compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
Mes chers collègues, j'ai convoqué une conférence des présidents pour vingt heures trente. Je vais donc suspendre la séance quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures trente-cinq, est reprise à vingt et une heures, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
2
CONFÉRENCE DES PRÉSIDENTS
M. le président. Mes chers collègues, je vais vous donner lecture des conclusions de la conférence des présidents, qui vient de se réunir aujourd'hui, samedi 4 mars.
En ce qui concerne la suite de l'examen du projet de loi pour l'égalité des chances, la conférence des présidents a décidé d'ajouter au calendrier initialement prévu une séance éventuelle le lundi 6 mars, matin, après-midi et soir.
En conséquence, pour l'examen de ce texte, nous siégerons donc aujourd'hui, samedi 4 mars 2006, le soir (Manifestations de satisfaction sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste), dimanche 5 mars 2006, le matin, l'après- midi et le soir et, éventuellement, ...
M. Roland Muzeau. Sûrement, pas « éventuellement » !
M. le président. ...lundi 6 mars 2006, le matin, l'après-midi et le soir.
M. Roland Muzeau. Et mardi ?
M. le président. Y a-t-il des observations en ce qui concerne les propositions de la conférence des présidents relatives à la tenue des séances ?...
Ces propositions sont adoptées.
3
candidatures à une COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission des affaires sociales m'a fait connaître qu'elle a d'ores et déjà procédé à la désignation des candidats qu'elle présentera si le Gouvernement demande la réunion d'une commission mixte paritaire en vue de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi pour l'égalité des chances actuellement en cours d'examen.
Ces candidatures ont été affichées pour permettre le respect du délai réglementaire.
4
demandes d'autorisation de MISSIONs d'information
M. le président. M. le président du Sénat a été saisi de deux demandes tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner des missions d'information par :
- M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales, pour qu'une délégation puisse se rendre en Allemagne, dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, en vue d'étudier les modalités de financement de la protection sociale et la réforme du système de santé ;
- M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, pour qu'une délégation puisse se rendre au Japon et en Corée du Sud dans le cadre de la poursuite des travaux qu'elle consacre à l'étude des phénomènes de globalisation.
Le Sénat sera appelé à statuer sur ces demandes dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.
5
égalité des chances
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence (nos 203, 210, 211, 212, 213, 214).
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Dans un souci de bonne organisation de nos travaux, je souhaiterais obtenir une confirmation : sommes-nous bien d'accord sur le fait que, ce soir, nous examinerons les articles 23, 24 et 25 ? (Marques d'assentiment sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Dans la discussion des articles, nous en sommes effectivement parvenus aux articles 23, 24 et 25, précédemment réservés.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous discuterons en effet des articles 23, 24 et 25 et, en fonction de l'heure à laquelle nous aurons achevé cet examen, des décisions seront ou ne seront pas prises. (Rires sur les travées du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Ça, c'est très fort ! Ainsi, on ne pourra rien vous reprocher !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En effet !
M. le président. Nous passons donc maintenant à la discussion de l'article 23, précédemment réservé.
Section 3
Actions en faveur de la cohésion sociale et lutte contre les discriminations dans le domaine audiovisuel
Article 23 (précédemment réservé)
I. - La loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication est ainsi modifiée :
1° Après le deuxième alinéa de l'article 3-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Le Conseil supérieur de l'audiovisuel contribue aux actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations dans le domaine de la communication audiovisuelle. Il veille, notamment, auprès des éditeurs de services de radio et de télévision, compte tenu de la nature de leurs programmes, à ce que la programmation reflète l'unité de la société française dans sa diversité. Il rend compte dans son rapport annuel de l'action des éditeurs de services dans ce domaine. » ;
2° L'avant-dernier alinéa de l'article 28 est ainsi rédigé :
« 17° Les mesures en faveur de la cohésion sociale et relatives à la lutte contre les discriminations. » ;
3° Après le sixième alinéa du I de l'article 33-1, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La convention comporte également les mesures en faveur de la cohésion sociale et relatives à la lutte contre les discriminations. » ;
4° Après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 43-11, il est inséré une phrase ainsi rédigée :
« Elles mettent en oeuvre des actions en faveur de la cohésion sociale et de lutte contre les discriminations et proposent une programmation reflétant la diversité de la société française. » ;
5° Le deuxième alinéa de l'article 45-2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Elle met en oeuvre des actions en faveur de la cohésion sociale et de lutte contre les discriminations et propose une programmation reflétant la diversité de la société française. »
II. - Les dispositions du présent article sont applicables à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, sur l'article.
M. Jean-François Voguet. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans la lettre du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, de décembre dernier, son président, M. Dominique Baudis écrivait : « Les mesures annoncées par le Président de la République doivent contribuer à faire de notre télévision un reflet exact de la société française. [...] Ensemble, nous devons trouver des solutions novatrices, respectueuses de notre tradition républicaine et ouvertes à la diversité des origines et des cultures de la population française. »
En lisant l'article 23 de ce projet de loi, M. le président Baudis a dû être déçu !
Il est vrai que, au moment où il écrivait ce billet, Dominique Baudis ne connaissait évidemment pas encore la teneur du présent projet de loi. Il était en droit d'attendre que le texte fournisse un cadre légal solide pour promouvoir la diversité à la télévision, comme le lui avait assuré le Président de la République.
Dans les premières pages de cette lettre, le CSA faisait le point sur la situation actuelle des chaînes de télévision et sur les réflexions engagées avec l'ensemble des diffuseurs.
Le CSA s'est en fait soucié de cette question dès 1999, même s'il n'avait pas de compétences juridiques en la matière. Ainsi, dans le rapport d'activité qu'elles lui communiquent chaque année, les chaînes détaillent les initiatives qu'elles ont prises pour améliorer la représentation de la diversité des origines et des cultures de la communauté nationale.
Nous étions donc en droit d'attendre que le présent projet de loi s'appuie sur ces différents rapports, ainsi que sur les expérimentations qui y sont décrites, les réflexions et les propositions qu'ils contiennent, afin de permettre des généralisations et l'ouverture de nouvelles pistes.
Hélas, il n'en est rien ! L'article 23 est en retrait de ce qui se fait aujourd'hui et en deçà des espoirs suscités. Cet article, comme l'ensemble de ce projet de loi, n'a été discuté avec personne.
Cet article ne permettra pas, loin de là, de réduire le décalage entre la réalité de la société française et sa représentation sur les différentes antennes, décalage qu'a souligné le Haut Conseil à l'intégration, le HCI, dans le rapport qu'il a remis au Premier ministre au mois de mars 2005.
Dénonçant la « pâleur » des écrans nationaux, le Haut Conseil a énoncé quelques principes destinés à valoriser la diversité culturelle dans l'audiovisuel.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui ne reprend qu'un seul de ces principes, et seulement en partie.
En effet, dans une formulation beaucoup moins claire et précise que celle du Haut Conseil, l'article 23 prévoit que les chaînes doivent veiller à ce que leurs programmes reflètent « l'unité de la société française dans sa diversité ». Aux termes de cet article, le CSA ne fait que « contribuer » aux « actions en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations ».
Nous sommes donc bien loin du cadre légal solide que tout le monde attendait. Le flou, pensons-nous, va demeurer la règle.
Le Haut Conseil demandait que les chaînes de télévision veillent à ce que leurs programmes donnent une image la plus réaliste et équilibrée possible de la société française dans sa diversité et une vision plurielle de sa réalité.
Pour parvenir à la mise en oeuvre de ce principe, le Président de la République annonçait, le 22 novembre dernier, un certain nombre de mesures. Il demandait, entre autres, l'inscription d'actions nouvelles dans les objectifs, les missions et les obligations du Conseil supérieur de l'audiovisuel.
L'article 23 inscrit ces actions dans les objectifs généraux et les finalités du CSA, mais nullement dans ses missions, ni dans ses obligations.
Cet article ne constitue en fait qu'une simple mesure d'affichage politique, car il n'impose aucune obligation réelle. De plus, ne sont visés ici que les programmes. Rien n'est dit sur ce qu'il est tristement convenu d'appeler « les minorités visibles », qui connaissent pourtant de réelles difficultés pour accéder aux médias, aux différents métiers et aux responsabilités dans ce secteur, et souffrent d'une insuffisante visibilité sur les antennes. Ce sujet n'est même pas abordé !
Enfin, une autre question de fond n'est pas abordée non plus : la prise en compte dans l'audiovisuel - tant dans sa structure que dans ses programmes, en particulier dans ses informations - de toutes les réalités et de toutes les différences sociales, sociétales et politiques qui font notre pays. En ne prenant pas réellement en compte cette réalité, vous portez en fait une vision ethniciste et communautariste de la diversité culturelle.
Que dire, par exemple, du parisianisme qui règne dans les médias ? Que dire du système de cooptation entre gens du même milieu, formés dans les mêmes écoles, issus des mêmes couches sociales ? Que dire d'une vision de la France et de son histoire qui fait passer à la trappe la majeure partie de notre population ?
Que penser du fait que la programmation d'un téléfilm sur l'histoire d'une famille ouvrière fasse la une de l'actualité, tant ce type de sujet est rare à la télévision ?
Que penser d'une information qui assimile en permanence banlieue et délinquance, jeunes et délinquance, pauvreté et délinquance, et qui ne rend pratiquement jamais compte de l'actualité sociale, des mouvements qui se déroulent, des critiques qui se formulent, des recherches qui sont menées ?
Que penser des magazines qui parlent toujours des mêmes acteurs, réalisateurs et chanteurs, qui invitent toujours les mêmes pour assurer leur promotion, qui ne rendent compte que de certaines activités culturelles ou sportives, décrétées comme étant les plus porteuses, leur financement publicitaire étant déjà assuré ?
Oui, vraiment, il est urgent que l'ensemble de nos chaînes aient à coeur de faire vivre au quotidien les diversités qui font la richesse de la France.
En recul par rapport aux pratiques actuelles du CSA, votre projet de loi ne constitue même pas une légère avancée dans ce domaine. Vous passez une nouvelle fois à côté d'une exigence majeure de notre société. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche, sur l'article.
M. Serge Lagauche. Depuis les années quatre-vingt, la représentation à la télévision de la diversité des origines et des cultures de notre société est une question récurrente. Une prise de conscience s'est produite et des actions ont été menées, mais les résultats demeurent insuffisants. Il faut dire que la voie est étroite puisque, dans le respect des principes républicains, c'est la méthode incitative qui a été privilégiée.
Je crains cependant que, devant la lenteur du processus, les chaînes généralistes ne soient déjà perdantes. À force de ne pas se reconnaître dans ce miroir de la société, nombreux sont ceux en effet qui se tournent vers des réseaux de diffusion à vocation ethnique, pour se réapproprier une image plus respectueuse de leurs identités. On peut penser que c'est l'une des raisons du nombre impressionnant d'antennes paraboliques installées sur les immeubles des quartiers populaires de nos grandes villes et de nos banlieues, où se concentrent les familles issues de l'immigration.
Qu'elles diffusent les programmes proposés par les sociétés de diffusion des pays d'origine à destination de leurs diasporas - l'Algérie, le Maroc, la Tunisie, la Turquie - ou réalisés en France par des producteurs spécialisés - BRTV pour les Berbères, ATV pour les Antillais -, les chaînes communautaires rencontrent visiblement un véritable succès populaire. Ce phénomène vaut aussi pour la radio, je pense notamment au réseau radiophonique national Beur FM.
Pourquoi le paysage audiovisuel français résiste-t-il donc et ne s'ouvre-t-il pas à certaines catégories de son public, qui contribuent pourtant, comme les autres, à ses recettes ?
Quand le principal, voire le seul critère d'évaluation de la qualité d'un programme devient sa capacité à attirer les annonceurs, on cherche forcément l'audience à tout prix. Nous avons tous en tête la fameuse ménagère de moins de cinquante ans. C'est la classe moyenne que les annonceurs veulent toucher en priorité, avec leurs spots publicitaires, et que les chaînes pensent choyer en leur proposant des programmes supposés leur ressembler. Cette marchandisation de la programmation empêche la représentation de la diversité sur le petit écran.
À cet égard, le témoignage d'Olivier Rousselle, directeur général du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, à propos du colloque « Écrans pâles ? Diversité culturelle et culture commune dans l'audiovisuel », organisé conjointement par le FASILD, le HCI et le CSA en avril 2004, est éloquent :
« La représentation des minorités à l'écran, en particulier à travers des fictions et des documentaires, n'a pas encore atteint le stade qui lui permettra de se priver d'appuis. Le témoignage exemplaire de Yamina Benguigui lors du colloque d'avril montre les difficultés que rencontrent aujourd'hui encore les producteurs pour monter des projets intégrant ce thème. Ce qui est vrai pour les documentaires l'est aussi pour les fictions. Dans ces conditions, nos financements constituent souvent un apport indispensable sans lequel ces projets n'aboutiraient pas. Même lorsqu'ils ne représentent qu'une part très minoritaire des budgets, ce qui est le cas des fictions que nous soutenons, ils offrent un effet de levier très puissant. L'apport du FASILD, dans sa dimension financière, comme le regard que nous portons en amont sur les scenarii, est généralement décisif.
Nous ne devons donc pas relâcher nos efforts, mais au contraire rester vigilants et poursuivre notre rôle de stimulateur extérieur prêt à relancer le processus jusqu'à ce que celui-ci trouve son autonomie. »
Afin de toucher l'ensemble des publics, le FASILD soutient tous les genres télévisuels : fictions, documentaires, magazines, divertissements. Le FASILD, c'est également la semaine pour l'intégration et contre les discriminations, en partenariat avec France 3.
Le FASILD étant appelé à disparaître, pouvez-vous, monsieur le ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, nous garantir que les actions et les financements assurés jusqu'à maintenant en faveur de la diversité culturelle dans l'audiovisuel seront poursuivis par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances ?
Il serait en effet plus que dommageable que le Gouvernement ne s'en tienne, sur ce sujet comme sur bien d'autres, qu'à un effet d'affichage, en adoptant un dispositif législatif tout en se désengageant de ces missions d'intérêt général et de leur financement.
Cette discrimination à l'écran est d'autant plus préjudiciable que tout le monde reconnaît le rôle crucial de l'image dans la construction de l'identité individuelle et collective. Désormais, une société qui assume sa diversité est celle qui est capable d'introduire ses minorités dans l'imaginaire collectif et accepte de les voir incarner à l'écran des valeurs positives, auxquelles la majorité aspire.
Pourtant, pour Jean-Marie Charron, chercheur au CNRS, « le problème est peut-être moins de voir les minorités à l'écran que la manière dont on parle d'elles dans l'ensemble des médias [...] ainsi que les rôles dans lesquels elles sont cantonnées. On peut affirmer que le traitement de l'information pèche dans l'ensemble des médias ». En fait, il faut les deux.
Nous n'atteindrons pas notre objectif en faisant juste apparaître sur nos écrans plus de personnes de couleur et issues de l'immigration, d'autant moins si l'on ne les voit que dans des rôles stéréotypés ou dans des niches télévisuelles. Dans cette hypothèse, ce ne serait qu'une présence alibi.
Alors que l'immigration constitue une chance et une source de vitalité pour notre culture commune, 35 % des téléspectateurs l'assimilent, dans sa version télévisuelle, aux faits divers et 30 %, au folklore. Il faut dire que, dans les médias, l'immigration est plus associée à la ségrégation, à la misère et à la délinquance qu'à des qualificatifs positifs.
À ce titre, le traitement de l'information dans les journaux télévisés est symptomatique : on entend systématiquement citer l'origine des auteurs de crimes ou de délits, parler de « jeunes » au lieu de « délinquants ». Ce genre de dérives quotidiennes est attentatoire à la cohésion sociale et agit sans conteste de manière néfaste sur notre inconscient collectif. Non seulement la télévision ne montre pas la réalité de notre société, mais elle peut même être considérée plutôt comme le reflet, voire l'amplificateur des préjugés et des exclusions qui la traversent.
M. Jean-Luc Mélenchon. Très bien !
M. Serge Lagauche. Nous n'atteindrons pas non plus notre objectif si cette plus grande ouverture à la diversité ne donne lieu à aucun changement derrière la caméra, dans le processus de production de ce qui est donné à voir ou à entendre. Il faut, en parallèle, changer les politiques sociales et d'emploi des médias, en y associant les écoles de journalisme et de techniciens de l'audiovisuel. Mais c'est là revenir à la question plus générale du renouvellement des élites et de la reproduction des inégalités dans l'éducation et en termes d'accès à l'emploi.
Je conclurai mon propos sur un questionnement.
France Télévisions avait adopté, sous la présidence de Marc Tessier, un plan d'« action positive » en faveur de la représentation de la diversité française dans les programmes et au sein des salariés du groupe. Pour favoriser la représentation des minorités à l'antenne, il était demandé aux chaînes publiques qu'une personne sur dix apparaissant à l'écran fasse partie d'une minorité visible. Selon Édouard Pellet, alors adjoint de Marc Tessier, ce plan d'action positive tenait également compte des origines dans sa politique d'accueil de stagiaires et d'emploi des salariés du groupe.
Cet exemple nous fait toucher du doigt toute la contradiction de l'approche incitative qui, pour se traduire dans les faits, s'appuie sur une forme de quotas qui ne dit pas son nom.
Alors, discrimination positive ou lutte contre les discriminations négatives ?
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, l'article 23 du projet de loi pour l'égalité des chances vise à répondre au problème des discriminations dans le secteur audiovisuel.
Cette question est tout à fait primordiale. Elle est au coeur des revendications exprimées, depuis quelques années, par l'association Averroès, pour davantage de diversité à la télévision.
Un seul chiffre : en moyenne, les Français passent trois heures trente par jour devant leur poste de télévision. C'est dire si l'audiovisuel est devenu l'outil privilégié de la transmission d'information et du débat public. Il devrait être, bien entendu, l'outil privilégié de la culture. Or une frange croissante de la population se sent désormais exclue de ce domaine, qui tient une place omniprésente dans notre société.
En effet, le fossé est grand entre la France telle qu'elle est représentée dans les médias et la France telle qu'elle est. Il y a bien peu de chances d'apercevoir un Français dit issu de l'immigration à l'antenne, à part, bien sûr, dans le rôle de l'exclu ou du délinquant, y compris, bien souvent, dans les oeuvres de fiction.
Les réussites, elles, ne sont pas aussi médiatisées, voire pas médiatisées du tout. Nous sommes pourtant bien placés ici pour savoir qu'elles existent, puisque vous n'êtes pas sans savoir que le Sénat coorganise le concours Talents des cités.
Cette vision stigmatisante est un premier facteur de frustration. Ils en ont assez d'être les sujets, ils veulent être les acteurs.
Un deuxième facteur de frustration et d'injustice est la quasi-absence ou, en tout cas, la sous-représentation des minorités dites visibles aux postes de représentation des sociétés audiovisuelles, en particulier aux postes de direction. Il y a ici une double frustration.
Un grand nombre de nos concitoyens se sentent exclus de la participation à un secteur clé de notre société, celui de l'information et de la culture. Il y a une demande de reconnaissance qui ne peut être ignorée : tous les Français, quelle que soit leur origine, ont besoin de savoir que leur participation à la vie du pays est reconnue. Pouvoir être acteur de l'audiovisuel sans distinction d'origine, de race, ou de religion, voilà une revendication partagée et légitime.
La deuxième revendication, c'est celle d'une télévision aux couleurs de la France. Imaginez-vous ce qui peut se passer dans la tête de ces gens qui ont l'impression de ne pas être représentés, d'être volontairement évincés de ce qui est censé être le reflet de la France, du pays qui est le leur ? C'est toute la question de l'identité qui est posée. Trop souvent, les médias présentent une image de la France qui laisse entendre que, pour être Français, il faut être blanc et porter le nom adéquat. J'ajoute que cette absence de visibilité des Français dits issus de l'immigration ne peut que renforcer les préjugés et les stéréotypes racistes.
Un troisième problème est l'absence flagrante de diversité culturelle et sociale, comme l'ont souligné les orateurs précédents, notamment l'absence quasi-totale des cultures d'origine à la télévision.
Ce refus d'expliquer des cultures qui sont pourtant celles de beaucoup de Français ne peut, là encore, que renforcer les incompréhensions et mettre en danger la cohésion sociale par le report, grâce au satellite, sur des chaînes communautaires, même celles qui ne véhiculent pas forcément les valeurs de la démocratie ou d'émancipation des femmes.
Inscrite à l'article 1er de notre Constitution, l'égalité de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion est un fondement de notre pacte républicain. Dans l'audiovisuel, comme dans beaucoup de domaines, hélas, cette égalité n'est pas réalisée en fait. L'article 23 vise à y remédier. Nous y apporterons plusieurs amendements visant à rendre cette lutte contre les discriminations plus efficace et sans concession, à faire en sorte que nos « écrans pâles », participant au changement des représentations, se mettent enfin aux couleurs de la France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Raffarin. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l'article.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, on disputera avec beaucoup d'intérêt la portée de la mesure qui nous est proposée, mais, pour beaucoup d'entre nous, sur l'ensemble de ces travées, vous le constatez, c'est l'occasion de faire connaître notre sentiment - ce que, le reste du temps, on ne sollicite pas de la représentation nationale - sur les médias audiovisuels.
Aujourd'hui, nous traitons de ce que l'on appelle par euphémisme la « diversité française ». En effet, certains mots ne sont pas prononçables ; nous sommes en République, nous ne sommes pas un pays qui additionne les ghettos. Par « diversité française », il faut entendre : ceux qui ne sont pas complètement blancs et blonds - mais c'est encore un euphémisme -, ou ceux qui non seulement ne sont pas complètement blancs et blonds mais en plus sont noirs ou arabes !
Je ne méconnais pas la réalité de cette question, mais le vrai problème, à mes yeux, c'est que l'on soit obligé de légiférer sur un tel sujet.
M. Roland Muzeau. Exactement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Les présidents-directeurs généraux et les directeurs de chaîne devraient spontanément comprendre qu'ils ont une responsabilité individuelle - même lorsqu'il s'agit de chaînes privées - à l'égard du pays dans lequel ils vivent et se sentir obligés de représenter la patrie comme elle est. Mais ceux-là ne font rien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ils devraient le faire naturellement !
M. Jean-Luc Mélenchon. Nous sommes donc obligés de légiférer et d'enclencher un processus dont nul parmi nous ne voulait. Aucun d'entre nous, quelle que soit sa tendance politique, n'a envie de trier les Français, les journalistes, d'après leur couleur de peau. Mais nous allons être obligés de le faire - plus ou moins, la question sera discutée entre nous - à cause d'une poignée de gens qui n'assument pas la responsabilité culturelle qui est la leur.
Il faut que cela soit dit, que nous puissions, une fois au moins, leur dire bien en face que, si nous en sommes rendus là, c'est de leur faute, faute qu'ils ont d'ailleurs bien l'intention de continuer à commettre.
Et ce n'est que la partie visible. Plusieurs de mes collègues ont, eux aussi, constaté le total décalage entre la télévision et la réalité que vivent les gens. Pourquoi ces médias n'évoquent-ils pas les malheurs simples et les bonheurs simples des gens ? Pourquoi faut-il que, nuit et jour, ils répandent une pluie d'hémoglobine, de violence, de haine, sur ceux qui les regardent ? Il n'est fait appel qu'aux pulsions, rien ne passe par l'émotion, par le raisonnement.
Nous en avons tous plus qu'assez ! Moi qui croyais faire partie de ces quelques non-violents qui, pour ne pas avoir à subir ces spectacles, se réfugient sur les chaînes qui parlent d'autre chose, des petits oiseaux, des voyages, je m'aperçois, quand j'en parle avec mes voisins ou mes amis, qu'ils sont, comme moi, absolument révulsés et heurtés au plus profond de leur sensibilité.
Mme Raymonde Le Texier. Et « Le maillon faible » ? Et « Qui veut gagner des millions ? »
M. Jean-Luc Mélenchon. Ne parlons pas des jeux et du reste, tout cela est inepte ! Mais, après tout, pourquoi pas, de temps en temps ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ils ont quand même des auditeurs !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il y a tout de même les messages portés !
À ce refus de s'intéresser à la France qui travaille, aux braves gens, aux gens simples, aux histoires qui n'ont pas besoin de violence pour être des histoires d'amour - et je ne parle que d'amour, je ne vous parle pas du reste ! - s'ajoute un goût bestial pour l'insécurité et la démonstration de tout ce qui peut faire peur, tout cela se combinant pour fabriquer une image absolument répugnante d'une partie de la France.
À ce sujet, je veux dire, une nouvelle fois, que les banlieues ne sont pas seulement des endroits où l'on pille, où l'on égorge, où l'on viole et où l'on brûle ! Ce sont aussi des endroits où vivent et s'efforcent d'être heureux les gens normaux et pacifiques que nous sommes, pour la plupart d'entre nous.
Ces médias cultivent aussi un goût absolument marqué pour la haine du politique.
Ah, nous les voyons, ces beaux esprits, se réfugier derrière leur droit à la critique, chaque fois qu'ils parlent de politique pour nous accabler sans cesse, nous ramener tous dans une même classe politique, comme s'il n'y avait ni droite ni gauche, et que nous n'étions qu'une assemblée de comploteurs, prompts à nous entendre sur le dos des Français. Il n'est une émission, il n'est un sujet à travers lesquels on ne mette en cause la politique et les politiques.
Avant-hier, je participais à une émission où l'on parlait du chikungunya et de la grippe aviaire. Au premier intervenant, qui avait débuté son propos en disant que les politiques, dans cette affaire, avaient exagéré, j'ai fini par répondre : « Croyez-vous que ce soit nous qui sommes en train de piquer nos concitoyens à la Réunion ou d'empoisonner les poules ? Êtes-vous devenus fous ? » Eh bien, oui, cela fait partie des refrains de la vie publique audiovisuelle de ce pays !
Naturellement, ces mêmes beaux esprits sont moins prompts à mettre en cause les liens de l'argent qui, pourtant, les tiennent et les contraignent à courir du matin au soir, bien plus que nous autres, pauvres élus politiques, ne le feront jamais.
Je vais achever. Il le faut bien, quoique j'aie encore beaucoup à dire.
Cette télévision, comme l'a dit tout à l'heure mon collègue Serge Lagauche fort justement, exprime un point de vue bien précis, un point de vue de classe, celui de la classe moyenne supérieure blanche et masculine, ...
Mme Raymonde Le Texier. Absolument !
M. Jean-Luc Mélenchon. ... qui propose au pays ses valeurs, ses normes de consommation, son regard sur la vie et ses centres d'intérêt. Si nous n'avions affaire qu'à des marioles, ce ne serait rien, nous changerions de chaîne.
Mme Raymonde Le Texier. Ils sont partout !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est la même chose sur toutes les chaînes !
M. Jean-Luc Mélenchon. Mais ces marioles structurent l'opinion, la psyché, l'image et la construction intellectuelle de notre jeunesse.
Il n'est pas un exemple, dans toute l'histoire de l'humanité, contrairement à ce que racontent ces gens qui brandissent, à la moindre critique, la défense de je ne sais quelle liberté de création, qui n'est que la liberté d'obéir et d'acquiescer, d'une civilisation qui se soit construite autrement que par l'image et par la répétition de l'image qui structure la psyché, notamment celle de la jeune génération, et cela a commencé dans les cavernes.
Nous voilà revenus au temps des cavernes, mais c'est moins beau ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 815, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 1° du I de cet article pour compléter l'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
en faveur de la cohésion sociale
insérer les mots :
, de la diversité culturelle,
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, les amendements nos 815, 816, 813 et 814 étant complémentaires les uns des autres, je les présenterai en même temps. (Protestations ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Quel dommage ! Seriez-vous pressée ?
Mme Valérie Létard. Ces amendements ont pour objet d'inscrire dans les missions du Conseil supérieur de l'audiovisuel, le CSA, les conventions des éditeurs de services de télévision et les cahiers des charges des services de radio et de télévision la poursuite de l'objectif de diversité culturelle.
Initiatrice du concept d'exception culturelle, la France n'a cessé de défendre et de promouvoir l'expression des talents dans toute leur diversité et leur richesse. Désireuse de renforcer la protection internationale de toutes les cultures, elle a d'ailleurs été à l'origine de la conception et de l'adoption par l'UNESCO, en octobre dernier, de la Convention sur la diversité culturelle.
La permanence de l'action de la France en faveur de cette diversité doit évidemment trouver des traductions concrètes auprès de nos concitoyens dans leur vie quotidienne pour leur faire partager cette ambition commune à soutenir la création et la diversité de son expression.
Si donc les éditeurs de service de télévision, qu'ils soient privés ou publics, doivent légitimement participer aux efforts en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations, il semble tout aussi naturel que leur convention prévoie également une participation à l'expression de la diversité culturelle sur leurs antennes.
Cette demande de précision renforce par là même l'idée que l'audiovisuel doit être le reflet de la diversité de notre société.
En incitant ainsi les services de télévision à respecter le principe de diversité culturelle, ces amendements ont pour objet de mettre en cohérence les principes auxquels doivent se référer les services de radio et de télévision, ces médias qui sont eux -mêmes reflets de cette diversité.
Pour y parvenir, ces amendements prévoient tout autant d'assurer la nécessaire représentation de la diversité sociale sur nos écrans que de promouvoir la diversité des expressions culturelles.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous sommes défavorables à l'amendement n° 815. Nous considérons en effet qu'il s'agit d'une précision inutile.
Le texte prévoit déjà que le CSA doit veiller à ce que les programmes de radio et de télévision reflètent la diversité de la société française, diversité sociale, ethnique, culturelle.
La commission est également défavorable aux amendements nos 816, 813 et 814, pour les mêmes raisons.
M. Roland Muzeau. Mais justement pour quelles raisons ? Ces amendements sont différents de l'amendement n° 815.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela étant, il serait bon d'entendre la commission des affaires culturelles.
M. le président. Quel est donc l'avis de la commission des affaires culturelles sur l'amendement n° 815 ?
M. Louis Duvernois, en remplacement de M. Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Cet amendement, sur lequel la commission des affaires culturelles ne s'est pas prononcée, n'étant saisie que pour avis, pose un sérieux problème de cohérence vis-à-vis de l'économie générale du texte.
La notion de diversité culturelle peut en effet avoir deux acceptions.
La première fait référence aux différentes cultures qui composent notre société et peut, par conséquent, s'insérer parfaitement dans la discussion du projet de loi. Dans ces conditions, l'insertion de cette expression devrait se faire, non pas dans la première phase du troisième alinéa, mais dans la deuxième. En effet, il n'appartiendrait pas au CSA de contribuer aux actions en faveur de la cohésion sociale, de la diversité culturelle et de la lutte contre les discriminations, mission dont le sens peut paraître ambigu, voire contradictoire, mais bien de veiller à ce que les programmes reflètent la diversité culturelle.
La notion de diversité de la société française utilisée dans l'article est d'ailleurs proche de cette acception, mais elle peut également être entendue au sens d'expression des talents dans leur diversité et leur richesse.
À la lecture de l'exposé des motifs des différents amendements, il semble que l'expression soit prise dans cette deuxième acception. Dans ces conditions, force est de constater qu'elle n'a qu'un lointain rapport avec l'économie générale du texte en discussion...
M. Roland Muzeau. Cela n'a rien à voir ?
M. Louis Duvernois, rapporteur. ...et qu'introduire cette notion entre les objectifs de cohésion sociale et de lutte contre les discriminations paraît quelque peu incohérent.
M. Roland Muzeau. Bien sûr !
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. J'émets donc un avis défavorable sur cet amendement n° 815, dont je précise cependant qu'il aurait pu mériter un avis de sagesse de la commission des affaires culturelles. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat sur l'amendement n° 815 comme sur les amendements nos 816, 13, 101, 100 et 813.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 815.
(L'amendement n'est pas adopté.- Protestations du groupe socialiste.)
Mme Raymonde Le Texier. C'était pourtant un minimum !
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
À la fin de la deuxième phrase du texte proposé par le 1° du I de cet article pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa de l'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, remplacer les mots :
l'unité de la société française dans sa diversité
par les mots :
la diversité de la société française
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est un amendement de clarification rédactionnelle. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Et la lumière fut !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 269, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par le 1° du I de cet article pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa de l'article 3-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 :
plus particulièrement en termes d'emplois et de programmation.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Nous ne voulons pas de dispositions de pur affichage, car nous savons trop les déceptions qu'elles peuvent causer.
Les attentes d'un très grand nombre de nos concitoyens sur le sujet dont nous discutons aujourd'hui sont fortes, et légitimes. Il nous appartient d'y répondre sans faux-semblants.
La diversité est un bien joli mot, mais seule importe la reconnaissance concrète de cette caractéristique de la société française. Nous souhaitons d'abord que la diversité concernant l'emploi s'exerce dans tous les domaines, mais nul ne peut ignorer le degré d'exemplarité des médias, notamment pour les jeunes. Quand la France des médias ne ressemble pas à la France telle qu'elle est vraiment, c'est toute une frange de nos concitoyens qui se sentent exclus. Il ne s'agit pas d'appliquer des quotas mais d'inciter à une réelle prise en compte des problèmes de discrimination à l'embauche dans le domaine de l'audiovisuel. La question de la représentation est essentielle.
Concernant ensuite la diversité en termes de contenu des programmes, il apparaît que les minorités dites « visibles » - pour utiliser ce terme couramment employé tout en en reconnaissant les limites - sont souvent stigmatisées, y compris dans les fictions, où on les cantonne, pour schématiser, soit à des rôles marginaux, soit à des rôles de déviants.
Traquer les préjugés et les stéréotypes racistes est essentiel ; ces préjugés ont la vie dure et la quasi-absence de documentaires sur l'histoire de l'immigration ainsi que sur les diverses cultures qui forment le peuple français n'est que le prolongement de cet état de fait.
Pour qu'aucune ambiguïté ne subsiste dans la mise en oeuvre de cet article 23, nous vous demandons donc de le compléter de sorte que le CSA soit désormais chargé de veiller, dans la rédaction de son rapport annuel, à ce que la question de la diversité dans le secteur audiovisuel soit abordée tant en termes d'emplois pourvus dans les sociétés que de programmes diffusés par celles-ci.
Il ne s'agit certes que d'une précision, mais vous le savez, monsieur le ministre délégué, en matière de lutte contre les discriminations, tous les détails comptent !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cette précision alourdit le texte du projet de loi de façon inutile.
Il est clair pour tous, du moins je l'espère, que le CSA doit veiller à la diversité et à l'absence de discrimination aussi bien à l'égard des personnels qu'à l'égard de la programmation des chaînes.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Bricq. Favorable !
M. Azouz Begag, ministre délégué. Cet amendement soulève effectivement une question essentielle. La critique de l'insuffisante diversité à l'antenne des services audiovisuels peut s'expliquer, en partie, par une absence de diversité des personnels chargés de la programmation au sein même de ces services.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement et France Télévisions ont élaboré, depuis 2004, un plan d'action positive pour l'intégration destiné à « améliorer l'expression des diverses composantes de la communauté nationale sur les antennes, dans les programmes et dans la structure des chaînes ».
La mise en oeuvre du plan est assurée par deux cellules créées au sein de France 2, France 3, France 5 et RFO, l'une chargée des programmes, l'autre, madame la sénatrice, chargée des ressources humaines.
Toutefois, il n'apparaît pas que le CSA doive s'immiscer dans la politique des ressources humaines des chaînes. Ce n'est pas son rôle, et son intervention ne serait pas légitime en la matière.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 69, présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du 2° du I de cet article :
2° Avant l'antépénultième alinéa de l'article 28, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
La parole est à M. Duvernois, rapporteur pour avis.
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. Cet amendement tend à rectifier une erreur matérielle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 816, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 2° du I de cet article pour l'avant dernier alinéa de l'article 28 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
en faveur de la cohésion sociale
insérer les mots :
, de la diversité culturelle,
Cet amendement a été présenté et la commission comme le Gouvernement se sont exprimés.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. Roland Muzeau. Ce n'est vraiment pas possible !
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 3° du I de cet article pour insérer un alinéa après le sixième alinéa du I de l'article 33-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
en faveur de la cohésion sociale
insérer les mots :
et de la diversité culturelle,
Cet amendement a été présenté et la commission et le Gouvernement se sont exprimés.
Je le mets aux voix.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 101, présenté par M. Lagauche, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 3° du I de cet article pour insérer un alinéa après le sixième alinéa du I de l'article 33-1 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
cohésion sociale
insérer les mots :
, de la diversité culturelle
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Par cet amendement, nous souhaitons inscrire dans les conventions des éditeurs privés de services de télévision la poursuite de l'objectif de diversité culturelle.
La France a toujours joué un rôle moteur afin de promouvoir l'exception culturelle et a été à l'origine de la conception et de l'adoption par l'UNESCO, en octobre dernier, de la convention sur la diversité culturelle afin de promouvoir et développer les talents et les pratiques culturelles.
La télévision, vecteur quotidien de culture pour tous les citoyens français, se doit de prendre le relais de cette préoccupation et jouer un rôle dans le soutien, la création et la promotion de l'exception culturelle.
Le projet de loi dont nous débattons prévoit que les éditeurs de services de télévision privés devront dorénavant participer aux efforts en faveur de la cohésion sociale et à la lutte contre les discriminations.
Il semble tout aussi naturel que leurs conventions prévoient également une participation à l'expression de la diversité culturelle dans leurs programmes. Une telle obligation s'inscrit parfaitement dans une politique de promotion de la diversité et de lutte contre les discriminations.
En incitant ainsi, aux termes de la convention passée avec le CSA, des services de télévision privés à respecter le principe de diversité culturelle, la France honorerait pleinement ses engagements internationaux en matière de diversité culturelle et ses engagements nationaux en faveur de la promotion de la diversité et de l'égalité des chances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 101.
(L'amendement est adopté.- Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 100, présenté par M. Lagauche, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 4° du I de cet article pour insérer une phrase après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
cohésion sociale
insérer les mots :
, de la diversité culturelle
La parole est à M. Serge Lagauche.
M. Serge Lagauche. Cet amendement procède de la même démarche pour les chaînes publiques que celui que nous venons de défendre pour les chaînes privées.
Il nous semble souhaitable de faire figurer dans le cahier des charges des chaînes de France Télévisions et d'Arte France un effort en matière de diversité culturelle, au même titre que des obligations en faveur de la cohésion sociale et de lutte contre les discriminations. Comme pour les obligations conventionnelles des éditeurs de services privés, cette obligation permettrait aux télévisions de service public d'oeuvrer en faveur du maintien de l'exception culturelle française et de soutenir la création artistique et les pratiques culturelles dans toute leur diversité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 100.
(L'amendement est adopté.- Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas cohérent !
M. le président. L'amendement n° 813, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 4° du I de cet article pour insérer une phrase après la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 43-11 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
en faveur de la cohésion sociale
insérer les mots :
, de la diversité culturelle,
Cet amendement, quasi identique au précédent, a été présenté et la commission comme le Gouvernement se sont exprimés.
Je le mets aux voix.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Robert Del Picchia.
M. Robert Del Picchia. Monsieur le président, nous souhaiterions une suspension de séance de quelques minutes. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, mon cher collègue.
M. Roland Muzeau. C'est bien la peine de travailler le samedi ! Ça va être joli, dimanche matin !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt et une heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures cinquante.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le trouble est intervenu à la suite de ce qui pouvait apparaître comme une divergence entre la commission et le Gouvernement. Or il n'en est rien.
La commission s'attache toujours à ce que le texte du projet de loi soit le plus « propre » possible. Par conséquent, quand sa rédaction contient déjà une notion que l'on veut insérer par le biais d'un amendement, nous donnons un avis défavorable sur celui-ci. Ainsi, quand le texte fait référence à « une programmation reflétant la diversité de la société française », il est clair que cette formulation englobe la diversité culturelle.
Nous avons eu hier un débat similaire à l'occasion de l'examen d'un précédent amendement, quand il était question de préciser, après un « notamment », que des officiers de police judiciaire avaient finalement la possibilité de faire ce que tout un chacun pouvait faire aussi ! Ce n'est pas de bonne technique législative.
Pour que les choses soient très claires, nous allons maintenant nous en remettre, dans de tels cas, à la sagesse de la Haute Assemblée. Je souhaite surtout que la commission mixte paritaire s'attache par la suite à établir la rédaction la plus propre possible. Ce sera tout à l'honneur du Parlement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. On va « kärcheriser » tout ça !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 191 est présenté par M. Lagauche, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 814 est présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste - UDF.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans le texte proposé par le 5° du I de cet article pour compléter le deuxième alinéa de l'article 45-2 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, après les mots :
cohésion sociale
insérer les mots :
, de la diversité culturelle
La parole est à M. Serge Lagauche, pour présenter l'amendement n° 191.
M. Serge Lagauche. Cet amendement a le même objet que les deux précédents, mais il concerne les chaînes parlementaires.
M. Alain Gournac, rapporteur. Sagesse.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 191 et 814.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 268, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le I de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
... ° - Après l'article 80, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art... - Il est créé un fonds d'aide aux oeuvres cinématographiques, aux oeuvres de fiction et aux documentaires contribuant à faire revivre la mémoire de l'histoire de la France dans toute sa diversité. Ce fonds est géré par le Centre national de la cinématographie selon des modalités fixées par décret en Conseil d'État.
« Le financement de ce fonds est assuré par un prélèvement sur les recettes des salles de cinéma, par un prélèvement sur les abonnements et sur les recettes publicitaires des services de télévision autorisés par le Conseil supérieur de l'audiovisuel conformément aux articles 30 et 30-1 ou conventionnés conformément à l'article 33-1, par un prélèvement sur le produit de la redevance et sur les recettes publicitaires de la société mentionnée à l'article 44 et par un prélèvement sur les recettes de l'édition vidéo. »
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. L'inscription dans le projet de loi de l'impératif de la prise en compte, par tous les opérateurs audiovisuels, de la diversité de la société française est évidemment une avancée positive. Mais entendons-nous bien : cet impératif doit se comprendre dans son sens plein et entier.
En effet, il ne peut s'agir, pour nous, de ne défendre qu'une diversité de façade, qui ne serait qu'une diversité au rabais. En ce qui concerne le contenu des programmes, il faut envisager la manière dont la diversité de la France est montrée, mais aussi expliquée.
Pour sortir du mythe du « nos ancêtres les Gaulois », certes, parfois sympathique, mais aux conséquences souvent désastreuses, il est urgent de rappeler que la France est le fruit d'immigrations successives, depuis l'Antiquité jusqu'à nos jours. Il est urgent de faire enfin comprendre que la diversité est une richesse, en aucun cas un fardeau. De cela dépend notre vivre ensemble.
Or l'obligation faite aux opérateurs audiovisuels de s'impliquer dans la lutte contre les discriminations par le contenu même des programmes qu'ils diffusent ne pourra que difficilement trouver une traduction concrète si, par ailleurs, aucun soutien n'est apporté aux artistes et aux documentaristes qui s'appliquent à explorer et à retranscrire la diversité de l'histoire de notre pays.
On connaît les difficultés que rencontrent de nombreux artistes, si talentueux soient-ils, pour faire diffuser leurs oeuvres à grande échelle. Leur rôle dans la valorisation de la diversité de la France pourrait pourtant être considérable, pour peu qu'on leur donne les moyens de le jouer.
Aussi cet amendement vise-t-il à créer un fonds d'aide aux oeuvres cinématographiques, aux oeuvres de fiction et aux documentaires contribuant à faire revivre la mémoire de l'histoire de la France dans toute sa diversité. Ce fonds serait géré par le Centre national de la cinématographie, le CNC.
On l'aura compris, il s'agit là d'introduire un nouvel outil dans le champ de la cohésion sociale. Eu égard à l'importance des missions du CNC, cela nous semble parfaitement justifié.
Cela étant, qui dit fonds dit bien entendu financement. Ce financement peut s'opérer, évidemment, par redéploiement des fonds existants, ou, à l'instar de ce qui se pratique pour les autres fonds ayant vocation à aider la production, par un prélèvement sur les recettes des salles de cinéma, par un prélèvement sur certains abonnements et recettes publicitaires des services de télévision, par un prélèvement sur le produit de la redevance de la société France Télévisions, ainsi que par un prélèvement sur les recettes de l'édition vidéo. Tous les opérateurs audiovisuels seraient ainsi mis à contribution.
C'est à ce prix, monsieur le ministre délégué, que nous relèverons le défi immense auquel nous sommes confrontés : le défi de l'égalité des chances, le défi du vivre ensemble, en un mot, le défi de la République !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'idée est intéressante. La commission souhaiterait connaître l'avis du Gouvernement. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est donc l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué. Le 22 novembre dernier, à l'issue de sa rencontre avec l'ensemble des responsables des chaînes nationales de télévision, le Président de la République a annoncé une série de mesures en faveur de la cohésion sociale et de la lutte contre les discriminations dans le secteur de l'audiovisuel.
Parmi ces mesures figure la création, auprès du CNC, d'un fonds spécifique doté de 10 millions d'euros et ayant vocation à financer les oeuvres qui contribuent à la cohésion sociale, ce qui peut inclure, madame la sénatrice, la promotion de la mémoire de l'histoire de la France, dans sa diversité.
Cet amendement est donc inutile,...
Mme Raymonde Le Texier. Non !
M. Azouz Begag, ministre délégué. ... dans la mesure où une initiative, d'ailleurs plus large, a déjà été prise dans le sens souhaité par ses auteurs. Par conséquent, le Gouvernement y est défavorable. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Raymonde Le Texier. Pour une fois que la commission est d'accord !
M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Non, madame Le Texier, je n'ai jamais dit que la commission approuvait cet amendement ! Nous avons simplement souhaité connaître l'avis du Gouvernement avant de nous prononcer. Est-ce vous qui dirigez les débats maintenant ?
M. Roland Muzeau. On aimerait bien ! C'est pour l'année prochaine ! (Sourires.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Laissez-nous un peu respirer, tout de même !
Ayant entendu M. le ministre délégué dire pourquoi il était défavorable à cet amendement, nous exprimons nous aussi un avis défavorable. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 270, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le I de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le non-respect des dispositions des 2°, 3°, 4° et 5° du I de cet article est puni de la peine prévue au premier alinéa de l'article 78 de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986 précitée.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Le présent article vise à créer une nouvelle obligation pour les chaînes de télévision, tant publiques que privées, celle de participer à l'effort de lutte contre les discriminations et de promotion de la cohésion sociale.
Pour ce faire, les programmes des chaînes devront comporter des émissions abordant les thèmes de la diversité, de la multiplicité des cultures, afin de mieux refléter la société actuelle. Ils devront également traiter de sujets tels que la lutte contre les discriminations, contre le racisme, l'antisémitisme et la xénophobie.
La programmation constitue un premier volet de la politique que le secteur audiovisuel doit mener en faveur de la lutte contre les discriminations, mais cela ne suffit pas.
En termes d'emploi, ce secteur se doit d'être exemplaire, puisqu'il représente le vecteur de culture et d'éducation le plus efficace, compte tenu du temps passé par tous les Français devant le petit écran. L'obligation que j'ai évoquée vaut donc aussi pour l'emploi dans le secteur audiovisuel, lequel devra, à l'avenir, combattre les discriminations, souvent encore sensibles dans ce domaine.
Cette soumission de la télévision à ces exigences sociétales fondamentales permettra assurément de favoriser l'intégration et d'oeuvrer pour l'égalité des chances. Cependant, poser des exigences au travers d'une loi n'est pas tout, il faut aussi s'assurer que les dispositions adoptées seront effectivement appliquées, et donc les assortir de sanctions en cas de non-respect.
Par conséquent, je souhaite que le non-respect des nouvelles obligations s'imposant aux opérateurs audiovisuels en matière de promotion de la cohésion sociale et de lutte contre les discriminations soit passible, comme c'est le cas actuellement s'agissant d'autres obligations, d'une peine d'amende de 75 000 euros.
Il s'agit, purement et simplement, de la sanction aujourd'hui applicable aux chaînes qui ne respectent pas leurs obligations contractuelles, quelle que soit leur nature, figurant dans la convention ou dans le cahier des charges. Je souhaite que l'on élargisse le champ d'application de cette sanction au non-respect des obligations relatives à l'effort de lutte contre les discriminations et de promotion de la cohésion sociale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Selon quels critères le respect de l'obligation d'oeuvrer en faveur de la cohésion sociale et de la lutte contre les discriminations sera-t-il apprécié ? J'aimerais qu'on me l'explique ! La mesure présentée paraît difficilement applicable. En cas de discrimination notoire, les tribunaux et la HALDE, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, sont là pour sanctionner. En conséquence, la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué. Le Conseil supérieur de l'audiovisuel est déjà doté d'un pouvoir de sanction administrative très important. Je rappelle qu'il peut, selon la gravité des manquements des services audiovisuels, retirer une autorisation, en réduire la durée, suspendre la diffusion, prononcer une sanction pécuniaire, ordonner l'insertion d'un communiqué à l'antenne.
Je ne vois donc pas l'utilité d'ajouter une nouvelle infraction pénale. Pour cette raison, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il ne s'agit pas ici du pouvoir de la HALDE, monsieur le rapporteur, qui est de sanctionner un programme dont le contenu serait discriminatoire. Ce n'est pas cela.
Au travers de cet amendement, il s'agit d'essayer de trouver les moyens de contraindre les médias audiovisuels à refléter la diversité culturelle de la France, conformément à la philosophie de ce projet de loi, de les contraindre à manifester, en fait, la véritable identité nationale française, qui résulte, aujourd'hui comme hier, d'une alchimie entre des apports qui se sont succédé au cours des siècles, et en particulier depuis cinquante ans.
Mais, s'il n'y a pas de contrainte, tout peut être noyé.
Certes, le CSA a le pouvoir de suspendre certaines émissions, de suspendre la chaîne, de ne pas recontractualiser, mais la sanction est tellement énorme que, en l'occurrence, le Conseil ne la prononcera jamais. Je rappelle en effet qu'il s'agit de sanctionner non pas des propos ou des émissions discriminatoires, mais le non-respect des obligations figurant au cahier des charges, notamment favoriser la cohésion sociale et exprimer cette diversité culturelle dont nous parlons.
Par conséquent, si nous ne nous donnons pas ce soir les moyens concrets d'agir, notamment en acceptant la proposition de Mme Bariza Khiari, il ne nous restera qu'à constater que certaines chaînes ne respectent pas ou pas assez le cahier des charges, et rien ne changera.
En revanche, compte tenu du fait que de nombreuses chaînes sont motivées par le souci de leur seul « porte-monnaie » - elles ne proposeraient d'ailleurs pas ce genre d'émissions si l'argent n'était pas leur principale préoccupation - la menace d'une amende de 75 000 euros les incitera peut-être à accorder plus d'importance aux exigences dont nous discutons ce soir.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. J'ai écouté notre collègue avec attention et j'ai compris ce qu'il veut nous dire. Je réitère néanmoins ma question : sur quels critères allez-vous juger du respect par une chaîne de ces obligations-là ?
M. David Assouline. Mais de quoi parlons-nous ce soir ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Mais où commence le non-respect ? Et à partir de quel seuil peut-on estimer qu'il y a respect du cahier des charges ?
Je confirme l'avis défavorable de la commission
Mme Raymonde Le Texier. Ce n'est pas grave, cette loi ne sert à rien !
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Je ne suis pas favorable à cet amendement, car je crains qu'il n'entraîne une formidable multiplication de contentieux et donc de jurisprudences.
Sur le fondement d'un article ainsi rédigé, n'importe qui, n'importe quelle association, pourraient intenter des procès, à tort ou à raison. Est-ce bien utile d'aller encore agiter la société dès lors que nous avons déjà toutes sortes de moyens à notre disposition ? Nous en avons déjà discuté toute la nuit dernière : avec la HALDE et tout ce qui s'ensuit, nous devons pouvoir lutter contre la discrimination sans qu'il soit besoin, en plus, d'intenter des procès.
M. David Assouline. Si vous voulez dire que cette loi ne sert à rien, nous sommes d'accord !
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne suis pas forcément favorable à la multiplication des procédures judiciaires en la matière, mais nous sommes en train d'écrire un article de loi qui revient, en quelque sorte, à contraindre la télévision à respecter la diversité de la société et à en donner une meilleure représentation.
Or, en voyant ce qu'il advient du respect des règles que se sont pourtant déjà fixées nos chaînes de télévision, en particulier les chaînes publiques, on peut être sceptique quant aux effets des dispositions que vous proposez.
Nous sommes assez nombreux, et d'ailleurs de diverses sensibilités politiques, à soutenir les salariés et journalistes de France 3 qui protestent contre la suppression de l'information régionale et particulièrement de l'édition du journal de 12 heures 55.
Si j'établis ce parallèle, c'est parce qu'il se justifie. En effet, le cahier des charges de France 3 prévoit que cette société : « ... s'attache à développer l'information régionale et locale et à accroître le nombre d'éditions de proximité. Elle s'efforce d'augmenter les prises d'antenne par les directions régionales et d'utiliser une part croissante des programmes régionaux dans le programme national ».
Or, dans la pauvreté des programmes que proposent, hélas, les chaînes télévisuelles, on peut constater que les programmes régionaux donnent néanmoins une représentation de la diversité, du moins dans sa forme sociale. C'est notamment dans les éditions régionales de France 3 que l'on peut voir parfois des travailleurs, des salariés, des gens comme tout le monde, qui vivent, qui luttent, qui sont au chômage, dont les entreprises ferment ou sont délocalisées, toutes choses que présentent rarement les éditions nationales ; ces dernières montrent surtout ces faits divers tragiques qui ont malheureusement de tout temps existé et défrayé la chronique.
Par conséquent, nous sommes très sceptiques et nous craignons de ne formuler ici que des voeux pieux en faisant preuve d'une prudence très exagérée, alors qu'en fait, loin de donner des ordres aux chaînes de télévision, le législateur ne fait qu'exprimer son souhait de voir la télévision donner une image plus conforme de la vie réelle dans toute sa diversité et de notre société dans toutes ses composantes.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Arrivant au terme de l'examen de cet article, je voudrais, en signe d'amitié, saluer M. Begag, qui défendait son premier texte devant le Sénat, et lui dire le plaisir que nous avons eu à travailler avec lui. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, la présidence s'associe à ces propos.
TITRE III
CONTRAT DE RESPONSABILITÉ PARENTALE
Article 24 (précédemment réservé)
I. - Après l'article L. 222-4 du code de l'action sociale et des familles, il est inséré un article L. 222-4-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 222-4-1. - En cas d'absentéisme scolaire, tel que défini à l'article L. 131-8 du code de l'éducation, de trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale, le président du conseil général, de sa propre initiative ou sur saisine de l'inspecteur d'académie, du chef d'établissement d'enseignement, du maire de la commune de résidence du mineur, du directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales ou du préfet, propose aux parents ou au représentant légal du mineur un contrat de responsabilité parentale. Ce contrat rappelle les obligations des titulaires de l'autorité parentale et comporte toute mesure d'aide et d'action sociales de nature à remédier à la situation. Son contenu, sa durée et les modalités selon lesquelles il est procédé à la saisine du président du conseil général et à la conclusion du contrat sont fixés par décret en Conseil d'État. Ce décret fixe aussi les conditions dans lesquelles les autorités de saisine sont informées par le président du conseil général de la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale et de sa mise en oeuvre.
« Lorsqu'il constate que les obligations incombant aux parents ou au représentant légal du mineur n'ont pas été respectées ou lorsque, sans motif légitime, le contrat n'a pu être signé de leur fait, le président du conseil général peut :
« 1° Demander au directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales la suspension du versement de tout ou partie des prestations afférentes à l'enfant, en application de l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale ;
« 2° Saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale ;
« 3° Saisir l'autorité judiciaire pour qu'il soit fait application, s'il y a lieu, des dispositions de l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale. »
II. - Le code de l'éducation est ainsi modifié :
1° L'article L. 131-8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« L'inspecteur d'académie saisit le président du conseil général des situations qui lui paraissent justifier la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale prévu à l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles. » ;
2° L'article L. 131-9 est complété par les mots : «, sauf dans le cas où il a sollicité du président du conseil général la mise en oeuvre d'un contrat de responsabilité parentale ».
M. le président. La parole est à M. Jean-François Voguet, sur l'article.
M. Jean-François Voguet. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, disons-le d'emblée : les jeunes en rupture scolaire ne sont pas des délinquants et tous leurs parents ne sont pas démissionnaires.
M. Alain Gournac. , rapporteur. Personne ne l'a dit !
M. Jean-François Voguet. « C'est d'abord et avant tout à l'école que les vrais problèmes existent », comme le rappelait Luc Ferry à Nicolas Sarkozy en 2004, lorsque ce dernier proposait d'installer des « correspondants absentéisme » dans les collèges des quartiers difficiles ou de faire entrer les policiers en civil dans certains établissements.
Deux ans après, la vision répressive de l'école reste d'actualité et, plus globalement, des réponses sécuritaires sont apportées par ce gouvernement à des questions relevant surtout de l'urgence sociale.
Remarquons tout de même que cette question de la responsabilité parentale a refait surface au lendemain des graves événements de novembre dernier, et qu'elle est traitée dans ce texte sur l'égalité des chances prioritairement sous l'angle de la sanction, de la culpabilisation des familles et non dans le sens de leur responsabilisation ni du respect de la diversité propre à chacune d'elles.
Concernant les manquements à l'obligation scolaire, nous ne partons pas de rien : des textes existent et permettent une gradation dans l'accompagnement, l'obligation et la sanction des parents en difficulté.
En 2003, un groupe de travail placé auprès du délégué interministériel à la famille conclut que le défaut d'assiduité n'est jamais anodin, qu'il révèle, certes, une souffrance familiale, mais aussi l'ennui à l'école, la non-acceptation d'une orientation subie.
Les enseignants évoquent aussi des adolescents de plus en plus nombreux à travailler le soir et qui renoncent peu à peu à se lever le matin pour aller en cours. Autant de causes que votre gouvernement ignore, monsieur le ministre délégué, voire que vous aggravez en préconisant notamment l'orientation précoce vers l'apprentissage sans revaloriser cette filière.
Ce même rapport constatait que le traitement des absences par le biais de la suppression des allocations familiales était très inégalitaire selon les départements.
Considérant qu'effectivement cette sanction financière des familles était injuste et inefficace, les rédacteurs de la loi relative à l'accueil et à la protection de l'enfance de janvier 2004 ont entériné l'abrogation de l'article L.552-3 du code de la sécurité sociale prévoyant la suspension, voire la suppression, des prestations familiales en cas d'absentéisme scolaire. En revanche, une lourde sanction pénale a été ajoutée.
Parallèlement, ont été mis en place à tous les niveaux - établissement scolaire, inspection d'académie - des mécanismes privilégiant le dialogue entre l'institution scolaire et la famille avant l'ultime saisine du procureur de la République et l'éventualité d'une sanction.
Afin d'épauler les parents, en plus de la gamme des moyens dont disposent les Caisses d'allocations familiales, les CAF, et les services sociaux des départements, des modules de soutien à la responsabilité parentale ont été mis en place, l'installation de commissions départementales de suivi de l'assiduité scolaire a été prévue.
Sans bilan préalable des dispositifs de soutien à la parentalité existants, ni information sur l'application du dispositif actuel de lutte contre l'absentéisme scolaire, le Gouvernement propose d'ajouter le contrat de responsabilité parentale et de rétablir la suppression des allocations familiales en cas d'absentéisme ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale.
Je doute que nos discussions permettent d'éclairer les critères caractérisant la carence de l'autorité parentale, ou ceux conduisant les services sociaux du département à proposer le contrat de responsabilité parentale plutôt qu'une autre mesure d'accompagnement, et cela ne fera que confirmer le caractère dangereusement imprécis du dispositif.
Au-delà des questions que soulèvera le dispositif lors de sa mise en oeuvre, nous rejetons dans son principe même le contrat de responsabilité parentale et le renforcement des pouvoirs de sanction des présidents de conseils généraux.
Comme l'a déploré le président de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, ce projet « contient en germe un dévoiement des allocations familiales qui sont destinées à couvrir les charges que représente un enfant, et non à décerner un brevet de bonne conduite. »
La contractualisation suppose que deux parties s'engagent en toute liberté et qu'il en résulte des droits et devoirs pour chacune.
Le rapporteur de la commission des affaires sociales, un peu gêné tout de même de devoir argumenter en faveur du retour d'une sanction financière dont il rappelle le caractère inefficace et inéquitable, tente de nous convaincre « que contrairement au dispositif supprimé en 2004, la suspension des allocations familiales ne vient pas sanctionner une simple impuissance des familles mais leur absence d'engagement dans un processus de rétablissement de l'autorité parentale pourtant négocié avec elles. »
Arrêtons de jouer sur les mots : le contrat sera bel et bien imposé aux familles. L'objet du contrat de responsabilité parentale, c'est justement d'offrir une voie nouvelle, en marge des dispositifs fondés sur la démarche volontaire des parents. On peut le comparer à l'injonction thérapeutique, puisqu'il s'agit ici de contraindre les parents à suivre la bonne voie concernant l'éducation de leurs enfants.
La rédaction même de l'article, très précise s'agissant de développer le régime des sanctions applicables lorsque les obligations fixées au contrat n'ont pas été respectées, est plus ramassée lorsqu'il s'agit de détailler les mesures d'aide et d'accompagnement social dont pourront bénéficier les parents. L'essentiel, le contenu du contrat, est renvoyé à un décret en Conseil d'État !
Vous vous abritez derrière des dispositions visant la protection de l'enfance pour mieux vous défendre de vouloir mettre en place un mécanisme automatique de sanction. Mais, dans sa logique, l'article 24, comme d'ailleurs l'article 25, pose la sanction des parents via la suspension des allocations comme étant la règle et non l'exception.
Enfin, comment ne pas s'inquiéter du large pouvoir d'appréciation laissé au président du conseil général, autorité administrative et non judiciaire, pour décider d'une sanction, la suspension de prestations familiales, alors qu'il n'a aucune compétence pour attribuer ces dernières et qu'il n'existe aucune voie de recours permettant de contester des décisions faisant grief aux familles ?
Vous l'aurez compris, nous rejetons avec force le contrat de responsabilité parental qui, loin de responsabiliser les familles en cherchant à les ramener vers l'école, dans le vivre ensemble, contribuera en déséquilibrant leur budget à aggraver les causes de leurs difficultés financières, sociales et familiales.
M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, l'article 24 du projet de loi a pour objet de créer un contrat de responsabilité parental, conclu entre le président du conseil général et les parents du mineur en situation d'absentéisme scolaire et, plus largement, en cas de carence éducative.
Voici formalisée ici la vieille idée, prônée de longue date par la droite française, selon laquelle il est pertinent de suspendre les prestations familiales aux familles jugées « non méritantes ». Il s'agit là d'une approche libérale-sécuritaire des problèmes sociaux. On renvoie ainsi chacun à sa responsabilité individuelle !
Peut-être aurai-je l'occasion de revenir sur ce sujet dans la discussion, mais mon collègue Jean-François Voguet s'est déjà clairement prononcé sur l'article 24. Il y reviendra d'ailleurs en défendant l'amendement n° 801.
Cela dit, je ne peux m'empêcher de faire le lien entre le rapport de l'INSERM sur « le trouble des conduites chez l'enfant et l'adolescent » et le futur texte sur la prévention de la délinquance concocté par le ministre de l'intérieur, sans oublier bien sûr le non moins consternant - pour ne pas dire choquant - rapport de M. Jacques-Alain Bénisti sur la prévention de la délinquance. Notre collègue député y présente ce qu'il appelle « la courbe de la délinquance ».
M. Jean-Pierre Sueur. C'est l'horreur !
Mme Éliane Assassi. Elle figure en page sept d'un rapport que je n'hésite pas à qualifier de surréaliste : nous ne sommes plus dans la quatrième dimension, mais bien au-delà !
Je vous ferai grâce du commentaire de la courbe.
Mme Raymonde Le Texier. Non, lisez-nous ce document. Il faut que tout le monde sache que ce rapport est une véritable horreur !
Mme Éliane Assassi. Vous avez raison, chère collègue, je vais donc présenter rapidement cette courbe, car elle est effectivement édifiante !
Cette courbe, évidemment ascendante, est divisée en huit phases, représentatives chacune d'une tranche d'âge.
Pour la phase 1, de zéro à trois ans, le rapport fait état de « premières années sans problème ». Nous voilà rassurés, encore qu'il y ait des maladies infantiles, et je ne sais pas comment l'on doit les qualifier !
La phase 2, de quatre à six ans, se caractérise par des « difficultés de la langue + comportement indiscipliné ». Cela commence à s'aggraver !
De sept à neuf ans, nous passons à la phase 3, avec une « accentuation des problèmes du 2 + marginalisation scolaire + démission ou non maîtrise de l'éducation des parents + pas d'activité pré ou post scolaire ».
Mme Raymonde Le Texier. Ce n'est pas bien !
M. David Assouline. Pas d'argent, c'est tout !
Mme Éliane Assassi. De dix à douze ans, nous arrivons en phase 4 avec une « aggravation des problèmes du 3 + violence à l'école, redoublements des classes + début des petits larcins + conflits parentaux accentués et développement de la marginalisation ».
De treize à quinze ans, nous arrivons à la phase 5, qui se définit par l'« entrée dans la délinquance avec des vols à la tire, début de la consommation des drogues douces + absences répétées aux cours + toujours aucune activité pré ou post scolaire ». C'est extraordinaire, n'est-ce pas ? Mais que fait la police ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oh là là !
Mme Raymonde Le Texier. Il faut les envoyer au tennis, voyons !
Mme Éliane Assassi. De seize à dix-huit ans, nous parvenons à la phase 6, avec pour caractéristique « consommation de drogues dures + cambriolages + vie nocturne et utilisation d'armes blanches ». Quand on est adolescent, il est vrai que c'est terrible, la vie nocturne !
Mme Nicole Bricq. Nous connaissons !
M. Jean-Pierre Godefroy. Les sénateurs sont des prédélinquants, c'est bien connu !
M. David Assouline. Psychopathes !
Mme Éliane Assassi. En phase 7, de dix-neuf à vingt et un ans, on atteint presque le summum avec l'« entrée dans la grande délinquance + trafics de drogues, vols à main armée »
Voilà ce qu'est la courbe du rapport Bénisti !
Depuis plusieurs mois, on assiste ainsi à l'émergence d'un débat dans le pays sur la possibilité de dépister, de manière précoce, la délinquance potentielle chez les enfants.
Un tel débat est loin d'être anodin puisqu'il contient en germe une idéologie sécuritaire, répressive, stigmatisante, idéologie que, pour le moins, nous ne saurions accepter.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais le pire n'est jamais sûr !
Mme Éliane Assassi. L'objectif à peine voilé n'est-il pas de dépister des troubles chez l'enfant, dès son plus jeune âge afin de le médicaliser, comme c'est le cas aux États-Unis, où la Ritaline est déjà prescrite à cinq millions d'enfants ! Déjà, en France, la prescription de produits du même genre a triplé en quatre ans !
M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.
Mme Éliane Assassi. Veuillez m'excuser, monsieur le président, mais le commentaire de la courbe du rapport m'a pris un peu de temps.
Sous prétexte de prévenir la délinquance - à tout prix et, si possible, dès la crèche et l'école maternelle -, d'aucuns n'hésitent pas à vouloir mettre des bébés sous camisoles chimiques !
Dans le cadre de la théorisation d'un déterminisme, l'étude de l'INSERM tend en effet à démontrer que la délinquance serait en quelque sorte inscrite dans les gènes.
M. André Trillard. Cinq minutes, monsieur le président !
M. le président. Concluez maintenant, madame Assassi.
Mme Éliane Assassi. La génétique, le tempérament, la personnalité, « des traits de caractère tels que la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme, l'agressivité sont mentionnés comme associés à la précocité des agressions » et font partie, selon les experts, des facteurs de risque des troubles de conduite, ...
M. le président. Votre temps de parole est épuisé, madame Assassi.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Éliane Assassi. ...au même titre que les antécédents familiaux.
Ce retour à la conception dangereuse du « chromosome du crime » évite à ses partisans et à ceux qui les écoutent de se poser des questions aussi essentielles que celles relatives à la situation sociale en France, à la précarité, à la pauvreté, au chômage, à l'exclusion, à la « mal-vie », aux inégalités, à la faiblesse des moyens de notre système de santé, à la situation de la pédopsychiatrie, à la psychologie, mais aussi au devenir humain de notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, je couperai désormais le micro une fois les cinq minutes de parole écoulées.
Madame Alima Boumediene-Thiery, vous avez la parole.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, les dispositions de l'article 24 de ce projet de loi sont particulièrement inacceptables. Ce que le Gouvernement nous propose est non pas un contrat de responsabilité parentale, mais bien un contrat de culpabilité parentale !
Perpétuant les inégalités anciennes, dans la cohérence du principe de méritocratie qui caractérise ce projet de loi, ce contrat vient formaliser une vieille idée, celle de la suspension des prestations familiales aux familles non méritantes.
En effet, ce contrat suppose la modification de la nature des prestations familiales. Jusqu'alors, elles avaient pour fonction de soutenir les familles afin que ces dernières disposent d'un minimum de moyens pour le développement et l'éducation de leurs enfants. Désormais, ces prestations deviennent une prime au mérite et leur versement est conditionné non plus au niveau de ressources de la famille mais au comportement de l'enfant.
Conforme à la notion de société du mérite, qui rime avec société qui réprime, le contrat de responsabilité répond également à l'obsession sécuritaire du Gouvernement.
Ce contrat vicie le travail social, car sont introduites dans son champ injonction et contrainte dont le prononcé est confié à une autorité administrative non investie d'un pouvoir judiciaire.
Or de tels dispositifs d'injonction et de contrainte ne sont pas étrangers au cadre d'intervention actuel des travailleurs sociaux.
L'aide sous contrainte ou sur injonction de justice existe et permet d'ailleurs une pratique de travail social, dans la mesure où il s'agit d'un cadre posé par une instance tierce hautement légitime, le juge, qui laisse au travail social la possibilité d'aide, sa finalité initiale.
Encore une fois, je le répète, le projet de ce gouvernement est global. Il passe, à tous les échelons de la sphère sociale, par l'affaiblissement des juges, notamment grâce à l'incursion toujours plus grande des autorités administratives dans la périphérie du domaine judiciaire, et en ne donnant que des réponses sécuritaires. Or cela est inacceptable !
Ce que criminalise ce contrat de responsabilité parentale c'est hélas, le comportement des parents lu dans celui de l'enfant.
Dans ce projet, seuls les parents sont considérés comme responsables du comportement de l'enfant. Or, les travaux en psychologie du développement montrent que l'évolution d'un enfant dépend de facteurs multiples : éducation, moyens, structure familiale, mais aussi lieu et environnement de naissance, conditions de logement, de travail des parents, conditions sociales...
En outre, pour ce qui est de l'absentéisme ou l'échec scolaire, la question de la politique d'accueil des établissements est l'un des paramètres qui peuvent expliquer les différences de fréquentation. Au-delà de l'établissement, les causes des difficultés liées à la fréquentation ou au comportement sont multifactorielles.
Ce contrat ne se limite pas à responsabiliser les parents, il incrimine l'enfant mis en cause, qui devient alors coupable de la perte des prestations sociales, renforçant ainsi les difficultés ou les tensions relationnelles entre parents et enfants. Cela implique de nombreux effets pervers au sein de la famille. Il s'agit d'une double stigmatisation : celle de l'enfant dans le regard de ses parents et celle des parents dans le regard de l'enfant.
Le contrat de responsabilité parentale introduit aussi une double ou une triple peine : l'enfant lui-même est tout d'abord victime de la suspension des prestations, mais aussi ses parents, voire les autres membres de la fratrie.
En plus d'avoir des conséquences néfastes sur la famille, ce contrat aura des effets désastreux sur l'ensemble de la chaîne du travail social.
Les professionnels des services éducatifs et sociaux des départements sont ainsi placés dans une position qui change jusqu'à la nature même de leur intervention. La contrainte et la sanction deviendraient des parties intrinsèques de leur action, modifiant la relation et l'objet de leur intervention auprès des usagers.
Enfin, ce contrat exclut de fait le service social scolaire. Celui-ci est absent de ce projet de loi, le Gouvernement assumant ainsi la méconnaissance des missions et de la fonction d'un service pourtant essentiel au sein de l'établissement.
Ces missions relatives à la prévention de l'échec scolaire auraient dû faire l'objet de renforcements de la part du Gouvernement, lequel élude totalement la question du manque de moyens de l'ensemble des travailleurs sociaux, notamment ceux des établissements scolaires.
Je connais ces travailleurs, notamment ceux que représente l'Association nationale des assistants de service social : ils préfèrent aujourd'hui avancer des solutions alternatives, innovantes et efficaces et se mobiliser contre le rapport Bénisti que nous avons évoqué.
Monsieur le ministre délégué, je peux vous garantir que ces travailleurs sociaux ne pourront pas tolérer plus longtemps que vous tentiez de vicier la nature et la valeur de leur métier. Ils ont affirmé avec force qu'ils refusaient de devenir des délateurs dans le cadre des projets terrifiants de la détection de la violence. Ils affirmeront, avec la même force, qu'ils refusent de devenir les auxiliaires d'une police, la police sociale que le Gouvernement veut nous imposer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, le contrat de responsabilité parentale, prévu à l'article 24 du projet de loi qui fait aujourd'hui l'objet de nos travaux, prétend trouver des solutions à des situations particulièrement douloureuses concernant la carence éducative de parents, trop souvent, il faut bien le dire, issus des milieux défavorisés.
Rappelons certaines données. On dénombre dans notre pays un ménage sur dix en difficulté ; 114 200 mineurs en danger font l'objet de signalements judiciaires et 235 000 mineurs sont pris en charge au titre au moins d'une mesure de protection de l'enfance.
On remarquera, par ailleurs, que, en ce qui concerne la protection de l'enfance, la prise en charge financière des départements en ce domaine est passée en vingt ans de 2,3 milliards d'euros à 5,1 milliards d'euros.
Nous souscrivons, bien sûr, à une démarche de responsabilisation des parents ; toutefois, nous ne pouvons pas accepter le dispositif que vous entendez mettre en place. Pourquoi ?
Il s'agit, tout d'abord, d'un dispositif fonctionnant à deux vitesses, l'encadrement des familles débouchant inévitablement, en cas d'échec, sur la punition. Il s'agit donc d'une logique rigide où le terme de responsabilité masque mal la finalité du dispositif qu'est la sanction financière. Cela ne nous paraît pas compatible avec les objectifs d'éducation et de protection de l'enfance tels que nous les concevons.
Ainsi, dans le premier volet du dispositif, on nous propose d'encadrer les familles en situation de carence éducative en demandant au président du conseil général la prise en charge, pour une durée déterminée.
Tout à l'heure, ma collègue a fait référence au collectif national unitaire. Vous avez lu le document qu'il vient de publier. Je le résume en quelques mots, car le document est long.
Selon les termes du collectif, ce contrat place les professionnels des services éducatifs et sociaux des départements dans une position qui change jusqu'à la nature de leur intervention.
Ces professionnels poursuivent en disant qu'ils inviteront les présidents de conseil généraux - que ceux qui sont ici présents m'écoutent avec attention -, à refuser d'appliquer ces dispositions, car il ne faudra pas compter sur leur concours, du fait de leur éthique, pour mettre en oeuvre ce contrat.
Comment ces mêmes présidents feront-ils sans le « bras armé » que constituent les travailleurs sociaux ? Il en va de même des réactions des enseignants, des associations de parents d'élèves et de l'Union nationale des associations familiales, qui témoignent d'un désaccord majeur sur le fond.
Avec ce projet, on malmène le rôle même de l'école, dont l'une des caractéristiques est, après la famille, d'être un lieu de prise en charge des difficultés des élèves.
Par ailleurs, non seulement vous souhaitez faire des présidents de conseils généraux des auxiliaires de justice, mais encore vous voulez mettre dans une position inconfortable de juge les chefs d'établissements, qui devront décider, à partir du comportement de l'enfant - selon des critères que nous ignorons et qui restent certainement à déterminer -, si une famille a besoin d'un encadrement éducatif. Vous voyez jusqu'où cela nous mène !
Le deuxième volet de votre dispositif a trait à la sanction en cas d'échec, c'est-à-dire à la suspension totale ou partielle des allocations familiales. En un mot, vous considérez que la dissuasion par le porte-monnaie est le meilleur moyen de responsabiliser des parents qui auraient démissionné en matière d'éducation de leurs enfants.
À ce sujet, monsieur le ministre, êtes-vous sûr de la démission de la plupart de ces parents ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Cazeau !
M. Bernard Cazeau. Je conclus, monsieur le président !
Certains d'entre eux n'ont pas de réponse, du moins immédiate, à apporter aux problèmes de leurs enfants. Pour d'autres, plus défavorisés, le temps passé à la recherche d'un emploi ou de moyens de subvenir aux besoins de la famille va souvent de pair avec ces difficultés. Ce n'est pas pour autant qu'ils souhaitent renoncer à accomplir eux-mêmes l'éducation de leurs enfants.
Enfin, pour d'autres encore, la sanction financière survenant après l'échec, vous ne ferez qu'aggraver l'insolvabilité de la famille.
Comme le dit si bien le président de l'UNAF, vous ne ferez qu'« ajouter du malheur au malheur » ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons à un autre point clé de ce projet de loi : le contrat de responsabilité parentale. Sur ce dispositif, tout comme sur les autres articles phares de votre projet de loi, j'ai largement consulté les acteurs de terrain qui connaissent bien la réalité des familles. Qu'ai-je entendu ?
Aujourd'hui, les troubles du comportement de certains enfants se décèlent dès l'école maternelle, au moment du bilan réalisé à l'âge de quatre ans. On sait aussi que la prévention, pour avoir une chance d'être efficace, doit être très précoce. C'est dès la maternelle qu'il faut mettre en place une équipe pluridisciplinaire destinée à soutenir les enseignants confrontés aux enfants très difficiles.
On sait aussi que les intervenants, qu'il s'agisse des personnels éducatifs, sociaux ou psychopédagogiques, doivent agir dans la complémentarité. Toutes les institutions doivent apprendre à travailler ensemble, ce qu'elles font progressivement à travers la mise en place des contrats petite enfance, des zones d'éducation prioritaire et des équipes de réussite éducative.
Comme l'a dit l'une de mes interlocutrices en région, nous faisons « un travail de dentelle », enfant par enfant, situation par situation. Il n'y a pas de solution miracle quand il s'agit de rapiécer un tissu social difficile. Il est nécessaire de s'inscrire dans la durée et de se donner le temps de mesurer l'impact des actions engagées avec les familles.
Or c'est exactement ce que nous ne pourrons pas faire si, en adoptant l'article 24, nous venons modifier, en matière d'absentéisme scolaire, un dispositif qui a été mis en place par la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance. Cette loi a en effet instauré un plan d'action destiné à rénover et à renforcer le dispositif de lutte contre l'absentéisme scolaire, lequel abrogeait notamment le dispositif de sanction fondé sur la suppression des prestations familiales. Il y a deux ans, chacun, à commencer par le ministre chargé de la famille, était d'accord pour juger ce moyen de pression sur les familles inefficace et inéquitable.
Notre collègue Philippe Richert, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, rappelle fort justement que, pour les familles bénéficiaires du RMI, la suppression des prestations familiales entraînera de facto une augmentation du même montant de leur allocation, puisque cette dernière est différentielle. Nous avons du mal à comprendre ce revirement, alors même que nous ne disposons d'aucun recul sur la modification intervenue en 2004.
Cet article contient un deuxième écueil : la mise en oeuvre d'un contrat de responsabilité parentale pourra être déclenchée par « toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale ». Que recouvrira exactement cette formulation vague ? Laissée à l'appréciation du président du conseil général, ne peut-on craindre que ce qui sera toléré dans un département soit jugé insupportable dans un autre ?
M. Roland Muzeau. Bien sûr !
Mme Hélène Luc. C'est scandaleux !
Mme Valérie Létard. À constater les divergences qui sont apparues au sein de l'Association des départements de France sur cet article, il y a, je le crains, matière à s'interroger sur le traitement de cette mesure suivant les territoires. Pour ma part, en matière d'accompagnement de jeunes en voie de marginalisation, je préfère savoir qu'ils seront tous traités de manière homogène.
Enfin, dernière difficulté - et non des moindres -, l'article confie le pilotage du contrat au conseil général. J'ai bien entendu les explications justifiant cette décision par le fait que la décentralisation avait donné la compétence de l'aide sociale à l'enfance au département et que celui-ci était désormais la collectivité responsable en matière d'action sociale. Mais c'est ignorer plusieurs facteurs qui me semblent essentiels.
Tout d'abord, en matière de prestations familiales, qui, si ce n'est la caisse d'allocations familiales, peut connaître au plus près les aléas d'une famille ? C'est si vrai que le texte issu de l'Assemblée nationale prévoit la saisine du président du conseil général par le directeur de la CAF.
Par ailleurs, l'article a pour effet de confier au service de l'aide sociale d'un département le soin de l'élaboration, puis du suivi, enfin de l'évaluation du contrat de responsabilité parentale. Concrètement, cela signifie que les mêmes interlocuteurs auront d'abord un rôle d'aide et d'accompagnement, puis, si cela ne marche pas, un rôle de juge chargé d'appliquer ou non des sanctions. Comme M. Cazeau l'a rappelé, cela va totalement à l'encontre de la mission des travailleurs sociaux et de leur éthique.
Mme Raymonde Le Texier. Bien sûr !
Mme Valérie Létard. Comment voulez-vous qu'une famille, déjà mise en difficulté par l'un de ses enfants, puisse accueillir en toute confiance le travailleur social envoyé par le département ? Ce dispositif se révélera, à l'usage, contreproductif. C'est la raison pour laquelle notre groupe a déposé un amendement de suppression.
Nous avons présenté cet amendement à regret, n'ayant pu trouver le moyen de corriger l'article 24 de ses imperfections. Car mes interlocuteurs n'étaient pas défavorables à l'idée d'instaurer, pour certaines familles, la possibilité d'une sanction, qui servirait en quelque sorte d'aiguillon les incitant à mieux s'investir dans leur parentalité.
Mais force nous a été de constater que l'article, tel qu'il est rédigé, ne permet pas de trouver la coordination adéquate des différents acteurs et ne prend pas le problème au niveau où il doit être traité, c'est-à-dire dès le plus jeune âge de l'enfant, lorsque certains parents ont besoin d'être guidés dans l'apprentissage de la parentalité.
Car l'on ne doit jamais perdre de vue que les premiers éducateurs d'un enfant restent ses parents. C'est donc bien en amont de la sanction qu'il faut mettre de véritables moyens, dans la prévention précoce et dans un système éducatif renforcé, et ce dès le plus jeune âge.
Pour conclure, monsieur le ministre, je voudrais évoquer les moyens nécessaires à l'application d'un tel dispositif. Qui financera les personnels destinés à renforcer les services sociaux du conseil général ? Qui financera les tutelles aux prestations familiales qui découleront de l'application des nouveaux dispositifs prévus par cette loi ?
Je m'interroge également sur le point suivant : en cas de situation relevant de l'infraction pénale, le chef d'établissement devra faire appel au président du conseil général et ne pourra plus saisir directement le procureur.
M. le président. Veuillez conclure, madame Létard !
Mme Valérie Létard. J'aimerais que vous nous apportiez des précisions sur cette situation complexe qui relève non pas d'une compétence d'action sociale, mais bien d'une interpellation directe entre deux institutions différentes. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tout au long de ce débat, nous avons été amenés à donner notre sentiment sur l'équilibre général du projet de loi. Certaines de ses dispositions traduisent votre obsession des enfants en difficulté, notamment votre proposition d'une éviction précoce via l'apprentissage à quatorze ans de ceux d'entre eux qui sont en échec scolaire, qui perturbent la classe, qui sont moins concentrés, plus renfermés, plus agressifs. D'une façon plus générale, vous prévoyez, sans nuance, un ciblage sur la famille, responsable selon vous des difficultés des enfants.
Des parents irresponsables, il y en a sans doute, et ce dans tous les milieux sociaux. Cependant, nous le savons, dans l'écrasante majorité des cas, si les parents donnent le sentiment de ne pas assumer totalement leurs responsabilités, ils ont pourtant envie de bien faire, mais ils sont submergés par les difficultés quotidiennes, englués dans la survie. Ils élèvent, souvent seuls, deux, trois ou quatre enfants dans des deux pièces ou dans des taudis, dans des hôtels où il est interdit de cuisiner, dans des appartements où les enfants sont exposés au saturnisme.
À plusieurs reprises, certains à droite ont évoqué Cosette et Les Misérables. Je ne suis pas en train de faire du misérabilisme : les chiffres sont assez cruels, puisque 40 000 enfants sont aujourd'hui encore concernés par le saturnisme, avec tout ce que cela implique en termes de troubles neurologiques, par exemple.
Dans ces familles, loin de la caricature que vous en faites de gens qui ne se lèvent plus pour aller travailler ou pour accompagner leurs enfants à l'école, les parents quittent la maison tôt le matin et rentrent tard le soir, laissant l'enfant à la garde d'une soeur ou d'un frère plus âgé, voire de la télévision. Ces gens n'ont pas recours aux services payants d'aide aux devoirs, ils n'embauchent pas des employés à domicile.
Alors, oui, il faut faire quelque chose : il faut travailler sur les modes de garde et sur l'accompagnement des familles, comme le proposent ATD Quart Monde et Emmaüs. Ces organisations font de l'accompagnement individualisé avec patience et respect ; elles font du « sur mesure » et essaient de donner un sens collectif aux innovations individuelles.
Les moyens attribués aux services mobilisés dans les départements, qu'il s'agisse de l'aide sociale à l'enfance ou de l'action éducative en milieu ouvert, sont notoirement insuffisants. Certes, c'est au département de faire quelque chose, mais les transferts de charges n'ont pas été accompagnés des moyens suffisants. Aussi, nous proposons plutôt de réexaminer l'ensemble des politiques destinées à l'enfance et à l'adolescence avec les départements, en étudiant sans oeillères les propositions du monde associatif et des travailleurs sociaux, qui aiment leur métier, mais pas le rôle que vous entendez leur faire jouer !
Je voudrais dire aussi que nous sommes submergés, au Sénat, de rapports intelligents, généreux, innovants, souvent commandés par des ministres ou par des services de l'État, et je me désole qu'une fois arrivés sur nos bureaux ils soient voués à être rangés dans des tiroirs avant de partir à la benne ! La commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté », présidée par Martin Hirsch d'Emmaüs, a remis au ministre de la santé et des solidarités, le 21 avril 2005, quinze résolutions pour combattre la pauvreté des enfants.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
Mme Dominique Voynet. Ses propositions sont chiffrées. Elles constituent un programme d'actions extrêmement concrètes pour faire reculer la pauvreté des enfants et répondre à leurs difficultés.
Alors, monsieur le ministre, plutôt que d'abroger une disposition injuste puis de la remettre en oeuvre faute d'avoir lu les propositions formulées par la commission « Famille, vulnérabilité, pauvreté », je vous demande de prendre le temps de les lire et de revenir devant nous avec un projet qui tienne la route ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.
Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'article 24 prévoit la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale, proposé aux familles par le président du conseil général en cas d'absentéisme scolaire ou de toute autre difficulté manifestant une carence de l'autorité parentale.
Dans la foulée, l'article 25 introduit dans le code de la sécurité sociale la possibilité de suspendre le versement de tout ou partie des prestations familiales.
Et c'est bien cela qu'il s'agit de nous faire voter aujourd'hui : la possibilité de sanctionner les « mauvais » parents, reconnus uniques responsables de l'absentéisme scolaire de leurs enfants ou de leur comportement « incivique ».
Il est vrai qu'il est plus facile de sanctionner que de comprendre et d'apporter des solutions.
Il est vrai que culpabiliser les plus fragiles, déjà stigmatisés par leur précarité, est la réponse privilégiée de l'État aujourd'hui, qui, dans la même logique, propose de sanctionner les chômeurs, de sortir du système scolaire les élèves les plus démunis et de détruire le droit du travail, seule protection des salariés les plus fragiles.
C'est ce que vous voulez nous faire appeler tout au long de ces débats « l'égalité des chances ». Or ici, hélas, l'objectif est de produire non pas une société égalitaire « mais une société dans laquelle chacun peut concourir à égalité dans une compétition visant à occuper des positions inégales », et il s'agit d'une égalité des chances qui « risque de transformer la vie sociale en une sorte de compétition continue dans laquelle chacun serait le concurrent, sinon l'ennemi de tous, afin d'acquérir des positions et des ressources relativement rares » : telle est la démonstration de François Dubet, directeur d'études à l'École des hautes études en sciences sociales, qui montre combien cette formule « l'égalité des chances », correspond aux fondements de la doctrine libérale individualiste et inégalitaire.
Alors, plutôt que de viser l'égalité des chances, essayons déjà d'instaurer plus de justice sociale.
Le contrat de responsabilité parentale nous est présenté avec l'objectif de « responsabiliser les parents défaillants ». Comme si on avait attendu aujourd'hui pour accompagner les familles en difficulté ! Les élus des collectivités locales et des collectivités territoriales ont du mal à entendre cette provocation.
Quelle considération pour tous les travailleurs sociaux qui accompagnent au quotidien un nombre toujours croissant de familles et luttent pour préserver ce qui peut et doit l'être !
On parle ici d'un nouvel outil de l'action éducative en milieu ouvert. Mais pourquoi un nouvel outil quand les moyens alloués à la protection de l'enfance, notamment à la protection judiciaire de la jeunesse, la PJJ, sont en baisse constante au profit des établissements pénitentiaires pour mineurs ?
Là encore, il est plus facile de sanctionner que d'accompagner !
Je prendrai un exemple. Dans mon département, le Tarn, le centre d'action éducative de la PJJ, dont la mission est de travailler avec les mineurs et leurs familles, aussi bien au civil qu'au pénal, fonctionne avec des moyens de plus en plus restreints : les personnels à la retraite ne sont pas remplacés ; il n'y a plus d'argent pour prendre en charge les jeunes majeurs ; le nombre de mesures ordonnées est de plus en plus important pour un nombre d'éducateurs en baisse constante.
Ces éducateurs, dévoués et compétents, trouvent inadmissible que l'on sanctionne en quelque sorte leur travail. D'ailleurs, pour le faire savoir, des mouvements de grève sont annoncés en riposte à ce qu'ils perçoivent comme une provocation insupportable.
Vous le savez, à Lavaur, comme par hasard, dans cette petite ville de moins de 10 000 habitants, placée en zone essentiellement rurale, un établissement pénitentiaire pour mineurs ouvrira en 2007, alors que les vrais besoins ne sont pas là. Nous ne sommes pas dans le Tarn dans une zone de grande délinquance, à moins que cet établissement n'accueille ceux qui viennent de plus loin : Toulouse, Bordeaux, Montpellier.
Cet établissement bénéficiera de pléthore d'éducateurs, qui seraient bien plus utiles pour la prévention, pour soutenir les enfants en difficulté sociale, victimes des crises structurelles que connaissent nos bassins en reconversion vivant l'après textile.
Cet article 24 aborde le problème de l'absentéisme scolaire, phénomène particulièrement mis en exergue comme un signe de carence parentale. On le présente surtout comme le symptôme d'un décrochage par découragement, démotivation, donc comme une marque de l'inadaptation de notre système scolaire à l'évolution de notre société. Et alors ?
Le chômage, la précarité, la paupérisation d'une trop grande partie de la population, comme la difficulté pour ces familles de transmettre dans ce contexte un modèle sécurisant, porteur d'espoir pour l'avenir, nécessitent effectivement l'intervention de l'État. Son rôle est de compenser les inégalités, et non de faire porter la responsabilité des problèmes à ceux qui en sont les premières victimes.
Comment être un élève présent et avoir un comportement irréprochable quand, année après année, on se trouve en échec scolaire, passant de classe en classe au bénéfice de l'âge, que l'on est de plus en plus stigmatisé, voire humilié, et sans aucune possibilité de se valoriser ?
Comment s'inscrire positivement dans une institution qui, loin d'intensifier ses efforts pour donner une chance à tous, supprime peu à peu toute forme nouvelle de pédagogie ou d'aide ?
Toute la communauté éducative réclame des psychologues, des assistantes sociales, des surveillants. Or, depuis quatre ans, on supprime ces postes. On réduit les moyens des dispositifs relais qui, pourtant, apportent des réponses.
On a laissé à l'abandon les ZEP alors qu'on sait qu'avec des effectifs réduits à quinze, des enseignants formés et volontaires, des méthodes pédagogiques adaptées, on aurait des résultats.
On supprime des moyens aux associations périscolaires et de quartiers. On a même voulu supprimer le fonds social pour les cantines !
Si je récapitule, les solutions apportées par ce projet de loi sont donc l'apprentissage à quatorze ans et la suspension des allocations familiales à tous les parents dont les enfants manifestent, par leur comportement, leur sentiment d'exclusion.
M. le président. Veuillez conclure, madame Alquier !
Mme Jacqueline Alquier. Je conclus, monsieur le président !
Je ne retiens pas l'aspect « contrat » avec les parents pour apporter prétendument une aide. Tel n'est pas le sens premier de l'article 24, qui annonce surtout l'article 25 donnant la possibilité de supprimer les allocations et de sanctionner les familles en privant les plus défavorisées d'entre elles d'une part importante de leur budget. Depuis quand les prestations familiales sont-elles un cadeau fait aux parents ?
M. le président. Il faut terminer, madame Alquier !
Mme Jacqueline Alquier. J'ai terminé !
Supprimer les allocations familiales, l'idée n'est pas nouvelle. Pourquoi remettre en place ce dispositif qui a été supprimé, notamment par M. Jacob, et l'aggraver en cas de manquement ? Etes-vous si démunis, si désemparés face aux difficultés sociales de plus en plus manifestes, que vous ne pouvez plus maîtriser ?
M. le président. Vous n'avez plus la parole, madame Alquier ! (Mme Jacqueline Alquier poursuit son propos, mais le micro est coupé.)
La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mes collègues du groupe socialiste et du groupe CRC viennent d'évoquer devant vous un grand nombre de raisons bien étudiées que je fais miennes.
Cependant, j'éprouve le besoin d'intervenir pour attirer l'attention de notre assemblée sur la gravité de la décision que nous allons prendre. C'est non pas une petite mesure technique anodine, mais une décision qui atteindra un certain nombre de familles d'une manière extrêmement substantielle.
Ce seul point vaudrait la peine qu'on y réfléchisse bien, car il ne s'agit pas de n'importe quelles familles : ce sont les familles qui connaissent une difficulté. Attention, je n'entends pas par là les familles qui sont en difficulté parce qu'elles habitent dans les quartiers difficiles, car normalement la loi s'applique à tous.
Or que faisons-nous ? Nous décidons que les parents sont responsables du fait que leurs enfants, à certains moments, peuvent « sortir des rails ». J'attire l'attention de notre assemblée sur le fait que, par nature, les enfants sont turbulents. J'ajoute que, génétiquement, les adolescents sont programmés pour se mettre en danger. On n'y peut rien, l'espèce humaine est ainsi faite, et c'est à la culture de donner les indications qui permettent à la jeune personne de se construire.
Oseriez-vous dire que dans une famille où un jeune se drogue, pour prendre un cas extrême, les parents sont responsables ? Il ne leur suffit pas de connaître un malheur, il faut encore qu'on les en rende responsables ! Mais c'est n'y rien connaître ! Et les frères et soeurs de ce jeune, sont-ils aussi responsables ? En effet, la peine ne sera pas proportionnelle. Dans la prise en charge d'une fratrie, il y a des frais communs et les autres seront aussi frappés par la sanction. Je ne parle évidemment pas des familles qui ne comptent qu'un enfant, car vous savez très bien que les allocations ne représentent pas grand-chose dans le budget de ces dernières.
Cette seule absurdité devrait vous faire réfléchir et vous convaincre que ce n'est pas la bonne manière de procéder.
Certains de mes collègues m'objecteront qu'il y a tout de même un problème. Bien sûr, mais nous disposons déjà de voies de signalement pour les jeunes en danger. Facilitez-les, étendez-les, « rebrassez-les », mais n'instaurez pas un dispositif totalement nouveau qui crée une sanction aussi stigmatisante.
Par ailleurs, en règle générale, la sanction est décidée par la loi. Dans ce cas de figure, il s'agira d'un contrat. Sans revenir sur ce que j'ai dit hier au sujet de l'unité de la loi, qu'est-ce qu'un contrat ? Allez consulter les dictionnaires ! Vous verrez qu'un contrat repose nécessairement sur un rapport de forces. Dans un contrat, c'est le dominant qui fixe les conditions, pas le dominé.
Une sanction sera donc prononcée dans le cadre d'un contrat et non pas d'une loi. Qui la demandera ? Qui fera le signalement ? Précisément ceux-là mêmes qui, peut-être - je vous demande de ne pas oublier que j'ai toujours été un défenseur inconditionnel de l'éducation nationale et je vous saurais gré de ne pas sortir mes paroles de leur contexte - ont une responsabilité dans la situation de ces enfants.
Un enfant qui déserte l'école à des raisons personnelles de le faire ; elles sont peut-être d'ordre familial. Nous pratiquons actuellement une espèce de sociologisme étroit qui veut qu'un quartier fasse le comportement d'un individu. Cependant, il existe également des raisons liées à la pédagogie mise en oeuvre à l'école.
Nous savons que le modèle unique pédagogique actuel n'est parfois pas adapté à certains enfants. Il leur faudrait un autre modèle. Pour autant, cela ne signifie pas qu'ils ne sont pas éducables ; cela veut seulement dire que leur présence en classe est une souffrance. Tous les psychologues vous le diront et vous le démontreront !
Ensuite, qui prendra la décision ? Le président du conseil général ! Un tas de gens s'installeront donc dans une irresponsabilité absolue et diront que c'est le président du conseil général qui en a décidé ainsi : « Vous n'avez plus vos allocations ? Allez voir le président ! »
Tous ceux qui auront pris la décision s'en laveront les mains et en feront porter la responsabilité à celui qui, dans son bureau, devra, ne sachant trop que faire, s'en remettre - il le faut bien, puisque l'on ne peut pas tout savoir ni tout suivre - à ce que les agents d'une longue chaîne irresponsable auront décidé !
En conséquence, fait la dénonciation celui qui est peut-être responsable, prend la décision quelqu'un qui n'est pas en état d'apprécier, et qui la signifie ? Les travailleurs sociaux !
Tout de même, je vous ai connus, sur certaines travées, bien plus sourcilleux à l'égard de la liberté individuelle ! Comment acceptez-vous que quelqu'un qui dispose d'autres instruments d'intervention et de signalement des enfants mineurs se transforme, du jour au lendemain, auprès d'une famille, de travailleur social en juge ?
Comment acceptez-vous que des personnes privées, qui agissent dans un autre cadre que celui de la justice, se fassent des agents de cette dernière et soient à la fois les décideurs et les exécutants ? Ce n'est pas la liberté individuelle en République !
Les prestations sociales doivent toujours être liées à des conditions sociales, et tout le reste doit rester inconditionnel. À défaut, il existe un nom pour ce genre de pratique : le contrôle social.
Pour ma part, je suis sûr que ni vous ni nous ne voulons d'une telle chose, surtout si nous avons en tête les plus malheureux ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je souhaite revenir sur un sujet qui a été abordé tout à l'heure par Mme Éliane Assassi, à savoir le rapport de l'INSERM et l'utilisation qui en est faite.
Nous devons évidemment respecter la science. Notre mission n'est pas d'entrer dans les controverses scientifiques ; il nous suffit de respecter le travail des chercheurs.
Après avoir dit cela, monsieur le ministre, je veux insister sur un point : certaines utilisations politiques de la science sont, en fait, une nouvelle forme de scientisme à laquelle nous ne saurions souscrire ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
À cet égard, monsieur le ministre, je trouve tout à fait désolant que M. Xavier Bertrand ait publié un avant-projet de décret dans lequel il est question des quatre catégories de psychothérapie validées scientifiquement. Il existe un grand débat sur ce sujet parmi les scientifiques concernés, et je dois dire que M. Xavier Bertrand devrait montrer plus de prudence à cet égard.
De même, M. Gilles de Robien a publié un article assez étonnant le 28 février dernier dans le journal Libération, dans lequel il nous explique, neurosciences à l'appui - je n'ai rien contre les neurosciences ! - que les composants électriques et chimiques du cerveau permettent de trancher de manière tout à fait claire la question du mode d'apprentissage de la lecture. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'esclaffe.)
Que M. de Robien soit partisan de l'apprentissage syllabique, c'est son problème, mais pourquoi faire reposer sa conception sur les découvertes dans la « zone grise » du cerveau et les flux chimiques et électriques, qui ne souffriraient aucune discussion ? Il n'est pas acceptable qu'un ministre se mette à faire de la politique avec une certaine idée de la science !
De la même manière, est totalement absurde l'idée selon laquelle il faudrait procéder à des dépistages systématiques, précoces, de l'ensemble des enfants, de manière à repérer, dès la première et la deuxième année, les délinquants futurs.
Je citerai ce qu'ont déclaré un grand nombre de médecins, de pédiatres, de pédopsychiatres, de professeurs d'université : « Devant ces symptômes, les enfants dépistés seraient soumis à une batterie de tests élaborés sur la base des théories de la neuropsychologie comportementaliste [...]. Avec une telle approche déterministe et suivant un implacable principe de linéarité, le moindre geste, les premières bêtises d'enfant risquent d'être interprétés comme l'expression d'une personnalité pathologique qu'il conviendrait de neutraliser au plus vite par une série de mesures associant rééducation et psychothérapie » en attendant, bien entendu, « l'administration de médicaments, psychostimulants et thymorégulateurs » !
En effet, entre l'âge de un ou deux ans et celui de quatorze, quinze, seize ou dix-sept ans, interviennent l'éducation, le développement de la personnalité, mais aussi l'action des travailleurs sociaux, des enseignants, des éducateurs et le rôle des parents. Rien n'est déterminé ! Il est donc complètement absurde de se lancer dans tous ces projets de dépistage des difficultés dès l'âge de un ou deux ans. (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)
C'est une certaine idée de la liberté, de la personnalité des enfants, et donc des êtres humains, qui est ici en cause.
Je refuse, monsieur le ministre, le néo-scientisme gouvernemental. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. Ce qui me choque le plus dans ce débat, c'est que n'ait pas été abordé ce sujet de société fondamental, et pourtant rarement débattu dans cet hémicycle ou ailleurs : l'éducation des enfants, au sein d'un monde affecté par des bouleversements gigantesques, qui « percutent » l'éducation elle-même. On n'en parle pas ! Ces bouleversements, chacun peut les voir !
Nous-mêmes, en tant que parents et citoyens, nous sommes un peu perdus, car nous avons été élevés dans un monde où les règles, mais aussi les messages que nous recevions et la façon dont se transmettaient les modes de vie, étaient relativement clairs. Or que se passe-t-il aujourd'hui ?
Je suis déjà intervenu sur ce sujet en évoquant l'impact des médias, notamment de la télévision, sur l'éducation, mais aussi, plus globalement, sur la société.
Nous sommes à une époque où le chef d'un grand groupe télévisuel, en l'occurrence M. Le Lay, pour ne pas le nommer, peut dire, sans être sanctionné ou montré du doigt par les instances dirigeantes de ce pays, que TF1 a pour vocation de dégager du temps de cerveau humain disponible afin de permettre à Coca-Cola de vendre ses produits, ce qu'il assume entièrement, une époque où l'on envoie à nos jeunes et à nos concitoyens des messages déstructurants qui peuvent se résumer à la formule : « je consomme, donc je suis » ! Le zapping, le fait de passer d'une chose à l'autre, est devenu une pratique généralisée !
Toute cette déstructuration provoque effectivement des dégâts, auxquels les parents sont confrontés dans l'éducation de leurs enfants, et il ne s'agit pas uniquement des parents pauvres ou issus des classes défavorisées.
Nous sommes un certain nombre ici à être parents. Pour ma part, en tant que parent, j'essaie de me mettre à la page, d'être présent, et je ne pense pas être spécialement archaïque.
Mais je sais aussi que j'ai reçu une éducation qui m'a permis de surmonter les difficultés de l'adolescence. Car nous sommes tous passés par des moments où nous aurions pu franchir la ligne jaune, basculer, « décrocher » scolairement, mais grâce à la volonté de nos parents et aux moyens dont ils disposaient, nous avons pu nous ressaisir. Or ces moyens ne sont pas à la disposition des couches défavorisées de la population.
Face à ces problèmes, il aurait fallu envisager, dans ce projet de loi pour l'égalité des chances, tous les moyens supplémentaires, législatifs mais aussi humains, susceptibles d'aider ces parents, au niveau tant social - je pense notamment à l'École des parents - qu'éducatif, à travers l'instauration d'un dialogue entre la communauté éducative et les parents.
En effet, comme l'a très bien dit Jean-Luc Mélenchon, il arrive quelquefois que le décrochage scolaire des jeunes soit dû non pas à une quelconque faute des parents, qui n'auraient pas suivi suffisamment la scolarité de leurs enfants, mais à une carence de l'institution scolaire elle-même.
Tout cela est balayé dans ce projet de loi ! Ce qui est choquant et pour le moins politique, dans la façon dont cette question est abordée, c'est qu'elle aboutit à montrer du doigt des parents appartenant à une certaine catégorie sociale, dans la mesure où ce texte a pour objet de donner plus à ceux qui ont moins.
On ne dit pas comment on va aider les parents, mais comment on va les sanctionner et les culpabiliser ! Bien sûr, il y a des parents coupables, y compris dans les classes défavorisées. Mais le problème n'est pas là !
Si encore la cause principale du décrochage scolaire était la démission des parents ! Mais, selon les enseignants, les parents et tous ceux qui connaissent ces réalités, tel n'est pas le cas ! La raison principale du décrochage scolaire est d'ordre social, donc beaucoup plus fondamentale, et réside dans des valeurs transmises quotidiennement, basées sur la loi du plus fort, l'argent facile et le zapping.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. S'il n'y avait que cela !
M. Alain Gournac, rapporteur. Il ne faut pas exagérer ! Vous vous envolez ! Atterrissez !
M. David Assouline. Certes, ce n'est qu'un aspect des choses. Il faut y ajouter la politique économique actuelle, dans la mesure où les parents qui n'ont pas de travail ont du mal à se faire respecter par leurs enfants.
Quant à ces enfants, il faudrait leur proposer un autre avenir que le contrat première embauche, car nous en revenons à la mesure fondamentale de ce projet de loi : le CPE ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Malheureusement, c'est la vérité !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.
Mme Marie-Thérèse Hermange. Ainsi donc est convoqué dans ce débat, pour la première fois, l'espace privé, la famille, dans sa relation avec l'espace public, c'est-à-dire l'État et les collectivités locales, puisque ce sont ces dernières qui ont aujourd'hui la charge de la protection de l'enfance. Cet espace privé est convoqué par l'intermédiaire du contrat de responsabilité parentale que vous nous proposez, monsieur le ministre.
Un contrat, qu'est-ce que c'est ?
C'est un engagement qui lie deux parties. Mais, au-delà du cadre formel, cet engagement revêt une dimension relationnelle et humaine pour les deux parties qui le contractent.
Un contrat, c'est d'abord une prise de conscience. S'engager dans un contrat de responsabilité, cela signifie être lié par la décision que l'on prend d'assumer tel engagement vis-à-vis de l'autre partie, notamment quand celle-ci est plus faible, c'est-à-dire l'enfant.
La parentalité, c'est l'élaboration du processus selon lequel un homme va devenir père et une femme devenir mère. À chaque étape de ce processus vont se construire entre parents et enfants des interactions précoces, un attachement, un « accordage affectif », comme disent certains pédopsychiatres, qui vont, si l'image parentale est sécure, permettre à l'enfant de développer une image sécure, orientée, et un environnement intérieur affectif également sécure, qu'il construira aussi à l'égard du monde extérieur.
En revanche, si l'image parentale est défaillante, cet enfant sera désorienté. Dans ce cas, soit il sera atone, soit il aura la faculté de pratiquer certains modes de violence.
Mes chers collègues, pour avoir été en charge de l'aide sociale à l'enfance pendant quinze ans à Paris (Marques d'ironie sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.),...
M. Charles Pasqua. Ça vous fait rire ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. ...je sais qu'il peut y avoir des familles défaillantes dans tous les milieux, quelles que soient les catégories sociales.
Bien souvent, ce sont les partisans de la « culture de la non-famille »...
Mme Nicole Bricq. Qu'est-ce que c'est la « culture de la non-famille » ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On entend de ces choses !
M. Alain Gournac, rapporteur. Laissez-la parler ! C'est ça, votre conception de la démocratie ?
Mme Marie-Thérèse Hermange. ...qui ont contribué à faire en sorte que l'image parentale soit largement défaillante.
Lorsque les familles sont défaillantes, ce sont donc l'État et les collectivités locales qui viennent suppléer la famille et qui doivent assumer cette fonction parentale.
M. Jean-Luc Mélenchon. Ce n'est pas nouveau !
Mme Marie-Thérèse Hermange. En assumant cette fonction parentale, l'État et les collectivités locales disent aux parents : nous vous soutenons par une politique familiale et d'aide sociale à l'enfance, ainsi que par des prestations facultatives, mais, en contrepartie, puisque nous aussi devenons des parents, nous vous limitons quand vous dépassez les bornes.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela devrait être écrit dans le livret de famille !
Mme Marie-Thérèse Hermange. Nous vous limitons non pas en vous sanctionnant, mais en dialoguant, en vous accompagnant, vous et votre enfant. Nous vous proposons un cadre clair qui précise - et c'est l'objet du contrat de responsabilité parentale - les conditions de l'aide accordée aux parents, mais aussi la nature de leurs obligations.
Ce contrat doit recueillir l'adhésion des parents. Il rappelle aux parents leurs droits, mais aussi leurs devoirs et leurs obligations. Il est également accompagné de modules de soutien à la parentalité, qui doivent les aider concrètement. Il doit donc favoriser la prise de conscience.
Il s'agit d'un levier à utiliser - je sais que vous en êtes conscient, monsieur le ministre, comme tous les représentants des départements - avec circonspection.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP soutiendra votre démarche. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le ministre, je voudrais vous faire part de ma perplexité sur ce dossier. Mais, auparavant, je souhaite remercier le président de la commission des affaires sociales, le rapporteur, la présidence du Sénat et le Gouvernement d'avoir bien voulu consacrer la séance de ce soir à cette question, qui est particulièrement complexe. Pour ma part, je ne sais pas trop ce qu'il faut faire, et je le dis en m'appuyant sur mon expérience d'élu local.
Ainsi, dans le département du Rhône que j'ai l'honneur d'administrer, avec d'autres, comme Mme Dini et M. Fischer,...
M. Guy Fischer. Mais pas du même côté ! (Sourires.)
M. Michel Mercier. Monsieur Fischer, j'ai toujours pensé qu'une opposition responsable aidait la majorité à être meilleure et je vous remercie de l'aide que vous m'apportez constamment !
...dans le département du Rhône, dis-je, un peu plus de 5 000 enfants nous sont confiés. Je ne sais pas si vous vous rendez compte du travail que cela représente ! Nous consacrons à cette action un peu plus 170 millions d'euros. Cela mérite bien que l'on en parle un peu !
Parmi les mesures que vous nous proposez, monsieur le ministre, certaines sont intéressantes, d'autres mériteraient d'être complètement modifiées, et il en est dont je ne me servirai jamais.
Il y a d'abord l'enfant, puis la famille, les divers intervenants, et enfin le juge.
L'une des premières choses à faire, c'est d'éviter que le juge n'intervienne trop. Car on a trop judiciarisé la protection de l'enfance. Le juge doit intervenir uniquement lorsqu'il s'agit de prendre des décisions importantes, notamment en ce qui concerne le droit des parents en matière de filiation ou de garde des enfants. Les problèmes sociaux doivent être réglés par des procédures sociales.
Dans les services de l'aide sociale à l'enfance travaillent de vrais professionnels, dont nous avons grand besoin. Comme tous les intervenants sociaux, ils sont régulièrement critiqués. Mais il faut savoir que, sans eux, on ne parviendrait probablement pas à résoudre les difficultés que rencontrent les jeunes à l'école et dans la vie de tous les jours.
Vous nous proposez de passer des contrats de responsabilité parentale. Je suis tenté de vous dire qu'il y a bien longtemps que nous le faisons, et ce de façon habituelle.
Quand un gamin ne va pas bien, qu'il déserte l'école ou qu'il y joue les trublions, dans la plupart des cas, c'est le signe de problèmes sociaux. Si tel n'était pas le cas, une bonne fessée résoudrait l'affaire et il ne serait pas nécessaire de déplacer tout le monde. Nous sommes tous égaux à la naissance, puis interviennent les événements de la vie qui font que nous allons dans un sens ou dans un autre.
Mme Raymonde Le Texier. Il faut le dire aux collaborateurs du ministre : ils ne l'ont pas compris !
M. Michel Mercier. Dans ces conditions, que faire ?
On l'a dit, il ne faut recourir au juge qu'avec beaucoup de précautions, parce qu'une fois que la décision de justice est prise elle a l'autorité de la chose jugée et elle stigmatise la famille.
Il en va peut-être autrement ailleurs et je ne veux pas tirer d'une expérience locale une règle générale, mais je constate que, dans mon département du Rhône, la plupart des 5 000 enfants - pas tous, mais au moins 90 % d'entre eux - qui nous sont confiés viennent de familles qui sont dans des situations de pauvreté sociale et de pauvreté tout court. Beaucoup dépendent du RMI ou sont proches de l'exclusion.
L'un des plus simples contrats d'insertion que le conseil général passe avec les parents - 27 000 contrats ont été conclus l'an dernier dans le Rhône, et le chiffre ne cesse d'augmenter ! - prévoit que la famille accompagne et aille chercher l'enfant à l'école. C'est la condition pour le RMI.
Nous avons donc déjà ce type de contrat. Bien sûr, nous menons aussi toute une série d'actions d'aide à la parentalité, ce qui est normal puisque nous sommes tous d'accord pour dire que c'est d'abord aux parents de s'occuper de leurs enfants et, si l'on aide les parents, peut-être pourra-t-on non pas seulement économiser de l'argent, mais aussi réduire la « perte sociale », si je puis m'exprimer ainsi.
Aussi, monsieur le ministre, je suis plutôt pour le contrat. Mais la difficulté tient aux acteurs que vous voulez impliquer dans le contrat de responsabilité parentale.
Penser que les services de l'éducation nationale se rapprocheront d'une collectivité locale pour qu'elle passe un contrat afin d'obliger des gamins à aller à l'école, c'est franchement ne pas connaître l'éducation nationale. Ce n'est pas « demain la veille » que l'inspecteur d'académie écrira au président du conseil général pour lui signaler que tel ou tel enfant est absent de l'école et qu'il est grand temps qu'un contrat soit proposé aux parents ! (Sourires.) Le jour où cela se produira, les poules auront des dents, car, si l'éducation nationale veut garder une chose, c'est son autonomie et...
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Mercier.
M. Michel Mercier. Puisque vous en décidez ainsi, monsieur le président, je vais m'arrêter...
Mme Nicole Bricq. Dommage, c'est très intéressant !
Mme Dominique Voynet. Passionnant !
M. le président. Je ne fais qu'appliquer le règlement, monsieur Mercier.
M. Michel Mercier. Je sais bien que vous n'avez aucune liberté pour appliquer le règlement (Sourires.)...
M. le président. Eh oui !
M. Michel Mercier. ...et je vois le malheur profond dans lequel vous plonge l'obligation d'avoir à me couper la parole. Ainsi, M. le ministre ne saura pas ce que je voulais dire. (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur Mercier, si chacun décidait de la durée de son temps de parole, cette assemblée ne fonctionnerait plus !
M. Jean-Pierre Sueur. Comme Mme Alquier !
M. Michel Mercier. Je me tais, monsieur le président !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. J'ai écouté très attentivement chacun des orateurs qui se sont succédé pour exprimer leurs positions sur le contrat de responsabilité parentale. C'est en fait le débat sur la protection de l'enfance que la Haute Assemblée a amorcé. Ce débat, le Gouvernement entend le conduire à son terme, et j'aurai l'honneur de présenter prochainement au conseil des ministres une réforme de la protection de l'enfance,...
Mme Éliane Assassi. Oh là là !
Mme Nicole Bricq. On craint le pire !
M. Roland Muzeau. Cette réforme, c'est Sarkozy qui la fait !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...réforme qui, du point de vue du Gouvernement, s'impose. Mais, ce soir, il s'agit du contrat de responsabilité parentale : vous devez vous prononcer non pas sur le rapport Bénisti ou le rapport de l'INSERM,...
Mme Hélène Luc. C'est pourtant bien sur ces rapports que vous vous fondez !
M. David Assouline. C'est un scandale !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je n'ai pas reconnu le contrat de responsabilité parentale dans les descriptions qui en ont été faites par un certain nombre d'orateurs. Je considère par conséquent qu'il n'est pas mauvais qu'avant de discuter les amendements je puisse rappeler le contenu exact de ce contrat.
M. David Assouline. Prenez votre temps !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Il importe de tenter quelque chose pour remédier à des situations de détresse où des enfants de dix ou douze ans, livrés à eux-mêmes, gâchent leurs chances en désertant l'école ; ils sont chaque soir dans les rues de la cité, livrés aux caïds (Protestations sur les travées du groupe CRC.),...
Mme Éliane Assassi. Mais où vivez-vous donc ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. ... confrontés à des difficultés extrêmes, et personne ne les prend en charge.
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, qu'est-ce que vous racontez ?
Mme Éliane Assassi. On n'est pas à Bogotá !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Il s'agit d'amener des parents en plein désarroi, alors que, pour diverses raisons souvent très graves et qui se sont imposées à eux, ils ont baissé les bras,...
M. Roland Muzeau. À Passy ou à Auteuil peut-être, mais pas chez nous !
M. David Assouline. C'est n'importe quoi !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...à être en mesure de reprendre en main leurs enfants et à remplir de nouveau pleinement leurs fonctions auprès d'eux. Car figurez-vous que, la première inégalité des chances dans la vie, c'est dans la famille qu'elle se trouve quand, pour une raison ou pour une autre, un enfant n'est ni élevé ni suivi par ses parents.
M. Roland Muzeau. Quand les parents sont au chômage, c'est déjà une inégalité !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Bien sûr, face à ces réalités, on peut choisir de ne rien faire. Ce n'est pas le choix du Gouvernement !
Mme Dominique Voynet. Il a choisi pire que de ne rien faire !
M. Philippe Bas, ministre délégué. On peut aussi choisir le « tout répressif ». Ce n'est pas le choix du Gouvernement !
Le choix du Gouvernement, c'est l'aide aux parents.
Le choix du Gouvernement, c'est le suivi et l'accompagnement des enfants.
Le choix du Gouvernement, c'est le contrat, c'est-à-dire des droits pour les parents, des droits pour les enfants, mais aussi des devoirs pour les parents. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, les dispositions qui vous sont proposées créent la possibilité, qui n'existait pas jusqu'alors, de mettre en oeuvre un contrat qui va permettre d'accompagner les parents, de les réunir, de les aider avec le concours de professionnels qui sont au contact de l'enfance et conscients des difficultés des parents.
Je sais bien que c'est ce qu'il faut faire pour obtenir des résultats : le contrat est devenu une nécessité !
M. David Assouline. C'est un « truc » !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le parti du Gouvernement n'est en aucun cas de supprimer les allocations familiales,...
Mme Éliane Assassi. C'est pareil !
Mme Hélène Luc. Assumez ce que vous faites !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...comme je l'ai entendu dire dans une caricature totalement contraire à l'esprit même du texte qui vous est proposé ce soir par le Gouvernement.
Le projet du Gouvernement, c'est l'accompagnement des parents et, en cas de défaillance, non pas la suppression des allocations familiales, mais la possibilité, dans certains cas,...
M. David Assouline. Dites-nous lesquels !
Mme Éliane Assassi. C'est pareil !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Pas toutes les allocations familiales, mais celles qui correspondent à l'enfant concerné et, s'il en est ainsi décidé, une partie seulement de ces allocations familiales.
Mme Hélène Luc. Les enfants seront les premiers à en souffrir !
Mme Raymonde Le Texier. C'est ridicule !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Bien entendu, il s'agit non pas de suspendre systématiquement ces allocations familiales, mais de les suspendre dans les seuls cas où des parents qui auraient la capacité de remplir leur rôle, capacité qui aurait été observée par les travailleurs sociaux de l'aide sociale à l'enfance, se seraient dérobés délibérément à cette exigence. Quand au terme de ce travail collégial de l'aide sociale à l'enfance nous considérerons qu'il y a lieu d'utiliser cet instrument, c'est une dernière chance que nous donnerons aux parents avant de saisir la justice.
Mme Raymonde Le Texier. Ridicule !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Cette dernière chance, appuyée sur la suspension des prestations familiales pour trois mois renouvelables jusqu'à un an, il faut la saisir,...
Mme Raymonde Le Texier. Non !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...et non pas la refuser ! Sinon, c'est la justice, c'est la mise sous tutelle des prestations familiales, ce sont les décisions d'autorité, c'est la répression !
Nous créons une nouvelle étape avant la répression, et, cela, je n'ai pas honte de vous le proposer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Raymonde Le Texier. Vous avez tort ! C'est ridicule !
M. David Assouline. Vous n'avez honte de rien !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, pour avoir entendu ce qu'ont dit notamment d'anciens ministres des gouvernements de Michel Rocard et de Lionel Jospin, j'ajoute qu'à l'époque de ces gouvernements la règle applicable était non pas la suspension des allocations après l'échec d'un contrat de responsabilité parentale, mais, prévue par le code de la sécurité sociale, leur suppression !
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est vrai !
M. Guy Fischer. Cela n'a jamais été appliqué !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Aucun de vos gouvernements, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, n'a remis en cause cette disposition ! Vous étiez moins regardants à l'époque sur la nécessité de ne pas culpabiliser des parents ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Vous n'avez pas de leçons à donner dans ce domaine, car non seulement vous n'avez pas remis en cause ces dispositifs que vous jugez aujourd'hui scélérats, mais lorsque, sur l'initiative de Christian Jacob, le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin les a supprimés, vous avez refusé de voter leur abrogation. (Applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Double langage !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Il est temps de rendre sa véritable mesure à ce texte : ce n'est rien d'autre qu'une nouvelle chance offerte aux familles et aux enfants.
Je souhaite remercier Mme Marie-Thérèse Hermange, qui l'a fort bien compris.
Mme Raymonde Le Texier. C'est normal !
M. David Assouline. C'est une sainte !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je voudrais dire à tous ceux qui se sont inquiétés de la nécessité de développer la prévention des difficultés liées aux conditions de l'établissement du lien entre parents et enfants, que le Gouvernement partage entièrement leurs préoccupations.
Mme Hélène Luc. Il faut donner des moyens aux familles avant qu'elles soient en difficulté !
M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est d'ailleurs pourquoi j'avais demandé à Mme Hermange un rapport sur la prévention de la maltraitance avant la naissance, à l'occasion de l'accouchement, puis dans les premières semaines de la vie de l'enfant.
Mme Hélène Luc. Vous mélangez tout !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Ce rapport contribue à notre réflexion sur la protection de l'enfance et j'en intégrerai les conclusions dans les décisions que nous serons amenés à prendre pour réformer la protection de l'enfance.
Je voudrais aussi remercier M. Mercier, qui, à juste titre, nous a invités...
M. David Assouline. À retirer l'article !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...à l'humilité quand il s'agit de traiter ces questions, car ce sont des questions complexes pour lesquelles il n'y a pas de réponses automatiques et systématiques.
Ce sont des questions pour lesquelles je fais confiance, moi, aux services de l'aide sociale à l'enfance, sous l'autorité des présidents de conseil général, parce que ce sont eux qui ont à la fois l'expérience et la compétence,...
Mme Raymonde Le Texier. Mais quels moyens ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...acquise depuis maintenant plus de vingt ans, pour assumer la mise en oeuvre de ce contrat de responsabilité parentale. Je sais qu'ils le feront avec tout le discernement nécessaire, toute la générosité nécessaire, toute l'humanité nécessaire pour que nous obtenions enfin des résultats là où, aujourd'hui, nous sommes en présence de situations souvent tragiques pour les enfants, parce que, je le répète, ils gâchent leurs chances. Nous voulons les aider à rétablir leurs chances, et c'est là tout l'esprit de ce texte.
Je m'étonne d'ailleurs que vous ayez pu vous opposer avec autant de véhémence au développement de l'apprentissage pour les jeunes...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Hors sujet !
M. Roland Muzeau. Toutes les associations familiales sont contre !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...et que vous vous opposiez maintenant aux moyens que nous voulons mettre en oeuvre pour permettre à ceux qui désertent l'école d'y revenir. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. Toujours les mêmes recettes !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le contrat de responsabilité parentale est un instrument qui doit permettre d'éviter, comme le souhaitait tout à l'heure le président Michel Mercier, de passer tout de suite à la saisine de la justice, aux décisions d'autorités. C'est le moyen d'obtenir, dans la plupart des cas, un résultat dans l'intérêt de l'enfant et des parents, ce que nous souhaitons tous, sur l'ensemble des travées. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, avant d'aborder l'examen des amendements de suppression, compte tenu de la proposition de la commission des affaires culturelles, de la commission des lois et de la commission des affaires sociales d'amender l'article, je demande la priorité sur les amendements nos 71, 92, 523 et 895.
M. Jean-Pierre Sueur. C'est toujours la même technique !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y a pas de technique ! Sinon, le travail des commissions est inutile !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement pense que c'est la logique même. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La priorité est de droit.
Je suis donc saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 71 est présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles.
L'amendement n° 92 est présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 523 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, remplacer le mot :
propose
par les mots :
peut proposer
L'amendement n° 895, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
représentant légal du mineur
insérer les mots :
, sans préjudice des autres mesures d'aide sociale à l'enfance ou de la saisine de l'autorité judiciaire en vue d'une mesure d'assistance éducative,
La parole est à M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 71.
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. Cet amendement a pour objet de laisser une marge d'appréciation au président du conseil général sur l'opportunité de proposer aux familles la mise en oeuvre d'un contrat de responsabilité parentale.
Cette garantie est d'autant plus importante que celui-ci pourra être saisi de très nombreux cas de familles défaillantes par diverses autorités : le maire, le préfet, l'inspecteur d'académie, le chef d'établissement ou le directeur de la caisse d'allocations familiales. Il ne saurait avoir une compétence liée à leur égard.
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 92.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. J'ajouterai simplement que la substitution souhaitée d'un pouvoir d'appréciation discrétionnaire du président du conseil général à la compétence liée qui figure au projet de loi offre une rédaction à notre sens plus conforme au respect du principe de libre administration des collectivités territoriales et à l'interdiction d'exercice d'une tutelle d'une collectivité sur une autre.
M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard pour présenter l'amendement n° 523.
Mme Valérie Létard. L'article 24 du projet de loi relatif à l'égalité des chances définit le contrat de responsabilité parentale.
Cet article dispose : « En cas d'absentéisme scolaire, [...] de trouble porté au fonctionnement d'un établissement scolaire ou de toute autre difficulté liée à une carence de l'autorité parentale, le président du conseil général, de sa propre initiative ou sur saisine de l'inspecteur d'académie, du chef d'établissement d'enseignement, du maire de la commune de résidence du mineur, du directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales ou du préfet, propose aux parents ou au représentant légal du mineur un contrat de responsabilité parentale. »
Une compétence nouvelle est donc attribuée au président du conseil général. Mais, tel qu'il est rédigé, l'article laisse entendre que le président du conseil général pourrait être tenu de proposer un contrat de responsabilité parentale si un certain nombre de faits étaient portés à sa connaissance, ou s'il était saisi par les personnalités énumérées par la loi.
L'objet de notre amendement n° 523 est de préciser que le président du conseil général ne sera jamais dans l'obligation de proposer un contrat de responsabilité parentale. C'est pourquoi notre amendement tend à remplacer le mot « propose » par les mots « peut proposer ».
Cette précision nous semble très importante parce qu'admettre que le président du conseil général ait une compétence liée en la matière reviendrait à lui dénuer toute marge d'appréciation des dossiers qui lui seront soumis. Ce serait contraire aux principes élémentaires de décentralisation. Si l'on transfère une compétence nouvelle au département, ce dernier doit avoir la latitude nécessaire pour l'exercer en fonction des circonstances locales.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 895 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 71, 92 et 523.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit de restaurer une faculté pour le président du conseil général de juger de l'opportunité de recourir à un contrat de responsabilité parentale. Ce dernier, il est vrai, ne peut être que l'un des outils à la disposition du président du conseil général en matière de protection de l'enfance. Dans certains cas sérieux, celui-ci doit pouvoir passer directement à des mesures plus contraignantes comme une demande de mise sous tutelle, ou encore le déclenchement d'une procédure d'assistance éducative incluant un placement. Nous en sommes tous d'accord !
Or l'emploi du terme « propose », qui figure dans le projet de loi, signifie, selon une jurisprudence constante, que le président du conseil général a compétence liée : dès lors qu'il est saisi d'une demande, il est obligé de proposer un contrat à la famille, alors même que d'autres moyens seraient peut-être plus appropriés.
En ce sens, le dispositif proposé rendrait sa faculté d'appréciation au président du conseil général et lui permettrait de recourir à d'autres mesures. Cependant, il comporte également des dangers, notamment celui d'une application inégale selon les départements. À la limite, la mesure pourrait rester totalement inappliquée dans certains départements. C'est d'ailleurs la menace brandie par des collègues de l'opposition. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.). Si vous ne nous écoutez pas beaucoup, nous, on vous écoute !
M. Roland Muzeau. On dit les choses !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous n'avez cessé de vociférer pendant que M. le ministre parlait !
La voix de la raison veut que, lorsque le président du conseil général est saisi d'une demande de contrat, il ne reste pas passif. Il peut utiliser l'outil qu'il souhaite, mais cette demande doit impérativement être suivie d'effet, qu'il s'agisse de la signature effective d'un contrat ou de la mise en oeuvre d'une autre procédure. Tel est l'objet de l'amendement de la commission.
Je demande donc le retrait des amendements nos 71, 92 et 523 au profit de l'amendement n° 895 de la commission des affaires sociales.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. On ne saurait mieux dire que le rapporteur de la commission saisie au fond. Les quatre amendements participent de la même inspiration : on ne saurait priver le président du conseil général de toute liberté d'appréciation.
Toutefois, je ne souhaite pas arriver à une situation dans laquelle le président du conseil général pourrait choisir de ne rien faire. Il faut donc ouvrir à celui-ci une capacité de choix entre plusieurs formules, laquelle figure très précisément dans l'amendement de la commission des affaires sociales : le président du conseil général, face à une situation donnée, propose le contrat de responsabilité parentale, ou bien, si c'est très grave, saisit la justice, ou encore prend toute autre mesure d'aide sociale à l'enfance.
Ce contrat de responsabilité parentale s'est fortement inspiré de nombreuses expériences réalisées par certains départements. Je salue d'ailleurs l'expérience du département du Rhône que rappelait tout à l'heure le président Michel Mercier.
Je suis donc favorable à l'amendement n° 895 et je m'associe à la demande de retrait des amendements identiques.
M. le président. Monsieur Duvernois, maintenez-vous l'amendement n° 71 ?
M. Louis Duvernois, rapporteur pour avis. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 71 est retiré.
Monsieur Lecerf, l'amendement n° 92 est-il maintenu ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement est présenté par la commission des lois, dont je suis le rapporteur. Il n'est pas incompatible avec l'amendement proposé par le rapporteur de la commission saisie au fond.
J'estime que le président du conseil général n'est pas obligé d'avoir une réaction : si une demande lui est faite pour la quinzième, la vingtième ou la cinquantième fois par un maire, je ne vois pas pourquoi il serait obligé de prendre une mesure, quelle qu'elle soit.
En raison du principe de libre administration des collectivités, de l'interdiction de la tutelle d'une collectivité sur une autre, le président du conseil général doit avoir une appréciation discrétionnaire.
En revanche, je ne vois aucun inconvénient au fait que l'amendement de la commission saisie au fond s'ajoute au nôtre. Que le président puisse proposer autre chose que la signature du contrat me paraît tout à fait souhaitable.
M. le président. Monsieur Mercier, maintenez-vous l'amendement n° 523 ?
M. Michel Mercier. À l'évidence, nous le maintenons. Le président du conseil général, comme toute autorité administrative, doit garder, dans toute situation, un pouvoir d'appréciation. La compétence liée est néfaste, en particulier dans le domaine social.
M. le président. Les amendements n°s 92 et 523 étant maintenus, monsieur le rapporteur, quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission saisie au fond m'a demandé de défendre l'amendement n° 895, d'argumenter pour que le Sénat l'adopte. Je ne vais pas tout à coup donner un avis différent en séance.
J'émets donc un avis défavorable sur les amendements n°s 92 et 523, qui sont contradictoires avec l'amendement de la commission des affaires sociales.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je crois qu'en fin de compte nous sommes tous d'accord (Rires sur les travées du groupe CRC.) sur l'idée que le président du conseil général doit avoir la liberté de choisir la meilleure formule. Ce peut être, dans certains cas, un contrat de responsabilité parentale et, dans d'autres, des mesures de sauvegarde de l'enfance.
Il conviendrait donc de trouver une rédaction qui permettrait au président du conseil général de répondre à la demande soit par le contrat de responsabilité parentale, soit par toute autre mesure de nature à répondre à la situation qui lui est soumise.
Si nous ne trouvons pas la bonne rédaction ce soir, nous pourrons la parfaire lors de la réunion de la commission mixte paritaire.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L'Assemblée nationale n'en a pas discuté !
Mme Hélène Luc. La CMP ne remplace pas une séance publique !
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Pour ma part, je suis inquiet ! L'idée même que, dans des situations graves - carence de l'autorité parentale, absentéisme scolaire continu sur une longue période, comportements violents à l'école - le président du conseil général, en charge de la protection de l'enfance, pourrait ne rien faire, est insupportable. Sa mission est d'agir dans tous les cas.
Mme Raymonde Le Texier. La violence à l'école relève du juge pour enfants, pas du conseil général !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Il est très important que puisse s'exercer cette liberté d'appréciation, tant il est vrai que l'on ne peut prévoir toutes les situations et que certaines dispositions se révèlent plus adaptées que d'autres. Ainsi, il n'est pas certain que le contrat de responsabilité parentale soit dans tous les cas la meilleure formule, je veux bien l'admettre.
Cela étant, l'idée de retenir une rédaction tendant à permettre au président du conseil général en charge de l'aide sociale à l'enfance de ne rien faire face à des situations de carence parentale dont les effets sont aussi graves, me paraît pour le moins mauvaise.
C'est la raison pour laquelle, sur les deux amendements qui ont été maintenus, l'avis du Gouvernement demeure défavorable, au bénéfice de celui qu'a présenté tout à l'heure M. le rapporteur.
M. Guy Fischer. Voilà qui est clair !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Après avoir écouté avec attention le président de la commission des affaires sociales, il me semble que nous partageons tous l'idée selon laquelle il convient de donner au président du conseil général la possibilité de prendre la mesure qui lui paraît la meilleure, et non pas de l'obliger à aller dans telle ou telle direction.
C'est la raison pour laquelle je propose de rédiger l'amendement n° 895 de la manière suivante : Compléter la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 222- 4- 1 du code de l'action sociale et des familles par les mots : « ou prend toute autre mesure d'aide sociale à l'enfance adaptée à la situation ». (Exclamations prolongées sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Guy Fischer. Alors là !
M. Charles Pasqua. Laissez parler le rapporteur !
M. Alain Gournac, rapporteur. La rédaction que nous proposons a le mérite de laisser toute liberté au président du conseil général. Ainsi, dès lors qu'il est saisi par un tiers, qui souvent, d'ailleurs, est le maire, le président du conseil général ne peut rester passif. Mais il doit avoir le choix de la mesure la mieux adaptée à la situation, car le contrat de responsabilité parentale n'est pas forcément la meilleure solution.
M. Jean-Pierre Sueur. Avec le mot « peut », cela aurait été plus court et plus clair ! (Mme Dominique Voynet approuve.)
M. Charles Pasqua. Taisez-vous ! Laissez le rapporteur parler !
M. Roland Muzeau. Non, nous ne nous tairons pas !
M. David Assouline. Le texte n'est pas clair !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je remercie le président de la commission des affaires sociales de nous avoir éclairés ce point.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 895 rectifié, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, et ainsi libellé :
Compléter la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 222- 4- 1 du code de l'action sociale et des familles par les mots :
ou prend toute autre mesure d'aide sociale à l'enfance adaptée à la situation.
M. Jean-Pierre Sueur. Ce n'est pas clair !
M. Jean-Pierre Raffarin. Si, c'est très clair !
M. Guy Fischer. C'est une réécriture de l'amendement n° 895 !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je souhaiterais connaître l'avis des rapporteurs pour avis de la commission des affaires culturelles et de la commission des lois sur cette rédaction.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je demande le vote par priorité de l'amendement n° 895 rectifié.
M. Jean-Pierre Sueur. Eh oui, toujours la même technique !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement remercie la commission des affaires sociales de cette innovation rédactionnelle extrêmement précise, qui lui paraît de nature à trancher la question. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Il est tout à fait favorable à cette demande de priorité.
M. le président. La priorité est de droit.
La parole est à M. Godefroy, pour explication de vote sur l'amendement n° 895 rectifié.
M. Jean-Pierre Godefroy. Travailler dans de telles conditions n'est pas acceptable !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour une fois que nous faisons un vrai travail parlementaire !
M. Charles Revet. Effectivement !
M. Jean-Pierre Godefroy. Il s'agit peut-être d'un travail parlementaire, monsieur About, mais je soutiens que nos conditions de travail ne sont pas acceptables !
Sans vouloir ralentir de quelque façon que ce soit nos débats, il me semble que, compte tenu de la difficulté du sujet traité, nous devrions disposer du texte écrit de l'amendement n° 895 rectifié avant de nous prononcer.
M. le président. Il est en train de vous être distribué.
La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. L'amendement proposé par la commission des affaires sociales achève de tuer le contrat de responsabilité parentale : j'ai déjà tenté de le démontrer précédemment, à travers le document que viennent de publier les travailleurs sociaux. Comme l'a dit M. Mercier, ceux-ci sont en quelque sorte le bras armé des présidents de conseils généraux, puisque, sans eux, il serait bien difficile, pour ne pas dire impossible, de prendre des mesures en faveur de la protection de l'enfance.
Ce contrat est inapplicable sur le terrain par les présidents des conseils généraux, et je vous donne un an pour le vérifier. C'est ma première remarque.
Par ailleurs, l'amendement de la commission apporte un peu plus de confusion - et encore, je suis gentil ! - à la proposition de MM. Mercier et Lecerf - proposition tout à fait judicieuse, au demeurant, puisque ce contrat est inapplicable - selon laquelle il convient de remplacer le mot : « propose » par les mots : « peut proposer ».
À la limite, j'aurais été plutôt enclin à voter les amendements identiques de MM. Mercier et Lecerf qui, finalement, nous faisait revenir à la situation actuelle, le contrat de responsabilité parentale n'existant plus. Vous vous en êtes évidemment aperçus puisque vous avez décidé de les rejeter.
En revanche, vous vous déclarez favorables à l'amendement « mi-chèvre mi-chou », comme l'on dit dans mon département et sans doute ailleurs, déposé par M. le rapporteur, qui essaie de se dépêtrer de ce mot « peut » dont il ne veut pas, étant apparemment conscient que ce terme ne ferait qu'ajouter l'inappliqué à l'inapplicable !
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est bien la raison pour laquelle je ne l'ai pas retenu !
M. Bernard Cazeau. Au moins cinquante-trois présidents de conseils généraux de gauche affirment que ce contrat est inapplicable et que, de toute façon, ils ne l'appliqueront pas.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ils seront en dehors de la loi !
M. Bernard Cazeau. Je demande donc une suspension de séance pour réfléchir au sens de l'expression : « peut proposer ». (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, pour explication de vote.
M. Alain Vasselle. À ce stade du débat sur l'article 24 et sur la série d'amendements qui ont été défendus tant par MM. les rapporteurs que par Mme Létard, je voudrais faire trois observations : l'une sur la méthode, l'autre sur la forme, et la dernière sur le fond.
S'agissant de la méthode - il me semble d'ailleurs, monsieur le président, qu'il conviendrait de tirer des enseignements de cette séance et du long débat qui se déroule depuis plusieurs jours - je note, que, pour une fois, nous bénéficions, dans la discussion d'un texte aussi important que celui qui nous occupe, de la présence des rapporteurs tant de la commission des lois, que de la commission des affaires culturelles, de la commission des affaires économiques et de la commission des finances, sans oublier la commission des affaires sociales, saisie au fond Or, que je sache, tous ces rapporteurs se rencontrent et travaillent ensemble.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !
M. Alain Vasselle. Dès lors, je suis quelque peu surpris que nous soyons obligés, en séance publique, de modifier un amendement afin de parvenir à un texte commun. Ce travail aurait dû être réalisé avant que ne commence la discussion en séance publique, ce qui nous aurait permis de gagner un temps considérable.
En définitive, s'il en est ainsi, c'est sans doute - sauf si M Mercier nous dit tout à l'heure qu'il souscrit à la suggestion du président de la commission des affaires sociales - parce qu'il existe un désaccord de fond sur la proposition qui vient d'être faite, de façon tout à fait pertinente, par Alain Gournac.
Je ferai maintenant une remarque sur la forme.
Alors que le reproche a souvent été fait à des membres du Sénat n'appartenant pas à une commission de proposer des amendements « extérieurs » - car c'est plutôt en commission qu'il faut essayer d'améliorer les textes et de faire avancer les dossiers - je constate que le Sénat vient de montrer une fois de plus qu'il est possible, en séance publique, de modifier un texte. Je ne puis que m'en réjouir, car cela contribue à la richesse de notre démocratie, et c'est bien ainsi que je conçois le fonctionnement de notre assemblée.
J'en viens, enfin, au fond de cet amendement.
Je tiens à dire à mon collègue Bernard Cazeau que l'on ne saurait approuver sa proposition de suppression de l'article 24. En effet, pour avoir parfaitement compris, me semble-t-il, le message de M. le ministre, soutenu M. par le rapporteur et par M. le président de la commission des affaires sociales, il est souhaitable que les instances concernées ne restent pas inactives face à des enfants se trouvant confrontés à des difficultés multiples.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est exact !
M. Alain Vasselle. Nous pensons que chacun doit prendre ses responsabilités et que le président du conseil général doit également assumer les siennes, sous une forme ou sous une autre. Certes, il peut s'agir du contrat de responsabilité parentale, mais cela peut-être une autre disposition qu'il puiserait dans l'arsenal des mesures dont il dispose pour mettre fin à la situation de ces enfants en difficulté.
En effet, selon nous, l'essentiel est que le président du conseil général propose à la famille une solution - qu'il s'agisse du contrat de responsabilité parentale ou de toute autre mesure -, et non pas qu'il puisse s'affranchir de toute proposition, ce qui serait possible avec le terme « peut ».
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est pour cela que nous n'avons pas voulu aller dans ce sens !
M. Alain Vasselle. Cela reviendrait à maintenir le statu quo, ce qui ne nous paraît pas souhaitable.
Dès lors, la rédaction que proposent le rapporteur et le président de la commission des affaires sociales me semble tout à fait pertinente, en ce qu'elle va dans le sens du souhait émis par la majorité du Sénat. J'espère que M. Mercier, avec le bon sens que nous lui connaissons, la soutiendra. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je souhaite faire un rappel au règlement, car l'amendement n° 895 rectifié qui nous a été distribué est mal rédigé.
Cet amendement est ainsi libellé : Compléter la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 222- 4- 1 du code de l'action sociale et des familles, après les mots : « ou prendre tout autre mesure d'aide sociale. »
Cette rédaction n'est pas correcte dans la mesure où les mots qui sont cités ne figurent pas dans l'article. Adopter l'amendement en l'état serait tout simplement absurde. Ce texte témoigne des conditions déplorables dans lesquelles nous travaillons.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Sueur !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, nous sommes saisis d'un amendement rectifié qui est sensiblement différent de celui qui avait été présenté initialement. Par ailleurs, deux rapporteurs pour avis ont présenté le même amendement adopté par leurs commissions respectives.
Dans ces circonstances, la demande d'une suspension de séance de dix minutes ou d'un quart d'heure (Exclamations sur les travées de l'UMP.)...
M. Alain Gournac, rapporteur. Pourquoi pas une demi-heure !
M. Jean-Pierre Sueur. ... qui a été formulée par M. Bernard Cazeau me paraît pleinement justifiée, afin que nous puissions réfléchir au vote que nous allons émettre sur cet amendement.
Monsieur le président, la sagesse doit vous conduire à accéder à la demande de Bernard Cazeau.
M. Charles Revet. Cessez vos manoeuvres d'obstruction !
M. le président. Monsieur Sueur, je ne doute pas que votre sagacité vous permette de comprendre l'amendement.
M. Jean-Pierre Sueur. Mais il n'est pas rédigé correctement !
M. le président. Je constate avec vous que l'amendement qui vous a été distribué comporte une erreur rédactionnelle, qu'il convient de rectifier. Il faut le lire ainsi : Compléter la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles par les mots : ou prend toute autre mesure d'aide sociale à l'enfance adaptée à la situation.
Il s'agira donc de l'amendement n° 895 rectifié bis.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour répondre à notre collègue et ami Alain Vasselle, il est bon que les différents rapporteurs donnent leurs avis en séance publique. Sinon, pourquoi seraient-ils si nombreux ?
Si les rapporteurs s'accordaient avant la séance sur un avis unique, que le rapporteur de la commission saisie au fond serait chargé d'exprimer, il n'y aurait plus de débat ! Il est sain que notre pensée chemine au grand jour, la réflexion parlementaire débouchant sur une rédaction commune qui donne satisfaction à tous, ce qui fait la grandeur du Sénat.
Je le souligne, le texte du projet de loi n'est pas modifié par un sous-amendement, mais par un amendement rectifié de la commission saisie au fond, dont le rôle, précisément, est de rapprocher les positions des uns et des autres, comme elle s'est efforcée de le faire ce soir, avec succès, me semble-t-il.
M. David Assouline. Non !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous avons accordé une palette de possibilités au président du conseil général. Il serait absurde de revenir sur ces dispositions en se prononçant sur un texte aux termes duquel le président du conseil général « peut proposer » des mesures.
M. le président. Si l'amendement n°895 rectifié bis est adopté, les amendements n°s 92 et 523 deviendront sans objet !
La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Je remercie le président Nicolas About, qui devient spécialiste de la priorité ! (Sourires.) Il nous explique que celle-ci s'applique à son propre amendement. Par conséquent, si nous ne l'approuvons pas, nous sommes dans une impasse. (MM. Jean-Pierre Sueur et David Assouline applaudissent.) Voilà qui a le mérite d'être clair ! C'est d'ailleurs la seule chose de claire dans l'affaire !
J'ai appris que la loi devait être intelligible et compréhensible par tous. Or, avec cet amendement, monsieur le ministre, malgré tout l'amitié et le respect que j'ai pour vous, ce n'est pas le cas ! Le rôle de M. le rapporteur est de vous soutenir, naturellement, et il le remplit fort bien, mais cela ne suffit pas.
Vous affirmez que, dans tous les cas, le président du conseil général devra agir. Vous proposez donc qu'il ait compétence liée dans le cadre du contrat de responsabilité parentale. Toutefois, cette disposition ne tient pas la route juridiquement, et ce pour une raison très simple : pour faire en sorte que le président du conseil général ait compétence liée, il convient de définir préalablement la situation à laquelle celui-ci devra répondre, ce que ce texte ne fait pas. Comme ce projet de loi n'est pas vraiment un monument juridique, qu'il présente une faiblesse de plus ou de moins n'est pas très grave. (Sourires.)
Mes chers collègues, s'agissant de l'amendement que nous présente le rapporteur, je n'ai aucun amour propre d'auteur. Dans le texte que j'ai présenté, le président du conseil général « peut proposer », ce qui exclut toute idée d'obligation. Dans la rédaction de M. le rapporteur, il peut « prendre toute autre mesure adaptée à la situation ». Mais comme cette dernière n'est pas définie, le président du conseil général n'est pas obligé d'agir, ce qui est exactement ce que je proposais !
La seule différence entre les textes est que là où il n'y avait qu'un mot, on trouve à présent deux lignes. Mais comme cette loi était un peu trop courte et trop claire, il était urgent d'y remédier ! (Sourires.) Grâce à l'action de M. le président de la commission, qui souhaite que son bel amendement soit soumis au vote du Sénat en priorité, et à la clarté de M. le rapporteur, nous avons exprimé en quinze mots ce qui pouvait l'être en un seul. Cela nous aura occupés !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Il me semble que nous vivons un moment d'anthologie. Certes, je n'ai ni l'ancienneté ni l'expérience de certains membres de cette assemblée, mais c'est la première fois que je vois trois commissions présenter le même amendement sur un article !
Nous sommes surpris que la commission des affaires sociales ait retenu cet amendement, auquel nous nous étions opposés sur la forme et sur le fond. Nous partageons l'analyse qu'a développée Michel Mercier car, de toute évidence, la difficulté que pose cette rédaction n'a pas été résolue.
Monsieur le ministre, je souhaite revenir sur les propos que vous avez tenus, car j'ai été très choqué lorsque vous avez affirmé que les enfants à qui s'appliquerait ce contrat de responsabilité parentale étaient « livrés aux caïds » des quartiers. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Belle vision de la société !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous sommes loin de l'amendement !
M. Guy Fischer. Je ferai sourire mon collègue Roland Muzeau, mais je rappellerai que je suis depuis de très nombreuses années le conseiller général d'un quartier emblématique...
M. Roland Muzeau. Les Minguettes ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. ... celui des Minguettes, qui se trouve aujourd'hui confronté à ce type de problèmes.
Or les contrats de responsabilité parentale s'appliqueront à des enfants âgés de dix à quatorze ans, qui sont donc pour la plupart au collège. À l'évidence, il faut méconnaître totalement la réalité pour stigmatiser à la fois les enfants et les familles de ces quartiers.
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous êtes hors sujet !
M. Guy Fischer. Monsieur le ministre, quand des enfants connaissent des difficultés, c'est en général parce que leurs familles sont confrontées à des problèmes sociaux, économiques et culturels très profonds. Ces quartiers subissent avant tout des situations de pauvreté et d'extrême précarité. Je vous défie de démontrer le contraire !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous recommencez la discussion générale ! Vous ne vous prononcez pas sur l'amendement !
M. Guy Fischer. Par exemple, dans l'agglomération lyonnaise, lorsqu'un enfant se trouve en difficulté, et qu'il apparaît qu'il sème le trouble et commet des actes graves, on le change de collège.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas le sujet !
M. Guy Fischer. Toutefois, cela ne suffit pas. Nous avons besoin d'établissements spécialisés et dotés de plus de moyens. La seule réponse que ce projet de loi apporte à ce problème réside dans les collèges « ambition réussite ». J'ai tenté de prendre contact avec M. de Robien au sujet des Minguettes. Ce quartier compte trois collèges, dont l'un, qui porte le nom d'Elsa Triolet, a été retenu dans le cadre de cette oeuvre de propagande qu'est la création des collèges « ambition réussite ».
Or savez-vous où l'on trouvera des moyens pour doter le collège Elsa Triolet ! Dans les collèges Paul Eluard - où j'ai enseigné en 1971 - et Jules Michelet, qui perdront, notamment, quatre professeurs chacun, alors qu'ils se trouvent dans le même quartier!
Croyez-moi, dans ces zones, le contrat de responsabilité parentale n'offre une réponse adaptée ni à la détresse de nombreuses familles ni aux difficultés, amplifiées par l'adolescence, de leurs enfants.
Nous devons plutôt nous pencher sur le problème de la pauvreté et de l'extrême précarité. Les solutions que vous proposez ne sont pas les bonnes ; elles sont inapplicables et elles ne seront pas appliquées. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sur la forme, je rappellerai que les rapporteurs ont proposé des amendements au nom de leurs commissions respectives. Ils exprimaient l'avis de la majorité des membres de ces commissions et ils engageaient donc un certain nombre de sénateurs. C'est du moins ce qui s'est passé en commission des lois.
Il est donc curieux que l'on fasse pression sur les rapporteurs pour que, finalement, ils renoncent à ce qui avait été décidé par la majorité des membres de leurs commissions, au profit d'un amendement transformé à la va-vite par le rapporteur de la commission saisie au fond. Il serait normal et légitime que ce soit l'assemblée tout entière qui décide au final.
Vos querelles sur le terme « peut », c'est-à-dire sur le caractère plus ou moins contraignant du rôle du président du conseil général, font oublier le fond du débat. C'est tout à fait regrettable, car à cause de ces petites manoeuvres nous ne pourrons pas nous expliquer sur les amendements tendant à supprimer l'article 24, lesquels deviendront sans objet.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Qu'en savez-vous ? N'anticipez pas sur le vote !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En tout cas, je n'approuve absolument pas l'amendement n° 895, plusieurs fois rectifié.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous nous en doutions !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En effet, le problème n'est pas ici de savoir s'il convient ou non que le président du conseil général prenne des mesures. Il serait évidemment absurde qu'il ne puisse rien faire. En réalité, si nous n'acceptons pas cette mesure, c'est parce qu'elle est profondément injuste et inégalitaire.
Comme nous avons déjà eu l'occasion de le souligner à maintes reprises, il est quand même un peu « fort de café », dans un texte qui prétend favoriser l'égalité des chances, de proposer des mesures aussi inégalitaires, qui toucheront particulièrement les familles qui sont les plus éprouvées et qui connaissent le plus de difficultés.
Nous avons évoqué tout à l'heure l'inégalité qui s'instaurera entre les territoires. En effet, en fonction des départements, les présidents de conseils généraux prendront des mesures différentes pour des cas similaires.
En outre, le sort des enfants sera particulièrement inégalitaire. Selon que vous vivrez dans une famille à enfant unique - car il en existe dont les parents présentent des carences éducatives - ou dans une famille qui compte deux, trois, quatre ou cinq enfants, vous serez traité différemment. Les parents de familles nombreuses, qui éprouvent le plus de difficultés, seront les plus durement sanctionnés.
Monsieur le ministre, vous nous avez dit, en quelque sorte, que puisque vous ne demandiez pas que les enfants soient placés dans des centres éducatifs fermés dès l'école maternelle, nous devrions nous estimer heureux !
En tout cas, votre projet est profondément inégalitaire, car il vise uniquement les enfants des familles populaires, alors que les allocations familiales, je le rappelle, sont universelles.
À l'évidence, l'importance des allocations familiales est moindre pour les familles aisées. Il s'y trouve pourtant des enfants qui pratiquent l'absentéisme scolaire, mais leurs parents, y compris ceux qui présentent des carences éducatives, trouvent le moyen d'éviter les sanctions. Par exemple, ils inscrivent leurs enfants dans des pensionnats ou des établissements privés, où ils bénéficient d'un suivi individuel. La suppression des allocations familiales aura beaucoup moins d'impact sur la situation sociale de ces familles.
Et ces parents ne se trouveront même pas stigmatisés, puisqu'ils auront mis leurs enfants à l'abri. Ils n'auront donc aucun problème.
Il est inacceptable de nous proposer, dans un texte qui se veut pour l'égalité des chances, une mesure aussi injuste et inégalitaire, qui vise, M. le ministre l'a montré, les enfants déjà stigmatisés des quartiers en difficultés.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Nous assistons ce soir à une discussion paradoxale, empreinte d'un grand mépris.
M. Alain Gournac, rapporteur. Mais non, madame !
Mme Hélène Luc. Monsieur le rapporteur, laissez-moi m'exprimer !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous m'avez interrompu, je fais de même ! (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Hélène Luc. Vous me coupez la parole parce que vous êtes en difficulté, monsieur Gournac.
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas du tout !
Mme Hélène Luc. Souffrez d'entendre ce que j'ai à vous dire !
Nous assistons, je le répète, à une discussion paradoxale, empreinte, vous le prouvez, de mépris pour les enfants en difficulté, dont les parents sont souvent eux-mêmes en difficulté, mais pas toujours, loin s'en faut.
Si vous êtes honnêtes, mesdames, messieurs les sénateurs de la majorité,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Serait-il possible que nous soyons malhonnêtes ?
Mme Hélène Luc. ...vous devez reconnaître que les difficultés de ces familles ne font que refléter celles de la société.
Au cours de la discussion de la loi Fillon - il est d'ailleurs dommage que M. Fillon ne soit pas présent ce soir -, j'avais interpellé le ministre au sujet de la responsabilité de l'éducation nationale quant à la nécessité de dépister les difficultés des enfants à l'école dès le plus jeune âge.
Au cours préparatoire d'abord, il est nécessaire de se donner les moyens de ce dépistage. Il faudrait, dès que des enfants se trouvent en difficulté, qu'un autre instituteur puisse se mettre à leur disposition pour les suivre individuellement pendant quelques semaines, un mois si nécessaire.
Avec les réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, les RASED, dont les équipes sont composées de psychologues, de pédopsychiatres, de médecins scolaires et d'infirmières, en liaison très étroite avec les enseignants, le système d'aide aux enfants serait efficace si ces équipes étaient en mesure de suivre individuellement les enfants du cours préparatoire à la fin de la troisième, comme le faisaient auparavant les groupes d'action pédagogique.
Nombreux seraient alors les enfants qui ne connaîtraient pas l'échec scolaire, qui n'éprouveraient pas de difficultés avec leur famille ou dans la société.
Ces équipes ne sont pas en mesure de remplir cette mission, car elles ont en charge entre 4 000 et 5 000 enfants.
Auparavant, les parents venaient discuter avec ces équipes. Maintenant, il n'est plus possible d'entretenir de telles relations avec les parents.
Vous pouviez régler les difficultés dès leur origine, monsieur le ministre, et débloquer les moyens que nous avions proposé d'inscrire au budget de l'éducation nationale. Votre façon de ne pas rester inactifs, c'est d'instituer par un texte de loi la répression contre les enfants, contre leurs parents et, du même coup, contre leurs frères et soeurs, en privant ces familles de ressources.
En milieu de semaine, nous avons reçu M. Martin Hirsch, président d'Emmaüs France, qui nous a suppliés...
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous avons déjà entendu cela !
Mme Hélène Luc. Non, monsieur Gournac, vous n'avez pas entendu ce que je vais dire !
Mme Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, pourrait le confirmer si elle était présente : M. Martin Hirsch nous a suppliés de ne pas adopter les mesures proposées dans le projet de loi gouvernemental. Il estime en effet que ces mesures non seulement ne régleraient pas les problèmes posés, mais mettraient davantage encore ces familles en difficulté au ban de la société.
Je vous supplie donc à mon tour, mes chers collègues : ne prenez pas cette responsabilité ce soir, n'assignez pas aux conseils généraux des missions qu'ils ne sont pas en mesure d'assumer.
M. Alain Vasselle. Ou qu'ils ne veulent pas exercer !
Mme Hélène Luc. J'ai moi-même étudié ces problèmes pendant de nombreuses années, et je vous demande de ne pas adopter cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, je souhaiterais savoir exactement sur quoi nous allons nous prononcer : s'agit-il du contrat de responsabilité parentale tel qu'il figure à l'article 24 du projet de loi, ou bien s'agit-il de l'article 24 modifié par l'amendement de M. Gournac, qui tend à revenir à ce qui se fait actuellement dans tous les conseils généraux ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce contrat n'existe pas !
M. Bernard Cazeau. La protection de l'enfance relève aujourd'hui de la compétence des conseils généraux et, depuis vingt ans, ceux-ci prennent, en cas de problème, toutes les mesures d'aide à l'enfance qui sont adaptées à la situation, par le biais de l'aide sociale à l'enfance, que tout le monde connaît.
M. le président. Vous allez voter sur l'amendement n° 895 rectifié bis, monsieur Cazeau.
Je mets donc aux voix l'amendement n° 895 rectifié bis.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC et, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 134 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 294 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 148 |
Pour l'adoption | 167 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements identiques nos 358 rectifié, 460, 526, et 801, ainsi que l'amendement n° 277, et les amendements identiques n°s 92 et 523 n'ont plus d'objet.
Je donne néanmoins lecture des amendements identiques n°s 358 rectifié, 460, 526 et 801, ainsi que de l'amendement n° 277, qui n'ont pas été présentés.
Les quatre premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 358 rectifié est présenté par MM. Cazeau et Yung, Mme Alquier, MM. Assouline, Bel et Bodin, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés .
L'amendement n° 460 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
L'amendement n° 526 est présenté par Mme Létard.
L'amendement n° 801 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 277, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article 375-2 du code civil, sont insérés deux articles ainsi rédigés :
« Art. ... - Lorsque le juge constate une carence dans l'exercice de l'autorité parentale, la personne qualifiée ou le service visés au premier alinéa de l'article 375-2 peut proposer aux parents du mineur un contrat de responsabilité parentale. Ce contrat, soumis à l'homologation du juge, rappelle les obligations des titulaires de l'autorité parentale et fixe les mesures d'aide et d'actions sociales de nature à remédier à la situation.
« Art. ... - En cas de carence persistante dans l'exercice de l'autorité parentale ou de violation du contrat de responsabilité parentale, le juge des enfants peut ordonner la suspension du versement de la part des allocations familiales et du complément familial dus à la famille au titre de l'enfant visé par la mesure d'assistance éducative, en application de l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale.
« La durée de la suspension ne peut excéder trois mois. Elle peut être renouvelée par le juge dans la limite de douze mois.
« Le juge peut y mettre fin à tout moment, dès qu'il estime que cette mesure n'est plus nécessaire. Les prestations suspendues sont alors rétablies rétroactivement, selon un échéancier de paiement fixé par le juge.
« Le juge peut également ordonner une tutelle aux prestations, dans les conditions prévues à l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale. »
L'amendement n° 93, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Remplacer les trois derniers alinéas (1° à 3°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles par deux alinéas ainsi rédigés :
« 1° Saisir le juge des enfants pour qu'il soit fait application, s'il y a lieu, des dispositions de l'article L. 552-6 du code de la sécurité sociale ;
« 2° Saisir le procureur de la République de faits susceptibles de constituer une infraction pénale. »
La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Cet amendement repose sur le principe selon lequel le contrat de responsabilité parentale est un outil utile d'accompagnement des familles.
La commission juge toutefois suffisant le dispositif d'ores et déjà existant qui sanctionne le non-respect du contrat ou le refus de signature de celui-ci. Ce dispositif consiste en une saisine de la justice aux fins de mise sous tutelle des prestations familiales, ou en une saisine du procureur de la République pour absentéisme scolaire, par exemple, qui constitue une contravention.
Le Gouvernement est d'ailleurs libre de créer d'autres contraventions, qui correspondraient à d'autres hypothèses de non-respect du contrat de responsabilité parental.
La commission des lois a estimé que supprimer la possibilité de suspension des prestations familiales favoriserait un réel fonctionnement du contrat de responsabilité parentale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la possibilité de recourir à la suspension des prestations familiales comme sanction en cas de non-signature ou de non-respect du contrat de responsabilité parentale.
Il est vrai que la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance avait mis fin à la possibilité de supprimer les allocations familiales en tant que sanction de l'absentéisme scolaire.
Le dispositif qui nous est aujourd'hui présenté est totalement différent : il s'agit d'une simple suspension, ce qui donne à ce dispositif la forme d'un avertissement à la famille avant que soient engagées des mesures plus directes, comme la mise sous tutelle ou l'amende.
Il s'agit non plus d'une sanction automatique, comme dans le cas de l'absentéisme scolaire, mais d'une sanction qui intervient en dernier recours, après la mise en oeuvre de mesures d'accompagnement définies avec la famille, j'insiste sur ce point, dans le cadre d'un contrat, qui ne représente d'ailleurs que l'une des possibilités qui sont offertes aux présidents de conseils généraux. C'est une confirmation de ce que nous venons de voter.
C'est pourquoi, après mûre réflexion, la commission a donné son accord à ce type de sanction, dont la force symbolique ne doit pas être négligée.
Naturellement, à l'avenir, ce dispositif devra être évalué pour apprécier l'utilisation qui en est faite et son efficacité.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Comme la commission, le Gouvernement a beaucoup réfléchi sur cette question délicate. Pourquoi proposer la suspension temporaire, avec la possibilité d'un remboursement rétroactif, des prestations familiales ? Tout simplement parce que, dans certains cas, une telle mesure se révèlera utile, alors que, dans d'autres, il ne faudra pas y recourir. Il ne s'agit pas d'aggraver la situation matérielle de familles dépassées par la difficulté.
Mme Hélène Luc. C'est pourtant ce que vous faites !
M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais dans le cas où les parents seraient de mauvaise volonté, les services de l'aide sociale à l'enfance ne doivent pas se retrouver désarmés : il faut leur donner un choix supplémentaire pour qu'il n'y ait pas, d'un côté, le juge prenant des décisions autoritaires et, de l'autre côté, une aide sociale à l'enfance ne pouvant intervenir que si les parents sont d'accord, c'est-à-dire s'ils sont de bonne volonté.
Nous offrons au président du conseil général la possibilité d'intimer à des parents récalcitrants, et seulement à ceux-ci, d'agir, faute de quoi il pourra demander la suspension de leurs allocations familiales jusqu'à ce qu'ils soient intervenus auprès de leurs enfants.
Au fond, cette mesure permet de créer une sorte de gradation entre le contrat de responsabilité parentale et la saisine du juge. Car faire appel au juge peut prendre parfois beaucoup de temps. Or le temps de l'enfant n'est pas le même que celui de l'adulte.
M. Jean-Pierre Sueur. Certes !
Mme Hélène Luc. C'est pourquoi il ne faut pas attendre !
M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est la raison pour laquelle, dans de telles situations, il est bon d'autoriser la suspension des prestations familiales, tout en ayant principalement à l'esprit l'idée de permettre aux parents, quand ils sont en difficulté, de collaborer avec ceux qui vont les aider à assumer pleinement leurs fonctions parentales.
C'est pourquoi le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je veux simplement faire observer que la commission des lois a critiqué, à l'unanimité, le fait que les élus, en l'occurrence le président du conseil général, puissent prendre des sanctions et disposer des allocations familiales, qui relèvent de la sécurité sociale. C'est pourquoi, certes pour des raisons peut-être diverses, tous les membres de ladite commission souhaitaient, dans l'hypothèse où le contrat de responsabilité parentale serait retenu, que le conseil général ne puisse que saisir le juge, lequel déciderait de prendre ou non des sanctions.
Je souhaite que les uns et les autres défendent ce principe de la séparation des pouvoirs, en quelque sorte, et reconnaissent que le conseil général ne dispose pas des allocations familiales.
Les membres du groupe CRC sont opposés au mécanisme proposé. Néanmoins, je veux préciser que ce point particulier a fait, me semble-t-il, l'unanimité au sein de la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je veux simplement indiquer que le vote sur l'amendement n° 93 a beaucoup d'importance. En effet, s'il était adopté, cet amendement viderait en partie de son sens l'article 25, même s'il ne porte pas atteinte aux autres amendements proposés. Après tout, on peut très bien décider d'une sanction qui ne serait jamais appliquée.
À l'inverse, le rejet de cet amendement n° 93 aurait un sens très fort : il consacrerait la nécessité d'une sanction, ce qui, à mon avis, entraînerait la chute des amendements de suppression.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 93.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 135 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 206 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 104 |
Pour l'adoption | 39 |
Contre | 167 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 397, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, par un alinéa ainsi rédigé :
« Un tel contrat ne peut être opposé aux parents ou au représentant légal du mineur tant qu'il n'a pas été proposé par les services habilités une aide en terme de suivi éducatif par un éducateur spécialisé du mineur en difficulté. »
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. La proposition de création d'un contrat de responsabilité parentale, qui revêt désormais un caractère facultatif, chacun l'aura compris, ne doit pas cacher l'insuffisance de personnels et de moyens que connaissent les différents services dont la mission est d'aider au suivi éducatif des enfants par leurs parents.
Nous savons tous que de nombreux parents démunis face à leur fonction éducative font eux-mêmes la démarche de solliciter une aide auprès de ces services spécialisés. Ils se voient souvent opposer une fin de non-recevoir ou des délais d'attente inacceptables, tout simplement parce que ces services sont submergés.
Dans ce domaine comme dans d'autres, il serait pourtant plus simple et moins coûteux de prévenir que d'attendre ou de devoir guérir avec des traitements souvent inappropriés et destructeurs.
L'amendement n° 397 a pour objet de conditionner le contrat de responsabilité parentale à la formulation d'une proposition en matière d'aide au suivi éducatif par un éducateur spécialisé. Il répond à une exigence morale en refusant de considérer que les difficultés que rencontrent certains parents avec leurs enfants relèvent de la seule responsabilité parentale.
D'une certaine façon - et je suis sûre que cet aspect de la question pourrait vous intéresser, mes chers collègues -, il répond aussi à une pure rationalité socioéconomique. Ce qui est rationnel, ce n'est pas de laisser des familles en plein désarroi et sans soutien pour finalement les sanctionner alors que leur situation s'est aggravée. C'est au contraire de les soutenir le plus tôt possible, de la manière la plus efficace qui soit, en leur apportant une véritable aide à la parentalité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à rendre obligatoire un suivi par un éducateur préalablement à la conclusion de tout contrat de responsabilité parentale.
L'objet même du contrat de responsabilité parentale est de proposer aux parents un suivi éducatif par un travailleur social. La mesure préconisée n'a donc pas de sens : si le suivi est fructueux, le contrat s'éteindra de lui-même.
La commission émet, par conséquent, un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 94, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III. - Les charges résultant pour les départements de la mise en oeuvre du contrat de responsabilité parentale prévu par l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles sont compensées dans les conditions déterminées par une loi de finances.
La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. La création du contrat de responsabilité parentale constitue une extension des compétences du département.
Conne ce qui va sans dire va encore mieux en le disant, cet amendement a pour objet de prévoir le versement par l'État d'une compensation financière aux départements mettant en oeuvre le contrat de responsabilité parentale, en application des dispositions de l'article 72-2 de la Constitution.
Par ailleurs, cette compensation, liée à la mise en oeuvre du dispositif prévu par le nouvel article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, inciterait les départements à recourir à cette démarche contractuelle.
Aux termes de l'article 36 de la loi organique du 1er août 2001, relative aux lois de finances, les modalités de cette compensation doivent être fixées par une loi de finances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'amendement n° 94, présenté par la commission des lois, vise à ce que les départements bénéficient d'une compensation pour les charges résultant, pour eux, de la mise en oeuvre du contrat de responsabilité parentale.
Ce contrat ne crée pas réellement une compétence nouvelle pour le conseil général, puisque les travailleurs sociaux du département suivent déjà les familles en difficulté en menant des actions éducatives à domicile. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Il ne vient donc que formaliser une relation déjà existante et coordonner les interventions des différents acteurs auprès des parents. Pour autant, si le dispositif prend de l'ampleur, sa gestion pourrait engendrer des coûts nouveaux.
C'est la raison pour laquelle il me paraît intéressant d'entendre l'avis du Gouvernement. (Sourires sur les travées du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Que la chute est bonne !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je tiens, tout d'abord, à souligner que, de mon point de vue, cet amendement suscite des interrogations sur le plan juridique.
En effet, soit il laisse le Gouvernement libre de proposer ou non, dans un projet de loi de finances, des compensations financières à l'approbation du Parlement, ce dernier restant naturellement libre de les accepter ou non, et il est alors inopérant, soit il impose réellement au Gouvernement de faire ces propositions, et il risque alors d'être déclaré inconstitutionnel.
Je souligne que, en application du nouvel article 72 de la Constitution, l'État a l'obligation de compenser aux départements tout transfert de compétence. Cependant, dans le cas présent, il s'agit, comme l'a justement indiqué M. le rapporteur, non pas d'un transfert de compétence, mais des modalités d'exercice d'une compétence - la protection de l'enfance - qui appartient depuis maintenant plus de vingt ans aux départements. (Murmures sur les travées du groupe CRC.)
Néanmoins, le Gouvernement est sensible aux interrogations de fond que suscite cet amendement.
Le contrat de responsabilité parentale est essentiellement un outil de prévention : il permettra d'éviter à l'aide sociale à l'enfance d'assumer des dépenses accrues engendrées par une situation qu'on aurait laissée se dégrader faute d'agir. Placer des enfants en établissement représente pour les départements un coût très élevé. S'ils agissent en amont, en faisant de la prévention, ils s'épargneront à eux-mêmes des dépenses.
La prévention coûte, certes, un peu au départ, mais permet d'économiser beaucoup à terme.
M. Thierry Repentin. Il plaisante ? Il le fait rock and roll !
M. Philippe Bas, ministre délégué. En dépit de ma très forte conviction que ce dispositif sera source d'économies pour les départements, je suis bien entendu tout à fait prêt, monsieur le rapporteur, à faire évaluer les conséquences financières de ce contrat pour les départements. Avec l'Association des départements de France, notamment le président de sa commission chargée des affaires sociales, avec lequel je travaille régulièrement et que je ne manquerai pas de contacter dans les meilleurs délais, nous évaluerons, d'une part, les économies liées à l'efficacité du dispositif de prévention et, d'autre part, les coûts supplémentaires qu'engendrera la mise en oeuvre de ce contrat de responsabilité parentale. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
C'est la raison pour laquelle, si M. le rapporteur pour avis pouvait retirer son amendement...
M. Roland Muzeau. Il ne peut pas !
M. Philippe Bas, ministre délégué. ...je l'en remercierais ; dans le cas contraire, je serais obligé d'émettre un avis défavorable. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
M. David Assouline. Hélas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Très intéressant !
M. David Assouline. Ubuesque !
M. le président. Monsieur le rapporteur pour avis, maintenez-vous votre amendement ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Il existe une différence fondamentale entre l'acte I de la décentralisation et l'acte II.
Dans l'acte I, seuls étaient effectivement compensés les transferts de compétences. Je me souviens, d'ailleurs, que, lors de la création de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, il avait été dit par le gouvernement qui l'avait mise en place que la compensation n'était pas nécessaire et n'était, en tout cas, pas obligatoire, puisqu'il s'agissait non pas d'un transfert, mais d'une simple extension de compétence.
Or, il se trouve qu'avec l'acte II de la décentralisation, qui a été voté récemment - je me tourne vers la place qu'occupait voilà quelques instants M. Raffarin - ce ne sont plus seulement les transferts de compétence qui doivent être compensés, ce sont également les extensions de compétence.
Sur ce point, nous sommes donc en droit de demander la compensation pour les collectivités territoriales.
Je tiens également à rassurer M. le ministre sur la correction juridique de l'amendement.
Tout à l'heure, j'ai voulu gagner du temps en ne lisant pas l'article 36 de la loi organique du 1er août 2001, relative aux lois de finances, aux termes duquel « « l'affectation totale ou partielle à une autre personne morale d'une ressource établie au profit de l'État ne peut résulter que d'une disposition de loi de finances ».
Comme il est trop tard pour que je change d'avis, que nous ne sommes plus à un vote près et que cet amendement est celui de la commission des lois, permettez, monsieur le ministre, que je laisse M. le président le soumettre à l'appréciation de mes collègues !
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.
M. Bernard Cazeau. Je suis rassuré par certains de vos propos, monsieur le ministre, notamment quand vous nous dites que nous allons faire des économies.
En effet, actuellement, l'impasse liée à la décentralisation, entre les dépenses et les recettes, est estimée - le ministre délégué aux collectivités locales en convient - à un milliard d'euros.
M. le Premier ministre nous ayant récemment assurés que, dans un prochain projet de loi de finances, il inscrirait à ce titre 500 millions d'euros, l'impasse, pour les départements, se chiffre donc encore à 500 millions euros.
Vous nous dites que nous allons faire des économies : j'en suis fort aise, mais, si tel était le cas, l'ensemble des présidents de conseils généraux se « jetteraient » sur les contrats de responsabilité parentale ! Mais vous savez qu'ils ne sont pas pour, du moins ceux qui sont de gauche.
Je tiens à dire à M. le rapporteur pour avis que, même si j'apprécie la démarche de la commission des lois, je doute de son efficacité. Quoi qu'il en soit, pour ma part, j'essaierai encore d'y croire, et, si cet amendement est mis aux voix, nous le voterons.
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.
M. Michel Mercier. Il s'agit d'un amendement de bon sens !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui ! C'est un amendement de la commission des lois unanime !
M. Michel Mercier. Il est l'application toute simple de la décentralisation telle que M. Raffarin l'a proposée voilà quelques années.
Nous venons d'entendre deux réponses assez sensationnelles.
La première est celle de M. le rapporteur, qui nous a dit que la mise en oeuvre du contrat de responsabilité parentale ne coûtera rien aux départements, puisqu'ils assurent déjà ce genre de compétence. Cela revient à dire que le contrat, ce n'est rien du tout ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. Michel Mercier. La seconde est celle de M. le ministre, qui est quand même plus au courant de la situation et qui est allé plus loin ! Selon lui, cette mise en oeuvre va peut-être coûter un peu d'argent aux départements, mais, comme elle va les empêcher de payer plus par la suite, ils vont finalement en gagner ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
Monsieur le ministre, franchement, vos propos sont sensationnels ! Avouez, très honnêtement, que l'état des finances départementales mérite un peu plus d'attention ! En dehors du fait que tout un chacun peut, sur le plan partisan, prendre telle ou telle position, il est évident que l'accumulation des dépenses sociales transférées aux départements met ces derniers dans une situation financière extrêmement difficile, pour ne pas dire plus.
L'an dernier, le gouvernement de M. Raffarin avait pris l'engagement de financer sur l'allocation du RMI tout ce qui avait été payé en plus. Le Gouvernement actuel l'a tenu mais, cette année, le déficit est bien plus fort et cet engagement n'a malheureusement pas été reconduit.
M. Guy Fischer. Voilà M. Raffarin !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il entend parler de lui !
M. Michel Mercier. Je tiens à féliciter M. Raffarin, qui nous a rejoints, d'avoir assumé entièrement le financement des dépenses sociales qui, sous son gouvernement, avaient été transférées aux départements.
Monsieur le ministre, vous ne pouvez pas affirmer que la mise en oeuvre de ce contrat ne va rien coûter. Si elle ne coûte rien, c'est que l'on ne fait rien ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Que vous nous disiez qu'elle ne va pas coûter beaucoup, vous le pouvez, car nous n'en savons rien !
Cet amendement est un amendement de précaution, un bon amendement, que nous voterons.
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Voici l'explication de vote d'un minoritaire, après celle de deux présidents de conseil général, mais il se trouve que minoritaires et majoritaires se retrouveront au moins sur la conclusion, à savoir la nécessité de voter cet amendement.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je suis également minoritaire !
M. David Assouline. Pas au Sénat !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. On parlait des départements !
M. Thierry Repentin. Si M. le ministre, lors de son déplacement dans le département de la Savoie, voilà quelques jours, s'était inquiété de savoir dans quelles conditions l'État avait compensé les transferts de compétences, sans doute n'aurait-il pas tenu les propos qui ont été les siens il y a quelques minutes.
Il est indéniable que changer les modalités d'application des compétences en question entraînera un surcroît de travail pour les assistantes sociales qui sont sur le terrain. Comme il est peu probable que la situation sociale des familles et des ménages de France s'améliore, compte tenu d'un certain nombre de décisions prises par le Gouvernement, il est à craindre que la mise en oeuvre de ce contrat de responsabilité parentale ne vienne alourdir la charge de travail quotidienne des assistantes sociales avant même que ce nouveau contrat ne soit créé.
Ainsi donc, si les présidents de conseils généraux souhaitent que la population continue à bénéficier du même encadrement qu'auparavant et que le travail des assistantes sociales reste de même qualité, les départements devront recruter des personnels supplémentaires et les payer.
Monsieur le ministre, du fait des compétences qui leur ont été transférées depuis le 1er janvier, relatives aux techniciens ouvriers de service, aux agents des directions départementales de l'équipement, mais aussi au fonds de solidarité logement, les départements assument désormais la gestion de toutes ces ressources humaines au quotidien.
Ainsi, dans mon département, le budget pour 2006, que nous avons voté il y a quelques jours, doit supporter une charge salariale non compensée de 720 000 euros par an.
Le transfert du fonds de solidarité pour le logement a bien été compensé par l'État, mais la dotation ne tient pas compte du nombre de plus en plus important de dossiers. Cet accroissement des demandes est assumé par le seul département, qui est donc obligé d'embaucher du personnel.
De la même manière, l'intégration des personnels TOS, qui dépendaient auparavant du rectorat, fait l'objet d'une compensation pour les postes, mais non pour la gestion du personnel. Or celle-ci représente 720 000 euros !
L'amendement présenté par M. Lecerf est donc de bon sens. Même s'il est minoritaire dans son département, il a parfaitement compris que le transfert de compétences, voire la modification de la mise en oeuvre d'une compétence, se traduisait par une dépense nouvelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 94.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 136 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 170 |
Contre | 156 |
Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
L'amendement n° 398, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les conditions de mise en oeuvre du présent article et ses effets en termes de réduction d'absentéisme et de troubles portés au fonctionnement des établissements scolaires feront l'objet, au plus tard au 30 décembre 2007, d'une évaluation du Haut conseil de l'éducation.
La parole est à Mme Dominique Voynet.
Mme Dominique Voynet. Cet amendement vise à mettre en place un dispositif d'évaluation des mesures prévues par le présent article. En effet, il est permis de s'interroger sur leur réelle efficacité.
Tout à l'heure, M. le ministre nous a indiqué que ces mesures existaient, mais qu'elles avaient le mérite de ne pas être appliquées. D'ailleurs, elles avaient été abrogées. Or cet article les réintroduit.
Il nous a été expliqué d'une façon un peu jésuitique qu'il s'agissait non pas de supprimer les allocations, mais de les suspendre pour le bien des familles et des enfants. Ce serait en somme une dernière chance avant la saisine de la justice.
Pour en terminer une bonne fois pour toute avec ce cycle inutile, nous demandons une évaluation rapide de ce supposé nouveau dispositif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement a pour objet de demander une évaluation, au plus tard au 30 décembre 2007, des résultats du contrat de responsabilité parentale en termes de réduction de l'absentéisme et de troubles portés au fonctionnement des établissements scolaires.
Le fait d'évaluer les résultats du contrat de responsabilité parentale paraît être une très bonne politique. La commission des affaires sociales a donc émis un avis favorable. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le ministère de l'éducation nationale m'a indiqué que le Haut conseil de l'éducation n'avait pas vocation à procéder à ce type d'évaluation.
Cela étant, le Gouvernement est entièrement de l'avis de la commission et partage la motivation des auteurs de l'amendement. L'évaluation serait en effet un moteur supplémentaire, qui permettrait aux présidents de conseils généraux de mettre en oeuvre avec efficacité notre contrat de responsabilité parentale.
Néanmoins, cette évaluation devrait se faire dans un autre cadre que celui du Haut conseil de l'éducation. Je préférerais plutôt la confier aux conseils généraux, qui, par le biais de leurs associations et des commissions départementales, procèdent déjà à l'évaluation du versement des différents aides sociales.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dans ces conditions, je proposerai à Mme Voynet de bien vouloir rectifier cet amendement en supprimant « du Haut conseil de l'éducation » et de laisser au décret le soin de préciser l'organisme qui devra procéder à cette évaluation.
M. le président. Madame Voynet, acceptez-vous de rectifier votre amendement dans ce sens ?
Mme Dominique Voynet. Oui, monsieur le président.
M. David Assouline. Vous voyez que nous sommes conciliants !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 398 rectifié, présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard, qui est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les conditions de mise en oeuvre du présent article et ses effets en termes de réduction d'absentéisme et de troubles portés au fonctionnement des établissements scolaires feront l'objet, au plus tard au 30 décembre 2007, d'une évaluation.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Je remercie M. le président de la commission de sa proposition. Dans ces conditions, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 398 rectifié.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. L'amendement n° 524, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... a) Les charges résultant pour les collectivités territoriales, de l'extension des compétences réalisées par la présente loi sont compensées par le relèvement à due concurrence de la dotation globale de fonctionnement.
b) La perte de recettes résultant pour l'État est compensée par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Cet amendement est satisfait par l'adoption de l'amendement n° 94. Même si ces deux amendements ne sont pas identiques, ils ont le même objectif.
Puisqu'il faut savoir se contenter de peu, je le retire. (Sourires.)
M. le président. L'amendement n° 524 est retiré.
L'amendement n° 525 rectifié bis, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un III ainsi rédigé :
III. La troisième phrase du troisième alinéa de l'article L. 521-2 du code de la sécurité sociale est ainsi rédigée :
« Toutefois, le juge peut décider, d'office ou sur saisine du président du conseil général, à la suite d'une mesure prise en application des articles 375-3 et 375-5 du code civil ou des articles 15, 16, 16 bis et 28 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945 relative à l'enfance délinquante, de maintenir le versement des allocations à la famille, lorsque celle-ci participe à la prise en charge morale ou matérielle de l'enfant ou en vue de faciliter le retour de l'enfant dans son foyer. »
La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Il s'agit d'un amendement de bon sens. Lorsqu'un enfant fait l'objet d'une décision de placement, le versement des allocations familiales est maintenu. Celles-ci seront reversées à l'établissement chargé de son accueil.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est un sujet sur lequel la commission des affaires sociales a déjà beaucoup débattu, avant même l'examen de ce texte. Nous nous sommes toujours dit qu'il y avait une anomalie, car l'argent n'allait pas du bon côté.
La commission approuve totalement l'amendement de M. Mercier. Elle a donc émis un avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement n'étant pas hostile au bons sens, il émet également un avis favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 24, modifié.
(L'article 24 est adopté.)
Article 25 (précédemment réservé)
Dans le code de la sécurité sociale, il est rétabli un article L. 552-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 552-3. - En application de l'article L. 222-4-1 du code de l'action sociale et des familles, le directeur de l'organisme débiteur des prestations familiales suspend, pour la durée limitée et dans la proportion décidées par le président du conseil général, le versement de la part des allocations familiales et du complément familial dus à la famille au titre de l'enfant dont le comportement a conduit à proposer la conclusion d'un contrat de responsabilité parentale.
« Dans les départements mentionnés à l'article L. 751-1, le complément familial ne peut faire l'objet d'une mesure de suspension.
« La durée de la mesure de suspension est au plus égale à trois mois. Elle peut être renouvelée, par l'autorité l'ayant prononcée, dans la limite d'une durée maximale de suspension de douze mois. Lorsqu'il apparaît que les parents ou le représentant légal du mineur se conforment aux obligations qui leur étaient imposées en application du contrat de responsabilité parentale, le versement des prestations suspendues est rétabli rétroactivement à la date de la suspension. »
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L'article 25 vise à définir les modalités de suspension des prestations familiales dans le cadre du contrat de responsabilité parentale. Il adapte le code de la sécurité sociale aux dispositions concernant le contrat de responsabilité parentale en matière de suspension des allocations familiales et du complément familial.
La commission des lois propose la suppression de cet article. C'est une excellente idée, que nous partageons, puisque nous avons nous-mêmes déposé un amendement de suppression. Quant à la commission des affaires sociales, elle rappelle que, au moment de l'examen du projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance, elle avait considéré comme inefficaces, voire injustes, la suspension et la suppression des prestations familiales.
L'idée de sanctionner les familles n'est pas nouvelle. La sanction financière existe depuis bientôt quarante ans, sans grand succès. En effet, un décret du 8 février 1966 prévoyait déjà des amendes allant d'un équivalent de 60 euros à 305 euros et des peines de prison de dix jours à deux mois. La suspension du versement des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire était prévue par l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale, sur saisine de l'inspecteur d'académie.
En 2002, Nicolas Sarkozy, qui était alors ministre de l'intérieur, dans la logique de sa loi pour la sécurité intérieure, avait relancé l'idée de sanctionner les parents considérés comme déficients. Il avait proposé d'infliger une amende de 2 000 euros aux parents dont les enfants « sécheraient » plus de quatre demi-journées par mois.
La loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance a abrogé, faute de résultats probants et en raison de nombreuses critiques, la possibilité de suspendre les allocations familiales. Néanmoins, elle a permis l'instauration d'une contravention de quatrième classe, qui sanctionne d'une amende de 750 euros les familles considérées comme « déficientes ». Ainsi, le Gouvernement faisait, là encore, comme si tout pouvait se régler par la contrainte.
La suspension des prestations familiales suscite le rejet quasi unanime des acteurs de l'éducation, de la politique familiale et de la lutte contre les exclusions. Le conseil d'administration de la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, a lui-même émis un avis défavorable. Adopter une telle disposition serait faire vaciller toute l'architecture de la protection sociale !
Les allocations familiales sont un droit de l'enfant. Comme l'écrit le président de l'Union nationale des associations familiales, l'UNAF, elles ont été créées non pas pour « décerner un brevet d'éducation », mais pour « atténuer la charge que représente un enfant dans une famille ». Ce ne sont pas non plus « des primes au mérite », comme le rappelle la Confédération syndicale des familles, la CSF.
Suspendre les allocations familiales ne fera qu'accroître la détresse des familles évidemment les plus pauvres. Le réseau Alerte, qui rassemble quarante et une fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté et l'exclusion, pose la question : « Peut-on décemment responsabiliser par l'argent des familles qui n'ont rien ou quasiment rien pour vivre sans allocations ? ».
Les députés UMP qui ont déposé, le 11 mai 2005, une proposition de loi visant à rétablir la suspension des allocations familiales en cas d'absentéisme scolaire affirment souhaiter « responsabiliser les acteurs de la démarche éducative que doivent être les parents ».
Mais comment demander à des familles de construire le projet scolaire de leur enfant et les conditions de sa réussite quand elles n'ont pas de travail, voire pas de logement ? Il y a 7 millions de pauvres en France et plus d'une personne sur dix dépend des minima sociaux, la hausse étant de 3,4 % en 2004, soit le double de 2003.
Pour ces millions de Français et leurs familles, il s'agit non pas de chiffres, mais de difficultés et d'angoisses permanentes, voire de missions impossibles quand il s'agit de se loger, d'acquitter les factures impayées qui provoquent des coupures d'eau ou d'électricité et de payer le loyer ! Pensez-vous que ces parents ne s'intéressent pas à l'avenir de leurs enfants ?
Faudrait-il sanctionner ces femmes qui élèvent seules leurs enfants et que l'on fait travailler pour des salaires de misère comme caissières ou femmes de ménage à des heures où leurs enfants sont, en effet, censés être rentrés de l'école ?
En outre, jusqu'à preuve du contraire, c'est au juge des affaires familiales qu'il appartient de décider si l'obligation parentale est respectée ou non. Le projet de loi prévoit d'en faire une décision administrative, prise par un élu, avec toutes les dérives possibles. C'est inacceptable !
Et a-t-on sollicité l'avis des présidents des conseils généraux avant de décider de leur imposer une responsabilité qui n'est pas la leur ? A-t-on mené la moindre concertation avec les acteurs sociaux, éducatifs et familiaux concernés ?
Pour au moins toutes ces raisons, notre groupe demande la suppression de l'article 25. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Selon nous, le simple fait de proposer une suspension des prestations familiale démontre une fois de plus à quel point le Gouvernement s'inscrit dans une logique de répression.
Je pourrais évoquer les nombreuses raisons qui fondent mon opposition à ce contrat de « culpabilité parentale », mais, parmi celles-ci, je tiens à en mettre deux en relief.
Tout d'abord, ce dispositif est de nature censitaire : il ne frappe que les gens ayant peu de revenus, voire les pauvres !
En effet, comme le préfigure le projet de loi, aucune sanction ne s'appliquera à une famille riche qui fera preuve de carence parentale. Même si leur enfant pose d'énormes problèmes, la mesure ne la concernera pas ; son argent la protège !
Ce sont bien des pauvres - ou des précaires, si vous préférez - qui sont concernés. Les familles dépendant des prestations familiales sont, en général, celles qui sont les plus fragilisées et qui se retrouvent dans une réelle situation de pauvreté. Et c'est contre ces familles les plus fragilisées par les conditions de vie que s'exercera cette nouvelle double peine sociale ! De tels mécanismes accentueront leur exclusion et leur stigmatisation et risquent - eh oui ! - de les pousser éventuellement dans le cercle de la réelle violence ou de la délinquance.
Avec le contrat de responsabilité parentale, ce sont paradoxalement les plus à l'aise qui passeront entre les mailles du filet. Et ce sont malheureusement les plus pauvres qui paieront une fois de plus !
Par ailleurs, les familles avec un enfant unique seront encore plus frappées que les autres familles, qui peuvent disposer d'autres prestations familiales du fait des autres membres de la fratrie. Le caractère inique et inégalitaire de ce contrat est ici de nouveau démontré, car ce sont des parcours de vie que l'on risque de troubler gravement.
Pour nous, ce projet de loi dessine une fois de plus une société où les personnes les plus fragilisées, victimes de discriminations, d'injustices et d'exclusion sociale, se retrouvent doublement frappées par les plus forts ! Et cela, nous ne pouvons pas l'accepter !
C'est la raison pour laquelle nous demandons la suppression de cet article 25. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, sur l'article.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j'ai eu l'occasion d'exprimer mon point de vue sur le concept à l'oeuvre tout à l'heure. Je n'y reviens donc pas.
Toutefois, il me paraît opportun, pour la qualité de nos échanges, de dire quelques mots à notre collègue Mme Hermange, qui nous a présenté un raisonnement en faveur du dispositif. Son argumentation s'appuyait sur l'idée selon laquelle l'État a sa part et, d'une manière plus générale, sa responsabilité dans la vie des familles et la protection des enfants. Elle a mentionné toute une série de dispositifs qui y concourent.
Mais cela, nous ne le mettons pas en cause, bien au contraire ! En ce domaine, il existe aujourd'hui des voies de recours. Ce n'est pas de cela dont nous parlons.
Ce dont nous traitons, en revanche, c'est de la nouveauté de la sanction. Des modes de signalement existent déjà. Mais là, on fait quelque chose « de plus ». C'est sur le bien-fondé de ce « de plus » que nous nous exprimons.
Nous nous demandons si ce dispositif est efficace et, aussi, s'il est moral. Une telle interrogation a un sens. L'action publique doit, en effet, avoir une signification qui donne à voir une conception de la vie et une morale. Je pense que nous sommes d'accord sur ce sujet.
Or, en l'occurrence - je ne peux que résumer mon propos -, la mesure n'est pas morale. Car cette sanction, contrairement à toutes celles qui sont fondées sur la loi, se traitera au cas par cas entre des personnes irresponsables !
Il y aura d'abord ceux dont on aura décidé qu'ils méritent une sanction, à savoir des parents qui n'en peuvent mais.
La loi ne peut naturellement pas aller jusqu'à décrire tous les cas de figure justifiant la sanction, ce qui serait totalement absurde. Mais alors, qui le fera ? À quel moment décidera-t-on que c'est le parent qui est responsable de la situation ? Car il faudra bien le décider !
Une fois que la situation aura été constatée et que la responsabilité aura été déclarée, la sanction s'appliquera au ménage tout entier, y compris aux frères et aux soeurs. Nous inventons donc une sanction qui sera appliquée à des gens dans un rapport d'irresponsabilité.
En face de ces parents qui n'en peuvent mais - ils n'ont ni avocat ni moyen de recours -, il y aura des travailleurs sociaux dont ce n'est pas le travail et, au bout de la chaîne, un président de conseil général qui devra conclure !
C'est seulement cela, madame Hermange, que nous avons mis en cause. Nous n'avons pas du tout contesté que la responsabilité des parents soit engagée devant la société, ni l'éventualité qu'ils soient défaillants. Bien sûr qu'ils peuvent l'être ! Nous sommes confrontés aux mêmes expériences de la vie que vous et que tous les membres de la Haute Assemblée. Nous savons bien que de telles situations existent.
Mais ne voulons pas de ce dispositif ni de cette méthode-là ! Nous savons bien qu'elle ne sera pas efficace. Elle ajoutera non seulement - cela a été dit - du malheur au malheur, mais, surtout, de la haine à la haine et de la tension à la tension ! C'est pourquoi il faut rejeter non seulement le principe en général, mais également sa modalité pratique.
J'espère ne pas vous avoir lassés, mais je tiens à ce qu'il soit bien précisé que nous ne sommes pas dans une discussion abstraite ! Vous n'êtes pas les seuls à penser que tout le monde est responsable dans la vie et que chacun doit rendre compte de ses actes : nous le pensons tous !
Cela étant, la méthode proposée me semble, pour faire bref, barbare.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, sur l'article.
Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, derrière l'absentéisme scolaire, il est rare qu'il y ait seulement un garnement avec des parents laxistes.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est plus le débat !
Mme Raymonde Le Texier. C'est parfois le cas, mais c'est extrêmement rare.
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous avons déjà débattu de cela !
Mme Raymonde Le Texier. Derrière l'absentéisme scolaire, on trouve bien d'autres choses, notamment, bien sûr, les exemples cités par plusieurs de nos collègues tout à l'heure. On trouve des enfants issus de familles qui rencontrent des difficultés sociales, économiques et psychologiques. Du fait de ces difficultés, ces enfants sont en échec scolaire.
Prenons le cas d'un enfant en échec scolaire, pas très doué, pour qui cela ne se passe pas bien et qui n'a personne à la maison pour l'aider, le soir, à faire ses devoirs ! Imaginons tout bêtement qu'il se retrouve le lendemain interrogé par son instituteur ou son professeur devant ses petits camarades. Si, avant même qu'il ait répondu, toute la classe éclate de rire, persuadée qu'il va dire une bêtise, il dira effectivement une bêtise.
À chaque fois, c'est une blessure narcissique telle que l'enfant ne veut finalement plus aller à l'école. Et c'est compréhensible. Qui, parmi nous, voudrait continuer à se rendre tous les jours, stoïquement, dans un lieu où il n'a pas sa place, où il est stigmatisé, où il n'est pas bien et où il sait qu'il n'est pas bon ?
Mais il y a des choses plus graves que cela derrière l'absentéisme scolaire. On trouve des enfants qui n'ont de place ni physique ni symbolique dans leur famille. On trouve des enfants insultés, des enfants maltraités, des enfants en conflit grave avec l'un des parents ou des beaux-parents, parfois même des enfants victimes d'inceste !
Et ne me dites pas que c'est du Zola ; j'ai connu ces réalités dans ma vie professionnelle pendant un quart de siècle !
Des enfants en absentéisme scolaire, j'en ai remis à l'école des centaines, mais jamais en suspendant les allocations familiales ! Je l'ai fait en travaillant avec l'enfant et sa famille,...
Mme Hélène Luc. Bien sûr !
Mme Raymonde Le Texier. ...afin qu'il retrouve une place, qu'il regagne l'estime de lui-même et qu'il ait le sentiment de compter pour quelqu'un.
Comment arrivait-on à de tels résultats ? Parce que j'avais la chance de travailler dans un service dit « expérimental », c'est-à-dire doté de véritables moyens !
Mme Hélène Luc. Eh oui !
Mme Raymonde Le Texier. Le service avait les moyens d'exiger des formations continues pour son personnel.
Chaque intervenant à temps plein avait en charge dix-huit enfants !
Mme Hélène Luc. Eh oui ! Vous voyez, monsieur le rapporteur ! C'est cela, l'expérience !
Mme Raymonde Le Texier. Les enfants demeuraient dans leur famille et évoluaient en milieu ouvert ; ce n'étaient pas des enfants placés.
Les entretiens s'effectuaient chaque fois à deux, parce que, avec deux cerveaux, on comprend quelquefois mieux qu'avec un seul. Le retour à l'équipe était systématique pour réfléchir à ce qui s'était passé. Chaque entretien était enregistré, afin de le réécouter, de comprendre et de préparer l'entretien suivant. De tels services coûtent cher, mais ça marche !
Ne croyez pas, monsieur le ministre, que vous arriverez à de tels résultats, en « chargeant la mule » des travailleurs sociaux du conseil général ou de l'aide sociale à l'enfance, l'ASE ! Charger la mule, c'est bien ce qui arrivera, puisqu'il n'y aura ni argent ni moyens supplémentaires.
Ces acteurs ne pourront pas travailler à deux. Ils n'auront la possibilité ni de revoir leur travail régulièrement, toutes les semaines, - et pas une fois tous les six mois, parce que cela fait bien dans le décor - ni de collaborer avec un superviseur ou une personne ayant un regard extérieur pour les aider à avancer.
Donc, votre dispositif ne marchera pas ! Vous pouvez vous faire plaisir en imaginant que, grâce à la suspension des allocations familiales, les iront subitement mieux pour les enfants et les familles, mais, je vous le dis : ce que vous faites ne fonctionnera pas !
Voilà pourquoi, entre autres, nous sommes opposés tant à cet article qu'au précédent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Excellent !
Mme Hélène Luc. Il faut des moyens pour réussir !
M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, sur l'article.
M. Bernard Cazeau. Je voudrais revenir sur vos propos, monsieur le ministre.
Vous avez évoqué tout à l'heure, d'ailleurs avec véhémence - vous étiez enflammé -, la loi du 2 janvier 2004 relative à l'accueil et à la protection de l'enfance, présentée par M. Christian Jacob, alors ministre délégué à la famille. Vous avez signalé que nous avions voté contre son adoption.
Cette loi constituait, en effet, un véritable patchwork, tout comme d'ailleurs le présent texte. (M. le président de la commission des affaires sociales et M. le ministre délégué rient.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Alors que les lois adoptées par la gauche étaient - c'est bien connu - parfaites ! Voyez, par exemple, les 35 heures !
M. Bernard Cazeau. C'est pourquoi bien des dispositions contenues dans cette loi, outre celle que vous avez évoquée, ne nous convenaient pas.
Mais, s'agissant du problème de la suspension ou de la suppression des allocations familiales, permettez-moi de citer les propos tenus à l'époque par les membres de la majorité, qui soutenaient le gouvernement Raffarin et qui soutiennent aujourd'hui l'actuel gouvernement.
Notre ancien collègue, l'excellent M. Jean-Louis Lorrain, avait qualifié cette loi d'« injuste » et de « peu efficace ». Il en prônait la suppression.
Quant à M. Christian Jacob, il disait, évoquant cette suppression ou cette suspension des allocations familiales: « Elle est inéquitable, d'abord parce qu'elle est contraire à la vocation des prestations familiales, qui est de compenser pour partie le coût de l'entretien de l'enfant, lequel » - la chute est bonne ! - « reste le même quelle que soit l'assiduité scolaire. » Ce n'est pas moi qui le dis, c'est M. Jacob !
M. Bernard Cazeau. Alors, pourquoi réintroduire aujourd'hui une telle mesure ? La situation aurait-elle tant changé en deux ans que les arguments fustigés et critiqués hier seraient acceptables aujourd'hui ?
En proposant la suppression des allocations familiales comme solution à l'absentéisme scolaire, entre autres, vous vous trompez, monsieur le ministre. Vous pénalisez les parents, comme vient très bien de l'expliquer Mme Le Texier, sans prendre en compte les réalités complexes auxquelles ils se heurtent dans l'éducation de leurs enfants.
En fait, en supprimant les allocations familiales, vous vous positionnez non pas en tant que partenaire, comme vous l'avez dit tout à l'heure, mais contre les parents.
Cette mesure est injuste. Elle contient en germe un dévoiement des allocations familiales - même vos prédécesseurs l'ont dit ! -, qui ont été mises en place pour couvrir les charges que représentent les enfants et non pour constituer des brevets de bonne éducation.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'ai eu l'occasion de m'exprimer sur l'amendement n° 93 à l'article 24, je ne vais donc pas y revenir.
Par cohérence, il me semble nécessaire que soient examinés en priorité les amendements nos 57, 58 et 59 rectifié de la commission des affaires sociales.
M. Jean-Pierre Sueur. La technique est toujours la même !
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. La logique est toujours la même !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est de droit.
L'amendement n° 57, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale, après les mots :
pour la durée
supprimer le mot :
limitée
L'amendement n° 58, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter ces deux amendements.
M. Alain Gournac, rapporteur. L'amendement n° 57 est rédactionnel.
J'en viens à l'amendement n° 58.
L'Assemblée nationale a supprimé le complément familial de la liste des prestations susceptibles de faire l'objet d'une mesure de suspension dans les collectivités d'outre-mer, en s'appuyant sur le fait qu'il ne concerne, dans ces collectivités, que des familles dont le dernier enfant a entre trois et cinq ans.
Cette particularité du complément familial dans les collectivités d'outre-mer ne semble pourtant pas suffisante pour l'exclure de cette liste. Cet amendement vise donc à l'y réintégrer, afin que le dispositif de suspension s'applique dans les collectivités d'outre-mer comme en métropole.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 59 rectifié, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Remplacer la dernière phrase du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale par trois alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu'au terme de la période de suspension prononcée par le président du conseil général, l'organisme débiteur des prestations familiales n'a pas été informé d'une décision de renouvellement, il rétablit le versement des prestations suspendues rétroactivement à la date de la suspension.
« Dès que le président du conseil général constate que les parents ou le représentant légal du mineur se conforment aux obligations qui leur étaient imposées en application du contrat de responsabilité parentale, il en informe l'organisme débiteur des prestations familiales, afin qu'il rétablisse le versement des prestations suspendues rétroactivement à leur date de suspension.
« Lorsqu'à l'issue de la période maximale de douze mois de suspension, les parents ou le représentant légal du mineur ne se conforment toujours pas à leurs obligations, les prestations sont rétablies sans effet rétroactif et le président du conseil général met en oeuvre toute mesure nécessaire pour remédier à la situation. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à préciser la procédure de rétablissement du versement des prestations suspendues.
Lorsque la suspension arrive à son terme et qu'aucune prolongation n'est explicitement prononcée, les prestations sont rétablies automatiquement et rétroactivement.
En revanche, c'est au président du conseil général de constater...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Quel boulot !
M. Alain Gournac, rapporteur. ...que le contrat est à nouveau respecté avant le terme de la suspension prévue et d'en informer le préfet.
Enfin, lorsqu'au bout de douze mois, le contrat n'est toujours pas respecté, le rétablissement des prestations est certes automatique, mais il est assorti d'une orientation vers un dispositif plus contraignant.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement est très favorable à cet amendement de clarté et de précision.
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Dans son rapport, la commission des affaires sociales précise que « lorsque, au terme de la période maximale de douze mois de suspension, le contrat n'est toujours pas respecté, [...] les prestations non versées sont définitivement perdues ».
Il s'agit non plus d'une suspension des allocations familiales, mais d'une amende en bonne et due forme ! De plus, elle est demandée non plus par les autorités judiciaires, mais par le président du conseil général.
En quoi le fait de « taper au porte-monnaie » des parents est-il susceptible de favoriser l'égalité des chances ? Responsabilise-t-on un enfant, un adolescent, en punissant financièrement ses parents ? Ne faut-il pas plutôt aider ces derniers à assumer leurs responsabilités ? Les travailleurs sociaux, les enseignants le disent : certaines familles sont désemparées et ont besoin d'aide, sous diverses formes - nous les avons longuement évoquées -, que ce soit dans le domaine social, psychologique ou éducatif.
Le problème est que l'on manque cruellement de moyens et que le Gouvernement et la majorité parlementaire n'ont cessé de les réduire. Alors, pour tenter de cacher le fait que ces moyens manquent, on désigne les familles comme boucs émissaires, particulièrement les familles populaires. C'est effectivement plus facile que de lutter véritablement pour la réinsertion des élèves dans la communauté éducative.
Si, in fine, notre assemblée décidait de supprimer l'article 25, sachez que nous resterions très vigilants. En effet, il ne serait pas du tout surprenant de retrouver ce même dispositif dans le futur projet de loi de M. Nicolas Sarkozy. N'est-ce pas lui qui voulait punir les parents considérés comme « déficients » d'une amende de 2 000 euros, soit l'équivalent de deux SMIC mensuels ?
L'inapplicabilité d'une telle mesure ne le gênait pas. Son objectif était avant tout idéologique.
M. le président. En conséquence, les amendements identiques nos 95, 359 rectifié, 461, 527 et 806 n'ont plus d'objet. Je vais néanmoins en donner lecture.
L'amendement n° 95 était présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 359 rectifié était présenté par M. Cazeau, Mme Alquier, MM. Assouline, Bel et Bodin, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 461 était présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
L'amendement n° 527 était présenté par Mme Létard.
L'amendement n° 806 était présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces cinq amendements étaient ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 278, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale, remplacer les mots :
président du conseil général
par les mots :
juge des enfants
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 279, présenté par M. Lardeux, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 552-3 du code de la sécurité sociale.
Cet amendement n'est pas soutenu.
Je mets aux voix l'article 25, modifié.
(L'article 25 est adopté.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le président, avant que la séance soit levée, je tiens à remercier la Haute Assemblée de son vote, après un débat de grande qualité, auquel j'ai été particulièrement heureux de prendre part.
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.