PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'avis de la commission sur l'amendement n° 629, précédemment réservé, tendant à insérer un article additionnel avant l'article 3 bis.
La parole est à M. le rapporteur, pour donner cet avis.
M. Alain Gournac, rapporteur. L'objet du rapport demandé au Gouvernement par nos collègues du groupe CRC est insuffisamment précis, dans la mesure où le contenu de la notion d' « allocation d'autonomie de formation et d'accès à l'emploi » est difficile à cerner. En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappelle que l'accord unanime des partenaires sociaux sur la formation professionnelle a débouché sur la loi du 4 mai 2004, qui a créé un nouveau droit individuel à la formation ainsi que le contrat de professionnalisation et a rénové le plan de formation. Dans le cadre de ce texte, un Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie a d'ailleurs été mis en place.
Parallèlement, le Premier ministre a confirmé la mise en place d'un droit universel à la formation pour les jeunes qui n'auront pas eu la chance de sortir du système scolaire avec une véritable formation. Cette mesure fait partie des objectifs que le Premier ministre s'est fixés pour le mois de juin prochain.
Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 629.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant ou après l'article 3 bis (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 646, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 3 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches » est abrogée.
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Cet amendement vise à abroger l'ordonnance du 2 août 2005 qui instaure le contrat nouvelles embauches. Tout le monde se rappelle ce mauvais coup qui est intervenu pendant les vacances !
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Guy Fischer. Cette mesure phare du plan d'urgence pour l'emploi annoncé par M. de Villepin, à son arrivée en fonctions à Matignon, permet à l'employeur de se séparer de son salarié durant deux années sans fournir le moindre motif.
Avec ce contrat, qui va à l'encontre de tous les principes de droit du travail, l'employeur peut ainsi disposer de « salariés kleenex » - je n'aime pas beaucoup cette expression, mais elle fait de plus en plus partie du langage courant.
M. Jean Bizet. Provocation !
M. Guy Fischer. Sans s'attaquer directement aux garanties offertes par le code du travail, ce contrat met les salariés en situation de ne pas pouvoir les faire valoir.
Ainsi, le code du travail oblige l'employeur à payer les heures supplémentaires. Mais quel salarié osera les réclamer au cours des deux premières années de son CNE ? Cette même logique prévaut pour ce qui concerne le contrat première embauche.
Le CPE, comme le CNE, méconnaît certains droits élémentaires du travailleur, allant même jusqu'à les mépriser. Une période d'essai étendue change en effet considérablement la nature de la relation salariale, en limitant, par exemple, toute capacité d'expression du salarié, rendant impraticable le droit de grève et très difficile l'exercice du droit syndical.
Le CNE et le CPE contribuent également à renverser la norme centrale du travail salarié en France, le CDI, au profit d'autres formes de contrats, qui étaient devenues l'exception.
En permettant un retour au contrat journalier qui dominait jusqu'au début du XXe siècle, CPE et CNE balaient deux siècles de progrès en matière du droit du travail, deux siècles qui avaient d'abord vu disparaître le contrat de louage de services, puis reculer le contrat journalier au profit de contrats plus longs jusqu'à ce que le CDI soit instauré comme norme en 1979.
M. David Assouline. Bientôt le servage !
M. Guy Fischer. De plus, en légalisant, pour la première fois, le licenciement sans motif, CNE et CPE ancrent un peu plus profondément dans le droit français la liberté de licencier. Au gré des intérêts du patron, le sort des salariés sera encore plus enchaîné qu'auparavant aux secousses de l'activité, le CNE-CPE ajustant complètement l'emploi aux carnets de commandes.
Au total, c'est l'idée même du droit du travail qui recule. Le CNE et le CPE réduisent un peu plus encore la spécificité du contrat de travail par rapport à une relation commerciale classique et normalisent le travail comme marchandise, en diminuant drastiquement les obligations spécifiques des employeurs.
En multipliant les contrats précaires, le Premier ministre torpille les règles et les protections sociales générales.
M. David Assouline. C'est bon pour les sondages !
M. Guy Fischer. Il n'existera désormais plus de garanties collectives à l'embauche, et ce au grand bénéfice du patronat, mais en complète contradiction avec le droit international, qui bannit tout licenciement sans motif valable.
De plus, on sait maintenant que, sur la période couvrant les mois de septembre à décembre 2005, 80 % des embauches en CNE auraient été effectuées en CDI classique.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d'abroger cette ordonnance, qui ancre un peu plus encore les salariés dans la précarité, tout en ne donnant pas une impulsion nouvelle à l'emploi.
M. le président. J'appelle en discussion un amendement pratiquement identique au précédent.
Cet amendement, n° 178, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 3 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches » est abrogée.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Discuter maintenant de cet amendement peut sembler incongru, mais il n'est pas de notre fait que le déroulement de nos travaux se soit trouvé modifié !
Cet amendement prend tout son sens dans la mesure où le Premier ministre s'est prévalu de l'existence du CNE pour valider le CPE sans avoir consulté le Conseil d'État. Comme les ordonnances y afférentes n'ont pas été ratifiées, mon intervention vaudra explication de vote pour la ratification des ordonnances. Le Parlement n'a pas eu à débattre du contrat nouvelles embauches. Il est donc nécessaire que la voix des parlementaires se fasse entendre au sujet de ce dispositif.
Le contrat nouvelles embauches participe, monsieur le ministre, de la précarisation généralisée du salariat que vous avez entreprise. Il n'en était que le premier épisode ; c'était une première tentative pour voir ce qui allait advenir. Serait-il possible de prétendre, comme l'ont affirmé les représentants des employeurs, que le contrat nouvelles embauches allait déclencher des décisions d'embauche ? Le CNE allait-il débloquer les embauches ? Les résultats statistiques à court terme allaient-ils permettre de prétendre que des milliers d'emplois avaient été créés grâce à la mise en place du CNE ? L'essentiel étant, bien entendu, d'atteindre le printemps 2007.
Or qu'observe-t-on dès aujourd'hui ?
Les chiffres du chômage sont mauvais, et ce n'est d'ailleurs un sujet de réjouissance pour personne. Le CNE, qui est maintenant en vigueur depuis six mois, n'a pas créé d'emplois nets, ou si peu ! Les employeurs qui auraient embauché en CDI ou même en CDD l'ont fait en CNE, c'est-à-dire en accroissant la précarité des salariés.
En réalité, les premières statistiques dont on dispose aujourd'hui se sont retournées contre le CNE. En effet, 86 % des entreprises ayant eu recours à ce dispositif n'ont embauché qu'un seul salarié ; 40 % d'entre elles ont utilisé le CNE pour remplacer du personnel existant, et 71 % d'entre elles auraient tout de même embauché en l'absence du CNE : en CDI, dans 57 % des cas, en CDD, dans 40 % des cas.
Il ressort sans ambiguïté de ces pourcentages que, pour 57 % des embauches en CNE, l'utilisation de ce contrat a non pas créé l'embauche, mais prolongé la précarité.
M. David Assouline. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Godefroy. Au demeurant, les raisons invoquées pour justifier ce choix sont explicites : 55 % des employeurs ont voulu ne pas prendre de risques au cas où l'activité ralentirait. Quoi qu'on en pense, si l'on se met à leur place, on peut légitimement concevoir une telle attitude.
Toutefois, 51 % des employeurs avouent avoir voulu tester plus longtemps les compétences de la personne, 46 % d'entre eux ont voulu éviter ce qu'ils appellent les contraintes du CDI en cas de licenciement, et 21 % les contraintes du CDI.
Mieux encore, 35 % des embauchés étaient déjà dans l'entreprise, essentiellement en CDD ou en apprentissage. Ce que nous n'avons cessé de dénoncer se vérifie donc pleinement : le CNE est utilisé comme un effet d'aubaine ; il sert à maintenir délibérément le salarié en situation d'insécurité, salarié qui vit sous la menace permanente d'un licenciement sans procédure ni motivation.
Par ailleurs, les intentions des employeurs à l'issue de la période de deux ans sont également explicites. Si 43 % d'entre eux affirment qu'ils garderont le salarié, les autres disent ne pas savoir. Seulement 10 % d'entre eux ont le courage de leurs opinions et répondent franchement qu'ils n'ont pas l'intention de le garder. Ce sera donc un « licenciement » au bout de vingt-trois mois, avec une rotation des salariés sur des contrats qui seront en fait des CDD de vingt-trois mois, assortis d'une menace permanente de licenciement. Le CNE ne fait que permettre la substitution d'embauches en CDI par des CNE.
Monsieur le ministre, lorsque vous défendez les dispositifs que sont le CPE et le CNE, vous feignez d'oublier une donnée de base : l'employeur embauche s'il a du travail, si son activité augmente. Et, s'il a le choix entre plusieurs formules d'embauche, il optera pour celle qui lui convient le mieux. Vos contrats CNE et CPE ne font qu'élargir le panel des possibilités d'embauche sous contrat précaire.
Alors que le système existant fonctionnait jusqu'à présent sur des bases connues, une nouvelle jurisprudence va devoir s'édifier sur les bases d'un abus de droit réactivé et modernisé. Un jugement a déjà été rendu en la matière et a abouti à la condamnation de l'employeur ; je n'y reviendrai pas. D'autres contentieux sont en préparation. Aujourd'hui, l'incertitude juridique règne donc.
Le CPE vient compléter ce tableau sombre et confus. Le plus grave est bien entendu qu'il frappe de plein fouet les jeunes, y compris ceux qui ont suivi des études et pour lesquels leur famille s'inquiète désormais. Mais nous ne vous l'apprenons pas, monsieur le ministre, car nous vous l'avons déjà dit.
Au total, c'est un avenir fondé sur l'insécurité qui attend le monde salarié et singulièrement notre jeunesse. Ce n'est pas sur cette base que l'on peut espérer rendre confiance aux Français et trouver un nouvel élan pour réussir collectivement.
De tous côtés, des inquiétudes naissent : pour l'emploi, pour le pouvoir d'achat, pour la retraite future, pour la santé, pour tout ce qui fait la vie des gens simples, ceux qui, comme le chante Ferrat, ne possèdent en or que leurs nuits blanches. Or cette sécurité est vitale pour les gens modestes. Et vous, vous généralisez la précarité !
Si le salarié a affaire à un employeur de bonne foi, ce qui est certes la majorité des cas, le CNE n'apporte rien. Il crée seulement une insécurité pour le salarié, lequel peut, dans ces conditions, espérer avoir, au bout de deux ans, le CDI qu'il aurait dû avoir au départ. Mais, s'il a affaire à l'un de ces employeurs dont j'ai parlé tout à l'heure, l'un de ceux qui affirment déjà vouloir se débarrasser du salarié avant deux ans, alors il y a vraiment tromperie sur le plan moral.
Au mieux, le CNE ne sert à rien - les chiffres actuels du chômage le prouvent - au pire, il est profondément nuisible.
M. le président. Veuillez terminer, mon cher collègue !
M. Jean-Pierre Godefroy. J'aborderai brièvement la question juridique.
Contrairement à ce que vous voulez faire croire aux employeurs, surtout aux chefs de petites entreprises, monsieur le ministre, le CNE ne leur permettra pas de se débarrasser si facilement, voire impunément, d'un salarié qui ne leur plaît plus. Ce n'est pas d'un abus de droit qu'il est question à leur égard, c'est presque d'un abus de confiance. Si le licenciement n'est pas motivé, les salariés demanderont à la justice de leur faire connaître le motif. Mais, au bout de combien de temps la justice se prononcera-t-elle ?
M. le président. Mon cher collègue, veuillez conclure !
M. Jean-Pierre Godefroy. Ainsi, croyez-vous que, dans une ville où tout le monde se connaît, le jeune en CPE qui ira devant le conseil des prud'hommes estimant abusif le licenciement dont il a été victime, pourra obtenir, dans l'attente du prononcé du jugement, un nouveau CPE dans une autre entreprise qui connaîtra la précédente et saura qu'il a déjà engagé un recours en justice ? Certainement pas.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous voulons abroger cette ordonnance, et ce par scrutin public. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 646 et 178 ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ces amendements ayant pour objet d'abroger l'ordonnance relative au contrat nouvelles embauches, nous ne pouvons qu'y être défavorables.
Nous pensons justement que le CNE s'insère dans la palette des moyens à saisir pour aider à entrer dans l'emploi ou à retrouver du travail. Et le CNE fonctionne bien ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. David Assouline. Ce n'est pas vrai !
M. Alain Gournac, rapporteur. Si, si ! Mais vous n'avez pas les mêmes informations que nous !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous l'avons lu dans l'Huma ! (Rires.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Non, ce n'était pas dans l'Huma, tout de même ! (Nouveaux rires.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est de l'INSEE et de la DARES que nous tenons nos informations !
M. Alain Gournac, rapporteur. En tout cas, nous donnons un avis défavorable parce que nous, on est pour le CNE ! Voilà !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je suis, bien sûr, défavorable à ces deux amendements.
Les chiffres ayant déjà été abondamment cités au cours de nos débats, je rappellerai simplement que les personnes embauchées en CNE, si l'on se réfère aux données de Réseau TPE, étaient antérieurement, pour 56 % d'entre elles, soit au chômage, soit au RMI, soit sans aucune activité ni indemnité.
J'ajoute que le CNE a eu pour conséquence une décision d'embauche - qui ne serait pas intervenue en l'absence d'un tel contrat - dans plus de 35 % des cas. Par ailleurs, 17 % de ces embauches concernaient des entreprises qui n'avaient jamais eu de salarié auparavant et que ce dispositif les a incitées à franchir le pas.
Nous évaluerons - et je sais que cette préoccupation est partagée par la commission des affaires sociales, notamment par son président - les résultats du CNE comme ceux du CPE. Nous l'avons dit, au sein du pôle de cohésion sociale : nous entendons procéder dès maintenant à cette évaluation, qui fera naturellement l'objet de débats au sein du Conseil d'orientation pour l'emploi et avec les partenaires sociaux, ainsi que, bien entendu, avec les commissions intéressées de l'Assemblée nationale et du Sénat.
M. le président. Je suis saisi, par le groupe CRC, d'une demande de scrutin public sur l'amendement n° 646 et, par le groupe socialiste, d'une semblable demande sur l'amendement n° 178.
Dans la mesure où ces amendements sont quasiment identiques, ne différant que par leur place d'insertion dans le texte, je vais les mettre aux voix en même temps.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 144 :
Nombre de votants | 295 |
Nombre de suffrages exprimés | 294 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 148 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 167 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Articles additionnels après l'article 3 bis (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 672, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le nombre de personnes embauchées en contrat autre qu'un contrat à durée indéterminée ne peut excéder un seuil, équivalent à 10 % de l'effectif de l'entreprise, calculé dans les conditions définies à l'article L. 620-10 du code du travail.
La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Les emplois précaires, sous-qualifiés et mal rémunérés deviennent la norme. Les CDD, l'intérim, le temps partiel subi, les emplois aidés de toutes sortes s'imposent dorénavant au détriment de l'emploi que l'on disait « typique », c'est-à-dire l'emploi à temps complet, en contrat à durée indéterminée, et qui offrait un niveau de revenu permettant une projection personnelle et familiale dans l'avenir, ainsi qu'un statut social et des droits.
Actuellement, 17 % des actifs n'ont qu'un emploi précaire, auxquels s'ajoutent 5 % qui se trouvent en situation de sous-emploi, ces derniers travaillant à temps partiel, alors qu'ils souhaiteraient travailler plus.
Au total, un travailleur sur cinq est victime de conditions d'emploi dégradées.
Ces chiffres sont encore plus éloquents pour les très petites entreprises, puisque 41 % de leurs salariés sont employés à temps partiel, sous un contrat à durée déterminée ou bénéficient d'une aide ciblée de l'État. Cela concerne donc près d'un travailleur sur deux.
Or, qui dit « emploi précaire » dit « revenu précaire » et, par conséquent, des conditions de vie familiale fragiles.
Ce constat se retrouve d'ailleurs dans le nombre des travailleurs pauvres, qui n'a cessé de s'accroître ces dernières années. Il dépasse actuellement 3 millions de personnes.
Aujourd'hui, le fait de disposer d'un travail ne préserve plus de la pauvreté. Cette situation inacceptable s'explique par le recours trop important des entreprises aux contrats précaires ou à temps partiel.
La politique menée par ce gouvernement, pour des raisons de flexibilité, donne largement raison aux entrepreneurs qui favorisent une gestion de leur personnel à court terme, « à flux tendu ».
Une telle augmentation est, une fois encore, le résultat de votre politique.
C'est pourquoi notre amendement vise à limiter le recours abusif aux emplois précaires et au temps partiel dans les entreprises, et ce quelle que soit leur taille.
Nous proposons que « le nombre de personnes embauchées en contrat autre qu'un contrat à durée indéterminée ne puisse excéder un seuil, équivalent à 10 % de l'effectif de l'entreprise, calculé dans les conditions définies à l'article L. 620-10 du code du travail ».
Cette mesure, en rendant obligatoire la limitation du recours aux emplois précaires, aura un réel effet sur l'emploi en France, en même temps qu'elle agira efficacement contre le développement insupportable des travailleurs pauvres en France. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous l'avons déjà dit aujourd'hui, nous ne voulons pas rigidifier artificiellement la gestion du personnel dans l'ensemble des entreprises parce que cela, ensuite, le personnel le ressent. Or il faut qu'il y ait un climat favorable.
C'est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je souligne tout d'abord que le CDI représente 90 % des contrats et qu'aujourd'hui c'est surtout dans la fonction publique qu'il y a des contrats précaires, non dans l'entreprise privée.
La fixation d'un seuil n'est pas en elle-même de nature à offrir plus de stabilité aux salariés. La stabilisation que nous souhaitons interviendra à l'issue de la phase de consolidation tant du contrat nouvelles embauches que du contrat première embauche.
Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je tiens simplement à montrer à M. Larcher que notre amendement est fondé.
Je prendrai deux exemples, monsieur le ministre : l'usine Peugeot à Sochaux et l'usine Citroën à Aulnay-sous-Bois.
L'une comme l'autre - à croire qu'elles se sont donné le mot ! - ont, compte tenu des difficultés du marché automobile, dans les semaines qui ont précédé nos débats, mis fin à près de 600 contrats précaires. C'est ainsi que 1 200 jeunes se sont vus, de la même façon, privés d'emploi du jour au lendemain.
Ces informations ne proviennent pas de sources communistes ; l'une d'elles nous a été transmise par notre collègue Louis Souvet et l'autre a été révélée par la presse ; elle a d'ailleurs suscité de vives protestations de la part des organisations syndicales.
Vous pouvez donc toujours mettre en place un certain nombre de dispositifs censés ramener les jeunes à l'emploi. Mais, pour ces deux seules entités industrielles du groupe PSA, 1 200 jeunes salariés se sont retrouvés du jour au lendemain à la porte.
Expliquez-moi, monsieur le ministre, comment les dispositifs intelligents que vous comptez mettre en oeuvre dans ce projet de loi et que vous avez déjà mis en oeuvre avec un précédent texte vont permettre de corriger les inégalités territoriales, les injustices et les discriminations à l'emploi que vit dramatiquement la Seine-Saint-Denis, notamment à l'usine Citroën d'Aulnay-sous-Bois ?
Je crois très sincèrement que les limitations en matière de travail précaire que nos amendements visent à imposer aux entreprises qui ont recours à ce type d'emploi sont parfaitement justifiées.
M. le président. L'amendement n° 674, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article L. 122-25 du code du travail, après les mots : « résilier son contrat de travail au cours d'une période d'essai », sont insérés les mots : «, ou au cours des deux premières années d'un contrat nouvelles embauches ou d'un contrat première embauche. »
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'article L. 122-25 du code du travail, que nous souhaitons modifier, concerne la protection de la maternité. Bien sûr, il aurait été plus judicieux d'examiner ces amendements portant articles additionnels lorsque les différents sujets qu'ils abordent ont été évoqués... Mais vous n'avez pas voulu qu'il en soit ainsi !
Le présent amendement vise à garantir la situation des femmes en état de grossesse qui sont embauchées en contrat nouvelles embauches ou en contrat première embauche, si jamais celui-ci voit le jour.
M. Jean-Luc Mélenchon. Hélas !
M. Roland Muzeau. Nous considérons en effet que la protection de la salariée enceinte est une disposition qui ne doit subir aucune dérogation, a fortiori lorsqu'il s'agit de CNE ou de CPE.
Certes, en théorie, un employeur, quelle que soit la nature du contrat de travail, n'a pas le droit de licencier pour un motif discriminatoire ou pour cause de maternité. Mais qu'en est-il lorsqu'il s'agit d'un CNE ou d'un CPE ?
En effet, la principale dérogation dans ces deux contrats est, je le rappelle, l'institution d'une période d'essai de deux ans durant laquelle l'employeur peut licencier son salarié sans aucun motif et par simple lettre recommandée. Cela signifie, en clair, qu'il peut licencier une femme enceinte, et ce, bien sûr, sans faire référence à l'état de grossesse de la salariée.
On peut dès lors s'interroger sur la possibilité d'effectuer un recours devant un juge sur le caractère réel et sérieux des motifs du licenciement ou en cas de licenciement abusif.
Faut-il rappeler que, pendant la période d'essai de deux ans instaurée par ces contrats, non seulement les femmes enceintes ne sont plus protégées mais, au-delà, les droits des salariés en général ne sont plus garantis puisque l'employeur peut licencier sans aucun motif et par simple lettre recommandée ?
L'employeur ne sera plus tenu de convoquer le salarié pour un entretien préalable au licenciement. Les règles en vigueur concernant le délai-congé, c'est-à-dire le préavis de licenciement, seront modifiées. Le motif économique du licenciement, qui ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d'adaptation ont été réalisés, n'aura plus lieu d'être. Il en est de même pour l'obligation d'établir un plan social de sauvegarde de l'emploi dans les entreprises de plus de cinquante salariés ou pour celle d'accorder, dans les entreprises de plus de mille salariés, un congé de reclassement rémunéré au salarié.
Seule exception aux dérogations : les procédures d'information et de consultation attachées au licenciement économique seront maintenues pour les licenciements collectifs des salariés embauchés en CPE.
Toutefois, je vois mal comment cette obligation pourrait être conciliée avec l'autorisation de licencier sans motif, qui prive les représentants du personnel du pouvoir de contester le bien-fondé de la décision. (M. le ministre délégué a un entretien particulier avec un sénateur.) Et, si vous voulez bien m'écouter, monsieur le ministre, je ne doute pas que vous vous attacherez à répondre à mes interrogations.
Le flou du texte sur ce point le rend juridiquement incertain,... monsieur le ministre. C'est pourquoi,... monsieur le ministre,... s'agissant plus spécialement de garantir les droits des femmes,... monsieur le ministre,... en état de grossesse - pas le ministre, mais les femmes ! (Rires sur les travées du groupe CRC) -, embauchées en CNE ou en CPE, nous proposons d'adopter l'amendement n° 674,... monsieur le ministre.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président,... monsieur le ministre,... (Sourires) mes chers collègues, il a été amplement démontré, au cours des quatre-vingt-quatre heures de débats, que la protection des femmes enceintes contre les licenciements est parfaitement assurée par le code du travail et le code pénal. Avis défavorable.
M. Roland Muzeau. Vous perdez encore 3 % dans les sondages !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappelle que les dérogations ne concernent absolument pas les articles protégeant les femmes enceintes ou celles qui sont dans une période de suspension prévue à l'article L. 122-26 du code du travail ; je vous renvoie à l'article L. 122-27. Ce sujet a déjà fait l'objet d'un long débat.
Avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je vois bien que M. le ministre a « loupé » quelques éléments de mon explication. En conséquence, je souhaiterais y revenir.
Vous l'avez bien compris, notre groupe votera à l'unanimité en faveur de l'amendement n° 674, que je crois avoir présenté de manière à la fois claire et convaincante.
M. Jacques Mahéas. Absolument !
M. Roland Muzeau. Mais M. le ministre a eu quelques difficultés à m'écouter. (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
La protection de la salariée enceinte est un dispositif auquel on ne saurait déroger, a fortiori lorsqu'il s'agit de contrats de travail aussi précaires que le CNE ou le CPE, si ce dernier voit le jour.
L'absence de toute motivation permettra toutes sortes de licenciements : je pense notamment à des licenciements sans cause réelle et sérieuse, à des licenciements abusifs... Nous l'avons déjà dit au moins deux fois, voire trois fois !
M. David Assouline. Mais M. le ministre n'a pas répondu !
M. Roland Muzeau. On risque alors de connaître, sans doute plus vite que prévu, la même situation que - prenons un exemple au hasard ! - aux Etats-Unis. (Sourires.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Quelle horreur !
M. Roland Muzeau. Dans ce pays, en raison de la faible protection qu'offrent les contrats de travail, on embauche et on licencie à volonté,...
M. David Assouline. Le jugement de Longjumeau !
M. Roland Muzeau. ... et les contentieux autour de la discrimination ont tendance à se multiplier.
Les salariés contestent ainsi leur licenciement en arguant d'une discrimination du fait de leur couleur, de leur âge, de leur orientation sexuelle, etc.
M. Jean-Luc Mélenchon. De leur religion !
M. Roland Muzeau. Ou en raison de leur religion effectivement, comme on le souffle fort justement sur les travées du groupe socialiste, où l'on prête attention à mes propos ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
En France, les premiers contentieux ont déjà commencé à être portés devant les tribunaux, avec la condamnation, en août 2005, d'une PME pour rupture abusive d'un CNE. Mais, avec le CNE ou le CPE, c'est désormais au salarié de prouver que le motif pour lequel il a été licencié ne revêt pas un caractère réel et sérieux ou encore qu'il a été licencié abusivement. Là réside malheureusement toute la différence !
Faute d'une protection adéquate contre les licenciements, les contentieux pour abus de droit ou discriminations raciale, politique, sexuelle, syndicale ou autre vont sans doute se multiplier.
Pour toutes ces raisons, j'estime indispensable d'inscrire dans le marbre de la loi que l'employeur ne doit pas prendre en considération l'état de grossesse d'une femme pour résilier son contrat de travail, y compris au cours des deux premières années d'un CNE ou d'un CPE.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est déjà le cas !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On peut le deviner, son vote !
M. Jacques Mahéas. C'est aussi à l'unanimité que le groupe socialiste soutiendra cet amendement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous me fascinez !
M. Jacques Mahéas. Et vous aurez noté que ce sont des hommes qui s'expriment à son sujet !
Ce qui me frappe, c'est que le CPE et le CNE sont, par définition, des contrats fragiles et tout particulièrement pour les plus fragiles.
Monsieur le ministre, pour certaines entreprises, notamment les entreprises de main-d'oeuvre où peu de qualification est exigée - et je pense plus spécialement aux entreprises de nettoyage, qui emploient beaucoup de femmes, c'est ainsi ! -, il serait bon que vous définissiez davantage la nature de quelques-unes de leurs obligations à l'égard des femmes, même si vous nous dites que ces dernières sont protégées par les textes habituels.
M. Jean Bizet. Parce que c'est vrai !
M. Jacques Mahéas. N'oublions pas que le code du travail ne s'applique pas au contrat première embauche !
Nous souhaitons donc que vous nous apportiez de véritables précisions.
M. Jean Bizet. C'est fait !
M. Jacques Mahéas. C'est fait, certes, mais ce n'est pas écrit ! Ce qui va bien en le disant va encore mieux en l'écrivant.
M. Roland Muzeau. Eh oui !
M. Jacques Mahéas. En conséquence, afin que les choses soient définitivement claires, le groupe socialiste souhaite, comme le groupe communiste républicain et citoyen, que l'amendement n° 674 soit voté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 673, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 3 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans l'article L. 321-9 du code du travail, après la référence : « L. 321-4-1 », sont supprimés les mots : « à l'exception du deuxième alinéa ».
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement vise à rétablir l'obligation de reclassement en cas de licenciement collectif dans le cadre d'un redressement judiciaire.
L'article L. 321-9 prévoit qu'en cas de redressement judiciaire l'employeur ou le liquidateur qui envisage de procéder à des licenciements économiques doit suivre la procédure de droit commun, telle qu'elle est décrite à l'article L. 321-4-1, à l'exception du deuxième alinéa.
Ce deuxième alinéa précise que « la procédure de licenciement est nulle et de nul effet tant qu'un plan visant au reclassement de salariés s'intégrant au plan de sauvegarde de l'emploi n'est pas présenté par l'employeur aux représentants du personnel, qui doivent être réunis, informés et consultés ». Il est regrettable qu'une telle disposition ne soit pas appliquée en cas de redressement judiciaire.
La question du licenciement est au coeur de nos débats dans la mesure où le CPE ouvre une brèche sans précédent dans notre législation. Plus que jamais, la protection des salariés face aux licenciements est menacée. Le projet de loi de programmation pour la cohésion sociale avait déjà durablement mis à mal cette législation.
Que ce soit pour les entreprises de moins de mille salariés ou pour les grands groupes, le patronat se trouve socialement déresponsabilisé, soit en monnayant la convention de reclassement, soit en se déclarant en difficultés financières, et ce pour ne pas plier à ses obligations de réindustrialisation.
Les dispositions qui ouvrent des possibilités de contourner l'obligation de reclassement sont dangereuses ; c'est pourquoi nous les avons largement dénoncées. Mais l'introduction de dérogations au principe de nullité du licenciement si le plan de reclassement n'a pas été présenté au personnel est tout aussi problématique.
Par cet amendement, nous souhaitons donc revenir sur cette disposition, dans une période où la protection en cas de licenciement est largement menacée. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur le président,...
M. David Assouline. Monsieur le rapporteur, vous devez argumenter !
M. Alain Gournac, rapporteur. Avis défavorable. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Voilà qui est argumenté !
Mme Éliane Assassi. Nous nous expliquons, vous pourriez en faire autant !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Si une entreprise est, sur décision du tribunal de commerce, en redressement ou en liquidation, c'est qu'elle a des difficultés ! Dès lors, ce n'est pas à ce moment-là qu'il faut augmenter les charges et les procédures qui pèsent sur elle, étant entendu que l'objectif est de tenter de sauver l'entreprise pour sauvegarder un maximum d'emplois.
M. David Assouline. C'est le MEDEF qui s'exprime !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Votre proposition, au contraire, risquerait d'aggraver les situations de ces entreprises. Voilà qui est, pour le moins, paradoxal !
Quel est l'esprit de la loi du 18 janvier 2005 en ce qui concerne les mutations économiques ? Avec moins de procédures - mais je crois qu'on a du mal à s'en passer dans ce pays ! - et plus de mesures d'anticipation, les mutations économiques pourront s'opérer.
C'est effectivement sur cette anticipation, sur la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences - au niveau de chaque grande entreprise et au niveau de la branche pour les plus petites entreprises -, sur la mise en place d'accords de méthode, sur la convention de reclassement personnalisé qu'il faut compter, plutôt que sur la judiciarisation. Tels sont les enjeux !
En conséquence, nous sommes défavorables à l'amendement n° 673, car il ne sert ni l'intérêt de l'emploi ni celui des entreprises.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 673.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 145 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 199 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 819, présenté par M. About, est ainsi libellé :
Après l'article 3 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Afin de permettre l'évaluation mentionnée au IV de l'article 3 bis, lorsque le contrat première embauche est rompu pendant les deux premières années de sa conclusion, l'employeur adresse à la direction départementale du travail et de l'emploi du département où est implantée l'entreprise, un document indiquant la personne qui a pris l'initiative de la rupture et le motif de celle-ci. Un décret précise les conditions de mise en oeuvre de cette disposition.
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Si l'on souhaite réellement pouvoir évaluer le dispositif du CPE, il est nécessaire de disposer d'éléments statistiques adéquats. Cet amendement tend donc à proposer une formule permettant de savoir comment et pourquoi le contrat de travail a été rompu.
Par ailleurs, il renvoie à un décret la forme que la communication à la direction départementale du travail et de l'emploi devra prendre.
L'objectif d'un tel dispositif est de ne pas favoriser une judiciarisation inutile ou abusive, mais de permettre tout de même qu'une évaluation digne de ce nom soit réalisée. Sinon, nous aurons un dispositif qui s'appuie sur le sable, autrement dit sur pas grand-chose !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission souhaite bien sûr qu'une évaluation du dispositif du CPE soit réalisée, et ce avant 2008, comme nous l'avons précisé au cours des débats. Cela permettra d'identifier les difficultés éventuelles dans la mise en oeuvre du contrat première embauche.
Cela étant, nous aimerions connaître l'avis du Gouvernement sur cette proposition du sénateur About.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappelle les termes du IV de l'article 3 bis :
« Les conditions de mise en oeuvre du "contrat première embauche" et ses effets feront l'objet, au plus tard au 31 décembre 2008, d'une évaluation par une commission associant les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel. » Chacun a bien entendu : l'évaluation sera réalisée « au plus tard au 31 décembre 2008 ».
Au cours des débats, j'ai eu l'occasion de dire que nous procéderions à cette évaluation en liaison, bien évidemment, avec le Parlement. Adopter la proposition de M. About reviendrait à redonner au service public de l'emploi une prérogative dont il disposait avant 1986, au travers de la procédure d'information et d'autorisation administrative de licenciement.
En tout état de cause, Jean-Louis Borloo a pris l'initiative, en accord avec le Premier ministre, de mettre en place une évaluation continue des dispositifs du CNE et du CPE. C'est en tout cas un outil statistique que nous devons construire avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS, à laquelle sont déclarées les intentions d'embauche.
Rappelons que le CNE et le CPE ont notamment pour vocation, nous l'avons dit clairement, de lever le frein à l'embauche, donc au développement de l'emploi, que représente la motivation d'une éventuelle rupture de contrat. Il ne s'agit pas, pour autant, de faire de ces dispositifs une sorte de « zone franche » au regard du droit du travail.
Par conséquent, nous ne pouvons que donner un avis défavorable sur cet amendement, même si nous comprenons les préoccupations de son auteur. Toutefois, je prends l'engagement que, dans le cadre de l'évaluation continue, nous étudierons le fonctionnement des dispositifs avec les organismes sociaux, puisque que c'est l'ACOSS qui reçoit les déclarations d'intention d'embauche, s'agissant de contrats de droit privé signés entre des entreprises et des salariés, sans intervention de l'État.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About, pour explication de vote.
M. Nicolas About. Je voudrais tout d'abord remercier M. le ministre des informations qu'il vient de me donner.
Par ailleurs, je tiens à indiquer, afin que le Journal officiel en fasse tout de même mention, que la commission avait décidé d'émettre un avis favorable sur mon amendement, non de s'en remettre à l'avis du Gouvernement.
Enfin, paraphrasant un slogan publicitaire pour le Loto, j'observerai que la démarche d'évaluation présentée par M. le ministre nous permettra d'apprendre que 100 % des patrons qui auront signé un CPE avaient souhaité le faire ! (Sourires.) En revanche, personne ne saura jamais pourquoi un CPE aura été rompu, et l'on n'obtiendra pas les données indispensables à une véritable évaluation du dispositif.
Nous avons déjà débattu de cette question lors de l'examen de l'article 3 bis, et nous sommes alors tombés d'accord pour que rien ne vienne « parasiter » la rédaction de ce dernier. Je pensais que nous pourrions établir ultérieurement une définition plus précise du dispositif d'évaluation, mais je m'aperçois qu'un raisonnement différent est suivi aujourd'hui. N'ayant pas les moyens de lutter, je retire l'amendement ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
L'opposition s'est toujours « défilée » au moment de voter, chers collègues !
M. le président. L'amendement n° 819 est retiré.
M. Jacques Mahéas. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 819 rectifié.
Vous avez la parole, monsieur Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Cet amendement nous semble intéressant. Il aurait même été parfait, et nous aurions alors pu le voter des deux mains, s'il avait été ajouté que le salarié concerné serait lui aussi destinataire du document adressé par l'employeur et indiquant quelle personne a pris l'initiative de la rupture du contrat, ainsi que le motif de celle-ci.
Nous avons déjà beaucoup débattu du fait que le salarié puisse être licencié sans en être avisé. Nous nous étions, les uns et les autres, fortement interrogés à ce sujet et cela a même donné lieu, me semble-t-il, à un vote « par assis et levé ».
Or le présent amendement prévoit seulement que la direction départementale du travail et de l'emploi sera prévenue de la rupture du contrat. Bref, tout le monde serait informé, sauf l'intéressé !
M. Nicolas About. Bien sûr que si !
M. Jacques Mahéas. Celui-ci recevrait simplement une lettre de licenciement, sans qu'aucun motif y soit précisé. En revanche, le motif de la rupture du contrat serait connu de la direction départementale du travail et de l'emploi !
Quoi qu'il en soit, tout cela m'amène à m'interroger sur la confusion qui règne dans cette affaire : en séance publique, le rapporteur s'en remet à l'avis du Gouvernement sur un amendement que la majorité de la commission avait accepté.
M. Nicolas About. C'est la liberté du Parlement !
M. Jacques Mahéas. Par ailleurs, M. le ministre donne bien quelques assurances, mais il omet l'essentiel, qui est de garantir que le titulaire d'un CPE sera informé du motif pour lequel son contrat est rompu. C'est pourtant la moindre des choses !
Nous tenions à souligner que nous ne changeons pas d'attitude, et que nous sommes toujours animés par le respect des jeunes qui signeront un contrat de première embauche.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je remercie M. Jacques Mahéas d'avoir repris cet amendement, car cela me permet d'exposer pourquoi nous voterons contre. Sans cette initiative de notre collègue, nous aurions été contraints au silence, ce qui m'aurait beaucoup ennuyé ! (Sourires.)
M. Nicolas About. Si j'avais maintenu mon amendement, vous auriez voté contre !
M. Roland Muzeau. Mais c'est ce que je vais faire, monsieur About ! S'il fallait vous rassurer, voilà qui est fait.
M. Nicolas About. J'ai eu peur ! (Nouveaux sourires.)
M. Roland Muzeau. Vous avez dit, monsieur About, que votre préoccupation était de connaître le motif de la rupture d'un contrat de première embauche. À mes yeux, ce point est second !
M. Nicolas About. Cela permet au jeune de savoir !
M. Roland Muzeau. Ma préoccupation première, c'est d'empêcher l'existence du CPE !
M. Nicolas About. Ah !
M. Roland Muzeau. Je me fous de savoir, trois ans après l'institution du dispositif, combien de dizaines de milliers de jeunes auront été victimes de cette nouvelle invention de la droite...
M. Nicolas About. Vous vous en foutez ?
M. Roland Muzeau. ...et auront été « virés » des entreprises du jour au lendemain, sans aucun motif. Ce que je veux, monsieur About, et cela figurera aussi au Journal officiel, c'est qu'il n'y ait pas de CPE et qu'il n'y ait plus de CNE !
M. Nicolas About. C'est sûr !
M. Charles Pasqua. Vous préférez des chômeurs ?
M. Roland Muzeau. Si vous le souhaitez, monsieur Pasqua, vous pourrez vous exprimer !
Je veux que les embauches se fassent par le biais de contrats de travail normaux, que, au terme de la période d'essai, ces contrats soient confirmés, et que, s'ils doivent être rompus, leurs titulaires en soient avisés par lettre et soient convoqués pour un entretien préalable, selon la procédure normale de licenciement, en ayant la possibilité de se faire accompagner par un salarié de leur choix ou par un délégué du personnel !
Ce qui m'intéresse, ce n'est pas de connaître la cause du malheur des gens, c'est d'empêcher ce malheur !
Telle est la raison pour laquelle je voterai contre cet amendement.
M. Nicolas About. Je ne crois pas !
M. Roland Muzeau. Monsieur About, vous avez eu l'occasion, au fil des débats, de voter certains amendements, émanant du groupe CRC et du groupe socialiste, mais aussi du groupe de l'Union centriste-UDF, qui allaient dans le sens que vous semblez souhaiter maintenant. Ce ne sont pas les appels du pied qui ont manqué !
M. Nicolas About. Vous n'avez jamais voté les amendements du groupe de l'Union centriste-UDF !
M. Alain Gournac, rapporteur. Aucun !
M. Roland Muzeau. Certains de ces amendements visaient à empêcher la création du CPE, d'autres tendaient à obliger à motiver les ruptures de contrat. Or vous vous y êtes opposé !
Je voterai donc contre cet amendement, en me réjouissant, je le répète, qu'il ait été repris, car cela m'a permis de m'exprimer.
MM. Jacques Mahéas et David Assouline. Il a été repris et modifié !
M. le président. Il a bien été repris, mais je n'ai été saisi d'aucune rectification.
La parole est à M. Laurent Béteille, pour explication de vote.
M. Laurent Béteille. La proposition initialement présentée par M. About me paraît intéressante en soi. Son adoption permettrait de disposer de statistiques utiles.
Cela étant, la formulation me semble tout de même présenter une difficulté dans la mesure où ce n'est pas forcément l'employeur qui met un terme au contrat : cela peut aussi être le salarié et, dans cette hypothèse, l'entreprise ne sera nécessairement en mesure d'indiquer les motifs de la rupture.
En tout état de cause, les informations données par M. le ministre sont de nature à nous apaiser. C'est pourquoi il me paraît logique que nous votions contre cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Bien évidemment, nous avons repris cet amendement afin d'avoir la possibilité de nous exprimer. Nous l'aurions voté s'il avait été ajouté, comme je l'ai précisé tout à l'heure, que le document indiquant quelle personne a pris l'initiative de la rupture du contrat et le motif de celle-ci serait adressé aussi au salarié concerné, et non pas seulement à la direction départementale du travail et de l'emploi.
Nous demeurons ici dans la logique des amendements que nous avons déjà présentés. Cela étant, il semble que nos intentions n'aient pas été comprises par l'ensemble de la Haute Assemblée. Dans ces conditions, nous retirons l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 819 rectifié est retiré.
Articles additionnels après l'article 4 quinquies (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 179, présenté par Mme Khiari, M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard, C. Gautier, Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sont éligibles aux chambres de métiers les personnes physiques et morales inscrites sur les listes électorales dressées par les chambres de métiers, et à jour de leurs cotisations fiscales et sociales, sans condition de nationalité.
L'amendement n° 180, présenté par Mme Khiari, M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard, C. Gautier, Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Sont éligibles aux chambres de commerce les personnes physiques et morales inscrites sur les listes électorales dressées par les chambres de commerce, et à jour de leurs cotisations fiscales et sociales, sans condition de nationalité.
L'amendement n° 182, présenté par Mme Khiari, M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard, C. Gautier, Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les listes électorales dressées par les chambres de métiers comprennent l'ensemble des personnes physiques et morales inscrites au répertoire des métiers et à jour de leurs cotisations fiscales et sociales, sans condition de nationalité.
L'amendement n° 181, présenté par Mme Khiari, M. Godefroy, Mmes Le Texier, Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard, C. Gautier, Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les listes électorales dressées par les chambres de commerce comprennent l'ensemble des personnes physiques et morales inscrites au registre du commerce et à jour de leurs cotisations fiscales et sociales, sans condition de nationalité.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, pour des raisons de cohérence et de clarté, je défendrai d'abord l'amendement n° 182, puis, successivement, les amendements nos 181, 180 et 179.
En effet, il s'agit de demander, d'abord, le rétablissement du droit de vote aux élections consulaires, puis l'éligibilité, qui en découle, pour les commerçants et les artisans qui ne sont pas de nationalité française ni ressortissants d'un État membre de l'Union européenne.
À cet instant, il convient de mettre en exergue la démarche significative des jeunes des cités qui, à l'issue de la crise des banlieues, sont allés s'inscrire en nombre sur les listes électorales, affirmant par là même la primauté qu'ils accordent à la citoyenneté sur une identité dans laquelle on voudrait les enfermer. Ils seront sensibles au rétablissement d'une parcelle de droit et de citoyenneté en faveur de leurs parents, qui fait l'objet de l'amendement n° 182.
Je rappelle que le droit de vote aux élections consulaires a été supprimé le 24 août 2004 pour les artisans étrangers n'étant pas ressortissants d'un État de l'Union européenne. Ils n'ont ainsi pas pu voter aux dernières élections aux chambres de métiers. Ce droit acquis leur a été retiré sans plus d'explications.
Or il s'agissait pour eux non seulement d'un juste droit au regard de leur participation à la vie de la cité,...
M. Jacques Mahéas. Tout à fait !
Mme Bariza Khiari. ...mais aussi d'un puissant facteur d'intégration. L'artisanat est la première entreprise de France : elle comprend des milliers d'artisans issus d'États extracommunautaires, contribuables, employeurs et créateurs de richesse.
En trente ans, les ressortissants de ces États ont acquis une série de droits au sein des entreprises : être élu délégué du personnel ou délégué syndical, participer aux élections prud'homales... La dernière avancée obtenue, qui date du gouvernement de Lionel Jospin, leur permettait précisément d'être électeurs dans leur secteur d'activité et de choisir leurs représentants dans les chambres de métiers.
Vous savez comme moi, monsieur le ministre, que les discriminations à l'embauche les touchent plus que d'autres. Dos au mur, ils créent, pour s'en sortir, leur petite entreprise, et souvent avec beaucoup de réussite.
S'agissant d'un texte relatif à l'égalité des chances, nous proposons, par cet amendement, de rétablir un droit qu'ils avaient acquis et de conforter ainsi, parmi les jeunes des cités, un sentiment d'appartenance à la nation, à travers le regard positif qui sera porté sur leurs parents. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'amendement n° 182 tend à mettre fin à une discrimination à l'encontre des artisans qui ne sont pas de nationalité française ni ressortissants d'un État membre de l'Union européenne.
La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement, mais elle est plutôt défavorable à cet amendement.
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Pourquoi ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Parce que !
M. Jacques Mahéas. Et l'égalité des chances ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission se prononce de la même manière sur l'amendement n° 179.
La commission est également défavorable aux amendements n s° 181 et 180.
M. Jean-Pierre Sueur. Pourrait-on savoir pourquoi ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame le sénateur, permettez-moi de distinguer le régime des chambres de métiers du régime des chambres de commerce, car l'un est d'ordre réglementaire et l'autre d'ordre législatif, ce qui peut d'ailleurs apparaître comme un paradoxe.
Vos propositions sur les chambres de métiers, contenues dans les amendements n °S 179 et 182, ne peuvent pas aujourd'hui se rattacher à une disposition législative. Elles ne seraient donc pas conformes à la jurisprudence du Conseil constitutionnel sur les dispositions réglementaires.
Cela étant, nous élaborons actuellement avec les représentants des chambres de métiers et de l'artisanat, un projet de décret ouvrant le droit de vote aux étrangers ; le décret devrait être publié au plus tard durant la première quinzaine de mai.
M. Jean-Pierre Sueur. Ça, c'est important !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par conséquent, si je suis défavorable aux amendements nos 179 et 182 pour des raisons liées au caractère réglementaire des dispositions en cause, je suis en mesure de confirmer devant la Haute Assemblée, ce qui est particulièrement important, notamment pour le développement de certains territoires confrontés à des difficultés, que le droit de vote pourra être accordé à des ressortissants étrangers des secteurs des métiers et de l'artisanat
M. Jean-Pierre Sueur. Le rapporteur aurait dû nous le dire !
M. Jacques Mahéas. Vous êtes donc favorable ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Non, mais vous avez compris quel est notre état d'esprit puisque, au plus tard, le 15 mai, ce droit de vote devrait être acquis.
Les amendements n °S 180 et 181 visent, quant à eux, les chambres de commerce et d'industrie, dont le régime électoral est d'ordre législatif. Les conditions pour être électeur et éligible sont différentes et renvoient au code électoral, dans lequel le principe de nationalité est intangible : on ne peut donc pas improviser sur ce sujet.
Des déséquilibres dans la représentation du commerce et de l'industrie étant possibles, une concertation va être engagée avec les chambres de commerce et d'industrie, mais elle nécessitera, le moment venu, d'entamer une procédure de caractère législatif, et non pas réglementaire. Quoi qu'il en soit, cette question fait bien partie des préoccupations du Gouvernement.
Je suis donc défavorable aujourd'hui aux amendements n °S 180 et 181, mais je souhaitais apporter à la Haute Assemblée cet éclairage sur la position du Gouvernement par rapport à la préoccupation exprimée.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 182.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le ministre, nous avions demandé un scrutin public sur l'amendement n °182 parce que, dans un passé pas si lointain, les ressortissants étrangers étaient effectivement représentés et avaient le droit de vote dans les chambres de métiers.
Vous venez de nous annoncer qu'un décret était en préparation et, comme nous avons le sens du dialogue - nous l'avons montré en maintes occasions -, avec l'accord de mes collègues, je vais retirer cette demande de scrutin public, maintenant néanmoins nos amendements.
En tout cas, nous vous remercions de votre réponse, souhaitant qu'elle trouve assez rapidement sa traduction dans les faits.
S'agissant des chambres de commerce, voter nos amendements, ce serait montrer la volonté du Parlement avant que s'engage la concertation que vous nous avez annoncée.
M. le président. La parole est à M. Pierre André, pour explication de vote.
M. Pierre André. En ce qui concerne l'artisanat et les artisans, M. le ministre a déjà apporté une réponse, mais, pour les chambres de commerce et d'industrie, le problème est infiniment plus complexe.
M. David Assouline. Pourquoi ?
M. Pierre André. Parce que les chambres de commerce ont un certain nombre de pouvoirs, notamment un pouvoir décisionnel en matière de développement industriel.
Évidemment, ce n'est pas le « petit boutiquier du coin » qui poserait problème. Il n'en va pas de même avec les grandes entreprises internationales. Je ne juge pas opportun de leur permettre de rentrer dans les chambres de commerce et d'industrie, car, je le dis très clairement, il est nécessaire que certains secrets soient encore respectés au sein de nos instances consulaires.
Le groupe UMP est, par conséquent, tout à fait défavorable aux amendements nos 180 et 181.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut protéger notre pays !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mon explication de vote portera sur l'amendement n ° 181. Puisque le vote des étrangers aux chambres de commerce relève d'une disposition législative, la décision en la matière revient au Parlement.
S'agissant de l'égalité des chances, il serait tout à fait positif que le Parlement, en l'occurrence le Sénat, donne ce signal en faveur de la non-discrimination et de l'égalité des chances pour les ressortissants étrangers relevant des chambres de commerce.
J'ai bien entendu les propos de mon collègue de l'UMP. Il a fait état d'une position qui est en réalité parfaitement constante...
Cette remarque me permet de dire quelques mots sur un amendement que nous avions déposé et que vous avez estimé irrecevable : l'amendement n °779, qui concernait le vote des étrangers.
MM. Alain Gournac, rapporteur, et André Trillard. Ce n'est pas le sujet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si, c'est tout à fait le sujet ! Cela a même un rapport étroit avec l'égalité des chances !
Comme vous avez pu le constater, ce n'est pas la première fois que nous tentons d'engager la discussion sur le droit de vote et d'éligibilité des étrangers aux élections locales. À notre sens, c'est une question clé, hautement symbolique de ce qui peut, dans les banlieues, les « quartiers », pour reprendre votre terme, agiter les jeunes.
En effet, leurs grands-parents, leurs parents, salariés qui ont beaucoup contribué à l'expansion économique de la France, vivent aujourd'hui d'une petite retraite ou se trouvent au chômage, sans avoir jamais pu, bien que payant des impôts et participant à la vie de notre pays sous tous ses aspects, exprimer, ne serait-ce qu'au niveau local, leur citoyenneté.
M. Alain Gournac, rapporteur. Hors sujet !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons donc eu l'occasion d'interpeller cette assemblée à de nombreuses reprises.
La dernière fois que nous l'avons fait, au mois de janvier, nous avons, avec les sénateurs du groupe socialiste, eu recours à la procédure de discussion immédiate afin de demander au Sénat de prendre position sur cette question. La réponse apportée par le garde des sceaux fut claire : il a considéré que nous siégions à une heure trop tardive pour pouvoir se prononcer en faveur de notre proposition de loi !
Aujourd'hui, je vous le concède, il est également très tard. Mais un jour il sera trop tard !
Cela fait maintenant plus de quinze ans que nous avons saisi le Parlement de cette question, en déposant notamment une première proposition de loi le 5 avril 1990.
Nous l'avons redéposée à maintes reprises, nous l'avons traduite en amendements chaque fois que l'occasion nous en a été fournie et, franchement, nous gardions quelque espoir de voir le droit de vote et d'éligibilité accordé aux étrangers aux élections municipales après le vote favorable de l'Assemblée nationale sur la proposition de loi en ce sens que lui avait soumise, à l'époque, le groupe des Verts.
Malheureusement, nous nous heurtons au refus systématique de la majorité d'examiner cette question : il ne concerne donc pas seulement le vote aux chambres de commerce. C'est bien là une position constante.
Nous savons qu'il s'agit pour vous d'une affaire de principe, mais continuer à mener ce combat et vouloir que le Parlement débatte sur ce point est également une position de principe pour les élus de gauche et les associations.
D'ailleurs, nous avons découvert que, même dans les rangs de la majorité, le tabou entourant ce sujet commençait à tomber puisque, parmi vos amis, d'aucuns, dont le président de l'UMP, se sont fait fort non seulement d'ouvrir le débat sur le vote des étrangers, mais de parvenir à accorder ce droit. Il est donc tout à fait regrettable de ne pas pouvoir en discuter au moment où nous parlons de l'égalité des chances.
Je vous signale au passage que les positions de nos concitoyens sur le sujet évoluent puisque, en octobre 2005, 63 % d'entre eux, contre 56 % en 2004, considéraient qu'il serait normal que les étrangers puissent voter au moins aux élections locales.
Si le Sénat acceptait de discuter et d'adopter cette proposition, il s'agirait d'une mesure enfin approuvée par les Français, contrairement, si j'en crois l'opinion, à celles que vous avez adoptées jusqu'à présent concernant l'égalité des chances.
Pourquoi donc vous obstiner, alors que le débat est engagé dans l'opinion, à refuser de débattre de cette ouverture à laquelle la majorité de nos concitoyens se montre favorable ? Ce serait une manifestation efficace de notre volonté de voir tous les jeunes bénéficier dans ce pays d'une égalité des chances, sans aucune forme de discrimination. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues...
M. Robert Del Picchia. Je suis désolé, mais j'avais demandé la parole le premier. (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas vrai !
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. En application de l'article 38, alinéa 1, du règlement, je demande la clôture des explications de vote sur l'amendement n ° 182. (Même mouvement sur les mêmes travées.)
M. le président. En application de l'article 38, alinéa 1, du règlement, je suis saisi d'une demande de clôture de la discussion de l'amendement n °182.
Je vous rappelle qu'aux termes de l'alinéa 1 de l'article 38 la clôture peut être proposée par le président ou tout membre du Sénat lorsqu'au moins deux orateurs d'avis contraire sont intervenus dans les explications de vote sur un amendement.
En application de l'alinéa 2 de l'article 38, cette demande de clôture n'ouvre droit à aucun débat.
Conformément à l'alinéa 4 du même article, je consulte le Sénat à main levée...
La clôture est ordonnée.
M. Jean-Pierre Sueur. L'auteur de l'amendement n'a même pas pu expliquer son vote !
M. David Assouline. Elle dépose quatre amendements d'un coup et c'est comme cela que vous la remerciez !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'amendement n °179.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre, j'ai pris bonne note de votre réponse : je me réjouis de cette avancée, mais quelle énergie dépensée pour le rétablissement d'un droit !
Pour les chambres de métiers, j'espère que le décret visera également l'éligibilité. En tout cas, nous serons attentifs au contenu du texte qui sera publié.
Pour les chambres de commerce, j'ai bien écouté les observations formulées par notre collègue M. André, mais nous maintenons nos amendements pour faire évoluer le débat et faire avancer l'idée de citoyenneté, qu'elle soit liée à la résidence ou à l'activité économique.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Je partage le souci exprimé par Mme Khiari dans l'amendement n °179 et je voudrais prolonger ses propos en évoquant, moi aussi, n'en déplaise à certains, le droit de vote et d'éligibilité des résidents étrangers aux élections locales.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est reparti ! Ils sont incroyables !
Mme Éliane Assassi. Vous avez donc excipé de l'article 3 de la Constitution pour rejeter un amendement du groupe CRC sur le sujet : j'en prends acte, mais je le déplore.
Cela étant, je regrette vivement que cet amendement, dont le Gouvernement et la commission savaient d'ailleurs que la majorité sénatoriale ne l'aurait pas voté, n'ait pas été retenu. Cela aurait permis d'avoir au moins un débat démocratique sur cette question. Je l'avoue, je suis stupéfaite que, au-delà de l'inconstitutionnalité que l'on nous oppose régulièrement, nous ne parvenions pas, ici, à avoir un débat serein, un échange, une confrontation d'idées sur ce sujet.
Nicole Borvo Cohen-Seat a rappelé que le combat des élus communistes et républicains en faveur du droit de vote des étrangers n'était pas un combat d'opportunité : il s'inscrit dans une longue tradition humaniste qui considère que la citoyenneté n'a pas de lien direct avec la nationalité.
Un seul exemple illustrera mon propos : dans mon immeuble, sur le même palier, habitent trois familles. L'une a la nationalité française, l'autre a la nationalité d'un pays membre de l'Union, la dernière a la nationalité d'un pays qui n'en est pas membre. On demande, à juste titre, à ces trois familles de remplir également leurs devoirs à l'égard de la République, ne serait-ce que de payer leurs impôts locaux, ce dont elles s'acquittent évidemment toutes trois.
En termes de droits, toutefois, une de ces familles est différente de ses voisines : elle ne jouit pas du droit de vote ; et je ne parle même pas du droit d'éligibilité. Cherchez l'erreur !
Sincèrement, cela n'est-il pas absurde, aujourd'hui ?
La question des droits s'inscrit pourtant au coeur du débat sur l'égalité des chances, me semble-t-il.
Je sais que certains parlementaires, des députés particulièrement, ont déposé des propositions de loi visant à octroyer la nationalité française aux étrangers dès lors que ces derniers pourraient faire la preuve de leur résidence sur le territoire français depuis dix ans au moins. Nous ne sommes pas dupes : ce faisant, ils entendent clore le débat sur le droit de vote et d'éligibilité des étrangers, en liant une fois encore la citoyenneté à la nationalité.
Que veut dire, au début du troisième millénaire, être citoyen ? N'est-ce pas tout simplement « vivre sa ville » et participer à ce qui constitue une communauté de vie, d'histoire, de culture, de projet ? Les étrangers seraient-ils absents de cette communauté de vie ?
À persévérer dans le refus de leur accorder le droit de vote, on les enferme davantage encore dans des espaces communautaires, pour ne pas dire communautaristes, dont on connaît les possibles dérives.
En octobre et novembre derniers, des jeunes des quartiers populaires ont crié leur souffrance. Ils ont renvoyé à la société tout entière l'image des maux dont elle souffre. Ils se sont faits aussi, parfois, les porte-voix inconscients de la souffrance qu'ont éprouvée leurs parents, lorsqu'ils étaient immigrés, de se trouver rejetés de la République parce qu'on les privait d'un droit fondamental : celui de choisir ceux qu'ils pensent être les plus capables de les représenter, au sein d'un conseil municipal par exemple.
De toute évidence, vous n'avez pas entendu ces cris, comme vous n'entendiez pas le peuple de France quand il rejetait avec intelligence le projet de traité constitutionnel, comme vous n'entendez pas, aujourd'hui, la grande majorité de l'opinion qui rejette le CPE.
La baisse de la popularité de M. le Premier ministre et de M. le ministre de l'intérieur devrait vous « interpeller quelque part », comme l'on dit. Mais j'ai des doutes...
Pour une fois, je vais être d'accord avec M. Gournac. À plusieurs reprises au cours de ce débat, il a lancé cette formule : « une femme ou un homme, une voix ». Mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité, aujourd'hui, je vous dis : chiche ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il est vrai que, par une manoeuvre, nous avons été privés du très important débat qu'évoquait Mme Assassi.
Cette mesure n'est inconstitutionnelle que parce que le Sénat ne s'est pas saisi du texte adopté à l'Assemblée nationale.
M. Jean-Patrick Courtois. C'est Jospin qui ne l'a pas inscrit !
M. David Assouline. S'agissant d'une proposition de loi constitutionnelle, si elle avait été adoptée ici dans les mêmes termes, le problème de constitutionnalité ne se poserait pas. Le Congrès ne peut-il pas modifier la Constitution ?
Sur le fond, la raison qu'on nous oppose en fait sur l'amendement en discussion n'est pas celle qui a été invoquée ce soir : c'est celle qui revient toujours en pareille circonstance, à savoir que, en France, la citoyenneté et la nationalité se confondent absolument.
Or cette confusion n'a pas toujours existé ; elle ne constitue pas un principe intangible de la République française. La Ière République considérait un étranger comme citoyen s'il était domicilié en France depuis un an et s'il aidait un vieillard ou servait la nation. Autrement dit, il n'y avait pas obligation d'être un Français pour être citoyen en France.
Par la suite, la Commune de Paris a même fait un Hongrois ministre du travail. La Commune n'a donc pas seulement accordé le droit de vote aux étrangers ! D'ailleurs, vous le savez, la Commune a été défendue par des généraux italiens, polonais, et heureusement qu'ils étaient pour défendre la République française !
Le débat sur le droit de vote des étrangers lors des élections nationales peut se concevoir : ces élections déterminent qui détient le pouvoir. C'est peut-être un débat d'arrière-garde, mais on peut le comprendre. En revanche, pour ce qui est des élections professionnelles ou des élections locales, il ne fait aucun doute qu'il s'agit d'un combat d'arrière-garde.
De nombreux pays européens ont accordé le droit de vote aux étrangers, et cela n'a pas provoqué de révolution. Selon les évaluations qui ont été faites, en Allemagne notamment, cette mesure a en revanche permis une intégration sans précédent des populations immigrées au sein de la vie publique.
Nous le pensons sans doute tous ici, l'intégration par la citoyenneté est fondamentale.
Songez au rapport à la citoyenneté et au vote - acte de citoyenneté par excellence - que peuvent avoir de jeunes Français qui écoutent leurs parents discuter à table de ce qu'ils voteront le dimanche suivant, lors des élections locales : ils écoutent et ils se forgent un esprit civique. Durant toute leur enfance, leur adolescence, ils ont vu leurs parents se lever certains dimanches pour se rendre au bureau de vote et déposer un bulletin dans l'urne.
En revanche, quelle image civique et quelle image familiale - au moment où certains prétendent responsabiliser les familles et les punir en suspendant leurs allocations familiales si l'enfant dévie du droit chemin, il n'est pas mauvais d'invoquer la famille ! - donne-t-on à ces jeunes Français, qui ne se rendent pas assez dans les isoloirs, dont les parents sont privés du droit de vote parce qu'ils sont étrangers ?
Que voient ces enfants le matin d'un dimanche d'élection ? Ils voient le reste du quartier se diriger vers le bureau de vote, tandis que leurs parents, qui partagent la vie locale, qui paient leurs impôts locaux, restent à la maison, alors même qu'il s'agit de se déterminer sur des choix de vie locale.
Le Sénat s'honorerait s'il pouvait tenir compte de ces évolutions, s'il pouvait ne pas attendre pour légiférer que l'opinion soit mille lieues devant. Car, désormais, dans l'opinion, l'idée du droit de vote des étrangers est quelque chose d'acquis. Au début des années 1980, vous auriez pu dire : « Ça va créer des remous ! », etc. Aujourd'hui, l'idée en est admise, comme bien d'autres avancées réalisées par la gauche : la parité, le PACS,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Pourquoi ne l'avez-vous pas fait ?
M. David Assouline. Nous l'avons tenté, mais la Constitution impose qu'une telle disposition soit adoptée à l'Assemblée nationale et au Sénat. Elle a été adoptée à l'Assemblée nationale, mais vous en avez empêché l'adoption par le Sénat.
Croyez bien que nous y reviendrons, y compris par voie de référendum, si les futures élections nous ramènent au pouvoir: Vous verrez alors que les Français sont en avance par rapport à vous !
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Je remercie d'abord M. le ministre d'avoir précisé les intentions du Gouvernement à l'égard de l'inscription sur les listes électorales des résidents non communautaires pour les élections aux chambres de métiers.
C'est un premier pas, vous l'aurez compris, mais il nous semble que ce premier pas, pour salutaire qu'il soit, ne peut répondre complètement au sentiment de discrimination qui est éprouvé de façon très vive, très douloureuse, sur le terrain.
Depuis dix jours, nous avons ici le souci de répondre, par un projet de loi aussi cohérent et global que possible, au malaise qui s'est si fortement exprimé, à la fin de l'automne, dans nos quartiers.
J'ai entendu vos propositions, j'ai entendu vos remarques concernant l'impossibilité d'élargir le dispositif prévu aux élections pour les chambres de commerce.
Toutefois, par-delà les amendements présentés par Mme Khiari, que nous voterons bien sûr, la question qui me préoccupe essentiellement, la question qui préoccupe nombre de nos collègues, c'est celle, plus large, de la citoyenneté des résidents non communautaires, qui exercent leurs responsabilités autant qu'ils le peuvent.
À entendre certains membres de la majorité, j'ai le sentiment que les esprits ont beaucoup évolué sur point. Convenez-en, vous-mêmes êtes parfois choqués que des gens installés depuis si longtemps en France n'aient pas la possibilité élémentaire de voter aux élections locales.
Pendant très longtemps, on a ricané de ce que les femmes aient l'exorbitante prétention de voter, et la France a été l'un des derniers pays d'Europe à leur accorder ce droit.
Pendant très longtemps, on nous a expliqué de la façon la plus docte qui soit qu'il était totalement inconcevable d'accorder le droit de vote aux résidents communautaires. Puis on s'y est fait.
Refuser aux résidents non communautaires régulièrement installés en France le droit de vote aux élections locales m'apparaît vraiment comme un combat d'arrière-garde.
Puisque cette question est récurrente dans nos débats, puisqu'elle est si passionnelle que les arguments ne sont pas toujours écoutés avec la sérénité nécessaire, il serait intéressant, dans la perspective des rendez-vous qui nous attendent en 2007 et 2008, de clarifier les positions des uns et des autres.
Nous pourrions alors nous demander comment répondre, en termes de citoyenneté et d'exigence civique, au sens large, aux attentes de cette population, qui se sent aujourd'hui exclue, reléguée et discriminée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 179.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote sur l'amendement n° 180.
M. Jacques Mahéas. Nos collègues de droite ont voté contre les précédents amendements, alors que M. le ministre indiquait que ces mesures existeraient, quoi qu'il en soit, dans quelque temps.
Je rends sincèrement hommage à notre collègue Mme Khiari, qui a mené un important travail sur les chambres de métiers et les chambres de commerce : ses efforts sont récompensés.
J'aurais d'ailleurs aimé que les réponses du Gouvernement fassent apparaître la possibilité d'une réalisation de ses propositions.
Le Gouvernement a « détricoté » les mesures mises en place par le gouvernement de M. Lionel Jospin. Il les « retricote » maintenant. Il n'est jamais trop tard pour reconnaître que l'on a mal agi !
En ce qui concerne les amendements nos 180 et 181, la position de M. André m'a extrêmement surpris : ou il en dit trop ou il n'en dit pas assez.
M. André nous explique en quelque sorte que les chambres de commerce ont beaucoup trop de pouvoirs et qu'il faut faire attention à ne pas y introduire n'importe qui.
Ce projet de loi, cependant, porte sur l'égalité des chances des hommes et des femmes : il ne s'agit pas d'une quelconque institution, n'est-ce pas ? Jusqu'à présent, nous avions privilégié et les hommes et les femmes, sans exclure personne.
Peut-être convient-il de revenir sur les pouvoirs exorbitants des chambres de commerce, de réfléchir sur les tribunaux de commerce, etc. Mais il me paraît absolument anormal qu'une institution broie certains hommes. D'un point de vue philosophique, c'est contraire aux lois de la République, dans lesquelles on privilégie l'être humain par rapport aux institutions, quelles qu'elles soient.
Par conséquent, nous maintenons les amendements nos 180 et 181 afin de faire avancer les choses. À l'avenir, nous pourrons discuter des pouvoirs des chambres de commerce et nous verrons si nous pouvons les confier à tous, dans un esprit démocratique, ou s'il doit demeurer des exclus.
M. le président. La parole est à M. Pierre André, pour explication de vote.
M. Pierre André. Lorsque vous évoquez les chambres de commerce, j'ai l'impression que vous songez seulement aux petits commerçants au pied des immeubles. Mais il s'agit des chambres de commerce et d'industrie, qui représentent toute l'industrie française !
Nous ne pouvons pas « détricoter » les chambres de commerce et d'industrie un dimanche à vingt-trois heures !
M. Jacques Mahéas. Renvoyons le sujet à demain !
M. Pierre André. Vous réclamez que tout le monde puisse voter dans les chambres de commerce et d'industrie, sans condition de nationalité, mais les personnes élues sont également électeurs des tribunaux de commerce.
M. Jacques Mahéas. C'est ce que je vous ai dit !
M. Pierre André. Même si, comme le dit M. Assouline, les choses se feront peut-être un jour, dans le contexte actuel de patriotisme économique, je préfère que ce soient des Français ou des ressortissants de la Communauté européenne qui siègent dans les tribunaux de commerce. C'est un aspect important, et il y en a d'autres.
C'est la raison pour laquelle nous sommes défavorables à ces amendements.
M. le président. L'amendement n° 198 rectifié bis, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le troisième alinéa de l'article 15 de la loi n° 2004?1486 du 30 décembre 2004 précitée est complété par les mots : « en particulier par le recours à l'anonymat des curriculum vitae avant le premier entretien en vue d'embauche ».
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Lors de la création de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, voilà un peu plus d'un an, j'avais proposé que celle-ci fasse la promotion du curriculum vitae anonyme, ou CV anonyme. Le ministre m'avait répondu que ce n'était pas pertinent.
M. Jean-Patrick Courtois. Exactement !
Mme Bariza Khiari. Le lendemain de cette discussion au Sénat, M. Bébéar a présenté un rapport au Président de la République recommandant le CV anonyme : c'est devenu intelligent.
Puis une élue parisienne a présenté un amendement à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale, et c'est devenu intéressant.
Enfin, M. Borloo a demandé à M. Fauroux d'étudier la question de plus près et de lui remettre un rapport, et c'est devenu efficace !
Par conséquent, je me réjouis de constater que les idées que nous développons dans cette enceinte font école. Nous voilà donc de nouveau en train de débattre du CV anonyme, d'autant que les travaux du professeur Amadieu, souvent cités, en particulier dans l'excellent rapport de notre collègue M. Lecerf, ont permis pour la première fois de quantifier l'ampleur des discriminations, notamment à l'embauche, et d'en expliquer certains ressorts, sans pour autant - je le souligne - faire appel à des statistiques ethnoraciales.
M. Lecerf rappelle ainsi qu'un candidat handicapé, ou « issu de l'immigration », ou « issu d'un quartier réputé sensible » peut, à l'occasion d'un entretien, se heurter aux préjugés du recruteur. Ceux qui, issus de ces quartiers, issus de l'immigration - ils cumulent parfois plusieurs handicaps -, ont joué le jeu de la méritocratie républicaine et trouvent la porte des entreprises close le savent bien !
C'est pourquoi je vous propose, par cet amendement, de promouvoir l'anonymat des CV et que cela devienne l'une des missions de la HALDE. Il n'y a rien d'obligatoire ni de normatif dans cet amendement, si ce n'est pour la HALDE.
Les arguments les plus régulièrement invoqués à l'encontre du traitement anonyme des CV ne résistent pas à l'examen. J'aimerais, ici, en réfuter deux.
Le premier argument consiste à faire croire que les candidats devront se présenter cagoulés... Je le rappelle, il s'agit de traiter de façon anonyme le CV en vue d'une sélection objective des candidats pour le premier entretien d'embauche, et certainement pas de recruter à l'aveugle !
Le deuxième argument consiste à dire que cela créerait une gestion trop lourde pour les entreprises. C'est de moins en moins vrai. La grande entreprise AXA a décidé de rendre anonymes les seules candidatures saisies sur leur site Internet dédié à certains recrutements, soit 500 recrutements par an. Un formulaire complet doit être rempli par le candidat et il est précisé qu'un certain nombre d'informations personnelles ne seront pas communiquées à l'équipe de recrutement.
Une autre entreprise a chargé une personne du service des ressources humaines de l' « anonymisation » des CV. Cette tâche nécessite quinze à trente secondes par CV, soit trois minutes par jour pour cinq CV, par exemple.
Je rappelle que nous avons une tradition républicaine d'égalité de traitement et d'anonymat dans le cadre des concours et des examens. Cette pratique peut donc être transposée sans contrainte aux entreprises.
C'est la raison pour laquelle je propose que la HALDE se saisisse de cette question et fasse la promotion, dans ses missions pour l'égalité des chances, du CV anonyme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. En ce qui concerne le CV anonyme, la commission s'est prononcée en faveur de l'amendement n° 825 de M. About. C'est pourquoi elle est défavorable à l'amendement n° 198 rectifié bis, ainsi d'ailleurs qu'à l'amendement n° 519 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, si vous le permettez, je répondrai de façon globale au sujet du CV anonyme et donc sur les trois amendements qui y ont trait.
C'est un outil intéressant, intelligent et efficace. Voilà pourquoi les partenaires sociaux se sont saisis du dossier et ont ouvert une négociation. Je pense que c'est dans l'espace de cette négociation que, pour l'essentiel, cette question trouvera son issue.
Après les rapports de M. Bébéar et de M. Fauroux, des expérimentations sont en cours au sein des groupes AXA et PSA, mais aussi dans le service public de l'emploi.
Au cours de leur réunion du mois de février, les partenaires sociaux, après avoir défini les objectifs, ont mis à l'ordre du jour de la réunion du 29 mars les discriminations à l'embauche. Je crois préférable d'attendre les résultats de cette négociation.
Il s'agit en effet, comme pour le sujet précédent, d'une véritable mutation culturelle. Nous transposerons ces dispositions, si c'est nécessaire, le moment venu, à l'issue de la négociation entre les partenaires sociaux.
Nous le savons, le CV anonyme n'est pas le seul outil de lutte contre les discriminations à l'embauche. Bien d'autres outils doivent être mis en oeuvre.
Voilà pourquoi nous ne souhaitons pas qu'on légifère aujourd'hui sur ce sujet, certes intéressant : nous avons besoin de nous appuyer sur la négociation entre les partenaires sociaux.
Par conséquent, monsieur le président, j'émettrai un avis défavorable sur les trois amendements tendant à introduire le CV anonyme dans notre législation.
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, convenons-en, personne n'imagine ici que le recours au CV anonyme soit une solution magique ! Beaucoup d'entre nous ne s'y sont d'ailleurs ralliés qu'après beaucoup d'hésitations. Nous avons en effet le sentiment que le CV anonyme est, comme le testing à l'entrée des boîtes de nuit, une solution de désespoir.
J'ai avec moi depuis dix jours un dossier qu'un jeune homme m'a remis ; je lui ai promis de vous le transmettre, monsieur le ministre.
Ce jeune homme a choisi de suivre une formation efficace, « professionnalisante », polyvalente. Il a ainsi obtenu, avec une mention tout à fait honorable, un DESS de management et de gestion des entreprises dans les domaines sanitaire, social et médicosocial. Il a ensuite envoyé un courrier à plusieurs centaines d'établissements publics ; c'est un secteur que vous connaissez bien, dans lequel il existe de nombreux postes vacants et qui se caractérise par une mobilité assez importante.
Voici, monsieur le ministre, la pile des 240 réponses, toutes négatives, qu'il a obtenues entre le 1er novembre et le 26 décembre 2005 ! (Mme Dominique Voynet montre une épaisse liasse de documents.)
Il se trouve que ce jeune homme a un patronyme africain. Je sais que vous ne trouverez pas de solution pour lui, monsieur le ministre, mais je vais vous remettre ce dossier, comme je m'y suis engagée, par égard pour toutes les personnes qui sont dans ce cas, afin de mettre en évidence l'ampleur de ces discriminations, de ces violences, parce qu'il s'agit bien de violences.
Voilà pourquoi je voterai l'amendement de Mme Bariza Khiari. (Vifs applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.- Mme Dominique Voynet remet le dossier à M. le ministre délégué.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 198 rectifié bis.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
M. le président. L'amendement n° 519 rectifié, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 121-6 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :
Lorsqu'elles sont transmises par écrit, ces informations doivent être dactylographiées et dépouillées de toute référence au nom, à l'adresse, au sexe, à l'âge et à la nationalité du candidat ou du salarié avant d'être portées à la connaissance de l'employeur, des personnels chargés du recrutement et de la gestion des ressources humaines ou d'un organisme de placement. Toute photo doit en être retirée.
La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. L'amendement que nous vous proposons est beaucoup plus précis que le précédent. Nous avons tenté de viser l'ensemble des éléments pouvant donner lieu à une discrimination avant même que le candidat ne soit reçu.
Mme Khiari, en présentant son amendement, a largement explicité l'objet de cette proposition.
Pour ma part, je citerai quelques extraits du rapport de la commission Fauroux, qui affirme l'utilité du CV anonyme comme outil de lutte contre les discriminations à l'embauche :
« Il ne fait pas de doute que l'anonymat conduira, dans certains secteurs, à sélectionner pour un entretien des candidats qui étaient auparavant écartés pour des motifs discriminatoires. Les testings effectués par l'Observatoire des discriminations montrent suffisamment l'ampleur de cette mise à l'écart sur les seules données personnelles figurant dans les CV des candidats.
« Il est vraisemblable aussi que les candidats sélectionnés par ce biais seront reçus en entretien [...].
« Enfin, si rien ne garantit effectivement l'absence de discrimination, des bénéfices directs peuvent néanmoins en être attendus.
« Pour les entreprises, l'augmentation du nombre d'entretiens avec des candidats issus de l'immigration peut permettre une double prise de conscience : prise de conscience de pratiques discriminatoires antérieures, prise de conscience que ces candidats présentent les mêmes profils et les mêmes compétences que les personnes qu'elles recrutent habituellement. Pour les publics concernés, l'entretien est en soi un exercice utile et constitue surtout l'occasion de faire enfin valoir son envie et sa motivation. Combinés, ces bénéfices sont susceptibles de mettre un terme à une discrimination systémique consistant à écarter, un peu par habitude et sans réelle conscience de l'interdit, tous ceux dont le profil personnel s'éloigne de celui du candidat de référence. On peut dès lors s'attendre à un impact direct sur les recrutements effectués. »
Pour compléter cette citation, je vous donnerai quelques éléments d'information sur ce qu'a déclaré M. Jean-François Amadieu, directeur du Centre d'étude et de recherche sur les organisations et les relations sociales, le CEGORS, devant la commission des lois. Voici ce qu'on peut lire dans le compte rendu de son audition : « Il a observé que par rapport à un homme français "de souche" de vingt-huit ans, une personne handicapée avait quinze fois moins de chances d'être retenue pour un entretien d'embauche, un homme d'origine marocaine cinq fois moins, une personne âgée de cinquante ans quatre fois moins, et que de semblables discriminations touchaient les personnes au physique disgracieux ou résidant dans un quartier en difficulté [...].
« M. Jean-François Amadieu a poursuivi en indiquant qu'une étude de 2005 avait montré qu'une femme maghrébine résidant à Trappes recevait, malgré un meilleur curriculum vitae, trois fois moins de propositions d'entretien, alors qu'elle aurait dû en toute logique en recevoir davantage que le candidat de référence. »
Tout cela me paraît assez clair.
Le projet de loi pour l'égalité des chances nous offre véritablement une occasion de déclencher une action dans ce domaine.
Je suis bien conscient que le CV anonyme ne règle pas toutes les difficultés et qu'il doit certainement s'inscrire dans un ensemble plus large de procédures visant à rendre le recrutement objectif. Néanmoins, il me semble qu'il appartient au législateur de donner l'impulsion décisive dans ce domaine.
Tel est l'objet de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 825, présenté par M. About, est ainsi libellé :
Après l'article 4 quinquies, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase du second alinéa de l'article L. 121-6 du code du travail est complété par les mots : « et dans des conditions préservant son anonymat ».
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Cet amendement a pour objet de développer la pratique du CV anonyme, garant de la non-discrimination à l'embauche, comme le préconise le rapport Bébéar, mes collègues l'ont rappelé.
Je me souviens que Jean-Louis Borloo nous avait promis la constitution d'un groupe de travail lors de l'examen du texte sur la cohésion sociale en janvier 2005. Il a ensuite confié le soin d'élaborer un nouveau rapport à M. Fauroux. Ce dernier, dans le rapport qu'il a remis à Jean-Louis Borloo le 8 septembre 2005, a confirmé l'intérêt du CV anonyme.
Il semble donc, puisque tout le monde est maintenant favorable à cette idée, que le temps soit venu de la mettre en application.
L'intérêt de mon amendement était d'indiquer que les conditions préservant son anonymat seraient fixées par décret, ce qui laissait encore au Gouvernement le temps de la réflexion, voire éventuellement celui de mettre en place le groupe de travail.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je souhaite seulement insister sur l'importance de la négociation entre les partenaires sociaux. C'est à l'issue de cette négociation que le Parlement sera saisi.
Cette négociation est tellement essentielle qu'elle a d'abord fait l'objet d'une table ronde organisée autour du Président de la République, afin de bien affirmer l'importance que nous attachions à une lutte contre les discriminations à l'embauche, lutte qui, je le répète, ne se limite pas à la seule mesure du CV anonyme et qui doit être beaucoup plus globale.
Je comprends les attentes des auteurs de ces amendements : je rejette non pas le principe du CV anonyme, mais le manque de globalité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote sur l'amendement n° 519 rectifié.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Une majorité semble se dégager dans cette assemblée.
Pour notre part, nous sommes prêts à retirer l'amendement n° 519 rectifié au profit de l'amendement n° 825 de M. About,...
M. Jacques Mahéas. Et s'il le retire ?
M. Nicolas About. Vous le reprendrez !
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. ... qui est peut-être plus simple et qui n'exclut absolument pas une négociation entre les partenaires sociaux.
Monsieur le ministre, en quoi cela gênerait-il les partenaires sociaux que le Parlement s'exprime de façon très positive sur le CV anonyme ? Nous avons parfaitement le droit de nous exprimer. C'est d'ailleurs là, monsieur le ministre, que réside selon moi l'honneur du Parlement !
M. le président. L'amendement n° 519 rectifié est retiré.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote sur l'amendement n° 825.
Mme Bariza Khiari. L'amendement que j'ai présenté, visait à confier la promotion du CV anonyme à la HALDE.
Cette dernière, en effet, puisque la promotion de l'égalité fait partie de ses missions, pourrait très bien organiser des sessions de formation sur ce sujet, voire élaborer des boîtes à outils comprenant un recensement des bonnes pratiques pour rendre objectif le processus de recrutement.
L'amendement n°198 rectifié bis était vraiment basique, puisqu'il visait simplement à demander à la HALDE d'assurer la promotion du CV anonyme. J'y étais donc « allée très en douceur » !
L'amendement n° 519 rectifié de mes collègues du groupe UC-UDF visait à créer une obligation.
Quant à l'amendement de M. About, il tend à inscrire le principe de l'anonymat dans le code du travail. M. About va donc plus loin.
En conséquence, dans la mesure où ces trois amendements obéissent à la même logique, nous voterons en faveur de l'amendement de M. About, tout comme nous aurions voté, s'il avait été maintenu, en faveur de l'amendement n° 519 rectifié du groupe UC-UDF.
De notre point de vue, nous disposons de suffisamment de rapports sur la question sans qu'il soit besoin d'en commander un autre. Nous souhaitons maintenant poser un acte pour lutter efficacement contre les discriminations.
Nous sommes tous d'accord pour considérer que le CV anonyme est un premier outil. Visiblement, le Gouvernement veut « diluer » cet outil dans la masse d'un processus beaucoup plus large.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 825.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 146 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 169 |
Contre | 159 |
Le Sénat a adopté. (Bravo ! et vifs applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4 quinquies.
Articles additionnels avant l'article 5 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 699, présenté par Mme Demessine, MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article L. 122-45-4 du code du travail est ainsi rédigé :
« Afin de garantir le respect du principe d'égalité de traitement à l'égard des personnes handicapées, les employeurs prennent, en fonction des besoins dans une situation concrète, les mesures appropriées pour leur permettre d'accéder à un emploi ou de conserver un emploi correspondant à leur qualification, de l'exercer ou d'y progresser ou pour qu'une formation adaptée à leurs besoins leur soit dispensée. »
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. La loi du 11 février 2005 est intitulée : « loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ».
Aujourd'hui, nous nous apercevons que l'égalité des chances telle que la conçoit l'actuel gouvernement s'apparente à un slogan politique plutôt qu'elle ne correspond à une réelle ambition sociale !
Cela apparaît d'une manière particulièrement nette en matière de travail des personnes handicapées puisque les différents chiffres publiés récemment attestent un taux de chômage chez les personnes handicapées bien supérieur à la moyenne nationale ; en outre, seulement quatre chômeurs handicapés sur dix trouvent un emploi au bout de quatre ans sans emploi.
Pourtant, au détour de nombreux articles de la loi - et c'est encore plus flagrant dans les textes d'application -on mesure combien l'ambition du Gouvernement s'avère limitée : il ne faudrait tout de même pas trop contraindre les employeurs !
Comment considérer que le principe de non-discrimination dans l'emploi, qui nous est imposée par la directive européenne du 27 novembre 2000, est effectivement respecté lorsque sont maintenus, dans les décrets, au titre de la minoration de la contribution versée par les employeurs à l'Association pour la gestion du fonds pour l'insertion professionnelle des handicapés, l'AGEFIPH, parmi les emplois exigeant des conditions d'aptitude particulières, les « vendeurs polyvalents des grands magasins », ce qui laisse un peu rêveur ?
Comment être convaincu que la loi du 11 février 2005 a fidèlement transposé cette directive alors qu'elle limite l'obligation d'aménagement raisonnable aux seuls travailleurs handicapés bénéficiaires de l'obligation d'emploi ?
Nous avons aujourd'hui l'occasion de bien prendre la mesure de l'obligation d'égalité de traitement en transposant dans le code du travail, au chapitre relatif aux discriminations, les dispositions de l'article L. 323-9-1, qui ne visent que les mesures applicables à certaines catégories de travailleurs handicapés. Il en va ainsi de l'obligation pour l'employeur de prendre les mesures appropriées pour permettre à toute personne handicapée, qu'elle soit ou non bénéficiaire de l'obligation d'emploi, d'accéder à un emploi, de conserver un emploi correspondant à sa qualification, de l'exercer, d'y progresser ou de bénéficier d'une formation adaptée à ses besoins.
D'une contrainte spécifique, on en viendrait à une contrainte d'ordre général, ce qui serait beaucoup plus respectueux de la directive de 1991.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Les dispositions prévues par cet amendement figurent déjà à l'article L. 323-9-1 du code du travail. Les introduire ici serait donc redondant.
En outre, l'adoption de cet amendement aurait paradoxalement pour effet de supprimer une garantie essentielle pour les personnes handicapées : la loi ne préciserait en effet plus que les mesures prises par les employeurs pour favoriser l'accès des personnes handicapées à l'emploi ne constituent pas des mesures de discrimination du point de vue des autres salariés.
L'avis de la commission est donc totalement défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. M. le rapporteur vient d'évoquer la loi du 11 février 2005 et l'article L. 122-45 du code du travail.
Pour ma part, je rappelle que l'inscription des dispositions prévoyant des réponses concrètes d'organisation et d'aménagement des conditions de travail en faveur des travailleurs handicapés dans la partie du livre III consacrée aux travailleurs handicapés offre davantage de garanties d'effectivité des nouveaux droits.
La réduction du taux de chômage des travailleurs handicapés, qui est bel et bien le coeur du sujet, est un engagement du Gouvernement. Au nom de l'égalité des chances, c'est un objectif auquel nous nous attelons avec Philippe Bas, car ce taux reste particulièrement élevé.
Nous sommes très attentifs à l'application de la loi et nous menons tout un travail avec le service public de l'emploi en liaison avec les maisons du handicap. Cela étant, il reste encore beaucoup de chemin à faire.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement, tout en rappelant les principes de la loi, ainsi que sa volonté de mettre effectivement en place des mesures en faveur du travail des handicapés.
M. le président. L'amendement n° 387, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
I. Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À dater de la prochaine rentrée scolaire, les 8 % d'élèves évalués comme les meilleurs par les équipes pédagogiques dans chaque section de chaque lycée peuvent accéder directement aux premières années des classes préparatoires aux grandes écoles ou aux établissements publics de l'enseignement supérieur qui pratiquent habituellement la sélection individuelle pour l'admission.
II. En conséquence, faire précéder cet article d'une division ainsi rédigée :
Section...
Égalité à l'École
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Je le rappelle, cet amendement tend à insérer un article additionnel avant l'article 5, c'est-à-dire dans une partie du texte consacrée aux moyens à mobiliser pour permettre aux enfants des quartiers en difficulté de bénéficier des meilleures dispositions possibles en matière d'éducation.
Monsieur le ministre, votre texte ne comporte en effet aucune disposition centrée sur ces questions tout à fait essentielles d'éducation, à part, bien sûr, les malheureux articles sur l'apprentissage à quatorze ans, que nous avons eu l'occasion de dénoncer et que nous continuerons à dénoncer. Cet amendement répare donc cette grave lacune en introduisant d'abord une section « égalité des chances à l'école ».
Empruntant cette solution aux suggestions de l'éminent démographe Patrick Weil, l'amendement prévoit une solution simple afin que les meilleurs élèves des quartiers dits sensibles ou prioritaires accèdent aux classes préparatoires aux grandes écoles.
Cette solution, outre sa simplicité, a l'avantage de s'appliquer à tous et à toutes et d'être extrêmement transparente. Elle ouvre à des élèves plus nombreux et plus diversifiés, environ quatre élèves par classe de terminale de trente-cinq élèves, la voie aux classes préparatoires et aux établissements publics de l'enseignement supérieur qui sélectionnent leurs élèves à l'entrée. Elle présente en outre l'avantage de fixer sur les lycées des quartiers censés être les moins performants les élèves qui auraient tendance à les fuir, neutralisant les effets actuellement constatés de contournement ou d'évitement de la carte scolaire.
Comme vous le savez, ce système fonctionne dans quelques États américains, dont le Texas, et constitue une intéressante réponse aux inégalités de territoires.
Je n'ose imaginer que le Gouvernement me réponde que l'on va ainsi créer des classes préparatoires de plusieurs qualités ou de plusieurs niveaux, car j'objecterais immédiatement que c'est bien évidemment déjà le cas, que des classes prépas dans davantage de lycées tirent ceux-ci vers le haut dans tous les cas, que les normes de répartition des élèves pourraient ainsi être académiques dans les régions et même interacadémiques en Île-de-France, et donc ne plus relever du seul arbitraire des lycées concernés.
Aussi, je fais confiance au ministère de l'éducation nationale pour veiller au respect de l'esprit d'une telle décision et pour éviter, comme le fait le Gouvernement avec les chômeurs ou les immigrés qui veulent se marier, les risques de fraude.
Mais je sens déjà un frisson antibolchevique parcourir cette assemblée, et je ne vous mets pas davantage à la peine, mes chers collègues. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il ne faut pas se moquer du monde !
M. Josselin de Rohan. Carton rouge !
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui, cela vaut largement un carton rouge !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le Sénat a déjà repoussé, il y a soixante-dix-neuf heures, le vendredi 24 février, un amendement n° 263 rectifié visant le recrutement préférentiel dans les classes préparatoires.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Notre objectif pour 2009 est que les classes préparatoires aux grandes écoles accueillent près d'un tiers d'élèves boursiers, contre 18 % aujourd'hui.
Cet objectif ambitieux pourra être atteint non par des incantations ou des déclarations, mais en mettant en place un plan d'action global pour l'ouverture sociale des classes préparatoires aux grandes écoles. Gilles de Robien présentera d'ailleurs ce plan d'ici à la fin du mois de mars. Celui-ci reposera à la fois sur le tutorat des lycéens venant de zones défavorisées par des étudiants d'universités et de grandes écoles ainsi que sur une action volontariste à travers un entretien individuel d'orientation.
Ce plan d'action permettra d'élargir les voies d'orientation en montrant à un certain nombre de lycéens que l'accès à une classe préparatoire est possible. Aujourd'hui, c'est une idée qu'ils évacuent de leur palette de choix, car ils pensent que cette voie ne leur est pas accessible.
Voilà pourquoi, madame Voynet, le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement. Après vous avoir indiqué les engagements du Gouvernement, je souhaiterais que vous acceptiez de le retirer.
M. le président. Madame Voynet, l'amendement n° 387 est-il maintenu ?
Mme Dominique Voynet. Je remercie M. le ministre de cette réponse argumentée, mais je maintiens mon amendement.
Monsieur le rapporteur, cela fait plusieurs fois que vous laissez entendre qu'il est totalement déplacé de présenter à nouveau des amendements sur des sujets qui ont été examinés il y a plusieurs dizaines d'heures. Laissez-moi vous dire à mon tour et à nouveau que c'est vous qui avez souhaité tripatouiller à plusieurs reprises l'ordre d'examen des articles. Ce débat donne une impression de fouillis et d'incohérence, mais vous en êtes seul responsable.
Si nous sommes dans l'incantation ou la déclaration, comme vient de le dire M. Larcher, c'est parce que beaucoup d'amendements qui étaient au contraire extrêmement concrets ont été considérés comme irrecevables en vertu de l'article 40.
Vous nous condamnez à être incantatoires, et vous nous le reprochez ! Vous nous condamnez à l'incohérence dans l'ordre d'examen des articles, et vous nous le reprochez !
Pour ma part, je ne me sens aucune culpabilité à l'idée de revenir sur un thème qui me paraît essentiel pour l'avenir des jeunes dans les quartiers. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 388, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
I. Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
À dater de la prochaine rentrée scolaire, il est procédé à budget constant à la réaffectation des postes d'enseignants existants en faveur des Zones d'Éducation Prioritaires de telle façon que :
-les effectifs en Cours préparatoire et en Cours élémentaire 1 ne soient dans aucune Zone d'Éducation Prioritaire supérieur à 17 élèves
-les effectifs en sixième et en cinquième de collège soient abaissés en Zone d'Éducation Prioritaire de 5 élèves par classes
Les postes affectés aux Zones d'Éducation Prioritaires sont prélevés sur les établissements dans lesquels le niveau constaté permet une légère augmentation des effectifs.
II. En conséquence, faire précéder cet article d'une division ainsi rédigée :
Section...
Égalité à l'École
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. J'entends déjà M. le rapporteur nous dire qu'un amendement semblable a déjà été examiné il y a quelques heures. C'est vrai ! Plusieurs amendements visant à diminuer les effectifs à l'école afin de permettre de réduire les inégalités ont été présentés. Les rapports varient sur ce sujet selon la couleur politique des ministres, ce qui pose quand même problème.
En tout cas, je suis étonnée que, depuis trois ans, on ne voit dans la demande de bon sens des enseignants de réduire les effectifs en ZEP qu'une façon de corriger moins de copies pendant leurs interminables vacances scolaires.
Pourtant, il est clair que moins on a d'élèves dans une classe, mieux on peut s'occuper de chacun d'eux. Cette affirmation est bien évidemment encore plus vraie dans des divisions hétérogènes, quelle que soit la nature de l'hétérogénéité en question : l'âge, le niveau, l'origine sociale.
L'un dans l'autre, on sait pourtant maintenant que, si la condition de diminuer les effectifs n'est pas suffisante pour réduire les inégalités à la sortie, elle est bien évidemment nécessaire.
M. Piketty, qui n'est pas un dangereux gauchiste, l'a rappelé il y a quelques jours dans Le Monde : les réductions doivent être assez fortes sans être massives ; elles doivent être concentrées sur les débuts de cycles, en particulier en primaire et au collège.
Voilà pourquoi je suggère que l'on procède à la réduction d'effectifs dans un premier temps dans les deux premières classes du primaire et du collège des zones d'éducation prioritaires.
Afin d'éviter les éternels débats sur l'augmentation exponentielle des dépenses de l'éducation et sur le coût de la mesure, qui est facile à établir - il tourne d'après moi autour de 5 % des dépenses globales de personnels -, je fais une suggestion simple : prélever ces 5 % de personnels sur les quartiers qui en ont le moins besoin, c'est-à-dire sur les secteurs qui correspondent aux 80 % d'élèves non inscrits dans des ZEP. Cette mesure est bien évidemment à rapporter aux indicateurs d'effectifs actuels, au taux d'encadrement, à la masse salariale, à la composition sociale, aux résultats aux tests d'entrée et de sortie.
Je suggère également que cette mesure soit évaluée et accompagnée de telle façon qu'elle puisse être soit rapportée, soit étendue et généralisée en fonction du constat de son efficacité.
Voila encore une proposition qui évite les faux-semblants, qui fait des choix et qui présente en outre l'avantage d'affecter vraiment les personnels là où on a le plus besoin avec une efficacité qui ne fera pas regretter à ceux qui l'auront approuvée le courage de leurs choix.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je le redis, cette disposition relève du domaine réglementaire. On ne va pas mettre dans la loi le nombre de balais...
Mme Dominique Voynet. Comparer les profs et les balais, ce n'est pas très gentil !
M. Alain Gournac, rapporteur. ...ou le sens dans lequel les portes doivent s'ouvrir ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Un jour, on ira jusque-là, madame Voynet. D'ailleurs, on nous critique à l'extérieur quand nous laissons passer ce genre de chose.
L'avis de la commission est donc défavorable.
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Alain Gournac, rapporteur. Et je ne mélange pas les profs et les balais !
M. Roland Muzeau. C'est vous qui avez parlé de balais !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Au-delà de l'indéniable aspect réglementaire de ces dispositions, je voudrais à nouveau citer le rapport du recteur M. Christian Forestier, président du Haut conseil de l'évaluation de l'école en 2004 : il n'y a pas de corrélation entre le nombre d'élèves par classe et leur réussite.
M. Gérard Longuet. C'est vrai !
Mme Raymonde Le Texier. Non, ce n'est pas vrai !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pour autant, cela ne signifie pas qu'il ne faut pas, dans certaines conditions, avoir plus de soutien pour un nombre réduit d'élèves. Mais en tirer une conséquence mathématique n'a guère de sens.
Je voudrais rappeler les moyens qui sont mis à disposition des écoles et des collèges « ambition réussite » autour de trois chiffres clés : 1 000 enseignants, 3 000 aides éducateurs, 300 infirmières. Ces chiffres montrent la volonté du Gouvernement et du ministre de l'éducation nationale de répondre aux besoins, ...
M. Guy Fischer. Mais non !
M. Guy Fischer. C'est à moyens constants !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...aux élèves afin qu'il y ait une véritable égalité des chances. Car c'est bien d'égalité des chances dont nous parlons !
M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !
M. Guy Fischer. Vous déshabillez Pierre pour habiller Paul !
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas, pour explication de vote.
M. Jacques Mahéas. Je ne peux absolument pas laisser passer les propos de M. le ministre.
En effet, nous sommes, pour nombre d'entre nous, des élus locaux. En ce moment, nous siégeons dans les conseils d'administration des collèges.
Permettez-moi de vous faire part de mon expérience personnelle. Sur les trois collèges de la commune dont je suis le maire - Neuilly-sur-Marne -, deux sont classés en zone d'éducation prioritaire, en ZEP.
J'avais demandé que tous les collèges de la Seine-Saint-Denis classés en ZEP intègrent le dispositif des collèges « ambition réussite ». Dans un département où de nombreuses difficultés existent et où les indicateurs sociaux ne sont pas bons, nous aurions ainsi pu oeuvrer en faveur de l'égalité des chances.
À ce jour, je n'ai reçu aucune réponse de la part de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Cette demande est pourtant déjà ancienne, puisqu'elle a été formulée lorsque l'idée des collèges « ambition réussite » a été émise.
Mais il y a beaucoup plus grave : les 1 000 postes créés sont partiellement prélevés parmi les personnels des établissements scolaires classés en ZEP. Bravo !
Ainsi, il y a eu deux suppressions de postes dans certains collèges de la Seine-Saint-Denis. Et, dans une ville à proximité, ce sont huit postes qui ont fait l'objet d'une suppression.
M. Guy Fischer. Et, chez moi, quatre postes !
M. Jacques Mahéas. Ce n'est donc pas une réussite.
C'est d'ailleurs une question de bon sens. Dans la mesure où vous supprimez des milliers de postes d'enseignants dans la loi de finances pour la 2006, si des postes sont créés ils doivent bien être pris quelque part. Il est complètement anormal de déshabiller Pierre pour ne même pas habiller Paul.
Je demande la priorité à l'éducation nationale. Vous avez déjà supprimé les emplois-jeunes. Maintenant, vous restreignez le nombre d'enseignants, y compris dans les ZEP.
Je suis également très étonné que vous mentionniez le rapport de M. Forestier - je connais bien son auteur, qui a été inspecteur d'académie de notre département - pour prétendre que la réussite ne se mesure pas au nombre d'élèves.
Lorsque j'ai débuté dans l'enseignement, j'avais - excusez du peu ! - cinquante-six élèves. Ensuite, lorsque j'en ai eu seulement une trentaine, je ne travaillais pas tout à fait de la même façon.
Penser que le nombre d'élèves n'a aucune influence est absurde ! C'est peut-être le cas dans certains milieux où, de toute façon, les élèves réussiront indépendamment du professeur, mais ce n'est pas la règle générale.
L'égalité des chances exige plus d'encadrement, notamment dans les milieux défavorisés. C'est par un traitement inégalitaire que l'on tendra vers une telle égalité.
Selon vous, le dispositif que tend à mettre en place cet amendement relève du domaine réglementaire. Je le comprends bien. Mais si votre état d'esprit est de faire participer tout le monde au redéploiement pour créer un effet d'annonce sur ces zones de réussite éducative, nous ne sommes absolument pas d'accord.
En effet, la réalité est - hélas ! - que le Gouvernement accorde moins de moyens à l'éducation nationale.
Je me souviens d'un gouvernement qui avait doté la Seine-Saint-Denis de 3 000 postes supplémentaires. Une telle mesure permettait effectivement d'agir en faveur de l'égalité des chances.
Votre politique tend vers l'inégalité des chances !
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Vous êtes nombreux à papoter, chers collègues de la majorité. Pour ma part, en tant qu'élue concernée par les problèmes de difficultés scolaires dans des secteurs particulièrement défavorisés tant sur le plan sociologique que sur le plan économique, je vous assure que je n'ai nullement envie de papoter.
Peut-être le dispositif que cet amendement tend à mettre en place relève-t-il effectivement du domaine réglementaire. Mais si nous ne sommes pas capables de prendre un peu de temps pour réfléchir sur le travail indispensable à effectuer dès l'école maternelle ou, du moins, dès l'école élémentaire - c'est là que tout commence -, il est inutile de baptiser ce texte « projet de loi pour l'égalité des chances ». C'est pourquoi je soutiens les propos de notre collègue Mahéas.
J'ai déjà évoqué ma ville, à l'est du Val-d'Oise : il y a 30 000 habitants. Juste à côté, les communes de Garges-Les-Gonesses et de Sarcelles connaissent des situations encore plus difficiles. Dans ma ville, 75 % des élèves scolarisés sont issus de l'immigration, donc d'origines diverses et variées.
Comme je vous l'ai déjà dit, c'est la ville la plus pauvre d'Île-de-France. Son potentiel fiscal la situe entre la Corse et les Antilles. Or aucun de nos trois collèges n'est retenu dans le programme collège « ambition réussite ». C'est parce que nous nous n'avons pas la bonne couleur politique. J'ai en effet attentivement examiné les critères du dispositif. Nous les remplissons tous, sauf un : pour obtenir un tel classement, mieux vaut tout de même être politiquement proche de M. le ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche. Si vous ne me croyez pas et si vous pensez que j'exagère, faites tout simplement le même exercice que moi : vérifiez ! C'est purement scandaleux !
Dans l'est du Val-d'Oise, le taux de réussite au brevet des collèges est de 42 %. Ne croyez-vous pas qu'il y a un problème ?
On peut toujours claquer des doigts et affirmer que la question relève du domaine réglementaire. Non, ce n'est pas du réglementaire ! C'est un véritable choix politique !
Dans les pays du nord de l'Europe et du nord de l'Amérique où, que vous le vouliez ou non, les dispositifs comparables aux ZEP réussissent, il y a non pas 8 %, mais 100 % de moyens supplémentaires. Il y a en outre trois adultes et quinze enfants par classe. Et ça marche !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Il fallait le faire quand vous étiez au gouvernement !
Mme Raymonde Le Texier. Alors, poursuivez votre saupoudrage. Continuez de dire que de telles dispositions ont un caractère réglementaire. Mais il sera inutile de nous sortir vos discours choqués quand cela rebrûlera dans nos villes ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. C'est n'importe quoi !
M. le président. La parole est à M. Jacques Valade, pour explication de vote.
M. Jacques Valade. Je ne comprends pas très bien cette discussion.
Je saisis certes parfaitement les arguments qui sont développés et je connais très bien les situations difficiles. Mais ces dispositions relèvent-elles véritablement du domaine de la loi ?
Par cet amendement, il s'agit d'affecter les ressources humaines en enseignants aux établissements scolaires des quartiers et territoires qui en ont le plus besoin. Est-ce véritablement à la loi d'en décider ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Eh oui ! en inscrivant une telle disposition dans la loi, nous nous ridiculiserions !
M. Jacques Valade. Cela relève du domaine réglementaire, notamment de la compétence des autorités académiques.
M. Alain Gournac, rapporteur. Voilà trois jours que je le dis, mais ni les communistes ni les socialistes ne m'écoutent !
M. Jacques Valade. Par conséquent, notre groupe est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Josselin de Rohan.
M. Josselin de Rohan. Cet amendement relève manifestement du domaine réglementaire. En outre, deux orateurs se sont déjà exprimés.
Monsieur le président, en application de l'article 38, alinéa 1, du règlement, je demande donc la clôture des explications de vote sur l'amendement n° 388.
M. le président. En application de l'alinéa 2 de l'article 38 du règlement, cette demande n'ouvre droit à aucun débat.
Conformément à l'alinéa 4 du même article, je consulte le Sénat à main levée.
La clôture est prononcée.
L'amendement n° 388 est-il maintenu, madame Voynet ?
Mme Dominique Voynet. J'ai bien entendu les arguments. Je souhaitais entendre M. le rapporteur et M. le ministre préciser qu'il s'agissait bien de donner plus à ceux qui ont moins, sans enlever à ceux qui ont à peine plus que ceux qui sont ciblés. Je n'ai pas entendu cette réponse, hormis dans les propos de Mme Le Texier. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est du cinéma ! Nous ne sommes pas au cirque !
Mme Dominique Voynet. Cela étant dit, je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 388 est retiré.
Article additionnel avant l'article 6 (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 704, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le II de l'article L. 321-4-2 du code du travail est abrogé.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. La mise en place des conventions de reclassement personnalisé, les CRP, par la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale, a été le moyen pour le Gouvernement de dédouaner les entreprises de leur obligation de prise en charge de leurs salariés en cas de licenciement économique.
L'aspect conventionnel a été mis à mal pour ouvrir la voie à une gestion de la main-d'oeuvre licenciée par de simples cabinets de placement, comme le laisse entrevoir le contrat de transition professionnelle.
Auparavant, l'entreprise engageait sa responsabilité dans le reclassement de ses salariés et ne pouvait contourner sa responsabilité.
Aujourd'hui, les exemples de reconversion et de reclassement réussis sont plus que rares. À tel point que quand une entreprise riche comme Arcelor arrive à anticiper la fermeture d'un site sidérurgique en Lorraine, elle est citée en exemple par tous les organismes publics et privés.
Mais la plupart des salariés n'ont pas connu un tel sort. Ceux de Moulinex en Normandie, d'Unilever dans le Nord, de Bata en Lorraine ou de Flodor en Picardie n'ont bénéficié de rien.
Ainsi, chez Moulinex, la débâcle industrielle en 2001 s'est soldée par le licenciement de plusieurs centaines de salariés, qui n'ont toujours pas retrouvé d'emplois aujourd'hui.
Pourtant, le reclassement est a priori une obligation légale dans les entreprises de plus de cinquante salariés qui licencient plus de neuf personnes par période de trente jours. Mais, dans la réalité, moins de 15 % des salariés licenciés bénéficient d'un plan de sauvegarde de l'emploi et de son corollaire en matière de reclassement.
Finalement, ce sont les salariés les moins formés, les plus âgés, les plus difficilement « employables » qui se retrouvent éjectés de l'ANPE.
Il s'agit donc, par cet amendement, d'abroger le II de l'article L. 321-4-2 du code du travail. On y lit en effet : « Tout employeur non soumis aux dispositions de l'article L. 321-4-3 qui procède au licenciement pour motif économique d'un salarié sans lui proposer le bénéfice d'une convention de reclassement personnalisé doit verser aux organismes mentionnés à l'article L. 351-21 une contribution égale à deux mois de salaire brut moyen des douze derniers mois travaillés. »
Parmi toutes les dispositions qui orchestrent le désengagement des entreprises dans le reclassement de leurs salariés, celle-ci est probablement la plus directement contestable. En la supprimant, nous rétablirons l'obligation de l'employeur. Nous responsabiliserons de nouveau les entreprises, qui ne pourront plus se contenter du versement d'un montant forfaitaire pour se détourner des conséquences économiques et sociales de leur gestion purement financière de leur entreprise.
Si vous n'aviez pas bouleversé totalement l'ordre d'examen de nos amendements tendant à insérer des articles additionnels, nous serions sur le point d'aborder l'examen de la section relative aux zones franches urbaines.
Pas une seule fois la question des licenciements et des drames économiques, sociaux et familiaux qu'ils provoquent n'a été abordée au cours de l'examen de cette section, hormis par la gauche.
Au contraire, avec cette section, le Gouvernement s'est plutôt attaché à accroître les incitations financières, fiscales et sociales, notamment les exonérations pour toutes ces entreprises qui licencient et laissent les salariés se présenter à l'ANPE, voire réclamer l'allocation spécifique de solidarité, l'ASS. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La dérogation aux obligations concernant les conventions de reclassement personnalisé est possible seulement en contrepartie du versement d'une contribution de deux mois de salaire.
L'équilibre interne de l'article L. 321-4-2 est, de notre point de vue, satisfaisant.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Cet amendement tend à supprimer la sanction de deux mois de salaire pesant sur l'employeur en cas d'absence de proposition de la convention de reclassement personnalisé à un salarié dont il envisage le licenciement économique.
En pratique, cela reviendrait à supprimer ce qui n'est qu'une sanction pour le non-respect d'une obligation.
Vous semblez soutenir qu'un employeur aurait intérêt à ne pas proposer de convention de reclassement personnalisé, à s'acquitter de la sanction et à licencier son salarié. Or, dans une telle hypothèse, le salarié serait fondé à contester la régularité de son licenciement et obtenir auprès des prud'hommes une réparation, ce qui serait beaucoup plus coûteux pour l'employeur. Tel n'est donc pas, me semble-t-il, l'intérêt de ce dernier.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 704.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 6 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 283, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La création de zones franches urbaines, au sens du deuxième alinéa du B de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, est précédée du dépôt sur le bureau des Assemblées d'un rapport comportant la liste des communes et des quartiers dans lesquels la création des zones est envisagée et l'évaluation du coût des dépenses budgétaires, fiscales et sociales qui en résulterait.
La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Cet amendement tend à poser le principe d'une information préalable du Parlement avant la création de nouvelles zones franches urbaines.
En effet, après l'adoption de l'article 6 du présent projet de loi, c'est désormais par décret que sera décidée la création de nouvelles zones franches urbaines, tant pour les villes que pour les périmètres. Il nous semble donc important que les assemblées puissent disposer à l'avenir - avant l'été prochain, espérons-nous - d'un rapport - un de plus ! - sur le périmètre exact de ces zones franches urbaines et sur le coût des exonérations fiscales et sociales.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour explication de vote.
M. Bernard Vera. L'amendement n° 283 pose une question essentielle sur les zones franches urbaines, autour de laquelle nous tournons d'ailleurs depuis le début de ce débat.
Cet amendement tend à poser le principe de la consultation de la représentation parlementaire pour la définition des nouvelles zones franches urbaines. Cette louable intention aurait naturellement dû vous conduire, monsieur le rapporteur, à rejeter les termes de l'article 6, qui y font précisément exception.
S'agissant de l'évaluation concrète des dispositifs, nous ne disposons que de peu d'éléments.
Dans son rapport, M. Laurent Hénart estime le coût, en termes d'exonérations de cotisations sociales, de l'ouverture de quinze nouvelles zones franches à 21 millions d'euros.
Pour autant, nous avons quelques éléments de mesure s'agissant de la situation des zones franches urbaines. Ils nous sont fournis par le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, l'ONZUS.
Il est précisé à plusieurs reprises dans ce rapport qu'un certain nombre d'indicateurs manquent pour mesurer l'exacte pertinence de l'ensemble des politiques publiques, dans ce que l'on appelle la politique de la ville.
Le rapport de l'ONZUS souffre en particulier d'une faible perception de la réalité du revenu des ménages résidant en zone franche urbaine. En effet, la plupart des paramètres sur ces questions ne portent que sur l'année 2001, ce qui nuit à une perception suffisamment précise de la situation.
Sur la base des éléments fournis par la direction générale des impôts, nous avons déjà donné des informations à ce sujet lors de la discussion de l'article 6. Mais les politiques publiques ne peuvent pas être décemment évaluées uniquement à travers des données statiques. Une analyse des évolutions est également nécessaire.
Le rapport de l'ONZUS contient d'ailleurs quelques éléments de mesure du coût des politiques publiques concernant les zones urbaines sensibles.
En 2004, le coût direct de ces politiques a été le suivant : 130 millions d'euros en termes d'exonérations d'impôt sur les bénéfices, 5 millions d'euros au titre de l'exonération de l'imposition forfaitaire annuelle, 75 millions d'euros s'agissant de la taxe professionnelle, 15 millions d'euros au titre de l'exonération de taxe foncière sur les propriétés bâties, 270 millions d'euros d'exonérations de cotisations sociales et quelques millions en exonérations des cotisations sociales personnelles des artisans.
Au total, les dépenses publiques, directes ou fiscales, dans le cadre des politiques d'incitation économique dans les ZFU, s'élevaient donc à 495 millions d'euros.
Monsieur Dallier, puisque vous êtes par ailleurs rapporteur spécial des crédits de la mission « Ville et logement », sachez que le montant prévu des exonérations de cotisations sociales s'élève en 2006 à 339 millions d'euros, tandis que l'impact de l'article 44 octies du code général des impôts est, lui, évalué à 200 millions d'euros.
De fait, ces chiffres sont à la fois importants et finalement faibles. Que pèse en effet ce demi-milliard d'euro au regard, par exemple, des 20 milliards d'allégement général de cotisations sociales, des effets de l'avoir fiscal - ou de ce qui l'a remplacé - ou de ceux du report en arrière des déficits ?
Si elle doit effectivement être faite, cette évaluation doit s'accompagner de l'analyse des coûts cachés de la délimitation des zones franches urbaines.
Ainsi, quand une entreprise renonce à solliciter l'exonération de cotisations sociales spécifique à la zone franche et se contente de l'allégement général, d'autres sommes sont mises en jeu.
Par ailleurs, le faible niveau des salaires des personnels embauchés occasionne probablement à la fois une sous-qualification des emplois et une absence de reconnaissance de la formation réelle des salariés, ce qui conduit à des moins-values fiscales évidentes pour l'État, quelle que soit l'imposition que l'on examine.
Ce sont là, monsieur Dallier, quelques pistes que nous pouvons envisager.
En conclusion, votre amendement pourrait être adopté s'il ne souffrait d'une limite essentielle : il ne prévoit aucune date d'application du principe qu'il définit, pas plus qu'il n'envisage les conséquences du dépôt du rapport.
Adopter un voeu pieux suffira-t-il pour permettre au Parlement de renforcer son contrôle de l'action de l'État ? Nous ne le pensons pas. C'est la raison pour laquelle le groupe CRC ne votera pas cet amendement, qui n'est qu'une mesure d'affichage. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Je suis très déçu ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Je souhaite interroger M. Dallier.
Lors de votre intervention dans la discussion générale, vous avez, monsieur le rapporteur pour avis, expliqué de manière très compréhensible que la non communication par le Gouvernement au Parlement de la liste des quinze nouvelles ZFU ainsi que des implications financières qui résulteraient de leur création, qui auraient donc permis au Parlement de délibérer en connaissance de cause, n'était pas conforme à la LOLF.
L'amendement que vous venez de présenter apporte un certain nombre d'éléments, mais comporte, comme vient de l'expliquer Bernard Vera, de nombreuses limites.
Je vous saurai donc gré, monsieur le rapporteur pour avis, après toutes ces heures de débat, de nous communiquer enfin la liste des quinze nouvelles ZFU et de nous indiquer les coûts financiers que leur création va générer. Il me paraît tout à fait légitime de connaître ces informations, comme cela vous semblait légitime lors votre intervention dans la discussion générale.
M. le président. La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Monsieur Muzeau, je n'ai, s'agissant de cette liste, pas plus d'informations à vous fournir qu'il y a dix jours.
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas normal !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Je pourrais le regretter, monsieur Muzeau, mais c'est un fait.
S'agissant des estimations, j'ai déjà dit à M. Sueur qu'elles figurent dans mon rapport.
M. Roland Muzeau. Je sais ! Je l'ai lu.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Comme cela est précisé à la page 10 de ce rapport, le coût de la création de ces ZFU est évalué à 36 millions d'euros la première année et à 86 millions d'euros la dernière année. Vous avez donc les estimations qui nous ont été communiquées par le ministère.
M. Jean-Pierre Sueur. Quand on ne connaît ni les nouvelles ZFU, ni leur superficie, il est difficile de faire des calculs !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Monsieur Sueur, il s'agit là, bien évidemment, d'une estimation. Sachant que l'on connaît le coût des quatre-vingt-cinq zones franches existantes, on peut approximativement évaluer le coût des quinze zones supplémentaires qui vont être créées. C'est ce qu'ont fait les services du ministère. J'en ai pris acte.
Pour ce qui est de la liste de ces nouvelles ZFU, nous attendrons encore un peu.
M. Roland Muzeau. Vous confirmez que la LOLF n'est pas respectée ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 6.
L'amendement n° 389, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour bénéficier des avantages et dérogations prévus par la section 3 de la présente loi, les entreprises doivent impérativement dans l'année qui suit leur installation avoir procédé au recrutement de 40 % de personnes de moins de 30 ans issues de la zone franche dans laquelle elles se sont installées ou d'une zone urbaine sensible située dans l'agglomération où elle se situe.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Nous disposons, dans le cadre de l'évaluation des zones franches, d'informations désormais relativement fiables sur la proportion de personnes recrutées directement dans les quartiers eux-mêmes, sur leur genre, leur âge et leurs qualifications.
Il est bien sûr relativement difficile de croiser ces données entre elles. Néanmoins, les dernières tendances font apparaître, semble-t-il, un meilleur respect de la proportion visée, qui, si elle est difficilement atteinte, est en nette progression, ainsi qu'une hausse des niveaux de qualification en recrutement.
Compte tenu du taux de chômage dans les quartiers en question et de l'augmentation manifeste de la durée du chômage des jeunes, il semble utile de faire un effort particulier en leur direction en portant à 40 % la proportion des jeunes recrutés issus de ces quartiers.
Afin de faciliter la mobilité interquartiers, cette mesure doit évidemment être étendue à tous les jeunes habitant les quartiers classés en zone urbaine sensible dans une même agglomération.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. Jean-Pierre Sueur. Pourquoi ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Parce qu'on ne veut pas imposer de conditions trop contraignantes, monsieur Sueur. Il existe déjà, on le sait, une clause locale d'embauche. Il ne faut donc pas créer plus de contraintes pour les entreprises. Ce qu'on souhaite, c'est les faire venir, pas les mettre en difficulté.
Il faut vraiment ne pas connaître ces zones pour proposer d'atteindre 40 % en un an. C'est impossible ! En effet, et je l'ai dit à plusieurs reprises, les entreprises ont déjà des difficultés pour trouver du personnel. C'est d'ailleurs pourquoi j'avais souhaité que le Sénat adopte un amendement sur la formation continue, mais vous ne l'avez pas voté.
M. Jean-Pierre Sueur. Merci d'avoir donné des explications.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Merci, madame la sénatrice, d'avoir rappelé que, grâce à l'Observatoire national des ZUS, que nous avons mis en place, nous avons désormais une vision précise de ce qui se passe dans les zones franches urbaines.
Nous savons ainsi aujourd'hui que le plus grand problème des habitants des zones urbaines sensibles, c'est leur manque de formation, qui, malheureusement, rend leur embauche encore difficile. Quand on regarde les commentaires des chefs d'entreprise de ces zones franches urbaines, on constate que leur principale difficulté est de trouver de la main-d'oeuvre qualifiée.
C'est la raison pour laquelle - je l'ai dit avant-hier - le Gouvernement s'engage à avancer l'accompagnement personnalisé. Pour augmenter le nombre d'habitants des zones urbaines sensibles travaillant dans les zones franches urbaines, il faut avant tout mettre en place de la formation.
Voilà pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 390, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour bénéficier des avantages et dérogations prévus par la section 3 de la présente loi, les entreprises doivent impérativement dans l'année qui suit leur installation avoir procédé au recrutement de 40 % de femmes, issues de la zone franche dans laquelle elles se sont installées ou d'une zone urbaine sensible située dans l'agglomération où elle se situe.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Par cet amendement, il s'agit de porter à 40 % la proportion de femmes issues de la zone franche dans laquelle l'entreprise est installée ou de la zone urbaine sensible située dans l'agglomération où elle est implantée.
En effet, le taux de chômage des femmes dans les zones urbaines sensibles ne cesse d'augmenter. Il a progressé de 1,6 point en 2004. Les indications empiriques dont dispose le service public de l'emploi laissent prévoir semblable évolution pour l'année qui vient de s'écouler.
Le taux d'activité des femmes de plus de vingt-cinq ans dans les ZUS reste inférieur de dix points à celui de la moyenne des citadines. Nous observons donc une inégalité caractéristique. J'ai bien entendu votre argumentation, madame la ministre. Elle vaut bien sûr également pour les femmes : la formation d'abord.
Néanmoins, afficher l'objectif d'augmenter la proportion de femmes embauchées dans ces quartiers me paraît totalement justifié.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Même si je comprends parfaitement l'objectif tout à fait louable de cet amendement, le véritable sujet, nous le savons tous ici, c'est le désenclavement du travail des femmes. C'est sur ce point que nous travaillons, avec Gérard Larcher.
Voilà pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 390.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 7 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 284, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 44 octies du code général des impôts est ainsi modifié :
I. Dans la première phrase du V, les mots : « le 31 décembre 2007 » sont remplacés par les mots : « la date de publication de la loi n° du pour l'égalité des chances » ;
II. Le premier alinéa du VI est ainsi rédigé :
« Les dispositions des I à IV sont applicables aux contribuables qui exercent des activités entre le 1er janvier 2004 et le 31 décembre 2008 inclus ou qui créent des activités entre le 1er janvier 2004 et la date de publication de la loi n° du pour l'égalité des chances dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi nº 95-115 du 4 février 1995 précitée et dont la liste figure au I bis de l'annexe à la loi nº 96-987 du 14 novembre 1996 précitée. »
La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Cet amendement vise à clore à la date de publication de la présente loi les régimes d'exonération fiscale pour création d'activité dans les anciennes ZFU.
En effet, si cet amendement n'était pas adopté, il nous semble que se poserait alors un problème : le régime d'exonération fiscale des ZFU de troisième génération viendra se superposer, à compter du 1er janvier 2006, à celui existant dans les ZFU de première et de deuxième génération.
Aussi, nous vous proposons de clore par anticipation les régimes pour les ZFU de première et de deuxième génération afin d'éviter que ces deux régimes fiscaux différents ne se fassent concurrence, ce qui pourrait poser problème.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Sagesse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 7.
L'amendement n° 711, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le II de l'article 54 du code des marchés publics, les mots : « du quart » sont remplacés par les mots : « du tiers ».
La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Dans les ZUS se pose la question du développement de l'activité des entreprises - notamment les très petites entreprises. Cet amendement vise à leur permettre de jouer pleinement leur rôle de vecteurs d'emplois, notamment d'emplois de proximité.
La question des très petites entreprises, et spécialement les entreprises artisanales, les sociétés coopératives ouvrières de production, voire les entreprises d'insertion et les structures d'aide par le travail destinées aux travailleurs handicapés, est l'un des aspects nodaux du développement de l'emploi.
Dans le cas des zones franches urbaines, par exemple, la part des entreprises de petite taille est déterminante dans la « population » des établissements créés.
En effet, si l'on reprend les éléments fournis par l'étude de la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques, la DARES, sur les embauches dans les zones franches urbaines, on observe que les entreprises de moins de dix salariés sont à l'origine de 45,7 % des embauches réalisées par les entreprises implantées en zone franche.
Ce taux atteint même 50 % dans les nouvelles zones franches urbaines qui sont issues de la loi 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville, la répartition se faisant à parts égales entre les entreprises de zéro à deux salariés et les entreprises de trois à neuf salariés.
On notera également que 52 % des établissements ayant embauché en zone franche dans le courant de l'année 2004 n'ont embauché en tout et pour tout qu'un seul salarié, et que les embauches collectives plus significatives n'ont concerné que 13 % des entreprises ayant embauché.
Dans les anciennes ZFU, en rapportant le nombre d'établissements ou d'entreprises ayant embauché au nombre d'embauches réalisées, on aboutit à une moyenne de 3,54 embauches par établissement, tandis que cette moyenne s'établit à 2,53 embauches dans les entreprises implantées dans les nouvelles ZFU.
C'est donc ce maillage plus ou moins serré de très petites entreprises qui est à l'origine de la création d'emplois dans les zones franches urbaines. Pour autant, comme nous avons eu l'occasion de le souligner, ces emplois sont plutôt faiblement rémunérés. En outre se pose la question de la consistance du développement des stratégies d'embauche de ces établissements.
Pour un certain nombre d'entreprises, les emplois sont en effet créés dès la première année d'implantation dans la zone franche, ou l'année suivante pour les entreprises ne comptant à l'origine aucun salarié.
Sans doute conviendrait-il de se demander, dans ce cadre, quels sont les liens effectifs unissant parfois les entreprises domiciliées en zone franche et leurs principaux clients. On peut déduire de ce mouvement quasi étale des créations d'emplois le signe d'une dépendance sinon juridique, à tout le moins économique.
Voilà ce que nous souhaitions dire. Notre proposition n'a d'ailleurs pas le mérite d'une grande originalité, nous le confessons. Le principe du « tiers coopératif » existait en effet dans le code des marchés publics antérieur, avant qu'il soit réformé par voie réglementaire. De fait, nous nous contentons de proposer sa renaissance.
C'est donc pour favoriser le développement de l'activité des TPE, dans des conditions de plus grande stabilité de leur activité, que nous vous invitons, mes chers collègues, à adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Cet amendement est sans lien avec les ZFU. Le code des marchés publics, qui a été équilibré pour préserver l'égalité du traitement des offres, convient tout à fait à la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Premièrement, cet amendement vise à modifier une disposition réglementaire.
Deuxièmement, le Gouvernement est en train de modifier le code des marchés publics. S'il est estimé que cette mesure est opportune, elle pourra donner lieu à une saisine rectificative du projet de décret.
Troisièmement, dans la mesure où le ministre réfléchit à un ensemble de dispositions en faveur des PME, une mesure semblable à celle que vous proposez pourrait y trouver sa place.
M. Guy Fischer. Nous l'espérons vivement !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. À ce stade, le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 711.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 7 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 323, présenté par MM. Ries et Yung, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, M. Repentin, Mmes San Vicente, Schillinger, Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, s'implantent dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et dont la liste figure au I et au I bis de l'annexe à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, ainsi que celles qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent ou créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et dont la liste est arrêtée par le décret prévu par l'article 6 de la loi n° pour l'égalité des chances, bénéficient d'une exonération totale de la taxe sur les salaires visés à l'article 231 du code général des impôts.
II. La perte de recettes résultant de l'application de cette disposition est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 324, présenté par M. Ries, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, M. Repentin, Mmes San Vicente, Schillinger, Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. L'article 1679 A du code général des impôts est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Ce montant est porté à 10 900 euros à compter du 1er janvier 2006 pour les associations régies par la loi du 1er juillet 1901 qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, s'implantent dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et dont la liste figure au I et au I bis de l'annexe à la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, ainsi que pour celles qui, entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2011, exercent ou créent des activités dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et dont la liste est arrêtée par le décret prévu par l'article 6 de la loi n°... -... pour l'égalité des chances.
« Ce montant est relevé chaque année dans la même proportion que la limite supérieure de la première tranche du barème de l'impôt sur le revenu. Le résultat obtenu est arrondi s'il y a lieu à l'euro le plus proche. »
II. La perte de recettes résultant de l'application de cette disposition est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Jean-Pierre Caffet, pour défendre ces deux amendements.
M. Jean-Pierre Caffet. L'amendement n° 324 est un amendement de repli au cas où, par malheur, l'amendement n° 323 ne serait pas adopté.
M. Jean-Pierre Sueur. Un malheur est si vite arrivé ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Caffet. En effet, monsieur Sueur ! (Nouveaux sourires.)
Ces deux amendements abordent la question de la revitalisation, à la fois sociale et économique, d'un certain nombre de quartiers en grande difficulté. Nous considérons que cette revitalisation et la sortie de ces quartiers des difficultés dans lesquelles ils se trouvent ne peuvent pas simplement passer par la création d'emplois et par les incitations fiscales qui les permettent ou les favorisent. Bien sûr, nous n'y sommes pas opposés, mais nous pensons qu'il faut adopter des politiques d'ensemble, non seulement en faveur de la création d'emplois, mais également des politiques de cohésion sociale, des politiques en faveur des transports, en faveur du désenclavement de ces quartiers.
Qui connaît un peu ces quartiers, qui les pratique, qui sait leurs difficultés, qui essaie de faire en sorte que ces difficultés soient réglées par ces politiques-là, s'accordera à reconnaître que le rôle des associations est fondamental. Plus est dense le tissu d'associations oeuvrant non seulement dans le domaine social, mais aussi en faveur de la cohésion sociale, plus ces quartiers profitent des politiques mises en oeuvre par les collectivités territoriales.
L'amendement n° 323 vise à favoriser l'implantation et le développement de ces associations. Pour ce faire, nous proposons tout simplement de les exonérer totalement du paiement de la taxe sur les salaires, dont elles sont redevables au titre de leurs employés. Cette mesure s'appliquerait aux associations situées dans les ZFU de première et de deuxième génération et à celles qui sont déjà présentes ou qui pourraient se créer à l'avenir dans les quinze nouvelles ZFU.
Si cet amendement devait ne pas être adopté, notre amendement de repli n° 324, un peu plus restrictif, vise simplement à multiplier par deux l'exonération actuelle, qui passerait de 5 453 euros en 2005 à 10 900 euros. Auquel cas, on permettrait aux associations présentes dans ces quartiers de ne pas supporter de taxe sur les salaires à hauteur de deux emplois à plein temps payés au SMIC. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. S'agissant du premier amendement, nous émettrons un avis défavorable eu égard au coût de la mesure.
Pour autant, et afin de vous montrer que nous ne sommes pas insensibles à vos arguments, d'autant que vous avez fait référence à un rapport rédigé en 2001 par Alain Lambert, membre de la commission des finances, qui faisait une proposition similaire, nous demandons l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 324. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 323 et craint de devoir émettre le même avis sur l'amendement n° 324.
M. Jean-Pierre Caffet. Un effort !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'abattement de la taxe sur les salaires procure déjà un avantage substantiel aux associations. Il permet d'exonérer complètement les associations employant à temps plein jusqu'à près de six salariés rémunérés au niveau du SMIC, soit un seuil qui se situe très au-delà de l'objectif de deux salariés que vous fixez dans votre proposition, et davantage en cas de recours au temps partiel. Le montant est indexé sur le barème de l'impôt sur le revenu, ce qui permet d'en préserver année après année la portée.
Fixé à 5 453 euros en 2005, il s'établit à 5 551 euros en 2006. De fait, à son niveau actuel, l'abattement représente un effort budgétaire en faveur du secteur associatif de l'ordre de 250 millions d'euros, ce qui permet à la majorité des associations d'être totalement dispensées du paiement de la taxe sur les salaires.
Enfin, un relèvement du montant de l'abattement de la taxe sur les salaires en faveur des associations implantées en ZFU susciterait des demandes de la part de l'ensemble du secteur associatif et des autres bénéficiaires de l'abattement. Le coût d'une telle mesure a été estimé à 120 millions d'euros.
En définitive, on pourrait atteindre un montant supérieur à 9 milliards d'euros, correspondant au rendement global de cette taxe.
En outre, les contrats aidés tels que les contrats d'avenir ou les contrats d'accompagnement dans l'emploi sont également exonérés de la taxe sur les salaires.
Considérant que les différents dispositifs existants représentent déjà un effort très significatif, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 411 rectifié, présenté par MM. Masson, Adnot, Alduy, Beaumont, Bernardet et Besse, Mme Bout, MM. Cambon, Cléach et Darniche, Mme Desmarescaux, MM. P. Dominati, Dulait, J.L. Dupont, Esneu et Faure, Mme Garriaud-Maylam, MM. Grillot et Hérisson, Mme Hummel, MM. Longuet et Milon, Mme Payet, MM. Portelli, Revet, Türk et Virapoullé et Mme Létard, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. - L'article L. 2334-16 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« ... ° Les communes dont la population est inférieure à 5 000 habitants, dont plus de la moitié de la population est située en zone urbaine sensible et qui font partie d'une agglomération de plus de 5 000 habitants ».
II. - Les dispositions du I entrent en application le 1er janvier 2007.
M. Christian Cambon. Il est retiré, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 411 rectifié est retiré.
Article additionnel après l'article 11 (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après l'article 11, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les I, III et IV de l'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, la référence : « L. 613-1 » est substituée par trois fois à la référence : « L. 615-1 ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 11.
Article additionnel après l'article 12 (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 276, présenté par M. Cornu, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 720-11 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Les sept premiers alinéas sont ainsi rédigés :
« I. - La Commission nationale d'équipement commercial comprend neuf membres nommés, pour une durée de six ans non renouvelable, par décret pris sur le rapport du ministre chargé du commerce. La commission est renouvelée par tiers tous les deux ans.
« II. - Elle se compose de :
« 1° Trois personnalités désignées pour leur compétence en matière de distribution, de consommation, d'aménagement du territoire ou d'emploi par le président du Conseil économique et social, le président de l'assemblée des chambres françaises de commerce et d'industrie et le président de l'assemblée permanente des chambres de métiers ;
« 2° Trois personnalités qualifiées désignées par le président de l'Assemblée nationale, le président du Sénat et le ministre chargé du commerce ;
« 3° Un membre du corps de l'inspection générale des finances désigné par le chef de ce service ;
« 4° Un membre du corps de l'inspection générale de l'équipement désigné par le chef de ce service ;
« 5° Un membre du corps de contrôle général économique et financier désigné par le chef de ce service. » ;
2° Le huitième alinéa est ainsi rédigé :
« III. - Le président de la commission est choisi parmi ses membres par le ministre chargé du commerce. Il a voix prépondérante en cas de partage des voix. » ;
3° Dans le V, le mot : « départementale » est supprimé ;
4° Le VII est remplacé par deux paragraphes ainsi rédigés :
« ... - Le rapport annuel d'activité de la commission nationale d'équipement commercial est transmis au Parlement.
« ... - Les modalités d'application du présent article sont déterminées par décret en Conseil d'État. » ;
5° Les III à VI deviennent les IV à IX.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Articles additionnels après l'article 14 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 86 rectifié, présenté par M. P. André, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après le titre IV du livre VII du code de commerce, il est inséré un titre V ainsi rédigé :
« Titre V
« Réhabilitation des ensembles commerciaux
« Art. L. 750-1. Lorsque la dégradation, la vétusté ou l'absence d'entretien d'un ensemble commercial compromet la rénovation urbaine d'un quartier, le préfet, le maire après avis du conseil municipal ou le président de l'établissement public de coopération intercommunal compétent après avis de l'organe délibérant de l'établissement, peut mettre en demeure le ou les propriétaires de procéder à la réhabilitation de cet ensemble commercial.
« À défaut de réponse dans un délai de trois mois, l'expropriation des locaux peut être poursuivie, dans les conditions prévues par le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, au profit de l'Etat, de la commune, de l'établissement public de coopération intercommunal ou d'un établissement public d'aménagement créé en application des articles L. 321-1 ou L. 326-1 du code de l'urbanisme. L'enquête publique porte alors sur le projet d'expropriation et sur le projet de réhabilitation de l'ensemble commercial. »
La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Dans nombre de quartiers dégradés, des centres commerciaux partent à la dérive en raison du refus d'un ou de deux propriétaires d'engager des travaux de rénovation. Cette attitude crée un préjudice très important.
Aussi, en cas d'opération de rénovation urbaine dans ces quartiers, nous souhaiterions donner la possibilité aux collectivités locales de procéder à des expropriations, comme peut le faire l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission souhaite connaître l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. M. le rapporteur pour avis vient de soulever un problème important et que l'on rencontre très régulièrement dans de nombreuses villes, à savoir le refus par certains propriétaires de rénover leur commerce alors que l'ensemble des acteurs publics réalisent d'importants investissements dans les opérations de réhabilitation. C'est d'ailleurs pour les y inciter que le Premier ministre a décidé de multiplier par trois les sommes mises à disposition par l'EPARECA, l'organisme public chargé de réaliser ces réhabilitations.
L'amendement de M. le rapporteur pour avis vise à donner aux maires et aux présidents d'établissements publics de coopération intercommunale la capacité de poursuivre l'expropriation de commerces pour mener à bien un projet d'amélioration d'équipement commercial.
Même si la procédure est bien encadrée, chacun sait ici qu'elle reste très sensible. La concertation, extrêmement importante, a été engagée avec les représentants des commerçants pour permettre aux maires d'utiliser le droit de préemption en cas de cession de fonds de commerce. Elle devrait aboutir très prochainement. Néanmoins, le Gouvernement voudrait progresser dans la résolution du problème que vous soulevez et s'engage à faire des propositions en ce sens dans les six mois.
Aussi, monsieur le rapporteur pour avis, compte tenu de ces précisions, j'aimerais que vous nous accordiez ces six mois de délai et que vous retiriez votre amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, l'amendement n° 86 rectifié est-il maintenu ?
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Non, je le retire, monsieur le président, compte tenu des engagements très précis qu'a pris Mme la ministre et pour lui être agréable. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 86 rectifié est retiré.
L'amendement n° 409 rectifié, présenté par MM. Darniche, Masson, Retailleau et Türk et Mme Desmarescaux, est ainsi libellé :
Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 720-10 du code de commerce est modifié comme suit :
1° Dans la première phrase du premier alinéa, les mots : « quatre mois » sont remplacés par les mots : « deux mois » ;
2° Dans le deuxième alinéa, les mots : « de deux mois» sont remplacés par les mots : « d'un mois» et les mots : « quatre mois » sont remplacés par les mots : « deux mois ».
Cet amendement n'est pas soutenu.
Articles additionnels après l'article 15 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 319 rectifié, présenté par MM. Dassault, Doligé et Pointereau, est ainsi libellé :
Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article L. 451-3 du code de l'action sociale et des familles, les mots : « mentionnés à l'article L. 451-1. » sont remplacés par les mots : « mentionnés à l'article L. 451-2-1 »
Cet amendement n'est pas soutenu.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je le reprends !
M. Guy Fischer. Le grand capital !
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 319 rectifié bis, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement a pour objet d'assurer la cohérence entre le périmètre de la nouvelle compétence régionale et les crédits transférés par l'État, et d'opérer la distinction entre ce qui relève de la formation initiale transférée aux régions et ce qui dépend de la formation continue régie par les principes du droit commun.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 15.
L'amendement n° 394, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :
Après l'article 15, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les entreprises s'installant dans les zones franches urbaines et bénéficiant des avantages et dérogations prévues aux articles précédents doivent obtenir un avis favorable des maires des communes ou des présidents de communautés d'agglomération ayant la compétence du développement économique sur le territoire concerné.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Nous touchons là à une question qui dépasse la seule loi « égalité des chances ». Mais depuis une semaine, notre discussion a interféré à plusieurs reprises avec des enjeux de ce type.
La maîtrise des coûts du foncier et des conditions des transactions de l'immobilier d'entreprise échappe exagérément à la possibilité de veille des élus territoriaux, qui doivent en permanence tordre au-delà du nécessaire les règlements d'urbanisme pour contrôler la nature des activités qui s'implantent sur leurs territoires.
Je songe en particulier, dans certaines parties de la Seine-Saint-Denis, à l'accumulation de hangars divers et variés, de solderies avec des propriétaires plus ou moins mystérieux, de quais de logistiques et d'entrepôts pour transporteurs routiers, à des systèmes plus ou moins biodégradables d'employeurs de la filière textile, à des kartings et autres activités dévoreuses d'espaces et sans intérêt pour la qualité du développement des quartiers les plus en difficulté. (Mouvements divers sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Un peu de silence, les ennemis du peuple !
Mme Dominique Voynet. D'une façon générale, tout ce qui attire n'importe quel type d'activité n'est pas excellent n'importe où.
Je trouve que, sans exagérer la pression bureaucratique, les possibilités d'intervention des maires devraient en général aller dans le sens d'une plus grande participation de ceux-ci aux décisions d'implantation. A fortiori, pour des espaces, particulièrement vulnérables, dans lesquels il vaut mieux ne pas ajouter à la dégradation du bâti, des voies de circulation et des commerces, en implantant n'importe quel type d'activité.
Il est d'autant plus nécessaire que les maires aient leur mot à dire sur cette affaire que c'est très souvent à eux que s'adressent les entreprises quand il est question de voirie, de signalétiques, de gestion des déchets, de navettes interentreprises.
Tel est l'objet de mon amendement, qui me paraît relever du simple bon sens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Il existe déjà des dispositions qui permettent aux maires et aux élus locaux de veiller à la cohérence des projets d'implantation. Je pense à la commission départementale d'équipement commercial et à l'octroi du permis de construire.
Il s'agit, de plus, de libérer la création d'entreprise et de dynamiser l'activité économique dans ces zones. Des contraintes supplémentaires ne sont pas souhaitables.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 394.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels avant l'article 16 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 331, présenté par Mmes Printz et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. L... . - L'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme a pour objet, dans le cadre de la lutte contre les exclusions définie par le gouvernement, de fédérer et d'optimiser les moyens affectés par l'État, les collectivités territoriales, les entreprises et les associations à la lutte contre l'illettrisme. L'Agence a pour mission :
« - d'organiser la concertation entre ses membres ;
« - d'animer et coordonner leur action lors de la mise en place de plans régionaux de lutte contre l'illettrisme ;
« - de proposer aux actions de la lutte contre l'illettrisme un cadre commun, des outils et des méthodes ;
« - de veiller à la mise en oeuvre des politiques et des actions menées contre l'illettrisme ;
« - de faire procéder à l'évaluation de l'impact des politiques et des actions menées contre l'illettrisme ;
« - de veiller à la prise en compte des questions relatives à l'illettrisme dans les programmes de recherche ;
« - de commander des enquêtes et travaux nécessaires au suivi statistique. »
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Madame la ministre, je suis désolée de revenir sur l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, mais l'organisation de nos travaux m'oblige à le faire.
Nous avons évoqué, à l'occasion du débat sur le service civique - nous le souhaitions obligatoire ; il est facultatif -, les conséquences, qui n'ont pas été mesurées, de la suppression de la conscription, notamment sur la détection de l'illettrisme.
La lutte contre l'illettrisme constitue, plus que jamais, un atout majeur. La loi de 1998 de lutte contre les exclusions avait donné à cette lutte une priorité nationale.
Depuis cinq ans, l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme coordonne les actions concourrant à prévenir et à résorber l'illettrisme, en lien avec tous les acteurs concernés : l'État et les collectivités territoriales, l'administration, le secteur associatif et l'entreprise, ainsi que les partenaires sociaux.
La création d'une nouvelle agence apporte une certaine confusion par rapport au devenir et aux missions de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme.
L'avant-projet de loi avait prévu que la nouvelle agence absorberait l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme. Cela ne figure plus dans le texte qui nous a été transmis.
Néanmoins, l'illettrisme fait partie des missions qui sont assignées à la nouvelle agence pour l'égalité des chances.
Les missions de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme et de ses personnels sont manifestement compromises.
À travers cet amendement, nous souhaitons donc réaffirmer les missions de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme. La réponse que vous nous avez apportée nous a semblé partielle. Je vous remercie de bien vouloir préciser quel sera le devenir de cette agence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à introduire dans le code de l'action sociale et des familles l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme.
Or celle-ci a été créée en octobre 2000 sous la forme d'un GIP, groupement d'intérêt public. Le statut choisi du GIP est volontairement souple, car cette agence est destinée à être non pas un organisme supplémentaire, mais une structure légère devant fédérer et optimiser tous les moyens de l'État, des collectivités territoriales, des entreprises et de la société civile en faveur de la lutte contre l'illettrisme.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Quand on sait que plus de 9 % de la population est concernée par l'illettrisme, il est légitime de revenir sur le sujet.
Effectivement, l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme est un groupement d'intérêt public. Elle poursuivra les missions qui sont les siennes, puisqu'elle agit comme un organisme de conseil, de mise en commun de bonnes pratiques et de diffusion de l'ensemble. Elle continuera à fonctionner avec son statut actuel.
Le Gouvernement dispose de plusieurs moyens dans la lutte contre l'illettrisme, notamment le programme IRILL - insertion, réinsertion, lutte contre l'illettrisme - du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement. Bien évidemment, les missions menées par le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, en direction des publics seront reprises dans le cadre de l'agence. Les uns et les autres conservent donc tout leur rôle et l'ensemble de leurs missions.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 772, présenté par M. Voguet, Mme Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 311-3-1 du code de l'éducation est ainsi rédigé :
« Art. L. 311-3-1 - À tout moment de la scolarité obligatoire, dès qu'il apparaît qu'un élève risque de ne pas maîtriser les connaissances et les compétences indispensables à la fin d'un cycle, l'équipe éducative, en liaison avec l'élève et la famille, met en place un dispositif adapté d'aide, de soutien, dans le cadre de la classe ou d'un travail en petit groupe, voire d'un travail individuel. »
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Cet amendement est défendu.
M. le président. L'amendement n° 812, présenté par M. Voguet, Mme David, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 16, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après les mots : « ou le chef d'établissement », la fin du second alinéa de l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation est ainsi rédigée : «, après avis du conseil de classe, met en place un parcours personnalisé de réussite éducative après accord de la famille. ».
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Avec cet amendement, nous vous proposons de compléter l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation par des dispositions qui précisent que l'équipe éducative dans son ensemble met en place un parcours personnalisé de réussite éducative après accord de la famille.
Madame la ministre, au moment où l'implication civique de chaque individu est sollicitée par un exercice nécessaire à la croissance de la démocratie, au moment où les parents d'élèves sont impliqués dans l'éducation nationale et y sont représentés au travers de différentes associations importantes et bien structurées, au moment où le système social que vous défendez sollicite une autonomie financière et bancaire des jeunes, au moment où les élèves sont organisés au sein de la démocratie scolaire, unilatéralement, sous l'autorité des chefs d'établissement, vous oubliez l'équipe pédagogique, les enseignants et les élèves eux-mêmes.
Nous nous en étonnons, et nous proposons cet amendement pour rectifier une telle erreur.
Intégrer l'ensemble de l'équipe éducative dans le combat contre les inégalités et pour l'égalité des chances est, selon nous, un point très important, qui aurait toute sa place dans le présent projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui est d'ailleurs très proche du précédent.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Nous considérons que cet amendement est satisfait. En effet, l'article L. 311-3-1 du code de l'éducation prévoit déjà que « le directeur d'école ou le chef d'établissement propose aux parents ou au responsable légal de l'élève de mettre conjointement en place un programme personnalisé de réussite éducative ».
Dans ce contexte, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 812.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Articles additionnels après l'article 18 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 195, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa du II de l'article 53 du code des marchés publics, après les mots : « ses performances en matière d'insertion professionnelle des publics en difficulté, », sont insérés les mots : « ses performances en matière de promotion pour l'égalité des chances, ».
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. L'introduction de la clause du « mieux-disant » dans le nouveau code des marchés publics a permis d'intégrer la politique d'insertion de l'entreprise dans les critères d'attribution d'un marché.
Selon nous, il faut élargir cette clause à la politique de recrutement et de promotion menée au sein de l'entreprise. On pourrait poser plusieurs questions à l'entreprise. Est-elle signataire de la charte de la diversité ? Est-elle signataire du « label égalité » ? que vous avez mis en oeuvre, madame la ministre. Combien y a-t-il de femmes aux postes de direction ? Quelle place est-elle accordée aux handicapés ? L'entreprise respecte-t-elle la réglementation existante ou préfère-t-elle s'acquitter d'une amende ?
Sans avoir recours, loin de là, à des statistiques ethnoraciales, il est d'ores et déjà possible de mesurer le degré de diversité d'une entreprise à tous les niveaux hiérarchiques.
C'est la raison pour laquelle cet amendement tend à introduire, parmi les critères retenus pour l'attribution de marchés publics, les performances en matière de promotion pour l'égalité des chances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement est vague et serait difficilement applicable. La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je comprends l'intention des auteurs de cet amendement. Toutefois, le problème qui se pose est celui de la mesure de la définition des critères. L'article 53 du code des marchés publics définit un certain nombre d'éléments et s'en tient aux performances en matière d'insertion professionnelle. Il précise que d'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché.
Cet amendement est partiellement satisfait, étant précisé qu'il est difficile d'évaluer ce à quoi vous faites allusion. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 367, présenté par MM. Gillot, S. Larcher, Lise et Madec, Mmes Demontès, Le Texier, Printz, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Godefroy, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries et Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans les six mois suivant promulgation de la loi n° du pour l'égalité des chances, le Gouvernement remet un rapport au Parlement afin de faire part de la modalité de création d'un droit à une prise en charge intégrale de ses frais de déplacement par l'autorité organisatrice du concours pour tout candidat se présentant à un concours administratif nécessitant pour celui-ci un déplacement supérieur à cent kilomètres.
La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Je vais vous soumettre, à travers cet amendement, un cas extrêmement concret.
À Neuilly-sur-Marne, il existe une école d'infirmières. Mais nous avons beaucoup de mal à trouver des candidats. Un grand nombre de jeunes femmes issues des départements et collectivités d'outre-mer se présenteraient volontiers si elles pouvaient être défrayées pour leur déplacement. Aussi, la directrice de l'école va à la Réunion, à la Guadeloupe ou à la Martinique pour recruter.
M. Jean Bizet. C'est moins cher !
M. Jacques Mahéas. Les droits d'inscription - et je pourrais citer d'autres exemples où ils sont également importants - s'élèvent à une centaine d'euros. Et s'il faut y ajouter le coût du déplacement...
Pour l'instant, je demande non pas que l'on se prononce, mais simplement que le Gouvernement remette un rapport au Parlement, de façon à envisager la création d'un droit à une prise en charge de ces frais de déplacement. En effet, il existe un potentiel d'emplois de ce type dans les départements et collectivités d'outre-mer.
Je souhaite que le Gouvernement examine ces situations, qui sont étonnantes. Ainsi, dans mon équipe municipale, je connais un professeur qui a dû aller en Guyane pour corriger des copies. Ça fait cher de la copie !
Je propose la remise d'un rapport au Parlement envisageant plusieurs solutions afin de trouver un système plus rigoureux que celui qui prévaut actuellement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. C'est une idée généreuse, que nous respectons, mais sans lien direct avec le texte.
M. Jacques Mahéas. C'est l'égalité des chances ! Ceux qui habitent outre-mer vont apprécier !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. La constitutionnalité de cet amendement est en question, que ce soit au regard de l'article 40 eu égard à la charge que la disposition proposée pourrait créer, des articles 34 et 37 qui renvoient au pouvoir réglementaire et de l'article 72 sur la libre administration des collectivités. L'amendement vaudrait aussi pour la fonction publique territoriale et créerait une charge supplémentaire sur le chef des collectivités locales.
Cela étant dit, je veux vous apporter quelques précisions pour répondre à vos interrogations.
Tout d'abord, il existe pour les candidats issus des DOM des aides apportées par l'Association nationale pour l'insertion et la promotion des travailleurs d'outre-mer.
Ensuite, dans le cadre de la politique de déconcentration des concours, une circulaire du 2 janvier sur la réforme de l'administration départementale préconise un effort.
Enfin, pour les candidats aux concours internes, ce qui est aussi possible dans le cas des aides-soignantes qui veulent devenir infirmières, il existe un droit à prise en charge des frais de déplacement.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 793, présenté par Mme David, MM. Voguet, Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 121-7 du code de l'éducation, est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L... . - L'assistance sociale des élèves fait partie des missions éducatives de l'Etat et est mise en oeuvre dans chaque académie, sous l'autorité du recteur. »
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Agir pour l'égalité des chances, c'est aussi permettre à l'action sociale en faveur des élèves de l'enseignement public d'occuper une place plus importante. Cette action est rendue nécessaire par la situation dans laquelle se trouve un nombre de plus en plus important d'enfants et de jeunes : scolarisés, ils n'en sont pas moins en manque de repères du fait de familles socialement et économiquement précaires.
Tout d'abord, il importe de rappeler que le nombre d'enfants pauvres en France ne cesse d'augmenter.
Une étude officielle, publiée en janvier 2004, par le Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, présidé par Jacques Delors, avait estimé à un million le nombre d'enfants pauvres, en fixant, comme l'INSEE, le seuil de pauvreté à la moitié du niveau de vie médian. Mais si l'on se fonde, avec l'Union des familles en Europe, sur le critère européen, à savoir 60 % du revenu médian, la France compterait deux millions d'enfants pauvres. Cette pauvreté massive est la conséquence de la crise économique dont on ne parvient pas à sortir, et du chômage de masse qui en découle. On connaît les effets déstructurants pour une famille lorsque les parents sont durablement privés d'emploi. Or la relative baisse du chômage que l'on connaît actuellement laisse complètement à l'écart les chômeurs de longue durée, dont l'employabilité, pour reprendre un terme d'économiste, ne cesse de décroître.
Ainsi, toute une frange de la population se trouve en marge de la société, de façon durable.
Or, notre système éducatif contribue à renforcer cette situation de discrimination.
L'inadaptation du système a été renforcée par la loi de 2005 d'orientation et de programme sur l'avenir de l'école, qui, reprenant la nécessité de trouver de nouvelles réponses, en apporte de mauvaises : les idées préconçues divisant la société entre la classe manuelle et la classe intellectuelle, chacune bien à sa place, ont guidé cette réforme, renforçant le caractère discriminatoire de l'école. L'école sert à aiguiller les enfants en fonction de leur origine socioculturelle.
Le sociologue François Dubet note qu'en se massifiant l'école est non plus une chance à saisir, mais un cadre imposé à toute une classe d'âge. Elle devient alors une machine à discriminer.
Suivant l'analyse de Pierre Bourdieu, pour qui l'école est un outil au service de ceux qui savent s'en servir, donc au service des mieux dotés en capital culturel, François Dubet considère que les classes dominées subissent des choix qui ne sont pas les leurs, des préconceptions intellectuelles et normatives qui leur sont appliquées.
Enfin, le diplôme ne permet plus de se prémunir contre l'absence de perspectives.
En réalité, notre système éducatif a connu, depuis vingt ans, des évolutions pour le moins sensibles, dont les moindres ne sont pas l'augmentation des effectifs de l'enseignement du second degré et l'allongement relatif de la durée de la scolarité qui en résulte. Mais vous avez des avis divergents sur ce point.
Un nombre croissant de jeunes, issus notamment des catégories sociales les plus modestes, parviennent à un niveau scolaire plus élevé qu'auparavant, notamment par rapport à leurs propres parents.
Toutefois, cette élévation générale du niveau scolaire ne s'accompagne plus de ce qui fut longtemps considéré comme son corollaire automatique : une amélioration globale des conditions de vie.
En effet, les jeunes Français sont loin d'être assurés d'avoir une vie meilleure que celle de leurs parents, alors même qu'ils ont rempli leur part du contrat : l'obtention d'un diplôme national. Certes, on a obtenu 70 % d'une classe d'âge au baccalauréat, mais plus de 20 % des dix-huit-vingt-cinq ans sont au chômage. Le contrat social est rompu. Cette situation engendre une désespérance, un désenchantement chez ces jeunes, mais aussi dans leur entourage, notamment chez les plus jeunes, ceux qui sont encore scolarisés, qui n'ont pas encore de diplôme, mais savent déjà que ce dernier ne constituera pas un passeport pour l'avenir, contrairement à ce que l'on essaye encore de leur dire.
Ces trois facteurs - accroissement de la pauvreté, discrimination par l'école et absence de perspectives malgré le diplôme - justifient plus qu'amplement l'objet de cet amendement. Il s'agit de faire de l'assistance sociale l'une des missions éducatives de l'État et d'assurer sa mise en oeuvre dans chaque académie sous l'autorité du recteur. Il importe, en effet, que la pure logique académique, qui joue en la défaveur des populations pauvres et fragiles, soit fortement accompagnée d'une logique d'assistance sociale.
Or, depuis quelques années, il n'y a plus eu de créations de postes dans ce domaine. Il faut y remédier, afin de sortir de cet effet pervers qui transforme l'école en machine à discriminer, alors qu'elle devrait être le lieu de l'émancipation intellectuelle et sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Les assistantes sociales agissent déjà en milieu scolaire.
La commission considère que cette disposition n'est pas tout à fait dans le sujet et émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis d'autant plus défavorable que cet amendement est partiellement satisfait, puisque la contribution du service public de l'éducation à l'égalité des chances, c'est le premier alinéa du premier article du code de l'éducation, l'article L. 111-1.
M. le président. L'amendement n° 790, présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 18, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le premier alinéa du II de l'article L. 135-7 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée : « La notice d'information contient également des éléments d'information sur les dispositifs juridiques contre les discriminations en milieu professionnel énoncés à l'article L. 122-45 et contre le harcèlement énoncé à l'article L. 122-46, sur le principe de l'égalité de traitement, et sur l'existence de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité créée par la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, et de l'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances mentionnée à l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Chacun dans cet hémicycle le sait, l'employeur doit respecter certaines conditions concernant l'information des salariés sur le droit conventionnel applicable à l'entreprise.
En principe, c'est un accord de branche ou un accord professionnel qui définit les conditions d'information.
Toutefois, selon l'article L. 135-7 du code du travail, en cas d'absence d'accord sur le sujet, l'employeur est tenu de rédiger une notice d'information à l'intention des salariés.
Il doit ainsi fournir cette notice d'information à tout salarié faisant l'objet d'une embauche. Cependant, l'employeur peut être dispensé de transmettre la version papier si tous les textes conventionnels applicables dans l'entreprise sont consultables via intranet.
Cette notice d'information indique les références aux textes applicables, le lieu où ils sont consultables et comprend l'explication sur la nature des textes conventionnels ainsi que des informations d'ordre général sur le dialogue social dans l'entreprise ou la branche.
Cette nouvelle obligation pour l'employeur, qui découle de la loi du 4 mai 2004, pourrait être l'occasion de communiquer aux salariés des informations relatives à la lutte contre les discriminations.
Nous pensons, en effet, que l'entreprise est un lieu particulièrement adapté pour diffuser l'information sur les discriminations qui existent dans le milieu professionnel.
Les salariés peuvent, hélas ! être confrontés à ces pratiques de la part de l'employeur tout au long de leur parcours professionnel, et d'ailleurs dès l'embauche, en raison de leur origine, d'un handicap, de leur sexe, de leur religion, ou encore de leur activité syndicale. Cette liste n'est évidemment pas exhaustive.
Même si l'information sur les discriminations et les moyens de lutte contre celles-ci se développe depuis quelques années, notamment grâce à l'action du groupe d'études et de lutte contre les discriminations, le GELD, et de l'ancien numéro 114, le fléau des discriminations au sein de l'entreprise est loin d'être éradiqué.
Le problème est qu'en créant la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, et en supprimant le service téléphonique du 114, qui menait pourtant des campagnes d'affichage régulières et de qualité, le Gouvernement a pris le risque de freiner l'information sur les discriminations, étant donné que la HALDE n'est pas encore suffisamment reconnue.
Tout repose sur les moyens de diffuser cette information, et la notice distribuée au salarié lors de son embauche peut être un de ces moyens.
C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement et nous vous demandons, mes chers collègues, de bien vouloir l'adopter.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cette proposition mérite d'être étudiée. Il est en effet utile que les salariés aient une bonne connaissance de leurs droits, notamment en matière de lutte contre les discriminations.
La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. La notice d'information telle qu'elle est définie par l'article L. 135-7 du code du travail concourt à l'information des salariés sur le droit conventionnel applicable dans l'entreprise et l'établissement. L'absence de communication de cette notice vaut impossibilité pour l'employeur de se prévaloir auprès du salarié des dispositions de la convention collective applicable.
Eu égard à la teneur des informations contenues dans la notice, il ne me paraît pas opportun d'y intégrer des dispositions au niveau législatif ou réglementaire ayant une portée générale.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 790.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 19 (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 545, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :
Avant l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 8 de la loi n°2004-486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de la lutte contre les discriminations et pour l'égalité est ainsi rédigé :
« Art. 8 - Pour la recherche des infractions définies à l'article 1er, le président du tribunal de grande instance dans le ressort duquel sont situés les locaux à visiter peut, sur demande motivée du président de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, autoriser les agents de la Haute autorité à effectuer des visites dans les locaux administratifs, les lieux, locaux et moyens de transport accessibles au public et dans les locaux professionnels, à condition que ces derniers soient exclusivement consacrés à cet usage, ainsi qu'à procéder à la saisie de documents. L'ordonnance n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation selon les règles prévues par le code de procédure pénale ; ce pourvoi n'est pas suspensif.
« Le juge doit vérifier que la demande d'autorisation qui lui est soumise est fondée ; cette demande doit comporter tous les éléments d'information en possession de la Haute autorité de nature à justifier la visite. Il désigne l'officier de police judiciaire chargé d'assister à ces opérations et de le tenir informé de leur déroulement.
« Les agents de la Haute autorité qui sont autorisés à procéder à ces visites en application du présent article reçoivent une habilitation spécifique donnée par le procureur général près la cour d'appel du domicile de l'agent dans des conditions et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.
« La visite s'effectue sous l'autorité et le contrôle du juge qui l'a autorisée. Il peut se rendre dans les locaux pendant l'intervention. À tout moment, il peut décider la suspension ou l'arrêt de la visite.
« La visite ne peut être commencée avant six heures ou après vingt et une heures ; dans les lieux ouverts au public, elle peut également être commencée pendant les heures d'ouverture de l'établissement. Elle est effectuée en présence de l'occupant des lieux ou de son représentant ; en cas d'impossibilité, l'officier de police judiciaire requiert deux témoins choisis en dehors des personnes relevant de son autorité ou de celle de la Haute autorité.
« Les agents de la Haute autorité peuvent entendre toute personne susceptible de fournir des informations en présence de l'officier de police judiciaire.
« Les agents de la Haute autorité, l'occupant des lieux ou son représentant et l'officier de police judiciaire peuvent seuls prendre connaissance des pièces avant leur saisie.
« L'officier de police judiciaire veille au respect du secret professionnel et des droits de la défense conformément aux dispositions du troisième alinéa de l'article 56 du code de procédure pénale. L'article 58 de ce code est applicable.
« Le procès-verbal de visite relatant les modalités et le déroulement de l'opération est dressé sur-le-champ par les agents de la Haute autorité. Un inventaire des pièces et documents saisis lui est annexé. « Le procès-verbal et l'inventaire sont signés par les agents de la Haute autorité et par l'officier de police judiciaire ainsi que les personnes mentionnées au septième alinéa du présent article ; en cas de refus de signer, mention en est faite au procès-verbal. Si l'inventaire sur place présente des difficultés, les pièces et documents saisis sont placés sous scellés. L'occupant des lieux ou son représentant est avisé qu'il peut assister à l'ouverture des scellés qui a lieu en présence de l'officier de police judiciaire ; l'inventaire est alors établi.
« Les originaux du procès-verbal de visite et de l'inventaire sont, dès qu'ils ont été établis, adressés au juge qui a délivré l'ordonnance ; une copie de ces mêmes documents est remise à l'occupant des lieux ou à son représentant.
« Les pièces et documents qui ne sont plus utiles à la manifestation de la vérité sont restitués à l'occupant des lieux. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Articles additionnels après l'article 19 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 796, présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article 1er de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La haute autorité a également pour mission de promouvoir l'égalité et de veiller à la bonne application de la loi. »
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Cet amendement est la reprise de l'amendement que nous avions déposé à l'occasion de la discussion de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE.
Son objet est simple : il s'agit d'étendre le champ des compétences de la Haute autorité à la promotion de l'égalité et à la bonne application de la loi.
Plus que jamais, il semble nécessaire d'avoir, au titre des missions de la HALDE, - et pas seulement au stade de la dénomination de cette autorité administrative indépendante -, une référence à la notion d'égalité.
À l'heure où les médecins étrangers manifestent pour voir reconnaître, statutairement et en termes de rémunération, la place qu'ils occupent, au quotidien, dans les hôpitaux - quiconque s'est rendu une fois aux urgences peut aisément la mesurer - ; à l'heure où une enquête de l'Institut national d'études démographiques, l'INED, confirme, après le rapport Fauroux, les obstacles en matière d'emploi auxquels se heurtent les jeunes d'origines étrangère confrontés, à diplôme égal, à un risque de chômage 1,5 à 2 fois supérieur ; à l'heure où des employeurs licencient sciemment des personnes en période d'essai pour les embaucher en CNE, façon mouchoir jetable,...
M. Josselin de Rohan. Vous lisez trop l'Humanité !
Mme Éliane Assassi. ...et peut-être demain en CPE - mais la partie n'est pas encore gagnée -, il ne s'agit pas seulement de se donner comme objectif la lutte contre les discriminations, il faut aller au-delà, à la promotion de l'égalité.
La distinction n'est pas seulement sémantique : elle signifie mener de front des actions juridiques face à des comportements répréhensibles et réprimés par la loi et des actions visant à la reconnaissance effective des bonnes pratiques en faveur de l'égalité de traitement, qu'elles soient d'initiative publique ou d'initiative privée.
Dans un contexte où l'on parle de discrimination positive - concept que, pour ma part, je réfute -, de curriculum vitae anonyme et de diversité culturelle, on mesure l'intérêt de donner à la HALDE une place dans ce foisonnement d'initiatives.
Placer la HALDE sous le signe de la promotion de l'égalité, c'est la situer dans un objectif d'éradication structurelle de toute forme de discrimination et encourager les initiatives en ce sens.
La HALDE doit également, selon nous, avoir un rôle de veille, afin de s'assurer de la pertinence et de l'efficacité des dispositifs de lutte contre les discriminations. C'est à cette condition qu'elle pourra avoir un rôle moteur, un rôle d'initiative en proposant des améliorations aux textes existants : c'est le sens de notre proposition tendant à confier à la Haute autorité un rôle en matière de vérification de la bonne application de la loi.
Tels étaient les points que je souhaitais développer ici pour défendre notre amendement n° 796 que je souhaite voir adopter et pour lequel je demande un scrutin public.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Sur le fond, je ne suis pas hostile aux propos qui ont été tenus par Mme Assassi et que je partage très largement.
J'estime simplement que l'amendement est inutile. Elle l'a d'ailleurs reconnu implicitement, puisqu'elle a fait observer que la défense et la promotion de l'égalité figurent déjà dans l'intitulé de la HALDE.
Par ailleurs, si l'on reprend certains aspects de la HALDE, dont la création est récente, on y voit qu'elle promeut les bonnes pratiques - c'était également un souhait qui était exprimé - et qu'elle joue son rôle en recommandant toute modification législative ou réglementaire utile.
Elle participe également à la surveillance de la bonne application de la loi, mais bien sûr sans aucun monopole et sans aucune exclusive, puisque les autorités juridictionnelles, notamment, sont là pour y veiller.
Aussi, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'analyse de la commission des lois. Aux termes de l'article 1er de la loi du 30 décembre 2004 : « La haute autorité est compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie. » Telle est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 796.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 147 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 128 |
Contre | 198 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 797, présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Les neuf premiers alinéas de l'article 2 de la loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité sont remplacés par quatre alinéas ainsi rédigés :
« La haute autorité est composée de représentants d'associations représentatives pour chaque critère de discrimination, de représentants d'organisations non gouvernementales, de syndicats, de personnalités qualifiées, de parlementaires, d'experts, du Médiateur de la République et de représentants du Gouvernement.
« Le président de la haute autorité est désigné en son sein par l'ensemble de ses membres.
« La composition du collège de la haute autorité concourt à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.
« Les membres de la haute autorité sont nommés par décret en Conseil d'État.
II. En conséquence, le treizième alinéa de l'article 2 de la loi n°2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est supprimé.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Par cet amendement, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent renforcer le pluralisme et l'indépendance de la HALDE.
Lors de la discussion de la loi du 30 décembre 2004 qui a institué la HALDE, j'avais beaucoup insisté sur la nécessité de permettre une véritable représentation, dans toutes leurs diversités, des associations qui oeuvrent dans le domaine de la lutte contre les discriminations.
La majorité sénatoriale partageait alors ce souhait, puisqu'elle avait inscrit en première lecture l'exigence de respect du pluralisme dans la loi.
L'Assemblée nationale n'en a pas voulu et le rapporteur de l'époque, notre collègue Jean-René Lecerf, avait considéré le principe comme étant acquis. En fait de principe acquis, on sait ce qu'il en est, dans la pratique, du pluralisme de l'institution.
Ce collège de onze membres, que sa composition place déjà sous la tutelle du politique et dont le président est nommé par le Président de la République contre l'avis de la commission nationale consultative des droits de l'homme, la CNCDH, qui préconisait une élection en son sein, a donné rapidement le ton de son action en désignant le 19 septembre dernier le comité scientifique chargé de l'éclairer dans sa décision.
Sur les dix-huit membres de ce comité, les deux tiers sont des hommes et, plus grave encore, il n'y a aucun représentant d'associations oeuvrant dans le domaine de la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle, ni AIDES, ni Act up, pour ne citer qu'elles, ni aucun représentant du mouvement GLBT - gais lesbiennes bisexuels ou transgenres (MM. Josselin de Rohan et Jean Bizet s'esclaffent) - alors même que l'article 2 semblait impliquer une composition pluraliste.
Pour une autorité indépendante, dont la création a été décidée en partie en réaction à des agressions homophobes particulièrement intolérables, il y a de quoi être atterré par cette exclusion.
M. Jean Bizet. Quel programme !
Mme Éliane Assassi. Vous savez que cela peut être passible de la loi ?
Comment ne pas y voir l'expression même d'une discrimination ? Et que M. Schweitzer ne vienne pas à nouveau invoquer la faiblesse numérique du comité consultatif : ce choix, car choix il y a eu, remet en cause l'universalisme et le traitement égal entre toutes les discriminations qui présidaient à la création de la HALDE.
C'est ainsi la crédibilité de l'institution qui est en cause aujourd'hui. Que vous n'en preniez pas la mesure, mes chers collègues, alors même que vous avez choisi de donner à l'institution un pouvoir de sanction, est inquiétant. L'on souhaiterait mettre en place un traitement politique et non plus judiciaire des discriminations qu'on ne s'y prendrait pas autrement.
Il est donc urgent de réagir avant que la HALDE, et avec elle la lutte contre les discriminations, ne soit tuée dans l'oeuf. Notre amendement, en visant à revoir la composition du collège de la HALDE afin de garantir une représentation à la fois pluraliste, indépendante et impartiale, répond à cette urgence. C'est pourquoi je souhaite vivement qu'il soit adopté.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je sais bien que faire et défaire c'est travailler, mais nous avons malgré tout élaboré, après moult discussions, il y a un peu plus d'un an, cette composition de la Haute Autorité et il ne me semble donc pas opportun d'y revenir aujourd'hui.
En outre, s'agissant de la composition de cette Haute autorité, au moins sur le plan politique, je constate que le Président de la République a nommé, comme la loi le prévoyait, deux membres qui sont, d'une part, M. Louis Schweitzer, qui a été directeur de cabinet de M. Laurent Fabius, ce dernier ne me semblant pas avoir été un Premier ministre de droite, et, d'autre part, Mme Nicole Notat, qui est une remarquable syndicaliste mais dont je ne pense pas qu'elle soit très liée à la majorité actuelle.
Par ailleurs, je partage votre opinion sur un point, et cela m'attirera peut-être quelque antipathie de-ci de-là : j'estime en effet que dans la composition de la HALDE et du comité consultatif, il n'a pas été fait de place suffisante aux associations, notamment aux associations de lutte contre les discriminations en matière d'orientation sexuelle.
Je ferai malgré tout observer que la durée du mandat des membres de la HALDE est de cinq ans et que le premier renouvellement, puisque celui-ci se fait par moitié, aura lieu après deux ans et demi d'existence, c'est-à-dire dans un peu plus d'un an.
Il faut donc laisser du temps au temps et les choses s'arrangeront. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.
M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. M. le rapporteur pour avis vient de résumer le problème : allons-nous discriminer au travers d'une discrimination ?
Nous avons une composition équilibrée, le comité consultatif, et nous avons rendez-vous dans un an. Aussi, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 798 rectifié, présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après l'article 19, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 4 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - La haute autorité dispose, sur l'ensemble du territoire, de délégués départementaux qu'elle désigne dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.
« Les délégués apportent aux personnes visées au premier alinéa de l'article 4 les informations et l'assistance nécessaires au traitement des réclamations. »
La parole est à M. Jean-François Voguet.
M. Jean-François Voguet. Je pense que cet amendement pourrait faire l'objet d'un vote unanime de notre Haute Assemblée. En effet, cet amendement de bon sens vise à inscrire dans la loi le principe d'une institution de lutte contre les discriminations et pour l'égalité décentralisée et de proximité.
En effet, la loi avait été muette sur la nécessité de disposer de correspondants territoriaux sur l'ensemble du territoire français, alors même que la particularité de ce domaine, éminemment sensible, et la difficulté pour les victimes de ces discriminations- souvent les personnes les plus vulnérables - de faire valoir leurs droits rendent absolument indispensable des relais territoriaux de proximité.
Certes, j'entends dès à présent M. le rapporteur m'opposer le premier alinéa de l'article 14 du décret du 4 mars 2005 aux termes duquel la Haute autorité peut disposer de délégués régionaux qu'elle désigne.
Pour autant, cette solution ne me semble pas satisfaisante.
Tout d'abord, dans le décret a été retenue une option exclusivement régionale, qui m'apparaît bien loin de cette exigence de proximité. Mesure-t-on, face à l'ampleur des domaines concernés - travail, logement, accès aux services publics, accès aux loisirs - ce que pourront faire vingt-six délégués régionaux ? Ou alors il faudrait prévoir dès maintenant que ces délégués régionaux pourront avoir des représentations dans les départements, ce qui, vous en conviendrez, complexifie singulièrement le schéma.
Ensuite, vu l'état de la mise en place de ces délégués régionaux, deux sont actuellement en place à Lille et à Marseille à titre expérimental - si j'en crois les indications fournies par le président de la HALDE - et un sera mis en place prochainement en Martinique, plus d'un an après l'adoption de la loi, il conviendrait de renforcer l'obligation juridique à l'égard de l'institution. Sinon, à raison de deux par an, le réseau local sera opérationnel dans douze ans !
En réalité, M. Louis Schweitzer a bien précisé sa conception de l'institution en indiquant que l'ensemble des moyens se trouveraient concentrés à Paris. Notre crainte d'une institution centralisée s'en trouve renforcée.
J'avoue d'ailleurs être particulièrement inquiet s'agissant des indications fournies en commission par M. Louis Schweitzer sur l'organisation de terrain qu'il envisage de mettre en place.
Il a évoqué un système de correspondants au sein des préfectures. On déléguerait, semble-t-il, aux services préfectoraux le soin de gérer territorialement la question des discriminations, y compris celles qui sont commises au sein des services publics. Nous n'avons pas le souvenir que l'administration préfectorale se soit particulièrement illustrée dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Aussi, nous ne pouvons pas percevoir son intervention comme un gage d'efficacité.
Compte tendu de ces incertitudes et de ces glissements vers un système administratif placé sous la tutelle du ministère de l'intérieur, les sénateurs et sénatrices du groupe communiste républicain et citoyen souhaitent d'autant plus voir adopter leur amendement afin que la HALDE soit dotée d'un réseau indépendant de proximité, à l'instar du Médiateur de la République ou du Défenseur des enfants.
Il nous semble que nous pouvons trouver un accord sur ce point et c'est la raison pour laquelle nous vous demandons, mes chers collègues, de voter en faveur de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Nous pourrions aisément partager l'avis de notre collègue sur bien des points. Nous souhaitons tous que les délégations locales de la Haute autorité se mettent plus rapidement en place.
Mes chers collègues, aujourd'hui, la Haute autorité n'est pas opérationnelle. Le bilan de sa première année d'existence est particulièrement limité, pour ne pas dire homéopathique.
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout à fait !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Il serait temps qu'elle devienne opérationnelle, car les attentes des associations sont très fortes.
C'est la raison pour laquelle on ne peut pas pour l'instant tenir compte du rythme des trois délégations locales que vous avez citées. Lorsque la HALDE sera vraiment opérationnelle, les délégations se mettront en place beaucoup plus rapidement et rendront le bilan de la Haute Autorité beaucoup plus compatible avec les engagements qui ont été pris.
Cela dit, comme l'a indiqué M. Schweitzer, - et on peut difficilement contester cette appréciation - la concentration à Paris d'une grande partie des services en charge des discriminations s'impose en raison de la grande technicité qu'exige le traitement des dossiers liés à la discrimination par rapport à ceux que gère, par exemple, le Médiateur de la République.
Le Médiateur de la République a de nombreux collaborateurs au sein des préfectures. Il apparaît moins opportun que le président de la HALDE s'en remette globalement à des délégués du préfet, car on peut s'interroger sur leur parfaite indépendance. Or les collaborateurs décentralisés de la HALDE devront être d'une indépendance absolue.
La HALDE est encore en train de s'installer. Elle le fait lentement : laissons-lui le temps d'exister.
J'ajoute que ses moyens financiers ne sont pas aussi dérisoires qu'on le dit. En effet, ils sont déjà très supérieurs à ceux du Médiateur de la République ou à ceux de la CNIL.
Mes chers collègues, nous attendons avec la même impatience que vous que la HALDE devienne opérationnelle.
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Comme vous l'avez rappelé, ce point d'organisation ne relève pas du domaine de la loi. Les commissions départementales en charge de l'égalité et la citoyenneté ont un rôle à jouer. Par ailleurs, le décret du 4 mars 2005, paru voilà quasiment un an jour pour jour au Journal officiel, permet de créer les délégations régionales.
Le pouvoir de transaction avec proposition de sanctions financières qui a été adopté par le Sénat contribuera à la montée en puissance progressive de la HALDE.
Permettez-moi de rappeler - c'est un vieux souvenir - que le Médiateur de la République a eu besoin de trois ans pour commencer à exercer pleinement les fonctions qui lui avaient été confiées. Alors, ne soyons pas trop impatients. Laissons monter progressivement les pouvoirs de la HALDE. L'article 14 du décret du 4 mars 2005 prévoit l'ensemble des moyens nécessaires.
En tout état de cause, les dispositions qui ont été adoptées par le Sénat à l'occasion de la discussion du présent projet de loi aideront la HALDE à obtenir une pleine reconnaissance et à jouer son rôle de Haute autorité de lutte contre les discriminations en restant véritablement une haute autorité.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Je m'étonne que notre amendement analogue n° 192 soit devenu sans objet. Bien évidemment, nous voterons en faveur de l'amendement présenté par le groupe CRC, puisque nous souhaitions, nous aussi, une territorialisation de la HALDE. Les émeutes dans les banlieues ont bien montré la nécessité de structures de proximité pour lutter contre les discriminations.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 798 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 148 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Articles additionnels avant l'article 20 (précédemment réservés)
M. le président. Je suis saisi de six amendements.
L'amendement n° 193, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 précitée, le mot : « peut », est remplacé par le mot : « doit ».
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Les articles 5 et 6 de la loi du 30 décembre 2004 qui ont mis la HALDE sur les fonts baptismaux permettent à la Haute autorité de recueillir toutes informations sur les faits portés à sa connaissance.
À cet effet, elle peut demander des explications à toute personne physique ou morale de droit privé mise en cause devant elle ainsi qu'aux autorités publiques et aux organismes chargés d'une mission de service public.
Le texte actuel prévoit que, lorsque ces demandes ne sont pas suivies d'effet, la Haute autorité peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu'elle fixe
Notre amendement a pour objet d'obliger la Haute Autorité à mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans le délai qu'elle fixe.
M. le président. L'amendement n° 194 rectifié, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase de l'article 13 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 précitée est ainsi rédigée :
« La haute autorité peut elle-même demander à être entendue par ces juridictions qui ne peuvent lui opposer un refus. »
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Nous avons adopté un amendement relatif aux sanctions pour les actes discriminatoires.
À cette occasion, nous avons rappelé qu'en dépit d'un arsenal juridique très étoffé, seules quarante condamnations ont été prononcées l'an passé en matière de discrimination.
Ce paradoxe s'explique notamment par la primauté que le juge accorde aux atteintes physiques sur les atteintes morales ou psychologiques.
Pour sortir les discriminations de l'angle mort de la justice, il est impératif que la HALDE puisse sensibiliser les juges, voire les alerter sur un dossier.
C'est pourquoi notre amendement tend à permettre à la HALDE de demander à être entendue, sans qu'un refus puisse lui être opposé, devant les juridictions civiles, pénales ou administratives.
M. le président. L'amendement n° 196, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase du premier alinéa de l'article 15 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 précitée, est complétée par les mots : « des chances »
Mme Bariza Khiari. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 196 est retiré.
L'amendement n° 197, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l'article 15 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 précitée, est ainsi modifié :
I. Les mots : « relevant de sa compétence » sont supprimés.
II. Il est complété par les mots : « des chances ».
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Le deuxième alinéa de l'article 15 de la loi du 30 décembre 2004 dispose que la HALDE « conduit et coordonne des travaux d'études et de recherches relevant de sa compétence et suscite et soutient les initiatives de tous organismes publics ou privés en ce qui concerne l'élaboration et l'adoption d'engagements visant à la promotion de l'égalité ».
Là encore, il convient de préciser que son périmètre en matière de recherche ne se restreint pas à son champ de compétence, à savoir « les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie », mais bien toutes les discriminations, légales ou non.
Le groupement d'étude et de lutte contre les discriminations, le GELD, pouvait se saisir de toutes les pratiques discriminatoires. Dans la mesure où cet organisme a été intégré dans la HALDE, il paraît cohérent d'y revenir, en lui permettant d'étudier tant les discriminations légales que les discriminations émergentes
M. le président. L'amendement n° 200, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article 15 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 précitée, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art... . - Les entreprises de plus de cinquante salariés doivent insérer dans leur bilan social un chapitre relatif à leur politique en matière de promotion de l'égalité. »
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement, particulièrement important, prévoit que les entreprises de plus de cinquante salariés qui présentent à leur comité d'entreprise un bilan social insèrent dans celui-ci un certain nombre d'items concernant la diversité et faisant le point sur sa politique en matière d'égalité des chances.
Les entreprises ont su s'emparer du thème du développement durable. La plupart d'entre elles lui accordent une place prépondérante dans leur communication. Il faudrait que la promotion de la diversité dans l'entreprise bénéficie de la même publicité.
Nul besoin de statistiques ethniques. D'autres indicateurs sont tout aussi pertinents : noms et photos des équipes dirigeantes ; mention du bilan de l'entreprise en matière d'égalité salariale, de recrutement des handicapés, signature de la charte de la diversité et du label « égalité des chances ».
M. le président. L'amendement n° 201, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l'article 16 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 précitée est complétée par les mots : « et énumère les discriminations, portées à sa connaissance ».
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. L'article 16 de la loi du 30 décembre 2004 portant création de la HALDE prévoit que cette dernière remet chaque année au Président de la République, au Parlement et au Premier ministre un rapport, rendu public, rendant compte de l'exécution de ses missions.
Notre amendement vise à préciser cet article afin que figure dans ce rapport l'énumération des discriminations qui ont été portées à sa connaissance à la fois pour en mesurer l'évolution, mais également pour faire ressortir les éventuelles discriminations émergentes.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Sur l'amendement n° 193, l'avis de la commission sera défavorable.
En effet, les dispositions de l'article 9 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité donnent déjà aux trois quarts raison à Mme Khiari.
Cet article dispose, d'une part, que, lorsque les demandes de la HALDE ne sont pas suivies d'effet, « la haute autorité peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu'elle fixe » et, d'autre part, que lorsque la mise en demeure n'est pas suivie d'effet, « le président de la haute autorité peut saisir le juge des référés d'une demande motivée aux fins d'ordonner toute mesure d'instruction que ce dernier juge utile ».
Autrement dit, toutes les possibilités existent déjà dans le texte, tel qu'il a été voté en décembre 2004.
En outre, la HALDE, je le rappelle quand même, est une autorité administrative indépendante, il faut donc lui laisser aussi une petite marge d'appréciation en la matière.
Concernant l'amendement n° 194 rectifié, je suis un peu embarrassé, parce que s'il semble satisfait en certaines de ces dispositions, la précision qu'apporte Mme Khiari permettrait néanmoins à coup sûr à la haute autorité de se faire entendre devant les juridictions pénales.
C'est la raison pour laquelle la commission s'en remettra, sur ce point, à l'avis du Gouvernement.
Sur l'amendement n° 197, je crois, je suis même totalement persuadé que Mme Khiari a déjà toute satisfaction, puisque l'un des aspects de l'amendement consistait à ajouter, au-delà de l'égalité, l'égalité des chances. Je ne suis pas sûr que notre collègue tienne encore particulièrement à cet ajout, dans la mesure où elle a retiré l'amendement n° 196.
Mes chers collègues, l'égalité en un sens absolu a une acception beaucoup plus large que la simple égalité des chances : elle comprend notamment l'égalité des droits, l'égalité des devoirs, l'égalité des obligations. Sur cet aspect de l'amendement, donc, je ne suis pas sûr que Mme Khiari souhaite persister.
Mme Khiari nous indique en outre dans son exposé des motifs que la HALDE « a pour mission de conduire et de coordonner des travaux d'études et de recherche relevant de sa compétence » et qu'il serait souhaitable de définir cette compétence comme pour le groupe d'étude et de lutte contre les discriminations, le GELD, en visant toutes les discriminations. Or, justement, l'article 1er de la loi du 30 décembre 2004 créant la HALDE vise bien toutes les discriminations, puisque sont visées « toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie ».
Là encore, donc, notre collègue a d'ores et déjà satisfaction et, sur ce point aussi, son amendement n'est pas utile.
L'avis de la commission sur l'amendement n° 197 est donc défavorable.
Concernant l'amendement n° 200, il nous semble qu'il est préférable de mettre en place des actions pédagogiques et de favoriser des actions volontaires, plutôt que d'imposer des contraintes nouvelles. C'est la raison pour laquelle l'avis de la commission est également défavorable.
Enfin, sur l'amendement n° 201, la commission émettrait un avis favorable, sous réserve d'une petite rectification. En effet, l'amendement utilise le présent de l'indicatif, alors que, par coordination avec le texte, il faudrait utiliser le participe présent. Je suggère donc à notre collègue de remplacer le mot : « énumère » par le mot : « énumérant ». Je présume que notre collègue n'y verra pas d'objection.
M. le président. Madame Khiari, acceptez-vous avec la rectification proposée par la commission des lois ?
Mme Bariza Khiari. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 201 rectifié, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La première phrase de l'article 16 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 précitée est complétée par les mots : « et énumérant les discriminations, portées à sa connaissance ».
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Sur l'amendement n° 193, il revient à la HALDE de porter une appréciation au cas par cas. Le verbe « peut » est donc celui qui convient, car il exprime le pouvoir souverain d'appréciation d'une autorité indépendante.
L'avis du Gouvernement est donc défavorable.
Concernant l'amendement n° 194 rectifié, la commission souhaitait recueillir l'avis du Gouvernement, qui serait favorable sous réserve d'une rectification. J'en donne lecture : « la haute autorité peut elle-même demander à être entendue par ces juridictions ; dans ce cas, cette audition est de droit... ». Cette formule est juridiquement claire, et n'appellera donc aucune discussion.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. La relative disparaît ?
M. le président. Madame Khiari, acceptez-vous cette rectification ?
Mme Bariza Khiari. Oui, monsieur le président, parce que la rédaction de M. le ministre délégué est effectivement meilleure.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 194 rectifié bis présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La seconde phrase de l'article 13 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 précitée est ainsi rédigée : « La haute autorité peut elle-même demander à être entendue par ces juridictions ; dans ce cas, cette audition est de droit. »
Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Sur l'amendement n° 197, j'émets le même avis que la commission des lois, un avis qui ne peut être favorable, car la préoccupation qu'il exprime est satisfaite.
Sur l'amendement n° 200, je voudrais rappeler que des négociations se déroulent actuellement entre les partenaires sociaux. Dans les objectifs de la négociation, tels qu'ils ont été définis au cours de la première réunion, au début du mois de février, objectifs qui seront autant d'outils de mesure et d'évaluation, figurent en particulier les moyens de promouvoir la diversité dans l'entreprise, notamment grâce au bilan social.
Nous souhaiterions que cet amendement soit retiré, au bénéfice des négociations actuellement en cours entre les partenaires sociaux sur la diversité, la deuxième réunion devant avoir lieu le 29 mars.
Sur l'amendement n° 201 rectifié, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 20.
Je mets aux voix l'amendement n° 197.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Madame Khiari, l'amendement n° 200 est-il maintenu ?
Mme Bariza Khiari. Oui, je le maintiens, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 20.
Articles additionnels après l'article 20 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 202, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Chaque année, sera organisée une conférence annuelle des partenaires sociaux et des acteurs de la société civile sur les questions liées à la lutte des discriminations et pour la promotion de l'égalité.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Nous proposons avec cet amendement d'insérer un article visant à instaurer une conférence annuelle des partenaires sociaux et des acteurs de la société civile sur les questions liées à la lutte contre les discriminations et pour la promotion de l'égalité.
Vous avez adopté, il y a quelques jours, dans ce même hémicycle, l'amendement de notre collègue Alain Gournac insérant l'article additionnel ainsi libellé : « Le Gouvernement remet avant le 31 décembre 2006 au Parlement un rapport, établi en concertation avec les partenaires sociaux, sur les moyens de promouvoir la diversité dans l'entreprise. »
Cet amendement nous semblait de pur affichage. Un nouveau rapport, pourquoi pas ? Nous avons laissé passer. Mais ceux qui subissent des discriminations attendent, eux, des actes !
En matière de discrimination, nous avons longtemps pris prétexte du défaut de diagnostic précis pour justifier l'absence de propositions concrètes. Nous ne pouvons plus le faire aujourd'hui. De nouveaux rapports existent, en particulier sur la discrimination à l'embauche et au travail. Dès lors, il n'est plus question de se cacher derrière le brouillard statistique pour justifier l'immobilisme et l'attentisme des pouvoirs publics.
Notre ambition est de systématiser la lutte contre les différences de traitement à raison de la couleur de peau, de l'origine et du patronyme. Notre amendement vise donc à pérenniser la vigilance contre les discriminations et les préjugés. Un débat annuel des partenaires sociaux sur l'ensemble du phénomène serait, admettez-le, plus efficace qu'un énième rapport ponctuel sur le sujet !
Nous pensons honnêtement que les questions de discrimination nécessitent un travail sur le long terme.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. L'avis de la commission des lois est plutôt défavorable, dans la mesure où la disposition proposée paraît de nature réglementaire. Cela dit, il est des exemples d'intervention de la loi, comme la loi n° 2005-102 du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées. Dans ce cas, en effet, la conférence nationale du handicap a reçu une reconnaissance législative.
La commission est donc plutôt défavorable à cet amendement, mais elle sollicite l'avis du Gouvernement.
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il existe un certain nombre d'instances consultatives qui, la plupart du temps, ont été créées par la loi. M. le rapporteur pour avis citait la commission nationale du handicap. La commission nationale de la négociation collective aura à connaître de ces problèmes, à l'issue des négociations entre les partenaires sociaux, car ils en constituent un des volets importants.
C'est pourquoi le Gouvernement n'est pas favorable à la création d'une commission supplémentaire. Le ministère du travail et de l'emploi compte déjà de très nombreuses commissions, et c'est à lui que revient la charge de les faire vivre, de leur donner du sens. La multiplication des commissions affaiblirait leur utilité ainsi que le rôle et la place de chacun de leurs membres.
M. le président. L'amendement n° 210, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 20, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les demandes de logement déposées auprès des organismes publics ou privés de logement ne doivent mentionner ni le nom patronymique, ni le prénom, ni le lieu de naissance du candidat.
Ces demandes ne sont traitées qu'au regard de l'ancienneté de la demande, des revenus, de la composition de la famille et du lieu de travail.
Toutes dispositions législatives ou réglementaires contraires sont abrogées.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. L'amendement n° 210 vise à « anonymiser » les demandes de logement afin de lutter contre l'exclusion - le mot n'est pas trop fort - de certains ménages du marché de l'immobilier.
Depuis janvier 2002 et la loi de modernisation sociale, proposée et votée par les socialistes, notre législation dispose qu'« aucune personne ne peut se voir refuser la location d'un logement en raison de son origine, son patronyme, son apparence physique, son sexe, sa situation de famille, son état de santé », etc.
Les effets de cette loi ont été bénéfiques, comme en témoignent les premières condamnations de responsables d'agences immobilières. Désormais, les victimes de discrimination au regard du logement peuvent faire valoir leurs droits en justice. La même loi de modernisation sociale leur a facilité la tâche, en inversant la charge de la preuve en matière de discrimination : c'est à l'auteur présumé de prouver qu'il est innocent.
Cependant, au vu de l'ampleur que prend le phénomène de discrimination, il faut aller plus loin. La possibilité de recours a été une avancée considérable. Il faut maintenant traiter le problème à la source.
De la même manière qu'un CV a plus de risques d'être rejeté qu'un autre s'il porte la photographie d'une personne dite « issue de l'immigration », une demande de logement émanant d'une personne au patronyme, au lieu de naissance ou au lieu de résidence connotés finit plus souvent au panier que les autres. Si la recherche d'un logement est aujourd'hui difficile pour la plupart des Français, c'est un véritable parcours du combattant pour ceux qui, en plus des difficultés financières, sont confrontés à un rejet que l'on peut proprement qualifier de xénophobe.
Notre proposition est donc simple : les demandes de logement doivent être anonymisées. Ainsi, les logements ne pourront plus être attribués qu'en fonction de l'ancienneté de la demande, des revenus, de la composition de la famille et du lieu de travail, donc en fonction de données objectives. Tel est le sens de l'amendement n° 210.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. La commission, après une longue hésitation, a émis un avis défavorable sur cet amendement.
Il lui semble que l'obligation ne remplacera jamais dans cette matière la pédagogie. C'est beaucoup plus sur l'évolution des mentalités qu'il faut agir, plutôt que de s'en remettre à d'éventuelles sanctions. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
La commission fait également observer l'absence d'un élément dans l'amendement qui nous est soumis : c'est l'indication de la photographie. Car, à quoi sert effectivement de ne donner ni le nom patronymique, ni le prénom, ni le lieu de naissance, si la photographie laisse apparaître l'origine des personnes ?
Je tiens à remarquer - mais mon point de vue n'est pas majoritaire dans cette assemblée, du moins, je ne le pense pas - que le cruel problème soulevé par Mme Khiari souligne l'absence criante d'instrument de mesure des minorités visibles. En effet, lorsque nous parlons de mixité sociale, vous le savez très bien, nous sommes souvent obligés de tourner autour de la question, parfois de manière relativement hypocrite.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement ne peut être favorable à cet amendement. En effet, comment alors attribuer des logements lorsqu'il est nécessaire de connaître l'âge, le sexe ou le type de logement à occuper, par exemple pour des personnes âgées, des femmes seules ou des personnes qui connaissent une difficulté d'accessibilité ? Il faut raison garder !
En l'occurrence, il faut naturellement faire de la pédagogie, comme le disait le rapporteur. La loi du 6 juillet 1989, qui s'applique de plein droit au bailleur, stipule bien : « Aucune personne ne peut se voir refuser la location d'un logement en raison de son origine, son patronyme, son apparence physique, son sexe, sa situation de famille, son état de santé, son handicap, ses moeurs, son orientation sexuelle, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. »
Enfin, je rappelle qu'il y a une responsabilité sur la régularité du titre de séjour pour des étrangers.
C'est pour toutes ces raisons que le Gouvernement ne peut émettre un avis favorable.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Le Sénat ferait preuve d'incohérence s'il suivait cet avis, et ce n'est pas un hasard si la commission a hésité !
En effet, cet amendement est exactement fondé sur les mêmes motivations que celles qui ont prévalu pour instaurer le CV anonyme. De plus, je sais que l'anonymat est déjà respecté dans de nombreux endroits. Des commissions d'attribution de logements, par exemple, se prononcent sur des dossiers anonymes. Elles ne se fondent que sur un total de points attribués en fonction de critères précis. C'est donc parfaitement faisable.
Un communiqué de l'AFP salue déjà comme une grande avancée le fait que le CV anonyme ait été acté par le biais de l'amendement de M. About.
M. Josselin de Rohan. Pour cela, on vous fait confiance !
M. David Assouline. Nous pourrions continuer dans le même sens pour les dossiers de demande d'attribution de logement, sans craindre que des arguments de droit ne soient opposés à une telle mesure, puisque le plus dur est fait. Il était en effet beaucoup plus difficile de banaliser le CV anonyme en matière d'emploi !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 210.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel après l'article 21 (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 422 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Darniche, Mme B. Dupont, MM. Portelli, Lardeux et Seillier, est ainsi libellé :
Après l'article 21, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le second alinéa de l'article 427 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :
« Le juge ne peut fonder sa décision que sur des preuves qui ont été obtenues de manière loyale et qui lui sont apportées au cours des débats et contradictoirement discutées devant lui. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
Articles additionnels avant l'article 22 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 412, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et Alquier, M. Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le volontariat associatif est accessible sans condition de durée de résidence en France.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Permettez-moi de situer les choses dans leur contexte, tout le monde ici ne sachant pas forcément ce qu'est le volontariat associatif que tend à instaurer un projet de loi dont nous avons récemment commencé l'examen en deuxième lecture. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Je ne dis pas cela méchamment ! Chacun ne s'est peut-être pas forcément intéressé à cette future loi, puisque son examen n'est pas encore achevé.
L'objectif du volontariat associatif est de permettre un engagement des jeunes au service de la société en accomplissant certaines tâches d'utilité publique. Ce volontariat s'apparente au bénévolat dans le sens où il ne s'agit pas d'un contrat de travail.
Or des dispositions du texte excluent la possibilité pour des résidents installés régulièrement en France depuis moins d'un an d'être volontaires associatifs. C'est une aberration absolue compte tenu de l'esprit même du volontariat associatif. Va-t-on refuser à une personne en situation régulière, qui veut s'engager au service d'une juste cause, au service de la société, au service de la nation française, va-t-on l'empêcher d'être volontaire sous le prétexte qu'elle n'est pas installée en France depuis un an ?
C'est d'autant plus aberrant que des associations font appel, dans le cadre de partenariats avec l'étranger notamment, à des volontaires qui viennent d'autres pays pour travailler quelques mois sur des chantiers ou autres. Tous les étrangers ne pourront donc pas obtenir ce statut de volontaire associatif, alors que la réciproque est vraie pour les Français. En effet, dans le cadre de tels partenariats, il est prévu des contrats de ce type permettant de sécuriser la situation des jeunes Français qui accomplissent des tâches d'utilité publique dans des pays européens.
Je vois bien l'esprit dans lequel on impose cette obligation de résidence. On veut calquer le système sur le contrat de travail, le sécuriser par rapport à la durée de séjour en France. Mais c'est absolument inutile en l'occurrence !
Encore une fois, je ne comprends pas pourquoi on refuserait ce volontariat à un jeune prêt à aider à des tâches citoyennes, d'autant que celles-ci sont susceptibles de l'aider à s'intégrer plus vite ! En outre, cela porte préjudice aux grosses associations françaises, qui seront privées aussi de cette ressource humaine.
Nous profitons de ce projet de loi pour l'égalité des chances pour rectifier, par le biais de cet amendement, une anomalie qui constitue une discrimination dans un autre projet de loi. Or notre objectif à tous est bien de lutter contre les discriminations.
Monsieur le président, je défendrai en même temps, si vous le permettez, l'amendement n° 413.
M. le président. Je suis effectivement saisi d'un amendement n° 413, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et Alquier, M. Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Avant l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Les personnes en situation de handicap ont accès au volontariat associatif.
Veuillez poursuivre, monsieur David Assouline.
M. David Assouline. Nous souhaitons que les handicapés puissent avoir accès au volontariat associatif. Certes, il n'est nulle part écrit qu'ils n'y ont pas accès, mais c'est une façon d'inciter les associations à contractualiser avec des handicapés plutôt que de laisser planer l'idée que ces derniers ne seraient pas utiles dans un certain nombre de tâches du volontariat associatif. Il ne doit y avoir aucune discrimination non plus à leur égard dans ce domaine.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 412, car mieux vaut examiner cette disposition dans le cadre du projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, qui est en cours d'examen au Sénat.
Elle est également défavorable à l'amendement n° 413.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Même avis sur l'amendement n° 412, le débat sur le projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif étant en cours de discussion.
Le Gouvernement est donc également défavorable à l'amendement n° 413. Le volontariat associatif ne prévoit nullement l'exclusion des personnes handicapées, et il n'est absolument pas dans l'intention du Gouvernement de prévoir une quelconque exclusion, bien au contraire. Il n'y aurait d'ailleurs pas de logique, par rapport à la loi de février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, d'envisager l'exclusion de nos concitoyens handicapés du volontariat associatif.
Monsieur Assouline, connaissant l'intention du Gouvernement dans ce domaine, vous pourriez, je crois, retirer votre amendement n° 413, afin de laisser la place au débat.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Ces deux amendements ont visiblement échappé à la sagacité du président de la commission, et pourtant ce n'est pas faute de nous avoir massacré un gros paquet d'amendements ! (Sourires.)
Franchement, vous n'avez pas été très performant, pour avoir accepté que je présente des amendements relatifs à une loi qui n'est même pas encore votée ! En tout cas, moi, je les retire, monsieur le président. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Les amendements nos 412 et 413 sont retirés.
Articles additionnels après l'article 22 (précédemment réservés)
M. le président. L'amendement n° 366, présenté par Mme Khiari et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L'article L. 4111-2 du code de la santé publique est ainsi rédigé :
« Art. L. 4111-2 -À compter du 1er janvier 2002, le ministre chargé de la santé peut, après avis d'une commission comprenant notamment des délégués des conseils nationaux des ordres et des organisations nationales des professions intéressées, choisis par ces organismes, autoriser individuellement à exercer les personnes françaises ou étrangères titulaires d'un diplôme, titre ou certificat de valeur scientifique attestée par le ministre chargé de l'enseignement supérieur. Ces personnes doivent avoir été classées en rang utile à des épreuves de vérification des connaissances qui, en ce qui concerne les médecins, sont organisées pour une ou plusieurs disciplines ou spécialités. Elles peuvent faire valoir leur droit à la validation des acquis de l'expérience. La commission doit rendre un avis dans l'année suivant le dépôt de la candidature.
« Les médecins doivent en outre avoir exercé pendant trois ans des fonctions hospitalières. Des dispositions réglementaires fixent les conditions d'organisation des épreuves de sélection et les modalités d'exercice des fonctions hospitalières.
« Le ministre chargé de la santé peut également, après avis de ladite commission, autoriser individuellement à exercer des ressortissants d'un État autre que ceux membres de la Communauté européenne ou parties à l'accord sur l'Espace économique européen et titulaires d'un diplôme, certificat ou autre titre obtenu dans l'un de ces États, conformément aux obligations communautaires.
« Le nombre maximum de candidats susceptibles d'être autorisés à exercer pour chaque profession et, en ce qui concerne les médecins, pour chaque discipline ou spécialité, est fixé par arrêté du ministre chargé de la santé, en accord avec la commission susmentionnée. En sus de ce nombre maximum, les réfugiés politiques, apatrides et bénéficiaires de l'asile territorial ainsi que les Français ayant regagné le territoire national à la demande des autorités françaises peuvent être autorisés à exercer par le ministre chargé de la santé après avis de la commission susmentionnée et après avis d'un jury de la discipline concernée dont les modalités d'organisation sont définies par arrêté.
« Nul ne peut être candidat plus de quatre fois aux épreuves de sélection et à l'autorisation d'exercice. »
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement vise à modifier le code de la santé publique, notamment les articles consacrés aux praticiens à diplômes étrangers.
Cette appellation désigne les médecins, mais aussi les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens qui ont obtenu leur diplôme initial dans un pays non membre de la Communauté européenne.
Pour la plupart, ces praticiens ont effectué leurs années de spécialité dans les hôpitaux français. Ils sont dans leur grande majorité français ou en cours de naturalisation. Ils ont été recrutés pour leurs compétences. Ils assument la même mission et remplissent les mêmes tâches que leurs collègues à diplômes communautaires. En revanche, leurs conditions de travail sont souvent plus difficiles - horaires de nuit, garde de week-end et jours fériés - et leur rémunération est nettement inférieure à ce à quoi ils pourraient prétendre compte tenu de l'impossibilité dans laquelle ils sont d'accéder à un poste de titulaire. Cela a été souligné par mes collègues du groupe communiste républicain et citoyen.
En outre, ces praticiens vivent dans la plus grande précarité quant à l'avenir de leur emploi : CDD successifs et, surtout, aucune perspective d'avancement de carrière. Ils sont les victimes d'une discrimination institutionnalisée.
Le ministère de la santé a annoncé l'ouverture d'une nouvelle procédure d'autorisation. Il s'agit, pour faire court, d'accorder à ces médecins l'autorisation de plein exercice, avec inscription à l'ordre des médecins. Cette nouvelle procédure d'autorisation ne répond ni aux besoins de nos hôpitaux, ni au principe d'équité entre les praticiens, ni même à la législation en vigueur, dans la mesure où elle ne tient aucun compte de la validation des acquis de l'expérience. Or certains de ces praticiens exercent depuis plus de quinze ans dans nos hôpitaux !
Cet amendement a pour objet d'intégrer la validation des acquis de l'expérience dans l'évaluation du parcours professionnel du médecin candidat. De plus, il vise à permettre de se présenter non plus deux fois, mais quatre fois, aux différentes épreuves de sélection.
Tel est le sens de cet amendement, qui a sa place dans un projet de loi visant à l'égalité des chances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'objet de l'amendement est la procédure d'autorisation de plein exercice de la médecine pour les médecins ayant un diplôme étranger.
Je ne vais pas vous dire qu'il n'y a pas grand-chose à faire, chers collègues, sinon je ne pourrais plus vous regarder en face ! Mais le ministre de la santé, avec qui j'en ai discuté, (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) m'a dit, et il l'a d'ailleurs répété au président de la commission des affaires sociales, qu'il y travaillait. Par conséquent, l'amendement est pour nous prématuré et, bien que vous ayez évoqué l'égalité, quelque peu hors sujet.
M. David Assouline. Ah non ! C'était l'amendement sur la discrimination !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je ne vais pas vous raconter d'histoires, je vous livre simplement cette information.
Madame Khiari, vous avez appelé mon attention ; vous avez raison et je vous approuve, mais je vous demande de retirer votre amendement ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous tentons par le biais de plusieurs textes déjà, et tous les gouvernements se sont attelés à la tâche, de régler ce problème important, notamment pour les hôpitaux publics de ce pays.
Sur cette question, le ministère de la santé poursuit avec les médecins une concertation afin de déterminer les voies et moyens permettant d'atteindre l'objectif de l'auteur de l'amendement et, j'en suis certain de nombre d'entre vous sur toutes les travées. En attendant les résultats de cette concertation et les propositions du ministre de la santé, le Gouvernement souhaite que cet amendement soit retiré.
Mme Bariza Khiari. Je le maintiens !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le ministre délégué, le problème demeure, même si je reconnais bien volontiers qu'il n'est pas nouveau et qu'il y a eu une avancée sous le gouvernement de Lionel Jospin.
À moins de reconnaître que l'État a embauché des praticiens sous-qualifiés, rien ne justifie cette asymétrie de traitement, incompatible avec les valeurs de notre République.
Ces praticiens ne doivent plus être la variable d'ajustement du budget de nos hôpitaux, en cette année 2006 placée sous l'étendard de l'égalité des chances. En intégrant la validation des acquis de l'expérience dans la nouvelle procédure d'autorisation, le législateur permettra aux autorités compétentes de prendre en compte également les années de pratiques du médecin dans l'évaluation de son parcours et de résoudre ce qui est finalement une discrimination d'État !
Aussi, monsieur le président, je n'ai pas retiré cet amendement, car il est important que le ministre de la santé sache que la représentation nationale s'inquiète de ces discriminations institutionnalisées.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 55 est présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 91 est présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
I. Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Pour mesurer la diversité des origines au sein de leurs effectifs, les personnes morales publiques et privées sont tenues d'utiliser le cadre de référence établi dans les conditions prévues au dernier alinéa.
Les traitements de données à caractère personnel nécessaires à la réalisation des enquêtes utilisant ce cadre de référence font l'objet d'une procédure d'anonymisation reconnue conforme par la Commission nationale de l'informatique et des libertés et d'une déclaration dans les conditions prévues à l'article 23 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés.
Les personnes morales publiques ou privées dont les effectifs comptent moins de 150 personnes ne peuvent procéder ou faire procéder à des traitements de données à des fins de mesure de la diversité des origines.
La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, l'Institut national de la statistique et des études économiques et l'Institut national des études démographiques établissent conjointement un cadre de référence comprenant une typologie des groupes de personnes susceptibles d'être discriminées en raison de leurs origines raciales ou ethniques.
II. En conséquence, faire précéder cet article d'une division additionnelle ainsi rédigée :
Section 2 bis
Mesure de la diversité
La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Si vous le permettez, monsieur le président, je défendrai les deux amendements identiques.
Nous abordons ici un problème complexe. Au-delà des clivages politiques habituels, des opinions contrastées peuvent s'exprimer, et elles sont toutes aussi respectables les unes que les autres.
Nous sommes tous d'accord, me semble-t-il, pour constater l'importance de la discrimination qui existe aujourd'hui vis-à-vis d'une partie de nos populations.
M. Alain Gournac, rapporteur. Elle est énorme !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Pour parler franchement, il s'agit de nos compatriotes noirs et maghrébins.
Mme Assassi a dit que l'expression « personnes dites issues de l'immigration » n'avait pas beaucoup de sens. Très honnêtement, il me serait difficile de ne pas partager totalement cette opinion, ...
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. ... car, entre la situation d'un de nos compatriotes venus d'Italie, de Pologne ou encore du Portugal et celle d'un de nos compatriotes d'Afrique ou du Maghreb, la différence est totale. Il y a discrimination dans un cas, et pas dans l'autre. (Applaudissements sur quelques travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
À considérer tant les travaux du professeur Amadieu que ceux qui ont été récemment réalisés au sujet de l'apprentissage, ou encore le rapport que M. Fauroux a remis dernièrement à Jean-Louis Borloo, nous constatons l'importance de la discrimination. Et, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, mes chers collègues, nous avons tous l'intention de lutter, le plus efficacement possible, contre ces discriminations. Ce qui va nous opposer, c'est non pas un problème d'objectifs, mais un problème de méthode et de moyens.
La commission des lois et la commission des affaires sociales se sont accordées à reconnaître que nous manquions d'un outil statistique d'évaluation des minorités visibles. Comme l'écrit Roger Fauroux dans le rapport que je viens de citer, « l'une des principales faiblesses du modèle français d'intégration est la cécité qu'il s'impose vis-à-vis de l'origine ethnique et même géographique des individus dont il ne veut connaître que la nationalité. Cet aveuglement volontaire rend en partie caduque, faute de repères chiffrés, une bonne partie de ce qui s'écrit sur les progrès ou les reculs de la diversité dans les entreprises et fournit un prétexte commode à tous ceux qui nient l'existence même d'un problème. »
Je citerai encore Patrick Simon, chercheur à l'Institut national d'études démographiques : « L'invisibilité, qu'elle soit politique ou statistique, ne sert qu'à maintenir tous les "plafonds de verre" qui défendent la suprématie des majoritaires et s'opposent à une véritable égalité. »
La CNIL n'est pas loin de partager cette opinion, puisque, constatant « l'absence de définition d'un référentiel national de typologies ethno-raciales », elle a estimé que « le principe même de la création d'un tel référentiel devrait être approuvé par le législateur ».
C'est la raison pour laquelle la commission des lois et la commission des affaires sociales proposent de confier à des autorités incontestables telles que la HALDE, l'INSEE et l'INED l'élaboration d'un cadre de référence pour la définition de groupes de personnes à partir de données permettant d'identifier leur appartenance aux minorités dites visibles, tout en s'entourant de garanties : la procédure d'anonymisation définie par la CNIL et l'exclusion des entreprises de moins de 150 personnes dans la mesure où nous ne sommes pas certains du respect de l'anonymisation en dessous de ce seuil.
Je vois bien les objections qui vont m'être opposées et, là encore, je les accepte. Je comprends qu'un certain nombre d'entre vous, mes chers collègues, pour lesquels j'ai de l'estime et de l'affection, craignent que nous ne nous engagions ici sur la voie du communautarisme. C'est leur conviction,...
M. Roger Romani. Oui !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. ...la mienne est différente. Je pense en effet qu'au contraire, c'est le fait qu'une partie de nos compatriotes ne soient pas totalement traités à parité avec nous, ...
M. Alain Gournac, rapporteur. Scandaleux !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. ... qui favorise le communautarisme.
Je souhaite me tromper mais, si nous ne faisons rien pour recenser les minorités visibles, je crains très fortement que nous ne nous retrouvions dans dix ans, dans cinq ans, voire avant, face à une situation si épouvantable que nous ne pourrons plus alors éviter la discrimination positive et les quotas.
Or nous ne vous faisons nullement cette proposition-là, mes chers collègues.
Pour reprendre les termes de la charte de la diversité, sachez que notre objectif est non pas d'ajouter une discrimination supplémentaire, mais au contraire de lutter contre les discriminations existantes. Notre Constitution ne dit pas autre chose lorsqu'elle prévoit que la France assure l'égalité de tous devant la loi et interdit toute discrimination tenant notamment à la race, même si, scientifiquement parlant, les races n'existent pas.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'examen de l'amendement n° 823, présenté par M. About, relatif au recensement général, a donné lieu ce matin à des échanges sur toutes les travées. Même si ces amendements identiques concernent cette fois les entreprises, ils procèdent du même état d'esprit.
À la suite des engagements qu'elles ont pris en vue de promouvoir la diversité dans le recrutement, il a semblé souhaitable que les entreprises puissent suivre l'évolution de leurs effectifs en fonction des origines de leur personnel. Cette possibilité peut être recherchée au moyen de diverses méthodes, par les entreprises elles-mêmes, en accord avec leurs personnels, et dans le cadre des collectes de données autorisées par la CNIL. Des expériences sont déjà menées de manière très concrète ; je pense notamment à un grand groupe du secteur de la grande distribution.
Plutôt que de recourir à une classification générale, il est possible de solliciter les organismes de recensement et d'études démographiques pour qu'ils utilisent pleinement les données autorisées, en particulier les patronymes, l'origine géographique, le quartier d'habitation, ou des critères sociaux, pour suivre et appuyer l'évolution vers une plus grande égalité.
Il est également possible que chaque entreprise définisse, en accord avec ses personnels, les meilleurs indicateurs d'évolution de ses effectifs.
Mais vous me proposez, messieurs les rapporteurs, de légiférer, ce qui est différent, et nous renvoie au débat que nous avons eu ce matin. Je me souviens des interventions des uns et des autres, notamment celle de M. Mélenchon qui, en quelque sorte ne voulait être classé ni en catégorie « blanc de l'Essonne » ni en catégorie « blond de l'Est ». (Sourires.)
En la matière, des problèmes de nature juridique se posent.
Le recueil automatisé de données relatives à l'origine ethnique ou raciale des personnes, porte atteinte aux principes posés tout à la fois par l'article 1er de la Constitution, l'article 1er de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et l'alinéa 5 du préambule de la Constitution de 1946.
Souvenons-nous, en 1991, le Conseil constitutionnel a déclaré inconstitutionnelle la mention de « peuple corse ».
Au surplus, les dispositions proposées ici ne seraient pas conformes à la loi. Je rappelle en effet les termes de l'article 8 de la loi du 6 janvier 1978 : « Il est interdit de collecter ou de traiter des données à caractère personnel qui font apparaître, directement ou indirectement, les origines raciales ou ethniques, les opinions politiques, philosophiques ou religieuses ou l'appartenance syndicale des personnes, ou qui sont relatives à la santé ou à la vie sexuelle de celles-ci ».
Même si nous comprenons les objectifs de leurs auteurs, nous ne pouvons accepter ces amendements identiques, du moins dans leur rédaction actuelle. En conséquence, je vous demande, messieurs les rapporteurs, de bien vouloir les retirer ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
Encore une fois, mesdames, messieurs les sénateurs, songez que d'ores et déjà plus de trois cents grandes entreprises ont signé la charte de la diversité.
M. le président. Monsieur le rapporteur, les amendements n°s 55 et 91 sont-ils maintenus ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous avons écouté avec attention M. le ministre délégué.
Même si ce débat a pu gêner certains de mes collègues, je suis très content que nous ayons pu aborder ce sujet. Au cours de nos auditions, nous avons rencontré des jeunes qui nous ont donné des preuves irréfutables des discriminations qu'ils avaient subies tant au cours de leur apprentissage que dans la vie en général. Pour ces jeunes, il importait que cette discussion ait lieu. À défaut de mesure possible, mes chers collègues, il est difficile de savoir si les discriminations diminuent ou pas dans notre pays. Prétendre sans données chiffrées que la discrimination va beaucoup mieux en France est purement déclaratif !
Mais mon collègue Jean-René Lecerf et moi-même avons compris les arguments du Gouvernement et nous avons décidé de retirer nos deux amendements identiques.
M. le président. Les amendements n°s 55 et 91 sont retirés.
Je suis saisi de deux amendements présentés par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 350 est ainsi libellé :
Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Toute discrimination à l'embauche des étrangers résidant en France fondée sur la nationalité par les entreprises et les organismes publics est interdite, sauf pour les emplois dont les attributions sont soit inséparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice des prérogatives de puissance publique, sous réserve de remplir les conditions auxquelles sont soumis les nationaux. Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application des dispositions précédentes.
II. Toutes dispositions contraires, législatives et réglementaires, sont abrogées.
L'amendement n° 351 est ainsi libellé :
Après l'article 22, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. Toute discrimination à l'embauche des étrangers résidant en France fondée sur la nationalité pour l'accès à l'exercice d'emplois privés est interdite, notamment dans les domaines de la santé, de la justice, des transports et de l'urbanisme, sauf s'il s'agit d'emplois dont les attributions sont soit inséparables de l'exercice de la souveraineté, soit comportent une participation directe ou indirecte à l'exercice des prérogatives de puissance publique et sous réserve de remplir les conditions auxquelles sont soumis les nationaux. Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application des dispositions précédentes.
II. Toutes dispositions contraires, législatives et réglementaires, sont abrogées.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Ces deux amendements ont la même finalité.
Le nombre d'emplois interdits ou partiellement interdits aux étrangers est considérable. Pourtant, la non-discrimination entre travailleurs en raison de la nationalité, de la race et du sexe est un principe à valeur constitutionnelle.
Dès lors, il est légitime de s'interroger sur les fondements de ces restrictions législatives et réglementaires, d'autant qu'elles remettent en cause l'efficacité des politiques publiques de lutte contre les discriminations.
Dans la mesure où les étrangers résidant en France contribuent à la richesse nationale dans les mêmes conditions que les nationaux, la condition de nationalité à l'embauche ne peut leur être opposable, sans motif raisonnable et objectif.
Par l'amendement n° 350, il s'agit de mettre un terme aux discriminations à l'embauche frappant les ressortissants résidant en France à l'exception des emplois relevant de la souveraineté ou de la puissance publique. Ainsi, les étrangers auront accès, dans les mêmes conditions que les nationaux, aux emplois, notamment statutaires, des entreprises publiques telles que la SNCF, ou des organismes publics tels que la sécurité sociale.
Cet amendement concerne les emplois publics tandis que le second, l'amendement n° 351 concerne les emplois privés. Il s'agit de débloquer des emplois dits fermés pour condition de nationalité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Les amendements n°s 350 et 351 visent à lutter contre les discriminations à l'emploi envers les étrangers, l'un dans le secteur public, l'autre dans le secteur privé.
J'ai écouté avec intérêt les propos de Mme Khiari, et je suis d'accord avec elle. Mais ce débat nécessite plus de temps et plus de réflexion, comme je l'ai reconnu tout à l'heure pour les deux amendements identiques de la commission des affaires sociales et de la commission des lois.
En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. La loi ou le règlement réservent certains emplois à des personnes de nationalité française ; c'est notamment le cas pour exercer des fonctions de souveraineté. Il semble nécessaire et justifié que ces emplois soient confiés à des nationaux.
En revanche, hors les cas où un texte en prévoit la possibilité, le fait de refuser des emplois à un étranger constitue une discrimination qui est pénalement sanctionnée par les articles 225-1 et 225-2 du code pénal.
Ces amendements ne nous semblent pas nécessaires. Dans ces conditions, le Gouvernement demande à Mme Khiari de bien vouloir les retirer ; à défaut, le Gouvernement émettra un avis défavorable.
M. le président. Madame Khiari, les amendements n°s 350 et 351 sont-ils maintenus ?
Mme Bariza Khiari. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 351.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel après l'article 23 (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 353, présenté par M. Assouline, Mme Alquier, MM. Yung et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 23, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé une Commission nationale pour l'autonomie des jeunes, placée auprès du Premier ministre. Cette commission, dont la composition est arrêtée par voie réglementaire, comprend des parlementaires, des élus locaux, des représentants de l'État, des organisations représentatives des employeurs et des salariés, d'associations de chômeurs, des mutuelles, de la Caisse nationale des allocations familiales, du Conseil national de la jeunesse, des organisations représentatives des étudiants et des lycéens, des fédérations de parents d'élèves, et des personnalités qualifiées.
Cette commission a pour missions :
- de faire le bilan des dispositifs assurant des ressources propres aux jeunes de seize à vingt-cinq ans ;
- d'étudier la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans, ainsi que les critères de son attribution sur la base notamment d'un projet personnel de formation et d'accès à l'emploi ;
- de proposer la mise en place d'un dispositif expérimental dans plusieurs départements, après consultation des Conseils départementaux de la jeunesse, et dont l'évaluation servira de base à ses travaux et à la généralisation de ce principe.
Elle consulte le Conseil national de la jeunesse précité.
Elle remettra son rapport au Premier ministre avant le 31 décembre 2006. Ce rapport est transmis au Parlement.
La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. L'amendement n° 353, une fois encore, montre bien comment ont travaillé ceux qui ont fait sauter, un peu au hasard, des fournées entières d'amendements. En effet, il a été maintenu alors que l'amendement n° 354, qui lui est pourtant lié, a été déclaré irrecevable.
Cet amendement n° 353 prévoit la mise en place d'un dispositif permettant d'aboutir à une allocation d'autonomie pour les jeunes.
Il a beaucoup été question, ici, des jeunes en difficulté, notamment des problèmes qu'ils rencontrent pour s'insérer dans le monde du travail. Vous avez proposé d'y répondre par l'apprentissage dès quatorze ans et par le CPE. Mais les organisations représentatives de la jeunesse posent, depuis de nombreuses années, le problème de façon beaucoup plus large.
Aujourd'hui, les jeunes poursuivent plus longtemps leurs études. Jusqu'à vingt-deux ans, en moyenne, ils sont en formation ou dans le système éducatif. Alors qu'ils sont majeurs à dix-huit ans, ils restent financièrement dépendants de leurs parents.
Qui plus est, les familles n'ont pas toutes les moyens d'aider les enfants qui prolongent leurs études. Or il n'existe aucune allocation susceptible de permettre aux jeunes des familles les plus défavorisées d'entreprendre des études longues, à l'université par exemple. Si l'on veut lutter contre les discriminations sociales, notamment dans l'accès à l'enseignement supérieur, il faut mettre en place une telle mesure.
Cet amendement prévoit la méthode - puisque la mesure concrète faisait l'objet de l'amendement qui a été déclaré irrecevable -, c'est-à-dire la création d'une commission nationale pour l'autonomie des jeunes, placée auprès du Premier ministre.
Cette commission, dont la composition pourrait être arrêtée par voie réglementaire, et pour laquelle je vous renvoie au texte de l'amendement, aurait pour mission d'étudier la création d'une allocation d'autonomie pour les jeunes de seize à vingt-cinq ans, ainsi que les critères de son attribution sur la base notamment d'un projet personnel de formation et d'accès à l'emploi.
C'est une mesure dont on reparlera, car nous y tenons. L'ensemble des organisations représentatives de la jeunesse, notamment les syndicats étudiants, dans leur diversité, ont beaucoup travaillé sur le sujet et ils ont proposé des modes de financement possibles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. M. Assouline nous propose une nouvelle structure dont les contours et les missions sont encore trop imprécis.
Pour cette raison, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il existe déjà le Conseil national de la jeunesse, assorti de conseils départementaux. Pourquoi créer un conseil supplémentaire ? J'ai tout à l'heure souhaité, dans d'autres domaines, que l'on n'en crée pas plus.
L'avis du Gouvernement est donc clairement défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 353.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 24 (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 396, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Avant l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Une « maison des parents » est mise en place dans chaque zone urbaine sensible. Associant l'État, les collectivités territoriales et les associations, elle offre un espace de rencontre, d'écoute et de médiation pour les parents. Elle permet le soutien aux parents en difficulté et la prévention des conduites à risque.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, je vous ai pris au mot et, sur la plupart des articles, j'ai proposé des solutions concrètes afin d'essayer de résoudre les problèmes que vous souhaitiez affronter.
Comme j'ai eu l'occasion de vous le dire lors du débat sur l'article 24, je considère que le contrat de responsabilité parentale qui nous est proposé n'est pas de nature à apporter des réponses aux parents qui sont submergés par les difficultés du quotidien et qui ont l'impression de perdre pied dans les relations avec leurs enfants.
Je ne pense pas que la suspension, même partielle, des prestations familiales soit de nature à résoudre les problèmes de familles qui sont déjà débordées.
Je sais aussi combien peut être douloureuse une punition qui sera forcément ressentie comme collective. J'imagine que, dans les familles modestes, on ne va pas réduire la portion de pâtes du seul enfant dont les allocations auront été suspendues, mais que l'ensemble de la fratrie sera pénalisée.
Les maisons des parents que nous proposons de créer dans chaque zone urbaine sensible sont une démarche de réaction collective aux difficultés, l'État étant le partenaire des parents et non une entité qui agirait contre eux.
La responsabilité de l'éducation apparaît collective. À partir du modèle développé par le Centre français de protection de l'enfance, notamment, les maisons des parents s'adressent à tout parent, père, mère, ensemble ou séparément, et particulièrement à ceux qui se trouvent en difficulté.
Elles proposent un accueil gratuit, mènent des actions individuelles ou collectives, mises en place par des professionnels et des bénévoles : entretien individuel et écoute téléphonique, groupe de parole pour communiquer entre parents, activité de médiation. Ces maisons accordent une place particulière à la connaissance des cultures des personnes accueillies.
Nous suggérons que l'État mette en oeuvre un programme d'appui et de partenariat afin que, dans chaque zone urbaine sensible, des maisons de ce type soient créées pour être des lieux de coéducation entre l'État, les collectivités, les parents, les institutions.
Ce programme permettrait de reconnaître et de renforcer une dynamique qui existe déjà de façon dispersée sur le territoire, qu'il s'agisse d'associations de parents, de réseaux d'écoute, d'appui et d'accompagnement, tout ce qui, en tout cas, est préférable à la mise en place d'une cascade de mesures répressives.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Il vaut mieux laisser la création de telles maisons à la libre initiative des collectivités locales, afin de s'assurer qu'elles répondent à un véritable besoin local.
Dans certaines villes comportant plusieurs quartiers sensibles, la création de plusieurs maisons pourrait en effet être redondante. Dans d'autres cas, la municipalité pourrait considérer que l'implantation d'une maison en centre-ville est préférable, ne serait-ce - j'insiste sur ce point - que pour offrir aux habitants de ces quartiers une occasion de sortir de leur environnement ou permettre un dialogue plus serein.
La commission est donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Les réseaux d'écoute, d'accompagnement et d'appui aux parents déjà existants sont adaptés aux réalités des collectivités territoriales. Ils se sont constitués en effet autour de l'État, puisque les DDASS en forment souvent le ciment d'origine, avec, aujourd'hui, les conseils généraux et les collectivités locales. Ces réseaux, madame Voynet, m'apparaissent comme une réponse à votre préoccupation.
Je ne suis donc pas favorable à votre amendement et je vous renvoie à ces réseaux d'écoute et d'accompagnement et d'appui aux parents.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 396.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel après l'article 24 (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 356, présenté par M. Cazeau, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Yung, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après l'article 24, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l'article L. 131-2 du code de l'éducation, il est inséré un article additionnel ainsi rédigé :
« Art. L. ... - L'établissement scolaire reste le lieu privilégié du traitement des absences, du dialogue avec les familles, d'une relation de confiance et de coopération qui assure l'assiduité de l'élève. »
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Cet amendement vise à réaffirmer une vérité que ce texte semble avoir largement oubliée : l'école doit rester le lieu privilégié du traitement de l'absentéisme scolaire.
Vous connaissez la position que nous avons exprimée sur l'article 24 : l'absentéisme scolaire ne sera pas réglé par des sanctions ou la suppression des allocations familiales, comme vient de le rappeler ma collègue Dominique Voynet.
La seule chance de limiter l'absentéisme scolaire, c'est de détecter très tôt ces comportements de fuite. On sait que cet absentéisme ne traduit pas simplement un rejet de l'école, où l'enfant peut en effet ne pas se sentir à l'aise ; il est souvent aussi le signal d'alarme d'un malaise beaucoup plus profond. Pour faire face à ce malaise et stopper cette dérive, il est essentiel que s'établisse un triangle de confiance entre l'établissement scolaire, la famille et l'enfant.
Bien sûr, pour assumer cette mission, l'établissement scolaire a besoin de moyens que le Gouvernement actuel ne lui donne pas. C'est pourquoi nous souhaitons que cette loi, pour ne pas être un rendez-vous manqué, réaffirme véritablement, dans la logique républicaine, le rôle privilégié de l'école face à l'absentéisme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est bien évidemment à l'école qu'il revient de lutter contre l'absentéisme scolaire, et je ne nie pas, madame, la réalité de votre propos. Mais faut-il vraiment encombrer la loi de telles vérités sans aucune portée normative ? À vouloir tout prévoir dans nos textes, qui en deviennent illisibles, nous nous exposons souvent aux critiques.
M. David Assouline. C'est votre texte qui est illisible !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame le sénateur, si l'école est effectivement un lieu essentiel, il n'est pas le seul où peut se régler le problème de l'absentéisme scolaire.
Le débat autour du contrat de responsabilité parentale a mis en lumière la nécessité de replacer les parents au centre de la lutte contre l'absentéisme. Si nous partageons l'aspect déclaratif de votre amendement, nous pensons néanmoins qu'il n'a pas sa place dans le texte.
M. Jean-Luc Mélenchon. Hier, cela ne vous a pas gênés !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je demande donc le retrait et, à défaut, le rejet de cet amendement.
M. le président. Madame Tasca, l'amendement est-il maintenu ?
Mme Catherine Tasca. Oui, monsieur le président, car, par rapport à l'article 24, il est vraiment nécessaire de rappeler ce qui semble être considéré comme une évidence, mais qui ne trouve aucune traduction dans ce texte.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 356.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Article additionnel avant l'article 25 (précédemment réservé)
M. le président. L'amendement n° 805, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant l'article 25, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I - Dans le premier alinéa de l'article L. 521-1 du code de la sécurité sociale, le mot : « deuxième » est remplacé par le mot : « premier ».
II - Les pertes de recettes résultant du I sont compensées par le relèvement à due concurrence du taux des contributions sociales visées aux articles L. 136-6 et L. 136-7 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Vous qui aimez tant la famille, vous ne pouvez qu'adopter cet amendement !
Il s'agit d'un amendement auquel nous tenons particulièrement et que nous vous soumettons avec obstination depuis des années. Mais il prend ici une plus grande ampleur, dans la mesure où il est en contradiction avec la vision que vous avez de la politique sociale en direction des familles.
Cet amendement vise en effet à prévoir le versement des allocations familiales dès le premier enfant, alors même que, par ce projet de loi intitulé « pour l'égalité des chances », vous nous avez proposé, voilà quelques heures, de supprimer les allocations familiales versées pour un seul enfant.
Car, pour nous, c'est par une politique sociale volontariste, qui garantit à chaque famille le soutien de l'État, que l'on prévient un certain nombre de problèmes familiaux, éducatifs ou sociaux.
Le manque de moyens et un niveau de vie qui ne permet pas de couvrir les besoins élémentaires de la vie quotidienne sont le ferment des problèmes sociaux que l'on retrouve par la suite.
À mesure que l'État se trouve désinvesti de ses fonctions de redistribution des richesses ou de protection sociale, on voit les difficultés scolaires et sociales se développer. Ce n'est évidemment pas par moins d'État, par exemple en suspendant les allocations familiales, que l'on résout les problèmes. Au contraire, c'est en augmentant les moyens de l'État, en déployant ses interventions qu'on lutte efficacement contre les déroutes sociales.
C'est cette idée essentielle qui sous-tend notre amendement, qui, je vous le rappelle, prévoit le versement des allocations familiales dès le premier enfant.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, j'invoque l'article 40 de la Constitution à l'encontre de cet amendement.
M. Guy Fischer. On répond aux problèmes des enfants par l'article 40 !
M. le président. Monsieur Dallier, l'article 40 est-il applicable ?
M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Il l'est, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 étant applicable, l'amendement n° 805 n'est pas recevable.
Intitulé du projet de loi
M. le président. L'amendement n° 320, présenté par Mme Le Texier, M. Sueur, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, MM. Lagauche, Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Yung, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de ce projet de loi :
Projet de loi portant diverses dispositions d'ordre social et économique
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. C'est bien de donner un titre à un projet de loi. C'est encore mieux lorsque ce titre est le reflet de ce qu'il désigne, de ce qu'il donne à voir. Mais c'est moins bien lorsqu'il ne sert qu'à travestir les intentions. C'est malheureusement ce que vous faites en osant baptiser « pour l'égalité des chances » une loi qui ne fait que consacrer les injustices.
Pourquoi donner un nom si symbolique à une loi composé d'éléments disparates et de mesures éparses et qui peine à cacher derrière le discours lénifiant de ceux qui le défendent la énième attaque contre le modèle social français ?
Mais s'il est vrai que vous n'avez guère de goût pour la justice sociale, peu d'ambition pour le pays et, finalement, bien peu de courage pour lutter contre les inégalités, vous maîtrisez en revanche parfaitement la théorie de la communication.
Quand vos lois sur l'emploi nous ramènent au xixe siècle, vous parlez de modernisation sociale. Quand vous portez l'une de vos premières estocades au droit du travail, c'est en introduisant des amendements facilitant le licenciement dans la loi de programmation pour la cohésion sociale. Et quand vous voulez remettre en cause les minima sociaux, vous appelez cela le retour à l'emploi.
Comment pouvez-vous nous présenter une loi sur l'égalité des chances qui ne s'attaque pas aux inégalités de naissance ? Jamais la reproduction des inégalités sociales n'a été si forte. Or vous en ajoutez encore en laissant croire que chacun a sa chance s'il veut bien s'en donner les moyens.
Pour nous, l'égalité des chances, ce n'est pas mettre des enfants de quatorze ans en apprentissage. Pour nous, l'égalité des chances, ce n'est pas permettre le travail de nuit dès quinze ans. Pour nous, l'égalité des chances, ce n'est pas mettre plus d'énergie à faciliter le licenciement des jeunes qu'à les aider à entrer dans le monde du travail. Pour nous, l'égalité des chances, ce n'est pas confondre allocations familiales et prime au mérite. Pour nous, l'égalité des chances, ce n'est pas transformer les maires en procureurs.
Une fois de plus, c'est non pas le pragmatisme qui guide vos choix, mais l'idéologie !
L'école de la République n'offre plus aux enfants des classes populaires des chances de faire jeu équivalent avec ceux qui sont issus de familles plus privilégiées.
De 1955 à 1993, la part des élèves d'origine populaire au sein des grandes écoles n'a cessé de diminuer, passant de 21 % à 8 % à l'école polytechnique, de 38 % à 11 % à HEC et de 18 % à 6 % à l'ENA. Aujourd'hui, on estime qu'un enfant d'ouvrier agricole a 0,43 % de chance d'intégrer une grande école, alors qu'un enfant de parents exerçant une profession libérale en a 21,5 %. Une loi sur l'égalité des chances devrait donc avant tout se porter sur les questions d'éducation et de formation. Celle-là n'aborde même pas ces sujets.
À ces inégalités sociales, qui se traduisent en inégalité d'opportunités, s'ajoutent également les inégalités de participation : les classes populaires ont rarement accès aux lieux de pouvoir et de décision. Les premières différences se ressentent dès l'exercice du droit de vote : plus on est précaire, plus on s'abstient. Il y a cent fois moins de parlementaires issus du milieu ouvrier que de catégories intermédiaires ; les grands groupes industriels et financiers sont dirigés par des hommes en général issus des grandes écoles, donc de milieux favorisés, etc. Il y a donc reproduction, cumul et aggravation des inégalités.
Mais agir sur les causes ne vous intéresse pas. L'égalité des chances n'est ici qu'une patère où accrocher votre bonne conscience, l'argument publicitaire trompeur qui masque l'escroquerie commerciale grossière.
On s'accorde à dire, hélas, que l'ascenseur social est en panne ! On pouvait espérer que ce projet de loi pour l'égalité des chances tenterait au moins de le faire redémarrer, mais il n'en est rien. En réalité, avec ce texte, vous supprimez et l'ascenseur et les escaliers. Ainsi, ceux qui sont en haut y demeureront sans risquer d'être importunés par ceux qui resteront en bas.
M. Roland Muzeau. Absolument !
Mme Raymonde Le Texier. Pauvre, quand il n'est pas abusif, ce projet de loi n'utilise le terme « égalité » dans son titre que pour le nier dans son contenu. Voilà pourquoi nous proposons de changer son intitulé.
Et parce que l'absence de cohérence entre les différentes dispositions ne permet pas de voir se dessiner un quelconque dessein ou une grande ambition, nous proposons de nommer ce texte plus sobrement : projet de loi portant sur diverses dispositions d'ordre social et économique. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je ne voudrais surtout pas être désagréable envers notre collègue, mais sa proposition n'est pas pertinente.
J'émets donc un avis défavorable.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pourtant, elle correspond parfaitement au projet de loi !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce soir, nous pouvons renouer avec le meilleur de nos débats, car ce texte nous a donné l'opportunité, à intervalle régulier, de nous exprimer sur la philosophie politique.
Pour ma part, je conseille de proscrire dorénavant du vocabulaire de la gauche le mot même d' « égalité » des chances. En effet, si l'on comprend d'où il vient, et je me souviens de quelques beaux textes de Jean Jaurès sur la question, nous voyons bien qu'au point où nous sommes rendus sa signification a totalement changé.
Au fond, et pour me résumer, le projet de l'égalité des chances est d'ores et déjà réalisé par une institution : le loto. (Rires.)
M. Jacques Valade. Non, c'est aléatoire !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il est inutile d'organiser quoi que ce soit de plus !
L'idée que nous, la gauche, les républicains, nous faisons du progrès devrait plutôt nous inviter à parler sans cesse de l'égalité des droits et nous pousser à confronter à la proclamation de l'égalité des droits les moyens que nous mettons en oeuvre pour les rendre effectifs afin que ceux-ci ne restent pas seulement formels.
J'en profite, puisque l'on est dans la sémantique, pour dire que l'expression « ascenseur social » est totalement déplorable. J'espère que personne sur nos travées ne la reprendra plus jamais !
L'expression « ascenseur social » a été inventée par notre collègue Alain Madelin, député. Par la désignation même de l'objet, elle résume le projet : dans un ascenseur, comme chacun le sait, on est fort peu nombreux à monter.
C'est une vision tout à fait conforme à votre idéologie que de proposer que l'on s'extraie, par l'ascenseur, de sa classe. Or le projet de la gauche, ce n'est pas que l'on s'extraie de sa classe, mais que l'on modifie les conditions sociales d'existence et que l'on reconnaisse une dignité à des classes sociales qui, de toute façon, au moins pour les travailleurs, sont indispensables à la vie de la nation, ce qui n'est pas, j'en conviens, le cas des autres parasites. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
En fait d'égalité des droits, je pense qu'il est important de rappeler au moins ce qui a été fait.
Tout d'abord, contrairement à une tendance séculaire, vous avez abaissé l'âge de la scolarité obligatoire.
Ensuite, vous avez autorisé le travail de nuit des enfants, le samedi et les jours fériés.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est affreux ! La droite est terrible !
M. Jean-Luc Mélenchon. Par ailleurs, vous avez refusé les sanctions contre ceux qui commettent des abus à l'encontre des apprentis.
Et, pour terminer, nous avons été témoins, fort heureusement avec une désapprobation extrêmement large, qui ne s'exprimait pas uniquement sur les travées de gauche, mais qui allait très loin de votre côté, de diverses tentatives pour ethniciser la vie politique des Français. De cela, il ne sera jamais question, car ceux qui veulent ici faire la basse besogne de compter les Français par la couleur, la religion, ou je ne sais quoi, vont se heurter à un mur ultramajoritaire.
Fort heureusement, la République n'est pas en danger, mais ce n'est pas grâce à vous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. M. le Premier ministre, qui découvrait l'ampleur des inégalités à la lumière des graves événements d'octobre et de novembre dernier, a déclaré, le 1er décembre, l'urgence pour l'emploi et l'éducation. Puis est intervenu ce projet de loi dit « pour l'égalité des chances » et ces mauvais coups du CPE et de l'apprentissage à treize ans et neuf mois.
Vous êtes-vous posé, une seule fois au cours de ces débats, la question : que faire pour les gens qui souffrent ? Bien entendu, la réponse est négative ! Pourtant, cela aurait dû être la seule question à se poser.
D'évidence, la notion floue d'égalité des chances remplit une fonction de masque en écartant toute interrogation sur la formation et le développement des inégalités économiques et sociales, voire sociales et culturelles. Elle permet en même temps de légitimer et de renforcer le principe de l'inégalité sociale. En effet, cette notion sous-tend l'inégalité puisque le mot « chances » suppose la possibilité de s'élever à un niveau supérieur dans une société fortement stratifiée.
Le jeu de l'égalité place illusoirement les individus dans une situation théorique au départ, mais la chance, censée se développer librement, assure la reproduction et la consécration des inégalités. Cette notion libérale permet de déplacer la question de l'égalité du terrain de la légitimité de l'existence de la hiérarchie sociale sur celui des chances individuelles d'y occuper une place de choix.
Le caractère social avéré des inégalités est renvoyé au mérite individuel, à l'aptitude, au talent, aux capacités, aux dons, voire à la chance de chaque individu pris isolément. La notion d'égalité des chances permet finalement de diluer et de dénaturer la valeur même d'égalité, l'égalité comme une réalité et comme un horizon. Car là où il y a égalité, par définition, il n'y a pas besoin de chance ; et là où il y a chance, il y a non pas égalité, mais hasard et gros lot ou lot de consolation !
M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien !
M. Roland Muzeau. Le mot chance ne renvoie-t-il pas au monde de la loterie, un monde où quelques-unes gagnent, et où la plupart perdent ? Ce n'est pas de moi, mais vous pouvez tout de même me féliciter ! (Rires.) C'était si juste et si fort que je ne pouvais pas vous en priver !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourtant, 100 % des gagnants ont tenté leur chance !
M. Roland Muzeau. C'est ainsi que, dans un article récent, le sociologue Roland Pfefferkorn a émis cette opinion, que je partage très largement, sur le contenu du projet de loi, les concepts qu'il véhicule dangereusement et son intitulé, dont le débat, ahurissant, vient trop tard ; nous aurions dû commencer par là !
L'égalité des chances, dans votre esprit, c'est la négation de la réalité de classe, comme la cohésion sociale est, in fine, la négation de la lutte des classes.
Les dernières études d'opinion montrent d'ailleurs largement que vos discours ne passent pas : 66 % des Français pensent que le CPE risque d'accroître la précarité de l'emploi,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous l'avez déjà dit !
M. Roland Muzeau. Je sais que cela vous fait mal, mais écoutez tout de même !
... 63 % ne pensent pas qu'il s'agit d'une solution au problème du chômage des jeunes, 61 % soutiennent les manifestations du 7 mars prochain...
Mme Hélène Luc. Absolument, vous verrez mardi !
M. Roland Muzeau. ... et 67 % refusent que les contrats précaires soient ainsi étendus à toute embauche.
Or nous côtoyons ces Français, jeunes, salariés, parents de jeunes, injustement privés d'emploi, diplômés, recalés à l'embauche, victimes des discriminations les plus éhontées. À vous écouter, on se demandait parfois ces derniers jours qui discriminait !
Ces jeunes, ce sont ceux du Luth et des Agnettes, ceux des Minguettes, du Mas-du-Taureau, de la Pierre Collinet ou du Bois de l'Etang, du Val-Notre-Dame ou de Lochères, des Hauts de Belleville ou du Haut-du-Lièvre, de la Grande-Borne ou de Caucriauville, de la Caravelle ou de la Castellane, du Plan d'Aou ou de la Reynerie, de la Paillade ou du Vert-Bois, de Belle-Beille ou de la Croix Rouge, des 4 000 ou de l'Ariane.
Ces nombreux jeunes, nous les comprenons et nous les côtoyons, peut-être pas vous. Et ce sont leurs attentes que j'ai cru devoir exprimer avec tous mes amis du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces jeunes, stigmatisés, à qui l'on reproche si souvent d'être fainéants, inconstants, peu sérieux, n'ont qu'une soif : ils souhaitent qu'enfin la société leur fasse la place qu'ils méritent. Ils en ont assez d'être ballottés de stages en contrats précaires, d'emplois mal payés à durée déterminée en périodes de chômage.
Les jeunes intérimaires du groupe PSA Peugeot Citroën, qu'ils soient de Poissy, d'Aulnay ou de Sochaux, en ont assez d'être victimes de l'ajustement des effectifs, comme en ont assez tous ceux qui travaillent dans les industries automobiles ou autres. Les jeunes lycéens des quartiers sensibles en ont assez des orientations sur voie de garage, que vous allez d'ailleurs amplifier avec l'apprentissage à treize ans et neuf mois. Cela va offrir au patronat une main d'oeuvre taillable et corvéable à merci. Et mes mots ne sont pas trop forts !
Cette jeunesse que vous n'aimez pas...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous n'avez pas le monopole du coeur !
M. Roland Muzeau. ...vous donne rendez-vous, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, dès demain, mardi 7 mars, pour que vous preniez conscience de sa colère légitime et pour que droit soit enfin fait à ses aspirations.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Muzeau !
M. Roland Muzeau. J'en termine, monsieur le président. Cette intervention vaudra explication de vote sur l'ensemble du texte.
M. le président. J'avais cru le comprendre ! (Sourires.)
M. Roland Muzeau. Ce rendez-vous va s'imposer à votre hargne anti-jeunes. Vous aurez beau vous boucher les oreilles, vous serez obligés d'entendre, je vous l'assure, car c'est le pays qui va s'exprimer. En fait, je vous l'annonce, vous avez perdu la bataille.
Vous avez eu beau recourir au 49-3 à l'Assemblée nationale, user et abuser du règlement du Sénat, supprimer plus de 150 amendements sous les prétextes les plus scandaleux, vous appliquer à inverser l'ordre des débats : et alors ? La vérité, c'est que votre « arnaque de l'égalité des chances », pour reprendre le titre d'un article de presse, a fait long feu, et que vous avez toutes les raisons d'être inquiets.
Je citerai à nouveau, en conclusion, M. Roland Pfefferkorn (M. le rapporteur s'exclame.), qui a raison d'achever ainsi son propos, dans un article publié par le journal La Marseillaise :
« Là où il y a égalité, par définition il n'y a pas besoin de chance, et là où il y a chance, il n'y a pas d'égalité, mais hasard, gros lot ou lot de consolation... Le mot chance ne renvoie-t-il pas au monde de la loterie, un monde où quelques-uns gagnent... et où la plupart perdent ? »
J'ai cité ces phrases à plusieurs reprises au cours des débats, et deux fois à l'occasion de cette intervention, mais je pense que ce n'est pas trop ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 455, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi :
Projet de loi pour l'égalité des droits
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Je suis quelque peu embarrassée, car en proposant d'intituler ce texte « projet de loi pour l'égalité des droits », j'ai l'impression de ne pas être très crédible.
En effet, comme l'a très bien expliqué tout à l'heure Mme Raymonde Le Texier, ce projet de loi comporte, à côté d'affirmations de principe souvent généreuses, des mesures, des outils extraordinairement concrets, qui sont très loin de permettre de faire reculer les inégalités et la précarité. Leur utilisation contribuera, au contraire, à une reproduction quasiment certaine des inégalités, sinon à leur amplification.
La mise en oeuvre de l'apprentissage précoce, l'instauration du CPE, la création du contrat de responsabilité parentale, avec la possibilité de suspendre les allocations familiales pour les familles qui ne sont pas à la hauteur de vos attentes : autant de motifs qui m'incitent à retirer cet amendement et notre proposition de rédaction de l'intitulé de ce projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 455 est retiré.
L'amendement n° 817, présenté par M. About, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé du projet de loi :
Projet de loi relatif à l'égalité dans la diversité
La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Je voudrais dire aux orateurs qui m'ont précédé que je partage quelque peu leur idée quant à l'expression de l'égalité des chances. Étymologiquement, le mot « chance » renvoie, me semble-t-il, à la manière dont tombent les dés.
M. le président. C'est exact !
M. Nicolas About. Par conséquent, ce n'est pas tout à fait, comme le disait tout à l'heure M. Mélenchon, une question de boules de loto...
Cela étant, en dépit de cette valeur symbolique qu'a prise peu à peu l'expression « égalité des chances », on peut se demander si la loi peut influer sur la répartition des chances. Pour ma part, je ne le crois pas.
Il paraît plus juste de considérer, en particulier après tous nos travaux sur la lutte contre les discriminations, que l'objectif visé, au travers du présent texte, est d'atteindre l'égalité en respectant et en valorisant la diversité des situations humaines. C'est pourquoi j'ai l'honneur de proposer au Sénat de retenir l'intitulé suivant : « projet de loi relatif à l'égalité dans la diversité ».
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission a souhaité entendre l'avis du Gouvernement sur cet amendement, mais, en ce qui me concerne, je suis favorable au maintien de l'intitulé initial du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. En fait, tout est dans le mot « égalité ». La diversité est consubstantielle à l'égalité. L'égalité n'est pas l'uniformité, la diversité suppose aussi la recherche de l'harmonie : tels sont les principes qui nous ont guidés dans l'élaboration de ce texte, s'agissant notamment de la formation des jeunes, pour laquelle nous avons proposé des filières diverses, par exemple l'apprentissage junior, mais reconnues à égalité.
Cette notion d'égalité vaut aussi pour l'entrée dans la vie active des jeunes, puisque nous voyons bien que, en général, l'emploi se consolide pour les diplômés au même âge que pour ceux qui, à seize ans, sont sortis de l'école sans formation ni qualification.
Enfin, la promotion de l'égalité, c'est également la lutte contre les discriminations.
Sur cet amendement, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 817.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'objectif du Gouvernement, en avançant au 23 février la date du début de l'examen de ce projet de loi, était clair : écourter le plus possible la discussion, pour ne pas laisser de prise à l'opposition, et ne pas permettre que le Parlement se fasse l'écho de la mobilisation grandissante, dans le pays - nous voici à la veille du 7 mars -, contre ce texte.
Le Gouvernement pouvait compter, à cette fin, sur la docilité et la compréhension de la majorité sénatoriale, prête à accepter, pour atteindre l'objectif fixé, toutes les compromissions et tous les « arrangements », y compris avec le règlement même du Sénat et le respect du droit d'amendement, inscrit dans la Constitution, de tout parlementaire de cette assemblée.
Tout y est passé : réserve de pans entiers du projet de loi, au risque de rendre incohérente une discussion déjà complexe, déclaration d'irrecevabilité douteuse de certains amendements et sous-amendements, demandes multiples de priorité pour d'autres, « liquidation » à discrétion d'amendements tendant à insérer des articles additionnels, dans le seul dessein d'abréger la discussion, votes à main levée à l'issue incertaine, pression constante sur les orateurs pour qu'ils écourtent le plus possible leurs interventions...
Cependant, malgré le déploiement de cet arsenal hétéroclite de coups de bâton et de grosses ficelles, le but n'a pas été atteint.
Nous avons fait preuve, au cours du débat, d'une détermination légitime à faire valoir nos positions et à les défendre, au travers des très nombreux amendements et sous-amendements que nous avons jugé de notre devoir, en qualité de représentants de notre peuple, de soutenir et d'exposer.
Nous nous sommes ainsi opposés, parce que c'est ce que nous demandent nos concitoyens, ce que nous demandent les jeunes, ce que nous demandent leurs parents, à la volonté du Gouvernement d'institutionnaliser la précarité, notamment par le biais du CPE.
Il s'agit, en effet, d'aller encore plus loin, avec ce texte, dans le développement de la politique menée depuis 2002, dans la déréglementation du travail, dans l'autorisation du travail de nuit, le dimanche et les jours fériés, y compris pour les mineurs, dans la généralisation des dérogations aux 35 heures, dans la multiplication des contrats précaires et des emplois aidés, au détriment de cette forme normale de contrat de travail qu'est le contrat à durée indéterminée.
L'abaissement de l'âge de l'apprentissage à quatorze ans, voire à treize ans et neuf mois, a été voté. C'est là un véritable recul de société, masqué derrière un populisme qui prétend se parer des vertus du bon sens !
Vous offrez sur un plateau au patronat, chers collègues de la majorité, une main-d'oeuvre peu chère, que vous souhaitez taillable et corvéable à merci.
En ce qui concerne le CPE, aucune modification n'a été ici apportée au texte qui a été imposé à l'Assemblée nationale. Ce pseudo-contrat de travail, en parfaite contradiction avec l'intitulé même du projet de loi - de quelle égalité des chances s'agit-il quand on accorde aux jeunes moins de droits qu'à leurs parents ? -, institutionnalise la précarité, segmente le marché du travail et va permettre à quelques entreprises de se payer à bon compte une main-d'oeuvre jeune et qualifiée, dont l'avenir est bouché. Il ne manquerait plus que les salaires des jeunes embauchés au titre d'un CPE soient inférieurs à une fois et demie le SMIC pour que les entreprises aient à la fois le droit et l'argent pour elles !
La seule justification de cette démarche, c'est votre dévotion fervente au libéralisme, notamment à ce dogme paradoxal qui veut que, pour embaucher, il faut d'abord pouvoir débaucher ! Débauche et dévotion peuvent-ils faire bon ménage ? (Sourires.)
Mais ce n'est pas tout !
De multiples dispositions du texte ajoutent encore des cadeaux financiers au bénéfice des entreprises, tout en contribuant à la stigmatisation des populations les plus fragiles.
Ainsi, en sus des 22 milliards d'euros d'exonérations de cotisations sociales confisqués aux salariés, le texte en « rajoute une louche » avec une extension des zones franches, qui vont devenir, de plus en plus, des zones de non-droit, où le retour de la République est confondu avec la concentration de l'emploi précaire, mal payé, à qualification non reconnue !
Enfin, les politiques de discrimination présentées à la fin de texte se nourrissent d'amalgames douteux, véritable poison raciste imprégnant toute la démarche gouvernementale.
Au lieu de lutter contre la pauvreté, on dissout les missions du Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles dans une agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances aux objectifs mal définis, en attendant de mettre celle-ci au service de cette scandaleuse politique d'immigration « choisie » que nous présentera bientôt le ministre de l'intérieur.
On prévoit de suspendre les allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire, on encourage la communautarisation.
Une fois encore, le libéralisme économique le plus échevelé va de pair avec un arsenal juridique répressif toujours plus achevé : la liberté pour ceux qui licencient, la double peine pour les licenciés, leurs familles et leurs enfants.
En conclusion, ce texte trahit entièrement son intitulé même. L'objectif, ce n'est pas l'égalité des chances, c'est toujours plus d'argent pour quelques-uns et toujours moins de droits pour l'immense majorité. Nous sommes avec cette immense majorité, et nous voterons donc contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On aurait pu croire, monsieur le ministre, chers collègues de la majorité, quand le projet de loi a été annoncé, que les événements de novembre, qui avaient mis en évidence le désarroi, pouvant pousser jusqu'à la violence, d'une partie de la jeunesse des couches populaires, vous avaient fait réfléchir aux attentes de ces jeunes, au mécontentement qui s'est manifesté dans la rue, certes, mais aussi dans les urnes, à trois reprises depuis que vous êtes arrivés au pouvoir.
Vous auriez pu envisager de changer la politique que vous menez depuis quatre ans et dont les résultats sont aujourd'hui éloquents, hélas !
L'Observatoire national de la pauvreté et des exclusions sociales vient, inopportunément pour vous, de mettre en lumière ces résultats : plus de pauvreté en général, plus de salariés pauvres, plus de précarité, plus de bas salaires, puisque les salariés gagnant le SMIC n'ont jamais été plus nombreux.
Mais de tout cela vous n'avez cure, et le projet de loi que nous avons examiné pendant dix jours montre de façon évidente que vous persistez dans la même logique. Alors que l'emploi est, aux dires constants du Premier ministre, la préoccupation majeure, prioritaire, unique du Gouvernement, les résultats ne sont pas, là non plus, au rendez-vous.
Tout aussi inopportunément pour vous ont d'ailleurs été publiés les résultats d'une étude réalisée par deux économistes de la Sorbonne, qui sont pourtant favorables à une évolution du contrat de travail. Ils estiment que, finalement, l'institution du CNE et du CPE ne pourra engendrer de grandes améliorations de la situation de l'emploi et n'aura pour conséquence que de renforcer la précarité et d'amener la substitution de ces nouveaux contrats aux contrats existants. Tout compte fait, à peu près aucun emploi ne sera créé sur une période de quinze ans, si l'on continue dans cette voie. J'espère que ce ne sera pas le cas.
Le débat au Sénat a eu un mérite : alors que, à l'Assemblée nationale, vous étiez parvenus à stopper assez rapidement la discussion et, finalement, à la limiter au CPE - c'était évidemment le morceau de choix, d'ailleurs ajouté sous forme d'amendement au projet de loi - nous avons eu, ici, l'occasion de dénoncer les autres mesures tout aussi néfastes que prévoit ce texte dont seul le nom a à voir avec l'égalité des chances et des droits.
Vous avez persisté « droits dans vos bottes », comme l'ancien Premier ministre ; vous n'avez pas accepté la moindre modification ; vous n'avez tenu aucun compte du mécontentement qui monte progressivement dans le pays, notamment contre le CPE. Sans doute les autres dispositions de ce projet n'ont-elles pas encore été bien comprises ou perçues par nos concitoyens, mais je ne doute pas qu'elles ne trouveront pas, non plus, grâce à leurs yeux...
Vous n'avez donc rien pris en considération : ni un tant soit peu le débat qui a eu lieu ici, auquel vous n'avez d'ailleurs guère participé, chers collègues de la majorité...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, mais pas la majorité !
M. Roland Muzeau. En ce moment, ils sont encore minoritaires !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'avez pas, non plus, tenu compte de l'opinion de la jeunesse, qui se mobilise fortement. Or, chacun sait que lorsque la jeunesse se mobilise, c'est qu'il y a vraiment de l'exaspération dans l'air.
C'est dommage ! Ce débat était l'occasion de reconnaître vos erreurs et vous ne l'avez pas saisie. La mobilisation vous montrera, demain, que nos concitoyens n'approuvent pas ce projet.
En accord avec eux, et pour ce qui les concerne, les sénateurs du groupe CRC voteront contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel.
M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, dix jours de débats, y compris le vendredi, le samedi et le dimanche, ce qui, de mémoire de sénateur, ne s'était jamais vu en dehors de l'examen du projet de loi de finances ; plus de quatre-vingt-dix heures de séance ; cinq commissions saisies, alors qu'une commission spéciale aurait sans doute simplifié les choses ; 900 amendements déposés, pour un tout petit nombre adopté : les chroniqueurs du Parlement retiendront peut-être ces chiffres, qui prouvent l'intensité du débat qui s'est tenu au Sénat.
Interrompu à l'Assemblée nationale par l'utilisation de l'article 49-3 de la Constitution, qui n'a pas permis d'aller au-delà de l'article 3 bis, relatif au contrat première embauche, ce débat a été riche d'enseignements, sur nos conditions de travail d'abord, sur l'attitude de votre majorité ensuite, sur la nature du texte relatif au CPE enfin, et, au-delà, sur le choix de société qu'il révèle.
Je ne peux, à mon tour, que revenir un instant sur nos conditions de travail.
Je critiquerai, d'abord, les délais. Nous connaissions la session unique, nous voilà bientôt dans la session permanente !
J'évoquerai, ensuite, les débats. Nous avons eu un festival de procédures parlementaires. Tous les moyens, ou presque, ont été utilisés dans le but d'accélérer les débats et de désorganiser le travail de critique et de proposition de l'opposition. Il ne nous aura manqué que l'utilisation du vote bloqué, vivement souhaitée par les sénateurs UMP pour abréger leur malaise.
Au total, le droit d'amendement a été bien malmené et le Conseil constitutionnel appréciera le recours à la procédure utilisée pour le limiter.
Ce débat a également révélé que le règlement du Sénat était « à géométrie variable », comme l'ont montré l'application aléatoire de la demande de vérification du quorum, l'irrecevabilité des amendements, ou encore la difficulté d'obtenir des suspensions de séance demandées par un président de groupe.
Dans ce contexte, les discussions que l'on nous propose, en marge des conférences des présidents, sur l'amélioration de l'organisation du travail parlementaire ne manqueront pas de piquant ! Il y a, en effet, matière à discussion pour mieux respecter l'opposition, son droit d'amendement, et pour progresser dans l'organisation de nos séances.
Ce débat a aussi été cruel pour votre majorité, dont il a révélé le malaise profond face à un texte qui ne convainc personne, pas même vous, un texte fourre-tout, « à côté de la plaque », dérouté de son objectif initial - répondre à la crise des banlieues - par l'introduction d'un cavalier, le CPE, qui a tout faussé.
A de nombreuses reprises, le Gouvernement a dû reculer.
D'abord, sur le curriculum vitae anonyme, que nous avons réussi à imposer, mettant I'UMP en minorité. Oserez-vous le supprimer en commission mixte paritaire alors que le chef de l'État y est favorable ?
Ensuite, trois articles du projet de loi, les articles 13, 14 et 15, ont été supprimés en séance, à l'unanimité du Sénat et alors même que les amendements de suppression présentés par l'opposition avaient été rejetés en commission.
Enfin, nous avons voulu montrer que les exonérations fiscales des ZFU risquaient d'en créer de nouvelles, par un effet d'éviction territoriale.
Par ailleurs, sur plusieurs points importants, le Gouvernement a été contraint de revoir sa copie.
Premièrement, à l'article 12, qui accélère la procédure d'autorisation des implantations commerciales en zones franches urbaines. Le Gouvernement voulait supprimer le pouvoir de décision de la CDEC pour les surfaces commerciales de plus de 300 mètres carrés dans les ZFU. Le Sénat l'a maintenu.
Deuxièmement, au sujet des pouvoirs de sanction de la HALDE en matière de lutte contre les discriminations. L'article 19 a été entièrement réécrit par la commission des lois.
Troisièmement, s'agissant de la suppression des allocations familiales. Le Gouvernement ne nous a pas convaincus lorsqu'il a défendu cette mesure comme un élément favorable à l'égalité des chances : elle frappera, au contraire, durement les familles les plus fragilisées.
S'apercevant que la rédaction proposée remettait en cause la décentralisation et la liberté d'appréciation des présidents de conseils généraux, la majorité a improvisé une rédaction en séance pour permettre à ces derniers de prendre « toute autre mesure d'aide à l'enfance adaptée à la situation ». Cette rédaction désavoue votre contrat de responsabilité parentale et le rend caduc.
Le dernier exemple de l'incroyable impréparation de ce texte fut l'extension des pouvoirs de police municipale. Le lien avec l'égalité des chances était tellement évident que la commission des lois a demandé la suppression de cette disposition ! Elle fut évitée par une nouvelle rédaction, improvisée elle aussi en séance, des articles 26 et 27.
Nous avons, par ailleurs, démontré l'incohérence de la majorité lors de la discussion de notre proposition de service civique obligatoire. De nombreux sénateurs UMP, qui ont pourtant signé la pétition du journal La Vie, n'ont pu, par discipline de groupe, nous rejoindre sur ce point !
Enfin, je souhaite revenir un instant sur le CPE et l'apprentissage junior, l'éclairage que les débats au Sénat leur ont apporté et le choix de société qu'ils ont révélé.
Seule la majorité considère l'apprentissage junior dès quatorze ans comme la réponse à la crise des banlieues. Tous les acteurs du monde économique le perçoivent, au contraire, comme une voie de garage pour les jeunes en échec scolaire dans le but d'en faire une main-d'oeuvre disponible à court terme et à bon marché.
Le débat au Sénat a également souligné le caractère juridiquement bancal, économiquement infondé, et nuisible à l'harmonie sociale du CPE.
C'est dans les travées de votre propre majorité que les risques juridiques du CPE ont été soulignés. Nous estimons que la période de deux ans, qui ne peut recevoir de qualification juridique, est contraire tant à la convention 158 de l'Organisation internationale du travail qu'à l'article 24 de la Charte sociale européenne du 10 mars 1999, sans parler de la jurisprudence de la Cour de cassation sur la durée raisonnable d'une période d'essai.
Si vous aviez consulté le Conseil d'État, cet aspect vous aurait peut être retenus... Le Conseil constitutionnel tranchera !
Parti d'une grande ambition - répondre à la crise des banlieues et offrir de nouvelles perspectives d'espoir à toute une génération - ce texte sera sans doute le plus grand contresens de la législature, qui en comporte déjà pas mal.
À la demande de moins de précarité, vous avez répondu par plus de précarité ; à l'appel à plus de sécurité professionnelle, vous avez répondu par moins de garanties sociales.
Tout ce que vous avez intitulé « égalité des chances », au milieu d'une compilation de dossiers mal ficelés qui traînaient peut-être dans les tiroirs des ministères, a impitoyablement aggravé les inégalités pour les plus démunis de nos concitoyens, ainsi que Jean-Luc Mélenchon vient de la démontrer.
Chaque thème de ce texte aurait mérité un projet de loi particulier. Regroupés dans une grande loi d'orientation, c'eût été l'occasion d'un beau et essentiel débat de société.
Pour ce qui les concerne, les sénateurs socialistes, et plus généralement les sénateurs de gauche, dont vous avez remarqué la constance et la mobilisation, se sont appliqués à ce qu'il en soit ainsi. Malheureusement, dans ce débat, leur faisait face une majorité « aux abonnés absents », sur instruction gouvernementale.
Vous avez manqué ce rendez-vous avec l'espoir, vous aurez rendez-vous, dès demain, avec ceux qui attendent tant de nous.
Les sénateurs socialistes voteront résolument contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le moment est venu de voter sur l'ensemble du projet de loi.
Le premier constat, c'est que son intitulé, confus, constitue un grossier abus de langage. Ce cynisme a des conséquences, car, à force de pervertir les mots, on crée le scepticisme et on conduit nos concitoyens à se défier toujours plus des discours généreux des politiques.
Nous connaissons déjà les dégâts pour la crédibilité de la République causés par ces promesses non tenues, en particulier celle qui est relative à l'égalité. En effet, sincèrement - chacun, ici, ne peut que s'interroger - quelles nouvelles mesures pour l'égalité pourraient offrir aux Français les plus défavorisés les mêmes moyens que les autres de vivre dignement ?
En finir avec la scolarité obligatoire jusqu'à seize ans, voire permettre le travail de nuit des enfants, alors que depuis un siècle le progrès et le combat pour l'égalité n'ont fait que reculer l'age du travail des enfants ?
Généraliser, pour les jeunes de moins de vingt-six ans, un contrat de travail journalier pendant deux ans, avec possibilité de licenciement sans motif, le fameux CPE ?
Désigner les pauvres, les parents les moins favorisés, comme responsables des difficultés de leurs enfants, avec la menace de suspension des allocations familiales ?
Oh, certes, quelques « mesurettes » pouvaient donner l'impression d'un certain volontarisme pour les discriminés : le pouvoir de sanction de la HALDE, par exemple, mais la proposition était tellement mal « ficelée » et contraire au principe de séparation des pouvoirs qu'elle n'a même pas été adoptée !
Le résultat pourrait se résumer ainsi : « Pauvres, vous l'êtes par votre faute, acceptez que vos enfants travaillent dès l'âge de quinze ans.
« Jeunes de moins de vingt-six ans, acceptez un contrat jetable sans motif chaque jour pendant deux ans ; acceptez de vous endormir chaque nuit sans savoir si vous pourrez continuer le lendemain, ruinant vos possibilités d'emprunter, de trouver un logement et de fonder une famille.
« Parents, que vous viviez dans des logements étroits, sans moyens pour payer des cours particuliers à vos gosses, que vous soyez écrasés par la lutte quotidienne pour remplir les assiettes de vos enfants, ne vous rendra pas moins responsables et vous serez frappés au porte-monnaie, déjà bien peu rempli, si l'un d'eux vient à sortir du droit chemin.
« À ces conditions, la société vous donnera votre chance. »
C'est une loi de classe, car aux patrons vous dîtes au contraire : « Nous vous faisons un contrat digne du XIXè siècle pour vous permettre de licencier plus facilement. »
Or, la puissance publique devrait sensibiliser les patrons et les appeler au civisme, à la mobilisation nationale pour embaucher et sécuriser les jeunes comme contribution au combat que tous devraient entreprendre après la crise de nos quartiers populaires, dite « crise des banlieues », de novembre dernier.
Quand vous sortez de cet hémicycle, nombre d'entre vous, membres de la majorité, dénoncez ouvertement la nature hybride de cette loi, son incongruité, son côté fourre-tout, mais, avec cynisme, vous encouragez, là encore, la désespérance, car cette loi était présentée comme la grande réponse à la plus grave crise des banlieues de notre histoire contemporaine.
Comme c'est souvent le cas lorsqu'une prétendue grande loi est proposée en urgence pour qu'il n'y ait qu'une seule lecture dans chaque assemblée, qu'elle est considérée adoptée par l'Assemblée nationale sans débat par l'utilisation de l'article 49-3, et que tous les moyens de procédure sont utilisés pour brusquer le débat, faire tomber des amendements, travailler de jour et de nuit pour faire passer le texte avant que tous les jeunes soient rentrés de vacances scolaires, cette loi finira aux oubliettes.
Ce ne sera qu'une petite loi, dont la seule justification réside dans un amendement du Gouvernement qui tendait à insérer l'article 3 bis, c'est-à-dire à instaurer le fameux CPE, qui fait chaque jour chuter la popularité du Premier ministre dans l'opinion.
Ce dernier, d'ailleurs, n'a pas été présent ici durant une seule minute des 90 heures de débat que l'opposition a su imposer, malgré vous et toutes vos manoeuvres, malgré le silence des sénateurs UMP, transformés en machine à voter sans broncher !
Mme Hélène Luc. Oui !
M. David Assouline. Dès demain, le relais sera passé. Tous les jeunes seront rentrés de vacances scolaires. Le mardi 7 mars, ils pourront vous démontrer, avec l'ensemble des salariés qui répondront à l'appel des grandes centrales syndicales, qu'ils ne veulent pas de l'avenir d'insécurité, de précarité et d'exploitation sans limite que vous leur promettez : j'espère que votre CPE connaîtra le même sort que votre CIP en 1994. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne vous cacherai pas ma déception après l'examen de ce texte qui a occupé le Sénat tout au long de ces nuits et de ces jours derniers.
Le titre, pourtant, ne pouvait que nous réjouir, nous laissant imaginer que nous avions, peut-être, une ambition commune. Égalité des chances, cohésion sociale : voilà des termes qui sont chers aux socialistes et qui fondent largement notre engagement.
Malheureusement, l'intitulé ne parvient pas à cacher le contenu d'un texte qui ne tient pas les promesses dont il était porteur. Le projet de loi ne répond pas, dans sa globalité, au défi de l'égalité des chances.
J'espère, comme M. Bel, que les quelques mesures qui ont été adoptées, et que nous avons soutenues, passeront la barrière de la commission mixte paritaire : je pense, notamment, à l'inscription du testing dans la loi, au renforcement des pouvoirs de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et au curriculum vitae anonyme.
Cependant, malgré ces mesures, le projet de loi que vous nous demandez d'adopter ne pourra que renforcer la précarité et les inégalités.
Ce texte ne porte pas bien son nom, monsieur le ministre, ni par ce qu'il propose, ni par ce qu'il ne propose pas.
Vous proposez le contrat première embauche, qui n'a pas tardé à être rebaptisé par certains « contrat précarité exclusion », et pour cause, puisqu'il s'agit ni plus ni moins que de revenir au travail journalier du xixe siècle.
Vous proposez l'apprentissage à quatorze ans. C'est l'abandon de l'ambition républicaine de l'éducation ! Et pourquoi pas à douze ans ? Personne ne nie que l'école a également pour rôle d'amener les jeunes à s'insérer dans la vie professionnelle, mais en instaurant l'apprentissage à quatorze ans, vous ne faites qu'exclure du système scolaire les enfants en difficulté
Ce que vous ne proposez pas, non par oubli mais par un refus déterminé, est tout aussi significatif. Mes collègues et moi-même avons ardemment travaillé pour modifier ce texte, pour obtenir la suppression des mesures régressives que vous vouliez imposer à nos concitoyens, mais aussi pour que quelques avancées soient réalisées.
C'est ainsi que nous avons proposé un certain nombre d'amendements que vous avez refusé d'adopter. Deux exemples, parmi d'autres, montrent bien que l'égalité n'est pas votre priorité.
D'abord, vous ne voulez pas débattre du droit de vote des étrangers aux élections municipales ; ensuite, vous refusez de reconnaître la qualification des médecins étrangers non communautaires. Sur ces deux thèmes, vous avez fait la preuve d'une discrimination d'État.
Vous nous avez présenté ce texte comme étant celui qui devait répondre à la crise des banlieues. J'ai l'impression, monsieur le ministre, que vous n'avez pas bien saisi l'ampleur ni perçu les enjeux de cette crise majeure.
Aux signes de détresse sociale, vous répondez par une précarisation accrue. Au désir d'une égalité qui permettrait d'accéder à la promotion sociale, vous répondez par l'abandon de l'ambition éducative de la République, au risque de renforcer encore le désespoir, la misère et leurs compagnons d'infortune que sont les communautarismes, les intolérances, et les violences.
Comme le disait justement le président Mitterrand, l'égalité des droits est toujours un combat. Ce combat, nous continuerons à le mener.
Je ne saurais conclure sans tout de même exprimer ma satisfaction du retrait des amendements présentés par MM. About et Lecerf, relatifs aux questions du phénotype et des statistiques. Si je partage leur objectif de lutte contre les discriminations, ma conviction est en effet que ces amendements auraient contribué à ethniciser la question sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'égalité des chances a mobilisé chacun d'entre nous, au cours de ce débat de près de 90 heures, et personne ne pourra prétendre qu'il n'a pas pu s'exprimer longuement sur chaque point de ce projet de loi, et sur d'autres sujets d'ailleurs.
Sur les 900 amendements déposés, je constate, monsieur Bel, que 134 ont été adoptés...
Mme Hélène Luc. Pas ceux de l'opposition !
Mme Marie-Thérèse Hermange. ...et qu'ils ont permis au Sénat d'améliorer largement le texte qui lui venait de l'Assemblée nationale.
Face aux difficultés rencontrées par notre pays, face à la nécessité de resserrer les mailles de notre pacte républicain, face aux jeunes confrontés au chômage ou en attente d'une insertion durable dans le monde du travail, face aux inégalités constatées en particulier dans les quartiers difficiles, il nous fallait agir et agir vite, et ce pour deux raisons.
D'abord, il convenait de répondre concrètement à la question vous venez de poser, monsieur Muzeau : que faire pour ceux qui souffrent, qui doutent, qui s'inquiètent ?
Ensuite, il fallait combler les retards qu'a pris notre pays, puisque vous n'avez pas mis en place les mesures nécessaires lorsque vous étiez aux commandes ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Josselin de Rohan. Ils ont la mémoire courte !
Mme Marie-Thérèse Hermange. C'est dans ce contexte que nous avons discuté et adopté des solutions concrètes et innovantes, proposées par le Gouvernement et améliorées par la majorité du Sénat, auxquelles il nous semble que vous auriez pu adhérer, si vous aviez accepté de les examiner avec objectivité. Il est regrettable qu'aucune des réponses que nous avons apportées n'ait trouvé grâce à vos yeux.
La principale mesure de ce projet de loi concernant l'emploi a bien souvent été caricaturée. Contrairement aux emplois-jeunes, qui étaient des contrats à durée déterminée, offrant un statut précaire sans perspective, sans formation ni débouchés,...
M. Jean-Luc Mélenchon. C'est faux !
Mme Marie-Thérèse Hermange. ...le CPE est un CDI. Il offre formation, allocations de chômage et prêts bancaires. Toutes vos critiques ne pourront effacer cela, et vous le savez bien. Le CPE va fonctionner : c'est sans doute cela qui vous dérange ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Quant à l'apprentissage, nous avons alterné entre Germinal et Les misérables. C'est une mystification ! L'apprentissage, monsieur Mélenchon, vous le savez, est une excellente filière de formation pour favoriser l'intégration en milieu professionnel des jeunes, et nous devons l'encourager.
M. Jean-Pierre Godefroy. Personne n'a dit le contraire !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Selon le projet de loi, aucun jeune de moins de 16 ans ne quittera le statut scolaire, je voulais ce soir le réaffirmer.
M. David Assouline. A moins de 16 ans ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. En ce qui concerne les quartiers qui cumulent toutes les difficultés, la création d'une troisième génération de zones franches urbaines apporte une réponse ciblée et adaptée.
Le Sénat, dans sa grande sagesse, a amélioré le texte du projet de loi pour assurer une meilleure cohérence entre les modalités qui s'appliquent aux ZFU actuelles et celles qui concerneront les futures ZFU. Il était important, en effet, de ne pas provoquer de distorsion de traitement.
Quant à la nouvelle Agence nationale pour la cohésion sociale, elle permet, nous semble-t-il, une nécessaire clarification institutionnelle et garantit l'efficacité de l'action en faveur de l'intégration et de l'égalité des chances, sans oublier la question de la lutte contre l'illettrisme, qui a été souvent abordée au cours des débats.
La discussion sur les pouvoirs de sanction de la HALDE, enfin, a été particulièrement riche. Nous ne pouvons que nous réjouir qu'elle ait .pu déboucher sur une solution équilibrée, qui accorde à cette institution un pouvoir de sanction véritable, mais qui respecte le bloc de compétence de l'autorité judiciaire.
Je voudrais conclure en évoquant le contrat de responsabilité parentale. Nous avons réaffirmé à cette occasion le caractère alternatif des décisions que pourront prendre les présidents de conseils généraux, en précisant qu'ils auront la possibilité, au vu du dossier, de retenir toute autre mesure d'aide sociale à l'enfance qui sera adaptée à la situation, ou de proposer un contrat de responsabilité parentale.
« Chance » ; en consultant le dictionnaire, je lis : « espoir », « probabilité », « puissance qui préside au succès ». Nous sommes convaincus que les mesures que nous avons adoptées permettront aux plus vulnérables d'avoir espoir, de croire à la probabilité d'une meilleure insertion et de se réaliser concrètement. C'est pourquoi nous voterons en faveur de ce projet de loi.
Pour terminer, je voudrais remercier, au nom du groupe UMP, l'ensemble de nos collègues rapporteurs, MM. Pierre André, Jean-René Lecerf, Philippe Dallier, Philippe Richert et tout particulièrement M. Alain Gournac, rapporteur au fond. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Ils ont permis de faire vivre un débat très riche sur tous les articles de ce texte ; ils ont fait preuve de beaucoup de patience et de disponibilité durant ces dix jours.
Je voudrais également remercier, toujours au nom du groupe UMP, les ministres qui se sont succédé sur les bancs du Sénat, pour la qualité de nos échanges. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. David Assouline. On remerciera M. de Villepin !
M. Josselin de Rohan. Nous n'avons jamais vu M. Jospin ici !
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin de ce marathon législatif, je voudrais à mon tour féliciter le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About, le rapporteur au fond, Alain Gournac, ainsi que les rapporteurs pour avis, Philippe Dallier, Philippe Richert, Pierre André et Jean-René Lecerf. Je tiens à les remercier de leur disponibilité et du travail considérable qu'ils ont accomplis avec leurs collaborateurs des commissions.
J'aimerais également remercier MM. les ministres, et particulièrement Gérard Larcher, qui a été très souvent présent : ils ont été parfaitement à l'écoute du Sénat.
Mes chers collègues, il aura fallu que la France connaisse une situation insurrectionnelle pour que l'on prenne véritablement conscience des graves situations d'inégalité, d'exclusion et de frustration qui minent notre territoire.
Le désordre et la violence ont révélé ce que nous devinions sans accepter de l'identifier. Il importait donc d'essayer de remédier à ce grave état de fait.
Le Gouvernement a choisi d'encourager la mobilité, la diversité et l'activité. C'est ce que le projet de loi tend à promouvoir : corriger autant que faire se peut les inégalités, garantir le fondement de notre pacte républicain et renforcer la cohésion sociale.
Je comprends et je partage le souci du Gouvernement de responsabiliser les parents. Il est absolument nécessaire d'aider les familles, toutes les familles, à retrouver une certaine autorité sur leurs enfants.
La suppression éventuelle des allocations familiales fait partie de la panoplie des mesures qui peuvent inciter à une meilleure prise de responsabilité. Toutefois, il ne faudrait pas, monsieur le ministre, que cette mesure vienne fragiliser davantage encore des familles qui sont déjà en grande difficulté. Cela irait vraiment à l'encontre du but recherché.
Mme Hélène Luc. Vous l'avez votée, n'est-ce pas, monsieur Pelletier ?
M. Jacques Pelletier. Je fais confiance aux présidents de conseils généraux et à leurs services pour appliquer cette disposition avec une grande prudence, une grande circonspection : cette mesure grave qu'est la suppression des allocations familiales doit rester une force de dissuasion, c'est-à-dire une mesure que l'on peut brandir, mais que l'on n'applique finalement pas ou que l'on applique très peu.
L'encadrement parental donc, la formation, l'entreprise et l'emploi, les discriminations, le cadre de vie ont suscité autant de questions qui ont été développées avec conviction. Le dispositif proposé répond aux passions que nos interrogations ont nourries. Il encadre les comportements et promeut la diversité, richesse de notre société.
Le potentiel ainsi décrit sera mobilisé par la création d'outils d'intégration dans la vie active, susceptibles de combattre la précarité dont souffrent particulièrement les plus jeunes.
Le Gouvernement nous fait deux propositions innovantes : l'apprentissage junior et le contrat première embauche. A titre personnel, je les soutiens, car elles sont susceptibles d'améliorer la situation de l'emploi, et tout ce qui va dans ce sens doit être encouragé.
Mes chers collègues, nous connaissons tous des centaines de jeunes qui « galèrent » de CDD en CDD, quand ils en trouvent un Nous connaissons tous également des artisans, des petites entreprises qui embaucheraient volontiers un ou deux salariés mais qui n'osent le faire, dans la crainte d'un revirement de la conjoncture ou devant la complexité des procédures, le poids des charges et l'absence de flexibilité du marché du travail.
Le Gouvernement nous propose le CPE en comptant qu'une grande majorité des jeunes embauchés sera encore en poste deux ans après leur embauche. L'opposition n'est pas de cet avis. Offrons aux entreprises, offrons à ceux qui attendent un emploi le temps de l'expérience !
Cessons d'opposer les bonnes mesures de droite aux bonnes mesures de gauche ! La gauche s'oppose au CPE, la droite s'opposait aux emplois-jeunes, et l'on pourrait continuer comme cela la partie de ping-pong...
Mme Hélène Luc. Quelqu'un a raison, monsieur Pelletier ! Il faut prendre vos responsabilités ! Il faut avoir le courage de ses opinions !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je sais qui a raison : c'est la droite !
M. Jacques Pelletier. La France n'a que faire de ces oppositions stériles et de ces affrontements partisans. Dans le domaine capital de l'emploi, comme dans bien d'autres, je rêve quelquefois d'un consensus à l'allemande. Je ne désespère pas... je ne désespère jamais !
M. Jean-Luc Mélenchon. Vous allez voir ce que va donner le consensus à l'allemande !
M. Jacques Pelletier. La fracture territoriale et les inégalités économiques et sociales engendrées, la fracture sociale, physique et ethnique ajoutent une dimension que l'on devinait sans oser l'appréhender. Comment, dès lors, les évoquer pour mieux les réduire ? Le projet de loi dont nous avons débattu s'y emploie en créant des conditions propices à la recherche d'une égalité des chances pour tous nos concitoyens.
La loi nouvelle combattra-t-elle tout ce qui fonde l'individualisme et l'ignorance de l'autre, réelles entraves à l'intégration et au partage, sources de maux multiples ? Je le souhaite.
Cette loi doit nous permettre de lever les freins et les obstacles, de briser les réticences, de faire une place à l'autre, d'introduire une nécessaire flexibilité dans nos règles et nos comportements, d'éveiller une « société bloquée », de s'interroger avec lucidité sur les capacités de notre appareil d'éducation et de formation sans doute encore inadapté.
Mes chers collègues, comme l'a souligné Bernard Seillier dans la discussion générale, les jeunes adultes doivent pouvoir constater que leur succès tient largement au dynamisme de leur personnalité, à leur courage devant l'effort et à leurs compétences.
M. Robert Del Picchia. Très bien !
M. Jacques Pelletier. Pour leur dignité, il faut leur donner la possibilité de convaincre qu'ils sont bons par eux-mêmes. Il faut leur épargner le piège qui consiste à leur faire croire que la société leur doit tout et qu'eux n'ont rien à prouver. (M. Roland Muzeau s'exclame.)
M. Jean-Luc Mélenchon. Oh là là !
M. Jacques Pelletier. Les jeunes doivent également, a contrario, pouvoir mesurer que l'entreprise est prête à leur faire confiance et que l'État facilite l'expérience professionnelle de probation qui leur est proposée.
Nous vivons une période cruciale pour notre pays : soit nous optons pour la stratégie du confort précaire que procure l'immobilisme, soit nous faisons preuve d'innovation et, tous ensemble, nous entraînons notre jeunesse et le pays dans un élan de confiance fondé sur l'audace. Nous pourrons alors réussir une mutation à la fois culturelle et sociale.
Mon groupe s'y emploiera dans la diversité de ses engagements. Et, pour ma part, avec un certain nombre de mes collègues, je voterai ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Vous allez augmenter la précarité !
M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le ministre, apprentissage junior, contrat première embauche, zones franches urbaines, Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, contrat de responsabilité parentale, lutte contre les incivilités, service civil volontaire... cette énumération a quelque chose d'un inventaire à la Prévert, la poésie en moins !
Nous l'avons déjà dit, votre projet de loi pour l'égalité des chances nous apparaît comme un texte fourre-tout, un panier de mesures cosmétiques, dans le meilleur des cas, et dangereuses, dans le pire.
La discussion de ce projet de loi au Sénat était très attendue, et pour cause : aucune négociation n'a été menée avec les partenaires sociaux pour l'élaboration du CPE et l'invocation de l'article 49-3 à l'Assemblée nationale a figé la discussion après l'article additionnel portant création dudit contrat.
L'examen du texte au Sénat était donc la dernière chance pour ce texte de faire l'objet d'un véritable débat démocratique. Ce débat tant attendu a-t-il eu lieu ? Formellement, oui, mais formellement seulement ; en réalité, non et nous ne pouvons que le déplorer.
Monsieur le ministre, soyons honnêtes, vous vouliez un vote conforme sur le CPE, et vous l'avez obtenu. Ce n'est pas ce que j'appelle un débat satisfaisant. Après l'usage des ordonnances, c'est une fois de plus une preuve du peu de cas que vous faites de la représentation nationale.
Ce vote conforme, auquel vous teniez tant, sous-entend que le texte portant création du CPE est parfait dans sa rédaction actuelle. Or, loin s'en faut ! Mais vous connaissez toutes les réserves que nous avons exprimées.
Sans laisser présager une grande efficacité en matière de lutte contre le chômage des jeunes, ce contrat porte une sérieuse atteinte aux règles élémentaires du droit du travail. Au point que nous ne sommes pas convaincus, aujourd'hui, de sa constitutionnalité.
Pouvoir renvoyer quelqu'un pendant deux ans sans même justifier la rupture du contrat, voilà qui ne résistera pas à l'épreuve de la jurisprudence. Un membre du groupe UMP, professeur de droit constitutionnel de surcroît, n'a pas manqué de le souligner. Nous aurions bien fait de l'écouter !
Face à ce texte dangereux et imparfait, nous avons fait des propositions. Notre vote était conditionné par le sort réservé à trois d'entre elles, celles qui étaient à nos yeux les plus importantes.
D'abord, nous avons proposé de remplacer le CPE par un CDI à droits progressifs. Vous nous avez répondu que cette proposition vous intéressait, mais pas avant le mois de juin. Ce qui sera intéressant en juin ne l'est pas en mars... Les voies du Gouvernement sont parfois impénétrables, avouez-le !
Ensuite, il nous semblait fondamental de réduire la durée de la période de consolidation de deux à un an. Non, ce n'était pas possible !
Enfin, nous voulions que toute rupture de CPE soit justifiée. Impensable ! Pourquoi impensable ? Mystère ! Vous ne nous avez rien dit, comme si quelque chose vous gênait, vous en empêchait, comme si, au-dessus de vous, une puissance supérieure exigeait... Alors, pourquoi ne pas justifier les ruptures du CPE au cours de la période de consolidation ? Vous ne nous avez finalement pas répondu, ni convaincus, bien sûr, ce en quoi vous avez été finalement parfaitement cohérent avec ce texte : la sanction tombe sans que l'on sache pourquoi !
Face à un tel mutisme, il n'est pas étonnant que l'immense majorité du groupe UC-UDF ait refusé d'apporter ses voix à votre projet.
Le reste du texte n'a pas reçu les corrections nécessaires pour le valoriser.
Les missions de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances manquent de clarté. La performance des ZFU restera problématique. Le contrat de responsabilité parentale et la possibilité de suspendre les allocations ne nous convainquent pas ; nous aurions préféré la suppression de l'article.
L'apprentissage junior n'entraîne pas l'adhésion des professionnels concernés, ni la nôtre. Nous aurions préféré un service civil obligatoire plutôt que volontaire, afin de favoriser l'intégration des jeunes dans une société française si diverse.
Faut-il en rajouter ? Je ne le crois pas. Monsieur le ministre, comme l'a fort bien dit notre président, Michel Mercier, « la méthode plombe le fond », et nous le regrettons.
La discussion pouvait apporter de la cohérence au texte, une ligne directrice, un espoir pour les jeunes et peut-être même une âme. Il n'en fut rien, à une exception près, toutefois : le vote du CV anonyme, une vraie mesure pour l'égalité des chances, symbolique et efficace.
Il faut donc avouer que ce débat n'a pas donné une image valorisante du Parlement, et c'est peu dire... Par la faute du Gouvernement, certes, qui ne tolère guère une autre voix que la sienne, mais aussi par nos pratiques parlementaires. Notre règlement est certainement à revoir, car c'est la démocratie qui est en jeu.
Un parlement est fait pour parler, débattre, échanger, mais aussi enrichir et voter les lois de la République. Notre système parlementaire est en danger. Nous le regrettons et le Sénat s'honorerait de le rénover et de le changer.
Vous comprendrez que, dans ces conditions, une grande majorité du groupe UC-UDF s'abstienne sur ce projet de loi.
Je remercie les ministres, notamment Gérard Larcher, les différents rapporteurs, autour de Nicolas About et d'Alain Gournac, ainsi que les collègues qui ont participé à ces dix longues journées de débats pour leur disponibilité et leur immense patience. (M. le président de la commission des affaires sociales applaudit.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Le jugement formulé par notre collègue centriste a été sévère, que dis-je, implacable ! La chute fut d'autant plus inattendue. Pour ma part, je voudrais m'exprimer sous une forme plus mesurée, toutefois sans faire régner un suspens exagéré : les sénateurs Verts ne voteront pas le projet de loi qui nous est présenté.
Notre pays a vécu, à l'automne, une crise grave qui a mis à nu les fragilités, les détresses de notre société. Il semble que beaucoup soient déjà passés à autre chose : après l'état d'urgence, l'urgence de tout laisser en l'état...
C'est dans ce contexte que s'inscrit ce projet de loi hétéroclite, un projet qui nous a épargné l'examen de la réalité : la baisse de l'impôt sur le revenu bénéficiant d'abord aux classes moyennes et aux personnes plus aisées, l'assouplissement, sous les yeux de l'abbé Pierre, de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains en matière de construction de logement social, et tant d'autres mesures qui nous ont conduits à examiner avec une certaine perplexité et beaucoup d'exigence vos propositions.
Un projet de loi hétéroclite, constitué d'affirmations de principe et de mesures concrètement très pénalisantes pour les personnes les plus fragiles dans les quartiers, sans oublier des mesures totalement hors sujet - implantations commerciales, multiplexes cinématographiques qu'en d'autres temps on aurait jugé irrecevables dans un texte consacré à l'égalité des chances.
J'ai entendu Mme Hermange nous inviter à l'objectivité. Il en faut beaucoup, en effet, pour qualifier l'apprentissage précoce, le contrat première embauche, le contrat de responsabilité parentale comme des outils destinés à assurer l'égalité des chances. Il faut vraiment se payer de mots, madame Hermange, pour considérer qu'il s'agit là d'outils qui permettront de « resserrer les mailles du pacte républicain » !
Pour ma part, les choses sont claires : ces dispositifs sont de nature à entretenir la reproduction des inégalités. Je ne fais pas d'angélisme : les hommes naissent libres et égaux en droits, mais seulement en droits. Dans les faits, les fossés se creusent, les discriminations rongent et humilient les plus fragiles, la précarité mine la confiance en soi et en l'avenir de millions de personnes dans notre pays.
Ce qui est en cause, c'est bien sûr votre politique, mais c'est aussi le modèle d'une société où la compétition s'intensifie, où il y a des gagnants et des perdants, où se diffuse l'idée que, si l'on est en difficulté, c'est qu'on l'a bien cherché, que l'on n'est pas assez méritant, pas assez performant, que l'on n'a pas fait assez d'efforts.
Au Sénat, on a de la chance, on est plutôt du côté des gagnants. Cela ne nous donne pas le droit de dire « malheur aux vaincus » ! Cela nous oblige à mettre en place des moyens permettant de faire reculer la pauvreté, les injustices, les inégalités ; cela nous oblige à nous interroger sur les fondements mêmes d'une société dont le seul moteur reste la recherche frénétique du profit pour quelques-uns, la résignation pour tous les autres.
Votre projet est décalé, injuste, inefficace. Non, décidément, monsieur le ministre, nous ne le voterons pas ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention sera brève.
Avant même de commencer l'examen de ce texte, il nous a fallu nous prononcer sur une question de méthode : fallait-il constituer une commission spéciale, comme pour le projet de loi de programme pour la recherche, ou bien, plus traditionnellement, saisir au fond la commission permanente la plus particulièrement concernée, les autres étant en tant que de besoin consultées pour avis ?
Un certain nombre d'entre nous ont amorcé une réflexion sur l'amélioration des modes de fonctionnement du Sénat. Il est bien clair que notre démarche a été quasi expérimentale, même si nous avons adopté une méthode relativement traditionnelle.
M. About, président de la commission des affaires sociales, a su définir les parties du texte qui concernaient chacune des commissions, la commission saisie au fond gardant, naturellement, la maîtrise de l'ensemble. Cela a permis aux différents rapporteurs, notamment à Philippe Richert, qui aurait dû s'exprimer à ma place mais qui est retenu sur ses terres alsaciennes, de présenter des amendements, de les défendre ; chacun a pu apporter sa contribution à l'évolution de ce texte.
Mes chers collègues, contrairement à ce que j'ai entendu dire, nous sommes satisfaits de la façon dont la discussion s'est développée. La commission des affaires culturelles, que je représente ici ce matin, se félicite tout particulièrement de l'harmonie qui a régné entre la commission des affaires sociales, saisie au fond, et les quatre commissions saisies pour avis.
La contribution de tous à la définition de la formation de l'apprenti junior ainsi qu'à celle du rôle des tuteurs pédagogiques, des tuteurs en entreprise ou des maîtres d'apprentissage, a apporté une amélioration sensible à un dispositif dont on aurait pu craindre qu'il ne soit flou quant à la possibilité pour ces adolescents d'entrer en apprentissage à partir de quatorze ans.
Enfin, nous avons tout particulièrement contribué à la rédaction du compromis satisfaisant qui laisse aux conseils généraux la libre appréciation de proposer ou non la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale.
Dans ces conditions, nous avons, selon moi, choisi la bonne façon d'aborder ce type de texte.
Je me range à l'opinion formulée par Marie-Thérèse Hermange. En tant que sénateur, je voterai en faveur de ce texte, monsieur le président du groupe UMP, mais je vous apporte également la contribution positive de la majorité de la commission des affaires culturelles, même si certains certain de ses membres, faisant partie de l'opposition, se sont exprimés négativement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Mes chers collègues, nous avons passé, au total, 90 heures sur ce texte ; 134 amendements ont été adoptés, dont 22 des groupes CRC et socialiste, et 15 du groupe UC-UDF ; près de 100 sénateurs ont pris la parole ; 11 articles ont été votés conformes, 18 articles additionnels ont été insérés, 23 articles ont été modifiés et nous avons en supprimé 4 ; le texte initial du projet de loi comportait 28 articles, il en compte 56 après le travail du Sénat.
Nous avons passé 90 heures sur ce texte, sans compter tout le travail réalisé en amont - les auditions, les rencontres, la préparation de tous les documents. Nous avons donc tous ensemble, je dis bien tous ensemble, largement débattu.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tous ensemble ! Tous ensemble ! (Sourires.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Je veux remercier les collaborateurs de la commission des affaires sociales, qui ont été très efficaces, et l'ensemble des personnels du Sénat. Ils font honneur à notre assemblée.
Je remercie aussi les quatre rapporteurs pour avis. J'ai été très heureux qu'ils aient accepté de s'engager dans une démarche positive et ouverte.
Mes pensées vont également aux différents présidents de séance qui se sont succédé au cours de ces neuf jours de débat. Je remercie particulièrement Mme André, qui a présidé nos travaux dans des moments qui n'étaient pas toujours faciles.
Enfin, je sais gré aux six ministres, qui ont été très sollicités, d'avoir bien voulu répondre à toutes nos questions, car cela a donné lieu à des échanges intéressants.
Pour finir, mes chers collègues, je veux dire combien ce texte est bon.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Très !
M. Alain Gournac, rapporteur. Certains avaient prédit que le CNE serait terrible, affreux ; or, il est en train de se développer. Nous ne faisons donc pas la même analyse des choses !
Ce texte est un bon texte, et j'ai été très heureux d'en être le rapporteur sur le fond ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ces 90 heures de débat, qui s'ajoutent aux 44 heures à l'Assemblée nationale.
Personnellement, j'ai participé directement à près de 120 heures de discussion autour du thème de l'égalité des chances. Ces heures, croyez-moi, ont été enrichissantes. Elles nous ont donné une meilleure connaissance du terrain grâce aux expériences que les uns et les autres ont rapportées.
Je remercie le président du Sénat, les vice-présidents, l'ensemble des groupes - avec naturellement un sentiment particulier pour le groupe UMP -, la commission des affaires sociales, son président et son rapporteur, ainsi que l'ensemble des personnels, qui ont connu avec nous, au Sénat, des petits matins !
Je veux vous dire, en mon nom propre et en celui des cinq autres ministres concernés par ce texte - Jean-Louis Borloo, Gilles de Robien, Catherine Vautrin, Azouz Begag et Philippe Bas -, que ce projet de loi ne traduit nullement l'oubli de ce qui s'est passé en novembre, comme j'ai pu l'entendre dire.
Les problèmes de notre pays n'ont pas commencé en novembre. Ils sont le fruit d'une inégalité qui n'a pas su se résorber.
Certains, citant le président Mitterrand, ont dit que la lutte pour l'égalité était un combat. Avons-nous bien progressé dans cette lutte quand 15 000 élèves chaque année sont en errance scolaire, quand 60 000 jeunes continuent de sortir sans aucune qualification de notre système scolaire, quand 45 % des jeunes de moins de vingt-six ans accèdent un jour à l'assurance chômage, quand 50 % des jeunes de cette tranche d'âge, dans de trop nombreuses villes, dans de trop nombreux quartiers, sont au chômage ?
Avons-nous bien lutté contre l'inégalité quand des stagiaires ne voient jamais leurs stages reconnus ni indemnisés - y compris, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, dans des maisons célèbres promptes à nous donner des leçons dans leurs journaux ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Madame Voynet, vous m'avez remis un dossier. Or je reçois tous les jours de tels dossiers depuis que je suis chargé de l'insertion professionnelle des jeunes, à la suite de Laurent Hénard ! Le cas de ces jeunes diplômés bac+5 - qui ont sans doute eu plus de difficultés que mes enfants à atteindre un tel niveau d'étude -, désespérant de jamais obtenir de réponse à leur CV et à leurs lettes de candidature, me marque beaucoup. .
Avons-nous bougé ? J'ai le souvenir d'avoir été rapporteur au Sénat d'un texte portant pacte pour la ville, puis d'un projet de loi relatif à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville. En outre, a été créée l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, décision extrêmement importante.
Je puis donc vous assurer que nous n'avons pas oublié ce qui s'est passé en novembre et que nous avons bien gardé en tête ces inégalités-là !
C'est la raison pour laquelle nous avons voulu briser les tabous en parlant filière professionnelle et apprentissage junior, en reconnaissant les stages, en faisant du CPE une entrée dans l'insertion par l'emploi et dans l'emploi. Car la réalité, ce sont 70 % de CDD, dont 50 % inférieurs à un mois, et pas de logement !
Voilà pourquoi nous avons voulu également mettre en place un nouveau dispositif Locapass. L'inégalité, la précarité, tel est notre combat pour aujourd'hui et pour demain !
Nous avons créé 15 ZFU supplémentaires, instauré le contrat de responsabilité parentale et reconnu à la fois le rôle du maire et celui du président du conseil général.
La lutte contre les discriminations, la HALDE, l'octroi de pouvoirs équilibrés, un débat sur les voies et moyens d'assurer la diversité, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, la jurisprudence du testing : les votes, à certains moments, on été divers. Néanmoins, notre ambition à tous est de faire en sorte que la discrimination ne soit pas, chaque jour, plus à l'oeuvre dans notre pays.
Mesdames, messieurs les sénateurs, si ce texte ne marque pas une avancée vers plus d'égalité, alors c'est que je n'y comprends rien !
M. Roland Muzeau. C'est bien ça le problème !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Notre volonté pour demain est de mettre un terme à tout ce qui fait la précarité d'aujourd'hui. De la sorte, nous aurons contribué à aller vers plus d'égalité. C'est la responsabilité du Gouvernement et celle du Parlement.
Je remercie toutes celles et tous ceux qui sont intervenus sur ce texte, car je respecte les opinions des uns et des autres et je peux comprendre certaines des approches qui se sont exprimées.
Nous essaierons de progresser, notamment parce que le CPE est une nouveauté en termes de sécurisation des parcours. Faire apparaître l'allocation forfaitaire, un droit à la formation, un accompagnement personnalisé dans l'emploi, voilà des approches nouvelles pour notre pays qui, trop longtemps, a protégé les emplois et non les femmes et les hommes dans leur parcours pour l'emploi !
Briser, en quelque sorte, les cercles de l'habitude, telle a été notre démarche.
Je remercie, encore une fois, tous ceux qui ont contribué à ce débat, et tout particulièrement ceux qui marqueront par leur confiance leur engagement auprès du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires sociales et, l'autre, du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 149 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 305 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 153 |
Pour l'adoption | 178 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)