sommaire
présidence de M. Jean-Claude Gaudin
2. Déclaration de l'urgence d'un projet de loi
M. le président.
crise de la viticulture française
Question de M. Gérard Delfau. - MM. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Gérard Delfau.
grippe aviaire et avenir de la filière avicole
Question de M. Jean Boyer. - MM. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Jean Boyer.
obligations des communes en matière d'assainissement
Question de M. Simon Sutour. - MM. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche ; Simon Sutour.
préparation à l'insertion professionnelle des adolescents handicapés
Question de M. Georges Mouly. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Georges Mouly.
Question de Mme Christiane Kammermann. - M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Mme Christiane Kammermann.
dépistage et prise en charge de la drépanocytose en France
Question de Mme Anne-Marie Payet. - M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Mme Anne-Marie Payet.
Question de M. Thierry Foucaud. - MM. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille ; Thierry Foucaud.
desserte en tnt du territoire de la dordogne
Question de M. Bernard Cazeau. - MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Bernard Cazeau.
Question de M. Yves Rispat. - MM. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire ; Yves Rispat.
indemnité de transport des fonctionnaires affectés en corse
Question de M. François Vendasi. - MM. Christian Jacob, ministre de la fonction publique ; François Vendasi.
localisation du cigt « myrabel » dans le sillon lorrain
Question de M. Daniel Reiner. - MM. Christian Jacob, ministre de la fonction publique ; Daniel Reiner.
procédure applicable aux factures d'électricité impayées
Question de M. René-Pierre Signé. - Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur ; M. René-Pierre Signé.
conditions de réalisation du démantèlement des avions de l'armée de l'air
Question de Mme Josette Durrieu. - Mmes Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur ; Josette Durrieu.
réalisation d'un barrage sur le cher à chambonchard
Question de M. Rémy Pointereau. - Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur ; M. Rémy Pointereau.
aides des départements en faveur de l'emploi
Question de M. Alain Fouché. - MM. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes ; Alain Fouché.
financement de la mission générale d'insertion de l'éducation nationale
Question de Mme Marie-France Beaufils. - M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes ; Mme Marie-France Beaufils.
situation des professeurs des écoles stagiaires de l'académie de paris
Question de M. Roger Madec. - MM. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes ; Roger Madec.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
4. Communication relative à une commission mixte paritaire
MM. Michel Billout, le président.
MM. Gérard Le Cam, le président.
6. Candidature à un Office parlementaire
7. Transparence et sécurité en matière nucléaire. - Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Discussion générale : Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable ; MM. Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques.
8. Modification de l'ordre du jour
9. Transparence et sécurité en matière nucléaire. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Discussion générale (suite) : M. Bernard Piras.
MM. Paul Girod, Aymeri de Montesquiou, Yves Coquelle, Christian Gaudin, Daniel Raoul, Alain Fouché, Michel Billout, Claude Biwer, Mme Dominique Voynet.
Clôture de la discussion générale.
présidence de M. Philippe Richert
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques.
10. Nomination d'un membre d'un Office parlementaire
Suspension et reprise de la séance
11. Candidatures à une commission mixte paritaire
12. Transparence et sécurité en matière nucléaire. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Articles additionnels avant l'article 1er
Amendement no 210 de M. Yves Coquelle. - MM. Yves Coquelle, Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. - Rejet.
Amendement no 211 de M. Yves Coquelle. - MM. Michel Billout, Bruno Sido, rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 145 rectifié bis de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, M. Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement no 1 de la commission. - M. Bruno Sido, rapporteur ; Mmes la ministre déléguée, Dominique Voynet. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 1er
Amendement no 212 de M. Yves Coquelle. - MM. Yves Coquelle, Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 2 de la commission. - M. Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendements identiques nos 3 de la commission et 256 rectifié de M. Bernard Piras ; amendements nos 255 de M. Bernard Piras et 147 de Mme Dominique Voynet. - MM. Bruno Sido, rapporteur ; Bernard Piras, Mmes Dominique Voynet, la ministre déléguée. - Adoption des amendements nos 3 et 256 rectifié, les amendements nos 255 et 147 devenant sans objet.
Amendements nos 4 de la commission et 146 de Mme Dominique Voynet. - M. Bruno Sido, rapporteur ; Mmes Dominique Voynet, la ministre déléguée. - Retrait de l'amendement no 146 ; adoption de l'amendement no 4.
Amendement no 213 rectifié de M. Yves Coquelle. - MM. Michel Billout, Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 5 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement no 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement no 7 rectifié de la commission et sous-amendement no 148 de Mme Dominique Voynet. - M. Bruno Sido, rapporteur ; Mmes Dominique Voynet, la ministre délégué. - Rejet du sous-amendement ; adoption de l'amendement.
Adoption de l'article modifié.
Amendement no 149 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, M. Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Mme Dominique Voynet.
Amendement no 214 de M. Yves Coquelle. - MM. Yves Coquelle, Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendements nos 150, 151 de Mme Dominique Voynet, 8 de la commission et sous-amendement no 260 de M. Bernard Piras ; amendements nos 257 de M. Bernard Piras, 9 de la commission et sous-amendement no 321 du Gouvernement. - Mme Dominique Voynet, MM. Bruno Sido, rapporteur ; Bernard Piras, Mme la ministre déléguée. - Retrait du sous-amendement no 321 ; rejet des amendements nos 150, 151 et du sous-amendement no 260 ; adoption des amendements nos 8 et 9, l'amendement no 257 devenant sans objet.
Amendements nos 152, 153 de Mme Dominique Voynet, 10, 11 de la commission et 238 de M. Yves Coquelle. - Mme Dominique Voynet, MM. Bruno Sido, rapporteur ; Michel Billout, Mme la ministre déléguée. - Rejet des amendements nos 152 et 238 ; adoption des amendements nos 10 et 11, l'amendement no 153 étant devenu sans objet.
Amendement no 12 rectifié de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement no 156 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendements nos 154 de Mme Dominique Voynet, 248, 261, 249 rectifié de M. Bernard Piras, 13 et 14 de la commission. - Mme Dominique Voynet, MM. Bernard Piras, Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet des amendements nos 154, 248, 261 et 249 rectifié ; adoption des amendements nos 13 et 14.
Amendement no 157 de Mme Dominique Voynet. - Devenu sans objet.
Amendement no 15 de la commission. - M. Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement no 16 de la commission. - M. Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendements identiques nos 17 de la commission, 155 de Mme Dominique Voynet et 258 rectifié bis de M. Bernard Piras. - MM. Bruno Sido, rapporteur ; Bernard Piras, Mmes la ministre déléguée, Dominique Voynet. - Adoption des trois amendements.
Amendement no 158 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, M. Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 18 de la commission. - Adoption.
Amendement no 19 de la commission. - Adoption.
Amendement no 21 de la commission. - Adoption.
Amendement no 20 rectifié de la commission et sous-amendement no 159 de Mme Dominique Voynet. - M. Bruno Sido, rapporteur ; Mmes Dominique Voynet, la ministre déléguée. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié.
Amendement no 22 de la commission. - M. Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement no 246 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, M. Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 2 ter
Amendement no 259 rectifié ter de M. Bernard Piras. - MM. Daniel Raoul, Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Amendements identiques nos 160 de Mme Dominique Voynet et 215 de M. Yves Coquelle ; amendements nos 161 à 163 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, MM. Yves Coquelle, Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Retrait de l'amendement no 163 ; rejet des amendements nos 160, 161 et 215, l'amendement no 162 étant devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Amendements nos 216 de M. Yves Coquelle, 164, 165 de Mme Dominique Voynet, 23 et 24 de la commission. - M. Yves Coquelle, Mme Dominique Voynet, M. Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet des amendements nos 216, 164 et 165 ; adoption des amendements nos 23 et 24.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 166 de Mme Dominique Voynet et 217 de M. Yves Coquelle ; amendements nos 167 de Mme Dominique Voynet, 25, 26 de la commission et sous-amendement no 169 de Mme Dominique Voynet ; amendements nos 168 de Mme Dominique Voynet et 27 de la commission. - Mme Dominique Voynet, MM. Yves Coquelle, Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet des amendements nos 166, 217, 168 et du sous-amendement no 169 ; adoption des amendements nos 25 à 27, l'amendement no 167 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 218 de M. Yves Coquelle, 170 à 172 de Mme Dominique Voynet et 239 rectifié de M. Christian Gaudin. - M. Yves Coquelle, Mme Dominique Voynet, MM. Christian Gaudin, Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet des amendements nos 218, 171 et 172, adoption de l'amendement no 239 rectifié, l'amendement no 170 étant devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 219 de M. Yves Coquelle et 173 de Mme Dominique Voynet. - MM. Yves Coquelle, Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet de l'amendement no 219, l'amendement no 173 étant devenu sans objet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 174 de Mme Dominique Voynet et 220 de M. Yves Coquelle ; amendements nos 175 à 180 de Mme Dominique Voynet et 28 à 31 de la commission. - Mme Dominique Voynet, M. Yves Coquelle, M. Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet des amendements nos 174, 220, 175, 177, 178 et 180 ; adoption des amendements nos 28 à 31 et 179, l'amendement no 176 étant devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 181 de Mme Dominique Voynet et 221 de M. Yves Coquelle ; amendement n° 182 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, MM. Yves Coquelle, Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée, M. Daniel Raoul. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 183 de Mme Dominique Voynet et 222 de M. Yves Coquelle ; amendements nos 184, 185 de Mme Dominique Voynet, 32 de la commission et 250 à 252 de M. Bernard Piras. - Mme Dominique Voynet, MM. Yves Coquelle, Bruno Sido, rapporteur ; Daniel Raoul, Mme la ministre déléguée. - Rejet des amendements nos 183, 222, 184, 250, 185, 251 et 252 ; adoption de l'amendement no 32.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 186 de Mme Dominique Voynet et 223 de M. Yves Coquelle ; amendements nos 262 de M. Bernard Piras et 187 de Mme Dominique Voynet. - Mme Dominique Voynet, MM. Daniel Raoul, Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet des quatre amendements.
Adoption de l'article.
Amendement no 263 de M. Bernard Piras. - MM. Daniel Raoul, Bruno Sido, rapporteur ; Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 188 de Mme Dominique Voynet. - Retrait.
Adoption de l'article.
Renvoi de la suite de la discussion.
13. Communication relative à une commission mixte paritaire
14. Nomination de membres d'une commission mixte paritaire
15. Transmission d'un projet de loi
16. Dépôt d'une proposition de résolution
18. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
DÉClaration de l'urgence d'un projet de loi
M. le président. Par lettre en date du 6 mars 2006, M. le Premier ministre a fait connaître à M. le président du Sénat, qu'en application de l'article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement déclare l'urgence du projet de loi, modifié par une lettre rectificative, relatif à la transparence et à la sécurité nucléaire (n° 326 rectifié, 2001 2002).
3
Questions orales
M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.
J'informe le Sénat que la question orale n° 940 de Mme Gélita Hoarau, inscrite à l'ordre du jour d'aujourd'hui, est retirée à la demande de son auteur.
crise de la viticulture française
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, auteur de la question n° 936, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je veux attirer votre attention, une nouvelle fois, sur la crise structurelle qui frappe la viticulture du Languedoc-Roussillon et de quelques autres bassins de production.
Les événements graves qui se sont produits hier sur le terrain et qui auraient pu devenir dramatiques soulignent le désespoir absolu de ces vignerons. Les faillites se multiplient, les demandes de RMI affluent et les terres ne sont plus transmises, laissant à une future jachère un foncier très convoité.
Le groupe du RDSE a eu l'occasion, lors d'un entretien avec vous, de faire le point sur cette question et, dans un courrier que je vous ai adressé en janvier dernier, je vous ai soumis un certain nombre de propositions que j'avais élaborées avec l'ensemble de la filière.
Je veux mettre l'accent aujourd'hui sur un élément vital pour sortir de la crise, c'est-à-dire la nécessité de maîtriser l'insuffisante régulation de la filière sur le plan national et la faiblesse du pilotage des mesures d'assainissement du marché par certains bassins de production.
Le manque actuel d'autodiscipline fragilise un secteur économique déjà frappé par la baisse de la consommation intérieure et la concurrence des autres pays producteurs. Ma région, le Languedoc-Roussillon, en est tout particulièrement victime, alors qu'elle a accompli les plus grands efforts de qualité au cours de ces trente dernières années.
M. Raymond Courrière. C'est exact !
M. Gérard Delfau. Face à cette situation, dangereuse pour toute la profession et toute la région, je vous demande, monsieur le ministre, si vous ne pensez pas qu'il conviendrait de mettre en place, sous votre autorité, une structure nationale chargée de rendre les arbitrages, en matière de distillation, de stockage, d'arrachage temporaire ou définitif.
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Gérard Delfau. Il s'agirait, pour elle, de répartir l'effort collectif selon des quotas par bassin de production.
Ne serait-il pas opportun que le Gouvernement propose au Parlement de modifier à cet effet la loi d'orientation agricole récemment votée ?
Revenant sur les événements d'hier, je souligne l'urgence qu'il y a à trouver des solutions. Le terme du 6 avril prochain que vous avez vous-même fixé pour rendre vos arbitrages est lointain. Sur place, on attend des réponses de fond.
M. Raymond Courrière. Oui, et rapides !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, tout d'abord, je vous remercie des propositions que vous m'avez adressées et auxquelles je vous ai d'ailleurs répondu. Nous avions en effet travaillé sur la question avec le groupe du RDSE, sous l'autorité du président Jacques Pelletier.
Vous avez raison de rappeler la gravité de cette crise, qui s'est accentuée depuis 2004, par des récoltes abondantes provoquant une augmentation très importante des stocks.
Je vous rejoins également, monsieur le sénateur, sur le fait que la région Languedoc-Roussillon a entrepris, depuis plusieurs décennies, des efforts considérables et coûteux portant sur la qualité et sur les restructurations.
Vous estimez que ces efforts devraient être mieux partagés. Mais, comme vous le savez, l'Organisation commune de marché européenne de la viticulture - qui doit faire l'objet d'une réforme à laquelle je travaille, notamment avec l'Espagne, le Portugal et l'Italie - ne prévoit pas de moyen de contrainte ou d'obligation pour l'arrachage ou la distillation.
J'ai toutefois obtenu de Bruxelles, l'année dernière, des décisions significatives en matière de distillation de crise, en particulier sur les AOC. À la demande du Premier ministre, j'ai réclamé de nouvelles mesures exceptionnelles pour distiller non seulement des vins d'appellation, mais aussi des vins de table.
Le vrai sujet concerne la politique de marché, et vous avez raison de l'évoquer.
Je vous informe que le conseil de la modération, dont le président est maintenant en place, se met au travail et constituera le lieu de dialogue que nous souhaitons.
Les comités de bassin travaillent actuellement avec les préfets à la mise au point de mesures de gestion de l'offre, de restructuration du vignoble. Comme vous le savez, le préfet Bernard Pomel a été chargé de suivre et de coordonner les travaux des différents bassins et ses propositions seront incluses dans un plan stratégique.
J'entends finaliser ce plan avant la fin du mois de mars et je compte demander à M. Pomel d'accélérer ses conclusions afin d'avancer la réunion qui était prévue le 6 avril.
Je suis loin d'être hostile, bien au contraire, à la mise en place d'une structure nationale de concertation et de coordination des différentes politiques des bassins et de répartition des segments de marché. Nous aborderons d'ailleurs ce point lors de la réunion.
Comme vous, monsieur le sénateur, le Gouvernement est conscient de la gravité de la crise et de l'urgence qu'il y a à la résoudre. Même si elle est malheureusement structurelle dans ce bassin, nous nous devons de trouver, non seulement des solutions d'urgence pour la régler, mais aussi des solutions d'avenir pour le succès de ce secteur essentiel de notre économie agricole. Une réforme est nécessaire, car, avec 480 AOC, 150 vins de pays, 300 minicoopératives agricoles, ce secteur ne peut pas tenir. Il faudra donc envisager tout un ensemble de mesures.
Cela étant, la crise n'excuse pas les violences qui ont eu lieu hier - véhicules et motocyclettes de gendarmerie brûlés, cuves à vin crevées, contenant en partie du vin français, et pas seulement du vin étranger, ce qui d'ailleurs ne change rien à la gravité des actes commis.
Si je la comprends, la désespérance ne peut excuser la violence. Elle nuit à l'image de marque de la région et nous crée des difficultés pour préparer le plan d'urgence. Je tiens à le dire solennellement devant la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je vous remercie de m'avoir répondu de façon détaillée.
Pour autant, votre réponse reste floue, mais je peux le comprendre, à condition que votre engagement d'avancer le terme qui était prévu initialement soit tenu et que, comme je l'ai demandé d'entrée de jeu avec toute la profession, les propositions du Gouvernement aient un contenu substantiel.
S'agissant de l'organisation d'une régulation par bassin de production, bien que le règlement communautaire en vigueur ne le prévoie pas, il peut évoluer et j'ai cru comprendre que vous alliez oeuvrer dans ce sens.
M. Gérard Delfau. J'insiste sur l'urgence de la mise en place de la commission de concertation et de coordination des comités de bassins d'emplois. Encore faudra-t-il que vous pesiez de tout votre poids, monsieur le ministre, pour que les égoïsmes de bassin - et je ne veux nommer personne, par déférence envers les intéressés, en particulier dans cette enceinte - soient maîtrisés, au moins provisoirement, et que ce soit l'ensemble de la viticulture française - vins de tables, vins de pays et AOC - qui affronte le défi auquel elle est confrontée sur le marché français, mais aussi mondial.
grippe aviaire et avenir de la filière avicole
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer, auteur de la question n° 958, adressée à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
M. Jean Boyer. Monsieur le ministre, ne souhaitant pas faire de la surenchère à propos d'une actualité trop souvent démultipliée et génératrice d'inquiétudes, je souhaite en aborder les points essentiels.
On peut toutefois constater que la menace est aujourd'hui regardée plus objectivement à la fois dans sa gravité, dans sa dimension et dans ses répercussions.
Vous l'avez compris, je veux parler de la grippe aviaire et de ses conséquences sur la filière avicole.
Dans cet hémicycle comme ailleurs, nous avons conscience que la propagation de cette maladie est plus inquiétante que celle, par exemple, qui a affecté la filière bovine voilà quelques mois : l'encéphalopathie spongiforme bovine, l'ESB. En effet, les bovins n'ont pas d'« ambassadeurs contagieux » susceptibles de transmettre ce virus inquiétant à travers les airs et les continents !
Si la crise de la grippe aviaire a pris de telles proportions, c'est parce que la France est le premier pays producteur de volailles de l'Union européenne, avec 125 millions de têtes. C'est une importante filière de production, de consommation et d'exportation.
Mais gardons - et vous le faites parfaitement, monsieur le ministre - la maîtrise de la situation, avec un langage de vérité, de réalisme et de propositions.
Oui, monsieur le ministre, le Gouvernement a pris en main cette crise dont la France se serait bien dispensée, car la filière avicole subit actuellement de graves difficultés internes, tant en amont qu'en aval. Vous les avez d'ailleurs très bien prises en compte.
Je vous serais reconnaissant de présenter devant le Sénat les mesures déjà envisagées et celles à venir en ce qui concerne la nature des aides, à la fois diverses et spécifiques, et la date de leur versement, de nous apporter des informations sur la sécurisation de la filière et, éventuellement, sur les actions de soutien et de relance.
Une action préventive est-elle envisagée ? Un plan de vaccination est-il véritablement de nature à apporter la sécurité demandée et attendue ? La consommation doit-elle être pratiquée dans certaines conditions ?
La filière avicole attend des soutiens indispensables et les consommateurs souhaitent obtenir les sécurités alimentaires nécessaires.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, votre question me permet de faire le point devant la Haute Assemblée sur les conséquences de la grippe aviaire, épisode dramatique pour la filière avicole.
La stratégie du Gouvernement, souhaitée par M. le Premier ministre depuis l'été, est de prévenir et d'agir en toute transparence, en informant nos concitoyens lorsque les événements se produisent. Notre régime de protection est ainsi monté en puissance au fur et à mesure que la menace venant d'Asie se rapprochait de la Turquie, de l'Afrique et, enfin, de l'Europe.
C'est la raison pour laquelle nous avons confiné vingt-six départements dès le mois d'octobre 2005. Cette mesure a été étendue à cinquante-huit départements au mois de janvier et à l'ensemble du territoire métropolitain le 18 février dernier. Lorsque le confinement n'est pas praticable, nous prenons des mesures d'effet équivalent et nous mettons en place une surveillance vétérinaire spécifique.
À la suite d'un avis de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, nous avons également dû interdire les rassemblements d'oiseaux vivants. C'est la raison pour laquelle il n'y avait pas d'oiseaux au Salon de l'agriculture, qui a fermé ses portes dimanche dernier.
Nous avons demandé à l'Union européenne, qui a la responsabilité en la matière, l'autorisation de pratiquer le confinement. Au départ, nous avions pensé aux zones humides de trois départements, la Loire-Atlantique, la Vendée et les Landes. Il a finalement été possible de confiner en Loire-Atlantique et en Vendée. Par conséquent, la vaccination est actuellement en cours dans le département des Landes, ainsi que dans les parcs zoologiques et ornithologiques, où elle est obligatoire sur tout le territoire national.
Il reste toutefois le problème que nous évoquions tout à l'heure en aparté avec le président Jean-Claude Gaudin à propos de la réaction psychologique de l'opinion. La consommation de volailles est effectivement en baisse. Le phénomène varie certes selon les catégories - morceaux coupés ou entiers, volailles labellisées ou non -, mais il existe. Il y a une forme de « psychose » et certains élus - l'un d'entre eux s'est heureusement rétracté ce matin - prennent des mesures totalement décalées, en dehors de tout principe de solidarité.
Vous avez raison de rappeler la fragilité de cette filière, monsieur le sénateur. Souvenons-nous de la déconfiture du groupe Bourgoin SA voilà quelques années. Je précise également que le quart de la production avicole française est exporté.
Comme M. Premier ministre l'a indiqué, nous aiderons les éleveurs professionnels avec une enveloppe de 20 millions d'euros. Nous mettons également en place une avance qui peut s'élever jusqu'à 2 000 euros, sur la base d'une déclaration sur l'honneur.
Les préfets de région ont été réunis hier par le Premier ministre ; les trésoriers-payeurs généraux disposent des moyens financiers nécessaires et la circulaire existe. Il n'y a donc aucune raison que le dispositif ne puisse pas être appliqué dans vos différents départements d'élection. Les moyens seront affectés et la mesure peut entrer en vigueur dès aujourd'hui.
Le département de l'Ain fera l'objet de mesures spécifiques. La zone regroupe 319 communes et les éleveurs évacuent le contenu de leurs exploitations. Ils devront être totalement indemnisés, puisqu'ils n'auront plus la possibilité de vendre leurs volailles.
Nous agissons également en faveur des entreprises de l'aval de la filière. Nous mobilisons ainsi 30 millions d'euros, sous forme de mesures fiscales, de mesures de soutien et de mesures complémentaires. Le décret d'avance que devait prendre M. le ministre délégué au budget et à la réforme de l'État sera adopté aujourd'hui.
Par ailleurs, le ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement nous a donné les moyens de développer le régime d'indemnisation du chômage partiel dans les entreprises.
À la fin de cette semaine, le Premier ministre rencontrera l'ensemble des représentants de la filière - amont et aval -, afin de faire le point sur ces mesures. Je rappelle qu'il s'agit d'un premier train de mesures et que nous pouvons à tout moment adapter notre dispositif.
J'évoquerai, enfin, l'information des consommateurs. Nous lancerons des campagnes télévisées pour que nos concitoyens reçoivent les explications nécessaires. Je souhaite également que l'Union européenne finance une campagne similaire à destination des 450 millions de consommateurs européens.
En outre, comme l'ont excellemment indiqué certains syndicats agricoles, l'Union européenne doit nous aider davantage face à cette crise, en décidant d'actions complémentaires ou en autorisant des mesures nationales plus adaptées, dans l'hypothèse où nous devrions en prendre dans les jours à venir.
En tout cas, nous sommes parfaitement solidaires de la profession : des milliers d'emplois sont en cause dans notre pays. La filière avicole représente un chiffre d'affaires de 6 milliards d'euros. Il s'agit d'éleveurs professionnels, d'accouveurs, de personnels d'établissements d'abattage, de revendeurs, qui, tous, ont fait de l'industrie avicole française la troisième au monde.
Nous avons donc un devoir de solidarité à l'égard de ce secteur. Ce devoir, le Gouvernement l'assumera jour après jour.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses claires et précises : elles étaient nécessaires.
Vous avez informé et sécurisé nos concitoyens. Je vous en remercie.
M. le président. Monsieur le ministre, face aux excès, parfois, des médias, les parents demandent à leurs enfants de ne pas manger de poulet à la cantine.
Au moment de la crise du boeuf, nous avions déjà connu un phénomène similaire et étions un certain nombre de maires à avoir maintenu le boeuf dans les menus des cantines scolaires. Or les enfants ne voulaient pas en manger. Telle est la difficulté à laquelle les maires sont aujourd'hui confrontés.
Ainsi, dans ma ville, 45 000 repas de cantine sont fournis chaque jour. Si les enfants refusent de manger, cela nous pose un réel problème. (M. le ministre acquiesce.)
Nous devons, me semble-t-il, expliquer encore mieux la situation. Vous le faites, monsieur le ministre, et M. Jean Boyer vient de vous en remercier. Je m'associe bien volontiers à ses propos.
obligations des communes en matière d'assainissement
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour, auteur de la question n° 939, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Simon Sutour. Je souhaite vous faire part des inquiétudes des maires et des habitants des communes rurales suscitées par les obligations en matière d'assainissement non collectif inscrites dans la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau, complétée par le décret du 3 juin 1994.
Au niveau national, l'assainissement non collectif concerne près de 4 millions d'installations et environ 10 % de la population française. Préoccupé par la gestion et le contrôle de ces installations, le législateur a décidé que les communes devraient avoir mis en oeuvre un zonage d'assainissement sur leur territoire définissant les zones d'assainissement collectif et les zones d'assainissement autonome avant le 31 décembre 2005.
De tels zonages permettent de mieux appréhender l'urbanisation croissante et d'encadrer plus strictement l'évolution de l'habitat lors des révisions des documents d'urbanisme.
À la suite de ce zonage, un service public d'assainissement non collectif, ou SPANC, devait également être mis en place par les structures qui en ont la compétence, les établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, ou les communes, avant le 31 décembre 2005.
Force est de constater que, si les organes délibérants ont bien pris l'initiative de cette création, peu de SPANC fonctionnent réellement. Ainsi, dans mon département, le Gard, seuls deux services sont opérationnels. Et ce n'est pas une exception !
L'acceptation de tels dispositifs par les élus est une chose, mais l'application sur le terrain et la mise en place de nouvelles contraintes, même si elles sont nécessaires et justifiables, doivent être accompagnées d'une très large communication, afin de bien expliquer les objectifs et les aspects financiers de ce nouveau service.
S'agissant des assainissements autonomes, le coût d'une réhabilitation à la charge des particuliers est, en général, compris entre 3 000 euros et 6 000 euros. Nombre de foyers ne seront pas en mesure de faire face à une telle dépense et certains groupements de communes ou communes n'auront pas créé leur SPANC dans les délais.
Face à cette situation, je vous demande de bien vouloir m'indiquer les dispositions que vous envisagez pour permettre à tous les foyers de se mettre en conformité avec la loi sans pour autant déstabiliser complètement leur budget et me dire si le délai de création du SPANC pourra être prorogé.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous prie d'excuser l'absence de ma collègue Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Elle m'a chargé de vous répondre sur ce sujet qui m'intéresse également en tant qu'élu local.
La mise aux normes des 4 millions d'installations d'assainissement non collectif représente un enjeu environnemental important.
C'est la raison pour laquelle la loi n° 92-3 du 3 janvier 1992 sur l'eau a prévu que les communes créent, avant le 31 décembre 2005, un service public comprenant obligatoirement le contrôle de ces installations et, à titre facultatif, leur entretien.
Le Gouvernement a pleinement conscience du retard pris dans la mise en place de ce service, qui est présent dans seulement 20 % des cas.
Plusieurs difficultés ont été identifiées et des améliorations significatives seront apportées dans le projet de loi sur l'eau, qui sera examiné à l'Assemblée nationale au début du mois de mai.
Tout d'abord, les communes pourront offrir une prestation complète comprenant le contrôle, l'entretien, ainsi que la réhabilitation des installations. Cela répond, me semble-t-il, aux attentes de nos concitoyens.
Les communes pourront bénéficier de subventions de nos agences de l'eau, ce qui réduira la charge des particuliers lors de la réhabilitation d'installations.
Pour les communes ne souhaitant pas créer un tel service, un amendement introduit par le Sénat en avril dernier permet de remplacer le contrôle des communes par l'obligation pour les propriétaires de fournir une attestation de conformité établie par un organisme agréé.
Je rappelle que la date limite du 31 décembre 2005 concerne seulement la création des SPANC. La mise aux normes des installations peut être progressive, en privilégiant les cas les plus sensibles et en s'appuyant sur les mutations des immeubles.
Le projet de loi prévoit d'ailleurs qu'un diagnostic de la conformité de l'installation d'assainissement devra être produit avant toute mutation.
En vue du prochain examen de ce projet de loi à l'Assemblée nationale, les services du ministère de l'écologie et du développement durable recherchent des solutions innovantes, afin de concilier la nécessaire mise aux normes des systèmes d'assainissement non collectif, la simplicité pour les maires et l'indispensable solidarité s'agissant des coûts de réhabilitation des installations.
M. le président. La parole est à M. Simon Sutour.
M. Simon Sutour. Je prends note d'une information importante.
La possibilité de subventions par les agences de l'eau pour l'investissement et la réhabilitation des installations, via la collectivité qui en a la compétence - commune ou EPCI -, figure dans le projet de loi qui sera soumis très prochainement au Parlement.
Cette mesure importante est de nature à assurer la mise aux normes et à aider les foyers les plus défavorisés, ceux qui ont les plus faibles moyens financiers.
Enfin, je le répète, je souhaite que soit prorogé le délai de création des SPANC, afin de mettre les faits en accord avec le droit.
préparation à l'insertion professionnelle des adolescents handicapés
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, auteur de la question n° 944, adressée à M. le ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille.
M. Georges Mouly. Le développement des unités pédagogiques d'intégration, les UPI, s'inscrit dans une évolution logique générée par le droit à la scolarisation accordé aux enfants handicapés.
Dans mon département, comme ailleurs sans doute, après l'école primaire, conformément à l'objectif du projet personnalisé, l'adolescent poursuit sa scolarité au collège en bénéficiant, dans la plupart des situations, d'un accompagnement médico-social de type SESAD - service d'éducation spéciale ou de soins à domicile.
Jusqu'à l'âge de seize ans, l'adolescent peut donc poursuivre une scolarité en milieu ordinaire, tout en bénéficiant d'un accompagnement. Au-delà, la prise en charge au titre du SESAD pose problème, voire disparaît. Alors que les compétences des lycées professionnels et agricoles pourraient utilement être mises à contribution pour la préparation ou la consolidation d'un véritable projet professionnel, le relais n'est pas pris, faute de moyens, et la scolarisation redevient l'exception !
En Corrèze, un projet d'accompagnement spécifique des jeunes âgés de seize à vingt ans est prêt à être mis en oeuvre. Il s'agit d'un dispositif relais, qui a recueilli l'avis favorable unanime des partenaires institutionnels et associatifs corréziens du secteur du handicap, réunis, sur mon initiative, pour évoquer la problématique de la scolarisation après seize ans.
J'ai transmis un exemplaire de ce projet à vos collaborateurs, monsieur le ministre.
Ce service s'adresse aux jeunes âgés de seize à vingt ans, issus d'unités pédagogiques d'insertion, d'établissements régionaux d'enseignement adapté, les EREA, de sections d'enseignement général et professionnel adapté, les SEGPA, d'instituts médico-éducatifs, les IME, ou de SESAD, dont l'orientation professionnelle n'est pas déterminée et reste à vérifier ou à consolider dans le cadre scolaire du lycée professionnel.
Le projet peut être également l'apprentissage en alternance, mais le handicap nécessite un soutien et un accompagnement. Le projet de vie peut également prévoir une étape d'expérimentation en milieu professionnel, ordinaire, adapté ou protégé. Telles sont les possibilités.
Le potentiel de jeunes concernés est déjà important. Il est urgent, me semble-t-il, de proposer de véritables choix d'orientation aux adolescents de cette tranche d'âge et de prendre en compte leur nécessaire professionnalisation. Il convient pour cela de s'appuyer, entre autres, sur le savoir-faire des lycées professionnels et agricoles, par le biais d'un dispositif de coordination, prévoyant, d'une part, un accompagnement médico-social - il est toujours nécessaire -, et, d'autre part, une recherche vers le milieu professionnel, en utilisant toute la palette des solutions permettant une orientation professionnelle adaptée le plus possible aux capacités et aux souhaits du jeune qui prépare sa vie d'adulte.
Monsieur le ministre, dans son rapport intitulé « Favoriser l'insertion professionnelle des jeunes handicapés », le député Yvan Lachaud souligne la nécessité d'une orientation validée par une mise en situation professionnelle et privilégie l'alternance entre l'unité pédagogique d'intégration et le milieu professionnel.
Dans ce contexte, le projet relatif à l'accompagnement spécifique des jeunes de seize à vingt ans, qui a été présenté aux partenaires corréziens que j'ai précédemment mentionnés et qui a été transmis à vos services, me semble pertinent et conforme à l'esprit de la politique menée en faveur des handicapés, l'un des chantiers prioritaires du Président de la République. Il s'agit de scolariser l'enfant handicapé en vue de son insertion sociale et professionnelle, dans l'accompagnement et le respect de sa différence et de mettre en place des partenariats souples et évolutifs compatibles avec la multiplicité des situations et des projets.
J'en viens à ma question, monsieur le ministre : pourriez-vous contribuer activement à la mise en oeuvre d'un tel projet à bref délai ? A défaut, l'absence de financement contraindrait ce projet à rester sur le papier.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le sénateur, je reconnais l'expérience qui est la vôtre dans le domaine de la prise en charge des jeunes et des adultes handicapés et l'engagement du département de la Corrèze, dont la vocation médico-sociale, notamment en faveur des personnes handicapées, mérite d'être une fois de plus soulignée.
Le projet que vous avez élaboré et présenté à mes services a retenu toute mon attention. Après l'achèvement de la scolarité obligatoire, c'est-à-dire à partir de l'âge de seize ans, le jeune, qui a lâché la rampe de l'éducation nationale, qu'elle soit spéciale ou en milieu ordinaire, n'a pas encore pris celle de l'insertion professionnelle. Il est dans un entre-deux. Il nous faut donc régler cette difficulté particulière.
Vous avez rappelé l'importance des progrès que la grande loi du 11 février 2005, voulue par le Président de la République, a permis d'accomplir. Nous avons ainsi modifié notre approche de la prise en compte des besoins des personnes handicapées en reconnaissant le droit à la compensation du handicap.
Le droit à la compensation du handicap s'exerce à partir du projet de vie de chaque personne handicapée, lequel doit faire l'objet d'un examen avec une équipe pluridisciplinaire, dont les compétences sont mobilisées par les maisons départementales des personnes handicapées.
Monsieur le sénateur, lors de l'élaboration du projet de vie d'une personne handicapée, quel que soit son âge, la question de la scolarisation est au centre des préoccupations, en particulier quand il s'agit d'un adolescent. C'est l'un des volets du plan de compensation, qui doit obligatoirement être élaboré pour chaque personne handicapée, dans le cadre de l'exercice du droit à la compensation.
Le projet de scolarisation est également élaboré en lien avec les établissements d'enseignement. Les lycées professionnels, techniques et agricoles, font partie des possibilités d'orientation.
Dans l'hypothèse où l'accompagnement de l'élève handicapé est nécessaire, il peut être réalisé par un service d'éducation spéciale ou de soins à domicile. C'est là que l'on se heurte alors à la difficulté que vous avez décrite, monsieur le sénateur. Quand le jeune dépasse l'âge de seize ans, il ne relève plus, en principe, de ce type de service.
Je suis aujourd'hui tout à fait déterminé à apporter les souplesses nécessaires pour que les jeunes handicapés puissent continuer, s'ils poursuivent leur scolarité, à bénéficier des services d'éducation spéciale ou de soins à domicile de seize ans à vingt ans. Mais cela ne suffit pas.
Il faut aussi mieux réfléchir au passage de l'école vers le milieu professionnel. Un certain nombre de dispositifs d'accompagnement existent déjà, mais ils doivent être développés. Dans le secteur médico-social par exemple, les sections professionnelles des instituts médico-éducatifs ont pour mission d'assurer ce type d'accompagnement. Il existe aussi des centres d'apprentissage adapté, qui sont destinés aux élèves handicapés et doivent assurer une fonction de relais.
Enfin, s'agissant des jeunes adultes, âgés de plus de vingt ans, l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH, propose des services gratuits de mise en relation avec les entreprises ayant passé une convention avec cet organisme.
Le député Yvan Lachaud, au terme d'une mission que je lui avais confiée, m'a remis son rapport voilà maintenant trois semaines. Ses propositions, qui font l'objet d'un examen très attentif, portent sur cet interstice entre l'école et le travail, pour lequel nous n'avons jusqu'à présent pas su mobiliser des moyens suffisants.
Sachez que je suis déterminé, sur la base de ces propositions, à apporter des réponses concrètes à ce problème et, pour commencer, à permettre à des projets tels que celui que vous avez mis au point avec le monde associatif et les institutions spécialisées de Corrèze de voir le jour. Je suis tout à fait disposé à en reparler avec vous.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly.
M. Georges Mouly. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, que je prendrai le temps d'étudier, car elle est détaillée, circonstanciée et suscite beaucoup d'espoir. Je n'ai jamais douté de votre volonté ni de celle du Gouvernement en la matière.
M. René-Pierre Signé. La Corrèze est toujours bien traitée !
M. le président. La Nièvre aussi, monsieur le sénateur-maire de Château-Chinon. En tout cas, vous l'avez été longtemps ! (Sourires.)
taxe sur les cures thermales
M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann, auteur de la question n° 955, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Mme Christiane Kammermann. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la décision prise au mois de novembre 2004 par le Conseil national des exploitants thermaux, le CNETh, d'imposer aux curistes, à l'exception de ceux qui relèvent de la couverture maladie universelle, une taxe forfaitaire de dix euros pour frais de dossiers.
Cette taxe contrevient aux dispositions de la convention signée le 1er avril 2003 avec la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, qui garantit aux curistes le remboursement des soins.
Les frais de dossiers, ainsi que les frais d'élimination des déchets et de désinfection du matériel, sont inclus dans les charges des établissements qui sont prises en compte dans la détermination du forfait des soins thermaux remboursés par l'assurance maladie. Ces forfaits sont exclusifs de tout supplément en dehors des honoraires médicaux.
Exigé lors de l'inscription, le paiement de cette taxe conditionne l'accès à la cure et coûte plusieurs millions d'euros aux curistes.
La Caisse nationale de l'assurance maladie, le ministère de la santé et de la solidarité, ainsi que la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF ont unanimement convenu de l'illégalité de cette mesure. Force est cependant de constater que, malgré les déclarations de principe, aucune mesure n'a permis de mettre fin aux abus tarifaires du CNETh.
En 2005, la DGCCRF a ainsi reconnu l'illégalité du forfait tout en ajoutant que les textes législatifs et réglementaires ne l'autorisaient toutefois pas à intervenir et que les assurés devaient se retourner vers leurs caisses. Répondant à l'appel que lui avaient lancé les associations de consommateurs, le directeur de la CNAMTS leur a indiqué, dans un courrier en date du 11 mai 2005, qu'il n'était pas compétent et les a renvoyés à la DGCCRF.
Plus récemment, la circulaire n° 38-05 du CNETh, qui contient le compte rendu de la réunion du mois de décembre 2005 avec le directeur délégué à l'organisation et à la gestion des soins, souligne que « la CNAM n'a pas souhaité engager d'action contentieuse pour ne pas aggraver les difficultés économiques que connaissent déjà les établissements en raison de la non-revalorisation des tarifs. »
Face à cette situation, quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour enjoindre la direction de la CNAM à respecter la convention signée avec les établissements thermaux le 1er avril 2003 et ainsi garantir aux curistes le remboursement des soins ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame la sénatrice, tout d'abord, comme vous et comme de nombreux curistes, le Gouvernement est profondément attaché au thermalisme et à son développement. C'est non seulement une exigence pour la santé publique, mais aussi un véritable besoin en termes d'aménagement du territoire.
Vous soulevez un problème que je connais bien et qui a trait à la décision prise unilatéralement par l'organisation professionnelle représentant les stations thermales de prévoir un prélèvement de frais de dossier pour chacun des curistes qui viennent accomplir cette période de repos et de soins dans nos villes d'eau.
Ce prélèvement, qui n'est pas prévu par nos textes, est donc totalement dépourvu de base légale.
Il faut, néanmoins, replacer cette situation dans un contexte plus large qui est celui, que vous avez également rappelé, de l'absence de revalorisation des tarifs des cures thermales pendant de nombreuses années.
Des discussions ont eu lieu entre l'assurance maladie et les responsables des stations thermales afin de permettre, dans le cadre d'un accord entre ces deux parties, une revalorisation légitime des tarifs, qui correspond à une nécessité économique reconnue par les pouvoirs publics.
Cette revalorisation tarifaire doit pouvoir être mise en oeuvre. Mais, au préalable, le problème épineux que vous soulignez doit être réglé de telle sorte que nous puissions repartir ensuite sur des bases saines qui soient, à la fois, favorables à l'équilibre économique de nos stations thermales, mais également respectueuses des règles applicables à la tarification des cures thermales, ce que les usagers sont en droit d'attendre.
M. le président. La parole est à Mme Christiane Kammermann.
Mme Christiane Kammermann. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et j'espère que vous pourrez régler ce problème épineux.
dépistage et prise en charge de la drépanocytose en france
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet, auteur de la question n° 925, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.
Madame Payet, nous avons beaucoup pensé à vous depuis quinze jours et sommes heureux de vous retrouver au Sénat.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le président, je vous remercie.
Ma question s'adresse au ministre de la santé et porte sur la prise en charge de la drépanocytose en France.
Cette maladie, qui touche environ 15 000 personnes en France, originaires de l'outre-mer, d'Afrique, retentit de façon très importante sur la vie quotidienne des personnes atteintes, mais également sur celle de leur famille. Elle pose un problème majeur d'organisation de la prise en charge au sein des établissements de soins qui sont les plus concernés.
Elle se manifeste quelques mois après la naissance et se caractérise par une grave perturbation de la capacité des globules rouges à circuler normalement dans les tout petits vaisseaux sanguins. De ce fait, les patients sont dans une situation de perpétuel risque d'événements critiques majeurs.
Les effets de cette maladie, incurable pour l'instant, peuvent cependant être atténués et soulagés, si l'on sait comment réagir.
Grâce au dépistage néonatal mis en oeuvre depuis quelques années, on peut dire aujourd'hui que la France compte 330 nouveau-nés drépanocytaires de plus chaque année.
Si l'on considère le problème globalement et en termes d'incidence, on constate que la drépanocytose prédomine assez largement sur toutes les maladies génétiques comparables, en particulier la mucoviscidose ou les myopathies.
S'agissant de la prise en charge, deux problèmes majeurs subsistent : la prise en charge des adultes et la mise en place d'une politique de santé visant à l'information et à la prévention des personnes risquant d'avoir des enfants drépanocytaires.
L'Organisation mondiale de la santé a, par ailleurs, proposé un modèle de prise en charge dite intégrée qui s'inscrit dans la réalisation de centres de ressources et de prise en charge disposant de la structure de soins adaptée.
Or il n'y a réellement aucun centre en France qui réponde totalement à cette définition, celui de la Guadeloupe, créé en 1990, étant peut-être celui qui s'en rapproche le plus.
Dans ce contexte, il est primordial, pour les professionnels engagés dans la lutte conte cette maladie, que l'état des lieux soit analysé dans toutes les composantes du problème et que cette analyse permette d'aboutir à des propositions structurantes. Il faut également que les régions où cette maladie prédomine soient sollicitées pour la mise en place de structures de soins adaptées et qu'un programme national de prévention et d'information, avec des déclinaisons régionales, soit mis en place.
Je voulais ajouter à cette liste, monsieur le ministre, que la drépanocytose doit être considérée comme une priorité de santé publique, mais j'ai lu, voilà une heure à peine, que ce serait chose faite depuis novembre 2004. Peut-être pouvez- vous me confirmer cette information.
En conséquence, je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir me faire connaître les moyens que vous envisagez de mettre en oeuvre pour améliorer la prise en charge de cette maladie.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Madame Payet, je vous réponds au nom de M. Xavier Bertrand, qui est aujourd'hui en déplacement dans les Antilles.
Vous l'avez interrogé sur le dépistage et la prise en charge de la drépanocytose en France.
La drépanocytose, comme l'ensemble des maladies rares, constitue une priorité de santé publique. Ces maladies font l'objet d'un plan national, le « plan national maladies rares 2005-2008 », inscrit dans la loi relative à la politique de santé publique du 9 août 2004. Ce plan, qui a été annoncé le 20 novembre 2004, est financé à hauteur de 100 millions d'euros.
Le plan national « maladies rares » prévoit notamment de labelliser et de financer une centaine de « centres de référence de maladies rares », dans le cadre d'une procédure nationale d'appel d'offres.
En ce qui concerne plus particulièrement la drépanocytose, un centre de référence a été labellisé, en 2004, en Île-de-France. Il regroupe plusieurs structures hospitalières pour adultes et pour enfants. Il est coordonné par les professeurs Frédéric Galacteros et Robert Girot.
D'autres centres de prise en charge de la drépanocytose peuvent, s'ils le souhaitent et s'ils répondent au cahier des charges, déposer leur candidature dans le cadre d'un nouvel appel d'offres pour 2006 afin de devenir centres de référence de maladies rares.
Afin d'améliorer l'information, la base de données sur les maladies rares « Orphanet », accessible par l'internet, développe de nouveaux outils de communication et d'information destinés aux professionnels de santé et aux malades. Un service de téléphonie « Maladies rares info service », financé par le ministère de la santé et des solidarités, permet d'informer les malades et leur famille.
Compte tenu des enjeux de santé publique de la drépanocytose, un programme de dépistage général, financé par l'assurance maladie, a été mis en place.
Ce dépistage, systématique chez tous les nouveau-nés des départements d'outre-mer et ciblé chez les enfants nés en métropole en fonction de l'origine géographique des parents, permet de diagnostiquer la maladie, vous l'avez rappelé tout à l'heure, chez 300 nouveau-nés chaque année et de proposer une prise en charge précoce. Cette prise en charge améliore le pronostic et la qualité de vie des malades. Un diagnostic génétique est également proposé en cas de dépistage positif.
Des recommandations professionnelles ont été élaborées en 2005 sous l'égide de la Haute autorité de santé pour la prise en charge de l'enfant et de l'adolescent atteints de cette maladie. Ces cahiers des charges soulignent aussi l'importance d'un suivi médical régulier de soins, de prévention et d'une éducation thérapeutique adaptée pour les patients et leur entourage.
Je vous précise, par ailleurs, qu'une carte d'urgence et d'information « drépanocytose », destinée aux malades et aux professionnels de santé, a été diffusée en 2005. Elle comporte deux volets. Le premier contient des informations et des conseils pour les patients. Le second, qui correspond à une carte de soins, comporte des précisions sur le type de drépanocytose, les personnes à prévenir en cas de problème et les coordonnées des différents médecins responsables de la prise en charge du malade.
M. le président. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet. Monsieur le ministre, je vous remercie de toutes les précisions utiles que vous m'avez apportées.
Je souligne que si, en France, le nombre de malades - adultes et enfants - est estimé à 15 000 personnes, dans le monde, 500 000 nouveau-nés sont atteints chaque année et l'on sait que 50 % d'entre eux n'atteindront jamais l'âge de cinq ans ! La drépanocytose est donc une maladie qu'il ne faut pas banaliser.
Prévention de la méningite
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la question n° 953, adressée à M. le ministre de la santé et des solidarités.
M. Thierry Foucaud. Le département de la Seine-Maritime, dont je suis élu, connaît depuis 2003 une multiplication des cas de méningite particulièrement inquiétante, qui touche surtout la région dieppoise.
La situation y est très préoccupante, car la prévalence est particulièrement élevée, mais, surtout, la souche détectée est particulièrement dangereuse et mortelle.
Dans ce département, trente-deux cas ont été relevés en 2003, vingt-huit en 2004, quarante-quatre en 2005. Depuis le début de l'année 2006, nous en sommes à plus de quinze cas. Une petite fille a été hospitalisée la semaine dernière, ainsi qu'un jeune homme de vingt ans. Ce matin, la presse rouennaise fait état d'un nouveau cas.
Cette maladie touche surtout des enfants. Quatre sont morts en 2004. Il y a eu six décès en 2005, et déjà deux cette année.
Voilà qui impose, monsieur le ministre, une large mobilisation des pouvoirs publics, pour une réelle prévention et une compréhension de la situation.
Au titre de la prévention, nous attendons une nette amélioration avec un vaccin. La Norvège en avait mis un au point pour lutter contre une épidémie très proche de celle qui sévit à Dieppe. Il nous faut être aussi réactifs que l'a été ce pays.
En France, il était question d'acheter les doses encore disponibles. Où en sont, à ce sujet, les services compétents ? Que comptez-vous faire pour permettre une généralisation de la vaccination ?
La prévention, c'est aussi l'information de la population, car seule une prise en charge rapide sauve les malades ; il faut connaître les symptômes, savoir à qui s'adresser. À ce titre, nous attendons une campagne d'information d'envergure.
Par ailleurs, les familles touchées doivent être soutenues et aidées dans leurs démarches. Dans la région dieppoise, une association tente de les épauler. Il serait souhaitable que vous vous mobilisiez également en ce sens.
Surtout, nous avons besoin de savoir pourquoi cette maladie nous touche plus que les autres départements. Trop de questions restent sans réponse.
Mon ami Sébastien Jumel, conseiller général de Dieppe, après avoir indiqué qu'il fallait réagir, a proposé, afin de prévenir et d'informer, la mise en place d'une cellule de crise pluridisciplinaire, impliquant le monde médical, mais aussi l'éducation nationale, les professionnels de la petite enfance, les représentants des parents d'élèves, le conseil général, les conseillers municipaux.
Je me rallie pleinement à cette proposition, qui a d'ailleurs été relayée par le président du conseil général.
Voilà donc trois propositions : premièrement, recherche des raisons pour lesquelles la méningite sévit plus dans la Seine-maritime que dans d'autres départements et en particulier dans la région dieppoise ; deuxièmement, mise en place d'une cellule de crise pluridisciplinaire ; troisièmement, introduction d'un vaccin.
La mise en oeuvre de ces trois propositions peut nous aider à faire face à la maladie. Je vous demande donc, monsieur le ministre, quelles mesures vous entendez prendre dans ce sens.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je réponds à nouveau au nom de M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités.
Chaque année, nous observons entre 700 et 800 cas de méningites à méningocoques. Ces méningites se caractérisent par leur saisonnalité et leur recrudescence en hiver.
Le département de Seine-Maritime, que je connais bien, et plus particulièrement la ville de Dieppe et ses environs, est effectivement confronté, depuis 2003, à une augmentation du nombre de ces infections.
Cette épidémie fait l'objet, depuis le début, d'une surveillance très active et d'une vigilance accrue des services de l'État et de l'Institut de veille sanitaire.
Environ un quart des cas diagnostiqués est dû à une souche de méningocoque B, rarement rencontrée en France, qui se caractérise, il faut le dire, par une très grande sévérité.
La lutte contre l'épidémie repose avant tout sur le traitement précoce des malades par un antibiotique adapté et systématique de toute personne ayant été en contact avec ces malades afin d'éviter la diffusion de la maladie.
Cette infection n'est heureusement pas une fatalité : elle se guérit si elle est prise en charge précocement et efficacement.
Depuis l'hiver 2003, une information spécifique destinée à la population, aux professionnels de santé et aux établissements scolaires a donc été régulièrement délivrée. Trois cent mille dépliants ont ainsi été distribués aux cabinets médicaux, aux pharmacies et aux établissements scolaires avec l'aide du rectorat. Une conférence de presse des autorités sanitaires s'est tenue localement le 23 janvier dernier, et a été, il faut le reconnaître, efficacement relayée par la presse locale.
Par ailleurs, bien qu'il n'existe pas de vaccin spécifique contre cette souche, la France a étudié la possibilité d'utiliser un vaccin développé par la Norvège, voilà une vingtaine d'années, sur une souche proche. L'efficacité de ce vaccin ayant été également démontrée sur la souche en cause par des études norvégiennes, Xavier Bertrand a décidé d'acquérir la totalité des doses disponibles, soit neuf mille doses. Ces dernières permettront, d'ici à la fin du mois d'avril, de procéder à une vaccination des personnes qui sont dans l'environnement des victimes de la maladie.
Le ministre de la santé a également demandé d'étudier, sans délai, les modalités permettant de relancer une production de plus grande ampleur, comme l'a préconisé le Conseil supérieur d'hygiène publique de France, réuni le 20 janvier dernier.
Enfin, Xavier Bertrand a souhaité que le directeur général de la santé se rende sur place avant la fin de la semaine, afin de faire un point complet de la situation avec les responsables locaux et d'évaluer, avec eux, la mise en oeuvre de l'ensemble des actions.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, le Gouvernement met tout en oeuvre pour lutter contre cette épidémie ; le ministre de la santé ne manquera pas d'informer régulièrement les élus de l'évolution de la situation.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le ministre, je vous remercie, ainsi que M. Xavier Bertrand, de cette réponse.
Comme nous, vous constatez l'augmentation des cas. Je ne doute pas de la surveillance qui est effectuée. L'infection se guérit si elle est prise en charge rapidement, avez-vous dit. Certes.
Toutefois, par le biais de ma question orale, je souhaitais vous alerter sur la nécessité de mettre en place une cellule pluridisciplinaire, conformément aux propositions faites pour Dieppe, notamment par mon ami Sébastien Jumel, conseiller général du canton de Dieppe-Ouest.
Si j'ai bien compris, la prochaine venue à Dieppe du directeur général de la santé permet d'augure la mise en place de cette cellule. En ce sens, la proposition me semble positive.
Par ailleurs, l'achat des neuf mille doses, qui était en négociation, me paraît une bonne chose. Toutefois, et vous le savez très bien, ces neuf mille doses sont insuffisantes, même si - je vous le concède -le fait de les posséder constitue déjà une avancée.
Vous affirmez enfin qu'il faut continuer à élaborer un vaccin, et je vous demande donc que ce soit fait le plus rapidement possible.
Vous avez répondu à la fois à ma question relative au vaccin et à celle qui avait trait à la création d'une cellule pluridisciplinaire composée de tous les partenaires que j'évoquais. Il ne reste plus qu'à continuer la recherche pour résoudre le problème suivant : pourquoi cette méningite touche-t-elle plus la Seine-Maritime que d'autres départements, et plus la région dieppoise que l'ensemble du territoire français ?
desserte en tnt du territoire de la dordogne
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, auteur de la question n° 943, adressée à M. le ministre délégué à l'aménagement du territoire.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, ma question porte sur la couverture du département de la Dordogne par la télévision numérique terrestre.
Le développement de la télévision numérique terrestre ravit ses utilisateurs et inquiète ceux qui risquent d'en être privés. C'est le cas dans le département de la Dordogne où se pose le problème d'une couverture très partielle du territoire.
De l'avis des experts, si aucune extension du réseau TNT n'est prévue au-delà des engagements actuels de couvrir 85 % de la population par cent quinze sites d'émission, l'arrêt de la diffusion en analogique en 2012 aura pour conséquence de priver de télévision gratuite et de télévision régionale la moitié des Périgourdins. L'émetteur TNT de Bergerac-Audrix, dont la mise en service est programmée pour octobre 2006, ne couvrira en effet que la moitié sud du département.
Historiquement négligée dans sa couverture téléphonique filaire, dans sa couverture télévisuelle analogique, dans sa couverture téléphonique mobile, dans sa couverture en Internet haut débit, et désormais en très haut débit, la Dordogne, logée à l'impécunieuse enseigne des départements ruraux du centre et du sud-ouest de la France, redoute une nouvelle privation.
Cette situation n'est pas inédite et a conduit, à plusieurs reprises, le conseil général de la Dordogne à user de la liberté des pauvres, celle qui consiste à payer au prix fort ce que d'autres ont obtenu gratuitement. Je rappellerai, pour ne donner qu'un exemple, qu'aujourd'hui les contribuables périgourdins financent en partie leur couverture en téléphonie mobile, alors que, sur la quasi-totalité du territoire national, les opérateurs privés ou publics l'ont gracieusement mise en place. Il est injuste que les citoyens soient distingués selon qu'ils sont ou non rentables aux yeux de grands groupes industriels !
À cette injustice menace de s'ajouter une seconde : le risque de suppression de l'antenne locale de France 3 Périgord, aujourd'hui diffusée en analogique, et qui, voyant son espace de diffusion morcelé entre France 3 Poitou-Charentes au nord, France 3 Limousin à l'est depuis Brive, et France 3 Bordeaux à l'ouest, perdrait une grande partie de son intérêt.
Je vous demande en conséquence, monsieur le ministre, de bien vouloir m'indiquer les intentions du Gouvernement quant à la desserte en TNT du territoire de la Dordogne.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je le dis très clairement, tous les Français doivent avoir accès à la télévision numérique terrestre, et donc aux dix-huit chaînes de télévision gratuites.
Vous évoquiez l'injustice dont la Dordogne aurait été victime. Mais elle n'est pas la seule dans cette situation ! En effet, aujourd'hui, environ 50 % de Français seulement ont accès aux dix-huit chaînes de télévision numérique gratuites, alors que les autres n'ont droit qu'à trois, quatre ou cinq chaînes. Ce problème concerne donc non pas uniquement la Dordogne, mais une majorité de Français, malheureusement !
Ce constat est également valable en ce qui concerne la téléphonie mobile, puisque trois mille communes ont été identifiées en zone blanche, certaines d'entre elles étant situées en Dordogne. Il en est de même pour le haut débit, 10 % du territoire étant encore en zone blanche.
Bien évidemment, les territoires les plus ruraux sont les premiers concernés, alors que, comme vous le disiez très justement, les zones urbaines bénéficient gratuitement, la prestation restant payée par les usagers, d'équipements qui ne coûtent rien à la collectivité. En effet, les opérateurs y trouvent leur compte ! En revanche, ils ne s'installent pas dans les territoires défavorisés, car ils n'ont que l'espérance de dégager des déficits.
C'est en ces circonstances qu'il appartient à l'État et à la collectivité de prendre le relais. Voilà ce que j'appelle non pas l'égalité, mais l'équité. L'égalité, c'est donner la même chose à tout le monde ; l'équité, c'est donner plus à ceux qui ont moins. Notre devoir, monsieur Cazeau, est de faire en sorte que ceux qui n'ont pas, puissent avoir, quel qu'en soit le coût pour la collectivité. Telle est la politique que le Gouvernement tend à mettre en place.
Vous avez parlé d'injustice historique. Mais l'histoire, c'est le passé. Aujourd'hui, le Gouvernement agit. En qualité de ministre délégué à l'aménagement du territoire, j'ai décidé que, en 2007, la France, dans les trois domaines que vous avez évoqués, devrait offrir une couverture numérique à 100 % des foyers. Vous me demanderez sans doute comment !
Qu'en est-il, tout d'abord, de la télévision numérique terrestre ? D'ici au début de 2007, l'équipement de 115 sites devrait permettre à 80 %, voire 85 %, de foyers d'accéder aux dix-huit chaînes de télévision gratuites.
Pour atteindre le même résultat pour les 15 % ou 20 % de foyers restants, parmi lesquels on en dénombre un certain nombre en Dordogne, il conviendrait d'équiper 3 000 sites, en plus des 115 évoqués. Imaginez le coût et la prouesse ! C'est pourquoi nous avons décidé de monter un bouquet satellitaire d'ici à la fin de l'année. Il ne coûtera rien aux usagers ni aux collectivités, et il permettra de couvrir les 15 % à 20 % de foyers ne disposant pas de l'accès à la télévision numérique terrestre.
Naturellement, un tel dispositif n'exclut pas que nous poursuivions le programme d'équipement pour les zones urbaines mal desservies. En effet, j'envisage que l'on aménage encore de 600 à 800 sites de plus pour parvenir, d'ici à deux ans, à une couverture par le réseau terrestre de 90 % du territoire. D'ici au début de l'année 2007, 100 % des foyers auront donc accès à la télévision numérique terrestre, que ce soit par voie terrestre ou satellitaire.
Je tiens, par ailleurs, à vous apporter une précision relative à la télévision locale, France 3 régionale. En effet, comme moi, vous vous intéressez beaucoup à ces sujets.
Vous craignez sans doute de ne pas avoir accès, par le satellite, aux programmes régionaux. Il existe, dans notre pays, vingt-quatre décrochages régionaux des chaînes. Afin de pouvoir y avoir accès par le satellite, sur le programme TNT, il faut trois transpondeurs sur le satellite, chaque transpondeur permettant d'accéder à huit décrochages régionaux.
Ce système offre un immense avantage par rapport à la situation actuelle. Une fois que seront équipés ces trois transpondeurs sur le satellite, pour les vingt-quatre décrochages régionaux, vous pourrez où que vous soyez, monsieur Cazeau, avoir accès aux dix-huit chaînes de la télévision numérique terrestre. Ainsi, même si vous êtes en déplacement en Charente-Maritime, par exemple, vous pourrez, à dix-neuf heures, regarder le programme régional de la Dordogne.
Voilà donc ce que nous offrirons à l'ensemble des foyers reliés à la TNT ! En tout cas, 100 % pourront y avoir accès. Il s'agit ensuite d'un choix : soit on souhaite s'équiper du décodeur, soit on ne le souhaite pas, à moins que le téléviseur soit déjà équipé. Mais, en termes de programmes, que ce soit par le satellite ou par les équipements terrestres, ce sera gratuit !
En ce qui concerne la téléphonie mobile, je salue, là encore, le président du conseil général de la Dordogne que vous êtes, puisque votre département fait partie de ceux qui ont accepté de contribuer au programme national que nous avons lancé et pour lequel l'État apporte, au titre de la phase I, qui concerne les deux tiers des 3 000 communes situées en zone blanche, 44 millions d'euros. S'y ajoutent 20 millions d'euros d'exonérations de TVA, ainsi qu'un complément versé par certains conseils généraux, que je viens d'évoquer, ce qui permettra, d'ici à la fin de l'année, d'équiper quelque 2 000 communes.
En ce qui concerne la phase II, elle est entièrement financée par les opérateurs, Orange, Bouygues et SFR. Vingt-trois départements l'ont déjà abordée, tandis que le programme de la phase I a été réalisé à concurrence de 50 %. Ainsi, près de 600 communes sur les 3 000 concernées sont déjà desservies. Les opérations d'équipement se poursuivant à raison de 80 à 100 communes par mois - je réunis les opérateurs tous les mois pour veiller à ce que ce rythme soit respecté -, l'ensemble des zones blanches seront couvertes d'ici à 2007.
Quant à l'ADSL, monsieur le sénateur, le taux de foyers pouvant y accéder atteint maintenant, selon les départements, 92 %, 94 %, voire 95 %. Entre les programmes actuels des opérateurs et les systèmes alternatifs par satellites, tels que le Wi-Max, pour lesquels le ministère chargé de l'industrie a lancé un appel d'offres afin que nous puissions mettre en oeuvre les programmes satellitaires à partir du second semestre de 2006, nous serons en mesure, toujours d'ici à 2007, de couvrir l'ensemble des zones blanches.
En conclusion, le 100 % numérique sera effectif pour le haut débit, la téléphonie mobile et la télévision numérique terrestre d'ici à 2007. Je m'y engage.
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.
M. Bernard Cazeau. Je vous remercie, monsieur le ministre, des détails que vous venez de nous donner concernant les évolutions en cours, s'agissant notamment du bouquet satellitaire.
Je voudrais partager votre optimisme. En tout état de cause, nous verrons, à l'usage, quels seront les résultats, puisque vous nous affirmez, monsieur le ministre, que, à l'horizon de 2007, la télévision numérique pourra être captée sur l'ensemble du territoire. Nous serons vigilants, en espérant que, à l'avenir, nous ne serons pas contraints, comme aujourd'hui, de faire participer nos concitoyens au financement de la mise en place du haut débit.
conséquences du traitement du dossier des catastrophes naturelles au titre de la sécheresse 2003 dans le gers
M. le président. La parole est à M. Yves Rispat, auteur de la question n° 956, adressée à M. le ministre délégué aux collectivités territoriales.
M. Yves Rispat. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur les injustices dont sont victimes 161 communes du Gers, qui ont été exclues du bénéfice du dispositif d'indemnisation des catastrophes naturelles alors qu'elles ont subi des mouvements de terrain consécutifs à la sécheresse de 2003.
Je me permets de rappeler que près des trois quarts des 463 communes du département du Gers avaient demandé à être reconnues sinistrées. Après un premier refus global, 163 communes ont pu obtenir cette reconnaissance. Toutes ces communes sont situées dans l'est du département, à proximité du bassin de la Garonne. J'ai apporté une carte (L'orateur brandit une carte présentant deux zones différemment colorées), qui est éloquente. Voilà comment a été divisé le département : certaines communes ont été arrosées, d'autres n'ont été que mouillées ; il y a des gagnants et des perdants ! Tout cela est difficile à admettre.
On a d'abord prétendu que les communes non retenues ne répondaient pas à différents critères. Par exemple, les sols n'y seraient pas argileux, ce qui est absolument faux. En effet, c'est à l'ouest du département que l'on trouve les terrains les plus argileux.
On nous a ensuite affirmé que les éléments d'appréciation avaient été fournis par le Bureau de recherches géologiques et minières. Interrogé, celui-ci nous a fait savoir qu'il ne peut nous communiquer aucune information, le rapport établi étant confidentiel. Je tiens cette réponse à votre disposition, monsieur le ministre !
Enfin, concernant la réserve hydrique, qui doit être inférieure ou égale à 21 % de la normale, on fait état, pour ma propre commune, Lupiac, que vous devriez connaître, car elle est célèbre (Sourires), de renseignements fournis par la station météorologique de Mont-de-Marsan. Il est tout de même curieux qu'une commune du Gers dépende désormais de Mont-de-Marsan !
Cela étant, j'ai donc écrit à la station de Météo France de Mont-de-Marsan, qui m'a indiqué que, ma commune étant située dans le département du Gers, elle avait transmis ma lettre au délégué départemental de Météo France pour le Gers, qui est l'interlocuteur qualifié pour tout dossier. Or, quand on s'adresse à lui, il répond que les critères ont été élaborés par la commission interministérielle, que Météo France a appliqué ceux-ci à l'échelon central, que, à la demande de ladite commission, le rapport est resté confidentiel, et que les services départementaux de Météo France n'ont pu y avoir accès. Cette façon de procéder est assez décevante en termes de transparence...
Tout cela montre avec quel manque de sérieux ont été examinées les demandes formulées par 161 communes véritablement sinistrées et explique la perte de confiance que peuvent éprouver la moitié des élus d'un département. Ce n'est pas la mobilisation, qualifiée d'exceptionnelle, d'une enveloppe globale de 180 millions d'euros pour toute la France, 30 millions d'euros étant affectés aux communes limitrophes de celles qui ont été reconnues victimes de catastrophe naturelle, 150 millions d'euros étant répartis entre toutes les autres, qui permettra de les satisfaire.
De plus, cette mesure confirme les injustices. Elle est tout à fait dérisoire par rapport à l'étendue des dégâts et au coût des réparations.
Cela va se traduire, dans le Gers, par trois façons différentes et inégalitaires de traiter les dossiers.
En premier lieu, les communes reconnues sinistrées seront indemnisées selon la procédure habituelle s'agissant de catastrophes naturelles, en liaison avec les compagnies d'assurances.
En deuxième lieu, les communes limitrophes de celles qui ont été retenues, soit une dizaine dans le Gers, émargeront à une enveloppe nationale de 30 millions d'euros.
En troisième lieu, toutes les autres communes se partageront, à l'échelon national, 150 millions d'euros, ce qui ramènera le montant maximal de l'indemnité, accordée après examen du dossier par une commission départementale, à 42 000 euros par commune, ce qui équivaut à peu près à satisfaire une demande d'indemnisation par commune.
Ainsi, dans notre département, le plus agricole de France, toute prise en charge est exclue pour la totalité des bâtiments d'exploitation agricole. Il en va de même pour toutes les résidences secondaires, dans cette région à vocation touristique. Enfin, pour les 161 communes que j'ai évoquées au début de mon intervention, les bâtiments communaux ne pourront faire l'objet d'aucune indemnisation.
Tous ces éléments expliquent que ce dossier important suscite, parmi les habitants de notre département, notamment ceux des 161 communes exclues, qu'ils soient propriétaires, entrepreneurs ou maires, un profond mécontentement, justifié et difficilement contrôlable.
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous avez déjà, à de très nombreuses reprises, exprimé vos préoccupations quant à la situation de 161 communes du département du Gers pour lesquelles l'état de catastrophe naturelle au titre des mouvements de terrain différentiels consécutifs à la sécheresse et à la réhydratation des sols survenues en 2003 n'a pas été reconnu. Plusieurs réunions de travail ont été organisées, à votre demande, au ministère de l'intérieur.
Mon collègue Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales, auquel vous avez adressé votre question, m'a prié de l'excuser auprès de vous. Je vais vous apporter en son nom un certain nombre d'éléments de réponse.
Le Gouvernement, vous le savez, porte à cette situation tout à fait exceptionnelle une attention constante, qui l'a conduit à assouplir à plusieurs reprises les critères retenus pour accorder la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.
Ainsi, sur l'ensemble du territoire national, plus de 4 000 communes ont été déclarées en état de catastrophe naturelle du fait de la sécheresse de l'été de 2003, soit le nombre le plus élevé depuis 1982, le cas des tempêtes de 1999 étant exclu.
Pour donner un avis sur les demandes de classement en état de catastrophe naturelle, la commission interministérielle compétente se fonde sur des critères précis : présence d'argile sur le territoire de la commune attestée par un rapport ou une étude géotechnique, critères météorologiques permettant de qualifier l'intensité anormale de la sécheresse de 2003.
Afin de définir l'intensité anormale de la sécheresse de 2003, Météo France dispose de stations de référence qui découpent le territoire national en 200 zones, chacune d'entre elles correspondant à un ensemble géographique homogène d'un point de vue climatique, ce qui explique les choix de la commission interministérielle.
Pour qu'une commune soit éligible, les deux conditions suivantes doivent être cumulativement remplies : d'une part, la réserve hydrique moyenne au troisième trimestre de 2003 doit avoir été inférieure ou égale à 21 % de la réserve hydrique normale ; d'autre part, le nombre de décades pendant lesquelles la réserve hydrique a été nulle doit être compris entre le premier et le troisième rang sur la période de 1989 à 2003. Enfin, si la commune n'est pas éligible au regard de ces deux conditions, elle peut l'être au vu du critère de la durée de retour, qui doit être égale ou supérieure à vingt-cinq ans.
Outre qu'elle doit remplir ces conditions, la commune doit également attester de la présence d'argile sur une partie de son territoire.
Dans le département du Gers, les communes sont rattachées à l'une des cinq stations de référence suivantes : Auch, Blagnac, Clarac, Estillac et Mont-de-Marsan. Pour trois d'entre elles, l'ensemble des critères météorologiques définis pour qualifier la sécheresse de 2003 sont remplis, ce qui a permis de reconnaître l'état de catastrophe naturelle pour 166 communes sur 328 communes demanderesses. Un peu plus de la moitié des demandes ont donc été satisfaites.
Cependant, le Gouvernement est bien conscient que la procédure de reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle, telle qu'elle est actuellement définie par la loi de 1982, n'a pas permis de traiter de manière satisfaisante le problème dans toute son ampleur. Aussi a-t-il proposé au Parlement, pour tenter de répondre à la situation dramatique des familles qui n'ont pu bénéficier de l'élargissement des critères, la mise en place d'une procédure exceptionnelle d'aide, désormais fixée par l'article 110 de la loi de finances pour 2006 du 30 décembre 2005.
Ce dispositif a été doté, dans la loi de finances, de 180 millions d'euros, et les préfets recueillent actuellement, conformément aux instructions de l'arrêté interministériel du 3 février 2006, les dossiers types de demande d'aide financière remplis par les propriétaires des bâtiments à usage d'habitation principale endommagés.
D'ici à la fin du mois de mars, le ministère de l'intérieur procédera à une première évaluation du dispositif et, si nécessaire, proposera au ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, ainsi qu'au Premier ministre, de nouvelles mesures pour adapter la réponse de l'État à la gravité de la situation.
À ce stade, l'éligibilité des demandes sera déclarée par les préfets, qui verseront les aides aux propriétaires, ce qui permettra de réaliser les travaux de confortement nécessaires au rétablissement de l'intégrité de la structure, du clos et du couvert des habitations principales.
Ce traitement rapide, sans recours à des expertises compliquées et coûteuses, mais avec le concours des assureurs, doit permettre aux préfets d'arrêter, avant la fin du premier semestre de 2006, la liste des bénéficiaires de cette ultime procédure déconcentrée.
Voilà, monsieur le sénateur, ce que je peux vous indiquer aujourd'hui. J'aurai le plaisir d'être à vos côtés vendredi prochain, dans votre département. Nous aurons l'occasion de nous entretenir à nouveau de ce sujet, voire de nous rendre compte ensemble, sur le terrain, des difficultés que vous avez évoquées une fois de plus. Nous mettrons tout en oeuvre pour apporter les réponses les plus pragmatiques et les plus efficaces aux légitimes inquiétudes de vos administrés, que vous venez de traduire avec toute la précision nécessaire.
M. le président. La parole est à M. Yves Rispat.
M. Yves Rispat. Je suis heureux, monsieur le ministre que vous veniez dans notre département : cela vous permettra de constater que l'ensemble du terrain est argileux, que les Gascons sont fermes et durs, et qu'ils ne vont pas se contenter de la réponse que vous m'apportez aujourd'hui !
Je me permets de vous conseiller de contrôler vos services, car les lettres de Météo France que j'ai sous les yeux énoncent clairement qu'il y a confidentialité sur ce problème.
Les compagnies d'assurance affichant un résultat fantastique cette année, je ne comprends pas pourquoi on les ménage à ce point. Elles ont des responsabilités dans cette affaire et toutes les demandes doivent être prises en compte. Il serait réellement abusif de rejeter ces dernières : personne ne pourrait l'admettre.
S'il est exact que nous avons été reçus et entendus à plusieurs reprises au ministère de l'intérieur, force est de constater que les résultats obtenus jusqu'à présent sont insuffisants, et j'espère que vous en prendrez conscience.
indemnité de transport des fonctionnaires affectés en corse
M. le président. La parole est à M. François Vendasi, auteur de la question n° 950, adressée à M. le ministre de la fonction publique.
M. François Vendasi. Monsieur le ministre, les fonctionnaires et agents de l'État et de la fonction publique territoriale qui exercent en Corse bénéficient d'une indemnité compensatrice pour frais de transports.
Les décrets des 20 avril et 8 août 1989, relatifs aux agents de l'État, d'une part, et aux personnels territoriaux, d'autre part, ont été suivis d'arrêtés fixant le montant desdites primes.
Les primes versées aux agents de l'État ont été fixées par un arrêté en date du 12 juin 2003.
Les primes applicables aux agents et fonctionnaires de la fonction publique territoriale sont fixées, quant à elles, par un décret publié le 27 avril 1995 !
C'est ainsi que, depuis plus de dix ans, les agents et fonctionnaires territoriaux de Corse subissent, en percevant la somme de 886,34 euros par agent, une perte substantielle de pouvoir d'achat par rapport à leurs collègues qui appartiennent à la fonction publique d'État, lesquels perçoivent 963,47 euros.
Cette injustice ne saurait durer plus longtemps, sauf à admettre que les pouvoirs publics ne traitent pas équitablement tous les agents de la fonction publique.
C'est pourquoi je vous remercie de bien vouloir m'indiquer si la revalorisation effectuée en juin 2003 pour la fonction publique d'État s'applique automatiquement à la fonction publique territoriale.
Dans l'affirmative, je vous remercie de bien vouloir me communiquer les fondements juridiques sur lesquels cette position est arrêtée.
À défaut, je vous remercie de bien vouloir m'indiquer dans quelle mesure, et ce dans un esprit d'équité, un mécanisme de revalorisation de la prime allouée aux agents de la fonction publique territoriale corse pourrait être mis en place et dans quels délais.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le sénateur, l'indemnité compensatoire pour frais de transport étant liée à l'affectation professionnelle des agents de l'État, elle ne peut bien évidemment pas bénéficier aux retraités, qui, eux, choisissent librement leur lieu de résidence.
En outre, le versement d'une indemnité particulière aux seuls retraités de la fonction publique serait contraire au principe d'égalité républicaine.
Votre question relative au taux de l'indemnité de transport m'offre l'occasion, monsieur le sénateur, d'illustrer la nouvelle approche des relations financières entre l'État et les collectivités locales. Cette nouvelle approche, présentée par le Premier ministre le 11 février dernier, lors de la Conférence nationale sur les finances publiques, peut être ainsi résumée : l'État ne prend plus aucune disposition créant des charges nouvelles pour les collectivités locales sans concertation préalable avec celles-ci.
Concernant le cas particulier de l'indemnité compensatoire pour frais de transport en Corse, je peux comprendre votre souhait d'aligner le taux en vigueur dans la fonction publique territoriale sur le taux en vigueur dans la fonction publique de l'État, mais un tel alignement entraînerait un coût supplémentaire pour les collectivités territoriales.
C'est pourquoi, à la lumière de votre question, je vous propose de demander au préfet de la région Corse d'organiser cette concertation avec les exécutifs locaux pour voir si un consensus se dégage en faveur de cet alignement. En tout état de cause, une telle décision ne peut être prise sans un accord des exécutifs locaux, dès lors que les collectivités territoriales devront assumer la charge financière supplémentaire.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que je suis en mesure de vous fournir.
M. le président. La parole est à M. François Vendasi.
M. François Vendasi. Je tiens à remercier M. le ministre des explications qu'il vient de m'apporter.
localisation du cigt « myrabel » dans le sillon lorrain
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la question n° 946, adressée à M. le ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.
M. Daniel Reiner. Ma question traduit l'étonnement des responsables politiques locaux de tous bords et des professionnels lorsqu'ils ont appris que la direction générale des routes avait, ou aurait, validé le choix du site de Moulins-lès-Metz, pour implanter dans le Sillon Lorrain le centre d'ingénierie et de gestion du trafic, le CIGT - il répond au très joli nom de « Myrabel », particulièrement heureux en Lorraine - à la place du centre qui fonctionne actuellement à Champigneulles, dans l'agglomération nancéienne.
Dans la phase actuelle de redéfinition et de réorganisation des services de l'État en matière de gestion des routes et d'équipement, il importe que les choix soient pertinents en termes d'efficacité, de qualité du service rendu aux usagers - je rappelle que ce centre gère le trafic en temps réel - ainsi qu'en termes d'économies.
Or, le site de Champigneulles nous paraît présenter des avantages évidents qui avaient d'ailleurs été reconnus puisque les arbitrages ministériels de 2002 avaient décidé de le retenir sur la base de plusieurs critères.
Premièrement, des critères géographiques : Champigneulles occupe une position centrale au carrefour des axes nord-sud - l'autoroute A 31 de Luxembourg à Dijon et la RN 4 de Paris à Strasbourg, la RN 57 et la RN 59 qui desservent la montagne vosgienne.
Deuxièmement, des critères financiers : les bâtiments, inaugurés en 2003, sont nouveaux ; le CIGT a bénéficié de 3 millions d'euros pour s'installer dans de bonnes conditions ; une salle opérationnelle existe déjà, dont le fonctionnement donne toute satisfaction.
Troisièmement, des critères d'ordre fonctionnel : le site est stratégique, puisqu'il se trouve à proximité de la nouvelle direction interrégionale des routes et des outils d'information quotidienne pour la Lorraine : FR3, France Bleue et, surtout, la CRS 39, qui s'occupe de la gestion du trafic.
Il nous paraissait essentiel de prendre ces critères en compte dans le choix final de la localisation de ce centre d'ingénierie. J'y ajoute tout l'intérêt qu'il y aurait à installer ce centre en cet endroit afin d'assurer une excellente coordination entre les services de l'État, du département et de la communauté urbaine : les intempéries que nous connaissons depuis trois mois ont mis en évidence à plusieurs reprises la nécessité d'assurer une bonne coordination entre tous ces intervenants.
Il me paraît essentiel que le choix de l'implantation résulte d'une analyse approfondie, croisant ces facteurs objectifs, et ne constitue que la meilleure réponse aux divers problèmes.
Dois-je ajouter que cette décision d'implantation aurait gagné à être transparente ? Vous allez contribuer par votre réponse, monsieur le ministre, à cette transparence qui a semblé faire défaut jusqu'à présent, et, d'ores et déjà, je vous remercie des précisions que vous allez m'apporter sur cette question.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Christian Jacob, ministre de la fonction publique. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord vous présenter les excuses de Dominique Perben à qui s'adressait votre question et qui m'a chargé de vous transmettre sa réponse.
Vous évoquez le centre d'ingénierie et de gestion du trafic, le CIGT, qui permet de gérer les autoroutes du Sillon Lorrain et tout particulièrement l'autoroute À 31.
Le transfert aux départements de près de 20 000 kilomètres de routes nationales conduit l'État à se réorganiser.
Nous souhaitons que cette réforme se fasse au bénéfice de l'usager en nous structurant suivant une logique d'itinéraire. L'exploitation des autoroutes du Sillon Lorrain sera donc confiée à un gestionnaire unique : la direction interdépartementale des routes de l'Est.
Il semble indispensable que la section non concédée de l'autoroute A 31, entre Toul et le Luxembourg, soit pilotée par un centre unique de décision. Tel est d'ailleurs le sens de la décision ministérielle pour l'exploitation des autoroutes du Sillon Lorrain qui a prévu l'implantation du CIGT « Myrabel ».
Ce centre présente la particularité d'être actuellement réparti sur deux sites : à Moulins-lès-Metz, près de Metz, et à Champigneulles. Cette particularité avait été décidée pour donner la possibilité à la DDE de Meurthe-et-Moselle de bénéficier des moyens du CIGT pour l'exploitation du réseau départemental du conseil général de Meurthe-et-Moselle.
La décentralisation conduit à clarifier les responsabilités de l'État, responsable des seules routes nationales, et du conseil général, en charge, avec des services autonomes, des routes départementales.
Cette évolution conduit donc à prévoir, pour l'État, un centre unique de décision pour gérer globalement et de manière cohérente les autoroutes du Sillon Lorrain qui sont de sa compétence.
La question se pose ensuite de déterminer la localisation de ce centre. Actuellement, le CIGT de Metz regroupe une équipe bien dimensionnée et très spécialisée, qui travaille exclusivement sur les routes dont l'État garde la compétence.
Le CIGT de Nancy intervient en grande partie pour le compte du conseil général de Meurthe-et-Moselle. Un transfert partiel de ses moyens au département apparaît donc naturel.
De plus, les locaux de Moulins-lès-Metz ont été aménagés en 1999 pour accueillir le CIGT. Ils sont aujourd'hui adaptés à une gestion globale des autoroutes du sillon lorrain. Ils sont proches du centre régional d'information routière et du préfet de défense de zone, donc des centres de décision. Ils auront nécessairement des échanges fréquents, notamment lors d'une crise importante. Leur rapprochement serait donc un élément positif pour la bonne gestion des routes.
Beaucoup de considérations techniques militent donc pour une implantation unique à Metz. Toutefois, le ministre de l'équipement a souhaité que les préfigurateurs des directions interdépartementales des routes se tiennent à la disposition des élus et des responsables pour approfondir la question. Il prendra sa décision d'implantation dans les prochaines semaines, à la lumière de ces discussions.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que M. le ministre de l'équipement, des transports, du tourisme et de la mer m'a chargé de vous transmettre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. J'attendais, monsieur le ministre, une réponse un peu plus précise. En effet, vous nous dites que la décision n'est toujours pas prise et que vous allez écouter les uns et les autres. Nous considérons par conséquent que ce centre, dans son implantation actuelle, dispose des meilleurs atouts pour gérer l'ensemble des routes de la direction interdépartementale, d'autant que cette dernière est située à Nancy, donc juste à côté.
Soyons clairs : nous craignons que le choix final résulte non pas de la prise en compte de critères techniques opérationnels, mais de la recherche d'une sorte d'équilibre.
Nous entendons donc faire valoir nos arguments en faveur du site de Champigneulles, d'autant que, en cette période d'économies, la solution qu'il offre serait beaucoup moins onéreuse que celle d'un regroupement à Moulins-lèz-Metz.
procédure applicable aux factures d'électricité impayées
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé, auteur de la question n° 923, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. René-Pierre Signé. J'appelle l'attention de Mme la ministre sur les rapports entre l'entreprise publique EDF et ses usagers, et plus particulièrement sur l'application du décret du 10 août 2005 relatif à la procédure applicable aux particuliers en cas de factures d'électricité impayées.
Ce texte désengage l'État et transfère, sans analyse d'échelonnement de dette préalable, les dossiers des débiteurs au président du conseil général - mais bien souvent aussi, par le biais du CCAS, au maire -, désormais responsable des non-paiements des clients d'EDF.
Ce désengagement de l'État sans compensation financière paraît bien constituer une entorse à la mission de service public d'EDF.
Je demande donc à Mme la ministre, premièrement, qu'EDF procède à un examen de la situation de l'usager afin d'établir un échéancier de paiement avant de transmettre le dossier au conseil général ou à la mairie et, deuxièmement, que l'État intervienne, si possible dans le cadre du fonds de solidarité pour le logement, transféré aux départements, par une exonération de la TVA sur les factures des bénéficiaires de l'aide financière d'urgence accordée par le conseil général.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je vais tenter de clarifier les rôles respectifs d'information, d'échéancier et de paiement que vous avez évoqués, puisque vous attirez mon attention sur les conséquences, pour les départements, de l'application du décret du 10 août 2005 relatif à la procédure applicable aux particuliers en cas de factures d'électricité impayées.
Ce décret, vous le savez, est l'aboutissement d'une réflexion menée par le ministre délégué à l'industrie, associant l'ensemble des acteurs concernés par la problématique des coupures de courant, parmi lesquels les parlementaires, les élus locaux, les représentants d'associations et les fournisseurs d'électricité.
Il a d'ailleurs été pris pour exemple dans le cadre des débats parlementaires sur la loi portant engagement national pour le logement, l'application des mêmes procédures étant prévue pour le gaz naturel et pour l'eau.
Sur le fond, il ne s'agit pas de transférer aux collectivités locales la charge ou la responsabilité des relations que les fournisseurs d'électricité continueront normalement d'exercer à l'égard de leurs clients, ni d'organiser le désengagement de l'État sur ces questions.
Il s'agit au contraire d'une protection nouvelle au bénéfice des plus démunis. Le dispositif réglementaire antérieur est renforcé par une meilleure information des services sociaux par le fournisseur, afin que les personnes concernées puissent se déclarer auprès du fonds de solidarité pour le logement, le FSL, qui leur allouera éventuellement des aides pour acquitter leur facture.
Le président du conseil général est destinataire de ces informations, en sa qualité d'autorité responsable du FSL dans son département. Le maire est également informé afin de lui permettre, s'il le juge utile compte tenu des circonstances, d'octroyer une aide complémentaire de la municipalité et de suivre la situation des personnes concernées, que sa plus grande proximité lui permet de mieux comprendre et de mieux gérer.
En outre, le décret du 10 août 2005 renforce la responsabilité des fournisseurs d'électricité quant aux actions d'aide qu'ils peuvent engager, d'une part, en proposant des modalités de règlement du solde de la dette lorsqu'une aide a été attribuée, notamment sous la forme d'un échéancier de paiement, et, d'autre part, en développant des actions de prévention et d'information sur la maîtrise de la demande en énergie auprès de ces clients et en modulant éventuellement les tarifications à cet effet.
Je rappelle enfin que le transfert aux départements de la gestion du FSL à compter du 1er janvier 2005, qui intègre désormais à la fois les aides au logement et à l'énergie, est inscrit dans la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales. En contrepartie de ce transfert de charges, la loi a prévu les compensations financières ad hoc ; je vous renvoie à cet égard aux articles L. 1614-1 à L. 1614-7 du code général des collectivités territoriales.
Telles sont, monsieur le sénateur, les informations que je souhaitais vous apporter, au nom de mon collègue ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. le président. La parole est à M. René-Pierre Signé.
M. René-Pierre Signé. Vos propos, madame la ministre, ne me satisfont pas entièrement. En réalité, les choses ne se passent pas comme vous le décrivez.
Tout d'abord, les gens sont mal prévenus de ce qui va leur arriver, qu'il s'agisse, au mieux, de la mise en service minimum, ou de coupures d'électricité. Bien souvent, ils ne lisent pas les courriers qu'ils reçoivent, voire les déchirent, et sont alors mis devant le fait accompli.
Ensuite, ni les conseils généraux ni les CCAS ne sont mis au courant des échéanciers. Souvent, EDF demande qu'un premier effort soit fait pour amorcer en quelque sorte l'échéancier du remboursement de la dette. Les CCAS, qui sont sollicités pour engager un premier effort, ne peuvent le faire que s'ils connaissent l'échelonnement de la dette, préalablement accepté par le débiteur.
De surcroît, il s'agit tout de même de l'un des engagements d'EDF à l'égard de sa clientèle qui est transféré sur les collectivités. Il y a peut-être des compensations, mais je ne les ai pas beaucoup vues !
Enfin, vous ne m'avez pas répondu au sujet de l'exonération de la TVA que les départements acquittent sur ces factures visant à rembourser une entreprise publique, à savoir EDF. La décision est sans doute difficile à prendre. Je me permets néanmoins d'insister sur ce point, car une telle exonération soulagerait tout de même largement les départements, s'agissant de factures dont le montant finit par atteindre des sommes assez considérables.
conditions de réalisation du démantèlement des avions de l'armée de l'air
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu, auteur de la question n° 942, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
Mme Josette Durrieu. Madame la ministre, mes questions s'inscrivent dans le contexte assez angoissant de la désindustrialisation du département des Hautes-Pyrénées. Un millier d'emplois perdus pour un petit département - 700 emplois à GIAT-Industries, 300 emplois chez Alcan-Pechiney, mais vous m'avez déjà répondu sur ce dernier point -, c'est beaucoup !
L'opération sur laquelle j'attire aujourd'hui votre attention, ainsi que celle du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, est pour nous porteuse d'immenses espoirs : il s'agit du démantèlement des avions, dans un premier temps des avions commerciaux - Airbus - et, dans un second temps, nous l'espérons, des avions militaires.
Ce projet de démantèlement, dénommé « Tarmac », rassemble les sociétés SITA, Sogerma et Airbus dans le cadre du pôle de compétitivité de Midi-Pyrénées ; il vise notamment la valorisation et le recyclage de matériaux divers. Un léger espoir existe d'ailleurs, vous le savez, pour Alcan-Pechiney, à savoir la refusion de l'aluminium.
Le premier avion civil est arrivé, et la « phase 2006 » du processus de démantèlement est donc en cours. L'année 2007 devrait voir la mise en place du projet Tarmac. Nous attendons maintenant les avions militaires.
Mme la ministre de la défense avait indiqué, en janvier 2005, que des avions militaires seraient envoyés sur le site de Tarbes. Elle l'a confirmé en janvier 2006, en précisant que quatre-vingt-cinq avions seraient démantelés et que le site de Tarbes devrait en « bénéficier pour partie », ajoutant que, désormais, « le choix de la procédure administrative et donc du prestataire appartient au seul ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, et plus précisément de la direction nationale des interventions domaniales ».
Mes trois questions sont simples.
Quand ? C'est-à-dire quel est l'échéancier prévisionnel des opérations de démantèlement des premiers avions militaires ?
Combien ? C'est-à-dire combien d'avions l'expression « pour partie » recouvre-t-elle pour le site de Tarbes ?
Avec quels moyens ? Le projet Tarmac s'inscrit dans le projet du pôle de compétitivité de Midi-Pyrénées, et nous sommes assez inquiets, dans la région comme ailleurs, en ce qui concerne les crédits qui seront réellement dégagés pour accompagner ces opérations.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Madame la sénatrice, vous m'avez posé les questions suivantes : quand, combien et avec quels moyens financiers ? Je ferai de mon mieux pour répondre à vos questions, sur la base d'informations qui émanent du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, que j'ai le plaisir de représenter aujourd'hui devant la Haute Assemblée.
Vous avez fait référence à une question sur un thème proche, précédemment adressée à Mme la ministre de la défense. Vous attirez maintenant l'attention du ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur l'avenir du démantèlement des avions de l'armée de l'air. Ma réponse concerne d'ailleurs uniquement ces avions militaires.
Sur le fond, ces opérations relèvent avant tout de la compétence du ministère de la défense, puisque c'est bien l'armée de l'air qui décide de l'arrêt de l'activité opérationnelle de ses appareils et qui est responsable du traitement de la fin de vie des avions militaires ; disant cela, je ne suis pas en train d'éluder la réponse, madame la sénatrice, je tente simplement de clarifier une question de répartition des compétences.
D'ici à 2010, selon le ministère de la défense, environ quatre-vingt-cinq avions seraient concernés par des opérations de démantèlement.
Je m'attacherai essentiellement à vous apporter des précisions sur la procédure administrative, au titre de l'activité du service du domaine, qui reprend ses prérogatives une fois que la fin de vie des avions est décidée. C'est en effet à ce service que les avions à démanteler sont remis, afin de procéder à leur vente aux industriels actifs dans la valorisation des matières utilisées pour construire les avions, comme le projet Tarmac ambitionne de l'être dans votre région.
À ce jour, aucun dossier n'a encore été formellement déposé auprès du Domaine par le ministère de la défense, même si des discussions ont été entamées, comme l'indiquait la ministre de la défense dans sa réponse du 17 janvier dernier.
Je peux en revanche vous indiquer les règles applicables aux ventes domaniales de biens mobiliers de l'État, notamment celles qui s'appliquent aux ventes d'aéronefs militaires.
Les ventes domaniales, conformément à l'article L. 69 du code du domaine de l'État, peuvent être réalisées par appels d'offres avec publicité et mise en concurrence directe, ou par appels d'offres restreints sans publicité et avec mise en concurrence restreinte. Pour des considérations de défense nationale, d'utilité publique ou d'opportunité, des cessions amiables peuvent en effet être consenties, aux termes du troisième alinéa de l'article précité.
Le choix du mode de procédure et l'opportunité de recourir à la publicité dans le cas de procédures de cessions amiables sont laissés alors à l'appréciation du domaine, qui se prononce également sur le prix offert.
Le démantèlement intervient, dans le processus actuel, selon le schéma suivant : les matériels qui, préalablement à leur remise, ont fait l'objet d'une dépollution, notamment d'un désamiantage, sont cédés dans des conditions normales ; les matériels non dépollués donnent lieu à l'élaboration d'un cahier des charges de l'appel d'offres, préparé selon les éléments techniques et les données de l'armée, qui prévoit la dépollution du matériel et notamment, le cas échéant, son désamiantage.
S'agissant des appareils de l'armée de l'air, les opérations s'effectuent sur les bases militaires sous le contrôle général des armées, la levée de la caution déposée par l'acquéreur n'intervenant qu'après la présentation du bordereau de suivi des déchets industriels.
Tels sont les éléments de procédure que je pouvais porter à votre connaissance. Dans la mesure où le Domaine n'a pas été saisi, à ce jour, du dossier des quatre-vingt-cinq avions, je ne puis répondre à la question que vous avez posée sur l'échéancier prévisionnel ou la répartition des unités qui seront à démanteler.
M. le président. La parole est à Mme Josette Durrieu.
Mme Josette Durrieu. Madame la ministre, merci pour vos non-réponses ! À un moment donné, il faut cependant cesser de jouer avec les mots quand il s'agit de traiter de situations aussi dramatiques : les individus qui perdent leur travail perdent en effet tout.
Je veux bien que vous ne puissiez par répondre à la question : « quand ? ».
Cependant, dans ce cas, il est inutile que le ministère de la défense envisage cette perspective comme une solution à nos problèmes.
Je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir précisé quelles seraient les règles. De ces dernières, je retiens simplement la possibilité de cessions amiables. C'est pour partie ainsi, sans doute, que les avions arriveront sur un site plutôt que sur un autre.
Je retiens également qu'à ce jour aucun dossier n'a été déposé auprès du Domaine.
Je retiens enfin - ce point me paraît tout de même évident - que ne seront démantelés que des avions en fin de vie. Par conséquent, il ne me semble pas qu'un grand nombre d'entre eux sera proposé au démantèlement d'ici à 2010, et donc au traitement sur le site de Tarbes.
Certes, il existe sûrement des perspectives dans la mesure où ces avions devront bien être démantelés. Néanmoins, je ne pense pas que nous ayons grand-chose à attendre dans l'immédiat.
J'espérais évidemment une autre réponse, raison pour laquelle j'éprouve un peu de déception et d'amertume.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Je tiens à répéter ce que j'ai dit dans ma réponse : d'ici à 2010, quatre-vingt-cinq avions seront concernés par des opérations de démantèlement.
réalisation d'un barrage sur le cher à chambonchard
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 930, adressée à Mme la ministre de l'écologie et du développement durable.
M. Rémy Pointereau. Madame la ministre, j'ai attiré l'attention de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable sur le débit du Cher, notamment en période d'étiage, débit dont l'insuffisance est constatée depuis plusieurs années, et ce bien avant que la consommation des usagers ait augmenté.
En amont, dans le département de l'Allier, l'agglomération de Montluçon et les communes du bassin de Commentry semblent ne pas disposer d'une alimentation satisfaisante en eau potable, tant en qualité qu'en quantité.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que l'Établissement public d'aménagement de la Loire et de ses affluents, l'EPALA, devenu récemment l'Établissement public Loire, l'EPL, avait prévu - avant d'abandonner cette idée en 1999 sur décision du gouvernement de l'époque - la réalisation d'une retenue à Chambonchard, en tête du bassin du Cher, aménagement situé dans les départements de la Creuse et de l'Allier, en bordure du Puy-de-Dôme.
Les financements étaient à l'époque assurés, les acquisitions foncières et les études effectuées pour un coût de plus de 20 millions d'euros. Le barrage aurait eu pour avantage principal de soutenir les étiages, et de garantir ainsi en aval l'approvisionnement en eau potable.
En outre, il paraîtrait que l'EPL a récemment décidé de rétrocéder une partie des terrains au conseil général de la Creuse, qui les revendrait à des particuliers, alors que ceux de la rive droite de la rivière, dans l'Allier, restent la propriété de l'établissement public.
À l'heure où l'on pronostique un nombre croissant de problèmes d'eau potable d'ordre quantitatif pour les prochaines décennies, il s'avère à mon avis indispensable de prévoir et de disposer de réserves d'eau suffisantes. Ces dernières pourraient être stockées l'hiver, à un moment où des millions de mètres cubes s'évacuent vers la mer en provoquant parfois des crues dommageables, comme c'est d'ailleurs le cas au moment où je vous parle !
Je vous demande donc, madame la ministre, de bien vouloir me préciser si la construction du barrage de Chambonchard, dans la haute vallée du Cher, est un projet toujours d'actualité ou s'il est définitivement abandonné par le Gouvernement, ce que je déplorerais, bien évidemment.
C'est une question que j'estime essentielle pour l'avenir de mon département et des départements voisins, car des dispositions seraient alors à prévoir afin de redonner au Cher un débit suffisant, compatible avec les objectifs du schéma régional de gestion de l'eau.
Nous ne pouvons pas continuer à soutenir un certain intégrisme écologique, qui nous amène à ne plus anticiper l'avenir. En effet, sans maîtrise de la ressource en eau, en quantité ou en qualité, nul développement durable n'est possible.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, le Gouvernement comprend votre préoccupation en matière de gestion des ressources en eau et il est extrêmement sensible à ce problème.
Dans le cadre du plan de gestion de la rareté de l'eau, présenté lors du conseil des ministres du 26 octobre 2005, Mme Nelly Olin, qui m'a chargé de bien vouloir la représenter devant vous ce matin, a proposé un ensemble de mesures qui permettront de réduire durablement la vulnérabilité de l'alimentation en eau durant les périodes de sécheresse et de concilier les différents usages, tout en préservant la qualité des milieux aquatiques.
Le projet du barrage de Chambonchard date des années soixante-dix et a vu le jour dans un contexte marqué par des prévisions de très forte augmentation des prélèvements d'eau dans le haut bassin du Cher. Il ne répond plus aujourd'hui aux besoins prioritaires du bassin dont les prélèvements sont stabilisés depuis quinze ans.
Le Gouvernement vous confirme donc que ce projet n'est plus d'actualité. Le comité syndical de l'Établissement public Loire, l'EPL, vient d'ailleurs de décider officiellement son abandon définitif et il rétrocède au département de la Creuse les terrains acquis pour la construction de l'ouvrage.
Les difficultés rencontrées sont davantage liées à la gestion de la ressource en eau et à sa pollution.
C'est pourquoi un programme d'action est étudié depuis 1999, en totale concertation avec les collectivités territoriales, par l'agence de l'eau Loire-Bretagne et les services de l'État Il prévoit notamment un renforcement de la dépollution des eaux usées de Montluçon et un volet relatif à l'amélioration de la sécurité de l'alimentation en eau potable des secteurs de Montluçon et de Commentry, dans l'Allier.
Les financements annoncés pour ce programme sont réservés dans le budget de l'agence de l'eau.
Au-delà de ces mesures, les réflexions relatives à l'amélioration de la ressource ont vocation à s'inscrire dans les deux schémas d'aménagement et de gestion des eaux de Cher amont et de Cher aval dont l'élaboration est engagée.
M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.
M. Rémy Pointereau. Bien évidemment, madame la ministre, votre réponse ne me satisfait absolument pas puisque nous connaîtrons dans les décennies à venir, quels que soient les usages de l'eau et l'importance des économies réalisées, des problèmes d'approvisionnement et de régulation de débit du Cher, problèmes qui existaient bien avant l'irrigation et les prélèvements.
Ces problèmes, comme nous avons pu le constater ces derniers jours, sont aujourd'hui davantage liés aux changements climatiques, avec des alternances de longues périodes de sécheresse et de pluie.
Nous devons impérativement trouver des moyens pour stocker l'eau durant les périodes où elle tombe en excès, pour la libérer durant les périodes où elle se fait plus rare. De tels procédés se pratiquent depuis des siècles, et nous devons continuer à préserver cette eau qui deviendra rare dans les décennies à venir.
La retenue en question avait pour objet à la fois de sécuriser l'effort engagé pour la reconquête de la qualité des eaux et des milieux, et de favoriser une gestion globale et solidaire de l'eau sur le Cher, ses affluents ainsi que les grandes ressources souterraines.
De plus, dans le cadre du développement des énergies renouvelables, cet ouvrage aurait permis de mettre en place une centrale hydroélectrique de grande capacité. Il aurait également permis de sécuriser le refroidissement des centrales nucléaires situées en aval, qui sont parfois à la limite de la rupture en période d'étiage, comme cela a pu être constaté en 2003 et en 2004.
Encore une fois, la décision d'abandonner un tel projet me semble porter préjudice à l'intérêt général. Il n'est pas bon de se ranger à l'avis des ayatollahs de l'écologie, qui sont toujours contre tout !
Pour ce projet, les habitants du secteur ont été déplacés et indemnisés, les terrains ont été achetés, des études lourdes et coûteuses ont été réalisées - vous le savez, madame la ministre, puisque l'État a été condamné à rembourser 8 millions d'euros à toutes les collectivités qui avaient financé ces études et ces achats !
L'EPL a maintenant décidé, vous nous l'avez dit, de rétrocéder les propriétés dans un certain nombre d'endroits.
Je vous demande instamment, au nom d'un certain nombre d'élus de ces trois départements, d'arrêter ce gâchis : ne baissons pas les bras devant un certain nombre de lobbies et relançons ce projet de Chambonchard !
En effet, dans les années à venir, compte tenu des changements climatiques, nous aurons des problèmes en termes de quantité d'eau, et nulle espèce d'économie au monde ne pourra les résoudre ! (M. Dominique Leclerc applaudit.)
aides des départements en faveur de l'emploi
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, auteur de la question n° 945, adressée à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.
M. Alain Fouché. Ma question porte sur la volonté de certains conseils généraux de faciliter l'emploi des jeunes de moins de vingt-cinq ans et des demandeurs d'emploi de plus de cinquante ans en apportant une aide aux employeurs qui les recrutent.
Le conseil général que j'ai l'honneur de présider a mis en place cette politique depuis un certain nombre d'années, ce qui a permis de faciliter la création de 5 000 emplois.
En application des dispositions de l'article L.1511-2 du code général des collectivités territoriales, le conseil régional est dorénavant seul compétent pour définir le régime et décider l'octroi des aides aux entreprises.
Dans le deuxième alinéa de son article L. 1511-2, le code général des collectivités territoriales dispose que « les départements [...] peuvent participer au financement de ces aides dans le cadre d'une convention passée avec la région ». Le dernier alinéa de cet article limite toutefois ces aides à « la création ou l'extension d'activités économiques ». Tout cela ne facilite pas les choses !
Par ailleurs, l'article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales prévoit la possibilité, pour une collectivité autre que la région, de compléter les aides ou régimes d'aides mentionnés à l'article L. 1511-2. La conclusion d'une convention entre l'État et la collectivité concernée est, dans ce cas, nécessaire.
Or une circulaire ministérielle du 10 septembre 2004, dont l'objet est l'entrée en application de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, précise que « l'État apparaît désormais comme le garant du respect du principe de non-tutelle - on a toujours parlé du principe de non-tutelle - d'un niveau de collectivité territoriale sur une autre puisque, pour la mise en oeuvre des aides définies à l'article L. 1511-2, le nouveau dispositif facilite le recours des collectivités infrarégionales à l'article L. 1511-5. En effet, le nouvel article L. 1511-2 s'appliquant sans préjudice notamment de l'article L. 1511-5, le recours à ce dernier ne nécessite plus en pratique le constat préalable de "carence" de la région. »
Un département, comme le mien, qui souhaiterait continuer à apporter une aide pour le retour à l'emploi des personnes âgées de plus de cinquante ans, créerait donc une aide qui ne serait pas obligatoirement liée à la création ou à l'extension d'activités économiques. Il peut s'agir, par exemple, d'une embauche pour le remplacement d'un départ volontaire ou d'un départ en retraite.
Par conséquent, je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si le département doit considérer, en l'espèce, qu'il peut conclure une convention avec l'État en application de l'article L. 1511-5 du code général des collectivités territoriales, ce qui permettrait, vous en conviendrez, un fonctionnement plus efficace et plus rapide.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Vous le savez, monsieur Fouché, je suis particulièrement sensible à la préoccupation que vous exprimez. Cette question vient en effet rappeler que la bataille pour l'emploi que livre le Gouvernement, si elle cible au premier chef les jeunes, concerne également les seniors. À cet égard, je dois dire que le Sénat s'associe au problème touchant les demandeurs d'emploi les plus âgés, et je pense notamment à l'engagement de Dominique Leclerc et de la commission des affaires sociales.
La question que vous posez est d'actualité, car elle rappelle combien il importe d'accroître ce taux d'activité à chaque extrémité de la vie active. Ainsi, le taux d'activité des jeunes de moins de vingt-six ans dans notre pays est inférieur à 31 %, contre 56 % au Royaume-Uni. C'est la réalité de nos chiffres depuis vingt ans ! Quant au taux d'activité des seniors, il place la France parmi les derniers pays de l'OCDE.
Le Gouvernement a la volonté de tenir les engagements que la France a pris à Stockholm en 2000, à savoir que le taux d'activité des seniors atteigne au moins 50 % en 2010. Nous ne pouvons en effet pas nous résigner au seul fait que le taux d'activité entre vingt-six et cinquante ans soit supérieur au taux d'activité moyen des pays de l'OCDE.
M. Alain Gournac. Tout à fait !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce point nous renvoie aux intéressants débats que nous avons eus ici ces derniers jours et qui nous ont permis d'aller au fond des choses. J'en profite à cette occasion pour saluer le travail accompli par le rapporteur de la commission des affaires sociales sur le projet de loi pour l'égalité des chances, M. Alain Gournac.
Monsieur Fouché, votre question appelle une réponse sur le plan juridique et sur le plan des politiques de l'emploi.
Sur le plan juridique, la combinaison des textes que vous mentionnez semble devoir s'interpréter comme limitant les possibilités d'intervention des collectivités territoriales, notamment celles des conseils généraux, aux aides destinées à augmenter l'activité et l'emploi et, de fait, comme excluant celles que vous citez. En effet, l'article L. 1511-5 ne permet pas de modifier par la voie conventionnelle qu'il instaure les règles de droit commun posées à l'article L. 1511-2.
Toutefois, dans l'esprit de la circulaire, le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, M. Nicolas Sarkozy, le ministre délégué aux collectivités territoriales, M. Brice Hortefeux, et moi-même sommes convenus de retenir à l'avenir une lecture plus ouverte de ces textes. Au reste, la réglementation européenne nous y invite.
Le Gouvernement est naturellement favorable à une ouverture du champ d'intervention des collectivités territoriales en faveur de l'emploi dans le sens de l'assouplissement, autorisé par ailleurs par les prescriptions communautaires. Par conséquent, conformément à votre souhait, monsieur le sénateur, une convention pourra être conclue avec l'État
Au titre des politiques de l'emploi, il faut aussi, à mon avis, élargir les interventions des différentes collectivités au-delà des seules aides à l'embauche. Dans le cas plus spécifique des seniors, il est également important d'examiner les conditions de travail, la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences, et de s'inscrire finalement dans une logique permettant aux entreprises de bénéficier de l'apport de salariés expérimentés et de favoriser la transmission des entreprises et des savoir-faire professionnels. En l'espèce, je pense au tutorat, qui a fait l'objet de nombreuses discussions au sein de la Haute Assemblée lors de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances.
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. L'État et les collectivités territoriales sont bien sur la même ligne dans leur combat pour l'emploi.
financement de la mission générale d'insertion de l'éducation nationale
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la question n° 954, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Mme Marie-France Beaufils. Au sein de l'éducation nationale, la Mission générale d'insertion, la MIG, offre aux élèves les plus en difficulté âgés de plus de seize ans la possibilité d'acquérir une qualification visant à favoriser leur insertion sociale et professionnelle. Or, depuis bientôt trois ans, les moyens qui lui sont consacrés ont subi une amputation sans précédent. Les conséquences sont graves. Tous les discours sur la réussite scolaire et sur l'égalité des chances sont ainsi contredits par les faits.
Dans mon académie, ce sont trente emplois qui sont sur la sellette, dont la moitié est en contrat à durée déterminée depuis dix-sept ans, pour 900 jeunes accueillis.
Sur le plan national, ce sont 700 enseignants et personnels administratifs répartis dans les académies qui prennent en charge chaque année 80 000 élèves de seize à dix-huit ans, issus souvent de milieux défavorisés, sur les 150 000 qui décrochent de l'école.
La situation financière de nombreuses missions générales d'insertion devient catastrophique. Certaines sont au bord du dépôt de bilan, et les multiples interventions des personnels et de leurs représentants sont restées sans réponse.
Cette mission structurelle relève de l'éducation nationale. Selon la loi d'orientation sur l'éducation du 10 juillet 1989 et la loi quinquennale du 20 décembre 1993, elle fait partie de sa mission éducative.
Ses actions et ses résultats le montrent, cela permet de sortir avec une qualification professionnelle et de faciliter l'insertion des jeunes les plus en difficulté : la cohésion sociale s'en trouve ainsi renforcée.
Les événements de l'automne dernier ont mis en exergue les souffrances d'une grande partie de la jeunesse de nos quartiers : les inégalités dans l'accès à l'emploi et à la formation y sont très fortes. Il est donc nécessaire de reconstruire ce lien.
Le deuxième rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, publié le 24 octobre 2005, pointe l'absence totale d'ambition pour ces quartiers, qui enregistrent un taux de chômage deux fois supérieur à la moyenne nationale et un manque de moyens grave et récurrent pour le système de santé comme pour l'école.
Tous les observateurs le notent, l'une des causes les plus profondes du « mal-vivre », du sentiment d'injustice et de cette révolte est l'ampleur des discriminations de toutes natures auxquelles les populations sont confrontées. Ces discriminations sont les premières violences que subissent les populations de nos quartiers populaires. Elles concernent au premier chef la jeunesse.
Les missions générales d'insertion subissent les gels de crédits depuis plusieurs années. La réduction du fonds social européen, ou FSE - et aujourd'hui sa disparition -, n'a pas été compensée par des crédits de l'État, pourtant indispensables à leur bon fonctionnement.
Pendant plusieurs jours - vous venez de le rappeler, monsieur le ministre -, le débat sur le contrat première embauche a mis en avant des conceptions totalement différentes sur la façon d'aider les jeunes à trouver leur place dans la société, à entrer dans l'activité professionnelle.
Les missions générales d'insertion sont des outils indispensables dans le parcours de nos jeunes en difficulté. Aussi je vous demande, monsieur le ministre, quelles mesures -vous comptez prendre pour rétablir les financements de cette mission. Quelle est la politique ministérielle concernant la mission générale globale d'insertion ? Quelle sera la dotation ministérielle pour 2006 et les années suivantes ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Madame Beaufils, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Gilles de Robien ce matin.
Sachez que 60 000 jeunes sortent chaque année du système éducatif sans aucune qualification, 150 000 sans diplôme et, selon les chiffres officiels, 15 000 jeunes de moins de seize ans sont en errance scolaire ; en réalité, les chiffres sont sans doute beaucoup plus élevés.
Votre question nous renvoie, elle aussi, à nos débats de ces jours derniers, qui n'ont d'ailleurs pas porté que sur le contrat première embauche, le CPE. Nous avons surtout débattu de l'égalité des chances. La loi, adoptée par l'Assemblée nationale et par le Sénat, il entend répondre aux trois terribles chiffres que je viens de citer. Ainsi, comme Gilles de Robien a eu l'occasion de le rappeler, les zones d'éducation prioritaires, notamment au travers du projet « ambition réussite », recevront le renfort de 1 000 professeurs, de 3 000 aides éducateurs et de 300 infirmières.
J'en viens à la mission générale d'insertion de l'éducation nationale.
Celle-ci a pour objet de proposer aux jeunes de plus de seize ans en voie de déscolarisation ou ayant quitté le système scolaire depuis moins d'un an, sans possibilité immédiate de poursuite d'études ou de réinsertion professionnelle, des actions d'accueil ou de « remotivation », des actions diplômantes ou d'accès à la formation et des actions d'accompagnement personnalisé vers l'emploi.
Ce dispositif est financé par des crédits de l'État et délégué aux recteurs dans le cadre de leur dotation académique. Il était éligible à des cofinancements européens, issus du fonds social européen, qui représentaient en moyenne 20 % à 25 % du financement de la Mission générale d'insertion.
J'utilise l'imparfait à dessein, car les remboursements du FSE sont suspendus, faute pour le ministère de l'éducation nationale d'avoir mis en place dès l'année 2000 un système de contrôle des dépenses répondant aux exigences très rigoureuses de la Commission européenne. En tant que ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, c'est une rigueur que je connais bien pour avoir eu à mener des négociations sur le fonds social européen.
C'est bien le respect des procédures qui est en cause et non pas le fond des actions financées. Gilles de Robien procède actuellement à la « reconstitution » de l'ensemble des dossiers relatifs aux actions conduites entre 2000 et 2005, ce qui permet d'avoir dorénavant une traçabilité satisfaisante des dépenses exposées au titre de la MGI et d'espérer, à terme, une reprise des cofinancements. Le travail et le dialogue ont donc repris, notamment avec la direction en charge des fonds sociaux européens.
Dans l'intervalle, l'État consacrera des moyens à cette mission - de l'ordre de 36 millions d'euros - pour venir en aide à 70 000 élèves. Il n'y aura donc pas de baisse d'activités.
En d'autres termes, nous renouons avec les fonds sociaux européens en mettant en place une procédure conforme aux exigences européennes et, dans le même temps, l'État s'engage à venir en aide à 70 000 jeunes.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le ministre, le texte pour l'égalité des chances en est encore au stade de la commission mixte paritaire.
Mme Marie-France Beaufils. En effet, puisque vous avez utilisé d'autres moyens pour qu'il soit adapté conforme.
M. le président. Au Sénat, tout le monde a pu parler !
M. le président. Il y a en effet eu 48 heures de débat à l'Assemblée nationale.
Veuillez poursuivre, madame Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. M. le ministre ayant lancé l'échange, il m'était impossible de ne pas réagir, monsieur le président !
Monsieur le ministre, je connais en effet la question du respect des procédures. D'ailleurs, certaines académies qui, elles, avaient conservé l'ensemble de l'historique du travail mené se sont retrouvées en difficulté alors qu'elles avaient fait leur devoir.
Mme Marie-France Beaufils. Elles se retrouvent donc totalement pénalisées par des choses qui n'ont pas été faites et dont elles ne sont pas responsables.
Même si, après ce que vous venez de dire, on peut espérer que les cofinancements du FSE vont reprendre, nous sommes dans une période intermédiaire où le vide fragilise fortement un certain nombre de secteurs. Effectivement, on ne sait pas comment certains enfants vont être repris. Or les actions menées par les missions générales d'insertion, qui ont lieu dans tous les départements, ont vraiment un impact très fort sur la « remotivation » des jeunes qui, à un moment, ont perdu pied dans le système scolaire, et elles peuvent vraiment les aider à retrouver une place dans l'action professionnelle.
J'ai entendu ce que vous avez dit à propos des moyens. Pour le moment, on n'en voit pas du tout la trace sur le terrain. Je tenais à appeler votre attention sur ce point. Je vous demande donc d'être notre relais auprès du ministre de l'éducation nationale, car nous attendons des réponses concrètes et nous aimerions connaître les moyens qui seront véritablement débloqués pendant cette période charnière.
situation des professeurs des écoles stagiaires de l'académie de Paris
M. le président. La parole est à M. Roger Madec, auteur de la question n° 937, adressée à M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
M. Roger Madec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à Paris, comme dans de nombreuses académies, la situation des professeurs des écoles stagiaires, ceux que l'on appelle les « listes complémentaires », est pour le moins paradoxale.
D'une part, de nombreux chefs d'établissement se plaignent de ne pas pouvoir remplacer les titulaires de postes vacants pour une longue période.
D'autre part, plus d'une centaine de candidats reçus sur la liste complémentaire au concours externe de professeurs des écoles de Paris, en juin 2005, attendent désespérément d'être recrutés pour assurer ces remplacements.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, que cette académie compte 1 400 élèves supplémentaires depuis la dernière rentrée scolaire. Pourtant, aucun poste supplémentaire n'a été créé afin de faire face à ces nouveaux effectifs.
Dans ces conditions, les difficultés de remplacement sont très vivement ressenties.
Les parents d'élèves sont exaspérés de voir leurs enfants déplacés et accueillis dans des classes surchargées lorsque les professeurs titulaires sont absents. Ils ont raison, car il en va de la qualité et de la continuité du service public de l'enseignement, et du devenir de nos enfants.
Encore une fois, ce sont des raisons budgétaires qui justifient cette pénurie de recrutement sur la liste complémentaire. Et sans doute opposerez-vous des arguments comptables à ce que vous devriez considérer comme des dépenses d'avenir.
Il est vrai que ces enseignants sont appelés à faire classe avant même d'avoir reçu une formation.
Mais de deux choses l'une : soit l'on reconnaît cette voie d'accès comme légitime, et dans ce cas il doit être fait largement appel aux lauréats de la liste complémentaire pour effectuer les indispensables remplacements, soit on décide d'augmenter le nombre de postes au concours afin de recruter un nombre suffisant de remplaçants titulaires.
En aucun cas, monsieur le ministre, vous ne pouvez continuer de réduire à la fois le nombre de places au concours et le nombre de personnes recrutées sur liste complémentaire !
Cette année, vous n'avez recruté que 60 enseignants sur liste complémentaire à Paris sur un total de 172. Et vous avez annoncé, pour 2006, une diminution de 1 500 postes au concours de professeur des écoles dans toute la France.
En ce moment même, de nombreuses classes parisiennes sont dans l'attente d'un remplaçant, tandis que les lauréats de la liste complémentaire attendent, dans l'incertitude et la précarité, d'être appelés à pourvoir ces postes vacants.
Alors que les remplacements de longue durée peuvent être assurés par des professeurs des écoles stagiaires, ce sont des remplaçants titulaires, tels les enseignants des ZIL, les zones d'intervention localisées, ou des brigades, qui sont sollicités pour les effectuer, alors que ceux-ci ne devraient faire que de petits remplacements.
Quant à ces personnels, déjà en nombre insuffisant, ils ne sont plus disponibles pour faire face à leur mission première.
Il y a donc urgence, monsieur le ministre, à apporter une solution à une situation inacceptable du point de vue tant des élèves et des parents que des enseignants et des personnes figurant sur les listes complémentaires.
Le ministère de l'éducation nationale a suspendu les recrutements par cette voie depuis le 20 février dernier alors que, légalement, ceux-ci peuvent intervenir jusqu'à la veille du concours.
Aussi, monsieur le ministre, je vous demande de bien vouloir procéder dans les meilleurs délais au recrutement d'autant de lauréats de la liste complémentaire qu'il est nécessaire pour faire face aux nombreux remplacements non assurés dans la capitale.
En effet, il me paraît fondamental que chaque classe dispose d'un enseignant pour en assurer les cours et le bon fonctionnement, tout comme il me paraît fondamental de donner à l'école les moyens de tenir son rôle de premier acteur de l'égalité des chances.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. Gilles de Robien, qui m'a chargé de vous transmettre certains éléments de réponse.
Comme vous le savez, à l'issue des concours de recrutement de professeurs des écoles, les jurys établissent des listes principales d'admission et des listes complémentaires. Ces dernières permettent de remplacer les candidats retenus sur les listes principales qui démissionnent, ou ne remplissent pas ou plus les conditions pour être nommés. Elles visent aussi à couvrir les vacances de postes apparaissant en cours d'année scolaire.
En effet, en dehors des absences d'enseignants indisponibles - congés de maladie, de maternité ou autres causes reconnues d'absence -, couvertes par les titulaires remplaçants, bien connus de tous ceux qui ont l'expérience des collectivités locales, des postes deviennent vacants après la rentrée scolaire à la suite de sorties définitives de l'éducation nationale, qui ont trait à la pyramide des âges, c'est-à-dire les admissions à la retraite, et parfois, malheureusement, aux décès.
Monsieur le sénateur, je souhaite vous rappeler, au nom de Gilles de Robien, que l'augmentation, ces dernières années, du nombre de postes offerts aux concours de recrutement de professeurs des écoles a été significative : 12 750 en 2005 contre 10 325 en 2000, soit 24 % de postes supplémentaires.
Cette augmentation a eu pour objectif et comme résultat de limiter au minimum indispensable le nombre des recrutements à partir des listes complémentaires et de réduire ainsi le nombre d'enseignants affectés devant les élèves sans avoir reçu la totalité de la formation nécessaire.
Il convient de rappeler aussi que le fait d'être inscrit sur une liste complémentaire ne donne aucun droit à un recrutement.
En ce qui concerne l'académie de Paris, 60 candidats inscrits sur les listes complémentaires ont été recrutés depuis le début de la présente année scolaire.
Au travers de l'effectif des postes d'enseignants issus du concours et de la formation, nous avons donc les moyens de répondre aux besoins de remplacement et de couverture des vacances de postes qui apparaissent en cours d'année scolaire.
M. le président. La parole est à M. Roger Madec.
M. Roger Madec. Monsieur le ministre, je reste un peu sur ma faim, car je n'ai pas obtenu beaucoup d'éléments de réponse.
Monsieur le ministre, je connais bien les arguments que vous avez développés ; mais, si j'ai posé cette question, c'est parce que de nombreuses classes n'ont plus de professeurs, et ce pour de longues durées. Or les enseignants des brigades de ZIL ne sont plus disponibles parce qu'ils doivent assurer d'autres remplacements.
Il n'est pas normal que des postes ne soient pas pourvus alors qu'il existe une possibilité de faire appel à la liste complémentaire !
Monsieur le ministre, vous avez passé de nombreuses heures dans cet hémicycle, et je sais que vous avez l'habitude de répondre sur le fond. Je suis donc un peu désolé que vous ayez dû lire une réponse préparée par M. de Robien, même si je comprends que ce dernier avait d'autres obligations à remplir ce matin.
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à seize heures dix, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
M. le président. La séance est reprise.
4
Communication relative À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
5
RAPPELs AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour un rappel au règlement.
M. Michel Billout. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement a trait à la réunion de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l'égalité des chances.
Une nouvelle fois, le Gouvernement et sa majorité affichent leur fébrilité au sujet du contrat première embauche, le CPE.
Vous précipitez en effet la réunion de la commission mixte paritaire en la convoquant ce soir à vingt et une heures trente. Ses conclusions devraient même être présentées à l'Assemblée nationale dès demain à dix-neuf heures.
Le Gouvernement et la droite cherchent, par cette précipitation du débat concernant le CPE, à échapper au rejet populaire croissant.
Les sondages d'opinion sont accablants et ce sont des centaines de milliers de personnes, des centaines de milliers de jeunes qui manifestent aujourd'hui. Cela vous fait peur.
Avec les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, je demande solennellement le retrait du CPE, retrait auquel il peut être procédé par la CMP.
La démocratie, c'est tout d'abord le respect du peuple. Respectez-le aujourd'hui ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Monsieur Billout, acte vous est donné de votre rappel au règlement.
La parole est à M. Gérard Le Cam, pour un rappel au règlement.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, mon intervention se fonde sur l'article 36 de notre règlement et a trait à l'organisation de nos travaux.
Préalablement à la discussion du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, je voudrais évoquer le contexte dans lequel va se tenir le débat, à savoir la privatisation des entreprises énergétiques EDF et GDF.
En effet, comment garantir la sécurité nucléaire, ou même simplement la sécurité énergétique, dans le cadre d'une libéralisation à tout crin ?
M de Villepin déclarait voilà quelques jours : « EDF, la SNCF ou AREVA sont des atouts majeurs pour notre pays. Les Français sont attachés à leur statut public, pour de bonnes raisons : ils garantissent l'égalité entre territoire et les citoyens. Il est donc exclu de nous engager dans la voie de la privatisation de ces grands services publics. »
Pourtant, selon La Lettre de l'Expansion, le Premier ministre serait également favorable à un rapprochement entre le groupe de services à l'environnement, Veolia, et le fournisseur d'électricité EDF. La Lettre affirme d'ailleurs, en citant des sources proches de Jacques Chirac, que l'entourage du Président de la République est déjà acquis à cette cause et que le Premier ministre s'y serait lui aussi rallié.
Dans cette hypothèse, Henri Proglio, le patron de Veolia Environnement, pourrait prendre la tête du nouvel ensemble. Il y aurait là de quoi le consoler de l'échec de son projet de se partager Suez avec Enel !
Ainsi, après l'annonce la fusion de Gaz de France et de Suez, la rumeur court maintenant d'un même type de construction concernant EDF et Veolia.
Dans ce cadre, le capital détenu par l'État dans les entreprises publiques énergétiques françaises passerait en dessous du seuil fixé par la loi du 9 août 2004, soit en dessous de 70 %.
Dans ces conditions, avec l'entrée de capitaux privés majoritaires, les règles de gestion ainsi que les objectifs de ces entreprises vont être largement modifiés pour s'adapter au mode concurrentiel, selon lequel les coûts sociaux, les sommes consacrées à la recherche ainsi que les investissements sont considérés comme des freins à la compétitivité.
À la satisfaction de l'intérêt général va se substituer la satisfaction des intérêts privés. Autrement dit, la politique industrielle de ces entreprises va se réduire à l'augmentation des dividendes des actionnaires.
L'objectif sera la réduction des coûts, et cela par des économies sur la maintenance, par la diminution des garanties sociales et par le recours accru à la sous-traitance.
Parce que la sécurité a un coût, les actionnaires vont chercher à le ramener au minimum. Nous ne pouvons donc parler de sécurité en matière nucléaire sans aborder ces questions.
Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen réitèrent leur franche opposition à toute ouverture du capital d'EDF et de GDF, et appellent à un grand débat public sur l'avenir de ces entreprises et sur la constitution d'un pôle public de l'énergie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Le Cam, acte vous est donné de votre rappel au règlement, mais je vous mets en garde : de nombreuses sources sont polluées... (Sourires.)
6
CANDIDATURE À UN Office parlEmentaire
M. le président. L'ordre du jour appelle la nomination d'un membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, en remplacement de M. François-Noël Buffet.
Le groupe Union pour un Mouvement Populaire a fait connaître qu'il propose la candidature de M. Marcel-Pierre Cléach pour siéger au sein de cette délégation. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, s'il n'y a pas d'opposition, à l'expiration du délai d'une heure.
7
Transparence et sécurité en matière nucléaire
Discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi, modifié par une lettre rectificative, relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (n°s 326 rect., 2001-2002, 217 et 231).
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire, que j'ai l'honneur de présenter devant vous au nom du Gouvernement, est un texte de première importance.
Il rénove en profondeur le cadre législatif applicable aux activités nucléaires et à leur contrôle.
Il marque des avancées importantes concernant la transparence en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Il crée, conformément au voeu du Président de la République, une Haute autorité de sûreté nucléaire chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, ainsi que de l'information du public dans ces domaines.
Cette loi est particulièrement nécessaire au moment où la France opère des choix importants concernant le nucléaire civil. En effet, le maintien d'un haut niveau de sûreté, la poursuite des progrès en matière de transparence et la définition de solutions pérennes pour la gestion des déchets radioactifs sont les conditions d'un nucléaire au service des générations présentes et respectueux des générations futures.
Particulièrement attentif au respect de ces conditions compte tenu de la place qu'occupe le nucléaire dans notre politique énergétique, aux cotés des économies d'énergie et du développement des énergies renouvelables, le Gouvernement estime indispensable que les décisions à venir soient prises dans le cadre d'une nouvelle organisation institutionnelle du contrôle et sur la base d'une législation rénovée, aptes à renforcer la confiance des Français.
Vous savez, par ailleurs, que le Gouvernement a préparé avec soin l'échéance de 2006 pour les déchets radioactifs. Il a, en particulier, souhaité lancer un débat public, mené sous l'égide de la Commission nationale du débat public de septembre à décembre dernier. Un projet de loi sur la gestion des déchets radioactifs vous sera soumis dans les prochaines semaines.
J'ajoute que je suis particulièrement heureuse qu'il revienne à la ministre chargée de l'écologie de présenter le projet de loi dont nous allons débattre. Le Gouvernement met ainsi l'accent sur le fait que le ministère de l'écologie et du développement durable est un ministère majeur, qui occupe une place centrale dans le contrôle des activités pouvant présenter des risques pour les personnes et pour l'environnement.
Avant de vous présenter les quatre grands objectifs de la loi, je voudrais revenir d'abord sur les raisons qui ont conduit le Gouvernement à souhaiter l'examen de ce projet de loi, qui, rappelons-le, a été présenté par un gouvernement précédent.
Tout d'abord, un constat : la base législative du contrôle de la sûreté des grandes installations nucléaires est aujourd'hui ancienne et incomplète. Elle est constituée de quelques articles de la loi sur l'air de 1961.
À côté de cela, la sûreté nucléaire et la radioprotection sont en France à un niveau qui n'a rien à envier aux meilleures pratiques étrangères. Leur contrôle est efficace et sa qualité est internationalement reconnue. La transparence a fait d'importants progrès au fil des années.
Notre législation n'est donc pas ou plus à la hauteur de notre pratique et de nos résultats. Nous nous devons d'y remédier.
Ce constat avait été fait de façon extrêmement claire dès 1998 par Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe-et-Moselle et, à l'époque, président de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, dans son rapport au Gouvernement intitulé : « Le système français de radioprotection, de contrôle et de sécurité nucléaire », au sous-titre prémonitoire : « La longue marche vers l'indépendance et la transparence ».
Ce rapport avait déjà débouché en 2002 sur une première réforme de l'organisation du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
Le Gouvernement de Lionel Jospin avait, à l'époque, également envisagé la création d'une autorité administrative indépendante chargée du contrôle de la sûreté nucléaire, préconisée par le rapport de M. Le Déaut, mais y avait renoncé. A la place, il avait déposé le projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire à l'Assemblée nationale en 2001.
Sans esprit partisan, le Gouvernement qui lui a succédé l'a transféré au Sénat en 2002, pour ne pas perdre le bénéfice du travail accompli, tout en estimant que le dispositif proposé manquait d'ambition et qu'il pouvait, et devait, être considérablement amélioré.
C'est pourquoi il l'a modifié au moyen d'une lettre rectificative, qui introduit deux nouveautés majeures : d'abord, la création d'une Haute autorité de sûreté nucléaire, chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, et de l'information du public dans ces domaines ; ensuite, le renforcement significatif des outils de contrôle de la sûreté des grandes installations nucléaires et des transports de matières radioactives.
Un travail approfondi a été mené avec MM. les rapporteurs Bruno Sido et Henri Revol afin d'améliorer le projet initial sur d'autres points importants, comme les principes applicables, les commissions locales d'information ou le Haut comité de transparence. Je tiens à saluer la très grande qualité de leur travail, réalisé dans un temps compté, et l'intérêt des amendements qu'ils proposent. J'en évoquerai plusieurs dans la suite de mon intervention.
J'en viens maintenant aux quatre grands objectifs du projet de loi.
Premier objectif : poser les grands principes applicables aux activités nucléaires.
Le projet de loi confirme que les principes maintenant classiques en matière de protection de l'environnement s'appliquent aux activités nucléaires : principe de prévention, principe de précaution, principe pollueur-payeur, principe d'information du public.
Il décline à cet égard parfaitement les grands principes de la Charte de l'environnement, texte majeur qui fait partie de notre acquis constitutionnel depuis un an.
Le Gouvernement estime utile d'y ajouter un principe fondamental en matière de sûreté nucléaire, inscrit dans le droit international : le principe de la responsabilité première de l'exploitant de l'installation, d'application quotidienne et absolument essentielle pour que chacun, exploitant et autorité de contrôle, ait une claire conscience de ses devoirs.
Le Gouvernement estime également indispensable que la loi énonce le rôle et les responsabilités de l'État en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Sur ces deux points, vos rapporteurs proposent des amendements tout à fait pertinents.
Deuxième objectif : créer une Haute autorité de sûreté nucléaire, chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, ainsi que de l'information du public dans ces domaines.
Cette réforme institutionnelle majeure a été voulue par le Président de la République. Pourquoi ?
L'acceptation des activités nucléaires par le public repose notamment sur la confiance qu'il accorde au dispositif mis en place pour le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
La situation actuelle dans laquelle les services chargés de ce contrôle sont intégralement placés sous l'autorité du Gouvernement peut susciter des interrogations. En effet, le Gouvernement doit assumer d'autres responsabilités, toutes aussi importantes pour la collectivité, par exemple, veiller à l'approvisionnement énergétique ou jouer son rôle d'actionnaire principal des grands opérateurs du secteur nucléaire.
Le Gouvernement a donc considéré qu'il fallait apporter à de telles interrogations une réponse dénuée d'ambiguïté. C'est pourquoi il a inséré dans le projet de loi, au moyen d'une lettre rectificative, un nouveau titre qui donne le statut d'autorité administrative indépendante à la structure chargée, au sein de l'État, du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Il a également veillé à conserver les pouvoirs nécessaires à l'exercice de ses missions essentielles.
La Haute autorité comportera un collège de cinq membres nommés pour six ans par le Président de la République, le président de l'Assemblée nationale et le président du Sénat. Ces membres seront inamovibles et astreints à un devoir d'impartialité.
Le Gouvernement continuera à définir la réglementation s'appliquant aux activités nucléaires. Il continuera à prendre les décisions individuelles majeures présentant une forte dimension d'opportunité politique, à savoir les autorisations de création et de démantèlement des grandes installations nucléaires. En cas de risque grave, il pourra suspendre le fonctionnement d'une installation. Il conservera toutes ses responsabilités en matière de protection civile en cas d'accident, notamment en ce qui concerne les mesures de protection de la population ou les mesures sanitaires.
La Haute autorité de sûreté nucléaire sera consultée sur les projets de textes réglementaires. Elle sera chargée du contrôle des activités nucléaires, à la fois des grandes installations nucléaires et des installations nucléaires dites « de proximité », laboratoires de recherche ou installations industrielles mettant en oeuvre des sources radioactives ou installations médicales. Elle pourra définir des prescriptions techniques individuelles s'appliquant à ces activités.
Elle aura également la responsabilité de contribuer à l'information du public sur la sûreté nucléaire et la radioprotection.
La Haute autorité disposera des services relevant aujourd'hui de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et de ses onze divisions territoriales.
Le Gouvernement estime qu'au travers de ce dispositif un point d'équilibre satisfaisant est atteint. Le Gouvernement n'a pas de doute sur sa conformité avec la Constitution. Je sais que c'est là une question que certains d'entre vous se sont posée. Le Conseil d'État a été consulté comme il se doit sur le projet de lettre rectificative et n'a pas soulevé d'objection.
Troisième objectif : garantir les conditions effectives de la transparence en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.
La transparence est une notion qui paraît évidente à tout un chacun. Cette évidence est trompeuse. L'ambition du projet de loi est de dépasser les incantations trop souvent entendues et de donner un contenu concret à cette notion.
La transparence, c'est d'abord la mise à la disposition du public d'une information complète sur la sûreté nucléaire et la radioprotection.
Des efforts importants en la matière sont faits depuis de nombreuses années par l'administration, sous l'impulsion du Gouvernement : information donnée quotidiennement sur Internet, telles que les lettres de suite des inspections ou les évènements significatifs avec leur classement sur l'échelle INES, échelle internationale des évènements nucléaire ; revue mensuelle et rapport annuel sur la sûreté et la radioprotection. Des progrès notables ont également été réalisés par les exploitants, il est juste de le reconnaître.
Le projet de loi donne un cadre et une légitimité nouvelle à ces efforts.
La transparence, c'est aussi l'existence des conditions effectives du droit d'accès à l'information.
Le droit d'accès à l'information concernant la sûreté nucléaire et la radioprotection détenue par les autorités publiques existe déjà en vertu du code de l'environnement.
Le projet de loi porte l'exigence bien au-delà en instituant un droit d'accès du public à l'information détenue par les exploitants d'installations nucléaires et les responsables de transports de matières radioactives. Cette innovation majeure distinguera les activités nucléaires des autres activités industrielles, qui ne sont pas soumises à une telle obligation de transparence.
La transparence, c'est enfin l'existence de lieux spécifiquement consacrés à l'information et au débat pluriel sur la sûreté nucléaire et la radioprotection.
M. Raymond Courrière. C'est un écran de fumée !
Mme Nelly Olin, ministre. Le premier de ces lieux de débat est constitué par les commissions locales d'information, les CLI.
Les CLI ont été créées au fil des années autour des grandes installations nucléaires en application d'une circulaire du Premier ministre de 1981.
M. Bernard Piras. Mise en application par Gaston Defferre !
Mme Nelly Olin, ministre. Le projet de loi leur donne un statut législatif. Il consacre l'implication des collectivités territoriales, notamment des conseils généraux, dans leur fonctionnement ; il pérennise leur financement.
Le projet de loi prévoit la création d'une fédération des CLI pour donner une assise à l'Association nationale des commissions locales d'information, qui existe aujourd'hui.
Vos rapporteurs ont proposé des amendements pour améliorer encore le dispositif, mieux ancrer les CLI dans la société civile et leur donner la souplesse nécessaire pour s'adapter à la diversité des réalités locales.
Le deuxième lieu de débat est constitué par le Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire, qui est destiné à prendre la relève du Conseil supérieur de la sûreté et de l'information nucléaires.
Vos rapporteurs ont également proposé une modification de l'orientation donnée à ce Haut comité, afin qu'il puisse constituer pleinement un lieu de débat sur la sûreté nucléaire et la radioprotection, et contribuer à la diffusion de l'information.
Sa composition serait ainsi plus ouverte, puisqu'il compterait parmi ses membres des parlementaires, des représentants des CLI et des associations, des représentants de l'administration, ainsi que des personnalités qualifiées.
Le Gouvernement est favorable à une telle évolution.
Je tiens à préciser que, selon le Gouvernement, aucune confusion n'est possible entre le rôle du Haut comité et celui de la Haute autorité. Celle-ci est, en effet, chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, et participe à l'information du public dans ces domaines. Il s'agit d'un organisme dont le caractère opérationnel est tout à fait clair.
Quant à la mission du Haut comité, elle est, elle, centrée sur le débat et l'information, grâce à une composition permettant l'expression d'une pluralité de points de vue ; c'est en quelque sorte le pendant des CLI au niveau national.
En matière d'information, en particulier, il convient d'éviter de créer un monopole, le pluralisme étant la clef de la transparence.
M. Raymond Courrière. Ben voyons !
Mme Nelly Olin, ministre. En effet, il revient à chaque acteur, pour ce qui le concerne, d'informer.
Le Haut comité pourra mener des actions d'information cohérentes avec sa nature d'instance de débat sur les sujets faisant l'objet d'un large consensus et pourra diffuser l'état de ce consensus ; quant aux sujets faisant l'objet de positions diverses des parties prenantes, il pourra également faire état de celles-ci.
Quatrième objectif : rénover la législation relative à la sûreté des grandes installations nucléaires - les « installations nucléaires de base » -, ainsi qu'au transport de matières radioactives.
À cet égard, le projet de loi met en place une inspection de la sûreté nucléaire, dotée de pouvoirs importants.
Il met à niveau la panoplie des sanctions administratives pouvant être prises à l'encontre des exploitants en cas de manquement de ces derniers.
Il vise, en outre, à réactualiser les sanctions pénales en cas d'infraction, et ce afin de corriger une situation paradoxale. En effet, il faut noter que les sanctions pénales aujourd'hui prévues pour les installations nucléaires de base sont, pour des infractions de gravité équivalente, d'un niveau plus faible que celui d'autres secteurs d'activité.
Le Gouvernement a considéré que le projet de loi initial manquait d'ambition. C'est la raison pour laquelle il a tenu, au travers de la lettre rectificative, à le renforcer considérablement, notamment sur les points suivants.
Ce texte définit ainsi plus clairement les intérêts à protéger en prenant acte de la conception élargie de la sûreté nucléaire existante aujourd'hui concernant non seulement la prévention des accidents, mais aussi la protection de la santé des personnes et celle de l'environnement.
Il précise, en outre, les conditions nécessaires à la délivrance de l'autorisation de création, en faisant toute leur place aux mesures de prévention et de limitation, conformément à la Charte de l'environnement.
Par ailleurs, il affiche clairement que le risque zéro n'existe pas et que les mesures prises ont pour objet de prévenir et de limiter les risques dans le cadre des connaissances scientifiques et techniques du moment.
Le Gouvernement estime que de telles dispositions font partie intégrante de la transparence et du respect que nous devons à nos concitoyens.
Enfin, ce projet de loi donne à la Haute autorité de sûreté nucléaire le pouvoir d'imposer à l'exploitant des prescriptions techniques complémentaires tout au long de la vie de l'installation, y compris lors de son démantèlement, par exemple pour demander la correction d'une anomalie ou pour prévenir un risque particulier identifié.
En conclusion, je voudrais insister sur le fait que le projet de loi qui est soumis à votre examen, mesdames, messieurs les sénateurs, est un texte important, puisque c'est le premier à être soumis au Parlement en vue de donner un cadre législatif général aux activités nucléaires et à leur contrôle.
Hormis le fait qu'il crée une Haute autorité de sûreté nucléaire, il prend acte des aspirations de notre société en matière de transparence et met la législation en cohérence avec la pratique, en portant le secteur nucléaire à la pointe de ce domaine.
Ce texte est indispensable pour fonder le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection sur des bases solides, au moment même où notre pays est appelé à prendre des décisions importantes en matière de nucléaire civil.
Le Gouvernement entend aujourd'hui faire aboutir ce texte très attendu depuis de nombreuses années, souvent annoncé, mais toujours reporté.
Telles sont, monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que souhaitait vous apporter le Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Raymond Courrière. C'est le premier acte de la comédie qu'on nous joue !
M. le président. La parole est à M. Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques.
M. Henri Revol, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France peut être fière de ses réalisations dans le domaine nucléaire !
Celles-ci constituent, en effet, une véritable réussite, non seulement technique et économique, mais également environnementale eu égard à l'enjeu majeur du réchauffement climatique.
Elles représentent également une réussite en matière de sécurité et, de plus en plus, en termes de transparence.
S'agissant de la sécurité, il convient de rappeler qu'elle recouvre tout à la fois la sécurité civile en cas d'accident, la protection des installations contre les actes de malveillance, ainsi que, et surtout, la sûreté nucléaire, autrement dit le fonctionnement sécurisé des installations, sans oublier la radioprotection, autrement dit la protection maximale des personnes et de l'environnement contre les effets des rayonnements ionisants.
Dans tous ces domaines, la France fait figure de pays de référence, et ce grâce à une administration très compétente quant au suivi des installations et le contrôle de la sûreté.
Il convient de noter que, si le principal point faible a longtemps été l'insuffisance des effectifs des services de l'État chargés de la radioprotection, la situation s'est fortement améliorée, puisque ces effectifs sont passés de cinq inspecteurs en 1999 à plus d'une centaine aujourd'hui.
S'agissant de la transparence, il est vrai que les malentendus de Tchernobyl sont encore présents ; nous avons d'ailleurs tenu à en dresser le constat dans notre rapport écrit.
Néanmoins, dans ce domaine également, la situation a grandement évolué depuis le début des années quatre-vingts, notamment grâce à la création des commissions locales d'information, les fameuses CLI, qu'a évoquées Mme la ministre, et qui associent la population vivant autour de chaque installation nucléaire de base, ainsi que par le biais de procédures de débat public.
C'est ainsi que deux débats publics ont eu lieu depuis quelque mois : l'un au sujet de la centrale EPR de Flamanville,...
M. Bernard Piras. Le débat fut houleux !
M. Henri Revol, rapporteur. ...et l'autre concernant la question des déchets nucléaires.
Je le répète : nous n'avons pas à rougir de ce qui a été réalisé depuis un demi-siècle d'excellence française.
M. Raymond Courrière. Méthode Coué !
M. Henri Revol, rapporteur. En revanche, il est une chose que l'on sait beaucoup moins, c'est que tout ce qui a été mis en place pendant quarante ans en matière de sûreté nucléaire et de transparence l'a été quasiment sans base législative !
En fait, la seule base légale actuelle se résume à deux petites lignes de la loi de 1961 portant sur la pollution de l'air et les odeurs, et permettant aux installations nucléaires de disposer de règles spécifiques, distinctes de celles qui sont applicables aux installations classées.
Certes, en août 2004 - assez récemment donc - un régime de la radioprotection a été adopté dans le cadre de la loi relative à la politique de santé publique, mais, pour le reste, nous ne disposons toujours pas de texte législatif.
En fait, le régime de sûreté des installations repose essentiellement sur un décret de 1963, ainsi que - disons-le - sur les bonnes pratiques de l'administration et des exploitants qui se sont progressivement érigées en doctrine.
En matière de transparence également, beaucoup a reposé sur les circulaires et les bonnes pratiques.
Quant à la loi, que nous connaissons tous, sur l'accès aux documents administratifs en général, avec la commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, elle ne s'applique exclusivement qu'aux services publics.
Dès lors, le constat est clair : si le nucléaire français répond aux meilleurs standards de sécurité technique, il lui manque, toutefois, une réelle sécurité juridique.
En effet, il n'est pas normal que la partie législative du code de l'environnement consacre un titre entier aux installations classées, alors que rien n'est prévu pour les installations nucléaires !
D'ailleurs, mes chers collègues, nous pouvons nous féliciter qu'un certain consensus se soit fait jour sur le cadre légal dont a tant besoin le secteur nucléaire français.
J'en veux pour preuve que, jusqu'au 22 février dernier, le projet de loi qui nous était soumis ne différait en rien de celui qu'avait déposé Mme Bachelot en 2002, et qui reprenait lui-même les termes du projet de loi présenté en 2001 par Mme Dominique Voynet, au nom du gouvernement Jospin.
Le texte que nous examinons aujourd'hui reprend d'ailleurs très largement le projet de loi initial.
Cela étant dit, sans remettre en cause la base qui a été léguée par les gouvernements successifs, le texte dont nous discutons va plus loin dans la recherche d'un cadre au sein duquel les missions de chacun sont clairement définies.
À ce titre, il transforme les actuels services interministériels de l'Autorité de sûreté nucléaire en une autorité administrative dénommée « Haute autorité de sûreté nucléaire », qui sera également compétente en matière de radioprotection.
Je laisserai à mon collègue Bruno Sido le soin de revenir plus avant sur la création de cette Haute autorité.
En effet, conformément à la répartition des tâches entre les deux rapporteurs de la commission des affaires économiques, Bruno Sido vous présentera plus particulièrement les résultats de son travail sur les titres I, II et III.
Pour ma part, je traiterai des titres IV et V du projet de loi, qui regroupent respectivement les articles 12 à 29 et 31 à 38.
Le titre IV, qui comprend donc les articles 12 à 29 , constitue une avancée essentielle, après environ un demi-siècle de réalisations nucléaires françaises en ce qu'il institue le premier régime légal complet en matière d'installations nucléaires de base et de transport de matières radioactives.
Sont ainsi désormais définis dans la loi l'ensemble des actes, allant des autorisations de création jusqu'au démantèlement des installations, en passant par les contrôles réalisés par les inspecteurs, ainsi que les sanctions pénales applicables en cas de manquement aux dispositions prévues.
Le point de départ de ce régime a été celui qui est aujourd'hui applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement.
Les règles des installations classées ont été adaptées, en tant que de besoin, au secteur nucléaire, afin de tenir compte de ses spécificités. C'est ainsi, par exemple, que les prérogatives des inspecteurs sont plus importantes en matière nucléaire s'agissant de l'accès aux installations.
De la même façon, le régime des installations nucléaires de base est adapté à l'intervention possible de deux autorités de l'État, à savoir les services des ministères, d'une part, et la Haute autorité de sûreté, d'autre part.
Les décisions les plus importantes, telles que la création d'une installation ou sa mise à l'arrêt définitif, continuent de relever de la seule compétence gouvernementale.
J'ajoute que le travail de mise en cohérence avec la création de la Haute autorité ne se limite d'ailleurs pas au nouveau régime des installations nucléaires de base.
Quant au titre V, il tend à rendre cohérentes les innovations du présent projet de loi avec le droit existant, qu'il s'agisse du code de la santé publique, du code du travail ou des règles applicable en matière de police des transports.
Sur ces titres IV et V, la commission des affaires économiques présentera plusieurs amendements, dont je vous livre ici l'essentiel, mes chers collègues.
Je commence par le titre IV.
À l'article 13, la commission propose de mieux préciser les compétences du Gouvernement et de la Haute autorité, en donnant à cette dernière le pouvoir d'autoriser la mise en service des installations nucléaires de base, les INB, en prévoyant que celles qui présentent des risques graves peuvent voir leur fonctionnement suspendu par arrêté du ministre, en rétablissant le parallélisme des formes pour les décisions relatives aux INB qui n'auront pas été mises en service dans le délai fixé par le décret d'autorisation.
À l'article 14, votre commission souhaite aligner les dispositions relatives aux permis de construire des INB sur celles qui régissent les installations classées pour la protection de l'environnement.
À l'article 17, elle vous soumettra des amendements qui visent à rendre plus efficaces les consignations financières imposées aux exploitants, à clarifier la portée des mesures transitoires décidées par la Haute autorité de sûreté nucléaire et à encadrer très strictement le droit laissé au ministre de s'opposer à une décision individuelle prise par cette instance.
À l'article 20, nous proposons de préciser les pouvoirs du juge en matière de consignations financières.
À l'article 23, un amendement vous sera soumis afin que soient mieux définies les conditions dans lesquelles les prélèvements d'échantillons seront réalisés.
Nous souhaitons aussi modifier l'article 24 du projet de loi, afin de mieux proportionner les sanctions pénales à la gravité des infractions, et encadrer, à l'article 30, les obligations de déclaration des incidents ou accidents.
S'agissant du titre V, les amendements de votre commission des affaires économiques visent à rétablir, à l'article 31, le parallélisme des procédures en matière de retrait d'autorisation des activités nucléaires de faible importance.
Enfin, par un article additionnel après l'article 33, nous prévoyons de mettre le code de la défense en cohérence avec les dispositions du projet de loi.
À tous ces amendements s'ajouteront, bien sûr, ceux qui seront présentés par mon collègue Bruno Sido.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, j'appellerai une fois de plus votre attention sur l'importance de ce texte pour notre démocratie. Il ne faudra pas attendre longtemps pour en apprécier tout le bénéfice.
En effet, lorsque nous reviendrons dans cet hémicycle, dans quelques mois, pour traiter de la question des déchets nucléaires, le cadre légal que nous créons aujourd'hui nous procurera, me semble-t-il, la sérénité et les garanties de transparence indispensables pour faire les choix que nos concitoyens attendent.
Le débat qui s'ouvre aujourd'hui au Sénat marque le début d'une nouvelle ère dans la manière dont la Nation et ses représentants abordent les questions nucléaires. Votre commission des affaires économiques s'en félicite. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vient de le rappeler notre collègue Henri Revol, le projet de loi qui nous est soumis vise à combler de réelles lacunes.
Lacunes du cadre juridique des installations nucléaires de base, c'est-à-dire des installations les plus importantes. Le projet de loi institue - enfin ! - un régime légal pour ces installations, régime que les amendements présentés par Henri Revol au nom de la commission améliorent substantiellement.
Lacunes encore dans la chaîne de confiance qui doit relier nos concitoyens à des activités si essentielles pour notre pays.
Vingt ans après l'accident de Tchernobyl, les interrogations qui portent sur les activités nucléaires ont changé. L'intérêt du nucléaire est largement reconnu, dans un contexte de crise énergétique et, surtout, pour faire face aux enjeux du réchauffement climatique.
Néanmoins, des questions subsistent, fondées ou non, sur la transparence des activités nucléaires, sur ce qui se passe réellement dans les centrales et sur la gestion des déchets.
C'est d'ailleurs sur le problème de la transparence, au sens large, que j'ai été mandaté par la commission des affaires économiques, puisque, comme vous l'a indiqué Henri Revol, j'ai eu pour mission d'être le rapporteur des titres Ier, II et III du projet de loi.
Le titre Ier regroupe les articles 1 et 2, qui soumettent toutes les activités nucléaires - y compris celles relatives à la défense, ce qui constitue une garantie démocratique importante - à plusieurs principes fondamentaux, telles que les principes de précaution ou d'information.
Le titre II comprend les articles 2 bis à 2 duodecies, qui ont été introduits par lettre rectificative. Ils instituent la Haute autorité de sûreté nucléaire, une autorité administrative indépendante compétente pour le contrôle de la sûreté et de la radioprotection. La création de cette instance procède du souhait formulé par le Président de la République et permet de répondre à une double attente.
D'une part, en effet, en matière d'énergie nucléaire, le Gouvernement, à la fois initiateur, promoteur, financeur, exploitant, actionnaire et contrôleur, a longtemps été juge et partie. Les standards internationaux, issus de l'expérience d'autres grands pays nucléaires, amènent aujourd'hui à chercher une répartition des rôles plus claire, sans mélange des genres entre les acteurs de la filière nucléaire.
D'autre part, une plus grande transparence dans les fonctions des différents intervenants, constitutive d'un pacte de confiance avec les Français, permettra d'accompagner, dans un climat serein et apaisé, les grands projets du nucléaire français, qu'il s'agisse du lancement effectif de l'EPR, de la préparation des réacteurs de quatrième génération ou de la recherche sur la fusion nucléaire, à travers le projet ITER.
S'il est un domaine où une autorité administrative indépendante pouvait se justifier, c'est bien celui du contrôle de la sûreté nucléaire ! Toutefois, mes chers collègues, compte tenu des enjeux qui s'attachent à ce secteur, cette instance ne peut bien évidemment pas être une autorité administrative indépendante comme les autres.
Vous ne serez donc pas surpris de voir à quel point la répartition des compétences entre les ministres et la Haute autorité a été précisée, ciselée, à la fois par le projet de loi et par les amendements que vous proposera votre commission. Le but recherché a toujours été le même : être « gagnant-gagnant ».
Il s'agit pour nous, en effet, d'être gagnants à la fois en accroissant l'indépendance et la transparence, afin d'augmenter la confiance dans la sûreté nucléaire, et en préservant l'essentiel des attributions du pouvoir politique dans ce domaine stratégique. Je crois sincèrement que nous y sommes parvenus, puisque la répartition des rôles est claire.
Le Gouvernement est seul compétent pour définir les règles du jeu, c'est-à-dire la réglementation de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ; quant à la Haute autorité, elle a pour mission de contrôler le respect de ces règles, c'est-à-dire de réaliser les inspections sur le terrain et de prendre les sanctions qui s'imposent en cas de manquement.
La politique nucléaire, c'est-à-dire la décision de créer ou de fermer définitivement une installation nucléaire, demeure bien évidemment une compétence exclusive du pouvoir politique, c'est-à-dire du Premier ministre, et non de la Haute autorité. Celle-ci, je le rappelle, est chargée seulement de veiller au respect de la réglementation gouvernementale. Nous reviendrons plus précisément sur ce partage des rôles lors de la discussion du texte.
J'en viens à l'organisation de la Haute autorité. Cette instance sera dirigée par un collège de cinq membres nommés par le Président de la République, pour trois d'entre eux, et par les présidents des assemblées, pour les deux autres.
M. Daniel Raoul. C'est cela, l'indépendance ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Le titre II du projet de loi entoure la nomination, l'entrée en fonction et les obligations des membres de la Haute autorité de nombreuses garanties d'indépendance, que je vous proposerai de renforcer encore.
Les contrôles sur le terrain seront réalisés par les services de la Haute autorité. Ceux-ci seront constitués essentiellement grâce au transfert des services de l'autorité de sûreté nucléaire actuelle, qui se trouve placée sous la tutelle conjointe des ministres de l'environnement et de l'industrie.
Pour les fonctionnaires et les agents contractuels concernés, ce transfert sera bien sûr entouré de toutes les garanties de continuité de carrière. Il n'y a, de toute façon, aucune difficulté de principe puisque, nous ne le répéterons jamais assez, la Haute autorité de sûreté nucléaire, c'est l'État !
Comme la quasi-totalité des trente-deux autorités administratives indépendantes françaises, cette structure ne disposera pas de la personnalité morale ; elle ne sera qu'un service de l'État. C'est donc toujours ce dernier, grâce à ses fonctionnaires, qui contrôlera le respect des règles de sûreté nucléaire en France ; la Haute autorité remplira seulement ses missions indépendamment des services qui définissent ces règles. C'est cela l'indépendance, ni plus ni moins !
J'achèverai mon propos relatif aux services de la Haute autorité en faisant part de la préoccupation de la commission, qui s'inquiète de voir les services ministériels conserver auprès d'eux les experts dont le Gouvernement a besoin pour exercer les attributions très importantes qui demeureront les siennes. Madame la ministre, nous vous demanderons des assurances sur ce point.
J'en viens au titre III, qui comprend les articles 3 à 11. Ceux-ci traitent de la transparence et de l'information, et constituent donc l'un des acquis fondamentaux de ce projet de loi qui nous a été légué par la majorité politique précédente.
Ce titre renforce le droit à l'information, en étendant à l'ensemble des exploitants d'installations nucléaires l'obligation de communiquer les informations relatives à la sûreté et à la radioprotection. Il procure aussi un véritable cadre légal aux commissions locales d'information, les CLI, mises en place avec succès depuis vingt-cinq ans, sur la base d'une simple circulaire signée en 1981 par M. Pierre Mauroy, alors Premier ministre.
Enfin, il institue un Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire, qui doit permettre de faire vivre le débat au niveau national, comme il existe au niveau local autour d'une installation, grâce aux CLI.
Les dispositifs existants se trouvent donc fortement renforcés, d'autant qu'ils s'ajoutent à d'autres, qui ne sont pas repris ici, tels que les débats publics menés avec les citoyens. De tels débats ont été particulièrement réussis ces derniers mois, qu'il s'agisse du projet de centrale EPR à Flamanville ou de la gestion des déchets nucléaires.
Sur ce titre également, votre commission vous proposera de nombreux amendements, car la transparence constitue bien l'élément central du pacte de confiance que j'évoquais voilà quelques instants.
J'aborde maintenant les principaux amendements que votre commission vous proposera sur les titres Ier, II et III.
S'agissant du titre Ier, votre commission vous propose essentiellement de soumettre les activités nucléaires aux principes d'action préventive et de responsabilité des exploitants.
En ce qui concerne le titre II, relatif à la création de la Haute autorité de sûreté nucléaire, votre commission souhaite sécuriser encore davantage le fonctionnement de cette structure, en dissipant les zones d'ombres qui subsisteraient dans la définition des compétences respectives du Gouvernement et de la Haute autorité, mais aussi en renforçant les garanties d'indépendance et les obligations des cinq membres du collège de la Haute autorité.
Enfin, au titre III, votre commission souhaite renforcer et mieux définir les obligations d'information qui sont imposées aux exploitants et à l'État.
S'agissant des commissions locales d'information, votre commission vous proposera une nouvelle rédaction globale de l'article 6 du projet de loi, qui vise essentiellement à permettre la création de CLI chaque fois que cela est nécessaire, et à mieux garantir leur efficacité, leur indépendance et leur représentativité.
Quant au « Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire », il est prévu d'en réformer l'intitulé et la composition et d'en préciser substantiellement les missions.
Enfin, nous proposerons un amendement qui améliorerait très sensiblement les garanties en cas d'accident nucléaire.
Telle est donc l'économie générale des amendements qui, associés à ceux que vous a présentés Henri Revol, constituent la contribution de votre commission des affaires économiques à ce texte majeur et innovant.
Nous pouvons être réellement fiers des performances de notre pays en matière nucléaire. Espérons que, demain, les Français seront fiers également des garanties juridiques exemplaires que le législateur aura su donner à ce secteur essentiel pour le présent comme pour l'avenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
8
Modification de l'ordre du jour
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« En application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement modifie comme suit l'ordre du jour prioritaire du Sénat :
« Jeudi 9 mars, le matin :
« - lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur le projet de loi pour l'égalité des chances ;
« - suite du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
« Jeudi 9 mars, l'après-midi après les questions d'actualité au Gouvernement et, éventuellement, le soir :
« - lecture des conclusions de la commission mixte paritaire sur la proposition de loi tendant à lutter contre les violences à l'égard des femmes et notamment au sein des couples ;
« - suite du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments fidèles et dévoués.
« Signé : HENRI CUQ »
Acte est donné de cette communication.
9
Transparence et sécurité en matière nucléaire
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi pour la transparence et la sécurité en matière nucléaire.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;
Groupe socialiste, 49 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, une fois n'étant pas coutume, je ne vous cacherai pas ma satisfaction ni celle des collègues de mon groupe de voir le projet de loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire venir en débat au Sénat.
Cette satisfaction est d'autant plus compréhensible si l'on tient compte de l'historique de ce texte, qu'il me semble important de rappeler brièvement.
En 1998, Lionel Jospin, alors Premier ministre, rappelait « l'importance qu'il - le gouvernement de l'époque - attachait au respect des règles démocratiques et de transparence, ainsi que la nécessité de séparer clairement les fonctions de contrôleur et d'exploitant ». À cette fin, il annonçait qu'il présenterait des dispositions législatives sur ce sujet, reposant notamment sur la création d'une autorité indépendante.
Le 6 mars 1998, il confiait à Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe-et-Moselle, une mission ayant pour objet « d'évaluer le système actuel de contrôle et d'expertise, pour les deux grandes fonctions qui le composent : sûreté et protection de l'environnement, radioprotection pour les travailleurs de l'industrie nucléaire et pour la population ».
Il en ressortit un projet de loi sur la transparence, le contrôle et la sécurité en matière nucléaire. Le rapporteur faisait observer : « Le nucléaire brille par son absence du domaine de la loi et du contrôle parlementaire. Je me suis donc également efforcé de dessiner le contour d'une loi sur la transparence, le contrôle et la sécurité nucléaire ».
L'absence effarante de base législative relative au contrôle de la sûreté nucléaire des grandes installations nucléaires signifie que le Parlement n'a jamais eu à intervenir directement sur cette question, ô combien cruciale, pour la santé des citoyens qu'il représente. Cela explique en grande partie la suspicion actuelle de l'opinion publique à l'égard du nucléaire.
Ce projet de loi a été déposé pour la première fois sur le bureau de l'Assemblée nationale le 4 juillet 2001 par Mme Dominique Voynet, désormais sénatrice, qui était à l'époque ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement. Il a été intégralement repris, sous le gouvernement Raffarin, par Mme Roselyne Bachelot, alors ministre de l'écologie et du développement durable, et il a été enregistré au Sénat le 18 juin 2002.
À plusieurs reprises - notamment lors des débats sur les questions énergétiques, sur le projet de loi portant modification du statut EDF et GDF, et sur la loi d'orientation sur l'énergie -, le groupe socialiste du Sénat a déposé des amendements reprenant des articles de ce projet de loi originel. À plusieurs occasions, il a réclamé son inscription à l'ordre du jour. Il aura donc fallu attendre près de cinq ans pour que le projet de loi soit finalement examiné.
Vous comprendrez notre joie de constater que le Gouvernement a enfin entendu raison. Il devenait en effet urgent que le Parlement examine ce projet de loi visant à accroître la transparence en matière nucléaire, dans le contexte actuel de restructuration du secteur énergétique et de transformation de l'un des principaux exploitants de la filière électronucléaire en société anonyme.
Malheureusement, cette satisfaction a été de courte durée eu égard à la procédure suivie pour l'examen de ce texte, le postulat étant de clarifier le débat sur le nucléaire, préalable indispensable à un changement radical de l'approche du nucléaire visant à rassurer la population.
Je ne souhaite pas m'attarder sur les atermoiements successifs, avec une inscription à l'ordre du jour du projet de loi, puis son ajournement à la suite de l'annonce du Président de la République de la création d'une autorité indépendante chargée du contrôle de la sécurité nucléaire, de la radioprotection et de l'information, enfin, l'adoption d'une lettre rectificative venant notablement modifier le texte originel.
Avouez, madame la ministre, que, sur la forme, ces décisions contradictoires sont symptomatiques d'un dysfonctionnement majeur au sein de l'exécutif ! De surcroît, ce cheminement chaotique a fortement perturbé le travail préparatoire des sénateurs.
Pour achever ce parcours allant à l'encontre de l'objectif fixé, la déclaration d'urgence pour ce projet de loi constitue une faute politique grave. Pourquoi abréger ce débat tant attendu et si nécessaire ? Vous ne pouvez pas justifier cette décision par une volonté présupposée de l'opposition de vouloir tronquer ou retarder le débat.
Comme le démontre l'historique du projet de loi, notre volonté de participer à l'élaboration d'un texte de qualité ne peut être mise en doute. Cette décision d'abréger est source de suspicion, alors que notre objectif - commun je l'espère - est de bannir ce sentiment du débat sur le nucléaire.
Cette transparence, dont nous débattons, est cruellement absente de la procédure suivie.
Si au moins le temps passé à attendre que le Parlement se prononce avait permis l'élaboration d'un texte mûri... En fait, l'improvisation est manifeste et risque de se révéler préjudiciable. Comme cela est rappelé à juste titre dans l'exposé des motifs, « l'acceptation des activités nucléaires par le public repose notamment sur la confiance ». Ce cafouillage malvenu risque d'avoir une nouvelle fois entamé cette confiance qu'il nous revient pourtant de favoriser.
Les quatorze nouveaux articles composant le titre II et créant la nouvelle Haute autorité de sûreté nucléaire sont particulièrement indigestes. Compte tenu des nombreux amendements que les rapporteurs ont préparés sur ce titre, ceux-ci seront sans doute d'accord avec moi pour reconnaître que le texte proposé devait être amélioré. Sur le fond, il pose un certain nombre de problèmes sur lesquels nous aurons l'occasion de revenir lors de la discussion des articles. Quoi qu'il en soit, toutes ces démarches s'accommodent difficilement avec la volonté affichée d'améliorer la confiance des Français dans le nucléaire.
Les raisons qui ont soudainement poussé la majorité à l'inscription de ce texte à l'ordre du jour du Parlement sont sans doute multiples. L'approche du vingtième anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl, à savoir le 26 avril 2006, n'est sans doute pas anodine, d'où l'importance, à titre liminaire, de rappeler l'historique de ce texte et de rétablir sa paternité.
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Bernard Piras. Dans la conscience et la mémoire collectives, ce dramatique évènement est présent et influe fortement sur la position suspicieuse et craintive de nombreux citoyens face au nucléaire. Je ne m'attarderai pas sur la gestion par les autorités françaises de cet évènement, mais le flou et l'incertitude persistants, notamment quant aux répercussions sur la santé publique, n'ont fait et ne font qu'entretenir le sentiment de méfiance.
Sans doute, la situation actuelle et future du marché de l'énergie légitime de manière plus objective, s'il en était encore besoin, le débat que nous avons aujourd'hui. Ce marché est soumis à de nombreuses contraintes : une contrainte démographique, l'accroissement de la population engendrant un besoin énergétique accru ; une contrainte environnementale, liée au réchauffement climatique et l'épuisement progressif des énergies fossiles ; une contrainte géopolitique, compte tenu de la localisation des ressources dans des zones politiquement peu stables ; enfin, une contrainte politique, l'indépendance énergétique étant une préoccupation majeure.
L'énergie nucléaire répond à ces contraintes. Cependant, cela ne doit pas conduire au « tout nucléaire » et il faut absolument tout mettre en oeuvre pour favoriser le développement des énergies renouvelables, qui présentent également de réels et indiscutables avantages.
Le rôle important que le nucléaire sera donc amené à jouer dans les décennies futures justifie pleinement un texte visant à en garantir la transparence et la sécurité. Au regard de l'avenir qui se dessine, ce texte fondateur s'avère même un préalable indispensable.
Il est d'autant plus indispensable qu'il s'inscrit dans un contexte nouveau, sur fond de dérégulation et de privatisation de la filière électronucléaire avec l'ouverture du capital d'EDF, ou de celle, éventuelle, du capital d'AREVA. Mes collègues de l'Assemblée nationale ont, à juste titre, demandé la création d'une commission d'enquête sur les risques engendrés par l'évolution du statut de la filière nucléaire. Je partage pleinement l'idée que « la privatisation de la filière nucléaire est source d'un foisonnement de risques et que des efforts de transparence et d'information sur ce sujet hautement sensible pour nos concitoyens doivent être faits ».
Un tel contexte exige que soient formalisées dans une loi les contraintes et obligations auxquelles seront soumis les exploitants en matière de transparence et de contrôles.
La répétition étant pédagogique, rappelons encore une fois que, au-delà des mesures techniques qui découleront de ce texte, il s'agit avant tout d'adresser aux Français un signal de confiance.
Or le mariage surprise de Gaz de France et de Suez a brouillé le message. Nul besoin de s'attarder sur l'improvisation et la précipitation avec lesquelles cette opération a été conduite. En revanche, je tiens à rappeler que j'étais présent lorsque le Gouvernement avait donné sa parole que la limite des 70 % de capital détenu par l'Etat ne serait pas remise en cause. La valeur de vos engagements est ainsi bien relative, alors que, selon les propos tenus par le Président de la République lors de son allocution du 5 janvier 2006, l'action du Gouvernement doit « faire progresser encore la confiance ».
M. Daniel Raoul. Très bien !
M. Bernard Piras. Avec le nucléaire, le danger encouru est d'une autre ampleur et l'instauration de garde-fous est primordiale. Comme le titrait récemment un quotidien, le secteur énergétique est en ébullition, et ce qui se passe actuellement entre le groupe allemand EON et l'espagnol ENDESA ne peut que nous inquiéter.
Qui peut garantir que nos centrales nucléaires ne seront pas un jour entre les mains de personnes dont la sécurité sera loin d'être la priorité, s'il s'agit d'abord de servir des dividendes élevés aux actionnaires comme c'est la règle aujourd'hui ? Vous, madame la ministre ?...
La filière électronucléaire pourrait-elle échapper à cette logique alors que l'un de ses exploitants principaux vient d'ouvrir son capital ? Une dilution de son capital public sera si vite arrivée dans le cadre d'une OPA ou tout simplement d'une fusion-acquisition avec un autre opérateur européen ou non !
Un regroupement d'EDF et de GDF, comme nous l'avions réclamé lors de l'examen du projet de loi sur le statut d'EDF et de GDF, aurait seul permis d'éviter que nous prenions le risque de verser dans de telles logiques en plaçant ces entreprises sous la coupe des marchés financiers.
Les exemples d'ENRON et de Parmalat n'auront donc pas suffi à nous rendre plus sages...
Je me souviens encore des propos tenus par Patrick Devedjian en juin 2004 : « Il n'y aura pas de privatisation parce qu'EDF c'est le nucléaire, et qu'une centrale nucléaire, ce n'est pas une centrale téléphonique ! Un gouvernement ne prendra jamais le risque de privatiser l'opérateur des centrales nucléaires. »
M. Daniel Raoul. Eh oui ! Il l'a dit !
Un sénateur sur les travées du groupe CRC. Parole, parole, parole...
M. Bernard Piras. Nous y arrivons pourtant, à petits pas, mais sûrement... d'abord en cassant les synergies qui existaient entre EDF et GDF et en empêchant d'en faire un grand groupe énergétique de service public ; ensuite, en mettant en concurrence ces deux grandes entreprises.
Le rapprochement d'EDF et de GDF pouvait aussi s'analyser en termes de projet industriel et de culture de service public à préserver à l'heure où l'on se soumet désormais plus volontiers aux ordres des marchés financiers ou à la satisfaction des actionnaires.
Sous l'angle de l'accès à l'information et du contrôle des installations nucléaires de base, c'est la question de la régulation et de la place du politique dans le domaine nucléaire qui est ici posée face à l'emprise de plus en plus importante d'une régulation marchande et actionnariale. Une telle régulation fait peser de fortes contraintes en termes d'exigence de rentabilité sur le court terme.
Est-ce compatible avec les exigences de sûreté, dans un secteur comme le nucléaire, où les risques sont plus importants qu'ailleurs ?
Vous comprendrez aussi, madame la ministre, l'importance que revêt, dans ce contexte, le partage des rôles entre la Haute autorité de sûreté nucléaire, le politique - et le pouvoir réglementaire dont il dispose - et enfin le Haut comité à la transparence créé par l'article 7 du projet de loi.
Enfin, toujours sur cette question de la régulation, on remarquera par exemple que le faible coût de notre énergie nucléaire n'aura pas permis d'éviter que nos tarifs soient alignés sur les prix mondiaux, contribuant à la hausse du prix de l'électricité. Cette hausse des tarifs est préjudiciable à tous les usagers ; elle remet en cause in fine le service public de l'électricité.
Cette hausse des prix est également préjudiciable aux gros consommateurs d'électricité, pour lesquels la facture énergétique constitue un élément de compétitivité, sans compter le risque de délocalisation que cela crée.
Ce qui légitime l'action législative, c'est la recherche du progrès et, en la circonstance, l'amélioration des conditions de vie de la population. Ce n'est pas l'augmentation des dividendes versés aux actionnaires.
Ainsi, il faut absolument prendre conscience qu'une loi sur la transparence et la sécurité est non seulement justifiée, mais aussi rendue vitale et urgente par le contexte actuel.
Avant d'aborder directement le contenu du texte qui nous est proposé, il fallait donc bien rappeler l'historique et le contexte dans lequel il est présenté, ainsi que les raisons pour lesquelles nous sommes finalement satisfaits de le voir inscrit à l'ordre du jour. Il n'en demeure pas moins que certaines des nouvelles dispositions du projet de loi rectifié ne nous conviennent guère et nous aurons l'occasion d'y revenir. Ainsi, je tiens à le souligner, sur de nombreux aspects, la nouvelle Haute autorité est loin d'être satisfaisante ; mon collègue et ami Daniel Raoul ne manquera pas d'y revenir.
Indépendamment des aspects parfois techniques de ce projet de loi, quelle est sa véritable ambition, puisque les mesures techniques sont là pour la mettre en oeuvre et non pour la masquer ? C'est de donner, ou plutôt redonner confiance au public dans le nucléaire. Une telle transparence passe forcément par une clarification, une dissociation et une identification des compétences.
La transparence et la sécurité doivent être garanties pour l'ensemble du processus nucléaire : extraction, production, utilisation, recyclage et stockage. De même, si les grandes options nucléaires doivent rester de la compétence du pouvoir politique en tant que représentant du peuple souverain, les décisions visant à la sûreté et à la transparence des installations nucléaires peuvent ainsi relever d'une autorité indépendante des exploitants et du Gouvernement. Or une Haute autorité ne peut pas bénéficier de pouvoirs exorbitants en lieu et place du politique, et son activité doit être contrôlée par le Parlement.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Bernard Piras. La question de la confiance dans le nucléaire va de pair avec celle de la transparence et du droit à l'information du public sur les risques nucléaires. Certes, dans ce domaine, des progrès ont été réalisés : mise en place de la Commission nationale du débat public, organisation de débats publics sur l'EPR ou sur les déchets, rôle des commissions locales d'information, les CLI, et de l'Association nationale des commissions locales d'information, l'ANCLI. Mais beaucoup reste à faire.
À ce titre, ce projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire doit notamment être l'occasion d'affirmer clairement la mission d'information, de suivi et d'expertise des commissions locales, cette reconnaissance devant déboucher sur la mise à disposition de moyens et de compétences pour en assurer la mise en oeuvre effective. Or, les mesures proposées étant notoirement insuffisantes, voire dangereuses, nous proposerons plusieurs amendements en ce sens, et ceux-ci sont aussi pertinents que ceux de la commission, madame la ministre !
M. Bernard Piras. Les débats publics actuels autour de l'EPR ou des déchets se sont parfois déroulés dans un contexte très houleux. À ce titre, l'annonce, le 5 janvier dernier, par le Président de la République du lancement de l'EPR à Flamanville, alors que le débat public n'était pas encore terminé, a constitué un mauvais signal donné à tous.
M. Guy Fischer. C'est vrai !
M. Bernard Piras. En effet, comment, d'un côté, vouloir restaurer la confiance autour du nucléaire, notamment à travers ce projet de loi, et, de l'autre, court-circuiter le débat public et les tentatives de démocratie de proximité ?
M. Daniel Raoul. Eh oui !
M. Bernard Piras. D'ailleurs, dans une lettre adressée au Président de la République, le président de l'ANCLI a lui-même soulevé ce problème : « Votre intention politique ne peut, en l'espèce, se substituer à la décision juridique et à l'autorisation administrative. Celles-ci ne peuvent être prises avant la publication du bilan du débat public. Dès lors, où est le respect de la participation des citoyens au débat public ? »
Ce faisant, vous aurez du mal à redonner la confiance aux Français, madame la ministre !
Disons-le autrement, pourquoi mettre la charrue avant les boeufs et court-circuiter le bon déroulement et la transparence du débat ? Tout cela n'est pas crédible et dessert l'objectif visé par ce projet de loi tel qu'il a été envisagé.
Faut-il encore souligner que la question de la transparence renvoie avant tout à celle de l'accessibilité à l'information, y compris à certaines données techniques ? Or c'est aussi là que le bât blesse, puisqu'il s'agit de délimiter des frontières afin que la protection des données industrielles puisse être aussi assurée. C'est ce que souligne Jean-Yves Le Déaut dans son rapport : « Il y a un délicat compromis à trouver entre devoir d'information du public et devoir de protection des industriels ». Comme nous le verrons, c'est aussi l'un des enjeux de ce projet de loi.
En ce qui concerne l'expert public, à savoir l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, son indépendance doit être mieux garantie.
M. le président. Veuillez terminer, monsieur Piras.
M. Bernard Piras. J'en ai encore pour trois minutes, monsieur le président !
M. Michel Moreigne. Monsieur le président, l'intérêt du Sénat est d'écouter M. Piras, car ce qu'il dit est très intéressant !
M. Bernard Piras. L'IRSN ne doit pas tomber sous la coupe de la Haute autorité, au risque de mélanger les rôles de prescripteur et de contrôleur, qui doivent être bien séparés. En outre, les CLI doivent voir leur mission d'information renforcée et leur composition élargie. Quant à l'ANCLI, elle doit être reconnue par ce projet de loi. Tels sont quelques exemples de nos propositions d'amendements.
J'en reviens maintenant au dispositif consacré à la Haute autorité indépendante. Au regard de son importance, nous regrettons vivement d'avoir eu si peu de temps pour l'analyser. Malgré tout, il nous a paru comporter de réels et graves défauts, pour ne pas dire anomalies.
En effet, être indépendant ne veut pas dire ne pas rendre des comptes. Or cette autorité apparaît comme un démembrement de l'administration donnant tous les moyens humains, financiers et techniques à un collège de cinq personnes. Elle dispose de pouvoirs juridiques très importants pour édicter des règlements et effectuer des contrôles. Elle échappe donc à tout contrôle hiérarchique et politique, que ce soit du Parlement ou du Gouvernement. Sur ce point, il est très regrettable que vous n'ayez pas retenu la proposition de Jean-Yves Le Déaut de créer une « commission parlementaire spécifique chargée du contrôle de l'autorité administrative indépendante ». Cet aspect est primordial : la représentation nationale ne peut, une nouvelle fois, être écartée, cette mission de surveillance relevant clairement de sa compétence.
Ainsi, l'autorité indépendante posséderait, selon le texte, un pouvoir de règlement, de contrôle et d'information. La concentration de ces trois pouvoirs dans les mains d'une autorité indépendante est dangereuse et ne peut, en aucune manière, garantir la transparence en faveur de laquelle nous débattons ici. L'idée, comme certains l'ont souligné, n'est pas de créer « une dictature technocratique indépendante de l'État, mais dépendante du pouvoir nucléaire ».
Le champ de compétence de cette Haute autorité doit donc être repensé. Il semble d'ailleurs, madame la ministre, que cet avis soit partagé par les rapporteurs de la commission des affaires économiques.
La Haute autorité étant pourvue de tels pouvoirs, sa composition devient cruciale. Or, sur ce point également, ce que vous proposez est loin d'être satisfaisant. Tout est réuni pour que les personnes désignées soient issues du pouvoir nucléaire. À la lumière de ces critiques, vous comprendrez, mes chers collègues, que le dispositif consacré à cette Haute autorité, tel qu'il est proposé, est fort éloigné du projet originel.
Dans le cadre de cette discussion générale, je n'entrerai pas plus dans le détail de nos propositions, car nous le ferons lors de l'examen des articles. Globalement, il doit ressortir de ce texte de loi une clarification des rôles et des compétences de chacun des acteurs du nucléaire : à la Haute autorité indépendante, la mission de contrôle et de gendarme ; au Haut comité de transparence, la mission de l'accès à l'information ; à l'IRSN, la mission d'expertise ; enfin, à l'État, la mission d'assumer la responsabilité en dernier ressort.
Or, c'est à un accroissement de la confusion que nous assistons dans la distribution des rôles de ces trois principaux acteurs de notre système de sûreté et de sécurité en matière nucléaire. Tous les acteurs de la filière nucléaire risquent de pâtir de ce manque de clarté, alors qu'ils ont besoin de pouvoir identifier clairement leurs interlocuteurs en fonction des compétences précises qui leur sont attribuées.
Comme vous l'aurez sans doute compris, madame la ministre, l'intervention de notre groupe se veut constructive, avec comme objectif affirmé le renforcement de la transparence et de la sécurité dans le domaine nucléaire. Les amendements que nous présenterons seront logiquement guidés par cette ambition, qui est, en la matière, l'aspiration légitime de nos concitoyens.
Dans son rapport, Jean-Yves Le Déaut le rappelle : « Il n'empêche que les Français n'auront confiance dans le nucléaire que s'ils acquièrent l'intime conviction qu'on leur dit la vérité ». Lors des débats, ne perdons jamais de vue cet aspect psychologique du sujet. Malheureusement, jusqu'à présent, le parcours et le contenu de ce projet de loi sont loin de nous avoir rassurés sur ce point. J'espère vivement que, de nos débats, émergera la clarté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Piras, vous avez parlé pendant vingt et une minutes et demie !
M. Bernard Piras. Le groupe socialiste a droit à quarante-neuf minutes, monsieur le président !
M. le président. Certes, mais cela signifie que le temps de parole disponible pour vos collègues, M. Daniel Raoul et Mme Dominique Voynet, sera éventuellement réduit, puisqu'ils ne disposeront plus que de vingt-sept minutes et demie.
(M. Guy Fischer remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La parole est à M. Paul Girod.
M. Paul Girod. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, le nucléaire est entré dans l'histoire des hommes par la mauvaise porte, depuis la tragédie d'Hiroshima jusqu'aux accidents de Three Mile Island et de Tchernobyl, et nos concitoyens ont évidemment à l'égard de cette énergie une attitude empreinte à la fois de prudence, d'interrogations et de craintes. Il est donc tout à fait normal que le législateur puisse, à un moment ou à un autre, faire en sorte que ces méfiances, ces craintes, ces peurs puissent être, sinon supprimées, du moins apaisées et rationalisées.
Pour autant, même si le nucléaire est entré dans l'histoire des hommes par la mauvaise porte, d'une façon dramatique, il représente en même temps l'une des rares chances qui s'offrent à nous pour les siècles à venir.
Malgré tous les discours tenus actuellement sur la multiplicité des énergies alternatives et renouvelables, chacun d'entre nous doit bien avoir conscience que notre civilisation repose, telle une pyramide sur la pointe, sur la simple caractéristique d'une énergie abondante et bon marché, sans laquelle rien de ce que nous avons construit depuis deux siècles n'aurait été possible. Or, pour les prochains siècles, rien ne saurait être préservé sans un large recours à l'exploitation raisonnée, raisonnable et encadrée de l'énergie nucléaire. Cela permettra aux pays développés de maintenir leurs avances technologiques et aux pays du tiers-monde de sortir des situations effroyables dans lesquelles ils se trouvent.
En la matière, il faut saluer tous ceux qui, à la suite du président Giscard d'Estaing, se sont succédé pour faire en sorte que la France acquière et conserve l'avance technologique et l'expérience dont nous bénéficions actuellement par rapport aux autres pays. Moi qui ai eu l'occasion de discuter souvent avec des hommes politiques américains, je ne peux pas ne pas me rappeler que, depuis deux ou trois ans, ceux-ci expriment tous, les uns après les autres, sur des modes différents, leurs regrets de voir que leur grand pays n'ait pas suivi les pistes ouvertes par la France en matière d'exploitation de l'énergie nucléaire civile.
À l'évidence, compte tenu des deux aspects du sujet que je viens d'évoquer, nos concitoyens sont tout à fait en droit d'être particulièrement exigeants sur l'encadrement de cette activité et la manière dont elle est contrôlée, comme sur les modalités prévues pour sanctionner éventuellement les dérapages de tel ou tel exploitant ou utilisateur. À cet égard, il est heureux que nous puissions, enfin, légiférer.
Madame la ministre, voilà plus de vingt ans que je siège dans cette assemblée et que je peux apprécier l'excellence des rapports qu'elle publie, même si j'accorderai une mention toute particulière à celui de nos collègues Henri Revol et Bruno Sido, compte tenu de leurs grandes compétences en la matière. Cela étant, c'est la première fois, me semble-t-il, que la colonne « textes en vigueur » du tableau comparatif figurant dans le rapport de la commission est totalement vide et que, s'agissant d'un sujet aussi grave, il nous appartient de légiférer à partir de rien.
Ce point est d'autant plus important à souligner que, je le répète, nous avons énormément avancé en matière de nucléaire dans les réalisations, les investissements et les utilisations. Par conséquent, peut-être plus encore que d'autres pays, nous sommes très exposés aux réactions de notre population et nous avons un devoir de clarté à son égard.
Madame la ministre, nous avons également un devoir de clarté par rapport à la tutelle ministérielle. Dans un tel domaine, tous ceux qui, de près ou de loin, sont concernés par l'activité nucléaire, qu'ils soient exploitants, transporteurs ou « retraiteurs », ont besoin de savoir exactement à qui ils doivent rendre compte et quel est celui qui a l'autorité pour, éventuellement, entrer chez eux et les protéger contre leur gré. Ainsi, tout cela se rapporte à des problèmes de sécurité et, notamment, de terrorisme, ce qui rend la clarification sur la tutelle d'autant plus nécessaire. Dans ce projet de loi, mais aussi dans les prochains textes, nous devrons nous en souvenir et avoir présent à l'esprit cet aspect particulier.
L'ensemble de ceux - dont je fais partie - qui s'intéressent aux questions de protection et de défense civiles de notre population ressentent la nécessité d'une législation sur le sujet. Même si je ne suis pas, loin s'en faut, le plus grand spécialiste en la matière, j'assiste à beaucoup de colloques, pour connaître les nouvelles réflexions et les avancées intellectuelles.
Dans ce domaine, comme dans d'autres, la première des actions à mener est d'informer clairement la population des risques encourus, tant sur le plan théorique que sur le plan pratique, en précisant ce qu'il convient de faire, ponctuellement, au niveau local. Même si cela n'a rien à voir avec la sécurité nucléaire, je suis de ceux qui déplorent que, dans notre pays, par crainte d'affoler la population, aucun exercice public d'évacuation des tours n'ait été organisé. Or, le 11 septembre 2001, les Américains ont pu sauver nombre de leurs concitoyens parce que, justement, ils avaient l'habitude de ces exercices d'évacuation.
Par conséquent, l'information du public doit être la plus claire, la plus large, la plus précise et la plus près du terrain possible.
M. Michel Moreigne. Très bien !
M. Paul Girod. Madame la ministre, si vous me le permettez, je vais prendre le texte un peu à l'envers. Vous mettez en place un Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire et vous voulez développer le rôle des commissions locales d'information, ce qui me paraît absolument indispensable. Sur ce sujet particulier, les amendements de la commission sont spécialement bienvenus, car il faut effectivement, sur ce point également, que la population et nos médias soient éclairés. En effet, ces derniers, sans le vouloir, divulguent tellement de sottises sur des sujets aussi graves qu'une telle information me semble nécessaire.
Le Gouvernement met aussi en place une Haute autorité de sûreté nucléaire. Voilà quelque temps, lors d'un tout autre débat, nous avons assisté dans cet hémicycle à une diatribe enflammée de l'un de nos collègues au grand talent oratoire, M. Mélenchon, sur la notion des hautes autorités administratives. Il indiquait qu'il était peu favorable à la création de ce genre d'organismes, démembrements de l'État, de l'autorité. Sur nombre de sujets, je partage totalement son analyse. Mais, sur ce point particulier, tel n'est pas le cas. En l'espèce, madame la ministre, vous avez raison de créer une telle instance.
Je regrette quelque peu que la désignation des membres de cet organisme incombe exclusivement à des autorités politiques, non que je me méfie d'elles, mais le fait que lesdits membres soient nommés par le Président de la République et par les présidents des deux assemblées peut rendre cette instance un peu plus « douteuse » vis-à-vis du public. C'est une des raisons pour laquelle j'ai déposé un amendement relatif au secret de ses délibérations, de telle manière qu'elle ne puisse pas être accusée d'agir de façon partisane.
Par ailleurs, son rôle et sa nature exacts doivent être parfaitement définis. Les fonctions de conseil, le pouvoir normatif et les sanctions doivent être davantage clarifiés. La commission des affaires économiques a proposé des avancées, mais il faudra, à l'avenir, poursuivre en ce sens. Il faudra exactement clarifier les domaines d'intervention de la Haute autorité, les domaines dans lesquels elle peut conseiller, réglementer et les sujets sur lesquels elle peut sanctionner. À mon avis, son champ d'intervention ne peut être que très limité, en raison de sa qualité d'autorité politique, le ou les ministres concernés devant garder la totalité de leurs attributions.
Aux termes du projet de loi, la haute autorité doit participer à l'information. Cette prérogative a retenu mon attention. En effet, on ne peut pas avoir simultanément un Haut conseil de l'information et une Haute autorité qui participent à l'information. Sur ce point également, des clarifications doivent être apportées afin de connaître avec exactitude la compétence de chacun.
Madame la ministre, malgré le soutien, qui vous est acquis, des membres du groupe UMP à ce projet de loi, je veux formuler quelques réflexions sur un point particulier.
Faites attention au blocage ! Le mieux est souvent l'ennemi du bien ! Je comprends aisément que les publications relatives à la sûreté doivent être nombreuses. Mais bien souvent, les domaines de la sûreté, de la sécurité, des processus industriels ou des brevets sont ambigus. Pour ma part, je souhaite que, sous prétexte d'agir au mieux, le bien ne soit pas oublié et que soit conservée l'avance, tellement remarquable et tant essentielle, que possède la France sur ce sujet. Les textes d'application devront être certes clairs mais extrêmement prudents quant aux renseignements qui seront mis à la disposition du public et à ceux qui doivent relever du secret industriel, voire du « secret défense », dans un certain nombre de cas.
J'en viens aux voies de recours.
Je comprends bien que le contentieux de pleine juridiction soit envisagé en la matière par rapport à d'autres installations classées. Mais les investissements sont tellement lourds et les difficultés d'application tellement grandes que je ne suis pas certain qu'abandonner la voie de l'abus de pouvoir au bénéfice du plein contentieux - notons les quatre ans de délai avant la saisine - soit la meilleure façon de procéder, eu égard au dynamisme que doit garder la filière nucléaire française. Sur ce point précis, madame le ministre, je me permets de vous faire part à la tribune d'une certaine crainte.
L'IRSN vient d'être évoqué, sujet dont j'ai traité lors de précédents débats dans cet hémicycle. Madame la ministre, je sais que vous avez récemment visité cet institut. Vous avez notamment dit qu'il permettait, entre autres, « d'être immédiatement opérationnel pour conseiller les autorités publiques et si nécessaire intervenir en cas d'accident ». À l'issue de votre visite, vous avez estimé que cette mission était bien remplie.
Mais, dans l'application de la LOLF, j'ai constaté que l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire était rattaché au ministère de l'industrie et à la direction de la recherche, et que l'indice de performance retenu était le nombre de publications annuelles. Je suis navré, mais, sur ce point également, par le biais du projet de loi que nous examinons, s'agissant de la LOLF et des indicateurs de performance, ainsi que de l'organisation générale de la hiérarchisation de l'action de l'IRSN, les choses doivent être rendues un peu plus cohérentes. En effet, juger un organisme d'intervention sur ses publications scientifiques, si essentielles soient-elles, ne peut pas être, me semble-t-il, la meilleure des solutions.
Madame la ministre, vous avez compris que les membres du groupe UMP vous apporteront leur soutien lors de l'examen de ce projet de loi, comme à leur habitude. Nous souhaitons que la clarification de notre législation relative au nucléaire fasse partie de la réhabilitation vis-à-vis de nos concitoyens de l'un des grands atouts que la France possède par rapport au reste du monde, dans le siècle qui s'annonce. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avec 80 % de sa production électrique d'origine nucléaire, la France est une exception dans le monde. Nul autre pays n'a privilégié à une telle échelle l'industrie du nucléaire civil. La France s'est ainsi engagée dans un programme industriel de grande ampleur, porté par les pouvoirs publics, politique qui a limité sa dépendance énergétique vis-à-vis du pétrole.
Cette industrie est aujourd'hui l'un des fleurons de notre économie ; elle est reconnue dans le monde comme étant la plus performante et la plus sûre.
Notre pays tient une position technologique dominante dans la filière nucléaire et la première place sur le marché international. De plus, il convient de souligner que près de 40 000 emplois directs dépendent, en France, du nucléaire.
Il faut souligner que la dépendance de la France et de l'Union européenne vis-à-vis des hydrocarbures s'accroît considérablement. Ainsi, à l'horizon 2030, l'Union européenne importera 90 % de son pétrole et 70 % de son gaz. L'énergie nucléaire est donc présentement la seule véritable alternative pour la production d'électricité.
La discussion en première lecture au Sénat du projet de loi relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire vient enfin donner un véritable cadre législatif à cette activité stratégique.
J'évoquerai les principales dispositions de ce texte avant de placer ce débat dans une perspective européenne.
Le cadre juridique actuel de l'utilisation de l'énergie nucléaire à des fins civiles est bien fragile. Il ne repose que sur le décret du 11 décembre 1963 modifié, pris en application de la loi du 2 août 1961 relative à la lutte contre les pollutions atmosphériques et les odeurs, totalement dépassée et ne répondant plus aux préoccupations actuelles. En d'autres termes, le programme civil reste soumis au régime du contentieux administratif ; il est susceptible de se voir priver de sa base réglementaire par une annulation en excès de pouvoir devant le juge. Des enjeux aussi vitaux ne peuvent dépendre que de la loi.
Le présent projet de loi procède donc enfin à la définition de cette base juridique, tout en spécifiant et en consolidant les grands principes qui président depuis longtemps à cette industrie, à savoir la responsabilité de l'exploitant, la limitation de l'exposition aux radiations, la justification systématique de l'implantation de nouvelles installations et le principe de précaution.
Le coût croissant des énergies fossiles et les insuffisances des énergies alternatives, en l'état actuel de la recherche, contribuent à faire de l'énergie nucléaire une chance majeure pour notre pays.
Pour cela, les normes de sécurité applicables doivent être portées au niveau le plus élevé. Lors de l'incident survenu à la centrale de Three Mile Island en 1979, les autorités américaines ont pu démontrer que des normes de sécurité élevées étaient déterminantes pour confiner toute catastrophe radiologique.
Ce renforcement des normes de sécurité, mis en oeuvre par le projet de loi que nous examinons, ne peut que rassurer nos concitoyens quant à la vigilance extrême indispensable dont font preuve l'État et les exploitants dans une matière aussi sensible, qui ne peut dépendre d'un quelconque aléa. La définition de la sécurité nucléaire, contenue dans l'article 1er, répond à l'exigence de rigueur requise.
Le projet de loi couvre tous les niveaux de l'exploitation, notamment pour les installations nucléaires de base, les IBN, à savoir l'autorisation d'installation et d'exploitation, la surveillance permanente des activités et la gestion du démantèlement d'une installation et du stockage des déchets.
Combinés aux dispositions de la loi du 9 août 2004 relative à la politique de santé publique, ces nouveaux principes législatifs garantiront un fonctionnement rigoureux des IBN, en particulier des quatre-vingts réacteurs nucléaires actuellement en activité.
La création de la Haute autorité de sûreté nucléaire est une avancée qu'il faut souligner. Elle contribuera à développer la nécessaire transparence des activités nucléaires. Cette nouvelle autorité administrative indépendante possédera les moyens matériels et juridiques d'assurer un contrôle efficace de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, en coordination avec l'État.
Il n'aurait pas été souhaitable de faire de cette Haute autorité une autorité administrative indépendante de droit commun strictement détachée de l'État. Le nucléaire est une activité spécifique trop sensible dont on ne peut déléguer la responsabilité. Elle doit dépendre uniquement d'une autorité ad hoc. L'État restera donc le seul garant de la sécurité nucléaire et sera seul compétent pour prendre les mesures qui s'imposent en cas de crise grave.
La création de ladite autorité adapte le cadre d'action français suivant les recommandations de l'AIEA en la matière, à l'instar d'autres États comme le Canada ou les États-Unis.
Je soutiendrai les amendements déposés par la commission qui visent à asseoir la constitutionnalité du pouvoir réglementaire de cette instance, tout en précisant que celui-ci n'aura vocation qu'à compléter l'application des arrêtés et décrets pris en matière de sûreté nucléaire.
Le titre III du projet de loi concerne le développement de la transparence et de l'accès aux informations détenues par les exploitants nucléaires. Il illustre au mieux l'objectif des auteurs de ce texte.
La peur liée au risque nucléaire ainsi que la conviction que les décisions ont été prises de façon opaque et unilatérale ont longtemps perduré dans l'opinion publique. Cependant, la prise en considération de ce souci de transparence connaît une amélioration constante depuis vingt-cinq ans. Aujourd'hui, les citoyens exigent d'être pleinement informés et réclament un débat démocratique pour participer pleinement à une prise de décision aussi importante. Cette volonté de responsabilité ne peut qu'être encouragée.
Le présent projet de loi améliore encore cette culture de la transparence mise en place par l'article 7 de la Charte de l'environnement de 2004. La Commission nationale du débat public a ainsi mené un débat sur le projet d'implantation de la centrale électronucléaire EPR à Flamanville. Il est essentiel de dialoguer, de comprendre, de contrôler afin d'établir la confiance.
Les enjeux relatifs à l'environnement et à la santé publique induits par le nucléaire sont pris en compte par l'instauration ou le développement de plusieurs dispositifs, tels le droit d'accès spécifique des citoyens aux informations, l'obligation de constituer des commissions locales d'information, la création d'un Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire. L'ensemble de ces mesures constitue un progrès très important, mais il pourra sans doute être amélioré. La commission a souligné, par exemple, qu'il serait souhaitable de confier à la Commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, les litiges relatifs à la communication des informations.
S'agissant des règles applicables aux installations, le droit français a su construire, au fil du temps, un corps normatif directement adapté aux spécificités des contraintes et des risques des activités nucléaires. Les exploitants d'IBN ont, eux aussi, besoin de disposer de règles lisibles et durables, compte tenu de la complexité et de la longueur des procédures d'obtention d'une autorisation d'implantation et d'exploitation.
Le contrôle de l'ensemble des installations, spécialement les IBN et les installations classées pour la protection de l'environnement, sera encore plus performant avec la création d'un corps d'inspecteurs de la sûreté nucléaire, dont les pouvoirs de police administrative et judiciaire assureront l'efficacité de leur délicate mission.
Je voudrais enfin apporter un éclairage européen à notre débat d'aujourd'hui. En effet, je crois que le projet de loi que nous examinons est de nature à conforter le regain d'intérêt pour l'énergie nucléaire qui se fait jour actuellement en Europe, en particulier dans l'optique de la conformité au protocole de Kyoto et d'une meilleure garantie de notre indépendance énergétique.
Dans le cadre de la politique de lutte contre le changement climatique, l'Europe s'est engagée à réduire de manière exemplaire ses émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2010. Or il est aujourd'hui certain que le développement des énergies renouvelables et les économies d'énergie ne suffiront pas à faire en sorte que ce but soit atteint.
L'énergie nucléaire, sans être la panacée, constitue une réponse incontournable : elle permet aujourd'hui de faire l'économie, en Union européenne, de l'émission de 800 millions de tonnes de carbone chaque année.
Les opinions publiques européennes ne devraient pas tarder à revenir à la réalité : les prémisses du changement climatique commencent à se faire sentir à travers les dérèglements de la nature ; l'envol du cours des hydrocarbures, depuis l'an dernier, frappe directement les entreprises et les particuliers ; la crise gazière entre la Russie et l'Ukraine, en ce début d'année, est venue rappeler la dimension géostratégique de l'indépendance énergétique.
Cela explique que le débat sur l'énergie nucléaire connaisse aujourd'hui en Europe un frémissement. Certains pays qui avaient renoncé à cette forme d'énergie s'interrogent sur la pertinence de leur choix. Ainsi, les Finlandais ont décidé de lancer une nouvelle tranche et les Polonais songent à se doter d'une filière électronucléaire.
Dans ces conditions, la France peut jouer un rôle moteur en Europe.
Le présent projet de loi participe de ce renouveau possible de l'énergie nucléaire en Europe.
Afin de répondre aux légitimes préoccupations de l'opinion publique européenne, notre pays se doit d'être exemplaire en matière de transparence et de sûreté nucléaires. Le message adressé par le biais de ce texte à nos voisins est que la France, loin de maintenir une situation figée, veille constamment à améliorer le dispositif institutionnel et technique qui garantit la sûreté de ses installations nucléaires.
C'est à ce prix seulement que la filière électronucléaire pourra, enfin forte de la confiance pleine et entière de la population, prendre toute sa place dans l'indépendance énergétique de l'Europe.
En conclusion, je soulignerai l'équilibre très positif de ce projet de loi. Plus qu'à une simple mise à jour des règles applicables aux activités nucléaires civiles il vise à l'institution d'une solide assise législative pour un secteur très stratégique. Notre pays devra relever, dans les années qui viennent, des défis énergétiques et économiques majeurs, mais pourra, dans le même temps, s'enorgueillir des performances de son industrie électronucléaire dans le domaine de la sécurité.
Votre projet de loi, madame la ministre, contribue à faire de cette industrie un secteur de pointe dans lequel nos compatriotes ont confiance. Le groupe du RDSE vous accordera, lui aussi, sa confiance. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après des années d'attente, nous voici enfin réunis afin de doter le nucléaire d'une loi spécifique. Il s'agit là d'une avancée importante.
Nous sommes pleinement satisfaits, notamment, de l'intégration dans le domaine législatif de la réglementation et des procédures de contrôle relatives aux installations nucléaires de base.
Pourtant, en ce qui concerne, plus particulièrement, les questions de sécurité nucléaire, nous restons extrêmement réservés sur les dispositions du présent projet de loi.
Ainsi, nous estimons qu'il ne répond pas aux véritables sources d'insécurité en matière nucléaire qui résident, à notre avis, principalement dans la mise en oeuvre de la libéralisation du secteur énergétique.
En effet, les politiques européennes et nationales d'ouverture à la concurrence, de désengagement de l'État et de démantèlement des entreprises publiques comportent des risques importants en termes de sécurité.
Je tiens, à cette occasion, à mentionner le rapport qu'a remis en 2002 l'inspecteur général de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, rapport dans lequel il étudiait la situation aux États-Unis, où la libéralisation est très avancée.
Ainsi, concernant la centrale de Davis Besse, il remarquait que « le bon équilibre sûreté-sécurité n'était plus correctement assuré, cette situation ayant conduit progressivement à une implication minimale pour respecter les contraintes réglementaires et à considérer comme normales des situations dégradées ».
En effet, pour rester compétitives dans un marché ouvert, les entreprises s'orientent vers la recherche systématique d'un abaissement des coûts de production. Le risque devient alors une dimension naturelle.
En France, le changement de statut d'EDF, rendu possible par la loi de 2004, et l'ouverture du capital à des investisseurs privés, appellent une transformation des règles de gestion de l'entreprise.
Cette déréglementation s'est traduite par une dégradation effective du niveau de sûreté, qui tire son origine d'une gestion et d'un management tournés essentiellement vers la recherche de gains financiers.
Je rappelle que, depuis maintenant cinq années, les rapports annuels de l'inspecteur général de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ainsi que celui des autorités de sûreté nucléaire alertent sur les incidences de la recherche de la compétitivité associée à la libéralisation du secteur. Ils soulignent, notamment, l'évolution des conditions d'exploitation pour tenir compte des aléas du marché et garantir l'augmentation des marges financières.
Par ailleurs, cette recherche de rationalisation des coûts se traduit par une politique de recherche en régression : les effectifs de recherche et développement à EDF ont baissé d'un tiers depuis 1999 et le budget consacré à cette activité est en baisse de 37 %.
De plus, la libéralisation du secteur de l'énergie, associée à la privatisation d'EDF, se traduit également par une place grandissante de la sous-traitance, ainsi que par la dégradation à la fois des conditions de travail et des garanties sociales des salariés : 80 % des doses d'irradiation reçues dans le nucléaire et 70 % des accidents du travail sont subis par les salariés de la sous-traitance.
L'émergence de la concurrence dans ce secteur tend à faire disparaître la professionnalisation des gestes requis.
L'Autorité de sûreté nucléaire souligne à ce sujet : « Lorsque des prestataires d'EDF sous-traitent à des entreprises qui, à leur tour, font appel à la sous-traitance, il devient difficile de contrôler effectivement la qualification de l'intervenant et la qualité des travaux. »
Le recours à l'emploi précaire dans les centrales nucléaires ou électriques est le double de celui qui est observé dans l'industrie, atteignant parfois 70 % dans les activités les plus exposées aux risques professionnels.
Ainsi, nous apprenons de source syndicale que, depuis septembre 2005, « quatre plans d'urgence internes ont été déclenchés suite à des incidents importants » dans des centrales nucléaires françaises.
Cependant, quoi de plus normal dans une société où l'unique objectif des entreprises est la réalisation de bénéfices ?
EDF donne un bon exemple de ces dérives puisque le bénéfice record réalisé en 2005 sert à offrir 1,441 milliard d'euros de dividendes aux actionnaires, somme qui ne servira donc ni à financer le projet industriel de l'entreprise énergétique ni à augmenter les garanties sociales des salariés.
Il est évident que, dans ces conditions, la sécurité des installations, des personnels et des usagers n'est plus garantie.
Ainsi, non seulement la sécurité nucléaire s'accommode mal du statut privé, mais, de plus, elle exige les caractéristiques du secteur public.
Ces caractéristiques sont, d'une part, une véritable transparence, qui permet aux autorités de sûreté de jouer leur rôle, et, d'autre part, cette « part de régalien », déjà évoquée, qui permet de protéger l'activité des tranches nucléaires des aléas du quotidien.
La maîtrise publique se justifie également parce que la production nucléaire nécessite une vision sur le long terme, intégrant la prise en compte de coûts externes importants : le traitement et la gestion des déchets - dont nous parlerons dans quelques mois -, le démantèlement des installations, la prise en compte des risques nucléaires au travers de contrats que les sociétés privées d'assurance ne sont pas prêtes à couvrir.
Dans ce sens, nous souhaitons, notamment, le retour au statut d'établissement public à caractère industriel et commercial - EPIC - d'EDF, seul capable de garantir la sécurité des personnes et des installations.
Nous souhaitons également qu'il soit confirmé que, dans le secteur du nucléaire, seule une entreprise publique est autorisée à exploiter des centrales de production d'électricité.
Pour cela, il est important de reconnaître qu'en France la confiance dans la filière nucléaire a reposé sur sa mise en oeuvre par une entreprise publique ayant fait ses preuves en matière de compétences techniques et de sécurité industrielle, ainsi que sur la maîtrise de l'activité par des personnels compétents.
Par ailleurs, la sécurité nucléaire dépend de la sûreté des installations. C'est pourquoi nous souhaiterions que des études soient menées sur le vieillissement des centrales, de façon à mettre en perspective les objectifs de renouvellement du parc nucléaire.
Cette démarche est urgente, sachant qu'il faut environ huit années pour construire une centrale.
Il s'agit également d'une question importante pour garantir la sécurité d'approvisionnement énergétique.
Deux conditions doivent donc être remplies pour que soit certifiée la sûreté nucléaire : d'une part, il faut assurer un niveau de sécurité élevé des installations - cela se fait par une maintenance de qualité et la réalisation des investissements nécessaires - et, d'autre part, offrir des garanties sociales et des conditions de travail satisfaisantes aux salariés du secteur.
Bref, la sécurité nucléaire implique nécessairement la maîtrise publique de la politique énergétique.
Pourtant, à l'encontre de ces considérations, la lettre rectificative au présent projet de loi porte création d'une haute autorité de sûreté nucléaire, annoncée par M. Jacques Chirac, le 5 janvier 2006, lors de ses voeux.
Cette nouvelle autorité administrative indépendante serait, selon le Président de la République, chargée du contrôle de la sécurité nucléaire, de la radioprotection et de l'information, afin de renforcer la confiance des citoyens dans le nucléaire.
Nous estimons pourtant que, dans ce domaine, une externalisation de ces services par l'État, loin de garantir une indépendance renforcée, laisse présager, au contraire, une pression accrue des grands groupes industriels sur cette autorité.
Ainsi, nous considérons que l'actuelle direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection est une direction efficace et compétente, qui dispose de l'indéniable avantage, étant sous la tutelle du Gouvernement, de permettre concrètement à l'État d'exercer ses missions régaliennes en toute responsabilité.
L'avis rendu par le Conseil d'État en 1999 sur la première mouture de ce projet de loi allait dans le même sens, en affirmant que la sûreté nucléaire est un sujet trop important pour être externalisé par le pouvoir politique.
L'État doit disposer d'une appréciation d'ensemble de la politique de sécurité nucléaire, qui comprend, outre la sécurité civile, la sûreté et les radioprotections.
Dans ce sens, on ne peut que regretter que le Gouvernement se dessaisisse de tout rôle pratique dans l'élaboration de la réglementation relative aux installations nucléaires de base.
De surcroît, ce partage des rôles entre l'autorité nouvellement créée et le Gouvernement, loin de tendre à une clarification des responsabilités, qui est le corollaire d'une garantie de la sécurité nucléaire, est, au contraire, source d'insécurité juridique, et donc, potentiellement, de contentieux.
Nous comprenons également mal que cette autorité, qui ne dispose pas de la personnalité morale, se voie offrir le droit d'ester en justice.
De plus, cette nouvelle autorité va disposer des moyens de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Nous aurions souhaité que, dans ce projet de loi, soient explicités les moyens humains qui seront maintenus dans les services de l'État pour procéder à l'instruction des demandes visant à la création de grandes installations nucléaires.
Quel sera le nouveau statut des inspecteurs de sûreté nucléaires qui seront mis à disposition de l'autorité ainsi créée ? Nous souhaitons des garanties sur ce point.
À l'inverse de ce que vous proposez, madame la ministre, il nous semble au contraire essentiel de renforcer la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Cela passe, notamment, par une augmentation des moyens humains et matériels qui lui sont accordés. Il s'agit là d'un moyen efficace de garantir une meilleure sécurité nucléaire.
Je tiens également à souligner qu'aucune obligation européenne ou internationale n'imposait la création d'une autorité administrative indépendante. En effet, les conventions sur la sûreté radiologique de 1994 et de 1997 pointent l'objectif de l'indépendance de l'autorité dans l'exercice de ses fonctions, mais pas celle de l'organisme lui-même.
Plus globalement, la création de cette nouvelle autorité administrative indépendante se fait avec, en toile de fond, la libéralisation du secteur énergétique et la privatisation des entreprises publiques.
L'article 13 du projet de loi est, en ce sens, particulièrement emblématique : en réglementant la procédure relative aux demandes de changement d'exploitation des installations nucléaires de base, il ne distingue pas ce qui relève des installations nucléaires de base productrices d'électricité et ce qui relève des autres installations.
Plus clairement, comment ne pas analyser ce manque de précision comme la porte ouverte à l'ouverture à la concurrence de l'exploitation de l'installation nucléaire civile ? Souhaitez-vous donc permettre à Suez, déjà exploitant en Belgique, de s'installer en France ? La coïncidence de son rachat par GDF est assez significative et laisse présager le pire.
Je citerai, à ce titre, un passage que je trouve particulièrement éclairant du livre du professeur Claude Champaud sur la définition de ces autorités : « Bien qu'administratifs, ces organismes n'ont pas pour seule fonction de veiller au respect du bien public, mais de préserver des intérêts privés dont la sauvegarde est d'intérêt général ». Comment ne pas voir dans cette nouvelle autorité administrative indépendante l'instrument de l'ouverture du marché nucléaire civil ?
Les exemples dont nous disposons dans la mise en oeuvre de ce type de structure nous incitent à nous montrer critiques. Traditionnellement, leur rôle est de garantir la concurrence libre et non faussée en organisant le déclin de l'opérateur historique.
Dès lors, nous ne pouvons accréditer la création de cette nouvelle haute autorité de sûreté nucléaire. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui était en gestation depuis plus de sept ans. Quatre ministres l'ont porté et il nous revient considérablement modifié par rapport à sa version initiale, notamment par la lettre rectificative que lui a intégrée le Premier ministre, le 22 février dernier.
M. Daniel Raoul. C'est sûr !
M. Christian Gaudin. C'est donc après un début de parcours législatif plus que laborieux qu'il arrive aujourd'hui devant le Sénat.
Sans être expert des questions nucléaires, j'ai estimé important, comme membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques, de porter une attention toute particulière à ce projet de loi qui, en d'autres temps, pas si lointains, aurait entraîné des débats passionnés.
Les questions de transparence et de sécurité en matière nucléaire bénéficient, enfin, d'un encadrement législatif.
Le projet de loi qui nous est présenté est, en effet, le premier texte donnant un cadre général à ces questions primordiales, qui restaient définies par des textes épars, rares et souvent incomplets.
De plus, il s'inscrit dans un mouvement de fond, celui d'une exigence croissante de transparence quant aux questions de sécurité, non seulement en matière nucléaire, mais aussi dans d'autres domaines, comme l'illustre l'actuelle crise avicole.
La prise en compte de ces attentes sera effective grâce à la mise en place d'une autorité administrative indépendante, longtemps promise, mais annoncée très récemment, lors du conseil des ministres du 22 février dernier : la Haute autorité de sûreté nucléaire.
Jusqu'à présent, le contrôle de la sûreté nucléaire était assuré par la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, sous la tutelle juridique de trois ministères, mais dépendant surtout, en pratique, de celui de l'industrie. Ce système étant entaché d'un certain manque de transparence, la création de cette nouvelle autorité va dans le sens d'un contrôle renforcé et d'une meilleure information du public.
La Haute autorité est, par sa composition et ses prérogatives, à la fois indépendante et politique. En effet, la procédure de nomination de ses cinq membres en fait une instance éminemment politique, mais les garanties d'indépendance offertes par le texte devraient lui permettre d'accomplir ses missions dans de bonnes conditions.
Je veux saluer ici le travail important qui a été accompli par la commission des affaires économiques et qui permettra de rééquilibrer les pouvoirs de la Haute autorité et du Gouvernement.
M. Daniel Raoul. Il était temps !
M. Christian Gaudin. La commission a réussi à renforcer le respect des trois principes fondamentaux suivants : l'État reste l'unique garant de la sécurité nucléaire ; le Gouvernement dispose toujours de l'ensemble des moyens pour faire face aux crises ;...
M. Bernard Piras. C'est très bien !
M. Christian Gaudin. ... enfin, le cadre et les choix de la nation en matière nucléaire seront toujours fixés par les autorités politiques.
En se référant à trois principes fondamentaux déjà reconnus en matière d'environnement - le principe de précaution, celui du « pollueur-payeur » et celui de l'information du public -, ce texte s'inscrit parfaitement au centre des préoccupations actuelles, à une époque où le besoin de transparence et l'exigence de sécurité par rapport à des activités dangereuses dépassent le cercle des riverains des installations nucléaires.
Sans doute, en donnant un cadre légal aux activités nucléaires, le présent texte vise à se conformer au droit international. Mais, en pratique, il structure et consolide essentiellement une expérience qui s'est peu à peu élaborée dans notre pays, au fil du temps, en matière de sécurité et de transparence. L'absence d'accident majeur constitue d'ailleurs une preuve de la qualité des pratiques suivies jusqu'à présent tant par les exploitants que par l'administration.
Le choix du nucléaire en France est, en effet, déjà ancien. Il faut reconnaître qu'il n'allait pas de soi et qu'il a longtemps suscité des débats passionnés.
Ce fut, au lendemain de la guerre, un choix politique, à la fois courageux et clairvoyant. Le nucléaire français est une réussite, à la fois technique et économique, puisqu'il constitue, avec l'aéronautique, un secteur d'excellence pour la France.
Nous avons ainsi acquis, au fil des ans, une maîtrise complète de la production, alors que de nombreux pays ont hésité à développer ce secteur et à progresser dans cette voie.
Aujourd'hui, il en est tout autrement.
Récemment, nombre de pays - comme les Etats-Unis, la Grande-Bretagne, l'Italie - ont annoncé leurs intentions de développer et de relancer des programmes nucléaires importants.
L'objectif, pour la France, est à présent de rester à l'avant-garde de la technologie nucléaire, notamment avec le projet de réacteur de quatrième génération.
La relance de ces nouveaux projets ainsi que le renouvellement du parc nucléaire actuel sont de réelles nécessités, malgré le coût du démantèlement des plus anciennes centrales et la question délicate du traitement des déchets nucléaires.
Cependant, pour conforter ce choix, il est nécessaire d'obtenir l'adhésion d'une large majorité de la population. C'est dans ce but que dorénavant « la transparence et la rigueur des contrôles vont de pair avec le développement de notre programme nucléaire », comme l'a souligné le Président de la République, le 22 février dernier.
Cette adhésion repose essentiellement sur la confiance. Le développement du nucléaire sera d'autant mieux accepté que le pays accordera sa confiance à cette technologie.
La France a tiré depuis longtemps - et c'est heureux - des leçons de sa gestion et, surtout, de sa mauvaise communication au sujet de l'accident de Tchernobyl.
D'ailleurs, alors qu'ils accordent de plus en plus d'intérêt aux problèmes de santé publique et d'environnement, les Français semblent porter un autre regard sur le nucléaire. Bien sûr, il y aura toujours des « antinucléaires », mais l'opinion dans sa majorité a pris conscience du fait que le nucléaire était, en définitive, une énergie non polluante, sans rejet de CO2, ce qui, au regard des menaces du changement climatique, est un argument qui compte. J'en veux pour preuve que la France, aujourd'hui, est un des pays d'Europe qui émet le moins de gaz à effet de serre.
Il faut le souligner, le nucléaire a également acquis une nouvelle légitimité face à l'enjeu majeur du réchauffement climatique.
La publication, aujourd'hui même, dans un grand quotidien, des résultats d'une étude récente sur l'accélération de la fonte des glaces en Antarctique, nous rappelle, s'il en était besoin, combien cette préoccupation est majeure.
Comme je vous l'ai indiqué, madame la ministre, j'ai participé, en fin d'année dernière, à une mission scientifique sur ce continent soumis aux conditions les plus extrêmes. Trois membres du Congrès américain s'y sont également rendus trois semaines plus tard : c'est dire toute l'importance que les pays accordent aujourd'hui à ce continent, eu égard non seulement aux ressources qu'il recèle, mais aussi à la mémoire climatique qu'il contient. Je serai amené à les rencontrer en mai prochain à Washington dans le cadre d'une étude que je conduis pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Le réchauffement climatique a replacé la question du nucléaire au centre des débats. Malgré le protocole de Kyoto, la hausse annuelle des émissions de gaz à effet de serre n'est pas près de s'inverser, notamment à cause des pays émergents.
Ainsi, la croissance de la Chine entraîne une pollution qui représente plusieurs années d'efforts de réduction de ces gaz en Europe. Toutefois, l'annonce récente de son intention de produire 20 % de sa consommation d'énergie à partir du nucléaire en 2045 - ce qui équivaut à la production de 500 centrales nucléaires -, est déjà une avancée.
Comme toujours, les craintes proviennent souvent de l'ignorance. L'information, la pédagogie et, surtout, une plus large diffusion de la culture scientifique - que le Sénat a appelée de ses voeux à plusieurs reprises -, doivent participer davantage à l'information de l'opinion.
Jamais la relation science-société n'avait atteint un tel degré d'importance.
Certes, des interrogations demeurent : des imperfections, des imprécisions subsistent dans le texte, même si le travail remarquable des rapporteurs, que je tiens à saluer, a permis de recadrer les objectifs et les compétences des divers organismes.
Des décrets devront apporter les précisions nécessaires. Ainsi, pour répondre à l'inquiétude des exploitants quant aux informations qu'ils seront dans l'obligation de présenter au nom de cette transparence, il est important de prévoir très précisément ce qui relève du secret industriel et ce qui doit légitimement contribuer à une information claire de nos citoyens.
Madame la ministre, le groupe de l'Union centriste-UDF votera ce texte, qui conforte et légitime un choix stratégique qui fut clairvoyant.
Toutefois, il convient de rappeler que la raréfaction des ressources naturelles, l'instabilité géopolitique des pays fournisseurs de pétrole, la crise du gaz russe intervenue voilà quelques semaines et, enfin, l'explosion du prix de l'électricité ont mis la question de l'énergie au centre des préoccupations de nombreux pays.
L'expérience et l'avance de la France en matière nucléaire devraient être mieux prises en considération au sein de l'Europe, et cette dernière doit affirmer davantage sa politique énergétique. Mais l'indépendance énergétique ne peut se passer de l'adhésion des populations aux choix qui sont opérés. Par son contenu, ce texte apporte aussi toute sa contribution au sujet européen. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Monsieur le Président, madame la ministre, mes chers collègues, ma satisfaction est entière de voir la Haute Assemblée enfin saisie des questions relatives à la transparence et à la sécurité nucléaire.
Toutefois, madame la ministre, il s'agit non pas de rénover le cadre juridique et législatif, mais de le créer.
Les raisons sont multiples et rejoignent bon nombre de celles que je viens d'entendre, mais la principale porte sur la confiance, évoquée par tous les intervenants, celle que nos concitoyens devraient éprouver sur ce type de sujet.
Pourtant, par ces temps de grippe aviaire, force est de constater de nouveau que la population française, confortée par quelques irresponsables politiques, n'a plus cette confiance sûre et solide envers les scientifiques et les politiques.
Mais doit-on vraiment s'en étonner ? Après les discours se voulant rassurants quant à l'amiante, après le nuage de Tchernobyl et les déclarations du célèbre professeur selon lesquelles ce nuage s'était arrêté à nos frontières, chaque sujet qui touche à la sécurité sanitaire et/ou alimentaire inquiète, plus que de mesure sans doute. Pourquoi ? Parce que cette confiance a été mise à rude épreuve.
Nous sommes tous convaincus, dans cette enceinte, que notre société doit retrouver cette confiance, mais elle n'est plus de droit ni légitime. Elle se doit d'être le partage dans la transparence. Voilà un des enjeux essentiels du texte dont nous débattons.
Cette confiance ne s'instaurera que si chacun de nos concitoyens est convaincu d'avoir compris l'ensemble des paramètres en jeu : avantages et inconvénients, gain et risques.
C'est l'un des sujets que nous retrouvons régulièrement avec mes collègues de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques : le degré d'acceptation par nos concitoyens - ou, dans le langage des experts en sciences sociales, « d'acceptabilité sociale » - des progrès scientifiques, au regard des améliorations qu'ils apportent à leur quotidien et de l'inquiétude qu'ils introduisent.
Je pense, par exemple, aux antennes relais de téléphonie mobile. Toutes les études scientifiques démontrent que les problèmes éventuels sont liés aux téléphones mobiles et non aux relais.
Je songe également au débat, qui a déjà fait couler beaucoup d'encre, sur les organismes génétiquement modifiés. Je préférerais d'ailleurs que l'on parle de « plantes génétiquement modifiées », ou PGM, parce que les vaccins qui sont actuellement inoculés à tous les volatiles de la sphère avicole ne sont rien d'autre que des OGM, et chacun s'en félicite !
De la même façon, la production nucléaire constitue une source d'inquiétude.
Ce sont pourtant là des exemples d'avancées technologiques importantes qui changent ou pourraient, demain, changer le quotidien de chaque Français.
Dans cette période où nombreux sont ceux qui manquent de repères, où certains politiques veulent écrire les livres d'histoire, où l'on demande aux juges de se prononcer sur la science, il nous appartient bien, à nous politiques, représentants de la nation, d'instaurer par la loi les garanties de la transparence et de la sécurité, et tout particulièrement dans le domaine du nucléaire, afin de dénoncer et de mettre fin à l'hypocrisie de pays qui importent notre électricité d'origine nucléaire tout en prétendant sortir du nucléaire !
M. Henri Revol, rapporteur. C'est vrai !
M. Daniel Raoul. Au demeurant, certains politiques continuent de « surfer » sur les peurs !
Au-delà du problème de la confiance, il s'agit de traiter de notre industrie nucléaire dans le cadre d'une actualité et d'un contexte énergétique particuliers.
Nucléaire et inquiétude vont toujours de pair, en raison peut-être de la confusion fréquente entre le mot « atomique » et le mot « nucléaire ». C'est le cas lorsqu'on évoque les choix actuels de l'Iran et la menace que ce pays veut faire peser sur la communauté internationale ou que l'on célèbre - avec tristesse ! - le vingtième anniversaire de Tchernobyl.
En outre, comme l'a dit notre collègue Yves Coquelle, le nouveau statut d'EDF n'incite pas les Français à plus de sérénité. Je ne reviendrai pas sur le débat qui a animé notre hémicycle à l'occasion de son changement de statut, mais je souhaite que les mises en garde et les préconisations que mes collèges socialistes et moi-même avions alors émises soient présentes à l'esprit de chacun.
M. Piras a eu l'occasion de vous présenter avec précision la position de notre groupe s'agissant de la rédaction actuelle de ce projet de loi. Permettez-moi d'entrer un peu plus dans le détail sur certains aspects.
Dans un premier temps, je ne me référerai qu'à la lettre rectificative. Je rendrai hommage tout à l'heure au travail des rapporteurs, mais je ne le prends pas en compte pour le moment.
Réconcilier les Français avec le nucléaire, ou du moins créer la base législative le permettant, est donc l'un des objectifs que nous devons nous assigner. Et nous ne pourrons y parvenir qu'en réunissant les conditions d'une réelle transparence et en renforçant les contraintes pesant sur les exploitants. C'est encore plus vrai dans un contexte où chacun se demande avec inquiétude si les critères de rentabilité et de dividendes ne seront pas, à terme, préférés à ceux de sécurité et d'information.
L'information est bien la clé maîtresse de la transparence. Elle s'inscrit d'ailleurs totalement en cohérence avec le droit européen, en particulier avec la directive du 28 janvier 2003, concernant l'accès du public à l'information en matière d'environnement.
Selon les termes de cette directive, « l'accès accru du public à l'information en matière d'environnement ainsi que la diffusion de cette information favorisent une plus grande sensibilisation aux questions d'environnement, le libre échange d'idées, une participation plus efficace du public à la prise de décision en matière d'environnement et, en définitive, l'amélioration de l'environnement ».
Une telle démarche doit également être en phase avec les conventions internationales, notamment avec la convention d'Aarhus, ratifiée par la France alors que M. Hubert Védrine était ministre des affaires étrangères.
Cette convention porte sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement.
Son article 1er énonce son objet même : « Afin de contribuer à protéger le droit de chacun, dans les générations présentes et futures, de vivre dans un environnement propre à assurer sa santé et son bien-être, chaque partie garantit les droits d'accès à l'information sur l'environnement, de participation du public au processus décisionnel et d'accès à la justice en matière d'environnement conformément aux dispositions de la présente convention. »
Nous avons d'ailleurs déposé plusieurs amendements tendant à intégrer certaines dispositions de cette convention. Je connais le sort que la commission leur a réservé.
C'est dans cet esprit de transparence et d'information que chacun pourra appréhender les éventuels risques encourus.
Ainsi, nous vous proposerons un certain nombre d'amendements allant dans ce sens, notamment à l'article 6. Il nous paraît indispensable de préciser que le rôle de la CLI est d'assurer auprès du public la diffusion de l'information, y compris la sienne, par une large communication des résultats de ses travaux, et ce - c'est un ancien enseignant qui vous parle - sous une forme accessible à tous.
En outre, la mission d'information des CLI ne doit pas se limiter à la sûreté et à la radioprotection relative à l'installation. Elle doit également prendre en compte les effets à moyen et à long terme sur l'environnement et sur la santé, car c'est bien sur ces aspects que portent un grand nombre d'inquiétudes.
Le code de l'environnement prévoit par ailleurs la création de commissions au statut spécifique pour les laboratoires souterrains de recherche sur la gestion des déchets radioactifs et les comités locaux d'information et de suivi, les CLIS. Or on a pu observer combien la multiplication des commissions d'information avec des statuts différents contribuait à une moindre efficacité globale. C'est pourquoi nous souhaiterions une uniformisation des instances de concertation et la création de CLI, y compris autour des laboratoires de recherche souterrains, des installations classées détenant des matières radioactives ou fissiles et des centres de stockage ou d'entreposage des déchets radioactifs.
Permettez-moi de faire une remarque à ce sujet, madame la ministre : il faut non pas faire entrer les CLI dans la société civile, mais plutôt faire entrer la société civile dans les CLI !
Si la transparence doit être assurée à chaque niveau, il en est de même pour les liens que chacun de ces niveaux entretient avec les autres. Ainsi, l'équilibre entre les différents acteurs doit être garanti. Ce n'est pas le cas dans la version du projet de loi qui nous est présentée.
Il faut particulièrement veiller à une bonne articulation et à une distribution des rôles équitable entre la Haute autorité de sûreté nucléaire et le Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire, qui s'occupe de l'information du public. De ce point de vue, la rédaction actuelle du projet de loi ne nous satisfait pas.
Comme l'ont fait remarquer certains juristes, la Haute autorité de sûreté nucléaire apparaît comme un démembrement de l'administration, tous les moyens humains, financiers et techniques étant attribués à un collège de cinq personnes désignées pour six ans et inamovibles durant cette période. Cette structure dispose, de surcroît, d'énormes pouvoirs juridiques pour édicter des règlements et effectuer des contrôles. Elle se substitue en réalité aux services du ministère délégué à l'industrie. Ne recevant aucune instruction d'un ministre ni du Gouvernement - je me réfère à l'article 2 octies -, elle échappe donc à tout contrôle hiérarchique ou politique du Parlement et du Gouvernement.
Un organe de ce type n'a aucun équivalent. En effet, les autorités administratives indépendantes existantes n'ont pas un pouvoir aussi étendu, associant pouvoirs de police spéciale - ce qui implique la faculté d'édicter des règlements -, de contrôle et d'information.
À ce propos, il ne se passe pas un mercredi sans que l'on ne nous annonce la création d'une agence ou d'une autorité qui démantèle le rôle du politique et de l'État, donc du Gouvernement et du Parlement. Il faudra bien un jour s'interroger sur le rôle et le bilan de toutes ces structures.
M. Pierre Martin. Très bien !
M. Daniel Raoul. Il faut bien distinguer ces trois domaines d'intervention. Ils ne doivent en aucun cas être attribués à un même organisme, qui risquerait, sinon, de devenir une dictature technocratique indépendante de l'État, mais dépendante du pouvoir nucléaire. Les pouvoirs de contrôle, d'édiction des règlements et d'information du public doivent être séparés, afin, précisément, de garantir la transparence, la sécurité et la démocratie.
S'agissant d'abord du pouvoir de contrôle, la création de la Haute autorité de sûreté nucléaire pourrait, en théorie, apparaître comme un progrès. Cet organe sera en effet plus indépendant que les actuels services de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, la DGSNR, et les autres structures compétentes sur le nucléaire. Il pourra ainsi, aux termes de l'article 2 decies, contrôler les installations nucléaires de base, les INB, sans être soumis aux pressions des autres services ou ministères.
Encore faudrait-il que sa composition ne soit pas le reflet du pouvoir nucléaire ! Or on nous dit que les cinq membres seront désignés uniquement en fonction de leurs compétences nucléaires, alors que le pouvoir de contrôle ne peut, à mon sens, échapper à l'autorité politique de ministres responsables.
Ensuite, transférer le pouvoir d'édicter des règlements et le pouvoir de contrôle à une même autorité ne nous paraît pas une bonne solution. Il faut en contraire dissocier ces deux fonctions. C'est bien au ministère de préparer les décrets après les consultations d'usage, notamment celle de la Haute autorité de sûreté nucléaire, que nous avions nous-mêmes réclamée. Mais le prescripteur ne peut pas être le contrôleur.
Enfin, si la Haute autorité est chargée du contrôle, elle ne peut en aucun cas contrôler l'information divulguée. Dans une telle hypothèse, elle serait, là encore, juge et partie.
Madame la ministre, mes chers collègues, vous vous doutez bien que le projet de loi, même amendé avec sagesse par notre collègue M. Sido, rapporteur, qui a vu les dangers du texte initial sur les missions de la Haute autorité, aurait du mal à recueillir notre assentiment, ne serait-ce qu'en raison de la composition de cette Haute autorité, qui n'assure en aucun cas l'indépendance. Et pourtant, comme l'a rappelé M. Piras, nos objectifs étaient communs.
Mais je ne désespère pas que nos débats nous permettent d'améliorer le texte - je fais allusion aux amendements de MM. les rapporteurs -, tant il est nécessaire de créer un cadre juridique pour les INB et le stockage des déchets.
À cet instant, je fais encore confiance à la sagesse de notre assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Alain Fouché.
M. Alain Fouché. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, la crise du début de l'année entre Kiev et Moscou, la vague de froid qui s'est abattue sur l'Europe de l'Est, les prix toujours plus élevés du pétrole concourent à faire de l'énergie un sujet important tant pour la France que pour l'Europe.
La Commission européenne prépare d'ailleurs un Livre vert sur ce thème, qui devrait être rendu public très prochainement. L'un de ses volets majeurs sera la place du nucléaire.
La très forte augmentation des prix du pétrole et la raréfaction, à terme, des ressources facilement accessibles en hydrocarbures nous conduisent à poser la question de nos choix en matière énergétique. Dans ce contexte, le nucléaire civil a fait l'objet d'une attention renouvelée. En effet, cette énergie peut être considérée comme « propre » en termes d'émission de gaz à effet de serre.
Permettez-moi à ce sujet de mentionner un exemple que je connais bien. En tant qu'élu du département de la Vienne, j'ai participé à la création de la centrale nucléaire de Civaux, qui a connu moult péripéties.
D'abord annoncé alors que M. Valéry Giscard d'Estaing était Président de la République, le projet a été interrompu sous le Président Mitterrand. Il a ensuite été repris, puis de nouveau interrompu, avant d'être à nouveau relancé. La centrale a finalement été réalisée quelques années plus tard, mais tout cela a coûté fort cher.
Or les deux unités de cette centrale permettent d'éviter chaque année - c'est également vrai pour d'autres - le rejet de plus de 20 millions de tonnes de gaz carbonique, principale cause de l'effet de serre !
Garant d'une relative indépendance et illustration de la maîtrise d'une technologie de pointe, le nucléaire pourvoit déjà à près de 80 % de nos besoins nationaux en électricité.
Le secteur industriel concerné évolue. Les technologies se renouvellent. Le parc nucléaire français vieillit, en tout cas pour ce qui concerne un certain nombre de centrales. Les citoyens exigent - et c'est bien naturel - une plus grande information. La démocratie moderne s'enorgueillit de l'indépendance des contrôles dans les domaines où la santé et la sécurité sont en jeu.
De fait, la sûreté des installations nucléaires est un enjeu majeur, tout comme la divulgation des informations la concernant.
C'est la raison pour laquelle, depuis plusieurs années, les gouvernements successifs ont souhaité que le Parlement discute un projet de loi sur la transparence et la sûreté en matière nucléaire. Je vous remercie, madame la ministre, ainsi que le Gouvernement, de votre initiative.
Je concentrerai plus particulièrement mon propos sur l'information du public et sur les contrôles des installations nucléaires de base.
Tout d'abord, en dépit des polémiques suscitées par les activités nucléaires, la transparence et l'information du public sont devenues une réalité dans notre pays, tant à l'échelle nationale qu'au niveau local. Elles peuvent, certes, être améliorées. Mais les dispositifs les concernant ont été substantiellement renforcés depuis le début des années quatre-vingt. En plus de quarante ans, le secteur nucléaire français s'est progressivement doté de règles et de bonnes pratiques qui ont permis d'accompagner son développement avec un niveau satisfaisant de sécurité et de transparence.
Aussi le projet de loi qui nous est soumis vient-il à la fois consolider juridiquement l'existant, tout en l'améliorant.
Comme cela est précisé dans le rapport, « une loi est aussi en elle-même un acte de transparence vis-à-vis des exploitants, puisqu'elle garantit un cadre juridique clair où droits et obligations sont connus et affichés ».
Ce qui est valable pour les exploitants l'est également pour le public. Cette orientation se traduit notamment par la création d'un Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire, dont les avis comme le rapport annuel d'activité seront publics. De même, un droit d'accès à l'information détenue par les exploitants et les personnes responsables de transports nucléaires est institué.
L'exploitant d'une installation nucléaire de base devra établir chaque année un document d'information à l'usage du public, qui sera transmis à la CLI et à la Haute autorité et mis à la disposition des personnes qui en feront la demande.
Je ne saurais conclure sur le thème de la transparence sans témoigner du succès des commissions locales d'information. Leur composition est judicieuse, permettant l'implication des élus locaux, des associations, des représentants du monde socio-économique et du corps médical.
Leur souplesse d'organisation et de fonctionnement ainsi que leur indépendance, vis-à-vis tant de l'exploitant que des services de l'État chargés du contrôle, leur ont permis de devenir des lieux essentiels du débat et de la transparence autour des activités nucléaires.
L'absence d'un cadre rigide explique sans doute cette réussite. Il n'en demeure pas moins que les fondements juridiques de ces commissions, qui reposent tout entier sur la circulaire du Premier ministre du 15 décembre 1981, méritent d'être consolidés. C'est l'objet de l'article 6 du projet de loi, sur lequel j'ai déposé deux amendements, dans le souci d'accroître la transparence et de prévenir certains dérapages qui ne manqueraient pas de se produire.
Nous devons, me semble-t-il, éviter d'ouvrir la boîte de Pandore des analyses des émissions et des rejets des installations nucléaires dans l'environnement. Seules les commissions locales d'information doivent pouvoir demander ces analyses, qui, je le rappelle, coûtent cher aux finances publiques. Et s'il ne faut surtout pas s'en priver dès lors qu'elles sont utiles, on ne peut autoriser les demandes de toutes les personnes intéressées, sinon celles-ci se multiplieront et les refus des commissions locales d'information d'accéder à ces demandes viendront immanquablement alimenter de nouveaux contentieux.
L'innovation majeure qu'apporte ce projet de loi est sans conteste la mise en place d'une Haute autorité de sûreté nucléaire, autorité de contrôle indépendante, telle que l'avait souhaitée le Président de la République lors de la présentation de ses voeux aux forces vives de la nation, le 5 janvier dernier.
La décision de créer cette nouvelle autorité administrative indépendante - j'y insiste - s'inspire des expériences menées aux États-Unis, au Canada et en Espagne.
Je suis néanmoins amené à formuler deux interrogations, s'agissant de ses modalités de fonctionnement et de son coût. Je pense en effet qu'il faut absolument éviter d'accréditer l'idée selon laquelle nous aurions vécu dangereusement jusqu'à ce jour, car tel n'est pas le cas.
Ainsi, l'activité du site nucléaire que je connais le mieux, celui de Civaux, est soumise à différents contrôles, au rythme d'un par jour en moyenne, soit par l'autorité de sûreté, soit par des administrations compétentes ou par la commission locale d'information, auxquels le centre nucléaire de production d'électricité de Civaux rend régulièrement des comptes sur le fonctionnement de la centrale.
Les contrôles externes sont très nombreux. La direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection a remplacé la direction de la sûreté des installations nucléaires et son champ d'intervention a été étendu à la radioprotection.
Comme pour les autres centrales, un certain nombre de contrôles sont également effectués à l'échelon régional par la division de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, la DSNR, et la direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, ainsi que par les directions départementale et régionale des affaires sanitaires et sociales.
Dans ces conditions, madame le ministre, je souhaiterais avoir un certain nombre d'informations complémentaires. J'aimerais ainsi savoir exactement comment vont se combiner les moyens existants avec les dispositions de l'article 16 du projet de loi relatif aux contrôles et mesures de police, et connaître le coût de l'installation et du fonctionnement de la Haute autorité, la sécurité ayant un coût.
Avant de conclure, je voudrais rendre hommage à tous les professionnels de l'industrie nucléaire, pour qui la sécurité est une préoccupation permanente.
Ce projet de loi, dont l'objectif de consolidation juridique et de transparence est primordial, mérite d'être approuvé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Henri Revol et M. Bruno Sido, rapporteurs. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à ce stade du débat, nous n'éviterons pas quelques redondances dans la présentation de certains chiffres. Il me paraît toutefois important de rappeler que la France acquitte chaque année une facture énergétique de 23 milliards d'euros et qu'elle reste dépendante du pétrole à hauteur de 40 %. Elle doit donc trouver les moyens de compenser ses faibles ressources énergétiques fossiles.
Par ailleurs, pour contenir le phénomène de réchauffement climatique, les climatologues estiment que l'humanité doit diminuer ses rejets annuels de carbone de 6 milliards à 3 milliards de tonnes. En se substituant au charbon, qui constitue la source d'électricité la plus importante à l'échelle de la planète, les 440 réacteurs nucléaires aujourd'hui en fonctionnement dans le monde permettent chaque année d'éviter le rejet d'environ 600 millions de tonnes de carbone, soit 20 % du tonnage total devant être économisé.
Dès lors, le nucléaire apparaît comme l'un des outils les plus efficaces pour lutter contre le réchauffement climatique, mais également pour répondre à l'explosion des besoins. Il ne faut pas oublier non plus que le recours à l'énergie nucléaire, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, a été décidé en France dans le but, qui reste d'actualité, de garantir notre indépendance énergétique.
Rappelons que le nucléaire assure aujourd'hui près de 80 % de la production d'électricité du pays, l'hydraulique complétant cette fourniture à hauteur de 14 %.
En ce sens, la décision du Président de la République de développer le nucléaire de quatrième génération, plus économe, plus sûr, produisant moins de déchets et apte au dessalement de l'eau et à la production d'hydrogène, est un engagement conforme au protocole de Kyoto, récemment entré en vigueur. Elle nous satisfait donc pleinement.
Toutefois, le développement de l'énergie nucléaire doit avoir pour corollaire une meilleure prise en compte des problématiques propres à cette énergie.
En conséquence, et au regard des enjeux, la politique énergétique suppose une véritable maîtrise publique, dont découlera la transparence qui permettra aux citoyens de maîtriser pleinement les enjeux liés au développement du nucléaire. La population souhaite en effet mieux connaître les risques liés à cette énergie, qu'ils concernent la gestion des déchets, la protection de l'environnement ou les effets sur la santé.
Le Gouvernement s'était donné pour objectif de répondre à ces aspirations. Qu'en est-il concrètement ?
En préalable, je tiens à souligner les risques qu'entraînent les politiques de libéralisation du secteur énergétique et l'ouverture du capital d'EDF, notamment, en termes de transparence nucléaire.
Le désengagement de l'État dans la définition de la politique énergétique ne permet pas d'assurer la transparence nucléaire dans de bonnes conditions. La gestion privée des entreprises énergétiques - cela a déjà été dit, mais j'y insiste - constitue un recul démocratique important, les citoyens et les salariés n'ayant plus leur mot à dire. Ce déficit démocratique est un facteur potentiel de manque de transparence.
S'agissant plus particulièrement du texte qui nous est soumis aujourd'hui, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen estiment qu'il comporte de nombreux points positifs concernant les objectifs de transparence en matière nucléaire, qui sont principalement issus du projet de loi tel qu'il avait été déposé par Dominique Voynet. Nous estimons en effet que la création d'un Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire va dans le bon sens.
Par ailleurs, nous voyons dans la présence au sein de cette structure d'une personnalité du Conseil supérieur de l'audiovisuel un engagement de communiquer auprès du plus grand nombre. Cependant, afin d'améliorer la représentativité de ce Haut comité, nous soutiendrons l'amendement de la commission qui vise à élargir sa composition et à intégrer la représentation syndicale des salariés des installations nucléaires de base, mais également celle des services de l'État, notamment de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. De plus, nous souhaitons que sa saisine soit élargie aux parlementaires et aux représentants des organisations syndicales.
L'article 6 du projet de loi légalise les commissions locales d'information, élargit leurs pouvoirs et assure leur financement. Ces garanties nous satisfont, même si, concrètement, ces commissions ne disposent pas de réels pouvoirs de contrainte leur permettant d'obtenir les documents nécessaires à leur travail.
Toujours dans le souci de permettre une meilleure transparence, nous vous proposerons d'améliorer les relations sur site entre les comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail et les CLI. Il nous semble en effet important de renforcer la discussion entre ces commissions et les salariés des installations nucléaires.
Nous sommes plus réservés sur l'article 4, qui crée le droit à l'information. Cet article prévoit en effet que les exploitants pourront refuser de communiquer certaines informations au nom de la sécurité nucléaire. Cette restriction est bien vague et ne permet pas de garantir effectivement le droit à l'information. On peut en effet refuser de transmettre un grand nombre d'informations au nom de ce principe !
De plus, cette nouvelle obligation sera source d'insécurité juridique pour les exploitants, qui ne sauront pas quels documents ils seront dans l'obligation de fournir. Nous estimons que la liste des documents transmissibles devrait être fixée dans un décret pris en Conseil d'État.
En outre, s'il est indispensable d'informer la population, il ne faut pas non plus oublier les salariés du secteur. L'exercice de la démocratie sociale est un élément important de la transparence nucléaire. De ce point de vue, le statut d'établissement public à caractère industriel ou commercial d'EDF permettait un minimum de consultation des personnels grâce aux dispositions statutaires.
Or, aujourd'hui, la situation s'est nettement dégradée : les salariés sont systématiquement écartés de toutes les questions de sécurité. À titre d'exemple, le comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail ne participe pas à l'élaboration du plan d'urgence interne.
En conclusion, nous estimons que le présent projet de loi comporte de réelles avancées en termes de transparence, dont nous sommes satisfaits.
Nous espérons donc, si nous partageons les mêmes objectifs, que vous adopterez les amendements que nous vous proposerons visant à permettre une meilleure information des citoyens, afin qu'ils soient pleinement associés aux choix énergétiques.
Cependant, nous sommes plus réservés sur les mesures du projet de loi concernant la sécurité nucléaire, notamment la création de la Haute autorité de sûreté nucléaire. Le temps me manque pour aborder ce sujet, mais mon ami Yves Coquelle l'a fait. Nous y reviendrons donc au cours du débat sur les amendements.
Nous espérons que ce texte évoluera au fil de son examen, afin qu'il puisse garantir une meilleure transparence et une sécurité renforcée en matière nucléaire. Si tel n'était pas le cas, nous ne pourrions pas le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.
M. Claude Biwer. Permettez-moi, en premier lieu, de vous remercier, madame la ministre, de nous donner l'occasion de nous pencher sur les sujets particulièrement importants que sont la transparence et la sécurité en matière nucléaire, même si l'on peut regretter que de longues années aient été nécessaires avant que nous puissions les aborder.
En effet, si le projet de loi que vous nous présentez a été déposé sur le bureau du Sénat dans le courant de l'année 2002, il est, en fait, en gestation depuis plus de six ans.
Ses objectifs sont pourtant parfaitement louables et croyez bien que nous les partageons : étendre le droit à l'information des citoyens ; conforter le rôle des commissions locales d'information ; garantir la qualité et la fiabilité de l'information du public sur les activités nucléaires ; préciser les conditions d'autorisation des installations nucléaires, ainsi que celles qui sont relatives au transport de substances radioactives ; enfin, renforcer le contrôle de l'application des mesures de radioprotection.
Le Président de la République avait annoncé la création d'une agence administrative indépendante chargée du contrôle de la sécurité nucléaire, de la radioprotection et de l'information. Cette annonce a été suivie d'effet puisque la lettre rectificative à l'actuel projet de loi prévoit la création de la Haute autorité de sûreté nucléaire, pourvue de ces différentes missions.
Cette initiative mérite d'être saluée, car, dans le domaine nucléaire, comme dans tous les autres, il n'y a rien de pire que les instances qui sont, peu ou prou, à la fois juge et partie.
Il semblerait en effet que, par le passé, le Parlement, voire parfois certains ministres n'aient pas toujours bénéficié d'une information objective leur permettant de prendre des décisions pourtant importantes pour l'avenir énergétique de notre pays.
Cela n'est pas admissible et il faut espérer que, à l'avenir, cette autorité indépendante aura le souci de garantir aux citoyens et aux élus une information à la fois objective et d'une très grande qualité scientifique.
Même si le texte dont nous débattons ne constitue pas ce que l'on appelle communément « l'après-loi Bataille », qui fera l'objet d'un débat au cours de la présente année, vous ne serez guère étonné que l'élu de la Meuse que je suis évoque le devenir du laboratoire de Bure, au sujet duquel le Haut-Marnais Bruno Sido partage, je le sais, mes préoccupations.
J'ai déjà eu l'occasion d'aborder ce sujet au cours d'un débat organisé ici même à la suite d'une question orale du président Henri Revol. J'y avais notamment évoqué le dispositif d'accompagnement financier inhérent à la création et à l'exploitation de ce laboratoire, me faisant l'écho du souhait des élus meusiens de voir celui-ci induire un véritable développement économique et la création d'emplois durables aussi bien en Meuse qu'en Haute-Marne. J'avais en outre précisé que la création d'emplois et de richesse serait un facteur déterminant de l'acceptation locale ». C'est en effet une dimension à prendre également en compte.
Lors de ce même débat, j'avais souligné qu'un très grand effort de concertation dans la plus grande transparence devrait nécessairement être conduit, en souhaitant que les résultats, positifs ou négatifs, des recherches sur la faisabilité d'un stockage dans le laboratoire de Bure soient rendus publics et compréhensibles.
J'en reviens ainsi à l'objectif principal du texte que nous examinons, à savoir la « transparence et la sécurité en matière nucléaire ».
Même si celui-ci s'applique aux installations nucléaires de base, vous conviendrez aisément que ces deux notions essentielles ne peuvent être absentes s'agissant du stockage des déchets nucléaires.
À cet égard, je me permets de rappeler les conclusions contenues dans l'excellent rapport publié voilà quelques mois par nos collègues députés MM. Bataille et Birraux sur l'état d'avancement et les perspectives des recherches sur la gestion des déchets radioactifs, s'agissant plus particulièrement de l'amélioration de l'information à destination des élus et de la population.
Ce rapport prévoit ainsi d'améliorer l'efficacité du comité local d'information et de suivi créé auprès du laboratoire de Bure s'agissant de sa mission de diffusion des résultats des recherches.
Il est également proposé de prolonger, au-delà de 2006, la Commission nationale d'évaluation afin que celle-ci continue à jouer son rôle d'aiguillon, de conseil et d'analyse.
Ce rapport préconise aussi d'assigner au CEA et à l'ANDRA, l'Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs, des objectifs ambitieux d'information pour les visites de leurs installations et d'améliorer le dialogue avec les élus et la population, le débat public ayant, au demeurant, été très largement engagé.
Vous n'êtes pas sans savoir, madame la ministre, que la création de ce laboratoire fait l'objet d'une contestation locale émanant davantage - vous n'en serez guère surprise - des milieux se préoccupant de la protection de l'environnement que des élus. Même si ces préoccupations peuvent paraître exagérées, il n'en demeure pas moins qu'il convient d'en tenir compte.
En effet, s'il est parfaitement exact que, s'agissant des centrales électronucléaires, la France possède une très grande expertise et une expérience déjà suffisamment longue pour se rendre compte qu'aucun incident majeur n'est intervenu dans leur fonctionnement - et il convient de s'en féliciter -, nous ne disposons, malheureusement, d'aucun recul concernant le laboratoire souterrain de Bure. Qui plus est, contrairement à ce qui avait été prévu à l'origine, il s'agit d'une installation unique, sans aucune possibilité de comparaison.
On avait évoqué, en d'autres temps, certains départements, tels le Gard ou la Vienne, mais ce site reste, pour l'instant, le seul qui soit véritablement au stade de l'expérience.
Or, à bien des égards, l'avenir de ce site se dessine - à ce jour en tout cas - sans véritable concertation avec les élus locaux. Nous entendons régulièrement parler d'« enfouissement », de « réversibilité ». Ces mots, d'une certaine façon sonnent de manière un peu perturbantes à nos oreilles, car nous savons qu'il y a une différence de taille entre la durée de vie d'une centrale nucléaire, qui est d'environ quarante ou cinquante ans avant son démantèlement, et celle des déchets nucléaires, qui est presque éternelle !
Les élus et la population aspirent donc légitimement à être rassurés quant à l'innocuité d'un tel équipement.
Je souhaite, pour ma part, que toutes les dispositions du présent projet de loi qui vont dans le sens de l'amélioration de la transparence et de la sécurité en matière nucléaire s'appliquent au laboratoire et, éventuellement, au futur centre de stockage de Bure. En tout état de cause, ce site, qui nécessitera un ou plusieurs nouveaux forages, doit rallier les attentes, les ambitions et peut-être aussi les espoirs de nos deux départements de la Meuse et de la Haute-Marne.
Comme je l'indiquais voilà quelques mois, la communauté scientifique mérite notre confiance, mais le passé nous indique qu'elle peut se tromper. Quant à nous, décideurs politiques, sur un sujet aussi sensible et d'une importance capitale, nous n'avons pas le droit à l'erreur ; il y va de l'avenir des générations futures.
C'est donc ensemble que nous devrons assumer nos responsabilités, dans la perspective d'un projet industriel interdépartemental d'intérêt commun, et au service de notre pays.
L'occasion nous est donnée de dynamiser les actions industrielles de nos départements ruraux et de vous accompagner, madame le ministre, dans votre ambition de mettre en place les solutions d'avenir durables qui s'imposent. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, madame la ministre, mesdames, messieurs, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui est à la transparence et à la sûreté ce que le projet de loi sur l'égalité des chances, examiné jusqu'à hier par notre assemblée, est en réalité à l'égalité. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.) À première vue, l'objet est séduisant, mais plus on s'intéresse au contenu effectif du texte, plus on est épouvanté.
Curieux destin que celui du projet de loi dont j'ai pris l'initiative en 1998, en tant que ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement.
J'aurai certainement l'occasion, au cours de nos échanges, de vous exposer les diverses étapes de la réflexion du gouvernement auquel j'ai appartenu et les efforts, partiellement couronnés de succès, que j'ai déployés, pendant cette période, pour améliorer la gouvernance des activités nucléaires, en séparant ce qui relève de l'exploitation, de l'expertise - avec la création de l'IRSN, l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, par fusion de l'IPSN, l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, enfin séparé du Commissariat à l'énergie atomique, et de l'OPRI, l'Office de protection contre les rayons ionisants, qui n'avait, jusque-là, jamais eu réellement les moyens de faire correctement ce qu'on attendait de lui en matière de radioprotection -, du contrôle - avec la mise en place de la DGSNR - et, enfin, de l'information.
L'opportunité de ces réformes n'a pas été réellement contestée. Nous aurions pu - et dû - aller plus loin en convenant que, si nous voulions séparer de façon incontestable exploitation et contrôle, il fallait procéder pour le nucléaire comme pour les installations classées et placer l'exploitation sous la tutelle du ministre de l'industrie et le contrôle sous la tutelle des ministres de l'environnement et de la santé.
Deux préoccupations subsistaient, qui furent traduites dans un projet de loi : l'institution - enfin ! - d'un régime juridique complet des installations nucléaires de base et la mise en place de garanties et de modalités d'accès à l'information.
Présenté et adopté en conseil des ministres le 4 juillet 2001, le texte fut enregistré à la présidence du Sénat en juin 2002, et prestement jeté aux oubliettes. C'est donc avec surprise que nous avons découvert que ce texte allait finalement, quatre ans plus tard, être examiné selon la procédure d'urgence ! Nous aurons l'occasion, au cours du débat, d'expliquer le « pourquoi du comment » de cette soudaine précipitation !
En réalité, le projet de loi n° 326 rectifié n'a plus grand-chose à voir avec le texte sur lequel nous avons commencé à travailler dès son inscription à l'ordre du jour de nos travaux. La lettre rectificative, préparée par le Gouvernement avec une discrétion qui tranche sur l'objectif affiché de transparence, et qu'il nous a présenté quelques jours seulement avant son examen, en modifie totalement l'équilibre général et la philosophie.
J'imagine votre surprise, madame la ministre, à l'écoute des voeux du Président de la République, le 5 janvier dernier. Après l'annonce stupéfiante, sans aucune concertation préalable - ne serait-ce qu'avec les membres du Gouvernement -, du lancement des études de conception d'un prototype de réacteur nucléaire de quatrième génération « qui devra entrer en service en 2020 », le Président demande au Gouvernement « de créer par la loi sur la transparence nucléaire, dès cette année, une autorité indépendante chargée du contrôle de la sécurité nucléaire, de la radioprotection et de l'information ».
Et le Gouvernement de s'exécuter avec une diligence elle aussi étonnante, qui contraste avec l'indolence caractérisant l'examen d'une autre injonction présidentielle : « diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2050 ».
Comme le souligne le rapporteur, et j'y vois un hommage à la qualité du travail réalisé entre 1998 et 2001 et à l'objectivité avec lequel il a été conduit, nonobstant des convictions personnelles dont vous n'ignorez rien, ce projet de loi constitue le premier texte offrant un cadre général aux activités nucléaires, qui fonctionnent depuis plus de quarante ans sans base législative !
Il fixe les règles et principes généraux qui lui sont applicables. S'inspirant de la législation sur les installations classées, le projet met en place un régime d'autorisation des INB, confie le contrôle de ces installations à une inspection de la sûreté nucléaire et définit les mesures de police dont l'administration peut faire usage ainsi que les sanctions applicables à un exploitant indélicat.
Il affirme le droit à une information transparente et dote les commissions locales d'information de moyens budgétaires propres, permettant d'assurer leur bon fonctionnement et leur indépendance. Je regrette d'ailleurs que notre rapporteur propose de remettre en cause, par voie d'amendement, cette indépendance financière : ce n'est pas une bonne idée !
Le projet vise également à mettre en place un haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire, dont on peut penser, à la lecture du texte, qu'il ne dispose pas de prérogatives plus étendues et d'une légitimité plus forte que n'en avaient les différentes structures ad hoc mises en place au fil du temps.
Mais le point central du projet est incontestablement la création d'une autorité administrative indépendante chargée du contrôle de la sûreté nucléaire, de la radioprotection et de l'information. L'intention est noble, mais, nous le savons, l'enfer est pavé de bonnes intentions !
De quelle indépendance parle-t-on ici ? De l'indépendance par rapport aux exploitants ? De l'indépendance par rapport au corps des Mines, dont sont issus la plupart, sinon la totalité, des acteurs majeurs du secteur nucléaire ? Pas du tout !
Ce dont il est question, c'est de l'indépendance par rapport à ceux qui assument la responsabilité des choix énergétiques de la France, par rapport à ceux qui ont à rendre des comptes devant le peuple français et devant la communauté internationale, via les engagements pris, par exemple, dans le cadre du traité de non-prolifération, sur la façon dont les activités nucléaires, civiles et militaires sont conduites dans notre pays. C'est du dessaisissement du Gouvernement et du Parlement qu'il est question !
Vous vous êtes réjouie, madame la ministre, d'être chargée de présenter ce texte au motif que votre ministère occupe - je vous cite - « une place centrale, majeure, dans le contrôle des activités à risque ». Vous semblez prête à vous dessaisir de cette responsabilité en matière nucléaire !
Comme vous l'avez souligné tout à l'heure, le gouvernement de Lionel Jospin avait, à l'époque, également envisagé la création d'une autorité indépendante, mais y avait renoncé. À l'époque, j'avais argumenté contre cette hypothèse, sans être entendue, avant de recevoir l'aide du Conseil d'État qui, le 3 juin 1999, critiquait le texte en estimant « que le transfert de pouvoirs de décision et de contrôle dans les domaines de police spéciale que sont la sûreté nucléaire et la radioprotection n'est pas justifié, alors que les dispositions envisagées conduisent à une répartition des compétences incertaine et incohérente entre le Gouvernement et l'autorité en cause ».
C'est sur cette base, madame la ministre, que le Gouvernement au sein duquel j'ai eu l'honneur de travailler, prit la sage décision de renoncer à l'autorité « indépendante » que vous nous proposez à nouveau aujourd'hui.
Vous nous dites que le Conseil d'État n'aurait pas formulé d'observations. Serait-il moins curieux que notre rapporteur, qui a noté que le transfert d'un pouvoir règlementaire à une autorité administrative indépendante pourrait poser des problèmes d'inconstitutionnalité au titre de l'article 21 ? La publication de l'avis du Conseil d'État serait bienvenue, madame la ministre.
Ce projet de loi, madame la ministre, est réellement dangereux, et ce pour plusieurs raisons.
Premièrement, il prévoit la création d'une Haute autorité de sûreté nucléaire indépendante du pouvoir politique, mais pas de l'industrie nucléaire !
La Haute autorité est composée de cinq membres, désignés par le Président de la République, le président du Sénat et le président de l'Assemblée nationale au regard « de leur compétence dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection ». Par ailleurs, « les membres du collège exercent leurs fonctions en toute impartialité sans recevoir d'instruction du Gouvernement, ni d'aucune autre personne ou institution ».
Il ne faut pas être grand clerc pour deviner que le collège sera donc essentiellement composé de personnes dont toute la carrière se sera déroulée dans l'industrie nucléaire ou dans les ministères de la recherche ou de l'industrie. Le sujet l'exige, me direz-vous, sa technicité, sa complexité, en un mot sa « spécificité ».
Sans tomber dans la caricature, il faut admettre que le monde du nucléaire est un monde très « endogamique », très concentré, avec peu d'acteurs, disposant de tous les attributs de la puissance, notamment de réseaux d'influence impressionnants. C'est un monde dans lequel on occupe, tour à tour, des fonctions de conseiller auprès d'un ministre, de directeur d'administration centrale, de dirigeant d'une entreprise du secteur, un monde dans lequel les décisions, dans le domaine civil comme dans le domaine militaire, sont prises de toute éternité par un tout petit nombre de personnes, à Matignon, au CEA, chez EDF, chez AREVA.
Pour dire les choses encore plus nettement, la création d'une Haute autorité, totalement indépendante du pouvoir politique, est une magnifique aubaine pour les plus influents membres de ce qu'il faut bien qualifier de « lobby nucléaire ».
Deuxièmement, ce projet de loi est dangereux en ce qu'il donne à cette Haute autorité un pouvoir exorbitant
Pour faire court, la lettre rectificative au projet de loi semble avoir été écrite par la DGSNR, et la concertation interministérielle réduite à sa plus simple expression...
La Haute autorité, et singulièrement son président, dispose de compétences très étendues en matière réglementaire, le Gouvernement étant invité à homologuer les décisions de l'autorité, en matière de contrôle et d'information.
Cette Haute autorité peut édicter des règlements, à caractère technique, nous dit-on, sans doute pour limiter le risque d'inconstitutionnalité ; disposant d'un pouvoir de police spéciale, elle contrôlera elle-même leur application. Le pouvoir d'information est lui aussi confié à cette autorité indépendante qui demande par ailleurs, si j'en crois le rapporteur, de pouvoir participer aux travaux du Haut comité de transparence sur l'information nucléaire, vidé de tout pouvoir réel.
Inamovible et irrévocable, le président de la Haute autorité est doté de pouvoirs considérables. En matière budgétaire, par exemple, il n'est pas seulement ordonnateur des recettes et des dépenses, il est également chargé de l'ordonnancement et de la liquidation, pour le compte de l'État, en lieu et place des services fiscaux, de la taxe sur les INB, instituée par l'article 43 de la loi de finances pour 2000.
Il propose non seulement les crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions, mais aussi ceux de la subvention de l'Etat à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, qui doit aujourd'hui, et devra toujours demain, obtenir du président de la Haute autorité l'autorisation de rendre publics ses avis et travaux ! Sans oublier le financement direct des CLI dont l'indépendance serait, de ce simple fait, largement compromise si nous devions suivre l'avis du rapporteur !
Troisièmement, cette Haute autorité est irresponsable et l'État, démuni.
La Haute autorité ne dispose pas de la personnalité morale. Elle est donc irresponsable, et inattaquable devant la justice.
J'avoue ne rien comprendre à la démonstration de notre rapporteur qui affirme à la page 28 de son rapport : « L'État reste l'unique garant de la sécurité nucléaire, puisque la HASN, non dotée de la personnalité morale, est entièrement intégrée à l'Etat. La seule réelle différence avec la situation actuelle sera son indépendance vis-à-vis des ministres, ces derniers disposant toutefois du pouvoir d'homologation de certaines décisions de la HASN. » C'est trop, madame la ministre !
Et notre rapporteur de poursuivre : « ¨Le Gouvernement dispose toujours de l'ensemble des moyens pour faire face aux crises. » Ce n'est pas ce que j'ai compris, monsieur le rapporteur, en lisant le communiqué du conseil des ministres du 22 février ! Mme la ministre pourra vous le confirmer : elle y était !
On y apprend que « la Haute autorité disposera des services relevant actuellement de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, ainsi que des onze divisions territoriales chargées de la sûreté nucléaire et de la radioprotection dans les services déconcentrés de l'État, soit environ 400 agents. »
L'article 38 du projet de loi prévoit d'ailleurs le transfert automatique des agents de l'actuelle « autorité de sûreté nucléaire » à la Haute autorité de sûreté. J'espère, madame la ministre, mes chers collègues, que vous avez entendu les guillemets dont j'ai entouré l'expression « autorité de sûreté nucléaire ». Si, depuis des années, certains l'utilisent, c'est par abus de langage, concernant une direction, certes importante, d'administration centrale et ses services en région. Cependant, aucune loi, aucun décret, ne définit l'autorité de sûreté nucléaire !
Monsieur le rapporteur, dans Le Monde daté du 8 mars, vous déclarez : « l'État [...] disposera toujours de quelque chose comme la DGSNR » ! Voilà qui n'est guère rassurant !
Pour ma part, je tiens à vous alerter, avec la plus grande fermeté : une organisation aussi déséquilibrée ne saurait fonctionner !
Nous voilà donc avec, d'un côté, une autorité administrative indépendante, dotée d'un budget important, de services efficaces, d'un président inamovible, n'ayant de comptes à rendre à personne et, de l'autre, un Etat dessaisi de ses pouvoirs régaliens, sans administration, mais responsable devant nos compatriotes et nous-mêmes.
Qu'en sera-t-il en cas d'accident ? La sûreté des installations nucléaires - centrales de production d'électricité, usines du cycle du combustible, installations expérimentales - est une question extrêmement sensible du fait de l'importance des risques encourus et de l'attention particulière qu'y porte, à juste titre, le public.
De nombreux exemples, dans un passé récent, montrent que les incidents et accidents dont les conséquences auraient pu être graves sont relativement fréquents et que le pouvoir politique est immédiatement confronté aux interrogations des médias et des citoyens : il doit leur répondre et prendre les décisions qui s'imposent à la fois sur les installations elles-mêmes et sur la protection des populations.
Il est important de savoir que le pouvoir politique a, chaque fois, été directement interpellé alors que les informations ne lui ont été fournies qu'au compte-gouttes, et souvent au dernier moment, par une administration jalouse de ses prérogatives et bien déterminée à protéger les exploitants nucléaires. Pourtant, c'est bien cette administration qui, placée directement sous l'autorité des ministres concernés et du Premier ministre, est responsable, en dernier ressort, devant la nation.
Que prévoit le projet de loi ? Le Gouvernement reprendrait la main « en cas d'urgence ». Qui décide et comment, du passage de pouvoir de la Haute autorité au Gouvernement ? Est-ce le président de l'autorité qui se démet lui-même d'une responsabilité qu'il est prêt à assumer quand ce n'est pas grave et dont il se défait lorsqu'il estime que « ça sent le roussi » ? Est-ce le Gouvernement ? Mais, comment ce dernier pourrait-il réagir intelligemment sans aucune information préalable ni personnel à sa disposition ?
La gestion d'une crise nucléaire, déjà difficile lorsque l'organisation est à peu près cohérente, devient impossible dans la situation de confusion et d'irresponsabilité que tend à créer le projet de loi.
Là où nous voulions un contrôle de la transparence nucléaire indépendant, avec des commissions locales dotées de moyens suffisants, là où nous voulions l'amélioration de la sûreté et, bien sûr, la pluralité de l'expertise en matière de nucléaire et de radioprotection, nous récoltons usurpation et abus de pouvoir, démission du politique sur l'une de ses fonctions fondamentales, opacité totale, appauvrissement technique et scientifique, désordre dans le fonctionnement et impossible gestion des crises !
La réforme proposée est dangereuse, en dépit des efforts déployés par les rapporteurs pour améliorer ce qui peut être amélioré.
J'aimerais vous convaincre, madame la ministre, de ne pas démembrer les outils dont vous disposez, et de ne pas confier tous les moyens humains, financiers et techniques de contrôle d'une industrie aussi risquée à cinq personnes désignées pour six ans ! Si vous deviez persister, les Verts voteraient contre le projet de loi que vous nous présentez aujourd'hui.
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
(M. Philippe Richert remplace M. Guy Fischer au fauteuil de la présidence.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre. Monsieur Piras, j'ai écouté votre intervention avec attention. Au-delà de certaines critiques que vous avez formulées à l'égard de la procédure, il me semble finalement que nous sommes en accord sur un certain nombre de points.
Par ailleurs, je crois avoir retracé aussi fidèlement que possible l'historique de ce texte. Effectivement, ce projet de loi a été déposé au Parlement par le gouvernement Jospin en 2001, sans qu'il soit, pour autant, discuté pendant la législature. C'est pourquoi il revient au gouvernement actuel de le faire enfin aboutir.
J'ajoute que le Gouvernement a rapidement décidé de recourir à la procédure de la lettre rectificative, qui lui a permis de bénéficier de l'avis du Conseil d'État. Je souhaite insister sur ce respect de la procédure, qui a permis à vos rapporteurs de travailler sur des bases solides.
Quant à la décision du Gouvernement de recourir à la procédure d'urgence, elle est totalement légitime. Il est aujourd'hui urgent de rénover le cadre juridique des activités nucléaires et l'organisation institutionnelle du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Monsieur le sénateur, vous l'avez vous-même reconnu en rappelant que ce texte était vital. Une fois encore, nous sommes d'accord sur ce point, me semble-t-il.
Vous avez évoqué les conséquences des évolutions actuelles du secteur énergétique, et notamment de son ouverture à la concurrence, sur la sûreté nucléaire. Je reviendrai sur ces aspects dans la réponse que je ferai à M. Coquelle, si vous le permettez, afin d'éviter la redondance dans mes propos !
Au sujet de la création de la Haute autorité de sûreté nucléaire, vous avez souhaité que le Gouvernement garde la responsabilité politique du contrôle de la sûreté nucléaire. Le dispositif proposé par le Gouvernement tient compte de ce type de préoccupations.
Je le dis haut et fort, en particulier à l'attention de Mme Voynet : le Gouvernement conserve le pouvoir de décision en ce qui concerne les mesures les plus importantes, notamment les autorisations de création et de démantèlement des grandes installations nucléaires. De son côté, la Haute autorité est chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et des décisions courantes intimement liées à ce contrôle. Selon le Gouvernement, il s'agit là d'un équilibre adéquat, de nature à garantir l'efficacité du contrôle.
S'agissant enfin de la politique énergétique, je rappellerai que la loi d'orientation sur l'énergie constitue la première grande loi portant sur cette question et qu'il faut saluer cet exercice démocratique.
M. Paul Girod s'est excusé de ne pouvoir entendre mes réponses, mais il pourra en prendre connaissance dans le compte rendu des débats.
J'ai pris acte de son adhésion à la réforme du contrôle de la sûreté nucléaire proposée par le Gouvernement, avec la création de la Haute autorité de sûreté nucléaire.
Il a rappelé que la répartition des pouvoirs entre le Gouvernement et la Haute autorité de sûreté nucléaire était une question sensible et structurante. Je puis lui assurer que le Gouvernement a été particulièrement attentif à cet aspect de la réforme proposée et a soigneusement pesé ses arbitrages. Je note que M. Girod adhère globalement à l'équilibre qui caractérise la proposition du Gouvernement.
Il a également évoqué l'importance des dispositions du projet de loi relatives à la transparence et à l'information du public. J'ai relevé qu'il n'avait pas eu d'hésitation en ce qui concerne le développement des pratiques et de la législation dans ce domaine.
J'ai, en revanche, retenu sa préoccupation concernant la préservation du secret industriel et commercial des industriels. Je tiens sur ce point à le rassurer : les industriels n'ont rien à redouter d'une transparence exemplaire, bien au contraire. Une telle transparence est, de toute façon, une exigence de la société actuelle, et les exploitants l'ont bien compris.
M. de Montesquiou a parfaitement rappelé l'esprit de la réforme du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection proposée par le Gouvernement.
Tout d'abord, une Haute autorité de sûreté nucléaire, dotée du statut d'autorité administrative indépendante, forte, crédible et pourvue des moyens nécessaires à l'exercice de sa mission, essentielle, est chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection au sein de l'Etat.
Ensuite, la rénovation du régime de contrôle applicable aux grandes installations nucléaires est une réforme certes technique, mais elle va permettre de porter la législation française au meilleur niveau. C'est également un facteur d'efficacité et de transparence dans le contrôle, comme il l'a fort justement indiqué.
M. de Montesquiou a également rappelé que les questions nucléaires, notamment les questions liées à la sûreté nucléaire, avaient une dimension internationale très marquée. Avec ces deux réformes - création de la Haute autorité et rénovation du régime des grandes installations nucléaire -, la France se hisse, non plus seulement en fait, mais également en droit et sur le plan de son organisation institutionnelle, au meilleur niveau dans le monde.
Enfin, je tiens à remercier M. de Montesquiou de sa confiance et de son soutien.
Monsieur Coquelle, vous avez exprimé des inquiétudes quant à l'impact de l'ouverture du secteur énergétique à la concurrence sur la sûreté nucléaire.
Selon le Gouvernement, aucune raison objective ne justifie de faire un lien entre, d'une part, le niveau de sûreté nucléaire et, d'autre part, la forme juridique, publique ou privée, de l'entreprise exploitant les installations ou le fait que cette entreprise évolue dans un environnement concurrentiel.
La sûreté nucléaire dépend avant tout du professionnalisme et de l'engagement de l'exploitant, de la rigueur du contrôle exercé par l'Autorité de sûreté nucléaire, comme l'illustrent d'ailleurs les exemples étrangers.
Je voudrais également vous confirmer que le Gouvernement n'a pas l'intention de privatiser EDF et qu'il ne faut pas voir, dans le texte proposé, une volonté cachée de privatiser le nucléaire.
M. Daniel Raoul. Pas aujourd'hui !
Mme Nelly Olin, ministre. Monsieur Gaudin, vous avez insisté sur le fait que le projet de loi rappelle les grands principes applicables aux activités nucléaires, et c'est là une clarification utile apportée par le projet de loi. Il convient de souligner cet aspect. Le projet de loi prend, sur ce point, la pleine mesure de la Charte de l'environnement, qui fait partie de notre acquis constitutionnel.
Vous avez également rappelé l'importance de l'information du public et de la transparence dans le domaine de la sécurité nucléaire. C'est l'un des objectifs majeurs du projet de loi, au même titre que l'inscription des commissions locales d'information dans la loi, la création du Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire et, enfin, l'institution d'un véritable droit d'accès à l'information détenue par les exploitants en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.
De la même manière que M. Girod, vous vous êtes dit préoccupé par la préservation du secret industriel et commercial des industriels. Je l'ai dit, la transparence est aujourd'hui une exigence sociale ; il faut s'y engager sans état d'âme.
Monsieur Raoul, vous avez insisté sur l'importance de la transparence. Le Gouvernement est tout à fait convaincu de cette importance.
Vous avez évoqué les amendements que vous avez déposés sur divers sujets : commissions locales d'information, Haut comité de transparence sur la sécurité nucléaire, droit à l'information.
Autant nous partageons l'objectif global, autant nous divergeons sur les modalités !
Nous considérons, en effet, que certains de vos amendements contribuent à brouiller les responsabilités ou les frontières ; nous en expliquerons au cas par cas. Les questions relatives à la sûreté nucléaire et à son contrôle ne souffrent ni ambiguïté ni approximation.
Vous avez émis des critiques sur la création de la Haute autorité. J'ai toutefois le sentiment que le Gouvernement avait à l'esprit vos préoccupations lorsqu'il a conçu le dispositif proposé.
Je reviendrai simplement sur l'une de vos critiques : le fait de confier à une autorité administrative indépendante un pouvoir de réglementation, clairement encadré et subordonné à celui du Gouvernement, n'est absolument pas exceptionnel et ne contrevient en rien à nos règles constitutionnelles.
Monsieur Fouché, vous rappelez à juste titre que le texte proposé vise à consolider et renforcer le cadre et le dispositif existant.
Vous avez en outre interrogé le Gouvernement sur les moyens dont disposera la Haute Autorité de sûreté nucléaire.
La réponse du Gouvernement à cette question est très claire : la Haute autorité devra disposer des agents en poste à l'actuelle autorité de sûreté nucléaire, c'est-à-dire à la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, et dans ses divisions régionales, les divisions de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
Le Gouvernement réfléchit par ailleurs à l'organisation de son administration pour être à même de traiter les missions qu'il n'a pas déléguées. Cette organisation conduira naturellement à des créations d'emplois au sein des services de l'État, mais en nombre limité.
Les moyens mis à la disposition de la Haute Autorité lui permettront de faire face à ses missions, s'agissant notamment du contrôle au quotidien des activités nucléaires, de l'inspection des installations, de l'instruction de certaines autorisations. Cela représente en tout environ 400 personnes et un budget de 35 millions d'euros, rémunérations comprises. Le Gouvernement considère que cela est loin d'être excessif pour des missions aussi fondamentales que celles de la Haute Autorité.
Enfin, vous avez indiqué, monsieur Fouché, que le présent projet de loi mérite d'être approuvé. Je vous en remercie.
M. Billout a, quant à lui, rappelé les avancées du projet de loi en ce qui concerne la transparence, qu'il accueille positivement.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, une série d'amendements qui porteront sur ce point, notamment des amendements visant à associer les représentants des salariés aux organes de transparence.
Je voudrais indiquer que le Gouvernement examinera ces amendements sans a priori, dans la mesure où ils peuvent permettre de mieux ancrer dans la société civile les institutions ayant un rôle à jouer en matière de transparence. Le Gouvernement considère qu'il convient toutefois de veiller, à cette occasion, à ne pas brouiller les responsabilités et à ne pas confondre les rôles. C'est à l'aune de ces deux principes qu'il étudiera vos amendements.
M. Biwer a également souligné l'importance des dispositions du projet de loi en matière de transparence. Il a notamment pris l'exemple du débat sur les déchets nucléaires. Je souhaite rappeler, à ce propos, que le Gouvernement prépare un projet de loi spécifique sur les déchets radioactifs. Il le soumettra prochainement au Parlement.
Sans anticiper sur le débat à venir, je mentionnerai trois points : le Gouvernement considère qu'il s'agit là d'un sujet en soi, d'un sujet majeur pour nos concitoyens et pour les générations futures ; le Gouvernement constate que des avancées très significatives ont été obtenues selon les axes de recherche organisés par la loi de 1991 sur les déchets radioactifs ; le Gouvernement dispose à présent d'une palette d'avis rendus par diverses instances ou acteurs concernés, et notamment des conclusions du débat public qu'il a souhaité.
En tout état de cause, le Gouvernement estime que l'ensemble de ces éléments permettront prochainement au débat parlementaire de se tenir dans les meilleures conditions.
Enfin, madame Voynet, vous avez employé des mots durs, des mots forts, qui m'ont semblé excessifs, et même caricaturaux,...
M. Henri de Raincourt. Eh oui !
Mme Nelly Olin, ministre. ...pour un projet de loi qui a tout de même recueilli aujourd'hui un large assentiment. Je ne vais pas allonger le débat : je crois avoir répondu à pratiquement toutes les interrogations, y compris aux vôtres, tant dans mon intervention liminaire que dans mes réponses aux membres de la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Pour la clarté de nos débats, je propose au Sénat d'examiner séparément l'amendement n° 214 du groupe CRC tendant à la suppression de l'article 2 bis. Cela permettra d'éviter la mise en discussion commune automatique des trente-cinq amendements et sous-amendements déposés sur cet article.
Le président de la commission des affaires économiques, M. Jean-Paul Émorine, a consulté tous les groupes politiques sur ce point, et je crois savoir que cette proposition fait l'objet d'un consensus.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande ?
M. le président. Il en est ainsi décidé.
Par ailleurs, j'ai cru comprendre que la commission souhaitait que nous n'entamions pas immédiatement l'examen des articles. (M. le rapporteur acquiesce.)
10
NOMINATION d'un membre d'un office parlementaire
M. le président. Je rappelle que le groupe Union pour un mouvement populaire a proposé une candidature pour l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Marcel-Pierre Cléach membre de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Philippe Richert.)
M. le président. La séance est reprise.
11
CANDIDATURES À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. M. le Président a reçu de M. le Premier ministre la demande de constitution d'une commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programme pour la recherche.
J'informe le Sénat que la commission spéciale m'a fait connaître qu'elle a procédé à la désignation des candidats qu'elle présente à cette commission mixte paritaire.
Cette liste a été affichée et la nomination des membres de cette commission mixte paritaire aura lieu conformément à l'article 9 du règlement.
12
Transparence et sécurité en matière nucléaire
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. Nous reprenons la discussion après déclaration d'urgence du projet de loi modifié par une lettre rectificative, relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire.
La discussion générale a été close.
Nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
DISPOSITIONS GÉNÉRALES
Articles additionnels avant l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 210, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article premier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La loi n° 2004-809 du 9 août 2004 relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières est abrogée.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cet amendement vise à abroger la loi du 9 août 2004, laquelle a entériné le changement de statut d'EDF.
En effet, EDF reste aujourd'hui la seule entreprise habilitée à exploiter des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire.
Au regard des impératifs de sécurité, il nous semble indispensable de lui conserver son statut d'établissement public industriel et commercial.
D'une part, ce statut permet de garantir une meilleure transparence, tandis que le passage à la gestion privée crée, au contraire, un déficit démocratique en privant les citoyens de leur droit de regard sur la politique de l'entreprise.
D'autre part, la libéralisation du secteur énergétique a de lourdes conséquences sur la gestion de l'entreprise. EDF est incitée à modifier sa politique d'entreprise pour s'adapter au mode concurrentiel, selon lequel les coûts sociaux, les sommes consacrées à la recherche, ainsi que les investissements sont considérés comme des freins à la compétitivité.
La mission de service public qui lui incombe est désormais sous le contrôle vigilant des actionnaires dont l'objectif premier est de disposer d'un retour sur investissement maximal, et non de satisfaire à l'intérêt général.
Par exemple, cette année, la progression du résultat net est de 102 %. Elle s'explique par une hausse de 3,6 % de l'excédent brut d'exploitation, « sous l'effet notamment des gains de productivité générés par le programme de performance Altitude ».
Les objectifs présentés par le président d'EDF pour la période 2005-2008 sont « une croissance annuelle moyenne du résultat net à deux chiffres » et un « taux de distribution de dividendes de 50 % du résultat net ».
Dans le même temps, ce programme prévoit la suppression de 6 000 à 7 500 emplois d'ici à 2007.
Nous sommes donc fondés à déclarer que sécurité et déréglementation ne font pas bon ménage en matière nucléaire.
En effet, nous estimons que la sécurité nucléaire passe avant tout par la sécurité des installations et les conditions de travail des salariés du secteur.
Dans ce sens, nous pensons que la recherche du profit immédiat, liée à l'actionnariat privé, est antagonique avec la nécessité d'investissements importants, non rentables à court terme. Ces investissements concernent notamment le démantèlement des centrales ainsi que la gestion des déchets.
Il ne faut pas oublier non plus les questions de maintenance. Ainsi, quand la recherche du profit se substitue aux impératifs inhérents à un service public, cela induit un recours accru à la sous-traitance, par des entreprises où les conditions salariales sont plus que critiquables. Cette pratique fait également peser de lourdes craintes sur la sécurité nucléaire.
Aujourd'hui, la plupart des défaillances proviennent de l'homme, poussé par les lois de la rentabilité.
Il faut en effet considérer que la complexité des installations de production d'énergie, leur haut niveau de technicité et les risques qu'elles peuvent représenter requièrent des salariés en nombre suffisant, ayant des compétences individuelles et collectives leur permettant d'assumer leurs responsabilités.
Au-delà des progrès techniques qui peuvent améliorer la sécurité, cette dernière repose en tout premier lieu sur le rôle et la place des hommes dans l'organisation de l'entreprise. Cette exigence est encore plus grande quand il s'agit d'énergie nucléaire.
Or, on l'a dit, sécurité et sûreté ne font pas bon ménage avec la recherche de rentabilité maximale. La sous-traitance, la mobilité forcée, l'individualisation cassent les collectifs de travail des entreprises qui sont à la base de la formation des compétences.
Seul un service public dynamique et renforcé, où le statut, l'organisation et les critères de gestion seront à même de « reconnaître » les compétences et le sens des responsabilités individuelles et collectives permettra aux filières de l'énergie de répondre aux défis de sécurité qui leur sont posés. C'est également l'une des raisons qui justifie notre volonté de revenir au statut d'établissement public industriel et commercial.
Les risques spécifiques liés à la filière nucléaire ne peuvent pas être laissés à une gestion privée.
Ainsi, nous estimons que le secteur énergétique doit au contraire rester sous contrôle public et se consacrer à l'entretien, à la sécurité, au renouvellement du parc et à la recherche d'énergies nouvelles. L'État reste la seule autorité à pouvoir s'inscrire dans une stratégie de long terme et à garantir une sécurité minimale.
Nous vous demandons donc d'adopter cet amendement pour garantir pleinement la sécurité en matière nucléaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur de la commission des affaires économiques. Mon cher collègue, je ne sais si je dois dire « par pitié » ou « de grâce », n'entamons pas un débat qui a déjà eu lieu au cours de l'été 2004. Ce n'est absolument pas le moment ni l'objet de la présente discussion. Cet amendement est un « cavalier ».
En outre, si je comprends votre argumentaire, vous avez entendu, comme moi, M. le Premier ministre faire des annonces sur l'évolution de GDF avec Suez. Si cette orientation devait se confirmer, le Parlement serait appelé à se prononcer et vous auriez alors tout loisir de vous exprimer sur le sujet.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre de l'écologie et du développement durable. Il émet un avis défavorable.
Le Gouvernement estime en effet qu'il n'est pas fondé de créer un lien entre le niveau de sûreté nucléaire et la forme juridique publique ou privée de l'entreprise exploitant des installations. Ainsi, le cas de la Finlande est tout à fait illustratif : ce pays qui est réputé pour le niveau de sûreté de ses installations dispose de quatre réacteurs exploités par deux entreprises - l'une privée et l'autre publique - sans qu'il ne soit jamais apparu que le statut de l'une ou l'autre de ces entreprises ait eu une quelconque incidence sur le niveau de sûreté.
De même, le cas de l'Allemagne est tout à fait intéressant : l'exploitant le plus important outre-Rhin E.ON a été une entreprise longtemps détenue par des capitaux publics. Par l'effet de la libéralisation du marché de l'énergie, elle est désormais détenue à plus de 50 % par des capitaux privés étrangers. La réorganisation du statut et de la structure financière ne se sont pas faites au détriment de la sûreté nucléaire.
Il en va de même aux États-unis et en Espagne, où les grands opérateurs sont des entreprises privées soumises à un contrôle rigoureux et efficace qui permet l'imprégnation d'une véritable culture de sûreté.
Compte tenu de ces exemples, monsieur le sénateur, il nous apparaît important de réaffirmer que la sûreté nucléaire dépend moins de la nature juridique de l'exploitant que de son professionnalisme, de son engagement et des moyens de contrôle mis à la disposition de l'autorité administrative responsable.
Enfin, je tiens à vous préciser qu'à ce jour le Gouvernement n'a pas constaté de dérives mettant en jeu la sûreté nucléaire d'une installation du fait de l'ouverture du secteur de l'énergie à la concurrence en France.
M. le président. L'amendement n° 211, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
La France, par l'intermédiaire du Ministre chargé de l'Industrie, demande la renégociation des directives européennes impliquant l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne considère pas que l'amendement que je vais présenter soit sans rapport avec le débat qui nous intéresse aujourd'hui.
La déréglementation et la privatisation des industries et services en réseau sont une orientation du libéralisme à l'échelle internationale.
Les formes que peut prendre cette déréglementation varient selon les États. Dans les pays anglo-saxons, les industries de monopole ont été totalement privatisées. Cette privatisation a entraîné leur démantèlement. Dans d'autres pays comme la France, les objectifs affichés sont, le plus souvent et pour le moment, la privatisation partielle.
L'expérience des secteurs déjà engagés dans la privatisation montre qu'il n'y a pas de limites à la pénétration des capitaux privés dans le capital des sociétés.
Parallèlement, une certaine idée du rôle de l'État se met en place : ce dernier n'assurerait strictement que ses trois fonctions dites « régaliennes » en se contentant, pour limiter certaines dérives sociales et certains risques, d'encadrer par des lois et des réglementations la régulation laissée aux lois du marché de tous les autres secteurs de l'activité du pays.
Pourtant, en matière énergétique, où les enjeux environnementaux et économiques sont importants, cette orientation politique est source de risques. Ces risques sont ceux d'un recul de la démocratie induit par la gestion privée de ces entreprises et par une logique de rationalisation des coûts au détriment de la politique industrielle de l'entreprise.
Ainsi, nous ne pouvons que constater que le développement technologique dans le domaine de l'énergie et la déréglementation portent une contradiction fondamentale : d'un côté, les exigences sanitaires et environnementales imposent des coûts externes importants ; de l'autre, la rentabilité financière à court terme, imposée par le capital, ne peut les prendre en compte.
Hausse des prix, dégradation du service rendu, suppression et précarisation massives des emplois, affaiblissement des garanties sociales, atteinte à l'environnement, voilà quelles sont, en résumé, les conséquences de la déréglementation et de l'ouverture à la concurrence du secteur de l'énergie en Europe. Je pourrais, pour illustrer ces propos, citer toute une série d'exemples très concrets, dont je vous ferai grâce pour ne pas alourdir le débat.
Quoi qu'il en soit, lors du sommet de Barcelone, Jacques Chirac et le Premier ministre de l'époque avaient demandé aux institutions européennes la mise en oeuvre d'une évaluation avant une libéralisation totale du secteur énergétique.
Plus récemment encore, lors d'un colloque sur la déréglementation du secteur de l'énergie, M. Loos avait trouvé important de souligner l'urgence de la réalisation d'un bilan national de la libéralisation du secteur.
Par cet amendement, nous souhaitons donc que ces engagements soient respectés et que les ministres français demandent aux institutions européennes la réalisation d'un bilan de la déréglementation du secteur, bilan qui devrait certainement conduire à une renégociation des directives dans ce domaine.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Monsieur le sénateur, puisque vous avez parlé de Barcelone, permettez-moi de signaler que vos amis participaient alors au gouvernement.
Cet amendement, comme le précédent, n'a aucun lien avec le texte que nous examinons. Par ailleurs, le dispositif que vous proposez constitue une injonction à l'adresse du Gouvernement, ce qui, vous le savez, est anticonstitutionnel.
Pour ce double motif, la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 211.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 1er
La sécurité nucléaire comprend la sûreté nucléaire, la protection contre les rayonnements ionisants, la prévention et la lutte contre les actes de malveillance, ainsi que les actions de sécurité civile en cas d'accident.
La sûreté nucléaire est l'ensemble des dispositions techniques et des mesures d'organisation relatives à la conception, à la construction, au fonctionnement, à l'arrêt et au démantèlement des installations comportant une source de rayonnements ionisants, ainsi qu'au transport des matières radioactives, prises en vue de prévenir les accidents ou d'en limiter les effets.
La protection contre les rayonnements ionisants, ci-après dénommée radioprotection, est l'ensemble des règles, des procédures et des moyens de prévention et de surveillance visant à empêcher ou à réduire les effets nocifs des rayonnements ionisants produits sur les personnes directement ou indirectement, y compris par les atteintes portées à l'environnement.
M. le président. L'amendement n° 145 rectifié, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La transparence en matière nucléaire est l'ensemble des dispositions prises pour garantir le droit à une information fiable et accessible des citoyens en matière de sûreté nucléaire, de radioprotection et de transport des matières radioactives.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. L'article 1er définit les différents éléments traités par le projet de loi : la sécurité nucléaire et la sûreté nucléaire. Le projet de loi concernant aussi la transparence, il me paraît utile de la définir à son tour.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement est intéressant parce qu'il est tout à fait conforme à l'objet de ce texte, qui est de donner toutes les garanties de transparence en matière nucléaire.
Il me semble toutefois trop timide par rapport aux avancées de ce projet de loi en termes de transparence. En effet, il convient d'étendre la transparence à l'ensemble de la sécurité nucléaire, notion qui est plus large que celle de sûreté nucléaire, de radioprotection et de transport des matières radioactives citée dans votre amendement, madame Voynet.
Je suis donc favorable à cet amendement, sous réserve d'appliquer la définition de la transparence à l'ensemble de la sécurité nucléaire, ce qui revient à remplacer les mots : « de sûreté nucléaire, de radioprotection et de transport de matières radioactives» par les mots : « de sécurité nucléaire ».
M. le président. Madame Voynet, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans le sens souhaité par M. le rapporteur ?
Mme Dominique Voynet. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 145 rectifié bis, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La transparence en matière nucléaire est l'ensemble des dispositions prises pour garantir le droit à une information fiable et accessible des citoyens en matière de sécurité nucléaire.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Compte tenu de la rectification intervenue, le Gouvernement émet un avis favorable.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II. - L'État définit la réglementation en matière de sécurité nucléaire et met en oeuvre les contrôles visant à l'application de cette réglementation.
B. En conséquence, faire précéder le premier alinéa de cet article de la mention : I.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur Il s'agit, par cet amendement, de rappeler que l'État détermine et met en oeuvre l'ensemble de la politique de sécurité nucléaire. C'est là un principe fondamental et c'est pourquoi nous avons, d'emblée, voulu le poser.
Ce principe est complètement respecté par la création de la Haute autorité de sûreté nucléaire, d'une part, parce que la sûreté nucléaire et la radioprotection participent à la sécurité nucléaire et, d'autre part, parce que l'autorité administrative indépendante, créée par cette loi, fait partie intégrante de l'État, comme j'ai eu l'occasion de le dire lors de mon exposé introductif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement qui met l'accent dès l'article 1er sur le rôle de l'État, ce qui est important. Ce rôle est naturellement fondamental en matière de contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection.
Il est, par ailleurs, bien entendu que l'État recouvre à la fois le Gouvernement et la Haute autorité de sûreté nucléaire.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Je dois dire que je ne comprends toujours pas. Vous venez, madame la ministre, de prononcer cette phrase : « l'État recouvre à la fois le Gouvernement et la Haute autorité. » Or M. Sido a dit que la Haute autorité fait partie intégrante de l'État. Doit-on en déduire que la Haute autorité fait partie intégrante de l'État qui est lui-même composé de la Haute autorité ? Franchement, je n'y comprends plus grand-chose...
Mme Dominique Voynet. Qu'entendez-vous par « partie intégrante » ? Quel est le statut de la Haute autorité par rapport à l'État, par rapport au pouvoir politique ? (M. le rapporteur s'exclame.) Si on précise que l'État définit la réglementation en matière de sécurité nucléaire, on voit bien qu'il y a un problème de définition du champ respectif de l'État et de la Haute autorité dont les compétences en matière de réglementation sont définies dans un article ultérieur.
Par conséquent, l'argumentation qui a été avancée par M. le rapporteur ne me semble pas assez éclairante pour justifier à la fois cet amendement et le rôle de la Haute autorité évoqué plus loin.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Nous n'allons pas nous engager dans une discussion philosophique à cette heure et à ce stade du débat.
L'État, madame, c'est le Gouvernement, c'est l'administration. La Constitution indique d'ailleurs que le Gouvernement dispose de l'administration La Haute autorité fait bien entendu partie de l'administration. L'État, c'est également le Parlement. L'État, c'est tout cela ! Il m'étonne que vous posiez la question.
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
Article additionnel après l'article 1er
M. le président. L'amendement n° 212, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les entreprises qui participent de façon permanente aux activités de production, de transport et de distribution de l'énergie intègrent la branche professionnelle des industries électriques et gazières. En conséquence, les salariés de ces entreprises sont soumis au statut des industries électriques et gazières.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Les accidents et les incidents nucléaires se multiplient ; leur gravité et leur fréquence augmentent. Ainsi, depuis le mois de septembre 2005, quatre plans d'urgence interne ont été déclenchés. Si aucun d'entre eux n'a eu de conséquence sur l'environnement, chacun d'eux atteste d'une dégradation du niveau de sûreté.
Dans toutes les centrales, le constat est le même : la contrainte temporelle exercée sur les salariés s'accroît fortement tandis que leurs conditions de travail et les conditions d'exploitation des installations se dégradent. Cette dégradation tient son origine essentiellement dans une gestion et un management tournés vers la recherche des gains financiers, qui aboutit à la réduction des coûts de maintenance et d'exploitation.
Cette volonté de réduction des coûts passe également par un recours massif à la sous-traitance. On assiste donc à un transfert de compétence du public vers le privé en matière de maintenance.
Le rôle croissant de la sous-traitance s'accompagne d'une pression accrue sur les salariés de ces entreprises : dégradation des salaires, du niveau de protection sociale et des conditions de travail. Ce phénomène se traduit également par une perte de compétence et de savoir-faire en raison d'un recours à une main-d'oeuvre de moins en moins qualifiée.
De plus, les dernières dispositions prises par EDF, avec la prestation globale d'assistance chantier, reportent la responsabilité de maître d'oeuvre d'EDF sur la sous-traitance. Cela risque encore d'amplifier le phénomène de sous-traitance en cascade. Nous constatons en effet la présence simultanée sur les sites de travailleurs employés dans des conditions extrêmement disparates.
Il est peut-être utile de vous rappeler que l'explosion de l'usine AZF à Toulouse avait déjà mis en évidence le fait que le développement de la sous-traitance conduisait à des dysfonctionnements graves. L'usage en cascade de la sous-traitance est d'ailleurs épinglé par le rapport d'enquête parlementaire sur la catastrophe d'AZF.
Aujourd'hui, dans le domaine du nucléaire, 80 % des doses d'irradiation reçues sont subies par des salariés de la sous-traitance. En outre, le recours à l'emploi précaire y est le double de celui constaté dans l'industrie, atteignant parfois 70 % dans les activités à risques professionnels.
Plus globalement, l'obsession du raccourcissement des délais d'intervention et une véritable frénésie d'abaissement des coûts ont d'importantes conséquences sur la sûreté. Le rapport de l'inspecteur général de la sûreté nucléaire, Pierre Wiroth, pointait déjà le risque qui « pourrait insidieusement conduire certains managers à se focaliser plus sur la réduction des coûts que sur les exigences de sûreté ».
Ce renversement des valeurs au profit du rendement dégrade la sécurité des salariés et des populations. Reconnaître le facteur humain dans l'énergie nucléaire est donc la première nécessité.
Ainsi, pour assurer pleinement la sécurité et la sûreté des installations, des personnels et des populations, l'ensemble des activités exercées sur les sites nucléaires en exploitation doit offrir les meilleures conditions de réalisation en termes de conditions de travail, de compétences des personnels et de qualité des opérations effectuées.
Cela implique une amélioration et une harmonisation des garanties sociales dont bénéficient tous les salariés appelés à intervenir sur ces sites, à n'importe quel moment de leur activité
Dans ce sens, le Gouvernement avait pris l'engagement, en 2004, d'ouvrir des négociations interbranches pour harmoniser et améliorer les garanties sociales et les conditions de travail des salariés du nucléaire. Elles n'ont toujours pas eu lieu.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Coquelle !
M. Yves Coquelle. Je conclus, monsieur le président.
Nous souhaitons donc que le Gouvernement tienne ses engagements, afin d'aboutir à la mise en place d'un statut unique des salariés de l'énergie.
Ainsi, nous considérons que tous les établissements et entreprises qui participent, de façon permanente, aux activités de production, de transport et de distribution de l'énergie doivent entrer dans la branche professionnelle des industries électriques et gazières. Nous estimons en conséquence que le statut des industries électriques et gazières doit être appliqué à l'ensemble de leurs salariés, comme l'avait prévu la loi de 2000.
Tel est le sens de notre amendement.
M. le président. Je rappelle à tous les intervenants qu'ils disposent d'un temps de parole de cinq minutes pour défendre un amendement, cette règle n'étant d'ailleurs pas nouvelle.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 212 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Nous ne sommes pas en train de débattre du statut professionnel des agents d'EDF, des sous-traitants d'EDF ou de ses sous-sous-traitants ! Je ne mets pas en cause la pertinence de la question, j'indique simplement que cet amendement n'a aucun lien avec le texte que nous examinons.
C'est la raison pour laquelle la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement estime que cet amendement excède très largement le champ du projet de loi, dans la mesure où il traite des entreprises qui participent à la production d'électricité, y compris non nucléaire, ainsi qu'à son transport et à sa distribution, sans rapport d'ailleurs avec la sûreté nucléaire.
En ce qui concerne les activités de production d'électricité d'origine nucléaire, monsieur le sénateur, le Gouvernement rappelle que le recours par l'exploitant à des prestataires relève de la responsabilité industrielle. Ces prestataires doivent pouvoir relever d'autres branches industrielles que des industries électriques et gazières. En revanche, l'exploitant doit le faire en assurant un haut niveau de sûreté nucléaire.
La Haute autorité de sûreté nucléaire exercera un contrôle rigoureux sur la façon dont l'exploitant s'acquitte de cette responsabilité, comme les services de contrôle le font déjà aujourd'hui en tant que de besoin.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 212.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2
I. - Les activités comportant un risque d'exposition des personnes aux rayonnements ionisants, ci-après dénommées « activités nucléaires », émanant soit d'une source artificielle, qu'il s'agisse de substances ou de dispositifs, soit d'une source naturelle lorsque les radionucléides naturels sont traités ou l'ont été en raison de leurs propriétés radioactives, fissiles ou fertiles, ainsi que les interventions destinées à prévenir ou réduire un risque radiologique consécutif à un accident ou à une contamination de l'environnement, doivent satisfaire au principe de précaution mentionné au 1° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement et aux principes généraux de radioprotection énoncés à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique.
II. - Les activités nucléaires doivent en outre respecter les règles suivantes :
1° Toute personne a le droit, dans les conditions définies par la présente loi, d'être informée sur les risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants du fait d'une activité nucléaire et sur les rejets d'effluents des installations ;
2° Les responsables des activités et les détenteurs de sources de rayonnements ionisants supportent le coût des mesures de prévention, et notamment d'analyses, ainsi que des mesures de réduction des risques et des rejets d'effluents que prescrit l'autorité administrative.
III. - Les installations nucléaires de base classées secrètes par le Premier ministre, les installations nucléaires intéressant la défense nationale et figurant sur une liste arrêtée par le Premier ministre, les transports de matières radioactives et fissiles à usage militaire, l'intervention en cas d'accident impliquant ces installations et ces transports sont, au même titre que les installations et activités faisant l'objet de la présente loi, soumis à une obligation d'information et de contrôle.
Cette obligation est mise en oeuvre dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, selon des modalités conciliant les principes d'organisation de la sûreté nucléaire et de la radioprotection avec les exigences liées à la défense nationale.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au début du I de cet article, remplacer les mots :
Les activités comportant un risque d'exposition des personnes aux rayonnements ionisants, ci-après dénommées « activités nucléaires », émanant soit d'une source artificielle, qu'il s'agisse de substances ou de dispositifs, soit d'une source naturelle lorsque les radionucléides naturels sont traités ou l'ont été en raison de leurs propriétés radioactives, fissiles ou fertiles, ainsi que les interventions destinées à prévenir ou réduire un risque radiologique consécutif à un accident ou à une contamination de l'environnement,
par les mots :
Les activités nucléaires mentionnées à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit, par cet amendement, de simplifier la rédaction du I de l'article 2 par une référence à la définition des activités nucléaires donnée à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 3 est présenté par M. Sido, au nom de la commission.
L'amendement n° 256 rectifié est déposé par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le I de cet article, remplacer les mots :
doivent satisfaire au principe de précaution mentionné au 1° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement et aux principes généraux de radioprotection énoncés à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique.
par les mots :
doivent satisfaire au principe de précaution et au principe d'action préventive mentionnés au 1° et au 2° du II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement ainsi qu'aux principes généraux de radioprotection énoncés à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur, pour présenter l'amendement n° 3.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'ajouter le principe d'action préventive à la liste des principes auxquels les activités nucléaires sont soumises.
Ce principe consiste à rendre prioritaire l'action sur les causes des risques plutôt que sur la réparation des dommages. Il est déjà appliqué, de fait, par nombre de règles de sûreté nucléaire et de radioprotection. Il serait utile qu'il figure dans la loi aux côtés des autres principes.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, pour présenter l'amendement n° 256 rectifié.
M. Bernard Piras. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 255, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le I de cet article, après le mot :
mentionné
insérer les mots :
à l'article 5 de la charte de l'environnement et
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Le paragraphe I de l'article 2 a notamment pour objet de rappeler que les installations nucléaires sont soumises au respect des principes de radioprotection, définis à l'article L. 1333-3 du code de la santé publique, à savoir les principes de justification, d'optimisation et de limitation.
Il vise, par ailleurs, à obliger les exploitants d'installations nucléaires à respecter le principe de précaution énoncé à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, selon lequel « l'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles à l'environnement à un coût économiquement acceptable ».
Il paraît également opportun de s'appuyer sur la Charte de l'environnement, adoptée en 2005, qui fait elle aussi référence au principe de précaution.
M. le président. L'amendement n° 147, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le I de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Elles doivent également respecter les articles 5 et 7 de la charte de l'environnement, insérée dans la Constitution, le principe de participation mentionné à l'article L. 110-1 du code de l'environnement, le droit à l'information mentionné à l'article L. 125-2 du même code, ainsi que les dispositions de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. L'amendement de M. Sido a déjà complété la liste des principes qui devaient être garantis en matière de sécurité nucléaire et de transparence.
Il me semble justifié, à côté du principe de précaution et du principe d'action préventive, de prévoir que ces activités doivent également respecter les articles 5 et 7 de la Charte de l'environnement à laquelle il a été donné valeur constitutionnelle, le principe de participation qui, à côté des deux principes précités, est mentionné à l'article L.110-1 du code de l'environnement, ainsi que les dispositions de la convention d'Aarhus sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement. Comme vous le savez, cette convention, qui a été intégrée à notre droit par un décret l'année dernière, est d'application directe.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L'amendement n° 255 va tout à fait dans le sens du projet de loi, qui impose aux activités nucléaires le principe de précaution. Actuellement, le texte vise le principe de précaution au travers du 1° du paragraphe II de l'article L. 110-1 du code de l'environnement. Cette référence est préférable à celle de la Charte de l'environnement elle-même, pour deux raisons.
D'une part, la Charte de l'environnement prévoit que ce principe s'applique non pas directement, mais dans des conditions mises en oeuvre par les autorités publiques, c'est-à-dire en l'occurrence par le législateur à l'article L. 110-1 du code de l'environnement. D'autre part, et surtout, il n'est pas d'usage de viser directement des dispositions à valeur constitutionnelle dans un texte de loi.
La commission émet donc émis un avis défavorable sur cet amendement.
Quant à l'amendement n° 147, il est pour une large part inutile par rapport au projet de loi, pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, s'agissant du respect de la Charte de l'environnement, il n'est pas d'usage, je le rappelle, de viser des dispositions constitutionnelles, d'autant plus qu'en l'occurrence elles ne sont pas d'application directe. Le principe de précaution prévu à l'article 5 doit être mis en oeuvre par les pouvoirs publics et le principe d'information prévu à l'article 7 s'exerce dans les conditions prévues par la loi. Les références utiles en la matière sont donc des références législatives, et non constitutionnelles, et c'est précisément l'objet du projet de loi que de mettre en oeuvre ces principes de précaution et d'information.
Ensuite, le principe d'information visé à l'article L. 125-2 du code de l'environnement est déjà applicable.
Enfin, il en est de même pour la convention d'Aarhus, directement applicable en droit français puisqu'elle a été transposée.
En revanche, la mention du principe de participation tel que décrit à l'article L. 110-1 du code de l'environnement pourrait être utile, mais votre amendement va bien au-delà.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. L'amendement n° 256 rectifié est satisfait par l'amendement n° 3 de la commission sur lequel le Gouvernement émet un avis favorable. Quant aux amendements nos 255 et 147, il y est défavorable, pour les motifs qui ont été invoqués par M. le rapporteur.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3 et 256 rectifié.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, les amendements nos 255 et 147 n'ont plus d'objet.
Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 4, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Avant le deuxième alinéa (1°) du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
1°A L'exploitant d'une installation nucléaire de base, définie à l'article 12 de la présente loi, est responsable de la sûreté de son installation ;
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit de rappeler, dans la loi, le principe traditionnel selon lequel c'est l'exploitant qui est responsable de la sûreté de son installation.
C'est sur cette responsabilité de l'exploitant - et non l'État - que repose tout le système de sûreté nucléaire ainsi que de radioprotection. En l'occurrence, on voit bien la différence entre l'État, la haute autorité et l'exploitant. Pour la radioprotection, la responsabilité de l'exploitant figure déjà dans la loi, à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique.
M. le président. L'amendement n° 146, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Avant le deuxième alinéa (1°) du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
1° A La responsabilité première de la sûreté d'une installation nucléaire incombe à son exploitant.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. La rédaction présentée par l'amendement de M. Sido figurait déjà dans projet de loi déposé sur le bureau du Sénat en 2002.
Mon attention a été attirée par la suppression du mot « première » dans la rédaction initiale. Je ne sais si une telle suppression à un sens, mais il conviendrait de préciser que la responsabilité de l'exploitant est bien une responsabilité de premier rang. Vient ensuite la responsabilité du contrôleur et de l'État.
Cette précision pourrait être utile. En tout état de cause, elle ne met pas en péril l'équilibre du texte.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 146 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Certes, l'amendement de Mme Voynet ne met pas en péril l'équilibre du texte ni son économie. Je suis d'accord avec l'ajout du principe de responsabilité de l'exploitant, qui est fondamental. Cependant, cet amendement est satisfait, à une différence rédactionnelle près, par l'amendement n° 4 de la commission.
Aussi, je demande à Mme Voynet de bien vouloir retirer son amendement. À défaut, j'émettrais un avis défavorable.
M. le président. Madame Voynet, l'amendement n° 146 est-il maintenu ?
Mme Dominique Voynet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 146 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable, pour les raisons exposées par M. le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 213 rectifié, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Dans le deuxième alinéa (1°) du II de cet article, remplacer les mots :
a le droit
par le mot :
doit
II. - En conséquence, dans le même alinéa, après les mots :
la présente loi,
supprimer le mot :
d'
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Nous voulons, au travers de cet amendement, affirmer le caractère obligatoire de la garantie d'information définie par le présent article.
En effet, nous souhaitons que l'article 2 du projet de loi précise que toute personne doit être informée sur les risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants du fait d'une activité nucléaire et sur les rejets d'effluents des installations.
En rendant obligatoire cette information et en permettant par conséquent aux citoyens de s'en prévaloir, notre amendement garantit une meilleure transparence en matière nucléaire.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Aux termes de cet amendement, l'information ne serait plus un droit des citoyens, mais elle pourrait être entendue comme une obligation de s'informer.
Remarquez bien qu'au fond, en démocratie, être obligé de s'informer avant de se prononcer ce ne serait peut-être pas mal...
Mme Dominique Voynet. Cela vaut pour les sénateurs ! (Sourires.)
M. Bruno Sido, rapporteur. Certes. Cela vaut pour tous !
Quoi qu'il en soit, ce n'est ni l'esprit du texte ni le moment d'en discuter.
M. Yves Coquelle. Ce n'est jamais le moment !
M. Bruno Sido, rapporteur. Par conséquent la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa (1°) du II de cet article, après les mots :
définies par la présente loi
insérer les mots :
et les décrets pris pour son application
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement de coordination avec le III de l'article 2 vise à bien préciser que les installations nucléaires intéressant la défense sont soumises au principe d'information dans les conditions prévues par un décret en Conseil d'État.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable. La précision apportée par cet amendement est tout à fait utile. Les conditions d'information du public découleront de la présente loi, mais également des décrets pris pour l'application de celle-ci.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
A. Dans le dernier alinéa (2°) du II de cet article, remplacer les mots :
des activités et les détenteurs de sources de rayonnements ionisants
par les mots :
de ces activités
B. Compléter le même 2° par les mots :
en application de la présente loi
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, qui vise à clarifier la portée du 2° du II de l'article 2.
Le A rappelle que les activités visées sont des activités nucléaires.
Le B tient compte du fait que la détention de sources de rayonnements ionisants constitue une activité nucléaire au titre de l'article L. 1333-1 du code de la santé publique visé au premier alinéa de l'article 2.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, car la suppression de la mention « détenteurs de sources » ne pose aucune difficulté. Cette catégorie est en effet d'ores et déjà couverte par la notion de responsabilité d'activité nucléaire.
Ainsi amendé, le principe pollueur-payeur, qui fait l'objet de cet alinéa, s'appliquera bien aux responsables d'activités nucléaires, y compris les détenteurs de sources.
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le III de cet article :
III - Les activités et installations nucléaires intéressant la défense ne sont pas soumises à la présente loi, à l'exception de son titre premier. Un décret en Conseil d'État précise les catégories d'installations et d'activités visées, et définit les obligations d'information et de contrôle qui leur sont appliquées selon des modalités conciliant les principes d'organisation de la sûreté nucléaire et de la radioprotection avec les exigences liées à la défense nationale.
Les équipements et installations nécessaires à l'exploitation d'une installation nucléaire intéressant la défense et situés dans son périmètre sont réputés faire partie de cette installation.
Nonobstant leur appartenance à l'une des catégories comprises dans une des nomenclatures prévues aux articles L. 214-2 et L. 511-2 du code de l'environnement, les installations et activités nucléaires intéressant la défense nationale ne sont pas soumises aux dispositions des articles L. 214-1 à L. 214-6 ni à celles du titre Ier du livre V du même code.
Elles ne sont pas soumises au régime d'autorisation ou de déclaration institué par l'article L. 1333-4 du code de la santé publique.
Les autres équipements et installations implantés dans ce périmètre restent soumis au régime dont ils relèvent, l'autorité compétente pour les activités et installations nucléaires intéressant la défense exerçant les attributions qui sont celles de l'autorité administrative.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement vise, d'abord, à exclure les activités et installations nucléaires intéressant la défense des dispositions de la présente loi, à l'exception de celles de son titre Ier fixant les principes généraux d'information et de contrôle qui doivent gouverner les activités nucléaires.
Il vise, ensuite, à prévoir qu'un décret en Conseil d'État fixe les règles applicables au nucléaire de défense.
Il vise, en outre, à transposer aux sites nucléaires de la défense certaines dispositions relatives au régime juridique des installations nucléaires civiles, en particulier celles qui sont prévues à l'article 12 concernant les équipements et installations nécessaires à l'exploitation des installations nucléaires de base, les INB. Ceux-ci sont considérés comme faisant partie de l'INB et relèvent du même régime juridique spécifique. Sont ainsi exclues l'application de tout autre régime que ceux des installations classées pour la protection de l'environnement, les ICPE, et des installations classées pour la police de l'eau, de même que les règles applicables aux petits équipements nucléaires.
Cet amendement vise, enfin, à donner un fondement légal à la compétence d'une administration spécialisée pour l'ensemble des installations situées dans le périmètre d'une installation nucléaire de défense. Aujourd'hui, cette administration est la délégation de la sûreté des installations nucléaires intéressant la défense, la DSND.
M. le président. Le sous-amendement n° 148, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
A. Rédiger ainsi la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 7 pour le III de cet article :
Les installations nucléaires de base classées secrètes, les installations nucléaires intéressant la défense, les transports de matières radioactives et fissiles à usage militaire et l'intervention en cas d'accident impliquant ces installations et ces transports sont soumis à une obligation d'information et de contrôle.
B. Rédiger ainsi le troisième alinéa du même texte :
Ces installations et activités sont soumises aux dispositions des articles L. 214-1 à L. 214-6 du code de l'environnement, à celles du titre 1er du livre V du même code, et au régime d'autorisation ou de déclaration institué par l'article L. 1334-4 du code de la santé publique.
C. Supprimer le quatrième alinéa du même texte.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Ce sous-amendement, vous l'aurez remarqué, ne conforte pas la philosophie de l'amendement de M. le rapporteur, bien au contraire !
Nous considérons que les installations nucléaires de base classées secrètes et, de façon plus générale, les installations nucléaires qui intéressent la défense doivent, autant que faire se peut, respecter les règles qui sont en usage dans le domaine des installations classées au titre de la protection de l'environnement.
La nature tout à fait spécifique de ces activités ne justifie pas que tous les efforts ne soient pas accomplis pour permettre le respect des dispositions de la loi sur l'eau ou des règles qui prévalent dans le domaine de la prévention des risques majeurs.
La rédaction antérieure, qui rappelait l'obligation d'information et de contrôle des installations nucléaires de base classées secrètes et qui prévoyait, compte tenu du caractère très spécifique de ces activités, qu'un décret décline les modalités selon lesquelles ces dispositions étaient mises en oeuvre, me semble préférable à la rédaction qui nous est proposée par M. le rapporteur et qui donne à penser que, dans ce secteur, on peut s'arroger le droit de ne respecter aucune des règles communes.
Ce qui est secret, c'est effectivement le caractère militaire et les données qui sont liées à la défense. En revanche, ce qui relève de la protection de l'environnement et de la prévention des risques ne devrait pas échapper au droit commun.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur ce sous-amendement ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Sur le A, nous disons à peu près la même chose : les principes applicables aux activités nucléaires et l'obligation d'information s'appliquent au nucléaire de défense. Chacun comprendra bien que les modalités de cette transparence doivent être conciliées avec les exigences de la défense nationale, comme c'est déjà le cas aujourd'hui de façon satisfaisante.
En revanche, s'agissant du B et du C, je crois qu'il y a un malentendu. Monsieur le président, il est dommage que nous n'ayons pas dans cet hémicycle un paperbord, car cela m'aurait permis de faire un schéma.
Le grand malentendu c'est de croire que ce qui n'est pas concerné par les installations nucléaires est dans une zone de non-droit, et donc qu'aucun droit ne s'applique. Si j'ai bien compris, c'est ce que pense Mme Voynet. Or c'est exactement le contraire : ces installations sont soumises au régime des installations nucléaires de base qui est plus exigeant que les autres régimes.
L'amendement n° 7 rectifié vise à imposer ce haut niveau d'exigence en matière de nucléaire militaire, exactement comme l'amendement de mon collègue Henri Revol à l'article 12 visera à l'imposer pour le nucléaire civil
Aussi, la commission est défavorable au sous-amendement n° 148.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 7 rectifié et sur le sous-amendement n° 148 ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 7 rectifié.
Les contraintes particulières à la défense nationale justifient que des règles spécifiques s'appliquent aux activités et installations nucléaires intéressant la défense.
Pour autant, il est souhaitable d'affirmer clairement que ces installations et activités sont soumises aux mêmes principes généraux que les autres activités nucléaires, et notamment qu'il y a obligation d'information sur leur impact.
Le Gouvernement agit dans ce sens, et il continuera à le faire. Ainsi réécrit, le III de l'article 2 définit plus clairement le cadre applicable.
Quant au sous-amendement n° 148, le Gouvernement émet un avis défavorable, pour les raisons invoquées par M. le rapporteur.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
TITRE II
LA HAUTE AUTORITÉ DE SÛRETÉ NUCLÉAIRE
M. le président. L'amendement n° 149, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans l'intitulé de ce titre, remplacer les mots :
La haute autorité
par les mots :
L'autorité
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Vous l'aurez compris, je ne suis pas favorable à un démembrement des moyens de l'État au profit d'une haute autorité administrative indépendante.
La Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, qui existe aujourd'hui, se prévaut volontiers du titre d'autorité de sûreté nucléaire. Je considère qu'il peut être effectivement intéressant de régulariser cette pratique, et donc de traduire cette régularisation dans le titre II.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Bis repetita non placent. Aussi, je ne réitérerai pas les propos que j'ai tenus sur ce point.
En revanche, si vous le permettez, monsieur le président, madame la ministre, je ferai une déclaration que je ne répéterai pas à chaque amendement ou sous-amendement qui visera à supprimer la référence à la Haute autorité.
Le présent amendement tend à refuser le principe de la création d'une autorité administrative indépendante chargée du contrôle des installations nucléaires.
Je souhaiterais, à ce stade de la discussion, rappeler les grands principes qui ont présidé à la création d'une telle instance.
Tout d'abord, le projet de loi a opté pour une répartition claire des compétences entre le Gouvernement et la Haute autorité, et j'ai même parlé de compétences « ciselées ».
En matière de sécurité civile, en cas d'accident, le Gouvernement reste pleinement responsable de la gestion de la crise et la Haute autorité n'est qu'associée à ces domaines régaliens. C'est donc une autorité administrative indépendante intervenant dans les domaines de la sûreté et de la radioprotection qui vous est proposée.
En ces matières, je rappelle que les décisions de nature réglementaire que la Haute autorité de sûreté nucléaire sera amenée à prendre seront limitées à des matières très techniques et auront vocation à préciser les détails de décrets et d'arrêtés à caractère réglementaire.
Les décisions de l'autorité seront, au surplus, soumises à homologation du ministre et publiées au Journal officiel.
Il en va de même pour les sanctions qu'elle prendrait à l'encontre d'un exploitant, qui seront, là encore, conditionnées à l'homologation ministérielle.
En matière de décision individuelle s'appliquant aux installations nucléaires de base, je tiens également à préciser que le Gouvernement demeure responsable de tous les actes importants : autorisations, suspensions, arrêts définitifs et démantèlements.
Toutes ces grandes décisions sont prises par décret, après avis simple de la Haute autorité. Cette dernière devra, quant à elle, préciser les modalités pratiques de ces grandes décisions et en rendre compte au ministre, comme le prévoit l'un des amendements de votre commission.
Enfin, en matière d'information du public, la Haute autorité n'est bien entendu que l'un des nombreux acteurs, aux côtés du Gouvernement, du Haut comité, des organismes indépendants ou des commissions locales d'information.
En définitive, le Gouvernement nous propose un système lisible dans lequel les missions respectives des différentes autorités sont bien articulées, claires et équilibrées. Il s'agit surtout d'un système de nature à renforcer la confiance du public dans la manière dont est exercé le contrôle des activités nucléaires dans notre pays.
Vous l'aurez compris, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. À l'instar de la commission, cet avis du Gouvernement vaudra également pour les autres amendements du même ordre.
Le Gouvernement ne peut qu'être défavorable au présent amendement, qui s'oppose à l'un des principaux aspects de la réforme qu'il propose : la création d'une autorité administrative indépendante.
Contrairement à ce que dit Mme Voynet, l'État ne renonce nullement à ses responsabilités régaliennes : d'une part, la Haute autorité de sûreté nucléaire fera partie intégrante de l'État et ses dirigeants seront désignés par les plus hautes autorités de l'État ; d'autre part, le Gouvernement, je le confirme, conservera les leviers d'action nécessaires en édictant la réglementation générale, en décidant de l'autorisation ou de la non-autorisation des installations nucléaires de base et en gardant tous ses pouvoirs en matière de sécurité publique.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 149.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article 2 bis
Il est créé une autorité administrative indépendante, dénommée « Haute autorité de sûreté nucléaire », chargée de participer au contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et à l'information du public dans ces domaines.
À ce titre :
1° La Haute autorité de sûreté nucléaire est consultée sur les projets de décrets et d'arrêtés ministériels de nature réglementaire relatifs à la sécurité nucléaire.
Elle peut prendre, en tant que de besoin, des dispositions réglementaires à caractère technique pour compléter les conditions ou modalités d'application des règlements pris en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection, à l'exception de ceux relatifs à la médecine du travail. Lorsqu'elles relèvent de la réglementation générale en matière de sûreté nucléaire, ses délibérations sont soumises à l'homologation du ministre chargé de la sûreté nucléaire. Lorsqu'elles relèvent de la réglementation en matière de radioprotection de la population et des travailleurs, elles sont précédées des consultations prévues par le code de la santé publique et le code du travail.
2° La Haute autorité de sûreté nucléaire assure le contrôle du respect des règles générales et des prescriptions particulières en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection auxquelles sont soumises les installations nucléaires de base définies à l'article 12, la construction et l'utilisation des équipements sous pression spécialement conçus pour ces installations, les transports de matières radioactives ainsi que les activités mentionnées à l'article L. 1333-1 du code de la santé publique.
La Haute autorité organise une veille permanente en matière de radioprotection.
Elle désigne parmi ses agents les inspecteurs de la sûreté nucléaire mentionnés au titre IV et les inspecteurs de la radioprotection mentionnés au 1° de l'article L. 1333-17 du code de la santé publique. Elle désigne les agents chargés du contrôle des dispositions relatives aux équipements sous pression mentionnés à l'alinéa précédent. Elle délivre les agréments requis aux organismes qui participent aux contrôles et à la veille en matière de sûreté nucléaire ou de radioprotection.
3° La Haute autorité de sûreté nucléaire informe le public dans les domaines de sa compétence. Elle veille à l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'information sur les risques liés aux rayonnements ionisants. Elle participe au financement des activités des commissions locales d'information mentionnées à l'article 6.
4° La Haute autorité de sûreté nucléaire est associée à la gestion des situations d'urgence radiologique résultant d'événements de nature à porter atteinte à la santé des personnes et à l'environnement par exposition aux rayonnements ionisants et survenant en France ou susceptibles d'affecter le territoire français. Elle apporte son concours technique aux autorités compétentes de l'État pour l'élaboration des plans de secours relatifs aux accidents affectant des activités nucléaires.
Lorsque survient une situation d'urgence telle que définie à l'alinéa précédent, elle assiste le Gouvernement pour toutes les questions de sa compétence. Elle adresse aux autorités compétentes ses recommandations sur les mesures à prendre sur le plan médical et sanitaire ou au titre de la sécurité civile. Elle informe le public sur l'état de sûreté de l'installation à l'origine de la situation d'urgence, lorsque celle-ci est soumise à son contrôle, et sur les éventuels rejets dans l'environnement.
5° En cas d'incident ou d'accident concernant une activité nucléaire, la Haute autorité de sûreté nucléaire peut procéder à une enquête technique selon les mêmes modalités et sous les mêmes sanctions que celles applicables aux enquêtes en cas d'accident ou d'incident de transport terrestre, telles qu'elles sont définies par les articles 14 à 24 et 27 de la loi n° 2002-3 du 3 janvier 2002 relative à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport, aux enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport terrestre ou aérien et au stockage souterrain de gaz naturel, d'hydrocarbures et de produits chimiques.
L'enquête technique est menée par des agents de la Haute autorité de sûreté nucléaire. Celle-ci peut faire appel à des membres des corps d'inspection et de contrôle et à des agents de l'institut de radioprotection et de sûreté nucléaire mentionné à l'article 5 de la loi n° 2001-398 du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale. Elle peut décider la constitution d'une commission d'enquête dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, sur l'article.
Mme Dominique Voynet. Au cours de la discussion générale, j'ai eu l'occasion de décrire de façon assez approfondie les raisons pour lesquelles je considère qu'il est dangereux que l'État se dessaisisse de ses responsabilités en matière de sûreté nucléaire, notamment en termes de contrôle.
Madame la ministre, je ne suis pas convaincue par votre argumentation, et vous n'êtes pas convaincue par la mienne. Je ne vous infligerai donc pas, amendement après amendement, un raisonnement que vous ne partagez pas. En conséquence, s'agissant des amendements qui sont de pure cohérence d'un article à l'autre, M. Piras et moi-même dirons simplement qu'ils sont défendus, afin de gagner un temps qui est précieux pour chacun d'entre nous.
Je veux simplement dire qu'il est utile de réfléchir un moment sur les conséquences de la mise en place de la Haute autorité de sûreté nucléaire, notamment en cas de crise. En effet, il me semble que c'est dans ces situations critiques que pourrait être mise en évidence la difficulté pour le Gouvernement d'assumer pleinement ses responsabilités.
Comme je l'ai dit au cours de la discussion générale, la sûreté des installations nucléaires est une question extrêmement sensible en raison non seulement de l'importance des risques encourus, mais aussi de l'attention particulière qu'y porte le public. Chaque fois que des incidents ou des accidents se produisent - ce qui est relativement fréquent dans les industries à risque comme dans l'industrie en général -, le pouvoir politique est confronté aux interpellations des médias et des citoyens. Il doit donc répondre de façon claire, ne pas contribuer à accentuer le doute et prendre les décisions qui s'imposent pour la sécurité des installations, l'environnement et la protection des populations.
Je pourrais citer de nombreux exemples montrant la difficulté et la diversité des situations à gérer. Je me contenterai de prendre les cas dont j'ai eu à connaître afin d'éviter les extrapolations.
Je pense aux fuites radioactives sur des transports de combustibles irradiés en 1998. La procédure était inadaptée et a imparfaitement été mise en oeuvre.
Je songe également aux fissures dans le béton des enceintes de confinement de la centrale de Belleville en 1998. Nous avons alors été confrontés à un nouveau palier de centrale nucléaire et, finalement, à une technologie qui était en rodage.
Je peux aussi évoquer l'invasion de l'eau dans la salle des machines de la centrale du Blayais lors de la tempête de décembre 1999. Il s'agissait d'un événement climatique extrême, qui s'est déroulé à quelques jours du passage à l'an 2000, c'est-à-dire à un moment où l'on craignait le bug informatique.
Je pense enfin aux incidences des rejets radioactifs de l'usine de La Hague au moment de l'affaire du tuyau de l'anse des Moulinets avec ce que cela suppose d'inquiétude pour la santé des populations de la presqu'île du Cotentin.
Il est important de le savoir, à chaque fois, le pouvoir politique a été interpellé de façon très vive - et je vous ai vue froncer le sourcil cet après-midi quand j'ai évoqué ce fait, madame la ministre - et, à chaque fois, l'administration a tardé à communiquer les informations qu'elle distillait au compte-gouttes. Celle-ci considérait qu'elle était parfaitement apte à gérer la situation. Techniquement, c'était sans doute vrai. En revanche, politiquement, ce n'était pas le cas, car c'était bien le ministre de l'environnement qui était interpellé et qui devait donner des réponses techniquement crédibles et médiatiquement audibles.
Il me semble que les propositions que vous formulez, avec la mise en place d'une Haute autorité indépendante, sont de nature à rendre les choses encore plus difficiles.
Qu'en sera-il en cas d'accident ?
Imaginons tout simplement qu'un incident mineur se produise à la centrale nucléaire de Nogent-sur-Seine, à quatre-vingts kilomètres en amont de Paris. On peut penser que le président de la Haute autorité en sera informé. À ce stade, l'incident ne demande pas qu'il alerte quelqu'un d'autre, puisqu'il n'a aucune autorité au-dessus de lui.
Les heures passent. L'incident n'est pas forcément très grave, mais il a pour conséquence une fuite radioactive qui pollue l'eau de la Seine. Il y a un risque que des riverains ou des relations des employés de la centrale soient au courant et que l'affaire s'ébruite. C'est d'ailleurs ce qui se passe, et la radio dès le matin en fait état. Les ministres responsables et le Premier ministre sont immédiatement interrogés : ils ne peuvent que répondre qu'ils ne savent rien et que, de plus, ils ne sont pas responsables.
Je ne suis pas en train d'inventer ou de spéculer. C'est déjà arrivé, madame la ministre, et cela peut vous arriver demain.
On imagine très bien ce qui se passerait si l'accident était grave et que l'on se retrouve face à une « situation d'urgence ». Comme je l'ai dit cet après-midi, rien dans le texte ne précise à quel moment l'autorité de sûreté passe la main au gouvernement ni à quel moment et avec quels moyens le gouvernement apprécie la situation et reprend effectivement les rênes.
Une crise nucléaire est déjà difficile à gérer lorsque l'organisation est à peu près cohérente. Or elle me paraît impossible à gérer dans la situation de confusion et d'irresponsabilité que créerait le projet de loi.
Je voudrais le dire d'une façon nette : l'article 38 du projet de loi dispose que les effectifs de la Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection seront affectés à la Haute autorité de sûreté nucléaire. De quel service, de quels moyens disposera donc l'État pour apprécier la gravité de la situation, pour reprendre la main, pour analyser les éléments de gravité d'un dossier ?
On peut penser qu'il travaillera main dans la main avec la Haute autorité de sûreté nucléaire. Peut-il pour autant se passer de service pour examiner et contrôler la crédibilité des informations qui lui sont transmises ? Pour ma part, je ne le crois pas. Je le crois d'autant moins que, dans ce jeu un peu complexe, les acteurs sont nombreux : les exploitants, la Haute autorité, l'État, et toutes les structures d'expertise qui seront conduites à donner leur avis.
Il faudra trancher, argumenter, arbitrer. Sans service dédié à cet effet, les choses seront très difficiles.
M. le président. Mes chers collègues, je rappelle que, pour la clarté des débats, le Sénat a décidé d'examiner séparément l'amendement de suppression n° 214.
L'amendement n° 214, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Je connais par avance l'avis de la commission et du Gouvernement, mais cet amendement est l'occasion de préciser à nouveau notre opinion sur la question.
Nous voici arrivés à la principale innovation de la lettre rectificative : une Haute autorité de sûreté nucléaire, dont la création avait a été annoncée par M. le Président de la République, le 5 janvier 2006. Cette nouvelle autorité administrative indépendante sera chargée du contrôle de la sécurité nucléaire, de la radioprotection et de l'information.
Le Gouvernement estime que la création d'une autorité administrative indépendante permettra de garantir une meilleure indépendance en matière de contrôle des installations. Pour notre part, nous considérons que, dans ce domaine, une externalisation de ces services par l'État, loin de garantir une indépendance renforcée, laisse présager au contraire une pression accrue des grands groupes industriels sur cette autorité.
En outre, comme le soulignait l'avis du Conseil d'État de 1999, la sécurité nucléaire est une prérogative régalienne. Il s'agit d'un domaine qui ne peut faire l'objet d'une externalisation de l'administration centrale.
La définition des champs de compétence entre l'autorité ainsi créée et la part réservée au gouvernement ne peut donc pas nous satisfaire.
Ainsi, la nouvelle autorité « indépendante » serait constituée d'un collège de cinq membres nommés pour six ans, irrévocables, omnipotents et légalement « irresponsables ». Elle cumulerait les pouvoirs réglementaires, de police, d'imposition et de dépense des taxes spécifiques et d'information, sans assumer la responsabilité de ses actes devant les tiers, puisqu'elle ne serait pas dotée de la personnalité morale.
Le gouvernement, tout en restant responsable devant les tiers, se retrouverait dépouillé de ses propres capacités d'expertise et de contrôle, puisque tous les fonctionnaires s'occupant de sûreté nucléaire et de radioprotection seraient affectés à la nouvelle autorité. L'ensemble du dispositif de sûreté nucléaire et d'information se retrouverait finalement concentré dans les mains de cette Haute autorité.
De plus, cette nouvelle répartition des compétences est source d'insécurité juridique et de lenteur administrative, puisque les actes de cette Haute autorité devront être homologués par les ministres concernés.
Comme nous venons de le voir, cette nouvelle autorité va disposer des moyens de la direction générale de sûreté nucléaire et de radioprotection. Nous aurions alors souhaité que ce projet de loi explicite les moyens humains qui seront maintenus dans les services de l'État pour procéder à l'instruction des demandes visant à la création de grandes installations nucléaires.
À l'inverse de ce que vous proposez, il nous semble au contraire fondamental de renforcer la direction générale de sûreté nucléaire et de radioprotection. Cela passe par une augmentation des moyens humains et matériels qui lui sont accordés. Il s'agit là d'un moyen efficace de garantir une meilleure sécurité nucléaire.
Aucune obligation européenne ou internationale n'imposait la création d'une autorité administrative indépendante. Plus globalement, celle-ci intervient avec, en toile de fond, la libéralisation du secteur énergétique et la privatisation des entreprises publiques. Dès lors, comment ne pas analyser cette création comme le préalable à l'ouverture à la concurrence de l'exploitation de l'installation nucléaire civile ?
Souhaitez-vous donc permettre à Suez, déjà exploitante en Belgique, de s'installer en France ? La coïncidence de sa fusion avec GDF est plutôt significative et laisse présager le pire.
Les exemples dont nous disposons dans la mise en oeuvre de ce type de structures nous poussent à être critiques. Traditionnellement, leur rôle est de garantir la concurrence libre et non faussée en organisant le déclin de l'opérateur historique.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons accréditer la création de cette nouvelle Haute autorité de sûreté nucléaire.
Mes chers collègues, cette argumentation vaudra également pour les articles qui viendront ensuite en discussion. Ainsi, nous n'aurons plus non plus à nous expliquer.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Avant toute chose, je voudrais répondre succinctement à Mme Voynet, qui s'est exprimée sur l'article, et appeler son attention sur deux points.
Tout d'abord, l'accident fiction qu'elle nous a relaté, qui peut survenir ou qui s'est déjà produit, peut être source de confusion. Notre collègue a en effet employé le mot « accident ». Or il ne faut pas confondre sécurité et sûreté nucléaires.
Lorsque l'on parle d'un « accident », il s'agit de sécurité nucléaire et non de sûreté. Dès lors, c'est le Gouvernement, et non la Haute autorité, qui en a l'entière responsabilité. Naturellement, pour être responsable, il faut pouvoir assumer ses responsabilités. Le Gouvernement s'attachera donc à conserver le personnel compétent pour les assumer.
Ensuite, sans aller trop vite ni trop loin, l'article 38 du projet de loi dispose, en substance, que le jour de la réunion des membres du collège de la Haute autorité, le personnel de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection sera affecté à la Haute autorité de sûreté nucléaire. De même, avant la réunion de ce collège, le Gouvernement prendra soin de constituer une direction interministérielle ou d'en nommer une nouvelle.
Par ailleurs, je souligne qu'il n'y aura pas de création d'emplois supplémentaires. Si j'apporte cette précision, c'est pour démentir les bruits que j'ai pu entendre dans les couloirs selon lesquels l'article 40 de la Constitution pourrait nous être opposé.
J'en viens à l'amendement n° 214.
Je vous remercie, monsieur Coquelle, d'avoir usé du parallélisme des formes : la commission a expliqué pourquoi elle émettrait un avis défavorable sur tous les amendements de suppression et vous, vous avez dit pourquoi vous les présentiez. Cette situation a au moins le mérite de la clarté.
Je comprends donc vos raisons et vous comprenez pourquoi la commission est opposée à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à cet amendement qui tend à refuser l'un des principaux aspects de la réforme proposée, à savoir la création d'une autorité administrative indépendante.
Mais je voudrais préciser un autre point, évoqué par M. Coquelle.
Vous avez fait état, monsieur le sénateur, de la décision du Conseil d'État de 1999. Je comprends votre argument, mais je rappelle que le Conseil d'État, consulté par le Gouvernement sur ce projet de loi, a validé les dispositions de la lettre rectificative. La situation n'est donc pas la même !
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 150, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
A. Rédiger ainsi le premier alinéa de cet article :
L'Autorité de sûreté nucléaire est constituée de la Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection d'une part, et de ses services déconcentrés, placés au sein des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. L'Autorité de sûreté nucléaire est placée sous la tutelle du ministre en charge de l'environnement et du ministre de la santé.
B. Supprimer les deuxième, troisième et quatrième alinéas de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Vous en conviendrez, la discussion évolue.
J'ai lu avec beaucoup d'attention le rapport de la commission, dans lequel sont évoqués les problèmes de personnel, ainsi que le communiqué du conseil des ministres, qui évoquait le transfert total des effectifs de la DGSNR à la Haute autorité, en citant le nombre de postes. On voit donc bien que le débat n'est pas clos.
On nous dit aujourd'hui que le Gouvernement conservera les moyens de faire son travail, néanmoins sans création de postes. Il y aura donc une sorte de démembrement et de partage entre l'administration centrale et la Haute autorité à partir des effectifs de la DGSNR.
Il faudra préciser tout cela lors des discussions ultérieures.
L'amendement n° 150 tend à préciser de nouveau que la Haute autorité de sûreté nucléaire est constituée de la DGSNR actuelle et de ses services déconcentrés.
M. le rapporteur a beaucoup insisté sur la nécessité de séparer les fonctions d'exploitation et de contrôle. Je crois qu'il a raison.
Nous souhaitons, par cet amendement, attirer votre attention sur le fait qu'il était possible, sans créer de Haute autorité indépendante, aboutir à ce résultat, en prévoyant simplement que les fonctions de production soient sous tutelle de l'industrie, mais pas les fonctions de contrôle, comme c'est le cas pour les installations classées au titre de la protection de l'environnement.
Je sais que cela peut susciter des cris d'effroi lorsque le titulaire du poste au ministère de l'environnement est suspect de tiédeur à l'égard de l'énergie nucléaire. Mais, vous en conviendrez, aucun ministre en charge de ces questions n'a jamais donné à penser qu'il privilégiait ses convictions personnelles par rapport à l'exigence de transparence, de sécurité, de sûreté et de radioprotection.
Je crois donc qu'un ministre auquel sont confiées des responsabilités très lourdes de contrôle dans le domaine des installations classées industrielles pourrait également exercer la tutelle d'une Haute autorité de sûreté nucléaire placée sous sa responsabilité.
M. le président. L'amendement n° 151, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer les deuxième, troisième et quatrième alinéas de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Il s'agit d'un amendement de cohérence par rapport à l'argumentation que je viens de développer.
Selon Mme la ministre, le Conseil d'État a changé d'avis. J'en suis ravie pour elle et désolée en ce qui me concerne.
En effet, le Conseil d'État avait insisté, en 1999, sur le fait qu'il était impossible de confier à une autorité indépendante le soin de prendre des dispositions règlementaires.
On nous dit que ces décisions seront étroitement contenues dans un corset technique. Soit !
Mais, compte tenu de la répartition des effectifs de part et d'autre, on peut imaginer que ces textes seront préparés par la Haute autorité de sûreté nucléaire et soumis ensuite à la validation du Gouvernement.
Quoi qu'il en soit, il m'aurait semblé utile de réserver au seul Gouvernement le soin d'édicter des mesures de caractère réglementaire.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le second alinéa du 1° de cet article :
Elle peut prendre des décisions réglementaires à caractère technique pour compléter les modalités d'application des décrets et arrêtés pris en matière de sûreté nucléaire ou de radioprotection, à l'exception de ceux ayant trait à la médecine du travail. Ces décisions sont, après homologation par arrêté du ministre chargé de la sûreté nucléaire ou de la radioprotection, publiées au Journal officiel.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement précise les conditions dans lesquelles la Haute autorité de sûreté nucléaire exerce son pouvoir réglementaire, qui ne peut qu'être circonscrit et limité en raison des exigences constitutionnelles.
D'abord, il tend à donner aux actes juridiques le caractère de décisions règlementaires à caractère technique ayant pour objet de compléter les modalités d'application des décrets et arrêtés en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Ensuite, alors que le texte du projet de loi ne prévoyait une homologation ministérielle que pour les actes intervenant en matière de sûreté nucléaire, il élargit cette obligation à toutes ses décisions, y compris celles qui ont trait à la radioprotection.
Il s'agit d'assurer la cohérence entre les décisions relevant des ministres compétents et celles de la Haute autorité. À cet effet, il est proposé que les actes juridiques de la Haute Autorité entrent en vigueur après homologation ministérielle et qu'ils soient publiés au Journal officiel.
Enfin, cet amendement tend à supprimer la mention, inscrite dans le texte du projet de loi, qui fait référence à des consultations d'organismes prévues par le code du travail et par le code de la santé publique. Votre commission a en effet jugé que ces dispositions étaient de nature réglementaire.
M. le président. Le sous-amendement n° 260, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter in fine la première phrase du texte proposé par l'amendement n° 8 pour le second alinéa du 1° de cet article, par les mots :
et au droit du travail dans son ensemble
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner, la Haute autorité de sûreté nucléaire dispose d'un certain nombre de pouvoirs dans le domaine réglementaire.
Certes, l'article 2 bis précise, dans son paragraphe 1°, que « la Haute autorité de sûreté nucléaire est consultée sur les projets de décrets et d'arrêtés ministériels de nature réglementaire relatifs à la sécurité nucléaire », ce qui suppose qu'elle ne dispose dans ce domaine que d'un avis consultatif.
Cet article est complété par la disposition suivante, qui concerne la Haute autorité de sûreté nucléaire : « Elle peut prendre, en tant que de besoin, des dispositions réglementaires à caractère technique pour compléter les conditions ou modalités d'application des règlements pris en matière de sûreté et de radioprotection, à l'exception de ceux relatifs à la médecine du travail. ».
La possibilité qui est ici offerte à la Haute autorité de sûreté nucléaire de prendre des décisions en interprétant la réglementation lui confère, de fait, un pouvoir réglementaire important.
Le caractère technique attribué à tel ou tel élément peut évoluer au fil du temps, en fonction de la progression des connaissances en la matière et des rapports de force au sein de la société. Le dossier de l'amiante est de ce point de vue assez éloquent.
Il nous semble donc important de limiter le champ de compétences de la Haute autorité de sûreté nucléaire. L'article du projet de loi dispose d'ailleurs que celle-ci ne pourra prendre de telles dispositions à caractère technique dans les domaines relatifs à la médecine du travail.
Il conviendrait d'étendre cette exception au droit du travail dans son ensemble. Il n'y a en effet aucune raison pour qu'une telle autorité indépendante puisse exercer un tel pouvoir réglementaire dans ce domaine. Ce n'est en tout cas pas son rôle, qui doit se limiter à l'exercice du contrôle de la sûreté nucléaire.
M. le président. L'amendement n° 257, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après les mots :
consultations prévues
rédiger comme suit la fin de la dernière phrase du second alinéa du 1° de cet article :
par le code du travail et soumises à l'homologation du ministre chargé de la santé.
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. L'article 2 bis tend à confier des pouvoirs réglementaires à la Haute autorité de sûreté nucléaire en matière de dispositions à caractère technique.
Le second alinéa du 1°de cet article précise : « Lorsqu'elles relèvent de la réglementation générale en matière de sûreté nucléaire, ses délibérations sont soumises à l'homologation du ministre chargé de la sûreté nucléaire. Lorsqu'elles relèvent de la réglementation en matière de radioprotection de la population et des travailleurs, elles sont précédées des consultations prévues par le code de la santé publique et le code du travail. ».
Il n'y a aucune raison pour que les décisions prises par la Haute autorité de sûreté nucléaire dans le domaine de la santé ne soient pas soumises à l'homologation du ministre de la santé. En effet, il ne revient pas à une autorité indépendante de disposer de telles prérogatives dans ce domaine.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le 1° de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les décisions de la Haute autorité de sûreté nucléaire prises sur le fondement de l'article 13 sont communiquées au ministre chargé de la sûreté nucléaire.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Par cet amendement, la commission propose d'instituer un régime général de communication au ministre chargé de la sûreté nucléaire des décisions individuelles prises par la Haute autorité en matière de contrôle et de prescription des installations nucléaires de base.
Il nous est en effet apparu indispensable que les autorités politiques soient pleinement informées de l'ensemble des décisions prises par la Haute autorité de sûreté nucléaire, sur le fondement de l'article 13 du projet de loi.
M. le président. Le sous-amendement n° 321, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 9 pour compléter par un alinéa le 1° de cet article, après les mots :
article 13
insérer les mots :
et mentionnées sur une liste fixée par décret
La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre. Le contrôle des INB nécessite la prise de plusieurs centaines de décisions techniques par an. Certaines ont une portée assez importante, qui justifie leur transmission au Gouvernement. D'autres sont beaucoup plus mineures et leur transmission obligatoire constituerait une formalité coûteuse et inutile.
Un décret pourra utilement préciser la liste des décisions à transmettre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 150, je n'y reviendrai pas : avis défavorable, car la commission soutient l'idée de création d'une autorité administrative indépendante.
Madame Voynet, en fine connaisseuse des circuits gouvernementaux, vous avez dit que l'indépendance était suffisamment assurée avec, d'un côté, le ministre de l'environnement et, de l'autre, le ministre de l'industrie. Or vous savez mieux que quiconque que Matignon fait la synthèse et assure la coordination entre les avis des ministres, qui, parfois, ne sont pas exactement identiques. On peut donc difficilement parler d'indépendance. (M. Bernard Piras s'exclame.)
S'agissant de l'amendement n° 151, que vous présentez, madame Voynet, comme un amendement de repli, la commission y est également défavorable, puisqu'il tend à refuser la création d'une autorité administrative indépendante.
Concernant le sous-amendement n° 260, défendu brillamment par M. Piras, la Haute autorité de sûreté nucléaire a vocation à intervenir dans le domaine de la radioprotection. Il n'est donc pas illégitime de prévoir que ses décisions pourront préciser, dans des domaines très circonscrits, certains aspects de la réglementation en matière de protection des travailleurs contre les rayonnements ionisants. En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 257, non pas sur le fond car j'ai moi-même tenu à ce que les décisions en matière de radioprotection soient homologuées, mais parce que l'amendement n° 8 de la commission répond pleinement aux préoccupations des auteurs de cet amendement et leur donne satisfaction.
Le sous-amendement n° 321 du Gouvernement n'a pu être examiné par la commission. À titre personnel, j'y suis, hélas ! défavorable. Il apparaît indispensable que le Gouvernement soit pleinement informé des décisions prises par la Haute autorité, et nous n'avons pas jugé souhaitable de limiter le nombre de décisions communiquées par un décret. Si vous éprouvez, en tant que ministre de l'écologie, des craintes portant sur la préservation la forêt et l'augmentation de la consommation de papier, je peux vous rassurer : grâce aux communications électroniques, la Haute autorité pourra communiquer avec les ministères concernés, et cela ne coûtera rien.
M. Daniel Raoul. Il faut abonner le ministère à l'ADSL !
M. Bruno Sido, rapporteur. Je crois que c'est déjà le cas, mon cher collègue !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements et sous-amendements ?
Mme Nelly Olin, ministre. Pour les raisons invoquées précédemment, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 150 qui tend à refuser la création de la Haute autorité de sûreté nucléaire.
Il est également défavorable à l'amendement n° 151. En effet, le schéma proposé en matière de réglementation générale correspond aux pratiques habituelles pour les autorités administratives indépendantes. Il a été validé par le Conseil d'État et s'inscrit en conformité avec la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
Je rappelle également que le Gouvernement conserve le pouvoir d'édicter la réglementation générale. La Haute autorité pourra seulement fixer des dispositions techniques détaillées nécessaires à l'application de cette réglementation générale et le Gouvernement disposera d'un pouvoir d'homologation de ces dispositions techniques.
S'agissant de l'amendement n° 8, le Gouvernement ne juge pas nécessaire l'homologation des décisions réglementaires de la Haute autorité en matière de radioprotection et avait limité ce dispositif au domaine de la sûreté nucléaire.
Le Gouvernement avait par ailleurs souhaité préciser dans la loi les obligations de consultation, au titre du code de la santé publique et du code du travail, pour les dispositions à caractère réglementaire de la Haute autorité et il le fera, le cas échéant, par décret.
Aussi, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur cet amendement.
Le Gouvernement est défavorable au sous-amendement n° 260.
Ce sous-amendement prive en effet la Haute autorité de compétences en matière de définition des modalités techniques d'application de la réglementation relative à la radioprotection des travailleurs. Or le Gouvernement souhaite maintenir les compétences de la Haute autorité dans ce domaine, car elle disposera de facto de la connaissance des installations, des matières qui y sont manipulées et des interventions qui y sont réalisées, autant de connaissances nécessaires à l'élaboration des modalités d'application efficaces de la réglementation relative à la radioprotection des travailleurs.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 257, dès lors que le ministre chargé de la santé n'est pas compétent pour ce qui concerne la radioprotection des travailleurs.
Enfin, compte tenu des éléments apportés par les rapporteurs, le Gouvernement est désormais favorable à l'amendement n° 9 et retire le sous-amendement n° 321.
M. le président. Le sous-amendement n° 321 est retiré.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Monsieur Sido, évidemment, je connais bien la mécanique interministérielle, mais je l'assume et je la revendique. Il s'agit en effet bien de faire en sorte que la décision prise soit politique, assumée et expliquée comme telle.
Il arrive tous les jours que l'on ait à arbitrer entre des impératifs de production, portés et défendus par le ministre de l'industrie, et des impératifs de sûreté ou de radioprotection, sur lesquels le ministre de l'environnement ou le ministre de la santé peuvent être amenés à monter en première ligne.
Chaque ministre défend son dossier, argumente, et le Premier ministre arbitre. Cela me paraît juste.
En revanche, ce qui ne me semble pas juste, c'est la « défausse » sur une autorité indépendante, alors même que ce sont bien les ministres qui devront assumer la responsabilité de la décision devant l'opinion, l'expliquer, la justifier... et en payer le prix.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, pour explication de vote sur l'amendement n° 8.
M. Bernard Piras. Nous allons voter cet amendement, mais j'aimerais tout de même relever une petite contradiction entre l'avis de Mme la ministre, qui s'en est remise à la sagesse du Sénat, et la position de M. le rapporteur.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 257 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 9.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 152, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le premier alinéa du 2° de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. J'ai déjà expliqué pourquoi le Gouvernement ne pouvait confier à une Haute autorité le soin d'exercer le contrôle en matière de sûreté et de radioprotection.
M. le président. L'amendement n° 153, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans les premier et deuxième alinéas du 2° de cet article, remplacer les mots :
La Haute autorité
par les mots :
L'autorité
Cet amendement n'a plus d'objet. (Mme Dominique Voynet opine.)
L'amendement n° 10, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du 2° de cet article, remplacer le mot :
soumises
par le mot :
soumis
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. C'est un amendement purement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 238, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans le cinquième alinéa (2°) de cet article, après les mots :
à l'article 12,
insérer les mots :
à l'exception des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire,
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Je sais bien que l'on va m'objecter que cet amendement est hors sujet, que ce n'est pas le moment de le présenter, ou qu'il est tard...
M. le président. Mais non !
M. Michel Billout. ...mais je considère que, en l'absence de toute mesure d'évaluation des politiques de libéralisation, il est important de défendre notre position.
Le Gouvernement avait pris devant le Parlement l'engagement de maintenir la participation publique dans le capital de Gaz de France à 70 % lors du vote de la loi du 9 août 2004.
Alors qu'aujourd'hui cette détention s'élève à 80,2 % de l'entreprise publique se dessine la possibilité d'une fusion avec Suez qui ferait passer la participation de l'État bien en dessous des 70 % requis par la loi.
Le Gouvernement argue du patriotisme économique pour défendre Suez d'une OPA du groupe italien Enel et plus encore de la possibilité de faire émerger un des premiers groupes mondiaux de l'énergie et de l'environnement.
Pourtant, les sénateurs communistes estiment qu'une telle fusion remettrait directement en cause la maîtrise de la politique énergétique en mettant la sécurité des approvisionnements énergétiques de notre pays entre les mains d'actionnaires indépendants de la France.
Une telle fusion pose par ailleurs de nombreuses questions concernant la sécurité nucléaire, et nous estimons être là au coeur du sujet.
Malgré l'engagement de M. le Premier ministre lors de sa rencontre avec M. Gadonneix ces jours derniers de ne pas modifier la structure du capital d'EDF, entreprise - encore -largement publique, et de garder le domaine nucléaire sous le plein contrôle de l'État, nous restons plutôt circonspects. Nous sommes en effet habitués à ce que ce gouvernement ne respecte pas ses engagements, et ce n'est pas l'article sur le rapprochement entre EDF et Veolia paru dans La Tribune, journal qui n'est pas connu pour être particulièrement « gauchiste », qui risque de démentir nos affirmations !
Ainsi cette fusion pourrait, à terme, permettre à Suez de s'introduire dans le nucléaire français en devenant exploitant nucléaire au même titre qu'EDF. Suez deviendrait d'ailleurs ainsi le premier concurrent d'EDF sur le territoire français. On sait que Suez ne demande pas mieux : étant déjà exploitante en Belgique, cette société dispose donc du savoir-faire dans ce domaine.
Dans ce sens, comment ne pas analyser la création d'une autorité administrative indépendante comme l'outil de l'ouverture à la concurrence du nucléaire civil ?
Pourtant, la remise en cause du monopole public pour l'exploitation nucléaire fait peser des risques importants en termes de sécurité. Comment garantir la sécurité des installations, des personnels et des riverains, lorsque l'objectif principal de l'entreprise est la rémunération des actionnaires ? Je vous ai bien entendu, madame la ministre, mais, là encore, en l'absence de véritables évaluations, la question reste entière.
Comment garantir la sécurité nucléaire quand il faut à tout prix réduire les coûts pour augmenter les marges et quand l'intérêt privé prend le pas sur l'intérêt général ?
La sécurité nucléaire exige que l'exploitation des centrales reste de la compétence de l'entreprise publique.
Nous pensons donc qu'il faut réaffirmer dans la future loi relative à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire que seule l'entreprise EDF dispose d'un monopole pour l'exploitation des centrales de production d'électricité d'origine nucléaire.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du 2° de cet article, remplacer les mots :
à l'article L. 1333-1
par les mots :
aux articles L. 1333-1 et L. 1333-10
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 152, 153 et 238.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision. En effet, l'article L. 1333-10 traite de la radioprotection des travailleurs qui exercent des activités dans lesquelles les radionucléides naturels sont utiles pour un autre usage que leurs propriétés radioactives. Il est important que la Haute autorité, qui est compétente en matière de radioprotection, puisse exercer un pouvoir de contrôle du respect des dispositions réglementaires et des prescriptions particulières applicables à ces situations.
S'agissant de l'amendement n° 152, l'objectif visé par la création d'une autorité administrative indépendante est précisément de confier à celle-ci le soin d'assurer le contrôle des installations nucléaires. Étant favorable à la création de la Haute autorité de sûreté nucléaire, la commission ne peut donc qu'émettre un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 153 est un amendement de conséquence et la commission y est logiquement défavorable.
Quant à l'amendement n° 238, j'entends bien, messieurs Billout et Coquelle, vos arguments, même si je ne les partage pas entièrement. Toutefois, laissez-moi vous indiquer que votre amendement aurait pour conséquence immédiate de dessaisir la Haute autorité de la mission de contrôler les centrales nucléaires, ce qui serait incohérent compte tenu de l'objectif du projet de loi. Il est important que le contrôle des installations nucléaires de base, quelles qu'elles soient, soit réalisé par la même autorité, à savoir la Haute autorité de sûreté nucléaire. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Sur l'amendement n° 152, l'avis est défavorable, car c'est justement dans le domaine du contrôle qu'il est le plus important aux yeux du Gouvernement d'assurer clairement l'indépendance de la Haute autorité de sûreté nucléaire pour garantir un contrôle impartial, fondé uniquement sur les préoccupations de la sûreté et de la protection des populations et de l'environnement.
L'avis est également défavorable sur l'amendement n° 153.
Concernant l'amendement n° 10, l'avis est favorable.
Sur l'amendement n° 238, l'avis est défavorable. Les réacteurs nucléaires constituent une des principales classes d'installations nucléaires de base et le contrôle de leur sûreté est indispensable. Le Gouvernement est donc défavorable à l'exclusion de ces installations du champ du contrôle assuré par la Haute autorité. Par ailleurs, le Gouvernement note que cet amendement ne répond pas au souci exprimé par ses auteurs dès lors qu'il est tout à fait exclu que la Haute autorité puisse se doter de la responsabilité d'exploitant nucléaire.
Quant à l'amendement n° 1, l'avis du Gouvernement est favorable, car cet amendement affirme la compétence de la Haute autorité sur les activités impliquant une radioactivité naturelle renforcée.
M. le président. Je rappelle que l'amendement n° 153 est tombé.
Je mets aux voix l'amendement n° 10.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 12 rectifié, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du 2° de cet article par les mots :
sur le territoire national
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. C'est un amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 156, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa du 2° de cet article par les mots :
, et met en place les outils et les coopérations permettant d'évaluer l'impact des installations fonctionnant à l'étranger, en régime normal et en cas d'incident ou d'accident.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Il me semble que nous sommes passés un peu vite sur l'amendement précédent.
De fait, cet amendement qui apparaît comme un amendement de précision est relativement restrictif puisqu'il s'agirait d'organiser la veille en matière de radioprotection uniquement sur le territoire national. Or il est à mon avis utile d'avoir des informations sur les pays dans lesquels des sources nucléaires peuvent engendrer des problèmes en matière de radioprotection sur notre propre territoire.
Il me semble donc utile de concrétiser dans la loi la pratique courante de la coopération des experts publics et des experts de la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection avec nos partenaires étrangers pour permettre une évaluation de l'impact des installations qui fonctionnent à l'étranger, à la fois en régime normal et en cas d'incident.
Il est intéressant de savoir ce qui se passe ailleurs, de pouvoir anticiper, d'être en mesure d'apporter des informations à l'opinion, éventuellement de prévenir des accidents.
Personne n'a envie de revivre un événement tel que l'accident de Tchernobyl, mais il est certain que si l'on avait disposé à l'époque des outils permettant une veille à partir du territoire national, via des coopérations nourries avec nos partenaires étrangers, on aurait peut-être été en mesure d'apporter des informations plus fiables à nos concitoyens.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement ne me semble pas très normatif.
Par ailleurs, je tiens à signaler à ses auteurs que tout est fait dans le projet de loi pour éviter de rééditer les faiblesses de l'information à destination du public qui ont pu être constatées au moment de l'accident de Tchernobyl.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le rapporteur, si vous n'aviez pas proposé un amendement précisant que la veille est organisée sur le territoire national, on aurait pu comprendre que la veille était naturellement organisée pour permettre d'avoir connaissance de tous les événements se produisant tant sur le territoire national qu'en dehors de nos frontières lorsqu'ils peuvent avoir un impact sur la santé de nos concitoyens.
Le fait que vous ayez présenté un amendement restrictif nous oblige à préciser que nous sommes aussi attentifs à ce qui se passe en dehors des frontières.
Je veux bien admettre que notre amendement n'est pas très normatif, mais nous y sommes contraints.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nelly Olin, ministre. Madame Voynet, le Gouvernement est défavorable à cet amendement n° 156 essentiellement pour des raisons de forme. Il considère que son objectif est satisfait par le IV de l'article 2 bis, qui évoque bien les situations résultant en France d'accidents survenus à l'étranger, et par le deuxième alinéa de l'article 2 quater, qui mentionne les coopérations avec les responsables étrangers pour les situations d'urgence radiologique.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Madame Voynet, à moins que je ne me trompe, à l'époque où vous étiez ministre, il y avait cinq inspecteurs à la direction générale pour la radioprotection. Actuellement, il y en a cent.
Il en faudrait beaucoup plus s'il fallait faire une veille dans tous les pays,. Le texte signifie que la Haute autorité assure une veille sur le territoire national avec ses inspecteurs et ses moyens propres. Il n'est pas interdit de s'informer pour savoir ce qui se passe ailleurs et le dire au Gouvernement.
Ces précisions n'appellent pas de grandes envolées lyriques.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. L'heure n'est pas aux grandes envolées lyriques. Je me contenterai de rétablir les faits.
Monsieur le rapporteur, comme vous le savez, en 1997 et 1998, les rôles étaient répartis entre l'Institut de protection et de sûreté nucléaire, l'IPSN, qui exerçait des missions d'experts dans le domaine de la sûreté, et l'Office de protection contre les rayonnements ionisants, l'OPRI, au ministère de la santé, qui était censé assurer la même mission en matière de radioprotection.
Si l'Institut de protection et de sûreté nucléaire disposait de ressources pérennes avec la taxe sur les installations nucléaires de base, il n'existait rien d'équivalent en matière de radioprotection, ce qui expliquait les très faibles moyens affectés à celle-ci.
Convenant qu'il était urgent d'améliorer cette situation, nous avons fusionné l'IPSN et l'OPRI pour créer l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, ce qui a permis de consolider les moyens de l'expertise en radioprotection et de développer cette activité, qui ne l'avait pas été depuis l'accident de Tchernobyl.
M. le président. Je suis maintenant saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 154, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du 2° de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. L'amendement n° 248, présenté par MM. Piras, Raoul, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du troisième alinéa du 2° de cet article, après les mots :
parmi ses agents
insérer les mots :
ayant la qualité de fonctionnaires ou d'agents mis à disposition d'établissements publics,
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Le projet de loi permet que les missions d'inspection en sûreté nucléaire, d'inspection du travail, de recherche et de constatation des infractions sous l'autorité et le contrôle du procureur puissent être confiées à des agents contractuels, ainsi qu'à des agents mis à disposition des établissements publics.
Pourtant, ces missions d'inspecteurs sont des missions pérennes de l'État, exercées par des agents fonctionnaires, dont la compétence est largement reconnue.
Le cas échéant, ces derniers sont renforcés par des personnels mis à disposition par l'IRSN lorsque le recours à des compétences spécifiques apparaît.
Le recours à des agents contractuels n'est donc justifié ni par le caractère temporaire des missions, ni par le besoin en compétence pour exercer ces missions.
Un récent rapport de la DARES a montré que la précarité avait augmenté de façon importante dans la fonction publique puisque le taux de contrat court dans la fonction publique est aujourd'hui supérieur à celui du privé.
Les mesures prévues actuellement dans le projet de loi vont encore renforcer cette précarité.
De plus, les missions actuellement exercées par l'Autorité de sûreté nucléaire sont des missions régaliennes, comprenant notamment des missions de police administrative.
La loi doit garantir que ces missions, dans leur globalité, restent exercées par l'État et, donc, par des fonctionnaires.
La loi sur les droits et devoirs des fonctionnaires, garantit l'indépendance des fonctionnaires, ce qui n'est évidemment pas le cas des autres types de contrat.
Le projet de loi sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire permettra que des inspecteurs de cette future autorité, contractuels ou personnels mis à disposition d'établissements publics, pourront sans aucune difficulté aller travailler chez les exploitants qu'ils contrôlaient précédemment, ce qui est heureusement impossible pour les agents fonctionnaires.
Ces dispositions ne pourront que jeter le discrédit sur l'indépendance des inspecteurs en sûreté nucléaire.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du dernier alinéa du 2° de cet article, après les mots :
au titre IV
insérer les mots :
de la présente loi
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du dernier alinéa du 2° de cet article, après les mots :
du contrôle
insérer les mots :
du respect
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit également d'un amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 261, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du troisième alinéa du 2° de cet article.
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Cet amendement s'inscrit dans la même logique que les précédents.
Il vise à restreindre les pouvoirs exorbitants que pourra exercer la future HASN.
Ainsi, cet article permet désormais à la HASN de délivrer les agréments requis aux organismes qui participent aux contrôles et à la veille en matière de sûreté nucléaire ou de radioprotection.
Comme le précise le rapporteur, il s'agit de laboratoires agréés, en vertu de l'article R. 1333-11 du code de la santé publique.
Cet agrément, concerne une multitude de laboratoires qui appartiennent au réseau de mesure de la radioactivité de l'environnement, qu'il est bon de mentionner ici : les organismes habilités à mesurer le radon ; les organismes délivrant les formations requises à la radioprotection des personnes ; les organismes contrôlant l'efficacité de l'organisation et des dispositifs techniques, mis en place pour gérer les sources radioactives ; le service médical du travail, chargé d'effectuer les mesures d'exposition externe ou interne des travailleurs.
Jusqu'à maintenant, la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, chargée de mettre en oeuvre la politique du Gouvernement en matière de sûreté nucléaire, n'était pas habilitée à accorder les agréments de ce type.
Ce sont les codes de la santé publique et du travail qui régissent ces domaines.
Rien ne justifie aujourd'hui que l'on confie à une autorité indépendante le soin de délivrer de tels agréments aux organismes participant aux contrôles et à la veille en matière de sûreté nucléaire.
M. le président. L'amendement n° 249 rectifié, présenté par MM. Piras, Raoul, Teston et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du 2° de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Les agents mis à disposition d'établissements publics ne pourront représenter plus de 20 % des effectifs des inspecteurs de la Haute autorité de sûreté nucléaire.
La parole est à M. Bernard Piras.
M. Bernard Piras. Cet amendement s'inscrit dans la même problématique que l'amendement n° 248, que nous avons défendu tout à l'heure.
Il s'agit d'une demande des professions concernées par les modifications introduites à cet article. Elles sont particulièrement inquiètes de la montée de la précarisation. Et votre projet de loi y participe grandement, madame la ministre.
Cet amendement permet précisément d'empêcher la précarisation, en l'occurrence des mises à dispositions de trois ans renouvelables tous les ans, et la perte d'indépendance qu'introduirait la possibilité de nommer un nombre trop important d'inspecteurs non fonctionnaires.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 154, pour que l'autorité administrative indépendante puisse assumer ses responsabilités en matière de contrôle, il est indispensable qu'elle puisse désigner des inspecteurs de la sûreté nucléaire et des inspecteurs de la radioprotection. On ne peut envisager un organisme assumant des responsabilités pour lesquelles il ne disposerait pas des moyens humains nécessaires. En conséquence, la commission est tout à fait défavorable à l'amendement n° 154.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 248, puisque nous souhaitons maintenir la souplesse dont doit pouvoir disposer la Haute autorité dans son fonctionnement. Si, de manière ponctuelle, elle estime nécessaire de désigner des inspecteurs ayant le statut de contractuel, il ne faut pas l'en empêcher, même si, par définition, cela ne saurait représenter la majorité des cas.
S'agissant de l'amendement n° 261, il s'agit typiquement d'un sujet pour lequel la compétence de la Haute autorité se justifie. Elle sera à même de déterminer les organismes les plus pertinents pour l'assister dans ses missions. La commission est défavorable à l'amendement n° 261.
J'en viens à l'amendement n° 249 rectifié. Il ne nous a pas semblé opportun de fixer de telles proportions dans la loi, car cela obérerait la souplesse de fonctionnement de la HASN. La commission a estimé que mise à disposition ne rimait pas avec précarité. En conséquence, elle a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 154 pour les motifs exposés par M. le rapporteur.
Il est également défavorable à l'amendement n°248, qui appauvrit le champ des compétences individuelles auxquelles peut avoir recours une autorité. En effet, des profils spécialisés, rares au sein de la fonction publique et des établissements publics peuvent être nécessaires à un contrôle aussi efficace que possible en sûreté nucléaire comme en radioprotection. On peut notamment penser à des spécialistes de l'incendie, du génie civil, de telle ou telle application des rayonnements ionisants dans le domaine médical.
Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 13 et 14.
Il est défavorable à l'amendement n° 261, qui augmente la complexité de l'organisation du contrôle nucléaire au risque de créer des situations mal ou pas contrôlées. La Haute autorité est chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Certaines activités sont en nombre tel et à un degré tel de standardisation que l'action directe de l'État ne présente pas de valeur ajoutée notable. Il est plus efficace pour la nation que l'organisation responsable du contrôle s'appuie sur des organismes agréés chargés des activités de contrôle récurrent.
Il est primordial que ce soit la Haute autorité, première responsable du contrôle, qui organise l'agrément des organismes et contrôle la bonne application des dispositions de l'agrément.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 249 rectifié pour les raisons qui ont été exposées par M. le rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 157, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans le 3°, le 4° et le 5° de cet article, remplacer (à quatre reprises) les mots :
La haute autorité de sûreté nucléaire
par les mots :
L'autorité de sûreté nucléaire
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 15, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du 3° de cet article, remplacer le mot :
informe le
par les mots :
participe à l'information du
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Par définition, la Haute autorité n'est que l'un des acteurs qui participera à l'information du public dans le domaine de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Le Gouvernement, les organismes d'expertise, le haut comité prévu à l'article 7 du projet de loi ou les commissions locales d'information ont également des actions de communication à l'intention du public. Pour ces raisons, la commission a estimé souhaitable de prévoir que la Haute autorité participe à cette information.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la deuxième phrase du 3° de cet article.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. La commission propose de supprimer les dispositions du projet de loi qui confient à la Haute autorité la mission de veiller à l'application des dispositions législatives et réglementaires relatives à l'information sur les risques liés à l'exposition aux rayonnements ionisants.
Nous avons estimé que cette rédaction était source de confusion et pouvait laisser à penser que la Haute autorité aurait des compétences juridictionnelles en la matière alors que les litiges dans le domaine de l'information sont de la compétence des tribunaux ou, comme votre commission vous le proposera à l'article 4, de la fameuse CADA.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le dispositif en matière d'information sur les activités nucléaires est important et ne se limite pas aux obligations réglementaires des exploitants. Il est souhaitable qu'un suivi général de l'application de ces dispositions soit effectué.
Le Gouvernement considère que la Haute autorité est la mieux placée pour le faire grâce à sa connaissance de l'ensemble des activités nucléaires.
Certes, la Haute autorité peut assurer le suivi sans que la loi lui en confie explicitement la responsabilité. Mais le Gouvernement a considéré qu'il était plus clair de le dire. En définitive, il s'en remettra à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par M. Sido, au nom de la commission.
L'amendement n° 155 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard.
L'amendement n° 258 rectifié bis est présenté par MM. Piras, Raoul, Teston, Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer la dernière phrase du 3° de cet article.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Bruno Sido, rapporteur. La commission préconise la suppression des dispositions qui obligent la Haute autorité à participer au financement des activités des commissions locales d'information. Dans un souci de clarté de la loi, nous avons jugé qu'il était préférable de regrouper à l'article 6 la totalité des éléments relatifs au financement des CLI.
M. le président. La parole est à M. Bernard Piras, pour présenter l'amendement n° 258 rectifié bis.
M. Bernard Piras. J'aimerais préciser un certain nombre de points.
L'article 6 prévoit que les CLI reçoivent, dans les conditions fixées par la loi de finances, une fraction du produit de la taxe instituée par le paragraphe III de l'article 43 de la loi de finances pour 2000, ainsi que des subventions de l'État et des collectivités territoriales ou de leurs groupements. C'est également ce qui était prévu dans le projet de loi initial.
Il semble donc nécessaire de supprimer la deuxième phase du 3° de l'article 2 bis selon lequel la Haute autorité de sûreté nucléaire participe au financement des CLI, car c'est bien de cela qu'il s'agit.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur ces trois amendements identiques ?
Mme Nelly Olin, ministre. S'agissant de l'amendement n° 17, le Gouvernement y est favorable, dans la mesure où, comme l'a dit M. le rapporteur, la disposition supprimée est réintroduite par amendement à l'article 6 du projet de loi.
En revanche, nous considérons que l'amendement n° 155 est satisfait par l'amendement n° 17, comme l'amendement n° 258 rectifié bis est satisfait par les amendements nos 16 et 17 de la commission, auxquels le Gouvernement est favorable.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. On l'aura compris après avoir écouté les explications tant de M. le rapporteur que de Mme la ministre, nous ne partageons pas tout à fait la même philosophie, même si nous présentons des amendements identiques à l'amendement n° 17. (Sourires.)
En effet, il s'agit pour nous non pas seulement de reporter le traitement de ce problème à l'article 6, mais bien de préciser qu'il est hors de question de confier à une haute autorité, si indépendante soit-elle, le soin d'assurer le financement, même partiel, du budget des commissions locales d'information, qui doivent pouvoir fonctionner de façon parfaitement autonome et indépendante.
D'ailleurs, d'autres amendements viendront en discussion qui nous font craindre que les membres de la Haute autorité ne soient, directement ou via leurs représentants, présents au coeur même des CLI.
C'est la raison pour laquelle nous souhaitons par les amendements déposés marquer notre désaccord avec cette façon de procéder.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17, 155 et 258 rectifié bis.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 158, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Avant la première phrase du premier alinéa du 4°, ajouter une phrase ainsi rédigée :
En cas d'urgence radiologique résultant d'événements de nature à porter atteinte à la santé des personnes et à l'environnement, la Haute autorité de sûreté nucléaire et ses services se mettent à disposition du Gouvernement, fait sous l'autorité du Premier ministre.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Madame la ministre, cet amendement a pour objet de concrétiser l'argumentation que j'ai développée tout à l'heure sur l'article.
Il s'agit de préciser, de façon plus explicite, que la Haute autorité de sûreté nucléaire et ses services doivent se mettre à disposition sous l'autorité du Premier ministre en cas d'urgence radiologique.
L'idée est bien, en effet, de renforcer les moyens d'intervention du Gouvernement, moyens qui sont destinés à apprécier la gravité de la situation et à prendre les mesures pour y remédier.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. À première lecture, cet amendement ne pourrait que susciter notre accord.
Toutefois, à l'analyse, il apparaît que, en cas d'accident impliquant les activités nucléaires, c'est le Gouvernement - et, en premier lieu, les préfets - qui est chargé d'organiser la sécurité civile et de coordonner l'action de l'ensemble des services de l'État.
En cas de survenance de tels événements, le texte du projet de loi prévoit que la Haute Autorité de sûreté nucléaire est associée à la gestion de la crise et apporte son concours technique aux autorités compétentes de l'État.
Point n'est donc besoin d'apporter la précision que vous nous proposez, ma chère collègue, puisque le projet de loi répond déjà à vos préoccupations, et avec plus de souplesse.
En outre, je tiens à m'élever fermement contre l'idée selon laquelle l'État serait dénué de moyens humains de par la création de l'autorité administrative indépendante. En effet, il sera toujours chargé d'assumer les missions en matière de sûreté nucléaire et l'on ne répétera jamais assez que cette haute autorité, c'est également l'État !
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du 4° de cet article, remplacer le mot :
affectant
par le mot :
impliquant
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Au début de la première phrase du second alinéa du4° de cet article, remplacer les mots :
Lorsque survient une situation d'urgence telle que définie à l'alinéa précédent
par les mots :
Lorsque survient une telle situation d'urgence
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit là encore d'un amendement rédactionnel, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
À la fin de la deuxième phrase du second alinéa du 5° de cet article, supprimer les mots :
mentionné à l'article 5 de la loi n° 2001- 398 du 9 mai 2001 créant une Agence française de sécurité sanitaire environnementale
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. C'est amendement tend à supprimer une précision superflue.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du second alinéa du 5° de cet article par les mots :
et, si nécessaire, à d'autres experts ou à des enquêteurs techniques de nationalité étrangère
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'autoriser, en cas de nécessité, la participation aux enquêtes d'autres experts et d'enquêteurs techniques de nationalité étrangère, procédure qui sera supervisée par la Haute autorité, en cas d'accident nucléaire.
Au surplus, cette disposition justifie, comme nous le verrons ultérieurement, la suppression des dispositions permettant la constitution d'une commission d'enquête, notion peu appropriée s'agissant de la Haute autorité et mal établie juridiquement.
M. le président. Le sous-amendement n° 159, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
À la fin du texte proposé par l'amendement n° 20, remplacer les mots :
ou à des enquêteurs techniques de nationalité étrangère
par les mots :
indépendants ou issus des corps d'inspection des pays étrangers
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Madame la ministre, mes chers collègues, ce sous-amendement vise à préciser que l'on peut faire appel à des experts qui peuvent être soit des membres de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN, soit des experts étrangers.
Cette situation est d'ailleurs banale ; il est en tout cas fréquent que des missions d'expertise associent des experts de diverses origines nationales.
Cela étant dit, il me semble que ce qui est en cause, c'est non pas la nationalité des experts, mais l'institut d'expertise au sein duquel lequel ils exercent leurs talents.
Par conséquent, à ma connaissance, rien n'impose qu'il soit fait appel à un expert français ou d'une nationalité particulière. En revanche, ce qui est important, c'est le service dans lequel travaille cet expert.
C'est la raison pour laquelle ce sous-amendement me paraît de nature à apporter une précision utile.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Vous avez raison, madame Voynet : la question qui se pose ici n'est, bien entendu, pas celle de la nationalité de l'expert ou de l'enquêteur, mais bien celle de sa participation à une autorité de sûreté nucléaire d'un pays étranger, donc sa compétence.
Cela étant dit, la rédaction que vous proposez est restrictive en ce sens qu'elle interdirait à un organisme public d'expertise de participer aux enquêtes techniques de la Haute autorité de sûreté nucléaire.
En conclusion, la commission pourrait se déclarer favorable à votre sous-amendement, si vous acceptiez de le rectifier en ajoutant, après les mots : « corps d'inspection », les mots : « ou des organismes d'expertise ».
M. le président. Acceptez-vous la rectification suggérée par la commission des affaires économiques, madame Voynet ?
Mme Dominique Voynet. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 159 rectifié, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, et ainsi libellé :
À la fin du texte proposé par l'amendement n° 20, remplacer les mots :
ou à des enquêteurs techniques de nationalité étrangère
par les mots :
indépendants ou issus des corps d'inspection ou des organismes d'expertise des pays étrangers
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 159 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer la dernière phrase du second alinéa du 5° de cet article.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Comme je l'indiquais précédemment, la proposition de notre commission consiste à supprimer les dispositions permettant à la Haute autorité de sûreté nucléaire de constituer, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État, une commission d'enquête.
En effet, le projet de loi prévoit déjà la possibilité de mener une enquête technique, ce qui répond bien à l'hypothèse dans laquelle on se trouverait dans le cas envisagé de la création d'une telle instance d'enquête. Dès lors, celle-ci est redondante et mal établie juridiquement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée sur cet amendement.
Il est impératif d'éviter que certains accidents ne se reproduisent ailleurs dans une installation similaire et, pour ce faire, il faut comprendre quelles en ont été les causes. Tel est l'objet des enquêtes techniques menées par les services de contrôle.
Ces enquêtes n'ont pas pour but la recherche des responsabilités, qui relève de l'enquête judiciaire.
Or la juxtaposition des enquêtes technique et judiciaire est de nature à soulever des questions et à conduire à des blocages dans l'enquête administrative, je pense, par exemple, aux prélèvements d'échantillons.
Des réponses ont été apportées concernant des accidents survenus au cours du transport, notamment à travers la loi du 3 janvier 2002, et le Gouvernement a considéré que, en matière nucléaire, la meilleure solution consistait à s'appuyer directement sur ce dispositif retenu pour le transport.
Il convient, toutefois, de préciser comment les procédures décrites dans la loi du 3 janvier 2002 peuvent être adaptées au secteur nucléaire. Or, compte tenu des compétences confiées à la Haute autorité en matière de contrôle nucléaire, c'est à elle que devrait revenir la constitution d'une commission d'enquête.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. L'amendement n° 246, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les députés et les sénateurs sont autorisés à visiter à tout moment les installations nucléaires de base mentionnées à l'article 12.
La parole est à Mme Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement est limpide.
Il s'agit d'autoriser les députés et les sénateurs à visiter à tout moment les installations nucléaires de base mentionnées à l'article 12, de la même façon qu'ils sont autorisés, de par la loi du 15 juin 2000, à visiter les établissements pénitentiaires.
Sans doute me direz-vous que ce parallélisme est curieux. Néanmoins, je rappellerai qu'il s'agit d'installations mal connues et qui, si elles sont ouvertes, le sont souvent à l'occasion de visites à caractère promotionnel et publicitaire, ce qui ne permet pas de poser toutes les questions et de voir l'envers du décor.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Pour tout vous dire, madame Voynet, vous mettez la commission dans l'embarras, et je vois bien le procès d'intention que l'on pourrait lui faire si elle s'opposait à un tel amendement.
Pourtant, je vais tout de même émettre, en son nom, un avis défavorable, car il me paraît poursuivre des fins quelque peu démagogiques... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jacques Peyrat. Mais non, comment pourrait-on croire une chose pareille ? (Sourires.)
Mme Dominique Voynet. Ce n'est pas gentil, monsieur le rapporteur !
M. Bruno Sido, rapporteur. J'ai dit « quelque peu », mais je consens à retirer le mot « démagogique », si vous le souhaitez.
Il me paraît évident que, si un parlementaire demandait à EDF, à AREVA, que sais-je encore, l'accès à l'une de leurs installations nucléaires, il serait difficile à ces entreprises de ne pas accéder à une telle demande.
Par ailleurs, la mise en parallèle de ces installations nucléaires avec les prisons me paraît tout à fait inopportune.
En effet, autant il est aisé de juger, de ses propres yeux, de l'état d'une prison, en constatant, par exemple, la présence de blattes qui courent ici et là, ou encore la promiscuité qui peut régner dans telle ou telle cellule, autant il est difficile à un parlementaire, sauf à être spécialiste de la question ou à disposer d'un compteur Geiger, de voir si telle ou telle installation nucléaire présente des fuites radioactives !
Par conséquent, de mon point de vue, l'on ne saurait mettre en parallèle les prisons et les installations nucléaires de base, ou alors il faudrait que l'on m'explique vraiment comment !
Parce que cet amendement ne lui paraît pas approprié, la commission a émis un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Je ne surprendrai sans doute pas Mme Voynet en lui disant que le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
Je souhaiterais rappeler qu'aux termes de la Constitution le contrôle de la sûreté ne relève pas de la responsabilité du législateur. Le projet de loi présenté par le Gouvernement tend donc à confier ce contrôle à la Haute autorité de sûreté nucléaire.
L'accès aux installations nucléaires de base suppose également le respect d'importantes règles de sécurité.
Par ailleurs, le Parlement peut, en cas de besoin, mettre en place une commission d'enquête qui confère aux parlementaires des pouvoirs d'investigation étendus.
Il me semble, madame la sénatrice, que ces éléments répondent au souci que vous avez exprimé.
C'est pourquoi, je le répète, le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement, mais peut-être consentirez-vous à le retirer.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, madame Voynet ?
Mme Dominique Voynet. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 bis, modifié.
(L'article 2 bis est adopté.)
Article additionnel avant l'article 2 ter
M. le président. L'amendement n° 259 rectifié bis, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Haute autorité de sûreté nucléaire établit un rapport annuel d'activité qu'elle transmet au Parlement, au Gouvernement et au Président de la République.
Ce rapport fait l'objet d'un débat parlementaire et est soumis au vote du Parlement.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Le titre II du projet de loi confie à la Haute autorité de sûreté nucléaire d'importants pouvoirs juridiques, qui ont d'ailleurs été évoqués tout au long des débats, tant dans le domaine réglementaire que dans le cadre des missions de contrôle qui lui sont dévolues.
Selon certains juristes patentés, cette nouvelle autorité de sûreté nucléaire se substitue de fait aux services du ministère de l'industrie.
En effet, de la façon dont elle est conçue, cette haute autorité ne reçoit aucune instruction de la part du Gouvernement, aucun ministère n'exerçant de tutelle sur elle.
Par ailleurs, la Haute autorité exerce à la fois un pouvoir de contrôle, un pouvoir d'élaboration de dispositions réglementaires, ainsi qu'un pouvoir d'information vis-à-vis du public.
Or la concentration de tels pouvoirs au sein d'une même autorité dont le rôle devrait, a priori, se cantonner au contrôle des installations nucléaires de base semble contraire à l'esprit même d'un projet de loi portant sur la transparence et la sécurité en matière nucléaire.
À cela s'ajoute le fait que la Haute autorité dispose d'une totale autonomie, lui permettant de proposer elle-même au Gouvernement le montant des crédits dont elle a besoin pour exercer ses missions - je fais allusion à l'article 2 undecies.
Il est d'ailleurs prévu qu'elle soit chargée, pour le compte de l'État, de l'ordonnancement et de la liquidation de la taxe sur les INB, qui finance en partie les CLI, et qu'elle détermine la part de la subvention qui est allouée par l'État à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, l'IRSN.
Pourtant, cette nouvelle autorité n'est soumise à aucun contrôle politique, qu'il soit exercé par le Parlement ou par le Gouvernement, ce qui n'est pas acceptable. À ma connaissance, aucune autorité indépendante ne concentre autant de pouvoirs et, surtout, aucune instance ne dispose d'autant de prérogatives sans être soumise à un contrôle politique !
Par exemple, l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments, l'AFSSA, est un établissement public de l'État, placé sous la tutelle des ministres chargés de la santé, de l'agriculture et de la consommation, ce qui ne l'empêche pas de mener ses missions en toute indépendance.
L'objet de cet amendement est donc d'obliger la Haute autorité de sûreté nucléaire à rendre compte de ses activités, à travers un rapport annuel transmis au Parlement, au Gouvernement et au Président de la République, rapport qui ferait l'objet d'un débat parlementaire et serait soumis au vote des assemblées.
Il s'agit en d'autres termes de soumettre la Haute autorité à un contrôle politique.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Le principe qui sous-tend cet amendement est tout à fait fondé, et nous ne pouvons qu'y adhérer. Toutefois, il ne me semble pas souhaitable d'instituer un débat parlementaire annuel obligatoire sur la base du rapport de la Haute autorité de sûreté nucléaire. En effet, si nous étendions ce principe à toutes les autorités administratives indépendantes - et elles sont nombreuses ! - nous n'en finirions pas de siéger !
Monsieur Raoul, la commission est donc favorable au premier alinéa de l'amendement n° 295 rectifié bis, mais elle vous demande de retirer son deuxième alinéa. Sous cette réserve, elle émettrait un avis favorable.
M. le président. Monsieur Raoul, acceptez-vous de modifier en ce sens votre amendement ?
M. Daniel Raoul. Oui, monsieur le président. Je retire l'alinéa relatif au débat parlementaire annuel, qui reprenait d'ailleurs une proposition avancée ce matin en commission. L'essentiel est que nous recevions un rapport annuel.
M. le président. Je suis donc saisi d'un 'amendement n° 259 rectifié ter, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 2 ter, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La Haute autorité de sûreté nucléaire établit un rapport annuel d'activité qu'elle transmet au Parlement, au Gouvernement et au Président de la République.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 2 ter.
Article 2 ter
La Haute autorité de sûreté nucléaire peut être saisie par le Gouvernement, par les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ou par l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques de demandes d'avis, d'étude ou d'instruction technique sur des questions relevant de sa compétence.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 160 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard.
L'amendement n° 215 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour présenter l'amendement n° 160.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement relève de la même logique que les amendements de suppression que j'ai déposés sur d'autres articles du projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 215.
M. Yves Coquelle. L'amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 161, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Le Gouvernement, les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ou l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques sont autorisés à saisir la Haute autorité de sûreté nucléaire de demandes d'avis, d'étude ou d'instruction technique sur des questions relevant de sa compétence. Une absence de réponse dans un délai de deux mois est considérée comme un refus.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement est humoristique. (Sourires.) Il vise à vous alerter sur les pouvoirs extravagants qui sont conférés à la Haute autorité.
En effet, Le Gouvernement, les commissions compétentes de l'Assemblée nationale et du Sénat ou l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques semblent disposer au final de peu d'instruments de dialogue avec la Haute autorité.
Mme la ministre m'a déjà répondu à plusieurs reprises à ce sujet. Nous ne parviendrons pas, me semble-t-il, à nous convaincre l'une l'autre ce soir : seuls l'expérience et le temps permettront de trancher.
M. le président. L'amendement n° 162, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Au début de cet article, remplacer les mots :
La haute autorité de sûreté nucléaire
par les mots :
L'autorité de sûreté nucléaire
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 163, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
La Haute autorité de sûreté nucléaire transmet au Gouvernement, à l'Assemblée nationale et au Sénat des rapports d'activités et des justifications de ses décisions. Ces documents sont rendus publics.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. L'amendement n° 259 rectifié ter, qui vient d'être adopté, visait, notamment, à contraindre la Haute autorité à transmettre son rapport d'activité au Parlement.
Mon amendement tend à rendre publics ces documents. Très concrètement, l'autorité de sûreté nucléaire actuelle réalise chaque année un rapport d'activité, qu'elle publie. Il me semble qu'il peut être utile de préciser dans le projet de loi qu'il en ira de même avec la Haute autorité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. S'agissant des amendements identiques de suppression nos 160 et 215, la commission émet un avis défavorable. En effet, l'article 2 ter permet au Gouvernement et au Parlement de saisir la Haute autorité de demandes d'avis, d'études ou d'instructions techniques, ce qui constitue une forme de contrôle parlementaire sur cette autorité administrative indépendante dont il ne faut pas se priver.
En ce qui concerne l'amendement n° 161, mes collègues en sont témoins, la commission a apprécié son humour. (Sourires.) Plus sérieusement, il est évident que la Haute autorité devra rendre des comptes, en particulier devant les commissions parlementaires, qui pourront auditionner son président.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
S'agissant de l'amendement n° 163, la commission n'est pas opposée au principe d'un rapport annuel d'activité qui serait transmis au Gouvernement et au Parlement. D'ailleurs, comme nous avons adopté un amendement allant dans ce sens - Mme Voynet en était également signataire -, notre collègue a déjà en partie satisfaction.
De surcroît, la communication de la justification des décisions de la Haute autorité constituerait vraisemblablement une procédure lourde et peu éclairante pour le législateur.
Madame Voynet, je vous demande donc de retirer cet amendement, qui se trouve partiellement satisfait. Dans le cas contraire, la commission émettrait un avis défavorable.
M. le président. Madame Voynet, l'amendement n° 163 est-il maintenu ?
Mme Dominique Voynet. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 163 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements restant en discussion ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 160 et 215, pour les raisons exposées par M. le rapporteur, ainsi que sur l'amendement n° 161, pour les mêmes motifs.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 160 et 215.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 ter.
(L'article 2 ter est adopté.)
Article 2 quater
La Haute autorité de sûreté nucléaire adresse au Gouvernement ses propositions pour la définition de la position française dans les négociations internationales dans les domaines de sa compétence. Elle participe, à la demande du Gouvernement, à la représentation française dans les instances des organisations internationales ou de l'Union européenne compétentes en ces domaines.
Pour l'application des accords internationaux ou des réglementations de l'Union européenne relatifs aux situations d'urgence radiologique, la Haute autorité de sûreté nucléaire est l'autorité compétente pour assurer l'alerte et l'information des autorités des États tiers ou pour recevoir leurs alertes et informations.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 216, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. L'amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 164, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
La Haute autorité de sûreté nucléaire informe le Gouvernement de la position française dans les négociations internationales dans les domaines de sa compétence. Le Gouvernement peut, à sa demande, accompagner le Président le la Haute autorité de sûreté nucléaire dans les instances des organisations internationales et communautaires compétentes en ces domaines.
Pour l'application des accords internationaux ou des réglementations de l'Union européenne relatifs aux situations d'urgence radiologique, la Haute autorité de sûreté nucléaire est compétente pour assurer l'alerte et l'information des autorités des États tiers ou pour recevoir leurs alertes et informations. Si elle le juge nécessaire, elle en informe le Gouvernement.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. De nouveau, il s'agit d'un amendement quelque peu humoristique, au moins dans son premier alinéa.
J'attire votre attention sur la rédaction du deuxième alinéa de l'article 2 quater, qui précise que « la Haute autorité de sûreté nucléaire est l'autorité compétente pour assurer l'alerte et l'information des autorités des États tiers ou pour recevoir leurs alertes et informations. »
J'ai noté que M. le rapporteur a déposé un amendement n° 24 qui tend à adoucir quelque peu la brutalité de cette formule et à faire en sorte que le soin de nouer le dialogue avec les États étrangers ne soit pas confié à la seule Haute autorité.
J'estime, pour ma part, qu'en cas d'accident ou d'urgence radiologique il est important qu'un contact soit établi à l'échelon politique, et que le soin d'assurer l'alerte et l'information des autorités des États tiers ne doit pas être confié à une seule autorité indépendante.
M. le président. L'amendement n° 165, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
I. Dans la seconde phrase du premier alinéa de cet article, remplacer le mot :
participe
par les mots :
peut participer
II. Supprimer le second alinéa de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Il s'agit ici encore d'adoucir la rédaction proposée par l'article 2 quater, en précisant que la représentation française à l'étranger relève d'abord du Gouvernement. La Haute autorité pourrait accompagner celui-ci, mais ne disposerait pas du droit de se voir associée systématiquement à chaque délégation au niveau politique.
M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
ou de l'Union européenne
par les mots :
et communautaires
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, supprimer les mots :
l'autorité
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. En cas d'accident, l'autorité de sûreté nucléaire ne peut être la seule instance chargée d'informer les États tiers et de recevoir leurs alertes, comme la rédaction actuelle du texte pourrait le laisser supposer. En effet, en cas de crise, le ministre des affaires étrangères constitue également un acteur important de ce dispositif. Cet amendement de la commission tend à supprimer cette ambiguïté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 216, 164 et 165 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Comme je l'ai indiqué précédemment, les dispositions que l'amendement n° 216 vise à supprimer sont tout à fait classiques s'agissant des autorités administratives indépendantes. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
En ce qui concerne l'amendement n° 164, défendu par Mme Voynet, la commission et moi-même éprouvons des difficultés à le comprendre, et nous ne pouvons y être favorables. Je soulignerai que l'article 2 quater reprend des dispositifs qui s'appliquent déjà à de nombreuses autorités administratives indépendantes, telles que la commission de régulation de l'énergie, la CRE, le conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, ou la commission nationale de l'informatique et des libertés, la CNIL.
En ce qui concerne l'amendement n° 165, également défendu par Mme Voynet, son I se trouve déjà satisfait par le texte du projet de loi, dès lors qu'aux termes de ce dernier la Haute autorité ne participe à la représentation française à l'étranger qu'à la demande du Gouvernement.
S'agissant du II de cet amendement, la commission a préféré encadrer les conditions dans lesquelles la Haute autorité procède aux alertes, en précisant qu'elle n'était pas la seule instance compétente en la matière. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les cinq amendements ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 216.
S'agissant de l'amendement n° 164, sans s'attarder sur son caractère quelque peu surprenant, le Gouvernement souligne que l'article 2 quater du projet de loi mentionne explicitement que les missions de la Haute autorité en matière internationale sont exercées sous la tutelle du Gouvernement. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
Le Gouvernement émet également un avis défavorable sur l'amendement n° 165.
Le Gouvernement émet en revanche un avis favorable sur l'amendement n° 23.
S'agissant enfin, de l'amendement n° 24, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
Pour rédiger l'article 2 quater, le Gouvernement s'est fondé sur les directives interministérielles du 30 mai 2005 et du 30 novembre 2005, relatives à l'application des conventions internationales applicables à l'alerte en cas d'accident nucléaire.
Or, selon ces textes, si le ministre des affaires étrangères joue un rôle de point d'alerte nationale, la direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, la DGSNR est l'autorité compétente pour définir les modalités d'échange des informations avec les instances homologues des pays étrangers ; le ministère des affaires étrangères reçoit les alertes qui proviennent de l'étranger, alors qu'il incombe à la DGSNR de prévenir ses homologues.
Il est logique qu'un tel rôle soit dévolu à l'avenir à la Haute autorité. En supprimant les termes « l'autorité », l'amendement n° 24 créerait un flou autour de la compétence d'alerte et d'information des pays étrangers en cas d'incident ou d'accident radiologique, car il semblerait indiquer que celle-ci se trouve partagée entre plusieurs acteurs.
C'est pourquoi le Gouvernement a une préférence pour sa propre rédaction, même s'il s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l'amendement n° 164.
Mme Dominique Voynet. Je reviendrai sur deux remarques qui ont été formulées.
Tout d'abord, M. le rapporteur a cité plusieurs autorités administratives indépendantes dont les modalités de fonctionnement sont identiques à celles qu'il nous est proposé d'instituer pour la Haute autorité, ce que je veux bien admettre.
Toutefois, monsieur Sido, vous en conviendrez avec moi, les situations d'urgence radiologique ne sont pas comparables aux problèmes traités par le CSA ou la CNIL, qui, certes, sont importants, mais qui ne revêtent pas le même caractère vital !
Mme la ministre nous dit aussi que, parce que la DGSNR était l'autorité compétente, il est logique que ce soit aujourd'hui la Haute autorité qui le devienne. Pour moi, tout cela n'est pas clair.
Nous nous situons, je le rappelle, dans le cadre du dialogue avec des États partenaires : on doit donc informer d'une urgence radiologique. Or, si le premier alinéa précise que la Haute autorité travaille sous le contrôle du Gouvernement, le second alinéa donne à penser que l'unique autorité compétente en cas d'urgence radiologique pour informer les États tiers est la Haute autorité. Cela me paraît extravagant : le Gouvernement ne peut pas abandonner cette responsabilité !
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 quater, modifié.
(L'article 2 quater est adopté.)
Article 2 quinquies
La Haute autorité de sûreté nucléaire est constituée d'un collège de cinq membres nommés par décret en raison de leur compétence dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Trois des membres, dont le président, sont désignés par le Président de la République. Les deux autres membres sont désignés respectivement par le président de l'Assemblée nationale et par le président du Sénat.
Le mandat des membres est d'une durée de six ans. Si l'un des membres ne peut exercer son mandat jusqu'à son terme, le membre nommé pour le remplacer exerce ses fonctions pour la durée du mandat restant à courir. Le mandat des membres n'est pas interrompu par les règles concernant la limite d'âge éventuellement applicable aux intéressés.
Pour la constitution initiale du collège, le président est nommé pour quatre ans et la durée du mandat des deux autres membres désignés par le Président de la République est fixée, par tirage au sort, à six ans pour l'un et à deux ans pour l'autre. La durée du mandat des deux membres désignés par les présidents des assemblées parlementaires est fixée, par tirage au sort, à quatre ans pour l'un et à six ans pour l'autre.
Le mandat des membres n'est pas renouvelable. Toutefois, cette règle n'est pas applicable aux membres dont le mandat n'a pas excédé deux ans en application de l'un ou l'autre des deux alinéas précédents.
Il ne peut être mis fin aux fonctions d'un membre qu'en cas d'empêchement ou de démission constaté par la Haute autorité de sûreté nucléaire statuant à la majorité des membres de son collège.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 166 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard.
L'amendement n° 217 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour défendre l'amendement n° 166.
Mme Dominique Voynet. J'ai eu l'occasion, au cours de la discussion générale, de faire état de mes doutes concernant la diversité des membres du collège proposé pour la Haute autorité.
En effet, le seul critère qui doit présider à leur nomination est leur compétence dans les domaines de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Or le nucléaire est un tout petit monde, pas vraiment diversifié, composé de personnes qui ont bénéficié des mêmes formations et qui ont exercé tour à tour les mêmes responsabilités. Les conditions de constitution du collège précisées dans les différents alinéas de cet article me paraissent donc accentuer encore ce caractère endogamique, endogène et presque incestueux.
M. Bruno Sido, rapporteur. Oh !
Mme Dominique Voynet. L'inamovibilité des membres, l'absence de limite d'âge, l'insuffisance du nombre de membres, sont autant d'éléments qui me paraissent être de nature à jeter un doute sur l'indépendance de la Haute autorité vis-à-vis des exploitants, indépendance dont on est en droit d'attendre qu'elle soit entendue au sens strict.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour défendre l'amendement n° 217.
M. Yves Coquelle. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 167, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
I. Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
La haute autorité de sûreté nucléaire
par les mots :
L'autorité de sûreté nucléaire
II. Procéder à la même modification dans le dernier alinéa de cet article.
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 25, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots :
ne peut exercer
par les mots :
n'exerce pas
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement indique qu'il est possible aux membres du collège de la Haute autorité de sûreté nucléaire de quitter leurs fonctions s'ils le souhaitent, et non seulement lorsqu'ils ne peuvent plus les assumer.
C'est un amendement de cohérence avec le quatrième alinéa du même article, qui mentionne le cas de démission.
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la dernière phrase du deuxième alinéa de cet article :
Nul ne peut être nommé au collège après l'âge de soixante-cinq ans.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Le projet de loi fait référence à une limite d'âge qui renvoie à des fonctions extérieures à celles qui sont exercées au sein de la Haute autorité. Or, les membres du collège ne peuvent exercer par ailleurs aucune activité, il est donc plus utile de fixer une limite d'âge identique pour tous les membres du collège.
M. le président. Le sous-amendement n° 169, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par l'amendement n° 26, remplacer le nombre :
soixante-cinq
par le nombre :
soixante
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, les débats vont décidément très vite, et j'avoue qu'il serait aisé de perdre le fil.
M. le président. Je ne fais que suivre le rythme que m'imposent mes collègues sénateurs et le Gouvernement, madame Voynet. (Sourires.)
Mme Dominique Voynet. Nous sommes coupables, monsieur le président, puisque, n'exerçant pas tout notre droit à intervention sur les articles et sur les amendements, nous nous exposons nous-mêmes à cette difficulté.
Dans la rédaction initiale du texte qui avait été proposée par le Gouvernement, une phrase assez ambiguë a alerté notre rapporteur : « Le mandat des membres n'est pas interrompu par les règles concernant la limite d'âge éventuellement applicable aux intéressés. »
C'est une disposition suffisamment rare et intrigante pour que le rapporteur ait considéré qu'il n'était pas convenable de la maintenir dans le texte final.
Cela étant, notre collègue précise dans son rapport qu'il faut entendre par les mots : « après l'âge de soixante-cinq ans » que la personne ne peut pas être nommée au collège « une fois passé son soixante-sixième anniversaire ». C'est ainsi que vous l'interprétez par une note en bas de page, monsieur le président. (M. Bruno Sido, rapporteur, acquiesce.)
J'ai bien compris qu'il était très important d'accélérer la discussion et le vote de ce texte par le Parlement pour permettre à certaines personnes dont le nom circule dans les allées du pouvoir d'être nommées au plus tard avant novembre 2006.
Il serait néanmoins important de prévoir un âge raisonnable pour la nomination de personnes exerçant de si hautes responsabilités. Et, compte tenu de la durée du mandat envisagé, je ne verrais que des avantages à ce que cette limite d'âge soit abaissée à soixante ans au moment de la nomination, ce qui permettrait d'éviter le soupçon de dispositions ad hoc, prises pour garantir les intérêts de certains.
M. le président. L'amendement n° 168, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi la première phrase du troisième alinéa de cet article :
Pour la constitution initiale du collège, le président est nommé pour quatre ans parmi les candidats qui ont exercé de hautes responsabilités dans le domaine de la sûreté nucléaire, qui ont survécu à toutes les alternances politiques et dont le nom patronymique commence par un L, et la durée du mandat des deux autres membres désignés par le Président de la République est fixée, par tirage au sort, à six ans pour l'un et à deux ans pour l'autre.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Comme je suis extraordinairement timide, monsieur le président, ...
M. le président. C'est en effet spontanément le sentiment que nous avons ! (Sourires.)
Mme Dominique Voynet. ... je laisse le soin à mes collègues de prendre connaissance de cet amendement, qui est d'une totale limpidité et qui est uniquement destiné à les alerter.
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
À la fin du dernier alinéa de cet article, remplacer les mots :
ou de démission constatée par la Haute autorité de sûreté nucléaire statuant à la majorité des membres de son collège
par les mots :
, de démission constatée par la Haute autorité de sûreté nucléaire statuant à la majorité des membres de son collège ou dans les cas prévus à l'article 2 octies.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Il s'agit d'assurer la coordination avec l'un des amendements proposés à l'article 2 octies qui prévoit d'introduire au dernier alinéa de cet article un nouveau cas de cessation des fonctions d'un membre du collège, pour manquement grave à ses obligations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 166 et 217, sur l'amendement n°168, ainsi que sur le sous-amendement n° 169 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L'amendement n° 166, défendu par Mme Voynet, prévoit de supprimer l'article 2 quinquies aux motifs que les membres du collège sont inamovibles, qu'ils ne sont pas assez nombreux et que leurs compétences ne sont pas une garantie d'indépendance.
Sur les deux premiers points, je tiens à rassurer nos collègues puisque notre amendement n° 26 instaure une limite d'âge et que notre amendement n° 27 est en cohérence avec un autre amendement que nous avons déposé à l'article 2 octies permettant de renvoyer un membre du collège qui manquerait gravement à ses obligations. L'inamovibilité n'est donc pas illimitée !
J'ajoute que le texte est très clair : le premier président de cette haute autorité est nommé pour quatre ans et son mandat n'est pas renouvelable : il ne pourra donc pas atteindre l'âge de soixante-dix ans dans ses fonctions.
Le nombre de membres du collège est porté à cinq, ce qui semble être un bon équilibre entre la nécessaire collégialité et l'exigence de prise de décisions opérationnelles dans un domaine sensible où il faut être réactif et parfois rapide, sans toutefois confondre vitesse et précipitation.
Par ailleurs, la compétence n'est pas une garantie d'indépendance ; c'est une condition nécessaire pour exercer de telles fonctions, mais elle n'est pas suffisante. C'est pour cette raison que l'article 2 octies prévoit des garanties d'indépendance et d'impartialité.
Enfin, il n'y a aucune raison de mettre en cause a priori le choix de nomination effectué par les autorités politiques. Celles-ci nomment déjà des responsables d'autres autorités administratives indépendantes sans que cela pose de souci particulier.
Pour toutes ces raisons, nous émettons un avis défavorable.
Les signataires de l'amendement n° 217 sont cohérents avec leur rejet d'une Haute autorité indépendante ; la commission des affaires économiques est elle aussi cohérente avec le soutien qu'elle accorde à cette haute autorité, elle émet donc un avis défavorable.
Concernant le sous-amendement n° 169, la commission des affaires économiques estime nécessaire qu'un âge limite soit imposé aux personnes nommées au collège de la Haute autorité. L'âge de soixante-cinq ans constitue un choix équilibré tenant compte, notamment, du fait qu'il s'agit d'une activité non cumulable avec un emploi et qui exige par ailleurs expertise et expérience.
La commission est donc défavorable à ce sous-amendement.
La commission émet enfin un avis défavorable sur l'amendement n° 168. Je préfère me prononcer sur le fond plutôt que sur la forme !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 166, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été invoqués par le rapporteur. Il est en de même pour l'amendement n° 217.
Le Gouvernement est favorable aux amendements nos 25 et 26.
L'avis est défavorable sur le sous-amendement n° 169, pour les mêmes motifs que ceux exposés par le rapporteur.
L'avis est également défavorable sur l'amendement n° 168. Je rappelle que le Gouvernement, sous l'impulsion donnée par le Président de la République, a préparé un projet créant une autorité administrative indépendante chargée du contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection, matière qui requiert compétence, rigueur et sérieux, comme l'a dit le rapporteur. Le Gouvernement, qui est défavorable à cet amendement, ne peut que constater son caractère un peu particulier, madame Voynet, et considère que son adoption discréditerait les travaux de la Haute Assemblée sur un sujet aussi majeur que la sécurité de la nation.
L'avis du Gouvernement est en revanche favorable sur l'amendement n° 27.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 166 et 217.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 quinquies, modifié.
(L'article 2 quinquies est adopté.)
Article 2 sexies
Le collège de la Haute autorité de sûreté nucléaire ne peut valablement délibérer que si au moins trois de ses membres sont présents. Il délibère à la majorité des membres présents. En cas de partage égal des voix, celle du président est prépondérante.
En cas d'urgence, le président de la Haute autorité ou, en son absence, le membre qu'il a désigné, prend les mesures qu'exige la situation dans les domaines relevant de la compétence du collège. Il réunit le collège dans les meilleurs délais pour lui rendre compte des mesures ainsi prises.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 218, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. C'est un amendement de conséquence, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 170, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans le premier et le second alinéa de cet article, remplacer (deux fois) les mots :
la haute autorité
par les mots :
l'autorité
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 171, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le second alinéa de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 172, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :
En cas d'urgence, le président de la Haute autorité ou, en son absence, le membre du collège qu'il a désigné, prend les mesures qu'exige la situation dans les domaines relevant de la compétence de la Haute autorité. Il réunit le collège dans les meilleurs délais. Au vu du compte-rendu préparé par le président, le collège délibère sur les mesures ainsi prises.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Il est toujours intéressant de lire l'exposé des motifs d'un projet de loi. Celui-ci décrit de façon précise les modalités de prise de décision quand le président de la Haute autorité ne peut réunir le collège, en situation d'urgence. Le texte du projet de loi prévoit bien que le président prend alors les mesures qu'exige la situation et qu'il réunit le collège dans les meilleurs délais.
L'exposé des motifs précise que le président rend compte des décisions qu'il a prises et que le collège peut les confirmer ou les adapter.
Je propose donc, par voie d'amendement, que le président rende compte des décisions qu'il a été amené à prendre et que le collège délibère. Le collège peut confirmer, adapter ou changer de pied, si les circonstances l'exigent.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 239 rectifié est présenté par M. C. Gaudin et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n° 242 est présenté par M. Girod.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les membres sont tenus de respecter le secret des délibérations et des votes auxquels ils ont pris part.
La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Il serait dommageable que l'un des membres du collège de la Haute autorité exprime publiquement une divergence, car cela nuirait tant à l'unité qui doit prévaloir dans les décisions qu'une telle autorité morale rend publiques qu'à la crédibilité de l'institution.
Nous proposons donc, par cet amendement, d'inscrire dans le texte le principe du respect par les membres de la Haute autorité du secret des délibérations et des votes auxquels ils ont pris part tant qu'une décision en cours d'élaboration n'est pas publiquement dévoilée.
Il me paraît important que la Haute autorité de sûreté nucléaire parle d'une voix unique et que rien ne vienne fragiliser les positions qu'elle pourrait adopter ou les décisions qu'elle pourrait prendre.
M. Bruno Sido, rapporteur. Concernant l'amendement n° 218, les signataires sont cohérents avec leur rejet d'une haute autorité indépendante, mais l'avis est défavorable.
Concernant l'amendement n° 171, assurer la sûreté nucléaire peut nécessiter la prise de mesures d'urgence, comme la suspension du fonctionnement d'une installation. Dans certains cas, les délais de réunion du collège pourraient ralentir la prise de décision et donc porter atteinte à la sûreté. C'est un risque que l'on ne doit pas prendre. C'est pourquoi il est prévu une procédure équilibrée par laquelle le président prend les mesures exigées par l'urgence avant d'en rendre compte à ses collègues.
L'avis est donc défavorable.
Madame Voynet, l'amendement n° 172 me semble superflu, voire, ce qui est plus grave, source de confusion.
Il est superflu puisque le collège de la Haute autorité a bien sûr toujours la possibilité, dès qu'il est réuni, de prendre toutes les mesures qu'il souhaite, y compris celles qui permettent de contrer les mesures d'urgence prises par son président, de mettre fin à leurs effets ou d'en réparer les conséquences.
Cet amendement est en outre source de confusion. En effet, vous laissez entendre qu'il pourrait être nécessaire de recueillir une validation a posteriori des mesures d'urgence prises par le président. Si tel était le cas, quid des mesures prises qui ne seraient pas validées par le collège ? Nous nous trouverions alors dans une situation juridique extrêmement délicate et incertaine, ce qui est inconcevable. Le pragmatisme et le bon sens doivent l'emporter : ce qui peut être modifié par le collège au moment où il se réunit doit l'être ; pour le reste, ce qui a été fait par le président reste en l'état.
En outre, si le collège estime que son président a commis des actes graves, il a la possibilité de mettre fin à ses fonctions, conformément à une procédure d'exclusion que nous proposerons d'instituer, par amendement, à l'article 2 octies.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 172.
Enfin, l'amendement n° 239 rectifié nous semble très utile, monsieur Gaudin, car la disposition proposée est complémentaire de l'obligation de réserve imposée par ailleurs aux membres du collège. Le respect du secret des délibérations est en effet l'une des conditions indispensables pour assurer la crédibilité de la Haute autorité. Vous pourrez donc informer M. Girod, qui n'a pas pu soutenir son amendement, que la commission est favorable à votre proposition commune.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 218, 171 et 172. En revanche, il est favorable à l'amendement n° 239 rectifié, car il considère comme vous, monsieur Gaudin, que le caractère collégial des décisions de la Haute autorité doit être effectivement préservé.
M. Christian Gaudin. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 sexies, modifié.
(L'article 2 sexies est adopté.)
Article 2 septies
La Haute autorité de sûreté nucléaire établit son règlement intérieur qui fixe les règles relatives à son organisation et à son fonctionnement. Le règlement intérieur prévoit les règles par lesquelles le collège des membres peut donner délégation à son président ou en son absence, à un autre membre du collège, ainsi que les conditions dans lesquelles le président peut déléguer sa signature à des agents des services de la Haute autorité ; il détermine les limites de ces délégations ; toutefois, ni les avis mentionnés au 1° de l'article 2 bis, ni les décisions à caractère réglementaire ne peuvent faire l'objet d'une délégation.
Le règlement intérieur est publié au Journal officiel de la République française.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 219, présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Par cohérence, nous proposons de supprimer l'article 2 septies.
M. le président. L'amendement n° 173, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
La haute autorité
par les mots :
L'autorité
et les mots :
la haute autorité
par les mots :
l'autorité
Cet amendement n'a plus d'objet.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 219 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Défavorable, par cohérence également.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 septies.
(L'article 2 septies est adopté.)
Article 2 octies
Les membres du collège de la Haute autorité de sûreté nucléaire exercent leurs fonctions à plein temps.
Les membres du collège exercent leurs fonctions en toute impartialité sans recevoir d'instruction du Gouvernement, ni d'aucune autre personne ou institution.
La fonction de membre du collège est incompatible avec toute activité professionnelle, tout mandat électif et tout autre emploi public. La Haute autorité de sûreté nucléaire constate la démission d'office de celui des membres qui se trouve placé dans l'un de ces cas d'incompatibilité.
Dès leur nomination, les membres du collège établissent une déclaration mentionnant les intérêts qu'ils détiennent ou ont détenus au cours des deux années précédentes dans les domaines relevant de la compétence de la Haute autorité. Cette déclaration, déposée au siège de la Haute autorité et tenue à la disposition des membres du collège, est mise à jour à l'initiative du membre du collège intéressé dès qu'une modification intervient. Aucun membre ne peut détenir au cours de son mandat d'intérêt de nature à affecter son indépendance.
Pendant la durée de leurs fonctions, les membres du collège ne prennent, à titre personnel, aucune position publique sur des sujets relevant de la compétence de la Haute autorité. Ils sont tenus au secret professionnel pour les faits, actes et renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions.
Le président prend les mesures appropriées pour assurer le respect des obligations résultant du présent article.
M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 174 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard.
L'amendement n° 220 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour défendre l'amendement n° 174.
Mme Dominique Voynet. Nous proposons la suppression de l'article 2 octies, qui précise les modalités de fonctionnement du collège de la Haute autorité de sûreté nucléaire.
Comme vous l'aurez noté, mes chers collègues, aux termes de cet article, les membres du collège exercent leurs fonctions sans recevoir d'instruction du Gouvernement. Le principe d'une autorité indépendante est donc posé, mais cette indépendance est affirmée d'une telle façon qu'il me semble finalement difficile de prévoir un dialogue permettant au Gouvernement d'assumer la totalité de ses responsabilités.
J'ai déposé un autre amendement pour vous alerter plus précisément sur le quatrième alinéa de cet article, aux termes duquel « les membres du collège établissent une déclaration mentionnant les intérêts qu'ils détiennent ou ont détenus [...] dans les domaines relevant de la compétence de la Haute autorité. » Si vous deviez ne pas voter mon amendement de suppression, ce à quoi je peux m'attendre, il est tout à fait indispensable que tous les membres du collège soient tenus d'établir cette déclaration, que personne ne puisse y échapper et que la période visée dans cette déclaration soit allongée. Il importe en effet de renforcer, sinon l'indépendance objective du collège, du moins le sentiment d'indépendance de ses membres.
M. Yves Coquelle. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 176, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans les premier, troisième, quatrième et cinquième alinéas de cet article, remplacer (cinq fois) les mots :
la Haute autorité
par les mots :
l'autorité
Cet amendement n'a plus d'objet.
L'amendement n° 28, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Le président et les membres du collège reçoivent respectivement un traitement égal à celui afférent à la première et à la deuxième des deux catégories supérieures des emplois de l'État classés hors échelle.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement tend à préciser dans le projet de loi le mode de fixation du traitement des membres du collège, qui est un élément important de leur statut et qui doit être cohérent par rapport à la nature de leurs fonctions et de leurs obligations. Le montant de ce traitement doit correspondre à ceux qui sont prévus pour les emplois de direction de la fonction publique de l'État.
M. le président. L'amendement n° 175, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :
sans recevoir d'instruction du gouvernement, ni d'aucune autre personne ou institution
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. La Haute autorité doit assurer son indépendance d'abord et avant tout à l'égard des exploitants. Il est donc tout à fait inutile d'insister à ce point sur l'autonomie par rapport au Gouvernement, alors que les garanties d'indépendance à l'égard des membres de ce « petit monde » de l'industrie nucléaire ne sont, elles, pas réunies.
M. le président. L'amendement n° 177, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après la première phrase du troisième alinéa de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
Les membres du collège ne doivent pas avoir exercé des postes à responsabilité dans l'industrie nucléaire depuis au moins deux ans.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement de repli vise à garantir l'indépendance effective des membres du collège à l'égard des exploitants du secteur qu'ils auront la charge de contrôler. Puisque nous nous intéressons, d'abord et avant tout, à la compétence des membres du collège en matière de radioprotection et de sûreté nucléaire, il est à craindre que ceux-ci aient exercé des postes à responsabilité dans l'industrie nucléaire au cours des années précédant leur nomination. Il convient donc de mettre en place une sorte de délai de carence, ce qui permettrait de nous prémunir contre ce danger.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du troisième alinéa de cet article, après les mots :
constate
insérer les mots :
, à la majorité des membres composant le collège,
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Nous souhaitons que les cas de démission d'office des membres soient nécessairement constatés par le collège par une décision prise à la majorité des membres le composant, et non à la seule majorité des membres présents, ce qui signifie en pratique que trois voix doivent être réunies.
M. le président. L'amendement n° 178, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
A. Rédiger ainsi la première phrase du quatrième alinéa de cet article :
Dès leur nomination, les membres du collège établissent une déclaration mentionnant les fonctions qu'ils ont occupées, les missions qu'ils ont effectuées, les intérêts qu'ils détiennent ou ont détenus au cours des vingt années précédentes dans les domaines, entreprises ou institutions qui relèvent des compétences de la Haute autorité.
B. Dans la deuxième phrase du quatrième alinéa de cet article, remplacer les mots :
tenue à la disposition des membres du collège
par les mots :
rendue publique
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, il me semble indispensable d'assurer l'indépendance et l'impartialité des membres du collège. Le texte prévoit que ces derniers établissent une déclaration mentionnant les fonctions qu'ils ont occupées. Il me semble également important de préciser les missions qu'ils ont effectuées et les intérêts qu'ils détiennent ou ont détenus au cours des années précédant leur nomination. À ce titre, il me paraît raisonnable de pouvoir couvrir une période de vingt années.
Par ailleurs, il convient de préciser qu'une telle déclaration peut être rendue publique. À vrai dire, je n'ai pas trouvé de dispositif satisfaisant pour ce faire. Si nous faisons un parallèle avec les modalités de déclaration de patrimoine des membres du Gouvernement, ceux-ci doivent déposer une déclaration auprès du Conseil constitutionnel. La même obligation de déclaration de patrimoine s'impose aussi aux parlementaires.
Mme Dominique Voynet. Mais les enveloppes contenant ces déclarations ne sont sans doute jamais ouvertes, sauf, peut-être, en cas de problèmes. Au demeurant, il ne s'agit pas pour moi d'ennuyer le Conseil constitutionnel avec les déclarations de patrimoine des membres du collège de la Haute autorité de sûreté nucléaire. S'il est peut-être quelque peu exagéré d'imposer que celles-ci soient rendues publiques, il importe en tout cas, d'une façon ou d'une autre, que les autorités ayant procédé à la nomination des membres du collège soient informées.
M. le président. L'amendement n° 179, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du quatrième alinéa de cet article, remplacer les mots :
deux années
par les mots :
cinq années
La parole est à Mme Dominique Voynet, que j'ai presque peine à solliciter ainsi, de manière si itérative. (Sourires.)
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, je suis un peu déconcertée par le rythme accéléré de nos travaux, même si je m'en réjouis !
Cet amendement est tout simple. En effet, le projet actuel prévoit que les membres du collège mentionnent les intérêts qu'ils détiennent ou ont détenus au cours des deux dernières années précédant leur nomination. Il me semble souhaitable d'allonger ce délai, pour disposer d'une vision plus précise des responsabilités qu'ont exercées les membres du collège et, ainsi, avoir peut-être plus de garanties sur l'indépendance de ces derniers par rapport aux intérêts dont ils auront à connaître.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter in fine la dernière phrase du quatrième alinéa de cet article par les mots :
ou son impartialité
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Telle qu'elle est prévue, l'indépendance des membres du collège renvoie au fait de ne pas recevoir d'instruction, notamment du Gouvernement. En revanche, au sens de la jurisprudence du Conseil d'État, l'impartialité est le fait de ne pas être partie à l'une des affaires dont traite l'institution. Elle dispose d'un régime propre qui consiste à ce que la personne concernée ne prenne pas part à la décision. En cohérence avec le deuxième alinéa de l'article 2 octies, l'impartialité devrait donc aussi être mentionnée au quatrième alinéa de ce même article.
M. le président. L'amendement n° 180, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le cinquième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Ils peuvent invoquer la clause de conscience.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Tout à l'heure, nous avons voté majoritairement, mais pas unanimement, un amendement prévoyant le respect du secret professionnel pour les membres du collège.
À mon sens, nous devrions instituer la possibilité pour ces derniers d'intervenir lorsqu'ils ont le sentiment qu'un événement grave est en train de se produire ; ils devraient pouvoir ainsi invoquer la clause de conscience. Plusieurs pays européens ont d'ailleurs mis en place des dispositifs de ce type. Si un membre du collège avait connaissance d'un fait susceptible de mettre en cause la radioprotection et la sûreté d'une installation, un tel dispositif lui permettrait, non pas de « se défouler » dans la presse ou de faire courir des bruits et des rumeurs, mais d'interpeller une juridiction et de transmettre l'information à un juge.
En définitive, invoquer la clause de conscience est un événement grave, rare, qui doit permettre aux membres du collège d'assumer totalement leurs responsabilités s'ils ont connaissance de faits ou de décisions qui mettent gravement en cause la sécurité de leurs concitoyens.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa de cet article par deux phrases ainsi rédigées :
Indépendamment des cas de démission d'office, il peut être mis fin aux fonctions d'un membre du collège en cas de manquement grave à ses obligations. Cette décision est prise par le collège statuant à la majorité des membres le composant et dans les conditions prévues par le règlement intérieur.
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement vise à inscrire dans la loi la possibilité pour le collège de mettre fin aux fonctions d'un de ses membres. Cela étant, une telle décision ne peut intervenir que si les trois conditions suivantes sont réunies : le membre du collège a gravement manqué à ses obligations ; cette décision recueille l'accord de la majorité des membres composant le collège, c'est-à-dire au minimum trois voix, quel que soit le nombre des membres présents ; la procédure respecte le règlement intérieur arrêté par les membres de la Haute autorité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements restant en discussion à l'exception de ceux qu'elle a déposés ?
M. Bruno Sido, rapporteur. En ce qui concerne les amendements identiques nos 174 et 220, il est étonnant de voir proposée la suppression de l'article qui pose les garanties d'indépendance et d'impartialité des membres du collège. Une fois de plus, je ne peux que constater la cohérence de ceux qui refusent en bloc la Haute autorité !
La commission, elle aussi cohérente, ne peut qu'émettre un avis défavorable sur ces amendements identiques.
Sur l'amendement n° 175, je suis extrêmement surpris de voir ceux-là mêmes qui proposaient hier une autorité indépendante en matière nucléaire refuser de faire préciser dans la loi que les membres du collège ne reçoivent pas d'instruction du Gouvernement ni d'aucune autre personne ou institution. La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
J'en viens à l'amendement n° 177. L'article 2 octies pose un certain nombre de conditions visant à s'assurer de l'indépendance et de l'impartialité des membres du collège de la Haute autorité. L'amendement ajoute que lesdits membres ne doivent pas avoir exercé de poste à responsabilité dans l'industrie nucléaire depuis au moins deux ans.
Je comprends parfaitement l'objectif, tout à fait louable, recherché par les auteurs de cet amendement, qui souhaitent ajouter de nouvelles garanties d'indépendance à celles qui sont déjà prévues par le projet de loi.
Toutefois, cet amendement me paraît peu réaliste, voire contre-productif. En effet, on désigne des personnes pour leurs compétences reconnues au moment même de leur nomination et non en fonction de ce qu'elles ont fait voilà trois ans ou cinq ans. Cet amendement pourrait priver la Haute autorité de personnes plus qualifiées. En revanche, ce qui est important, c'est que, une fois nommés, les membres du collège remplissent toutes les déclarations d'antécédents qui leur sont demandées et qu'ensuite ils se conforment strictement à leur devoir d'impartialité et d'indépendance vis-à-vis, en premier lieu, de l'industrie nucléaire.
L'examen de cet amendement nous aura permis de rappeler ces règles essentielles, mais il recueille un avis défavorable de la part de la commission.
L'amendement n° 178, quant à lui, va dans le bon sens puisqu'il vise à mieux garantir l'indépendance des membres de la Haute autorité.
Toutefois, le paragraphe A de cet amendement pose un problème puisqu'il exige, entre autres, que les membres précités déclarent les intérêts qu'ils ont détenus dans des domaines ou entreprises liés au nucléaire pendant les vingt dernières années. Or, qui pourra certifier avec exactitude qu'il n'a pas eu une action EDF ou une SICAV dix ans, voire vingt ans auparavant ?
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
Pour ce qui concerne en revanche l'amendement n° 179, il va dans le même sens que le précédent, mais il est plus raisonnable puisqu'il tend à limiter à cinq ans la période de déclaration des intérêts détenus dans le domaine nucléaire. Cette durée est déjà retenue pour les commissions de déontologie des fonctionnaires désireux de rejoindre le secteur privé.
Pour toutes ces raisons, cet amendement paraît recevable à la commission, qui émet un avis favorable.
Quant à l'amendement n° 180, non seulement je ne vois pas bien ce que la clause de conscience recouvre, mais, de surcroît, cette notion est éminemment subjective. C'est la personne elle-même qui estimera qu'elle est face à une situation grave. Même en toute bonne foi, elle pourrait déstabiliser à tort la Haute autorité et nuire à sa crédibilité.
Le risque est alors réel d'ouvrir la porte à de nombreuses dérives et pressions internes à la Haute autorité. La règle doit rester simple : si un membre condamne l'action de la Haute autorité, il doit la quitter. Mais, tant qu'il en fait partie, il est tenu à la réserve et à la discrétion. S'il constatait des faits graves, il pourrait lancer la procédure de renvoi du président ou des autres membres, selon l'amendement de la commission.
Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 174 et 220, pour les mêmes motifs que ceux qui ont été exposés par M. le rapporteur.
Il est favorable à l'amendement n° 28, qui sert l'impartialité et l'indépendance que l'on attache aux membres du collège de la Haute autorité.
Il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 175, pour les mêmes raisons que celles qu'a évoquées M. le rapporteur, ainsi que sur l'amendement n° 177.
En revanche, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 29.
Il émet un avis défavorable sur l'amendement n° 178, pour les mêmes motifs que ceux qu'a exposés M. le rapporteur.
L'amendement n° 179 étant plus raisonnable, le Gouvernement y est favorable.
Il est également favorable à l'amendement n° 30, car il est tout à fait souhaitable que les membres du collège ne détiennent pas d'intérêts affectant leur impartialité.
Le Gouvernement est enfin défavorable à l'amendement n° 180 et favorable à l'amendement n° 31.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 174 et 220.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas les amendements.)
M. Bernard Piras. Vous avez réveillé du monde, monsieur le président ! (Sourires.)
M. le président. Je n'ai fait que remplir les devoirs de ma charge, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)
M. Daniel Raoul. Et fort bien !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l'amendement n° 175.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le rapporteur, je souhaite répondre à l'une de vos interpellations. Vous avez considéré qu'il était incohérent de proposer la suppression d'un article qui organise l'impartialité et l'indépendance. Je vous répète que nous sommes dans une sorte de dialogue de sourds. Pour ma part, c'est à l'égard des exploitants que je veux mettre en place l'indépendance, et non vis-à-vis du pouvoir politique. Que le Gouvernement puisse avoir un dialogue un peu directif avec la Haute autorité ne me gêne pas du tout. Mais, aujourd'hui, la réalité est assez triviale ; il faut en avoir conscience.
Ainsi, voilà deux ans, l'Autorité de sûreté avait demandé la fermeture de l'atelier de plutonium de Cadarache en invoquant un risque sismique, donc important, cet atelier étant construit sur une faille. Voilà quelques mois, AREVA a rouvert cet atelier. Apparemment, c'est donc cette société qui décide et non l'Autorité de sûreté !
Autre exemple, l'Autorité de sûreté n'a pas été associée à la décision d'EDF de prolonger à quarante ans la durée de vie de ses réacteurs nucléaires. Cette décision a été intégrée dans les comptes de l'entreprise Pourtant, l'Autorité de sûreté avait demandé qu'une décision au cas par cas soit prise en fonction des résultats des visites décennales.
Dernier exemple : les chercheurs de l'IRSN ont démontré l'inadaptation des centrales EDF face au risque sismique. Des documents émanant de cet institut auraient pu être publiés, ce qui ne fut pas le cas. L'Autorité a mis en cause la séparation entre l'expertise et le contrôle et a fait en sorte que le rapport de l'IRSN soit enterré.
On peut certes discuter chacun de ces trois exemples, mais, en l'absence d'éléments plus probants qui prouveraient que j'ai tort, je suis plus inquiète de voir des passerelles, les « cousinages », entre le monde de l'industrie et celui du contrôle qu'entre le Gouvernement et le monde du contrôle.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 octies, modifié.
(L'article 2 octies est adopté.)
Article 2 nonies
Pour l'accomplissement des missions qui sont confiées à la Haute autorité de sûreté nucléaire, son président a qualité pour agir en justice au nom de l'État.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 181 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard.
L'amendement n° 221 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour présenter l'amendement n° 181.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, je ne vais pas allonger exagérément nos débats. J'ai eu l'occasion de dire à quel point je trouvais étonnant que la Haute autorité de sûreté nucléaire, qui ne dispose pas de la personnalité morale et qui est irresponsable devant la justice, puisse prendre des décisions aussi lourdes. Or, aux termes du présent article, le droit d'agir en justice au nom de l'État lui est octroyé. Il s'agit d'un déséquilibre qu'il convient de corriger.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 221.
M. Yves Coquelle. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 182, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer les mots :
a qualité pour agir
par les mots :
peut saisir le Gouvernement en vue d'une action
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. C'est un amendement de conséquence.
Considérant que la Haute autorité ne doit pas pouvoir agir en justice pour le compte de l'État, les auteurs de cet amendement souhaitent préciser qu'elle a qualité pour saisir le Gouvernement en vue d'une action en justice.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. La commission estime qu'il n'y a aucune raison de supprimer l'article 2 nonies. Les signataires de l'amendement n° 221 sont cohérents avec leur rejet d'une Haute autorité indépendante. Quoi qu'il en soit, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 181 et 221.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 182, comme je l'ai déjà indiqué, la Haute autorité participe de la personne morale de l'État, à l'instar de la quasi-totalité des autorités administratives indépendantes existantes. Elle n'a donc pas besoin du Gouvernement pour agir juridiquement. A contrario, si une personne n'est pas satisfaite, elle peut assigner l'État en justice puisque la Haute autorité, c'est l'État.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 181 et 221 parce que le président doit pouvoir défendre les décisions coercitives que la Haute autorité aurait prises
Il est également défavorable à l'amendement n° 182.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 181 et 221.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Raoul, pour explication de vote sur l'amendement n° 182.
M. Daniel Raoul. Les arguments développés par M. le rapporteur me troublent. Je ne comprends pas comment un organisme qui n'a pas la personnalité morale pourrait agir en justice.
Au surplus, c'est au Gouvernement d'intervenir, et non à la Haute autorité. Où est la logique en la matière ?
M. Bruno Sido, rapporteur. Puis-je vous interrompre, mon cher collègue ?
M. Daniel Raoul. Je vous en prie, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Mon cher collègue, juridiquement, on ne peut pas distinguer la Haute autorité de l'État.
La Haute autorité peut être mise en cause, par exemple, par un exploitant qui ne serait pas satisfait. En sens inverse, de la même façon qu'un préfet, qu'un président de conseil général, la Haute autorité peut attaquer en justice. C'est d'ailleurs validé par le Conseil d'État.
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Raoul.
M. Daniel Raoul. Je parle non pas de l'État mais du Gouvernement ! Que je sache, l'État est constitué par l'ensemble du Gouvernement, du Parlement et des instances créées.
Cette Haute autorité n'ayant pas la personnalité morale, elle ne peut pas ester en justice. C'est donc au Gouvernement de le faire.
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 nonies.
(L'article 2 nonies est adopté.)
Article 2 decies
La Haute autorité de sûreté nucléaire dispose de services placés sous l'autorité de son président. Elle organise l'inspection de la sûreté nucléaire et l'inspection de la radioprotection.
Elle peut employer des fonctionnaires en position d'activité et recruter des agents contractuels. Les fonctionnaires en activité des services de l'État peuvent, avec leur accord, être mis à la disposition, le cas échéant à temps partiel, de la Haute autorité de sûreté nucléaire selon des modalités précisées par décret en Conseil d'État.
La Haute autorité de sûreté nucléaire peut bénéficier de la mise à disposition, avec leur accord, d'agents d'établissements publics.
Le président est habilité à passer toute convention utile à l'accomplissement des missions de la Haute autorité.
M. le président. Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 183 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard.
L'amendement n° 222 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour défendre l'amendement n° 183.
Mme Dominique Voynet. Madame la ministre, vous nous avez expliqué que le Gouvernement allait procéder à une répartition des rôles et des effectifs de la Direction générale de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour permettre tant à la Haute autorité d'exercer ses missions qu'au Gouvernement de faire face à ses responsabilités, le tout sans création de postes.
L'article 2 decies donne des précisions sur la façon dont les services vont être organisés. Il y est expliqué, notamment, que des fonctionnaires en position d'activité, des contractuels, pourront travailler pour le compte de la Haute autorité de sûreté nucléaire, et ce, j'imagine, par voie de détachement.
En revanche, la disposition qui prévoit que des fonctionnaires en activité peuvent être mis à la disposition de la Haute autorité, éventuellement à temps partiel, me laisse perplexe.
Je ne comprends pas très bien : ils pourraient, à mi-temps, exercer des responsabilités pour le compte de l'État et, à mi-temps, être indépendants pour le compte de la Haute autorité ?
Les DRIRE apprécieront certainement le sort qui peut être réservé à certains de leurs agents, pourquoi pas au directeur de la recherche et de l'industrie dans une région !
Nous proposons donc, par cet amendement, la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 222.
M. Yves Coquelle. Il est défendu.
M. le président. L'amendement n° 184, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le premier alinéa de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Sido, au nom de la commission, est ainsi libellé :
À la fin de la seconde phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :
l'inspection de la radioprotection
par les mots :
celle de la radioprotection
La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. Cet amendement vise à alléger la rédaction de l'article.
M. le président. L'amendement n° 250, présenté par MM. Piras, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la première phrase du deuxième alinéa de cet article :
Elle peut employer des fonctionnaires en position normale d'activité.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement s'inscrit dans la même logique que plusieurs amendements que nous avons déjà défendus : il vise à éviter un accroissement de la déstabilisation des agents de l'inspection de la sûreté nucléaire et de l'inspection de la radioprotection.
Cet amendement résulte, à dire vrai, d'une demande des ingénieurs de l'industrie et des mines, qui exercent des missions régaliennes en matière de sûreté nucléaire.
Il s'agit de remplacer les termes « position d'activité » par « position normale d'activité », car c'est bien l'expression précise qui convient pour désigner le cadre statutaire des fonctionnaires.
Madame la ministre, la création d'une autorité indépendante ne doit pas être l'occasion d'accroître la déstabilisation du personnel. Or tel est pourtant manifestement le cas : les craintes exprimées par le personnel accomplissant des missions d'inspection sont tout à fait justifiées.
Les mesures prises par le Gouvernement contribuent à accentuer la précarisation dans la fonction publique et à faire se généraliser l'insécurité sociale. Nous l'avons encore constaté la semaine dernière, au cours du débat qui a occupé notre assemblée. Cela a commencé avec l'ouverture du capital d'EDF et de GDF et la transformation de ces entreprises en sociétés anonymes.
Cette décision plaçant lesdites entreprises sous la tutelle des marchés financiers, avec les exigences de haut niveau de dividendes que l'on sait, se traduit de fait par un renforcement de la précarisation des personnels.
Les restructurations actuelles dans l'énergie font qu'EDF n'est pas non plus à l'abri d'une OPA.
La seule solution qui aurait permis d'éviter un tel risque aurait été de créer un pôle public de l'électricité en fusionnant les deux établissements publics à caractère industriel et commercial EDF et Gaz de France, comme nous l'avions réclamé. Ceux des membres de la commission des affaires économiques qui ont un peu de mémoire se souviendront que cette hypothèse avait été envisagée par son précédent président.
L'Union européenne a besoin de grands groupes multi-énergétiques et de service public. Le Gouvernement a raté l'occasion de faire progresser l'Europe sociale. C'était pourtant la finalité essentielle de la construction de l'Union européenne.
M. le président. L'amendement n° 185, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer la seconde phrase du deuxième alinéa de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 251, présenté par MM. Piras, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée :
Elle peut recruter des agents contractuels dans les mêmes conditions que celles prévues par la loi pour l'administration.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement relève de la même problématique que l'amendement n° 250 : il s'agit d'éviter la déstabilisation et la précarisation des emplois des inspecteurs de la sûreté nucléaire, dont les missions sont fondamentales.
Cet amendement précise que les conditions de recrutement d'agents contractuels sont identiques à celles qui s'imposent à l'actuelle Autorité de sûreté nucléaire, ce qui permet de ne pas augmenter de façon injustifiée les possibilités de recrutement d'agents contractuels, évitant ainsi d'accroître la précarité des emplois dans la fonction publique.
M. le président. L'amendement n° 252, présenté par MM. Piras, Raoul, Teston et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa de cet article par les mots :
compétents dans le domaine de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et n'étant pas eux-mêmes exploitants d'une installation nucléaire de base.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet amendement est important, de par les précisions qu'il apporte. Il permet d'éviter de remettre en cause le principe de l'indépendance des inspecteurs.
En complétant le troisième alinéa de cet article par les mots « compétents dans le domaine de la sûreté nucléaire et de la radioprotection et n'étant pas eux-mêmes exploitants d'une installation nucléaire de base », cet amendement a pour objet de faire en sorte de bien cibler les établissements publics concernés et d'empêcher la mise à disposition de personnels d'établissements exploitant eux-mêmes des installations nucléaires de base pour que l'indépendance des inspecteurs puisse être respectée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 183 et 222, ainsi que sur les amendements nos 184, 250, 185, 251 et 252 ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L'article 2 decies est nécessaire, puisqu'il permet à la Haute autorité de disposer du personnel dont elle aurait, le cas échéant, besoin, au-delà des effectifs permanents à plein temps qui lui sont transférés sur le fondement de l'article 38 du présent projet de loi.
Il s'agit d'un élément de souplesse qui doit être prévu dans la loi.
Supprimer cet article serait se priver d'autres dispositions très utiles, notamment la capacité d'organisation de service reconnue à la Haute autorité et la possibilité pour le président de passer des conventions utiles à l'accomplissement des missions de l'institution.
Par cohérence, donc, la commission est défavorable aux amendements identiques nos 183 et 222.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 184.
L'amendement n° 250 pourrait apporter une précision rédactionnelle très utile si la première phrase du deuxième alinéa ne concernait que les fonctionnaires en position normale d'activité.
Toutefois, la rédaction actuelle est volontairement plus large, puisqu'elle englobe à la fois les agents en position normale d'activité et ceux qui sont mis à disposition.
Il y a donc lieu de conserver la rédaction habituelle, qui mentionne la position d'activité d'une façon générale. Il s'agit d'un point relativement subtil du droit de la fonction publique, mais la formulation retenue est celle qui est déjà applicable à d'autres autorités administratives indépendantes, par exemple à la commission de régulation de l'énergie.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
J'en viens à l'amendement n° 185. Comme nous l'avons dit à Mme Voynet au sujet de l'amendement n° 183, la possibilité d'employer du personnel fonctionnaire ou contractuel sur une base volontaire, notamment à temps partiel, est un élément de souplesse déjà utilisé par l'Autorité de sûreté nucléaire et qui sera très utile à la Haute autorité.
Cela permet de faire appel à des compétences pointues complétant le personnel permanent de la Haute autorité.
Ces dispositions doivent être maintenues. La commission est donc défavorable à cet amendement n° 185.
L'amendement n° 251 est satisfait par le fait même que l'autorité administrative est un service de l'État, comme nous le disons depuis le début, et qu'elle n'échappe pas, à ce titre, aux règles de la fonction publique, y compris s'agissant de l'emploi d'agents contractuels.
Si cet amendement n'était pas retiré, la commission y serait défavorable.
Enfin, l'amendement n° 252 est assez paradoxal puisqu'il conduirait à interdire, par exemple, aux agents du Commissariat à l'énergie atomique d'être mis à la disposition de la Haute autorité pour y remplir des fonctions d'inspecteurs de la sûreté nucléaire, comme ils le font dans les services actuels de l'État depuis des décennies !
En poussant cette logique jusqu'à son terme, il faudrait aussi interdire aux agents du ministère de l'industrie toute affectation à la Haute autorité, dans la mesure où le ministère joue un rôle en tant qu'actionnaire majoritaire d'EDF et a même une fonction directe d'exploitant nucléaire par le biais des installations de la défense.
Une fois mis à disposition de la Haute autorité, les agents sont tenus d'agir en son nom et de suivre les directives de ses dirigeants. L'indépendance de cette institution ne saurait donc être mise en doute au motif que certains de ces agents sont originaires d'organismes liés à des exploitants nucléaires.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements identiques nos 183 et 222 ainsi qu'à l'amendement n° 184.
Il est favorable à l'amendement n° 32.
Il est défavorable à l'amendement n° 250, parce que le Gouvernement note que la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'État modifiée parle d'« activité » ou de « position d'activité ».
Le Gouvernement est donc défavorable au vocable de « position normale », qui, dans une lecture a contrario, renvoie les autres statuts d'agents de la Haute autorité dans une classe normale.
L'avis du Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 185 et à l'amendement n° 251.
Il est également défavorable à l'amendement n° 252, qui vise à limiter la capacité de la Haute autorité à bénéficier d'expertises d'établissements publics compétents en matière de sûreté nucléaire et de radioprotection.
Le Gouvernement note que le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection peut bénéficier de l'expertise et des connaissances d'anciens exploitants. Il convient alors d'organiser le respect de règles de déontologie des inspecteurs, par exemple en restreignant leur activité de contrôle à des installations à l'exploitation desquelles ils n'ont pas participé.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 183 et 222.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur l'amendement n° 252.
Mme Dominique Voynet. Je tiens à revenir sur la réponse de M. le rapporteur au sujet des amendements nos 251 et 252.
D'une certaine façon, tous mes doutes quant à l'indépendance effective de la Haute autorité à l'égard des exploitants se trouvent confirmés par votre argumentation, monsieur le rapporteur.
M. le président. La parole est à M. Bruno Sido, rapporteur.
M. Bruno Sido, rapporteur. De mon point de vue, on ne peut pas bâtir la loi sur des doutes : il y a des certitudes ou il n'y en a pas.
J'ai bien compris depuis le début, madame Voynet, que, selon vous, il n'y aura pas d'indépendance entre la Haute autorité et les exploitants. Vous avez même parlé de « relations incestueuses ».
M. Bernard Piras. « Presque » incestueuses !
M. Bruno Sido, rapporteur. Je ne peux pas croire, très honnêtement, que l'organisation de la filière nucléaire française soit fondée, depuis cinquante ans, sur des relations aussi complexes et aussi peu claires entre l'autorité chargée tout à la fois d'établir des règles, de les faire valider par le Gouvernement, puis de les faire respecter, et les exploitants.
Si vous aviez raison, il y aurait eu des accidents. Le fait même qu'il n'y ait pas eu d'accidents plaide, selon moi, en faveur de la présomption qu'il y a une complète indépendance entre la direction générale et les exploitants, jusqu'à preuve du contraire, mais, puisque vous doutez, ma chère collègue, laissez-nous le bénéfice du doute !
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 decies, modifié.
(L'article 2 decies est adopté.)
Article 2 undecies
Le président de la Haute autorité de sûreté nucléaire est chargé de l'ordonnancement et de la liquidation, pour le compte de l'État, de la taxe instituée par l'article 43 de la loi de finances pour 2000.
La Haute autorité de sûreté nucléaire propose les crédits nécessaires à l'accomplissement de ses missions ainsi que la part de subvention de l'État à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, correspondant aux travaux réalisés par celui-ci pour la Haute autorité.
Le président de la Haute autorité de sûreté nucléaire est ordonnateur des recettes et des dépenses.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 186 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard.
L'amendement n° 223 est présenté par MM. Coquelle et Billout, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet, pour défendre l'amendement n° 186.
Mme Dominique Voynet. Il est impossible de revenir sur ce qui vient d'être voté, mais permettez-moi quand même, monsieur le président, de dire à M. le rapporteur qu'il y a quelque chose d'émouvant dans sa démonstration de foi inébranlable à l'égard de la qualité des hommes et de la qualité des mécaniques à l'oeuvre !
Je n'ai jamais dit, monsieur le rapporteur, que c'était complexe et manquait de clarté. Au contraire, c'est parfaitement clair, et je vous invite tout simplement à ouvrir les yeux. En effet, tous les jours, on assiste à une confusion des rôles, qui s'explique par la vie, les carrières et les expériences croisées, extrêmement intimes, de ces personnes qui, jour après jour, pendant trente ans ou trente-cinq ans de carrière, auront effectivement à connaître les différentes facettes de la filière.
L'amendement n° 186 tend à supprimer l'article 2 undecies car, s'il est normal que le président de la Haute autorité ordonne et liquide, à la fois en recettes et en dépenses, le budget de son institution, il est plus étonnant qu'il puisse être chargé d'ordonnancer et de liquider pour le compte de l'État, à la place des services fiscaux, la taxe instituée par l'article 43 de la loi de finances pour 2000.
Vous m'objecterez que c'est déjà ce qu'il fait. Certes, mais il agit sous le contrôle de ses tutelles, en tant que direction d'administration centrale. Demain, ce sera en tant que Haute autorité.
Le phénomène serait aggravé par le fait que le président, qui dispose déjà de pouvoirs très importants pour l'emploi et le recrutement de ses personnels, comme nous l'avons vu à l'article précédent, aurait non seulement à suggérer à l'État les grandes lignes de son budget, mais aussi à lui proposer le montant de la subvention accordée à l'IRSN, sans oublier les commissions locales d'information, les CLI. À cet égard, nous verrons lors de l'examen de l'article 6 qu'il nous est proposé de revenir sur une mécanique qui pourrait assurer l'indépendance du financement des CLI.
Que la Haute autorité soit chargée d'allouer ses crédits à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire constituerait vraiment une remise en cause de l'indépendance même de l'Institut.
C'est pourquoi je propose la suppression de l'article.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 223.
M. Yves Coquelle. Il est défendu, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 262, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les crédits nécessaires à l'accomplissement des missions de la Haute autorité de sûreté nucléaire sont inscrits au budget de l'État.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Cet article prévoit que la Haute autorité de sûreté nucléaire est chargée de l'ordonnancement et de la liquidation de la taxe sur les installations nucléaires de base, dont l'article 6 prévoit d'affecter une fraction pour assurer le financement des CLI.
Il semble préférable, afin que l'indépendance des CLI soit bien garantie, que ces attributions demeurent du ressort des services fiscaux, comme c'est généralement le cas.
Pourquoi étendre, une fois de plus, les attributions de la Haute autorité dans ce domaine ?
Pourquoi la Haute autorité devrait-elle participer au financement des CLI, comme le prévoit l'article 2 bis ?
Il y a là un mélange des genres propre à provoquer le contraire de ce qui est recherché à travers ce projet de loi relatif à la transparence en matière nucléaire.
Cet article prévoit également que la Haute autorité propose la part de subvention de l'État à l'IRSN. Là encore, de tels pouvoirs apparaissent abusifs et en contradiction avec l'esprit même du projet de loi, visant à renforcer le droit à l'information en matière nucléaire.
Une telle transparence suppose que les attributions des différents acteurs du système soient clairement réparties, et qu'il n'y ait aucune confusion, d'aucune sorte, entre les fonctions de contrôleur, les fonctions d'expert public, les fonctions visant à assurer la transparence et le respect du droit à l'information
Il faut, autant que faire se peut, créer une espèce d'étanchéité entre ces différentes fonctions, afin de préserver l'indépendance des acteurs.
Or, on a pu l'observer, ce n'est pas le cas. La Haute autorité dispose de pouvoirs en matière d'information qui devaient être du ressort du Haut comité à la transparence.
Si l'on ajoute à cela le fait que, au final, ce serait la Haute autorité qui se chargerait de proposer la part de subvention de l'État à l'IRSN, on voit alors que l'expert public est placé sous la coupe de la Haute autorité. Cela ne nous paraît pas acceptable.
S'agit-il de remplacer une tutelle par une autre, pour l'un des acteurs essentiels de notre système d'expertises ?
Placer le prescripteur de normes sous la tutelle du contrôleur, ne me paraît guère être un progrès, au contraire. Or, c'est précisément ce qui semble se passer aux termes de ce projet de loi.
C'est la raison pour laquelle nous avons tenté de supprimer ces dispositions.
M. le président. L'amendement n° 187, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :
ainsi que la part de subvention de l'État à l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire, correspondant aux travaux réalisés par celui-ci pour la Haute autorité
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement de repli tend à supprimer le membre de phrase visant à attribuer à la Haute autorité le soin de proposer la part de subvention de l'État à l'IRSN.
C'est une des façons de réaffirmer l'indépendance des experts de l'Institut.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. L'adoption de l'amendement n° 186 aboutirait à supprimer deux dispositifs déjà applicables à l'Autorité de sûreté nucléaire, et qui ont fait leur preuve.
D'une part, il s'agit de l'ordonnancement et de la liquidation de la taxe sur les installations nucléaires de base, les INB, par des personnels de l'autorité, en lieu et place des personnels des impôts. Cela représente un intérêt pratique et technique et ne mobilise que deux agents à temps plein.
D'autre part, le texte prévoit que le budget de la Haute autorité comprend une partie préaffectée à l'IRSN. Ce dispositif, déjà appliqué aujourd'hui, est un bon compromis entre un appel systématique à l'institut d'expertise public et une logique de prestation de service de cet institut à l'égard de ses clients. Cette préaffectation ne fait pas obstacle à la possibilité de recourir à d'autres experts.
De plus, il convient de rappeler que, depuis 2002, l'IRSN dispose d'une personnalité juridique propre, totalement détachée du Commissariat à l'énergie atomique ou des services de contrôle.
Les dispositifs prévus à l'article 2 undecies ayant déjà fait leurs preuves, ils doivent être maintenus.
La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement, de même que sur l'amendement n° 223.
En ce qui concerne l'amendement n° 262, comme l'amendement n° 186, il vise à supprimer les fonctions d'ordonnancement et de liquidation de la taxe INB, confiées à la Haute autorité de sûreté, de même qu'il tend à mettre fin au financement préaffecté de l'IRSN.
La commission émet un avis défavorable, pour les raisons que je viens d'exposer.
Enfin, sur l'amendement n° 187, je ne reprendrai pas l'argumentaire déjà développé au sujet de l'amendement n° 186.
Je rappelle cependant que l'affichage, dès la loi de finances, de la part des finances de la Haute autorité qui est réservée à l'IRSN est une mesure de transparence au regard du Parlement.
L'articulation entre les services de contrôle de l'État et l'expert public est donc bien connue et peut être discutée. Cet amendement ferait malheureusement perdre cet acquis et irait dans le sens contraire.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nelly Olin, ministre. Sur l'amendement n° 186, le Gouvernement partage tout à fait les arguments de la commission et émet un avis défavorable, de même que sur les amendements nos 223 et 262.
S'agissant de l'amendement n° 187, les précisions apportées par M. le rapporteur démontrent à Mme Voynet que son amendement aboutirait au résultat contraire à celui qui est ici recherché.
Le Gouvernement émet un avis également défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 186 et 223.
Mme Dominique Voynet. M. le rapporteur a évoqué le fait que la Haute autorité pouvait faire appel à d'autres experts.
Mme Dominique Voynet. Fort bien, et encore heureux !
Toutefois, je m'intéresse en cet instant à l'IRSN, qui a été, comme vous l'avez dit, totalement détaché du CEA, pour assurer de la façon la plus limpide possible la séparation entre l'exploitation, l'expertise, la recherche, le contrôle et, comme nous y reviendrons lors de l'examen du titre III, l'information.
S'il est loisible à la Haute autorité de faire appel à d'autres experts, il convient aussi d'examiner la possibilité pour l'IRSN d'avoir d'autres clients et de ne pas dépendre uniquement, ou presque exclusivement, de la commande de la Haute autorité, comme c'est le cas aujourd'hui.
À l'heure actuelle, 90 % du budget de l'IRSN est alimenté par le ministère de l'écologie et du développement durable. Demain, une partie très importante de son budget devrait être financée par la Haute autorité.
M. Bruno Sido, rapporteur. Non !
Mme Dominique Voynet. Où est l'indépendance entre l'expertise et le contrôle ?
Il faut impérativement sécuriser le budget de l'IRSN et prévoir que ses avis seront rendus publics, qu'il peut s'autosaisir et que des associations ou des commissions locales d'information peuvent aussi avoir recours au service de l'expert public.
Le dispositif proposé, qui garde le cordon ombilical entre la Haute autorité et l'Institut, ne me paraît pas optimal.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 186 et 223.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2 undecies.
(L'article 2 undecies est adopté.)
Article 2 duodecies
Un décret en Conseil d'État peut préciser les modalités d'application du présent titre, et notamment les procédures d'homologation des décisions de la Haute autorité de sûreté nucléaire.
M. le président. L'amendement n° 263, présenté par MM. Piras, Raoul et Teston, Mme Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans cet article, remplacer les mots :
peut préciser
par les mots :
précise
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul. Les rapporteurs indiquent dans leur rapport écrit : « Compte tenu de l'importance de ce titre qui définit la Haute autorité et ses principales attributions, il importe que la loi soit aussi précise que possible », ce qui, selon eux, est le cas.
Pour autant, comme ils le soulignent : « Cette précision ne dispense pas de l'intervention d'un décret en Conseil d'État, permettant d'assurer avec la plus grande sécurité juridique possible l'institution d'une autorité indépendante en matière de sûreté nucléaire ».
C'est la raison pour laquelle un décret en Conseil d'État doit préciser les procédures d'homologation des décisions de la Haute autorité.
Faut-il le rappeler, le Conseil d'État n'a pas toujours été favorable, et c'est un euphémisme - si l'heure n'était pas aussi avancée, je pourrais vous relire un certain avis - à l'institution d'une telle autorité indépendante ; il y était même farouchement opposé.
Que s'est-il passé entre-temps pour qu'une autorité indépendante, aux pouvoirs beaucoup plus importants, ne le fasse plus sourciller ?
Cela mérite réflexion et, en tous les cas, je souhaiterais entendre l'avis de Mme la ministre sur l'évolution du Conseil d'État.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Bruno Sido, rapporteur. En premier lieu, cet amendement revient à rendre obligatoire la prise d'un décret en Conseil d'État pour préciser les modalités d'application du présent titre. Or, la nécessité d'une précision par décret en Conseil d'État n'étant pas évidente pour l'ensemble de ce titre, je pense qu'il vaut mieux laisser au décret la possibilité d'apporter des précisions, et non en faire une obligation.
En second lieu, j'ai eu l'occasion d'interroger M. le premier vice-président du Conseil d'État, qui m'a confirmé oralement que le texte tel qu'il était après la lettre rectificative ne posait pas de problème au Conseil d'État. Dès lors, il ne faut pas trop le modifier parce que, sinon, il ne lui conviendrait plus !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 263 ?
Mme Nelly Olin, ministre. Pour les motifs exposés par la commission, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 188, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après les mots :
du présent titre
supprimer la fin de cet article.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 188 est retiré.
Je mets aux voix l'article 2 undecies.
(L'article 2 undecies est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
13
COMMUNICATION relative à une commission mixte paritaire
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l'égalité des chances est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
14
NOMINATION DE MEMBRES D'UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. Il va être procédé à la nomination de sept membres titulaires et de sept membres suppléants de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de programme pour la recherche.
La liste des candidats établie par la commission spéciale a été affichée conformément à l'article 12 du règlement.
Je n'ai reçu aucune opposition.
En conséquence, cette liste est ratifiée et je proclame représentants du Sénat à cette commission mixte paritaire :
Titulaires : MM. Jacques Valade, Maurice Blin, Henri Revol, Jean-François Humbert, Francis Grignon, Serge Lagauche, Daniel Raoul.
Suppléants : MM. Philippe Adnot, Marie-Christine Blandin, Jean-Pierre Fourcade, Yves Fréville, Pierre Laffitte, Mme Monique Papon, M. Ivan Renar.
15
TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI
M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, de programme pour la recherche.
Le projet de loi sera imprimé sous le n° 241, distribué et renvoyé à la commission spéciale.
16
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE résolution
M. le président. J'ai reçu de MM. Claude Lise, Jacques Gillot, Serge Larcher, Mme Dominique Voynet et les membres du groupe socialiste et rattachés une proposition de résolution tendant à la création d'une commission d'enquête sur la gestion de la crise sanitaire déclenchée par l'épidémie de chikungunya à la Réunion et sur les enseignements à en tirer, notamment pour les autres régions où existe le vecteur du virus.
La proposition de résolution sera imprimée sous le n° 239, distribuée et renvoyée à la commission des affaires sociales et pour avis à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, en application de l'article 11, alinéa 1, du règlement.
17
DÉPÔT De RAPPORTs
M. le président. J'ai reçu de M. Henri de Richemont, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion de la proposition de loi renforçant la prévention et la répression des violences au sein du couple ou commises contre les mineurs.
Le rapport sera imprimé sous le n° 240 et distribué.
J'ai reçu de M. Alain Gournac, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi pour l'égalité des chances
Le rapport sera imprimé sous le n° 242 et distribué.
18
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée, à aujourd'hui, mercredi 8 mars 2006 à quinze heures et le soir :
1. Examen de demandes d'autorisation présentées :
- par la commission des affaires sociales tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en vue de se rendre en Allemagne, dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale afin d'étudier les modalités de financement de la protection sociale et la réforme du système de santé ;
- par la commission des finances tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en vue de se rendre au Japon et en Corée du Sud dans le cadre de la poursuite des travaux qu'elle consacre à l'étude des phénomènes de globalisation.
2. Discussion, après déclaration d'urgence, du projet de loi modifié par une lettre rectificative (n° 326 rectifié, 2001-2002), relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire ;
Rapport (n° 231, 2005-2006) présenté par MM. Henri Revol et Bruno Sido, au nom de la commission des affaires économiques ;
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi relatif à la fonction publique territoriale (n° 155, 2005-2006) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 13 mars 2006, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 13 mars 2006, à douze heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 8 mars 2006, à une heure.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD