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NOMINATION D'UN MEMBRE D'UNE COMMISSION
M. le président. Je rappelle au Sénat que le groupe socialiste a présenté une candidature pour la commission des affaires culturelles.
Le délai prévu par l'article 8 du règlement est expiré.
La présidence n'a reçu aucune opposition.
En conséquence, je déclare cette candidature ratifiée et je proclame Mme Annie Jarraud-Mordrelle membre de la commission des affaires culturelles à la place laissée vacante par André Labarrère, décédé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante, est reprise à vingt et une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Roland du Luart.)
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
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Immigration et intégration
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à l'immigration et à l'intégration.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Louis Mermaz.
M. Louis Mermaz. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous défendons, et cela ne vous étonnera pas, une autre approche de l'immigration que celle du Gouvernement, une approche que nous voulons fidèle aux traditions qui ont fait l'honneur de la France aux meilleures périodes de son histoire. Nous défendons une politique qui serve à la fois le rayonnement de la France, les intérêts de notre pays et ceux de la communauté internationale.
C'est dans ce sens, monsieur le ministre, que nous aimerions vous voir agir comme gouvernement de la France et comme représentant de l'un des États membres de l'Union européenne.
Nous vous proposons donc une autre politique.
Notre première proposition est de prendre en compte la situation et les intérêts des pays d'où part l'immigration, et cela dans trois directions : en répondant aux impératifs politiques, au respect des droits de l'homme dû aux immigrés et au besoin de développement économique de leur pays.
S'agissant tout d'abord des impératifs politiques, les trois pays du Maghreb, en premier lieu l'Algérie, et les pays de l'Afrique subsaharienne francophone sont unis à nous par des liens historiques que nous ne pouvons défaire unilatéralement pour nous replier dans une forteresse, alors que nous leur avons tant demandé dans le passé en termes humains, politiques, militaires, diplomatiques, et qu'ils sont aujourd'hui spoliés par la spéculation internationale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Très bien !
M. Louis Mermaz. Pour ce qui est, ensuite, du respect des droits de l'homme, ces valeurs universelles et intangibles sont affirmées dans la Convention européenne des droits de l'homme et dans la Convention des Nations unies relative aux droits de l'enfant, conventions auxquelles nous sommes partie prenante. Or votre gouvernement n'honore pas la parole donnée par la France lorsque, dans le présent projet de loi, vous portez atteinte au droit de vivre en famille en établissant que le regroupement familial ne pourra désormais être sollicité qu'après dix-huit mois de résidence, avec des critères de logement et de ressources revus à la hausse. Je vous demande d'ailleurs combien de temps s'écoule entre la demande et l'autorisation.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Bonne question !
M. Louis Mermaz. Vous n'avez pas honoré la parole de la France en voulant chasser, à partir du 4 juillet prochain, les enfants dont les parents sont sous le coup d'une menace d'expulsion du territoire. Devant la mobilisation des enseignants, des parents, de nombreux élus, vous vous êtes ravisé, mais jusqu'à quel point ? Nous attendons du Gouvernement des explications précises à ce sujet.
Enfin, vous ne respectez pas les droits de l'homme lorsque vous vous obstinez à enfermer toujours plus d'étrangers dans les centres de rétention administrative, dont plusieurs sont dans un état innommable - promiscuité, surpopulation avec l'allongement des délais de rétention -, à dresser des obstacles de toutes sortes devant les personnes retenues qui voudraient faire valoir leurs droits.
Le troisième axe d'une politique qui répondrait à la situation et aux intérêts des pays d'où part l'immigration réside dans le développement économique de ces pays, sans lequel rien ne sera possible s'agissant de la question qui nous occupe.
Or là aussi vous tournez délibérément le dos à ce qu'il convient de faire. La carte de séjour dite « compétences et talents » conduira à piller les pays francophones de leurs élites et à en faire les subalternes de notre économie. C'est la poursuite en ce début de siècle du pacte colonial dans des aspects particulièrement prédateurs.
M. Abdou Diouf, ancien Président de la République du Sénégal, secrétaire général de l'Organisation internationale de la francophonie, considère que ce dispositif est « politiquement et moralement inacceptable ».
Le Premier ministre du Niger, M. Hama Amadou, a déclaré le 19 mai dernier dans une interview à l'Humanité : « Quand un pays ami, avec lequel nous entretenons des liens historiques et culturels aussi profonds, se met en tête de pratiquer une politique qui consiste à le délester de ses meilleurs cerveaux et lui laisser les peu ou pas qualifiés, ceux qu'ils considèrent comme des inutiles [...] il y a quelque chose de manifestement choquant et d'insultant dans ce tri ».
Oui, nous assisterions à la poursuite, sous des formes nouvelles, du vieux pacte colonial et à la transposition en France, comme dans d'autres pays de l'Union européenne qui ont oublié aujourd'hui les engagements pris en 1999 au Conseil européen de Tampere, des pratiques qui ont cours aux États-Unis en matière d'immigration et qui privilégient l'entrée sur leur territoire des hommes et des femmes hautement qualifiés dont leur économie a besoin, sans se soucier de la situation dans le reste du monde.
Notre deuxième proposition consiste à donner la priorité à l'intégration des étrangers qui vivent et travaillent chez nous, y compris, bien entendu, aux ressortissants des pays extérieurs à l'Union européenne. Dès lors qu'ils résident légalement sur notre territoire, leur statut juridique doit se rapprocher de celui de nos ressortissants.
Je dénonce donc à nouveau les entraves supplémentaires au regroupement familial, les nouveaux obstacles opposés à celles et à ceux qui veulent se marier. Dans le cas des mariages mixtes, il faudrait désormais justifier de trois ans de mariage au lieu de deux pour pouvoir demander une carte de résident de dix ans, l'étranger perdant cette carte en cas de séparation dans les quatre ans qui suivent le mariage.
Par ailleurs, est-ce favoriser l'intégration des étrangers vivant sur notre sol que de leur imposer un interminable délai de quatre ans, au lieu de deux, avant de pouvoir demander la nationalité française ?
Après cela, vous pouvez toujours proposer l'organisation de cérémonies d'accueil - qui existent déjà, d'ailleurs - oui, d'accueil, à l'issue d'un parcours épuisant, aléatoire et humiliant.
En fait, le durcissement de la législation, au lieu de faciliter l'intégration, va déstabiliser et fragiliser un peu plus les familles étrangères.
La circulaire ministérielle du 21 février dernier, adressée aux préfets et aux procureurs, explique dans les moindres détails les modalités d'interpellation des étrangers, parmi lesquels figurent les personnes sans titre de séjour ou ne disposant plus que d'un titre périmé, et les déboutés du droit d'asile. Pas un endroit n'échapperait désormais à cette traque : salles d'attente ou halls d'accueil des hôpitaux, véhicules, guichets des préfectures, sièges d'associations, foyers et centres d'hébergement.
Ainsi l'angoisse monte-t-elle, même chez les migrants qui ne sont pas concernés par ce projet de loi parce qu'ils ont des papiers, un travail, un logement. Il devient de plus en plus difficile de s'intégrer dans une société bardée de lois et de règlements, une société de plus en plus inhospitalière.
Reste la situation délicate et douloureuse des sans-papiers qui, dans la plupart des cas, sont des personnes dont les visas et les titres de séjour sont désormais périmés. Jusqu'alors, après dix ans de présence en France - excusez du peu ! -, ils bénéficiaient d'une régularisation automatique et sortaient enfin, eux et leur famille, de la clandestinité et de la précarité : travail pénible, logement sordide, santé déficiente. Eh bien, ce sera terminé ! Les régularisations éventuelles seront faites au cas par cas par les préfets, sur avis des maires, avec le risque d'incohérence et d'arbitraire que l'on imagine.
Notre troisième proposition concerne les flux migratoires.
Il faut bien entendu combattre et réprimer la traite des êtres humains et sévir énergiquement contre les organisations mafieuses en s'efforçant de les atteindre à la tête. Mais il convient de se garder d'introduire dans notre législation un système de quotas, même camouflé. Or le Gouvernement voudrait présenter chaque année au Parlement un rapport sur la politique d'immigration fixant des objectifs quantitatifs sur le nombre de migrants autorisés à entrer en France. Sur quels critères ? L'être humain serait, selon les besoins du marché, réduit à sa seule force de travail, avec la perspective de rémunérations et de conditions de vie bien entendu inférieures à celles des ressortissants du pays d'accueil.
Il importe par ailleurs de se garder de la pratique des charters européens et de l'ouverture de camps de regroupement et d'internement des immigrés dans un certain nombre de pays d'Afrique, disposition qui tourne le dos aux engagements qui ont été pris à Tampere.
S'agissant des flux migratoires, nous proposons que notre pays s'engage sur une autre voie et entraîne l'Union européenne dans une grande politique de codéveloppement, qui. seule permettra de réguler les flux, de parvenir à des échanges équilibrés entre des pays devenant progressivement des partenaires. L'entrée graduelle des pays du Maghreb dans une zone d'échanges économiques commune avec l'Union européenne permettrait à terme d'inverser les tendances actuelles, dans l'intérêt des deux rives de la Méditerranée.
Notre quatrième proposition consiste à accorder un respect absolu au droit d'asile.
Or les dispositions que vous proposez dans le présent projet de loi aggravent celles qui ont déjà été arrêtées dans la loi du 10 décembre 2003, laquelle permet le renvoi des déboutés du droit d'asile dans des pays ou des régions prétendument sûrs, selon une liste arrêtée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, et appelée à s'allonger et à s'étoffer le moment venu d'une seconde liste dressée par l'Union européenne. Et maintenant, vous voulez soumettre les demandeurs d'asile relevant de cette liste, aux termes d'un projet de décret, à une procédure prioritaire qui, en cas de refus de l'OFPRA, ne leur laisserait plus que quinze jours pour saisir la Commission des recours des réfugiés.
Enfin les centres d'accueil des demandeurs d'asile, les CADA, ne recevraient plus les étrangers relevant de cette procédure prioritaire : ni les réfugiés ni les déboutés. Pour faire bonne mesure, vous voulez soumettre à l'avenir les associations et les organisations gestionnaires à une surveillance administrative et policière, avec menaces de sanctions lourdes à l'encontre des personnels et des organismes qui refuseraient de participer à cette répression.
Mais où est le respect des conventions internationales et de notre propre Constitution ? Non, il faut revenir au respect absolu du droit d'asile !
Une politique de l'immigration devrait au contraire viser à raffermir les liens entre la France et l'Afrique, dans le respect d'un passé commun.
Pour y parvenir, il faudrait renforcer dans les consulats les moyens en personnels, afin d'instruire correctement et rapidement les demandes de visas. Or vous avez au contraire décidé d'organiser un embouteillage monstre par les nouvelles dispositions de délivrance sur place des visas de long séjour.
Il faudrait aussi donner plus de souplesse aux allers et retours entre la France et les pays tiers, mettre fin, dans les préfectures, aux interminables heures d'attente auxquelles sont astreints les demandeurs de titre de séjour, développer la coopération en mettant un terme au pillage des matières premières et des productions agricoles des pays sources de l'immigration.
Il faut enfin aider à l'équipement et au développement économique de ces pays et former sur place les personnels nécessaires à ce développement.
Le Gouvernement a échoué dans le règlement du problème de l'immigration. Il a cru, à tort, que la solution pouvait être ramenée au tout répressif. Ainsi, il a abouti au maintien, voire à l'augmentation du nombre de clandestins voués à l'exploitation, à la détresse, à la misère. Oui, le Gouvernement a échoué, ici comme dans le domaine de la sécurité !
Les opérations « coup-de-poing », les rodomontades, l'affichage n'ont jamais fait une politique. La gesticulation ne remplacera jamais l'action en profondeur, concertée et réfléchie.
Le Gouvernement présente un second projet de loi sur l'immigration, dans la foulée du précédent, deux ans et demi plus tard. Il se vante de viser le chiffre de quelque 25 000 reconduites aux frontières par an, mais la moitié des reconduites concerne l'outre-mer, où les droits de l'homme sont d'ailleurs tout autant bafoués. Ainsi, 7 500 reconduites sont effectuées depuis la seule île de Mayotte. Devant l'Assemblée nationale, M. Christian Estrosi a avancé le chiffre de 40 000 reconduites. Voilà qui serait nouveau !
Le présent projet de loi est détestable à plus d'un titre, dans sa substance bien sûr, mais aussi dans ses motivations, puisqu'il a pour objet de placer les prochaines élections sur un terrain que le Gouvernement croit favorable à ses intérêts et de recycler les voix d'extrême droite à son profit. Peu importe, dans ces conditions, que le Parlement et la majorité actuelle subissent un véritable dévoiement des institutions.
Toutes ces raisons nous conduiront donc à nous opposer fermement à un projet de circonstance, de surcroît liberticide. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est l'avantage, ou la force, du débat parlementaire : je ne vais pas prononcer le discours que j'avais préparé.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Chouette !
M. Roger Karoutchi. En effet, à la fois parrain d'un certain nombre de filleuls issus de l'immigration, dans la ville de Nanterre, mais aussi, en parallèle, inspecteur général en histoire, je me sens interpellé par les propos qui ont été tenus par divers orateurs sur les responsabilités de la France, sur le fameux « pacte colonial », sur le passé, sur ce que nous devons dire ou ne pas dire, etc.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là !
M. Roger Karoutchi. Attendez, je n'ai pas encore commencé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mais nous craignons déjà ce que vous allez dire !
M. Roger Karoutchi. N'ayez pas peur, cela va même vous plaire !
Quand le ministre d'État dit qu'il n'y a pas eu de politique d'immigration claire en France, depuis une trentaine d'années, il a raison.
M. Jacques Peyrat. Eh oui !
M. Roger Karoutchi. Or cette période a connu des gouvernements de droite et de gauche. Par conséquent, tout le monde porte sa part de responsabilité et doit l'assumer. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ne nous lançons pas seulement des invectives ! Essayons d'échanger des idées !
À quoi étaient liées les politiques migratoires de la France jusqu'à la fin des années soixante et au début des années soixante-dix ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Aux besoins de l'industrie !
M. Roger Karoutchi. Ne faites pas mon discours à ma place !
La réponse est simple : il y avait un empire colonial. Chacun en pense ce qu'il veut, mais, après la guerre, les immigrés étaient, pour l'essentiel, issus de cet empire. Et la France avait forcément une responsabilité historique - plusieurs orateurs de gauche l'ont rappelé - à l'égard d'un certain nombre d'États, anciennement colonies françaises, qui entretenaient avec notre pays des liens humains, militaires, historiques, etc., nés au cours des deux guerres mondiales.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et des liens linguistiques !
M. Roger Karoutchi. Tout à fait !
M. Jacques Peyrat. D'amitié !
M. Roger Karoutchi. Et d'amitié !
Avec les textes de Pierre Mendès-France et de Guy Mollet, la France de la fin des années cinquante - en meilleur état que celle d'aujourd'hui dans certains domaines - a commencé à s'interroger sur ses capacités à ouvrir complètement ses frontières, à être le réceptacle d'un « peuple-monde ».
Mme Éliane Assassi. La France en avait besoin !
M. Roger Karoutchi. Pierre Mendès-France, Guy Mollet, comme d'autres, ont répondu par la négative à cette question. Pendant de longues années, nous avons mené une réflexion quasi impériale sur l'immigration.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'était le plein-emploi !
M. Roger Karoutchi. Puis est arrivée la crise économique du début des années soixante-dix. Et nombreux sont ceux, à gauche comme à droite, qui se sont demandé si cette responsabilité historique pouvait encore être assumée dans un pays où le chômage croissait de manière régulière et où les conditions d'accueil des immigrés étaient de plus en plus difficiles, parce que la situation sociale était de plus en plus rude pour tout le monde.
J'entends dire que la situation actuelle n'est pas acceptable, qu'il y a de plus en plus de clandestins, etc. Or ces phénomènes ne sont pas apparus en trois ou quatre ans, ni même en cinq ou dix ans ! Tous les gouvernements successifs, de gauche et de droite, portent une part de responsabilité en la matière.
Cette situation n'est plus admise par la majorité des Français. Qu'il faille traiter aujourd'hui ce sujet de manière humaine est une évidence. Je considère que les mesures prises par le Gouvernement respectent cet impératif.
Le Gouvernement souhaite maîtriser les flux. Cette ambition est légitime dans la mesure où nous ne sommes plus, en France, dans une situation idyllique, mythique, rêvée, dans laquelle on peut croire qu'il est possible d'ouvrir largement les frontières. Le débat porte sur les conditions dans lesquelles la situation peut changer, tout en respectant les droits de l'homme et les principes d'humanité, parce que le contexte politique et humain s'est modifié.
J'ai écouté avec beaucoup d'intérêt ce qu'a dit tout à l'heure M. Frimat sur l'ouverture au monde. Mais il y a aujourd'hui neuf cents millions d'Africains, un milliard d'Indiens, et je pourrais citer d'autres cas. Il est certain que la France de soixante millions d'habitants n'a pas la capacité économique, financière, sociale ou humaine de dire : « déshérités du monde, vous pouvez tous venir ! »
M. Bernard Frimat. Je n'ai jamais dit cela !
M. Roger Karoutchi. Je n'ai pas dit que vous l'aviez dit !
Personne ne peut reprocher aux populations des pays en difficulté de vouloir améliorer leur sort ! Par conséquent, nous sommes aussi dans l'obligation de faire du codéveloppement, mais avec mesure, discernement et en coresponsabilité : oui à la réduction de la dette, oui à des pactes de croissance bilatéraux avec les pays en voie de développement pour faire en sorte, justement, que les populations locales trouvent des emplois et aient un avenir sur place.
On m'oppose le risque de « piller les meilleurs » ! Sachez qu'aujourd'hui les « meilleurs » des pays africains, d'Inde ou d'ailleurs ne viennent pas en France : ils partent aux États-Unis, au Canada, en Australie !
Les temps ont changé, la France a changé, mais elle est capable de passer de vrais accords avec les pays concernés du Maghreb ou d'Afrique noire sur les politiques migratoires, pour attirer par un certain nombre de mesures ceux qui ont du talent et des compétences, tout en faisant en sorte que le pays en voie de développement concerné bénéficie d'un retour et que nous établissions un pacte de croissance avec lui.
Mais dire aujourd'hui aux Français que nous ne pouvons ni ne devons rien faire pour limiter ou mieux contrôler les flux migratoires ne ferait qu'aggraver les tensions ; nous le savons tous, et bien des gens à gauche le disent aujourd'hui sans tabou.
Nous avons ainsi le choix entre un discours idéologique - mais il n'y a pas de « peuple-monde » - et un discours plus pragmatique, qui est celui du Gouvernement : nous ne renions ni les droits de l'homme, ni les grands principes, ni ce qu'a fait et ce qu'a été la France, ce qu'elle incarne ; mais nous savons également que nous ne pouvons pas, seuls, rendre le monde meilleur et plus beau. La France peut toutefois y prendre sa part avec le codéveloppement, le pacte de croissance, une politique de régulation qui fasse en sorte que, en France aussi, y compris dans les quartiers les plus difficiles, tout le monde retrouve le sens de la tolérance et de la responsabilité. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Michel Baylet.
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, légiférer sur la question de l'immigration engendre toujours un climat passionnel. Néanmoins, ce sujet ne doit pas être tabou : compte tenu des enjeux, il est important qu'il ne soit pas écarté du débat démocratique. Il ne l'est d'ailleurs pas, il faut le reconnaître, puisque le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration est soumis à notre discussion trois ans après l'adoption de la loi relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité.
On peut quand même s'interroger sur les raisons qui vous poussent à proposer deux textes de même nature, sur un sujet difficile et polémique, au cours d'une seule législature. J'ai entendu des interprétations diverses, d'ailleurs, de la part des intervenants qui m'ont précédé.
Parce que l'immigration est une question sensible qui, bien souvent, catalyse certains extrémismes, il revient aux républicains responsables de s'évertuer à tenir un langage de vérité permettant de vaincre les préjugés.
Il nous faut d'abord rappeler que « l'immigration zéro » est illusoire. On en a pourtant beaucoup parlé ces dernières années. Tout au long de son histoire, la population française s'est enrichie de nombreux apports extérieurs, rendant le concept de Français de souche complètement infondé, désuet.
Forte d'une longue tradition d'accueil, d'un niveau de développement qui la hisse parmi les pays les plus riches, symbole des libertés démocratiques, la France a toujours connu une pression migratoire. Ce serait donc tromper les Français que de leur faire croire à la perspective d'une diminution réelle de l'immigration.
C'est pourquoi, afin de rassurer nos concitoyens, il est aussi important de combattre un deuxième préjugé, celui qui consiste à dire que l'immigré ferait augmenter le chômage quand il travaille et qu'il pèserait sur les comptes sociaux quand il est sans emploi.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il a toujours tort !
M. Jean-Michel Baylet. En effet, toute augmentation de population, qu'elle soit due ou non à l'immigration, agit mécaniquement sur l'offre et la demande. La protection de l'emploi est donc un faux problème, et l'on peut d'ailleurs noter que, depuis l'arrêt en 1974 de l'immigration professionnelle, le taux de chômage a, hélas ! été multiplié par quatre. Et les différents gouvernements qui se sont succédé sont concernés par ce constat.
En conséquence, les radicaux pensent que l'immigration ne doit pas être regardée, comme c'est trop souvent le cas, comme un fardeau ou comme une menace pour la cohésion sociale, même s'il existe, c'est vrai, des problèmes dramatiques dans certains quartiers où réside une forte population immigrée.
Cela étant, monsieur le ministre, ces difficultés sont avant tout le reflet de l'échec de la politique du gouvernement actuel, même si, au risque de surprendre, je pourrais m'associer dans une certaine mesure aux propos tenus par l'orateur précédent quand il soulignait l'échec des politiques des différents gouvernements. Quoi qu'il en soit, je ne chercherai pas à polémiquer, car telle n'est pas la tradition de cette maison.
En tout cas, le défaut d'intégration renvoie à une action publique inefficace dans les domaines du logement, de l'éducation, de la ville et de la jeunesse. La crise des banlieues de novembre dernier est une illustration de ces échecs.
En outre, la permanence de comportements discriminatoires, nés de préjugés tels que ceux que j'évoquais au début de mon propos, compromet gravement le sentiment d'intégration et le désir même de participation des immigrés à la vie du pays. Or le moins que l'on puisse dire, monsieur le ministre, c'est que ce projet de loi ne va rien arranger quant aux conditions de vie des immigrés, bien au contraire.
Tout d'abord, vous voulez, pour notre pays, une immigration choisie. Cette logique instrumentale s'oppose à la tradition d'hospitalité de la France, que nous devons assumer et qui est tout à notre honneur. En cela, cette logique ne s'inscrit pas dans le droit fil de la République fraternelle. Cette option est d'autant plus malvenue que la population d'immigrés est stable depuis trente ans, à hauteur de 6 % à 7 % de la population totale.
Alors, pourquoi ce texte, un texte qui organise le pillage des talents, la déstabilisation des familles et l'abandon des clandestins à leur sort ?
La réorganisation des différents documents de séjour, rendus plus restrictifs d'une façon générale, consiste à privilégier une catégorie d'immigrés. Vous souhaitez avant tout attirer les élites des pays en développement, ce qui est condamnable lorsqu'il s'agit, en contrepartie, de fermer la porte à tous les autres. Où est l'humanité dans une telle démarche, selon laquelle il y aurait les bons immigrés d'un côté, et les mauvais de l'autre ? Dans l'environnement international, vous pratiquez le tri sélectif entre une immigration jetable et une immigration recyclable.
Des voix se sont élevées, jusque sur le continent africain, pour dénoncer ce choix. L'instauration d'une échelle de valeur permettant de trier les immigrés n'est pas concevable au pays des droits de l'homme, monsieur le ministre, surtout lorsque l'on sait que rien n'empêchera ceux qui n'ont pas de diplôme de traverser les frontières.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bien sûr ! C'est de la poudre aux yeux !
M. Jean-Michel Baylet. Monsieur le ministre, en poursuivant votre objectif de combattre l'immigration subie, vous prévoyez de nombreuses dispositions qui seront lourdes de conséquences pour les familles.
Ainsi, alors qu'il ne concerne chaque année que 25 000 personnes, le regroupement familial sera rendu plus difficile. Avant de pouvoir faire venir sa famille, l'étranger devra attendre dix-huit mois, au lieu de douze actuellement, et démontrer qu'il pourra la faire vivre sans recourir aux minima sociaux. Pourtant, le droit de mener une vie familiale normale a été constamment réaffirmé par les textes, et se trouve protégé par l'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Or, en tendant à durcir les conditions du regroupement familial, le présent projet de loi méprise ce principe.
Comme si cela ne suffisait pas, les modifications des conditions de délivrance de plein droit de la carte de séjour « vie privée et familiale » visent à compliquer la vie de ceux qui ont fait le choix d'un mariage mixte.
Toutes ces mesures vont finalement plonger des conjoints et des enfants dans la clandestinité, car ils feront tout, naturellement, pour rejoindre leur famille. Ils gonfleront alors les rangs des clandestins, que vous n'épargnez d'ailleurs pas non plus, monsieur le ministre, avec la suppression du mécanisme de régularisation automatique qui éloignera la possibilité, pour un clandestin installé en France depuis dix ans, d'obtenir un titre de séjour. Les situations de détresse vont se multiplier.
Une fois de plus, je le constate, la précarité est au coeur de la politique gouvernementale ; une fois de plus, la répression sert de boussole. Ces mesures ne feront que marginaliser les immigrés déjà installés, sans pour autant dissuader les plus déshérités de vouloir gagner des pays comme le nôtre, qui font tout de même toujours figure d'eldorado.
Dans un monde globalisé, la priorité, pour limiter l'immigration, me semble être plutôt de mettre en oeuvre une politique ambitieuse de coopération, à l'échelon européen autant que possible. Il faut encourager véritablement le codéveloppement pour aider les pays pauvres à l'être moins, et les peuples opprimés à se libérer. Dans cette optique, il est nécessaire de s'interroger sur la façon de préserver la dignité de l'homme au regard des mouvements migratoires.
Plutôt que d'essayer de contrôler ce qui est incontrôlable, il nous faut trouver les moyens d'une bonne politique d'intégration, où l'humanisme prendrait le pas sur les craintes et les égoïsmes. Restons fidèles aux valeurs de notre République, que je ne retrouve pas dans toutes les dispositions de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Adrien Giraud.
M. Adrien Giraud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais indiquer en préambule que je suis de ceux qui côtoient au quotidien l'immigration clandestine.
Ce texte important, adopté en première lecture par l'Assemblée nationale, présente à mes yeux un double mérite.
Tout d'abord, il vise à réguler et à maîtriser, dans le cadre de la loi républicaine, ces mouvements migratoires qui sont, avec les problèmes de l'énergie, l'un des grands défis, l'un des enjeux majeurs de notre époque. Aucune région du monde n'échappe à ce phénomène.
Tantôt massives à la frontière mexicaine des États-Unis, tantôt sporadiques à travers les étendues désertiques du Sahara, les migrations humaines affrontent tous les dangers des traversées maritimes, dans le détroit de Gibraltar, dans le canal du Mozambique, sur les rivages de l'archipel des Canaries.
Ce constat préoccupant, nous le faisons presque tous les jours à Mayotte, territoire qui subit depuis de longues années, et dans un climat d'exaspération croissante de la population, une véritable invasion, d'origine comorienne pour l'essentiel, et très majoritairement clandestine.
C'est pourquoi le second mérite du texte aujourd'hui soumis à l'examen du Sénat est de comporter plusieurs dispositions intéressant l'outre-mer français qui prennent en compte ses situations et ses problèmes spécifiques.
Je tiens à remercier très chaleureusement - c'est le mot qui convient lorsque l'on évoque l'outre-mer ! - tous nos collègues sénateurs membres de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine qui ont bien voulu participer à la mission d'information et d'étude à Mayotte avant d'en faire rapport et de présenter des propositions à notre assemblée, s'agissant des conséquences lourdes de cette immigration, mal contrôlée sur place et encore plus mal maîtrisée.
J'ai parlé de spécificités locales : elles sont évidentes à Mayotte et appellent, de toute urgence, la mise en oeuvre d'une politique d'ensemble, bien adaptée à nos particularismes.
Il faut, avant toute chose, constater les progrès continus de Mayotte depuis une vingtaine d'années, dont nous nous félicitons. Soyons clairs : ces progrès économiques, sociaux, sanitaires et éducatifs sont, à l'évidence, la conséquence très directe de la volonté exprimée et constamment réitérée, par les Mahorais, de demeurer au sein de la République française, alors que les Comoriens ont choisi librement l'indépendance lors d'un référendum.
On parlait, à l'époque, de « vent de l'Histoire ». Ces mêmes Comoriens reprochent aujourd'hui aux Mahorais d'y avoir résisté, et n'hésitent pas à traverser la mer en kwasa kwasa pour rejoindre Mayotte et bénéficier des progrès, de la liberté et des principes démocratiques.
Pour leur part, les Mahorais ont lucidement refusé - et j'ai été l'un des acteurs de cet épisode - de s'engager dans ce qui nous était apparu comme une aventure sans issue. De ce combat, souvent difficile, pour le progrès et le développement, pour la liberté et la paix, Mayotte commence à percevoir les premiers résultats, encore timides mais certains. Nous ne saurions admettre qu'une telle perspective soit anéantie par des dérèglements d'une immigration étrangère d'une ampleur exceptionnelle et dont la clandestinité accroît encore les dangers.
Mes chers collègues, je le dis aujourd'hui très simplement, mais avec gravité : l'immigration en provenance des pays voisins pose à Mayotte une question de survie.
Les chiffres, tout d'abord, donnent la mesure du poids démographique de l'immigration étrangère : même si ce type d'évaluation demeure sujet à caution, on estime aujourd'hui à 60 000 le nombre des étrangers vivant à Mayotte, soit plus du tiers de la population totale ; quant au nombre des clandestins, il serait de 45 000, c'est-à-dire les trois quarts de l'effectif des étrangers à Mayotte.
L'afflux de nouveaux immigrants clandestins risque de conduire à bref délai, suivant l'expression figurant dans le rapport de la mission parlementaire, « à une situation démographique explosive », et ce en dépit des reconduites à la frontière, qui représentent, nous dit-on, le quart des opérations de cette nature réalisées dans l'ensemble français.
Force est de constater qu'au regard du flux continu des nouveaux arrivants chaque année ce bilan des reconduites à la frontière demeure très insuffisant, le plus souvent faute de moyens soit de rétention administrative, soit de transport.
Un autre facteur de la croissance à terme de la démographie mahoraise réside dans le nombre de naissances déclarées par des femmes comoriennes venues à Mayotte dans l'espoir que leurs enfants pourraient ainsi acquérir la nationalité française. Telle est, en effet, la motivation principale de ces personnes qui croient, à tort, que le simple fait de naître à Mayotte suffit à conférer à l'enfant la nationalité française.
L'on ne saurait, enfin, ignorer que de nombreuses procédures fictives et abusives de reconnaissance de paternité de jeunes Comoriens modifient sensiblement la situation démographique de Mayotte, dont le territoire exigu de 375 kilomètres carrés supporte aujourd'hui une densité de population très élevée, de l'ordre de 425 habitants au kilomètre carré.
Les conséquences de ces déséquilibres sur le système hospitalier et sur nos dispensaires, en situation quasi permanente de surcharge, ont été maintes fois analysées. De même, nos écoles, en dépit des efforts cumulés de l'État et du conseil général de Mayotte, présentent des insuffisances continuelles, en termes de nombre de places ou de qualité d'enseignement, devant l'afflux des demandes issues de la population immigrée.
Mais à ces coûts visibles, il faut, de plus en plus, ajouter les coûts invisibles résultant des dommages causés notamment à l'environnement mahorais : les parlementaires en mission ont pu voir sur le terrain les conditions déplorables d'habitat dans ces villages d'immigrés comoriens.
On peut comprendre, dans ces conditions, l'exaspération de la population mahoraise, qui attribue, non sans raison, l'augmentation visible de la délinquance à la présence trop nombreuse des irréguliers et des clandestins.
Il est devenu urgent de définir et de mettre en oeuvre une politique d'ensemble susceptible de conjurer les risques de toute nature liés au refus et au rejet de cette immigration clandestine par les Mahorais.
Il importe d'abord de prendre conscience de la situation particulière de Mayotte, qui se trouve au sein d'une région à la fois très pauvre et très peuplée. Il faut redire que les avancées de l'économie et de la société mahoraises continuent d'exercer inévitablement un effet d'attirance sur les populations étrangères voisines, soucieuses de mieux vivre et avides de libertés à la française.
Ces considérations commandent la définition d'une politique à long terme, qui traite aussi bien les causes que les conséquences de ces pressions migratoires.
Tout d'abord, il convient de perfectionner et de mieux coordonner les instruments de lutte contre l'immigration clandestine et ses filières, qu'il s'agisse de la surveillance côtière et maritime, du contrôle des identités ou de la vérification des moyens de transport. Nos forces de police et de gendarmerie, que je tiens à remercier pour leur dévouement, doivent être dotées des moyens humains et techniques les plus adéquats. Nos procédures administratives concernant la rétention ou les reconduites à la frontière doivent être rendues plus efficaces.
Je veux aussi indiquer à M. le ministre de l'outre-mer combien j'approuve les dispositions du projet de loi visant à améliorer les dispositifs relatifs aux actes de l'état civil à Mayotte, où se multiplient, depuis quelque temps, les faux papiers. Ce travail de longue haleine est lancé depuis plusieurs années ; il doit être poursuivi et développé.
Mais l'essentiel réside évidemment dans la relance et l'approfondissement de la politique française de coopération régionale. La Réunion et Mayotte doivent devenir des pôles dynamiques, dans le cadre rénové de véritables contrats de partenariat incluant et conjuguant à la fois actions de développement et maîtrise de l'émigration, éducation, santé et formation des hommes.
Telle est, selon nous, la véritable signification du codéveloppement, qui ne peut procéder que de responsabilités partagées.
La multiplication des flux migratoires apparaît, en définitive, comme l'une des manifestations de la mondialisation, c'est-à-dire de l'élargissement considérable des échanges de biens, de services et de personnes. Une telle évolution est également favorisée par les facilités de transports et les communications modernes.
Mais ce sont surtout les écarts de développement entre pays, régions et continents qui, en s'aggravant, risquent d'entraîner, à l'avenir, de véritables exodes de populations.
Déjà les frontières se ferment de plus en plus. La question du développement des pays pauvres et émergents reste plus que jamais d'actualité. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui est la trente-huitième réforme proposée sur l'immigration depuis 1980. Il survient moins de trois ans après l'adoption de votre première loi sur l'immigration, alors que cette dernière n'a encore fait l'objet d'aucun bilan ni d'aucune évaluation.
Ce nouveau texte illustre les motivations qui animent des ambitions présidentielles. Dans cet unique objectif, vous vous lancez dans une course effrénée pour rabattre les voix des électeurs à la droite de la droite.
Disons-le franchement, cette loi est avant tout une loi d'affichage, une loi de marketing politique. Votre Gouvernement tente de faire croire que notre pays « subit » une immigration, qui apparaît comme une sorte d'invasion continue d'étrangers. Ainsi, vous créez la peur, pour ensuite rassurer par un discours démagogique et populiste.
Or la vérité, monsieur le ministre, c'est que la France, quels que soient les gouvernements, de droite comme de gauche, a toujours choisi son immigration et ne l'a jamais subi. Il faut le dire au peuple français !
Si vous le permettez, effectuons un petit travail de mémoire, salutaire à tout le monde. La France n'a jamais subi l'immigration lorsque celle-ci prenait le visage de soldats marocains, algériens ou sénégalais venus combattre pour sa libération. La France n'a jamais subi l'immigration, bien au contraire, lorsqu'elle a choisi de faire venir massivement des migrants pour sa reconstruction sociale et économique.
Vous nous dites qu'il n'y a jamais eu de politique d'immigration. Il serait plus juste de dire que cette politique d'immigration n'a pas été efficace.
En 1974, après avoir fermé les frontières à l'immigration, on a cherché à diminuer la population étrangère en fixant comme objectif le retour de 35 000 personnes par an. Cette politique du chiffre ne vous dit rien ? On ne s'est pas gêné pour « jeter le citron une fois pressé ». Avez-vous oublié le million du retour de Giscard, en 1977 ?
La France n'a jamais subi l'immigration, lorsque, à la suite du soutien de nos dirigeants à de nombreux dictateurs qui massacrent et appauvrissent leur peuple, on a créé l'asile territorial, statut précaire pour les victimes qui cherchent une protection.
Le droit français en matière d'immigration n'a jamais été laxiste. Il n'a jamais octroyé des droits supplémentaires aux migrants étrangers, bien au contraire ! Encore récemment, il a retiré le droit de vote des commerçants et artisans étrangers aux élections professionnelles.
Un autre fait démontre que cette loi n'est qu'une loi d'affichage. Vous prétendez qu'elle permet non seulement de combattre l'immigration clandestine, mais aussi de favoriser l'intégration des migrants. Or la réalité contredit vos arguments. En effet, cette loi « fabriquera » de nouveaux clandestins et brisera des familles entières. Elle produira davantage de précarité et d'exclusion, et sera à l'origine de toujours plus d'inégalités et d'injustices.
Ce texte conforte votre dynamique qui consiste à déstabiliser la situation juridique des migrants installés régulièrement en France. Vous créez une multitude de statuts nouveaux permettant d'assigner à résidence pour une durée illimitée.
Cette déstabilisation passe notamment par la suppression du renouvellement de plein droit de la carte de résident. Vous poussez dans la pire insécurité juridique des familles entières qui, de facto, sont installées légalement en France depuis plus de dix ans.
Cette déstabilisation est encore renforcée par l'instauration du retrait automatique des différents titres de séjour dès que la moindre condition d'éligibilité disparaît. Vous procédez ainsi à la quasi-suppression du droit au séjour.
Un autre aspect de votre projet de loi doit être mis en lumière : l'arbitraire renforcé de l'administration, qui décide au cas par cas, sur la base de critères flous que vous nommez « à titre exceptionnel » ou « à titre humanitaire », sans aucune définition juridique précise.
Ainsi, vous confortez de façon exorbitante le caractère discrétionnaire des pouvoirs de l'administration, en affaiblissant le principe de souveraineté de l'État exprimé dans la loi.
Outre la déstabilisation du statut des migrants en situation régulière, vous mettez en place des mécanismes qui vont produire encore plus de clandestinité et d'exclusion.
Parmi ces mécanismes figure l'abrogation du droit à régularisation au bout de dix ans de présence sur le territoire. Cette question doit requérir toute notre attention. En effet, le Gouvernement n'a eu de cesse de faire croire que cette disposition représentait une sorte d'appel d'air aux migrants clandestins : ceux-ci déferleraient en hordes invasives dans le but de bénéficier de ce dispositif, qui serait une faille dans notre droit.
Or la réalité est tout autre ! D'une part, cette disposition ne concerne que 2 500 à 3 000 personnes, donc un nombre infime de migrants. D'autre part, vous faites croire que ce que l'on appelle la « régularisation au fil de l'eau » constituerait une sorte de prime à la clandestinité. Quelle ineptie !
Comme si des milliers de personnes, en Afrique, au Maghreb ou en Asie, mettaient en oeuvre des stratagèmes consistant à tout faire pour entrer clandestinement en France et y résider pendant plus de dix ans, sans le moindre statut légal, dans la plus grande précarité sociale et humaine, victimes de toutes les exploitations. Feraient-ils tant de sacrifices pour attendre une hypothétique régularisation au bout de ce long et douloureux parcours au but d'ailleurs incertain ?
Connaissez-vous la difficulté, pour ces « clandestins », d'acquérir les preuves de leur présence en France ? Soyons sérieux, monsieur le ministre, il s'agit non pas d'une prime, mais simplement d'une reconnaissance de leur intégration, et surtout de leur volonté de vivre dans la dignité.
En plus de cette disposition, vous restreignez, ou plutôt vous faites disparaître, toute une série de droits et garanties inhérents aux conventions signées par la France, au mépris de nos engagements internationaux, toujours avec la même tactique : la tromperie !
Vous nous faites croire qu'il s'agit d'harmonisation de directives européennes. Ces dernières seraient-elles contraires à la Convention européenne des droits de l'homme ?
Avec cette même apparente humanité, vous nous faites croire que vous avez supprimé la double peine, alors que vous l'avez en fait maintenue, y compris pour les non expulsables ou les malades. J'ai d'ailleurs plusieurs cas à vous soumettre, si vous le désirez !
D'un côté, vous voulez nous laisser penser que vous vous souciez de l'intégration des étrangers résidant régulièrement, alors que vous ne faites que compliquer les conditions d'intégration. On ne peut pas se contenter de mettre en oeuvre un contrat dit « d'accueil et d'intégration », d'ailleurs annoncé sans moyens financiers ni garanties juridiques, pour faire croire que l'on oeuvre en faveur de l'intégration des résidents étrangers. Où sont donc, par exemple, ces droits politiques qui permettraient cette meilleure intégration ?
D'un autre côté, vous durcissez au maximum les conditions d'accès à la nationalité française. Et vous osez motiver l'ensemble de ces dispositions iniques en partant du préalable de suspicion généralisée de l'étranger. Comme si tout ce qu'il fait est entaché d'une présomption de culpabilité et de mensonge : faux étudiant, faux touriste, faux malade, faux conjoint, faux parent, etc. Cette présomption ne se limite d'ailleurs pas aux actes du migrant : elle s'étend également à tout Français qui veut l'épouser, le reconnaître comme parent, ou tout simplement lui venir en aide.
Comme preuve supplémentaire de votre arbitraire, nous apprenons ce matin la régularisation de huit cents familles dont les enfants sont scolarisés. Nous ne pouvons que nous satisfaire de cette décision, en espérant qu'elle sera plus effective que l'abolition de la double peine.
Néanmoins, celle-ci révèle bien votre comportement : dans un premier temps, faire peur en faisant régner l'insécurité ; dans un second temps, attribuer, distribuer ou confisquer, sanctionner, selon votre bon vouloir. Sachez que le fait du prince n'est pas digne d'une République démocratique !
Vous agitez aussi ostensiblement l'argument du désengorgement de l'administration. Mais, dans les faits, ce texte ne désengorgera en rien les services de l'État. Bien au contraire, il va non seulement déplacer les contentieux, mais aussi en créer de nouveaux. Le travail des préfectures ne sera pas allégé parce que vous supprimez les notions d'octroi et de renouvellement de plein droit de certains titres de séjour. Vous en rajoutez en multipliant les catégories de cartes de séjour, donc les situations différentes à traiter.
De plus, parce que les commissions actuelles fonctionnent mal, vous créez de nouvelles « commissions-gadgets ». Savez-vous qu'un récent rapport, remis à M. Raffarin, accuse la France d'une grave maladie : la « commissionnite » ?
Vous allez faire peser sur les administrations préfectorales un fardeau de travail supplémentaire. Il en sera de même pour les services consulaires à l'étranger ; les ambassades seront, elles aussi, submergées en termes de travail et de contentieux à venir.
En instaurant l'obligation de produire un visa de long séjour, dont les refus seront encore plus nombreux en raison des conditions à remplir, vous procédez au déplacement du contentieux du séjour vers le contentieux du refus de visa. À cela s'ajouteront les procédures de recours à l'obligation de quitter le territoire.
Ainsi, par votre loi, vous contribuerez à l'engorgement des tribunaux administratifs, auquel s'ajoute une légitimité contestable, en imposant un juge unique, contrairement au principe de la collégialité. En fait, il s'agira d'un droit d'exception pour les exclus et les plus fragiles, les pauvres, les jeunes, les handicapés. Vous instaurez alors une justice à double vitesse.
Cette loi démontre également d'autres contradictions de votre discours prétendument humaniste : d'un côté, vous annoncez que vous préparez une France ouverte sur des partenariats de codéveloppement avec des pays pauvres ; de l'autre, vous instaurez des mécanismes qui permettront de piller encore plus les pays du Sud:
Vous instaurez une nouvelle forme de « colonisation », qui transforme les pays du Sud en self-service de main d'oeuvre et de cerveaux à bas prix. La France continue à être la prédatrice des ressources naturelles des pays du Sud, notamment d'Afrique, où elle a d'ailleurs longtemps soutenu - et elle continue de le faire - des dictateurs. Désormais, vous allez piller leurs ressources intellectuelles et humaines, qui sont les plus précieuses, leurs plus brillants étudiants et leurs rares chercheurs.
Après l'adoption par votre majorité d'une loi proposant de reconnaître le caractère positif de la colonisation, vous continuez dans la même logique en réinstaurant une gestion coloniale de l'immigration.
Hier, on se rendait en Algérie, au Maroc, au Congo ou en Indochine afin de faire venir en France les plus endurants, les plus costauds, les moins contestataires. Désormais, seront systématiquement arrachés à ces pays les plus intelligents et les mieux formés, aux frais du pays d'origine, c'est-à-dire ceux dont ces pays ont le plus besoin.
En faisant croire que vous rouvrez les frontières à l'immigration du travail, vous procédez, en réalité, à une politique sélective et utilitariste de l'immigration. Seul compte l'étranger qui peut rapporter quelque chose à la France, au mépris des intérêts des pays du Sud.
Alors, de quel codéveloppement parlez-vous : celui de la France ou celui des pays sous-développés ?
Désormais, un Malien, une Pakistanaise, un Marocain ne devrait plus résider en France parce qu'humain, mais juste en tant qu'ingénieur, médecin, cuisinier, maçon ou plombier, et parce que nous en avons besoin. Et dans quelles conditions ? Nous savons qu'ils sont souvent largement moins bien payés que les Français qui occupent les mêmes postes, comme le montre l'exemple des médecins étrangers !
Enfin, monsieur le ministre, je tiens à vous dire devant notre assemblée que, si votre projet de loi présente un danger pour les droits et les libertés des migrants, il constitue également une épée de Damoclès pour tous les Français ! Ce texte porte atteinte non seulement à la dignité des étrangers, mais aussi aux droits fondamentaux et aux libertés de valeur constitutionnelle, comme le droit d'asile, le respect de la vie privée ou le droit de vivre en famille.
Vous vous appliquez à faire reculer tous ces droits pour les étrangers. Mais sachez que l'on ne peut impunément remettre en cause les droits fondamentaux et les libertés des uns, en l'occurrence des migrants, sans porter atteinte, in fine, aux droits et aux libertés des autres, c'est-à-dire des Français. En restreignant radicalement le droit au mariage, au divorce ou les conditions de naturalisation, chaque fois que les droits des migrants régressent, ce sont les droits de tous qui reculent peu à peu !
Pour conclure, monsieur le ministre, le projet de société que vous nous proposez, c'est non pas la France de la rupture, mais la France des fractures : fractures entre riches et pauvres, entre Français et étrangers, entre les personnes qui méritent votre attention et celles qui en sont indignes, qui ne méritent que violences, humiliation et mépris !
Monsieur le ministre, cette France-là, cette France qui ne ressemble pas à la France d'aujourd'hui, ni à celle de demain - du moins je l'espère -, mais qui ressemble à la France d'hier, une époque bien triste de notre histoire, nous, les Verts, nous la refusons. Sachez que nous la combattrons partout, jusqu'au bout, dans toutes les institutions et dans toutes les rues de notre pays ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Soibahaddine Ibrahim.
M. Soibahaddine Ibrahim. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration vise à la maîtrise des flux migratoires dans notre pays.
Après la loi du 26 novembre 2003, qui avait pour objectif la lutte contre l'immigration irrégulière, le présent texte, qui entend privilégier une immigration « choisie », est fondé sur l'analyse selon laquelle « l'immigration demeure aujourd'hui sans rapport avec les capacités d'accueil de la France et ses besoins économiques ».
Si l'immigration irrégulière est une réalité inacceptable dans l'Hexagone, elle l'est encore davantage en outre-mer, en raison de son ampleur et de ses conséquences néfastes.
Ainsi, alors que l'on estime à 400 000 le nombre de clandestins qui vivent sur le territoire national, ils sont 35 000 en Guyane, soit 25 % de la population, 5 000 à 10 000 en Guadeloupe, soit 2 % de la population, et entre 50 000 et 60 000 à Mayotte, où la situation est la plus préoccupante, soit 30 % de la population. Avec une proportion identique, écrit François Baroin, la France métropolitaine compterait dix-huit millions de clandestins !
Il s'ensuit, pour Mayotte, l'engorgement des services publics d'éducation et de santé, la saturation des terrains sportifs ainsi que du centre pénitentiaire, le développement du travail clandestin et de trafics en tous genres, la prolifération de zones d'habitat illégal, précaire et insalubre, la montée de la violence et des tensions sociales, ainsi que la multiplication des drames en mer. Les quatre commissions parlementaires d'information et d'enquête qui se sont rendues à Mayotte entre septembre 2005 et février 2006 dressent le même constat.
Face à cette situation explosive, la réponse de l'État doit être ferme, solidaire et humaine.
La fermeté, d'abord, consiste à renforcer les moyens matériels et humains affectés au contrôle et à la surveillance de nos frontières maritimes, dont on connaît la porosité. En plus des mesures déjà prises par le ministre de l'intérieur, le Premier ministre a annoncé l'installation d'un troisième radar à Mayotte, auquel il faudra ajouter un hélicoptère, comme le suggère la commission d'enquête du Sénat, afin de mieux surveiller ce bras de mer de quatre-vingts kilomètres qui sépare Mayotte de l'île d'Anjouan, l'île comorienne la plus proche, et intercepter les embarcations des passeurs de clandestins qui souvent se mêlent, dans cette zone, à celles des pêcheurs.
J'en viens, ensuite, à la solidarité. La lutte contre l'immigration irrégulière est une mission régalienne de l'État, mais bien souvent, à Mayotte, ce sont les collectivités territoriales, en particulier les communes, qui assument l'essentiel de la charge résultant de cet afflux de population.
À Mayotte, dans l'enseignement du premier degré, les enfants de parents étrangers en situation irrégulière représentent 30 % des effectifs à l'école élémentaire et 25 % à l'école maternelle. Cet afflux d'enfants supplémentaires amplifie les rotations de classes et réduit à vingt-quatre heures trente l'enseignement hebdomadaire, au lieu des vingt-six heures fixées par la loi.
Afin de résorber le déficit en salles de classe et d'absorber la poussée démographique, il faudrait prévoir cinquante classes nouvelles par an pendant au moins cinq ans et cent quatre-vingts classes maternelles pour pouvoir accueillir tous les enfants âgés de trois à cinq ans.
Par ailleurs, les terrains sportifs sont saturés : pour satisfaire les besoins dans ce domaine, il faudrait construire, au cours des cinq prochaines années, vingt-quatre plateaux polyvalents et douze terrains de football pour un coût de revient prévisionnel de 12 millions d'euros. Les dépenses de construction, d'entretien et de mise aux normes des équipements scolaires et sportifs sont hors de portée des finances locales.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, dans le cadre des prochains contrats de développement, il faudra alléger ces charges pour les collectivités locales, grâce à une clé de répartition exceptionnelle et à l'augmentation de la DGF des communes.
Enfin, il faudra faire preuve d'humanité.
En effet, la lutte contre l'immigration irrégulière ne doit pas se limiter à l'augmentation du nombre de reconduites à la frontière et au renforcement des moyens juridiques. Nous devons aussi, parallèlement, encourager les retours volontaires dans les pays d'origine, régulariser les immigrés qui peuvent l'être, notamment pour des besoins économiques, mais aussi donner la possibilité aux cent trente-neuf demandeurs d'asile est-africains de vivre décemment dans l'île de Mayotte, puisqu'ils ont la liberté de circuler.
S'agissant de la coopération régionale, j'ai bien noté, monsieur le ministre, que l'aide de la France en faveur de l'Union des Comores va augmenter de 60 % et que l'Union européenne va débloquer 15 millions d'euros par an pour la refonte complète du système éducatif de ce pays, parallèlement à l'appui de la stabilisation des institutions et à la construction d'un État de droit. Cela va dans le bon sens !
Cependant, compte tenu de l'état de délabrement des Comores, de la nécessité d'accompagner la transition démocratique en cours et, dans le même temps, de réduire sans délai la forte pression migratoire qui s'exerce sur Mayotte, il faut, à mon avis, aller au-delà de la coopération bilatérale. Je plaide pour un plan Marshall en faveur des Comores, sur la base d'un financement européen et international, coordonné par la France.
Ce plan prendrait la forme d'un contrat pluriannuel de développement d'une durée de dix à quinze ans, ayant pour objectif la relance de la croissance, de l'ordre de 5 % par an, et la réduction de la pauvreté de 50 % à l'horizon 2015. Le coût des besoins urgents est estimé à 315 millions d'euros.
Ce plan comprendrait un programme de rattrapage économique, une mise à niveau juridique, indispensable, et un plan d'adaptation des finances publiques ; sa mise en oeuvre nécessiterait des personnels d'encadrement et de gestion du développement.
Plusieurs pays ont déjà exprimé leur volonté de participer à cet effort, tels que la Chine, la Libye et les bailleurs de fonds réunis à l'île Maurice en 2005, avec une promesse de contribution de 216 millions d'euros.
Cette réponse équilibrée est de nature à accroître l'efficacité de notre action contre l'immigration irrégulière, à alléger les charges des collectivités locales et à contribuer à renforcer l'influence française dans la région de l'océan Indien.
Sous le bénéfice de ces observations, monsieur le ministre, je voterai sans hésitation votre projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'approche d'une échéance électorale, M. le ministre d'État agite le spectre d'une immigration qui serait nuisible pour la France, au plus grand bénéfice de l'extrême droite, dont il reprend les slogans les plus démagogiques.
Les inquiétudes de nos concitoyens sont légitimes, mais leur cause n'est pas l'immigration : c'est l'entreprise de précarisation systématique et de communautarisation de la question sociale que lui et sa majorité mènent depuis 2002.
M. le ministre d'État avait déjà évoqué la polygamie pendant les émeutes et je relève qu'il vient d'en reparler dans sa présentation liminaire. Pour lui, comme pour moi, la loi est celle du pays d'accueil ; elle ne saurait donc s'adapter à des valeurs qui ne sont pas les nôtres.
Comme M. le ministre d'État ne dit rien par hasard, il monte en épingle un phénomène somme toute marginal : 99,99 % des personnes de confession musulmane vivant en France ne sont pas polygames.
Mme Annie David. Eh oui !
Mme Bariza Khiari. En insistant sur ce point, il laisse accroire de manière subliminale qu'une certaine religion serait la cause des maux de notre société.
Ce ne sont pas les citoyens français de confession musulmane qu'il faut encore stigmatiser ; ils n'ont que trop souffert des amalgames et des discriminations en tous genres. C'est le pacte républicain qu'il faut rétablir ; c'est le « vivre-ensemble » qu'il faut revivifier ; c'est un cadre laïc et rigoureux qu'il faut faire respecter.
M. Charles Gautier. Très bien !
Mme Bariza Khiari. M. le ministre d'État focalise ainsi les inquiétudes des Français sur les populations les plus précarisées et prétend que la France doit choisir son immigration. Ce faisant, il désigne « en creux » à la vindicte des Français la mauvaise immigration, celle des « immigrés subis ».
Si les critères draconiens et les procédures ubuesques qui nous sont proposés avaient existé dans le passé, jamais mes propres parents n'auraient pu immigrer et je ne parlerais pas à cette tribune aujourd'hui. Comme le grand-père d'Arnaud Montebourg, mon propre père ne parlait que l'arabe. Vous avez donc devant vous le produit de l'immigration subie. Compte tenu de l'accueil qui m'a été fait par le président du Sénat et par l'ensemble de mes collègues, j'ai la faiblesse de penser qu'Éliane Assassi, Alima Boumediene-Thiery et moi-même nous manquerions à cette assemblée.
Mme Bariza Khiari. Vous aussi, monsieur le ministre, probablement ! Après tout, ne sommes-nous pas tous, à un stade ou à un autre, des enfants d'immigrés ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Selon M. le ministre d'Etat, l'immigration choisie consiste à relancer une forme d'immigration de travail.
Le dispositif qui nous est soumis précarise un peu plus les travailleurs étrangers ; il les soumet à l'arbitraire le plus inacceptable.
De plus, la politique de quotas déguisés sera inefficace. L'expérience a montré, en Allemagne et en Espagne, que les politiques de quotas sont inopérantes.
Les quotas de travailleurs qualifiés ne sont jamais atteints et ceux des travailleurs non qualifiés créent un appel d'air qui débouche sur un afflux d'immigrés clandestins.
Inefficaces, les politiques de quotas témoignent surtout d'une vision de l'homme que nous rejetons avec force.
Le projet de loi introduit une distinction insupportable entre les étrangers économiquement profitables et toute la misère du monde, qu'on ne peut assumer. Mais, souvent, on oublie la suite de la phrase de Michel Rocard : la France doit prendre fidèlement sa part de cette misère !
Qu'en est-il, en effet, des talents et compétences des autres migrants ?
L'immigration choisie, c'est l'aveu d'une conception de l'individu réduit à sa force de travail et à sa rentabilité.
L'immigration choisie, c'est aussi une nouvelle insulte qui est faite à tous les demandeurs d'emploi, français ou étrangers.
Dans une conjoncture de chômage de masse, alors même que la jeunesse vient de hurler son désir de travailler dans des conditions normales, M. le ministre d'État nous explique que la France manquerait de bras et de cerveaux !
Ce projet de loi est le symbole des choix du Gouvernement : renoncement à offrir aux jeunes des formations en adéquation avec le marché du travail ; choix de ne pas mener de réelle politique de l'emploi et de la croissance ; choix de ne pas intégrer les jeunes Français issus de l'immigration, qui souffrent de discriminations à l'embauche, au logement, et jusque dans leurs loisirs ; renoncement également à l'ambition de renforcer la place de la France dans le monde, puisque le Gouvernement a déjà, par circulaire, durci les critères d'admission des étudiants étrangers.
L'immigration choisie se fera au détriment de ceux qui sont considérés comme des mauvais immigrés. Elle se fera également au détriment des Français, puisque, sous prétexte de lutter contre les mariages blancs, M. le ministre d'État jette le soupçon sur tous les couples mixtes. Il fait du droit d'asile une coquille vide. Il vide de son sens le regroupement familial. Après l'entreprise sans usine et l'usine sans ouvriers, M. le ministre d'État est en train d'inventer l'immigré sans famille !
Ce projet de loi généralise également l'arbitraire administratif via la remise en cause du cadre légal des régularisations. Un étranger pourra se voir retirer un titre de séjour si l'administration estime qu'il ne répond plus aux critères.
En imposant la possession d'un visa de long séjour comme condition préalable à l'obtention de tout titre de séjour, sous prétexte de double contrôle, M. le ministre d'État va plus loin : il institue un double risque pour les étrangers, un double arbitraire, qui n'est pas sans rappeler la double peine qu'il a prétendu abolir, mais qui subsiste dans les faits.
De plus, dans une circulaire qui organise une véritable traque aux étrangers irréguliers, il précise, avec un cynisme incroyable, comment piéger les requérants au droit d'asile ou à un titre de séjour dans les préfectures ou à leur domicile.
Pourtant, les défis ne manquent pas. Les trois enjeux-clés du moment - cohérence des politiques d'immigration, intégration et codéveloppement - sont superbement ignorés.
M. le ministre d'État ne fait rien pour remédier au manque de cohérence des politiques de l'immigration et aux lacunes de leur pilotage, comme cela a été souligné par la Cour des comptes, dans son rapport de novembre 2004. Il obscurcit même les procédures en multipliant les titres de séjour et en laissant à la discrétion de l'administration des décisions qui ont une incidence sur la vie de familles entières.
Le deuxième enjeu, plus important encore, comme nous l'ont montré les émeutes de novembre dernier, c'est l'intégration.
Ce texte s'intitule : « Projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration ». Ce devait être de l'ironie de la part de M. le ministre d'État, puisque nous ne voyons nulle trace d'une volonté d'intégration.
La généralisation du contrat d'accueil et d'intégration n'est pas mauvaise en soi, mais elle n'est que poudre aux yeux eu égard aux enjeux réels de l'inclusion des immigrés. Comment oser parler d'intégration quand aucun dispositif d'accompagnement n'est prévu pour la formation, l'emploi ou le logement ?
En précarisant les parcours de séjour des étrangers en France et en ne prenant pas de mesures d'envergure de lutte contre les filières d'immigration clandestine, la politique du Gouvernement entraîne notre pays dans le sens inverse. Et il y a malheureusement fort à parier que se créera ainsi un regain d'immigration clandestine.
Enfin, en tentant d'accaparer la matière grise des pays en développement, le Gouvernement ne fait qu'accroître le pillage des ressources humaines de pays déjà plongés dans les plus grandes difficultés.
En stigmatisant une fois de plus les immigrants avant une échéance électorale, M. le ministre d'État persiste donc dans sa volonté de diviser la société française. Cette loi est symbolique de ses conceptions ultralibérales, peu soucieuses de la dignité humaine. M le ministre d'État subordonne les droits de l'homme à la conjoncture économique. Pour la seconde fois en trois ans, il accentue la répression sur les étrangers, alors même que les décrets d'application de sa précédente loi n'ont pas tous été pris. C'est la preuve que cette nouvelle législation n'est pour lui qu'un outil de communication politique.
Ce projet de loi est inhumain, et il ne vise qu'à alimenter les peurs et les fantasmes, voire à détourner les inquiétudes des Français de leur vraie cause, c'est-à-dire l'échec patent de la politique du Gouvernement ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, face aux arguments démagogiques et caricaturaux que la gauche tente d'opposer au projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), les Français, dans leur immense majorité, droite et gauche confondues, ont su déceler la basse et préjudiciable polémique politicienne en apportant leur soutien à ce texte.
Au-delà, ils ont exprimé leur satisfaction, parfois même leur soulagement de voir enfin un gouvernement prendre à bras-le-corps une question structurante de notre société que les majorités successives, de droite comme de gauche, ont malheureusement occultée depuis trente ans.
Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, qui est particulièrement concerné par cette question de l'immigration et surtout par celle de l'intégration du fait de sa mixité culturelle, religieuse et sociale, que j'affirme ici comme étant une richesse, j'ai pu apprécier la formidable attente et surtout l'implication de mes concitoyens.
J'en veux pour preuve la pétition départementale de soutien à ce projet de loi qui, en seulement deux week-ends, a recueilli sur les marchés plus de mille signatures. Et il ne s'agit pas d'une pétition « bidon » : y figurent les noms, les prénoms et les adresses des signataires ! Je vais vous remettre cette pétition, monsieur le ministre, et vous pourrez constater qu'elle a été signée par un nombre non négligeable de personnes d'origine étrangère.
Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas de la démagogie, cela ?
M. Christian Demuynck. Il s'agit là, me semble-t-il, d'une preuve supplémentaire du caractère positif de ce texte non seulement pour la France, mais également pour les immigrants.
Dans la continuité de cette pétition, et afin de me faire le messager de mes concitoyens au sein de cette assemblée, j'ai demandé à ceux-ci de me faire part de leurs remarques, suggestions et interrogations, sur la base d'une synthèse des principaux points du texte que je leur avais transmise. Leurs réponses ont dépassé mes espérances et me confortent dans l'idée que les Français s'intéressent réellement à la politique et à l'avenir de leur pays. Nous entendons trop souvent dire qu'ils s'en détournent. C'est faux ! S'ils se désintéressent des politiques, ce sont des politiques partisanes et stériles. En revanche, ils veulent que leurs responsables politiques apportent des remèdes aux maux qu'ils connaissent.
Après avoir soigneusement étudié chacune des réponses qui m'ont été transmises, je puis vous assurer que ce projet de loi est perçu comme un véritable remède au mal que constitue l'immigration sous sa forme actuelle ; j'insiste sur ce dernier point pour que mon propos ne soit pas mal interprété.
Cette consultation a révélé sans ambiguïté un soutien qui doit vous conforter, monsieur le ministre, dans l'idée que vous êtes sur le bon chemin. Ce texte apparaît ferme et juste aux Français, car il aborde le problème de l'immigration de manière pragmatique et globale.
Malheureusement, compte tenu du temps qui m'est imparti aujourd'hui, je ne pourrai pas évoquer en détail certains points du projet de loi qui me paraissent fondamentaux, tels que le renforcement de l'aide économique aux pays en voie de développement et de la coopération.
Lorsque certains, sur ces travées ou ailleurs, vous taxent d'extrémisme parce que vous proposez une loi de bon sens, monsieur le ministre, les Français, eux, vous encouragent. Faut-il y voir de l'extrémisme ? Non, au contraire, cela m'apparaît on ne peut plus responsable et constructif !
C'est justement parce que rien n'a été fait depuis des décennies, parce qu'on a laissé une immigration anarchique se mettre en place, et surtout parce qu'aucune mesure favorisant l'intégration n'a été instaurée, que l'incompréhension s'est développée entre les communautés, que des problèmes de délinquance ont émergé, favorisant ainsi les extrémismes politiques et amenant - dois-je vous le rappeler ? - Jean-Marie Le Pen au second tour de l'élection présidentielle de 2002.
Permettez-moi d'anticiper et de penser que ceux qui critiquent aujourd'hui vos propositions sur l'immigration abonderont sûrement demain dans votre sens.
L'exemple de Mme Royal, qui condamnait hier vos suggestions en matière de prévention et de répression de la délinquance juvénile et qui défend aujourd'hui les mêmes idées,...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Ce ne sont pas les mêmes idées !
M. Christian Demuynck. ...me donne à penser que vous êtes un précurseur et qu'il faut laisser un peu de temps aux socialistes pour en arriver à vos idées. Ils les reprendront demain à leur compte, j'en suis persuadé, en vous reprochant peut-être d'ailleurs, monsieur le ministre, de n'être pas allé assez loin.
Les Séquano-dyonisiens qui ont répondu à ce questionnaire aiment la France. C'est pour cela qu'ils vous approuvent. Ainsi, si la nationalité française se mérite, si son obtention est soumise à un certain nombre de conditions telles que la langue, l'acceptation des règles de notre République, et si un véritable cérémonial l'accompagne, alors l'immigré sera non seulement intégré, mais également conscient et imprégné du pays auquel désormais il appartient. Cela renforcera notre identité nationale et notre patriotisme, terme d'ailleurs galvaudé alors qu'il m'apparaît fondamental.
Cette reprise en main de l'immigration, qui doit effectivement être choisie et non plus subie, associée à un souci d'intégration, doit s'accompagner d'un changement des mentalités.
De tout temps, l'immigration a été bénéfique à la France, il ne faut pas l'oublier. Or, avec le laisser-aller de ces dernières années, la perception qu'ont les Français de l'immigration est très négative ; ils ne la voient plus qu'au travers du prisme de cette immigration que j'ose qualifier de « parasitaire », puisqu'elle ne profite ni à l'immigré ni à la France !
M. Bernard Frimat. Des parasites !
Mme Éliane Assassi. Cela va leur faire plaisir !
M. Christian Demuynck. Pour enfin valoriser une immigration choisie et enrichissante pour l'immigré et pour la France, il faut, comme vous le proposez, résorber le flux migratoire actuel en mettant en place un système gagnant-gagnant et mettre un terme aux abus liés notamment au regroupement familial, aux mariages mixtes, qui ne sont généralement pas motivés par la volonté de construire quelque chose en France.
L'enjeu de ce projet de loi va bien au-delà de notre politique migratoire, puisque de nombreuses questions découlent de l'immigration, telles que celle de la délinquance.
Dans un département comme la Seine-Saint-Denis, le taux de délinquance est élevé.
Mme Éliane Assassi. Amalgame !
M. Christian Demuynck. De tristes événements le rappellent trop souvent, donnant une image négative et réductrice de ce département pourtant si riche du fait de sa diversité.
S'il convient de se garder des raccourcis ou des amalgames, il n'est pas interdit de s'interroger sur le lien qui est couramment fait entre immigration et délinquance. Non pas parce que la propension à la délinquance est plus forte chez un immigrant ou chez un fils d'immigrant, mais seulement, bien souvent, parce que l'immigration non contrôlée engendre des situations de misères qui sont propices à la délinquance.
Mme Éliane Assassi. C'est scandaleux !
M. Christian Demuynck. De la même manière, l'intégration non aboutie conduit souvent à un manque de repères, à un complexe identitaire, auxquels la violence et le larcin peuvent malheureusement apporter une réponse.
Mme Éliane Assassi. On va faire circuler votre discours en Seine-Saint-Denis !
M. Christian Demuynck. C'est la vérité !
Mme Éliane Assassi. C'est une série d'amalgames !
M. Christian Demuynck. Absolument pas ! Je suis un élu de la Seine-Saint-Denis et je reçois régulièrement les jeunes qui sont en situation de grande difficulté !
Mme Éliane Assassi. Et alors, nous aussi ! Mais nous n'en tirons pas les mêmes conclusions !
M. Christian Demuynck. J'ai le droit de m'exprimer et je continuerai de le faire !
Mme Éliane Assassi. Nous n'avons pas les mêmes valeurs !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est insupportable !
M. Jacques Peyrat. Vous aussi, vous êtes insupportables, et pourtant on vous écoute !
M. Christian Demuynck. Venez dans mon département ! Vous verrez comment je gère la ville et les contacts que j'ai avec les jeunes issus de l'immigration ! Ensuite, on discutera de ce qui est insupportable ou non ! Parlez de ce que vous connaissez !
M. le président. Mes chers collègues, dans cette assemblée, on respecte l'orateur !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. À condition qu'on nous respecte !
M. Christian Demuynck. Mais je vous respecte, monsieur Dreyfus-Schmidt !
M. Charles Gautier. Pas par vos propos !
M. Christian Demuynck. En effet, comment un jeune peut-il s'en sortir si, pour des raisons diverses, il ne sait quasiment ni lire, ni écrire, ni compter ? Quoi qu'il en soit, il est incapable de trouver un emploi !
Monsieur le ministre, j'insiste lourdement sur ce point, même s'il ne fait pas directement l'objet de ce texte : la mobilisation doit être totale pour redonner espoir à ces jeunes aujourd'hui désoeuvrés, sans réelle perspective d'avenir et qui, plus grave encore, se sentent exclus de notre société.
Face à cela, le discours de ceux qui voudraient que la France se coupe du monde, rejette ceux qui ne seraient pas de « sang pur », repose sur cette vision tronquée de l'immigration et doit être condamné avec force par l'ensemble des responsables politiques que nous sommes.
L'histoire nous a enseigné que toute société vivant refermée sur elle-même était amenée à disparaître. Ceux-là même qui disent aimer la France nous proposent en réalité de la condamner à mort.
Nous ne devons donc pas avoir peur de l'immigration : si elle est contrôlée, limitée, que les conditions d'accueil et d'intégration sont réunies et que ce processus d'intégration est lié à l'assimilation des valeurs qui font notre identité, alors elle peut permettre à notre société d'évoluer, de s'enrichir, sans pour autant y perdre en identité.
C'est ce que propose - enfin, ai-je envie de dire - votre projet de loi, monsieur le ministre, qui appréhende dans sa globalité cette question ô combien ! complexe et jusqu'ici taboue. C'est pourquoi je tiens à vous remercier d'avoir eu le courage d'aborder la question de l'immigration et, surtout, de l'avoir liée à celle de l'intégration.
L'enjeu est réel, puisque le projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration se propose de tenir compte de la diversité française et de son évolution naturelle. Au nom de mes concitoyens de Seine-Saint-Denis, je voterai ce texte, et je compte sur vous, monsieur le ministre, pour le faire appliquer de la meilleure manière possible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Bockel.
M. Jean-Marie Bockel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, enfin, la politique d'immigration de la France n'est plus une question taboue et fait débat.
Maire de Mulhouse, je connais bien - comme beaucoup d'entre vous dans vos départements respectifs - la réalité de l'immigration. Je sais ce qu'elle nous a apporté de constitutif de notre identité au fil des siècles, d'irremplaçable. Mais je sais aussi les difficultés croissantes d'intégration, les phénomènes de ghettoïsation, de repli identitaire, qui ont notamment comme origine l'absence d'une organisation durable et structurée de l'immigration.
Certains diagnostics sont partagés, du moins sur le terrain. Ils ne valent pas accord nécessaire sur les solutions proposées par la droite. Ils constituent en revanche un défi pour la droite, qui se trouve aujourd'hui en échec sur cette question, mais aussi pour nous, la gauche.
Par-delà la nécessaire critique du projet de loi, il nous faut proposer un discours et une pratique à la hauteur des enjeux. Nous opposer, oui, mais en donnant une perspective plutôt qu'en restant sur un statu quo inacceptable.
Rappelons d'abord quelques principes simples : le mythe de l'immigration zéro a vécu, l'arrêt des flux migratoires n'est ni possible ni souhaitable. Il nous faut donc définir une politique ouverte, humaine et raisonnée, mais aussi ferme, de maîtrise des flux migratoires.
M. Jean-Marie Bockel. L'élaboration de normes communes européennes, déjà esquissées en matière de droit d'asile, se fait encore attendre. Le travail d'harmonisation nécessaire est lent et difficile. Il reposera aussi sur le succès de politiques, encore largement du ressort national, qui auront fait leurs preuves.
Pour prendre un exemple, en matière d'immigration familiale, il nous faut trouver la bonne mesure entre responsabilité et générosité. Les critères retenus doivent favoriser une insertion réelle dans la société française. Attention à ne pas installer de nombreux étrangers dans une instabilité juridique multipliant les sans-papiers, qui ne seraient ni régularisables ni « expulsables » ! En tant que maires, nous sommes régulièrement confrontés à ces situations inextricables.
Évitons aussi, par un système trop compliqué, de faire surgir régulièrement le mauvais et éternel débat des régularisations massives, qui ne règleront rien, au contraire ! Autant la régulation de l'immigration est nécessaire et légitime, autant la rhétorique de l'immigration choisie installe une ambiguïté, voire un fantasme de contrôle absolu, qui n'existe nulle part.
M. Bernard Frimat. Très bien !
M. Jean-Marie Bockel. Attention à ne pas mettre en place un mécanisme trop lourd et trop complexe, qui pourrait devenir une machine à clandestins !
Permettez-moi, au-delà du nécessaire devoir de critique d'un texte critiquable, de plaider pour une politique d'immigration concertée. Qu'elle soit qualifiée ou non qualifiée, qu'elle vise à une intégration durable ou à la meilleure fluidité des échanges et des nécessaires allers-retours, la nouvelle politique de l'immigration qui reste à définir devra reposer à la fois sur une prévision dynamique des besoins, un système clair et transparent d'évaluation des candidatures à l'immigration et la valorisation des possibilités réelles d'insertion.
En fait, plutôt que des quotas - ce qui constitue mon seul point de désaccord avec le très bon rapport de Malek Boutih -, il faut définir une règle du jeu avec des critères connus et acceptés, qui apportera enfin, avec rigueur et souplesse, la clarification tant attendue, à l'instar d'ailleurs de ce qui se passe dans de nombreux pays démocratiques, y compris en Europe.
Il ne faut pas faire entrer la réalité dans des cases sous peine de rigidité, de bureaucratie, loin des besoins réels. Il importe au contraire que la définition de cette règle du jeu, de cette méthode, fasse l'objet, après évaluation et débat réguliers, d'une concertation périodique à tous les niveaux, c'est-à-dire au sommet - l'État, le Gouvernement, le Parlement - et à la base - acteurs économiques, sociaux -, et d'un dialogue tourné enfin vers le codéveloppement avec les pays d'émigration.
Oui, une politique d'immigration de la France clairement définie et intelligemment appliquée contribuera à relancer une intégration à la française actuellement en panne. Chacun pourrait citer des exemples, que nous vivons au quotidien malgré tous les efforts que nous faisons dans nos villes pour réussir cette intégration. Aujourd'hui, la situation sur le terrain n'est pas bonne et je ne la vois pas s'améliorer depuis quatre ans.
Pour réussir, il faut de la détermination, de la clarté, de la fermeté et de la générosité. Mais il faut aussi que la politique proposée soit comprise par tous et donc acceptée, ici et ailleurs.
Pour y parvenir, sans angélisme ni démagogie, il reste du travail à accomplir tant à droite, dont la démarche actuelle n'est pas aussi fédératrice qu'il le faudrait sur un tel sujet - il est des moments où l'on devrait pouvoir se retrouver sur l'essentiel - qu'à gauche. En effet, il faut que notre critique utile des faiblesses et des risques de votre texte soit bien vite confortée par un projet clair, lucide, conforme à nos valeurs, les valeurs de la République, et effectivement applicable à cette question majeure pour la cohésion de la France, afin que l'on puisse à nouveau un jour dire, en étant compris dans notre beau pays et dans nos cités, que l'immigration est une chance pour la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pour bien comprendre le problème de la maîtrise des flux migratoires, il faut avoir présent à l'esprit ce qui s'est passé sur notre planète depuis au moins un siècle : la population mondiale a triplé.
J'ai connu le monde qui exploitait sans compter les ressources dans le cadre d'une croissance continue. J'ai connu l'Europe d'après-guerre, qui était coupée en deux par le mur de Berlin. Aujourd'hui, je constate que le défi démographique mondial est le premier défi à relever. Dès lors, vouloir examiner le problème des flux migratoires en France uniquement par le petit bout de notre lorgnette nationale reviendrait à dénaturer ce problème, qui est d'ordre mondial.
J'ai connu une Europe protectrice et prospère. J'ai également connu une Europe entrant aveuglément dans la mondialisation au point de devenir l'espace le plus libéral qui soit ; c'est Mandelson qui le dit ; l'Europe « hypermarché » ne protège plus ses producteurs. Or, grâce à Schengen, je vois des gens qui quittent l'Afrique, qui arrivent en Espagne, et qui peuvent ensuite circuler.
Vouloir faire de ce projet de loi un concentré de vices, c'est nier une réalité que nous subissons depuis de nombreuses années sans appliquer de solutions pragmatiques. Ce texte n'est ni un concentré de vices ni un concentré de vertus ; c'est une approche pragmatique et adaptée à la France de solutions qui sont appliquées dans de grands pays démocratiques. Je vais d'ailleurs vous donner un exemple de ce que je suis en train de mettre en place à la Réunion.
En 1981, l'alternance s'est produite, et c'est tant mieux ! La gauche triomphante a alors pris deux décisions en matière d'immigration.
Tout d'abord, elle a dit aux Domiens de retourner vivre et travailler au pays. Comme 12 000 jeunes par an arrivent sur le marché du travail et qu'il y a 5 000 emplois, le nombre de chômeurs a augmenté et plusieurs générations se sont retrouvées concentrées dans les logements. Résultat : en 1991, le quartier du Chaudron a connu une explosion sociale !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Et voilà !
M. Jean-Paul Virapoullé. Quand nous sommes arrivés au pouvoir, nous avons rétabli la mobilité vers l'Europe. Aujourd'hui, nous sommes en train de la mettre en place vers l'Australie.
Ensuite, la gauche a prôné le regroupement familial. Résultat : un appel d'air a concentré dans les banlieues plusieurs générations. Ainsi, vingt-deux nationalités différentes se sont retrouvées dans une même classe face à un instituteur ou à une institutrice n'ayant pas l'expérience professionnelle pour enseigner à ces enfants. Et au nom du « vivre ensemble », de la justice, de la générosité, et avec un peu d'hypocrisie aussi, on a annoncé qu'ils allaient réussir, puisqu'ils étaient en France et qu'ils avaient droit à la scolarité obligatoire.
Croyez-vous qu'en se retrouvant dans une classe du primaire où l'on parle vingt-deux langues différentes et face à un instituteur qui n'a pas d'expérience professionnelle un enfant a les mêmes chances de réussir que lorsque la carte scolaire lui permet de suivre un enseignement dans une école du 6e ou du 5e arrondissement de Paris ? Il est bien évident que non !
M. Jean-Paul Virapoullé. Je le dis aux faux Samaritains : ne nous donnez pas de leçons de vertu ! Nous ne prétendons pas que cette loi résoudra tous les problèmes.
M. Bernard Frimat. En cela, vous avez raison !
M. Jean-Paul Virapoullé. Elle ne résoudra pas le problème de l'appauvrissement des continents les plus pauvres. Mais, en la matière, la gauche ne peut pas donner de leçon à la droite.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Il mélange tout !
M. Jean-Paul Virapoullé. Je vous le rappelle, les accords de Marrakech dans le cadre du dérèglement du commerce ont été signés sous la présidence de François Mitterrand, qui était un président de gauche. (Mme Lucette Michaux-Chevry approuve.)
Le cycle de Doha a été mis en place sous une présidence française de gauche. Les gouvernements socialistes et communistes ont signé tous les accords de l'OMC. (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Cela vous fait sourire, mais vous devriez en avoir honte !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Quel est le rapport ?
M. Jean-Paul Virapoullé. Moi, je suis favorable à une autre mondialisation : une mondialisation loyale, qui respecte les hommes. Celle-là n'est pas loyale !
Lorsque l'on autorise un continent comme la Chine, qui n'est pas un régime démocratique, à jouer avec la monnaie, à ne pas respecter les droits de l'homme, à faire travailler des enfants dans des conditions inhumaines, on aboutit à supprimer des pans entiers de notre économie. Ces accords-là doivent être revus ! Ils sont la source de l'appauvrissement des pays africains.
Quand on a supprimé les quotas en matière de textiles dans l'accord multifibre, que s'est-il passé ? Les pays du Maghreb et l'île Maurice ont vu leurs usines fermer.
Ce soir, j'ai entendu prononcer le mot « codéveloppement » aussi souvent que l'on dit « amen » dans une cérémonie religieuse. Mais ce terme ne veut rien dire ! L'Europe avait créé le statut des États ACP, Afrique, Caraïbes et Pacifique. (Mme Lucette Michaux-Chevry approuve.)
M. Pierre-Yves Collombat. Les accords ACP, c'est Claude Cheysson !
M. Jean-Paul Virapoullé. Grâce à ce statut, ces États avaient des quotas de production, et l'Afrique « sortait la tête de l'eau ».
Dans le cadre de l'OMC, on a fait disparaître le statut ACP. Aujourd'hui, au nom de l'OMC, on tue la banane martiniquaise et le sucre de l'île Maurice.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne faut pas exagérer : ce n'est pas la gauche qui a inventé l'OMC !
M. Jean-Paul Virapoullé. Mon cher collègue, c'est sous la présidence de François Mitterrand que l'OMC a pris son ampleur !
M. Pierre-Yves Collombat. Et cela a beaucoup changé avec la droite !
M. Jean-Paul Virapoullé. Si j'avais le temps, je citerai les dates et les noms de ceux qui ont signé.
Certes, nous y avons participé, mais c'est vous qui avez la plus grande part du péché ! (Rires sur les travées du groupe socialiste.) Il faut que les choses soient claires !
Et lorsque j'ai vu que c'est vous qui aviez signé les accords de Marrakech, je suis tombé à la renverse !
Pourquoi cette loi s'impose-t-elle aujourd'hui ? Elle ne traite pas le problème sur le plan mondial, ni même sur le plan européen. En effet, quand nous avons signé les accords de Schengen, qui tendent à instituer la libre circulation entre les pays d'Europe, nous aurions dû prévoir un dispositif pour protéger nos frontières maritimes. Or tel n'a pas été le cas !
Certes, une coordination européenne existe, mais elle n'est pas suffisamment efficace. Nous avons besoin - ce sera ma suggestion, monsieur le ministre - d'une coordination européenne efficace au niveau de nos frontières maritimes, afin que ce qui se passe aujourd'hui à Ceuta, à Melilla ou aux Canaries n'arrive plus.
Par ailleurs, si nous ne faisons rien sur le plan national, nous aboutirons à l'effet inverse de l'objectif de cohésion et d'intégration qui a été exprimé sur les travées de cette assemblée. En effet, cela suppose l'équilibre. Cela suppose que chaque famille puisse vivre dans un logement. Cela suppose que les enfants puissent aller à l'école, apprendre à lire, à écrire, à compter, à parler français, apprendre un métier et travailler. Cela suppose un traitement personnalisé. Un flux anarchique ne permet pas d'adapter un traitement personnalisé et favorise les ghettos, où les enfants seront exploités par des réseaux de dealers et des trafiquants de toutes sortes, et vous en ferez contre leur gré les gangsters de demain !
Par conséquent, ne jouons pas les faux Samaritains ou les hypocrites : cette loi permet de réelles avancées en termes d'intégration et de cohésion sociale dans notre pays !
M. Bernard Frimat. Ce n'est pas vrai !
M. Jean-Paul Virapoullé. De ce point de vue, nous devons la soutenir, notamment le fait d'imposer des critères de choix en matière d'immigration.
Je me suis récemment rendu à Perth, en Australie, sur l'invitation du gouvernement de l'État du Western Australia. Mes hôtes m'ont tenu le discours suivant : « Cent Réunionnais sont venus étudier chez nous. Ils s'intègrent bien. Désormais, nous ouvrons un bureau à Perth et notre objectif est de mille étudiants. »
Toutefois, ils m'ont bien précisé que je ne pourrais pas être concerné parce que j'étais âgé de plus de quarante ans et qu'ils n'acceptaient pas les personnes ayant dépassé la quarantaine. Car ils ont établi une grille : sont pris en compte l'âge, le métier que l'on souhaite apprendre, le niveau de qualification et la nationalité du pays d'origine. Celui qui obtient le nombre de points requis est accepté. En revanche, l'étudiant qui ne fréquente pas la faculté est raccompagné à l'avion.
J'ai expliqué cela aux étudiants réunionnais, aux jeunes de ma commune. Ils ont alors exprimé le souhait d'ouvrir un bureau d'emploi à Perth.
Qu'y a-t-il là de raciste, de rétrograde ou d'inhumain ? Un pays d'accueil a le droit de passer une convention humaniste avec une personne qui souhaite s'y installer. C'est précisément ce que propose Nicolas Sarkozy dans son projet de loi !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Pas du tout !
M. Jean-Paul Virapoullé. Lorsqu'un individu souhaitera venir travailler chez nous, le consul donnera son accord s'il y a effectivement du travail.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais non ! Ce n'est pas au consul que cette mission est confiée !
M. Jean-Paul Virapoullé. C'est l'immigration maîtrisée !
Ensuite, si cet individu qui travaille en France souhaite être rejoint par sa femme et ses enfants, la loi prévoit qu'il faudra examiner s'il dispose ou non d'un logement, s'il vit du trafic de drogue ou du fruit de son travail. S'il vit du fruit de son travail, s'il dispose d'un logement et s'il remplit toutes les conditions humaines pour pouvoir accueillir sa femme et ses enfants, ceux-ci seront acceptés. On lui demande simplement, à l'instar de tous les pays du monde, de respecter la loi !
Comment y voir du racisme, de l'électoralisme ou des arrière-pensées ? Ce que nous faisons aujourd'hui, vous auriez dû le faire hier !
Cette loi est adaptée pour la Métropole. En revanche, s'agissant de Mayotte et des départements d'outre-mer, elle ne va pas assez loin. Je suis d'accord avec mes collègues Adrien Giraud et Soibahaddine Ibrahim : Mayotte est dans une situation exsangue ! Si l'on est démocrate, on doit comprendre que les Mahorais ont voté pour rester français, comme nous-mêmes nous sommes battus pour le demeurer. À partir de ce moment-là, il n'y a pas de raison qu'ils soient envahis et que l'équilibre social de leur pays soit détruit.
Je souscris donc tout à fait aux propos qu'a tenus notre collègue Soibahaddine Ibrahim sur la nécessité de développer les Comores, de protéger Mayotte et de mettre en place des dispositifs adaptés en Guadeloupe et en Guyane.
En effet, avec sa marée verte et sa marée bleue, la Guyane est sur le point d'être asphyxiée. Bientôt, il y aura plus d'étrangers que de Guyanais, y compris des étrangers violents, issus de pays tels que le Guyana, notamment de ses prisons. Faites un tour le soir à Cayenne sur la place des Palmistes et vous pourrez constater le danger qui y règne !
Mes chers collègues, nous avons été élus pour faire le bonheur d'un peuple : celui de France. Cela signifie que nous devons non pas rejeter les autres peuples, mais les accepter avec humanisme, générosité et réalisme.
La charité ne consiste pas à remplir hypocritement un devoir d'accueil mal conçu. Nous devons traiter les autres comme nous aimerions être traités nous-mêmes ! C'est pourquoi je soutiendrai ce projet de loi. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.
M. Charles Gautier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite souligner une particularité intéressante de ce texte.
La précédente loi sur le même sujet est entrée en application voilà trois ans. Elle était censée régler les problèmes de l'immigration clandestine et de la double peine. Pourtant, aucun bilan de sa mise en oeuvre n'a été établi. Pis encore, certains décrets indispensables à l'application de ce texte ne sont jamais parus.
Si une nouvelle loi portant exactement sur le même sujet est nécessaire, c'est bien parce que la première n'a pas été efficace. Dès lors, on peut se demander si on a vraiment cherché à la rendre efficace.
La double peine, qui était censée ne plus exister, continue cependant à toucher de nombreux étrangers. Quant à la notion de « pays d'origine sûr », elle reste inacceptable. Il faut un examen au cas par cas, en fonction des particularités de chaque demande. Sinon, on assiste à une rupture du pacte républicain.
Monsieur le ministre - en fait, je m'adresse au ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire ; vous lui transmettrez mes propos -...
M. Charles Gautier. Je le sais, mais je vais faire allusion à des propos qui ont été tenus par le ministre d'État. Votre délégation ne va pas jusqu'à vous attribuer ses propos.
M. Charles Gautier. Le ministre d'État évoque souvent les incendies des squats parisiens de l'été dernier. Mais, curieusement, dans ce projet de loi, rien n'est prévu pour le logement des familles de demandeurs d'asile ou en situation irrégulière. Dès lors, avec ou sans ce projet de loi, de tels drames pourront se reproduire.
En fait, vous cherchez seulement à détourner l'attention des Français de vos propres échecs et de ceux de votre gouvernement. Je dis bien « vos propres échecs » ! En effet, en matière de sécurité, vos propos n'ont cessé d'attiser une violence urbaine déjà perceptible. Ils ont peut-être réussi du point de vue de l'audimat, mais ils n'ont rien réglé sur le fond.
J'évoque également les échecs du Gouvernement, car celui-ci n'agit qu'en faveur des privilégiés, précarisant dans le même temps toujours plus les plus fragiles.
Ce projet de loi s'inscrit dans la même veine. Vous précarisez les gens honnêtes au motif que quelques-uns fraudent. Ce n'est pas normal, mais c'est maintenant devenu une habitude de votre gouvernement.
De nombreuses critiques ont été exprimées précédemment par mes collègues. C'est pourquoi je me limiterai à quelques points précis.
Lorsque vous tentez de nous expliquer vos mesures afin de rendre plus difficile l'acquisition de la nationalité française pour les conjoints de Français, vos propos sont caricaturaux ! Grâce à un discours simpliste et démagogique, auquel nul ne peut spontanément s'opposer, mais qui est en réalité basé sur des contrevérités, la vie des couples mixtes va devenir une angoisse de chaque instant. Même sur les travées de l'UMP, certains trouvent que vous allez trop loin !
Il en est de même s'agissant du regroupement familial : vous revenez quarante ans en arrière ! Vous nous ramenez à l'époque où la France faisait venir des hommes seuls pour pallier le besoin de main d'oeuvre pendant les Trente glorieuses.
En outre, la pire des dispositions du texte est sans doute la carte de « travailleur temporaire », qui autorise des étrangers à venir travailler en France pour une durée de trois ans, mais à la condition qu'ils ne résident pas plus de six mois par an en France. Que sont-ils censés faire le reste du temps ?
M. François-Noël Buffet, rapporteur de la commission des lois. Ce sont des saisonniers !
M. Charles Gautier. Mes chers collègues, dans tout ce projet de loi, l'immigré est réduit à sa seule force de travail. L'employeur a donc une toute puissance sur l'employé, qui est menacé d'expulsion si son contrat cesse. Les églises chrétiennes se sont d'ailleurs exprimées sur ce point : elles se sont dites touchées par de telles mesures, qui marquent une rupture avec les traditions humanistes de l'accueil des étrangers en France.
Pour nous, monsieur le ministre, vos assertions sur l'immigration « subie » et l'immigration « choisie » sont tout à fait scandaleuses.
Immigration « choisie », dites-vous ? Mais par qui est-elle choisie ? Et pour qui ? Choisir, c'est trier. C'est dégradant sur le plan des valeurs humaines.
Immigration « subie », dites-vous ? Mais elle l'est toujours, monsieur le ministre. Car ceux qui quittent leur pays le font toujours à contrecoeur, poussés par la misère. Ils sont à la recherche de ce qu'ils n'ont pas chez eux.
En réalité, monsieur le ministre, vous nous présentez un projet de loi qui, comme à votre habitude, n'a qu'un objectif électoraliste d'affichage ; vous cherchez à flatter l'opinion publique.
En revanche, ce texte dissimule des mesures restreignant les possibilités d'intégration et de séjour des étrangers en France.
Je prendrai pour preuve les déclarations publiques de M. le ministre d'État sur les quotas. Or ceux-ci ne sont même pas mentionnés dans le projet de loi. On sait pourquoi ! C'est tout simplement parce que le Conseil constitutionnel risquait de censurer de telles dispositions.
Pour finir, monsieur le ministre; on peut se demander pourquoi votre texte s'intitule : « Projet de loi relatif à l'immigration et à l'intégration ». L'intégration, tout le monde semble l'avoir oubliée ! Quelle est la mesure qui concerne l'intégration dans ce texte ? Le contrat d'accueil et d'intégration ne peut pas, me semble-t-il, remplir ce rôle. Devant l'absence de moyens proposés, nous sommes sceptiques sur la formation dont vous proposez l'institution.
Combien de projets de loi de circonstances, uniquement destinés à préparer les esprits pour les campagnes électorales à venir, envisagez-vous encore ? Vous utilisez l'État à des fins partisanes. Ce texte en est une illustration flagrante ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Legendre.
M. Jacques Legendre. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il n'est jamais facile de débattre publiquement des conditions dans lesquelles nous accordons ou nous refusons l'entrée dans notre pays. Notre tendance naturelle est évidemment d'accueillir, de nous ouvrir, et plus particulièrement lorsqu'il s'agit de pauvres et de démunis.
Et pourtant, nous savons bien que nous ne pouvons pas accueillir tous ceux qui se présentent alors qu'il n'y a pas de travail pour tous les Français.
Faire une différence entre le compatriote et l'étranger, c'est naturel. Ce n'est pas de la xénophobie, à condition, bien sûr, que les critères mis en avant soient exempts de racisme.
Puisque nous ne pouvons pas recevoir tous ceux qui demandent à venir vivre et travailler chez nous, il faut choisir dans la clarté. C'est la tradition de la République.
Je lisais récemment la remarquable biographie que M. Salomon Malka a consacrée à Emmanuel Lévinas, ce grand philosophe français né en Lituanie il y a exactement cent ans. Voici ce qu'il écrit : « En ces années d'entre-deux-guerres, la France n'a pas seulement vocation de refuge pour les migrants économiques, politiques, intellectuels venus de l'autre Europe. Et son magistère n'est pas que culturel. Elle représente un modèle d'émancipation et un idéal d'intégration. » Le mot est déjà là. « Devenir français, c'est entrer dans un pacte de langue, de civilisation et de valeurs qu'incarne la République. » C'est bien ce à quoi aspire Lévinas, qui déclare vouloir rejoindre « une nation à laquelle on peut s'attacher par l'esprit et par le coeur, autant que par ses racines ».
L'ambassadeur de France en Lituanie, consulté sur son cas, porte le jugement suivant : « Il résulte tant du dossier que des renseignements verbaux fournis par M. Lévinas qu'il s'agit d'un sujet remarquable. Dans ces conditions, la naturalisation de M. Lévinas présente pour la France un intérêt certain. »
Lévinas avait choisi la France, mais la France l'avait aussi choisi.
L'immigration choisie s'inscrit bien dans la tradition républicaine. Elle ne devrait pas choquer et, pourtant, elle pose problème.
En ma qualité de secrétaire général de l'Assemblée parlementaire de la francophonie, j'assistais récemment à Ouagadougou à la réunion de son assemblée régionale Afrique. Il y avait là douze délégations de parlements francophones d'Afrique et je dois dire que nous avons eu un débat assez vif. Quand nous voyons dans l'immigration choisie le contraire de l'immigration subie, c'est-à-dire illégale, nos amis africains y voient un tri élitiste, le choix des meilleurs au profit unique de l'ancienne métropole.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comme nous !
M. Jacques Legendre. C'est le rôle de la francophonie que d'être le lieu de débats sincères où s'opposent des intérêts légitimes.
Nos collègues du Mali, même s'ils ne l'avouent pas explicitement, défendent la possibilité pour leurs électeurs de venir travailler en France, légalement ou illégalement, car ils ont besoin des sommes gagnées en France et en Europe...
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. La voilà, la réalité !
M. Jacques Legendre. ... par les travailleurs maliens pour leur développement et l'équipement de leurs villages au Sahel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Jacques Legendre. Nous devons être conscients de ce que représenterait pour ces hommes courageux la perte de telles ressources, mais cela ne veut pas dire que nous devons accepter que ces ressources soient gagnées dans l'illégalité. En revanche, nous devons en tenir compte dans notre politique d'aide au développement. Et voilà où apparaît le co-développement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'apparaît pas dans le projet de loi !
M. Jacques Legendre. Nous en parlons souvent. Mais le faisons-nous suffisamment et efficacement ? La question ne s'adresse pas seulement au ministre de l'intérieur. Je suggère que nous parlions plutôt d'immigration « acceptée » que d'immigration « choisie ».
Quant à l'argument du pillage des cerveaux africains, je dirai sincèrement qu'il me semble souvent marqué d'une certaine hypocrisie. En effet, de nombreux étudiants africains, formés en français et aux méthodes françaises, formulent le souhait de pouvoir travailler en France, comme d'autres le font au Canada ou aux Etats-Unis, quand ils se sont laissés attirer par les universités américaines.
Oui, il faut permettre aux étudiants francophones, pas seulement africains, de travailler chez nous, car il est possible de faire coïncider leur intérêt, celui de notre pays et celui de leur pays d'origine, à condition qu'ils puissent ensuite repartir chez eux avec l'expérience acquise chez nous.
Et ne nous y trompons pas : la francophonie s'étiolera au XXIe siècle si le choix de se former en français n'ouvre pas la possibilité et ne donne pas une priorité pour travailler en France ou dans les entreprises françaises. Encore faut-il également que nous adoptions enfin une politique dynamique d'accueil des étudiants étrangers.
M. Jacques Legendre. Certains en Afrique ont compris ce projet de loi comme un refus d'accueillir en France des étudiants. Ce n'est évidemment pas le cas !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Si, c'est le cas !
M. Jacques Legendre. Nous devons refuser les faux étudiants, mais accueillir chez nous plus d'étudiants du monde entier, boursiers pour certains, étudiants à leurs frais pour beaucoup d'autres, parce qu'ils nous auront choisis sur ce marché très concurrentiel des études supérieures.
Dans ce domaine, nous sommes encore hésitants, timorés et souvent contradictoires. J'ai pu vérifier la réalité du parcours du combattant imposé par nos services à des élèves ou étudiants africains désirant venir étudier en France, à leurs frais et avec des ressources vérifiées. Ce n'est pas raisonnable ! (Mme Monique Cerisier-ben Guiga applaudit.)
Mais cela ne relève pas seulement de vous, monsieur le ministre. Il faut, là aussi, être pratique et réaliste. Pourquoi hésitons-nous à faire de l'enseignement supérieur, comme l'Australie et le Canada, un élément essentiel de notre rayonnement, mais aussi de notre balance des paiements ?
M. Jean-Paul Virapoullé. Bravo !
M. Jacques Legendre. J'ai commencé par évoquer la tradition républicaine de l'accueil, ce qu'elle permet à l'autre, mais également ce que la République attend de l'autre. Permettez-moi, pour terminer, de vous dire, et je suis convaincu que c'est votre conviction, que la France a besoin de l'Afrique, comme l'Afrique a besoin de la France.
Certains pays nous sont clairement étrangers. D'autres, en particulier en Afrique, ont choisi d'être indépendants - et nous devons, nous comme eux, tirer les conséquences de ce choix - mais gardent pour nous une empathie particulière. Cette relation particulière explique la difficulté d'un débat comme celui-ci, s'agissant de nos amis de l'Afrique et de la francophonie.
Respecter l'Afrique, quarante-cinq ans après les indépendances, c'est avoir avec elle une relation adulte, qui repose sur le respect réciproque, y compris en matière d'immigration. C'est justement dans la sincérité de cette relation adulte que nous vérifierons la permanence de notre amitié. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons devrait d'abord avoir une dimension internationale. Vous l'avez dit, mais vraiment pour la forme ! En effet, les dispositions qu'il contient sont contradictoires avec toute solidarité internationale. L'Afrique et les Africains sont la cible de votre projet de loi, non vos partenaires.
Perçu du sud, le discours de la France envers l'Afrique est marqué par la duplicité. Versant francophonie, le propos ruisselle de fraternité, d'humanité. On célèbre l'union de tous ceux « qui ont le Français en partage ». Versant réforme du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le ton change : la venue des familles des Africains de France est indésirable. L'intention matrimoniale des conjoints étrangers de Français est systématiquement mise en doute. Le droit au séjour des migrants pauvres est fragilisé à l'extrême. Le séjour illégal devient un délit imprescriptible.
Les Africains ne supportent plus le double langage de la France. Ils vous ont dit, et ils nous ont dit, monsieur Legendre, à quel point ils ont été humiliés, révoltés par le discours que leur a tenu le ministre de l'intérieur. (M. Jacques Legendre fait un signe de dénégation.) Celui-ci a d'ailleurs dû réviser son propos, le temps de sa visite au Mali et au Bénin, et parler non plus d'immigration « choisie », mais d'immigration « concertée ». Et puis, ce soir, on est revenu à l'immigration choisie. Décidément, le double langage est vraiment de rigueur !
Les Français qui connaissent la condition de migrants ne peuvent être que scandalisés, eux aussi, par les dispositions que nous devons examiner. Qui d'entre nous, Français établis hors de France, supporterait, dans son pays d'accueil, la réciprocité des mesures prises par la France à l'encontre de ses immigrants ? Je pense en particulier au droit de vivre en famille, dont aucun pays au monde ne nous prive !
M. Bernard Frimat. Absolument !
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Je dirai un mot personnel sur la durée de validité des cartes de séjour. Comme mes compatriotes établis hors de France, j'ai longtemps vécu à l'étranger, en Tunisie, sous le régime de la carte de deux ans. Le passage à la carte de séjour et de travail de dix ans a changé notre vie. C'était une mesure de réciprocité à la suite de la création de la carte de résident par le gouvernement de Pierre Mauroy en 1982. Les démarches pénibles, et parfois humiliantes, au commissariat sont totalement sorties de nos esprits. Nous nous sommes sentis stabilisés et protégés. De ce fait, nous avons mieux accepté de nous adapter à une société qui nous était vraiment étrangère ; nous avons accepté de travailler à rester nous-mêmes tout en nous intégrant.
Je l'affirme : la carte de résident de dix ans en France, comme la carte verte aux Etats-Unis, sont les vrais outils d'intégration, car ils sécurisent l'étranger et rendent possible le lent travail d'adaptation psychologique et affectif qui est le lot du migrant. Cette carte est la condition de l'intégration, non une récompense, comme vous la concevez.
Par ailleurs, vous opposez la migration familiale à la migration de travail, alors que les familles ont vite fait de se transformer en travailleurs.
Comment les nounous africaines de nos blondinets parisiens sont-elles arrivées en France, si ce n'est au titre du regroupement familial ? Et les assistantes de vie, africaines elles aussi, de nos personnes âgées ? Personne ne les a « choisies » ! Elles ont rejoint leur famille, gagnent leur vie et jouent un rôle de plus en plus irremplaçable. Demandez l'avis de leurs employeurs blancs ! Quant à leurs enfants, ils vaincront les handicaps et les discriminations et mêleront leurs forces et leur intelligence à celles de nos enfants.
Un autre point mérite d'être abordé : cette loi est-elle applicable ? Est-elle destinée à être appliquée ? Vu de l'étranger, c'est non !
De nombreux consuls - plus de la moitié d'entre eux, d'après une lettre envoyée récemment au ministère des affaires étrangères - s'inquiètent ouvertement de la capacité de leurs services à faire face à l'alourdissement programmé de leurs missions.
Depuis 1986, la gestion des communautés françaises est devenue secondaire par rapport au contrôle migratoire. Le contrôle de la validité des mariages absorbe, depuis le décret de mars 2005, le temps et l'énergie des agents, au détriment de leurs autres missions. À nombre de visas constant, la généralisation du visa biométrique de court séjour doublera le temps de travail des services. (M. le président de la commission des lois se montre dubitatif.) C'est ce que disent plusieurs ambassadeurs !
Dans un contexte déjà tendu, l'établissement de visas de long séjour pour les conjoints de Français, pour les demandeurs de la carte « compétences et talents », pour les stagiaires, pour les volontaires internationaux - et j'en passe ! -, s'ajoutant au renforcement maniaque des contrôles, conduira à la thrombose des consulats. Les délais administratifs seront interminables et viendront s'ajouter à ceux que le projet de loi allonge à plaisir. On délivrera donc moins des différents types de visas. Mais n'est-ce pas là, en réalité, votre but, monsieur le ministre ?
En conclusion, je rappelle que les migrations ont toujours été douloureuses, dramatiques pour ceux qui s'y risquent, surtout s'ils sont pauvres, et difficiles pour les peuples d'accueil. Mais rendre systématiquement plus précaire la vie des étrangers en France ne rendra pas plus simple, plus paisible et plus prospère la vie des Français. C'est une illusion qu'il est facile de vendre, mais c'est une impasse.
La sécurité et l'avenir de l'Europe passent par le développement de l'Afrique. Monsieur le ministre de l'intérieur, la France a besoin de l'Afrique, contrairement à la déclaration provocante que vous avez faite au Mali. Et pour sortir du sous-développement, l'Afrique a besoin de ses migrants. Ce sont eux, en effet - vous l'avez dit, monsieur Legendre -, qui aident le plus leur pays d'origine par leurs apports financiers, dont les montants sont bien plus élevés que celui de l'aide publique au développement dont nous nous glorifions.
Alors - et, là, j'oserais à peine parler de « codéveloppement », si je n'empruntais pour finir les mots d'un grand Africain -, plutôt que de vieillir et de nous appauvrir derrière des barricades illusoires, créons des richesses communes, préparons un avenir qui nous soit commun - la planète est si petite et si menacée -, imaginons avec nos partenaires africains un véritable codéveloppement, pas un alibi. L'avenir, c'est ce que propose le Béninois Albert Tévoédjéré : « Les investissements pour l'invention commune et la maîtrise commune des infrastructures déficientes, pour l'eau, l'énergie et les communications sur tout le continent africain. Cette politique de codéveloppement que nul n'ose, c'est elle qui maîtrisera le flux migratoire. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Gouvernement a construit sa politique migratoire autour de quatre axes : restaurer le droit d'asile, aider et inciter les étrangers à s'intégrer, lutter contre l'immigration clandestine, harmoniser la politique européenne d'immigration.
Or j'ai le sentiment que, depuis quelques heures, nous parlons de l'immigration irrégulière comme d'un phénomène tout à fait normal. L'étranger en situation régulière sur le territoire français bénéficie de toutes les mesures de précaution, d'encadrement, de formation dont il a besoin. Mais les propositions drastiques que propose le Gouvernement, à juste titre d'ailleurs, sont nécessaires pour endiguer l'immigration clandestine qui dénature l'image de la France. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
J'ai beaucoup entendu parler de « coopération ». Ayons le courage de reconnaître que, dans ce domaine, notre pays a été exemplaire. La France, que ce soit en Afrique, dans les Caraïbes ou le Pacifique, a participé très largement aux fonds de coopération, et ses contributions financières ont été remarquables.
La France a mené une politique d'intervention humanitaire d'excellence dans la Caraïbe. Elle a, dans ce domaine, une longue histoire de générosité, de fraternité et de solidarité, mais elle ne peut plus, aujourd'hui, se permettre de mener des actions comme celles qu'elle a pu mettre en oeuvre autrefois.
Par ailleurs, il faut rappeler le rôle joué par notre pays - et nous devons en être fiers - lorsque des catastrophes naturelles se sont produites dans le monde. Ainsi, la France a été le seul pays à intervenir sur l'île de Montserrat, lors de l'éruption volcanique de la Soufrière.
M. Jean-Paul Virapoullé. C'est vrai !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Les Américains et les Anglais ont déposé leurs aides humanitaires dans l'île de Sainte-Lucie, que les Français sont allés récupérer afin d'aider cette terre abandonnée.
Prenons l'exemple d'Haïti.
Haïti, terre autrefois française, est devenue le pays le plus pauvre du monde. Certes, la France y conduit des actions tant aux niveaux économique et culturel que dans le domaine de la santé. De surcroît, n'oublions pas que c'est l'intervention de la France auprès des instances communautaires qui a permis à Haïti de bénéficier des fonds de coopération et du fonds européen de développement, malgré l'instabilité politique qui y règne.
Traiter du problème de l'immigration clandestine est donc pour moi l'occasion inespérée de parler du grave problème d'Haïti. En effet, dans cette île francophone, à une heure et demie de vol de la Guadeloupe, les États-unis, le Canada, l'Allemagne introduisent des politiques abracadabrantes, au détriment de la réalité locale. Dans ce domaine, la France, à travers les régions et les départements d'outre-mer, essaie de rétablir un juste équilibre.
Il est donc pour nous, Antillais, inacceptable de voir ce peuple, qui a partagé avec nous la longue histoire de la France, qui a été sur les champs de bataille, alimenter les filières clandestines de travailleurs que l'on retrouve chez nous, parfois entassés à dix ou quinze, dans une pièce de deux mètres sur trois.
Est-ce faire preuve de générosité de la part de la France que de permettre à des travailleurs affamés de se trouver dans nos îles et d'habiter dans des pièces sans eau, sans électricité ?
Est-ce faire preuve de fraternité que de contraindre des hommes à se cacher la journée et à ne sortir que le soir parce qu'ils sont arrivés chez nous clandestinement, sur des barques, dans des conditions difficiles, ou qu'ils circulent dans des véhicules sans assurance ?
Est-ce faire preuve de fraternité et de respect envers nos institutions que de garder sur notre territoire des Haïtiens en situation irrégulière, qui s'y maintiennent grâce à l'existence de structures parallèles ?
Nous ne pouvons tolérer que, à travers l'immigration clandestine sur les territoires français d'outre-mer, ce vivier de travailleurs clandestins qui survivent dans des conditions inacceptables, soit entretenue une véritable exploitation de l'homme par l'homme.
Ce texte ne saurait être parfait. Incontestablement, tout comme le monde bouge, il doit pouvoir évoluer. J'approuve les mesures prises par le Gouvernement pour lutter contre ces fléaux. Je soutiens l'intensification du combat contre les filières clandestines, notamment la multiplication des contrôles par les forces de l'ordre, qui commencent déjà, dans les territoires d'outre-mer, à produire des résultats, les actions de saisie des barques qui accostent la nuit de façon clandestine et l'immobilisation des véhicules terrestres.
J'ai beaucoup entendu parler de « coopération », de « codéveloppement ». La France a créé, sur l'initiative d'Alain Juppé, alors Premier ministre, l'Association des États de la Caraïbe afin d'établir une coopération de Cuba à l'Amérique du Sud et tenter ainsi de traiter les problèmes de codéveloppement. Quels en furent les résultats ?
Tout à l'heure, M. Jean-Paul Virapoullé a évoqué l'Australie. Mais, mon cher collègue, pour avoir le droit de séjourner dans la petite île de la Dominique, qui représente le quart de la Guadeloupe et est à cinq minutes de vol de Basse-Terre, il faut répondre à certains critères, car le Gouvernement est résolu à ne pas tolérer l'immigration clandestine.
Du reste, c'est un illustre ancien premier ministre socialiste qui, en visite à la Guyane, voilà déjà fort longtemps, avait dit, se rendant compte des conséquences de l'immigration dans ce département : « La France ne peut accueillir toute la misère du monde. » C'est vrai !
M. Jean-Pierre Sueur. Il faut citer la phrase en entier !
Mme Alima Boumediene-Thiery. « ...mais elle doit savoir en prendre fidèlement sa part ! »
Mme Lucette Michaux-Chevry. J'ai le texte parfaitement en mémoire !
Je considère qu'ouvrir des chantiers pour le codéveloppement est indispensable. Mais nous sommes confrontés aujourd'hui à une situation dramatique - n'ayons pas peur de le dire - qui prend racine dans le sentiment de certains Français de ne plus être chez eux. Les Domiens se sentent parfois considérés comme des étrangers sur le sol français.
Dans le passé, pour nous, Domiens, qui connaissions l'exclusion à travers les séquelles de l'esclavage entretenu par certains riches propriétaires békés, aller en métropole, c'était trouver une France généreuse où nous étions considérés comme tout le monde. Aujourd'hui, si l'on est un peu « coloré », il faut presque présenter sa carte d'identité pour que l'on vous croie Français !
Mme Éliane Assassi. Eh oui !
Mme Lucette Michaux-Chevry. La France a ouvert de façon trop brutale ses portes, ce qui a provoqué un choc des ignorances. Alors que certains Français ne connaissent pas réellement la France, le Domien qui, depuis l'enfance, connaît tous les méandres de la Seine, de la Loire, de la Garonne, « Cerisiers roses et pommiers blancs », se sent étranger en métropole, dans son propre pays.
Il faut avoir le courage politique de gérer ce problème, en imposant des conditions drastiques à l'entrée en France, en obligeant au respect de nos lois et de notre réglementation, en ne tolérant pas que, sur notre sol, des étrangers en situation irrégulière fassent ce qu'ils ne feront jamais sur leur propre territoire. Tel est le sens de ce texte.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel méli-mélo !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Cela peut paraître compliqué, mais il le serait encore plus de laisser vivre sur notre sol des hommes et des femmes dans les conditions actuelles.
Permettez-moi, monsieur le ministre, de prendre l'exemple de Port-au-Prince, capitale surpeuplée d'Haïti, où le régime Duvalier a fait venir toute la population et s'est entouré des gardes du corps nécessaires à une politique inhumaine.
Aujourd'hui, plutôt que de dire : « Dehors les Haïtiens ! », notre rôle, à travers les actions que nous menons, est d'apporter des solutions. Ainsi, nous travaillons actuellement, à la demande du ministre de l'intérieur, avec le nouveau président haïtien René Préval, à décongestionner Port-au-Prince et à permettre aux Haïtiens de retourner dans les zones rurales, afin de relancer l'agriculture, qui a été la fierté de ce pays, la pêche, le reboisement. Nous nous efforçons également de favoriser les échanges afin que les Haïtiens, qui sont riches sur le plan culturel, qui comptent de nombreux peintres et sculpteurs, apportent à la France leur savoir-faire.
C'est ce partage, cette coopération bilatérale, humaine, réfléchie, que nous devons promouvoir ensemble si nous voulons conserver un minimum d'exigence humanitaire, valeur fondamentale qui a fait la force de notre pays, la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.
M. Hugues Portelli. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le thème de l'immigration est devenu l'un des moteurs des peurs françaises de ces dernières décennies, c'est qu'il est corrélé avec d'autres débats sur la sécurité, l'emploi ou l'identité nationale. Reprendre ce débat en le retirant au quasi-monopole exercé durant vingt ans par l'extrême droite est un enjeu politique majeur, qui justifie que les partis de gouvernement abordent enfin sans complexe cette question.
Le législateur est dans sa mission lorsqu'il intervient sur de tels sujets. La gouvernance des flux migratoires est en effet - aujourd'hui encore plus qu'hier - l'un des attributs essentiels de la souveraineté. De même, le législateur est au coeur de ses missions lorsqu'il définit les conditions d'intégration dans la communauté nationale ou de l'accès au marché du travail.
Pour autant, il ne faut pas perdre de vue que le problème des flux migratoires n'est pas un problème purement national, qu'il est aujourd'hui mondial et qu'il doit être appréhendé à l'échelle européenne. Non seulement l'Union européenne est compétente en la matière mais, surtout, lorsque l'immigration clandestine concerne de nombreux États membres, à commencer par nos voisins immédiats, il est illusoire de penser régler le problème nationalement si nos voisins adoptent en la matière des politiques contradictoires avec la nôtre.
Enfin, avant d'être un problème d'ordre public, l'immigration est d'abord un problème humain, celui de millions d'hommes et de femmes chassés de leur pays par la misère et attirés non seulement par l'image de prospérité et de liberté que renvoient les États européens, mais aussi par la volonté de rejoindre leurs compatriotes qui les ont précédés. Ces hommes, ces femmes, ces enfants qui franchissent nos frontières et frappent à nos portes sont des êtres humains, nos égaux en dignité et en respect, et nous ne pouvons pas les traiter autrement qu'en les faisant bénéficier de nos droits et de nos procédures.
Légiférer en la matière réclame donc réalisme et équité : il faut écouter les élus locaux, qui sont quotidiennement confrontés à ces situations, et le monde associatif, qui humanise des situations souvent douloureuses.
Le phénomène n'est pas nouveau, mais, d'un point de vue juridique, il est longtemps resté en friche.
Depuis des siècles, la France est un pays d'immigration et l'immigration « sauvage » a toujours été le modèle dominant. Faute de politique migratoire définie par l'État, les migrants sont venus en France par leurs propres moyens, souvent clandestinement, avant que leurs familles ne les rejoignent.
Voilà quarante ans, jeune bénévole, j'ai connu des travailleurs portugais - ils sont aujourd'hui mes amis -, qui sont rentrés en France dans des camions-citernes, avec la menace d'être jetés en prison s'ils étaient pris par les polices de Salazar ou de Franco. Leurs femmes et leurs enfants les rejoignaient plus tard, franchissant les Pyrénées en soudoyant des passeurs. Hébergés dans des foyers, ou dans des bidonvilles, ils trouvaient - c'était le temps de la croissance - du travail au noir chez des patrons sans scrupule, avant d'être tôt ou tard régularisés.
L'immigration traditionnelle vers la France depuis plus d'un siècle, c'est cela ! Des millions de personnes à la recherche de travail et de liberté sont ainsi venus dans notre pays.
Aujourd'hui, la situation n'a pas fondamentalement changé ; l'immigration « sauvage » reste la règle, même si elle utilise tous les biais légaux possibles. En tant que maire d'une commune de banlieue, je signe presque chaque jour quatre ou cinq attestations d'hébergement pour des séjours de courte durée, alors que bien peu des bénéficiaires repartiront dans leur pays.
Des différences majeures caractérisent pourtant l'immigration actuelle. Une minorité de migrants vient chercher du travail, qui est devenu une denrée rare, notamment pour les emplois non qualifiés. Beaucoup sont d'abord des ayants droit, qui vivent davantage des prestations sociales que des revenus du travail.
Par ailleurs, leur intégration est plus difficile : leurs croyances et leurs modes de vie sont souvent différents du modèle français dominant, ce qui les contraint à une adaptation culturelle et sociale parfois difficile.
« Nous ne pouvons accueillir toute la misère du monde », avait reconnu en son temps Michel Rocard ; cette citation a souvent été reprise. De même, nous ne pouvons faire des promesses que nous ne pourrons pas tenir. Un devoir de réalisme s'impose donc à nous.
Parallèlement, nous n'avons pas le droit de favoriser la fraude et le trafic : que dire lorsqu'il nous est demandé, comme cela s'est récemment produit dans ma commune, de donner la priorité au relogement de squatters en situation irrégulière, au détriment de personnes très modestes, souvent immigrées, qui attendent depuis des années un logement social auquel elles ont droit ?
Le législateur doit donc en permanence distinguer le bon grain de l'ivraie, ceux qui veulent travailler et ceux qui trafiquent, qu'il s'agisse des allocations familiales, de faux baux ou de travail clandestin, ceux qui partagent ou veulent partager nos valeurs et font tout pour s'intégrer - c'est l'immense majorité des travailleurs immigrés - et les autres.
Il est vrai que cette distinction n'est pas toujours évidente. Pensons à ces femmes africaines sans papier des quartiers difficiles, qui ont souvent un réel désir de s'émanciper par le travail et l'intégration et qui doivent élever seules leurs enfants. Pensons également à ces hommes polygames qui travaillent, s'occupant réellement de leurs femmes et de leurs enfants ; j'en connais plus d'un dans ma commune. À leur façon, ils sont intégrés à notre société et leurs enfants, à coup sûr, le seront également.
Le devoir de l'État est donc de tout faire pour intégrer ces populations dans notre monde du travail et dans notre système de valeurs.
Pourquoi la France est-elle le pays d'Europe le plus sensible ou l'un des plus sensibles sur ce sujet ?
Tout d'abord, la société française est crispée, vieillissante, et a peur de l'autre. Du refus de l'Europe au refus de l'étranger, plus d'un signe traduit cette tentation chez nombre de nos compatriotes.
Cette attitude négative n'est que le côté obscur d'un besoin d'identité, de repères stables, alors que dominent le relativisme et la perte de sens. Ce délitement culturel et social est ressenti d'autant plus fortement que les institutions dont la mission est justement d'intégrer peinent toujours plus à jouer leur rôle, qu'il s'agisse de l'école, de l'armée ou des institutions religieuses.
Cette perte de cohérence et de capacité d'intégration se manifeste d'ailleurs par le décalage croissant entre citoyenneté politique, citoyenneté juridique et citoyenneté sociale.
Que de temps perdu à laisser la société se désagréger et l'immigration se développer de façon incohérente ! L'héritage des années socialistes est lourd. L'absence de politique de codéveloppement - le remplacement brutal de Jean-Pierre Cot par Christian Nucci fut symbolique ! -, de politique de l'immigration, de politique de l'intégration, tant dans les projets que dans les moyens, n'a fait qu'aggraver des tendances qui se dessinaient déjà.
Dans les années quatre-vingt et au début des années quatre-vingt-dix, il était tabou, « lepénisant », de parler des problèmes d'intégration liés à l'immigration, même si Laurent Fabius avait déclaré que « le Front national donnait de mauvaises réponses à de bonnes questions ».
Quant à la fuite des élites africaines, elle n'a pas commencé en 2006, avec ce projet de loi ; elle a toujours été la règle, même si la perte de l'attrait intellectuel de la France a limité cette tendance.
Face à une crise aussi profonde, même s'il est nécessaire de légiférer, une seule loi peut-elle suffire ?
Légiférer en la matière exige de suivre une méthode cohérente. Il s'agit tout d'abord de respecter l'ordre logique.
L'aide au développement est prioritaire si l'on veut limiter efficacement et humainement l'immigration sauvage. De même, une politique systématique d'intégration de ceux qui sont déjà en France est indispensable pour intégrer à leur tour les nouveaux arrivants. Pour que la politique de contrôle des flux migratoires soit efficace sur le long terme, elle doit être la conséquence et non le préalable de ces deux politiques.
« L'immigration choisie » doit l'être conjointement par l'État destinataire et par l'État d'origine. En effet, immigration et développement sont compatibles : les immigrés contribuent au développement du pays d'accueil et du pays d'origine, pour peu que nous facilitions, comme nous vous le proposerons, mesdames, messieurs les sénateurs, le réinvestissement dans le pays d'origine.
Il convient d'agir à l'échelle européenne et, par subsidiarité, à l'échelle nationale.
Bien sûr, la question est de savoir comment on peut définir des politiques publiques à vingt-cinq, surtout au lendemain de l'échec du traité constitutionnel. Comment relancer l'aide au développement, comme à la grande époque des traités de Lomé, avant que l'Europe ne se tourne vers l'Est dans les années postcommunistes ? C'est à la France de proposer aux États européens de regarder à nouveau vers le Sud, en y consacrant des moyens et en y apportant des méthodes radicalement nouvelles.
De toute façon, l'élaboration d'une législation purement nationale à l'heure des régularisations massives et irresponsables aux portes de la France risque de n'être très vite qu'un mur de papier. Peut-on définir seul une politique migratoire ? Oui, si l'Europe n'agit pas, mais sa mise en oeuvre se fera avec difficulté, faute de moyens, et ses effets seront limités et transitoires.
Pourtant, l'action entreprise depuis 2002 commence à donner des résultats.
Un bilan de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité a été dressé le 2 mars dernier et les résultats sont à saluer. Si l'on ne prend pas en compte les citoyens de l'Union européenne, on a pu constater, pour la première fois, la baisse du nombre des titres de séjour délivrés.
Ce nouveau projet de loi devra donner à cette tendance des bases durables.
Il convient, d'abord de renforcer l'intégration, grâce au contrat d'accueil et d'intégration et, surtout, aux conditions d'obtention de la carte de résident.
Il s'agit, ensuite, de renforcer la professionnalisation de l'immigration, le travail ou les études devant à nouveau être les bases sur lesquelles on apprécie la volonté des étrangers de séjourner sur le territoire français.
Il faut, enfin, renforcer les contrôles, notamment pour lutter contre les fraudes, tout en respectant les droits de la personne.
Les risques que comporte le texte ne doivent cependant pas être sous-estimés, notamment en ce qui concerne sa mise en oeuvre.
Faut-il agir sur les effets ou sur les causes ? Si l'on veut être efficace, il est nécessaire d'oeuvrer en faveur autant du codéveloppement que du contrôle de l'immigration.
Il convient également de ne pas tomber dans une démarche utilitariste, en définissant ensemble, avec les pays d'origine et le monde associatif, le bien commun en la matière.
L'étranger ne doit pas être considéré comme un moyen : nous devons veiller à ne pas porter atteinte à ses droits en tant que personne.
Au cours de cette lecture au Sénat, le projet de loi devra donc être amélioré.
S'agissant du codéveloppement, des accords de partenariat bilatéraux devront constituer le cadre obligatoire d'une démarche partagée entre pays d'origine et pays d'accueil.
L'approche européenne est également à approfondir, en transposant fidèlement, et en temps utile, les directives de l'Union européenne, qui doivent être !a norme, le droit français n'en étant que le complément subsidiaire.
Enfin, le projet de loi doit respecter le droit, et notamment les principes fixés par la Convention européenne des droits de l'homme.
Nous devons donner à ce texte sa vraie place, en considérant qu'il pose des jalons.
En attendant 2007 et un projet global centré sur le codéveloppement, un partenariat indispensable avec l'Afrique doit définitivement tourner la page du népotisme postcolonial.
Il s'agit d'oeuvrer pour une politique européenne de codéveloppement et de maîtrise de l'immigration, notamment avec les pays de l'arc méditerranéen, en n'oubliant pas que le contrôle de l'immigration se fait non seulement aux frontières métropolitaines, mais aussi aux frontières ultramarines.
Monsieur le ministre, ce projet de loi est nécessaire, car nous ne pouvons pas attendre que les vingt-cinq États membres de l'Union européenne se mettent d'accord dans cinq ans ou dix ans. Il est également courageux, car il ose aborder ce sujet en face. Il n'a été critiqué que par ceux qui n'avaient pas d'autres solutions à proposer, sinon le laisser-aller qui a conduit les Français à l'exaspération et de nombreux immigrés à la précarité (M. Bernard Frimat proteste.). Au demeurant, il doit être considéré comme une étape vers une politique ambitieuse en matière de codéveloppement et une politique européenne de maîtrise des flux migratoires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de revenir sur certains points de ce projet de loi.
J'aborderai tout particulièrement quelques problèmes pratiques relatifs aux mariages, aux hébergés et aux nomades. C'est mon expérience de maire qui me guide. Je dois souvent traiter de ces questions, sans en avoir les moyens, comme d'autres de mes collègues, d'ailleurs.
Concernant les mariages entre un Français ou une Française et un étranger ou une étrangère non européen, le fait d'obtenir automatiquement la nationalité française au bout de quatre ans est souvent l'une des raisons principales de ces unions.
M. Charles Gautier. Il ne croit pas à l'amour !
M. Serge Dassault. La suppression de l'obtention automatique de la nationalité française réduirait considérablement le nombre de ces mariages.
J'interviendrai sur ce sujet lors de l'examen de l'article 2 du projet de loi, car il faut en finir avec le principe d'obtention automatique de la nationalité française sous prétexte de mariage.
Pour un maire, il est choquant de marier un Français ou une Française avec un étranger ou une étrangère qui vit sans visa depuis plusieurs années parfois. Ce dernier ou cette dernière est hors-la-loi et devrait être reconduit à la frontière avant le mariage.
Monsieur le ministre, à l'article 1er, vous définissez en long et en large les dispositions générales relatives à l'entrée et au séjour des étrangers en France, mais vous semblez ignorer le cas des étrangers sans visa qui restent en France après avoir été hébergés, sans être inquiétés outre mesure, et qui veulent se marier. Quand on signale le cas au procureur de la République pour avoir son avis sur le fiancé ou la fiancée, en général il ne répond pas. Selon la loi, cela signifie aujourd'hui que, dans ce cas, il est d'accord, alors que cet étranger est peut-être un délinquant.
Le mariage ne devrait pas avoir lieu sans réponse du procureur. Qu'il dise « oui » ou qu'il dise « non », mais qu'il réponde ! Aujourd'hui, en l'absence de réponse, le maire est obligé de procéder au mariage au bout d'un mois ; c'est tout à fait anormal.
Cela m'amène à évoquer le cas des hébergés, qui a été traité dans la loi de 2003, mais qui, à mon sens, n'est pas ou peu abordé dans votre projet de loi.
En principe, un maire ne peut pas refuser l'obtention d'un visa de séjour de trois mois au maximum à un membre de la famille ou à un ami, si les conditions de logement sont suffisantes ; c'est la seule condition.
Mais rien n'est fait pour contrôler le départ de l'hébergé. En effet, aucune mention n'est portée sur son passeport des dates d'entrée et de sortie supposées, comme cela se passe aux États-unis. En outre, aucune sanction n'est prévue à l'encontre ni de l'hébergé ni de l'hébergeant. Il n'est pas encore muni de ce passeport biométrique dont M. le ministre parlait tout à l'heure et qui serait ici bien utile. Des contrôles de police au domicile de l'hébergeant, ou à défaut du facteur si la police ne peut intervenir, devraient permettre systématiquement de vérifier si l'hébergé est bien parti.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Parti où ?
M. Serge Dassault. Dans le cas contraire, il devrait y avoir des sanctions immédiates.
Quand ces hébergés clandestins se manifestent pour se marier à la mairie, on est obligé de procéder au mariage, car il faut, paraît-il, marier des personnes qui s'aiment, même si leur différence d'âge est importante. Seulement le fiancé clandestin aurait dû être expulsé avant le mariage, sa présence en France étant illégale.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et la liberté du mariage !
M. Serge Dassault. Cela serait fortement dissuasif pour éviter ce genre de mariage et, de plus, ce serait parfaitement légal.
Concernant les gens du voyage, il faudrait, dès leur arrivée dans une commune, faire procéder par la police ou la gendarmerie à des contrôles d'identité pour savoir d'où ils viennent. Ce n'est pas le cas. Un contrôle fiscal et financier devrait - pourquoi pas ? - être aussi exercé lorsque le luxe de certaines voitures ou caravanes contraste manifestement avec leur absence totale de revenus.
M. Charles Gautier. Hors sujet !
M. Serge Dassault. Les gens du voyage devraient aussi acquitter obligatoirement auprès de la commune qui a payé les installations un droit de passage ou de présence sur tout terrain aménagé à leur profit. L'abus de résidence des gens du voyage devrait également être sanctionné.
Un maire de mon département m'a récemment informé que, sur son canton, quatre communes au moins « bénéficient » de cette présence, totalisant ainsi près de quatre cents caravanes.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Ils sont Français !
M. Serge Dassault. Les services de gendarmerie sont dehors toutes les nuits, dit-il, et le climat général est selon lui détestable. Une trentaine de caravanes se sont installées, suite à un coup de force, dans sa propre commune. Alors que faire ? Personne ne bouge...
Enfin, il faudrait traiter le cas plus délicat des étrangers sans carte de séjour, vivant en colonie dans leurs véhicules. Ils stationnent totalement illégalement sur un terrain délaissé d'une commune. Ce ne sont pas des gens du voyage, car ils ne se déplacent pas ; ils restent là. C'est le cas actuellement dans le département de l'Essonne, et sans doute dans d'autres. En effet, des Roumains se sont installés sur un terrain ; ils saccagent l'environnement, coupent des arbres, en brûlent certains, et établissent un véritable camp. Ils vivent sans hygiène et apparemment sans ressources. Tout appel au préfet reste sans effet. Alors que faire ?
Dans le même temps, on voit les mendiants se multiplier dans les communes. Cela mécontente fortement nos administrés, qui s'étonnent qu'aucune autorité ne se manifeste pour régler ce problème dont la gravité ne peut qu'empirer. C'est pourquoi je proposerai dans les prochains textes sur la sécurité intérieure, notamment le projet de loi relatif à la prévention de la délinquance, des amendements sur ce sujet.
C'est de l'immigration clandestine caractérisée. Un contrôle à la frontière devrait empêcher ce genre d'invasion, d'autant qu'ils ne doivent quand même pas passer inaperçus !
A ce sujet, je voudrais vous lire le texte que m'a récemment envoyé l'un de mes administrés : « Monsieur le maire, j'aimerais savoir si vous avez les moyens de faire déménager le camp de nomades qui grossit de jour en jour. Au début, il y avait des caravanes ; maintenant, ils construisent des cabanes, sans parler des détériorations et des saletés. Le matin, quand je prends le RER, on se croirait dans les pays de l'Est.
« J'espère qu'en tant que sénateur-maire vous avez assez de poids pour mettre fin à cette situation qui empire de jour en jour.
« J'en parle en mon nom, mais également pour tout le voisinage. »
Je n'ai pas malheureusement pas le pouvoir qu'il m'attribue. Je peux intervenir, mais apparemment sans beaucoup d'effet. Enfin, il faut quand même essayer !
En tout cas, j'estime que nous devons décider ce qu'il convient de faire en pareil cas : soit on les expulse, car ils n'ont rien à faire là, soit on les accueille et on leur donne des logements, voire du travail. Mais il n'y en a pas pour nous, donc pas pour les autres. Il faut néanmoins agir et ne pas laisser perdurer une situation qui pourrait rapidement empirer et créer beaucoup de difficultés. Je voudrais bien savoir ce que le préfet peut faire.
Concernant le regroupement familial, j'ai cosigné avec mon collègue Jean-Patrick Courtois deux amendements qui sont essentiels.
Le premier vise l'intégration des étrangers et de leur famille. Après dix-huit mois de présence sur notre sol, tout étranger qui veut être rejoint par sa famille doit respecter les principes fondateurs de notre République, notamment la liberté de conscience et la liberté individuelle. Des familles sont parfois regroupées et les droits des enfants, des femmes, sont quelquefois bafoués par la polygamie. Pour rendre l'intégration possible, il faut que les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République soient pleinement respectés, ce qui n'est pas souvent le cas.
Le second amendement remet le maire au centre de la procédure de regroupement familial, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui. En effet, le maire est l'homme de terrain. Il a un vrai contact avec les étrangers qui veulent bénéficier du regroupement familial. Si ces derniers ne respectent pas les principes fondamentaux reconnus par les lois de la République, qui sont indispensables pour leur intégration, comme le respect des biens et des autorités, le maire est alors le mieux placé pour avertir l'autorité administrative compétente en la matière.
J'aimerais bien que, d'une façon générale, le maire ait un peu plus d'autorité pour assurer la sécurité. Aujourd'hui, contrairement à ce que croient les administrés, il a peu de pouvoir à ce sujet. « Monsieur le maire, vous savez tout faire. Par conséquent, vous pouvez empêcher cela. » Grave erreur, malheureusement ! Le maire n'a pas tous les pouvoirs qu'on lui prête.
Voilà les remarques et les quelques propositions que je voulais faire, monsieur le ministre, sur ce projet de loi dont j'apprécie d'ailleurs l'ensemble des dispositions.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur Sarkozy,...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il n'est pas là !
M. Serge Dassault. ... que vous avez déclaré cet après-midi « vouloir utiliser les méthodes qui réussissent ailleurs ». Ah ! Comme c'est bien ! Il a totalement raison et il faudrait étendre cette volonté à beaucoup de secteurs, car il y a beaucoup à apprendre d'un grand nombre de pays qui réussissent dans les domaines où nous ne sommes peut-être pas brillants ! (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. André Lardeux.
M. André Lardeux. Aristide Briand affirmait : « L'art politique n'est que de concilier le désirable avec le possible ». Cette réflexion, issue de sa longue expérience, pourrait s'appliquer à ce projet de loi qui tente d'approcher un équilibre toujours très difficile à trouver sur des sujets aussi sensibles que l'immigration et l'intégration des immigrés. C'est la raison pour laquelle je voterai ce texte que personne n'a la prétention de croire parfait, mais qui est sans doute ce qui est possible dans le contexte actuel, sous réserve de quelques amendements auxquels j'apporterai mon soutien.
Les controverses suscitées par ce texte ont montré que l'angélisme, d'une part, l'histrionisme, d'autre part, ont de beaux jours devant eux. Pourtant, deux nécessités rendent indispensable la régulation des mouvements migratoires. Bien sûr, ceux-ci sont inévitables pour des raisons démographiques et économiques, ce qui rend obsolète le rêve de l'immigration zéro, mais l'immigration est nécessaire pour notre développement, ce qui rend stupide l'absence de régulation et le maintien de la situation actuelle, laquelle est l'un des grands obstacles à la réussite de l'intégration.
À partir du moment où l'on ne peut ni endiguer, ni se passer des migrations, il faut donc essayer de les réguler.
Ceux qui, comme moi, sont attentifs à la pensée de l'Église catholique sur les sujets de société se sont interrogés pour savoir dans quelle mesure les réserves exprimées par l'épiscopat pouvaient orienter l'appréciation à porter sur ce texte.
Le souci d'humanisme et de charité est tout à fait louable et trop rare dans notre société ; aussi ne peut-on que le partager. Il m'a paru nécessaire de me référer au catéchisme de l'Église catholique qui, dans son paragraphe 2241, affirme : « Les nations les mieux pourvues sont tenues autant que faire se peut d'accueillir l'étranger en quête de sécurité et des ressources vitales qu'il ne peut trouver dans son pays d'origine. »
D'autres critiques émanant d'autres origines évitent d'être accompagnées de contre-propositions précises, sauf quelques-unes fondées sur un narcissisme moral qui consiste à dire : « Regardez comme je suis généreux avec ce qui n'est pas à moi. »
M. Jean-Pierre Sueur. Procès d'intention !
M. André Lardeux. Vous vous sentez visé, mon cher collègue ?
Ceux qui ont cette position ont tendance à confondre l'État avec la planète, la citoyenneté avec l'humanité. Tout le monde ne peut pas devenir citoyen français !
Les solutions proposées sont-elles moins conformes à l'impératif d'humanité que la situation présente ? Il est permis de ne pas le penser pour l'essentiel.
Laisser faire, c'est en grande partie accepter le jeu de passeurs sans scrupules ou de négriers exploiteurs de main-d'oeuvre corvéable à merci.
Laisser faire, c'est souvent légitimer, à défaut de légaliser, mariages de complaisance et polygamie. Monsieur le ministre, vous renforcez le rôle des consulats ; il faudra très certainement les doter des moyens humains convenables, aussi bien en quantité qu'en qualité.
Adapter le nombre de nos hôtes à nos capacités d'accueil et d'emploi est un impératif pour nous-mêmes, mais aussi pour ceux qui sont accueillis et qui doivent l'être dans des conditions décentes. Si l'on veut vraiment réussir leur intégration, il est indispensable de réguler les mouvements migratoires, sinon les immigrés connaîtront des situations de plus en plus indignes sur le plan humain et cela suscitera des réactions de rejet de plus en plus fortes, avec toutes les conséquences dramatiques que l'on peut envisager.
Il ne faut pas se contenter de parler des droits ; il faut aussi parler de devoirs. C'est ce qui élève l'homme au dessus de l'animal, car faire son devoir, c'est être libre. La France doit accueillir dans des conditions convenables les étrangers, mais ceux-ci, en contrepartie, doivent choisir la France pour s'y amalgamer.
Parmi les critiques émises, deux méritent particulièrement d'être examinées et sont d'ailleurs liées. Elles concernent l'aide au développement et la sélection des diplômés. Ce sont les plus fondées. Mais on ne réglera pas la question de l'aide au développement dans le cadre d'une loi, sauf à se contenter d'incantations. Les réponses à la dimension internationale des problèmes migratoires relèvent de la concertation entre États ou grands ensembles d'États.
A cet égard, on ne peut que regretter l'incohérence des pays européens qui pratiquent des mesures de régularisation à la « va comme je te pousse », sans souci d'accorder leurs violons, et se trouvent par la suite confrontés à des problèmes insolubles, comme nos amis espagnols qui ont oublié que « Dieu se rit de ceux qui déplorent des effets dont ils continuent de chérir les causes ».
On doit également s'interroger sur nos politiques d'aide au développement, quand elles existent, ce qui n'est pas toujours le cas ; les politiques agricoles et commerciales du Nord sont-elles une des causes des mouvements migratoires ? Peut-être.
Nos déficits publics, résultat du profond égoïsme de nos sociétés à l'égard des générations futures, sont-ils conformes à la solidarité que nous devrions manifester vis-à-vis des pays en développement ? Pas plus que nous ne devons financer notre prétendu modèle social à crédit, nous ne pouvons assurer une aide efficace au développement à crédit. En effet, le transfert de richesses vers les moins favorisés doit être réel et non virtuel. Si nous n'agissons pas sans tarder sur les causes des mouvements migratoires, et la France ne peut pas le faire seule, « le pas des mendiants fera trembler la terre » !
S'agissant des immigrés qualifiés, la réciprocité me semble nécessaire et être la règle de base pour résoudre cette question.
Vous avez, monsieur le ministre, essayé de répondre aux difficultés à venir sur un sujet éminemment sensible ; votre essai mérite d'être tenté, et je souhaite que l'application de cette loi soit la plus efficace et la plus humaine possible.
En dépit de ce que pensent les adeptes du multiculturalisme, l'amour de la France ne se négocie pas, et nul n'est tenu d'être Français. La logique du laisser-faire en matière d'immigration conduit à la ségrégation dans la mesure où ses considérants sont hostiles à l'unitaire et à l'universel. On ne peut pas superposer indéfiniment des « différences » sans se soucier du principe d'unité qui leur permettra de cohabiter ensemble. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Peyrat.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le Front national !
M. Jacques Peyrat. Bah !
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, du moins ceux qui sont agréables, mon temps de parole est limité ; on m'a menacé de sanctions terrifiantes si je dépassais les trois minutes qui me sont accordées ! Je ne vous lirai donc pas le beau discours que j'avais préparé. Toutefois, comme dans une cour d'assises, j'aurais souhaité que le tenu pour lu figurât au plumitif. Je me contenterai donc de faire deux remarques.
Tout d'abord, à cette heure avancée de la nuit, je vous livrerai une anecdote.
Je rentre du Canada où j'ai visité les villes jumelles de la ville de Nice. J'ai été reçu à Ottawa par le président de la commission des affaires étrangères du Sénat. Entouré de quatre ou cinq de ses collègues, il m'a posé la question suivante : « vous qui venez d'un pays qui est spécialiste dans le domaine de l'immigration, quelles sont les recettes que nous pourrions appliquer à notre pays ? » Je lui ai répondu, astucieusement, me semble-t-il, en ces termes : « vous qui êtes le représentant d'un pays spécialiste de l'immigration, dites-moi quelles sont vos recettes en la matière ? »
En vérité, cela signifie que le Canada est en train de revoir la question de l'immigration,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Allons bon !
M. Jacques Peyrat. Mais oui !
... alors qu'il compte 32 millions d'habitants pour un pays dix fois grand comme la France. Les Canadiens se posent donc, eux aussi, des questions, tout comme les Australiens, d'ailleurs.
Par ailleurs, le maire de Mulhouse a tenu des propos qui étaient, eux, au moins agréables à entendre ; je n'y ai vu aucune insulte larvée ni aucun mépris latent. Il a tout simplement affirmé que, en tant que maire, il a vu petit à petit l'immigration augmenter, comme je le constate également moi-même à Nice depuis onze ans. Cela signifie-t-il que la présence de ces frères, qu'ils soient d'Afrique, d'Asie ou du Proche-Orient, soit insupportable pour l'esprit, l'idéologie ou l'amour de nos concitoyens ? Pas du tout ! Cela veut dire tout simplement que la charge de la vie en collectivité devient infernale pour un maire.
Plus cette immigration s'intensifie, plus il faut construire de logements et les entretenir, plus il faut prévoir de lits dans les hôpitaux, alors que l'on cherche précisément à en fermer quelques-uns, estimant que leur taux de remplissage n'est pas suffisant pour pouvoir continuer à donner des soins. (Mme Nicole Borvo s'exclame.) Il faut des écoles plus vastes, et il revient au maire, au conseil général et à la région de construire des écoles, des collèges et des lycées. Il faut également revoir la question des haltes-garderies et des maternelles.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je vous dis qu'il n'a pas changé !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est incroyable !
M. Jacques Peyrat. Bref, tout cela a un coût considérable et, disons-le très clairement, nos populations - en tout cas, la mienne - ne l'acceptent pas de gaieté de coeur.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Soyons alors malthusiens et fermons tout !
M. Jacques Peyrat. Une de nos collègues a parlé très agréablement de ses origines. Souffrez que je vous dise, à mon tour, madame, qui je suis : je ne suis ni immigré, ni fils d'immigré ; je ne suis pas originaire des DOM-TOM, d'une île du Pacifique ou de l'Atlantique, je suis de ce pays, la France. Et il faut que je pense aussi à la France. C'est même le mandat qui m'a été confié, que la République m'a confié.
Sénateur de la République, maire d'une grande ville française, je suis obligé de mettre mes opinions personnelles de côté pour faire respecter la loi républicaine lorsqu'elle a été forgée.
Mme Bariza Khiari. Moi aussi !
M. Jacques Peyrat. Mais, lorsqu'elle ne l'est pas, il faut l'améliorer, et là, je suis à vos côtés, monsieur le ministre.
M. Bockel a indiqué que l'immigration constitue une chance pour la France. Mais la France est-elle une chance pour l'immigration ? Si nous parvenons à instaurer un équilibre, à faire en sorte que les uns et les autres y trouvent leur compte, peut-être par le biais de la loi, nous aurons réussi là où les autres ont échoué !
Monsieur le ministre, comme le disait Sénèque, « ce n'est pas parce que les choses sont difficiles que nous n'osons pas, c'est parce que nous n'osons pas qu'elles sont difficiles. » M. le ministre d'État a osé, vous avez osé, nous serons à vos côtés pour oser ensemble ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Après Le Pen !
M. Jacques Peyrat. C'est étonnant, vous êtes d'un spirituel ! J'en suis stupéfait !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous aussi !
M. Jacques Peyrat. Mais je ne me suis pas allié avec ceux qui ont fait cent millions de morts !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Qui sont-ils ?
M. Jacques Peyrat. Vous les représentez !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je vous en prie ! Qui représentez-vous ? Ceux qui ont enterré la République ?
M. Jean-Guy Branger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais m'exprimer ici non seulement en ma qualité de sénateur, mais également en tant que membre suppléant de la délégation parlementaire française de l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, membre de la commission des migrations.
J'ai d'ailleurs été, à plusieurs reprises, rapporteur, et M. Nicolas Sarkozy m'a fait l'amitié d'inaugurer une audition parlementaire que j'ai organisée ici, au Sénat, pour nos collègues européens.
S'agissant de la question de l'immigration, je distinguerai deux aspects que nous devons concilier, à savoir, d'une part, l'importance et le rythme des flux vers l'Europe et, d'autre part, les règles de l'accueil des immigrés et les politiques d'intégration.
Quant à l'importance et au rythme de ces flux, j'affirme nettement avec Nicolas Sarkozy que la distinction entre immigration régulière et immigration irrégulière est fondamentale.
Ceux qui croient que l'on peut, et même que l'on doit, dans un souci humanitaire, abolir toute distinction se trompent, et je dirai même qu'ils rendent un mauvais service à ceux qu'ils voudraient protéger. Est-il aussi besoin de préciser qu'une pression migratoire rendant impossible toute intégration socio-économique des nouveaux migrants déstabilise les régions d'accueil, avec le risque de provoquer des troubles comme ceux que nous avons connus à l'automne 2005 et, simultanément, fait augmenter le nombre des votes d'extrême droite exprimant le refus ?
J'ai encore en mémoire la déclaration de M. Harlem Désir lors d'une grande émission politique de la télévision : « Pour assurer une intégration harmonieuse des immigrés, il faudrait stopper l'immigration. » Cette déclaration date de 1983 ! Personne ne pourra me contredire !
M. Jean-Guy Branger. À l'opposé de cette thèse, et en excipant du déficit démographique déjà constaté dans plusieurs États européens, d'aucuns voudraient que l'Europe accueille tantôt vingt millions, tantôt cinquante millions d'immigrés d'ici à 2050.
Pour diverses raisons, nous savons que les migrants venus du Sud, et spécialement du Maghreb et de l'Afrique subsaharienne, ne choisiront pas pour destination les pays nordiques. Je vous laisse imaginer la difficulté d'assurer une intégration harmonieuse de ces millions de migrants nouveaux en France, en Espagne, à Malte ou encore, par exemple, en Sicile !
À l'heure où nos États connaissent déjà un fort taux de chômage et s'orientent vers une qualification toujours plus grande de leur main-d'oeuvre, avons-nous les moyens de résoudre les problèmes du Sud par une immigration massive sur le territoire européen ? Ma réponse est négative mais, pour autant, je ne préconise pas la fermeture des frontières.
Je suis de ceux qui soutiennent une vigoureuse politique de codéveloppement, spécialement en faveur de l'Afrique.
En tant que membre de la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes et membre de la commission de l'égalité des chances pour les hommes et les femmes à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, je voudrais insister sur le fait que les politiques doivent toujours être dirigées en premier lieu vers les femmes et les jeunes filles.
Le mythe de la famille africaine élargie n'a-t-il pas vécu ? Peut-il couvrir l'abandon des enfants des rues ou les risques mortels encourus par les candidats aux migrations illégales ?
Nous avons connu nous-mêmes, en Europe, des familles très nombreuses. Aujourd'hui, chacun aspire à un développement personnel. Croyez-vous que les jeunes Africains n'y aspirent pas ? Allons-nous longtemps croire et laisser croire que l'immigration en Europe est la seule solution pour résoudre leurs propres difficultés ?
Les politiques ont le devoir de veiller à l'avenir, et l'avenir, ce sont les femmes africaines qui le feront. Chaque jeune fille scolarisée apprendra à lire à ses enfants, à les soigner. L'éducation des filles est le seul facteur de maîtrise de la fécondité. Garantir l'éducation d'une famille moins nombreuse, c'est le gage d'une famille plus heureuse. Les organismes de coopération au développement, majoritairement composés d'hommes, sont encore largement insensibles aux difficultés que rencontrent les mères, sur lesquelles repose tout le poids des conséquences non seulement économiques et sociales, mais également personnelles, que représente une natalité qui est, à mes yeux, parfois d'un autre âge.
Le second aspect que je voudrais évoquer concerne l'approche juridique des flux migratoires.
En côtoyant les représentants des quarante-six États du Conseil de l'Europe, j'ai appris que les mesures proposées par notre ministre de l'intérieur sont les plus favorables des grands États européens. Plusieurs études de législation comparée réalisées au Sénat le démontrent.
Ainsi, la Belgique de se doter d'une nouvelle loi visant essentiellement les fraudes au régime d'acquisition de la nationalité belge. Édictée par un gouvernement de gauche, elle va très au-delà des dispositions qui nous sont aujourd'hui soumises. Il en va de même pour le gouvernement travailliste de Grande-Bretagne, qui vient de voter une loi en la matière.
Nous nous accordons tous à dire que le régime français doit d'abord respecter les droits de l'homme mais, s'il ne fait pas une distinction entre les fraudeurs et ceux qui respectent les lois, c'est tout le régime qui est discrédité, ce dernier fonctionnant alors comme un appel à la fraude et une incitation aux phénomènes de rejet mutuel.
N'oublions pas que nous sommes garants non seulement des droits de l'homme pour toute personne présente sur le territoire français, mais aussi de la paix sociale à laquelle ont droit tous nos concitoyens.
Avant de conclure, je veux rappeler, mes chers collègues, que la France accorde chaque année la nationalité française à 150 000 personnes environ.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Jean-Guy Branger. Pas un pays de l'Union européenne ne procède à la même démarche.
Oui, avec ce projet de loi, la France reste un grand pays généreux. Ce projet est courageux, empreint d'une grande lucidité, et n'est pas démagogique. Vous proposez, monsieur le ministre, de donner tout ce que vous pouvez ; c'est bien de ne pas proposer ce que l'on ne peut pas donner. Monsieur le ministre, votre projet de loi sera adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par vous !
M. Jean-Guy Branger. Par la majorité !
M. Bernard Frimat. Comme le CPE !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Cet après-midi, le ministre d'État a rappelé combien il avait souhaité que ce projet de loi soit à la fois ferme et juste, et ce autour de trois grands principes : l'immigration choisie ; l'affirmation d'un lien étroit entre l'intégration et l'immigration ; l'inscription de la politique de l'immigration dans une vraie stratégie de codéveloppement.
C'est autour de ces trois grands principes que les articles du projet de loi, que nous aborderons demain, ont été définis.
Je veux d'abord remercier votre rapporteur, François-Noël Buffet, du travail d'analyse et de proposition tout à fait remarquable qu'il a su conduire au sein de la commission, sous la présidence de Jean-Jacques Hyest. Monsieur le rapporteur, vous avez démontré avec talent que vous partagiez l'ambition du Gouvernement de promouvoir une vision positive de l'immigration. Le Gouvernement, vous le savez, se montrera favorable à la plupart des soixante-treize amendements que vous avez très justement proposés et qui améliorent le texte.
Je sais le soin scrupuleux qu'apporte la Haute Assemblée à assurer le respect des droits des étrangers. Cette préoccupation est aussi celle du Gouvernement, qui se montrera très ouvert aux améliorations que vous proposez s'agissant, notamment, des délais de recours juridictionnels ou des conditions dans lesquelles les mineurs se voient désigner un administrateur en zone d'attente.
M. Othily, en sa qualité de président de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine, nous a fait part des enseignements très utiles qu'il a tirés de cet important travail. L'explosion de l'immigration clandestine à Mayotte, mais aussi en Guyane et en Guadeloupe, compromet l'équilibre de ces territoires. François Baroin, au banc du Gouvernement, aura l'occasion de répondre point par point aux interrogations que vous avez soulevées.
Le projet de loi comporte d'ores et déjà, en ce qui concerne la Guyane, des mesures facilitant les efforts opérationnels des forces de police et de gendarmerie. Je pense aux visites sommaires de véhicules ou à la possibilité, pour le procureur de la République, d'ordonner la destruction d'embarcations fluviales non immatriculées ou l'immobilisation de véhicules terrestres.
Surtout, je veux souligner l'importance de notre action opérationnelle. En Guyane, au premier trimestre 2006, les instructions données au préfet par le ministre d'État ont porté leurs fruits : nous avons expulsé deux mille trois cents clandestins, ce qui représente une hausse de 160 % par rapport au premier trimestre de 2005. Les chiffes démontrent que le volontarisme produit des résultats, même si beaucoup reste à faire pour que ces territoires d'outre-mer retrouvent leur sérénité.
Mme Assassi s'est montrée, comme à l'accoutumée, une oratrice aussi passionnée que peu convaincante. Je ne me placerai pas sur le terrain polémique qui est le vôtre, madame la sénatrice, mais sur celui des faits, en relevant trois voeux, parmi vos propos, qui me semblent exaucés.
« Relogez les familles actuellement hébergées dans des taudis ! », demandez-vous. C'est ce que nous faisons.
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Je prendrai deux exemples.
Le 14 avril 2005, vingt personnes trouvent la mort dans l'incendie de l'hôtel Paris Opéra. Les survivants - trente adultes et trente enfants - ont tous été relogés.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par la mairie !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Voici un second exemple. Hélas ! le 26 août, l'incendie du boulevard Vincent Auriol faisait dix-sept morts. Nous avons relogé, sans délai, cent trente-neuf personnes.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il fallait agir auparavant !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Nous n'attendons pas ces tragédies pour agir !
Permettez-moi de vous dire que dans notre pays, et conformément aux lois de la République, la politique du logement relève prioritairement de la compétence des maires ou des présidents de communautés d'agglomération.
Mme Éliane Assassi. Pourquoi alors prétendez-vous avoir relogé ces gens ? C'est la mairie de Paris qui l'a fait !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Dois-je rappeler à la Haute Assemblée que, plus que tout autre, le Gouvernement développe un ambitieux plan de logement social ?
« Luttez contre les marchands de sommeil ! », demandez-vous encore. Je partage votre souhait. Aussi, je ne doute donc pas que vous voterez l'excellent amendement n° 141 rectifié, présenté par MM. Goujon et Karoutchi, qui va précisément dans ce sens.
Vous appelez le Gouvernement à développer « une vraie coopération avec l'Afrique ». Jean-Pierre Brard, à l'Assemblée nationale, avait émis le souhait que des mécanismes d'aide à l'épargne en faveur des migrants soient définis. L'amendement déposé par M. Pelletier et plusieurs de ses collègues permettra précisément de créer un « compte épargne développement », auquel le Gouvernement sera pleinement favorable. Je ne doute pas, madame Assassi, que les sénateurs assis sur les travées de gauche auront à coeur de le voter s'ils veulent mettre leur vote en accord avec leurs intentions affichées !
M. Badré a rappelé l'attachement de son groupe à la politique européenne. Nous partageons cette exigence européenne, avec pragmatisme.
Ainsi, c'est dans le cadre européen que nous concevons notre action en matière de lutte contre l'immigration clandestine. Le déploiement des moyens de l'agence FRONTEX, avec des patrouilles communes en Méditerranée, le développement de la biométrie dans les consulats et la création d'un système d'information sur les visas, le VIS, sont autant d'initiatives pour lesquelles, à Bruxelles, la France est au premier rang.
Pas plus tard que vendredi, à Luxembourg, où je représentais le ministre de l'intérieur, la France a obtenu un résultat considérable. Voilà plusieurs mois que nous essayons d'obtenir de la part de nos partenaires européens, essentiellement l'Espagne et l'Allemagne, l'autorisation de faire passer le coût des nouveaux visas biométriques de 35 à 60 euros afin de faire face à l'augmentation des dépenses y afférentes, de mutualiser - j'en reparlerai un peu plus loin - l'action de nos consulats à l'intérieur du périmètre de Schengen et, enfin, que nos forces de sécurité intérieure puissent utiliser l'ensemble du fichier Schengen ii avec les dix nouveaux pays entrants, notamment dans le cadre du contrôle de l'immigration clandestine.
La France a acquis sur ces différents points un vote unanimement favorable des partenaires de Schengen et des vingt-cinq. Il appartiendra bien sûr au Parlement européen de ratifier ces décisions dans les semaines qui viennent.
C'est aussi dans le cadre européen que nous menons des opérations d'éloignement. Je pense aux trente-quatre vols groupés que nous avons organisés depuis 2002 avec les gouvernements britannique, allemand, néerlandais ou espagnol.
L'Europe, c'est aussi, en matière d'immigration, un cadre de réflexion commune. Le « Livre vert » que la Commission européenne a récemment consacré à l'immigration économique est très proche, dans ses préconisations, de ce qui est proposé dans le présent projet de loi, avec les cartes « compétences et talents » et l'ouverture raisonnée du marché du travail.
M. Frimat a fait part, comme chacun s'y attendait, de l'opposition des sénateurs socialistes à la réforme qui vous est proposée. Je ne peux qu'en prendre acte : nos approches sont, il est vrai, très différentes. Nous revendiquons totalement cette différence.
Votre critique des objectifs quantitatifs d'éloignement que le ministre d'État a demandé aux préfets de respecter illustre parfaitement l'ampleur du désaccord. Entre 1997 et 2002, Lionel Jospin avait décidé de laisser filer l'immigration clandestine, comme on abandonne un navire à la dérive.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est faux !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. La régularisation massive de 1997 a été suivie d'un très faible nombre d'expulsions - six à sept mille par an. Nous avons tout simplement triplé ces chiffres, pour une raison évidente, mais qui vous avait échappé : force doit rester à la loi. Or, sauf exception, l'illégalité d'un séjour en France reste une illégalité. À quoi cela servirait-il d'avoir des papiers si l'étranger sans-papiers a les mêmes droits que l'étranger en situation régulière ?
M. Jacques Peyrat. Évidemment !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. C'est précisément parce que nous sommes fermes sur les principes que nous pouvons nous montrer ouverts et humains dans leur application. C'est précisément parce que nous refusons les régularisations globales que nous pouvons, comme le ministre d'État l'a rappelé dans son discours, envisager des admissions exceptionnelles au séjour, à titre humanitaire, pour prendre en compte, notamment, la situation de certains enfants scolarisés en France et dépourvus d'attache avec le pays dont ils ont la nationalité.
Notre politique est équilibrée et les Français la soutiennent. Nous sommes fermes à l'endroit de ceux qui ne respectent pas les règles de la République,...
M. Bernard Frimat. Guy Drut !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...mais justes à l'égard de ceux qui manifestent leur volonté d'aimer la France, de respecter ses valeurs, de s'intégrer à la vie de la cité.
Merci à Jean-Patrick Courtois du plein soutien qu'il a apporté au projet de loi, fort de l'expérience qui est la sienne en tant que rapporteur de la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité. Je le remercie en particulier d'avoir souligné l'importance de l'immigration de travail et la nécessité absolue de construire un vrai parcours d'intégration, comme le projet de loi le permet.
Le président Pelletier a souligné, avec l'autorité qui est celle d'un ancien ministre de la coopération, l'importance stratégique d'une bonne articulation entre la politique d'immigration et la politique de développement.
Je tiens d'ores et déjà à marquer le plein soutien du Gouvernement à deux amendements très importants que vous avez présentés, monsieur le sénateur.
Nous pensons, comme vous, que la carte « compétences et talents » ne doit être renouvelable qu'une fois lorsque son titulaire est originaire d'un pays en voie de développement. C'est ce à quoi vise l'amendement n° 106 rectifié bis.
Surtout, je tiens à indiquer que le Gouvernement se montrera favorable à l'amendement n° 510 rectifié quinquies, très novateur, que vous présentez avec un grand nombre de vos collègues, issus des groupes du RDSE, de l'UMP et de l'UC-UDF. La création d'un « compte épargne développement » concrétisera notre volonté d'aider vigoureusement les pays d'émigration - notamment ceux de l'Afrique subsaharienne - sur le chemin du développement.
Permettez-moi, enfin, de vous remercier, monsieur le sénateur Pelletier, du soutien que vous avez apporté au mécanisme de la Commission nationale de l'admission exceptionnelle au séjour. Vous avez souligné que cette instance devait contribuer à définir des critères d'admission au séjour explicites, souples, évolutifs. Telle est précisément notre intention.
Mme Dini a fait part de plusieurs propositions du groupe de l'UC-UDF pour lesquelles je tiens d'ores et déjà à la remercier.
En matière de regroupement familial, l'Assemblée nationale a adopté, sur l'initiative de Jean-Christophe Lagarde, un amendement permettant de moduler les conditions de ressources du demandeur en fonction de la taille de sa famille. Le président Mercier a présenté un amendement qui tend à améliorer le texte voté par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement y est favorable.
De même, nous nous félicitons de la réflexion que le groupe de l'UC-UDF a conduite pour améliorer le dispositif de l'admission exceptionnelle au séjour, défini à l'article 24 bis du projet de loi. Le Gouvernement sera très ouvert à vos amendements n°s 116 rectifié et 119 rectifié, qui permettront aux commissions départementales du titre de séjour de jouer à nouveau un rôle utile dans l'examen de certains de ces dossiers.
Je veux dire à M. Mermaz que nous pouvons, bien sûr, avoir des désaccords sur des options politiques. Mais essayons, pour la hauteur du débat démocratique, d'éviter de nous donner des leçons. Le respect des droits de l'homme n'est heureusement pas le monopole des élus de gauche. C'est le bien commun de tous les Républicains. Le présent projet de loi a été examiné par l'assemblée générale du Conseil d'État. N'est-ce pas une garantie du respect des libertés publiques ?
Je me garderai bien en outre, contrairement à vous, de me prévaloir de déclarations faites par tel ou tel responsable étranger et sorties de leur contexte. La politique d'immigration de la France, c'est au Parlement français qu'elle se définit ! Nous dialoguons avec des responsables de pays étrangers, mais chacun doit rester à sa place. C'est au Parlement de la France et à lui seul qu'il appartient de choisir la loi de la République.
Précisément, ce projet de loi prend en compte l'impérieuse nécessité du codéveloppement avec les pays d'origine. Le Gouvernement attend sur ce sujet décisif que chacun prenne ses responsabilités. Nous organisons une vraie circulation de compétences, dans l'intérêt de notre pays et dans celui des pays d'origine.
Monsieur Karoutchi, je vous remercie d'avoir brillamment rappelé dans quel contexte historique s'est définie, au fil des décennies, la politique d'immigration.
La vérité, c'est que les gouvernements n'ont pas fait de vrais choix depuis trente ans. La vérité, c'est que ce projet de loi rompt avec des décennies pendant lesquelles le débat a été confisqué par les extrêmes : « l'immigration zéro » d'un côté, « l'immigration sans limite » de l'autre.
Oui, notre choix consiste à assumer une régulation de l'immigration en nous dotant de nouveaux outils : des objectifs quantitatifs ; des cartes de séjour accueillantes pour les actifs, les talents ; enfin, des mécanismes de codéveloppement.
Monsieur Baylet, il n'est pas interdit de présenter deux projets de loi sur l'immigration au cours d'une même législature. En 2003, des outils de lutte contre l'immigration clandestine ont été mis en place : biométrie, rétention administrative, etc. En 2006, une stratégie d'immigration choisie est définie, qui suppose un effort d'intégration et une volonté de codéveloppement.
J'ai bien noté que vous mettiez l'accent sur l'intégration, et vous avez raison de souligner l'échec de nombreux gouvernements sur cette question. Avec la signature du contrat d'accueil et d'intégration, ainsi que la délivrance de la carte de résident subordonnée à l'intégration réussie, notre projet, pour la première fois, prévoit un vrai parcours d'intégration pour les immigrés qui souhaitent s'installer durablement en France.
Respecter les principes et les lois de la République et maîtriser la langue française, voilà les deux piliers de l'intégration.
Je dirai un mot, enfin, sur le regroupement familial. Vous nous parlez de droit européen. Parlons-en ! Notre réforme est en tout point conforme à la directive européenne de 2003.
Madame Boumediene-Thiery, je ne répondrai pas aux outrances qui vous tiennent lieu d'arguments, ni à cette longue et lassante énumération polémique. Je voudrais néanmoins corriger un point, qui me paraît particulièrement scandaleux. Je refuse, en tant que membre d'un gouvernement républicain, de vous laisser accuser d'arbitraire l'action des préfets et de l'administration ! Nous vivons dans un État de droit. Les fonctionnaires qui le servent sont trop attachés aux valeurs de notre République pour accepter d'être calomniés ! Je vous demande de les respecter !
Madame Khiari, vous nous avez rappelé que vous étiez une enfant d'immigré. Nous sommes un certain nombre, dans cet hémicycle, à être dans ce cas. Personnellement, je le dis avec émotion, je suis fils et petit-fils d'immigrés italiens.
Mon grand-père, arrivé à Nice au début du siècle dernier, aura attendu presque trente ans avant de pouvoir obtenir la nationalité française pour lui-même et ses enfants devant le syndic de Nice-Ouest et le préfet des Alpes-Maritimes. Il a dû démontrer qu'il était capable, par le fruit de son labeur, d'apporter sa contribution à la création de richesse et d'emplois, ainsi qu'à la cohésion sociale de notre pays. Il a également dû prouver que ses enfants avaient appris à l'école de la République à lire, écrire et parler le français correctement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Avec votre projet de loi, il ne serait pas resté en France !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Il aura fallu trente ans pour que mon grand-père puisse être fier et digne de faire partie de cette grande communauté républicaine qu'est la France.
Donc, en tant qu'enfant d'immigré, je suis bien placé -comme vous, madame Khiari - pour affirmer, en défendant les convictions et les valeurs qui sont les miennes, qu'une immigration choisie par rapport à une immigration subie correspond parfaitement aux valeurs de la République française.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est une honte d'entendre cela !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Alors, pourquoi nous faire ce procès d'intention en prétendant que nous chasserions sur les terres de l'extrême-droite ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Parfaitement !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Khiari, une immigration choisie, c'est une chance pour la France ; une immigration subie, c'est une chance pour l'extrême-droite ! (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Il semblerait que vous n'ayez pas retenu la leçon de 2002, dont vous avez été la première, avec vos amis socialistes, à faire les frais. C'est parce que vos gouvernements ont fait preuve de naïveté pendant de nombreuses années que, malheureusement, nous avons eu à subir un candidat d'extrême-droite au second tour d'une élection présidentielle. Pour ce qui nous concerne, nous n'avons pas l'intention d'être naïfs ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
La France n'est pas une terre en jachère. Elle a des règles, et chacun doit les respecter. C'est ce que nous expliquons dans ce texte de loi. Ainsi, nous devons lutter contre la polygamie.
Oui, le Gouvernement est favorable à la mise sous tutelle des allocations familiales des familles polygames. Un amendement en ce sens a d'ailleurs été adopté à l'unanimité à l'Assemblée nationale, et le représentant de votre groupe, M. Dray, a approuvé cette initiative. (Mme Bariza Khiari s'exclame.)
Messieurs Giraud et Ibrahim, je vous remercie de vous être faits, avec force et conviction, les porte-parole de Mayotte. Vous avez rendu hommage à la détermination du Gouvernement pour prendre « à bras le corps », si j'ose dire, les considérables difficultés auxquelles l'île de Mayotte est confrontée.
Nous avons décidé de faire des efforts opérationnels : l'objectif de 12 000 expulsions en 2006 pourra être atteint grâce à un renforcement des effectifs policiers, des moyens de transports, et un équipement radar. Ce projet de loi prévoit également de mettre en place des outils juridiques, notamment pour lutter contre les reconnaissances frauduleuses de paternité et le travail illégal.
Monsieur Demuynck, je vous sais gré de vous être fait l'écho des attentes directement exprimées par les habitants de Seine-Saint-Denis,...
Mme Éliane Assassi. De Neuilly-Plaisance !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...qui vous font confiance, parce que vous êtes un élu de terrain.
Oui, notre projet de loi est un texte de bon sens que les Français comprennent et dont ils approuvent les orientations. (M. Bernard Frimat s'exclame.) Par exemple, le contrat d'accueil et d'intégration comporte un ensemble de droits et de devoirs. Il était temps qu'un gouvernement le généralise.
Monsieur Bockel, je suis sensible à votre intervention mesurée et à la préoccupation qui vous anime, comme tout maire de bon sens à la tête d'une grande communauté : proposer plutôt que critiquer et défendre le statu quo.
La politique d'immigration concertée que vous préconisez est-elle si éloignée de la nôtre :...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. La vôtre n'est pas concertée !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...des objectifs permettant d'anticiper et de prévoir ; une « règle du jeu » fixée aux immigrés, comme un contrat d'accueil et d'intégration ; une immigration positive, qui, si elle est régulée, peut être une chance pour la France ?
En tout cas, je vous remercie de votre pragmatisme. Je ne doute pas un seul instant que, tout au long de ce débat, vous formulerez un certain nombre de propositions pour enrichir ce texte.
Monsieur Virapoullé, merci d'avoir mis en perspective le débat que nous entamons.
La mondialisation est la réalité de notre temps. Notre projet de loi intervient alors que se développent des flux de populations, de capitaux et d'informations. C'est un fait que nous prenons en compte, en tentant d'organiser ces flux, non pour construire une « ligne Maginot », mais pour réguler, choisir, anticiper l'immigration clandestine.
Outre-mer, la Réunion - vous l'avez rappelé -, Mayotte et la Guyane enregistrent un pourcentage d'immigration clandestine bien supérieur à ce que nous connaissons en métropole. Comme François Baroin et moi-même ne cessons de le dire, il nous est très difficile d'imaginer un seul instant ce que pourrait représenter une telle immigration sur le continent.
Nous sommes donc tout à fait conscients des difficultés énormes qui sont les vôtres. Il était indispensable que, dans ce texte, nous mettions un certain nombre d'outils à votre disposition.
Je vous remercie d'avoir évoqué Schengen, sujet qui me passionne également et que j'ai abordé tout à l'heure. Je ne peux que vous approuver lorsque vous proposez que l'espace Schengen soit étendu, au-delà des limites des seuls pays du continent européen, aux frontières maritimes.
Les événements qui ont eu lieu à Ceuta et Melilla et ceux qui se déroulent en ce moment aux Canaries ont poussé l'Espagne à faire appel à une mutualisation des moyens de l'Union européenne afin de pouvoir lutter contre les flux qui arrivent d'Afrique sub-saharienne.
Monsieur Virapoullé, vous avez raison, nous devons oeuvrer dans ce sens au sein du Conseil des ministres européen, pour que la notion de frontière maritime soit prise en compte et que l'ensemble de nos territoires et départements d'outre-mer soient intégrés à la même démarche.
Vous avez fait référence, en matière de conventions d'accueil, à l'Australie : les conditions de dignité et de respect y sont une exigence. Devrions-nous être la dernière grande démocratie au monde qui accueille des immigrés sans pouvoir leur proposer un travail et un logement décent ? Nous avons décidé de mener une politique choisie pour remédier à cette situation. Le contrat d'accueil et d'intégration en sera l'un des outils.
Je souhaiterais donner des explications à M. Gautier concernant les décrets d'application de la loi du 26 novembre 2003. Vingt-neuf décrets d'application devaient être pris : vingt-six ont été publiés ; le vingt-septième a été approuvé par le Conseil d'État le 30 mai et sera publié cette semaine ; le vingt-huitième est examiné ce mois-ci par la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL ; le vingt-neuvième a pris du retard, mais il sera publié lorsque le projet informatique qui le sous-tend aura avancé au sein de la direction générale de la police nationale, la DGPN.
Donc, les vingt-neuf décrets d'application de la loi de 2003 ont tous été pris, à un près.
M. Bernard Frimat. Il vous a fallu trois ans !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Legendre, vous avez fait part à la Haute Assemblée des débats qui se sont tenus au sein des organisations de la francophonie, et je vous en remercie. Nous avons, à l'endroit de l'Afrique et des Africains, un devoir de franchise et d'amitié. Si M. le ministre d'État a engagé cette démarche, c'est tout simplement parce que 65 % des immigrés en France sont Africains. Nous avons un destin partagé.
Ce projet de loi est l'occasion de définir concrètement des outils de codéveloppement : accueil des étudiants, circulation d'actifs, mobilisation de l'épargne des migrants pour faciliter son investissement en Afrique.
Madame Cerisier-ben Guiga, connaissez-vous un seul ministre français qui ait souhaité aller expliquer aux dirigeants et aux peuples d'Afrique, dès le vote d'une loi sur l'immigration, le sens de sa réforme ? Eh bien, Nicolas Sarkozy, en homme d'État conscient de ses responsabilités et en ami de l'Afrique, a engagé cette démarche d'écoute et de dialogue, qui permet aujourd'hui d'enrichir le projet de loi. Je pense, notamment, à l'amendement de M. Pelletier concernant le « compte épargne codéveloppement ».
Madame Michaux-Chevry, merci d'avoir fait entendre la voix des Antilles ! Vous avez souligné cette contradiction qui existe entre l'immigration choisie de la Dominique et l'immigration clandestine en provenance d'Haïti, qui a perduré parce que nous ne nous étions pas donnés, jusque-là, les moyens de pouvoir la contrôler. Votre soutien au projet de loi, avec détermination, témoigne de ce que nous présentons un texte utile pour les Français d'outre-mer.
Monsieur Portelli, je tiens à vous remercier d'avoir analysé très attentivement le projet de loi et cherché à le compléter de manière efficace. Le Gouvernement sera favorable à plusieurs de vos amendements, en particulier à l'amendement n° 81, qui vise à préciser que la carte « compétences et talents » ne sera délivrée à des ressortissants de pays en voie de développement que dans le cadre d'accords de partenariat entre la France et le pays d'origine. Nous reviendrons ultérieurement sur cet amendement important.
Monsieur Dassault, le projet de loi prévoit trois mesures pour mieux lutter contre les mariages de complaisance.
Tout d'abord, l'étranger ne possédant qu'un visa de tourisme ou se trouvant en situation irrégulière pourra toujours se marier avec un Français, mais ce mariage ne lui donnera pas automatiquement le droit de vivre en France.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Eh oui !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ensuite, avant que lui soit octroyée une carte de séjour, il devra obtenir un visa de long séjour délivré par le consul dans son pays d'origine. (Mme Eliane Assassi s'exclame.) Ce n'est qu'après trois ans de vie commune, et s'il fait la preuve de son intégration, que le conjoint de Français pourra obtenir une carte de résident de dix ans.
Enfin, la durée de vie commune requise avant de devenir Français est portée à quatre ans.
Par ailleurs, je vous remercie, monsieur le sénateur, pour les deux amendements que vous avez déposés, avec M. Courtois, sur le regroupement familial.
Monsieur Lardeux, je vous remercie également de votre soutien.
Je vous indique que, à la suite des accords intervenus au sein de l'Union européenne, les conditions d'accueil dans nos consulats seront améliorées.
En outre, et surtout, la mutualisation des moyens techniques en matière de biométrie nous permettra de disposer de moyens beaucoup plus efficaces pour lutter contre l'immigration clandestine.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Mais le ministère des affaires étrangères est pauvre comme Job !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Peyrat, je vous remercie d'avoir opportunément rappelé, en votre qualité de maire, la nécessité de mieux définir les conditions de logement des étrangers venus en France dans le cadre du regroupement familial.
Nous savons à quel point les maires sont démunis pour apprécier si celui qui aspire à regrouper les membres de sa famille autour de lui est en mesure de les loger dans des conditions décentes.
C'est pourquoi ce texte donne aux maires l'autorité et les moyens de contrôler que l'accueil de la famille s'effectue de manière digne et respectable.
Monsieur Branger vous avez insisté sur la nécessité de donner aux femmes issues de l'immigration toutes les chances de l'intégration. (Mme Nicole Borvo s'esclaffe.)
C'est là une ambition majeure du Gouvernement avec le contrat d'accueil et d'intégration, qui comportera un volet de formation civique.
J'observe d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, que demander à une personne souhaitant venir et demeurer en France de signer un contrat d'accueil et d'intégration par lequel elle s'engage au minimum à parler et écrire correctement la langue française au terme d'une période de cinq ans, de respecter les règles républicaines de notre pays, notamment, pour les femmes, de se soumettre à l'obligation de prendre une photographie d'identité à visage découvert pour l'établissement des pièces d'identité, sont autant d'exigences qui non seulement ne sont pas dépassées, mais qui paraissent raisonnables et équilibrées. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ce sont les règles de notre pays ! En signant ce contrat, les femmes étrangères qui seront accueillies chez nous dans des conditions dignes et respectables pourront être regardées et respectées comme n'importe quelle autre femme en France. Nous sommes attachés à ce principe d'égalité entre les hommes et les femmes, parce qu'il fait partie de l'idéal de la République française.
Enfin, j'ajoute que ce texte a pour avantage premier de « tordre le cou » à l'idée absurde de l'immigration zéro, qui repose sur des fantasmes et sur la peur. Il montre que la France n'est pas fermée et que les Français ont besoin du concours des autres.
Pour autant, la France n'est ni un motel ni une gigantesque auberge de jeunesse où l'on rentre sur sa bonne mine ! Nous revendiquons donc, après beaucoup d'efforts réalisés en ce sens, le droit de mettre de l'ordre dans les flux migratoires.
Je le sais bien, ce mot « ordre » rend certains hystériques. Personnellement, il ne me fait pas peur. Car l'ordre, c'est la condition de la justice.
Dès lors, je le réaffirme, nous réclamons pour la France le droit de choisir sa politique, au lieu de subir l'absence de toute politique.
En réalité, trois choix sont possibles : celui de l'extrême droite, les barbelés ; celui de la gauche, un vaste terrain vague ; (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)...
M. Bernard Frimat. Vous êtes ridicule !
M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...et le nôtre, tout simplement un portique de sécurité ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.