moment où ma proposition a été déjà prise en compte au niveau de la négociation, je ne peux que retirer cet amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 118 est retiré.
L'amendement n° 389 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Bout, Desmarescaux, Gousseau, Hermange, Hummel, Kammermann, Lamure, Mélot, Papon, Sittler et Troendle et MM. Cambon et Dallier, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - Dans le premier alinéa des I et III et dans les IV et V de l'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, les mots : « et b » sont remplacés par les mots : «, b et c ».
II. - Le I de l'article 146 de la loi n° 2001-1275 du 28 décembre 2001 de finances pour 2002 est ainsi modifié :
1° les mots : « et b » sont remplacés par les mots : «, b et c » ;
2° la référence : « L. 615-1 » est remplacée par la référence : « L. 613-1 ».
III. - La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant des I et II ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Je voudrais évoquer la situation des professionnels libéraux s'installant en zone franche urbaine ou en zone de redynamisation urbaine.
Comme notre collègue Gérard Cornu, nous avons travaillé sur la loi en faveur des PME, dont les dispositions ont été étendues aux professions libérales. Dès lors, je ne comprends pas pourquoi les exonérations de cotisations sociales personnelles de maladie et de maternité applicables aux activités artisanales et commerciales ne peuvent être étendues aux professionnels indépendants.
En bénéficiant de cet avantage, les professions libérales seraient incitées à venir s'installer dans ces zones qui souffrent d'une offre insuffisante de services de proximité, ce qui serait profitable aux habitants.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Encore des exonérations de cotisations sociales ! On les étend cette fois-ci aux professions libérales. Pourquoi pas ?
M. Guy Fischer. Toujours plus !
M. Alain Vasselle, rapporteur. D'exonérations en exonérations, que va-t-il nous rester pour financer les branches maladie et vieillesse ? Il va falloir trouver d'autres recettes !
Évidemment, maintenant que l'on a mis le doigt dans l'engrenage, pourquoi ne pas continuer ? La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Actuellement, ces exonérations sont appliquées aux artisans et aux commerçants des zones dites « sensibles ».
Procédons à l'inventaire de ces professions libérales auxquelles vous voudriez étendre ce dispositif. Si vous prenez le cas des professions libérales de santé, comme les médecins, les kinésithérapeutes ou d'autres, leurs cotisations sociales ne sont pas prises en charge par eux-mêmes mais par l'assurance-maladie. Une mesure d'exonération pour les inciter à s'installer dans ces zones n'a donc pas de sens pour ces professions.
Quant aux autres professions, la plupart d'entre elles sont réglementées : elles ne bénéficient pas de la liberté d'installation, qu'il s'agisse des notaires, des huissiers de justice ou des pharmaciens. Prévoir une exonération pour les inciter à s'installer dans ces zones n'a, là non plus, pas réellement de sens.
C'est la raison pour laquelle, madame Procaccia, je ne peux que vous demander de retirer votre amendement. À défaut, je serais obligé d'émettre un avis défavorable.
Mme la présidente. Madame Procaccia, l'amendement n° 389 rectifié est-il maintenu ?
Mme Catherine Procaccia. J'avais bien conscience, avec cet amendement, de proposer des dépenses supplémentaires. Si M. le rapporteur a d'ailleurs demandé l'avis du Gouvernement, c'est parce qu'il ne voulait pas me faire de peine ! (Sourires.)
Je pense toutefois qu'il faut se poser la question suivante : pourquoi accordons-nous des exonérations à certaines catégories professionnelles, en étendons-nous ensuite le bénéfice à d'autres catégories et ne poursuivons-nous pas le mouvement ?
S'agissant des professions réglementées, tels les pharmaciens, il me semble qu'ils ne s'installent pas dans ces zones peu attrayantes et où ils n'auraient pas beaucoup de clients.
Je retire cet amendement, mais sans avoir été totalement convaincue par vos arguments.
Mme la présidente. L'amendement n° 389 rectifié est retiré.
Article 12
I. - La dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 129-1 du code du travail est remplacée par trois phrases ainsi rédigées :
« Toutefois, les associations intermédiaires, les communes, les centres communaux ou intercommunaux d'action sociale, les établissements publics de coopération intercommunale compétents, les organismes mutualistes gestionnaires d'établissements ou de services visés à l'article L. 310-1 du code de la mutualité, ainsi que les organismes publics ou privés gestionnaires d'un établissement ou d'un service autorisé au titre du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, d'un centre visé à l'article L. 6323-1 du code de la santé publique ou d'un service d'hospitalisation à domicile visé à l'article L. 6122-1 du même code, peuvent être agréés au titre du présent article pour leurs activités d'aide à domicile. Peuvent également être agréés les établissements publics relevant de l'article L. 6141-1 du code de la santé publique, ainsi que les organismes publics ou privés gestionnaires d'un établissement ou d'un service mentionné aux premier ou deuxième alinéa de l'article L. 2324-1 du même code, pour leurs activités d'aide à domicile rendues aux personnes mentionnées au premier alinéa du présent article. Peuvent aussi être agréées les résidences-services relevant du chapitre IV bis de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, pour les services d'aide à domicile rendus aux personnes mentionnées au premier alinéa du présent article qui y résident. »
II. - Dans la première phrase du III bis de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, les mots : « associations ou des entreprises de services à la personne » sont remplacés par le mot : « personnes ».
III. - Le 2° de l'article L. 313-1-1 du code de l'action sociale et des familles est ainsi rédigé :
« 2° Soit à l'agrément prévu à l'article L. 129-1 du code du travail. »
IV. - Le IV de l'article L. 741-27 du code rural est ainsi rédigé :
« IV. - Les dispositions du III bis de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale sont applicables aux cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales dues sur les rémunérations des salariés affiliés au régime de protection sociale agricole, employés par les personnes et dans les conditions mentionnées à cet article. »
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
I.- Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour remplacer la dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 129-1 du code du travail, remplacer les mots :
mutualistes gestionnaires d'établissements ou de services visés à l'article L. 310-1 du code de la mutualité
par les mots :
ayant passé convention avec un organisme de sécurité sociale au titre de leur action sociale
et supprimer les mots :
, d'un centre visé à l'article L. 6323-1 du code de la santé publique ou d'un service d'hospitalisation à domicile visé à l'article L. 6122-1 du même code,
II.- Après la première phrase du même texte, insérer une phrase ainsi rédigée :
Peuvent également être agréées les unions et fédérations d'associations pour leurs activités qui concourent directement à coordonner et délivrer les services à la personne.
III.- Dans la deuxième phrase du même texte, remplacer les mots :
établissements publics relevant de l'article L. 6141-1 du code de la santé publique
par les mots :
établissements de santé relevant de l'article L. 6111-1 du code de la santé publique, les centres de santé relevant de l'article L. 6323-1 du même code
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous avançons, lentement, mais sûrement : nous voilà parvenus à l'article 12 !
L'amendement n° 6 rectifié a pour objet d'améliorer la cohérence et la lisibilité des dérogations à la condition d'activité exclusive requise des organismes sollicitant un agrément pour la gestion d'un service à la personne au titre de l'article L. 129-1 du code du travail.
Par ailleurs, cet amendement vise à étendre le dispositif d'agrément aux unions et aux fédérations d'associations pour leurs activités de services à la personne. C'est une nouveauté, à laquelle le Gouvernement, me semble-t-il, n'est pas hostile.
Cette proposition vise en particulier les réseaux associatifs d'aide à domicile tel que celui de l'ADMR, l'Association d'aide à domicile en milieu rural. Cette association, il faut le souligner, accomplit un excellent travail dans les départements ruraux. Elle travaille notamment avec de très nombreux bénévoles, qui ne sont donc pas rémunérés.
L'ADMR mérite sans aucun doute d'être encouragée et aidée.
M. Guy Fischer. L'ADMR ne compte pas que des bénévoles !
M. Alain Vasselle, rapporteur. Certes, mais ils sont nombreux parmi ses gestionnaires, pas parmi les salariés, naturellement.
La commission des affaires sociales a adopté cet amendement, mais elle s'en remettra à votre avis, monsieur le ministre.
Mme la présidente. L'amendement n° 105 rectifié, présenté par MM. Leclerc et Dériot, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par le I de cet article pour remplacer la dernière phrase du dernier alinéa de l'article L. 129-1 du code du travail, après le mot :
familles
insérer les mots :
et les organismes ayant passé convention avec un organisme de sécurité sociale au titre de son action sociale
La parole est à M. Gérard Dériot.
M. Gérard Dériot. Cet amendement vise à étendre la dispense de la condition d'activité exclusive exigée des organismes pour l'obtention de l'agrément des services à la personne à des organismes qui interviennent traditionnellement dans le domaine de l'action sociale et qui ont passé convention avec un organisme de sécurité sociale au titre de son action sociale. Il s'agit notamment des organismes gestionnaires de centres sociaux ou des relais assistantes maternelles, qui, dans certaines zones rurales, ont également développé des activités de services à la personne.
Ces organismes disposent déjà d'un agrément au titre de cette dernière activité. L'application actuelle de la condition d'activité exclusive fait obstacle au renouvellement de leur agrément. L'adoption de cet amendement, qui n'aurait pas d'incidence budgétaire - c'est une qualité ! -, leur permettrait de ne pas interrompre leur activité dans des zones qui, par ailleurs, comptent peu d'opérateurs.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 105 rectifié ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement devrait être satisfait par l'amendement n° 6 rectifié que je viens de présenter au nom de la commission des affaires sociales, si le Gouvernement y est favorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 6 rectifié et 105 rectifié ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement est favorable à ces deux amendements, mais il va falloir en choisir un.
Monsieur Dériot, l'amendement proposé par M. Vasselle comporte un élément de plus, qui me paraît très important, à savoir la possibilité pour les services des fédérations des associations telles que l'ADMR de bénéficier de l'agrément des prestataires de services, qui ouvre droit aux exonérations sociales.
Or, comme vous, le Gouvernement est extrêmement attaché au développement, dans les meilleures conditions, de ces services à domicile qui interviennent principalement, mais pas exclusivement d'ailleurs, auprès des personnes âgées dépendantes. Nous voulons favoriser ce choix de vie des personnes âgées. Il nous paraît donc très utile, pour alléger les coûts de ces associations, d'englober les services administratifs des fédérations dans l'agrément ouvrant droit aux exonérations.
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement no 105 rectifié n'a plus d'objet.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 201 est présenté par M. Mercier, Mme Létard, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste-UDF.
L'amendement n° 233, présenté par MM. Cazeau et Godefroy, Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Domeizel, Mmes Printz, Alquier et Jarraud-Vergnolle, M. Tropeano et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 264, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer la dernière phrase du second alinéa du I de cet article.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour présenter l'amendement n° 201.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L'objet de cet amendement est d'exclure les résidences-services pour personnes âgées du champ des structures susceptibles d'être agréées en tant que prestataires ou mandataires de services à la personne et, à ce titre, de bénéficier d'exonérations sociales.
En effet, permettre aux résidences-services pour personnes âgées d'être agréées présente un risque. Elles pourront fonctionner comme des établissements d'hébergement pour personnes âgées, mais sans être soumises aux contraintes de qualité et aux obligations de sécurité qui encadrent le fonctionnement de tels établissements. Elles échappent, de ce fait, à toute réglementation applicable aux établissements d'hébergement pour personnes âgées. Elles ne font l'objet d'aucune évaluation interne ou externe, pas plus que d'une quelconque obligation d'employer de façon permanente du personnel qualifié. N'étant pas considérées comme des établissements recevant du public, elles échappent également aux obligations existantes en matière de sécurité contre les risques d'incendie.
Pour toutes ces raisons, il nous paraît difficile de les intégrer dans ce dispositif, d'autant plus que la loi portant engagement national pour le logement précise clairement que « le statut de la copropriété des immeubles bâtis est incompatible avec l'octroi de services de soins ou d'aide et d'accompagnement exclusivement liés à la personne ». On ne peut être plus clair !
Les résidences-services doivent donc être exclues du champ des structures susceptibles d'être agréées.
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour présenter l'amendement n° 233.
M. Bernard Cazeau. En juin dernier, les parlementaires ont adopté, sur proposition du Gouvernement, le texte portant engagement national pour le logement, qui est devenu la loi de 13 juillet 2006.
Il apparaît quelque peu contradictoire de faire adopter par la représentation nationale au mois de juin un texte pointant l'incompatibilité entre l'organisation de certaines copropriétés et l'octroi de services d'aide et d'accompagnement à la personne, puis de proposer, quelques mois plus tard, au Sénat de permettre auxdits organismes de mettre en place des prestations d'assistance aux personnes âgées ou handicapées.
Comment ces deux textes, adoptés à cinq mois d'intervalle, pourront-ils s'appliquer concomitamment, avec toute la clarté nécessaire, sans empiéter l'un sur l'autre et créer par là même une situation d'insécurité juridique patente ?
Telles sont les raisons pour lesquelles nous vous proposons de supprimer la dernière phrase du deuxième alinéa de l'article 12.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 264.
M. Guy Fischer. Avec cet amendement, nous souhaitons soulever le problème des résidences-services.
Les services à la personne doivent être organisés dans un cadre collectif, avec des financements publics identifiés, de nature à garantir la qualité et la sécurité du service rendu.
Nous nous sommes donc interrogés, au même titre d'ailleurs que les professionnels, sur l'assouplissement que constitue l'éligibilité des résidences-services à l'agrément prévu à l'article L. 129-1 du code du travail.
Cet agrément permettrait aux résidences-services de gérer directement des services d'aides et d'accompagnement sans avoir à apporter les garanties exigées des autres établissements.
Alors que les lois du 24 janvier 1997 et du 2 janvier 2002 ont posé le principe d'une répartition en deux catégories des établissements d'hébergement pour personnes âgées - d'un côté les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, de l'autre, les établissements d'hébergement pour personnes âgées, les EHPA -, l'offre d'hébergement serait désormais triple. On trouverait, d'un côté, les EHPAD et les EHPA, qui relèveraient de règles claires quant à l'adéquation des moyens à mettre en oeuvre au regard du degré de dépendance des personnes accueillies, de l'autre, les résidences-services, qui se développeraient en dehors de tout contrôle et de toute contrainte qualitative.
Le gros problème des résidences-services est que les services qu'elles proposent sont facturés aux copropriétaires en fonction non de leur utilisation réelle, mais de leur utilisation potentielle. Dès lors, même si une personne n'utilise pas ces services, qui sont souvent onéreux - les résidents qui y ont recours ont un pouvoir d'achat important -, elle doit néanmoins les payer. Ces services devant être financièrement équilibrés, la contribution ne peut pas être fluctuante.
C'est pourquoi nous ne souhaitons pas rendre ces résidences-services éligibles au dispositif de l'agrément prévu à l'article L. 129-1 du code du travail sans garanties suffisantes concernant leur fonctionnement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Les amendements identiques nos 201, 233 et 264 soulèvent le problème de l'insertion des résidences-services dans le dispositif de l'agrément pris en matière d'aide à la personne.
Les auteurs de ces amendements estiment que cette insertion est contraire aux dispositions de la loi portant engagement national pour le logement. C'est le point sur lequel M. Jean-Marie Vanlerenberghe a particulièrement insisté. Ils craignent donc la création d'une nouvelle catégorie d'établissements, qui ne serait pas soumise aux mêmes contrôles et aux mêmes exigences en termes de qualité et de sécurité.
Il vous appartient, monsieur le ministre, d'apaiser les préoccupations exprimées par nos collègues. Je ne doute pas un seul instant que M. Vanlerenberghe acceptera alors de retirer son amendement.
Quant à MM. Cazeau et Fischer, vous aurez peut-être plus de difficulté à les convaincre, car a priori ils ne font pas confiance au Gouvernement. Toutefois, votre grande force de conviction vous ayant déjà permis d'obtenir le retrait de certains de leurs amendements, je ne doute pas que, de nouveau, ils accepteront d'accéder à votre demande après avoir écouté votre argumentation.
M. Guy Fischer. Alors là ! Vous prenez vos désirs pour des réalités, monsieur Vasselle !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements identiques ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Vous ne serez pas surpris que le Gouvernement émette un avis défavorable sur ces amendements,...
M. Guy Fischer. Ah bon !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...tout simplement parce qu'il souhaite favoriser les formes d'accueil intermédiaires entre le domicile où la personne âgée a longtemps vécu et la maison de retraite médicalisée. Les résidences-services répondent à cet impératif.
Je vois bien que, par une réaction que je qualifierai de malthusienne,...
M. Guy Fischer. Bien sûr !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...un certain nombre d'organisations professionnelles d'établissements s'opposent au développement des résidences-services, alors qu'elles correspondent à un véritable besoin et permettent à des personnes âgées de rompre leur isolement et de bénéficier dans leur nouveau domicile des services dont elles ont besoin.
Pour autant, il s'agit de personnes âgées qui ont conservé une autonomie suffisante et dont la prise en charge de la dépendance n'exige pas de soins médicaux...
M. Guy Fischer. Et qui ont un très fort pouvoir d'achat !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... dans une maison de retraite médicalisée.
Nous souhaitons diversifier les formules d'accueil des personnes âgées et cette formule, qui a ses mérites et sa spécificité, doit être encouragée au même titre que les autres.
M. Guy Fischer. Il y aura des placements financiers !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je tiens à préciser que les amendements dont nous discutons conduiraient à appliquer un taux de TVA de 19,60 % et non plus de 5,5 % à ces résidences-services...
M. Guy Fischer. Voilà !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...lorsqu'elles sont éligibles au prêt locatif social. Par conséquent, c'est une lourde décision qui aurait un effet dissuasif sur la création de ce type d'établissements.
La qualité est pour moi une préoccupation constante. C'est la raison pour laquelle je souhaite que les résidences-services soient dorénavant soumises à un agrément pour les services à la personne, ce qui n'est pas le cas alors qu'elles rendent déjà de tels services.
Comment expliquez-vous qu'un service d'aide à domicile assurant le portage de plateaux-repas chez une personne âgée bénéficie d'un agrément et d'exonérations sociales tandis que le même service assuré à l'intérieur d'une résidence-service n'en bénéficierait pas ? Ce n'est pas satisfaisant !
M. Guy Fischer. Ce n'est pas la même clientèle !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le nombre de personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans va doubler dans les dix ans à venir. Si nous avons vraiment la volonté de diversifier les formules d'accueil, sans réserver les aides à certaines catégories d'établissements et donc sans privilégier une formule plutôt qu'une autre, si nous voulons assurer la liberté de choix de chacun de nos compatriotes lorsqu'il prend de l'âge, il faut maintenir le texte adopté par l'Assemblée nationale prévoyant la possibilité de l'agrément des résidences-services, et donc l'exonération sociale et la TVA à 5,5 %.
C'est la raison pour laquelle, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition et du groupe de l'UC-UDF, en espérant vous avoir convaincus, je vous demande de bien vouloir retirer vos amendements.
Mme la présidente. Monsieur Vanlerenberghe, l'amendement n° 201 est-il maintenu ?
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, nous sommes bien conscients qu'il faut diversifier les services aux personnes âgées et que les résidences-services entrent dans ce dispositif.
Nous devons simplement garantir une certaine harmonie entre les différents services, ainsi que certaines exigences pour les personnes âgées. L'agrément doit, selon nous, être assorti des mêmes conditions.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Par ailleurs, nous savons bien qu'une loi peut en défaire une autre, mais nous faisions remarquer que cette disposition était contraire à la loi portant engagement national pour le logement.
Quant au taux de TVA, il suffit d'un simple décret pour le fixer à 19,60 % ou à 5,5 %. En outre, les résidences-services portées notamment par des bailleurs sociaux relèvent de la TVA à 5,5 % (M. le ministre délégué fait un signe de dénégation.) Si ! À l'heure actuelle, un bailleur social qui construit une résidence-service bénéficie d'un taux de TVA réduit. Tout dépend du promoteur.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je comprends qu'il faille diversifier les modes d'accueil des personnes âgées, mais je ne comprends pas bien en quoi le fait de porter des repas permet d'acquitter une TVA à taux réduit.
M. Michel Mercier. En effet, s'il suffit de porter des repas pour que le taux de TVA passe de 19,60 % à 5,5 %, nombreux seront ceux qui en porteront !
Par ailleurs, je m'interroge sur l'agrément. J'y suis favorable, mais je souhaiterais connaître l'autorité de tarification. Je vous rappelle, monsieur le ministre, que les départements sont tenus par la loi de tarifer des dizaines de services. Ces services rendus par les résidences-services entrent-ils dans le champ de la tarification et donnent-ils lieu au remboursement par les services d'aide sociale, ou bien sont-ils totalement à part, simplement éligibles au taux réduit de TVA ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Michel Mercier. Nous sommes d'accord !
M. Philippe Bas, ministre délégué. J'ai évoqué des exonérations de cotisations sociales pour le portage des plateaux-repas et non pas, bien évidemment, une TVA de 5,5 %
En outre, il n'y a pas de tarification pour les services à la personne qui sont sous le régime de l'agrément par les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Quand un établissement médico-social rend des services à la personne, le président du conseil général, qui est le financeur, détermine une tarification. Or les services dont nous traitons ne concernent pas les soins ni la prise en charge de la dépendance, ils visent simplement à faciliter l'existence de personnes en perte d'autonomie.
Je veux donc vous assurer à la fois des garanties de qualité tenant à la procédure de l'agrément - j'y attache une grande importance - et de l'absence d'incidence sur les dépenses tant des départements que de l'assurance maladie.
Mme la présidente. La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'appelle l'attention du ministre sur la situation dans laquelle risquent de se trouver les foyers-résidences pour personnes âgées. Je ne voudrais pas que l'agrément entraîne un changement de statut de ces structures, notamment des contraintes nouvelles en matière de permanences de nuit.
Nous appliquons actuellement dans ces foyers-résidences une directive européenne. Je préside une association qui gère une trentaine de foyers-résidences dans mon département. Les personnes y vivent dans des logements indépendants, comme dans un immeuble d'HLM, par exemple. Les contraintes qui existent dans des établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, les EHPAD, ou dans les maisons de retraite ne s'appliquent donc pas aux foyers-résidences.
Monsieur le ministre, je souhaite que vous nous assuriez que cet agrément n'entraînera pas un changement de statut qui nous ferait tomber sous le coup d'une autre disposition réglementaire. Les personnels de mes établissements ont en effet engagé un contentieux parce qu'ils considèrent qu'ils doivent bénéficier des mêmes dispositions que dans les EHPAD, ce qui n'est pas le cas normalement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, je veux être très clair : avec un logement individuel dans un ensemble qui par ailleurs peut permettre à la personne âgée d'accéder à des services, nous ne sommes pas dans un établissement hébergeant des personnes âgées dépendantes, nous sommes bien dans un immeuble privé au sein duquel chacun à son logement, qu'il en soit propriétaire ou locataire.
Par conséquent, il n'y a pas, sous prétexte qu'un agrément a été donné à l'organisme assurant les prestations de service, de possibilité de requalifier cet établissement en maison de retraite médicalisée, c'est-à-dire en EHPAD, et il faut bien sûr s'opposer à toute tentative de requalification.
Cet article du projet de loi de financement de la sécurité sociale vise tout simplement à permettre de donner un agrément aux prestataires de services qui interviennent dans les résidences-services, afin qu'ils puissent bénéficier d'exonérations de cotisations sociales. Ainsi, ces résidences-services se développeront et nombre de nos concitoyens pourront y accéder, grâce à l'abaissement des coûts.
Mme la présidente. Monsieur Fischer, l'amendement n° 264 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Les résidences-services et les foyers-résidences sont deux structures totalement différentes.
Les résidences-services sont très souvent construites par des investisseurs qui entendent « récupérer leurs billes », ou plutôt « avoir un retour sur investissement », comme me le souffle François Autain. Bien souvent, ces résidences-services se trouvent en centre-ville, dans des secteurs très bien desservis par les transports publics, et vantent la grande qualité de leurs services. Elles s'adressent à des personnes aisées, compte tenu des prix de vente ou de location des appartements. Or il nous est proposé de les faire échapper à un certain nombre de contraintes, notamment parce qu'elles ne sont pas considérées comme des établissements recevant du public. Elles échappent donc à toutes les obligations qui existent par ailleurs.
La diminution du taux de TVA permettrait, si j'ai bien compris, de réduire les coûts d'investissement et favoriserait donc les grandes compagnies d'assurance qui financent la construction de ce type de résidences.
Pour conclure, monsieur le ministre, je m'interroge sur le développement des EHPAD, car il faut vraiment le vouloir, aujourd'hui, pour construire ce type d'établissements ! Peu sont en construction dans mon département et, à l'échelle du territoire français, les besoins ne sont pas satisfaits et les listes d'attente s'allongent.
C'est pourquoi, pour notre part, nous maintiendrons notre amendement.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je voudrais tout d'abord confirmer à M. Mercier que les services offerts dans les résidences-services sont réservés aux résidents.
Ensuite, monsieur Fischer, ce n'est pas parce que des entreprises à but lucratif investissent dans les résidences-services qu'il faut condamner le développement de celles-ci.
Certains EHPAD ont un statut public, d'autres un statut privé à but non lucratif ou un statut privé à but lucratif.
M. François Autain. Et ça peut rapporter !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Certaines résidences-services auront, comme c'est le cas actuellement, un statut public, d'autres un statut privé à but non lucratif ou un statut privé à but lucratif. Tous ces établissements doivent pouvoir coexister en bonne intelligence.
On ne peut pas disqualifier les résidences-services sous prétexte que certaines d'entre elles seraient gérées par des entreprises à but lucratif. Dans le domaine de la santé, par exemple, l'hôpital public, l'hôpital privé et l'hôpital privé à but non lucratif coexistent parfaitement.
M. Guy Fischer. Vous êtes pour la commercialisation, monsieur Mercier ?
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Ou bien l'agrément est le même pour tous, ou bien il varie selon le type de service qui est apporté.
Quel sera le contenu de l'agrément ? Qu'apportera-t-il aux résidences-services ? Quelles contraintes seront-elles exigées en contrepartie de sa délivrance ? Telles sont les questions auxquelles il n'est pas répondu. En tout cas, si une réponse a été apportée, elle est plutôt floue.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Cet agrément n'est pas une nouveauté : il s'agit de l'agrément pour les services à la personne. Il est délivré par les directions départementales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle en contrepartie duquel des garanties de qualité liées à la qualification des personnels sont exigées.
Dans les résidences-services, comme pour les autres prestations de service qui bénéficieront de l'agrément, la qualité des prestataires sera vérifiée. Les mêmes contrôles que pour tous les autres services à la personne auront lieu. Je tenais à vous donner cette assurance, monsieur le sénateur.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Je vous remercie de vos explications, monsieur le ministre. Ce sujet étant assez sensible, nous devons être attentifs.
Il reste un dernier point à éclaircir. Tout à l'heure, vous avez dit qu'il n'y avait pas de tarification. C'est tout à fait exact. L'établissement recevra un agrément s'il répond aux exigences de qualité requises, mais il fixera le tarif qu'il veut pratiquer.
Le hic, c'est que les résidences-services accueilleront des bénéficiaires de l'APA. Or, je vous le rappelle, monsieur Fischer, cette allocation est accordée à tout le monde, quel que soit son niveau de fortune. Il vous arrive certainement dans le département du Rhône d'en faire bénéficier des gens qui ont des revenus très importants. C'est d'ailleurs ce que vous aviez souhaité lorsque vous l'avez créée. Il faut donc aller au bout de la logique.
L'APA est calculée sur le fondement d'un tarif défini par le département en fonction d'un nombre d'heures. Il ne faut donc pas qu'il y ait une trop grande différence entre le « tarif de responsabilité » et celui pratiqué par le prestataire, sinon, même si le bénéficiaire a les moyens, cela risque de poser un problème.
Monsieur le ministre, les explications que vous nous avez apportées sont satisfaisantes, sauf sur ce point.
M. Michel Mercier. Sauf que le service est unique, obligatoire et payé selon un tarif qui est fixé commercialement. Cette pratique n'est pas condamnable, mais le problème est de trouver un bon équilibre entre les deux tarifs.
Quoi qu'il en soit, ce sera à vous de gérer cette question. En général, plus on a d'argent, plus on est exigeant, voire parfois pénible. Nous vous enverrons donc les récalcitrants.
Cela étant dit, je retire mon amendement.
Mme la présidente. L'amendement n° 201 est retiré.
Je mets aux voix les amendements identiques nos 233 et 264.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. L'amendement n° 200, présenté par M. Mercier, Mme Létard, M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Compléter le second alinéa du I de cet article par une phrase ainsi rédigée :
De même, les entreprises ou associations gestionnaires d'un service d'aide à domicile, agréé qualité au sens du II de l'article R. 129-1 du présent code, peuvent déposer une demande d'autorisation de créer un établissement ou un service dont l'activité relève du I de l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles sans que leur agrément au titre du présent article puisse être remis en cause de ce simple fait.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Par cet amendement, il s'agit de permettre aux entreprises ou aux associations gestionnaires d'un service d'aide à domicile d'obtenir l'autorisation de créer un établissement ou un service social ou médico-social au sens du code de l'action sociale et des familles.
Toutefois, j'aimerais avoir la certitude que cet agrément ne puisse pas remettre en cause celui qui est délivré au titre de l'aide à domicile.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission aimerait connaître l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 209 rectifié, présenté par Mmes Hermange, Brisepierre et Gousseau, MM. Lardeux et Leclerc, Mme Desmarescaux, M. Gournac, Mmes Lamure, Garriaud-Maylam, Kammermann et Michaux-Chevry, M. F. Giraud, Mmes Mélot, Procaccia et Bout, est ainsi libellé :
Compléter le I de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Peuvent également être agréées les associations qui ont passé une convention avec les organismes de sécurité sociale, au titre de leur action sociale pour l'aide aux familles à domicile.
La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Cet amendement vise les associations qui aident les familles à leur domicile au moment où celles-ci rencontrent des difficultés ponctuelles ou plus durables. Les prestations réalisées sont essentiellement financées par la CNAF, les CAF et les conseils généraux. Une part reste à la charge des familles selon leurs ressources.
Ces prestations ont été inscrites dans la liste des activités de services à la personne. Les associations gestionnaires bénéficient donc des avantages de la loi du 26 juillet 2005 relative au développement des services à la personne : exonérations de cotisations sociales et déduction fiscale pour les personnes aidées à leur domicile.
À compter du 1er janvier 2007, ces associations pourraient être empêchées de bénéficier de ces dispositions dans la mesure où elles ne satisferaient pas à la condition d'activité exclusive nécessaire pour obtenir leur agrément. De plus, elles ne peuvent pas être autorisées, au sens de la loi du 2 janvier 2002, ce qui leur permettrait d'être dispensées de la condition d'activité exclusive.
Par cet amendement, il s'agit de permettre à ces associations de continuer à apporter une aide aux familles à leur domicile dans les meilleures conditions de qualité possibles et à un coût acceptable par les familles et par les organismes financeurs.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement a été satisfait par l'adoption de l'amendement n° 6 rectifié, qui a d'ailleurs un objet plus large.
Mme la présidente. Qu'en pense le Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 209 rectifié n'a plus d'objet.
L'amendement n° 265, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Au dernier alinéa de l'article L. 129-1 du code du travail, les mots : « délivré au regard » sont remplacés par les mots : « de critères de formation initiale et continue des salariés, des niveaux de leur rémunération, de promotion des carrières ainsi qu'au regard ».
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement est-il également satisfait, monsieur le rapporteur ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Non, pas celui-là !
M. Guy Fischer. Mes chers collègues, vous le savez, nous défendons des services à la personne de nature à garantir la qualité et la sécurité du service rendu. Nous venons justement d'en parler.
Le développement des services à la personne est un véritable enjeu. Le problème est que les structures publiques et associatives souffrent de la réduction des moyens, tant humains que financiers, qui leur sont nécessaires afin d'assurer correctement leurs missions et de faire face à une demande de plus en plus importante. Il serait donc non seulement urgent de leur donner les moyens de répondre aux objectifs, de développer les structures, et donc d'engager des investissements publics, mais aussi de se soucier de la formation et des carrières des personnels dans ce secteur.
La flexibilité des conditions de travail et la précarité des emplois créés exigeraient que des correctifs soient apportés par le Gouvernement. Or aucun engagement n'est prévu de sa part. Notre amendement a donc pour ambition de renforcer la qualité de l'agrément en introduisant comme critères pour l'obtenir les efforts réalisés par les acteurs entrant dans le champ des services à la personne en matière de politique salariale et de formation.
Améliorer les droits sociaux des personnels et les conditions d'exercice de leurs métiers ne sera pas non plus sans conséquence sur la qualité des services rendus aux personnes âgées. Il est donc incontournable de dégager les moyens nécessaires et d'engager un grand plan de formation des personnels. La demande en matière de développement des services aux personnes âgées commande un tel investissement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. J'ai répondu à M. Fischer que son amendement n'était pas satisfait. En fait, il est partiellement satisfait. C'est l'une des raisons qui pousse la commission à lui demander de bien vouloir le retirer. À défaut, elle émettrait un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Monsieur Fischer, l'amendement n° 265 est-il maintenu ?
M. Guy Fischer. Oui, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 227, présenté par MM. Domeizel, Godefroy et Cazeau, Mmes Demontès, Le Texier, Alquier, Jarraud-Vergnolle, Printz, Schillinger, San Vicente-Baudrin, Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le II de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Dans cette même phrase, les mots : « des cotisations patronales d'assurances sociales » sont remplacés par les mots : « des cotisations patronales d'assurance vieillesse visées à l'article L. 241-3 du présent code ainsi que celles d'assurance maladie, maternité, invalidité et décès ».
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. En vertu du dernier alinéa du paragraphe III de l'article L. 241-10 du code de la sécurité sociale, les centres communaux et intercommunaux d'action sociale sont exonérés de la cotisation patronale d'assurance vieillesse due à la caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, la CNRACL, pour leurs fonctionnaires exerçant les fonctions d'aide à domicile.
Compte tenu de la modification de l'article L. 129-1 du code du travail par le paragraphe I de l'article 12 du présent projet de loi, ces mêmes organismes devraient bénéficier, pour l'ensemble de leurs activités à domicile, de l'exonération sur la rémunération de leurs salariés des cotisations patronales d'assurances sociales, d'accidents du travail et d'allocations familiales en application du paragraphe III bis de l'article L. 241-10.
Afin d'éviter toute confusion dans ces deux dispositifs d'exonération et de sécuriser les versements de ces organismes aux différents régimes d'assurance vieillesse concernés, il est proposé d'identifier clairement l'exonération fixée par le paragraphe III bis de l'article L. 241-10, qui vise le régime général de la sécurité sociale et non la CNRACL.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission aimerait connaître l'avis du Gouvernement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Cet amendement est rédactionnel. Après l'avoir examiné, le Gouvernement émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 12, modifié.
(L'article 12 est adopté.)
Article additionnel après l'article 12
Mme la présidente. L'amendement n° 7, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I.- L'article 83 du code général des impôts est complété par un 4° et un 5° ainsi rédigés :
« 4° les cotisations versées au titre d'un contrat individuel d'assurance dépendance.
« Les cotisations mentionnées à l'alinéa précédent sont déductibles dans la limite de 4 % du montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale ;
« 5° les cotisations versées au titre des contrats individuels d'assurance dépendance pour le bénéfice d'un ascendant par son descendant en ligne directe jusqu'au deuxième degré.
« Les cotisations mentionnées à l'alinéa précédent sont déductibles dans la limite de 4 % du montant annuel du plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale ; »
II.- L'article 199 septies du même code est ainsi modifié :
1° Après le I, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis.- Lorsqu'elles n'entrent pas en compte pour l'évaluation des revenus des différentes catégories, ouvrent droit à une réduction d'impôt sur le revenu de 25 % les primes afférentes à des contrats d'assurance dépendance lorsque ces contrats garantissent, à titre principal, le versement d'une rente viagère au bénéficiaire lorsque celui-ci devient dépendant.
« La réduction d'impôt mentionnée à l'alinéa précédent est calculée dans la limite d'un plafond global de versements annuels égal à 1 525 euros, porté à 3 050 euros pour les contribuables mariés soumis à imposition commune.
« Les modalités d'application des dispositions du présent paragraphe sont fixées par décret. »
2° La première phrase du II est complétée par les mots : « et au I bis ».
III.- L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Dans le sixième alinéa, les mots : « et de prévoyance » sont remplacés par les mots : « , de prévoyance et relatives à la prise en charge des conséquences de la perte d'autonomie ou de la dépendance physique ou mentale due à l'âge ».
2° Après le huitième alinéa (2°), il est inséré un 3° ainsi rédigé :
« 3° Dans des limites fixées par décret, pour les contributions relatives à la prise en charge des conséquences de la perte d'autonomie ou de la dépendance physique ou mentale due à l'âge. »
3° Dans le neuvième alinéa, le mot : « trois » est remplacé par le mot : « quatre ».
IV.- Dans l'article L. 911-2 du code de la sécurité sociale, après les mots : « la couverture du risque décès, » sont insérés les mots : « du risque de perte d'autonomie ou de dépendance physique ou mentale due à l'âge, ».
V.- Les pertes de recettes résultant pour l'État des dispositions des I et II ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.
VI.- Les pertes de recettes résultant pour les organismes sociaux des dispositions des III et IV ci-dessus sont compensées, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. M'étant longuement exprimé cet après-midi dans le cadre du débat sur la prise en charge de la dépendance, je ferai grâce à la Haute Assemblée d'un nouvel exposé.
Je tiens simplement à rappeler que cet amendement fait suite à une proposition de loi que j'avais cosignée avec Paul Blanc et quatre-vingts de mes collègues. Il avait également été repris par André Lardeux dans le cadre d'un rapport qu'il avait présenté au Sénat lors de l'examen d'un texte de loi sur la prestation autonomie.
Le Gouvernement s'est engagé à plusieurs reprises à étudier les conséquences financières, notamment fiscales, qui pourraient résulter de la mise en oeuvre d'un tel dispositif. La commission attend que M. Bas veuille bien confirmer les propos qu'il a tenus devant notre assemblée en début d'après-midi.
Sous le bénéfice des engagements que prendrait le Gouvernement avec un calendrier clair, la commission serait prête à retirer cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le rapporteur, je vous confirme bien volontiers les engagements que j'ai pris cet après-midi.
Sachez que ma conviction est la même que la vôtre. Pour le financement de la part restant à la charge de la personne âgée, de sa famille ou de l'aide sociale, nous aurons besoin de mobiliser des fonds supplémentaires dans les années à venir.
Il faut que nous puissions réaliser ce travail en commun afin de préparer le grand débat national de 2007. Nous pourrons le faire en nous appuyant sur le rapport que j'ai demandé à Mme Hélène Gisserot de rédiger. Ainsi, nous serons parfaitement informés et nous pourrons éclairer nos compatriotes sur le travail que le Gouvernement fera avec vous au cours du premier trimestre prochain sur la question du financement de la dépendance.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 7 est-il maintenu ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Non, je le retire, madame la présidente.
Mme la présidente. L'amendement n° 7 est retiré.
Article 12 bis
I. - Dans l'attente d'une convention ou d'un accord collectif de branche, au plus tard avant le 31 janvier 2007, dans les entreprises et unités économiques et sociales de la branche des hôtels, cafés et restaurants, la durée équivalente à la durée légale prévue au premier alinéa de l'article L. 212-1 du code du travail est fixée à trente-neuf heures. Par dérogation, dans les entreprises et unités économiques et sociales de plus de vingt salariés de la branche des hôtels, cafés et restaurants où la durée collective de présence au travail a été fixée par décret à trente-sept heures en 2002, la durée équivalente à la durée légale prévue au premier alinéa de l'article L. 212-1 du code du travail est fixée à trente-sept heures. Les heures comprises entre la durée légale et la durée équivalente ouvrent droit aux mêmes exonérations que les heures comprises dans la durée légale du travail.
Les salariés de ces entreprises bénéficient de six jours ouvrables supplémentaires de congés visés à l'article L. 223-2 du code du travail, ainsi que d'un jour férié supplémentaire à partir du 1er juillet 2006 et d'un autre jour férié supplémentaire à partir du 1er juillet 2007. Ces dispositions s'appliquent à tous les salariés à temps partiel. Elles sont facultatives pour les salariés à temps complet ou à temps partiel qui bénéficient déjà à due concurrence d'un nombre de jours de congés de même nature ou ayant le même objet par décision de l'employeur ou par accord collectif, national, régional ou départemental, notamment à des jours de réduction du temps de travail ou à des jours de congés supplémentaires ou à des jours fériés.
II. - Les dispositions du présent article entrent en vigueur à compter du 1er janvier 2005.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, sur l'article.
M. Jean-Pierre Godefroy. Si nous discutons de cet article 12 bis aujourd'hui, c'est que la manière dont la durée du travail et bien d'autres questions concernant la branche des hôtels, cafés et restaurants, les HCR, ont été traitées depuis le début offre l'exemple de ce qu'il ne faut pas faire.
Le secteur des HCR a une composition très variée. Il comprend à la fois des chaînes hôtelières et de restauration très prospères, et de nombreuses petites entreprises en équilibre précaire. Il mêle une véritable industrie calée sur des groupes financiers et des entreprises artisanales.
Partout, le taux de syndicalisation est particulièrement faible pour de multiples raisons, notamment à cause de l'éparpillement des établissements. Cela conduit à une représentation des salariés plus difficile que dans d'autres secteurs plus structurés. Là réside très certainement l'une des raisons fondamentales d'un cafouillage juridique issu d'un accord au départ mal conçu. C'est un premier point.
Par ailleurs, dans les petits établissements, même si l'on considère que ces entreprises peuvent embaucher, la durée du travail, particulièrement à l'échelon journalier et hebdomadaire, est difficilement planifiable dans la mesure où elle dépend d'abord des horaires de clients et des activités locales très diverses.
Si l'on parvient à établir un cadre précis, la seule possibilité est de compter des heures supplémentaires, ce qui est dans le domaine de la stricte légalité. Et c'est parfaitement possible dans les grandes chaînes hôtelières.
Il faut cependant constater que la vérification des heures supplémentaires dans un secteur aussi éparpillé n'est pas facile, d'autant que le nombre d'inspecteurs et de contrôleurs du travail est très insuffisant. Nous ne cessons de le rappeler depuis quatre ans. Certes, M. Larcher a annoncé un effort, mais c'est encore insuffisant.
Un accord a donc été passé entre les partenaires sociaux le 13 juillet 2004 sous la forme d'un avenant à la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants.
Le problème juridique vient de ce que les partenaires sociaux n'ont pu aboutir à un accord dans le cadre de la loi. Ils ont donc « bricolé » une convention de branche à partir des heures d'équivalence.
Pour les employeurs, l'avantage est de ne pas avoir à comptabiliser et à payer des heures supplémentaires. Pour les salariés, l'intérêt est de bénéficier de jours pleins de congé à titre de compensation. De plus, en cas de contentieux, la prise ou non de jours de congé est plus aisée à prouver que la réalisation et le paiement d'heures supplémentaires.
La législation relative aux heures d'équivalence ne peut cependant être appliquée indistinctement à tous les métiers de la branche des HCR.
En effet, l'article L. 212-4 du code du travail dispose clairement qu'un décret pris après conclusion d'un accord collectif peut instituer cette durée équivalente, mais seulement pour des emplois déterminés comportant des périodes d'inaction.
À l'évidence, tous les métiers des HCR n'entrent pas dans ce cas de figure. C'est donc à bon droit que le Conseil d'État a pris sa décision d'annulation du décret et de l'arrêté ministériel.
Le Gouvernement demande donc aux partenaires sociaux de négocier un nouvel accord avant le 31 janvier 2007, de préférence conforme à la loi, et il nous demande de valider les dispositions de l'accord de 2004, pour éviter d'ajouter une indescriptible pagaille à l'actuelle confusion.
Nous ne voulons pas aller à l'encontre d'une négociation des partenaires sociaux sur le principe de laquelle tout le monde est d'accord.
De plus, le délai court jusqu'au 31 janvier 2007, ce qui couvre à peine plus que le délai d'adoption du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, y compris le délai d'une décision du Conseil constitutionnel si celui-ci était saisi d'un recours. Toutefois, monsieur le ministre, que fera-t-on si aucun accord n'est signé le 31 janvier 2007 ?
Au demeurant, ni le Gouvernement ni le Parlement ne sont supposés faire de telles injonctions aux partenaires sociaux, en vertu du principe d'autonomie dont ces derniers bénéficient. Mais passons !
Si nous en sommes là, c'est que les vrais problèmes de la branche des HCR n'ont pas été pris en compte globalement.
Nous regrettons ce bricolage dans un secteur où des négociations de fond sont devenues indispensables. Les difficultés de recrutement de la branche sont dues, chacun le sait, aux salaires pratiqués et aux conditions de travail. Les conditions d'emploi, de salaire et de travail y sont parmi les plus contestables. Et je ne parle même pas du sort des saisonniers, qui effectuent des horaires démentiels, sont logés dans des conditions parfois discutables et sont souvent payés « avec un lance-pierre » !
En outre, la branche est la dernière en matière de formation professionnelle, et donc de perspectives pour les salariés.
Enfin, le développement de la sous-traitance dans les chaînes hôtelières appartenant à des groupes financiers a pris des proportions considérables afin de réduire les coûts.
Dans une branche de main-d'oeuvre, cela signifie une aggravation des conditions de travail, une précarisation quasi systématique des personnels, y compris les gestionnaires, qui sont maintenant franchisés.
Qu'a fait le Gouvernement pour améliorer la situation des salariés de cette branche depuis 2002 ? Objectivement, monsieur le ministre, peu de chose, même si nous vous avons entendu à un certain moment piquer une grosse colère contre la profession, mais cela n'a duré que très peu de temps !
Le Président de la République s'est engagé, contre toute évidence, à obtenir de nos partenaires européens un accord sur un taux de TVA à 5,5 % pour la restauration traditionnelle.
Quelque 1,230 milliard d'euros sur deux exercices budgétaires, et ce n'est pas fini ! L'accord de Bruxelles n'a évidemment pas été obtenu, ce qui a conduit le Gouvernement à octroyer des aides sectorielles considérables, qui sont venues ponctionner d'autant le budget de l'emploi. Quel a été le résultat en matière d'emploi et d'amélioration des conditions de travail ? Il a été nul ou quasi nul ! Mais l'objectif était-il vraiment d'obtenir un résultat ? C'est un véritable échec, tissé d'effets d'annonce ainsi que de cadeaux fiscaux et sociaux.
Le Gouvernement opte de nouveau pour une solution « à la petite semaine ». Il ne saisit pas l'opportunité offerte par cette situation pour impulser une négociation globale de branche, afin de tenter d'améliorer la situation en matière d'emploi, de salaires, de conditions de travail et de formation. Là réside la clef d'une indispensable revalorisation de la profession et de ses métiers. La solution ne se trouve pas dans l'octroi « à guichet ouvert » de fonds publics pour calmer des prescripteurs d'opinion en période électorale.
Au final, monsieur le ministre, cet article est une mauvaise nouvelle pour les salariés et pour le dialogue social. Il retranscrit dans la loi un accord minoritaire et illicite.
Bien que nous comprenions l'inquiétude des salariés et des professionnels scrupuleux - il y en a bien sûr beaucoup -, ces derniers points font que nous ne pourrons pas voter en faveur de cet article 12 bis.
Pour autant, nous n'avons pas souhaité aller jusqu'à déposer un amendement de suppression, conscients des difficultés que son adoption, bien aléatoire au Sénat, pourrait susciter, notamment auprès des salariés.
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 266, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet article est un nouveau cavalier législatif.
Il rétablit le temps de travail hebdomadaire dans la branche des cafés, hôtels et restaurants à 39 heures, comme le stipulait un accord minoritaire du 13 juillet 2004.
Cette disposition déroge tout simplement à la durée légale du travail, qui est fixée 35 heures.
Cet accord du mois de juillet 2004 avait été récemment annulé par le Conseil d'État. Les 800 000 salariés du secteur devraient normalement basculer dans le droit commun, c'est-à-dire passer à 35 heures, tout en bénéficiant des dispositions de l'accord relatives à la création d'un SMIC national et à la mise en place d'un système de prévoyance.
Cette décision du Conseil d'État rendait justice à des salariés qui, historiquement, connaissent des conditions de travail difficiles et largement moins favorables que celles de la majorité des salariés.
Cette décision corrigeait tout simplement une situation illégale et injuste. Pourtant le Gouvernement a jugé cette décision « inopportune », ce qui nous vaut aujourd'hui cet article qui fait figure de cavalier législatif.
Je rappelle que le Conseil d'État, dans ses décisions, ne fait qu'appliquer la loi. Il serait alors particulièrement grave, de la part de cette majorité, de considérer, comme elle le fait aujourd'hui, inopportune l'application d'une loi.
L'autre argument avancé par le Gouvernement a été que cette décision du Conseil d'État créait un vide juridique. Or ce n'est pas du tout le cas. Il y a au contraire une obligation juridique forte, même si elle déplaît au patronat.
Nous savons ce qui motive le Gouvernement au travers de cette disposition : il s'agit malheureusement de récupérer à des fins électoralistes des employeurs des hôtels, cafés, restaurants, dont la majorité souhaite s'assurer un soutien sans faille.
Or le secteur n'est pas lésé par cette majorité, bien au contraire. En effet, le projet de loi de finances pour 2007 a prévu de lui accorder une nouvelle aide de 700 millions d'euros, qui viendront s'ajouter aux 530 millions d'euros du contrat de croissance pour 2006.
Pour cela, aucune contrepartie n'est demandée, ni en termes de rémunérations ni en termes de création d'emplois !
Le Gouvernement se retranche derrière la négociation en cours sur ce thème, mais il est à craindre qu'elle n'aboutisse pas en faveur des salariés.
Nous suivrons tout de même avec intérêt les délibérations du Conseil Constitutionnel sur cet article.
Dans tous les cas, un tel article n'a pas sa place dans ce texte. C'est pourquoi nous vous proposons cet amendement de suppression, sur lequel nous demandons un scrutin public.
Mme la présidente. L'amendement n° 415, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Dans les entreprises et établissements de la branche des hôtels, cafés et restaurants, les majorations et repos compensateurs pour les heures qui peuvent être effectuées entre la 36ème et la 39ème heure par les salariés, autres que ceux exerçant des activités de nature administrative hors sites d'exploitation, sont dues sous la forme forfaitaire de six jours ouvrables supplémentaires aux congés visés à l'article L. 223-2 du code du travail, ainsi que d'un jour férié supplémentaire à partir du 1er juillet 2006. Ces jours supplémentaires peuvent être décomptés des congés de même nature ou ayant le même objet en application d'un accord collectif.
Les heures comprises entre la 36ème et la 39ème heure ouvrent droit aux mêmes exonérations que les heures comprises dans la durée légale du travail.
Ces dispositions sont applicables pour la période allant du 1er janvier 2005 à la conclusion d'un accord de branche sur le temps de travail, et au plus tard jusqu'au 31 janvier 2007.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Cet amendement est particulièrement important, car il vise à permettre la régularisation d'une situation résultant d'un contentieux qui avait été engagé au sujet du secteur des hôtels, cafés et restaurants.
Le secteur des hôtels, cafés et restaurants est un secteur essentiel pour notre économie, l'emploi et l'attractivité touristique de notre pays. C'est la raison pour laquelle la ligne constante du Gouvernement a été de favoriser la négociation et le dialogue social au sein de ce secteur.
Le 18 octobre dernier, le Conseil d'État a annulé les dispositions négociées en 2004 sur le temps de travail, qui étaient incluses dans un accord plus global, lequel ramenait le nombre d'heures d'équivalence de 44 heures et 43 heures à 39 heures, permettait de compenser cette durée collective du temps de travail de 39 heures par une sixième semaine de congés payés et instituait un régime de prévoyance.
L'Assemblée nationale a souhaité adopter une disposition tendant à rétablir un équilibre, avec pour objectif de sécuriser l'accord permettant en particulier aux salariés de bénéficier d'une semaine de congés payés supplémentaire ainsi que de deux jours fériés.
Sécuriser la situation des salariés et des entreprises est effectivement une priorité que nous nous sommes donnée.
Toutefois, il importe de stabiliser les situations passées. La situation de la branche doit relever d'une négociation entre les partenaires sociaux. La négociation d'un nouvel accord est hautement souhaitable et doit pouvoir intervenir dans un délai raisonnable.
Il convient également que les personnels concernés par la mesure législative soient clairement identifiés, ce qui va dans le sens de la décision rendue par le Conseil d'État.
Tel est le sens de l'amendement proposé. Nous avons veillé à ce que cet amendement soit sécurisé, puisqu'il prévoit que l'accord nécessaire devra intervenir avant le 31 janvier 2007, à savoir dans un délai relativement court. Par ailleurs, cet amendement tend à mieux préciser quels sont les personnels concernés. Au total, mes chers collègues, il offre une meilleure sécurité juridique au dispositif qui nous est soumis.
Il serait intéressant, monsieur le ministre, que vous nous fassiez le point et que vous nous disiez où vous en êtes dans les négociations. Ces dernières avancent-elles ? Pouvons-nous espérer que tout cela aboutira dans un délai rapproché, de manière à mettre un terme à une situation qui affecte les salariés et une partie de l'économie de notre pays ?
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 421, présenté par M. Cornu, est ainsi libellé :
Compléter la seconde phrase du premier alinéa de l'amendement n° 415 par les mots :
"ou d'une décision de l'employeur"
La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. J'approuve tout à fait l'amendement présenté par M. Vasselle.
Il convient néanmoins de préciser que les jours de congé auxquels cet amendement fait référence sont des jours supplémentaires par rapport aux jours définis dans la dernière convention collective nationale, qui constitue une base de référence pour la profession, sachant que certaines entreprises étaient allées au-delà par accord collectif, comme l'a rappelé M. Vasselle, ou par décision de l'employeur. Il semble souhaitable, pour l'attractivité du secteur, de clarifier ce point.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 266 et sur le sous-amendement n° 421 ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 266. En revanche, elle est favorable au sous-amendement n° 421.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements nos 266 et 415 ainsi que sur le sous-amendement n° 421 ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Je veux resituer brièvement le sujet dans son contexte.
Il s'agit tout d'abord d'un secteur important de notre économie, puisqu'il représente 670 000 équivalents temps plein.
J'ai fait le maximum pour que les grilles salariales bougent. Je tiens à souligner que, depuis 2004, les salaires ont crû de 3,3 % en moyenne annuelle, alors qu'ils n'ont progressé que de 2,7 % dans le secteur des services. Il faut savoir reconnaître cette vérité !
Par ailleurs, la décision du Conseil d'État n'a pas été prise sur un accord minoritaire. Il y avait trois organisations, nous vivons sur des règles qui sont celles de la loi de 2004 et la représentativité est issue des ordonnances de 1966 : il s'agissait donc d'un accord entre les partenaires sociaux.
Le Conseil d'État a simplement reproché à l'accord de ne pas avoir dressé la liste des catégories d'emplois pouvant prétendre à des équivalences.
En conséquence, la proposition de M. Vasselle enrichie par le sous-amendement de M. Cornu répond à des préoccupations.
Il s'agit d'un secteur où il reviendra d'abord aux partenaires sociaux de redéfinir les règles pour les adapter aux besoins.
Cependant, d'ici au 31 janvier prochain, de manière rétroactive, nous ne pouvons pas vivre une période d'incertitude qui aurait sans doute, pour un certain nombre de salariés, des conséquences extrêmement préjudiciables.
M. Gérard Cornu. Tout à fait !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'amendement de M. Vasselle prend en compte les intérêts des différents partenaires et permet donc une solution gagnant-gagnant, pour les entreprises comme pour les salariés.
En fixant la date du 31 janvier 2007, il conduit très clairement les partenaires sociaux à se retrouver autour de la table.
Comme l'avait souhaité le Premier ministre, après la décision du Conseil d'État, nous avons essayé de rassembler les partenaires sociaux. Nous avons rencontré les organisations patronales, nous recevrons les organisations des salariés dans quelques jours et je suis en mesure de vous annoncer que la commission mixte paritaire que j'ai mise en place devrait se réunir au cours de la première semaine de décembre.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cela répond donc à votre préoccupation, monsieur le rapporteur.
En prenant en compte la spécificité de ce secteur, qui est créateur d'emplois et au sein duquel coexistent des entreprises indépendantes, souvent gérées de manière familiale, et des grandes chaînes, le dialogue social doit nous permettre de trouver des réponses adaptées à la réalité des équivalences.
Au-delà du problème des équivalences, il doit ressortir de la négociation de vraies grilles salariales permettant de dégager des carrières, de stabiliser la situation des jeunes dans ces métiers et de définir des perspectives d'avenir. Nous souhaitons aussi que ce dialogue permette de renforcer la formation en alternance en termes d'objectifs quantitatifs et qualitatifs.
Voilà pourquoi je suis favorable à l'amendement n° 415 modifié par le sous-amendement n° 421 et défavorable à l'amendement de suppression n° 266. Je crois en effet que, avec le soutien du Parlement, nous sommes en train de reconstruire les conditions d'un bon dialogue social. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. le rapporteur et M. le président de la commission des affaires sociales applaudissent également.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 266.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 50 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 233 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 117 |
Pour l'adoption | . 31 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 421.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 415, modifié.
Mme la présidente. En conséquence, l'article 12 bis est ainsi rédigé.
Article 13
I. - L'article L. 320-2 du code du travail est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est précédé d'un I ;
2° Il est ajouté un II ainsi rédigé :
« II. - La négociation mentionnée au premier alinéa du I peut aussi porter sur la qualification des catégories d'emplois menacés par les évolutions économiques ou technologiques.
« Les indemnités de départ volontaire versées dans le cadre de l'accord collectif résultant, le cas échéant, de la négociation mentionnée à l'alinéa précédent bénéficient des dispositions du 5° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts lorsque les conditions suivantes sont remplies :
« 1° L'autorité administrative compétente ne s'est pas opposée à la qualification d'emplois menacés retenue par l'accord collectif ;
« 2° Le salarié dont le contrat de travail est rompu occupait effectivement un emploi classé dans une catégorie d'emplois menacés définie par l'accord collectif et a retrouvé un emploi stable à la date de la rupture de son contrat de travail ;
« 3° Un comité de suivi a été mis en place par l'accord collectif et ce comité a reconnu la stabilité de l'emploi de reclassement mentionné au 2°.
« Un décret précise les conditions d'application du présent II, notamment les caractéristiques de l'emploi retrouvé, ainsi que les principes d'organisation du comité de suivi. »
II. - Le 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts est complété par un 5° ainsi rédigé :
« 5° La fraction des indemnités de départ volontaire versées aux salariés dans le cadre d'un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences dans les conditions prévues au II de l'article L. 320-2 du code du travail, n'excédant pas quatre fois le plafond mentionné à l'article L. 241-3 du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du versement des indemnités. »
III. - Dans l'antépénultième alinéa de l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, après les mots : « du code général des impôts, », sont insérés les mots : « ainsi que la fraction des indemnités de départ volontaire versées aux salariés dans le cadre d'un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ».
IV. - Après les mots : « à défaut par la loi ou, », la fin du 5° du II de l'article L. 136-2 du même code est ainsi rédigée : « en l'absence de montant légal ou conventionnel pour ce motif, pour la fraction qui excède l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. En tout état de cause, cette fraction ne peut être inférieure au montant assujetti à l'impôt sur le revenu en application de l'article 80 duodecies du code général des impôts. Sont également assujetties toutes sommes versées à l'occasion de la modification du contrat de travail. »
V. - Dans le troisième alinéa de l'article L. 741-10 du code rural, après les mots : « code général des impôts, », sont insérés les mots : « ainsi que la fraction des indemnités de départ volontaire versées aux salariés dans le cadre d'un accord collectif de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ».
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 77 est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 136 est présenté par MM. Godefroy, Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Le Texier, Alquier, Jarraud-Vergnolle, Printz, Schillinger, San Vicente-Baudrin, Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 267 est présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 77.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. L'article 13 instaure un nouveau cadre fiscal et social favorable aux indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d'accords de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, la GPEC.
D'après les informations qui m'ont été transmises, le coût de ce dispositif est estimé à environ 10 millions d'euros en 2007, mais il pourrait ensuite se révéler bien supérieur.
Cette nouvelle dérogation fiscale et sociale semble en effet porteuse d'effets d'aubaine au profit des grandes entreprises, sans que l'intérêt de cette mesure apparaisse clairement.
En outre, j'observe que le dispositif mis en place est, dans la plupart des cas, plus favorable que celui qui existe pour les indemnités versées aux salariés victimes d'un licenciement en dehors d'un plan de sauvegarde de l'emploi, ce qui a priori ne paraît pas équitable.
Pour ces raisons, je vous propose de supprimer cet article.
Si cette suppression ne devait pas intervenir - ce qui est probable -, je proposerai d'encadrer davantage le dispositif, suivant les règles applicables aux indemnités versées aux salariés victimes d'un licenciement en dehors d'un plan de sauvegarde de l'emploi.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 136.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 13 est en totale contradiction avec l'objectif affiché de la négociation de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, à savoir assurer l'employabilité des salariés en cas de restructuration de l'entreprise.
Il prévoit en effet que la négociation de la GPEC peut préciser la qualification des catégories d'emplois menacés par les évolutions économiques et technologiques, ce qui transforme la GPEC en une sorte d'accord de méthode en vue de préparer les licenciements, auxquels on s'efforce, bien évidemment, d'associer les représentants du personnel. Faut-il rappeler que les accords de gestion prévisionnelle sont des accords spécifiques d'entreprise et non pas des conventions collectives avec toute l'expertise juridique qui s'y attache ?
Pour faciliter ces départs en douceur, l'article 13 prévoit que les indemnités de départ volontaire versées dans le cadre de cet accord bénéficient des exonérations fiscales et sociales prévues pour les indemnités de licenciement économique.
Ainsi que nous l'avons déjà dit lors de la discussion du projet de loi sur la participation, la gestion prévisionnelle est transformée pour se substituer au licenciement économique. Il s'agit d'abord d'obtenir du salarié qu'il signe lui-même son départ volontaire, afin d'éviter tout recours ultérieur devant les prud'hommes.
Comme le veut le MEDEF, il faut « dépénaliser le droit du travail », c'est-à-dire, en clair, se dégager de toute obligation procédurale en matière de licenciement, et même supprimer le licenciement économique en le transformant en départ volontaire. Le CDI est ainsi discrètement vidé de son contenu, sans que l'on ait à affronter de manifestations.
Le juge pourra seulement contrôler si, en amont, il y a bien eu un accord de gestion prévisionnelle, avec un contenu réel. Des jugements, que nous avons déjà cités voilà quelques jours, sont explicites sur le sujet.
Il s'agit aussi pour les entreprises, notamment les plus importantes, de contourner les obligations liées au licenciement économique, notamment les obligations d'adaptation et de reconversion des salariés, et à la réindustrialisation des bassins d'emploi.
Dans ce contexte, l'exonération fiscale et sociale joue le rôle d'appât. L'entreprise réalise dans cette affaire une profitable opération, en économisant sur les frais liés au licenciement et en bénéficiant d'une exonération de nature sociale. Le salarié, quant à lui, bénéficie d'une exonération d'impôt sur le revenu, s'il est assujetti à cet impôt, et d'une exonération de CSG si la somme reçue est dans la limite de l'indemnité légale ou conventionnelle de licenciement.
Ce point nous paraît d'autant plus important que les indemnités de départ volontaire versées dans le cadre des accords de gestion prévisionnelle ne sont déterminées que par les accords eux-mêmes.
La seule condition imposée au salarié ne manque pas de sel : qu'il ait retrouvé un emploi stable à l'issue de son contrat de travail ! Mais, de nos jours, un emploi stable, cela commence avec un CDD de six mois, dans le cadre d'un congé de mobilité par exemple, puisque tout cela s'articule parfaitement.
Enfin, le projet de loi prévoit que la mesure devrait être intégralement compensée à la sécurité sociale, mais sans que l'on nous indique quelle somme est prévue à cet effet.
Nous ne manquons donc pas de motifs pour nous opposer totalement à ce dispositif, apparemment sympathique, mais qui ne vise qu'à licencier sans procédure ni motif et à priver les salariés de tout recours.
En dévoyant la gestion prévisionnelle des emplois et en exonérant l'indemnité de départ volontaire, vous inventez le licenciement en silence et en solde.
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 267.
M. Guy Fischer. Je souscris tout à fait à l'analyse de Jean-Pierre Godefroy.
Cet article 13 vise à inciter au départ volontaire dans le cadre des accords de gestion prévisionnelle des effectifs.
À cette fin, vous souhaitez la mise en place de nouvelles exonérations de charges, qui permettra, pour reprendre les termes de l'exposé des motifs, « d'améliorer le cadre fiscal et social de la GPEC ». Que cela est dit pudiquement !
Cette disposition nous semble particulièrement contradictoire avec les objectifs de la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
Initialement, la GPEC a été mise en place pour assurer la continuité des emplois en cas de restructuration, c'est-à-dire pour éviter les « accidents » ou les « chocs » dans les carrières des salariés.
Cet article, au contraire, va inciter à la rupture volontaire de contrat de travail, avant tout plan de licenciement, parce que, dorénavant, les indemnités de départ seront exonérées de charges fiscales et sociales.
Cette disposition d'incitation au départ volontaire est à rapprocher du congé de mobilité, introduit dans le projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.
Dans les deux cas, cela permettra de contourner les règles du droit du travail en cas de restructuration et d'obligation de mise en place de plans de sauvegarde de l'emploi.
Vous utilisez, avec de telles dispositions, le principe de sécurisation des parcours professionnels, thème cher au MEDEF, pour déréglementer un peu plus encore les procédures de licenciement.
En l'état, cette mesure aura pour effet de réduire les moyens des différents filets de sécurité financés par la solidarité nationale dont bénéficient les salariés privés d'emploi.
Les entreprises de plus de 300 salariés seront incitées à recourir aux conventions de reclassement et au congé de mobilité, tout un ensemble de dispositifs sans effet avéré sur l'emploi, mais qui dispensent largement les entreprises de leurs responsabilités envers leurs salariés.
Pour ces raisons, nous demandons la suppression de cet article 13.
Mme la présidente. L'amendement n° 8, présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le III et dans le V de cet article, remplacer les mots :
la fraction des indemnités
par les mots :
les indemnités
La parole est à M. Vasselle, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 8 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 77, 136 et 267.
M. Alain Vasselle, rapporteur. L'amendement n° 8 est d'ordre rédactionnel.
S'agissant des trois amendements de suppression qui viennent de nous être présentés, je souligne que l'article 13 institue une exonération en matière d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. Une fois encore, sont prévus des allégements, en l'occurrence pour les bénéficiaires d'indemnités de départ volontaire versées dans le cadre d'un accord de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences.
L'argument invoqué par le groupe socialiste pour justifier la suppression de cet article doit être écarté, car l'objectif est justement de traiter les problèmes d'emploi à froid, bien en amont d'un plan de licenciement éventuel, qui peut s'avérer plus douloureux à gérer.
Selon la commission des finances, la dérogation fiscale et sociale créée par l'article 13 serait porteuse d'effets d'aubaine pour les grandes entreprises et les conditions d'indemnisation du salarié sont trop avantageuses.
Monsieur le ministre, il vous appartient donc de rassurer M. le rapporteur pour avis, afin qu'il puisse éventuellement retirer son amendement.
Quant à la commission des affaires sociales, que j'ai l'honneur de représenter, elle a relevé que le mécanisme d'exonération des cotisations institué par cet article est remboursé, et ce pour un coût d'ailleurs faible, de l'ordre de quelques millions d'euros seulement. Dès lors, elle a tendance à s'en remettre au Gouvernement sur l'efficacité supposée du dispositif proposé, qui n'appelle pas de remarque particulière dans son principe. Et, je le confirme, les dispositions d'exonération sont compensées.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur les amendements de suppression.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, ou GPEC, qui est obligatoire pour les entreprises de plus de 300 salariés, a été introduite par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale comme un élément de sécurisation ou de sécurité sociale professionnelle, mais également afin d'éviter le recours à des plans de sauvegarde de l'emploi, ou PSE, dans tous les cas de figure où l'on peut se dispenser du choc que ces derniers représentent.
Il s'agit de prévoir la possibilité de passerelles au sein d'une même entreprise ou d'une entreprise à l'autre. Aujourd'hui, nous souhaitons développer cette gestion prévisionnelle des emplois et des compétences à l'intérieur de grandes branches qui sont susceptibles de connaître des mutations économiques importantes et donc de recourir à un tel dispositif.
Le paradoxe est que l'exonération est beaucoup plus favorable, et elle restera, pour un plan de sauvegarde de l'emploi que pour une GPEC. En effet, monsieur le rapporteur pour avis, dans le cas d'un PSE, elle se situe à six fois le plafond annuel de la sécurité sociale, alors qu'elle limitée à quatre fois ce plafond pour une GPEC. En l'occurrence, elle s'applique aux actions de formation, de mobilité ou de compensation salariale, notamment l'allocation temporaire dégressive.
Par conséquent, notre volonté d'instituer un régime au moins comparable entre la GPEC et le PSE s'inscrit bien dans une démarche de sécurisation des parcours professionnels.
Toutefois, et vous avez abordé cette question essentielle, monsieur le rapporteur pour avis, d'éventuels risques d'effets d'aubaine sont à redouter. Pour les éviter, nous avons mis en place trois verrous principaux.
D'abord, un accord collectif est nécessaire, ce qui suppose de recueillir l'avis des partenaires sociaux. Il ne pourra donc pas s'agir d'une décision unilatérale.
Ensuite, le dispositif ne s'appliquera qu'aux CDI ou aux CDD d'une durée supérieure à six mois, et ce afin d'éviter les contrats qui s'inscriraient seulement dans une perspective de très court terme.
Enfin, il faudra obtenir l'accord de la direction départementale du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.
Monsieur le rapporteur pour avis, de tels verrous face aux risques d'effets d'aubaine que vous soulevez pourraient, me semble-t-il, vous convaincre de retirer votre amendement.
Le coût du dispositif, que nous évaluons autour de 10 millions d'euros pour l'année 2007, pourrait en réalité se révéler moins important les années suivantes du fait du plafond annuel de la sécurité sociale, le PASS.
En effet, - pardonnez-moi de vous livrer des considérations techniques - la différence entre six et quatre...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela fait deux !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... exactement, cela fait deux ! (Sourires.) Or, si nous évitons un certain nombre de plans de sauvegarde de l'emploi au profit de la GPEC, nous devrions vraisemblablement obtenir la neutralité budgétaire plutôt que l'augmentation des dépenses.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le rapporteur pour avis, je comprends et je partage votre préoccupation, même si nous sommes parfois un ministère dépensier, comme M. le président de la commission des affaires sociales le remarquait. (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas moi qui le dis ; ce sont les rapporteurs !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En effet, si nous le sommes, c'est pour mener la bataille pour l'emploi.
Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements de suppression et souhaite que M. le rapporteur pour avis retire son amendement.
Mme la présidente. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 77 est-il maintenu ?
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, je comprends votre explication, du moins en partie.
Je renonce à la suppression de l'article 13 et je dépose un amendement n° 77 rectifié. (Murmures ironiques.)
En effet, vous ne m'avez pas tout à fait convaincu s'agissant des effets d'aubaine. Il faut tout de même éviter que ce nouveau dispositif ne soit plus avantageux que celui qui est actuellement en vigueur.
À cet égard, le code général des impôts et d'autres renseignements dont les sources sont fiables me confirment que les risques d'effets d'aubaine sont loin d'être négligeables.
C'est pourquoi le député Yves Bur a eu la même réaction que moi à l'Assemblée nationale.
Face à de tels risques, les verrous que vous avez mentionnés me semblent insuffisants.
Permettez-moi d'ailleurs de vous faire part d'une constatation. Dans notre pays, on évoque abondamment les PME, pour soulever leurs difficultés ou pour insister sur leur rôle dans la création d'emplois. Pourtant, et les 35 heures en sont une illustration, ce sont toujours les grandes entreprises qui profitent des allégements.
C'est une nouvelle fois le cas.
Décidément, nous avons véritablement l'impression que ce sont les grandes entreprises qui intéressent le plus, sans doute parce que ce sont elles, bien plus que les PME, qui pratiquent de tels licenciements. Il ne faudrait tout de même pas qu'elles y trouvent encore avantage.
Mme la présidente. Je suis donc saisie d'un amendement n° 77 rectifié, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le II de cet article pour le 5° du 1 de l'article 80 duodecies du code général des impôts, remplacer les mots :
n'excédant pas
par les mots :
qui n'excède pas deux fois le montant de la rémunération annuelle brute perçue par le salarié au cours de l'année civile précédant la rupture de son contrat de travail, ou 50 % du montant de l'indemnité si ce seuil est supérieur, dans la limite de
Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Vasselle, rapporteur. Malheureusement pour M. le rapporteur pour avis, la commission des affaires sociales, compte tenu de sa prise de position antérieure, n'a pas senti une évolution suffisante pour changer d'avis.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le rapporteur pour avis, je comprends bien votre préoccupation quant aux risques d'effets d'aubaine.
Toutefois, le dispositif que cet amendement tend à instituer conduirait en fait à pénaliser la mobilisation des moyens pour les salariés les plus modestes.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Or ce sont ceux-là qui ont en général le plus besoin de soutien.
C'est la raison pour laquelle je ne peux pas émettre un avis favorable sur cet amendement, même si nous serons attentifs pour éviter les effets d'aubaine.
À cet égard, je vous rappelle les trois verrous prévus : l'accord collectif, la limitation du dispositif aux CDI et aux CDD d'une durée supérieure à six mois et, ce qui est assez rare aujourd'hui, la nécessité d'obtenir un accord préalable du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, via le directeur départemental du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, donc le préfet.
Mais, encore une fois, il faut faire attention. C'est bien pour les salariés les plus modestes qu'il faut le plus agir.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 136 et 267.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 13, modifié.
(L'article 13 est adopté.)
Article 13 bis
I. - Le premier alinéa de l'article L. 122-14-13 du code du travail est complété par les mots : « ou de la décision prise en commun par le salarié et l'employeur de rompre le contrat de travail à un âge inférieur à celui mentionné au 1° de l'article L. 351-8 du code de la sécurité sociale dès lors que le salarié peut bénéficier d'une pension de vieillesse à taux plein et que cet âge n'est pas inférieur à celui fixé au premier alinéa de l'article L. 351-1 du même code ».
II. - Les pertes de recettes éventuelles pour les organismes de sécurité sociale et pour l'État sont compensées, à due concurrence, par la création de taxes additionnelles aux droits visés aux articles 402 bis et 403 du code général des impôts.
Mme la présidente. La parole est à M. André Lardeux, sur l'article.
M. André Lardeux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon collègue Dominique Leclerc ne pouvant pas être présent ce soir, permettez-moi de vous faire part de son point de vue, que je partage totalement.
Il est indispensable de redire que nous devons tout faire pour rester fidèles à l'esprit de la réforme des retraites adoptée en 2003.
Ainsi, monsieur le ministre, je souhaite vous faire part de notre total soutien et de la grande inquiétude que suscite à nos yeux le contenu de l'article 13 bis du PLFSS, qui a été introduit à l'Assemblée nationale.
De telles dispositions tendent de facto à généraliser à l'ensemble des indemnités de départ en retraite, et pour tous les salariés, le bénéfice des exonérations de cotisations sociales accordées aujourd'hui aux mises à la retraite d'office.
Notre commission a voté la suppression de cet article, d'une part, en raison des pertes de recettes très élevées, de l'ordre de 500 millions à 700 millions d'euros par an, que son adoption entraînerait pour la sécurité sociale et, d'autre part et surtout, parce que ces dispositions contredisent totalement la politique menée en faveur de l'emploi des personnes âgées de plus de cinquante ans.
L'enjeu est simple : cette nouvelle brèche pourrait entraîner avec elle tout l'édifice de la réforme des retraites de 2003. Dans ces conditions, comment espérer poursuivre en 2008 le processus de sauvetage de l'assurance vieillesse si les salariés continuent en moyenne à cesser leur activité professionnelle à cinquante-sept ans ? Nous devons à tout prix conjurer ce risque.
Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par M. Vasselle, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 78 est présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 137 est présenté par MM. Godefroy, Cazeau et Domeizel, Mmes Demontès, Le Texier, Alquier, Jarraud-Vergnolle, Printz, Schillinger, San Vicente-Baudrin, Cerisier-ben Guiga et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Vasselle, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout comme les amendements qui suivront, cet amendement vise à supprimer l'article 13 bis.
En effet, cet article, qui a été introduit par l'Assemblée nationale, aboutit à généraliser à l'ensemble des indemnités de départ en retraite le bénéfice des exonérations de charges de cotisations sociales qui ne concernent pour le moment que les mises à la retraite d'office.
Une telle mesure aurait un coût immédiat de plusieurs centaines de millions d'euros pour les finances sociales.
D'ailleurs, le Gouvernement et la commission de l'Assemblée nationale avaient tous deux émis un avis défavorable sur un tel dispositif. M. Philippe Bas déclarait notamment ceci : « Cet amendement va à l'encontre de toute la politique que nous voulons mettre en oeuvre pour inciter à la prolongation d'activité des travailleurs les plus âgés. »
Par ailleurs, et il convient de le noter, dans la mesure où le gage correspondant n'a pas été levé, de telles pertes de recettes devraient être compensées par la création de taxes additionnelles sur les boissons alcoolisées.
Tout cela est un peu en contradiction avec le dispositif du plan senior. Il ne nous apparaît pas judicieux de maintenir ces dispositions de l'article 13 bis.
D'ailleurs, nous aborderons de nouveau cette question à l'occasion de l'examen de l'article 55. Si nécessaire, nous évoquerons cet aspect en présence de M. Leclerc.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 78.
M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cet amendement s'inscrit dans la même perspective que celui qui vient d'être présenté par M. le rapporteur. Il vise également à supprimer l'article 13 bis.
En effet, cet article a été adopté par l'Assemblée nationale sur l'initiative de nos collègues députés Bruno Gilles, Dominique Tian et Philippe Vitel, qui s'opposaient aux mesures prévues par l'article 55 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale visant à interdire la mise à la retraite d'office des salariés avant soixante-cinq ans.
Toutefois, l'article qui a finalement été adopté a un champ bien plus large. En effet, il tend à accorder une exonération générale de cotisations sociales pour les indemnités de départ à la retraite dont le montant est fixé en commun accord entre l'employeur et le salarié. Excusez du peu !
Par ailleurs, son coût potentiel serait très élevé et insoutenable compte tenu des équilibres budgétaires actuels : il est évalué entre 470 millions et 700 millions d'euros pour les pertes de recettes sociales et entre 100 millions et 200 millions d'euros pour les pertes de recettes fiscales, une distinction étant également opérée entre les indemnités de rupture et les indemnités de départ à la retraite s'agissant de l'assujettissement à l'impôt sur le revenu, avec l'exonération des 3 050 premiers euros.
En outre, cette mesure, qui sert certains comportements d'optimisation fiscale et sociale, et là, j'en suis plus que convaincu, va à l'encontre de la volonté d'accroître l'emploi des seniors, qui constitue un enjeu majeur pour la viabilité à long terme de notre système de retraites.
Enfin, le dispositif ne s'insère pas correctement dans le code du travail.
Pour toutes ces raisons, je vous propose de supprimer cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour présenter l'amendement n° 137.
M. Jean-Pierre Godefroy. L'article 13 bis a pour objet de créer un nouveau cas d'exonération de cotisations sociales pour les indemnités de départ en retraite. Ce faisant, il généralise à l'ensemble des indemnités de départ en retraite et à tous les salariés un avantage réservé aujourd'hui aux seules mises à la retraite d'office. Celles-ci ne sont en effet soumises à impôt et à cotisations sociales qu'au-dessus d'un seuil de 155 340 euros, nettement supérieur au montant de l'indemnité susceptible d'être versée à une majorité de salariés.
Curieusement, l'article 13 bis contredit l'article 55 du présent projet de loi, qui prévoit d'ici à deux ans l'extinction des mises à la retraite d'office avant 65 ans et, donc, des avantages sociaux et fiscaux qui leur sont liés. Dans le cadre du plan pour l'emploi des seniors, quoi qu'on en pense par ailleurs, cet article 55 est logique.
Mais le patronat ne veut pas qu'on l'empêche de mettre à la retraite d'office, c'est-à-dire sous la contrainte, des salariés de moins de 65 ans, même si ceux-ci n'ont pas toutes leurs annuités de retraite ou s'ils ont encore une famille à charge. Le patronat veut encore moins que l'on supprime les avantages afférents à ces mises à la retraite d'office.
Il s'est donc trouvé trois députés pour présenter un amendement en ce sens. La commission y a été défavorable, le ministre en a demandé le retrait et, néanmoins, l'Assemblée nationale l'a adopté, ce qui donne une idée de la puissance des intérêts qui soutenaient cette mesure.
Notre amendement tend à la suppression de cet article 13 bis que demande également le rapporteur ainsi que notre collègue Dominique Leclerc, apparemment, le Gouvernement - vous allez me le confirmer, monsieur le ministre - et les groupes parlementaires de gauche : il a peut-être une chance d'être adopté !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement est naturellement favorable au rétablissement du texte qu'il avait présenté devant l'Assemblée nationale et qui avait fait l'objet d'un amendement contre son avis.
Il s'agit en effet pour nous de mettre en vigueur une disposition importante du plan pour l'emploi des seniors qui implique que la mise à la retraite d'office à l'âge de 60 ans ne soit plus possible d'ici à deux ans. De sorte que les salariés français puissent, s'ils le souhaitent, continuer leur activité.
Créer un régime d'indemnisation des départs à la retraite d'un commun accord, pour passer outre à la difficulté qui consiste pour l'entreprise à devoir payer des indemnités soumises à cotisations sociales, c'est tenir en échec cette volonté de retarder, à chaque fois que c'est possible, le départ à la retraite de salariés qui voudraient continuer leur activité.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement souhaite que ces amendements soient adoptés et que la commission mixte paritaire puisse ensuite délibérer des cas les plus difficiles d'entreprises pour lesquelles l'application de la règle nouvelle que nous voulons instaurer serait source de difficultés financières. Mais je crois qu'il ne faut pas transiger sur l'affirmation de cette règle.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous avons demandé un scrutin public sur notre amendement, mais pas dans un esprit de concurrence avec nos collègues.
Nous espérons un vote unanime de la Haute Assemblée afin que sa position soit très claire en commission mixte.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9, 78 et 137.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 51 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 328 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 13 bis est supprimé.
Nos collègues qui siégeront à la commission mixte paritaire pourront donc se prévaloir de ce vote unanime.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
6
DÉPÔT D'UN RAPPORT
Mme la présidente. M. le président du Sénat a reçu de M. Louis de Broissia un rapport fait au nom de la commission des affaires culturelles sur le projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (n° 467, 2005-2006) (urgence déclarée).
Le rapport sera imprimé sous le n° 69 et distribué.
7
ordre du jour
Mme la présidente. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 15 novembre 2006 à quinze heures et le soir :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 51, 2006-2007) de financement de la sécurité sociale pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale ;
Rapport (n° 59, 2006-2007) de MM. Alain Vasselle, Dominique Leclerc, André Lardeux et Gérard Dériot, fait au nom de la commission des affaires sociales ;
Avis (n° 60, 2006-2007) de M. Jean-Jacques Jégou, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation ;
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur (n° 467, 2005-2006) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : vendredi 17 novembre 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 17 novembre 2006, à onze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 15 novembre 2006, à deux heures cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD