sommaire
Présidence de M. Adrien Gouteyron
2. Demande d'autorisation de missions d'information
3. Garantie de la conformité du bien au contrat. - Adoption définitive d'un projet de loi
Discussion générale : MM. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, rapporteur ; Pierre Fauchon, Mme Nicole Bricq.
M. le garde des sceaux.
Clôture de la discussion générale.
MM. le rapporteur, le garde des sceaux.
M. René Beaumont.
Adoption définitive du projet de loi.
4. Engagement national pour le logement. - Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
Discussion générale : MM. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement ; Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Daniel Dubois, Thierry Repentin, Mme Catherine Procaccia, M. Gérard Delfau, Mmes Michelle Demessine, Valérie Létard, MM. Gérard Collomb, Serge Dassault.
MM. le rapporteur, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
Suspension et reprise de la séance
présidence de M. Christian Poncelet
5. Questions d'actualité au Gouvernement
MM. Jean Boyer, Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
MM. Roland Muzeau, Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
difficultés de la filière viticole
MM. Gérard Delfau, Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche.
MM. Josselin de Rohan, Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
MM. Bernard Frimat, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
rapprochement des caisses d'épargne et des banques populaires
MM. Gérard Longuet, Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
MM. Yannick Bodin, Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
télévision numérique terrestre
MM. Pierre Jarlier, Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication.
MM. Thierry Repentin, Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
droits à paiement unique et safer
MM. Philippe Adnot, Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche.
6. Souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Liban
Suspension et reprise de la séance
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, M. le président.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt, le président.
8. Communication du Médiateur de la République
MM. le président, Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.
présidence de M. Philippe Richert
M. le président.
9. Dépôt de rapports du Gouvernement
10. Engagement national pour le logement. - Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
Discussion générale (suite) : MM. Jean-Marc Juilhard, Marcel Vidal, Roger Madec, Philippe Dallier, Jean Desessard, Charles Revet.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
Clôture de la discussion générale.
Demande de priorité des articles 5 bis B et 8 septies. - MM. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques ; le ministre. - La priorité est ordonnée.
Renvoi de la suite de la discussion.
11. Commission mixte paritaire
12. Transmission d'un projet de loi
13. Dépôt de propositions de loi
14. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
15. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DEMANDE D'AUTORISATION De MISSIONs D'INFORMATION
M. le président. M. le président du Sénat a été saisi de deux demandes tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner des missions d'information par :
- M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, pour qu'une délégation puisse se rendre en Argentine pour y étudier la situation sanitaire et le régime de protection sociale de ce pays ;
- M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, pour qu'une délégation puisse se rendre aux États-Unis afin d'y étudier l'organisation des systèmes universitaires et de recherche américains ainsi que celle des musées.
Le Sénat sera appelé à statuer sur ces demandes dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.
3
Garantie de la conformité du bien au contrat
Adoption définitive d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, relatif à la garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et à la responsabilité du fait des produits défectueux (n°s 276, 277).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, l'ordonnance qu'il vous est aujourd'hui demandé de ratifier témoigne de ce que nos engagements européens, loin d'entraîner une dérégulation du marché, permettent, au contraire, d'asseoir un meilleur équilibre dans les relations entre professionnels et particuliers.
Elle participe ainsi pleinement de la politique du Gouvernent en faveur des consommateurs et du développement économique. Cette action s'est traduite, la semaine dernière, par la réforme du droit des sûretés que j'ai présentée en conseil des ministres. La présente ordonnance s'inscrit dans la même orientation.
La première garantie qu'elle apporte réside, avant tout, dans sa simplicité et sa lisibilité. Ainsi, dans le code de la consommation, l'ordonnance fusionne en un article unique la garantie des vices cachés et l'obligation de délivrance conforme. Les textes nouveaux permettent ainsi aux consommateurs de trouver une réponse immédiate et claire dès lors qu'ils ont des motifs de se plaindre d'un bien qu'ils ont acquis.
Si le bien ne correspond pas à ce qu'ils pouvaient légitimement en attendre, ils pourront en demander le remplacement ou la réparation. Dans l'hypothèse où aucune de ces mesures ne serait possible, tout au moins à court terme, le consommateur pourra obtenir la résolution du contrat.
Ces principes relèvent de la garantie légale qui, en tout état de cause, est due par le professionnel. Ce dernier peut en outre, comme cela se pratique habituellement, consentir une garantie supplémentaire, dite garantie commerciale. L'ordonnance pose, à cet égard, certaines règles que les débats parlementaires ont déjà judicieusement complétées par voie d'amendement.
En effet, le texte initial prévoyait une prorogation automatique de la durée de la garantie commerciale lorsque le bien remis en réparation était immobilisé plus d'une semaine. Toutefois, ce texte n'était applicable qu'à la garantie consentie par le vendeur lors de l'acquisition du bien. Son application a donc été étendue à la garantie qui peut à nouveau être concédée au moment de la réparation.
Pour en arriver à ce texte clair, construit et équilibré, la chancellerie a étudié les différentes possibilités de transposition pour finalement retenir un dispositif aux contours nettement définis et aux solutions concrètes.
Ainsi, il a semblé préférable de limiter le régime nouveau aux relations entre le consommateur et le professionnel plutôt que de l'appliquer à tous les contrats de vente pour lesquels les mécanismes classiques de droit civil restent adaptés. De même, les immeubles en sont exclus puisque leur vente fait déjà intervenir des professionnels qui sont le plus à même de conseiller utilement l'acheteur.
Le caractère circonscrit de cette ordonnance commandait qu'elle figure dans le code de la consommation, le code civil accueillant, pour sa part, les textes d'application générale.
Le code civil est également modifié pour tenir compte de la condamnation prononcée par la Cour de justice des Communautés européennes. Je veux parler naturellement du dossier de la responsabilité du fait des produits défectueux que nous pourrons enfin clore par le vote qui est aujourd'hui demandé au Sénat.
Ce régime de responsabilité, qui procède d'une directive de 1985, est à certains égards inclassable dans notre droit. C'est ainsi qu'il ignore la distinction traditionnelle entre les responsabilités contractuelles et les responsabilités délictuelles. De même, il permet au vendeur de s'exonérer de sa responsabilité en désignant son fournisseur ou le producteur, ce qui procède d'une conception de la responsabilité étrangère à notre droit ; je crois d'ailleurs savoir que M. Fauchon s'exprimera ultérieurement sur ce sujet.
M. Pierre Fauchon. Parce que c'est nouveau !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Il avait été estimé, lors de la loi de transposition, que la possibilité pour le vendeur d'appeler en garantie le professionnel qui était intervenu en amont répondait à ce mécanisme d'exonération. Qui plus est, il avait été décidé, afin de faciliter cet appel en garantie, que le vendeur n'aurait pas à apporter la preuve d'une faute de la part du producteur pour engager sa responsabilité.
On pouvait légitimement considérer que le régime d'exonération, prévu par la directive mais inconnu dans notre droit, était ainsi pertinemment transposé.
Or la Cour de Luxembourg ne l'a pas entendu de cette façon et a condamné notre pays il y a quelques jours, le 14 mars 2006, pour transposition incomplète.
Une astreinte de plus de 31 000 euros par jour a commencé à courir depuis deux semaines. L'article additionnel ajouté par le biais d'un amendement au présent projet de loi va permettre d'y mettre un terme. Il substitue, dans ce domaine de responsabilité, le mécanisme de l'exonération à celui de l'appel en garantie. En pratique, la différence sera ténue, voire sans conséquence réelle pour les opérateurs économiques. La Commission européenne a d'ailleurs confirmé que le texte nouveau constituera pour elle une transposition complète de la directive.
Je ne voudrais pas conclure sans remercier la Haute Assemblée de la confiance qu'elle a accordée au Gouvernement en l'habilitant à introduire, par voie d'ordonnance, la garantie de conformité du bien dans le code de la consommation.
Ainsi que l'a souligné la commission des lois du Sénat, il est assez rare qu'une ratification soit demandée dans un projet de loi destiné à cette seule fin. Cela étant dit, il était nécessaire de soumettre ce texte, qui sera d'un usage courant pour nos concitoyens, à un examen spécifique du Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, le Sénat est donc saisi, en première lecture, du projet de loi relatif à la garantie de conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur et à la responsabilité du fait des produits défectueux - ce dernier point étant un ajout des députés - adopté par l'Assemblée nationale, le 22 mars dernier.
Ce texte a deux objets.
Il s'agit, d'une part, de ratifier l'ordonnance du 17 février 2005, qui transpose en droit français la directive du 25 mai 1999 sur certains aspects de la vente et des garanties des biens de consommation et reprend les mesures de transposition figurant dans un précédent projet de loi, renvoyé à votre commission des lois, mais qui n'a pas été inscrit à l'ordre du jour parlementaire ; c'est dire si nous connaissons bien cette législation ainsi que toutes les tentatives qui ont été menées pour transposer certaines directives.
Il s'agit, d'autre part, de modifier une disposition du code civil relative aux conditions d'exonération de la responsabilité du fournisseur d'un produit défectueux, disposition qui a été ajoutée par l'Assemblée nationale.
L'ordonnance du 17 février 2005 a été prise par le Gouvernement en vertu de l'habilitation donnée pour une durée de six mois par la loi du 9 décembre 2004 de simplification du droit. Elle a été déposée dans les délais prescrits à peine de caducité.
L'examen, en tant que tel, d'un projet de loi de ratification constitue une pratique peu courante. Le plus souvent, la ratification expresse d'une ordonnance est réalisée par un texte différent du projet de loi de ratification déposé dans le délai prescrit par l'habilitation.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le garde des sceaux, une telle ratification est importante, car elle permet d'accorder une valeur législative incontestable à des dispositions qui, jusqu'alors, n'avaient qu'une portée réglementaire.
Votre commission se félicite donc de pouvoir examiner en tant que telle la ratification de l'ordonnance du 17 février 2005, d'autant plus que celle-ci a des incidences pratiques importantes et se révèle bénéfique à la protection offerte au consommateur quand il achète auprès d'un vendeur professionnel un bien meuble corporel.
En effet, cette ordonnance, qui transpose complètement et correctement la directive de 1999, concerne la vie quotidienne du consommateur. Nous pouvons en retenir les aspects suivants.
Tout d'abord, l'ordonnance était nécessaire et attendue, car, en 2004, la France, comme il arrive souvent, a été condamnée en manquement par la Cour de justice des Communautés européennes.
Elle crée, au sein du code de la consommation, une garantie légale spécifique au bénéfice du consommateur, en cas de défaut de conformité d'un bien meuble corporel qui a été vendu par un professionnel.
S'agissant des contrats d'adhésion, les plus nombreux pour l'achat d'équipements électroménagers, notamment, elle définit la notion de conformité comme étant le fait, pour un produit, d'être propre à l'usage attendu d'un bien semblable.
Enfin, l'ordonnance ne supprime pas les deux possibilités d'actions qui préexistaient en droit français, à savoir la garantie des vices cachés, désormais applicable pendant deux ans, et la responsabilité pour délivrance non conforme.
La ratification sans modification de cette ordonnance constituait l'objet initial du projet de loi. L'Assemblée nationale y a néanmoins apporté une correction bienvenue, afin d'étendre aux contrats de réparation la prorogation de la durée de garantie commerciale offerte par le vendeur lorsque la remise en état du bien vendu ne peut intervenir rapidement.
L'Assemblée nationale a inséré dans le projet de loi un article 2, monsieur Fauchon, ...
M. Pierre Fauchon. Mise en cause personnelle ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Cet article modifie le régime de la responsabilité du fait des produits défectueux et prévoit que l'assimilation du vendeur, du loueur ou du fournisseur professionnel au producteur, en matière de responsabilité du fait des produits défectueux, ne s'applique qu'en cas de défaut d'identification du producteur.
Toutefois, le vendeur, le loueur ou le fournisseur professionnel pourraient s'exonérer de leur responsabilité, s'ils désignent leur propre fournisseur, ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime leur a été notifiée.
Cette modification met un point final à une bataille juridique de plus de vingt ans, qui a vu la France et la Commission européenne s'affronter au sujet de la transposition de la directive du 25 juillet 1985, qui institue la responsabilité du producteur du fait des produits défectueux.
Dans ce dossier, la France a été condamnée trois fois pour manquement par la Cour de justice. D'abord, en 1993, pour absence totale de transposition. Ensuite, en 2002, parce que la Cour avait considéré que la loi française de transposition du 19 mai 1998 n'était pas correcte. Enfin, le 14 mars 2006, car la Cour a considéré que les modifications apportées à la loi de 1998 par l'article 24 de la loi dite « de simplification du droit » du 9 décembre 2004 étaient insuffisantes.
La différence avec le texte adopté par le législateur en 2004 tient à ce que le distributeur du produit défectueux restait, en droit français, responsable au même titre que le producteur lorsque ce dernier ne pouvait être identifié, même dans l'hypothèse où il aurait indiqué à la victime, dans un délai raisonnable, l'identité de celui qui lui a fourni le produit.
Le législateur français avait voulu concilier le régime d'exonération prévu par la directive avec le droit commun de la responsabilité, qui date de 1804, et même, sans doute, de plus loin encore.
M. Pierre Fauchon. Des Romains !
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dans notre conception juridique de la responsabilité civile, le principe d'éviction totale de la garantie a un aspect choquant, il faut le reconnaître.
Au demeurant, il résulte d'une jurisprudence constante de la Cour de justice des Communautés européennes qu'une transposition littérale du texte d'une directive n'est pas requise en toutes circonstances, dès lors que les moyens de droit mis en oeuvre permettent de satisfaire aux obligations prévues par la directive.
Par ailleurs, il faut bien reconnaître que la faculté pour un fournisseur d'indiquer à la victime l'identité de son propre fournisseur n'a, en pratique, qu'un rôle très subsidiaire. Elle joue lorsque le producteur lui-même demeure inconnu et que, en pareil cas, ce fournisseur est en mesure d'appeler son propre fournisseur en garantie.
Cette argumentation n'a pas convaincu la Cour de justice des Communautés européennes, qui a suivi la Commission européenne et de nouveau condamné la France. Toutefois, dans l'arrêt de mars 2006, la Cour ne s'est pas contentée de constater le manquement persistant de la France. Elle l'a condamnée au paiement d'une astreinte par jour de retard dans la mise en conformité du droit français avec la directive de 1985.
L'astreinte a été fixée à 31 650 euros par jour. Elle a pris effet le 14 mars 2006. À ce jour, la France est donc redevable, si l'astreinte est liquidée, de près de 540 000 euros ! Toute journée gagnée pour le vote de ce texte peut donc permettre à notre pays de réaliser des économies.
M. Pierre Fauchon. Nous pouvons emprunter ! (Sourires.)
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Il faut donc aller vite, non seulement pour ne pas creuser encore davantage le déficit des finances publiques, mais aussi pour rendre à la France une certaine respectabilité en matière d'accomplissement des obligations communautaires.
Bien souvent, quand nous transposons une directive, nous le faisons a minima, mais ce n'est plus possible désormais, apparemment, dans le domaine de la concurrence. L'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 25 avril 2002 est extrêmement précis à cet égard, puisque la juridiction a estimé que les États membres n'étaient pas autorisés à s'écarter de la directive d'harmonisation maximale, à l'occasion de sa transposition, même dans le sens d'une amélioration du niveau de protection des consommateurs victimes.
Si d'autres directives sont adoptées dans ce domaine, il faudra veiller, me semble-t-il, à ne pas s'écarter du texte communautaire, faute de quoi nous risquerions d'être de nouveau condamnés.
L'ordonnance du 17 février 2005 et l'article 2 du présent projet de loi assurant désormais une transposition complète, et non contestée par les institutions communautaires, des directives de juillet 1985 et de mai 1999, votre commission des lois vous propose d'adopter ce projet de loi sans modification. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, même si c'est à regret, je ne monte pas à cette tribune pour vous demander de rejeter ce texte. Nous ne pouvons pas faire autrement que de l'adopter, nous avons le couteau sous la gorge !
M. Pierre Fauchon. Certes, monsieur le ministre, mais voilà déjà longtemps que la France fait face à d'importantes hémorragies financières grâce à l'emprunt ! Nous pouvons continuer sur cette voie, en profitant des taux d'intérêt modérés, même si les jeunes générations finissent par se rendre compte que cette politique leur coûte cher ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon. Nous pourrions prendre cette condamnation avec une certaine philosophie, mais je comprends que tel ne soit pas votre point de vue. Puisqu'il est clair que nous devons obtempérer, faisons-le !
Mon intention n'est donc pas de vous demander de rejeter ce texte, que je voterai tout à l'heure, comme tout le monde. Je ferai toutefois deux séries de réflexions.
Mes premières remarques porteront sur le texte lui-même. Le système qui a été imaginé, et qui nous est imposé, est choquant. En effet, les acheteurs de produits de consommation courante, bien connus, ne pourront plus, dans certains cas, attaquer les vendeurs, car ceux-ci se défausseront sur leurs propres fournisseurs.
D'un point de vue juridique, c'est tout simplement monstrueux ! Quand un consommateur - c'est-à-dire, mes chers collègues, vous ou moi -, achète un téléviseur, un poste de radio, ou un autre appareil, le vendeur lui explique comment fonctionne son produit, en fait éventuellement la publicité et réalise grâce à lui un bénéfice, d'ailleurs tout à fait légitime !
Or, ce commerçant pourra désormais ne plus garantir cet appareil et se contenter de renvoyer l'acheteur vers son fournisseur, qui, par les temps qui courent, risque fort de résider à Bangalore, ou au fin fond de la Chine, un pays que je ne connais pas, mais qui me paraît vaste et profond. Comment donc, dans ces conditions, se retourner contre le fournisseur ?
C'est se moquer du monde, ou au moins du principe fondamental en vertu duquel le vendeur doit garantir la qualité de son produit ! Comment avons-nous pu abandonner cette règle ? Comment, à Bruxelles, les lobbys de la distribution sont-ils parvenus à faire adopter de telles dispositions, qui méconnaissent un principe en vigueur depuis des temps immémoriaux ?
En effet, nous nous affranchissons ici de l'adage latin spondet peritiam artis, qui signifie que le professionnel doit répondre de sa « péritie », le contraire de l'impéritie. C'est profondément choquant à une époque où les produits sont fabriqués très loin, parfois de façon éphémère, dans des conditions qui, pratiquement, interdisent tout recours.
C'est d'autant plus scandaleux que nous sommes entrés dans un monde où les produits sont de moins en moins sûrs et solides, contrairement à ce que nous pourrions croire. Si par exemple l'habitat, dont j'ai pu suivre de près l'évolution, a beaucoup progressé, grâce, notamment, à la normalisation, il n'en va pas de même des petits appareils ...
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Et des véhicules !
M. Pierre Fauchon. ... qui, nous le savons tous, jouent un rôle essentiel dans notre vie quotidienne ! Je ne pense pas seulement aux appareils utilisés par les maîtresses de maison, mais aussi aux postes de radio, aux chaînes hi-fi, aux ordinateurs, entre autres. Chacun peut l'observer chez soi.
J'ai interrogé certains de nos collègues depuis une semaine. Je leur ai demandé si tel ou tel de leurs appareils électroniques n'était pas tombé en panne au bout de sept mois, de huit mois ou d'un an, et ce qu'ils avaient fait alors. Ils m'ont répondu qu'ils étaient allés porter l'objet en cause à la FNAC, ou dans quelque autre magasin, où les vendeurs leur avaient expliqué qu'il leur en coûterait autant, ou même moins, de racheter un appareil neuf que de faire réparer l'ancien.
Par ailleurs, mes chers collègues, vous observerez que les commerçants qui vantent la qualité de leurs appareils pour les vendre invitent de plus en plus souvent les acheteurs à souscrire une garantie de fonctionnement. Nous atteignons ici un degré de cynisme invraisemblable et je m'élève contre cette dérive quelque peu effrayante.
Par ailleurs, j'observe, d'une part, que la directive de 1985 nous oblige à instituer une franchise de cinq cents euros dans le cadre de l'action en responsabilité du producteur, ce qui, pour des appareils dont le coût n'est pas très élevé, représente une somme considérable, et, d'autre part, que la garantie automatique est limitée à six mois, durée pendant laquelle le consommateur n'est tenu d'apporter aucune preuve.
Monsieur le ministre, quand je dirigeais l'INC, l'Institut national de la consommation, je militais en faveur d'une garantie automatique de deux ans pour les produits domestiques. Je continue de penser qu'une telle durée serait tout à fait justifiée, et je déposerai un jour une proposition de loi qui vous gênera beaucoup ! (Sourires.)
En effet, certains produits domestiques ne sont pas d'usage quotidien. C'est le cas, par exemple, de ceux qui servent occasionnellement dans les maisons de campagne ou de vacances, dont les défauts sont donc moins rapidement découverts.
Ce texte montre une nouvelle fois que le lobby des professionnels est beaucoup plus puissant que celui des consommateurs, ce qui m'amène à ma seconde série de remarques que, monsieur le ministre, je suis ravi d'énoncer en votre présence.
Pourquoi la défense des consommateurs est-elle de plus en plus faible en France, au point d'être presque devenue inexistante ?
Pour avoir dirigé l'INC de 1978 à 1981 - et vous comprenez ce que cette dernière date signifie ! - j'ai connu un temps où il n'en allait pas de même, où les défenseurs des consommateurs disposaient de pouvoirs et de responsabilités étendues, d'émissions de télévision et de centres d'étude.
Le ministre chargé de l'économie de l'époque, M. Monory - je suis heureux de lui rendre ici cet hommage -, soutenait alors notre action. Tandis que les professionnels affirmaient devant lui que « Monsieur F. », pour ne pas me citer, les dérangeait, notre collègue René Monory leur répondit, avec la magnifique assurance qui le caractérisait, qu'il était fort bien que l'INC dérange, car telle était sa mission, qu'il remplissait donc correctement !
Belle époque où l'on trouvait normal que la défense du consommateur dérange ! Depuis lors, de ce côté de l'hémicycle (M. Pierre Fauchon se tourne vers la gauche), on a - passez-moi l'expression - vendu la peau de l'INC aux associations de consommateurs !
Les prérogatives et les responsabilités de l'INC ont été réduites, pour faire de l'institut un service purement technique de recherche, qui réalise des études comparatives. Cette tâche est, en soi, très utile, mais la capacité d'expression autonome de l'INC a pratiquement disparu, tandis que les associations de consommateurs se sont multipliées. La fonction de défense des consommateurs a même été confiée à des syndicats de producteurs, ouvriers notamment, ce qui est tout bonnement ridicule !
Je me souviens m'être attaqué jadis aux pneus Michelin, et avoir vu alors défiler dans mon bureau les syndicalistes de cette entreprise, qui me reprochaient de ruiner leur travail. Je leur ai répondu qu'un défenseur des consommateurs devait tout de même se soucier des accidents mortels qui se produisent sur les routes ! Confier la défense des consommateurs aux producteurs est tout à fait équivoque.
Dès lors que l'on multiplie les organismes investis d'une même mission d'intérêt général, ceux-ci passent plus de temps à se concurrencer les uns les autres qu'à faire progresser la cause qui leur a été confiée. Il s'agit là d'un phénomène habituel dans notre pays, que nous pouvons observer également dans le syndicalisme, et dont les associations de consommateurs fournissent un autre exemple.
Mes chers collègues, vous noterez que les actions consuméristes ont pratiquement disparu depuis bon nombre d'années. Je dois, toutefois, rendre hommage à Que Choisir ?, qui est restée une authentique association de consommateurs, menant des actions courageuses, mais c'est l'exception qui confirme la règle.
Nous n'entendons jamais parler des autres organisations de consommateurs, dont les actions locales sont utiles, certes, mais qui ne mènent plus de combats nationaux. Le consumérisme s'affaiblit donc à l'échelle du pays, ce qui est une grande erreur dans un régime économique que nous voulons - du moins je le souhaite, pour ma part - libéral.
Une économie libérale repose sur la compétition, qui doit s'établir non seulement entre les entreprises qui produisent, mais aussi entre les consommateurs et les producteurs, dont la confrontation améliore le rapport qualité- prix des biens. Dès lors que l'un des deux compétiteurs est affaibli, ou même n'existe plus, la confrontation ne se produit pas et nous assistons à des dérives semblables à celle que celle que j'ai évoquée, et qui est désolante.
Monsieur le garde des sceaux, je me permets de vous suggérer de revoir le statut de l'INC, afin de lui restituer certaines des prérogatives qui lui avaient été confiées à l'origine par M. Michel Debré. Cela ne serait pas très difficile à réaliser.
Une telle démarche rendrait un grand service à la cause des consommateurs, qui, encore une fois, me paraît être d'intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, il arrive qu'une commissaire aux finances s'intéresse au droit de la consommation. Vous allez comprendre assez rapidement pourquoi !
Nous devons aujourd'hui nous prononcer sur le projet de loi ratifiant l'ordonnance du 17 février 2005 qui est une transposition de la directive 1999/44/CE du Parlement européen et du Conseil du 25 mai 1999 tendant à harmoniser, sur certains points, le droit de la consommation.
L'objet de l'ordonnance est d'offrir au consommateur, lorsqu'il acquiert un bien auprès d'un professionnel, la possibilité d'intenter simplement une action en responsabilité contractuelle contre le vendeur dans l'hypothèse où le bien ne correspond pas à ce qu'il est en droit attendre. C'est ce qu'on appelle la garantie de conformité.
Déposé devant le bureau de l'Assemblée nationale, le 7 mai 2005, soit il y a près d'un an, le projet de loi de ratification n'a été examiné par l'Assemblée nationale que le 22 mars dernier. Bizarrerie du calendrier parlementaire, une semaine après, le Sénat en débat aujourd'hui, en raison sans doute de la condamnation de la France, par la Cour de justice des Communautés européennes, le 14 mars 2006, pour défaut de transposition, à une astreinte de 31 650 euros par jour.
L'ordonnance prévoit un nouveau régime qui pourrait remplacer les deux actions actuelles - l'action en garantie de conformité du bien au contrat et l'action en délivrance conforme - par une seule action. Or la transposition ne tend à modifier que le code de la consommation. Il s'agit d'une transposition libérale.
Il me semble pourtant que la directive unifie le régime de l'action en gommant la distinction entre l'action en garantie des vices cachés et l'action pour délivrance non conforme, ce qui modifie le code civil et le code de la consommation. Le choix qui a été opéré consiste à ne modifier que le code de la consommation.
Or je ne sais pas si une telle démarche est vraiment conforme à l'esprit de la directive, dont l'objet est d'assurer la protection du consommateur. C'est d'ailleurs dans cet objectif que mon groupe votera ce projet de loi, et ce d'autant que l'Assemblée nationale a renforcé encore les dispositions protectrices.
La philosophie à laquelle j'adhère me semble différente de celle de M. Fauchon. C'est souvent de la législation européenne que découle l'amélioration des droits des consommateurs. L'Assemblée nationale les a renforcés puisque l'article 2 du projet de loi, tel qu'il a été rédigé à l'issue de la première lecture à l'Assemblée nationale, a pour objet de modifier l'actuel article 1386-7 du code civil, selon lequel, si le producteur de biens est inconnu du consommateur, c'est le vendeur qui est responsable. L'article 2 modifie les conditions d'exonération de la responsabilité du fournisseur en cas de défaut de sécurité du produit qu'il a fourni. M. Fauchon n'a peut-être pas lu la dernière version de l'Assemblée nationale !
Cet article prévoit que, de la même manière, si le producteur du bien est inconnu du consommateur, c'est le vendeur qui est responsable à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée.
Il crée donc un nouveau cas de responsabilité qui devrait permettre aux consommateurs de se défendre plus efficacement.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté un article additionnel, devenu l'article 3, selon lequel il est prévu d'étendre aux contrats de réparation la prorogation de la durée de garantie commerciale offerte par le vendeur lorsque la remise en état du bien vendu ne peut intervenir rapidement.
Toutes ces mesures vont dans le sens d'une amélioration des droits du consommateur. On peut toutefois s'interroger à trois égards.
Tout d'abord, le dernier vendeur de la chaîne peut courir un risque, car il est souvent fragilisé. Il s'agit souvent d'une PME, voire d'une toute petite entreprise, d'un artisan, d'un franchisé ou d'un concessionnaire, qui a peu de recours par rapport au fournisseur ou au producteur.
Ensuite, on aurait pu choisir d'unifier le code de la consommation et le code civil. Pourquoi laisser coexister trois actions ? Cela peut paraître surabondant !
Enfin, il subsiste une interrogation sur le contenu de la présomption de connaissance du consommateur. L'article L. 211-8 prévu par l'ordonnance pour le code de la consommation dispose : « L'acheteur est en droit d'exiger la conformité du bien au contrat. Il ne peut cependant contester la conformité en invoquant un défaut qu'il connaissait ou ne pouvait ignorer lorsqu'il a contracté. » Nous verrons quel sera le contenu que la jurisprudence donnera à cette notion.
En conclusion, le dispositif prévu s'inscrit dans le droit fil des réflexions relatives à la consommation, qui sont entamées depuis de nombreuses années.
Sous le gouvernement de Lionel Jospin, en 2002, un groupe de travail avait été chargé de réfléchir à la transposition de la directive. Nous y arrivons. Il s'était plutôt prononcé en faveur d'une action nouvelle unique en garantie de conformité alors que trois actions sont maintenant prévues.
En conclusion, l'ordonnance constitue un progrès pour le consommateur, et la nécessité de transposer la directive, comme vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, ne laissait, en termes de délai, que peu de marge de manoeuvre à la discussion.
Par ailleurs, il me semble que les consommateurs sont aujourd'hui encore démunis pour faire respecter leurs droits. Je sais que le président de la commission a organisé sur ce sujet une table ronde, il y a quelques semaines, ici même.
En conséquence, mon collègue Richard Yung, membre de la commission des lois, l'ensemble du groupe socialiste et moi-même pensons qu'une réflexion tendant à améliorer les outils de défense des consommateurs s'impose dans les litiges opposant notamment les consommateurs aux professionnels.
La réflexion du groupe de travail, mis en place à la demande du Président de la République, sur ce que nous appelons le recours collectif, et sur ce que d'autres nomment l'action collective, doit se poursuivre. Nous déposerons une proposition de loi sur ce sujet.
Les consommateurs sont confrontés à de vraies difficultés, notamment à la multiplication de petits litiges ; on ne peut pas les laisser dans une telle situation !
J'espère que l'occasion qui nous est donnée ici de débattre de ce sujet se renouvellera. Un tel problème ne connaît pas, me semble-t-il, les différences partisanes.
Des actions récentes sont présentes à notre esprit. Nous devons améliorer les droits des consommateurs pour aider ces derniers à mieux se défendre. Je pense que le recours collectif en constituera un moyen.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er
L'ordonnance n° 2005-136 du 17 février 2005 relative à la garantie de la conformité du bien au contrat due par le vendeur au consommateur est ratifiée.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
I. - Le premier alinéa de l'article 1386-7 du code civil est ainsi rédigé :
« Si le producteur ne peut être identifié, le vendeur, le loueur, à l'exception du crédit-bailleur ou du loueur assimilable au crédit-bailleur, ou tout autre fournisseur professionnel, est responsable du défaut de sécurité du produit, dans les mêmes conditions que le producteur, à moins qu'il ne désigne son propre fournisseur ou le producteur, dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle la demande de la victime lui a été notifiée. »
II. - Le premier alinéa de l'article 1386-7 du code civil est applicable en Nouvelle-Calédonie, dans les îles Wallis et Futuna, à Mayotte et dans les Terres australes et antarctiques françaises. - (Adopté.)
Article 3
Dans la première phrase de l'article L. 211-16 du code de la consommation, après le mot : « consentie », sont insérés les mots : « lors de l'acquisition ou de la réparation d'un bien meuble ». - (Adopté.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Madame Bricq, la garantie des vices cachés prévue par le code civil demeure. L'ordonnance n'a modifié que le code de la consommation, parce qu'il s'agit des rapports entre le consommateur et le producteur ou le fournisseur professionnel.
Les dispositions sur la garantie des vices cachés, qui n'ont pas été modifiées, sauf sur un point mineur, relèvent du droit civil, qui continue à s'appliquer.
M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur le président, je souhaiterais apporter quelques réponses aux questions des orateurs
Monsieur Fauchon, le droit de la consommation reste un souci majeur pour la chancellerie. Indépendamment même de l'ordonnance dont nous débattons aujourd'hui, les magistrats participent de manière déterminante à l'action de la commission des clauses abusives.
De même, pour ne parler que des travaux les plus récents qui ont été menés dernièrement Place Vendôme, l'ordonnance sur la réforme des sûretés publiée la semaine dernière a été l'occasion d'améliorer la situation des emprunteurs vis-à-vis des banques.
A également été évoqué ce que vous appelez l'affaiblissement de la défense des consommateurs. À ce titre, vous avez appelé de vos voeux un changement de statut de l'INC. Monsieur Fauchon, je vous rappelle que cet institut est placé sous la tutelle du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
J'indique par ailleurs que, conformément aux voeux du Président de la République, un groupe de travail sur l'action collective d'associations de consommateurs a été mis en place à la chancellerie et au ministère des finances. Le rapport de ce groupe est actuellement soumis à une large concertation auprès des professionnels et associations de consommateurs.
Madame Bricq, vous avez fait savoir que, sous le gouvernement de M. Jospin, un groupe de travail avait été constitué pour ratifier cette ordonnance. Mon ministère regrette beaucoup - et mon budget aussi ! - que vous ne soyez pas allés jusqu'au bout puisque, à l'heure où je vous parle, je paie une très lourde astreinte.
Mme Nicole Bricq. Entre-temps, il y a eu une élection !
M. Pascal Clément, garde des sceaux. Monsieur Hyest, vous avez évoqué les associations de consommateurs. Je tiens à vous dire que je donne, conjointement avec mon collègue Thierry Breton, un agrément aux associations de consommateurs pour qu'elles puissent agir en justice au nom des consommateurs. Seules aujourd'hui dix-huit associations jouissent de cet agrément et leur force reste ainsi concentrée.
Vote sur l'ensemble
M. René Beaumont. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout d'abord, au nom du groupe UMP, je tiens à féliciter le président de la commission des lois, M. Jean-Jacques Hyest, de son excellent rapport, clair et limpide, sur une matière qui l'est beaucoup moins.
De l'examen de ce texte, nous voulons retenir plusieurs points principaux.
Tout d'abord, nous nous félicitons de l'examen de ce projet de loi dans le cadre de l'ordre du jour prioritaire.
En effet, le Parlement s'indigne suffisamment souvent des ratifications des ordonnances à marche forcée, même si, naturellement, il a préalablement habilité le Gouvernement à les prendre, pour ne pas se réjouir aujourd'hui de pouvoir être saisi de manière autonome de la ratification de l'une d'entre elles.
Ensuite, cette procédure a permis au Parlement d'améliorer substantiellement le texte, en assurant désormais la conformité du droit interne aux dispositions européennes en matière de responsabilité du fait des produits défectueux. Comme l'a bien souligné notre excellent collègue Pierre Fauchon tout à l'heure, si nous avons pu obtenir des améliorations en ce domaine, il y a encore beaucoup à faire.
Enfin, nous voulons ici saluer un nouveau texte, qui permet de déplacer le curseur en faveur des consommateurs. Il s'agit d'ailleurs en la matière de la troisième initiative depuis le début de cette législature, après la loi du 28 janvier 2005, d'initiative parlementaire, tendant à conforter la confiance et la protection du consommateur et la loi du 26 juillet dernier pour la confiance et la modernisation de l'économie.
Notre groupe s'en félicite dans la mesure où, une nouvelle fois, ces dispositions vont dans le sens d'une harmonisation à la hausse des droits du citoyen.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voterons donc avec satisfaction ce projet de loi tel qu'issu des travaux du Parlement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
4
Engagement national pour le logement
Discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, portant engagement national pour le logement (nos 188, 270).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur le rapporteur, vous êtes aujourd'hui saisis en deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement, texte que vous connaissez bien, pour avoir, voilà peu de temps, passé de nombreuses heures à l'examiner.
Si vous l'aviez déjà fortement enrichi, les députés en ont fait de même, en ajoutant une trentaine de nouveaux articles. Le texte qui revient en discussion aujourd'hui au Sénat comporte quatre-vingt-dix articles : sur cet ensemble, douze articles ont été votés conformes et n'ont plus à être examinés. L'essentiel du travail n'est donc pas terminé. Mais, finalement, nous ne pouvons que nous en réjouir. Si nous n'avons pas demandé l'urgence sur un sujet aussi important que le logement, c'est parce que nous pensons qu'une deuxième lecture donnera au Parlement, notamment au Sénat, un temps précieux d'approfondissement et de mise au point finale de ce texte.
Mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi de revenir quelques instants sur les objectifs du Gouvernement, que j'ai déjà eu l'occasion de présenter.
Nous sommes dans une situation de crise du logement, en raison des retards de construction accumulés tout au long de la précédente décennie et observés pour toutes les formes d'habitat et pour tous les secteurs. La réponse essentielle à cette situation ne peut donc que résider dans un accroissement massif de l'offre nouvelle de logements.
Tel est bien le fond de l'ensemble de notre politique de l'habitat, en complémentarité avec le programme de rénovation urbaine, qui consiste à améliorer radicalement, tant sur le plan quantitatif que qualitatif, la situation du logement dans nos quartiers.
Ce développement de l'offre doit toucher l'ensemble des segments de la chaîne du logement, car les besoins sont importants sur chacun d'entre eux, qu'il s'agisse de l'hébergement d'urgence, du logement social, du locatif intermédiaire, de l'accession sociale et du secteur libre.
À cette fin, la politique que nous avons mise en place, avec des moyens financiers importants et la mobilisation de tous les partenaires, a donné des résultats tangibles.
Ainsi, en 2005, plus de 80 000 logements sociaux ont été financés, soit le double par rapport à 2000. Conformément aux objectifs inscrits dans de la loi de programmation pour la cohésion sociale et afin de pouvoir rattraper le retard accumulé, il est maintenant nécessaire de faire passer la production annuelle de tels logements de 80 000 à 100 000, puis à 120 000 dans trois ans.
Dans le domaine de l'accession à la propriété, nous avons amélioré considérablement les conditions d'accès aux prêts à taux zéro, dont le nombre est passé de 80 000 en 2004 à 200 000 en 2005.
En outre, l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH, a financé près de 30 000 nouveaux logements locatifs privés à loyers maîtrisés.
En définitive, le plan de cohésion sociale est donc mis en oeuvre de manière très précise. Je tiens à le souligner, car je me souviens très bien de mes propos lors de la présentation du plan de cohésion sociale devant la Haute Assemblée. En évoquant les logements sociaux et les seuils fixés, à savoir 80 000, puis 100 000, puis 120 000, dont 20 000 aidés par l'ANAH, j'avais rappelé que certains m'avaient comparé à Harry Potter, car, selon eux, lui seul aurait pu promettre de tels objectifs prétendument inatteignables ! Or, mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes bien en train de réussir !
Globalement, car le logement est un tout, selon les derniers chiffres connus, la construction de logements est passée de 277 000 voilà huit ans à 310 000 il y a quelques années, puis à 412 000 en 2005, et le nombre de logements autorisés atteint aujourd'hui 512 000. Personne ne peut le contester, cela représente un niveau inégalé en France depuis vingt-cinq ans.
Mais il nous faut aller plus loin si nous voulons réellement répondre aux besoins dans la durée. Il s'agit de prendre toutes les mesures complémentaires indispensables pour passer à une production annuelle de 500 000 logements, pour obtenir un triplement des logements sociaux dans les trois ans, conformément, d'ailleurs, à la loi de programmation pour la cohésion sociale, et, enfin, pour intervenir sur 60 000 logements par an dans le parc privé, dont 40 000 logements conventionnés, c'est-à-dire sociaux.
Telle est l'ambition du pacte national pour le logement, dont certains outils sont déjà mis en oeuvre : la délégation interministérielle, l'allongement à cinquante ans des prêts bonifiés accordés par la Caisse des dépôts et consignations, la dissociation du foncier et de la partie construction.
Il s'agit, d'abord, de libérer du foncier, pour pouvoir construire. Un inventaire des terrains de l'État disponibles a été fait, qui permettront la construction de 30 000 logements, dont plus de la moitié en Île-de-France.
Des prêts fonciers ont été mis en place par la Caisse des dépôts et consignations. Trois opérations d'intérêt national, comportant une forte dimension logement, sont d'ores et déjà lancées en Île-de-France, à la suite de la décision prise lors du Comité interministériel d'aménagement et de compétitivité des territoires du 6 mars dernier.
Le taux des prêts a été réduit au cours de l'année et leur durée allongée. À cet égard, 328 communes d'Île-de-France ont été transférées de la zone 2 à la zone 1, ce qui permet d'améliorer grandement les conditions de financement de ces opérations.
Par conséquent, chacun le reconnaît, les moyens financiers nécessaires pour construire sont en place.
Il s'agit, ensuite, de maîtriser la charge des loyers. La mise en place, depuis le 1er janvier dernier, du nouvel indice de révision des loyers évitera des variations conjoncturelles erratiques de ces révisions. Même si la situation évolue en réalité assez peu sur une longue période, nous éviterons ainsi d'avoir à déplorer des évolutions brutales.
Il s'agit, encore, de répondre à l'urgence des mal logés : d'une part, le programme national de travaux de sécurité pour les centres d'hébergement d'urgence a été financé ; d'autre part, le lancement des programmes de construction de places d'urgence et de résidences hôtelières à vocation sociale a été adopté dans le cadre de l'ordonnance « lutte contre l'habitat indigne ».
Comme ce rapide inventaire l'a mis en évidence, nous restons extrêmement actifs sur le front du logement, ce qui explique les résultats heureux actuellement observés.
Mesdames, messieurs les sénateurs, puisque chacun, ici, connaît bien le contenu de ce projet de loi, je me contenterai de résumer les principales mesures envisagées.
L'idée centrale est de répondre à une demande formulée par les collectivités locales depuis vingt ou trente ans : d'une manière générale, il faut rendre rationnel l'acte de construire pour tous, et ce sur tous les plans, qu'il s'agisse du financement, des décisions, des recours et de la fiscalité.
À cet égard, la première mesure demandée par toutes les collectivités porte sur le remboursement aux collectivités, dès la première année, de l'exonération de TFPB, la taxe foncière sur les propriétés bâties, dont bénéficient les opérations de logement social.
La deuxième mesure est la possibilité offerte aux collectivités de majorer la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour les terrains constructibles, lorsque les tensions du marché sont fortes.
La troisième mesure, elle aussi largement demandée, concerne la baisse de la TVA à 5,5 % pour l'accession sociale à la propriété dans les quartiers en rénovation urbaine. Vous le savez, l'allongement de la durée des prêts de la Caisse des dépôts et consignations et la baisse des taux nous permettent de lancer les opérations souhaitées, notamment la maison à 100 000 euros ou l'appartement à 80 000 euros, avec un prix de remboursement en acquisition sociale égal au coût total du loyer dans un organisme HLM. Le tout est bien entendu soumis à des conditions de ressources au moins aussi strictes que dans le locatif social.
La quatrième mesure vise à créer un nouveau produit d'investissement locatif intermédiaire, que certains ont appelé le « Borloo populaire » et qui correspond à une demande unanime. Le dispositif Robien est maintenu : nous avons bien conscience que son succès a permis de relancer le logement, mais cet outil doit être quelque peu recentré. En complément, nous avons en effet besoin d'un produit complémentaire, qui tienne compte, à la fois, des plafonds de ressources et des efforts sur les loyers faits par les propriétaires.
La cinquième mesure est la déduction forfaitaire de 30 % pour les logements vacants remis sur le marché avant 2007. Il s'agit d'une opération ponctuelle, pour inciter les propriétaires à remettre leurs biens sur le marché.
La sixième mesure vise à l'élargissement du rôle de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, afin qu'elle développe le conventionnement sans travaux dans le parc locatif existant.
La septième disposition a pour objet l'interdiction des coupures d'eau, d'électricité et de gaz pour les ménages en grande difficulté pendant la période d'hiver.
La huitième et dernière mesure est le renforcement des mécanismes d'attribution de logements sociaux en faveur des ménages les plus défavorisés.
Enfin, un article du projet de loi prévoit les principes d'une réforme des sociétés anonymes de crédit immobilier, afin d'amplifier leurs actions d'intérêt général, notamment en matière d'accession sociale à la propriété, et les moyens financiers qu'elles y consacrent. Nous sommes convenus, avec les parlementaires, qu'un travail devait être conduit avec un comité des sages, travail qui a été engagé entre la première lecture du projet de loi à l'Assemblée nationale et la deuxième lecture au Sénat. Nous voulons aborder cette question dans une totale transparence et préciser le projet de cette famille du logement social.
Grâce aux débats qui ont eu lieu au cours des premières lectures, c'est donc un projet de loi complet qui vous est soumis. Dans la continuité de l'ensemble du programme de logement français, il apporte des réponses nombreuses et pertinentes aux facteurs qui actuellement freinent la mise en oeuvre de notre politique du logement.
Nous avons la volonté de surmonter ces derniers et nous sommes sur la voie de la réussite. Le projet de loi portant engagement national pour le logement nous permettra d'avancer plus vite sur cette voie. Il apporte les compléments attendus.
Je rappelle que le logement est l'un des trois facteurs clés contribuant à l'équilibre de toute personne et de toute famille. Tous les piliers de ce secteur doivent faire l'objet d'améliorations. Ils constituent une sorte de chaîne et ne peuvent pas être opposés les uns aux autres.
M. Dominique Braye, rapporteur. Très juste !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Sont concernés le mode de résidence, qu'il prenne la forme de l'accession à la propriété ou de la location, et les différentes catégories de bénéficiaires.
Rarement un tel effort aura été fait, sinon au cours de très lointaines périodes de crise dramatiques et de reconstruction. Tous les acteurs de la chaîne du logement peuvent être remerciés et félicités. Cependant, personne n'ignore que des progrès peuvent encore être accomplis.
Par ailleurs, le secteur du logement a un impact considérable sur l'emploi ainsi que sur le produit intérieur brut. Il a eu des incidences sur ce dernier en 2005, et il en sera de même cette année comme en 2007. C'est à la mise en oeuvre d'une importante politique de construction de logements que nos amis espagnols doivent une grande partie du rétablissement économique de leur pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la Haute Assemblée est saisie, en deuxième lecture, du projet de loi portant engagement national pour le logement, dont nous avions commencé la discussion au mois de novembre dernier.
Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, ce texte porte une grande ambition pour nos concitoyens puisqu'il a pour objectif d'apporter une réponse à la grave crise du logement qui sévit dans notre pays et qui frappe l'ensemble des Français, y compris et surtout les ménages les plus modestes, voire les plus démunis.
Sans entrer dans les détails des différents apports du Sénat en première lecture, je voudrais, à ce stade de mon propos introductif, rappeler que ce texte, composé à l'origine de onze articles, a fait l'objet de très nombreux enrichissements lors du débat parlementaire.
Après le vote par le Sénat, on dénombrait soixante-trois articles, et c'est fort de quatre-vingt-douze articles qu'il nous revient de l'Assemblée nationale. À maints égards, et bien souvent grâce à votre soutien, monsieur le ministre, nous avons pu adopter des dispositifs favorables au développement d'une offre de logement adaptée aux besoins des Français.
Je pense tout particulièrement à deux mesures : la possibilité d'obtenir une décote pouvant atteindre 35 % sur les cessions de terrains publics pour les opérations locatives sociales, et la compensation des pertes de recettes, pour les collectivités territoriales, liées à l'exonération de taxe sur le foncier bâti. À l'évidence, ces deux dispositions seront de nature à renforcer l'équilibre financier des opérations de construction et viendront à l'appui des objectifs ambitieux que le Gouvernement a fixés en matière de logement dans le plan de cohésion sociale, et que vous venez de rappeler à l'instant, monsieur le ministre.
Je me réjouis que les députés aient oeuvré dans le même sens que nous, à la recherche des solutions les plus pragmatiques pour apporter une réponse concrète aux difficultés de logement que rencontre notre pays.
Je répète aujourd'hui ce que j'avais eu l'occasion d'affirmer avec force à cette tribune voilà quelques mois : il n'est pas acceptable qu'un pays développé comme le nôtre laisse subsister des situations de « mal-logement », sous toutes ses formes, aussi nombreuses et aussi dramatiques. Et je tiens à affirmer que je trouve tout aussi anormal que notre pays consacre autant de ressources financières et humaines pour maintenir nos concitoyens dans le secteur locatif quand l'immense majorité d'entre eux n'aspirent qu'à une seule chose en la matière : l'accession à la propriété.
Comment expliquer cette nouvelle exception française en ce domaine ? Comment se fait-il que chez la plupart de nos voisins européens, le nombre de propriétaires soit sans commune mesure avec le nôtre ?
Pourquoi dépenser autant d'argent public en faveur du maintien des ménages dans le secteur locatif, alors qu'en dépensant les mêmes sommes, voire des sommes inférieures, on permettrait à la majorité de nos concitoyens, assignés par notre système au statut de locataires, de devenir d'heureux propriétaires ? (M. Jean-Luc Miraux applaudit.) Comment ne pas voir que la logique économique recommande d'aider les ménages à accéder à la propriété afin de leur apporter une sécurité financière évidente quand ils atteindront l'âge de la retraite, en leur permettant de disposer d'un logement qu'ils auront fini de payer ?
Selon moi, l'explication de ces paradoxes réside non seulement dans la force des habitudes, mais aussi dans la persistance d'anciens schémas idéologiques et dans l'incapacité que nous avons à remettre en cause nos raisonnements. Or, précisément, à n'en pas douter, ce projet de loi constitue une occasion unique pour poser ce problème et pour commencer, je l'espère, à remettre en cause nos habitudes pesantes et à briser certains tabous contraires à l'aspiration profonde de nos concitoyens.
À cet égard, je me félicite que les députés aient substantiellement renforcé les mesures contenues dans le projet de loi pour favoriser l'accession à la propriété.
Je pense, en premier lieu, à l'extension du taux réduit de TVA pour les opérations d'accession sociale à la propriété, qu'a proposée Patrick Ollier, président de la commission des affaires économiques. Cette disposition étant initialement limitée aux seuls quartiers faisant l'objet d'une convention avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, les députés ont souhaité l'étendre aux îlots situés dans un rayon de deux kilomètres, pour aider les territoires se trouvant aux franges de ces quartiers, qui peuvent également connaître de graves difficultés.
Même si l'idée est bonne, nous avons néanmoins estimé, dans notre analyse, que cet élargissement allait sans doute un peu trop loin, les députés n'ayant pu, faute d'éléments concrets, quantifier et apprécier l'impact direct de cette mesure. Aussi proposerons-nous, pour conserver toute sa force à cette disposition, de la cantonner à un rayon de 500 mètres.
À l'instar du Sénat, l'Assemblée nationale a également souhaité renforcer les outils en faveur de la lutte contre l'insalubrité et la vacance des logements. Ainsi les députés ont-ils proposé l'instauration d'un permis de louer dans les zones urbaines sensibles et l'assujettissement des logements vacants depuis plus de cinq ans à la taxe d'habitation. Ces deux idées sont louables dans leurs intentions mais ne laissent que trop peu de place à la diversité des territoires, où les problèmes ne se posent jamais de la même façon, nous le savons tous dans cette enceinte.
Concernant la première mesure, nous savons tous que les situations d'habitat les plus indignes se situent le plus souvent non pas dans les zones urbaines sensibles, les ZUS, mais bel et bien dans les vieux centres-villes historiques, où les logements dégradés font la fortune des marchands de sommeil.
S'agissant de la seconde mesure, un assujettissement sans discernement des logements vacants à la taxe d'habitation ne prend pas en compte la diversité des situations, notamment celle des communes en déclin démographique, où la vacance est devenue structurelle.
C'est pourquoi, dans les deux cas, la commission des affaires économiques vous proposera un aménagement de ces dispositifs afin de redonner tout son sens et toute sa place à l'initiative locale.
En ce qui concerne les apports sur ce volet du texte, elle vous présentera, quant à elle, un amendement tendant à ratifier l'ordonnance du 15 décembre dernier améliorant les procédures de lutte contre l'habitat insalubre ou dangereux.
J'en viens aux dispositifs ayant trait aux organismes de logement social.
Il n'aura échappé à personne que les députés ont, sur proposition du Gouvernement, habilité ce dernier à procéder par ordonnance à la réforme des sociétés anonymes de crédit immobilier, les SACI.
M. Thierry Repentin. Hold-up !
M. Dominique Braye, rapporteur. Ces structures, qui ont un pied dans le monde HLM et l'autre dans le secteur bancaire, jouent un rôle éminent en matière d'accession à la propriété, selon l'avis de tous.
De par les bénéfices qu'elles tirent de leurs activités concurrentielles, exercées par l'intermédiaire de filiales, elles remplissent des missions sociales adaptées aux spécificités de nos territoires. Nombreux, mes chers collègues, sont ceux d'entre vous qui ont appelé notre attention sur ce point. Les SACI ont toutefois besoin de s'adapter, notamment au cadre juridique communautaire et à la réalité de leur métier, nous le savons. C'est principalement à cet effet qu'une réforme est engagée.
En outre, il est préconisé, à cette occasion, de renforcer le caractère social de ces activités et de consacrer une partie de leurs fonds à des actions bénéficiant directement aux plus démunis.
Les modalités de la réforme sont en cours de concertation, sous l'égide d'un groupe de sages, constitué sur votre initiative, monsieur le ministre. Je le dis ici avec force : malgré les inquiétudes légitimes qui avaient pu s'exprimer à l'Assemblée nationale, les grandes orientations de la réforme sont arrêtées, et ce, je le crois, avec le consensus des différents acteurs intéressés.
Mes chers collègues, la commission des affaires économiques vous proposera donc d'adopter en l'état l'article 8 bis A, qui habilite le Gouvernement à procéder à la réforme des sociétés susvisées par voie d'ordonnance, mais sous deux conditions.
Monsieur le ministre, il convient, d'une part, que soit levée mon inquiétude relative à la constitutionnalité du dispositif prévu au 5° de cet article, qui autorise l'État à effectuer un prélèvement sur les fonds propres des SACI. Il convient, d'autre part, que soit pris l'engagement par le Gouvernement d'associer pleinement les parlementaires à l'élaboration de cette ordonnance.
Vous le savez, monsieur le ministre, les parlementaires sont toujours très réticents envers cette délégation de pouvoir sans assurance. Ils sont néanmoins prêts à l'entériner pour accélérer des décisions attendues et d'intérêt général quand ils ont confiance en leur ministre, ce qui est le cas aujourd'hui, et que ce dernier sait apporter des réponses apaisantes à leurs légitimes inquiétudes.
Je ne doute pas, monsieur le ministre, que c'est précisément ce que vous ferez, me permettant ainsi de proposer à notre Haute Assemblée d'adopter conforme l'article 8 bis A.
J'en viens, pour terminer mon propos, à la réforme de l'article 55 de la loi SRU.
M. Thierry Repentin. Sujet que vous connaissez bien !
M. Dominique Braye, rapporteur. Comme vous le savez, ce sujet a fait couler beaucoup d'encre...
M. Alain Vasselle. Et ce n'est pas fini !
M. Dominique Braye, rapporteur. ...lors de la discussion du texte à l'Assemblée nationale, au risque, hélas ! de diluer l'essentiel des autres mesures, pourtant beaucoup plus importantes qui ont été insérées dans le texte.
Comme dans notre Haute assemblée, ce sujet a déchaîné toutes les passions, alors que la raison aurait commandé une approche ouverte et pragmatique de ce point de friction.
Mais rien ne sert de se lamenter. Notre société a ainsi évolué : elle préfère aujourd'hui la forme au fond, ce qui paraît à ce qui est, en un mot le superficiel à l'essentiel. Et personne n'y échappe, pas plus notre Haute Assemblée que les autres institutions et l'ensemble de la société. Il en est par conséquent de même en matière de logement, y compris pour l'article 55.
Alors, comme je m'y étais engagé en première lecture, mettant dans la balance mon mandat de rapporteur, la commission des affaires économiques vous présente une réforme équilibrée de l'article 55 de la loi SRU, loin des petites polémiques et des grands effets de manche, dont sont si friands tous les médias de notre pays. Cette réforme est exclusivement guidée par le souci d'efficacité et de justice.
Efficacité, tout d'abord, pour aider les communes qui rencontrent des difficultés objectives à réaliser leurs obligations triennales mais aussi pour inciter celles qui le peuvent à aller au-delà de leurs obligations, afin de sortir le plus rapidement possible de cette situation dont, très souvent, elles ne sont pas responsables.
Cette réforme est guidée, ensuite, par un souci de justice.
Justice bienveillante pour les communes qui se sont vu assigner des objectifs totalement irréalistes et qui ont été mises au ban de la République alors qu'elles ne peuvent pas atteindre lesdits objectifs malgré tous leurs efforts et leur bonne volonté.
À l'inverse, justice sévère pour les vrais réfractaires à la mixité sociale, heureusement peu nombreux, qui seront placés devant leurs responsabilités sans possibilité d'y échapper.
Laissez-moi, sur ce sujet, répéter une nouvelle fois ma conviction profonde, que j'ai exprimée très souvent à cette tribune : concernant cet article 55, je crois que l'arbre ne doit pas cacher la forêt des problèmes du logement que traverse notre pays.
Il s'agit peut-être d'un sujet important, mais l'honnêteté m'oblige à dire que je suis persuadé qu'il aurait été bien préférable de privilégier le contrat à la contrainte, l'incitation à la sanction, et la carotte au bâton.
M. Alain Vasselle. Eh oui !
M. Dominique Braye, rapporteur. Rappelons-nous, d'ailleurs, mes chers collègues, que le bilan de la première période triennale nous apporte un enseignement majeur : ce que certaines communes n'ont pas réalisé a très largement été dépassé par ce que les autres ont fait en plus en matière de logement social...
Mme Michelle Demessine. C'est bien le problème !
M. Dominique Braye, rapporteur. ...puisque l'addition des deux chiffres nous donne un solde positif de près de 25 000 logements sociaux - ce qui, vous en conviendrez, est loin d'être négligeable.
Retrouvons donc tous raison sur ce dossier et avançons avec, comme je l'ai dit, le souci de l'efficacité et de la justice. La pleine justice de cette réforme serait, à n'en pas douter, la meilleure garantie de son efficacité.
Tels sont les points que je souhaitais aborder avant que nous débutions l'examen de ce texte. Forte de près de quatre-vingts amendements, la commission des affaires économiques appelle à voter le projet de loi portant engagement national pour le logement, qui, je l'espère, apportera un vrai début de solution à cette crise nationale du logement qui doit mobiliser toutes nos initiatives et toutes nos énergies. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Daniel Dubois.
M. Daniel Dubois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de saluer l'esprit de dialogue dont a fait preuve notre rapporteur, qui a eu, parfois, à gérer des allers-retours délicats et qui a constamment gardé le souci de l'équilibre ainsi que le sens de sa propre responsabilité et de ses convictions.
Nous voici réunis pour l'examen en deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement. Le mot « engagement » souligne sans équivoque la volonté forte du Gouvernement de sortir de la crise du logement que notre pays connaît depuis de trop nombreuses années.
La politique du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre, porte aujourd'hui ses fruits : alors que l'on construisait environ 300 000 logements en 2000, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, ce chiffre dépasse aujourd'hui la barre des 400 000.
En matière de logement social, nous sommes passés de 42 000 logements construits en 2000 à 80 000 en 2005, même si le logement dit intermédiaire, financé en PLS, c'est-à-dire en prêt locatif social, y tient une place non négligeable.
Les efforts que vous avez entrepris méritent donc d'être salués.
C'est aussi le cas pour la politique que vous menez en faveur des zones urbaines sensibles avec l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Nous savons que votre tâche est difficile et que vos objectifs sont ambitieux. La crise des banlieues nous a rappelé, s'il en était besoin, qu'il était urgent de s'engager dans cette voie.
Vous savez, monsieur le ministre, pouvoir compter sur le soutien du groupe UC-UDF pour toutes ces actions.
Cependant, au-delà du projet de loi qui nous est soumis, il me paraît essentiel de rappeler quelques principes sur lesquels doit s'appuyer une politique du logement. Ils sont à mes yeux au nombre de trois : l'équilibre, la durée et la simplification.
Je tiens, en particulier, à insister sur la notion d'équilibre, qui doit guider nos réflexions et nos décisions.
L'équilibre, c'est, tout d'abord, l'équilibre entre l'offre et la demande.
Nous savons aujourd'hui que, pour sortir de la crise que nous traversons, il faut retrouver un équilibre entre l'offre et la demande et, surtout, sortir de la pénurie d'offre qui est l'objectif principal des politiques du logement de ces trois dernières années.
Le Gouvernement a entrepris de rattraper le retard pour retrouver cet équilibre indispensable, qui constitue sans aucun doute la clef de tous nos maux.
Toutefois, cet équilibre doit aussi se combiner avec l'équilibre entre la location et l'accession à la propriété, qui s'inscrit dans l'objectif du parcours résidentiel, lequel est lui-même une composante du droit au logement.
Le logement est indiscutablement un élément majeur de cohésion sociale. Avoir un toit, c'est l'assurance d'avoir une existence sociale, c'est le cadre de vie et d'expression d'une famille.
Offrir à tous un cadre propice au parcours résidentiel passe donc par cet équilibre entre la location et l'accession à la propriété, cette dernière en constituant l'aboutissement.
C'est pourquoi, vous le comprendrez, je serai très attentif au débat concernant l'article 55 de la loi SRU.
Vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le rapporteur : la France est aussi l'un des pays européens où le taux de propriétaires est le plus faible. Elle ne compte en effet que 56 % de propriétaires, contre 74 % en Grèce, 78 % en Irlande ou encore 83 % en Espagne, pour ne prendre que ces exemples.
Il faut rattraper ce retard sans pour autant faire de la propriété l'unique objectif de nos politiques du logement et, surtout, en évitant d'opposer accession et location.
Aujourd'hui, mes chers collègues, vous n'ignorez pas que le prix du logement neuf a augmenté en moyenne de plus de 50 % en dix ans et qu'il est désormais impossible, en accession ou en location, de construire à moins de 1 000 euros le mètre carré habitable.
C'est pourquoi il me paraît incontournable aujourd'hui de soutenir, comme vous le faites, l'accession pour les primo-accédants afin d'offrir à toute personne la possibilité de réaliser son propre parcours résidentiel. Le prêt à taux zéro mais aussi la TVA à 5,5 % en sont des outils moteurs.
Il est un autre équilibre indispensable : l'équilibre entre le privé et le public. Les deux domaines d'activités sont complémentaires et les opérateurs qui y expriment leur savoir-faire sont tous des acteurs du parcours résidentiel, comme l'est aussi le bailleur privé qui a investi dans un logement à louer.
C'est pourquoi il faut veiller, monsieur le ministre, à sauvegarder la capacité pour chacun d'agir dans un espace ouvert. C'est la raison pour laquelle notre groupe est opposé aux décisions unilatérales qui limiteraient les possibilités opérationnelles des crédits immobiliers locaux. Ils sont, grâce à leur savoir-faire, un véritable trait d'union entre l'activité privée et l'activité publique.
Quant aux sociétés d'HLM, nous sommes convaincus qu'il faut leur laisser un champ d'action suffisamment large pour qu'elles puissent rester les porteurs d'une véritable politique de mixité et de diversité sociales.
Oui, il faut stimuler la mobilité dans les logements sociaux ! Oui, il faut rompre avec les abus inacceptables qui empêchent de répondre à toutes les demandes et sollicitations les plus légitimes ! Oui, il faut faire sortir du parc social les personnes dont les revenus supporteraient largement le prix du marché privé !
Cependant, comme je le disais, il faut garder la mesure, faute de quoi nous perdrions de vue cet impératif d'équilibre social, en écartant du parc HLM les personnes dites de classe moyenne, empêchant ainsi un brassage nécessaire de population.
Notre groupe présentera donc des amendements afin d'éviter qu'après la constitution de quartiers ghettos nous ne créions petit à petit, sans y prendre garde, par la paupérisation de leur clientèle, des sociétés d'HLM ghettos.
L'équilibre doit aussi régir les droits entre propriétaires et locataires.
Au risque de paraître iconoclaste, j'estime que les solutions pour dépasser cette crise du logement résident également dans cet équilibre. Il s'agit sans aucun doute de l'équilibre le plus délicat à trouver, dans la mesure où il touche à deux principes constitutionnellement protégés, à savoir le respect de la propriété privée et le respect du droit au logement.
En tout état de cause, c'est à l'État d'assurer ce droit au logement sans faire porter cette responsabilité de façon un peu insidieuse aux collectivités territoriales ou aux structures HLM.
C'est faute de direction claire et précise dans ce domaine que nous laisserons libre court à des comportements de repli à la fois des propriétaires-bailleurs et des locataires.
Le logement est aussi un outil d'aménagement du territoire. J'en viens donc à l'équilibre qui doit régner entre le milieu urbain et le monde rural.
Les différents programmes de construction entrepris depuis quelques années ne doivent pas se faire au détriment de l'un ou de l'autre, ils doivent, au contraire, s'intégrer dans une politique d'aménagement du territoire globale et équilibrée qui n'oublie aucune de ses composantes.
En particulier, je crois capital de ne pas oublier le milieu rural, que ce soit dans la programmation des constructions ou dans l'adoption des différentes mesures que nous prenons pour encourager l'offre.
Ce constat est d'autant plus important quand on sait que 75 % de la population a droit à un logement HLM et que, dans les départements ruraux, le chiffre monte généralement à 90 %. Ces taux révèlent, si besoin en était, que la problématique du logement concerne l'ensemble des populations, que ce soit celles des agglomérations ou celles des zones rurales.
C'est pourquoi j'avais proposé de réformer le zonage. Je sais que cette évolution relève du domaine réglementaire, mais je tiens à insister sur ce déséquilibre, en particulier pour la délimitation des zones C.
En effet, sont regroupées dans ces zones des périphéries d'agglomérations qui, parfois, ont elles-mêmes des ZUS et présentent de grandes disparités, lesquelles entraînent un réel déséquilibre dans le montage financier des opérations, ce qui nécessite des participations financières des communes rurales, ainsi que la mobilisation non négligeable de fonds propres des sociétés d'HLM.
La réforme du zonage, qui, je le sais, a un coût, serait une excellente initiative en faveur du développement équilibré de notre territoire.
Le deuxième principe est celui de la durée et de la délégation.
Nous en sommes, en quatre ans, à la quatrième loi sur le logement. Est tant que législateur, nous avons la lourde responsabilité de rendre opérationnels tous les outils permettant d'augmenter et d'accélérer les rythmes de construction. C'est là, bien entendu, une évidence, mais le fait de le rappeler ne me semble pas inutile, dans la mesure où nous le perdons de vue de temps en temps.
À trop vouloir en faire, au lieu de trouver cette indispensable lisibilité sur la durée nécessaire aux opérateurs, nous créons un tissu réglementaire de plus en plus complexe, qui, parfois, freine les ambitions plutôt qu'il ne les stimule.
Il serait selon moi nécessaire que, en nous appuyant sur un diagnostic partagé, nous sachions bâtir sur la durée un cadre d'action qui s'appuiera à la fois sur la dynamique des territoires - lesquels, avec leur PLH, leur programme local de l'habitat, s'inscrivent dans de véritables stratégies de développement du logement -, sur les outils de politique foncière que sont les établissements publics fonciers qui permettent la constitution sur la durée de réserves foncières et, enfin, sur une réelle délégation des aides à la pierre.
Le troisième principe concerne, quant à lui, la simplification administrative.
Alors que plus de 500 amendements ont été déposés au Sénat pour la deuxième lecture de ce texte, je tiens à dire ici que si nous ne savons pas, comme le Gouvernement vient de le faire pour les permis de construire, simplifier les procédures, nous ne gagnerons pas la bataille de l'efficacité opérationnelle dont ont besoin les opérateurs pour construire plus et plus vite.
M. Alain Vasselle. C'est vrai !
M. Daniel Dubois. Pourquoi fallait-il hier deux ans pour obtenir un arrêté de ZAC, zone d'aménagement concerté, alors qu'aujourd'hui quatre ans n'y suffisent plus, et que, dans certains territoires, dix mois sont parfois nécessaires pour obtenir un arrêté de lotissement alors que le délai légal est de trois mois ?
M. Jean-Luc Miraux. Effectivement !
M. Daniel Dubois. Et je ne parle pas de certains certificats d'urbanisme, dont les délais d'obtention explosent.
Concernant les normes nouvelles, nous devons avoir à l'esprit, mes chers collègues, que leur création provoque toujours un coût supplémentaire sur la construction du mètre carré habitable, qui avoisine aujourd'hui 1 000 euros le mètre carré, prix qui ne baissera pas mais ne peut malheureusement qu'augmenter.
Sur une durée de quatre ans, les nouvelles normes que nous avons votées ont entraîné un accroissement de 5 % du coût de la construction, et je n'ose imaginer celui qu'engendrera la mise en place trop rapide des normes de haute qualité environnementale, les normes HQE.
C'est pourquoi nous devons toujours avoir à l'esprit, quand nous votons ces mesures, les coûts induits sur les mètres carrés à construire. Nous devons nous demander si ces nouvelles dispositions ne nous éloignent pas trop de notre priorité première, partagée par tous, à savoir la construction de plus de logements.
Quant à la gestion du logement locatif dans les HLM, je peux vous dire, au vu de mon expérience personnelle, qu'elle est parfois devenue une véritable usine à gaz, qui coûte de l'argent aux opérateurs et mériterait sans aucun doute, elle aussi, d'être simplifiée pour gagner en efficacité.
Tels sont les différents points sur lesquels je voulais insister.
Le projet de loi que vous proposez, monsieur le ministre, contient des dispositifs intéressants, qui permettent de répondre à plusieurs problèmes.
Certaines modifications apportées par l'Assemblée nationale me semblent toutefois peu opportunes.
Je pense, tout d'abord, à la réforme de l'article 55 de la loi SRU : plutôt que de modifier cet article, il serait préférable d'accompagner les maires afin de leur permettre d'atteindre le taux de 20 % de logements sociaux dans leurs communes.
M. Alain Vasselle. Mais non !
M. Daniel Dubois. Ensuite, s'agissant du permis de louer, le ciblage des ZUS n'est pas forcément adapté à la réalité de la localisation des logements insalubres et dangereux.
En outre, la réforme des SACI, ces sociétés qui construisent là où les très grands groupes se refusent à intervenir, faute de réaliser des marges suffisantes. Si nous fragilisons les SACI, nous risquons de perdre un savoir-faire unique car, je le répète, ces sociétés construisent du logement et elles le font bien.
Enfin, la taxation des terrains non bâtis concerne toutes les communes dotées d'un document d'urbanisme alors que la pression foncière n'est pas toujours présente. Je recommande donc que ce dispositif soit modifié de telle sorte qu'il réponde à sa finalité première : libérer du foncier pour faciliter la construction.
Mettons à profit cette deuxième lecture pour analyser, discuter et améliorer ces différentes questions soulevant de véritables problèmes, dont les conséquences peuvent être très graves pour les collectivités locales.
Tout en espérant qu'un certain nombre de nos propositions recevront un écho favorable, vous pouvez compter, monsieur le ministre, sur l'engagement plein et entier de notre groupe pour participer activement à cette discussion. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau amenés à « plancher », pour une période de trois semaines et à l'occasion de sa deuxième lecture, sur le projet de loi portant engagement national pour le logement. Je dis bien « pour le logement » et non « pour le logement pour tous » car, s'agissant de ce dernier, nous sommes loin de l'objectif.
L'assemblage hétéroclite de mesures proposées dans ce texte ne répond pas à l'ampleur des besoins et ne permet pas d'intervenir au niveau nécessaire.
Doit-on rappeler que le projet de loi initial comportait seulement onze articles, que le travail parlementaire mené au Sénat en première lecture a permis de lui donner une dimension plus acceptable en portant ce nombre à plus de soixante, et que nos collègues députés, constatant eux-mêmes certaines carences, y ont ajouté une trentaine d'articles ? Et sans doute le texte résultant de nos travaux comportera-t-il plus de cent articles.
La crise du logement que la France traverse est profonde et d'une gravité inégalée dans son histoire, sans que nous ayons l'excuse des destructions et pénuries de l'après-guerre, qui nous avaient en effet amené à connaître une situation difficile.
Cette crise se décline en cinq points : la crise du volume de l'offre, la crise de l'inadaptation de l'offre, la crise des moyens, la crise de la dérégulation des marchés et, enfin, la crise de la solidarité nationale.
Il y a, premièrement, une crise du volume de l'offre, puisqu'il manque aujourd'hui 900 000 logements.
L'État, avec une continuité qu'il convient de noter, a très mal évalué la progression de la population française puisqu'il estimait, en 1996, à 23 millions le nombre de ménages, alors que 24 500 000 ménages ont été recensés en 1999. Cet écart considérable entre les chiffres a conduit à une sous-estimation des besoins de logements, de l'ordre de 80 000 unités par an.
L'État n'a pas non plus pris en compte l'impact des transformations du modèle familial sur le logement : divorces, décohabitations, vieillissement. Autant d'erreurs de prévision qui ont aggravé la pénurie, année après année, notamment en matière de logements sociaux. Cela a été dit à l'Assemblée nationale et mérite d'être pris en compte.
Par ailleurs, les transformations du modèle familial ont encore accru les besoins et continueront de le faire. Nous devons également en tenir compte dans l'appréciation du volume de l'offre, afin d'ajuster l'offre de logements à l'évolution du mode de vie de nos concitoyens.
J'en viens à mon deuxième point, la crise de l'inadaptation de l'offre : 40 % seulement de l'offre nouvelle est accessible aux trois quarts des Français, alors que le pourcentage dépassait les 60 % en 2001. On construit certes plus de logements, mais de moins en moins de ménages sont capables d'en assumer le coût.
Plus de 100 000 demandes de logements sociaux ont été recensées en Île-de-France, dont 75 % émanent de ménages qui disposent de revenus ne leur permettant pas d'accéder à d'autres logements que ceux qui relèvent du PLAI, le prêt locatif aidé d'intégration. Il faudra en tenir compte, monsieur le rapporteur, afin de comptabiliser de façon exacte ce qui relève vraiment du logement social au titre de l'article 55 de la loi SRU, au regard des moyens financiers de nos concitoyens.
À l'échelon national, 1 300 000 familles attendent un logement et sont inscrites à ce titre selon la procédure du numéro unique.
M. Dominique Braye, rapporteur. Et vous, qu'avez-vous fait ?
M. Thierry Repentin. Il faut rappeler la situation paradoxale que nous avons connue en 2004 : la construction de 400 000 logements, qui constituait un niveau jamais atteint depuis plusieurs années, s'est accompagnée, dans le même temps, d'un effondrement de la part des logements locatifs sociaux, seuls 160 000 de ces logements étant accessibles sous condition de ressources.
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est de la repentance ! On va l'appeler Thierry Repentant ! (Sourires.)
M. Thierry Repentin. Et encore faut-il regarder de près votre façon de comptabiliser les logements sociaux !
Je me réjouis que nous construisions aujourd'hui un peu plus de logements réellement sociaux que dans les années 2000 à 2002.
M. Dominique Braye, rapporteur. Beaucoup plus !
M. Thierry Repentin. Merci donc aux auteurs des dispositions prises à cette époque, qu'il s'agisse de la loi SRU, de la création des prêts locatifs sociaux, les PLS,...
M. Dominique Braye, rapporteur. Il faut faire des PLS !
M. Thierry Repentin. ...mais aussi de la société foncière Habitat et Humanisme.
Ces trois mesures, qui ont été confortées, permettent aujourd'hui de construire davantage de logements sociaux. En effet, entre la création de dispositifs en matière de logement et leur application concrète sur le terrain, trois à quatre ans peuvent s'écouler.
M. Thierry Repentin. La troisième crise est une crise des moyens.
Utilise-t-on à bon escient les ressources budgétaires de l'État ? Permettez-nous d'en douter.
Le choix de l'utilisation du levier « aides fiscales », que nous allons visiblement créer avec ce projet de loi, est malheureusement prépondérant, avec les amortissements défiscalisés existants. Ces aides ne comportent ni compensations ni garanties - ou si peu - sur les loyers pratiqués ou les ressources des locataires, pour un coût exorbitant assumé par les collectivités locales, coût supérieur à celui que l'État supporte pour financer un logement social de type HLM.
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est faux !
M. Thierry Repentin. Et encore n'est-ce pas ce gouvernement qui en supportera le coût, mais ceux qui lui succéderont et devront payer « plein pot » la facture de ces aides fiscales. De plus, il n'a été prévu dans ce dispositif ni contrôle ni suivi de l'occupation des logements construits.
Par ailleurs, il y aura un effet « boule de neige » s'agissant de la flambée des prix de l'immobilier.
Enfin, ce système privilégie le propriétaire bailleur par rapport au propriétaire occupant, ce qui est en contradiction avec le discours bien rodé en faveur de l'accession à la propriété, « rêve de tous les Français qu'il faut aider à réaliser », et cher à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. Absolument !
M. Thierry Repentin. Comment ne pas déplorer le dénuement dans lequel se trouvent les exécutifs locaux qui souhaitent développer une politique volontariste en faveur du logement abordable.
Ceux-ci souffrent d'une pénurie d'outils fonciers, outils que nous souhaitons favoriser en allégeant les procédures de création, notamment sur les établissements publics fonciers locaux. Ils souffrent également d'une absence de base légale fondant la pratique de nombreuses communes, administrées souvent par des élus de gauche, mais aussi parfois de droite, tendant à imposer un minimum de logements sociaux dans chaque nouveau programme.
La crise des moyens trouve aussi sa traduction dans une baisse des capacités d'intervention foncière des communes et des EPCI en raison du renchérissement du marché de l'immobilier, avec une augmentation des prix de 25 % pour la seule année 2004, et dans l'absurdité des impôts fonciers, lesquels pénalisent les communes qui construisent et favorise celles qui détiennent du foncier constructible sans l'utiliser, en attendant une nouvelle montée des prix.
Je note néanmoins avec satisfaction deux petites avancées obtenues en première lecture : d'une part, la répartition de la plus-value, dont bénéficient en partie les communes, et, d'autre part, le système tendant à favoriser la fluidité du marché foncier. Je vous en donne acte, monsieur le ministre.
S'agissant de la crise de la dérégulation des marchés, en Île-de-France, les prix du mètre carré dans l'habitat ancien ont crû de 75 % en quatre ans dans certaines communes et les maisons ont vu leur prix doubler en cinq ans sur l'ensemble du territoire national. Or, vous en conviendrez, les revenus de nos concitoyens n'ont pas augmenté dans les mêmes proportions.
Nous constatons également une flambée des prix de l'immobilier et un emballement du marché qui aboutit au blocage des parcours résidentiels. L'inflation immobilière a engendré l'une des principales inégalités de notre République. Elle grève le pouvoir d'achat ; elle interdit à nos concitoyens le choix de leur résidence ; elle paralyse la mobilité sociale.
Le poids du logement dans le budget des ménages devient insupportable. Le prix moyen du mètre carré dans le locatif libre s'envole. Pour un ménage avec un enfant, se loger dans un trois-pièces de 75 mètres carrés représente 36 % des revenus. Nous courons le risque de l'endettement et la croissance est menacée.
Nous ne comprenons ni votre entêtement à ne pas aider davantage la pierre, et notamment le logement social, ni votre volonté de maintenir dans le dénuement les 6 millions de ménages auxquels vous refusez une revalorisation équitable des aides à la personne.
La dérégulation et la flambée des prix se sont accompagnées de la prolifération des marchands de sommeil. Des avancées sont attendues dans ce projet de loi afin de lutter contre l'habitat insalubre et indécent. Elles devront se concrétiser au travers d'outils adaptés en termes tant de gouvernance que de champ d'application.
Il n'est nul besoin de stigmatiser une fois de plus le logement social en inventant un permis de louer uniquement dans les zones urbaines sensibles qui, en général, comportent un parc de logement social bien entretenu tant par les collectivités locales que par leurs opérateurs, c'est-à-dire les organismes de logements sociaux. Lorsqu'un immeuble brûle en France, c'est rarement dans une ZUS et il s'agit tout aussi rarement de logement social.
Enfin, nous connaissons une crise de la solidarité nationale. La remise en cause, par l'Assemblée nationale, de l'article 55 de la loi SRU est inacceptable et condamnable. Il est en effet proposé que soit pris en compte pendant cinq ans, dans le calcul des 20 % de logements sociaux, les logements HLM vendus à leurs occupants, ainsi que les logements neufs en accession à la propriété financés par des aides de l'État. Bravo pour la subtilité !
À la clé, des logements extraits de facto du parc de logements sociaux disponible et des logements acquis à 2 700 euros le mètre carré à Marseille, à 4 300 euros le mètre carré à Suresnes, à 5 000 euros le mètre carré à Boulogne-Billancourt ou à 5 500 euros le mètre carré à Paris seront comptabilisés dans le logement social !
M. Gérard Delfau. Grotesque !
M. Thierry Repentin. Cette « avancée » a-t-elle pour objet de soustraire les maires à leur obligation de faire du logement social ?
M. Gérard Delfau. Bien sûr !
M. Thierry Repentin. Monsieur le ministre, ces dispositions, votées à l'Assemblée nationale à travers un amendement inique de M. Ollier, sont révélatrices d'une conception de la politique du logement qui ne vise ni à améliorer la situation des ménages défavorisés, des 9 millions de personnes mal logées, ni à faciliter la décohabitation des jeunes adultes souhaitant quitter le domicile parental, ni à favoriser l'accès et le maintien dans le logement des classes modestes et moyennes contraintes de partir habiter toujours plus loin des centres des agglomérations.
M. Dominique Braye, rapporteur. Ça vous va bien !
M. Thierry Repentin. L'abrogation ou l'assouplissement de l'article 55 de la loi SRU, c'est l'astuce d'une ambition pour le logement qui vise à éviter aux maires, qui, pour certains, ont choisi d'être ségrégatifs, d'être sanctionnés et de payer une contribution de compensation, laquelle reste malgré tout, convenons-en, très modeste. (C'est faux ! sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye, rapporteur. On ne donne pas de leçons quand on est responsable de la situation ! Gardez vos effets de manche pour les médias, monsieur Repentin !
M. Thierry Repentin. Triste conception pour ceux qui sont à l'origine de ces « adaptations » de l'article 55 d'un engagement national pour le logement !
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est de l'idéologie !
M. Thierry Repentin. Sur ce sujet, je note qu'à l'occasion de la récente discussion dans cet hémicycle du projet de loi pour l'égalité des chances, on a opposé l'article 40 de la Constitution, sans exception, à tous les amendements relatifs aux aides à la personne !
M. Dominique Braye, rapporteur. On le refera !
M. Thierry Repentin. On nous a même opposé l'exception d'irrecevabilité au seul motif que la question du logement n'aurait pas sa place dans un texte sur l'égalité des chances. C'est révélateur !
Les difficultés de logement touchent une grande majorité de familles, familles qui ont le plus souvent un emploi, un salaire, un statut, mais qui ont des ressources trop modestes pour faire face à l'envolée des loyers ou des statuts trop précaires pour remplir les conditions d'accession à la propriété.
Nous devons donc poser les bases d'un droit au logement opposable : nous allons nous y atteler avec détermination.
M. Dominique Braye, rapporteur. Clientélisme idéologique !
M. Thierry Repentin. Monsieur le ministre, vous vous étiez engagé en première lecture devant cette assemblée à approfondir un certain nombre de nos propositions au cours de la navette parlementaire, notamment en ce qui concerne la caisse de garantie des risques locatifs. Nous attendons vos propositions avec intérêt. Elles seront examinées, je peux vous l'assurer, avec honnêteté.
M. Dominique Braye, rapporteur. Ce serait la première fois ! (M. Gérard Delfau s'indigne.)
M. Thierry Repentin. Même si le contexte politique dans lequel la discussion s'engage nous laisse peu d'espoir quant à l'écoute que réservera le Gouvernement à des propositions qui relèvent du bon sens pour la majorité de nos concitoyens, étant optimiste par nature, j'espère encore à cet instant...
M. Dominique Braye, rapporteur. Idéalisme idéologique !
M. Thierry Repentin. ...que, contrairement, au chef du Gouvernement, qui fait de la condescendance une nouvelle ligne d'action dans la gouvernance, vous tiendrez bon pour sauvegarder les rares avancées de la première lecture, menacées par certains lobbys.
J'espère encore que cette deuxième lecture sera enfin celle de la prise en compte du logement social, au risque de paraître naïf à la tribune compte tenu du peu d'appétence de votre majorité à l'égard de ce segment du logement en France !
Mme Catherine Procaccia. N'importe quoi !
Mme Christiane Hummel. Insupportable !
M. Christian Cambon. Monsieur Repentin, ce n'est pas bien de dire ça !
M. Dominique Braye, rapporteur. M. Repentin est un donneur de leçons idéologue !
M. Thierry Repentin. Ma conclusion sera celle du mouvement associatif, qui, lui, « galère » chaque jour sur le terrain. Dans cinq grands quotidiens de France,...
M. Dominique Braye, rapporteur. Nous ne légiférons pas sous pression, nous !
M. Thierry Repentin. ...il vous dit, il nous dit : « si le mot " inégalité " ne vous fait pas tressaillir, peut-être serez-vous plus sensibles au mot " injustice " !
Mme Christiane Hummel. Vous répétez ce qu'a dit l'abbé Pierre...
M. Dominique Braye, rapporteur. Et la fondation de l'abbé Pierre, qui est entouré de dangereux gauchistes,...
Mme Michelle Demessine. Dangereux ?
M. Dominique Braye, rapporteur. ...a fait de mauvais choix !
Mme Michelle Demessine. Il appréciera !
M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia.
Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui en deuxième lecture est très attendu.
Il est attendu par tous ceux qui sont inscrits sur les listes de demandeurs de logements dans nos communes.
Il est attendu par les associations qui oeuvrent en faveur des plus mal logés.
Il est aussi attendu, et très attendu, par les élus locaux que nous sommes, qui, tous, sur l'ensemble de ces travées, aimeraient pouvoir satisfaire les sollicitations nombreuses et justifiées de nos concitoyens.
Ce texte est pluriel, car il propose des mesures pour agir à la fois sur le front de l'offre de logement et sur celui de l'accession à la propriété. Citons, entre autres dispositions, la mobilisation des terrains publics, la lutte contre la rétention foncière, le soutien aux maires bâtisseurs, mais aussi la relance de l'offre de logements privés à loyers modérés et la lutte contre la vacance des logements, ou, enfin, un accès facilité à un logement décent pour les personnes défavorisées.
Cependant, monsieur le ministre, je me permets de vous dire, à titre personnel, que je crains que, dans l'intitulé de votre projet de loi, l'expression « engagement national » ne crée des désillusions, particulièrement en région parisienne.
En effet, compte tenu de la définition actuelle du logement social, ce sont plus de 60 % des habitants de mon département qui pourraient y prétendre. Dans la réalité, ils ne peuvent que rêver : rêver d'avoir un appartement plus grand, rêver d'être à proximité des transports ou de l'école, rêver de rester dans leur commune et, surtout, rêver de payer moins cher !
C'est d'autant plus une utopie qu'il faut sans cesse davantage de logements sociaux, parce qu'un couple sur deux divorce en région parisienne, ce qui multiplie les besoins, et aussi parce que la région parisienne ne peut plus répondre à la demande.
L'Île-de-France est à mon avis trop dense, et la loi SRU n'a fait qu'accroître son attractivité en rendant obligatoire les logements sociaux dans les communes au-delà de 1 500 habitants. Je regrette que le texte qui nous est présenté ne revienne pas sur cette disposition, car elle est lourde de conséquences.
La course au quota va en effet entraîner l'urbanisation de nos derniers villages et, dans quelques années, les Franciliens n'auront que le béton pour horizon, à cinquante ou à quatre-vingts kilomètres à la ronde. Certes, mes chers collègues, certains d'entre vous, et particulièrement ceux qui viennent des régions rurales, penseront qu'un peu plus de béton ne changera pas grand-chose à la vie en région parisienne, mais je vous assure du contraire !
La seconde conséquence est le prix du foncier : le terrain non bâti est de plus en plus cher, au point de devenir inabordable, quand il en existe encore, et, en proche couronne, il n'en existe plus ! Le prix au mètre carré des logements est aussi prohibitif pour un individu que pour une commune qui souhaiterait préempter, sans compter les multiples recours auxquels les collectivités locales doivent faire face.
Alors, je dis à mes collègues qui ont encore du foncier, qu'ils soient de province ou même de Paris, où il existe des terrains, d'essayer de nous comprendre et d'être un peu plus tolérants avec les communes qui ne pourront jamais - je dis bien « jamais » - atteindre le seuil des 20 %.
C'était d'ailleurs le sens des amendements que j'avais déposés en première lecture. Il s'agissait non pas de poser des exceptions à la règle pour exonérer certains de leurs responsabilités, mais de faire preuve de pragmatisme, la bonne règle étant celle qui tient compte des réalités du terrain.
M. Dominique Braye, rapporteur. Très juste !
Mme Catherine Procaccia. Il n'y a que dans ces conditions qu'une règle est juste et donc pleinement admise par tous.
M. Dominique Braye, rapporteur. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Malheureusement, ces amendements ont été repoussés, ce qui a pu laisser penser que l'approche idéologique, dont parlait M. le rapporteur,...
M. Thierry Repentin. C'est un spécialiste !
Mme Catherine Procaccia. ...consistant à opposer les méchantes villes de droite refusant de construire des logements sociaux aux vertueuses villes de gauche, était partagée par tous.
Le problème des approches idéologiques est qu'elles tombent souvent dans l'extrême, ce qui peut se retourner contre leurs adeptes. À ce titre, je crois que l'expérience que vient de vivre, entre les deux lectures du présent projet de loi, le département dont je suis élue, le Val-de-Marne, pourrait inciter à l'humilité.
M. Christian Cambon. Écoutez bien, chers collègues de gauche !
Mme Catherine Procaccia. Beaucoup de logements sociaux dans le Val-de-Marne appartiennent à des bailleurs privés qui ont choisi de passer des conventions avec l'État. Ces logements, qui sont comptabilisés dans le calcul du quota de 20 % de la loi SRU, ne sont pourtant des logements sociaux que dans la mesure où la convention est renouvelée. Quand un bailleur institutionnel, comme ce fut le cas dans le Val-de-Marne avec ICADE, filiale de la Caisse des dépôts et consignations, décide de ne pas renouveler les conventions à leur expiration, ce sont des milliers de logements - en l'occurrence plus de 8 000 - qui disparaissent en quelques années du parc de logement social du département.
M. Christian Cambon. Voilà !
M. Thierry Repentin. Parlez-en au ministre !
Mme Catherine Procaccia. Que la ville soit administrée par un maire de gauche ou de droite ne change rien aux conséquences : les locataires des logements déconventionnés doivent accepter des augmentations de loyers ou partir.
M. Thierry Repentin. Il faut légiférer !
Mme Catherine Procaccia. C'est ce que je vous proposerai, monsieur Repentin !
Les communes voient fondre leur parc pour descendre parfois en dessous du seuil des 20 % et devenir de ce fait redevables des pénalités.
Mes collègues au conseil général - à majorité communiste et socialiste - qui avaient fustigé mes amendements, laissant entendre qu'il s'agissait de petits arrangements entre amis, ont découvert eux-mêmes, voilà deux mois, l'absurdité de la définition des logements sociaux entrant dans le calcul des 20 %.
M. Dominique Braye, rapporteur. Très bien !
Mme Catherine Procaccia. Les villes communistes, si fières de leur taux de logements sociaux, se trouvèrent fort dépourvues quand le déconventionnement fut venu ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Preuve que je ne suis ni rancunière ni sectaire, j'ai participé à la création d'une délégation regroupant tous les parlementaires, UMP, PS et PC, ainsi que certains maires communistes du Val-de-Marne, pour obtenir d'ICADE la suspension de la procédure de déconventionnement.
C'est ainsi que nous avons obtenu la suspension de tous les déconventionnements.
Avant même ces négociations, que j'estime fructueuses, je m'étais engagée au conseil général à présenter des amendements qui protégeront certes les villes mais surtout les locataires, dont le loyer peut augmenter de plus de 60 % en six ans.
M. Thierry Repentin. Enfin vous découvrez la réalité !
M. Dominique Braye, rapporteur. Ce sont les communistes qui la découvrent !
Mme Catherine Procaccia. Monsieur Repentin, ce qui est arrivé dans mon département peut arriver dans n'importe quels départements et dans n'importe quelles communes où des bailleurs privés proposent des logements sociaux. (M. Christian Cambon opine.)
Si la Caisse des dépôts et consignations a été un partenaire attentif, absolument rien dans les textes ne garantit qu'il en sera de même, dans vos communes, pour les autres bailleurs si la situation se présentait.
C'est pourquoi, soutenue par plusieurs collègues, je propose d'instaurer une meilleure information des maires, des présidents de conseils généraux...
M. Jean-Pierre Caffet. Cela ne mange pas de pain !
Mme Catherine Procaccia. ...et des locataires.
M. Jean-Pierre Caffet. Quelle avancée !
Mme Catherine Procaccia. J'espère que, dans une sagesse partagée, Gouvernement et sénateurs permettront leur adoption.
Vous le savez, monsieur le ministre, des amendements identiques seront proposés par d'autres groupes politiques que par le groupe UMP, et cela dans un parfait consensus. Cet accord au bénéfice de l'intérêt général, mais aussi l'engagement sans faille de notre rapporteur Dominique Braye, me laisse penser que nous entamons cette deuxième lecture sous de meilleurs auspices.
Monsieur le rapporteur, je ne peux que louer votre totale et réelle implication dans le dossier du déconventionnement, auquel vous avez été sensible dès le mois de février, implication qui débouche sur le dépôt d'un amendement beaucoup plus large que tous ceux que j'aurais osé proposer. Je vous en remercie, au moins au nom des parlementaires UMP de ce département, laissant à mes collègues siégeant sur les travées de l'opposition sénatoriale le soin de s'exprimer s'ils le souhaitent.
Je parlais tout à l'heure de mon combat en première lecture, comme de celui de mes collègues Christian Cambon, Sylvie Desmarescaux, Christian Demuynck et Philippe Dallier, pour rendre la règle découlant de la loi SRU plus juste.
Monsieur le rapporteur, vous nous aviez alors assuré que vous nous compreniez et que vous vous engagiez à ce qu'il soit tenu compte en deuxième lecture de certaines de nos préoccupations. Paroles de Dominique Braye valent engagement puisque vous proposez de créer une commission départementale chargée de l'examen du respect des obligations fixées par l'article 55 de la loi SRU, introduisant ainsi la notion intelligente des « réalités locales ».
Si je fais partie de celles et de ceux qui critiquent la loi SRU, c'est en effet non pas à cause de l'obligation qu'elle introduit mais à cause de la sclérose des modalités de calcul qu'elle prévoit.
Je veux croire, monsieur le rapporteur, que cette commission, qui sera présidée par le préfet et composée du maire, du président de l'EPCI ainsi que des représentants des bailleurs sociaux et des associations oeuvrant pour le logement des personnes défavorisées, pourra examiner de façon transparente et non sectaire les raisons qui ont conduit la commune à ne pas satisfaire à ses obligations.
L'absence de foncier, par exemple, le classement en zone inondable, les recours successifs et excessifs que nous connaissons en Île- de- France sont des réalités dont personne ne souhaitait tenir compte et que les préfets ne voulaient pas forcément entendre jusqu'à présent.
Cette transparence ne modifie pas le fonds de l'obligation des 20 %, mais je pense qu'elle permettra une application non aveugle des sanctions et distinguera ainsi « le bon grain de l'ivraie ». J'espère qu'un jour le Parlement se penchera objectivement sur les logements qui entrent dans le calcul des 20 % et sur ceux qui n'y entrent pas. Et si cela vient un jour en lecture, je sais aussi que notre rapporteur Dominique Braye nous aidera à avancer sur le chemin qui est celui de l'intérêt général.
Je ne doutais pas de la sincérité des propos de Dominique Braye lorsqu'il s'était engagé sur des avancées entre les deux lectures. Satisfaite de voir leur réalité, je regrette que ma première semaine de formation à l'INTEFP en tant que sénateur m'empêche d'assister, la semaine prochaine à tous les débats.
Satisfaction également en ce qui concerne les avancées en matière d'abonnement aux réseaux de chaleur. Lors du débat sur le projet de loi de finances pour 2006, j'avais déposé un amendement pour que le taux de TVA réduit de 5,5 % s'applique aux abonnés de ces réseaux mais, faute d'accord européen à l'époque, il avait été repoussé. Je me félicite, monsieur le rapporteur, que vous ayez décidé de permettre aux consommateurs de bénéficier de cette avancée certaine vers une plus grande justice, puisque la plupart d'entre eux vivent en logements collectifs sociaux.
Là encore, votre sens de l'écoute me ravit.
En conclusion, vous l'aurez compris, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, les modifications qui sont apportées à ce texte en deuxième lecture me laissent beaucoup d'espoir. Espoir pour les collectivités locales, qui, lorsqu'elles pourront construire, seront soutenues dans leur effort et qui, lorsqu'elles ne pourront malheureusement pas le faire objectivement, ne seront plus vilipendées et surtaxées. Espoir également, pour celles et ceux qui ont besoin d'un logement, d'en trouver un à un horizon pas trop éloigné. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Le projet de loi intitulé « Engagement national pour le logement » est un texte attendu et important, et nous vous donnons acte, monsieur le ministre, de l'avoir présenté devant le Parlement.
Lors de la première lecture, le Sénat l'a enrichi considérablement. Et sur un nombre de points cruciaux, parfois difficiles, nous avons émis des votes concordants, quelquefois unanimes. Sur un sujet comme celui de l'habitat, nous avons fait la preuve de l'importance que le Sénat accorde aux grands intérêts des collectivités territoriales et des citoyens.
L'Assemblée nationale - nous aurions pu avoir quelques inquiétudes - a poursuivi dans la même voie. Bien que nous ne soyons pas d'accord avec l'ensemble des votes qu'elle a émis, le texte a été de nouveau étoffé.
Nous sommes donc maintenant, en ce début de deuxième lecture, devant un projet de loi intéressant, novateur, parfois même courageux sur quelques points, et qui, pourtant, reste largement insuffisant compte tenu de l'urgence.
Il apparaît, en outre, qu'il y a un désaccord de fond au sein de notre assemblée - il suffit d'écouter les débats tels qu'ils se sont engagés pour le comprendre - sur l'importance que nous accordons à gauche à ce que l'article 55 de la loi SRU ne soit pas dénaturé - je dis bien « dénaturé » -, ce qui ne signifie pas qu'il ne puisse pas être explicité, peut-être même, à certains moments, enrichi.
Mais la loi doit s'appliquer sur l'ensemble du territoire. Elle est un gage d'égalité pour les citoyens. En vous prévalant du fait qu'alors qu'un certain nombre de communes ne se sont pas acquittées de leur devoir - généralement, très généralement, des communes de droite - il y a, par ailleurs, une croissance plus importante de l'habitat social sur le reste de la France, vous démontrez, monsieur le rapporteur, permettez-moi de vous le dire, que la ségrégation continue à s'amplifier, et vous comprendrez que nous ne puissions vous suivre sur cette voie.
Je reviens à l'urgence. Regardons lucidement la situation. Ne nous contentons pas de paroles d'experts, ou de paroles d'élus locaux, ce que nous sommes tous. Désormais, des jeunes, de plus en plus nombreux, des salariés ayant de petits revenus - sans parler des Français qui vivent de minima sociaux - sont exclus de l'accès au logement ou repoussés de plus en plus loin de leur lieu de travail. Leurs revenus, qu'il s'agisse de l'accès à la propriété ou de la location, sont amputés. Il faut regarder les chiffres qui nous sont fournis.
Alors que les revenus des salariés et des retraités stagnent, la part du logement dans la dépense familiale est de plus en plus importante. Elle va devenir bientôt exorbitante, ingérable pour les familles des classes moyennes. Je l'avais dit lors de la première lecture : nous ne parlons pas seulement des plus jeunes ou des plus démunis. Nous parlons désormais, pour certaines régions, dans tout le sud de la France - et j'en sais quelque chose en tant que maire -, de très larges catégories de Français. C'est donc à cela qu'il faut s'attaquer.
Les loyers flambent. Le prix du foncier devient exorbitant. Les prix de vente de l'immobilier connaissent des progressions déraisonnables, hors de toute validité économique. Les experts le reconnaissent, mais les Français en font l'amère constatation.
Et devant cette situation, les municipalités se trouvent trop souvent impuissantes, quand elles ne sont pas attaquées, voulant faire une politique courageuse de maîtrise du foncier, par des promoteurs privés peu scrupuleux qui font de l'accaparement de la plus-value un enjeu politique.
De ce point de vue, allons-nous tolérer longtemps, mes chers collègues, que, parmi les professionnels de l'immobilier, il y ait, outre beaucoup de gens respectables, un certain nombre d'agences immobilières et de promoteurs privés poussant sans arrêt à la hausse, désignant à la vindicte populaire ces maires qui osent essayer d'empêcher que la plus-value soit tout entière accaparée par eux et par un propriétaire foncier, lequel n'a économiquement aucune raison d'être payé au-delà de ce que représente l'évaluation des Domaines, fût-elle légèrement ou un peu plus largement augmentée ?
Voilà, mes chers collègues, la réalité que nous vivons en tant qu'élus locaux, et il va bien falloir que le Sénat, qui est la chambre des collectivités locales, se saisisse aussi de ce problème, non pas pour légiférer, mais pour engager un débat ferme, et responsabiliser, moraliser et contrôler, si nécessaire, une profession dont les dérives pèsent sur la crise du logement.
Devant un texte dont j'approuve une partie très importante, quelle est l'attitude à avoir, monsieur le ministre ? Elle est simple : c'est essayer de l'améliorer encore, de l'améliorer toujours. Je ferai donc une série de propositions que j'énumère.
Pour le principe et pour poser le problème dans toute sa dimension, et en sachant que c'est un amendement d'appel et pas plus, je proposerai un moratoire d'un an des loyers, simplement pour donner un signal, pour dire qu'on ne peut pas continuer à laisser ainsi enfler la spéculation.
Plus fondamentalement, je proposerai qu'on revienne sur cette proposition, commune à plusieurs groupes, d'un fonds de garantie pour les propriétaires, du moins ceux qui ont passé des conventions, par exemple avec l'ANAH, pour certaines catégories de population, donc, et pour certaines catégories de location qui sont complètement encadrées par l'intérêt général.
Monsieur le ministre, - et c'est peut-être plus novateur, je ne crois pas, en effet, que cela ait été proposé - je me suis attaché à regarder de près le problème de la restitution de la caution. Je proposerai cette chose évidente, c'est que, sauf litige, lors de la remise des clés, il y ait restitution de la caution. Pourquoi un délai de deux mois, quand, en plus, il est souvent allongé de façon abusive ? Non ! On remet les clés, le logement est vacant, un autre locataire peut entrer. Eh bien, la caution est rendue. Ce serait une avancée considérable dans le climat très difficile entre locataires et propriétaires.
Sur le fond du logement social, j'ai exprimé tout à l'heure ma pensée. Je ferai simplement une suggestion lors d'un amendement : il faudrait, monsieur le ministre, majorer la place des prêts pour les catégories les plus défavorisées - les PLAI, par exemple - dans le décompte du 20 % de logements sociaux. Ainsi, ces communes seraient récompensées de leurs efforts.
De même, pourquoi ne pas bonifier le montant de la DGF, la dotation globale de fonctionnement, pour encourager la bonne volonté de toutes les communes dont le nombre de logements sociaux dépasse les 20 % ?
Et puis, je proposerai cette chose évidente : c'est que, dans toutes les communes où les 20 % ne sont pas atteints, pour tout nouveau programme de construction, il y ait deux logements sociaux par tranche de dix. Ne pas prendre cette mesure, ce serait accepter que le retard ne soit pas rapidement comblé.
S'agissant du partage de la plus-value foncière, nous avons fait tous ensemble une avancée considérable, significative, et je sais bien que, du côté du ministère des finances, on n'était pas forcément d'accord. Je vous remercie donc, monsieur le ministre, de nous avoir permis d'émettre ce vote qui a été conforté. Il faut quand même aller un peu plus loin. C'est ce que je proposerai pour montrer la voie du futur.
J'aborderai aussi un sujet qui n'a pas été évoqué jusqu'ici et qui commence à faire problème : ce sont les aires de stationnement que je prends au sens du code de l'urbanisme, c'est-à-dire les parkings privés dans les immeubles. Il y a trop souvent détournement du document d'urbanisme. Je m'explique : lors du dépôt du permis de construire, le demandeur a prévu les places de stationnement exigées par le PLU. Cela lui permet d'éviter d'acquitter la taxe afférente à l'absence d'aire de stationnement. Puis, dans les huit jours qui suivent, le local est transformé en chambre ou en salle de jeux pour les enfants. Est-ce normal ?
De façon comparable, certains achètent un logement avec un droit de stationnement dans un parc privé situé à moyenne distance et revendent la place de stationnement indépendamment du logement. Évidemment, les communes connaissent ensuite des problèmes de stationnement insurmontables !
De même que la loi a confié aux communes le contrôle des équipements privés en matière d'assainissement, de même, sur la question du stationnement, la collectivité devrait être dotée d'une capacité de suivi dans la mise en oeuvre du permis de construire. Sans cela, on assiste à un détournement de la loi, un détournement connu, amplifié.
Ces deux mesures simples permettraient d'améliorer le quotidien de la vie municipale.
Pour conclure, monsieur le ministre, je souhaiterais, d'un mot, plaider pour que la politique du logement reste sur ses deux pieds : le locatif, qui n'est pas seulement social, et l'accession à la propriété. Ce projet de loi donne tout à coup l'impression - mais ce n'était pas votre volonté, monsieur le ministre - de n'être plus qu'une ode aux petits propriétaires.
Tant mieux si les petits propriétaires sont nombreux !
M. Dominique Braye, rapporteur. Alors, aidons à devenir propriétaires !
M. Gérard Delfau. Mais avant, monsieur le rapporteur, il nous faut penser à tous ceux qui, surtout dans les conditions actuelles de revenus et vu la flambée des prix, n'ont pas accès à la propriété. Il faut donc les loger.
Il s'agit aujourd'hui de poser les bases d'un droit au logement que réclament nombre d'associations, dont l'une, monsieur le rapporteur, a à sa tête, au moins moralement, une personnalité que tous les Français respectent.
Je sais bien que la discussion de ce projet de loi ne nous permettra pas de faire tous les pas décisifs qui sont nécessaires. Je souhaite néanmoins que des avancées significatives soient réalisées, et, au final, je jugerai sur le bilan de nos travaux.
M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.
Mme Michelle Demessine. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis la première lecture de ce projet de loi, force est de constater que le contexte dans lequel nous débattons a fortement évolué.
La question du logement ne peut être totalement détachée de l'ensemble des préoccupations de nos compatriotes, au premier rang desquelles figure l'emploi, singulièrement l'emploi des jeunes.
Quant au fond, ce projet de loi se plaçait à l'origine dans le prolongement de la loi de programmation pour la cohésion sociale et tentait dans le même temps d'apporter une réponse aux événements que les quartiers les plus sensibles ont connus cet automne.
Depuis, nous avons débattu du projet de loi pour l'égalité des chances, dont l'une des mesures les plus emblématiques soulève depuis plusieurs semaines une large désapprobation - c'est le moins que l'on puisse dire.
Ce débat sur le logement, quant à lui, illustre le décalage croissant entre la réalité de la situation vécue par nos compatriotes et le contenu des dispositions législatives que le Gouvernement entend mettre en oeuvre. Nous nous devons ici de rappeler quelques-uns des termes de la situation.
La loi du marché, qui s'applique sans partage, se double bien souvent de toutes les discriminations, frappant de plein fouet des milliers et des milliers de familles aujourd'hui contraintes à la précarité de leurs conditions de logement. Plus de 3 500 000 personnes vivent en situation de surpeuplement, plus de 800 000 sont hébergées par des tiers, famille ou amis, et 800 000 ménages ne doivent de ne pas dormir dehors qu'à des solutions précaires d'hébergements divers. C'est dire l'immensité des problèmes !
Quelles réponses sont apportées à ces questions ?
Lors de la première lecture, nous avons examiné un texte relativement ramassé comptant 11 articles et reprenant pour l'essentiel les termes d'un projet de loi, dit « habitat pour tous », qui avait lui-même été en quelque sorte « concentré » puisqu'il comportait plus de 40 articles. Le texte issu de nos travaux en première lecture, avec 63 articles, était sensiblement augmenté et sa cohérence commençait à souffrir de la multiplication des angles d'approche.
La lecture effectuée par l'Assemblée nationale a ajouté de nouvelles dispositions au projet de loi, nous amenant à la validation de 14 articles et laissant dans le champ de cette présente lecture plus de 80 articles les plus divers.
À dire vrai, la complexité du texte est désormais telle qu'il est difficile pour quiconque de définir les éléments centraux des dispositifs décrits. Quelques lignes de force peuvent toutefois être dégagées.
La crise du logement est grave, multiforme, et touche des couches de plus en plus larges de la population, qu'il s'agisse des jeunes, des ménages les plus modestes, des familles de salariés, dans les villes du territoire les plus marquées par la tension du marché - sujet que nous évoquions encore hier soir avec la proposition de loi sur la vente à la découpe.
Et que fait-on ? On réforme les offices d'HLM en dissolvant leurs missions de service public, on transforme l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat en agence de location immobilière intermédiaire, on crée pour les investisseurs un nouvel outil d'incitation fiscale plus favorable encore que le dispositif Robien. Bien que les deux tiers des demandeurs de logement aient des ressources inférieures à 60 % des plafonds de ressources d'accès au logement social, on déploie une énergie considérable à vider de son contenu l'article 55 de la loi SRU, c'est-à-dire celui qui prévoit que les collectivités locales doivent compter sur leur territoire 20 % de logements sociaux.
L'adoption de l'amendement Ollier - du nom du président de la commission de la production et des échanges de l'Assemblée nationale -, qui vise à permettre de comptabiliser au titre des 20 % les logements en accession sociale à la propriété et les logements HLM vendus, a soulevé une vague de protestations de la part de tous ceux qui, au quotidien, luttent pour le plein exercice du droit au logement ; notre collègue Thierry Repentin vient de faire une brillante démonstration de l'absurdité que représenterait cette mesure.
Sur la question de la construction de logements, il nous faut évidemment procéder à l'analyse de la situation, qui est loin d'être aussi séduisante que l'on tente de nous le faire croire. Ainsi, en 2005, plus de 400 000 logements auraient été construits dans notre pays. Cela conduit évidemment à s'interroger sur les aspects divers de cette situation.
En effet, parmi ces logements figurent, selon certaines sources, près de 70 000 logements financés par le dispositif Robien, c'est-à-dire à des loyers souvent proches de 1 500 euros mensuels pour des logements familiaux et de 1 000 euros pour des studios ou des logements pour jeunes couples ; une part importante de ces logements, nous le savons - et cela vient d'être dénoncé -, est inoccupée. L'argent public est donc aujourd'hui utilisé à construire des logements vides ; quel paradoxe !
S'agissant du logement social, le Gouvernement procède à une habile opération consistant à assimiler les logements financés aux logements réalisés, alors que l'on sait parfaitement qu'il existe souvent un décalage entre les deux.
Cela étant, devant l'importance de la demande, comment ne pas pointer le fait que les objectifs programmés dans le cadre de la loi dite de « cohésion sociale » ne sont pas atteints - il manque plus de 10 000 logements financés ! - et que l'augmentation la plus significative en la matière concerne les programmes en prêt locatif social, les PLS, c'est-à-dire ceux pour lesquels l'aide de l'État est la moins importante et où les loyers sont, de fait, les plus élevés ?
Ainsi, de 2002 à 2004, pour s'en tenir au logement social, le nombre de logements en PLA intégration est passé de 5 034 logements financés à 7 674, tandis que celui des logements PLUS est passé de 39 268 à 45 437... Les PLAI et PLUS, logements véritablement sociaux destinés, notamment les PLAI, aux demandeurs les plus modestes, constituaient plus de 80 % des logements financés en 2002 ; ils n'en constituent plus que 70 % en 2005.
Mme Michelle Demessine. Et encore ces chiffres ne prennent-ils pas en compte les opérations menées au titre de la rénovation urbaine, qui se traduisent concrètement par une déperdition de logements sociaux, les reconstructions ne représentant que 90 % des démolitions !
Dois-je rappeler ici qu'en petite couronne parisienne, pour un logement de 70 mètres carrés habitables, le PLAI est loué à 360 euros mensuels, le PLUS à 403 euros, le PLS à 605 euros ?
Au-delà, donc, des arguties techniques des uns et des autres relatives à l'impossibilité de construire à laquelle on se heurterait, la question qui nous est posée est toujours la même : alors qu'elle a été promulguée voilà plus de cinq ans, quand la loi SRU sera-t-elle pleinement appliquée sur l'ensemble du territoire de la République ? Les mal-logés, les jeunes, les demandeurs de logement, les locataires « découpés », les habitants d'immeubles insalubres, les précaires, les étudiants et les jeunes salariés contraints de rester chez leurs parents n'en peuvent plus d'attendre.
Il faut, avec ce projet de loi, un signe fort d'action en faveur de la relance de la construction sociale d'une tout autre portée que ce que, malheureusement, nous constatons pour le moment...
Pour l'heure, le texte qui nous est soumis n'apporte en la matière aucune réponse satisfaisante : au lieu de respecter l'exigence sociale de construction de logements, il la noie dans l'incitation au développement de la politique d'urbanisme des collectivités locales. Or il peut être l'occasion de modifier l'ordre des priorités et de s'intéresser d'abord à la demande existante et aux moyens d'y répondre avant que de soigner l'offre, notamment l'offre locative privée.
Dans un contexte tendu, le risque est grand, en effet, de voir disparaître les disponibilités foncières dont nous avons besoin, dans l'ensemble du pays, pour construire des logements sociaux, créer de nouveaux quartiers, donner sens au droit au logement et au droit à la ville pour le plus grand nombre.
Le risque est grand, également, de voir mises en oeuvre des politiques d'habitat ségrégatives ne respectant pas la réalité de la demande sociale au seul motif qu'elles correspondraient à des plans locaux d'urbanisme conçus dans le secret de quelques services municipaux ou intercommunaux, avec le concours de promoteurs avisés.
L'engagement national pour le logement, ce n'est pas la décentralisation à tout va des politiques, avec son corollaire qu'est la discrimination territoriale : c'est une politique visant, dans l'équilibre entre aménagement local et réponse aux besoins de la population, à offrir la diversité nécessaire à l'habitat, à satisfaire à cette exigence ultime et irréductible, celle de l'exercice du droit au logement pour tous et partout.
Madame Procaccia, j'ai bien entendu tout à l'heure vos propos, que je qualifierai d'« accusateurs », au sujet de la situation dans le Val-de-Marne ; il n'y a d'ailleurs pas de quoi se réjouir d'avoir raison.
Pour remédier à cette atteinte grave au logement social, vous nous proposerez par vos amendements que les maires soient informés du projet de déconventionnement. Je me pose la question : être informé, est-ce de nature à apporter la solution ? Je ne le pense pas. Pour ma part, je suis plutôt tentée d'interroger le Gouvernement : qu'allez-vous faire, monsieur le ministre, pour interdire le déconventionnement dans les communes visées par l'article 55 de la loi SRU ? De plus, j'attends avec impatience de connaître le sort que vous réserverez à l'amendement de M. le rapporteur, qui prévoit que tous les conventionnements soient reconduits pour une durée identique.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous développerons lors de la discussion des articles un certain nombre de propositions, défendues notamment par les acteurs du droit au logement, qui supposent de revenir sur certaines dispositions du projet de loi afin de faire valoir les exigences que je rappelais ; car c'est là ce que nous attendons de ce débat. Si elles devaient ne pas être prises en compte, nous serons évidemment amenés à rejeter les termes du projet de loi dans son ensemble.
M. Henri de Raincourt. C'est dommage !
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la discussion en deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement s'inscrit, pour notre Haute Assemblée, dans un contexte bien différent de celui de la première lecture.
Lors de celle-ci, j'ai été heureuse d'avoir pu contribuer au débat en tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, aux côtés de Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques, et de Pierre Jarlier, rapporteur pour avis de la commission des lois. Nous avons eu tous les trois à coeur d'apporter au projet de loi un nombre appréciable d'améliorations que, dans sa sagesse, le Gouvernement a accepté de retenir.
Des avancées significatives ont été réalisées pour parvenir à la libération du foncier nécessaire, en particulier dans les zones où la situation est la plus tendue, et pour encourager les maires « bâtisseurs ». De nouvelles formes de montages financiers ont été imaginées pour développer l'appétence des investisseurs et l'on peut souhaiter que le succès du « Borloo populaire » soit à la hauteur des attentes.
Des améliorations notables ont été apportées sur le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées, le PDALPD, sur les impayés d'énergie, sur la vacance des logements, sur le renforcement du rôle de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH. Il s'agit a priori de nombreux points positifs figurant dans le texte tel qu'il avait été voté par le Sénat.
Participant récemment au colloque sur le logement organisé par ma formation, j'ai entendu répéter par nombre des acteurs du secteur comme un leitmotiv : nous manquons de logements, mais nous manquons surtout de logements à des prix convenables. J'ai également entendu parler de crise de « vacance solvable », de besoin de logements accessibles, de pause des loyers. Qu'ils aient représenté le monde du logement social, les propriétaires privés ou les grandes associations caritatives, nos interlocuteurs ont tous été d'accord pour dire que, dans la chaîne du logement, les efforts avaient été trop inéquitablement répartis, compromettant ainsi la fluidité du parcours résidentiel.
Et en cela, le recadrage de « l'amortissement Robien », que vous avez entrepris à l'article 7 bis, monsieur le ministre, est une excellente chose. Peut-être même aurait-il fallu s'interroger sur la substitution de l'un à l'autre, comme cela s'est pratiqué précédemment de « Périssol » en « Méhaignerie » ou en « Besson ».
La deuxième remarque que j'ai retenue de ce moment très instructif a été formulée par Paul-Louis Marty, délégué général de l'Union sociale pour l'habitat, parlant d'une opération réalisée en banlieue parisienne : « Trente ans pour que quelque chose change ! ». Le problème, bien sûr, c'est que trente ans, ce n'est pas le temps des hommes politiques, alors qu'à l'évidence tous ceux qui se sont un jour penchés sur l'évolution des politiques de la ville savent bien que nos actions n'ont de sens et d'efficacité que lorsqu'elles s'inscrivent dans de telles durées.
Enfin, une troisième réflexion est souvent revenue dans les propos des participants, et elle nous concerne en tant que parlementaires : « l'absence de cohérence et de lisibilité, l'empilement des dispositifs, la complication extrême de la législation et des procédures, les effets encore incertains de la décentralisation et le désengagement mal vécu de l'État. » Nous en sommes tous, au moins en partie, responsables.
Si l'effort de construction, dont M. Borloo se félicite, a bien repris, il faut constater que, hormis dans les zones de rénovation urbaine, il n'apparaît pas encore suffisamment lisible ailleurs.
Dans cette période de crise aiguë pour trouver un logement, comme en témoignent tous les rapports sur le « mal logement », le message envoyé par l'Assemblée nationale en introduisant l'accession sociale à la propriété dans le quota de l'article 55 de la loi SRU ajoute désormais à la confusion.
Je centrerai la suite de mon propos sur cette question.
Chacun me connaît dans cet hémicycle et sait que je m'efforce de ne pas céder à la tentation des discours idéologiques. En outre, à titre personnel, je suis totalement acquise au bien-fondé du renforcement des mécanismes d'accession à la propriété dans notre pays, que ce soit pour les classes moyennes qui en ont la capacité financière ou pour les familles ayant des salaires plus modestes.
A la lecture du texte adopté par l'Assemblée nationale pour l'article 5 bis B, j'ai donc essayé de comprendre quel raisonnement avait amené à combiner dans un même quota accession sociale à la propriété et logements locatifs sociaux.
J'ai lu avec attention les déclarations des uns et des autres lors de la présentation de ce qu'il est désormais convenu d'appeler « l'amendement Ollier ». J'en ai relevé la philosophie : « permettre également à ceux dont les revenus sont les plus modestes d'accéder à la propriété ». A priori pourquoi pas ?
Voyons maintenant les moyens. Monsieur le ministre, vous avez précisé qu'un décret fixerait les plafonds pour les voies de cette accession sociale à la propriété et vous avez pris l'engagement d'en fixer le montant à des niveaux de revenus équivalents ou inférieurs à ceux qui sont retenus pour l'accession au parc locatif, car sinon, avez-vous précisé, ce serait faire perdre une chance à nos compatriotes, notamment à ceux qui se situent sous le plafond de ressources, ce qui serait irresponsable et inacceptable.
Le Gouvernement voit donc dans la modification apportée par l'Assemblée nationale une chance supplémentaire donnée aux personnes les plus modestes pour se loger. Il ne faut pas se priver de cette possibilité, soit, mais encore convient-il que cette chance puisse être saisie. Et là, le souhaitable se heurte à la logique du possible.
Lors du colloque fort instructif sur le logement auquel je faisais référence tout à l'heure, j'ai entendu des remarques tout à fait pertinentes sur la question de l'accession sociale à la propriété et la sécurisation des parcours résidentiels.
Le professeur Michel Mouillart, spécialiste incontesté des questions de logement, a ainsi fait remarquer que la hausse des prix avait fermé le marché de l'accession à la propriété aux ménages à revenus modestes. Toutefois, il faut s'entendre sur le qualificatif « modestes ». « Les ménages à revenus modestes dans l'accession à la propriété » a-t-il précisé «, sont des ménages à revenus moyens dans l'ensemble des ménages. Au cours des cinq dernières années, il y en a eu 90 000 de moins chaque année qui ont pu accéder à la propriété. Et 90 000, c'est à peu près le nombre de logements locatifs sociaux qui a été financé en 2005. C'est-à-dire qu'en réalité la hausse des prix a neutralisé le dispositif d'intervention publique. »
C'est si vrai que vous avez considérablement relevé le plafond du prêt à taux zéro, le PTZ, dans la dernière loi de finances Cela montre bien que l'accession à la propriété est de plus en plus difficile pour les ménages modestes et qu'elle est réservée à des revenus importants.
Toute notre réflexion passe donc par la sécurisation des parcours résidentiels et la capacité des ménages à faire face aux accidents de la vie. Les commissions de surendettement constatent, année après année, la prépondérance du surendettement « passif » lié à un divorce, à un décès ou à une période de chômage.
Telle est la deuxième raison pour laquelle le raisonnement de nos collègues de l'Assemblée nationale me semble peut-être bien intentionné mais très risqué. Si, d'ores et déjà, des ménages à revenus moyens ont du mal à assumer l'acquisition de leur logement dans la durée, comment des ménages aux revenus beaucoup plus faibles, et de plus, souvent irréguliers - précarité et faiblesse des revenus marchent souvent de pair - pourront-ils faire face aux obligations d'un crédit, même aménagé ?
On peut désormais emprunter sur vingt-cinq ans ou même trente ans. On nous propose la dissociation de l'achat de la maison et de celle du terrain qui l'accueillera. On paiera l'une d'abord sur vingt ans, puis l'autre peut-être sur encore vingt ans.
Au bout de quarante ans, quel sera l'état de ce qui aura été si péniblement financé ? Car c'est oublier un peu vite aussi qu'un logement doit être entretenu sous peine de se dégrader. S'il se dégrade, il perdra de sa valeur alors que son occupant n'aura peut-être pas fini de le payer. Et si ce logement est en copropriété, comment cette dernière sera-t-elle gérée si certains de ses occupants, aux ressources trop incertaines, deviennent incapables de contribuer à leur quote-part de charges ?
Un groupe de travail de la commission des affaires sociales travaille actuellement sur la question des minima sociaux et de leurs droits connexes. Un des premiers sujets auquel il s'est intéressé concerne le processus des ruptures de ressources liées au changement de statut des bénéficiaires de minima et de très bas salaires et le moyen de les éviter.
Pour avoir longuement travaillé sur cette question, il me semble dangereux d'engager dans l'accession à la propriété des ménages dont les revenus n'atteignent pas déjà un niveau suffisant et, surtout, régulier. Sinon, le risque devient trop grand. Pourquoi vouloir le faire prendre à des familles qui pourraient se révéler fragiles financièrement ? C'est une question qu'il faut aborder avec beaucoup de précaution.
On voit bien, à travers ces réflexions, que les problématiques d'accession à la propriété englobent des réalités qui sont d'une autre nature que le fait d'accéder à un logement locatif social.
On peut être favorable, et même très favorable, au développement de l'accession à la propriété, sociale ou non, pour certains et ne pas le juger opportun pour d'autres. Voilà pourquoi nous vous proposerons de traiter ces deux questions séparément en sortant du décompte de l'article 55 l'accession sociale à la propriété, dès lors qu'il ne s'agit pas de la vente de logements sociaux à leurs occupants.
Si notre amendement n'est pas retenu, nous vous proposerons de porter le quota à 30 %, afin que l'effort en matière de logement locatif social puisse être maintenu.
Personnellement, je défendrai deux autres propositions. L'une sera pour imposer que, dans chaque programme d'au moins dix-neuf logements, 20 % soient réservés aux logements locatifs sociaux. Nous avions déjà proposé cet amendement en première lecture ; son adoption montrerait que notre Haute Assemblée souhaite donner un signal fort concernant l'effort à fournir en faveur du logement locatif social.
Et comme la deuxième lecture m'a donné un peu de temps pour y réfléchir, je vous proposerai également une version légèrement différente de cette même idée, en appliquant un quota de 30 % cette fois-ci sur la production globale annuelle des constructions d'une commune, ce qui lui laisserait plus de souplesse qu'avec la proposition précédente.
Enfin, comme en première lecture, et afin de donner un coup de pouce à la production de logements très sociaux, nous vous proposerons de porter à deux le coefficient appliqué à la prise en compte de chaque PLAI - prêt locatif aidé d'intégration - dans le décompte du quota de l'article 55.
Je souhaite, monsieur le ministre, que notre discussion permette de revenir à une rédaction plus satisfaisante de l'article L. 302-5, non pour la portée somme toute limitée de cet article ou pour stigmatiser certaines communes, mais plutôt parce que sa rédaction donne du sens à tout notre effort en faveur de la mixité sociale. Je suis certaine, monsieur le ministre, que vous partagez mon analyse sur cet objectif. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Collomb.
M. Gérard Collomb. Monsieur le ministre, je suis sûr -et de nombreux points de votre projet de loi le montrent - que, s'agissant du problème du logement, nous partageons souvent les mêmes interrogations et que nous pouvons partager les mêmes analyses.
Le premier constat commun est qu'il existe aujourd'hui, pour toutes sortes de raisons, démographiques, sociologiques, économiques, une véritable crise du logement, qui touche presque toutes les catégories de la population. Il nous faut donc construire et les dispositions que vous avez prises dans ce projet de loi, en matière de foncier, me semblent aller dans le bon sens.
En effet, lorsque les communes changent un zonage, il me semble normal qu'intervienne un partage de la plus-value réalisée. Lorsque les communes réalisent des infrastructures publiques qui change la valeur du terrain, il me semble également normal que la plus-value soit partagée.
Le deuxième constat - et c'est le témoignage répété de l'abbé Pierre - est que, dans la crise généralisée du logement, la crise du logement social est particulièrement aiguë ; chacun sait bien que, dans nos villes, l'attente est longue pour bénéficier d'un logement social.
Mais à ces deux premières données s'en ajoute une autre : le risque, qui serait mortel, de la fracture dans nos territoires entre une ville riche, prospère, dynamique, et des banlieues ou des quartiers qui seraient en voie de paupérisation, de marginalisation et de ghettoïsation.
Cette fracture est lourde de dangers pour notre société. Les événements de novembre l'ont montré, l'intrusion d'éléments extrêmement violents dans les manifestations étudiantes contre le CPE le confirme, les statistiques officielles du ministère de l'intérieur le soulignent, qui, si elles constatent un recul de la délinquance, montrent en même temps une montée très importante de la violence et des faits de plus en plus graves.
Monsieur le ministre, si cette fracture devait s'accentuer, elle marquerait sans doute, je le crains, le début d'une véritable scission de notre société.
Le problème de ces quartiers ou de ces communes devient un problème de fond, un véritable problème national, vous le savez, monsieur le ministre, comme le sait M. Jean-Louis Borloo, qui connaît maintenant toutes les grandes agglomérations françaises. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle il a mis en place cette politique de renouvellement urbain visant à instaurer partout la mixité sociale.
Mais, monsieur le ministre, « déghettoïser » un certain nombre de nos territoires, leur apporter à nouveau une certaine mixité sociale, passe par un impératif : il faut que nous puissions réaliser des logements sociaux dans les communes et dans les quartiers qui en sont dépourvus ou qui en ont peu, en nous fixant des objectifs qui soient à la hauteur des ambitions affirmées.
C'est ce à quoi tendait l'article 55 de la loi SRU, qui n'est pas l'article couperet qu'ont voulu décrire ceux qui trouvent toujours un prétexte pour ne rien bouger. Cet article fixait aux communes l'obligation d'atteindre, dans le temps, la limite de 20 % de logement social.
Cet article a fait l'objet, au cours des années, d'assauts constants pour en obtenir la suppression ou, en tout cas, pour en réduire la portée.
Monsieur le ministre, Jean-Louis Borloo et vous-même avez souvent résisté à ces assauts. Mais finalement, en première lecture à l'Assemblée nationale, M. Ollier a réussi à faire passer son amendement, qui change assez fondamentalement la portée de cet article en introduisant dans le décompte des logements sociaux les logements en accession à la propriété.
Monsieur le ministre, qu'on ne nous fasse pas de faux procès. Personnellement, je ne suis pas opposé à l'accession sociale à la propriété ; nous allons d'ailleurs réaliser de telles opérations dans mon agglomération. Mais ces logements ne concernent pas les mêmes personnes que celles que voulait protéger l'article 55 de la loi SRU.
C'est pourquoi cet amendement a provoqué un tollé dans le pays, chez tous qui sont concernés par la question du logement social.
Je pense d'abord à l'abbé Pierre, à qui l'on avait rendu un hommage hypocrite quelques heures avant de mettre à mal tout ce qui constitue son message et son action.
Je pense ensuite à diverses associations. Permettez-moi de prendre un exemple dans la ville de Lyon. Lundi dernier, le père Bernard Devert, qui a créé l'association Habitat et humanisme, spécialisée dans la construction de logements sociaux pour les familles modestes et très modestes, organisait un rassemblement pour demander le retrait de l'amendement Ollier. Il a écrit à Jean-Louis Borloo une lettre empreinte de gravité, mais aussi de sensibilité, pour confirmer cette demande de suppression.
Ce rassemblement, qui a eu lieu dans un endroit assez symbolique, une cour des Canuts qui a été récemment réhabilitée par cette association, a vu la participation de personnalités de sensibilités diverses. Il y avait, par exemple, le cardinal Barbarin que sans doute personne dans cette enceinte ne considère comme un gauchiste outrageux. (Sourires.)
M. Xavier Emmanuelli, président du Haut Comité pour le logement des personnes défavorisées, a lui aussi écrit au Président de la République une lettre allant dans le même sens.
Alors, monsieur le ministre, tenez-vous en à votre position initiale, réaffirmée d'ailleurs à plusieurs reprises par le Président de la République : on ne touche pas à l'article 55 de la loi SRU !
J'ai souvent eu l'occasion d'évoquer, avec Jean-Louis Borloo, le devenir de nos grandes agglomérations, les difficultés qui leur sont inhérentes, mais aussi la possibilité de les transformer, en particulier de faire disparaître la coupure entre la ville centre et les communes de la périphérie, que l'on appelle les « banlieues », dont l'étymologie signifie « lieux de bannissement ».
Il faut effectivement faire disparaître cette coupure. En qualité de président de la communauté urbaine de Lyon, j'ai fait voter, lundi dernier, le plan local de l'habitat, le PLH, qui détaille les objectifs, acceptés par les cinquante-cinq maires de la communauté urbaine, de construction de logements sociaux dans leur commune, sur la base de l'article 55 de la loi SRU. Ce PLH a été adopté à l'unanimité de notre assemblée. Cette décision, qui a reçu l'accord de l'agglomération lyonnaise, doit pouvoir faire l'objet d'un certain consensus sur le plan national.
Jean-Louis Borloo et vous-même, monsieur le ministre, avez une capacité de conviction forte. Utilisez-la pour revenir au texte initial de la loi et soutenez les amendements de suppression de l'amendement Ollier qui seront présentés par divers groupes du Sénat et défendus, entre autres, par mon ami Michel Mercier. Nous vivons sur le même territoire et nous partageons une vue commune de son devenir.
C'est la seule façon de faire en sorte que votre politique de renouvellement urbain et de réponse à la demande de logement social puisse réellement entrer dans les faits. Alors, nous pourrons, par une mixité sociale renouvelée, reconstruire une vraie volonté de vivre ensemble dans ce pays.
Ernest Renan écrivait, dans les premières années de la iiie République, que « l'existence d'une nation [...] est un plébiscite de tous les jours ».
Faisons en sorte que, parce qu'ils s'en sentiront à nouveau membres à part entière, tous nos concitoyens retrouvent l'envie de plébisciter chaque jour notre unité nationale. Au vu de ce qui se passe aujourd'hui dans notre pays, il en est grandement besoin. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Dassault.
M. Serge Dassault. Monsieur le ministre, je ne parlerai pas ici de l'ensemble de votre projet de loi, que j'approuve globalement. Je vous ferai des propositions nouvelles dont certaines feront l'objet d'amendements. J'espère que les autres seront reprises plus tard, car je considère qu'il s'agit de mesures d'ordre pratique, nécessaires pour satisfaire les demandeurs de logements sociaux.
Je commencerai par les familles monoparentales dont la mère est au chômage, ce qui est malheureusement de plus en plus fréquent. Ces familles sont nombreuses dans ma commune. Je propose que ces femmes sans ressources puissent bénéficier de l'attribution d'un logement adapté à leur famille et que leur situation soit intégrée dans les critères généraux de priorité d'accès aux logements sociaux.
De trop nombreuses familles vivent ainsi dans des conditions inacceptables. Et vous reconnaîtrez avec moi qu'une mère qui se trouve dans une situation difficile ne peut pas élever correctement ses enfants. Cette disposition fera l'objet d'un amendement.
Par ailleurs, lorsque ces femmes finissent par trouver un emploi, elles ne peuvent plus assumer correctement leur rôle à l'égard de leurs enfants, étant absentes du foyer la plus grande partie de la journée et rentrant souvent fatiguées par leur travail et le trajet.
La protection de la famille et de l'enfant, souci majeur pour l'avenir de notre pays, devient alors inexistante. Il faudrait donc que ces femmes obtiennent un véritable salaire de mère au foyer, remplaçant les allocations familiales, et leur permettant de vivre chez elles jusqu'à ce que leur dernier enfant ait atteint l'âge de 16 ans.
Cette proposition, qui ne fait pas l'objet d'un amendement, serait de nature à assurer la stabilité de la famille et éviterait que les enfants ne soient livrés à eux-mêmes, avec tous les risques que cela comporte.
La sécurité des bâtiments dans les immeubles en copropriété ne peut pas être gérée correctement, car la décision d'effectuer les investissements nécessaires doit être prise par un vote à la majorité, voire à l'unanimité, des membres du syndicat de copropriété, représentant au moins les deux tiers des voix.
Afin de faciliter la prise de décision, dans l'intérêt de tous, il serait utile de pouvoir adopter les investissements à la majorité des voix des copropriétaires présents. Cela favoriserait la rénovation de l'intérieur des bâtiments, mais aussi de l'extérieur, le ravalement des façades ou la réfection des toitures par exemple. Cette disposition fera l'objet d'un amendement.
L'Association foncière logement, qui bénéficie du 1 % et réalise des logements sociaux, devrait pouvoir profiter du taux réduit de TVA, comme les bailleurs sociaux, dès lors que les logements construits sont conventionnés et que les locataires pourront percevoir une allocation d'aide au logement.
Cette disposition, qui fera également l'objet d'un amendement, réduirait d'autant le coût des logements.
J'en viens aux garanties d'emprunt, dont j'ai déjà parlé l'année dernière, sans succès. Aujourd'hui, une commune est contrainte de garantir un emprunt effectué par un bailleur auprès de la Caisse des dépôts et consignations. Il s'agit d'une opération fictive, qui conduit à obliger une commune à accorder une garantie financière alors que tout le monde sait qu'elle sera incapable d'en assumer la charge. On lui donne généreusement, en compensation, le contrôle de 25 % des logements construits par le bailleur sur son territoire : ce n'est pas parce que, jusqu'à présent, aucun bailleur social n'a pas rempli ses engagements qu'il faut continuer à imposer cette mesure, extrêmement dangereuse.
La loi prévoit qu'aucune commune ne peut garantir des emprunts au-delà d'un certain plafond, sauf pour les bailleurs sociaux. Cette exception ne se justifie pas. Je considère, en outre, qu'elle est inconstitutionnelle.
Je propose donc, mais cela ne fait pas l'objet d'un amendement, la suppression de cette garantie ou, du moins, l'instauration d'une contre-garantie par un organisme financier, mais sans frais pour la commune, comme c'est le cas pour la garantie d'emprunt que la commune accorde aux bailleurs, qui ne fait l'objet d'aucun financement, ce qui est également anormal.
La situation actuelle ne permet pas aux maires d'assumer leurs responsabilités à l'égard de leurs administrés dans l'attribution des logements sociaux, dont ils ne contrôlent qu'un quart. Or c'est un élément fondamental de la politique locale.
Ce n'est pas parce que certains maires contrôlent parfaitement l'attribution de leurs logements qu'il faut en faire un cas général. Moi-même, je n'ai eu aucune possibilité de refuser des candidats locataires venant d'autres communes alors que de nombreuses demandes de logement restaient insatisfaites dans ma commune.
Il faudrait donc instaurer une règle interdisant aux bailleurs et au préfet d'attribuer des logements sociaux à des locataires extérieurs à la commune sans l'accord des maires, ou lorsque des familles de la commune demandent elles-mêmes à changer de logement ou de quartier. Le refus des bailleurs est souvent considéré comme un refus du maire, qui est responsable de tout dans l'esprit de ses administrés, ce qui est loin d'être le cas, vous le savez !
Les maires devraient donc pouvoir contrôler la totalité des attributions de logements sociaux sur leur commune, avec une priorité pour les habitants de leur commune.
Cela m'amène aussi à préciser que le type de logements construits ne correspond plus aux besoins des demandeurs. C'est ainsi que les bailleurs sociaux ne construisent pratiquement jamais de studios, ni de F2, pourtant très utiles et recherchés par les célibataires ou les étudiants, et encore moins de F5, indispensables pour loger les familles nombreuses qui se multiplient. Il conviendrait donc d'imposer aux bailleurs de construire, dans chaque programme, un nombre minimal de logements de type F5.
Concernant les titulaires de contrats à durée déterminée, de contrats nouvelles embauches ou de contrat première embauche, il serait indispensable de favoriser leur accès au logement, alors que ce n'est pas le cas aujourd'hui. Cela incite beaucoup de jeunes à réclamer des contrats à durée indéterminée qui, seuls, leur permettent d'avoir accès aux logements sociaux.
Le Gouvernement a travaillé dans ce sens en mettant en place le dispositif LOCAPASS qui permet d'avancer le dépôt de garantie et constitue une véritable caution solidaire, garantissant le versement des loyers et des charges dans l'hypothèse où les titulaires perdraient leur emploi. Ce dispositif n'est pas assez précisé ni suffisamment connu des jeunes ; il serait parfaitement normal qu'il fasse l'objet d'une meilleure information.
Concernant l'application de la loi SRU, dont on parle beaucoup dans cette assemblée, elle pose nombre de problèmes aux petites communes. Si, comme c'est souvent le cas, aucun terrain n'est disponible sur leur territoire, il faudrait permettre à ces petites communes, avec l'accord du préfet, d'utiliser des terrains classés inconstructibles - il en existe toujours quelques-uns - sans passer par des révisions de PLU fastidieuses et longues à obtenir.
De plus, dans le cas où le préfet constaterait la bonne foi des maires et l'absence de terrain disponible, même non constructible - que peut faire le maire, sinon payer une pénalité ? Ce n'est pas normal ! -, il paraîtrait souhaitable de comptabiliser les logements sociaux, non plus par commune, mais en établissant une moyenne dans une communauté de communes ou d'agglomération. Dans ce cas, le seuil de logements sociaux à respecter pourrait être porté à 25 % en moyenne pour l'agglomération.
Enfin, le pouvoir de police très limité du maire ne lui permet pas de régler les troubles de voisinage, pourtant très importants. Le bailleur devrait en être tenu responsable, ce qui n'a pas l'air d'être le cas. Pour cela, il faudrait établir une règle donnant au bailleur la possibilité d'annuler le bail du contrevenant qui rend volontairement la vie impossible à ses voisins, pour toutes sortes de raisons : bruits, odeurs et même menaces.
Les maires devraient également pouvoir infliger des amendes aux contrevenants, ce qui n'est pas possible aujourd'hui. Le maire ne dispose d'aucun pouvoir pour faire cesser les troubles de voisinage ; or, les administrés pensent que c'est lui qui devrait agir, et comme il ne peut rien faire, ils lui font savoir leur mécontentement.
Ma dernière proposition concerne la prochaine loi de finances - je m'y prends un peu à l'avance - et a trait au logement à caractère social. Nombre de familles aux revenus modestes doivent payer l'impôt sur le revenu et les taxes locales. La possibilité de déduire les loyers et les impôts locaux de leur revenu imposable leur permettrait d'augmenter leurs ressources.
Car la famille devrait être considérée comme une petite entreprise dont le chiffre d'affaires est le revenu du ménage. De même qu'une entreprise ne paie pas les impôts sur son chiffre d'affaires, la famille ne devrait pas payer l'impôt sur le revenu du ménage sans avoir déduit au préalable les dépenses nécessaires à son fonctionnement, comme le loyer et même les salaires des aides familiales.
Je considère cette mesure sociale comme fondamentale. La baisse des recettes de l'impôt sur le revenu sera compensée par une augmentation des ressources des ménages qui permettra des gains de croissance car les liquidités seront réinjectées dans l'économie, à condition évidemment qu'elles ne soient pas consacrées à l'achat de produits venant de Chine !
Voilà, monsieur le ministre, les observations que je souhaitais développer à propos de votre projet de loi que j'approuve pleinement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Dominique Braye, rapporteur. À ce stade de la discussion, je souhaiterais informer la Haute Assemblée que la commission des affaires économiques a demandé à ne commencer l'examen des amendements que mardi prochain, à seize heures. De la sorte, nous consacrerions la journée d'aujourd'hui à la discussion générale exclusivement et nous pourrions examiner les quelque 520 amendements qui ont été déposés sur ce texte à partir du mardi 4 avril après-midi.
Le but de la commission est de répondre à la demande générale, afin de permettre, sur un problème aussi important que celui du logement, un débat clair, en évitant de le fractionner, comme cela se produit parfois.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. L'avis du Gouvernement est favorable, monsieur le président.
M. le président. Il en est ainsi décidé.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
5
Questions d'actualité au Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions d'actualité au Gouvernement.
Vous connaissez la règle : l'auteur de la question et le ministre qui lui répond disposent, chacun, de deux minutes trente. Je vais m'efforcer de faire respecter cette contrainte commune !
avenir du lundi de pentecôte
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
M. Jean Boyer. Ma question s'adresse à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, le 5 juin prochain, lundi de Pentecôte, devrait avoir lieu la deuxième journée de solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et handicapées. Or le rapport du comité de suivi et d'évaluation de cette journée, remis au Premier ministre le 19 juillet dernier, a fait état d'un bilan mitigé de la première journée de solidarité.
Le 16 mai 2005, lundi de Pentecôte, 23 % des fonctionnaires d'État étaient en grève. Par ailleurs, cette journée a généré un total de 2 milliards d'euros de recettes collectées, une somme certes non négligeable, puisqu'elle représente 13 % de l'ensemble des fonds affectés à la dépendance, mais inférieure aux 3 milliards d'euros initialement annoncés.
Face à un bilan contrasté, le comité a formulé des propositions de réforme de la journée de solidarité. Il suggère de donner plus de liberté aux partenaires sociaux en les laissant organiser, sur l'année, le temps équivalant à la journée de solidarité.
Ainsi, approuvée dans son principe par la majorité des Français, la journée de solidarité est massivement critiquée dans ses modalités d'application.
M. Henri de Raincourt. Comme le reste !
M. Jean Boyer. Dans ces conditions, monsieur le ministre délégué, l'incertitude est grande. La journée de solidarité sera-t-elle maintenue ? Dans l'affirmative, aura-t-elle toujours lieu le lundi de Pentecôte ?
En un mot, quelles leçons législatives - c'est le terme qui me vient à l'esprit - entendez-vous tirer de la première journée de solidarité ? Allez-vous vous inspirer des propositions faites par le comité de suivi et d'évaluation pour éventuellement réformer la journée de solidarité ? Je vous remercie, monsieur le ministre, de nous apporter des réponses à ces questions. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF ainsi que sur quelques travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. René-Pierre Signé. La question est d'importance !
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur Jean Boyer, sénateur de la Haute-Loire, département cher à mon coeur, il n'existe que deux moyens de financer la solidarité et de répondre aux besoins des personnes âgées et des personnes handicapées de ce pays.
Le premier, c'est l'impôt, ce sont les déficits. C'est la voie que la gauche a toujours privilégiée et qu'elle continuera à privilégier. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Nous y voilà !
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Adrien Gouteyron. Bravo !
M. François Autain. Et le déficit ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et la grève générale ?
M. Paul Raoult. Qu'avez-vous fait en quatre ans ?
M. Guy Fischer. Rien !
M. René-Pierre Signé. Cela fait quatre ans que vous êtes au pouvoir !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le second moyen de financer la solidarité, c'est le travail, c'est la production supplémentaire. C'est la voie que nous avons eu le courage de choisir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Il est vrai, monsieur le sénateur, que, à la suite du rapport du député Jean Leonetti, cette journée de solidarité a été assouplie dans ses modalités.
M. Paul Raoult. Vous avez augmenté le déficit !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le jour de Pentecôte n'est plus la référence obligatoire. Chaque entreprise, chaque collectivité, tous les services de l'État, choisissent librement...
M. Bernard Piras. Provocateur !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... la journée de travail supplémentaire qui sera désormais consacrée aux personnes âgées et aux personnes handicapées.
M. Paul Raoult. L'endettement augmente ! Vous gérez mal !
M. Philippe Bas, ministre délégué. La mesure va donc être poursuivie, d'autant que la journée de solidarité rapporte chaque année 2 milliards d'euros.
M. Paul Raoult. En quatre ans, l'endettement a augmenté de quatre points !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Elle nous a ainsi permis non seulement de financer l'allocation personnalisée d'autonomie, dont je rappelle qu'elle a été créée en 2000, sans aucun financement (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), mais aussi de dégager aujourd'hui les moyens nécessaires au financement de la prestation de compensation du handicap, et ce avant même que cette prestation ait été mise en place.
M. Guy Fischer. Ce sont les familles qui paient !
M. Paul Raoult. Vous gérez mal !
M. René-Pierre Signé. N'importe quoi !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Enfin, cette journée de solidarité nous permet d'humaniser nos maisons de retraite et nos maisons pour personnes handicapées, puisque, cette année, nous consacrons 500 millions d'euros - c'est-à-dire, en un an, dix fois plus qu'au cours des cinq années précédentes ! - à l'amélioration de l'accueil des personnes âgées et handicapées. (Protestations croissantes sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Paul Raoult. Et l'endettement ? Et le déficit ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Ce que le Gouvernement veut dire, aujourd'hui, au nom des personnes âgées et handicapées, c'est un immense « Merci ! » aux Français, qui font des efforts pour faire progresser dans notre pays la solidarité et améliorer l'aide aux personnes âgées et handicapées. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.- Protestations continues sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous ne connaissez même pas vos chiffres !
M. Paul Raoult. Le déficit a augmenté !
M. René-Pierre Signé. Il faut qu'il prenne des cours du soir !
M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît !
Je me demande vraiment ce que les interpellations des uns et des autres peuvent apporter au débat. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Paul Raoult. Il nous provoque !
M. David Assouline. Il n'a qu'à pas nous provoquer !
M. René-Pierre Signé. Qu'est-ce qu'il a apporté au débat ?
M. le président. Le public qui nous regarde jugera, et croyez bien qu'il nous jugera aussi sur notre comportement !
CPE
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Mais je tiens en préalable, monsieur le Premier ministre, à protester contre l'arrestation, il y a quelques instants, du président de l'UNL, l'Union nationale lycéenne, Karl Stoeckel.
M. Josselin de Rohan. Un communiste ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
Mme Michelle Demessine. Taisez-vous !
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, faites respecter un peu l'ordre dans cet hémicycle !
Nous vous l'avions annoncé, le soulèvement du peuple français contre le contrat de première embauche est là : trois millions de personnes étaient dans la rue mardi...
M. Alain Gournac. Dix millions ! Cent millions !
M. Roland Muzeau. ... et 83 % de nos compatriotes rejettent le CPE.
Face à cette déferlante citoyenne, que pèse le vote à la hussarde d'un Parlement aux ordres, issu d'un mode de scrutin contestable et contesté, d'un Parlement rabaissé et décalé ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Et c'est dans la bouche d'un communiste !
M. Roland Muzeau. Ne l'oubliez jamais, monsieur le Premier ministre, le pacte républicain est fondé notamment sur l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, selon lequel : « La Loi est l'expression de la volonté générale. »
Pouvez-vous maintenir, en regardant le peuple en face,...
M. Alain Gournac. Il est dans la rue !
M. Roland Muzeau. ... que la volonté générale est aujourd'hui respectée ? (Nombreuses marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Ah oui !
M. Alain Gournac. Oui !
M. Alain Gournac. La loi ne se fait pas dans la rue !
M. Roland Muzeau. Monsieur le Premier ministre, le CPE est mort ! (Vives exclamations sur les travées de l'UMP. - Marques d'approbation aussi vives sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Le parti communiste est mort depuis longtemps !
M. Roland Muzeau. Dès la décision du Conseil Constitutionnel, dépourvu de légitimité démocratique, d'ailleurs, ...
Mme Christiane Hummel. Mais que faites-vous de la démocratie, justement ?
M. Roland Muzeau. ... le Président de la République doit refuser la promulgation de ce texte, comme nous l'avons demandé par courrier le 9 mars dernier. Le CNE, grand frère du CPE doit, lui aussi, être abrogé. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. Mais pas du tout !
M. Dominique Braye. Et le PC dissous !
M. Robert Hue. Comme sous Pétain ?
M. Roland Muzeau. Nous déposons une proposition de loi en ce sens aujourd'hui.
M. Alain Gournac. Et le Parlement, dans tout cela ?
M. Roland Muzeau. Le projet de contrat unique précarisé, si cher à M. Sarkozy, doit être abandonné. Le principe du contrat à durée indéterminée doit être renforcé.
Comme il l'a fait le 29 mai dernier, le peuple dit « Non ! » à une conception libérale de l'avenir, dans laquelle l'homme ne serait qu'une marchandise.
Mme Christiane Hummel. Et la femme ?
M. Roland Muzeau. Monsieur le Premier ministre, au-delà du jeu de rôles détestable auquel on assiste entre vous et le ministre de l'intérieur, président de l'UMP, ...
M. Guy Fischer. Absent !
M. Roland Muzeau. ... au-delà de cette prise en otages du code du travail, des salariés, des chômeurs, des jeunes, de tout un peuple pour satisfaire une soif du pouvoir qui ne concerne que deux hommes, allez-vous, oui ou non, renoncer au CPE ? (Non ! sur les travées de l'UMP.) Allez-vous, oui ou non, entendre la France qui, ultra majoritairement, refuse ce capitalisme sauvage ? (Exclamations prolongées sur les mêmes travées.)
Tout passage en force serait lourd de conséquences et constituerait une menace pour la démocratie. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
M. Guy Fischer. Ah ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pourquoi pas Sarkozy ?
M. Guy Fischer. Nous sommes déçus !
M. René-Pierre Signé. Il n'y croit pas lui-même, à son texte !
M. le président. Vous êtes priés de l'écouter, chers collègues !
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur le sénateur, combien d'heures avez-vous personnellement consacrées à l'examen de ce texte dans cet hémicycle ?
M. Guy Fischer. Quatre-vingt-quinze heures !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne change rien au problème !
Mme Michelle Demessine. Rien n'a bougé !
M. René-Pierre Signé. Il n'y croit pas, au CPE !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Probablement quatre-vingt-dix ou quatre-vingts heures sur les cent deux heures de débat ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Bernadette Dupont. Quatre-vingt-quinze heures !
M. Philippe Dallier. Très bien !
M. Dominique Braye. Bravo !
M. René-Pierre Signé. Et combien à l'Assemblée nationale ?
Mme Hélène Luc. Si au moins vous nous écoutiez ?
M. Roland Muzeau. Vous n'y étiez pas, on ne vous a même jamais vu, pendant le débat !
M. René-Pierre Signé. Vous n'avez pas défendu le texte !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Dois-je rappeler, monsieur Muzeau, que la Haute Assemblée a adopté près de cent trente-cinq amendements provenant de tous les groupes, notamment de ceux de l'opposition ?
Alors, monsieur Muzeau, vous ne pouvez pas dire qu'un texte qui a fait l'objet de plus de cent heures de débat a été « passé en force » (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.), ...
M. René-Pierre Signé. Vous n'y croyez pas !
M. Paul Raoult. Et la rue ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... pas plus que vous ne pouvez demander que l'on revienne rétroactivement sur un texte pour abroger un contrat, le contrat nouvelles embauches, dont plus de 400 000 ont d'ores et déjà été signés,...
M. Roger Romani. Très bien !
M. Alain Gournac. Cela ne les intéresse pas !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... près d'un tiers ayant permis des embauches qui n'auraient pas eu lieu si le CNE n'avait pas été adopté ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas de conclusions hâtives !
M. Bernard Piras. Et les manifestants ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Enfin, monsieur Muzeau, devrais-je vous rappeler que nous sommes dans une démocratie ? (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Dominique Braye. Et pas à Moscou !
M. Bernard Piras. Provocateur !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. En l'état actuel de notre Constitution, le retrait n'existe pas et la suspension n'est dans le pouvoir de personne, ni du Premier ministre, ni du Président de la République. Il reste deux hypothèses constitutionnelles, dont l'une est la promulgation de la loi,...
M. Paul Raoult. Le Président de la République peut très bien ne pas la promulguer !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... mais l'autre n'est certainement ni un retrait, ni une suspension ! (Bravo ! et applaudissements rythmés sur les travées de l'UMP.- Quelques sénateurs sur les travées de l'UC-UDF applaudissent également.)
Mme Hélène Luc. Si les centristes avaient voté contre, le texte n'aurait pas été adopté au Sénat et nous n'en serions pas là !
difficultés de la filière viticole
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.)
M. Gérard Delfau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le ministre, comme vous vous y étiez engagé, un plan d'action en faveur de la viticulture a été présenté hier. Je n'en ai pour l'instant qu'une connaissance imparfaite, puisque cette annonce a été réservée à un public restreint.
Pour ce que j'en ai vu dans la presse, il s'agit d'un ensemble de mesures dont le financement est loin de répondre aux besoins du court et du long terme. Or, une nouvelle fois, je tiens à vous rappeler la situation de l'ensemble de la filière, telle que je la constate dans mon département, l'Hérault, et telle que je la vis dans ma commune : un marché obstinément atone, des prix sans cesse en régression, y compris pour les vins AOC, et, au total, une perte de revenu de 40 % en cinq ans pour une partie considérable des vignerons.
Quelle profession supporterait une amputation aussi brutale de ses ressources sans réagir ?
M. Roland Courteau. Bien sûr !
M. Gérard Delfau. Aussi, à l'occasion de cette question d'actualité, je vous demande, monsieur le ministre, de préciser la position du Gouvernement sur différents points.
Quel est le statut du plan annoncé hier ? S'agit-il du rapport du préfet Bernard Pomel, que vous aviez demandé, ou du projet de relance de la viticulture française prévu par le Gouvernement ?
M. René-Pierre Signé. Il n'a pas choisi !
M. Gérard Delfau. Quel est le montant exact des engagements financiers de l'État ? Les chiffres qui circulent sont fantaisistes.
Comment se décompose l'affectation de ces sommes en mesures d'aide d'urgence et en programmes de relance de l'exportation ou de mesures de long terme ? L'enveloppe financière est-elle définitivement arrêtée ?
La distillation demandée à Bruxelles sera-t-elle obligatoire, et à quel niveau de prix ? Imposerez-vous une contrainte par bassin de production, afin d'éviter que telle région viticole ne se défausse de ses responsabilités et ne pénalise la viticulture du Languedoc ?
M. Dominique Braye. C'est long, monsieur le président !
M. Gérard Delfau. Enfin, s'agissant de l'autorisation de l'usage des copeaux de bois et des procédés de désalcoolisation, cette mesure très attendue, et que j'approuve,...
M. Dominique Braye. La question !
M. Gérard Delfau. ...sera-t-elle immédiate ou bien sera-t-elle liée à une procédure de type INAO ?
Telles sont les quelques questions que je souhaitais vous poser dans l'immédiat, monsieur le ministre. Le 12 avril prochain, nous reviendrons plus longuement, ici, au Sénat, sur ce dossier brûlant. D'ici là, il faut informer, rassurer et redonner confiance à nos viticulteurs, car il y a urgence ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, cet après-midi même, je vous ferai parvenir dans leur totalité, à vous comme à tous les sénateurs représentant des départements viticoles, quel que soit leur groupe politique, le rapport élaboré par le préfet Bernard Pomel et le plan national.
Pour répondre précisément aux questions utiles et importantes que vous avez posées, je vous parlerai à la fois du plan d'ensemble découlant du rapport de M. Pomel et des mesures que M. le Premier ministre avait annoncées pour un montant total de 90 millions d'euros, dont je donnerai le décompte exact.
Vous l'avez souvent évoqué dans cette enceinte, comme nombre de vos collègues, monsieur le sénateur, nous connaissons une stagnation de la consommation. En effet, nous subissons une concurrence des vins du Nouveau Monde. Il nous fallait donc réagir.
Pour conserver notre place, nous allons tout d'abord organiser la viticulture autour des bassins, comme le souhaitaient tous les viticulteurs. Tous ces bassins seront coordonnés à l'échelon national par un Conseil national qui pourra, en cas de besoin, si les viticulteurs rencontrent des problèmes en termes de rendement, prendre des décisions obligatoires qui s'appliqueront à tous les bassins.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Dominique Bussereau, ministre. Par ailleurs, comme vous le souhaitez également, monsieur le sénateur, nous allons faire évoluer la réglementation, en prévoyant une nouvelle segmentation de l'offre entre les appellations d'origine contrôlées, les AOC, les vins de pays, les vins de table, afin que tous ces classements soient clairs et compréhensibles pour tous. Nous allons également mettre en place, dans les meilleurs délais, de nouveaux étiquetages ainsi que de nouvelles pratiques oenologiques.
Mais j'en viens à l'exportation, qui constitue notre véritable enjeu, car, si nous avons les meilleurs vins du monde, nous devons maintenant faire en sorte que ces vins retrouvent la première place sur des marchés où nous sommes en perdition.
Dans le cadre des mesures proposées, nous avons immédiatement fixé un budget de 12 millions d'euros et accorderons plus si c'est nécessaire.
M. Roland Courteau. Voyez ce que fait l'Espagne !
M. Dominique Bussereau, ministre. Par ailleurs, nous prévoyons d'octroyer aux viticulteurs eux-mêmes 38 millions d'euros, au titre des aides directes conjoncturelles, afin d'aider ceux qui rencontrent des difficultés de trésorerie.
Enfin, pour ce qui concerne la distillation, il faut réguler l'offre et augmenter les prix. Nous demandons 4 millions d'hectolitres, dont 2 millions au prix de 2,50 euros pour les vins de pays et 4 euros ou plus pour les AOC.
Pour être franc, je dois vous dire, monsieur le sénateur, que je n'ai pas encore obtenu la réponse de la Commission européenne. Une fois de plus, j'irai à Bruxelles la semaine prochaine pour défendre notre position.
Voilà ce que nous proposons. Il s'agit non pas d'un énième plan, mais de mesures à la fois conjoncturelles pour celles et ceux qui souffrent et structurelles pour moderniser notre vignoble ...
M. Roland Courteau. Ce n'est pas suffisant !
M. Dominique Bussereau, ministre. ... et faire en sorte que nous soyons de nouveau les premiers du monde, un rang que méritent de retrouver nos viticulteurs. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
blocage des universités
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Josselin de Rohan. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Depuis le 7 février dernier, ...
M. René-Pierre Signé. Vive la République !
M. Josselin de Rohan. ... à la suite d'une assemblée générale à laquelle ont participé des éléments largement extérieurs à l'université (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), l'université de Rennes 2 a « voté », c'est du moins ce que l'on prétend, le blocage des locaux. Les étudiants qui veulent travailler n'ont donc pas accès aux locaux.
M. Joël Billard. Tout à fait !
M. Dominique Braye. C'est scandaleux !
M. Josselin de Rohan. Le 13 mars dernier, son président, M. Gontard, s'est résigné à organiser un scrutin pour permettre aux étudiants de se déterminer librement sur la question de savoir s'ils pouvaient ou non accéder aux locaux.
Mme Hélène Luc. Il faut retirer le CPE !
M. Josselin de Rohan. Lorsque les opérations ont commencé, une minorité d'extrémistes a empêché le déroulement du scrutin, et l'université est restée bloquée.
M. Alain Gournac. Parfaitement !
M. Roland Courteau. Ce sont des questions locales !
Mme Hélène Luc. Parlez-nous du CPE !
M. Josselin de Rohan. Des étudiants courageux ont obtenu du président du tribunal administratif de Rennes un référé qui contraint le président de l'université à ouvrir ses locaux ou à en chercher d'autres pour que les étudiants puissent travailler. Cette décision est encore restée sans effet.
M. David Assouline. Que fait Sarkozy ?
M. Josselin de Rohan. À ce jour, dix-huit universités connaissent le même sort et quarante-deux sont partiellement bloquées.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Posez-vous des questions !
M. Josselin de Rohan. Or le semestre est déjà largement entamé.
Depuis cinq semaines, des étudiants qui voudraient travailler ne peuvent le faire.
M. Dominique Braye. Tout à fait !
M. Roland Muzeau. Retirez le CPE et ça ira mieux !
M. David Assouline. Oui, retirez le CPE !
M. Josselin de Rohan. Qui sont les victimes de cette situation ? (Mmes et MM. les sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC scandent : « Retirez le CPE ! »)
Ce sont d'abord les étudiants étrangers, qui vont voir leur année anéantie. Ce sont ensuite les étudiants aux ressources modestes, ...
M. Pierre Jarlier. Très bien !
M. Josselin de Rohan. ... qui ne pourront pas, au cours de l'été prochain, travailler pour financer leurs études, ...
M. Dominique Braye. À cause des fils de bobos !
M. René-Pierre Signé. Démagogues !
M. Josselin de Rohan. ... car la date des examens sera peut-être repoussée.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Démagogues ! C'est la première fois que vous vous préoccupez des étudiants modestes !
M. Josselin de Rohan. Ce sont, enfin, les étudiants de première année, qui ont particulièrement besoin de travailler pour pouvoir accéder à l'année suivante.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et la question ?
M. Josselin de Rohan. Monsieur le ministre, je tiens à dire ici que ces blocages, qui sont opérés au mépris de toute démocratie, sont particulièrement scandaleux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, il parle depuis trop longtemps !
M. Josselin de Rohan. C'est la loi et la démocratie qui sont bafouées. Monsieur le ministre, que comptez-vous faire...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Son temps de parole est dépassé, monsieur le président !
M. Josselin de Rohan. ... pour que les étudiants puissent passer leurs examens dans des conditions convenables et ne perdent pas leur année à cause de certains agitateurs ? (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Roland Muzeau. Décréter l'état d'urgence !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. René-Pierre Signé. Les voix de l'Ancien régime !
M. Jean-Pierre Michel. La République des « de » !
M. Gilles de Robien, ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, des jeunes assistent aujourd'hui dans les tribunes à cette séance. Je ne sais s'ils mesurent tous leur chance, eux qui vivent dans un pays où l'école de la République leur apporte la sécurité scolaire...
M. René-Pierre Signé. Tu parles !
M. le président. Monsieur Signé, je vous prie de vous taire !
M. René-Pierre Signé. La Bretagne est à gauche !
M. Gilles de Robien, ministre. ... et où on leur permet, lorsqu'ils sont bacheliers, d'accéder à l'enseignement supérieur, de rentrer à l'université moyennant des droits d'inscription extrêmement réduits.
M. Jacques Mahéas. Quelle chance, en effet !
M. Gilles de Robien, ministre. Ainsi, plus de 22 % d'entre eux peuvent poursuivre des études supérieures grâce aux bourses qui sont délivrées par l'État.
M. Paul Raoult. L'ascenseur social ne fonctionne plus !
M. René-Pierre Signé. Pas besoin quand on vient du château !
M. David Assouline. Retirez le CPE !
M. Gilles de Robien, ministre. ... de s'insérer professionnellement dans la vie active. C'est une chance, et il ne faut pas la gâcher.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la première fois que l'on entend parler des enfants du peuple à l'école ! Démagogues !
M. Gilles de Robien, ministre. Disons-le clairement : celles et ceux qui bloquent les universités non seulement se tirent une balle dans le pied (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), ...
M. Alain Gournac. Très bien !
M. Jean-Pierre Fourcade. Absolument !
M. René-Pierre Signé. Et vous ?
M. Gilles de Robien, ministre. ... mais - fait plus injuste encore - en tirent aussi dans les pieds de leurs camarades, plus modestes, ...
M. Paul Raoult. L'ascenseur social ne fonctionne plus !
M. Alain Gournac. Oui !
M. Gilles de Robien, ministre. ... car ils ont moins de chances dans la vie à cause de leur origine sociale. (Mme Christiane Hummel applaudit.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Arrêtez la démagogie !
M. Gilles de Robien, ministre. Ils comptent justement sur l'université pour trouver leur vocation et avoir un métier.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est incroyable ! C'est bien la première fois qu'ils s'en préoccupent !
M. Gilles de Robien, ministre. Les étudiants qui bloquent ces universités font quelque chose de profondément injuste, antidémocratique et antirépublicain !
À Caen, 60 % des étudiants se sont prononcés, mais une petite minorité empêche une majorité de suivre les cours. Qu'en dites-vous, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, vous qui vous prétendez démocrates. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Paul Raoult. Trois millions, ce n'est pas une petite minorité !
M. Gilles de Robien, ministre. Oui, une petite minorité empêche la plus grande majorité de suivre les cours à l'université !
M. David Assouline. Retirez le CPE !
M. le président. Un peu de silence, mes chers collègues !
M. Gilles de Robien, ministre. Vous êtes des républicains, alors vous ne pouvez pas accepter cette situation.
M. Dominique Braye. Fachos de gauche !
M. Paul Raoult. Trois millions de personnes dans la rue, cela ne vous suffit pas ?
M. Alain Gournac. Arrêtez !
M. Gilles de Robien, ministre. Les cours doivent reprendre. Chacun doit assumer ses responsabilités. Le Premier ministre assume les siennes. Pour ma part, en tant que ministre de l'éducation nationale, j'assume les miennes, ainsi que François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche en ce qui le concerne. Il faut que les présidents d'université assument, eux aussi, leurs responsabilités (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.) parce que les examens approchent. Si nous ne voulons pas les dévaloriser, il faut pouvoir suivre les programmes prévus.
Il nous reste quelques jours. Je demande donc instamment à celles et à ceux qui veulent reprendre les cours...
M. Jacques Mahéas. Retirez le CPE avant !
M. David Assouline. Vous voulez la confrontation !
M. Gilles de Robien, ministre. ... et à celles et ceux qui n'ont pas encore tout à fait le sens de la démocratie ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Retirez le CPE !
Mme Michelle Demessine. Oui, retirez le CPE !
M. Gilles de Robien, ministre. ... de reconnaître enfin que chacun a le droit de suivre les cours dispensés par l'université.
Je demande enfin aux présidents d'université de me faire connaître les mesures qu'ils comptent prendre pour assurer les cours et tenir le calendrier ainsi que les programmes prévus. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
CPE
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)
M. Bernard Frimat. Monsieur le Premier ministre, vous êtes un fervent admirateur de l'épopée napoléonienne. Vous avez, dans votre discours d'investiture, fait référence aux Cent-Jours. Vous en êtes donc aujourd'hui logiquement à Waterloo ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.-M. le Premier ministre sourit.)
M. Yannick Bodin. Bravo !
M. Bernard Frimat. Et, de la même façon que Napoléon attendait Grouchy, vous attendez que le salut vous vienne de Pierre Mazeaud et de la décision - je dis bien « décision » - du Conseil constitutionnel ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Vous n'avez rien compris !
M. Bernard Frimat. Pensez-vous vraiment que la solution à la grave crise sociale et politique dans laquelle votre entêtement a plongé la France dépende d'une conformité constitutionnelle ?
Pensez-vous que l'apaisement viendra de l'autoritarisme de votre ministre de l'éducation nationale (Protestations sur les travées de l'UMP.), qui veut envoyer gendarmes et policiers mettre au pas les lycéens ?
M. Dominique Braye. Est-ce de l'autoritarisme que de faire respecter la démocratie ?
M. Bernard Frimat. Quelle vision avez-vous de la France pour croire que celle-ci se résume à une partie de l'UMP et aux étudiants de droite de l'Union nationale interuniversitaire, l'UNI, qui sont aujourd'hui vos seuls soutiens ?
M. Dominique Braye. Antidémocrate ! Antirépublicain !
M. Yannick Bodin. Suffit !
M. Bernard Frimat. Chaque jour, et de multiples manières, le pays vous enjoint de retirer le CPE. Vous restez sourd à ces appels alors que, selon un dernier sondage CSA, seuls 12 % des Français sont favorables à son maintien.
M. Alain Gournac. Vive la démocratie !
M. Bernard Frimat. Les manifestations demandant le retrait sont de plus en plus impressionnantes par leur ampleur.
Les centrales syndicales, dont l'unité résiste à vos tentatives de division, en appellent au Président de la République pour sortir de la crise. Les dirigeants des organisations étudiantes et lycéennes vous donnent une leçon de maturité ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Des fils de bourgeois !
Mme Raymonde Le Texier. Mais faites taire M .Braye !
M. Bernard Frimat. La France ne mérite pas le traitement que vous lui infligez.
M. Alain Gournac. Et vous, que faites-vous ?
M. Bernard Frimat. Monsieur le Premier ministre, il est des circonstances où les ambitions, si légitimes soient-elles, et les rivalités personnelles doivent s'effacer devant l'intérêt général.
Vous ne pouvez pas, pour sauver la face, perdre la France ! (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste.- Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Ma question est simple : quand prendrez-vous l'initiative qui permettra de renouer le dialogue et de ramener la paix sociale, autrement dit, quand retirerez-vous le CPE ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Dominique Braye. Jamais !
M. Alain Gournac. On ne le retirera pas !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Paul Raoult. Le ministre délégué à l'emploi est vraiment ici contre-emploi !
M. David Assouline. Et le Premier ministre ? Quel mépris du Sénat !
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, je ne ferai pas une envolée lyrique semblable à la vôtre, pas plus que je ne me livrerai à des comparaisons historiques, même si je suis l'élu d'une ville dont les accointances avec le temps de Napoléon Bonaparte...
M. René-Pierre Signé. Et avec la Restauration !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... nous permettraient de disserter sur un certain nombre de grands rendez-vous.
M. Dominique Mortemousque. Bravo !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Au-delà des sondages, je citerai des chiffres qui reflètent la réalité ...
M. Jean-Pierre Michel. Waterloo !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... d'un département cher à votre coeur, monsieur Frimat, tout comme à celui de Jean-Louis Borloo.
En effet, dans votre département, le taux de chômage des jeunes est de 32 %.
M. Bernard Piras. C'est du chantage !
M. René-Pierre Signé. C'est une question nationale, pas une question locale !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Vous le savez comme moi, depuis longtemps, la question de l'insertion des jeunes est trop grave ...
M. Paul Raoult. Ça ne changera rien !
M. David Assouline. Retirez le CPE !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... pour que l'on se contente d'y apporter pour seule réponse politique ce que M. Assouline vient de crier, un slogan qui a mieux sa place dans les défilés !
Mme Michelle Demessine. On en a assez de la précarité ! On en crève !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je vous demande les uns et les autres d'examiner la situation de ces jeunes.
M. Paul Raoult. Les boîtes d'intérim !
M. le président. Je vous en prie, mon cher collègue !
M. Paul Raoult. Ce n'est pas possible d'entendre cela !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Frimat, dans votre département, près de 14 000 jeunes ont aujourd'hui signé des contrats d'insertion dans la vie sociale, des CIVIS. Il faut leur apporter des réponses.
M. René-Pierre Signé. C'est une question nationale !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Précaire !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... et non pas une succession de CDD, des missions d'intérim ou un retour à la case chômage ?
M. Paul Raoult. CPE et intérim, quelle différence ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La loi de programmation pour la cohésion sociale et la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées apportent des réponses concrètes ...
M. Jacques Mahéas. Alors, les jeunes n'ont rien compris ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... à une situation qui, depuis vingt ans, n'est plus acceptable et que nous n'acceptons plus. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. C'est vous, à gauche, qui êtes responsables de cette situation !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Alors, plutôt que de nous jeter des slogans au visage, il faut trouver des solutions. La vraie réponse est celle que Gouvernement a apportée en s'attelant à la lutte contre la précarité des jeunes qui, de CDD en missions d'intérim, mettent des années et des années à s'intégrer dans l'emploi durable.
M. Jacques Mahéas. Personne ne vous soutient !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le contrat première embauche n'est qu'un outil parmi d'autres, avec l'alternance, la formation professionnelle, l'obligation faite aux grandes entreprises d'accueillir des jeunes, pour briser le cercle de la précarité. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
rapprochement des caisses d'épargne et des banques populaires
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question sera sans doute moins passionnée que celles qui l'ont précédée. En tout cas, je constate que nos collègues socialistes ont préféré traiter de la situation des viticulteurs avant de traiter celle du CPE, montrant bien quelles sont leurs priorités dans l'actualité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Dominique Braye. Bravo !
M. Paul Raoult. Ce n'est pas vrai !
M. Bernard Piras. Mais c'est le Sénat qui fixe l'ordre des questions, pas nous ! La remarque est stupide !
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, j'aimerais pouvoir poursuivre. (Exclamations continues sur les travées du groupe socialiste.)
Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Les présidents de deux grands réseaux bancaires coopératifs ont annoncé publiquement leur intention de fusionner leurs activités métiers.
M. Guy Fischer. C'est scandaleux !
M. Gérard Longuet. Ils exercent ainsi librement leur présidence respective. Pour autant, ni l'État ni les collectivités locales ne peuvent être indifférents à cette décision : l'État, parce qu'il en est indirectement, par le biais de la Caisse des dépôts et consignations, le principal actionnaire ; les collectivités locales, en tant que partenaires principalement de la Caisse nationale des caisses d'épargne.
Monsieur le ministre, je souhaiterais connaître votre sentiment sur trois questions simples.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Vous n'avez droit qu'à une seule question !
M. Gérard Longuet. Premièrement, dans un pays fortement bancarisé tel que le nôtre, la coexistence et le maintien de deux réseaux - dans l'hypothèse de cette fusion - posent-ils problème ? Avez-vous des informations en la matière ?
Deuxièmement, toujours dans l'hypothèse de la fusion des deux métiers et du rapprochement des deux réseaux, qu'adviendrait-il du livret A et des produits d'épargne de la Caisse nationale de prévoyance, la CNP, qui sont distribués par La Poste et par le réseau des caisses d'épargne ?
Troisièmement, et cette question est peut-être la plus importante, quel doit être selon vous le rôle de la Caisse des dépôts et consignations, qui, quoiqu'elle dispose d'une arme de dissuasion, à savoir le droit de veto, souhaitera certainement retirer de l'opération des plus-values importantes, plutôt que d'être diluée dans le nouvel ensemble et en rester un partenaire somme toute marginal ?
Monsieur le ministre, dans le temps qui nous sépare de la décision définitive, quelles réflexions vous inspire cette annonce des présidents des deux réseaux coopératifs ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. René-Pierre Signé. Les applaudissements sont bien maigres !
M. Bernard Piras. Retirez le CPE !
M. David Assouline. Plus de 80 % des Français sont favorables à son retrait !
M. le président. Les enfants qui sont dans les tribunes nous regardent, mes chers collègues : quel jugement vont-ils porter sur nous ? Montrons-nous dignes !
M. Bernard Piras. Qu'ils retirent le CPE !
M. Jacques Mahéas. C'est tout ce que nous voulons !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Thierry Breton, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, monsieur Longuet, effectivement, les groupes Caisse d'épargne et Banque populaire ont fait connaître à leurs organes sociaux respectifs leur souhait de mettre à l'étude non pas la fusion de leurs réseaux - c'est une réponse à votre question -, mais la fusion de leurs activités de banque de financement et d'investissement.
Ces décisions sont aujourd'hui à l'étude au sein de ces organes sociaux.
Du reste, peu de temps après cette annonce, j'ai moi-même reçu les présidents de ces deux institutions financières pour leur indiquer que je considérais, en tant que ministre de l'économie et des finances et gardien de la place, qu'il était indispensable que l'analyse et l'étude qui seront menées préalablement à toute décision respectent scrupuleusement la gouvernance et les institutions financières. Cela vaut particulièrement pour le groupe Caisse d'épargne, dont la CDC est actionnaire à hauteur de 35 % et dans lequel la Caisse dispose de droits spécifiques, ainsi que vous l'avez rappelé. Il est indispensable que les administrateurs représentant la CDC, comme tous les autres administrateurs, d'ailleurs, aient le temps d'étudier la totalité de ce projet.
Cela étant dit, l'étude prendra un certain temps en raison de la complexité de l'opération. Il s'agit de fusionner non pas les réseaux bancaires, qui disposent chacun de trois millions de sociétaires, mais uniquement les banques métiers. La décision éventuelle de fusion sera soumise à l'approbation du conseil de chacune de ces deux institutions, probablement pas avant le mois de juin.
Puisque la Caisse des dépôts et consignations est chargée de la préservation des intérêts patrimoniaux qui lui ont été confiés, l'État veillera à ce qu'elle puisse disposer de l'ensemble des informations nécessaires pour prendre la décision qu'elle estimera devoir prendre. Bien entendu, le Parlement en sera tenu informé.
Nous veillerons à ce que tout se déroule correctement. Je ne doute pas que le temps d'une nécessaire réflexion sera respecté et que la décision qui sera prise sera la bonne, dans l'intérêt des actionnaires de ces deux institutions financières. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Eh oui ! Et les intérêts des petits épargnants ?
M. Roland Muzeau. On voit que le Gouvernement se préoccupe plus des actionnaires que du reste !
M. Gérard Delfau. Et le livret A ?
M. Roland Muzeau. ¨Parlez-nous plutôt du CPE !
M. le président. La parole est à M. Yannick Bodin.
M. Yannick Bodin. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre.
M. René-Pierre Signé. Il ne parle pas !
M. Yannick Bodin. Monsieur le Premier ministre, avez-vous vraiment pris la mesure de ce qu'était la jeunesse aujourd'hui ? Et pourtant, la jeunesse de France est descendue en masse dans la rue, et à plusieurs reprises, pour essayer de se faire entendre de vous. En vain !
Monsieur le Premier ministre, la jeunesse est inquiète pour son avenir.
M. Dominique Braye. C'est normal, après ce que vous avez fait !
M. Yannick Bodin. Elle est désorientée. Cette jeunesse, il faut lui témoigner notre confiance. Cette jeunesse, monsieur le Premier ministre, il faut lui parler.
Mme Janine Rozier. Pour ça...
M. Yannick Bodin. Pierre Mendès-France disait, dans son discours à la jeunesse, le 22 décembre 1955 : « Si notre République ne sait pas capter, canaliser, absorber les ambitions et les espoirs de la jeunesse, elle périclitera. »
Or que proposez-vous aujourd'hui ? L'apprentissage à quatorze ans, le travail de nuit à quinze ans et le CPE !
Mme Christiane Hummel. C'est mieux que les emplois-jeunes !
M. Yannick Bodin. La jeunesse vous crie : « Écoutez-nous ! Faites-nous confiance ! ». Vous lui répondez : « Précarité pour tous ! » (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Hugues Portelli. Caricature !
M. Yannick Bodin. Monsieur le Premier ministre, il faut retirer le CPE.
Vous dites appeler les jeunes au dialogue. Mais pour parler de quoi ? N'avez-vous pas compris qu'il faut déchirer votre copie et en rédiger une autre, dans la concertation ?
M. Dominique Braye. C'est vous qui n'avez rien compris ! Le chômage des jeunes, c'est vous !
M. Yannick Bodin. Or vous êtes sourd,...
M. René-Pierre Signé. Totalement sourd !
M. Yannick Bodin. ... alors qu'il vous faudrait seulement un peu de courage. (Vives exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac. C'est scandaleux !
M. Yannick Bodin. Et maintenant vous maniez le bâton et utilisez la force pour faire rouvrir les établissements scolaires et universitaires.
M. Alain Gournac. Il y en a qui veulent travailler !
M. Yannick Bodin. Aujourd'hui même, des lycéens, simples manifestants, ont été arrêtés, dont le président de l'Union nationale lycéenne.
Voyons, monsieur le Premier ministre, on ne peut à la fois inviter un responsable étudiant à dialoguer et en même temps faire en sorte qu'il soit arrêté par les forces de police.
M. Dominique Braye. Le chômage des jeunes, c'est vous !
Mme Christiane Hummel. La loi est la même pour tous !
M. Yannick Bodin. Ce n'est pas du dialogue, c'est de la répression. Est-ce ainsi que l'on s'adresse à la jeunesse de France quand on gouverne ? Quel mépris ! Quel gâchis ! (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Alain Gournac. Et vous, qu'avez-vous fait ?
M. Yannick Bodin. Pour finir, je voudrais vous inviter à méditer une autre citation, tirée d'un autre discours à la jeunesse qu'a prononcé Jean Jaurès en 1903 à Albi (Exclamations ironiques sur les travées de l'UMP.) : « Le courage, ce n'est pas de laisser aux mains de la force la solution des conflits que la raison peut résoudre. »
Monsieur le Premier ministre, je vous pose une seule question : quand enfin aurez-vous le courage de retirer le CPE...
M. Alain Gournac. Non !
M. Yannick Bodin. ... pour enfin dialoguer ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. Pourquoi le Premier ministre ne répond-il pas lui-même ? Il n'a pas passé une minute au Sénat durant les débats sur le CPE !
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur Bodin, nous sommes au Sénat et, dans cette maison que j'ai fréquentée pendant un certain nombre d'années, on sait bien que le mot « retrait » n'a aucun sens, ni juridique ni constitutionnel. Dans cette assemblée plus qu'ailleurs, nous devons être attentifs aux institutions.
M. Alain Gournac. Absolument !
M. Dominique Braye. Ils s'en fichent, des institutions de la République !
Mme Hélène Luc. Il ne fallait pas voter le CPE ! Il ne serait pas nécessaire aujourd'hui de le retirer.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La Constitution reconnaît au Sénat une responsabilité particulière. Aussi, il doit veiller à ne pas faire siens certains slogans et certains mots répétés de manière un peu simpliste. Il doit regarder les réalités en face. Comme l'a dit Jean-Louis Borloo, s'agissant de ce qui est une loi de la République, il n'est pas d'autres hypothèses que celles que prévoit la Constitution.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappelle que le Sénat a conduit des débats sérieux, qui, se déroulant sur plus d'une semaine, ont duré plus d'une centaine d'heures. Le rapporteur comme le président de la commission s'en souviennent.
Mme Nicole Bricq. Nous aussi !
M. Jacques Mahéas. Vous n'avez pas retenu nos amendements !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nos échanges ont été suffisamment denses pour que nous ne nous contentions pas cet après-midi d'un simple mot.
Le Premier ministre, comme il l'a dit, est naturellement attentif aux préoccupations qui s'expriment non seulement dans la rue, mais aussi ailleurs.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il serait préoccupant de battre une fois encore en retraite devant ces réalités que sont le chômage et la précarité des jeunes.
M. Alain Gournac. Oui !
M. Bernard Piras. La précarité ? Mais vous la renforcez !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le courage est une vertu essentielle de la vie publique. Il ne caractérise sans doute pas ceux qui préconisent en permanence le retrait. (Bravo ! et applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Jarlier.
M. Pierre Jarlier. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question, bien que moins susceptible de susciter les passions, est néanmoins tout autant d'actualité ; elle s'adresse à M. le ministre de la culture et de la communication.
Monsieur le ministre, nous allons fêter demain l'anniversaire de la télévision numérique terrestre. En un an, la TNT a déjà révolutionné le paysage audiovisuel de notre pays, et je tiens à souligner la détermination avec laquelle vous mettez en place ce système opérationnel.
D'ailleurs, le rythme de déploiement de la TNT illustre bien cet engagement constant : en avril 2005, la population était couverte à 35 %, puis à 50 % le 1er janvier 2006, pour l'être sans doute à 60% ou à 70 % à la fin de cette année. Ainsi, dans le courant de l'année 2007, la population devrait bénéficier à plus de 80 % de la couverture en TNT.
Cependant, comme de nombreux autres élus, je m'interroge sur le sort des 20 % de notre population qui vit sur la plus grande partie de notre territoire. Et c'est l'objet de ma question.
En effet, le désenclavement numérique des territoires ruraux, notamment des zones de montagne, constitue aujourd'hui un critère d'attractivité déterminant pour leur avenir, au même titre que la téléphonie mobile ou le haut débit.
Or, dans de nombreux départements, comme le Cantal - à l'exception de la ville d'Aurillac, qui devrait être couverte fin 2006 -, la couverture en télévision numérique terrestre nécessitera l'usage d'autres moyens techniques, notamment en raison des contraintes géographiques. Je pense à l'installation des réémetteurs de Télédiffusion de France ou à l'utilisation du satellite.
Le réseau téléphonique, qui couvre aujourd'hui tout notre territoire, constitue, avec les lignes à haut débit, un support potentiel très intéressant pour la diffusion de la TNT, à condition qu'il soit financièrement accessible à tous.
Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous nous faire part du calendrier de déploiement de la TNT pour l'ensemble du territoire national et nous indiquer par quelles voies, et dans quels délais, les populations rurales - notamment en zones de montagne - pourront bénéficier de cette offre numérique ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de la culture et de la communication.
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le courage, pour un gouvernement, c'est de prendre des décisions qui produisent des résultats.
M. Roland Muzeau. Faire descendre trois millions de personnes dans la rue, c'est un résultat !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Grâce au soutien vigilant du Sénat, qui s'est particulièrement mobilisé pour que les nouvelles technologies soient accessibles au plus grand nombre, nous avons eu le courage de prendre des décisions et sommes parvenus à un magnifique résultat, en dépit du scepticisme ambiant.
M. Simon Sutour. Il est content de lui !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin puis le gouvernement de Dominique de Villepin ont pris et prennent chaque jour les décisions qui s'imposent, pour faire en sorte que chacune et chacun de nos concitoyens puisse accéder aux progrès de la technologie.
Une première étape est franchie avec la mise à disposition de la TNT en faveur du plus grand nombre de nos concitoyens.
Jusqu'à présent, les trois quarts des Français ne recevaient que six chaînes gratuites. Au moment où je vous parle, grâce aux décisions que le Gouvernement et vous-mêmes avez prises, plus de la moitié des Français reçoivent dix-huit chaînes gratuites.
M. Raymond Courrière. Ce n'est pas la moitié du territoire !
M. René-Pierre Signé. Et c'est une évolution normale !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. Vous avez raison d'être exigeants. Chaque Française et chaque Français doivent recevoir toutes les chaînes gratuites, grâce à la TNT, ainsi que les chaînes payantes.
M. le Premier ministre m'a donné des instructions très précises afin que chaque Française et chaque Français, y compris dans les régions limitrophes où le ciel est encombré, puissent recevoir la TNT grâce aux technologies modernes.
Dans les régions où la diffusion ne sera pas possible par voie hertzienne, un satellite sera mis à disposition gratuitement.
M. René-Pierre Signé. À la Saint Glinglin !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. M. le Président de la République, dans ses voeux aux forces vives au début de l'année,...
M. René-Pierre Signé. Des voeux pieux !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. ...a formulé une deuxième exigence - de ce point de vue, M. le Premier ministre m'a donné une nouvelle feuille de route - : la haute définition et la télévision sur les mobiles doivent aussi être accessibles le plus rapidement possible.
Pour exécuter ces instructions, je prépare actuellement une adaptation législative afin que la technologie soit immédiatement disponible pour nos concitoyens. À cette fin, vous serez saisis, dans le courant de l'année 2006, d'un projet de loi d'adaptation.
M. David Assouline. C'est bien long : le ministre joue la montre, monsieur le président !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. La date ultime, c'est 2010. À cette époque, on ne devrait plus trouver un seul de nos concitoyens qui ne dispose, chez lui, d'une installation permettant la réception de la TNT.
M. Raymond Courrière. Ne prenez pas trop d'engagements !
M. le président. Monsieur le ministre, veuillez conclure !
M. Renaud Donnedieu de Vabres, ministre. ...si bien que, à la fin de l'année 2007, le territoire national sera couvert à 85 %. Cet objectif sera tenu, et vous pouvez être fiers de l'avoir inspiré vous-mêmes directement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
mixité sociale
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Éric Doligé. Il va être objectif...
M. Alain Gournac. Encore une bonne question...
M. Thierry Repentin. « Si le mot "inégalité" ne vous fait pas tressaillir, peut-être serez-vous plus sensibles au mot "injustice" ». Monsieur le Premier ministre, cette interpellation se trouve en tête du texte commun que toutes les grandes associations oeuvrant dans le domaine du logement ont publié dans la presse, texte par lequel elles vous exhortent, ainsi que votre majorité, à garantir à chaque ménage de France, quels que soient son lieu de vie et ses revenus, un logement digne et abordable. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Dominique Braye. Mais c'est ce que nous faisons !
M. Thierry Repentin. Si ces associations s'adressent à vous en s'offrant une page dans la presse nationale, à défaut de pouvoir dialoguer directement avec vous,...
M. Laurent Béteille. Cela vous va bien de dire cela !
M. Dominique Braye. Qu'est-ce que vous avez fait, vous, à gauche ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur Braye, s'il vous plaît !
M. Thierry Repentin. ...c'est qu'elles savent que votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, est sur le point d'abroger, mardi prochain, une disposition juste et socialement efficace de notre droit : l'obligation pour chaque grande commune de garantir au moins 20 % de logements sociaux dans le total du parc de résidences principales. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Dominique Braye. Caricature !
M. Thierry Repentin. Cette disposition, je vous le confirme malheureusement, est effectivement menacée avec l'examen du projet de loi qui débute aujourd'hui,...
M. Dominique Braye. Pourquoi ment-il comme cela !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur Braye, taisez-vous donc et laissez parler les autres !
M. Dominique Braye. Pourquoi un tel mensonge ?
M. Thierry Repentin. ...texte auquel les députés de votre majorité ont déjà porté des coups de canif. Ils ont en effet sournoisement...
M. Dominique Braye. C'est un menteur !
M. Thierry Repentin. ...modifié la définition du logement social pour abuser nos concitoyens.
Si nous maintenions les choses en l'état, monsieur le Premier ministre,...
M. Dominique Braye. Menteur !
M. le président. Monsieur Braye, un peu de silence, je vous prie.
M. Thierry Repentin. ...nous comptabiliserions...
M. Dominique Braye. Ce que dit M. Repentin est honteux !
M. David Assouline. Il faut punir M. Braye !
M. Thierry Repentin. ... les logements des ménages dont le revenu mensuel atteint jusqu'à 6 000 euros.
M. Christian Demuynck. C'est honteux de dire des choses pareilles !
M. Thierry Repentin. Monsieur le Premier ministre, si vous acceptez cette définition du logement social,...
M. Dominique Braye. C'est honteux !
M. Serge Lagauche. Non, il a raison !
M. Thierry Repentin. ...c'est que vous ne connaissez plus la réalité de la vie de nos concitoyens.
M. Dominique Braye. Thierry Repentant ou Thierry Repenti !
M. Thierry Repentin. Dans un sondage publié voilà quelques semaines, à la question de savoir quelles sont les mesures les plus efficaces...
M. Dominique Braye. Il n'y a pas de repenti dans cette assemblée !
Mme Raymonde Le Texier. Mais enfin, faites-le taire !
M. Christian Demuynck. Il a raison !
M. Robert Hue. Appelez un médecin pour M. Braye !
M. Thierry Repentin. ... pour améliorer la situation du logement en France,...
M. Dominique Braye. Honteux !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, surveillez M. Braye !
M. Thierry Repentin. ...72 % de nos compatriotes citent l'obligation de réaliser 20 % de logements sociaux.
Ces 72 % ont-ils tort, au même titre que les 83 % qui, aujourd'hui, vous demandent le retrait du CPE ?
Avez-vous, au sujet du logement, la même certitude à leur opposer que celle avec laquelle vous balayez leur colère à l'égard du CPE ?
M. Christian Demuynck. Ce n'est pas brillant !
M. Thierry Repentin. Après votre consécration de la précarité dans le monde du travail, allez-vous rayer d'un trait la seule disposition qui garantisse un logement accessible aux classes modestes et moyennes ?
M. Dominique Braye. C'est scandaleux !
M. Jean-Pierre Sueur. M. Braye ne peut pas continuer d'hurler ainsi, monsieur le président !
M. Thierry Repentin. Monsieur le Premier ministre, que répondez-vous aux Français et aux associations,...
M. René-Pierre Signé. Rien !
M. Thierry Repentin. ... et non pas seulement à l'auteur de la question qui vous interpelle aujourd'hui,...
M. Dominique Braye. Encore des mensonges !
M. Thierry Repentin. ...pour ne pas sacrifier une fois de plus, en matière de logement, celles et ceux de nos concitoyens qui ne gagnent pas 6 000 euros par mois ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Dominique Braye. C'est honteux !
M. Jean-Pierre Sueur. De tels hurlements ne devraient pas avoir droit de cité ici ! Il faut un rappel à l'ordre.
MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Bernard Piras. Rappel à l'ordre !
Mme Raymonde Le Texier. Ce n'est pas acceptable !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Appelez une ambulance pour M. Braye, monsieur le président !
M. Bernard Piras. C'est scandaleux ! Monsieur le président, présidez !
M. Dominique Braye. On ne répond pas aux menteurs ! (Très vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Serge Lagauche. Et ça, qu'est-ce que c'est ? (Brandissant l'appel du collectif d'associations paru dans un grand quotidien du soir.)
M. Dominique Braye. C'est honteux !
M. le président. Un peu de silence, s'il vous plaît.
Quand je pense que MM. Braye et Repentin ont élaboré en commun un rapport sur le logement ! (Rires sur les travées de l'UMP.- Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Et ils seraient prêts à en venir aux mains ? Enfin, qu'est-ce que tout cela veut dire ?
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce n'est pas une raison pour ne pas rappeler à l'ordre M. Braye !
M. Dominique Braye. Reste que M. Repentin est un menteur !
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.
M. Dominique Braye. Il ne faut pas répondre aux menteurs !
M. Jean-Louis Borloo, ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Monsieur Repentin, je vous remercie de m'interroger le jour où vient en discussion en deuxième lecture le projet de loi portant engagement national pour le logement, après trois semaines de débats en première lecture au Sénat, et à peu près autant à l'Assemblée nationale. Vous me permettez ainsi de vous en donner la philosophie générale et de vous faire part de notre constat.
La France a connu une demi-décennie noire en matière de logements, qu'ils soient résidentiels, intermédiaires, sociaux ou d'urgence,...
Mme Christiane Hummel. Et précisément sous quel Premier ministre ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. ... les cinq ans du gouvernement de Lionel Jospin ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Christian Demuynck. Oui ! Alors, il ne faut pas venir nous raconter n'importe quoi !
M. Dominique Braye. Voilà la vérité !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. J'en suis d'autant plus navré que nous assumons aujourd'hui, les uns et les autres, les conséquences de cette impéritie de l'époque.
M. Christian Demuynck. Très bien !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Près de 42 000 logements ont été financés en 2000 ; 82 000 l'ont été cette année ;...
M. Dominique Mortemousque. Voilà !
M. Alain Gournac. Et voilà !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...et l'on est passé de 277 000 à 412 000 constructions de logements cette année. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Bernard Piras. C'est faux !
M. Jacques Mahéas. Et à Neuilly-sur-Seine ?
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Avec le texte portant engagement national pour le logement, nous voulons aller plus loin. Il s'inscrit dans cette philosophie qui se refuse à opposer les différents types de logement dans notre pays, et qui considère que la chaîne du logement est un tout : il faut de l'accession populaire à la propriété, il faut du logement social, il faut des terrains à bâtir, il faut augmenter l'offre générale pour tout le monde.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pour ceux qui peuvent payer !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. Il s'agit donc d'un programme global pour relancer en France, comme c'est le cas chez nos amis espagnols, l'envie de construire partout (Très bien ! sur les travées de l'UMP.), dans de bonnes conditions, avec le souci de la qualité et en fonction des besoins de chacun.
Cette réalité doit vous éloigner des faux débats ou des fausses peurs qui vous poussent à insérer des publicités dans la presse quotidienne régionale ou nationale, ...
M. Bernard Piras. C'est du baratin !
M. Jean-Louis Borloo, ministre. ...alors que vous connaissez parfaitement notre position sur ces questions. Faut-il le redire, la commission et le rapporteur n'ont jamais soutenu l'hypothèse que vous venez d'avancer. Très franchement, monsieur Repentin, prétendre le contraire est indigne ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF. - Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Dominique Braye. Thierry Repentant !
M. David Assouline. Retirez le CPE !
M. Bernard Piras. Oui, retirez le CPE !
Mme Michelle Demessine. Retrait du CPE !
M. Dominique Braye. Cette insertion dans la presse, vous l'avez bien passée, oui ou non ?
droits à paiement unique et safer
M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot.
M. Philippe Adnot. Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question, qui n'a rien de politique, devrait être de nature à apaiser un peu cette séance !
M. David Assouline. L'autruche !
M. Philippe Adnot. Avant de la poser, je souhaite cependant ouvrir une petite parenthèse. Je m'étonne qu'au moment où on laisse croire à l'opinion publique que toute la jeunesse est en train de manifester contre le CPE, il ne soit pas davantage question de la défaite cuisante que l'Union nationale des étudiants de France vient de subir aux élections des représentants au conseil d'administration des CROUS, les centres régionaux des oeuvres universitaires et scolaires : l'UNEF a perdu 40 % de ses sièges. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Allez, va !
M. Philippe Adnot. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Elle concerne un grand nombre de collectivités locales de ce pays, car il s'agit de leur capacité à créer des réserves foncières destinées à l'aménagement du territoire et à réaliser un certain nombre d'équipements structurants, notamment pour mettre en place des zones d'activité.
Or, aux termes d'une nouvelle réglementation concernant les droits à paiement unique, les DPU, cette capacité risque d'être fortement remise en cause ; la question est d'actualité parce qu'une décision doit être prise avant le 15 mai prochain.
En effet, les collectivités ont constitué des réserves foncières au cours des années servant de référence pour le calcul des droits à paiement unique. Or, aujourd'hui, lorsqu'elles proposent des échanges, bien souvent entre trois parties ou plus, pour réaliser des regroupements, les occupants précaires, ceux qui louent à l'année les terres mises en réserve en attendant qu'une destination soit trouvée à ces dernières, peuvent conserver les droits à paiement unique. Il en résulte une incapacité pour les collectivités à faire jouer correctement ces échanges.
Monsieur le ministre, quelles décisions comptez-vous prendre en la matière ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, pardonnez-moi d'apporter une réponse technique et juridique - donc ennuyeuse - à M. Adnot,...
M. David Assouline. Nous avons l'habitude !
M. Dominique Bussereau, ministre. ... mais sa question est importante et intéresse nombre d'élus locaux.
Monsieur le sénateur, dans cette affaire, les collectivités territoriales ont besoin de l'instrument que constituent les sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER, qui ont d'ailleurs suscité une réflexion sur toutes les travées du Sénat à l'occasion de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.
En effet, les SAFER jouent un rôle essentiel pour les collectivités territoriales dans l'aménagement foncier, mais elles ne peuvent acquérir ni gérer directement les DPU, ces fameux droits découplés qui sont versés aux agriculteurs depuis le 1er décembre 2005. En effet, si les SAFER jouent le rôle utile que l'on sait en France pour les collectivités territoriales, le législateur communautaire a préféré donner compétence aux États et aux pouvoirs publics.
Le Gouvernement a recherché, avec vous, mesdames, messieurs les sénateurs, des moyens pour permettre aux SAFER de fonctionner normalement.
Tout d'abord, la loi d'orientation agricole prévoit l'extension du droit de préemption, ce qui peut constituer une première réponse aux besoins des collectivités territoriales.
Ensuite, dans le cas où la SAFER a acheté des terres, nous avons obtenu une dérogation réglementaire afin de rendre possible le transfert direct des DPU entre les propriétaires exploitants en place pendant les années de référence sans qu'il s'agisse d'un transfert foncier.
Le Gouvernement a également adapté les droits de location des DPU, ce qui permet au propriétaire exploitant historique de louer directement des DPU aux occupants mis en place par la SAFER.
La majorité des cas d'intervention des SAFER en faveur des collectivités territoriales sont donc réglés.
Reste la question de la dotation DPU aux occupants provisoires des terres qui sont détenues en stock par les SAFER, notamment dans les communes ou les intercommunalités.
Le Gouvernement est en train d'examiner l'ampleur du problème, conjointement avec la fédération nationale des SAFER, et s'engage à rechercher une solution très précise en liaison avec vous, monsieur Adnot.
Je vous avais promis une réponse technique, et vous conviendrez qu'elle l'est, mais je sais que c'est à cette condition que l'ensemble des élus concernés disposeront des informations précises qu'ils sont en droit d'obtenir du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d'actualité au Gouvernement.
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souhaits de bienvenue à une délégation parlementaire du Liban
M. le président. Mes chers collègues, il m'est particulièrement agréable de saluer la présence, dans notre tribune, d'une délégation de députés du Liban, composée de M. Walid Eido, M. Hussein Hajj-Hassan, M. Yehia Hadji Djerdjian, M. Antoine Ghanem et M. Sélim Salhab, qui séjournent en France à l'invitation du Sénat.
Cette visite s'insère dans le cadre des relations interparlementaires qui, depuis plusieurs années, connaissent une particulière vitalité, grâce, notamment, au programme de coopération signé entre nos deux assemblées.
En votre nom à tous, et à titre personnel, je tiens à assurer à travers vous l'ensemble du peuple libanais de notre sincère amitié et de notre soutien dans la poursuite des réformes engagées pour la survie de l'identité libanaise et l'affermissement de l'État de droit. Cordiale bienvenue, chers amis ! (M. le Premier ministre, Mme et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et applaudissent chaleureusement.)
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à seize heures cinq, est reprise à seize heures vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
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RAPPELS AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour un rappel au règlement.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, mon intervention se fonde sur l'article 36 de notre règlement.
Je voudrais vous demander solennellement, en vertu des pouvoirs qui vous sont conférés par l'article 93 du règlement du Sénat, de rappeler à l'ordre le sénateur Dominique Braye. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
En effet, pendant que M. Muzeau s'exprimait pour le groupe communiste républicain et citoyen, M. Braye a crié : « À Moscou ! » - c'est chez lui une habitude - et il a ajouté : « PC dissous ! » -, ce que je traduis par un appel à la dissolution du parti communiste français.
Monsieur le président, si la pensée et la parole sont libres, dans les limites de la loi, il reste que, dans chacune des deux enceintes du Parlement, tout parlementaire se doit d'être républicain.
C'est la raison pour laquelle je vous demande de rappeler M. Braye à l'ordre et, d'avance, je vous en remercie.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Acte vous est donné de ce rappel au règlement, madame Borvo Cohen-Seat.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour un rappel au règlement.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je sais que la demande formulée à l'instant par ma collègue présidente du groupe CRC est très délicate, monsieur le président, mais il est vrai que l'attitude de notre collègue Braye est constamment insupportable,...
M. Philippe Dallier. Il n'y a pas que lui !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... vous le savez bien et nous le savons tous.
Cela s'est produit cet après-midi, comme c'est le cas lors de chaque séance de questions d'actualité au Gouvernement, notamment pendant l'intervention de notre collègue Thierry Repentin, qui était excellente, qui intéressait tout le monde (Rires sur les travées de l'UMP.), mais que beaucoup n'ont pas pu entendre du seul fait que M. Braye, comme d'habitude, braillait !
Dès lors, je me joins à la demande qui vient d'être faite. C'est sans doute le seul moyen d'intervenir, monsieur le président, afin que, au moins, vous menaciez notre collègue d'un rappel à l'ordre d'abord, quitte à passer aux actes ensuite, s'il continue dans cette voie, mais je crains bien qu'il ne lui soit pas possible de faire autrement !
M. le président. Mon cher collègue, je vous donne également acte de votre rappel au règlement.
Je profite de cette occasion pour demander aux présidents de tous les groupes de bien vouloir intervenir auprès de leurs collègues pour leur demander de veiller à leur comportement lors de ces séances de questions d'actualité.
En effet, celles-ci font l'objet d'une diffusion télévisée et nous ne donnons pas la meilleure image de notre institution dans certaines circonstances.
Il est vrai que certains interviennent de façon plus virulente que d'autres, mais qu'apportent donc ces interventions aux débats ? Quelle image donnent-elles de nous ? Et les enfants qui nous regardent ?
Pendant un temps, le débat était serein : nous entendions les questions, puis les réponses, et cela montrait que nous étions l'assemblée de la sagesse, de la réflexion et du sérieux.
Par conséquent, que chacun fasse un effort ; de telles interventions intempestives n'apportent rien aux débats, elles ne font plaisir qu'à leurs auteurs, et encore !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le plus dur et le plus constant, c'est M. Braye !
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COMMUNICATION DU MéDIATEUR DE LA RéPUBLIQUE
M. le président. L'ordre du jour appelle la communication de M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République, sur son rapport annuel.
Huissiers, veuillez faire entrer M. le Médiateur de la République dans l'hémicycle.
(M. le Médiateur est introduit dans l'hémicycle avec le cérémonial d'usage.)
Monsieur le Médiateur de la République, cher Jean-Paul Delevoye, je suis heureux de vous souhaiter, au nom de tous mes collègues, une très cordiale bienvenue dans cet hémicycle que, par ailleurs, vous connaissez fort bien, pour avoir été tour à tour sénateur et membre du Gouvernement.
Vous venez pour la deuxième fois présenter au Sénat le rapport annuel, très attendu, de la Médiature de la République.
Le Sénat attache une grande importance à la résolution des difficultés rencontrées au quotidien par les citoyens dans leurs relations avec l'administration.
Nous attendons avec intérêt les propositions de réforme que vous ne manquerez pas de nous soumettre. Cette séance solennelle a, certes, été instituée par la loi, mais l'homme de terrain que vous êtes a souhaité que ce dialogue se poursuive de manière informelle avec ses anciens collègues. Je vous remercie de cette aimable proposition, qui montre votre souci d'établir une relation la plus étroite possible entre les élus de la nation et vous-même.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, a bien voulu répondre à ce souhait en organisant le mercredi 12 avril à dix heures une audition publique ouverte à toutes les sénatrices et à tous les sénateurs, ainsi qu'à la presse et au public, dans la perspective d'une retransmission sur notre chaîne, Public Sénat.
Vous avez la parole, monsieur le Médiateur de la République.
M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République. Monsieur le président, permettez-moi tout d'abord de vous remettre officiellement le rapport annuel de la Médiature de la République. (M. le Médiateur de la République remet à M. le président du Sénat un exemplaire dudit rapport.) Mon intervention en séance publique sera prolongée par une réunion de travail avec la commission des lois. Je remercie son président d'avoir bien voulu organiser cette rencontre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'essaierai de présenter de façon concise les quelques éléments de réflexion que nous avons voulu porter à votre connaissance dans ce rapport.
Nous avons reçu l'année dernière quelque 60 000 dossiers, dont 54 000 ont été traités par les trois cents délégués présents sur le terrain et 6 000 par les 90 personnes qui travaillent au siège de l'institution, à Paris.
Nous avons souhaité non seulement répondre aux réclamations qui nous étaient adressées, mais également en comprendre la teneur et dégager quelques réflexions sur les relations que nos concitoyens entretiennent avec l'administration. Nous nous sommes intéressés aux dossiers qui étaient recevables, donc qui entraient dans notre domaine de compétence, mais aussi à ceux qui ne l'étaient pas.
À l'évidence, l'année 2005 a été marquée par de très nombreuses réclamations relatives aux catastrophes naturelles, aux sécheresses et aux amendes. En ce qui concerne l'institution judiciaire - l'actualité y fut sans doute pour quelque chose -, les plaintes ont porté plus sur les dénis de justice que sur les délais.
S'agissant du domaine social, de nombreuses réclamations avaient pour objet les indus, mais aussi les maladies professionnelles, notamment celles qui sont liées à l'amiante. En ce qui concerne les agents publics, les réclamations ont essentiellement porté sur les retraites.
En examinant les demandes irrecevables, notamment de caractère privé, j'ai été extrêmement surpris par la montée des tensions dans les relations entre les personnes, en particulier au sein même des familles, ou entre voisins.
Par ailleurs, de nombreux citoyens se sentent quelque peu écrasés par les systèmes bancaires ou les organismes sociaux. C'est l'éternelle fable de la Fontaine ! Nombre de nos compatriotes, que nous avons qualifiés de « citoyens perdus », sont aujourd'hui complètement désarçonnés. Nous trouvons même parmi eux des agents publics en activité qui expriment leur besoin d'être accompagnés dans leur demande de mutation au sein de grandes administrations. Les fonctionnaires en congé de longue durée ou en arrêt maladie posent des problèmes particuliers.
Nous sentons bien que le fossé est en train de se creuser entre les citoyens avertis et les autres.
Les citoyens avertis sont minoritaires parmi ceux qui s'adressent à nous. Leurs dossiers sont extrêmement structurés et des cabinets de conseil très avisés cherchent à utiliser ou à instrumentaliser le Médiateur de la République afin que les textes juridiques soient interprétés en leur faveur.
Les autres, de plus en plus nombreux, ne savent pas à qui s'adresser pour recevoir une aide lors de moments de détresse personnels, liés notamment à une rupture avec leur famille, la société ou l'administration fiscale.
Nous sommes en train d'adapter notre dispositif, de sorte que nos délégués sur le terrain soient présents non plus seulement sur les lieux de pouvoir, mais aussi dans les centres d'accès au droit et dans les maisons de justice et du droit ; nous devons être attentifs au développement de ceux-ci.
Plus de la moitié des rencontres ou des demandes de rendez-vous avec nos délégués ne concernent pas le traitement d'un problème : les citoyens cherchent à s'informer, à se faire orienter, à mieux connaître leurs droits.
Nous avons réussi 76 % de nos médiations. Nous utilisons les pouvoirs d'inspection que nous a conférés la loi : l'année dernière, nous avons visité les centres de recouvrement des amendes de Rennes et de Nantes ; cette année, nous inspecterons les administrations chargées de l'utilisation des fichiers STIC, système de traitement des infractions constatées, et JUDEX, système judiciaire de documentation et d'exploitation, c'est-à-dire, respectivement, la police et la gendarmerie.
Pour la première fois, nous avons utilisé notre pouvoir d'injonction en demandant à l'État de payer une amende infligée par la Cour européenne des droits de l'Homme, qu'il ne réglait pas car les administrations concernées ignoraient qui devait en supporter le poids.
S'agissant des nouveaux dispositifs que nous mettons en oeuvre, nous avons créé une cellule d'urgence, développé notre présence dans les établissements pénitentiaires et rencontré le président de l'Association des départements de France, afin que nos délégués soient présents dans les maisons départementales du handicap. Enfin, nous élaborons une méthode de médiation directe.
J'attire votre attention sur la présence des délégués dans les prisons. Je suis de ceux qui pensent que la privation de liberté n'est pas la privation de l'accès au droit.
Nous avons envoyé dix délégués dans dix établissements pénitentiaires. Le directeur de la maison d'arrêt des Baumettes nous a laissé entendre que l'annonce de l'arrivée du délégué du Médiateur de la République avait fait baisser de près de 50 % les violences, ...
M. Robert Badinter. Très bien !
M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République. ... tout simplement parce que le fait d'être écouté apaisait les relations entre l'administration pénitentiaire et les détenus.
Cette expérience a produit un autre résultat inattendu : notre déléguée, une jeune femme remarquable, docteur en droit, a réglé d'un coup cinquante dossiers de renouvellement de cartes de séjour. En effet, selon les procédures en vigueur, la personne concernée doit se présenter physiquement devant la commission préfectorale, ce qui est particulièrement difficile quand on se trouve dans un centre de détention.
Notre déléguée est ainsi parvenue à rapprocher les détenus de l'administration pénitentiaire. Alors que les premiers accusaient la seconde de ne pas favoriser le renouvellement des cartes de séjour, notre déléguée a pu montrer que l'administration pénitentiaire n'était en rien responsable du problème. Celui-ci était imputable à une procédure, que nous sommes parvenus à faire modifier, ce qui a apaisé les esprits.
S'agissant toujours de notre pouvoir de réforme, nos délégués sur le terrain nous ont fait part d'une situation d'injustice, signalée par l'administration pénitentiaire et certains professeurs de droit, qui durait depuis des années : paradoxalement, les prévenus qui détenaient des droits sociaux lors de leur entrée en maison d'arrêt les perdaient systématiquement lorsqu'ils étaient remis en liberté.
Nous avons porté ce problème à la connaissance du ministre chargé des affaires sociales, qui était en train de préparer le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et en quelques semaines cette injustice a été corrigée.
Mesdames, messieurs les sénateurs, pour ne pas abuser de votre temps, je me contenterai à présent de mettre en lumière certains éléments du rapport.
Tout d'abord, l'analyse des courriers de réclamation que nous recevons permet de mieux comprendre les évolutions de notre société. Nous avons mis en place un pôle de recherche et de développement, en lien direct avec la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, la Cour de justice des communautés européennes de Luxembourg et certaines universités.
Ces courriers révèlent aujourd'hui soit la confiance que nos concitoyens accordent aux institutions, soit la méfiance dans lesquelles ils les tiennent. Ou bien ceux-ci acceptent la force du droit, ou bien ils la récusent et revendiquent le droit à la force.
À l'évidence, nous vivons aujourd'hui un moment très délicat : le choix entre le dialogue, la décision de confier le règlement de son problème à un tiers, ou le résoudre soi-même. Ce débat entre violence et dialogue est aujourd'hui au coeur de notre société.
Ensuite, nos concitoyens refusent tout sentiment d'arbitraire : aucune décision n'est plus acceptée si elle n'est pas expliquée, même si elle n'est pas forcément comprise et peut être contestée.
Nous sommes surpris de constater que nos concitoyens nous remercient quand nous leur expliquons pourquoi ils ont tort dans leurs réclamations. Nous devons donc faire preuve de pédagogie si nous voulons rapprocher le citoyen de l'administration.
Par ailleurs, nous observons une montée très forte du sentiment d'injustice. Nous devons y être extrêmement sensibles à un moment où l'on revendique de plus en plus de libertés individuelles et où l'on prononce de plus en plus d'interdits collectifs. Nos concitoyens sont nombreux à penser que le système - dans lequel j'inclus les syndicats, les fonctionnaires et les politiques - se protège et impose sa propre logique.
Cette situation nous préoccupe beaucoup, car nous avons le sentiment que les citoyens, pour se faire rendre justice, et surtout pour trouver un droit qui réponde à leurs attentes, tendent de plus en plus à se tourner vers des institutions qui leur semblent plus à l'écoute de leurs problèmes, plus proches de la réalité de leur vécu, plus efficaces, plus rapides, plus à même de prononcer des condamnations sévères, c'est-à-dire le tribunal médiatique.
Aussi, les auteurs des courriers qui nous sont adressés sont de plus en plus nombreux à indiquer que, si nous ne leur donnons pas satisfaction, ils écriront à M. Courbet. Si nous n'y prenons pas garde, la nécessaire distanciation par rapport à l'événement, l'indispensable recul face à l'émotion suscitée par une affaire grave disparaîtront. Si, demain, nous faisons le choix de la réactivité, de la rapidité, de la force de frappe médiatique, au détriment du temps de l'administration et du temps politique, nous risquons de céder à l'émotionnel, au lieu de confronter les convictions.
Un autre point à souligner est que nul n'est censé ignorer la loi, ni ses droits. Nous devons être très attentifs au fait qu'aujourd'hui plus personne ne connaît la loi, sauf quelques spécialistes, et que beaucoup de personnes ignorent leurs droits. Cette situation, que nous livrons au débat politique, est préoccupante.
À un moment où le désenchantement des idéaux se traduit par le sentiment de l'inutilité des devoirs, donc des efforts entrepris pour une réussite collective, l'administration, quand elle prend ses décisions, a tendance à se réfugier dans l'exigence de la perfection et dans la protection des droits.
Aussi, le citoyen, membre d'une communauté politique, est-il peu à peu remplacé par l'usager, qui exige des droits pour sa protection personnelle et revendique même celui de contester la loi. Ceux qui s'adressent à nous sont de plus en plus nombreux à nous écrire que, certes, ils conduisent sans permis, mais qu'ils ont bien le droit de nourrir leur famille.
Le rôle du Médiateur de la République est donc de concilier la mission du fonctionnaire, qui est d'appliquer la loi, celle de l'autorité, qui doit la faire respecter, avec la légitimité de la contestation, qui refuse la règle de la vie collective au nom d'une exigence individuelle, arguant qu'un tel comportement correspond à un choix personnel.
Nous sommes là confrontés à une rupture du « vivre-ensemble », chacun craignant l'autre, au refus des devoirs pour s'abriter derrière des droits qui excluent de plus en plus autrui. Nous risquons de voir apparaître une société atomisée, qui deviendra toujours plus répressive, ainsi qu'un individu de moins en moins citoyen et de plus en plus consommateur, qui cherchera à transformer les institutions de la République en prestataires de services, au point de considérer les syndicats et les partis politiques comme de simples moyens pour faire carrière.
Si nous n'entravons pas cette évolution, ce sera la fin des valeurs républicaines que portent nos institutions. Nous devons être attentifs au risque de voir apparaître des citoyens du monde qui seraient en même temps des consommateurs locaux.
Notre système administratif lui-même semble parfois, dans cette exigence de la perfection, faire primer le respect des procédures sur l'efficacité et la pertinence des décisions.
Nous devrons également y être attentifs, au moment où notre régime politique, pour reprendre une expression de M. Badinter, cesse d'être une démocratie de conviction pour basculer dans une démocratie d'émotion.
De même, le conflit entre le respect de la loi et les injonctions de la conscience individuelle deviendra de plus en plus aigu. Ainsi, la loi interdit au citoyen de recevoir l'étranger sans papiers, tandis que sa religion oblige le chrétien à nourrir celui qui a faim. L'opposition entre les exigences de la loi et celles de la conscience creusera le fossé entre le citoyen et le politique. L'une des fonctions de la médiation est, me semble-t-il, de retrouver le chemin du dialogue.
Nous allons proposer à la commission des lois la classification de nos rapports selon trois axes : les abus de droits, les conflits de droits, les ruptures de droits. Peut-être allons-nous même demander au politique de retrouver toute sa noblesse, en faisant en sorte qu'il précède le droit, plutôt qu'il ne le subisse et que la pédagogie nécessaire pour trouver le chemin du juste anime les réformes.
Je tiens à vous remercier, mesdames, messieurs les sénateurs, de toutes les réformes que vous avez fait aboutir. J'évoquerai notamment les mesures de lutte contre les mariages forcés, l'aménagement de l'allocation aux adultes handicapés, le droit de vote des personnes majeures mises sous tutelle, la coordination de la médecine sécurité sociale et de la médecine du travail, mais aussi la récupération de leurs droits à indemnités journalières par les prévenus libérés.
Toutefois, de nombreux problèmes demeurent. À ce titre, je tiens à exprimer mon inquiétude s'agissant de la protection des personnes vulnérables. Il faudra réformer le régime des tutelles et des curatelles.
Mme Michelle Demessine. Tout à fait !
M. Jean-Paul Delevoye, Médiateur de la République. Il faudra aussi aborder la question du surendettement. Paradoxalement, la France fait partie des pays ayant le taux d'épargne le plus élevé et le taux des ménages surendettés le plus haut. L'équilibre entre le monde des prêteurs, celui des emprunteurs et celui des vendeurs ne me semble pas nécessairement respecté.
Nous devrons réfléchir à la responsabilité pénale d'un certain nombre de grands décideurs politiques et administratifs par rapport au problème de l'amiante.
Il conviendra également de s'interroger sur l'adaptation de nos textes à l'évolution de la société.
Enfin, il faudra relever tout ce qui, dans les textes, peut parfois aboutir à fragiliser les droits de la défense. Par exemple, nous devons actuellement résoudre le problème du statut des interprètes traducteurs. De plus en plus de personnes étrangères vivent sur notre territoire. Or, lorsqu'une fragilité du statut est constatée, les droits de la défense s'en trouvent affaiblis. Les interprètes traducteurs peuvent être réquisitionnés par le ministère de l'intérieur ou par le ministère de la justice : ils obtiennent quarante euros d'un côté, treize euros de l'autre. Et, selon le niveau de revenus, ils sont soumis à cotisations sociales ou non. Cette instabilité est préjudiciable non seulement aux intéressés, mais aussi aux structures administratives.
Voilà ce que je voulais dire, de façon trop brève, simplement pour vous éclairer sur les problèmes que j'ai découverts au sein de la Médiature, sur cette humanité permanente qui est au coeur des dossiers. Les crimes commis sont souvent contraires au bon sens.
Aujourd'hui, nous devons veiller tout particulièrement à ce que notre système administratif et politique accompagne et comprenne les attentes de notre société, plutôt que d'imposer sa logique.
Lorsqu'un ouvrier démarre sa carrière, que l'amiante est reconnue comme une maladie professionnelle, et que, vingt-cinq ans après, s'il change de métier, le nouveau système social ne reconnaît pas sa maladie professionnelle, on protège le système, pas l'individu. Or tout le sens de notre démarche est d'assurer la protection de l'individu. (Applaudissements.)
M. le président. Je vous remercie, monsieur le Médiateur de la République, de votre action. La véritable noblesse de l'élu, c'est d'accepter l'impopularité au nom de l'intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Je vous fais remarquer que la parité est respectée dans cet hémicycle : il y a autant d'hommes que de femmes !
La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le Médiateur de la République, votre rapport d'activité permet chaque année aux parlementaires qui vous saisissent d'apprécier la qualité de nos services publics.
Les réclamations qui vous sont adressées peuvent en effet contenir des motifs d'insatisfaction sérieux quant à l'exécution des missions de service public non seulement par l'administration centrale, mais aussi par les administrations locales, qui disposent de nouvelles prérogatives du fait de la décentralisation.
Ces dysfonctionnements n'ont pas pour source unique la méconnaissance de certaines règles ou de certains droits par les fonctionnaires exerçant ces missions de service public. Ils proviennent aussi des insuffisances ou de la complexité de certains textes.
Monsieur le Médiateur de la République, vous invitez l'ensemble des pouvoirs publics - Gouvernement, Parlement, justice - à la même démarche d'exigence. Votre rapport annuel illustre fort bien le rôle d'aiguillon que vous exercez à cet égard, un rôle d'autant plus précieux que l'évaluation des politiques publiques est parfois négligée dans notre pays. Toutefois, des progrès sont réalisés, notamment avec la loi organique relative aux lois de finances.
Il arrive que l'on préfère l'empilement des textes, dans une logique d'affichage qui n'épargne aucune législature, à l'examen approfondi de leur nécessité ou de leur bonne insertion dans le droit existant. Peut-être serait-il préférable de ne pas parler de cela aujourd'hui...
Toutefois, les 60 000 affaires que vous avez reçues en 2005, dont plus de 32 200 constituent des réclamations, ne visent qu'une très faible proportion de la masse des décisions administratives prises chaque année dans notre pays. Il s'agit d'une part réduite, certes, mais non négligeable puisque l'on ne doit vous saisir qu'en dernier recours.
Il faut reconnaître que, globalement, l'administration fonctionne assez bien. Elle est honnête et généralement compétente, mais elle est aussi soucieuse de perfectionnisme. Or la perfection ne s'accompagne pas nécessairement de l'efficacité.
Vous indiquez cependant que la logique selon laquelle on ne doit saisir le Médiateur qu'en dernier recours connaît des exceptions. Certains citoyens vous saisissent en effet dès qu'ils rencontrent une difficulté, y compris d'ordre privé, ou pour un motif largement étranger au strict respect de leurs droits. Il faut sans doute y voir le signe que le Médiateur de la République est aujourd'hui une autorité connue et reconnue.
Les avantages d'une telle notoriété dépassent de loin ses inconvénients. Ou, si l'on peut dire, vous savez faire des inconvénients de cette reconnaissance un avantage.
Votre rapport annuel explique ainsi que certaines réclamations sont sans fondement ou interviennent avant que toute autre démarche ait été entreprise auprès de l'administration visée.
Comme vous le dites fort bien, il faut savoir dire non, tout en faisant preuve de pédagogie, afin de réduire le sentiment d'arbitraire ou d'injustice et de conforter la légitimité de l'action administrative.
L'intérêt général n'est pas la somme des intérêts particuliers, et l'on ne saurait laisser instrumentaliser une autorité indépendante comme la vôtre sans menacer la confiance des citoyens dans leur administration.
À cet égard, la vigilance du Médiateur quant à la recevabilité des réclamations est indispensable à la pertinence de ses interventions et à l'affirmation de son rôle dans notre cohésion sociale.
J'avais relevé l'année dernière la part considérable des saisines directement adressées aux services centraux de la Médiature, sans passer par l'intermédiaire d'un député ou d'un sénateur. Celle-ci s'élevait alors à 32 % ; elle s'établit en 2005 à 45,8 %. Près de la moitié des réclamations reçues par votre siège vous sont donc adressées directement par courrier postal ou électronique.
Il est souhaitable - je sais que certains n'en sont pas convaincus - que la saisine directe soit bientôt reconnue par la loi, sans remettre en cause la saisine par l'intermédiaire d'un parlementaire. Ces deux voies sont en effet complémentaires. M. Pelletier ne me démentira pas. (M. Jacques Pelletier approuve.)
Cette demande de proximité touche d'ailleurs en premier lieu vos trois cents délégués, qui ont eu à traiter 25 782 affaires en 2005. Ainsi, 90 % des affaires traitées par vos services sont locales.
Vous avez d'ailleurs eu le souci, monsieur le Médiateur, d'assurer la présence de vos délégués dans des lieux où l'accès au droit doit être mieux garanti : les quartiers en difficulté et les prisons.
Vous avez largement évoqué la question des prisons. À cet égard, je me réjouis que vous rejoigniez les conclusions de la commission d'enquête du Sénat sur les prisons : être incarcéré ne signifie pas être privé de droits. Cette expérimentation, qui devrait faire l'objet d'une évaluation dans quelques mois, devrait être riche d'enseignement sur les besoins des prisons françaises en matière d'accès au droit.
Monsieur le Médiateur, votre mission vous assure une connaissance aiguë des difficultés que peuvent rencontrer nos concitoyens en raison de l'excessive complexité du droit ou de son inadéquation à certaines évolutions de la société. Aussi le législateur ne manque-t-il pas de prendre son inspiration dans vos propositions de réformes, dont vingt-huit ont été satisfaites en 2005.
J'évoquerai la lutte contre les mariages forcés. La proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple comporte des mesures tendant à harmoniser l'âge minimal du mariage à dix-huit ans pour les filles comme pour les garçons, et permet au procureur de la République d'ouvrir l'action en nullité pour vice du consentement.
Dans le cadre de la loi de sauvegarde des entreprises, le bénéfice de l'assurance garantie des salaires, l'AGS, a été étendu, comme vous le souhaitiez, aux salariés des personnes physiques exerçant une profession libérale.
Vous avez évoqué également la couverture maladie des détenus et prévenus libérés. La loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 leur permet de recouvrer leurs droits lors de leur libération.
Enfin, parmi les réformes que vous souhaiteriez voir aboutir dans un proche avenir, je retiens le nécessaire renforcement des garanties relatives à la consultation des fichiers de police judiciaire à des fins administratives.
Il est vrai que la tardive mise à jour des fichiers STIC et JUDEX conduit à des imbroglios considérables pouvant être très préjudiciables en cas d'enquête administrative préalable à un recrutement, par exemple.
Votre rapport évoque également les difficultés posées par l'attribution des prestations familiales en cas de résidence alternée. Nous avons organisé des auditions sur le droit de la famille la semaine dernière. Le sous-directeur des prestations familiales de la caisse d'allocations familiales a émis un avis réservé. J'espère qu'il ne s'agit pas de difficultés administratives, car le service public est au service des citoyens, et non l'inverse !
Peut-être pourrons-nous trouver des solutions en ce qui concerne la garde alternée, même si, outre les problèmes administratifs, ce dispositif pose quelques difficultés juridiques. Je ne doute pas, monsieur le Médiateur, que vous y contribuerez.
Vous proposez par ailleurs de revenir sur la jurisprudence de la Cour de cassation qui refuse au juge la possibilité de relever d'office un moyen de droit tiré de la violation du droit de la consommation. Les problèmes de consommation étant de plus en plus nombreux, cette possibilité permettrait de pallier la méconnaissance, par les consommateurs ne recourant pas à un avocat devant les juridictions d'instance, du droit de la consommation.
Cette proposition peut être rapprochée d'autres demandes que vous formulez pour corriger les effets indésirables du traitement du surendettement. Nous avons beaucoup légiféré, peut-être trop et trop vite, sur ces sujets et il conviendrait de procéder à une évaluation avant de réformer la législation. La procédure de rétablissement personnel, notamment, ne semble pas avoir donné tous les résultats escomptés. La Banque de France, qui connaît bien ces dossiers, est très réceptive aux arguments que vous avez développés.
Le trait commun de toutes ces réformes, abouties ou en cours, est de renforcer l'effectivité du principe d'égalité, de corriger les incongruités, voire les failles de notre droit.
Monsieur le Médiateur, vous avez évoqué un point qui nous tient à coeur : la protection des incapables majeurs. En effet, nous réclamons depuis de nombreuses années une réforme en la matière. Cela me paraît une priorité législative : nous devons impérativement moderniser la loi sur les tutelles et les curatelles. Tous les jours, parlementaires, élus locaux, et vous-même, nous nous trouvons confrontés à des situations catastrophiques pour les familles et les personnes handicapées.
Vous avez accepté de venir devant la commission des lois le 12 avril prochain pour approfondir nos échanges sur ces questions lors d'une audition ouverte à tous nos collègues ; je ne doute pas que ceux-ci seront très nombreux.
Le dialogue qui s'établit entre votre autorité et le Parlement promet d'assurer plus efficacement la protection des droits fondamentaux et la cohérence de notre ordre juridique. Je vous remercie, monsieur le Médiateur, d'y contribuer largement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Robert Badinter applaudit également.)
(M. Philippe Richert remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. Monsieur le Médiateur de la République, je vous remercie du rapport que vous nous avez présenté et des analyses que vous avez formulées, auxquelles nous avons tous été sensibles. La réunion organisée par le président de la commission des lois permettra à l'ensemble des sénateurs de vous poser des questions.
Huissiers, veuillez reconduire M. le Médiateur de la République.
(M. le Médiateur quitte l'hémicycle.)
9
DÉPÔT DE RAPPORTS du gouvernement
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre :
- le 33e rapport sur l'évolution démographique de la France, en application de l'article L. 2214-3 du code de la santé publique ;
- le rapport faisant état de la situation sociale des enfants d'anciens supplétifs de l'armée française et assimilés et de leurs besoins en termes de formation, d'emploi et de logement, conformément à l'article 11 de la loi n° 2005-158 du 23 février 2005 portant reconnaissance de la nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés.
Acte est donné du dépôt de ces rapports.
Ils seront transmis à la commission des affaires sociales.
10
Engagement national pour le logement
Suite de la discussion d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi portant engagement national pour le logement.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jean-Marc Juilhard.
M. Jean-Marc Juilhard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, « Nous n'héritons pas la terre de nos parents, nous l'empruntons à nos enfants ». Certains d'entre vous trouveront peut-être curieux d'associer cette formule d'Antoine de Saint-Exupéry au projet de loi portant engagement national pour le logement, qui nous est soumis aujourd'hui en deuxième lecture. Pour autant, celle-ci résume de façon saisissante la responsabilité qui pèse sur chacun d'entre nous de promouvoir un développement durable.
Le développement durable, c'est la satisfaction des besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures à satisfaire les leurs. Réunis à Versailles, voilà un an, nous nous y sommes engagés en inscrivant dans notre loi fondamentale que les politiques publiques devaient « promouvoir un développement durable ».
Le présent projet de loi offre l'opportunité d'avancer dans la réalisation de cet objectif, qui, je le rappelle, n'est pas seulement environnemental. Il est aussi social, des dizaines de milliers d'emplois étant en jeu. Il est également économique, au regard de l'allègement de la facture énergétique attendu tant pour les collectivités que pour les différents abonnés, les entreprises et les particuliers, notamment les locataires de logements sociaux. Il est enfin géostratégique, car la question de l'indépendance énergétique et de la sécurité d'approvisionnement est désormais posée.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous devons adresser aux acteurs locaux des signes forts et leur rappeler que ce sont eux qui construisent aujourd'hui la politique énergétique de demain.
Il nous faudra toutefois élaborer un plan d'action plus global : Claude Belot et moi-même nous y employons, en conduisant actuellement, dans le cadre de la délégation du Sénat à l'aménagement et au développement durable du territoire, une réflexion sur le thème « énergies renouvelables et collectivités locales ». Notre rapport sera rendu public à la fin du mois de juin prochain. Après des dizaines d'heures d'auditions et de multiples déplacements sur le terrain, il nous est apparu que la France et l'Europe avaient pris un retard manifeste dans le développement de la chaleur d'origine renouvelable.
La chaleur paraît être la grande absente des débats sur les politiques énergétiques. Or la chaleur est le secteur le plus exposé à la conjoncture mondiale, le plus « énergivore », puisqu'il s'agit du premier poste énergétique en France, avec 40 % de la consommation, et le plus polluant. De plus, nous l'oublions trop souvent, la production d'électricité dans notre pays ne représente que 20 % de nos besoins énergétiques.
Pour ces raisons, nous aurions tort de nous focaliser sur la seule électricité. La directive européenne de 2001, qui a fixé à notre pays l'objectif de produire 21 % d'électricité d'origine renouvelable, contre 15 % aujourd'hui, nous conduit sur la pente dangereuse de l'« électrocentrisme » et nous écarte du débat sur la chaleur qui, je le répète, a été ô combien occulté ces dernières années.
Comme mon collègue Claude Belot, pionnier des réseaux de chaleur dans son département de la Charente-Maritime et dans sa commune de Jonzac, je ressens toutefois un véritable frémissement propre à favoriser le décollage des énergies renouvelables.
En premier lieu, l'accord de Kyoto assigne à notre pays un objectif de stabilisation de ses émissions polluantes en 2010 par rapport à leur niveau de 1990. Dans ce cadre, un plan national d'allocation des quotas de CO2 vient d'être mis en place.
En deuxième lieu, comme je l'ai dit, notre loi fondamentale comporte désormais une référence à la charte de l'environnement, laquelle proclame avec force que « la préservation de l'environnement doit être recherchée au même titre que les autres intérêts fondamentaux de la Nation » et que les « politiques publiques doivent promouvoir un développement durable ».
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons tous combien le chef de l'État est sensible à ces questions. À ses yeux, l'une de nos priorités industrielles, c'est l'énergie. Il l'a d'ailleurs rappelé en janvier dernier, lors de ses voeux aux forces vives de la nation : « Le climat et l'après pétrole sont les défis du siècle qui s'ouvrent. Nous devrons diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050, c'est inéluctable. Nous devrons apprendre à nous passer progressivement de pétrole.
« Dans ce domaine, la France a l'ambition d'être une référence mondiale, car avec ses entreprises, avec ses infrastructures, avec ses recherches, elle dispose d'atouts majeurs. »
Autrement dit, montrons-nous dignes de l'emprunt planétaire que nous avons souscrit auprès de nos enfants et petits-enfants.
En troisième lieu, je rappelle que la loi de programme fixant les orientations de la politique énergétique, adoptée le 13 juillet 2005, comporte comme objectifs l'augmentation de 50 % de la chaleur d'origine renouvelable et la production de 10 % des besoins énergétiques français à partir de sources d'énergies renouvelables.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, la politique du logement, comme toutes les politiques publiques, doit intégrer la dimension « énergies renouvelables ». C'est non seulement indispensable pour la préservation de la planète et le respect de nos engagements internationaux, mais c'est aussi vital pour notre pays, et ce pour de nombreuses raisons.
Premièrement, sur le plan géostratégique, le développement des énergies renouvelables permettrait de mieux garantir notre indépendance énergétique et notre sécurité d'approvisionnement, lesquelles sont inscrites parmi les priorités de la politique énergétique française. La France et l'Europe, malgré une amélioration globale de leur intensité énergétique au cours des années passées, devraient voir leur demande énergétique continuer à progresser et leur production propre diminuer, en termes relatifs, de sorte que notre dépendance énergétique extérieure devrait augmenter de façon importante dans les prochaines années.
La commission européenne l'a rappelé, si rien n'est fait, notre dépendance énergétique passera de 50 % aujourd'hui à 70 % en 2030. Il est donc urgent d'agir. D'après les spécialistes, si les besoins de chaleur étaient couverts pour l'essentiel par de la chaleur renouvelable, nous pourrions avoir, au contraire, une indépendance énergétique de 70 % !
Deuxièmement, sur le plan social, les énergies propres pourraient créer plusieurs dizaines de milliers d'emplois dans les années à venir, jusqu'à 150 000 à l'horizon 2030-2050. En effet, parce qu'elles impliquent de développer certaines filières encore embryonnaires dans notre pays, les énergies renouvelables ont un « contenu emploi » plus fort que les autres énergies. Ainsi un chauffage collectif au bois crée-t-il trois fois plus d'emplois en France qu'une installation équivalente utilisant de l'énergie fossile importée.
Il s'agit d'être créatif et d'exploiter au mieux les ressources locales, en somme de mobiliser « l'intelligence territoriale ». Cela permettrait notamment d'alléger les factures de chauffage des logements sociaux. À l'heure où nous redoutons tous des délocalisations, nous pourrions aujourd'hui « relocaliser » la production énergétique.
Troisièmement, sur le plan économique, avec la flambée des énergies fossiles, toutes les énergies renouvelables sont entrées en phase de compétitivité. Les élus locaux qui investissent aujourd'hui peuvent espérer des temps de retour sur investissement très intéressants. Monsieur le ministre, mes chers collègues, soyez-en convaincus, le potentiel est immense et la marge de progression considérable.
Je prendrai deux exemples pour illustrer mon propos : la géothermie et le bois-énergie.
En matière de géothermie, les potentialités, notamment en Île-de-France, en Aquitaine, et même dans ma région, l'Auvergne, sont totalement sous-exploitées. Or la technologie est aujourd'hui parfaitement maîtrisée, le risque géologique connu et la rentabilité économique garantie.
S'agissant du bois, et contrairement à certaines idées répandues, la forêt française regorge de potentialités. Plus grande forêt d'Europe, avec 14 millions d'hectares, elle occupe actuellement 26 % du territoire.
Selon les estimations actuelles, entre le tiers et la moitié de l'accroissement annuel de la biomasse agricole et forestière n'est pas valorisé. En effet, la forêt française produit une biomasse de 90 millions de mètres cubes de bois par an, alors que la récolte annuelle oscille seulement entre 47 millions et 60 millions de mètres cubes.
Les pays germaniques et scandinaves l'ont bien compris, le bois n'est en rien l'énergie du passé. Avec les techniques actuelles, qui offrent des rendements énergétiques de plus de 85 %, le chauffage au bois et à la biomasse est incontestablement une solution d'avenir. Les agriculteurs et forestiers d'aujourd'hui pourraient donc devenir les énergéticiens de demain !
Cependant, la résistance au changement et la perte de compétence énergétique à l'échelon local, observées depuis les lois de nationalisation de 1946, font malheureusement parfois obstacle à la prise de décision. Il convient donc d'aider les élus qui le souhaitent à développer ces énergies renouvelables sur leur territoire.
Dans cette optique, au cours de l'examen des articles, nous défendrons trois amendements ayant pour objet de favoriser le développement des réseaux de chaleur et de doter l'élu local d'un nouvel outil d'urbanisme et d'aménagement du territoire propre à lui permettre de recourir, chaque fois que c'est possible, aux énergies propres.
Naturellement, lorsque ces réseaux de chaleur sont alimentés par des énergies renouvelables, qu'il s'agisse du bois, de la biomasse, de déchets ou de la géothermie, leur « bilan carbone » est encore meilleur. Il est à noter, par exemple, que la combustion du bois dégage 90 % de gaz carbonique de moins que l'utilisation du pétrole ou du gaz.
Mes chers collègues, saisissons l'occasion qui nous est offerte de donner aux élus locaux les moyens nécessaires pour devenir les relais indispensables pour construire notre politique énergétique. Faisons des maires les nouveaux « hussards verts » de la République !
Notre avenir social, géopolitique et environnemental en dépend. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Marcel Vidal.
M. Marcel Vidal. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voilà de nouveau réunis pour aborder la deuxième lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement.
Certes, ce titre ambitieux est bienvenu au regard des questions qu'il nous revient de traiter. Mais force est de constater que, avant l'apport des nombreux amendements déposés au cours des différents débats, le texte initial, lui, se révélait en deçà des attentes. Au-delà même de la teneur de son titre, sans nos apports successifs, nous pouvions légitimement craindre plus un effet d'annonce qu'une véritable révolution.
Néanmoins, je le dis sans esprit partisan, à l'exception de quelques avancées qui permettront de mobiliser certains biens fonciers de l'État, il reste beaucoup de progrès à accomplir, la situation présente étant extrêmement préoccupante.
Je ne doute pas que M. Borloo partage, au même titre que la plupart de ses prédécesseurs, de vraies ambitions pour le logement en France. Encore faut-il qu'il veille à ne pas détruire ce qui fonctionne et à ne pas oublier les avancées passées.
Je regrette également au passage que le présent projet de loi oublie ou s'éloigne des principaux objectifs et même de l'esprit de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU. En effet, celle-ci visait notamment à assurer un meilleur équilibre des territoires, à encourager la mixité et à développer les parcours résidentiels.
Exit l'article 55 de la loi SRU et le quota de 20 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3 500 habitants ! Le Président de la République lui-même ne semblait pas favorable à l'amendement tendant à intégrer dans ce quota de 20 % les logements vendus et construits dans le cadre d'opérations d'accession sociale.
Si, sur le plan philosophique, je ne suis pas un inconditionnel de la mise en oeuvre des quotas, les municipalités qui n'avaient pas pris la mesure de leurs besoins en la matière ou n'avaient pas engagé d'efforts pour atteindre cet objectif se réjouiront de ce recul. Celles qui avaient compris, sans dogmatisme, que le logement social était un élément stratégique essentiel au bon fonctionnement des parcours résidentiels apprécieront !
J'en reviens au texte de loi, dont l'élaboration a déjà suivi un long cheminement : près de trois ans de travail avec trois ministères successifs. Il subira encore, ici même, une avalanche d'amendements, dont l'un, qui concerne l'avenir des sociétés anonymes de crédit immobilier, les SACI, a suscité de nombreuses inquiétudes et de multiples réactions.
L'amendement n° 277, qui a été depuis rectifié, a été perçu comme un coup d'arrêt au développement de ces sociétés nées au début du siècle dernier, en 1908 précisément. C'est sur ce point que portera l'essentiel de mon intervention, le temps de parole accordé à chaque orateur étant limité.
Près d'un siècle plus tard, il serait bien dommage de constater, alors même que les situations critiques en matière de logement sont toujours aussi prégnantes dans nos sociétés, que notre assemblée cautionne la dislocation de ce qui, sur l'initiative de quelques philanthropes, et surtout du sénateur radical du Pas-de-Calais, Alexandre Ribot, est devenu, au fil du temps, plus qu'une institution, une véritable entreprise globale agissant dans le cadre de l'intérêt collectif et des problématiques de logement des plus modestes.
À l'heure même où l'on souhaite et où l'on organise la décentralisation des politiques du logement, où les EPCI signent avec l'État les conventions de délégation des aides à la pierre, peut-on se priver d'un allié de poids, de partenaires locaux bien ancrés dans les centres urbains comme en milieu rural, et qui, de surcroît, sont de formidables relais pour les pouvoirs et les collectivités locales ?
Par ailleurs, comme le rappelait notre collègue et ami Michel Delebarre, président de l'Union sociale pour l'habitat, si « le principe d'une adaptation législative nécessaire des sociétés anonymes de crédit immobilier, voire d'une réforme, peut être accepté, et même souhaité par la chambre syndicale des sociétés du Crédit immobilier de France, comme par l'Union sociale pour l'habitat, la logique de l'adaptation ne peut pas remettre en cause l'ancrage des crédits immobiliers dans le mouvement HLM ».
Cette organisation est le fruit d'une histoire, de multiples adaptations. Elle est aujourd'hui reconnue par les collectivités locales comme un modèle performant. Voudrait-on la sacrifier pour agglomérer cet ensemble de sociétés dans un groupe d'un autre niveau, centralisé ? Faut-il des monstres industriels pour répondre à des problématiques sur mesure ? Non, je ne crois pas que céder à la mode des géants, des multinationales puisse permettre aux crédits immobiliers de faire mieux. Bien au contraire, nous prendrions le risque de stériliser un ensemble de synergies positives.
Aussi, je me suis personnellement réjoui, au terme des débats, de l'évolution de l'engagement du Gouvernement qui a adopté des positions traduisant une modification sensible de son avis initial.
Il faut savoir que les sociétés anonymes de crédit immobilier ne sont pas de simples prêteurs immobiliers ou d'ordinaires promoteurs. Depuis cinq ans, chaque SACI développe, en région, ses missions sociales et les intègre progressivement, de manière systématique, dans les politiques locales de l'habitat.
Près de cent conventions partenariales signées à ce jour sur l'ensemble du territoire entre les SACI et les collectivités locales, qu'il s'agisse des régions, des conseils généraux, des communautés urbaines, des villes ou des communes, témoignent d'actions concrètes, utiles et reconnues. Ces actions couvrent des champs tels que l'accession très sociale, l'accession en zone rurale, la revitalisation de l'habitat à destination de propriétaires très modestes, la participation aux actions de renouvellement urbain, l'adaptation des logements aux personnes dépendantes en raison du vieillissement de la population ou d'un handicap, la sédentarisation des migrants, la lutte contre les logements insalubres.
En 2005, 50 millions d'euros ont été localement consacrés par les SACI aux missions sociales permettant de financer près de 250 millions d'euros d'opérations au bénéfice de plusieurs milliers de ménages très modestes.
Par ailleurs, alors que le Gouvernement a choisi de relever le plafond des ressources des ménages donnant droit au prêt à taux zéro jusqu'à 7 000 euros, le montant même de ce prêt se révèle aujourd'hui très insuffisant. Un rapport récent de l'association départementale d'information sur le logement, l'ADIL, de l'Hérault note cette évolution et met en exergue la quotité décroissante du prêt à taux zéro dans le montant des opérations d'accession. Ce dernier ne représente désormais plus que 11 % du coût de l'opération, contre 16 % en 1999.
Le boom de l'immobilier, la croissance du prix du foncier expliquent sans doute ce net recul. Sur la même période, le rapport indique que le nombre d'opérations d'accession sociale financées à l'aide d'un prêt à taux zéro a été divisé par deux. Les conséquences sont simples : les personnes les plus modestes sont exclues de l'accession sociale.
Or ce sont justement les sociétés de crédit immobilier qui viennent au secours des accédants les plus modestes et qui, en retenant des critères plus sélectifs, doublent le montant du prêt à taux zéro pour les ménages dont les revenus n'excédent pas deux fois le montant du SMIC.
Enfin, il faut souligner que ces sociétés sont les premières à mettre en oeuvre et à organiser une véritable mixité sociale. Sur le terrain, les propositions qu'elles formulent aux élus locaux sont toujours animées par l'objectif de travailler au profit de l'intérêt collectif. Elles jouent aussi un rôle de conseil, d'accompagnement. Elles sont des acteurs responsables et luttent, chaque fois que possible, contre toute dérive inflationniste et spéculative.
Par expérience et par culture, les sociétés anonymes de crédit immobilier jouent un rôle essentiel et mènent un combat antispéculatif en sensibilisant et en accompagnant les élus de terrain ; elles proposent des aménagements mixtes réalisés sans surenchère foncière.
En conclusion, je souhaite indiquer que les sociétés anonymes de crédit immobilier, par le biais de leur chambre syndicale, ont ainsi confirmé au Gouvernement leur engagement à participer de façon récurrente et encore plus active aux grands chantiers que constitue l'engagement national pour le logement. Elles attendent la concrétisation législative de leur évolution statutaire, la mise en adéquation de leur objet social avec la réalité de leurs missions sociales et le maintien de leur ancrage dans le logement social. Cette évolution ne peut se faire sans la préservation de leurs filiales concurrentielles qui constituent la source actuelle et future de financement de leurs actions.
Je note, à titre d'exemple, que les SACI se sont engagées à venir en aide à l'État en 2006 en consacrant 50 millions d'euros, dans le cadre de leurs missions sociales, à des opérations réalisées en liaison avec L'ANAH. En France, quel autre organisme privé de taille équivalente offre un tel appui, un tel support à nos politiques de logement ?
Finalement, les échanges à propos des sociétés anonymes de crédit immobilier auront sans doute permis de combler un déficit de notoriété, déficit paradoxal tant le travail avec les pouvoirs publics locaux est significatif.
Au cours de nos débats, nous aurons pu mettre en exergue des actions d'intérêt collectif menées, de longue date, par les SACI. Nous aurons pu mesurer la qualité de leur gestion. Il est assez rare que l'on relève ici les situations d'organismes qui ont su gérer leur développement sans faire appel à l'aide de l'État, donc au contribuable. Je ne rappellerai pas les divers secours apportés en son temps au Crédit Foncier.
Il est en conséquence de notre devoir d'apporter une réponse concrète aux attentes des SACI et à leurs propositions pour ne pas enrayer des processus de production au coeur de nos régions, ce qui leur permettra de poursuivre honorablement des ambitions sociales définies à l'origine voilà près d'un siècle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à l'occasion de l'examen en deuxième lecture de ce projet de loi important, je voudrais revenir sur la politique conduite par le Gouvernement en matière de logement. Malgré les apparences, elle reste insuffisante.
Monsieur le ministre, vous vous flattez d'avoir mis en chantier 400 000 logements en 2005. Cela reste largement en deçà des besoins des Français et je vais vous en expliquer la raison.
Tout d'abord, je veux souligner que, contrairement à ce que vous affirmez, cet effort n'est en aucun cas sans précédent. Au contraire, il marque un recul historique. Selon la Fondation Abbé Pierre, l'effort de la collectivité publique en faveur du logement est au plus bas depuis vingt-cinq ans. En 2000, il avait atteint pour la première fois 2 % du PIB. Force est de constater que, depuis 2002, on est repassé en dessous de ce seuil symbolique et que ce chiffre n'a pas cessé de baisser. Aujourd'hui, l'effort de la collectivité publique est retombé au niveau de 1980.
Le volume actuel des constructions est insuffisant. Il permet, certes, de faire face à la demande nouvelle des ménages qui progresse chaque année. En revanche, il ne rendra pas possible la résorption du déficit, estimé à 900 000 logements, accumulé depuis des années.
Cette insuffisance de constructions est encore plus criante en matière de logement social. Alors qu'en France les demandeurs de logements sociaux sont au nombre de 1,2 million, le rythme de constructions dans ce secteur a chuté de 25 % entre 2000 et 2005. Alors que, jusqu'en 2002, l'on construisait en moyenne deux tiers de logements sociaux, cet équilibre a été rompu. Dans le même temps, les constructions de logements à destination des ménages qui peuvent se loger sans aide publique ont été plus que doublées. Il y a là une véritable injustice.
En premier lieu, tous les indicateurs montrent une fragilisation et un appauvrissement des demandeurs de logements sociaux. En effet, 70 % d'entre eux ont des ressources qui correspondent aux plafonds des PLAI et des PLUS, qui sont les plus bas. Pourtant, ce sont les logements les moins sociaux qui constituent votre priorité, monsieur le ministre. Le rythme de construction des logements PLS devrait en effet quadrupler d'ici à 2009, aux termes du plan de cohésion sociale. Parallèlement, le nombre de logements très sociaux n'aura même pas doublé en dix ans. Et les maires qui ne souhaitent pas accueillir les populations les moins favorisées ou les plus fragiles pourront continuer de le faire en toute impunité.
En deuxième lieu, l'application de l'article 55 de la loi SRU ne donne pas lieu au rééquilibrage attendu entre les communes. L'objectif de rattrapage triennal est, certes, globalement atteint. Mais ce sont les villes qui étaient déjà proches de l'objectif de 20 % de logements sociaux qui poursuivent leur effort de construction. Les communes qui, dès le départ, avaient très peu de logements sociaux n'en ont construit qu'un faible nombre. Elles sont apparemment exonérées d'atteindre le seuil des 20 %.
Ainsi, la fracture territoriale ne fait que se renforcer un peu plus au détriment de l'objectif de mixité sociale.
En troisième lieu, les aides publiques ne profitent pas aux plus nécessiteux, loin s'en faut. C'est le cas du fameux « amortissement Robien ». Avec ce dispositif, la collectivité publique peut dépenser autant pour la construction d'un logement locatif privé que pour celle d'un logement social. C'est un paradoxe choquant quand on sait que les loyers pratiqués sont très proches des cours du marché.
De surcroît, la hausse des prix du foncier qu'entraîne ce dispositif pénalise la construction de logements sociaux. Quant à la progression des loyers qu'il suscite, il est pour le moins surprenant qu'elle soit cautionnée par des aides publiques. Malheureusement, la création d'un nouvel amortissement, dit « Borloo populaire », ne renversera pas cette tendance.
À l'autre bout de la chaîne se trouvent les aides personnelles dont bénéficient les locataires aux revenus les plus faibles. Celles-ci constituent le parent pauvre de la politique du logement. Elles n'ont été revalorisées qu'une fois en deux ans et demi. Pourtant, la situation des locataires ne fait que se dégrader.
L'année dernière, les dépenses courantes de logement ont progressé de 6 %, soit trois fois plus qu'en 2002. Quant aux loyers, leur augmentation est nettement plus forte que celle des revenus des ménages. Ces six dernières années, ils ont progressé de 30 % tandis que les revenus n'augmentaient que de 26 %. En outre, ces hausses de loyers ont plus fortement touché les personnes habitant dans le parc social.
Enfin, il suffit de prendre un exemple pour se rendre compte de l'importance que peut avoir l'aide au logement pour les personnes les moins favorisées. Un ménage avec deux enfants qui touche 1,5 fois le SMIC consacre près de la moitié de son budget à ses dépenses de logement si ce dernier se situe dans le parc privé. Pourtant, le Gouvernement refuse de prendre en compte cette réalité. Ce sont 6 millions de personnes qui dépendent de ces aides. Et les diverses mesures restrictives qui ont été adoptées ont abouti à l'exclusion de 200 000 personnes de ces allocations si importantes.
Les locataires les plus modestes sont ainsi les victimes de l'austérité budgétaire. En revanche, les accédants à la propriété, qui pourtant ne sont pas les plus en difficulté, voient relever les plafonds de ressources du prêt à taux zéro et de nouveaux outils de défiscalisation leur sont proposés.
Certains seraient en droit de penser que le Gouvernement est plus généreux avec les propriétaires qu'avec les locataires les moins riches.
Vous donnez la priorité à l'accession à la propriété alors que les ménages en difficulté éprouvent la plus grande peine à se loger et à payer leur loyer. À ceux qui peinent à être locataires, vous dites : « devenez propriétaires ». Vous le savez, nombre de demandeurs de logement ont des ressources largement inférieures aux plafonds retenus pour les logements les plus sociaux et ne vivent qu'à l'aide des minima sociaux. Il leur est donc impossible d'accéder à la propriété.
La question du logement est trop grave pour recourir à des solutions un peu faciles. Après le chômage, le logement constitue en effet la plus grande source d'inquiétude des Français dans leur vie quotidienne, ce qui est bien naturel, puisque sans logement on ne peut pas vivre décemment. C'est en ce sens que nous abordons la discussion de ce texte, et c'est dans cet esprit que nous demandons une application plus rigoureuse de l'article 55 de la loi SRU, qui impose la solidarité entre les communes.
Le Sénat a fait preuve d'ouverture en adoptant, lors de la première lecture, certaines propositions formulées par les membres du groupe socialiste, notamment en matière foncière. Je souhaite que cette ouverture se poursuive au cours de la deuxième lecture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier.
M. Philippe Dallier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui l'examen, en deuxième lecture, du projet de loi portant engagement national pour le logement.
Cette seconde lecture sera certainement marquée, comme le fut la première, par le débat sur la modification de l'article 55 de la loi SRU, au risque, d'ailleurs, que ce point ne masque, pour l'opinion publique, les autres dispositions de ce texte, qui en comporte de très nombreuses.
Vous me permettrez cependant d'aggraver, en quelque sorte, la situation, puisque c'est bien de cette problématique de l'article 55 que je souhaite parler.
M. Jean Desessard. Encore !
M. Philippe Dallier. En première lecture, j'avais tenté, monsieur le ministre, mes chers collègues, sans y parvenir, de vous convaincre que nous ne pouvions pas en rester là.
Exemples à l'appui, je pensais vous avoir démontré que, compte tenu de la rédaction actuelle dudit article, les dispositions qu'il comporte sont inéquitables : en effet, elles conduisent à pénaliser financièrement des communes sans tenir compte de leur situation, pas plus en termes de disponibilité foncière, ce qui est bien le fond de notre problème, puisqu'il s'agit de construire des logements, qu'en termes de capacité budgétaire, ce qui n'en est pas moins grave lorsqu'il s'agit d'imposer des dépenses nouvelles pour favoriser la construction, sans parler de celles qui sont liées à l'accueil de nouveaux habitants.
Avec cet article 55, nous avons l'un des rares exemples de dispositions conduisant à traiter financièrement les communes de la même manière, quelle que soit leur taille, quel que soit leur potentiel fiscal, s'il est en dessous de la moyenne nationale, quelle que soit la richesse des habitants de ces communes, quelle que soit leur capacité d'autofinancement.
Il s'agit peut-être là d'un cas unique, puisque le seul critère pris en compte est le pourcentage de logements sociaux existants dans chaque commune par rapport au nombre total de logements, à l'exclusion de tout autre critère.
Ainsi, pour le même nombre de logements sociaux manquants, la pénalité imposée à une commune de 20 000 habitants dont le potentiel fiscal est inférieur de 20 % à la moyenne nationale est la même que celle qui est imposée à une commune de 200 000 habitants dont le potentiel est dans la moyenne nationale. Est-ce cela la définition de la justice ?
Il est pourtant évident que la somme représentée par le prélèvement prévu par la loi au titre de l'article 55 ne pèsera pas de la même manière sur le budget d'une commune pauvre de 20 000 habitants que sur celui d'une commune riche de 200 000 habitants. C'est pourtant ce qui est prévu dans la loi !
Nous avons là un cas d'imposition forfaitaire qui est par nature injuste. Qui oserait, à gauche ou à droite, proposer d'imposer sur le revenu pour un même montant un Français qui gagne le SMIC et un cadre moyen ? Personne, j'imagine ! Pourtant, c'est ce à quoi ce dispositif conduit.
Comble du comble, certains parlementaires proposent toujours de multiplier le prélèvement obligatoire ou les pénalités par cinq et même par dix, ce qui, pour certaines communes, reviendrait à leur ôter 15 % ou 30 % du produit de leur taxe d'habitation.
Le seul moyen d'échapper à ce prélèvement est d'effectuer une dépense équivalente pour favoriser la construction de logements sociaux.
Est-il besoin de rappeler que toutes les villes n'ont pas la capacité financière de la ville de Paris, pour reprendre le malencontreux exemple que nos collègues avaient choisi, lors de la première lecture, pour démontrer que leur proposition ne posait aucune difficulté ? Cela n'a aucun sens, je me permets de le dire une nouvelle fois, parce que Paris n'est comparable qu'à Paris, monsieur Madec, vous le savez bien ! (M. Roger Madec proteste.)
Car quelle collectivité locale, sauf Paris, peut-être - et encore, je n'en suis pas sûr - serait capable, du jour au lendemain, de dégager l'équivalent de 15 % ou de 30 % de ses ressources de fonctionnement pour l'affecter à une autre destination sans en faire supporter les conséquences à la population par une augmentation des impôts locaux ou par une diminution drastiques des services rendus ?
Est-ce cela que vous souhaitez en déposant de tels amendements ? Je ne parviens toujours pas à le croire, mais c'est pourtant ce que vous proposez ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
Voilà pourquoi j'espère que le débat en première lecture aura au moins permis que chacun ici soit bien conscient des effets pervers des dispositions actuelles de la loi. J'avais en effet cru discerner alors chez certains de l'étonnement lorsque j'affirmais ces choses, qui sont pourtant tout à fait exactes et que je vous invite à vérifier.
Si j'ai beaucoup parlé de ma commune lors de la première lecture, c'était pour démontrer, exemples à l'appui, que ce que j'affirme sur le caractère inéquitable de ces dispositions est bien une réalité, et pas le propos de tribune d'un maire qui voudrait utiliser de mauvaises raisons pour masquer sa volonté de ne rien faire.
À toutes fins utiles, je rappelle, pour mémoire, qu'en dix ans plus de trois cents logements sociaux y ont été construits et que nous venons de bénéficier d'un quitus de la part du préfet pour avoir, dans la dernière période triennale, réalisé 120 % de l'objectif qui nous était assigné.
Je rappelle également, car c'est un comble, qu'au début de l'année dernière le préfet m'a adressé un courrier m'informant que ma commune serait soumise au prélèvement à taux plein en 2005, parce que, dans la même période triennale, nous n'avions pas assez dépensé pour réaliser les 120 % de l'objectif assigné.
Donc, d'un côté, on nous félicitait d'avoir réalisé 120 % de l'objectif assigné et, de l'autre, on nous annonçait que nous allions devoir payer la totalité du prélèvement au motif que nous n'avions pas assez dépensé. C'est totalement absurde, mais c'est pourtant ce à quoi aboutit aujourd'hui l'article 55 de la loi SRU.
Voilà qui devrait suffire à démontrer et ma bonne foi d'élu et l'absurdité de ce dispositif et qui devrait vous convaincre, mes chers collègues, de ne pas en rester là en deuxième lecture.
Pour autant, si nous avons atteint nos objectifs et si nous parvenons à faire de même s'agissant de la période triennale en cours, il est presque certain que ce sera impossible ensuite, faute de terrains disponibles.
Que se passera-t-il alors ? Eh bien, nous serons condamnés à payer ad vitam æternam des pénalités que nous n'avons pas les moyens d'acquitter ! Est-ce juste ?
À tous ceux qui réclament ici que nous ne changions rien à la loi, considérant, au nom de la mixité sociale et de la crise du logement, qu'il faut maintenir des dispositions aussi inéquitables, je demande simplement de venir faire un tour en Seine-Saint-Denis, afin de constater que la mixité sociale y est déjà plus qu'une réalité.
Alors, pourquoi vouloir à tout prix pénaliser des communes comme la mienne, si ce n'est par pure idéologie ?
M. Dominique Braye, rapporteur de la commission des affaires économiques. Exact !
M. Philippe Dallier. Le rôle du législateur est pourtant bien d'essayer, autant que faire se peut, de prendre en compte la diversité des situations.
En première lecture, certains ont opposé à cette demande, qui me semblait pourtant tout à fait légitime, le fait que la loi doit être la même pour tous et que l'on ne peut pas légiférer commune par commune. Mes chers collègues, est-il besoin de rappeler que tout notre droit est rempli de catégories, de tranches, de critères divers et variés permettant justement de faire preuve de discernement, le plus souvent, d'ailleurs, au bénéfice de celles et ceux qui sont le plus en difficulté ? L'impôt sur les sociétés, l'impôt sur le revenu ou la DSU en sont les plus beaux exemples.
Ces catégories, ces tranches, ces critères ont bien pour objet de prendre en compte la diversité des situations des entreprises, des particuliers ou des collectivités. Alors pourquoi, sur un sujet comme le logement social, faudrait-il que toutes les communes soient traitées à la même enseigne, petites ou grandes, pauvres ou riches ?
Que l'abbé Pierre, pour lequel nous avons tous le plus grand respect, rappelle les principes pour lesquels il s'est toujours battu, je le comprends parfaitement et je l'approuve. Qu'il soit utilisé pour tenter d'empêcher toute modification de la loi, alors qu'elle est injuste, sans même qu'il soit possible de débattre des problèmes qu'elle pose, est plus que regrettable.
Monsieur le ministre, au cours de ce débat, il faut que nous puissions trouver un accord sur trois points essentiels, afin de rendre plus équitables et plus efficaces les dispositions de l'article 55.
Le premier, et le plus important à mes yeux, est la prise en compte de la situation réelle des communes en termes de disponibilité foncière, car le fond du problème est bien là : comment distinguer, parmi les communes qui ne réalisent pas les objectifs que la loi leur fixe en matière de construction de logements sociaux, celles qui ne peuvent pas le faire et celles qui ne veulent pas le faire ? Seule une appréciation de la situation, réalisée de manière contradictoire, sur des critères précis, peut permettre d'y parvenir.
Comme il s'y était engagé en première lecture, ce dont je le remercie sincèrement, M. le rapporteur fera des propositions en ce sens, propositions auxquelles je souscris pleinement.
Il ne s'agit nullement de permettre à certains de « se défiler ». Mais il importe de distinguer entre ceux qui ne veulent pas faire et ceux qui ne peuvent pas faire. (M. le rapporteur fait un signe d'assentiment.) Une fois cette possibilité acquise, il sera alors d'autant plus justifié et incontestable d'accroître les pénalités pour ceux qui refusent le minimum de solidarité.
Le deuxième point sur lequel nous devons trouver un accord, monsieur le ministre, c'est la prise en compte de la capacité contributive des communes soumises au prélèvement. Pour ce faire, il suffit simplement d'utiliser le potentiel financier de la commune et non plus le potentiel fiscal moyen de toutes les communes pour le calcul de ce prélèvement. Cela me semble la moindre des choses en matière d'équité.
Il faut également que nous puissions élargir la liste des dépenses déductibles engagées par les communes pour la réalisation des logements sociaux, de même que nous devons pouvoir étendre la déductibilité dans le temps, au-delà des deux années prévues aujourd'hui, ce qui est trop peu compte tenu du renchérissement du coût du foncier.
Enfin, monsieur le ministre, le dernier point sur lequel je souhaite insister concerne les moyens financiers supplémentaires dont les villes ont besoin lorsqu'elles accueillent des populations nouvelles du fait de la construction de logements.
Si, à la suite de la première lecture au Sénat, ce dont je me réjouis, le texte prévoit maintenant la compensation aux communes, dès la première année, de la taxe foncière sur les propriétés bâties pour ce qui est des logements sociaux, sauf les PLS, il faut aussi que le calcul de la DGF intègre le plus vite possible cette population nouvelle.
Je sais que des modifications par décret sont en préparation sur la règle actuelle des 15 % minimum pour valider un recensement complémentaire ; il faudrait également qu'à l'occasion du nouveau recensement mis en place par l'INSEE les règles du jeu soient précisées.
Mes chers collègues, je suis certain que le débat qui s'ouvre sera aussi passionné qu'en première lecture, parce que le sujet le mérite. Je forme cependant le voeu qu'il soit serein - mais après avoir entendu certains de mes collègues au cours de la séance des questions d'actualité au Gouvernement, je crains que tel ne soit pas tout à fait le cas - et que nous puissions, comme aimait à le dire le général de Gaulle, faire de la politique en tenant compte des réalités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous voici donc à nouveau réunis pour étudier en deuxième lecture ce projet de loi portant engagement national pour le logement. Il n'était déjà pas à la hauteur quand il a été débattu ici en novembre, mais, après le débat à l'Assemblée nationale, il est pire.
Je ne reconnais à ce texte qu'un seul mérite : il vient après vingt ans d'inaction en matière de logement. Mais cela ne suffit pas à répondre aux attentes de la population en matière de logement social, comme le souligne le rapport de la Fondation Abbé Pierre, qui dénonce « un engagement insuffisant pour répondre aux besoins en logement ».
Dans cette loi sont privilégiés les propriétaires de logements. C'est la politique de la droite classique, qui baisse l'aide personnalisée au logement et accorde des prêts à taux zéro à des ménages qui gagnent plus de 7 000 euros par mois.
D'ailleurs, ce projet de loi portant engagement national pour le logement s'intitulait à l'origine « Propriété pour tous ».
Vous adressez-vous, monsieur le ministre, aux personnes qui n'ont pas les moyens de devenir propriétaires, à celles qui alternent contrats précaires et périodes de chômage, qui ne se voient proposer que des stages, des postes en intérim, des CDD, des CNE, et bientôt des CPE ? Mais non, car vous allez retirer le CPE.
M. Christian Cambon. Non !
M. Philippe Dallier. Espérez !
M. Jean Desessard. Je ne vois pas comment vous pourriez faire autrement ! Je rappelle que, lors de mon intervention sur le CPE, j'avais dit que, si tel n'était pas le cas, cela vaudrait préavis de licenciement. Je pense que vous allez devenir raisonnable et que vous allez le retirer, mais il s'agit d'un autre débat !
Ces personnes en CDD ou en CNE n'ont pas accès à l'emprunt. La France connaît une crise du logement, certes, mais, plus précisément, une crise du logement locatif, et encore plus précisément une crise du logement social accessible. Il faut donc faire de vrais logements sociaux, pas seulement des logements pour les classes moyennes, comme les PLS, qu'il faudrait enlever de la classification « logement social ».
Je vous rappelle que l'article L. 411 du code de la construction et de l'habitation dispose que les logements locatifs sociaux visent à améliorer les conditions d'habitat des personnes de ressources modestes ou défavorisées.
Par ailleurs, il est indiqué dans le rapport de la Fondation Abbé Pierre que la relance de la production se fait essentiellement au bénéfice des logements sociaux aux loyers les plus élevés, donc les moins sociaux.
Lors du dernier budget, 300 millions d'euros sont partis en avantages fiscaux pour le dispositif « Robien », sans condition de plafond de ressources, et 515 millions d'euros ont été affectés au nouveau prêt à taux zéro. Seulement 60 millions d'euros ont été alloués aux PLAI, dont le nombre stagne à moins de 8 000 par an, et ce alors qu'il y a de plus en plus de ménages à bas revenus : 21,3 % en 2002 contre 11,8 % en 1988.
Aujourd'hui, on démolit les logements des classes populaires, au nom de la mixité sociale. Cela revient à déloger les pauvres des quartiers populaires, comme si les problèmes sociaux étaient dus au fait que les pauvres vivent entre eux. Au lieu de lutter en vain contre la concentration de la pauvreté, la vraie politique consisterait à lutter contre la pauvreté elle-même.
La mixité sociale consiste à construire des logements sociaux dans toutes les villes. La preuve de l'hypocrisie, ou de l'ambiguïté, de l'UMP à ce propos, c'est le démantèlement à l'Assemblée nationale de l'article 55 de la loi SRU : malgré les beaux discours incantatoires de Jacques Chirac, les députés ont fait feu de tout bois pour en atténuer la portée.
En ce moment, à Poissy, à Argenteuil, à La Duchère, on démolit. Ces démolitions ne visent qu'à cacher la misère, car la règle du « un pour un » - un logement social construit pour un détruit - n'est pas respectée, comme le reconnaît d'ailleurs l'Observatoire national des zones urbaines sensibles. Et le programme quinquennal de l'ANRU, validé en août dernier, aggrave le déficit social puisque, pour 60 000 démolitions, il ne prévoit que 57 000 constructions nouvelles !
« L'haussmanisation » de Paris, à la fin du XIXe siècle, avait chassé les pauvres du centre-ville. Les classes populaires frondeuses avaient répondu à leur façon.
Savez-vous comment on avait appelé la Commune de Paris, en 1871 ? « La révolte des exilés ». Ce nom faisait référence à la rancoeur, à la rage de ces ouvriers chassés du centre de Paris, obligés de se réfugier dans les collines de Belleville, et qui s'en étaient pris, en l'espace de quelques mois, à la propriété des « bourgeois ».
Les émeutes de novembre 2005 ont été l'oeuvre de ces nouveaux exilés, ceux qui sont relégués toujours plus loin à la périphérie des villes. Avec cette politique, vous voulez les rejeter encore plus loin, et on ne se souviendra d'eux qu'à l'occasion de leurs explosions de colère.
Certes, toute destruction n'est pas à bannir, mais elle doit intervenir seulement quand les habitants du quartier y sont associés et l'approuvent.
Aux riches, vous garantissez des centres-villes hors de prix, débarrassés des « sauvageons ». Aux classes moyennes supérieures, vous promettez la petite couronne, le foncier pris sur les pauvres. Aux classes moyennes inférieures, vous faites miroiter d'illusoires maisons à 100 000 euros en grande périphérie, en leur mentant sur les charges et les traites, ainsi que sur les coûts sociaux et environnementaux de ce mitage organisé.
Mme Catherine Procaccia. On dirait le Moyen Âge !
M. Jean Desessard. Aux pauvres, enfin, vous ne promettez que la destruction des lieux de vie et l'oubli, loin de la ville et des centres urbains. Que l'on ne voie plus ces minorités trop visibles !
Le résultat, c'est la relégation mais aussi le mitage, la périurbanisation, l'étalement urbain. Celui-ci a consommé 390 kilomètres carrés d'espaces naturels et agricoles de 1982 à 2003, ce qui représente quatre fois la superficie de Paris, avec tous les coûts écologiques qui en découlent.
Hélas ! rien n'est prévu dans ce projet de loi concernant les logements écologiques. C'est pourquoi j'ai déposé des amendements tendant à favoriser le développement des logements qui économisent l'énergie. Je les avais retirés en première lecture, à la demande de M. Borloo qui s'y était déclaré favorable sur le principe, mais qui souhaitait les étudier plus avant. Je crois, monsieur Perben, que vous aviez fait la même réponse à Mme Martine Billard, à l'Assemblée nationale. J'espère donc que nous pourrons avancer ensemble sur ce sujet.
Je propose, par exemple, de conditionner les aides publiques au respect de normes environnementales exigeantes, avec le label « haute performance énergétique », ou d'encourager fiscalement les logements sociaux économes en énergie. En effet, c'est au moment où l'on construit des logements qu'il faut songer aux conséquences sur l'effet de serre et au respect du protocole de Kyoto. D'ailleurs, le coût des charges pour les locataires en serait fortement diminué. Il s'agit donc d'une mesure à la fois sociale et écologique.
Seule une écologie sociale serait à même de résoudre en même temps la crise du logement et la crise écologique. Au vu de ce projet de loi, ce n'est pas la voie qui a été choisie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet. Monsieur le ministre, je vous salue aujourd'hui pour la seconde fois, puisque j'ai eu le grand plaisir de vous accueillir ce matin au Havre à l'occasion d'un événement important : l'inauguration du projet Port 2000, qui peut constituer, comme vous l'avez souligné, un outil extraordinaire pour le développement de la Seine-Maritime, mais aussi de l'ensemble de l'activité portuaire de la France. Encore une fois, je vous remercie de votre venue dans notre département.
M. Jean Desessard. Il manque le chemin de fer !
M. Charles Revet. C'est un autre problème ! (M. Jean Desessard s'exclame.) En tant que rapporteur du budget de la SNCF, je reconnais qu'il nous a préoccupés. Des efforts devront effectivement être accomplis afin que cet outil fonctionne dans les meilleures conditions. Mais ce n'est pas l'objet de mon propos.
Monsieur le ministre, depuis que je siège dans cette assemblée, soit un peu plus de dix ans, nous avons examiné tant de textes ayant trait à l'urbanisme et au logement que je ne saurais en dire le nombre.
Chaque fois, de nouvelles dispositions ont été adoptées, dont l'objectif était de favoriser le développement de la construction de nouveaux logements, en particulier de logements sociaux. J'ai bien noté, et la presse l'a relaté ces jours derniers, que le nombre de permis de construire avait beaucoup augmenté en 2005. C'est un résultat positif de l'action du Gouvernement et nous ne pouvons que vous en féliciter, monsieur le ministre, ce que je fais bien volontiers.
M. Borloo a rappelé cet après-midi, lors des questions d'actualité au Gouvernement, que la programmation en matière de logements sociaux avait été doublée, ce qui est, là encore, extrêmement positif.
J'ai cependant le sentiment, et ce sera ma première remarque, que, souvent, lorsque nous légiférons, nous « remettons une couche » de complexité, si vous me passez cette expression. Or nous avons besoin de simplicité, tant la gestion des dossiers, que ce soit pour les collectivités, les organismes ou les particuliers, devient lourde. En effet, la règlementation est de plus en plus pointilleuse, alors que nous avons au contraire besoin de souplesse. Et je crains, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, que ce projet de loi n'aille également dans ce sens.
Avec plusieurs collègues, nous avons donc déposé quelques amendements tendant à prévoir des dispositions concrètes pour alléger et simplifier les procédures, et je souhaite, monsieur le ministre, que vous les examiniez avec beaucoup d'attention afin que nous puissions répondre enfin à cette attente forte de nos concitoyens.
Leur demande est simple : ils souhaitent que, au travers des projets d'urbanisation et d'aménagement du territoire que nous développons, nous leur permettions d'accéder à un cadre de vie agréable et de qualité. Est-ce une requête exagérée ? Non ! À mon sens, elle est légitime et nous nous devons d'y répondre.
Il a fallu, à la sortie de la guerre, construire vite et en grande quantité. Il a été décidé, à cette époque, de réaliser ce programme en concentrant les logements en banlieue des villes et en adoptant un type de construction verticale, ce qui était sans aucun doute une réponse adaptée à l'urgence de la situation. La majorité des bénéficiaires de ces logements y ont d'ailleurs trouvé un confort dont ils ne disposaient pas auparavant.
Aujourd'hui, cela ne répond plus à l'attente de nos concitoyens. En témoigne - et je le dis en tant qu'ancien président d'OPAC, pendant une quinzaine d'année - le nombre de logements vacants dans certains quartiers des grandes villes, notamment à Rouen et au Havre, alors que les listes d'attente de la plupart des organismes d'HLM sont toujours aussi longues.
L'évolution des structures familiales, le nombre de séparations de couples que nous constatons, et qui posent d'ailleurs bien des problèmes sous d'autres aspects, contribuent probablement à cette augmentation de la demande de logements. En effet, aujourd'hui, il y a de plus en plus de mères seules avec leurs enfants et de ménages séparés.
Au-delà de la nécessité de restructurer certains quartiers de villes, il nous faut développer davantage la construction de nouveaux logements tant locatifs qu'en location-accession ou en accession à la propriété.
Mais un point fait manifestement blocage : la disponibilité du foncier, qui renchérit d'une manière extrêmement importante le coût de réalisation des opérations de construction. De nombreuses familles qui pouvaient accéder à la propriété voilà une dizaine d'années ne le peuvent plus aujourd'hui, alors même que le Gouvernement fait, avec raison, de cette accession une priorité.
De la même façon, les opérations de construction de logement locatif social sont de plus en plus difficiles à réaliser. Pour y parvenir, les organismes font appel dans des proportions toujours plus importantes au financement des collectivités, pratique qui a bien sûr des limites.
Je l'ai déjà dit et je le répéterai lors de l'examen des amendements : j'avoue, monsieur le ministre, ne pas comprendre la raison de cette situation. En effet, la France est de tous les pays européens celui qui possède la plus grande surface foncière. Certes, l'agriculture a son rôle à jouer. Mais si l'on prend en compte les surfaces en jachère, voire en friche, ou même les emprises que l'on retrouve quelquefois en délaissés lors de la construction de routes, on se dit que le fait de loger des familles et de leur permettre d'accéder à un cadre de vie de qualité est tout aussi important.
Il nous faut donc adopter des dispositions plus souples en matière d'urbanisme, ce qui peut se faire très rapidement. Ainsi, des communes ayant justifié de cette nécessité disposent-elles de nouveaux documents d'urbanisme. Cette modification ne nécessite pas, me semble-t-il, de grandes emprises et il n'y a pas lieu de procéder à une révision complète.
Monsieur le ministre, je vais vous raconter une anecdote.
La semaine dernière, dans ma circonscription, une personne qui voulait réaliser une opération de construction m'a demandé comment procéder. Comme je lui répondais qu'il devait faire une révision simplifiée, mesure que nous avons votée, mon interlocuteur me dit que c'était impossible.
J'ai donc téléphoné au responsable de l'équipement de mon secteur et je lui ai demandé pour quelle raison la révision simplifiée était impossible. Il me confirma qu'elle avait été réalisable jusqu'à la fin du mois de décembre 2005, mais qu'elle ne l'était plus aujourd'hui.
Je lui objectai alors que le Parlement venait d'adopter des dispositions confortant la révision simplifiée. Une demi-heure après, s'étant renseigné, ce responsable me répondit que je n'avais pas tort, mais que la révision ne serait réalisable que dans quelques mois seulement, lorsque les décrets d'application seraient parus. Nous devons donc, monsieur le ministre, rester vigilants.
Monsieur le rapporteur, j'ai appris que ces dispositions avaient été reprises, pour des raisons d'efficacité, dans le projet de loi de programme sur la recherche, mais qu'une date limite avait été à nouveau prévue. Or, lorsque le dispositif sera opérationnel, je suis convaincu que cette date sera dépassée.
Compte tenu des lourdeurs constatées, nous devons donc rester attentifs et je suggère que nous profitions de l'examen de ce texte pour proroger quelque peu le délai. En effet, si les dispositions que nous adoptons sont valables durant quelques mois seulement, il sera dépassé alors que la mise en place des opérations ne sera pas achevée.
Il s'agit là, monsieur le ministre, d'un problème très concret : au moment où je vous parle, la révision simplifiée n'est plus opérationnelle, ce qui est tout de même surprenant.
La véritable difficulté aujourd'hui, et ce sera ma conclusion, réside dans la disponibilité du foncier.
La France est le pays du monde le plus visité. Or, les étrangers qui séjournent chez nous ne viennent pas pour voir le Val-Fourré, ...
M. Dominique Braye, rapporteur. C'est beau, le Val-Fourré !
M. Charles Revet. ... les Sapins, à Rouen, ou tel quartier du Havre !
Ils viennent pour voir la France dans son ensemble : les beaux monuments dans nos grandes villes, certes, mais aussi les petites chapelles et les constructions anciennes dans nos campagnes. Or ceux qui ont eu alors la responsabilité d'aménager ces dernières n'avaient pas à établir des documents aussi contraignants qu'aujourd'hui. Certes, il n'est pas question de revenir à cette époque, mais faisons confiance à nos collègues maires et aux autres élus locaux, car ils sont les mieux placés, pour prendre les décisions en matière d'urbanisme, de constructibilité des terrains et d'accueil des populations.
J'ai le sentiment profond que, si nous allons dans ce sens, la construction peut être un atout économique formidable en même temps qu'un élément de paix sociale puisqu'un cadre de vie agréable y contribue largement. Osons donc avancer et faire en sorte que les familles qui souhaitent accéder à la propriété ou trouver un logement ne restent pas, comme c'est encore souvent le cas aujourd'hui, trop longtemps sur des listes d'attente. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Perben, ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, avant de répondre à chacun des intervenants, je veux souligner le fait que le travail parlementaire accompli au cours de la première lecture a déjà été extrêmement important, puisque le nombre d'articles du projet de loi est passé de onze à quatre-vingt-seize.
Cette augmentation démontre que le débat a été particulièrement riche et qu'il a permis de nourrir substantiellement le texte, ce qui constitue d'ailleurs peut-être une forme de réponse à l'observation de Charles Revet sur le risque de complexité que la loi peut créer. Au travers de ces chiffres, il apparaît que la responsabilité en la matière est sans doute partagée entre le Parlement et le Gouvernement...
M. Charles Revet. Je visais tout le monde !
M. Dominique Perben, ministre. Comme M. le rapporteur l'a fait, je crois que nous pouvons nous féliciter qu'au cours de la discussion des moyens financiers aient été apportés aux collectivités territoriales.
Après vous, monsieur le rapporteur, j'insiste en particulier sur la compensation des pertes de recettes subies par les collectivités territoriales du fait de l'exonération pendant quinze ans de la taxe foncière sur les propriétés bâties.
Nous avons aussi permis le relèvement des taux de la taxe locale d'équipement et donner la possibilité - je dis bien la possibilité - aux communes de majorer d'une valeur forfaitaire la taxe foncière sur les propriétés non bâties portant sur les terrains constructibles dans les zones urbaines.
Nous avons, collectivement, fait preuve d'innovation - je crois que c'est le mot qui convient - en abordant le problème de la répartition des plus-values foncières, problème difficile dont les solutions techniques ne sont pas toujours aisées, mais le débat a permis des avancées importantes qui me semblent devoir être préservées dans un équilibre bien compris du texte. Il ne faut pas risquer, en effet, une trop forte rétention des terrains par les propriétaires.
L'État accompagne de son côté ces mesures en mobilisant les terrains dont il dispose. À cet égard, je veux vous dire la détermination du ministère dont j'ai la responsabilité et celle des établissements publics qui dépendent de lui d'aller dans ce sens afin de libérer des emprises foncières à destination du logement qui profiteront à tous les Français.
À Mme Létard, je veux d'abord adresser mes remerciements pour avoir reconnu ce matin, alors que Jean-Louis Borloo était au banc du Gouvernement, que le texte que nous allons examiner comprenait beaucoup de points positifs.
Oui, il faut plus de logements, et des logements à des prix abordables. La création du produit d'investissement locatif « Borloo » va bien dans ce sens.
Mme Létard, et elle n'est pas la seule, a par ailleurs abordé la question de l'article 55 de la loi SRU.
Comme convenu en première lecture, nous sommes prêts à examiner à nouveau ce sujet, mais nous pensons que l'amendement introduit à l'Assemblée nationale, à savoir l'accession sociale décomptée pendant cinq ans, est logique si les plafonds de ressources qui seront fixés par décret sont au plus au niveau des plafonds du locatif social
Comme M. Repentin, j'estime que nous connaissons une crise du logement. Nous partageons, je crois, le diagnostic sur son existence et sur ses dimensions, ce qui concerne le volume global mais aussi les types d'offre.
Je regrette cependant que M. Repentin ne veuille reconnaître ni les moyens qui ont été mis en place pour développer l'offre, en particulier le locatif et l'accession sociale - la loi de programmation, et c'est une première, prévoit ainsi des moyens pour 500 000 logements locatifs sociaux en cinq ans -, ni les résultats qui ont été obtenus, à savoir 80 000 logements locatifs sociaux financés en 2005, contre 42 000 en 2000, dont 53 000 PLUS et PLA insertion, contre 38 000 en 2000. Face à ces chiffres incontestables, il me paraît difficile de dire que rien n'a été fait.
Madame Procaccia, je pense comme vous que le déconventionnement de logements sociaux par des grands bailleurs institutionnels, qui vise plus exactement des conventions APL arrivées à terme et non renouvelées par des propriétaires privés, constitue un sujet grave, en particulier dans le Val-de-Marne, où environ 9 000 logements sont concernés dans le parc privé.
Le déconventionnement aboutit effectivement dans certaines communes - et cela, quelle que soit leur sensibilité politique - à faire passer le quota de logements sociaux sous le seuil de 20 %.
Ce n'est pas un sujet nouveau : le pic des sorties de conventions date de 2000. Le Gouvernement de l'époque n'a pas réussi à traiter le problème. Il se trouve que ICADE, la filiale immobilière de la CDC, qui est principalement mise en cause, n'a pas augmenté les loyers six ans après la fin des conventions ; c'est maintenant que les hausses interviennent.
Jean-Louis Borloo a reçu la semaine dernière, vous le savez, une délégation d'élus du Val-de-Marne. Le Gouvernement soutiendra les propositions qui visent à informer les maires très en amont des intentions de déconventionnement des gros bailleurs afin de permettre aux élus, bailleurs et locataires de rechercher ensemble des solutions acceptables pour les locataires concernés.
Avec vous aussi, monsieur Delfau, nous avons un accord sur le diagnostic de la crise et sur le fait que les prix sont souvent trop élevés.
Ne nous y trompons pas, la principale réaction doit être une très forte augmentation de l'offre. Nous agissons avec succès dans ce sens, et cela tant sur le locatif que sur l'accession, qui constituent les deux piliers de la politique du logement, comme cela a été souligné.
À Mme Demessine, je tiens à préciser qu'il est inexact de dire que le Gouvernement « privilégierait » les PLS, lesquels ne seraient pas des logements aidés. Ce sont bien des logements aidés, chacun le sait.
Je rappellerai quelques chiffres incontournables : le nombre de PLAI financés est supérieur de 50 % en 2005 par rapport à 2000 et le nombre des PLS financés en 2005 ne dépasse pas 30 % du total des logements sociaux financés.
Je voudrais apporter quelques éléments de réponse à M. Dubois, qui a proposé une réforme du zonage relatif aux aides de l'État au logement.
J'indique tout d'abord que le zonage peut d'ores et déjà évoluer par voie réglementaire. Ce n'est pas une possibilité théorique, mais c'est une réalité, puisque plus de 300 communes d'Île-de-France ont été reclassées de cette manière de zone 2 en zone 1.
D'autres modifications sont possibles, mais il faut faire preuve d'une certaine prudence, car le coût budgétaire est extrêmement élevé.
Par ailleurs, je souligne que les nouvelles délégations de compétence donnent aux collectivités des marges de manoeuvre importantes pour moduler les aides de l'État depuis la loi de décentralisation de juillet 2004. Cette loi est récente. Il serait intéressant d'évaluer ses effets et d'examiner, en particulier, son utilisation en matière de zonage.
M. Collomb s'est félicité, notamment, des évolutions en matière de fiscalité de l'urbanisme.
S'agissant de l'amendement dit « Ollier » sur l'article 55, il ne me semble pas qu'il ait dénaturé la loi SRU. L'accession sociale sera décomptée pendant cinq ans dans le quota des 20 %. Cette disposition ne concernera donc que les programmes neufs et ne dispensera pas les maires de construire du locatif social. De plus, comme je l'ai déjà dit en réponse à Mme Létard, le plafond de ressources fixé par décret sera au plus égal au plafond du logement locatif social. Il s'agit donc bien d'un effort en faveur de l'accession sociale à la propriété.
J'ai bien noté les propositions de M. Dassault visant, d'une part, à faciliter les décisions sur les travaux de sécurité dans les copropriétés et, d'autre part, à simplifier le montage des opérations de la Foncière Logement. Le Gouvernement envisage l'examen de ces propositions de manière tout à fait favorable.
M. Dassault a également abordé le sujet des attributions de logements sociaux. Ce sujet est longuement traité dans le projet de loi, et nous allons donc avoir l'occasion d'en débattre lors de l'examen des articles.
Monsieur Juilhard, la stratégie nationale de développement durable témoigne de la complète mobilisation du Gouvernement. Hier, j'évoquais en conseil des ministres les problématiques de développement durable en matière de transport ; vous les avez évoquées sous l'angle du logement.
Le développement des énergies renouvelables est essentiel, et vous avez rappelé que le Président de la République lui-même évoquait fréquemment cette nécessité, en soulignant que la France a vocation à être une référence mondiale dans ce domaine.
Dans ce cadre, il faut trouver les moyens opérationnels pour encourager l'usage des énergies renouvelables, en particulier dans le domaine de la construction. Vous le savez, des incitations fiscales ont été mises en place pour le renouvellement d'appareils de chauffage.
Pour aller plus loin, il faut évidemment mieux articuler construction, planification et énergie renouvelable au niveau local. Vos amendements ouvrent des perspectives qu'il nous faudra explorer, mais le point qu'ensemble nous devrons examiner sera de savoir jusqu'où nous voulons et jusqu'où nous pouvons aller s'agissant des contraintes à imposer, en particulier compte tenu de l'effet que ces contraintes peuvent avoir sur le coût de la construction.
M. Jean Desessard. Plus 10 %, mais, ensuite, il y a moins de charges !
M. Dominique Perben, ministre. Il nous faudra garder cet aspect de la question en mémoire au cours du débat essentiel qu'elle appelle.
Monsieur Vidal, vous avez centré votre propos sur les sociétés anonymes de crédit immobilier, sujet sur lequel un amendement a été voté à l'Assemblée nationale.
Vous avez souhaité que ces sociétés puissent poursuivre leur action en faveur de l'accession sociale à la propriété, avec un ancrage local fort qui leur permette d'être des partenaires des collectivités locales.
C'est en effet important et je tiens à vous dire que le Gouvernement est sur la même ligne : il souhaite que cette action soit non seulement poursuivie, mais aussi renforcée, et que ces sociétés restent au sein du monde du logement ; il est d'accord pour qu'elles conservent leurs filiales concurrentielles.
L'article qui vous est proposé relève bien de cet esprit et les travaux du comité des sages que Jean-Louis Borloo a réuni vont aussi dans ce sens.
M. Madec a rappelé à juste titre que le logement représentait une des priorités des Français. Nous le savons tous, et c'est pourquoi, depuis plusieurs années, le Gouvernement a engagé des actions très ambitieuses dans ce domaine. Cet engagement sans précédent, notamment sur le plan financier, se traduit déjà par des résultats tangibles.
Je conteste donc absolument, et je le fais avec un peu de solennité, le recours à l'expression « recul historique » pour qualifier le bilan 2005. J'avoue que les bras m'en tombent : il s'agit en fait d'une année record !
On ne peut pas indéfiniment affirmer le contraire de la réalité et nier les chiffres : 80 000 logements sociaux, soit le plus haut niveau depuis dix ans, et 410 000 logements mis en chantier au total, soit le plus haut niveau depuis vingt-cinq ans. S'il s'agit là d'un « recul historique », nous devrions peut-être nous en réjouir !
Je voudrais également apporter quelques éléments de réponse à M. Philippe Dallier sur l'article 55, dont il a critiqué l'application uniforme des règles à toutes les communes. Nous aurons l'occasion de discuter de la meilleure prise en compte de cette réalité foncière. Quelles sont les réserves disponibles ? C'est cela la question, si j'ai bien compris votre intervention. Elle porte sur la prise en compte de cette réalité dans la fixation des objectifs triennaux.
Votre rapporteur, M. Braye, a déposé, au nom de la commission des affaires économiques, un amendement instituant une commission départementale et une commission nationale indépendante, associant tous les partenaires intéressés - élus, organismes HLM, associations - pour dire si, oui ou non, la commune peut atteindre l'objectif triennal théorique et proposer, si nécessaire, une révision à la baisse afin de disposer d'un objectif réaliste. Je crois que c'est un amendement intéressant.
Par ailleurs, comme vous le savez, un groupe de travail Gouvernement-Association des maires de France oeuvre en ce moment pour voir comment mieux calibrer - c'est un autre aspect de votre intervention - la DGF des communes en fonction de l'effort de construction
Pour avoir quelque expérience en matière de réforme de la DGF, j'ai le souvenir d'une complexité extraordinaire. Il doit y avoir tout au plus cinq ou six personnes en France qui arrivent à maîtriser intellectuellement le mécanisme de la DGF dans sa totalité !
C'est la raison pour laquelle je pense qu'il faut prendre un minimum de temps pour évoquer toute idée de modification de quelque critère que ce soit. Mais il y a là une incontestable exigence d'équité à l'égard des communes qui font des efforts, qui justifie que l'on se donne cette peine. J'espère donc que ce groupe de travail Gouvernement-AMF pourra faire rapidement des propositions.
M. Desessard a évoqué un certain nombre d'éléments sur la politique du logement. Je comprends les contraintes de la vie politique. Pour autant, affirmer que la politique du logement du Gouvernement se désintéresse des plus modestes, c'est quelque peu forcer le trait ! Cela est faux !
En 2004, nous avons lancé un programme national de rénovation urbaine sans précédent au cours de ces vingt ou trente dernières années, qui s'élève maintenant à 30 milliards d'euros d'investissement. Ce programme vise, à l'évidence, les ménages modestes.
En 2005, le plan de cohésion sociale, avec son volet logement, est aussi centré sur les ménages modestes, avec les résultats très positifs que j'ai déjà évoqués ; je n'y reviens pas.
Enfin, avec ce projet de loi, il est vrai que nous allons intervenir sur toute la chaîne du logement. Et là, nous sommes vraiment au coeur du problème. La question est de savoir s'il est pertinent ou non d'intervenir sur l'ensemble de cette chaîne, depuis le logement d'urgence jusqu'à l'accession sociale à la propriété. La réponse du Gouvernement est de dire que, oui, il faut intervenir effectivement sur l'ensemble de la chaîne, sinon, on entre dans un système de report de la demande sur l'offre immédiatement inférieure à ce que permettrait tel ou tel niveau de revenus. (M. le rapporteur fait un signe d'approbation.)
Il est donc essentiel de faire un effort sur l'ensemble de la chaîne du logement si l'on veut être efficace. Je pense que, sur ce point, indépendamment de toute orientation politique, nous pourrions être d'accord. Il faut bien comprendre que le logement, c'est aussi un itinéraire, un itinéraire de progrès social, un itinéraire d'évolution dans la vie des ménages, et qu'il faut donc jouer sur l'ensemble de la gamme des logements si l'on veut être efficace en termes de résultats.
Enfin, monsieur Revet, vous avez évoqué toute une série de sujets. Je voudrais, à mon tour, me réjouir d'avoir inauguré avec vous, ce matin, cet équipement d'importance nationale qu'est Port 2000. Nous sommes l'un et l'autre encore émus et je pense que l'on peut en dire un mot au Sénat cet après-midi. En effet, il est impressionnant de voir ce que notre pays a été capable de réaliser au cours de ces dix dernières années, avec ce projet extraordinaire qui va nous donner une ouverture sur l'Atlantique, et ce au bénéfice de toute l'économie nationale.
Pour en revenir au sujet qui nous occupe, je voudrais me réjouir avec vous des 415 000 mises en chantier enregistrées au cours de l'année 2005. C'est un effort considérable, un chiffre que l'on n'avait pas connu depuis plus de vingt-cinq ans.
Monsieur le sénateur, vous demandez de la simplicité et vous avez raison. Nous aurons l'occasion, Jean-Louis Borloo et moi-même, d'examiner vos propositions.
Plus largement, avec la réforme du permis de construire, nous avons voulu aller dans ce sens : aussi bien l'ordonnance qui a été rendue publique que les décrets d'application en cours de rédaction devraient apporter une vraie simplification dans la vie de nos communes, de leurs services instructeurs et des DDE , ainsi que dans la vie concrète de nos concitoyens, qu'ils soient entreprises ou particuliers.
Nous aurons, jusqu'à la date d'application du 1er juillet 2007, à mener ensemble un travail pédagogique pour faire en sorte que cet effort de simplification soit mis en oeuvre dans de bonnes conditions, au bénéfice de chacun. Il est évident que cet effort doit être prolongé, il doit s'imposer partout où cela est possible, dans le respect des partenaires des projets.
Vous avez également évoqué le manque de foncier. Je crois pouvoir dire que je partage votre analyse. Il faut que nous parvenions à mettre plus de terrains constructibles sur le marché. La loi qui est proposée comporte dans ce domaine, me semble-t-il, de nombreuses avancées qui devraient donner de la fluidité au marché.
S'agissant de la révision simplifiée, il faut que les choses soient bien claires : cette prorogation interviendra dès que la loi sur la recherche sera promulguée. J'apporterai une précision : cette loi est d'application directe, il n'y a donc pas besoin de décrets d'application. C'est une vraie bonne nouvelle, car ce n'est pas si courant !
Quant à la date, nous avons mentionné 2010. Très honnêtement, je pense que cette date est raisonnable. Au-delà, il appartiendra aux collectivités qui en ont la charge d'engager les révisions normales.
Voilà, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques éléments que je souhaitais apporter, en réponse aux interventions, en mon nom personnel et au nom de Jean-Louis Borloo. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Demande de priorité
M. Dominique Braye, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en application du sixième alinéa de l'article 44 de notre règlement, et afin d'assurer à nos débats sur l'article 55 de la loi SRU la clarté nécessaire, la commission demande la discussion en priorité, avant l'article 2, de l'article 5 bis B et de tous les amendements qui y sont rattachés ; puis de l'article 8 septies et de tous les amendements qui y sont rattachés ; enfin, des trente-sept amendements portant article additionnel visant cet article 55, dans l'ordre des articles du code de la construction et de l'habitation.
De la sorte, nous pourrons débattre, dès mardi après-midi, de ce sujet qui tient à coeur à bon nombre de nos collègues.
Par ailleurs, je souhaitais indiquer à la Haute Assemblée que, compte tenu de la récente jurisprudence du Conseil constitutionnel sur le droit d'amendement en deuxième lecture, votre commission des affaires économiques a décidé de donner un avis de sagesse sur les amendements portant article additionnel auxquels elle est favorable, mais dont elle ne pourrait pas garantir la constitutionnalité au vu de cette jurisprudence.
M. le président. Monsieur le ministre, quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est de droit.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
11
COMMission mixte paritaire
M. le président. Monsieur le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi relative au droit de préemption et à la protection des locataires en cas de vente d'un immeuble.
Il sera procédé à la nomination des représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire selon les modalités prévues par l'article 12 du règlement.
12
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 286, distribué et renvoyé à la commission des affaires économiques.
13
DÉPÔT DE PROPOSITIONS DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. Yves Détraigne une proposition de loi visant à réformer le financement des écoles privées sous contrat d'association par les communes.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 284, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
J'ai reçu de M. Philippe Marini une proposition de loi tendant à doter la Commission de régulation de l'énergie (CRE) de la personnalité morale et à poser le principe de son indépendance financière en créant une contribution qui lui soit affectée.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 285, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
14
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de Décision du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes (//CE, Euratom). Document de travail de la Commission concernant le mode de calcul, le financement, le versement et la budgétisation de la correction des déséquilibres budgétaires en faveur du Royaume-Uni (« la correction britannique ») conformément aux articles 4 et 5 de la décision 2006/xxx/CE, Euratom du Conseil relative au système des ressources propres des Communautés européennes.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3106 et distribué.
15
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 4 avril 2006 :
À dix heures :
1. Seize questions orales.
A seize heures et le soir :
2. Suite de la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi (n° 188, 2005-2006), modifié par l'Assemblée nationale, portant engagement national pour le logement ;
Rapport (n° 270, 2005-2006) de M. Dominique Braye, fait au nom de la commission des affaires économiques ;
Aucune inscription de parole dans la discussion générale n'est plus recevable.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole
Question orale avec débat (n° 12) de M. Gérard César à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur la crise de la filière viticole française ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 11 avril 2006, à dix-sept heures.
Question orale avec débat (n° 14) de M. Dominique Mortemousque à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur les conséquences économiques de l'épidémie de grippe aviaire sur la filière avicole ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 11 avril 2006, à dix-sept heures.
Question orale avec débat (n° 15) de M. Jean Puech à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales sur les difficultés éprouvées par les collectivités territoriales dans l'accès aux informations ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 11 avril 2006, à dix-sept heures.
Question orale avec débat (n° 16) de M. Guy Fischer à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement sur les conditions de transfert du revenu minimum d'insertion aux départements ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 11 avril 2006, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD