sommaire
présidence de M. Roland du Luart
2. Égalité des chances. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy, le président, Mme Monique Cerisier-ben Guiga, M. Claude Domeizel.
Demande de réserve des articles additionnels jusqu'à la fin du texte. - M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales ; Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. - La réserve est ordonnée.
MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, MM. le président, Claude Domeizel.
Amendement no 762 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales ; Mme la ministre déléguée, MM. Guy Fischer, Roger Madec, le président de la commission. - Rejet par scrutin public.
Amendement no 43 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement no 44 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement no 82 rectifié de M. Pierre André, rapporteur pour avis. - MM. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement no 326 de M. Roland Ries. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 327 de M. Roland Ries. - Mme Catherine Tasca, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 328 de M. Roland Ries. - MM. Thierry Repentin, le rapporteur, Mmes la ministre déléguée, Catherine Tasca. - Rejet par scrutin public.
Mme Nicole Bricq.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Amendement no 763 de M. Roland Muzeau. - MM. Roland Muzeau, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Guy Fischer. - Rejet par scrutin public.
Amendement no 45 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
MM. Roger Madec, Roland Muzeau, Jean-Pierre Sueur, Mme Marie-Christine Blandin, MM. Guy Fischer, Jean-Pierre Godefroy.
Demande de priorité des amendements identiques nos 47 et 83. - M. le président de la commission, Mme la ministre déléguée. - La priorité est ordonnée.
MM. Gérard Cornu, le président, Jean-Pierre Sueur, le président de la commission.
Amendements identiques nos 47 (priorité) de la commission et 83 (priorité) de M. Pierre André, rapporteur pour avis. - MM. le rapporteur, Pierre André, rapporteur pour avis ; Mme la ministre déléguée, MM. Gérard Cornu, Philippe Nogrix, Jean-Pierre Sueur, Thierry Repentin, Guy Fischer, Roland Muzeau, Jean-Pierre Godefroy. -Adoption, par scrutin public ayant donné lieu à pointage, des amendements nos 47 et 83 rédigeant l'article, les amendements nos 8, 365, 533, 764, 280 et 408 rectifié bis devenant sans objet.
Suspension et reprise de la séance
présidence de Mme Michèle André
MM. Guy Fischer, Nicolas About, le président de la commission des affaires sociales ; Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité.
4. Égalité des chances. - Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques.
Demande de priorité de l'amendement no 84 rectifié. - M. Nicolas About, le président de la commission des affaires sociales ; Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. - La priorité est ordonnée.
Mme Catherine Morin-Desailly, M. Serge Lagauche, Mmes Marie-Christine Blandin, Catherine Tasca, MM. Jean-Pierre Sueur, Guy Fischer, Gérard Cornu, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée.
Amendements identiques nos 84 rectifié de M. Pierre André, rapporteur pour avis, 48 rectifié de la commission, 68 rectifié de M. Philippe Richert, rapporteur pour avis, 12 de Mme Catherine Morin-Desailly, 266 rectifié de M. Serge Lagauche , 488 de Mme Marie-Christine Blandin et 765 de M. Roland Muzeau. - MM. Pierre André, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mme Catherine Morin-Desailly, M. Serge Lagauche, Mme Marie-Christine Blandin, M. Jack Ralite, Mme la ministre déléguée, M. Bernard Frimat. - Adoption des quatre amendements supprimant l'article, les amendements nos 489, 267, 490 rectifié et 491 devenant sans objet
MM. Guy Fischer ; Roger Madec.
Amendements identiques nos 49 de la commission, 85 de M. Pierre André, rapporteur pour avis, 330 de M. Roland Ries, 534 de M. Michel Mercier et 766 de M. Roland Muzeau. - M. Pierre André, rapporteur pour avis ; Mme Jacqueline Alquier, M. Philippe Nogrix, Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat, la ministre déléguée, M. Gérard Cornu. - Adoption des amendements nos 49, 85, 330, 534 et 766 supprimant l'article, les amendements nos 9, 767, 417 rectifié bis, 275 et 768 rectifié bis devenant sans objet.
M. Guy Fischer.
Amendements identiques nos 50 de la commission, 87 de M. Pierre André, rapporteur pour avis, 315 de M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis, 454 de M. François Marc et 769 de M. Roland Muzeau. - M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Mme Catherine Tasca, M. Guy Fischer, Mme la ministre déléguée, M. Gérard Cornu. - Adoption des amendements nos 50, 87, 315, 454 et 769 supprimant l'article, les amendements nos 770 et 771 devenant sans objet.
Mmes Éliane Assassi, Catherine Morin-Desailly, Alima Boumediene-Thiery, Gisèle Printz, Valérie Létard, MM. David Assouline, Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
Amendements identiques nos 332 de Mme Gisèle Printz et 781 de Mme Éliane Assassi. - Mmes Michèle San Vicente, Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée, MM. David Assouline, Gérard Cornu, Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. - Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Amendement no 51 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement no 52 rectifié de la commission et sous-amendements nos 456 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery, 901 de M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis, 900, 898, 899 de M. Roland Muzeau, 902 de M. Bernard Frimat, 896 rectifié de M. Jean-Paul Virapoullé, 897 de Mme Valérie Létard et 88 rectifié de M. Pierre André, rapporteur pour avis. - M. le rapporteur, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Éliane Assassi, Christiane Demontès, M. Jean-Paul Virapoullé, Mme Valérie Létard, M. Pierre André, rapporteur pour avis ; Mme la ministre déléguée, M. David Assouline. - Retrait du sous-amendement no 901 ; rejet des sous-amendements nos 456 rectifié, 900, 898 et, par scrutin public, des sous-amendements nos 902 et 899 ; adoption des sous-amendements nos 896 rectifié, 897, 88 rectifié et de l'amendement no 52 rectifié, modifié, les amendements nos 333, 457, 316, 334, 780, 782, 53, 458, 783 et 335 devenant sans objet.
Amendement no 522 rectifié de Mme Valérie Létard et sous-amendement no 459 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mmes Valérie Létard, Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mmes la ministre déléguée, Christiane Demontès. - Rejet du sous-amendement et de l'amendement.
Amendement no 520 de Mme Valérie Létard. - Mme Valérie Létard, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement no 784 de M. Roland Muzeau. - Mme Éliane Assassi, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 89 de M. Pierre André, rapporteur pour avis. - MM. Pierre André, rapporteur pour avis ; le rapporteur, Mmes la ministre déléguée, Gisèle Printz, Nicole Borvo Cohen-Seat, M. Jean-Pierre Godefroy. - Adoption de l'amendement no 89, l'amendement no 338 devenant sans objet.
Amendement no 339 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mmes la ministre déléguée, Gisèle Printz. - Rejet.
Amendement no 341 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Suspension et reprise de la séance
Présidence de M. Philippe Richert
Amendement no 340 rectifié de Mme Gisèle Printz. - MM. Jean-Pierre Godefroy, Philippe Dallier, rapporteur pour avis ; Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 344 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, M. le président de la commission, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 345 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 521 de Mme Valérie Létard. - Mme Catherine Morin-Desailly, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait.
Amendement no 785 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendement no 54 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption
Amendement no 343 de Mme Gisèle Printz. - Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Amendements identiques nos 342 de Mme Gisèle Printz et 786 de Mme Eliane Assassi. - Mmes Gisèle Printz, Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet, par scrutin public, des deux amendements.
Amendement no 787 de Mme Eliane Assassi. - Mme Josiane Mathon-Poinat, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet par scrutin public.
Mmes Éliane Assassi, Catherine Morin-Desailly.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
MM. Guy Fischer, Mme Alima Boumediene-Thiery.
Amendements identiques nos 346 de Mme Gisèle Printz et 788 de M. Roland Muzeau. - Mme Michèle San Vicente, MM. Guy Fischer, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet des deux amendements.
Amendement no 317 de M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. - M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis ; Mme la ministre déléguée. - Adoption.
Amendement no 894 de la commission. - M. le rapporteur, la ministre déléguée. - Adoption.
MM. Jacques Mahéas, le président.
Amendement no 347 de Mme Gisèle Printz. - Devenu sans objet.
Adoption de l'article modifié.
MM. Guy Fischer, Mme Bariza Khiari.
Amendements identiques nos 348 de Mme Gisèle Printz et 789 de M. Roland Muzeau. - Mmes Bariza Khiari, Marie-France Beaufils, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. le président de la commission. - Rejet des deux amendements.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
Intitulé de la section 2 (avant l'article 19)
Amendement no 369 de Mme Bariza Khiari. - Mme Bariza Khiari, MM. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances. - Adoption de l'amendement modifiant l'intitulé de la section.
Mmes Eliane Assassi, Bariza Khiari, MM. Bruno Retailleau, François Zocchetto, David Assouline, Jean-Luc Mélenchon, Nicolas Alfonsi.
Demande de priorité de l'amendement no 90. - MM. le président de la commission, le ministre délégué. - La priorité est ordonnée.
Amendement no 90 (priorité) de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis, et sous-amendements nos 538 rectifié, 418 rectifié bis, 419 rectifié, 872 rectifié, 873 et 420 rectifié. - MM. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis ; Bruno Retailleau, Mme Bariza Khiari, MM. le rapporteur, Azouz Begag, ministre délégué ; Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Bernard Frimat, Mme Éliane Assassi, MM. David Assouline, François Zocchetto, Jean-Pierre Fourcade, Jacques Pelletier. - Retrait des sous-amendements nos 538 rectifié et 419 rectifié ; rejet des sous-amendements nos 418 rectifié bis et 420 rectifié : adoption des sous-amendements nos 872 rectifié, 873 et, par scrutin public, de l'amendement no 90, modifié, rédigeant l'article, les amendements nos 424 rectifié, 542, 795, 544, 204, 207, 205, 543 et 206 devenant sans objet.
Demande de réserve des articles 23, 24 et 25. - MM. le président de la commission, Roland Muzeau. - La réserve est ordonnée.
Mmes Josiane Mathon-Poinat, Bariza Khiari
Amendement no 208 de Mme Bariza Khiari. - Mme Bariza Khiari, MM. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis ; Azouz Begag, ministre délégué. - Rejet.
Amendement no 537 rectifié de Mme Muguette Dini. - Retrait.
Amendement no 209 rectifié de Mme Bariza Khiari. - Mme Bariza Khiari, MM. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis ; Azouz Begag, ministre délégué. - Rejet.
Adoption de l'article.
Mme Bariza Khiari, M. Richard Yung.
Amendement no 421 rectifié bis de M. Bruno Retailleau. - MM. Bruno Retailleau, Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Azouz Begag, ministre délégué ; Richard Yung, David Assouline. - Rejet.
Amendement no 539 rectifié de Mme Muguette Dini. - Retrait.
Amendements nos 546 rectifié de M. François Zocchetto et 903 de la commission. - MM. François Zocchetto, le président de la commission, Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis ; le président de la commission des lois, Azouz Begag, ministre délégué ; Richard Yung. - Adoption de l'amendement n° 903, l'amendement no 546 rectifié devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Demande de priorité de l'article 27. - Mme le ministre déléguée, M. le président de la commission. - La priorité est ordonnée.
Mmes Éliane Assassi, Alima Boumediene-Thiery, Bariza Khiari, MM. Bernard Frimat, David Assouline, Jean-Pierre Godefroy.
Demande de priorité des amendements nos 402 et 403. - M. le président de la commission, Mme la ministre déléguée. - La priorité est ordonnée.
Amendements nos 402 (priorité) et 403 (priorité) de M. Jean-Jacques Hyest. - MM. Jean-Jacques Hyest, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, MM. Roland Muzeau, Bernard Frimat, Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis ; Mme Marie-France Beaufils, M. Yann Gaillard, Mme Raymonde Le Texier. - Adoption, par scrutins publics, des deux amendements, les amendements nos 97, 212, 535, 810, 60 et 213 devenant sans objet.
Amendement no 214 de Mme Bariza Khiari. - Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
Mmes Éliane Assassi, Alima Boumediene-Thiery.
Amendements identiques nos 96 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis ; 404 rectifié de M. Jean-Pierre Sueur, 462 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 536 de M. Michel Mercier et 809 de Mme Éliane Assassi. - MM. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois ; Jean-Pierre Godefroy, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. François Zocchetto, Mme Marie-France Beaufils, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait des amendements nos 96 et 536 ; rejet, par scrutin public, des amendements nos 404 rectifié, 462 et 809.
Adoption, par scrutin public, de l'article.
Amendement no 98 de M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. - M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. - Retrait.
Amendement no 399 de Mme Dominique Voynet. - Mme Alima Boumediene-Thiery. - Retrait.
MM. Richard Yung, Guy Fischer.
Demande de priorité des amendements nos 61 et 62 rectifié. - MM. le président de la commission, Azouz Begag, ministre délégué ; le président. - La priorité est ordonnée.
Amendement no 61 (priorité) de la commission. - MM. le rapporteur, Azouz Begag, ministre délégué ; Roland Muzeau, Richard Yung, Jean-Luc Mélenchon. - Adoption, par scrutin public.
Amendement no 62 rectifié (priorité) de la commission. - MM. le rapporteur, Azouz Begag, ministre délégué ; Richard Yung. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement no 62 rectifié, les amendements nos 371 rectifié, 401, 811 et 370 devenus sans objet.
Amendement no 529 de M. Michel Mercier. -MM. François Zocchetto, Azouz Begag, ministre délégué ; Roger Karoutchi, au nom de la commission des finances. - Irrecevabilité.
MM. Roland Muzeau, Jean-Pierre Godefroy, François Zocchetto.
Adoption, par scrutin public, de l'article modifié.
MM. le président, Guy Fischer, le président de la commission, Gérard Larcher, ministre délégué ; Jean-Pierre Godefroy.
Renvoi de la suite de la discussion.
6. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
7. Dépôt de rapports d'information
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
égalité des chances
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence (nos 203, 210, 211, 212, 213, 214).
Rappels au règlement
M. Guy Fischer. Demain, a lieu la 1ère Journée des Français de l'étranger au Sénat. Au nom de mon groupe, je m'insurge contre la transformation de la salle des conférences et l'utilisation de l'hémicycle pour cet événement.
En conférence des présidents, nous avons vivement regretté que nos débats ne puissent se poursuivre samedi après-midi, même si des engagements avaient été pris depuis un an auprès de nos collègues représentant les Français de l'étranger.
Certes, il n'était pas prévu que le débat sur le projet de loi pour l'égalité des chances se prolonge autant. Une fois de plus, notre programme va être modifié et nous serons probablement contraints de travailler dimanche, voire lundi prochain.
Nous ne faisons que réaffirmer les propos tenus par Mme Borvo Cohen-Seat lors de la dernière conférence des présidents.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous allons devoir travailler dans des conditions difficiles. Je sais bien que l'urgence est déclarée, mais tout de même !
J'ai quitté ma ville depuis presque deux semaines afin de me consacrer pleinement à l'examen de ce projet de loi. Or, demain après-midi, nous, élus de province, nous serons contraints de faire du tourisme à Paris, ce que nous n'avions pas prévu. Nous avons certainement mieux à faire !
Il aurait été de meilleure méthode d'interrompre nos travaux samedi à midi, ce qui nous aurait permis de retourner dans nos circonscriptions, et de les reprendre lundi matin.
M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que cette journée consacrée aux Français de l'étranger, que le Sénat s'apprête à accueillir demain, a été prévue de longue date. M. Guy Fischer le sait très bien, car elle a reçu l'accord du bureau du Sénat et a fait l'objet d'un débat à la dernière conférence des présidents.
Par ailleurs, tout est prévu pour que tout se passe de la meilleure façon possible pour les sénateurs.
Il n'y a pas de procès d'intention à faire à qui que ce soit. Il est normal que nous accueillions les Français de l'étranger.
Certes, nos travaux sur le projet de loi pour l'égalité des chances se sont prolongés. Mais, encore une fois, cet événement est prévu depuis des mois. Alors, je vous en prie, n'invoquez pas n'importe quel prétexte pour polémiquer !
Si certains d'entre nous sont présents au Sénat demain après-midi, ils pourront toujours venir dans l'hémicycle à la rencontre des Français de l'étranger, ce qui sera très intéressant !
Pour les autres, il y a à Paris, en ce moment, de très beaux musées à visiter et de très bons films à voir, permettant de se détendre après la pression que nous venons de subir.
La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga, pour un rappel au règlement.
Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, il est très désagréable pour une élue des Français de l'étranger de constater que le Sénat utilise cette réunion, qui est une première, pour désorganiser les travaux parlementaires, qui sont la priorité du Sénat.
Cet événement, dont je me réjouis qu'il ait lieu, est certes prévu de longue date. Pour autant, il n'est pas normal de désorganiser le travail de nos collègues, provinciaux ou parisiens, qui ont tous des obligations dans leur circonscription durant le week-end.
Nous, Français de l'étranger, n'admettons pas d'être un alibi pour justifier ces perturbations. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Ma chère collègue, je suis très surpris de vos propos. Vous et moi avons des racines communes, puisque vous êtes originaire de mon département, la Sarthe. Aussi, je m'adresserai à vous de façon tout à fait particulière.
Lors de la dernière conférence des présidents, M. le président du Sénat a proposé d'annuler la Journée des Français de l'étranger. À l'unanimité, il a été décidé de la maintenir.
Alors, je vous en prie, ma chère collègue, faisons en sorte que tout se passe au mieux !
M. Claude Domeizel. Je partage totalement les propos qui viennent d'être tenus au sujet de la désorganisation de nos débats, qui s'ajoute au changement de l'ordre d'examen de certains amendements. De l'extérieur on pourrait s'interroger sur nos méthodes de travail !
Il est vrai que la 1ère Journée des Français de l'étranger était prévue depuis longtemps, mais cela a des conséquences désagréables pour nos collègues de province.
Au risque d'être considéré comme un provocateur, je rappellerai qu'il y a quelques jours la suite de l'examen du projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif a été renvoyée à une séance ultérieure et un débat sur une question orale de M. Haenel portant sur la libre circulation des travailleurs salariés européens, qui devait avoir lieu dans l'hémicycle, s'est tenu à la salle Médicis. Au point où nous en sommes, nous pourrions donc faire de même pour les débats de demain !
M. le président. Le Sénat n'est pas la Chambre des Communes et ne comporte pas encore deux hémicycles !
En revanche, je pense qu'il tend à devenir une Assemblée nationale bis, ce qui, après vingt-neuf années passées dans cette maison, me désespère, car je souhaiterais que nous nous manifestions plus de tolérance et de respect.
Demande de réserve
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, afin d'assurer la cohérence de nos débats et de poursuivre l'examen de la partie du projet de loi qui concerne Mme la ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité, je demande la réserve des articles additionnels jusqu'à la fin du texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le président, il me semble souhaitable de débattre de l'agence de cohésion sociale avant d'examiner le problème des zones franches urbaines, les ZFU.
Le Gouvernement est donc favorable à la demande de réserve.
M. Guy Fischer. Nous protestons vivement contre cette demande de réserve. On reconnaît bien là le mépris de la majorité parlementaire et du Gouvernement pour le déroulement de nos débats.
La plupart des articles additionnels ont trait au titre 1er. Or M. le président de la commission avait pris l'engagement que, dans un souci de cohérence et de meilleure compréhension du débat, ils seraient examinés à la fin du titre 1er.
Nous dénonçons ce nouveau coup de force procédurier, qui vise à nous bâillonner et à nous faire taire !
M. Alain Gournac, rapporteur. Faire taire M. Fischer, c'est difficile !
M. Guy Fischer. Pour la bonne compréhension de nos débats tant par ceux qui les suivent que par la presse, il n'est pas possible de renvoyer l'examen des articles additionnels qui concernent le titre 1er à la fin du texte.
Vous voulez nous épuiser, mais vous n'aurez pas notre peau, monsieur le président de la commission ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)
M. Roland Muzeau. Exactement !
M. Alain Gournac, rapporteur. On n'épuise pas M. Fischer !
M. le président. Monsieur Fischer, je connais M. About et j'apprécie ses compétences de président depuis longtemps. Je n'ai pas l'impression qu'il soit homme à vouloir bâillonner le Sénat !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ni à vouloir faire la peau de M. Fischer ! Il est tellement sympathique !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cette demande de réserve était dans l'air depuis hier soir. Mais là, véritablement, nous ne pouvons pas l'accepter.
Nos collègues avaient prévu de venir défendre leurs amendements en fonction du dérouleur qui était à notre disposition hier soir.
Nous devons maintenant les appeler en urgence non seulement pour les prévenir que le Sénat ne siégera pas samedi après-midi, mais aussi que les articles additionnels sont réservés jusqu'à la fin du texte ! Nos collègues seront donc obligés de revenir à un autre moment, alors qu'ils avaient peut-être un autre impératif prévu dans leur circonscription.
Ce ne sont pas des méthodes de travail !
On ne sait plus comment s'organiser pour travailler. Si vous voulez que le débat n'ait pas lieu ou qu'il soit complètement faussé, dites-le !
Comment voulez-vous que nos collègues de province soient présents si, à tout moment, on change l'ordre de discussion des amendements ? Nous ne sommes pas tous parisiens !
M. René Garrec. Loin de là !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous avons besoin de nous organiser, mais aussi d'être dans nos circonscriptions, sur le terrain ! Nous devons assister aux manifestations qui ont lieu dans nos départements !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous aussi, nous avons des rubans à couper !
M. Jean-Pierre Godefroy. On ne peut plus travailler dans ces conditions !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il était prévu que nous travaillerions samedi et dimanche !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cette petite manipulation était prévisible, mais je ne sais pas à quoi elle vous sert puisque nous avions de toute façon prévu de siéger.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous facilitons le travail du ministre !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Sans doute, mais il faut aussi penser aux parlementaires. Nous nous étions fiés au dérouleur. Il a changé depuis hier soir, et il changera peut-être encore cet après-midi.
Je demande donc une suspension de séance d'un quart d'heure, monsieur le président.
M. le président. Madame Borvo Cohen-Seat, elle ne se justifie pas, ...
M. Guy Fischer. Elle est de droit !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Absolument !
M. le président. ... puisque le dérouleur va jusqu'à l'article 15 inclus... (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président, vous ne pouvez pas me refuser une suspension de séance : nous avons besoin d'appeler nos collègues !
M. Claude Domeizel. Tout à fait !
M. le président. Il n'y a aucune raison de suspendre la séance.
M. Alain Gournac, rapporteur. Aucune !
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je demande la parole !
M. le président. Monsieur Domeizel, je ne vous la donne pas. Chacun s'est exprimé...
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je prends la parole !
M. le président. Monsieur Domeizel, je vous prie de parler avec courtoisie.
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, c'est vous qui ne vous montrez pas courtois en refusant de suspendre la séance !
M. Alain Gournac, rapporteur. Du calme !
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, on se moque de nous !
M. le président. Je ne me moque de personne. J'essaie de faire régner la sérénité dans cette maison. Chacun savait comment le débat s'organiserait... (Non ! sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Claude Domeizel. Pas du tout, on le découvre !
M. Roland Muzeau. Ce n'est pas ce qui avait été annoncé !
M. le président. Mes chers collègues, le dérouleur prévoit que nous examinions les articles 10 à 15, et je vais donc appeler l'article 10. (Protestations sur les mêmes travées.)
Article 10
Dans le premier alinéa du II de l'article 13 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 précitée, après les mots : « même annexe, », sont insérés les mots : « ainsi que, à compter du 1er août 2006, pour celles existant à cette date ou créées ou implantées à compter de cette date dans les zones franches urbaines figurant sur la liste arrêtée par le décret prévu à l'article 6 de la loi n° du précitée, ».
M. le président. Quelqu'un demande-t-il la parole sur l'article ?...
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je demande la parole pour un rappel au règlement sur le fondement de l'article 42.
M. le président. Monsieur Domeizel, vous pouvez intervenir pour un rappel au règlement - ce sera la deuxième fois que vous interviendrez - mais je vous invite à parler avec mesure et sérénité. C'est plus agréable pour tout le monde !
M. Claude Domeizel. Monsieur le président, je vous signale que, pour la plupart d'entre nous, nous siégeons depuis plus d'une semaine, et les séances ont été fort longues. Les présidences changent, et peut-être ne savez-vous pas ce qui s'est passé lors des séances précédentes, mais je suis au regret de dire que l'on est en train de se moquer de nous !
M. Roland Muzeau. Tout à fait !
M. Claude Domeizel. On nous apprend au dernier moment que les articles additionnels sur le titre Ier sont renvoyés à la fin du texte, pour des raisons que j'ignore et qui ne nous sont pas expliquées,...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Oui, on ne sait pas pourquoi !
M. Claude Domeizel. ...et nous ne sommes pas en mesure d'aborder le débat sans avoir pu remettre en ordre nos dossiers et, surtout, sans avoir pu appeler nos collègues,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Vos collaborateurs vont le faire !
M. Claude Domeizel. ...qui se sont organisés en fonction du précédent dérouleur et à qui il faut laisser le temps de venir.
Monsieur le président, je vous demande donc, au nom du groupe socialiste, une suspension de séance d'une heure !
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Mes chers collègues, j'essaie de présider avec le maximum d'objectivité et d'assurer la sérénité de nos débats en séance.
Le président de la commission des affaires sociales a demandé le renvoi de la discussion des articles additionnels à la fin du texte. Le dérouleur, que j'ai sous les yeux, montre qu'il n'y a pas un seul article additionnel entre l'article 10 et l'article 15.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela vous laisse au moins trois heures, monsieur Domeizel !
M. le président. Il n'y a donc aucune raison de suspendre la séance. Nous pouvons travailler sereinement jusqu'à la fin de l'article 15. C'est ce pour quoi nous sommes réunis ce matin.
L'amendement n° 762, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'article 10 pourrait procéder de la simple coordination, pour peu que l'on examine son caractère quelque peu limité. Il ne comporte qu'un alinéa, soit nettement moins que l'article 9 que nous venons d'examiner cette nuit, et il porte sur la question de la clause locale d'embauche.
Il s'agit tout simplement, dans l'esprit de cet article 10, d'étendre ces dispositions du paragraphe II de l'article 13 de la loi du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville à la quinzaine de nouvelles zones franches urbaines que l'on s'apprêterait, par voie réglementaire, à créer.
À dire vrai, la clause locale d'embauche n'est pas la clause la plus difficile à respecter pour les entreprises implantées dans les ZFU, les zones franches urbaines.
Si l'on en croit le rapport de l'ONZUS, l'observatoire national des zones urbaines sensibles, 27 % des salariés recrutés en 2003 dans les établissements présents au 1er janvier 2002 étaient issus du quartier et 32 % dans les nouveaux établissements. On est donc extrêmement proche du taux de 33 % qui est aujourd'hui recherché.
Cela étant dit, la clause locale d'embauche pose d'autres questions. Nous pourrions nous satisfaire d'un dispositif tendant à permettre aux habitants des quartiers de tirer parti du relatif développement induit par la ZFU, parce qu'en première impression il devrait d'abord répondre à leur attente, mais nous avons aussi souligné que la qualité de l'emploi, notamment les niveaux de rémunération pratiqués, pouvaient de fait confiner les salariés concernés dans l'univers des bas salaires et l'absence de reconnaissance des qualifications.
Quand les trois quarts des rémunérations sont inférieures à un SMIC et demi, c'est là un enjeu majeur. D'ailleurs, dès 2002, ces problèmes étaient pointés par notre collègue Pierre André, qui, à propos de la clause d'embauche locale, alors fixée à 20 % des emplois, écrivait ce qui suit :
« Une clause destinée à favoriser l'emploi des habitants des quartiers défavorisés.
« L'article 12 de la loi du 14 novembre 1996 prévoit que lorsqu'un employeur a embauché deux salariés ouvrant droit à exonération, le nombre de salariés qui résident dans les ZFU doit être d'au moins 20 % de l'effectif employé. Cette clause ne s'applique donc pas aux très petites entreprises.
« D'aucuns étaient dubitatifs quant à la possibilité de respecter ce critère destiné à éviter que les habitants des quartiers ne soient exclus de l'accès à l'emploi, alors même qu'ils sont "assignés à résidence" dans ces grands ensembles.
« Une clause si bien respectée ...
« Toutes les statistiques montrent que le minimum de 20 % d'emplois locaux a non seulement été respecté, mais encore dépassé.
« Selon l'étude de la DARES, la part des salariés employés résidents dans les ZFU sur l'effectif total exonéré est, en moyenne, de 26 %, soit six points de plus que l'obligation légale. La même source note que fin 1999, 13 000 salariés des établissements situés en ZFU résident dans ces zones, contre 9 000 un an plus tôt. En août suivant, on considère qu'à la fin 2000, sur 54 000 salariés exonérés, environ 14 500 résident dans l'une des zones.
« Concrètement, le contrôle du respect de la loi suppose une analyse détaillée effectuée sur le terrain. Il résulte des chiffres communiqués à votre rapporteur que la part des emplois occupés par les habitants des quartiers est de 36 % à Marseille et à Strasbourg, 33 % à Amiens, 30 % à Meaux et 25 % à Garges-lès-Gonesse.
« Selon les données collectées à Meaux, il semble, de surcroît que les entreprises n'attendent pas d'avoir franchi le seuil fixé par la loi pour embaucher un résident de la ZFU et qu'elles réservent l'offre d'emploi à un résident à la première ou à la deuxième embauche, alors que la loi prévoit que la clause de 20 % joue à partir de trois emplois.
« On notera cependant que les difficultés rencontrées par les entreprises pour recruter du personnel salarié se sont trouvées renforcées par la clause de 20 % : certaines entreprises se trouvant à la merci du départ volontaire d'un salarié qui avait pour effet de leur faire perdre le droit à exonération, alors même qu'elles rencontraient de réelles difficultés pour pourvoir le poste vacant en embauchant un résident de la ZFU.
« Une clause si bien respectée qu'elle pose le problème de l'employabilité des chômeurs
« Le succès rencontré pour l'emploi de personnes qui résident dans la ZFU a sa contrepartie : les entreprises enregistrent désormais des difficultés pour recruter des salariés issus des quartiers "sensibles". Il serait, en conséquence, souhaitable d'envisager de moduler la loi sur ce point en permettant, lorsque la notion de "quartier périphérique" bien individualisé est inopérante, par exemple dans les zones périurbaines d'Île-de-France où l'on ne distingue plus les limites des agglomérations, de recruter des personnes résidant dans d'autres quartiers sensibles.
« Au demeurant, les chômeurs qui résident dans les ZFU sont caractérisés par un très faible niveau de formation, à l'instar de ceux de la zone franche de Meaux, dont près de 70 % sont peu ou pas qualifiés, ce qui explique la difficulté tenant à faire baisser le chômage en ZFU au même rythme que celui observé dans le reste des agglomérations concernées.
« Les difficultés dans le recrutement des chômeurs se font partout sentir, à l'instar de la situation à Strasbourg où l'on souligne l'inadéquation de la qualification des chômeurs, tandis que "d'une manière générale, les chefs d'entreprises estiment que les jeunes sont peu autonomes, s'adaptent assez mal aux contraintes liées au monde du travail et n'acceptent pas les niveaux de salaires de débutants". Une remarque analogue est faite par l'assemblée permanente des chambres de métiers, selon laquelle, "les professionnels sont confrontés à des populations pas forcément motivées par les postes offerts : difficulté à se plier aux contraintes horaires et aux règles de l'entreprise, ce qui entraîne des salariés instables et peu motivés. Cette situation est rencontrée même lorsqu'il existe un centre de formation d'apprentis. L'existence d'une économie parallèle amplifie, sans aucun doute, les difficultés et détourne notamment les jeunes". »
L'opinion de l'assemblée permanente des chambres de métiers devrait, je crois, nous amener à nous interroger, mes chers collègues.
Ces remarques qui, dans les faits, ne sont produites qu'à partir du seul point de vue des employeurs montrent en fait les limites et les travers de la clause locale d'embauche.
S'il faut aider les personnes privées d'emploi dans les zones urbaines sensibles à trouver un emploi, ce ne peut être uniquement organisé autour de l'obligation faite aux entreprises tirant parti du statut dérogatoire de la ZFU pour s'implanter, sauf à favoriser, encore et toujours, hélas ! la production d'un grand nombre d'emplois sans qualification ni rémunération acceptable, facteur évident de ce que l'on appelle l'« assignation à résidence » et dont la conséquence immédiate est un turnover effroyable, de sorte que l'effet des dispositions pour favoriser l'emploi dans ces quartiers se trouve annihilé.
Notre questionnement sur l'extension du dispositif de ZFU se complète d'un questionnement sur l'extension de toutes ses composantes. C'est le sens de cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Roger Madec. Monsieur le président, je souhaite intervenir sur l'article !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Vous avez raté le coche !
M. le président. Monsieur Madec, vous pourrez demander la parole pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Et la parole sur l'article ?
M. le président. Personne ne l'a demandé tout à l'heure. Nous avons commencé l'examen de l'amendement n° 762.
Monsieur le rapporteur, quel est l'avis de la commission sur cet amendement ?
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Sur cet amendement, qui est en fait un amendement de coordination, nous donnons un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je voudrais d'abord rappeler que la clause locale d'embauche est respectée puisqu'une personne sur trois du quartier est recrutée.
Le problème majeur de la qualification est évidemment une difficulté, et c'est la raison pour laquelle nous avons l'intention, avec Gérard Larcher, de renforcer la formation et l'accompagnement personnalisé.
Pour autant, dès lors que la clause locale d'embauche profite aux habitants du quartier, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Vouloir supprimer cet article 10 participe, nous l'avons souligné, de notre démarche générale sur ce texte. Il s'agit de s'interroger sur la pertinence du choix des zones franches urbaines et donc de rejeter toute disposition qui tend à le prolonger.
Mais cela pose aussi, comme nous l'avons dit, la question de l'application du principe de la clause locale d'embauche, qui vise à obliger les entreprises implantées en ZFU à recruter, pour un tiers dès la troisième embauche, des salariés issus des quartiers d'implantation.
La remarque que nous avons faite précédemment visait à constater que la plupart des emplois créés par les entreprises en ZFU sont éligibles au dispositif d'exonération, ce qui veut dire que la rémunération de ces emplois est inférieure au plafond fixé à 1,4 SMIC depuis la loi de finances 2006.
En clair, la clause locale d'embauche trouverait ses limites dans le développement d'un salariat sous-rémunéré - au demeurant assez nettement induit par les secteurs les plus représentés en termes de création d'établissements - et probablement à qualification non reconnue.
Ainsi, des jeunes titulaires d'un bac professionnel ou encore d'un bac sciences et technologies tertiaires, dit bac STT, se retrouveraient embauchés au SMIC, majoré par quelques primes de résultat, dans un centre d'appel dont le seul avantage serait d'être situé à proximité immédiate de leur domicile...
L'examen de la réalité de la demande d'emploi dans les zones urbaines sensibles donne des éléments relativement précis. Rappelons ainsi les données fournies par le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles.
Fin 2004, ces quartiers comptaient 326 527 personnes privées d'emploi, dont 69 722 jeunes. Sur cet ensemble de personnes privées d'emploi, nous comptions 16,4 % de demandeurs à la recherche d'un emploi ouvrier non qualifié et 26,1 % de demandeurs à la recherche d'un poste d'employé non qualifié ; 14,5 % des mêmes personnes privées d'emploi recherchaient un emploi d'ouvrier qualifié, 34,3 % un poste d'employé qualifié et 8,7 % un poste d'ICTAM, ingénieurs, cadres, techniciens ou agents de maîtrise.
En clair, la grande majorité des demandeurs d'emploi des ZUS, zones urbaines sensibles, recherchaient un emploi à qualification reconnue, ce qui implique, la plupart du temps, un niveau de rémunération plus important que celui qui peut être proposé par les entreprises implantées dans ces mêmes quartiers pour bénéficier de l'exonération de cotisations sociales.
Le processus est sans doute en phase de progression avec le relèvement global du niveau de la formation initiale des demandeurs d'emploi les plus jeunes ; 29,5 % des demandeurs d'emploi recensés ont un niveau de formation égal ou supérieur au bac.
De fait, la clause locale d'embauche risque fort, si l'on n'y prend garde, de se retourner contre les résidents des ZFU en les contraignant à accepter des rémunérations inférieures au niveau de formation qu'ils ont atteint. Mais cela, c'est aussi et surtout parce que l'aide au développement des entreprises prend cette forme-là que le problème finit par se poser.
Quand on encourage les bas salaires, on encourage, y compris dans les zones franches urbaines, un processus de dévalorisation des qualifications acquises, bien loin de la sécurité professionnelle que pourraient légitimement revendiquer les personnes aujourd'hui privées d'emploi.
Tout cela montre, une fois encore, que les conditions d'un développement économique et social durable des quartiers ne sont pas réunies dans le cadre dans lequel nous nous situons. C'est aussi pour ces raisons que nous ne pouvons que vous inviter à voter cet amendement de suppression de l'article 10.
M. le président. La parole est à M. Roger Madec, pour explication de vote.
M. Roger Madec. Fin janvier 2006, le nombre de demandeurs d'emplois s'est établi à 2 326 900, soit une hausse significative de 0,7 %. Si le taux de chômage est passé à 9,6 %, il est de 22, 8% pour les jeunes de moins de 25 ans ! Et l'on sait que ces jeunes sont issus des quartiers les plus défavorisés et sont les moins qualifiés.
Au sein des 85 zones franches urbaines françaises, aujourd'hui, plus de 13 500 établissements bénéficient d'une exonération de cotisations sociales patronales. Ces exonérations touchent 68 600 salariés.
L'article 10 de ce projet de loi concerne la clause locale d'embauche. Cette clause prévoit que, pour une entreprise implantée avant le 1er janvier 2002, les résidents de la ZFU doivent représenter un cinquième des effectifs et que, pour les entreprises qui se sont implantées au-delà de cette date dans une ZFU, les résidents de la ZFU doivent représenter un tiers des effectifs.
L'article 10 étend donc cette clause aux entreprises s'implantant dans les ZFU, dont ce projet de loi annonce la création.
À ce sujet, madame la ministre, nous espérons que vous avez consulté l'Union européenne avant de prendre vis-à-vis des élus locaux des engagements que vous ne pourrez peut-être pas tenir. En effet, l'extension géographique de ce dispositif est soumise en dernier ressort à l'accord de l'Union européenne.
Or, déjà à l'occasion de la mise en place de la première génération de ZFU, l'Union européenne avait exigé que la population concernée ne dépasse pas 1 % de la population française. Ce taux est dépassé depuis longtemps.
Le rapport de notre éminent collègue Éric Doligé en juillet 2003 sur la rénovation urbaine soulevait déjà ce problème. Il notait qu'il fallait qu'« à l'avenir la discussion au Parlement des régimes d'aides dérogatoires mis en place dans le cadre de la politique de la ville se fasse après leur autorisation par la Commission européenne ».
Madame la ministre, je vous remercie par avance de nous apporter quelques éléments sur ce point. Nous espérons que vous n'avez pas pris d'initiative trop hâtive. Mais revenons au sujet de l'article 18, qui concerne l'emploi.
Les résidents de ZFU représentent aujourd'hui 32 % des salariés des entreprises. À ce titre, les auteurs de ce projet de loi présentent les ZFU comme de véritables succès. Or, leur impact sur le marché du travail est timide.
Certes, il y a eu de nombreuses créations d'entreprises dans ces zones qui n'auraient peut-être pas choisi ces emplacements en dehors du dispositif. Mais le taux de chômage y est encore très préoccupant. Il reste encore près de deux fois supérieur à la moyenne nationale, notamment chez les jeunes, en particulier ceux qui sont peu qualifiés.
De plus, on peut se poser la question des créations brutes d'emploi. Pouvez-vous, madame la ministre, nous donner plus de précisions sur ce point ?
Il semble qu'il n'y ait pas de réelle étude d'impact, alors que les premières créations datent maintenant de dix ans. Nous souhaiterions être rassurés sur le fait que les ZFU n'incitent pas seulement les entreprises à modifier le lieu de leur implantation, mais qu'elles permettent surtout la création de nouveaux emplois.
Un chef d'entreprise sur deux déclare avoir rencontré des difficultés à recruter. Cela tient principalement, nous le savons tous, au manque de qualification et de compétences des candidats. En effet, près de 65 % de la population n'atteint pas le niveau de formation du baccalauréat.
L'autre point invoqué par les chefs d'entreprise est le sentiment d'insécurité et les dégradations régulières des locaux.
Malheureusement, ce projet de loi ne semble pas chercher à pallier ces difficultés.
Ce n'est pas en leur permettant de travailler le dimanche et la nuit dès l'âge de 14 ans que les jeunes de ces quartiers pourront améliorer leur situation.
Ce n'est pas avec le CNE et le CPE que vous sortirez ces quartiers de ces situations d'extrême difficulté.
Nous regrettons que ces mesures incitatives ne s'accompagnent pas plus de politiques publiques fortes pour l'éducation et la sécurité, d'autant plus que vous semblez avoir l'intention d'abandonner l'idée des ZEP, du moins si l'on en croit Nicolas Sarkozy, qui s'autoproclame presque ministre de l'éducation nationale.
Dans ces conditions, il y a une véritable contradiction à vouloir présenter la création de ZFU comme solution aux problèmes du chômage dans les quartiers et, comme l'a annoncé Nicolas Sarkozy, à vouloir supprimer les ZEP, qui ont été créées afin de permettre un rattrapage dans le processus de formation et d'offrir aux jeunes des quartiers en difficulté la possibilité d'accéder au marché de l'emploi. Or les périmètres des ZEP et ceux des ZFU sont très concordants.
Enfin, comme je l'ai dit, le sentiment d'insécurité qui règne dans ces quartiers-là est encore un facteur de contradiction avec l'implantation d'entreprises.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Fischer.
M. Roger Madec. Pour toutes ces raisons, nous voterons l'amendement tendant à supprimer cet article, qui nous semble inutile.
M. le président. Monsieur Muzeau, vous m'avez demandé la parole pour explication de vote. Mais vous êtes déjà intervenu sur l'article et je vous ai laissé dépasser légèrement votre temps de parole. Je vous demande donc, pour la bonne règle, d'être bref.
M. Roland Muzeau. Je vais, bien sûr, être bref. Je tiens simplement à citer trois phrases de M. le président About telles qu'elles figurent au compte rendu analytique, à propos duquel il n'y a pas eu d'observation : « En vertu de l'article 37 du règlement qui autorise le président de la commission à prendre la parole à tout moment », (Sourires dans la salle.) « je souhaite, conformément à une pratique constante de la commission des affaires sociales, demander la réserve de tous les amendements portant articles additionnels jusqu'à la fin du titre Ier. Pour faire bonne mesure, j'ai inclus l'amendement n° 823 du sénateur About avant le titre Ier. (Nouveaux sourires.) »
Mais, monsieur About, vous avez laissé examiner l'amendement de M. de Rohan, qui était un article additionnel et qui portait sur de nouveaux cadeaux fiscaux aux patrons.
Je crois que nous sommes là dans un cas flagrant d'atteinte à la Constitution et le parti pris qui est celui du président de la commission et du Gouvernement sur l'organisation de nos travaux est tout à fait inacceptable.
Monsieur le président, considérez-vous qu'en reportant la discussion des articles additionnels du titre Ier, vous allez demain, après-demain, nous dire qu'ils n'ont rien à voir avec le texte et qu'ils disparaissent.
On va de coup de force en coup de force ! Je souhaiterais que les propos qui figurent au compte rendu analytique soient respectés.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Muzeau, j'ai bien pris soin de demander la réserve des articles additionnels après l'article 4 quinquies. Tout le monde savait que serait soumis à discussion l'article additionnel après l'article 4 quater, puisqu'il était seul.
En reportant la discussion des articles additionnels à la fin du titre Ier, je me sanctionnais ainsi le premier, puisque j'étais l'auteur de quatre d'entre eux.
Je ne cherchais pas à favoriser tel ou tel, mais simplement à préserver une certaine cohérence.
Par ailleurs, vous ne devez pas avoir beaucoup de vos collègues à rappeler, puisque les auteurs des amendements figurant aux articles dont nous allons discuter dans la journée sont pratiquement tous là.
Mme Gisèle Printz. Il en manque deux !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociale. De toute façon, avec le retard que nous prenons, il n'y a pas de danger. Ils ont largement le temps d'arriver.
M. Roland Muzeau. Vous reconnaissez que vous ne respectez pas ce que vous aviez dit !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Souvent président varie ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 762.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 113 :
Nombre de votants | 323 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 195 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 43, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
À la fin de cet article, remplacer les mots :
figurant sur la liste arrêtée par le décret prévu par l'article 6 de la loi n° précitée,
par les mots :
mentionnées au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95- 115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'article 6. J'ai d'ailleurs déjà évoqué ce sujet à de nombreuses reprises tout au long de la journée d'hier.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à cet amendement, monsieur le président.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.
M. le président. L'amendement n° 406 rectifié bis, présenté par MM. Darniche, Masson et Retailleau et Mme Desmarescaux, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
Après le premier alinéa du II de l'article 13 de la loi n° 96- 987 du 14 novembre 1996 précitée, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« La clause locale d'embauche comprend un volet social concernant l'emploi de personnes au revenu minimum d'insertion ou au chômage de longue durée.
« Les modalités d'application sont fixées par décret. »
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 44, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
A. - Compléter cet article par un paragraphe II ainsi rédigé :
II. - Le II du même article est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de faciliter l'accès des demandeurs d'emplois des zones urbaines sensibles aux recrutements des entreprises des zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95- 115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, le service public de l'emploi, tel qu'il est défini à l'article L. 311- 1 du code du travail, s'associe à la région et aux autres collectivités territoriales concernées pour mettre en oeuvre des parcours de formation adaptés. »
B. - En conséquence, faire précéder le texte du présent article par la mention :
I.-
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission des affaires sociales approuve, dans son principe, la clause locale d'embauche qui conditionne l'octroi des exonérations de charges sociales à l'embauche ou à l'emploi d'au moins 33 % de salariés résidant en ZUS.
Toutefois, une enquête réalisée sur l'initiative de la délégation interministérielle à la ville, la DIV, auprès des chefs d'entreprises implantées en ZFU a mis en évidence les difficultés importantes qu'ils rencontrent en matière de recrutement, compte tenu, principalement, du très faible niveau de qualification de la population active dans les ZUS.
Cet amendement vise à remédier à cette situation.
Il paraît essentiel de proposer des parcours de formation adaptée aux demandeurs d'emploi dans les ZUS, afin d'améliorer leur employabilité et de favoriser ainsi l'embauche locale par les entreprises implantées en ZUF et assujetties à la clause locale d'embauche.
Cet amendement vise donc à confier aux services publics de l'emploi, en association non seulement avec la région, mais aussi avec les autres collectivités territoriales compétentes, le développement de parcours de formations adaptées en fonction des activités présentes dans les ZUS.
Les entreprises pourront ainsi se rapprocher au mieux des besoins spécifiques à chaque ZUS. En favorisant de telles formations, nous pourrons effectivement apporter une réponse aux chefs d'entreprise qui se sont adressés à la DIV.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement partage tout à fait l'analyse qui vient d'être faite par M. le rapporteur.
Il est nécessaire d'accompagner les publics des quartiers, notamment dans les zones franches urbaines, si l'on veut parvenir à une meilleure adéquation entre les postes à pourvoir et les formations des habitants des quartiers. L'enquête à laquelle vous faisiez allusion, il y a un instant, monsieur le rapporteur, est à ce titre tout à fait intéressante.
C'est la raison pour laquelle nous allons travailler en relation avec le service public de l'emploi et les collectivités concernées dans le but d'améliorer la situation.
Dans cet esprit, le Gouvernement est favorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 82, présenté par M. P. André, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
A- Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
II - Le II de l'article 13 de la loi n° 96- 987 du 14 novembre 1996 est ainsi modifié :
1° Dans le deuxième alinéa, les mots :
« dans la zone franche urbaine où est implantée l'entreprise »
sont remplacés par les mots :
« dans l'une des zones franches urbaines »
et, après les mots :
« dans laquelle est située la zone franche urbaine »
sont insérés les mots : « d'implantation de l'entreprise ».
2° Dans le troisième alinéa, les mots :
« dans la zone franche urbaine où est implantée l'entreprise »
sont remplacés par les mots :
« dans l'une des zones franches urbaines »
B- En conséquence, faire précéder le début du texte de cet article de la mention :
I-
C- Pour compenser la perte de recettes résultant du A ci-dessus, compléter, in fine, cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
III- La perte de recettes résultant pour l'État de l'extension de la clause d'embauche locale aux résidents de l'ensemble des zones franches urbaines de l'unité urbaine prévue au I est compensée, à due concurrence, par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Cet amendement est cohérent avec l'amendement n° 75, qui a été précédemment adopté et qui visait à ce que tous les salariés des zones franches urbaines puissent bénéficier de la clause d'embauche. Il s'agit, en quelque sorte, d'éviter les distorsions qui existent entre ces zones et les ZUS.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement de bon sens, qui prévoit la prise en compte des salariés résidant dans la ZFU, lorsque celle-ci dépasse les frontières de la ZUS d'une unité urbaine.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement est d'autant plus favorable à cet amendement qu'il s'inscrit en fait dans la logique retenue par M. Pierre André, rapporteur pour avis, lors de l'examen des articles 137 et 138 de la loi de programmation pour la cohésion sociale. Par conséquent, il lève le gage.
M. le président. Je suis donc saisi de l'amendement n° 82 bis.
Je le mets aux voix
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 326, présenté par M. Ries, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, M. Repentin, Mmes San Vicente, Schillinger, Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Après le troisième alinéa du II de l'article 13 de la loi n°96- 987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« - et que le nombre de salariés titulaires d'un contrat à durée indéterminée et résidant dans la zone franche urbaine où est implantée l'entreprise ou dans l'une des zones urbaines sensibles de l'unité urbaine considérée soit égal au tiers du total des salariés employés dans les mêmes conditions. »
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. L'article 10 du projet de loi a pour objet d'étendre aux nouvelles ZFU l'application de la clause d'embauche locale, clause indispensable pour pouvoir prétendre à l'exonération définie aux articles 12 et 13 de la loi relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville.
L'objet de nos amendements est d'assujettir cette clause, telle qu'elle est définie dans l'article 13 de ladite loi, à une obligation d'embaucher des salariés en contrat à durée indéterminée.
Dès lors, nous proposons que ne bénéficient d'une exonération que les seules entreprises qui s'engagent à respecter cette clause et qui, au terme de leur troisième embauche, disposent d'au moins un tiers de salariés en CDI issus des quartiers concernés.
Si exonération il y a, celle-ci doit être assortie d'une contrepartie en termes d'emplois non précaires.
En d'autres termes, l'amendement n° 326 permettra d'exclure de la comptabilisation du tiers obligatoire de salariés issus des quartiers prioritaires de la politique de la ville des titulaires de ce nouveau contrat à durée déterminée qu'est le CPE, et dont nous contestons qu'il puisse être qualifié d'emploi à durée indéterminée.
Il est tout de même naturel que, pour pouvoir bénéficier des exonérations liées aux ZFU, les entreprises engagent les personnes des quartiers en CDI et non sur la base de contrats précaires, quels qu'ils soient.
Nous attendions de ce projet de loi pour l'égalité des chances de vraies réponses aux demandes des habitants des banlieues...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires économiques. C'est le cas !
M. Thierry Repentin. ...et pas exclusivement des réponses aux préoccupations des employeurs !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je voudrais souligner qu'il existe d'ores et déjà des conditions d'exonération, puisque les salariés doivent être embauchés ou en CDD de douze mois au minimum ou en CDI.
Dès lors, l'amendement n° 326 est satisfait, monsieur Repentin.
Comme je l'ai dit hier, et ainsi que cela figure dans mon rapport écrit, 88 % des salariés sont embauchés en CDI, soit une proportion bien supérieure à celle des 33 % que vous proposez.
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Pour les mêmes raisons que celles qu'a évoquées M. le rapporteur, le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 327, présenté par MM. Ries et Yung, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, M. Repentin, Mmes San Vicente, Schillinger, Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
... - Au deuxième alinéa du II de l'article 13 de la loi n°96- 987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, après les mots :
« au IV de l'article 12 »,
sont insérés les mots :
« qui sont titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée, »
... - Au troisième alinéa du même texte, après les mots :
« à compter de la création ou de l'implantation »,
sont insérés les mots :
« qui sont titulaires d'un contrat de travail à durée indéterminée »
La parole est à Mme Catherine Tasca.
Mme Catherine Tasca. Je dois dire, monsieur le rapporteur, que votre réponse ne nous a pas convaincus.
Il ne faut pas confondre des statistiques sur lesquelles nous pouvons, les uns et les autres, porter des appréciations diverses et un dispositif législatif qui crée une véritable garantie pour les citoyens.
Alors que le Gouvernement multiplie les innovations dangereuses en termes de contrat de travail précaire, il convient de prévoir que les entreprises qui bénéficieront d'une incitation fiscale ou sociale pour s'implanter dans les ZFU pourront véritablement assurer aux populations visées, c'est-à-dire celles auxquelles vous prétendez apporter des réponses en termes d'emploi, madame la ministre, une part non négligeable d'emplois durables représentant au moins un tiers des effectifs concernés.
Par ailleurs, vous avez également, monsieur le rapporteur, évoqué de nouveaux critères sociaux.
Pour notre part, nous proposons d'ajouter aux conditions existantes qui portent sur une durée minimum du travail et sur le lieu de résidence des salariés, le fait que les contrats signés devront être des CDI afin que l'entreprise puisse bénéficier des avantages qui y sont associés.
Nous considérons, contrairement à votre majorité, que le CPE ne saurait véritablement constituer une garantie d'embauche ; c'est même tout le contraire. C'est la raison pour laquelle il faut clairement affirmer que la durée du contrat dont nous parlons doit être indéterminée.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Je ne répéterai pas ici ce que j'ai dit concernant l'amendement précédent.
Notre approche du problème est différente.
Or, si l'on commence à tout phagocyter, nous aurons du mal à inciter les entreprises à venir s'installer dans les ZFU !
C'est la raison pour laquelle la commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement rejette également cet amendement, pour la principale raison que plus de 88 % des contrats sont aujourd'hui à durée indéterminée, ce qui représente une majorité très large.
M. le président. L'amendement n° 328, présenté par MM. Ries et Yung, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, M. Repentin, Mmes San Vicente, Schillinger, Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Aux deuxième et troisième alinéas du II de l'article 13 de la loi n° 96- 987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, après les mots :
« au moins égal à une durée minimale fixée par décret »,
sont insérés les mots :
« et qui ne pourra être inférieure à la moitié de la durée légale du travail »
La parole est à M. Thierry Repentin.
M. Thierry Repentin. Cet amendement tend à ajouter une clause de nature à interdire un certain nombre d'embauches à temps très partiel.
Dès que l'entreprise embauche au moins trois salariés, la durée du temps de travail de ces derniers donnant droit à des exonérations ne doit pas être inférieure à la moitié de la durée légale du travail.
Cette clause est destinée à empêcher que les trois embauches au minimum ne portent que sur des temps très partiels. En effet, dans le cas extrême, on pourrait envisager qu'il faille trois embauches à temps très partiel pour parvenir à un équivalent temps plein.
Les entreprises ne doivent pas pouvoir détourner les conditions leur permettant de bénéficier d'exonérations par le biais d'une précarisation des emplois qu'elles contractualiseront.
En ce qui concerne les services mis en place dans les ZFU - services aux particuliers, services aux entreprises et commerces - ils représentent 56 % des emplois et constituent des secteurs dans lesquels le travail à temps partiel est très répandu. Je pense, notamment, aux caissières employées à temps partiel, ainsi qu'aux employés de ménage ou de portage de repas ou de courrier, autant d'emplois qui, aujourd'hui, se développent dans des entreprises de services et dont beaucoup, il faut le dire, sont non qualifiés.
Or, à cette non-qualification, nous ne devons pas ajouter la précarisation.
Certes, je n'oublie pas que le recours à ces emplois est souvent le fait de ménages dont le pouvoir d'achat leur permet d'embaucher de tels salariés. Cela étant dit, il nous faut garantir aux populations issues des ZFU une dignité égale à celle dont jouissent les personnes qui vivent dans des quartiers où les conditions de vie sont moins difficiles.
Dès lors, ma question est la suivante : quelle réponse la précarisation des emplois dans ce secteur est-elle susceptible d'apporter à la crise des banlieues ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La situation que vous venez d'évoquer, mon cher collègue, reflète bien, je ne le cache pas, l'existence d'un réel problème, surtout lorsque l'on travaille comme nous le faisons, le matin, l'après-midi, le soir, avec des interruptions de séance, et qu'il nous faut attendre pour obtenir certains éléments de réponse !
Nous avons à de nombreuses reprises soulevé cette question en commission des affaires sociales et je dois vous dire, madame la ministre, qu'il va vraiment falloir y réfléchir, car, je l'ai dit et je le répète, il s'agit là d'une réelle difficulté.
Cela étant dit, je ne puis émettre un avis favorable sur cet amendement. (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)
Ne m'en voulez pas, mes chers collègues, et ne pensez surtout pas que je me contredis !
Ce que je souhaite, c'est que tout soit mis en oeuvre pour que soient créés des emplois à l'intérieur de nos ZFU. Or, en prévoyant de mettre en place une contrainte supplémentaire, dont je ne puis pour l'instant mesurer les effets, il est à craindre que certaines entreprises ne soient pas incitées à venir s'installer dans ces zones.
L'état d'esprit de la commission- et, à cet égard, nous avons largement discuté avec son président, M. Nicolas About de la manière dont il convient de faire évoluer le dossier - est, lui, bien différent de l'approche qui nous est ici proposée. C'est pourquoi elle a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, sur le fond, je partage entièrement le constat que vous avez dressé.
Nous le savons tous, le temps partiel, notamment quand il est subi, pose un problème réel dans notre pays. Vous ne serez pas étonné que la ministre déléguée à la parité insiste particulièrement sur le temps partiel subi par les femmes, car il est bien connu que les activités les plus concernées par ce type de travail sont surtout exercées par des femmes.
J'ai d'ailleurs commencé à travailler avec Gérard Larcher pour faire progresser ce dossier, en particulier dans ces secteurs très concernés que sont la distribution, d'une part, et le nettoyage, d'autre part, en réunissant les partenaires sociaux et en consultant les fédérations.
Pour autant, l'amendement dont nous débattons fait référence à la durée du temps de travail. Or, d'une part, 80 % des emplois dans les ZFU sont à temps plein et, d'autre part, le décret en vigueur fixe à 16 heures par semaine le temps de travail minimum. Certes, cette durée constitue par définition du temps partiel, mais elle est assez proche de celle que l'amendement tend à établir. Surtout, le Gouvernement n'envisage en aucune façon de réduire la durée fixée par le décret.
C'est pourquoi, même s'il travaille sur cette question dans le cadre de son pouvoir réglementaire, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour explication de vote.
Mme Catherine Tasca. Notre débat est un dialogue de sourds !
Ainsi, tout à l'heure, M. le rapporteur a répondu à M. Repentin que l'amendement n° 326 se trouvait déjà satisfait dans les faits. Mais alors, puisque l'objectif fixé était très raisonnable et restait en deçà de ce qui existe déjà, il n'y aurait eu aucune difficulté à l'inscrire dans la loi !
À présent, Mme la ministre, après M. le rapporteur, convient que M. Repentin a dit la vérité et posé de vrais problèmes.
Selon vous, nous ne pouvons instaurer de nouvelles contraintes pour les entreprises qui viennent s'établir dans ces zones.
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
Mme Catherine Tasca. J'objecterai que nous entendons tous les jours les partisans de ce projet de loi affirmer que l'emploi n'est créé que s'il existe véritablement du travail.
Les entreprises ne viennent pas de force dans ces zones ! À vous entendre, elles ne s'y établiraient que grâce à la masse des avantages dont elles peuvent bénéficier et, finalement, sans croire elles-mêmes à la possibilité de susciter du travail dans ces zones. Ce raisonnement ne tient pas !
Certes, pour venir s'installer dans ces zones, les entreprises doivent y trouver des avantages, mais nous demandons que les incitations aux entreprises soient équilibrées par une légitime protection des travailleurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 328.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 114 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'article 10.
Mme Nicole Bricq. Le débat sur les zones franches urbaines, que nous avons entamé hier avec l'examen de l'article 6 et poursuivi ce matin avec celui de l'article 10, illustre la différence de philosophie qui sépare les deux côtés de cette assemblée.
Pour notre part, nous sommes d'accord pour mener une politique de l'emploi, mais nous estimons que celle-ci ne peut réussir indépendamment d'une bonne politique économique. Les mesures dont nous débattons depuis hier, qui sont contestables et n'ont pas prouvé leur efficacité dans les quartiers, ne suffiront pas.
En outre, notre débat révèle que l'emploi naît de la rencontre d'une offre et d'une demande, ce qui implique que le niveau de formation, surtout dans ces quartiers, corresponde à des emplois qualifiés, sûrs, et pérennes. Les dispositifs que vous nous proposez ne visent pas cet objectif.
Enfin, si nous avons demandé un scrutin public sur cet article, qui nous paraît important et contre lequel nous voterons, bien sûr, c'est parce que nous contestons le zonage, qui se répand et se dilue, au point que bientôt la moitié de la France sera en zone franche. C'est absurde !
Nous ne pouvons accepter que dans ces zones se trouvent des espaces où le droit du travail ne s'applique pas - ou seulement un droit au rabais -, et vous devriez vous aussi être attachés à ce principe républicain.
Toute notre philosophie nous oppose à la vôtre, et c'est pourquoi nous voterons contre cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 115 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 126 |
Le Sénat a adopté.
Article 11
L'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 précitée est ainsi modifié :
1° À la fin du premier alinéa du III, la date : « 31 décembre 2007 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2011 » ;
2° À la fin du IV, la date : « 31 décembre 2008 » est remplacée par la date : « 31 décembre 2011 » ;
3° Il est ajouté un V ainsi rédigé :
« V. - Les personnes exerçant, dans une zone franche urbaine définie au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée et figurant sur la liste arrêtée par le décret prévu à l'article 6 de la loi n° du pour l'égalité des chances, une activité non salariée non agricole mentionnée aux a et b du 1° de l'article L. 613-1 du code de la sécurité sociale sont exonérées, dans les conditions fixées par les I et II du présent article et sans préjudice de leurs droits aux prestations, du versement de leurs cotisations sociales au titre de l'assurance maladie et maternité pendant une durée d'au plus cinq ans à compter du 1er août 2006 ou à compter du début de la première année d'activité non salariée dans la zone si celui-ci intervient au plus tard le 31 décembre 2011. »
M. le président. L'amendement n° 763, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. L'article 14 de la loi de 1996 tendait à favoriser, autant que possible, par des dispositions incitatives, la création ou le maintien d'entreprises artisanales dans les zones franches urbaines. La forme de l'incitation était identifiable : il s'agissait de l'exonération des cotisations personnelles de l'exploitant pour une période de cinq années.
On notera que la mesure concerne tout à la fois les artisans déjà implantés dans les zones franches urbaines et ceux qui ont entamé leur activité professionnelle durant les différentes périodes d'ouverture du droit à exonération.
Un tel dispositif procède d'une sorte de parallélisme des formes avec ce qui est pratiqué pour l'embauche des salariés dans les entreprises concernées. En effet, à l'instar des sociétés, les artisans qui bénéficient de l'exonération de leurs cotisations personnelles peuvent également être bénéficiaires de l'exonération portant sur les emplois salariés qu'ils seraient amenés à créer.
Compte tenu de la part des entreprises individuelles au sein des effectifs d'entreprises répertoriées dans les zones franches urbaines, la mesure est évidemment d'une grande portée, d'autant que les éléments fournis par la DARES nous apportent un autre éclairage sur la réalité de ces zones.
En effet, en 2004, dans les nouvelles zones franches urbaines, aujourd'hui directement concernées par le dispositif de l'article 14 de la loi de 1996, 50 % des embauches ont été réalisées dans des entreprises de moins de dix salariés - dont la moitié dans des entreprises qui comptent de zéro à deux salariés - , et plus du tiers dans des entreprises créées l'année d'ouverture de la zone franche.
En clair, tout laisse à penser que la part des embauches réalisées dans les entreprises individuelles, directement visées par l'article 14 de la loi de 1996, est déterminante dans le total des emplois créés.
Ce serait peut-être aller vite en besogne que d'affirmer que l'exonération de cotisations sociales constitue le facteur principal de ces embauches, mais il s'agit là, à l'évidence, de l'un des objectifs visés par cet article, car, dans le même temps, les montants en jeu ne sont pas déterminants. En effet, le rapport de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles évalue, pour 2003, à 2,3 millions d'euros le coût de l'application de l'article 14 de la loi de 1996, même prolongé par l'article 79 de la loi de finances rectificative pour 2002.
Ne pourrait-on pas répondre aux besoins des petites entreprises par des solutions plus adaptées et plus pertinentes ?
Nous ne disposons d'aucun élément d'évaluation chiffrée du dispositif, et notamment du nombre d'artisans faisant valoir leur droit à exonération ou des exploitants ayant cessé leur activité durant la même période.
Faut-il, par conséquent, prolonger un dispositif qui n'offre qu'un avantage limité et tout à fait ponctuel aux exploitants individuels en nom propre ?
M. Guy Fischer. Marginal !
M. Roland Muzeau. J'allais le dire !
Un avantage pouvant conduire de manière marginale à créer une distorsion de concurrence sur certains marchés - je pense aux marchés publics - avec d'autres entreprises individuelles qui auraient la malchance de ne pas avoir d'établissement au sein de la zone franche ?
Nous pensons donc que le soutien à l'artisanat et au commerce de proximité nécessite bien d'autres mesures que celle consistant, par une facilité intellectuelle bien connue, à solliciter, une fois encore, les obligations sociales des déclarants.
En conséquence, je ne doute pas que vous voterez avec nous cet amendement de suppression de l'article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le maintien des exonérations de charges personnelles est indispensable pour dynamiser les activités commerciales et artisanales dans les ZFU.
Je suis très étonné que vous suggériez de supprimer cet avantage, alors que vous proposiez hier, à l'occasion de l'examen de l'article 7, des avantages nouveaux en faveur des artisans et des commerçants.
M. Roland Muzeau. De vrais avantages ! On veut créer des emplois !
M. Guy Fischer. On a fait le bilan !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ah ! ceux-là, ce sont de vrais avantages ! Je n'avais pas compris ! Vous avez fait le bilan cette nuit !
La commission des affaires sociales considère que la présence des commerces dans les ZFU est essentielle et qu'elle doit être encouragée. Il faut compenser les désagréments, en termes de sécurité notamment, que subissent les petits commerces en ZFU. Comme vous, nous souhaitons qu'ils restent !
C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Il est évident que l'exonération de cotisation personnelle en ZFU ne pourra pas régler les problèmes rencontrés par l'ensemble des professions.
Pour autant, il s'agit d'une incitation supplémentaire à s'installer en ZFU pour ces professions indépendantes, afin de compenser les difficultés de ces quartiers. Il est important d'y maintenir des activités pour y accroître cette vie de quartier que nous cherchons à donner dans l'ensemble de ces zones.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. C'est un sujet qui nous tient particulièrement à coeur.
Je me suis livré à une analyse fine sur le quartier des Minguettes et je souhaite vous en faire part.
Le maintien ou le développement des activités artisanales et commerciales dans les quartiers sensibles appelle-t-il des solutions comme celle que nous propose l'article 11 ? Aucun bilan n'a été réalisé. L'effet de ces mesures serait marginal et leur pertinence n'est pas prouvée.
S'il s'agit de dégager, pour les actuelles ZFU, un peu plus de 2 millions d'euros d'aides à l'artisanat, il est relativement simple de définir une solution dont les effets seraient bien plus pertinents.
Les excédents de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, par exemple, procureraient largement de quoi mieux aider les commerçants et les artisans des ZFU que le dispositif de l'article 14 de la loi de 1996.
De même, eu égard à la nature des entreprises individuelles, rien n'empêche de réaffirmer la priorité figurant dans le code des marchés publics pour retenir les offres émanant des entreprises artisanales pour une part significative du montant des marchés ouverts.
À défaut de toute évaluation réelle de la portée de l'article 14 de la loi de 1996, vous conviendrez que nous ne puissions retenir les termes de l'article 11.
Quelques éléments nous sont toutefois donnés par le ministère des petites et moyennes entreprises, du commerce, de l'artisanat et des professions libérales.
En effet, si l'on examine les données chiffrées sur l'ensemble du territoire national, le nombre d'entreprises répertoriées au Répertoire SIRENE de l'artisanat est passé, de 1997 à 2004, de 794 432 à 818 748, soit une progression annuelle moyenne de 0,4 %.
Mais cette évolution est pour une part non négligeable imputable aux communes rurales, où se sont installées 11 105 entreprises et, pour une autre part, aux agglomérations de plus de 200 000 habitants, avec 8 300 nouvelles entreprises.
Autre élément de l'analyse que nous nous permettons de vous faire partager : les entreprises de caractère artisanal tendent à se répartir dans des secteurs différents du passé, avec une perte évidente d'activité dans nombre d'activités économiques.
Ainsi, le commerce alimentaire est en régression : 6 201 entreprises ont disparu entre 1997 et 2004.
La situation du secteur du textile et de la chaussure est dramatique, avec une perte de 3 071 entreprises, soit le sixième de celles qui existaient au 1er janvier 1997.
A contrario, le secteur du bâtiment et de la construction a connu une certaine vitalité avec 30 000 nouvelles entités, dont la moitié dans les activités de gros oeuvre ; l'application d'un taux réduit de TVA n'y est pas étrangère.
Enfin, le secteur des services a, comme on pouvait s'y attendre, connu lui aussi une progression du nombre de ses entreprises, principalement dans les services à la personne et aux particuliers.
Pour autant, l'évolution juridique du secteur de l'artisanat est déterminante. En effet, la part des entités constituées sous la forme d'exploitation individuelle est en réduction constante au profit de la montée en puissance de la forme « société » de capitaux.
Je n'entrerai pas dans le détail, mais pour relancer les activités artisanales dans notre pays, nous devrions choisir des mesures d'une tout autre nature que celles qui sont décrites à l'article 11.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 763.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 116 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 360, présenté par Mme Procaccia, est ainsi libellé :
I. - Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
1° A Dans le premier alinéa du I, les mots : « et b » sont remplacés par les mots : «, b et c », et la référence : « L. 615-1 » est remplacée par la référence : « L. 613-1 ».
II. - En conséquence :
1° Dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, remplacer les mots :
À la fin du premier alinéa du III,
par les mots :
Dans le premier alinéa du III, les mots : « et b » sont remplacés par les mots : «, b et c », la référence : « L. 615-1 » est remplacée par la référence : « L. 613-1 » et
2° Dans le troisième alinéa (2°) de cet article, remplacer les mots :
À la fin du IV,
par les mots :
Dans le IV, les mots : « et b » sont remplacés par les mots : «, b et c », la référence : « L. 615-1 » est remplacée par la référence : « L. 613-1 » et
3° Dans le texte proposé par le 3° de cet article pour le V de l'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996, remplacer les mots :
et b
par les mots :
, b et c
III. - Pour compenser la perte de recettes, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... La perte de recettes pour les organismes de sécurité sociale résultant de l'extension aux personnes s'installant en zones franches urbaines de l'exonération de cotisation personnelle d'assurance maladie est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
Cet amendement n'est pas soutenu.
L'amendement n° 45, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par le 3° de cet article pour le V de l'article 14 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, remplacer les mots :
définie au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée et figurant sur la liste arrêtée par le décret prévu par l'article 6 de la loi n° du pour l'égalité des chances,
par les mots :
telle qu'elle est mentionnée au deuxième alinéa du B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire,
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'article 6.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 117 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 326 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 200 |
Contre | 126 |
Le Sénat a adopté.
Article 12
Dans le premier alinéa de l'article 28 de la loi n° 96-987 du 14 novembre 1996 précitée, après les mots : « les projets visés audit article », sont insérés les mots : « situés en zone franche urbaine et ceux ».
M. le président. La parole est à M. Roger Madec, sur l'article.
M. Roger Madec. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'objectif déclaré de cet article 12, comme celui de l'article 14 que nous examinerons tout à l'heure, serait de répondre à « l'urgence de la revitalisation économique » dans les zones urbaines difficiles en encourageant l'installation de commerces de proximité dans ces quartiers. Nous partageons cet objectif noble, qui n'est cependant pas avéré dans ce texte.
Vous parlez d'« urgence » et vous déclarez prendre des mesures rapides. Je vous rappelle, madame la ministre, que le Gouvernement que vous représentez s'est empressé de ne pas inscrire à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale la proposition de loi tendant à garantir l'équilibre entre les différentes formes de commerce, qui a déjà été examinée par le Sénat.
Bien que cette proposition de loi soit insuffisante, elle envisageait le problème de l'urbanisme économique de manière plus globale. Le ministre des petites et moyennes entreprises affirmait d'ailleurs que ce texte serait « le premier élément d'une politique plus audacieuse ». Aussi, madame la ministre, ne serait-il pas préférable d'apporter aujourd'hui une réponse globale à l'équilibre des installations commerciales en poursuivant les débats sur cette proposition de loi ?
La situation actuelle du commerce en France est en effet problématique. Malgré une législation protectrice, les magasins de grande distribution se multiplient et fragilisent les commerces de proximité dans les zones tant urbaines que rurales. La situation serait probablement encore plus grave sans cette réglementation. Mais les détracteurs de cette dernière invoquent sa relative inefficacité pour demander sa suppression. Et c'est ce vers quoi nous entraîne l'article que nous examinons maintenant.
Plutôt que d'améliorer la réglementation, vous vous apprêtez encore une fois à déréglementer. C'est votre vrai visage, le libéralisme débridé. Au lieu d'améliorer le droit commun, vous multipliez les dérogations. C'est l'illustration de la vision du Gouvernement des activités commerciales.
Rappelons qu'à la fin de la discussion de la proposition de loi que j'évoquais précédemment, le ministre des petites et moyennes entreprises expliquait, à mots à peine couverts, que ce n'était pas à l'État de réguler les implantations commerciales et qu'il revenait aux petits commerçants de compter sur leurs propres forces pour faire face à la grande distribution. Il est sûr qu'une telle vision ne peut qu'amener au démantèlement des règles encadrant l'installation d'équipements commerciaux.
En réalité, la redynamisation économique des ZFU appelle un renforcement de la législation des implantations commerciales. Le développement des hypermarchés à l'extérieur des centres urbains doit être limité, faute de quoi vous pourrez toujours essayer d'encourager l'installation de commerces de proximité, la concurrence des grandes surfaces leur sera toujours fatale.
Rien ne sert de vouloir soigner les symptômes du dépérissement du commerce de proximité sans apporter un remède à sa cause profonde, c'est-à-dire le développement exponentiel de la grande distribution. Rien ne sert, madame la ministre, de vouloir faciliter l'implantation des petits commerces si vous encouragez en même temps leurs plus redoutables concurrents. Les conséquences de votre réforme de la loi Galland se font en effet ressentir aujourd'hui. Les analystes prévoient une perte de rentabilité de ce secteur qui entraînera la faillite de nombreux petits commerces.
Dans ce contexte, l'exacerbation de la concurrence et la fragilisation des PME appellent une plus grande protection des petits commerces. La dissolution des règles d'urbanisme commercial ne peut être que contre-productive.
Par ailleurs, vous vous trompez de cible, madame la ministre. Le commerce de proximité, ce n'est pas une moyenne surface de 2 000 mètres carrés. En simplifiant la procédure administrative pour l'installation des commerces de plus de 300 mètres carrés, vous encouragez l'implantation de magasins de 1 500 mètres carrés, que l'on voit fleurir ça et là, de 3 000 ou de 6 000 mètres carrés.
Les petits commerces, les artisans, les supérettes et tout le tissu économique de proximité seraient encore plus déstabilisés par cette concurrence très déloyale. Je rappellerai qu'un magasin alimentaire situé au pied d'un immeuble dans une cité crée certainement plus de convivialité et de lien social qu'une moyenne surface de 2 000 mètres carrés, voire de 500 mètres carrés, installée à la périphérie des villes.
Plutôt que d'adopter dans la précipitation des demi-mesures mal préparées, prenez le temps du recul et de la réflexion. Envisageons la revitalisation économique des quartiers prioritaires de manière plus globale. Améliorons l'ensemble de la procédure d'autorisation au lieu de la saborder. Recourons à des outils peu utilisés, comme l'établissement public national d'aménagement et de restructuration des espaces commerciaux et artisanaux, l'EPARECA, qui a pour vocation de restructurer les pôles commerciaux situés sur les territoires visés par la géographie prioritaire de la politique de la ville. Renforçons les moyens du fonds d'intervention pour les services, l'artisanat et le commerce, le FISAC, dont la mission est de préserver ou de développer un tissu d'entreprises de proximité. Rouvrez les débats sur la proposition de loi tendant à garantir l'équilibre entre les différentes formes de commerce.
L'examen de ce texte permettrait au Parlement d'étudier d'une manière approfondie l'implantation des commerces dans les quartiers en difficulté.
En tout état de cause, madame la ministre, nous demanderons, par voie d'amendement, la suppression de cet article 12 très néfaste pour le commerce de proximité, particulièrement dans les quartiers en grande difficulté.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Avec l'article 12, nous abordons l'examen de la série des articles du présent projet de loi destinés à agir sur l'activité économique par l'instauration de mesures dérogatoires au droit commun de l'urbanisme.
Cet article tend à favoriser le développement des établissements commerciaux de plus de 300 mètres carrés dans les zones franches urbaines.
L'article 13 vise à faciliter l'implantation de multiplexes de diffusion de spectacles cinématographiques.
L'article 14 a pour objet de favoriser l'implantation d'établissements d'une taille inférieure à 1 500 mètres carrés.
Enfin, l'article 15 tend à exonérer de taxe d'aide au commerce et à l'artisanat les établissements implantés en zone franche.
Ces différentes mesures, que nous examinerons au fil de la discussion des articles, appellent de nombreuses observations. Je m'en tiendrai, pour l'instant, à l'article 12, qui porte sur la procédure d'autorisation des implantations commerciales en zone franche urbaine.
Comme chacun le sait, l'implantation de commerces est, pour le moment, régie par l'article L. 720-5 du code de commerce. Par conséquent, nous devons garder à l'esprit les dispositions de cet article, que le Gouvernement semble déjà avoir oublié !
De fait, les commissions départementales d'urbanisme commercial donnent leur avis sur toute décision d'implantation de ce que l'on appelle couramment les « grandes surfaces », quel que soit leur caractère, généraliste à prédominance alimentaire ou thématique, par exemple.
À l'origine, le législateur a eu le souci d'éviter que la concurrence entre les formes de commerce ne nuise par trop aux établissements de commerce de détail, de caractère familial, au détriment de la diversité de l'offre proposée aux consommateurs.
Dans la pratique, nous savons fort bien que le processus de concentration des activités commerciales s'est poursuivi, facilité par tant de facteurs qu'il serait presque fastidieux de les citer tous, et que les quartiers les plus sensibles ont été, parmi d'autres, victimes de cette désertification commerciale.
L'article 12, de manière relativement étonnante, nous invite à considérer la situation de manière assez différente. En assouplissant les conditions d'installation des entités commerciales de moyenne et grande surface, il s'agit de faciliter l'implantation de grandes enseignes, attractives, dans les quartiers classés en zone franche urbaine.
Peu importe, dès lors, que cette implantation cause quelques dommages aux établissements existants ou que soit remise en question la présence d'un tissu d'activités, au demeurant fragilisé, résultant précisément de l'application des dispositions fiscales et sociales dérogatoires imputables à la zone franche.
L'objectif avoué est de constituer de nouveaux pôles commerciaux, animés par de grandes enseignes, susceptibles d'ailleurs de constituer des zones de chalandise dépassant largement, voire très largement, le périmètre des zones franches. Est-ce là un choix politique tout à fait acceptable ? Nous ne le pensons pas !
Pour conclure, mes chers collègues, je vous rappelle que tous les élus de la région parisienne, région que je connais le mieux, ont travaillé ces deux dernières années à l'élaboration de schémas départementaux de développement commercial. Dans le département que je représente, ce schéma a été établi conjointement par le conseil général, par les représentants de l'État et des communes. Et la participation de la chambre de commerce et d'industrie et de la chambre de métiers a été très importante. Le document qui résulte de ces travaux est, en quelque sorte, la bible pour le département des Hauts-de-Seine en matière de développement commercial.
Si cet article 12 était adopté, tout ce travail, effectué dans la plus grande concertation, indépendamment de la couleur politique des élus du département et des fonctions des autres participants aux commissions, sous la direction du préfet et du président du conseil général, deviendrait complètement inutile. L'étude réalisée, en particulier dans les Hauts-de-Seine, sur la refonte de l'activité commerciale, notamment dans les quartiers sensibles, serait lettre morte. Ce serait un immense gâchis !
La commission des affaires économiques partage un avis identique à celui que je viens d'exposer. J'espère que nous ne commettrons pas l'irréparable en la matière au motif qu'il faut « libéraliser » - nous retrouvons ce terme tout au long du projet de loi -, car cela pourrait avoir des conséquences catastrophiques pour nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur. Après les excellents propos tenus par notre collègue Roger Madec, je veux à mon tour souligner la grande impréparation, la grande improvisation dont témoigne l'article 12 et, finalement, la grande confusion dans laquelle nous nous trouvons.
Tout se passe, madame la ministre, comme si, après avoir constaté les problèmes qui se posent dans les banlieues, vous aviez décidé de trouver des mesures. Vous voyez bien le divorce qui existe entre ce que pensent les jeunes de ces quartiers en difficulté confrontés au chômage et les mesures de la loi Royer que vous nous proposez de modifier ! Il n'y a pas de relation de cause à effet ; c'est simplement une mesure de plus.
M. Jacques Mahéas. Un cavalier !
M. Jean-Pierre Sueur. Quand vous proposez de faciliter considérablement l'implantation des surfaces de plus de 300 mètres carrés à l'intérieur des zones franches, vous contribuez à remettre en cause les équilibres du commerce. Or Dieu sait le nombre de débats qui ont eu lieu sur ce point, l'attention que portent tous les élus à cette question, les grands équilibres qui existent en France et qui sont supérieurs à ceux que connaissent nombre de pays !
Alors pourquoi, tout d'un coup, le Gouvernement a-t-il eu l'idée de changer les règles en vigueur ? Je serais très heureux que quelqu'un puisse me l'expliquer.
On a toujours intérêt à lire les rapports de M. André. Ce dernier sait que je suis en désaccord avec l'un de ses rapports précédents. Mais, en l'occurrence, je reconnais très volontiers qu'à la page 32 du rapport sur le présent projet de loi notre collègue tient des propos d'une grande sagesse.
Cette sagesse doit remplir de confusion les auteurs de l'article 12. En effet, je lis, dans le rapport de M. André, que la commission « ne peut, en première analyse, qu'émettre certaines réserves - vous êtes prudent, monsieur le rapporteur pour avis, nous vous reconnaissons bien là, mais c'est de l'euphémisme - quant à l'opportunité de mettre en place des dérogations spécifiques, sans envisager la problématique de l'équipement commercial dans son ensemble. » Certes, monsieur le rapporteur pour avis !
Vous poursuivez ainsi : « Il pourrait toutefois être répondu à cette objection que l'urgence de la crise des quartiers justifie la mise en place rapide de dispositifs spécifiques en leur faveur, et c'est bien là l'objet du projet de loi. Mais c'est alors sur le bien-fondé même de la réponse proposée que votre commission pour avis s'interroge. »
Je vous fais grâce de la suite, mes chers collègues, mais je ne saurais trop vous encourager à lire le rapport de M. André, si vous ne l'avez pas encore fait.
J'ajoute, pour finir, que si cette mesure prévue dans le projet de loi était adoptée, elle se révèlerait préjudiciable y compris aux quartiers sensibles, aux quartiers en difficulté.
En effet, dans ces quartiers - j'en connais, comme chacun ici, un certain nombre - beaucoup de petits commerces, de petites supérettes, de petits centres commerciaux sont implantés au pied d'une barre ou d'une tour, et ils rendent des services de proximité.
Supprimer pratiquement tous les obstacles, toutes les règles, afin de faciliter au maximum l'installation de surfaces commerciales de toutes catégories va porter atteinte à l'équilibre général du commerce qu'évoque M. André et au tissu commercial de ces quartiers en difficulté, qui a quelquefois bien du mal à subsister.
C'est une mesure qui a été totalement improvisée et qui, si elle était adoptée, se retournerait contre ces quartiers, L'improvisation est toujours très mauvaise conseillère ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Les grandes surfaces que tend à favoriser cet article façonnent la ville, l'emploi et les modes de consommation.
Chacun y est invité à consommer davantage. Venez-vous acheter un poisson ? Vous repartez avec trois pour le même prix plus un euro. Chacun est invité à manger plus et les cartes de crédit maison, qui engendrent des taux faramineux d'intérêts à la consommation, conduisent de nombreux foyers modestes au surendettement.
L'emploi y est souvent partiel et non choisi, les horaires séquencés. Les femmes y sont les premières victimes.
De plus, ces emplois eux-mêmes sont en voie progressive de disparition. Ainsi, dans le Nord, sont testées des caisses automatiques, sans personnel, sans vendeuse, sans caissière, les codes-barres étant lus automatiquement. Nous en sommes aussi, bien sûr, au drive-in.
Les producteurs y sont malmenés, ils doivent payer pour être référencés, ils sont réglés très tardivement et exploités du fait des marges arrière.
Les petits commerces meurent.
C'est l'antithèse du développement durable : surfaces imperméabilisées, avec des millions de mètres cubes d'eau qui envahissent les assainissements urbains, financés sur fonds publics, gabegie énergétique, suremballage, société de la voiture.
Enfin, dans une loi sur l'égalité des chances, c'est de lien dont nous devons parler. Or ces grandes vitrines, gardées de vigiles, ne contribuent ni au dialogue de ceux qui sont tenus à l'écart ni au respect de l'activité commerciale en place, qui, elle, a souvent su assurer la diversité culturelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.
M. Guy Fischer. Nous avons plusieurs raisons de nous opposer à l'adoption de cet article 12, et c'est pourquoi nous avons déposé un amendement de suppression.
Dans le quartier des Minguettes, notamment, la structure commerciale a évolué du fait de la paupérisation du quartier, de la montée des inégalités, de la concentration de plus en plus grande de personnes en difficulté, et elle se trouve - ce qui mériterait réflexion - tirée par le bas en termes de qualité, puisque des supermarchés y ont souvent été remplacés par des structures de type hard discount.
De grandes marques ont investi dans les quartiers, mais par le biais de leurs sous-marques. Car pratiquement toutes les grandes enseignes ont des sous-marques, ce qui leur a permis, depuis très longtemps, au moins dix ans, de s'adapter à la réalité commerciale de ces quartiers : leurs supermarchés traditionnels ont été remplacés par des magasins hard discount.
Comme M. Roland Muzeau l'a fort bien développé, il est proposé, à l'article 12, dans le cadre d'un plan en faveur de l'ensemble des commerces de ces quartiers, d'accélérer la procédure d'autorisation d'installation relevant du titre II du livre VII du code de commerce.
Cela me fait sourire, car les personnes qui connaissent bien le problème savent qu'en général les seuls commerces que l'on peut attirer dans ces quartiers sont des commerces d'alimentation, c'est-à-dire des commerces très structurés, notamment des magasins hard discount. Les grandes maques ont le plus souvent déserté ces quartiers. L'étude de l'évolution de l'offre commerciale dans ces quartiers révèle que la diversification de ces commerces y est quasiment impossible.
Malgré votre affirmation du succès des zones franches, l'EPARECA va piloter un projet très important sur les Minguettes, notamment ; ces dossiers sont d'une complexité telle et sont si souvent remis en cause du fait de la paupérisation de ces quartiers qu'il faut les revoir constamment à la baisse.
Nous nous interrogeons donc : comment quelqu'un de compétent a-t-il pu élaborer un tel article et affirmer qu'il convenait de simplifier et de rendre plus libérales toutes les procédures ? Il ne s'agit sans doute même pas de la Fédération patronale du commerce, puisqu'elle a complètement déserté ces quartiers-là et que, bien souvent, les commerces qui y sont implantés correspondent aux différentes cultures des populations qui y habitent.
Madame la ministre, vous devez faire votre mea culpa ! La mesure proposée dans cet article 12 est totalement inadaptée. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé un amendement de suppression.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Tout à l'heure, M. Muzeau a parlé de la région parisienne. À mon tour, je tiens à affirmer qu'une telle disposition aura des conséquences très négatives, notamment dans les communautés urbaines.
Je suis membre d'une communauté urbaine qui comporte un certain nombre de villes, et qui a réussi à mettre en place un schéma d'urbanisme commercial. Je peux vous assurer que faire voter un tel schéma par un conseil de communautés urbaines composé de communes de diverses tendances qui, sur le plan commercial, bien souvent, sont en concurrence, ce n'est pas facile.
La disposition prévue dans l'article 12 va casser la mécanique !
Les communautés urbaines de France, si elles sont compétentes en matière d'urbanisme, ne le sont pas en matière de commerce. Cette compétence ne peut être transférée que volontairement à chaque renouvellement. Cela signifie donc que ces dispositions, si elles sont prises indépendamment des schémas adoptés dans le cadre des ZFU et dans les communautés urbaines, risquent de provoquer un déséquilibre dont il faut absolument être conscient.
Par ailleurs, il n'est pas pensable d'exonérer d'un accord les équipements en question, les collectivités locales, notamment les maires, devant pouvoir émettre leur avis au sein d'une commission départementale.
Madame la ministre, je ne suis pas convaincu que ces équipements aideront à revaloriser les quartiers en difficulté. Je n'ai pas l'intention d'implanter, dans la zone franche urbaine de Cherbourg, un multiplexe avec un grand parking. Le peu de terrain disponible doit servir à autre chose !
Pensez-vous que ces multiplexes vont créer des emplois dans la ZFU ?
M. Roland Muzeau. Mais non !
M. Jean-Pierre Godefroy. Certainement pas ! Ils recrutent selon des critères bien définis et en dehors de la zone, notamment les cadres, voire les personnels d'accueil. Le formatage de leurs responsables échappe complètement aux territoires que couvrent les ZFU. Les chaînes hôtelières agissent de même !
Cet article 12 va créer un déséquilibre dans des dispositifs dont la mise en place a nécessité un temps fou. C'est pourquoi il faut véritablement le supprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. À l'évidence, après toutes ces prises de parole sur l'article 12, il faut faire quelque chose, puisque le Sénat ne semble pas disposé à adopter cet article dans sa forme actuelle.
Je demande donc, monsieur le président, la priorité des amendements identiques nos 47 et 83, afin que notre assemblée puisse se prononcer de façon tout à fait éclairée. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est ordonnée.
M. Gérard Cornu. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Monsieur le président, je devais intervenir le premier pour présenter l'amendement n° 8. Mes collègues du groupe socialiste et du groupe CRC sont intervenus sur l'article.
M. le président. Je vous donnerai la parole pour explication de vote sur l'amendement de la commission, qui va être appelé en priorité.
M. Gérard Cornu. Non, je souhaite intervenir avant l'examen des amendements !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est trop tard !
M. Gérard Cornu. En effet, un élément nouveau est intervenu : le président de la commission a demandé la priorité sur les deux amendements des commissions. Et je n'avais pas lieu de prendre la parole avant l'examen des amendements, puisque l'amendement n° 8 devait être appelé en discussion le premier.
M. le président. Aux termes du règlement, je ne peux pas vous donner la parole maintenant. Je vous la donnerai en priorité lors des explications de vote sur l'article.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Guy Fischer. La majorité est à son tour victime de la procédure !
M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, je souhaite simplement formuler une remarque, au titre des articles 48 et suivants de notre règlement, sur la procédure.
Messieurs les rapporteurs, madame la ministre, il se passe une chose un peu étrange dans cet hémicycle ; c'est la première fois que cela se produit dans notre assemblée ; même à l'Assemblée nationale, cela n'a pas eu lieu !
Il se trouve que les amendements de suppression de l'article 12 - article totalement improvisé et qui ne tient pas debout, tout le monde s'en est aperçu - sont présentés par un sénateur du groupe UMP, des sénateurs du groupe socialiste, des sénateurs du groupe UC-UDF et des sénateurs du groupe CRC. Ce fait est assez rare pour être souligné ! Il témoigne d'une volonté commune dans cet hémicycle.
Il me paraît contraire à l'esprit de nos institutions d'utiliser une procédure, qui, certes, figure dans notre règlement, pour faire en sorte que ces amendements ne soient pas mis aux voix.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tel n'est pas mon avis, monsieur Sueur ! Si une commission travaille sur un texte, c'est justement pour proposer une alternative lorsqu'il y a manifestement inadéquation entre la position du Gouvernement et celle du Parlement.
Nous avons constaté que, sur l'ensemble des travées, nos collègues demandaient la suppression de l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Alors, supprimez-le !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour notre part, nous pensons qu'il y a lieu d'agir différemment. Par conséquent, si l'article est supprimé...
M. Gérard Cornu. Laissez vivre les débats !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur Cornu, laissez-moi parler !
...si l'article est supprimé, dis-je, les commissions ne pourront plus faire de proposition. Or on leur a donné le mandat de mener une réflexion et de faire des suggestions. L'empêcher serait contraire à l'esprit de nos travaux.
Il est clair que vous ne voulez pas de l'article 12 dans sa forme actuelle ! C'est pourquoi nous vous proposons une alternative. Si elle est rejetée, les amendements de suppression viendront en discussion et nous n'aurons pas d'autre solution à vous proposer.
M. Roland Muzeau. On manipule le Parlement !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'y a pas de manipulation dans cette opération !
M. Roland Muzeau. On bâillonne le Parlement !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le Parlement propose ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est pour sauver la face du Gouvernement.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est cohérent !
M. Jean-Pierre Sueur. Le président de la commission ne veut pas que le Parlement s'exprime !
M. le président. Chacun s'est exprimé autant qu'il l'a souhaité ! (Protestations sur les mêmes travées.) J'ai donné la parole à six personnes, de toutes sensibilités ! On ne peut pas indéfiniment faire des arguties.
M. Guy Fischer. Je demande une suspension de séance !
M. Philippe Nogrix. Je demande la parole, monsieur le président ! Il faut nous laisser intervenir !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 47 est présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 83 est présenté par M. P. André, au nom de la commission des affaires économiques.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Rédiger comme suit cet article :
L'article L.720-10 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« La commission départementale d'équipement commercial statue sur les demandes d'autorisation visées à l'article L. 720-5 dans un délai de quatre mois à compter du dépôt de chaque demande, à l'exception des demandes relatives à des projets situés dans le périmètre des zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, pour lesquelles elle statue dans un délai de deux mois. Ses décisions doivent être motivées en se référant notamment aux dispositions des articles L. 720-1 et L. 720-3. Passés les délais susvisés, l'autorisation est réputée accordée. Les commissaires ont connaissance des demandes déposées au moins un mois avant d'avoir à statuer. »
2° Le deuxième alinéa est complété par les mots : « , à l'exception des demandes relatives à des projets situés dans le périmètre des zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, pour lesquelles elle statue dans un délai de deux mois. »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 47.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je souhaite donner l'état d'esprit de la commission saisie au fond. Si l'article est supprimé, la commission ne pourra rien proposer. (Exclamations.) Vous pouvez ne pas être d'accord, mais écoutez au moins les propositions de la commission !
M. Philippe Nogrix. Nous serons contre tout, puisqu'il n'y a pas moyen de s'exprimer !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous pensons que le maire est incontournable.
M. Philippe Nogrix. La loi existe ! On peut la modifier !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous faisons une proposition différente !
Le maire doit savoir dès le début ce qui va se passer dans sa commune.
MM. Guy Fischer et Roland Muzeau. Heureusement !
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous voyez, nous arrivons quand même à trouver un accord !
Le texte tel qu'il est rédigé ne convient pas à la commission saisie au fond, puisque, avec ce système, la commission nationale d'équipement commercial est directement saisie.
Nous proposons d'accélérer la procédure, ce qui est une mesure importante. Cela existe déjà pour un autre cas. Nous avons bien compris, en effet, que le Gouvernement souhaitait que les choses aillent plus vite. (M. Philippe Nogrix s'exclame.) C'est pourquoi je ne comprends pas les réactions des uns et des autres.
M. le président. La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 83.
M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Tout le monde l'aura compris, les articles 12 et 14 prévoient de supprimer l'intervention des commissions départementales d'équipement commercial. Cette suppression est totale en dessous de 1 500 mètres carrés et partielle pour les autres projets. Cela signifie que les avis seront donnés non plus à l'échelon local, mais au niveau national. En pleine période de décentralisation, c'est pour le moins curieux !
M. Guy Fischer. C'est scandaleux !
Mme Catherine Tasca. C'est assez cocasse !
M. Philippe Nogrix. Il n'y a pas que Paris !
M. Charles Pasqua. Laissez parler le rapporteur !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Au moment où l'on souhaite remettre le maire au coeur de la politique de la ville, on lui dénie tout droit de regard sur l'implantation des grandes surfaces dans sa commune, ce qui est totalement paradoxal.
Les commissions départementales d'équipement commercial jouent un rôle essentiel dans l'aménagement de nos territoires. Elles permettent de prendre en compte les exigences en termes d'aménagement du territoire, d'urbanisme, de rééquilibrage des agglomérations par le développement des activités en centre-ville.
Mais quel signal envoyons-nous aux petits commerçants, qui jouent un rôle primordial dans le maintien des services de proximité ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. -M. Philippe Nogrix applaudit également.)
Est-il légitime de créer une sorte de sous-droit en zone franche urbaine ?
M. Jean-Pierre Sueur. Non !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. En outre, les commissions départementales d'équipement commercial doivent tenir compte, notamment, des prescriptions des schémas de développement commercial, qui doivent eux-mêmes être compatibles avec les schémas de cohérence territoriales. Dès lors, si l'on réduit ou si l'on supprime leur pouvoir, c'est tout le dispositif de planification urbaine élaboré par les élus locaux qui est atteint.
Sur la question du commerce en zone franche urbaine, je crois qu'il ne faut pas être naïf. Leur implantation dépend non pas des procédures, mais des éléments réels comme les zones de chalandise, qui sont souvent trop peu importantes dans les zones franches urbaines et dans les zones urbaines sensibles du fait, notamment, de la faiblesse du pouvoir d'achat.
Citons également un certain nombre de surcoûts liés à l'implantation dans ces zones, qui sont essentiellement dus à la sécurité du personnel, des locaux, et au coût excessif des assurances.
On peut aussi rappeler que, dans la plupart des zones franches urbaines, il n'y a plus suffisamment de terrains disponibles pour permettre l'implantation de ce type d'activité. Laissons les vrais emplois industriels et ceux du secteur tertiaire se créer dans ces zones ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous voyez que vous êtes satisfaits !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. La commission des affaires économiques, en accord avec la commission des affaires sociales, est toutefois attentive à la préoccupation exprimée au travers de cet article : il s'agit d'encourager l'implantation de commerces en zone franche urbaine.
Nous vous proposons tout simplement de mettre en place une procédure d'urgence. La CDEC pourrait se prononcer dans un délai de deux mois au lieu de quatre mois. Dans ces conditions, nous serions tous satisfaits, me semble-t-il.
Je tiens à ajouter que, depuis la création des zones franches urbaines, c'est-à-dire depuis maintenant dix ans, aucun dossier d'implantation de grande surface ou de surface supérieure à 300 mètres carrés n'a été refusé.
M. Jean-Pierre Sueur. Cet article est donc inutile et il faut le supprimer !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Il vaut mieux le modifier !
M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je souhaite tout d'abord formuler quelques remarques générales à propos de cet article.
Tout d'abord, je note que tout le monde dans cet hémicycle, y compris le Gouvernement, partage la volonté de mettre le maire au centre des débats. C'est une certitude !
Deuxième élément extrêmement important, les petits centres commerciaux sont incontestablement des lieux de vie dans les quartiers. Le Gouvernement estime qu'il est tout à fait logique de les inclure dans ce texte, car leur présence dans les quartiers participe de l'égalité des chances,...
Mme Nicole Bricq. Vous rêvez !
M. Guy Fischer. Venez dans les quartiers ! Nous vous montrerons ce que c'est que le commerce !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. ...sachant que, l'activité, c'est aussi l'emploi dans les quartiers. Et, à ce titre, nous souhaitions pouvoir en parler.
Nous avons tous des expériences de ces petits centres commerciaux ! Nous savons également que de très nombreux quartiers ont peu de commerces. Le Gouvernement cherche donc les moyens d'y implanter des petits centres commerciaux, mais aussi d'y développer le service public.
Nous pouvons tous partager le constat selon lequel, à surface égale, les petits centres commerciaux sont indiscutablement préférables aux grandes surfaces : ils signifient plus de vie, plus d'animation, une diversité plus grande et un taux d'emploi plus élevé.
C'est dans ce sens que le Gouvernement veut aller. Il s'agissait des petites surfaces de 1 500 mètres carrés. Nous connaissons tous ces centres commerciaux de quartier ! De quoi s'agit-il ? En général d'une supérette et de quelques magasins qui se trouvent autour.
Le Gouvernement souhaite, d'une part, simplifier en évitant des montages de dossier chaque fois que c'est possible et, d'autre part, réduire les délais. La lourdeur des procédures peut en effet constituer un frein.
Vos amendements, messieurs les rapporteurs, traduisent votre volonté d'accélérer les choses ; vous avez d'ailleurs pris des engagements à ce sujet. À l'évidence, le Gouvernement considère vos propositions avec un grand intérêt. Pour autant, il souhaite aller encore un peu plus loin dans la démarche de simplification, en évitant, je le répète, le montage de certains dossiers, en systématisant le principe de la demande d'autorisation au maire, qui resterait ainsi au centre du dispositif, tout en conservant une approche départementale avec les élus au travers de la commission départementale d'équipement commerciale.
S'agissant de l'EPARECA, il est vrai que le dispositif fonctionne. Il est également vrai qu'un accompagnement financier est prévu, ce qui n'est pas le cas pour ce qui nous intéresse dans cet article 12. Je vous rappelle au passage que le Gouvernement a multiplié par trois les moyens de l'EPARECA, car il considère que ce système fait ses preuves et qu'il permet de redynamiser des centres commerciaux.
Le Gouvernement aurait souhaité aller plus loin en déposant un sous-amendement aux amendements identiques n°s 47 et 83.
À ce stade du débat, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Avant d'aborder au fond l'article 12, je souhaite féliciter MM. les rapporteurs du travail, pas toujours facile, qu'ils ont effectué sur l'urbanisme commercial, et qui trouve sa place dans un texte sur l'égalité des chances. Ce travail mérite d'être valorisé.
Monsieur le président de la commission des affaires sociales, je le dis très clairement, vous devriez faire confiance aux sénateurs de la majorité pour défendre leurs amendements sans bouleverser les choses. Il faut laisser le débat s'instaurer ! Nous sommes suffisamment responsables pour déterminer quelle est la meilleure solution à défendre et à adopter. Or, maintenant, je suis obligé d'intervenir en explication de vote, alors que j'aurais nettement préféré défendre mon amendement.
J'en viens au fond. Tout le monde s'accorde à dire, sur l'ensemble de ces travées, que la vie commerciale est très importante, à la fois dans les banlieues et dans le monde rural. Là où le commerce fait défaut, la vie sociale est plus difficile. Nous pouvons nous féliciter de tenir tous le même raisonnement.
Cela étant, je peux comprendre la volonté du Gouvernement d'accélérer les choses et de faire en sorte, à cet effet, de se caler sur un dispositif. Il est vrai que le coût et la longueur du traitement des dossiers - quatre mois - ne facilitent pas l'implantation dans des endroits difficiles. Malheureusement, le Gouvernement n'a pas pris le bon chemin et je vais tenter de vous expliquer pourquoi, madame le ministre. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
La procédure accélérée de l'EPARECA n'est pas satisfaisante. Il s'agit en effet d'une procédure dérogatoire au sein de laquelle les élus locaux, les chambres de commerce et de métiers, donc tous les acteurs économiques, sont associés. Le travail préparatoire est donc très long. Par conséquent, calquer la procédure d'accélération des dossiers sur celle de l'EPARECA détruit complètement l'urbanisme commercial.
Ce n'est pas la solution ! Alors, comment faut-il faire ? Les rapporteurs, dont je salue le travail, ont proposé une solution médiane par rapport à la suppression totale de l'article. Ils ont considéré qu'il fallait peut-être faire un geste, parce que quatre mois,...
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est trop long !
M. Gérard Cornu. ...c'est effectivement trop long ! Ils proposent donc de réduire ce délai à deux mois, mais à une condition, et ce point est important : le Gouvernement doit se caler sur la procédure actuelle.
En effet, dans la procédure actuelle, la commission départementale associe les élus locaux. Par conséquent, il serait grave de la limiter à un rôle consultatif et de laisser statuer la commission nationale, qui n'associe absolument pas, quant à elle, les élus locaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. Philippe Nogrix applaudit également) C'est une commission d'appel, composée de fonctionnaires.
Il est donc essentiel que la commission départementale puisse statuer.
Lorsque j'ai déposé mon amendement de suppression, je n'avais pas connaissance des amendements des rapporteurs.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est pourquoi j'ai demandé la priorité !
M. Gérard Cornu. Je l'ai fait parce que je considérais qu'il n'était pas souhaitable de traiter ce dossier sur l'urbanisme commercial dans un texte pour l'égalité des chances. Il me semblait plus judicieux de le considérer de façon globale, d'autant que le Sénat a étudié et adopté la proposition de loi de notre collègue Alain Fouché tendant à garantir l'équilibre entre les différentes formes de commerce et que le texte, qui doit être examiné par l'Assemblée nationale, est encore susceptible d'améliorations.
Tel n'a pas été le choix du Gouvernement. Cela étant, je peux comprendre qu'il veuille aller vite.
Aussi, eu égard au travail réalisé par les rapporteurs, même si j'ai déposé un amendement de suppression, préférant que cette disposition figure dans un texte d'urbanisme commercial, je crois, en mon âme et conscience, que l'on fait un petit bout du chemin et que l'on ne doit pas laisser passer les chances d'accélérer les choses.
Les amendements identiques nos47 et 83 me paraissent bons. D'ailleurs, monsieur le président, je m'y serais volontiers rallié si vous m'aviez laissé intervenir normalement. Il était donc inutile de « chambouler » l'ordre de discussion des amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je souhaite répondre à M. Cornu : si nous n'avions pas procédé de cette manière, l'article 12 aurait sans doute été supprimé et la commission saisie au fond comme la commission saisie pour avis n'auraient pas pu soumettre leur proposition au Sénat. Telle est la raison pour laquelle nous avons demandé la priorité de nos amendements.
Par ailleurs, dans la mesure où ce texte fait l'objet de la déclaration d'urgence, il n'aurait pas été de nouveau soumis à l'Assemblée nationale.
Je crois sincèrement, en mon âme et conscience, qu'il était nécessaire de procéder ainsi. Et ce n'est pas une manipulation !
M. Thierry Repentin. Si, très clairement !
M. Alain Gournac, rapporteur. Non ! Il n'y a aucune manipulation !
Nous y avons passé beaucoup de temps ! Plusieurs versions ont été élaborées : cinq, six, sept, je ne sais plus ! Il était vraiment nécessaire de laisser la commission saisie au fond s'exprimer et de faire cette proposition qui, je le crois, est très intéressante. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix, pour explication de vote.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le président, je respecte votre mission en tant que président de séance et je reconnais votre savoir-faire en matière d'arbitrage et d'organisation, mais le groupe de l'UC-UDF ne s'est pas exprimé.
M. le président. Vous ne m'avez pas demandé la parole, mon cher collègue !
M. Philippe Nogrix. Si, monsieur le président, je l'ai demandée, car j'avais des choses à dire.
Cela étant, ou bien le message n'est pas assez simple pour que la province le comprenne, madame la ministre, ou bien votre gouvernement veut tout imposer, et il ne nous reste plus qu'à rentrer chez nous ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. Philippe Nogrix. Eh bien, non, madame la ministre, nous siégerons, nous argumenterons, nous alimenterons le débat, car tel est l'objet de notre mandat ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Nous avons pour devoir de défendre le territoire, d'épauler les élus dans la responsabilité qui est la leur.
M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !
M. Philippe Nogrix. Pourquoi faut-il que la loi leur impose de nouvelles façons de travailler ?
M. Thierry Repentin. Mais oui !
M. Philippe Nogrix. Depuis quelques années, les uns et les autres, dans nos territoires, nous multiplions les réunions pour organiser, comprendre, convaincre, essayer d'agir selon les besoins de nos concitoyens. Et, en toute modestie, nous n'avons pas besoin que Paris nous impose les choses !
M. Jean-Pierre Sueur. Très bien !
M. Philippe Nogrix. Nous n'avons pas besoin que Paris nous dise : « Dans les zones ZFU, il faut prendre des décisions rapidement. »
C'est vrai pour tous les élus, qu'ils soient élus politiques ou élus de la société civile. Car on ne parle pas assez de la société civile ! Notre société irait peut-être mieux si la société civile remplissait tout son rôle, si on lui laissait le soin de s'exprimer, d'organiser et de prendre les bonnes décisions.
Alors, pourquoi vouloir précipiter les choses ? Nous sommes majeurs ; nous savons ce que nous avons à faire.
Au moment où l'on parle de l'organisation des territoires autour de l'intercommunalité - intercommunalité de projets au sein des pays avec les SCOT, qui ont été évoqués à plusieurs reprises, ou intercommunalité simple -, respectons le savoir-faire de nos territoires.
Monsieur Sueur, je ne pense pas, comme vous, qu'il s'agisse d'improvisation.
M. Jean-Pierre Sueur. Vous êtes plus sévère que moi !
M. Philippe Nogrix. J'aurais préféré que tel soit le cas ! Il s'agit plutôt de cette tendance des cabinets ministériels qui veulent tout régenter, estimant que le « national » fait beaucoup mieux que la province.
Mais où est donc l'esprit de subsidiarité, que l'on prône quand il s'agit de l'Union européenne ?
M. Jean-Pierre Sueur. Et voilà !
M. Philippe Nogrix. Ce qui est bon pour l'Union européenne ne l'est-il pas aussi pour nous ? Ne sommes-nous pas à même, nous aussi, d'aménager nos territoires ?
Monsieur le rapporteur, je ne comprends pas très bien vos interventions et je souhaiterais que vous nous les expliquiez mieux. En effet, si le Sénat avait voté la suppression de l'article, nous aurions conservé le dispositif actuel, avec quatre mois d'instruction - c'était très bien - et la possibilité pour les CDEC d'exprimer la totalité de leur maîtrise de ce sujet d'urbanisation commerciale.
Un nouveau stade vient d'être franchi, me semble-t-il. Nous étions relativement à l'écoute de vos propositions, mais, dans le cas présent, vous voulez nous empêcher totalement de participer. Ne sommes-nous pas à même de comprendre vos démarches ou l'organisation des débats ?
Eh bien ! nous allons débattre et donner nos arguments ! Nous allons montrer qu'il ne faut tout de même pas aller trop loin ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Sueur. Au nom du groupe socialiste, j'émets une protestation extrêmement ferme par rapport à la manière dont nos travaux se déroulent en ce moment.
M. Roland Muzeau. Il a raison !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourquoi ?
M. Jean-Pierre Sueur. Je songe à un film dans lequel deux dirigeants discutent devant une foule de gens. L'un dit : « Le peuple veut cela, mais il a tort. » L'autre répond : « Oui, il a tort et il va falloir que nous trouvions une solution pour que les choses se passent autrement. »
Il se trouve que le Sénat a été saisi de quatre amendements identiques signés par des collègues de l'UMP, de l'Union centriste-UDF, du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen. Telle est la réalité ! C'est très rare !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission en tient compte !
M. Jean-Pierre Sueur. Lorsqu'une telle chose se produit, elle témoigne, à l'évidence, d'une volonté très forte au sein du Sénat. Il me semble que la moindre des choses eût été de respecter cette volonté et de soumettre ces amendements au vote, de manière que l'article visé fût supprimé.
Mais nos collègues de la commission craignaient de s'engager dans un mauvais chemin. Ils nous ont mis en garde : ne commettez pas cette erreur !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout ! Nous proposons une alternative !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous, nous allons empêcher le Sénat d'adopter des amendements identiques à une très large majorité parce qu'ils émanent de quatre groupes. Nous allons faire en sorte que ne se produise pas cette chose bizarre. Cette attitude nous chagrine !
M. Alain Gournac, rapporteur. Moi aussi, cela me chagrine !
M. Jean-Pierre Sueur. La vérité, chacun la connaît, il est inutile d'en rajouter ! Je ne prétends pas dire la vérité, ce serait présomptueux, mais je vais vous dire ma part de vérité.
Nous le voyons tous, cet article a été écrit dans l'improvisation. Il n'a aucun rapport avec l'égalité des chances, titre du projet de loi ;...
Mme Nicole Bricq. Tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. ...il aura même des effets contraires à l'objectif affiché.
Madame la ministre, votre déclaration, tout à l'heure, m'a un peu surpris. En présentant l'article 12 dans la rédaction initiale du projet de loi, vous avez fait un plaidoyer vibrant pour les centres commerciaux. Eh bien, pour ma part, je vais dédier cette intervention à un centre commercial que je connais bien, dans un quartier du Loiret qui s'appelle Orléans-La Source et où j'habite : le centre commercial Beauchamps. Il y reste un commerce, une épicerie tenue par une famille qui se bat pour la maintenir, notamment en assurant des horaires terribles. Je la connais bien, et j'ai beaucoup de respect pour elle.
Les centres commerciaux sont la somme de petits commerces, et vous savez bien, madame la ministre, que les mesures proposées ne favoriseront pas les petits centres commerciaux dans les zones franches, pas plus que dans les autres quartiers, au demeurant.
Le plus simple serait donc d'y renoncer. Inutile de chercher des subterfuges : cette mesure est mauvaise, elle n'a aucun rapport avec le sujet, il faut la supprimer.
Nous considérons, quant à nous, que les commissions sont tout à fait capables de réfléchir, de nous soumettre des articles additionnels, de déposer des propositions de loi. Il serait sage de reprendre le problème - c'est d'ailleurs prévu - à la faveur de l'examen de telle ou telle proposition de loi. Pour l'instant, nous sommes dans une situation vraiment intenable.
M. Alain Gournac, rapporteur. « Intenable » !
M. Jean-Pierre Sueur. Nous ne pourrons donc pas souscrire au dispositif qui nous est soumis et contre lequel, je le répète, nous nous élevons avec vigueur. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - M. le rapporteur, proteste.)
M. le président. La parole est à M. Thierry Repentin, pour explication de vote.
M. Thierry Repentin. Je souscris bien sûr totalement aux excellents propos que vient de tenir notre collègue Jean-Pierre Sueur. Ils me conduisent à relire avec d'autant plus d'intérêt une phrase, signée de Pierre André, extraite du rapport pour avis de la commission des affaires économiques, dont je suis membre. Pierre André, dans son souci d'analyse objective qui le distingue d'autres rapporteurs, indique que la « commission pour avis ne peut, en première analyse, qu'émettre certaines réserves quant à l'opportunité de mettre en place des dérogations spécifiques, sans envisager la problématique de l'équipement commercial dans son ensemble ».
Je n'ai rien à enlever à cette phrase. Tout au plus aurais-je peut-être interverti deux mots et émis non pas « certaines réserves », mais des « réserves certaines ». (Sourires.) Et ces réserves certaines étaient visiblement partagées, spontanément et sans calcul politique, avant que les commissions aient pris la parole, par des élus de toutes les formations politiques présentes dans le paysage politique français,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous n'avons jamais dit le contraire ! Nous sommes tout à fait d'accord !
M. Thierry Repentin. ... puisque des sénateurs appartenant tant à l'UMP ou à l'Union centriste qu'au parti socialiste, au parti communiste et aux Verts ont déposé des amendements de suppression de l'article 12.
En effet, tel qu'il est rédigé, cet article prend le contre-pied total de textes déjà en vigueur, dont une loi qui fut portée sur les fonts baptismaux par un ministre célèbre qui allait par la suite devenir Premier ministre : la loi, dite « loi Raffarin », relative au développement et à la promotion du commerce et de l'artisanat.
Il va aussi totalement à l'encontre de ce que nous, élus, vivons au quotidien dans les quartiers. C'est d'ailleurs peut-être pour cette raison que nous sommes offusqués de la méthode qui est employée aujourd'hui, qui vise à brider l'expression des parlementaires de toutes les formations politiques qui, spontanément, se sont opposés à cette disposition.
Si ces élus ont signé ces amendements de suppression, c'est qu'ils se rendent bien compte qu'avec l'article 12 est remis en cause ce que nous essayons au quotidien de rendre durable malgré sa fragilité : la permanence de quelques commerces de proximité.
Cet article provient d'un texte gouvernemental. Or on sait comment s'élaborent les projets de loi : puisqu'il faut faire des propositions pour satisfaire l'opinion publique, on en fait. Mais sont-elles toujours fondées ? Combien de membres des cabinets ministériels, au contraire des parlementaires, connaissent-ils la réalité quotidienne des zones franches urbaines ? Combien rencontrent, comme nous le faisons dans nos permanences, des habitants de ces quartiers ?
M. Alain Gournac, rapporteur. C'était le travail de la commission saisie au fond ! Elle s'est exprimée, maintenant il faut voter ! Nous ne bloquons pas le vote !
M. Thierry Repentin. Combien résident ne serait-ce que dans une zone de redynamisation urbaine - les ZRU sont à un moindre degré de difficulté que les ZFU -, voire dans une ZUS ? Très peu ! La connaissance qu'ils ont de ces secteurs est purement livresque, tirée de rapports établis par des directions d'administration centrale. Certes, ils y découvrent des chiffres, ils y découvrent des statistiques ; nous découvrons, nous, au quotidien, des réalités de vie qui sont insupportables.
Savent-ils que dans certaines ZRU, sans même aller dans des ZUS ou des ZFU, les municipalités ont tenté de mettre en place des épiceries solidaires pour qu'un certain nombre de ménages précarisés puissent venir chaque semaine essayer d'acheter le minimum vital, et qu'elles y viennent parfois avec l'équivalent d'un billet de 10 euros ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Il y en a même hors des ZFU ! Il y en a chez moi !
M. Thierry Repentin. Dans certaines épiceries, on ne vend pas les oeufs par six, mais à l'unité, parce que le pouvoir d'achat des clients ne leur permet pas davantage !
Avec l'article 12, c'est à l'équilibre de vie même de centaines de milliers de familles que vous touchez.
M. Alain Gournac, rapporteur. Le prix des oeufs est très important dans l'amendement !
M. Thierry Repentin. La méthode que vous utilisez, monsieur le rapporteur, en appelant par priorité les amendements de la commission saisie au fond et de la commission des affaires économiques, n'a d'autre objet que de brider l'expression des parlementaires.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances. Arrêtez !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas vrai ! Vous pouvez même parler du prix des oeufs !
M. Thierry Repentin. M. About nous rétorque qu'il suffit de rejeter les amendements nos 47 et 83 pour en revenir à ceux qu'ont présentés individuellement des sénateurs issus de toutes les formations. Son argument est spécieux : vous savez très bien que, compte tenu de la façon dont s'est engagée la discussion de ce projet de loi, la solidarité politique jouera en faveur du Gouvernement et que ces deux amendements seront adoptés.
Combien d'amendements, parmi les cinq cents qui ont déjà été débattus, ont-ils été adoptés ?
M. Roland Muzeau. Un !
M. Thierry Repentin. Un, ou peut-être deux. Mais ces deux amendements-là, par solidarité et non pas par adhésion, seront votés et, par voie de conséquence, les amendements qui ont été déposés par les groupes de l'UMP, du parti communiste, du parti socialiste, des Verts et de l'UC-UDF ne viendront pas en discussion. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. C'est clair !
M. Alain Gournac, rapporteur. Parlez pour le parti socialiste, monsieur Repentin, ne parlez pas pour nous !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote.
M. Guy Fischer. Que notre position soit claire : les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre les deux amendements identiques nos 47 et 83.
M. Roland Muzeau. Absolument !
M. Guy Fischer. Ils tendent de toute évidence à remettre en cause ce qui semblait pourtant faire l'unanimité de notre assemblée, puisque quatre amendements identiques de suppression avaient été déposés par quatre groupes différents.
Madame la ministre, sur les deux amendements nos 47 et 83, vous vous en êtes remise à la sagesse du Sénat, mais en précisant que le Gouvernement souhaitait que l'autorisation dépende du maire. Quelle méconnaissance de la réalité !
Le droit de l'urbanisme commercial a évolué au fil des ans, et la plupart des grandes agglomérations sont aujourd'hui regroupées au sein d'EPCI, de communautés urbaines toutes plus importantes les unes que les autres, qui sont compétentes en la matière. Or ce sont là des sujets très difficiles, comme en a témoigné ces dernières années l'explosion des centres commerciaux de périphérie.
Deux phénomènes concomitants se sont produits : d'une part, et je l'ai vécu dans ma ville, les commerces des centres-villes, des petits bourgs, ont été étouffés, puis ont dépéri ; d'autre part, je le rappelais tout à l'heure, la diversité du commerce dans les centres, notamment dans les grands quartiers populaires, a été réduite à sa plus simple expression.
Sur le fond, le fait que l'autorisation soit directement donnée par le maire ne paraît pas logique dans la mesure où cela revient à remettre en cause, à bafouer les compétences qui, après mûre réflexion, ont été attribuées aux EPCI et qui se sont traduites, concrètement, par l'élaboration de schémas directeurs d'équipements commerciaux.
Vous affirmez, madame la ministre, qu'il faut accélérer les procédures, et donc donner au maire le pouvoir de délivrer directement l'autorisation. Quelle méconnaissance des problèmes ! Ceux qui travaillent en étroite liaison avec l'EPARECA, et je le fais depuis de très nombreuses années, savent que le montage d'un dossier dans une ZUP comme celle des Minguettes est en fait l'aboutissement de cinq ou dix ans d'efforts : aujourd'hui, la mise en oeuvre d'un centre commercial est la tâche la plus difficile que l'on puisse avoir à accomplir.
Il s'agit, la plupart du temps, d'investisseurs publics : c'est l'EPARECA, c'est la communauté urbaine, c'est la ville, c'est la région, c'est l'État qui apportent les fonds, et nous en avons eu l'illustration lors de la reconstruction d'un centre commercial dans le quartier de la Darnaise, aux Minguettes.
L'article 12 du projet de loi propose une fausse solution, et nous sommes contre, j'allais dire l'amateurisme qui a présidé à sa formulation. Pour des raisons de principe, nous sommes donc foncièrement contre l'article 12 et contre les amendements nos 47 et 83.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Personnellement, je ne crois absolument pas qu'il faille incriminer les cabinets ministériels ; ce serait très éloigné de la vérité.
Cet article 12 est le résultat d'une commande politique, madame la ministre, et il vous faut l'assumer : n'essayez pas de nous convaincre que le Gouvernement se laisserait imposer par des fonctionnaires, quelles que soient leurs immenses compétences, des dossiers dont il ne voudrait pas ! C'est donc bien une commande politique ! Certes, ce sont des fonctionnaires qui la traduisent en propositions, mais leur rôle s'arrête là ! Il serait trop facile de tout renvoyer au personnel des ministères !
Je voudrais également, madame la ministre, vous poser une question : pouvez-vous enfin nous dire, à ce moment du débat, ce que vous avez en tête, ce que veut le Gouvernement ? Sinon, nous tournons en rond ! Les partis politiques sont tous contre cet article 12 ; les parlementaires, qui font la loi, viennent de s'exprimer assez largement : ils sont contre.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non ! L'UMP est favorable à l'amendement de la commission !
M. Roland Muzeau. Effectivement, monsieur About, la commission des affaires sociales et la commission des affaires économiques ont présenté deux amendements identiques qui se veulent un compromis. En quoi consiste ce compromis ? D'une part, la CDEC est maintenue et les règles générales ne sont pas modifiées, l'EPARECA restant à part, nous sommes d'accord ; d'autre part, une exception est créée au sein de cette règle maintenue par le raccourcissement à deux mois, dans certains cas, d'un délai qui est normalement de quatre mois.
Cela sera-t-il d'une quelconque efficacité ? Car c'est bien là tout l'intérêt que pourrait présenter la disposition !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
M. Roland Muzeau. Mon opinion est que non, et je vais tenter d'expliquer brièvement pourquoi.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh bien, vous voterez contre !
M. Roland Muzeau. Écoutez-moi un peu, monsieur About !
Je suis un habitué des commissions d'urbanisme, puisque, dans ma ville, je les assume au nom du maire. Je peux vous certifier que le travail qui y est mené est sérieux.
Quels sont les éléments qui nous permettent de nous déterminer ?
Cette commission d'urbanisme n'est pas composée uniquement du préfet et du maire. Elle comprend le conseiller général du canton, le représentant de la ville la plus importante de la circonscription, les représentants des chambres consulaires, le représentant des consommateurs, l'État y est représenté par le secrétaire général mais aussi par ses propres services, qui établissement eux-mêmes deux rapports extrêmement importants. Il y a également le rapport élaboré par la DDE sur l'impact d'une telle implantation ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On le sait !
M. Roland Muzeau. Oui, mais je tiens à le rappeler !
...et le rapport de la direction de la concurrence et des prix, qui est tout aussi important dans la mesure où il permet aux membres de cette commission d'appréhender les résultats d'une décision positive sur un aménagement commercial dans tel ou tel lieu.
Si l'on considère que tout ce travail de discussion et d'élaboration de rapports peut être « bâclé » en deux mois, que l'ensemble des services et des directions appelés à donner un avis peuvent l'émettre « en claquant des doigts », ce n'est pas vrai ! Nous nous mentirions à nous-mêmes si nous acceptions cette proposition de compromis, qui n'en est pas un.
Par conséquent, madame la ministre, je vous propose de revenir à la raison et de laisser les choses en l'état. Je ne connais aucun dossier de demande d'implantation d'une surface commerciale qui aurait échoué parce qu'il y avait un délai de quatre mois.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. J'ai été très frappé par la concordance de vues que nous avons avec M. Nogrix.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous faites partie du même mouvement, celui des esprits libres ! (Sourires.)
M. Jean-Pierre Godefroy. Si vous adoptez les amendements présentés par les commissions, vous introduisez une dérogation qui ramène le délai de quatre mois à deux mois. Mais je ne vois pas ce que cela changera. Il y aura toujours une mesure dérogatoire en faveur des multiplexes, des surfaces de moins de 1 500 mètres carrés et des équipements hôteliers de trente à cinquante chambres.
Madame la ministre, quand ils ont à traiter un sujet de cette importance qui concerne l'emploi, les élus locaux, les chambres de commerce, les chambres de métiers savent aller vite, et même très vite.
En revanche dans ces cas-là, il serait nécessaire d'accélérer la procédure des services de l'État, c'est-à-dire que le rapport de la commission de la concurrence et des prix soit rendu plus rapidement et que la commission soit convoquée le plus tôt possible. Pour le moment, le délai est de quatre mois, mais on peut le faire en un mois avec le texte actuel : le tout, c'est de le vouloir !
Je ne comprends pas pourquoi vous proposez une telle dérogation. Si cette mesure devait être votée par notre Haute Assemblée, il serait anormal que tous les autres commerces qui demandent une implantation ne soient pas traités de la même façon.
Vous avez le choix entre le maintien du statut en vigueur pour tout le monde, en accélérant les procédures - et vous pouvez le faire en ce qui concerne les services de l'État - et l'application de la dérogation à tout le monde, c'est-à-dire que la règle générale soit de deux mois et que toutes les implantations commerciales soient traitées de la même façon.
Dans le cas contraire, vous créerez un déséquilibre, un peu moins grave que s'il n'y avait pas eu l'avis de la commission départementale, mais un déséquilibre tout de même.
Ces mesures ont été prises trop rapidement, sans en mesurer les conséquences, les risques et les incompréhensions qui peuvent en découler.
Voilà pourquoi je pense que les amendements des commissions, s'ils visent à arranger les choses, ne règlent en rien le problème de la concurrence entre tous les autres commerces. Car accepter la dérogation à l'article 12, c'est accepter par anticipation celles qui figurent aux articles 13, 14 et 15.
M. Gérard Cornu. Non, pas du tout !
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Au terme de ces échanges sur l'article 12, je souhaite revenir sur quelques points.
Tout d'abord, je tiens à réaffirmer que la volonté du Gouvernement est de simplifier et d'accélérer les procédures actuelles.
Monsieur Repentin, personne n'a le monopole de ces quartiers ! Nous savons tous quels sont leurs problèmes. Dans ma ville, j'ai à la fois un centre commercial EPARECA, un centre commercial en pleine rénovation dans une ZUS, avec toutes les difficultés que chacun d'entre nous connaît.
M. Thierry Repentin. Vos amis demandent la suppression de l'article 12 !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je souhaite que nous évoquions ces questions sans commentaires désobligeants sur les membres des cabinets ministériels ; eux aussi, à titre personnel, peuvent être concernés. Personne n'a le monopole sur ces sujets !
En ce qui concerne l'accélération souhaitée, monsieur Godefroy, incontestablement, si les amendements des commissions sont adoptés, les premiers concernés seront les services, qui devront mener les missions d'instruction dans un délai plus court.
L'égalité des chances, c'est aussi l'accès à un centre commercial, à l'emploi.
C'est dans cet esprit que le Gouvernement s'en est remis à la sagesse du Sénat sur les amendements des commissions. Accélérer les procédures d'implantation, c'est améliorer les conditions de vie et d'emploi dans les quartiers.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 47 et 83.
Je suis saisi de trois demandes de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales, du groupe UMP et du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici, après pointage, le résultat du dépouillement du scrutin n° 118 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 168 |
Contre | 159 |
Le Sénat a adopté.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est tranché !
M. le président. En conséquence, l'article 12 est ainsi rédigé et les amendements identiques n°s 8, 365, 533, 764, ainsi que les amendements n°s 280 et 408 rectifié bis n'ont plus d'objet.
J'en donne néanmoins lecture :
Les quatre premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 8 est présenté par M. Cornu.
L'amendement n° 365 est présenté par M. Madec, Mmes Demontès, Le Texier, Printz, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Godefroy, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Yung, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 533 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n° 764 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 280, présenté par M. Cornu, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Avant la dernière phrase du premier alinéa de l'article L. 720-10 du code de commerce il est inséré une phrase ainsi rédigée : « ce délai est ramené à deux mois pour les projets d'implantation en zones franches urbaines. »
Le deuxième alinéa du même article est complété par une phrase ainsi rédigée : « ce délai est ramené à deux mois pour les projets d'implantation en zones franches urbaines. »
L'amendement n° 408 rectifié bis, présenté par MM. Darniche, Masson, Retailleau et Türk et Mme Desmarescaux, est ainsi libellé :
Compléter cet article par les mots :
et après les mots : « la maîtrise d'ouvrage sont, » sont insérés les mots : « en liaison avec les chambres de commerce et d'industrie et les chambres des métiers du département, les communes et les établissements publics de coopération intercommunale concernés et, ».
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de Mme Michèle André.)
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
Mme la présidente. La séance est reprise.
3
RAPPEL AU RÈGLEMENT
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, mon rappel au règlement porte sur le fonctionnement de nos commissions. Je voudrais interpeller solennellement M. le président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président, mercredi 1er mars, vous avez organisé une audition des deux sénatrices de la Réunion, Mmes Gélita Hoarau et Anne-Marie Payet, qui ont rendu compte de la mission qui leur avait été confiée par la commission des affaires sociales. Pour nous permettre de débattre du chikungunya, vous aviez également invité quatre sommités scientifiques, qui nous ont éclairés sur la réalité de la situation.
Ce jour-là, les données officielles indiquaient 157 000 personnes touchées et 78 décès enregistrés à la Réunion.
Je vous interpelle, monsieur le président, parce que M. le ministre de la santé, Xavier Bertrand, dans un communiqué de presse diffusé aujourd'hui même, annonce que le nombre de cas de chikungunya enregistrés à la Réunion depuis le début de l'épidémie s'élève désormais à 186 000, ce qui confirme la propagation galopante de la maladie, le nombre de décès directs ou indirects étant passé à 93.
Par ailleurs, nous insistons sur le fait que l'île de Mayotte est également touchée, puisque le nombre de cas connus a doublé en dix jours, pour atteindre 2 162. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cela ne vous intéresse pas ?
M. Guy Fischer. Le problème y est certainement plus grave, puisque 30 % de la population se trouvent en situation irrégulière. Pour avoir visité les bidonvilles de Mayotte au cours du mois de septembre, permettez-moi de penser que cette population est l'une des plus exposées.
Monsieur le président, nous vous demandons solennellement, au nom du groupe CRC - je me fais plus particulièrement l'interprète de ma collègue Gélita Hoarau -, de définir un véritable tableau de bord qui puisse nous permettre de présenter des propositions au nom de la commission, et donc de notre assemblée, afin que ce problème soit enfin pris en considération. Le Gouvernement a certes arrêté un certain nombre de mesures, mais nous souhaitons que notre commission soutienne une initiative forte, qui manifeste la préoccupation de notre assemblée.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à dire à M. Fischer que je partage pleinement sa préoccupation.
J'ai indiqué à la commission des affaires sociales, à la suite des auditions de mercredi, que j'étais prêt, si nécessaire, à conduire une mission de contrôle sur pièces et sur place. Cette mission de contrôle se déroulera les 23, 24 et 25 mars 2006.
Avec, à nos côtés, nos deux collègues sénatrices de la Réunion, nous passerons en revue à la fois la situation médicale et les mesures mises en place par le Gouvernement et les autorités locales. Nous rencontrerons aussi les élus et les personnels hospitaliers, et nous vérifierons si toutes les dispositions sont prises pour éviter le maximum de comorbidité et donc de décès dus à des pathologies associées.
À l'issue de cette mission, nous remettrons un rapport sur la situation et les mesures que nous souhaitons voir adopter. Il pourrait comprendre, comme vous le proposez, un tableau de bord qui nous permettrait de suivre l'ensemble des mesures prises ou à prendre.
Les scientifiques que nous avons reçus nous ont dit que c'était la première fois au monde, à leur connaissance, qu'on intervenait aussi massivement contre une épidémie de ce type ; ils se demandent même si l'intensité de cette intervention se justifie.
En revanche, ils ont souligné des insuffisances, rappelant que, très souvent, les mesures ne sont prises que pendant les épidémies mais que, dès que celles-ci régressent, les recherches sont abandonnées dans les différents pays concernés. Il conviendrait peut-être de persévérer et de poursuivre une recherche sérieuse sur cette pathologie qui était jusqu'à présent qualifiée de bénigne. Or, comme nous l'ont dit les scientifiques, les cas les plus graves apparaissent lorsque l'épidémie explose, alors qu'ils ne se manifestent pas en présence de foyers endémiques et limités.
Nous ferons donc le point sur cette épidémie et nous en reparlerons, non seulement devant la commission, mais aussi devant le Sénat tout entier.
M. Guy Fischer. Je vous remercie.
Mme la présidente. Merci, monsieur le président, pour votre engagement.
La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la présidente, je souhaite rappeler l'implication totale du Gouvernement dans la lutte contre le chikungunya. La visite du Premier ministre à la Réunion, le week-end dernier, en témoigne.
Cette épidémie est aujourd'hui une préoccupation majeure de notre Gouvernement. Bien évidemment, tous les moyens doivent être mis à disposition pour accompagner au plus vite l'ensemble des populations victimes de cette maladie (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
4
égalité des chances
Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence (nos 203, 210, 211, 212, 213, 214).
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 13.
Article 13
Après le I de l'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 d'orientation du commerce et de l'artisanat, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. - Par exception aux dispositions du I du présent article, les projets de création ou d'extension d'ensembles de salles de spectacle cinématographique dans les zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ne sont pas soumis à une autorisation de la commission départementale d'équipement cinématographique, dès lors que la densité d'équipement en salles de spectacles cinématographiques de la zone d'attraction concernée est inférieure à la moyenne nationale d'équipement observée l'année civile précédente. »
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Le débat de ce matin a montré combien il était difficile de prendre des mesures dérogatoires.
Nous abordons cet après-midi le problème de la création de salles multiplexes dans les zones franches urbaines.
Madame la ministre, le Parlement remplit parfaitement son rôle lorsqu'il tente de vous éclairer, en vous indiquant comment les décisions que vous souhaitez prendre sont ressenties sur le terrain. En ce qui concerne les multiplexes et cet article 13, deux points me semblent devoir être pris en considération.
Premièrement, nous avons rappelé, une fois de plus, qu'il était important que les maires et les élus locaux soient au centre du dispositif de la politique de la ville ; vous avez d'ailleurs montré que vous partagiez cette préoccupation en exerçant vos responsabilités en la matière. Dans le cas précis de l'implantation de multiplexes, laissez-nous donc le soin de pouvoir décider nous-mêmes de ce que nous souhaitons en maintenant les commissions départementales d'équipement cinématographique.
Deuxièmement, les multiplexes diffèrent totalement des équipements commerciaux qui ont fait l'objet de nos débats ce matin. Ils sont d'une toute autre nature.
Personnellement, je ne pense pas que c'est en confinant les jeunes, en les enfermant dans les quartiers difficiles que nous parviendrons à les sortir des difficultés qu'ils rencontrent aujourd'hui, bien au contraire.
Dans la pratique, je préférerais que les parkings, dont les multiplexes, gros consommateurs de foncier mais faibles créateurs d'emploi, ont par nature besoin laissent la place à des entreprises industrielles ou du tertiaire.
En conséquence, je propose, au nom des trois commissions et en accord avec les trois rapporteurs, de rectifier nos amendements, qui, désormais, tendent à la suppression de l'article 13. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mes chers collègues, je souhaite que, pour l'examen de l'article 13, ne prévalent pas les mêmes tensions et que nous n'ayons pas les mêmes discussions inutiles que lors de l'examen, ce matin, de l'article 12.
Tout d'abord, le groupe UMP m'a fait savoir qu'il ne souhaitait pas que l'article 13 du projet de loi soit maintenu. Par ailleurs, M. André vient de rectifier les amendements déposés par les trois commissions.
Dans ces conditions, je souhaite que l'amendement n° 84 ainsi rectifié soit joint à la discussion commune dont les amendements de suppression vont faire l'objet. Je demande donc la priorité pour cet amendement, afin que tout le monde soit très clairement informé de notre volonté commune de supprimer l'article13. (M. Philippe Nogrix applaudit.)
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
Mme la présidente. La priorité est ordonnée.
Avant que nous n'abordions l'examen des amendements, vous êtes un certain nombre, mes chers collègues, à avoir demandé la parole sur l'article. Je vais donc vous la donner.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l'article.
Mme Catherine Morin-Desailly. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, à notre grande surprise, ce projet de loi ne comprend qu'une seule mesure en faveur de la vie culturelle des quartiers. Or, aujourd'hui, personne ne peut nier le rôle que joue la culture en matière de cohésion sociale. Constitutive d'une identité commune, elle est indéniablement un facteur d'intégration pour tous ceux qui ont la chance d'y avoir accès.
Or que nous proposait-on aujourd'hui ? Je parle au passé, car les choses ont visiblement changé ! On soumettait à nos débats l'unique article 13 qui, pour les zones franches urbaines, dispensait les projets d'équipement cinématographique de type multiplexe du régime d'autorisation préalable prévu par la loi Royer.
Une telle disposition tendait, nous a-t-on dit, à créer des pôles de vie culturelle et collective dans les quartiers. Si l'objectif paraît louable, et nous ne pouvons qu'y souscrire, dispenser d'autorisation préalable les projets de multiplexes ne nous semble pas être de nature à répondre à cette volonté.
Cela confirme, comme l'ont déjà dit mes collègues lors de la discussion générale, la précipitation avec laquelle ce projet de loi a été élaboré par le Gouvernement, à la suite de la crise sociale des banlieues. Il apparaît en effet comme un ensemble de mesures disparates, sans cohérence ni ligne directrice, en tout cas, par certains égards, déconnecté du terrain. La culture y est étrangement absente alors que ce texte vise à donner à chacun un droit identique à l'égalité des chances.
Selon moi, un tel dispositif traduisait une conception particulièrement réductrice de la politique culturelle que le Gouvernement compte développer dans ces quartiers.
Si, bien sûr, aujourd'hui, le cinéma reste un loisir populaire, les multiplexes à eux seuls ne peuvent constituer des pôles de vie culturelle. Dans la majorité des cas, reconnaissons-le, ce sont des annexes de centres commerciaux, qui proposent des activités beaucoup plus commerciales et marchandes qu'artistiques proprement dites. S'il peut paraître utile d'en implanter dans certains quartiers, alors faisons-le, mais dans des conditions maîtrisées.
Quelle vision d'ensemble des politiques culturelles à mener pour ces publics nous propose-t-on aujourd'hui ? Aucune ! Pourtant, si le Gouvernement voulait renforcer l'animation culturelle dans ces quartiers, il pourrait s'inspirer des expériences de terrain et des réussites locales.
Ainsi, les associations, par le travail en profondeur qu'elles ont réalisé, ont prouvé leur efficacité alors même que leurs crédits d'intervention ont été brutalement supprimés pour être finalement, crise des banlieues oblige, restitués dans l'urgence.
Réduire les politiques culturelles aux multiplexes, c'est aussi oublier ou méconnaître la vitalité sociale et culturelle des quartiers. Pensons, par exemple, aux expériences des « nouveaux territoires de l'art », qui ont fait l'objet d'un récent colloque au Sénat. Ces collectifs artistiques, installés dans des friches industrielles, sensibilisent les populations des zones périphériques, à l'écart des équipements culturels, et facilitent, par leurs actions de sensibilisation, l'accès de tous les publics à la culture.
Afin de favoriser cet accès à la culture dans les quartiers en difficulté, il conviendrait, tout d'abord, d'inciter et de soutenir les collectivités locales afin qu'elles mettent en place des services publics culturels de proximité, qu'il s'agisse d'écoles de musique, de bibliothèques, de maisons de quartier, de salles de spectacles et - pourquoi pas ? - de salles de cinéma d'art et d'essai... À ce sujet, je souhaiterais savoir où en est le programme des médiathèques de proximité, que l'on appelle « les Ruches », lancé par le Gouvernement en 2003 ?
Il conviendrait, ensuite, d'aider parfois à l'implantation de grands équipements culturels structurants qui, fréquentés par l'ensemble des habitants de la ville, permettent aux quartiers de rompre leur isolement géographique. À titre d'exemple, à Rouen, la ville dont je suis l'élue, nous avons délibérément choisi d'implanter la future grande médiathèque dans un quartier inscrit au titre de la politique de la ville.
Il conviendrait, par ailleurs, d'ouvrir les habitants aux pratiques culturelles auxquelles ils n'ont pas accès d'emblée, qu'il s'agisse de leur proposer une offre qui les sensibiliserait -évoquons ici le succès populaire des festivals d'arts de la rue -ou bien de les amener à fréquenter physiquement les établissements culturels de centres-villes tels que les théâtres, les opéras, les conservatoires, les musées.
Il conviendrait, enfin, évidemment de développer l'éducation artistique et culturelle. C'est pourquoi je trouve particulièrement regrettable qu'aucune proposition ne soit faite à ce sujet. Personne n'ignore pourtant que l'école est l'acteur déterminant de l'égalité des chances dans la mesure où elle permet, dès le plus jeune âge, l'ouverture sur les autres et à d'autres univers.
Voila pourquoi, lors des débats relatifs au projet de loi d'orientation et de programme pour l'avenir de l'école, nous avions insisté sur l'intégration, dans le socle commun des connaissances, d'une sensibilisation aux arts et à la culture pour tous. Cette mesure a été rejetée. Je le regrette, car, aujourd'hui, l'égalité des chances inclut certes l'égalité d'accès à un logement, à un emploi, à la santé, mais aussi l'égalité d'accès à des valeurs et une culture communes. Ne pas évoquer l'éducation artistique et culturelle, c'est passer à côté d'un enjeu important de l'intégration sociale !
Dans ce domaine, il existe pourtant de nombreuses initiatives locales visant à la sensibilisation aux arts et à la culture sur le temps scolaire ou périscolaire.
À Rouen, par exemple - permettez-moi une nouvelle fois de m'inspirer de mon expérience de terrain -, mais également dans bien d'autres villes, les responsables des écoles du réseau d'éducation prioritaire et les établissements d'enseignement artistique, que ce soit les conservatoires ou les écoles de musique financées par la ville, ont mis en place, à la faveur du contrat de ville puis du groupement d'intérêt public du grand projet de ville, des programmes d'éducation musicale.
Je pourrais également évoquer les équipes de médiateurs du livre, qui travaillent dans les quartiers avec les associations. Je pourrais citer encore l'accueil en résidence de compagnies qui s'ouvrent au quartier en proposant des actions en coordination avec les habitants : un festival des arts de la rue par-ci, un festival de cinéma en plein air par-là !
Bref, voilà de nombreuses propositions très intéressantes qui permettent de revitaliser - non seulement économiquement, mais aussi culturellement - un quartier et de reconstruire le lien social.
Or que se passe-t-il aujourd'hui ? On ne cherche pas à pérenniser ce qui fonctionne, et de telles opérations sont constamment menacées par les dispositifs des politiques de la ville, sans cesse modifiés. Les élus et les acteurs de terrain, les éducateurs et les familles, qui ont « mouillé leur chemise » ces dernières années, sont aujourd'hui découragés et s'interrogent.
Qu'en sera-t-il demain ? Les élus que nous sommes, qui gèrent ces quartiers, savent combien l'équilibre y est toujours fragile et que ce qui est acquis doit absolument être consolidé.
Ces actions, madame la ministre, qui tendent à impliquer les habitants, à les rendre acteurs de leur culture et pas seulement consommateurs de produits culturels standardisés, contribuent à la démocratisation culturelle. Il convient véritablement d'être pragmatique ! Ce sont ces dispositifs, plutôt que des mesures nouvelles à l'efficacité douteuse, qui devraient être soutenus et généralisés par des financements pérennes de l'État. Associés à ceux des collectivités locales, ce sont eux qui créent une véritable dynamique dans les quartiers.
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, sur l'article.
M. Serge Lagauche. Faire appel au secteur de l'exploitation cinématographique pour promouvoir, au sein des zones franches urbaines, l'égalité des chances en matière culturelle me paraît très réducteur des besoins culturels des quartiers en difficulté ; mais cela ne semble pas être l'une de vos préoccupations !
Vouloir créer sans délai des pôles de vie culturelle en levant, dans le périmètre des zones franches urbaines, la quasi-totalité des dispositifs qui permettent de réguler l'implantation des équipements cinématographiques me parait constituer un risque d'atteinte à l'équilibre réel, mais néanmoins fragile, du secteur de l'exploitation.
Depuis une décennie, plus de mille nouvelles salles de cinéma ont en effet été créées tandis que plusieurs milliers d'autres ont été rénovées, tant et si bien que la France dispose aujourd'hui du quatrième parc de salles au monde et du premier en Europe.
Ce dynamisme, que la plupart des pays nous envie, est le résultat d'une forte politique publique de soutien à l'exploitation cinématographique à laquelle les élus locaux, en siégeant au sein des commissions départementales d'équipement cinématographique notamment, ont largement contribué.
Par le biais de ces commissions qui, je le rappelle, ont la faculté d'autoriser ou d'interdire l'implantation ou l'extension des grands ensembles de type multiplexe, les élus sont en quelque sorte les garde-fous des investissements surabondants qui pourraient devenir néfastes tant en terme de répartition géographique que de diversité de l'offre cinématographique.
Le rôle de régulation joué par ces commissions pour équilibrer la répartition géographique des multiplexes, des salles privées de plus petite envergure, des salles classées « art et essai » et des salles municipales n'a d'ailleurs jamais été remis en cause. Bien au contraire, il n'a cessé d'être conforté, et ce bien au-delà des clivages politiques, tant l'enjeu est important pour l'aménagement du territoire et l'accès des films et des publics aux salles.
Nous sommes donc très surpris que, à contre-courant de tout ce qui s'est fait en la matière depuis presque dix ans, vous décidiez aujourd'hui de prendre le risque de déstabiliser l'équilibre obtenu de longue haleine par tous les acteurs du secteur de l'exploitation.
Vous nous direz sans doute que l'article 13 de ce projet de loi prend en compte la nécessité de maintenir cet équilibre dans la mesure où il ne dispense du régime d'autorisation préalable que les projets qui concernent des zones dont la densité d'équipement est inférieure à la moyenne nationale. Il s'agit là d'une vision bien étroite du rôle assumé jusqu'à présent par les commissions départementales d'équipement cinématographique.
L'article 36-1 de la loi Royer énumère, en effet, de manière exhaustive l'ensemble des critères devant motiver la décision de la commission. Je n'en citerai que quelques-uns : la fréquentation cinématographique observée dans la zone, la situation de la concurrence, la nature et la composition du parc de salles, l'effet potentiel du projet sur la fréquentation et sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes d'offre de cinéma, la préservation d'une animation culturelle et économique suffisante de la vie urbaine et l'équilibre des agglomérations, le projet de programmation envisagé pour l'établissement objet de la demande d'autorisation, les relations avec les établissements de spectacles cinématographiques de la zone d'attraction concernée, la qualité architecturale du projet.
C'est la prise en compte de l'ensemble de ces critères qui fait la force et l'utilité des commissions départementales d'équipement cinématographique, et non seulement celui de la densité, qui, s'il est certes important, ne permet pas une lecture précise de la diversité des formes d'offre de cinéma.
Le cinéma n'est pas un bien ou un service comme les autres. Comme tout équipement culturel, il appelle une intervention du politique, qui doit jouer pleinement son rôle de régulateur en prenant en compte la pluralité des intérêts en jeu.
Il ne s'agit pas d'empêcher les investissements dans les projets de création ou d'extension de multiplexes.
La loi Royer, depuis la loi portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction du 2 juillet 2003, prévoit d'ailleurs la compétence des commissions départementales à partir d'un projet de trois cents places. Ce ne sont donc pas uniquement les équipements de type multiplexe qui sont soumis à l'autorisation préalable de ces commissions, c'est bien l'ensemble des projets de création de salles dépassant ce seuil, parmi lesquels figurent certes les projets de multiplexe, mais également ceux de taille plus modeste.
Le bilan des décisions rendues par les commissions départementales justifierait-il, par ailleurs, une exonération de ce dispositif ?
Les chiffres fournis par le Centre national de la cinématographie, le CNC, dont fait état M. Richert dans son rapport, au nom de la commission des affaires culturelles, sont éloquents : depuis juillet 1996, sur les 270 demandes d'autorisation examinées, 76 % ont fait l'objet d'une décision d'autorisation en première instance et 30 % de ces décisions ont fait l'objet d'un recours devant la Commission nationale d'équipement commercial. Au final, à l'issue de ces deux procédures, 73 % des demandes ont été satisfaites.
Madame la ministre, on ne peut donc pas dire que ce régime d'autorisation préalable constitue un frein aux projets de création ou d'extension de salles. Bien au contraire, nous pensons qu'il est un atout pour le cinéma français en ce qu'il participe à l'harmonisation de l'offre de salles par le biais d'une mise en perspective des projets, conformément à la réalité économique et culturelle des territoires envisagés.
C'est pourquoi, madame la ministre, comme vous le demanderont d'ailleurs MM. les rapporteurs des commissions des affaires culturelles, sociales et économiques, nous souhaitons le maintien de ce régime d'autorisation préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, sur l'article.
Mme Marie-Christine Blandin. Il y a un grand absent dans ce projet de loi sur l'égalité des chances, c'est le ministre de la culture.
Penser « égalité des chances » et vouloir lutter contre le « mal vivre », les injustices, voire les drames engendrés par les discriminations des quartiers et banlieues, sans se pencher sur le rôle de la culture, c'est avoir une vision mécaniste de la réparation ou de la prévention, quand ce n'est pas de la répression. C'est oublier ce qui fait lien, reconnaissance et tolérance dans la société : la culture.
Pour toute offre, nous trouvons au détour des zones franches la proposition de libéraliser davantage l'installation des multiplexes. Ces temples de la consommation cinématographique, qui tirent vers le bas la diversité et dont les entrées sont coûteuses pour des foyers modestes, sont-ils la seule proposition culturelle de votre gouvernement ?
Ne vous êtes-vous pas rendus compte qu'il y a des attentes et des talents dans les quartiers relégués, dont on ne sort qu'au prix d'un aller-retour en RER à 5 euros pour la zone 4 ou d'un Pass à 16,75 euros la journée ?
Être à chances égales face à la culture, à l'éducation populaire et à l'art, ce n'est pas se faire livrer à domicile des oeuvres choisies sur leur nombre d'entrées, moyennant le prix d'un billet que l'on ne pourra pas s'offrir plusieurs fois par mois ou que l'on ne pourra peut-être même pas s'offrir du tout ! C'est d'abord être reconnu, avec son identité, son histoire, sa richesse, et pouvoir bénéficier de lieux d'échange, de perfectionnement des savoirs ou des pratiques qui correspondent à des affinités. C'est aussi faire en sorte que la démocratisation culturelle trouve, grâce au local, au respect des dynamiques à l'oeuvre, les chemins de la rencontre entre les habitants et les créateurs, que ces derniers soient peintres ou chanteurs pour les uns, graffiteurs ou rapeurs, pour les autres.
Mais tout ce qui pourrait créer du lien est en souffrance : les budgets des associations sont amputés, les fonds d'aide à l'initiative locale sont réduits à la portion congrue, la mémoire est malmenée...
J'attire votre attention sur la mémoire, car elle revêt autant d'importance que le présent.
Certes, les « odeurs » de M. Chirac (Exclamations sur les travées de l'UMP.), le « Kärcher » de M. Sarkozy, encouragé par son parti, ont provoqué l'indignation ; mais ce sont les mots de M. Frêche, rappelé à l'ordre, lui, ... (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)
M. Roger Karoutchi. Mollement !
Mme Marie-Christine Blandin. ... par son parti, ou encore la tentative de la droite d'inscrire « les bienfaits de la colonisation » qui ont semé une énorme émotion. Vous n'apportez aucun lieu d'expression, de recherche, de parole, de culture contribuant à créer une histoire commune. Au contraire, vous abandonnez le terrain à ce qui sépare.
Il y a à faire, en matière d'égalité des chances, en travaillant la culture par la mémoire, en regardant ensemble les similitudes de parcours : Bretonnes corvéables à merci dans les riches familles, maçons de la Creuse reconstruisant Paris, mineurs polonais, portugais fuyant la misère et la dictature, Républicains espagnols (M. Robert Del Picchia s'exclame.) parqués à Perpignan, juifs français, allemands, italiens de l'après-guerre, Calédoniens amenés en cage pour l'exposition universelle, Marocains mis au charbon dans le Pas-de-Calais, Algériens de nos usines automobiles, sans-papiers du BTP ou des ateliers clandestins de textile : tous résidents des mêmes bidonvilles, tous en détresse affective et linguistique, tous victimes de xénophobie, quand ce n'est pas de racisme, du paroxysme de la barbarie organisée dans le cas des juifs, de dénonciations et de génocides.
M. Robert Del Picchia. Et les multiplexes dans tout cela ?
Mme Marie-Christine Blandin. Ce sont les enfants et les petits-enfants de ces parents-là qui forment notre creuset français : une communauté de destins que seule la culture peut faire vibrer à l'unisson. Or, dans votre loi, il n'y a rien, sinon la pitoyable proposition de multiplexes ! Rien non plus sur les talents d'aujourd'hui : pas assez de lieux pour les danses urbaines, pas assez de studios de répétition pour les musiques actuelles ou d'autres endroits pour les pratiques artistiques. Rien pour poursuivre l'action du défunt réseau Fanfare, qui apportait son soutien aux groupes et permettait leur autonomie. Rien pour relever le fonds de soutien à l'expression radiophonique. On laisse, une à une, les radios associatives se livrer à la publicité ou s'éteindre - je pense à Radio Aligre, qui avait lancé un appel.
Notre indignation sur le CPE ne doit pas masquer une autre aberration de ce texte : l'absence totale de réponse à l'égalité des chances, sauf peut-être la recommandation au CSA, un voeu pieux... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Christian Cointat. Qu'est-ce qu'il ne faut pas entendre !
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Tasca, sur l'article.
Mme Catherine Tasca. Madame la ministre, votre Gouvernement nous a habitués au grand écart entre les intentions affichées et la réalité des mesures que vous proposez.
À première vue, il n'est pas surprenant qu'un texte dont l'intitulé est « projet de loi pour l'égalité des chances » fasse un sort particulier aux zones franches urbaines et prévoie divers dispositifs destinés à renforcer l'implantation d'activités nouvelles dans ces zones où les populations cumulent de multiples difficultés. Les articles 6 à 15 apportent diverses innovations sur ce plan.
À première vue aussi, on pourrait croire que l'article 13 contribue à favoriser l'installation d'équipements cinématographiques dans des zones qui sont souvent de véritables déserts culturels. Mais, de fait, vous cédez une fois de plus aux sirènes du libéralisme sans frein. Jusqu'ici, vous avez joué avec la panoplie des mesures fiscales ; cette fois, vous abordez le registre en cassant les procédures.
En effet, l'article 13 dispense les projets d'équipements cinématographiques de type multiplexe - création et extension - situés en zones franches urbaines du régime d'autorisation préalable prévu jusqu'à maintenant. La loi du 27 décembre 1973, modifiée en 1996 et 1998, soumet à l'autorisation des commissions départementales d'équipement commercial les projets de création d'un ensemble de salles cinématographiques sous condition d'échelle - 1 000 places et plus.
Vous êtes-vous demandé pourquoi une telle procédure avait été mise en place ? D'abord, l'implantation des multiplexes, en ville ou à la périphérie, peut remettre en cause l'existence de salles de cinéma indépendantes préexistantes. L'implantation de mastodontes commerciaux risque en effet d'aboutir, chacun le sait, à un abus de position dominante sur la zone concernée. Surtout, la programmation de ces multiplexes - qu'il ne faut sans doute pas diaboliser, car ils représentent une offre nouvelle - favorise néanmoins, à l'évidence, les plus grosses productions cinématographiques et ne donnent en général qu'un très court temps d'exposition aux films à petit budget et sortant de la production normalisée. Ainsi, au ministère de la culture en 2000, mon souci avait-il été de renforcer le dispositif d'autorisation préalable pour ne pas laisser détruire le tissu existant.
La composition de ces commissions départementales - élus et professionnels - permet, je le souligne, d'inscrire la décision économique dans un débat local sur l'aménagement du territoire. C'est une préoccupation légitime de décentralisation qu'il ne faut absolument pas sacrifier. On sait qu'il n'y aura pas de réel développement économique si le projet n'est pas porté par les acteurs locaux. En vérité, éliminer cette étape de la procédure nous éloigne de l'objectif affiché d'égalité des chances pour ces territoires et leurs habitants.
Dans la nouvelle rédaction, j'ai bien noté que vous n'envisagiez de supprimer le passage en CDC que lorsque « la densité d'équipement en salles de spectacles cinématographiques de la zone d'attraction concernée est inférieure à la moyenne nationale d'équipement observée l'année civile précédente. » Mais, dans un tel domaine, madame la ministre, que signifie la « moyenne nationale » lorsqu'il s'agit de territoires dont la situation économique et sociale est exceptionnelle ?
Dois-je rappeler que la culture n'est pas une marchandise comme les autres ? En France, en matière de cinéma notamment, l'État et de très nombreuses collectivités locales mènent depuis longtemps non seulement une politique de soutien à la création, mais aussi une politique volontariste d'aide aux cinémas indépendants et à l'art et essai, en direction des producteurs et des exploitants indépendants qui ont miraculeusement résisté jusqu'à maintenant au rouleau compresseur des grosses machines. Madame la ministre, on ne peut pas, au détour d'un texte sur un tout autre sujet, laisser ainsi brader des pans entiers des politiques culturelles élaborées pendant plusieurs décennies.
L'effet bénéfique de telles politiques est d'assurer une certaine diversité de l'offre culturelle. Cet objectif, qui est essentiel, a d'ailleurs été conforté par l'adoption, à l'UNESCO, avec le soutien actif de la France, de la convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles.
De ce point de vue, privilégier de façon « indiscriminée » l'implantation de multiplexes dans les zones franches urbaines et sans concertation locale va à contresens de l'objectif recherché. C'est justement parce qu'il s'agit de zones défavorisées qu'il faut non seulement préserver, lorsqu'elle existe, la diversité des activités culturelles, mais aussi permettre sa création, notamment lorsque c'est le projet des politiques culturelles locales. En effet, les publics de ces quartiers sont les plus exposés, via la télévision notamment, à la culture de masse, dont on déplore l'uniformité et surtout l'incapacité à lutter contre les inégalités.
Le cinéma permet d'offrir une ouverture. Le multiplexe n'est pas forcément la meilleure ni la seule réponse. Un sérieux examen local est nécessaire. C'est pourquoi le maintien du passage en commission départementale d'équipement commercial est indispensable et ce n'est pas un délai réduit d'examen qui nous satisfera. En la matière, nous pensons qu'il faut s'en tenir à la procédure actuelle. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, les multiplexes sont la source de nombreux déséquilibres ; Mme Catherine Tasca vient de le démontrer, après nos autres collègues.
Cela fait longtemps que l'on se bat ici et que les élus locaux se battent pour parvenir à un équilibre. Je veux souligner que loi relative à l'action des collectivités locales en faveur de la lecture publique et des salles de spectacle cinématographique de 1992 a donné pour la première fois aux élus locaux la possibilité d'intervenir en ce qui concerne les salles de cinéma.
Personnellement, j'ai été très marqué par une expérience que j'ai vécue et qui a consisté, ayant compris que toutes les agglomérations le feraient à terme, à implanter un multiplexe dans le centre d'une ville de ce pays. Faute d'une telle implantation, dans cette ville comme dans d'autres d'ailleurs, on aurait assisté à la disparition progressive de la plupart des cinémas situés dans le centre au profit de ceux qui sont à la périphérie. Mais j'avoue qu'il a été très difficile de l'obtenir.
Je n'ai rien contre la périphérie ou les villes de banlieue, mais vous remarquerez que, selon les promoteurs - ils n'ont d'ailleurs pas manqué de me le dire ! -, le concept même de multiplexe suppose une implantation en périphérie. Ils ne vous proposent jamais le centre d'une ville de banlieue. Ils vous proposent toujours, au bord d'une route nationale, le lieu où il existe déjà un hypermarché, peut-être deux, ou un équipement équivalent et dont les parkings peuvent être utilisés par les personnes qui se rendent au multiplexe. C'est ainsi que l'on bâtit peu à peu une ville.
Un jour, j'ai demandé à un promoteur de multiplexes : « Mais enfin, monsieur, quelle idée vous faites-vous de la ville française, de la ville européenne ? » Il m'a répondu que là n'était pas véritablement la question.
Je lui ai alors rétorqué que la question était bien celle-ci : voulons-nous que le modèle de la ville pseudo-californienne se répande partout en Europe ? En ce cas, on videra peu à peu les villes, qu'il s'agisse des villes centres ou des villes de banlieue et des faubourgs, on videra toutes les formes d'urbanité de leur substance culturelle, économique et commerciale, au bénéfice de grands axes.
De part et d'autre de ces grands axes, on implantera les mêmes parallélépipèdes et les mêmes cubes, les mêmes pancartes, les mêmes bâtisses. Dans toute la France, du nord au sud, d'est en ouest, tout sera semblable !
Nous devons beaucoup réfléchir, mes chers collègues, à cette civilisation et au modèle urbain qu'elle induit. Il nous faut trouver un équilibre.
Cet équilibre est également nécessaire à la diversité et à la création cinématographiques. En effet, si la logique des multiplexes l'emporte, on le sait bien, ce sera au détriment de nombre d'autres salles de cinéma, des cinémas indépendants et des cinémas d'art et d'essai.
Or, nous sommes certains que cet équilibre ne va pas s'instaurer de lui-même. Si l'on veut aller dans ce sens, il convient de poser des règles du jeu, il faut avoir la volonté de maîtriser ce dispositif.
J'ai entendu, messieurs les rapporteurs, que vous aviez quelque peu changé votre fusil d'épaule.
M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. Oui, tout à fait !
M. Jean-Pierre Sueur. Je pense que vous avez tiré quelques conclusions du débat de ce matin. Je tiens à le souligner et je vous en remercie.
Ce matin, le débat semblait plutôt mal engagé.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela s'est bien terminé !
M. Jean-Pierre Sueur. Madame la ministre, je serai satisfait de la suppression de cet article 13, mais il est bien triste, comme l'ont dit mes collègues, que le seul article qui ait trait à la culture, au sein de ce projet de loi sur l'égalité des chances, soit précisément celui-là !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Voilà !
M. Jean-Pierre Sueur. Il va donc être supprimé. Il est bien clair que c'est un zéro pointé culturel, madame la ministre !
La seule mesure proposée était contraire à l'idée que nous avons de notre culture. Avouez que ce résultat n'est pas magnifique !
Je me pose une seule question : comment a-t-il pu advenir que le Gouvernement de la République prévoit un tel dispositif, qui était parfaitement aberrant ? Il était évident, en effet, que, si l'on proposait que les multiplexes puissent s'installer sans aucune restriction ni règle dans les zones franches, on créait par là même un très profond déséquilibre alors que les zones franches sont déjà nombreuses et que leur nombre va s'accroître. Or si l'équilibre est rompu, c'est au détriment du cinéma.
La seule interrogation qui subsiste, madame la ministre, est donc de savoir comment une idée aussi saugrenue a pu vous venir. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. Jean-Pierre Sueur. Je remarque, monsieur Karoutchi, que personne ne défend désormais cette idée, puisqu'on nous propose la suppression de l'article.
Après la crise des banlieues, alors que l'on se rend compte de toutes les difficultés des jeunes qui y vivent, il est tout de même étonnant que l'on n'ait pas trouvé de meilleure réponse que ce type de mesure. C'est pitoyable !
M. Charles Pasqua. Mais quelles sont vos propositions en contrepartie ? Nous les attendons !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ils les exposeront la prochaine fois !
M. Jean-Pierre Sueur. Maintenir la loi !
M. Charles Pasqua. Vous n'empêcherez pas l'évolution des choses !
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 13 se situe dans le droit- fil des étonnantes dispositions de ce projet de loi pour l'égalité des chances.
On peut même se demander de quelle égalité il s'agit précisément puisque, après l'article 12, manifestement inspiré, selon nous, par les grands groupes de la distribution comme Carrefour ou Auchan pour que la loi accompagne leur stratégie de développement, voilà un article 13 qui répond aux attentes des majors de la distribution cinématographique tels Pathé, Gaumont ou UGC, si désireux de voir leurs réseaux gagner davantage de parts de marché.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous avons rectifié nos amendements !
M. Guy Fischer. Je fais connaître l'appréciation que nous portons sur cet article !
Le présent article a également un sens pour une enseigne comme Kinépolis, par exemple, et l'on en vient, de fait, à se demander qui fait la loi dans ce pays. Est-ce au détour de rencontres amicales entre un ministre et le PDG d'un groupe de distribution commerciale alimentaire, ou d'un groupe de distribution cinématographique tout aussi alimentaire, que se définissent les termes du projet de loi ?
L'article 13 méconnaît, de surcroît, une bonne partie de la réalité. Si l'on suivait la logique de l'article, on pourrait penser que, dans les zones urbaines sensibles ou dans les zones de revitalisation rurale, nous serions en présence d'une forme de désert culturel où rien ne serait offert à la curiosité des populations, où rien ne permettrait leur rencontre avec la création artistique.
C'est ignorer notamment les efforts essentiels accomplis par les collectivités locales pour assurer la présence de salles de cinéma indépendantes ou d'art et d'essai dans leurs localités, en collaboration parfois avec des réseaux associatifs.
Cela se fait dans des situations aussi différentes que celle du Gers, département rural où existe un réseau de salles jusque dans les plus petites communes, et celle de la Seine-Saint-Denis, où la plupart des grandes villes ont constitué, au fil du temps, une offre alternative de dix-sept salles aux grands réseaux commerciaux.
Dans l'une des plus grandes ZUP de France, les Minguettes, une salle de cinéma municipale est implantée au coeur de la ville.
Pourquoi, d'ailleurs, les collectivités locales ont-elles été amenées à conduire ces politiques ? C'est simplement parce que les grands réseaux ont tout bonnement abandonné les zones urbaines sensibles dans les années 1970 et 1980...
M. Roger Karoutchi. Pourquoi ?
M. Guy Fischer. ...et que ce sont les salles de projection publiques qui ont permis aux habitants de ces villes de conserver des équipements de cette nature.
La stratégie des majors continue d'ailleurs à trouver son application dans les pires situations.
Comment, par exemple, ne pas relever que Gaumont, au motif que cela ne rapportait pas assez en termes de fréquentation, a décidé de fermer des salles aussi emblématiques que le Gaumont Palace, il y a déjà plus de vingt ans, et plus récemment le Kinopanorama ou le Gaumont Grand Écran Italie ?
M. Roger Karoutchi. C'est à Paris !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et alors ?
M. Guy Fischer. Comment ne pas relever, encore, que les deux principaux réseaux se partagent les zones de chalandise, ce qui conduit UGC à abandonner certains territoires au bénéfice de Gaumont et Gaumont à en délaisser d'autres au profit d'UGC ?
Comment ne pas souligner également que, dans certains arrondissements de la capitale que l'on pourrait penser préservés de la crise des implantations cinématographiques, le nombre d'écrans disponibles est de plus en plus réduit, ce qui fait d'arrondissements aussi « sensibles » que le septième arrondissement ou le seizième arrondissement des zones de quasi désert cinématographique. ? (M. Karoutchi s'esclaffe.)
C'est la réalité, monsieur Karoutchi, vous pouvez ricaner, mais c'est ainsi !
M. Guy Fischer. C'est sous le bénéfice de ces observations que nous ne pouvons que demander la suppression de l'article 13.
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, sur l'article.
M. Gérard Cornu. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, il est vrai que nous assistons à un assez curieux débat.
Un élément nouveau est intervenu : l'intervention de M. Pierre André a, en effet, changé quelque peu la donne !
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
M. Gérard Cornu. Il me semble que nous pouvons nous féliciter du débat que nous avons eu ce matin et qui a montré que le régime dérogatoire n'était finalement pas si simple.
M. le rapporteur pour avis nous a dit clairement que, en accord avec les autres commissions, l'amendement n° 84 était rectifié et qu'il tendait désormais à supprimer l'article 13.
Dès lors, nous assistons à un débat surréaliste : tout le monde, je l'espère, votera la suppression de cet article et tout le monde, pourtant, apporte ses critiques !
M. Alain Gournac, rapporteur. Les interventions ont été écrites avant !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. C'est de la lecture !
M. Gérard Cornu. Je voudrais m'adresser à mes collègues de l'opposition. Je vous trouve tout de même injustes : vous critiquez le Gouvernement pour avoir agi avec précipitation, mais la crise des banlieues a eu lieu, (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.) et il est du rôle du Gouvernement de préparer un texte de loi.
Mme Morin-Desailly critique également la précipitation du Gouvernement. Chacun, me semble-t-il, madame, remplit son rôle: le Gouvernement doit agir vite, et le Parlement doit rectifier les choses. Notre rôle est de surveiller, de contrôler et d'adopter les mesures telles qu'elles doivent l'être.
Nous sommes tous des élus locaux. Nous savons bien qu'il est très important que les élus locaux, et tout spécialement les maires, soient associés le plus étroitement possible à l'urbanisme commercial. C'est pourquoi, à l'article 12, MM. les rapporteurs ont souhaité « remettre en selle » la commission départementale et, en revanche, accélérer la procédure en faisant passer les délais de quatre à deux mois.
En ce qui concerne le cinéma et les multiplexes en revanche, chers collègues de l'opposition, il me semble que vous avez raison de vouloir mener votre demande de suppression jusqu'à son terme. La construction de multiplexes n'est pas, en effet, de même nature. Un grand débat doit se tenir avec les élus locaux. Ces réalisations doivent être préparées à longue échéance et non dans la précipitation.
Il était malsain, de ce fait, de réduire de deux mois le délai. Il est préférable de maintenir le dispositif d'étude actuel.
Je vous félicite, messieurs les rapporteurs, d'avoir perçu la nécessité de la suppression de l'article 13. Le groupe UMP votera donc en faveur de l'amendement n° 84 rectifié. (M. Longuet applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je serai très bref, madame la présidente.
J'estime que nos collègues de l'opposition ont fait du cinéma ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Sueur. Nos interventions étaient dans le sujet !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je le dis avec beaucoup de sincérité : il n'est pas admissible que vous lisiez les interventions prévues alors que, nous, nous avons passé l'heure du repas à travailler pour faire évoluer le texte en fonction du débat de ce matin !
Si nous avions été complètement bloqués, vous nous l'auriez fait remarquer.
Vos interventions ne correspondent plus du tout à la position des quatre commissions, puisque la commission des affaires culturelles est ici représentée.
Au moment où nous parlions des multiplexes, nous avons vu du cinéma ! (Nouvelles protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je voudrais d'abord rappeler que la question de la culture dans les quartiers sera abordée lorsque nous examinerons le titre II et que nous parlerons de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
Vous le savez tous, mesdames, messieurs les sénateurs, l'un des outils de financement de la culture dans les quartiers est, bien évidemment, le fonds d'investissement à la ville. Depuis longtemps, de nombreuses manifestations sont ainsi financées. Elles sont le fruit de l'ensemble des expériences que vous avez les uns et les autres mentionnées.
Madame Blandin, vous avez parlé tout à l'heure de l'histoire de l'immigration : permettez-moi de vous rappeler que notre pays va se doter d'une Cité nationale de l'histoire de l'immigration, qui mettra en avant la richesse de la diversité de notre pays.
Ce projet résulte de la volonté du Président de la République lui-même. Les crédits nécessaires ont été sanctuarisés, année après année. Voilà qui est à porter au crédit de notre majorité : nous aurons mis en place cet outil, qui sera opérationnel dans dix-huit mois.
Pour en revenir à l'article 13, vous le disiez il y a quelques minutes, monsieur André, et nous en avons beaucoup parlé ce matin, il est extrêmement important que le maire soit le pivot de l'activité de sa ville, mais également que nous ayons la capacité de faire exister la culture dans les quartiers et d'aider les habitants à en sortir.
Le théâtre municipal est, en effet, destiné à l'ensemble des habitants d'une ville. Il faut que chacun puisse avoir la démarche d'utiliser les équipements culturels.
Dans cet esprit, après avoir examiné l'ensemble des travaux des différentes commissions, que je salue, nous nous en remettrons à la sagesse de la Haute Assemblée sur l'amendement n° 84 rectifié.
Mme la présidente. Je suis saisie de sept amendements identiques.
L'amendement n° 84 rectifié, appelé en priorité, est présenté par M. Pierre André, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 48 rectifié est présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 12 est présenté par Mmes Morin-Desailly, Létard et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n° 68 rectifié est présenté par M. Richert, au nom de la commission des affaires culturelles.
L'amendement n° 266 rectifié est présenté par M. Lagauche, Mme Alquier, MM. Assouline, Bel, Bodin et Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. C. Gautier et Godefroy, Mmes Khiari et Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mme Tasca, MM. Yung, Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 488 est présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet.
L'amendement n° 765 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article
La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis, pour défendre l'amendement n° 84 rectifié.
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Comme je l'ai déjà indiqué tout à l'heure, cet amendement vise à supprimer l'article 13.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 48 rectifié.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement est identique, madame la présidente. Il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour présenter l'amendement n° 12.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je constate avec satisfaction que les commissions ont rectifié les amendements qu'elles avaient initialement déposés.
En effet, autant je pense qu'il importait de raccourcir de quatre mois à deux mois le délai accordé aux CDEC pour examiner les projets visant à l'implantation des multiplexes, autant je pense qu'il fallait parfois autoriser un dépassement lorsque les dossiers sont complexes. Il ne faut pas confondre, monsieur Cornu, vitesse et précipitation. Certes, il faut laisser le temps au temps, mais je n'étais pas favorable à une autorisation de fait.
Je voterai, bien sûr, l'amendement de suppression de la commission des affaires économiques.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur, pour défendre l'amendement n° 68 rectifié
M. Alain Gournac, rapporteur. Même si M. Richert ne peut être présent cet après-midi, je veux vous dire que nous l'avons contacté ce midi, lorsque nous nous sommes réunis pour travailler, et qu'il approuve notre position.
M. Gérard Cornu. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. Serge Lagauche, pour présenter l'amendement n° 266 rectifié.
M. Serge Lagauche. En commission, nous avons effectivement débattu longuement de cette question et M. Richert s'était rallié à la position du rapporteur au fond, tout en précisant qu'il était favorable à la suppression de l'article 13.
Quant à notre amendement n° 266 rectifié, il est défendu.
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour présenter l'amendement n° 488.
Mme Marie-Christine Blandin. Je vous soutiens, monsieur le rapporteur, dans la décision que vous venez de prendre. En effet, les élus locaux seront les mieux à même de mesurer la pertinence de ce type d'établissement.
Cependant, je tiens à vous alerter, mes chers collègues, sur une culture cinématographique de consommation : la plupart des salles sont parfois utilisées pour les films les plus commerciaux, ne laissant place ni aux documentaires ni aux films-débat.
En outre, j'évoquerai une question qui n'a pas encore été abordée, la formule sortie « voiture-fast-food-cinéma ».
Une récente étude nutritionnelle américaine révèle le rôle catastrophique que joue la vente de billets associés aux barres sucrées ou au pop-corn, ...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Le pop-corn, ça rapporte !
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Il faut déposer un amendement pour supprimer le pop-corn ! (Sourires.)
Mme Marie-Christine Blandin. ... promus par des publicités incitatrices, aux sodas, aux cocas, aux glucides sous toutes les formes. À cet égard, je citerai un chiffre que vous ne connaissez certainement et qui n'est pas anecdotique : en quatre ans, les recettes relatives aux confiseries vendues ans les établissements multiplexes sont passées de 34 millions d'euros à 70 millions d'euros ! Et après, on élabore des lois sur la santé !
Je vous appelle donc à la vigilance et vous félicite d'avoir accepté la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jack Ralite, pour présenter l'amendement n° 765.
M. Jack Ralite. Je veux intervenir, à mon tour, en faveur de la suppression de l'article 13.
Le rapporteur a indiqué qu'il avait travaillé pendant l'heure du déjeuner pour, finalement, proposer la suppression de cet article. Mais moi, je connais de nombreux parlementaires qui, dans leur ville, notamment en Seine-Saint-Denis, ont travaillé pendant quarante ans, ...
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Jack Ralite. ... pour obtenir un maillage équilibré de salles de cinéma.
Mme Hélène Luc. Oh oui !
M. Jack Ralite. Les établissements qui ont précédé les multiplexes, mais qui étaient dirigés par les mêmes groupes, ont quitté la Seine-Saint-Denis - je prends cet exemple - il y a quarante ans, faisant ainsi preuve d'un énorme mépris vis-à-vis des populations de ce département.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Jack Ralite. La majorité des communes de la Seine-Saint-Denis a alors décidé de créer des cinémas. Dix-sept cinémas publics fonctionnent encore et proposent des programmes remarquables par leur intelligence, leur passion, et la connaissance qu'ils offrent de toutes les cultures du monde. Ils sont fréquentés. Et, d'un seul coup, on aurait permis l'ouverture sans rivage des multiplexes qui, autrefois, nous ont quittés !
Le mépris qu'ils ont manifesté en partant à un moment où ils avaient, sous une autre forme, quelque utilité aurait été remplacé par le mépris de nous coloniser pour nous proposer une sorte d'entertainment où l'on nous donnerait à consommer, mais pas à partager !
Vous comprenez donc, mes chers collègues, que nous ne puissions pas être d'accord avec les mesures qui avaient été initialement prévues en faveur des multiplexes.
Je prendrai l'exemple du Studio d'Aubervilliers, qui fut créé le premier, avant 1970 : Renoir, Godard, Donskoï, Losey, les frères Prévert y venaient. Aujourd'hui, les cinémas de Saint-Denis, de Bondy, de Tremblay-les-Gonesse ou de Bobigny proposent des semaines thématiques ; ils accueillent des cinéastes du monde entier et aussi, bien évidemment, d'ici. C'est l'occasion de rencontres assez extraordinaires, auxquelles participent de nombreux jeunes.
Nous sommes très préoccupés par la situation de ces jeunes. On voudrait leur imposer un cinéma unique à travers les grandes surfaces, les images des grands groupes et finalement, par le biais d'une concurrence libre mais totalement faussée, on voudrait « enfoncer » les petites salles publiques. Ce n'est pas tolérable, et c'est pour cette raison que nous sommes favorables à ces amendements de suppression.
J'ajoute que les élus locaux sont complètement court-circuités. Moi, j'ai été membre, pendant huit ans, de la commission nationale d'attribution des crédits auprès du Centre national de la cinématographie. Je vous assure, mes chers collègues, que nous avions des débats très vifs, comme il y en a d'ailleurs ici, mais que nous étions respectueux les uns des autres, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Comme ici !
M. Jack Ralite. ... et que nous arrivions à prendre des décisions heureuses.
Au bout d'un moment, cette commission a été marginalisée, a cessé d'être opérationnelle dans le bon sens et, si la disposition contenue dans l'article 13 avait été adoptée, la commission aurait été complètement niée, ce qui aurait été grave. J'emploie un temps passé parce que je vois que l'ensemble des sénateurs vont se prononcer contre.
Donc, bien sûr, vous avez travaillé pendant l'heure du déjeuner, monsieur le rapporteur, mais, pendant les quarante années que j'ai rappelées, nous avons, nous aussi, travaillé !
Mme Hélène Luc et M. Alain Gournac, rapporteur. Mais oui !
M. Jack Ralite. Et vous me permettrez d'avoir la fierté de ne pas avoir peu contribué à la décision prise par la commission que vous représentez ! Cet après-midi, je me dis que nous pouvons être fiers ! Il y a des actions courageuses que nous avons su assumer !
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. Jack Ralite. Nous avons de l'affection pour ces populations !
Vous le savez, je l'ai répété plusieurs fois, quand un « gars » est au travail et que son travail l'exténue, massacre en quelque sorte ses capacités d'étonnement et qu'il devient une sorte de « boxeur manchot », il n'est pas partenaire du cinéma ! Nous, nous voulons qu'il soit partenaire non pas du cinéma, mais de tous les cinémas, et de tous les pays du monde !
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Jack Ralite. Au passage, si cet article était adopté, quel coup prendrait la diversité culturelle ! C'est bien la preuve que, pour défendre l'exception culturelle, une notion d'ailleurs française, et précieuse, il faut ôter au monde marchand tout un pan de la diffusion culturelle.
Pour toutes ces raisons, nous sommes contre cet article. La majorité vient, à son tour, de déclarer qu'elle y était défavorable. Tant mieux ! Vive le cinéma qui fait réfléchir tout en divertissant, et va à la rencontre de toutes les populations, sans ségrégation ! La guillotine était prête, elle vient d'être retirée, tant mieux ! Mais nous savons que nous devons continuer notre combat ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste. - M. Charles Pasqua applaudit également.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est un peu excessif !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est, bien évidemment, favorable à ces amendements identiques.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Je voudrais répondre très simplement à Alain Gournac.
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous faites de nouveau de l'obstruction !
M. Charles Pasqua. Quel dommage, après l'apothéose de M. Ralite !
M. Bernard Frimat. Monsieur le rapporteur, vous avez dit à certains de mes amis qui sont intervenus dans le débat qu'ils faisaient du cinéma ! Je ne puis l'accepter.
Je vous fais calmement remarquer que, tant que nous n'avons pas voté, même si le Gouvernement est en train d'expérimenter le dur chemin de la solitude en se réfugiant dans la sagesse, l'article reste en discussion. Et c'est sur ce texte que se sont exprimés mes amis, comme ils l'ont fait en commission en déposant des amendements. Leurs interventions sont également un salut à l'indépendance des rapporteurs.
Certes, vous avez rejoint notre position, et nous nous en réjouissons, mais ce n'est pas parce que les quatre rapporteurs prennent une position commune que nous avons la certitude qu'ils ont l'accord du Gouvernement ; d'ailleurs, ce n'est en l'occurrence pas le cas ici, puisque le Gouvernement s'en est remis à la sagesse du Sénat.
M. Alain Gournac, rapporteur. N'en demandez pas trop !
Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote.
Mme Marie-Christine Blandin. Éliminer cette disposition maladroite est une bonne chose. Tout à l'heure, M. Pasqua nous a demandé ce que nous proposions. Eh bien, je l'invite à lire les amendements et les sous-amendements que j'avais déposés sur cet article, et qui vont d'ailleurs devenir sans objet.
M. Charles Pasqua. Écoutez M. Ralite ! Il parle avec le coeur !
Mme Marie-Christine Blandin. Le groupe Pathé a réalisé un chiffre d'affaires de 763 millions d'euros ; dans les multiplexes, il pourrait quand même créer une petite salle dédiée à l'éducation à l'image ou ouvrir des studios de répétition.
Vous, mes chers collègues, qui voulez que les jeunes créent leur emploi, savez-vous que ceux qui appartiennent à un groupe de musique ne rêvent que d'une chose : se produire sur scène, enregistrer un disque et fonder leur propre autonomie financière ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) Voilà quelles étaient nos propositions !
Je reviendrai très brièvement sur la question des multiplexes qui existeront quand même, là ou ailleurs. Je tiens à attirer votre attention, mes chers collègues, sur un point qui me tient particulièrement à coeur, l'éducation à l'image.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas une explication de vote !
Mme Marie-Christine Blandin. Dans notre société, l'écrit s'efface ; il devient l'apanage d'une classe d'âge, d'une classe sociale ou d'étudiants assidus ; les autres utilisent les interjections, les SMS, les formules branchées, ils n'ont à leur disposition que bien peu de mots pour exprimer ce qu'ils ressentent ou ce dont ils ont envie.
Êtes-vous allés devant les distributeurs de cassettes ou de DVD de location ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !
Mme Marie-Christine Blandin. Avez-vous regardé les titres et les images des films proposés ? Savez-vous comment sont reçues les scènes de viols, de violences, de sexe et de barbarie, ou les deux conjuguées ?
M. Alain Gournac, rapporteur. On est loin de l'explication de vote, madame !
Mme Marie-Christine Blandin. Comment les jeunes peuvent-ils avoir une bonne distanciation avec la fiction ? Comment garantissez-vous que ce qu'ils voient dans ces films ne leur serve pas de modèle pour commettre, demain, des horreurs ?
La démocratie ne s'accommode pas de la censure, et nous nous en félicitons, mais il faut que la fiction, ou même les images d'actualité, soient décodables par tous et que n'entrent pas dans la normalité les scenarii de l'horreur. En voyant la bande-annonce du film Hostel - victimes attachées, bâillonnées, ficelées, outils pour torturer, sang -, je n'ai pu m'empêcher de penser à la similitude avec des barbaries commises récemment.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quel rapport avec l'article ?
Mme Marie-Christine Blandin. La liberté de création est un acquis, mais il manque l'égalité de compréhension et de distanciation.
J'approuve donc, bien sûr, les amendements de suppression, ...
M. Robert Del Picchia. Alors, on vote ?
Mme Marie-Christine Blandin. ... mais je tenais à vous faire part, mes chers collègues, de cette impérieuse nécessité de mettre en place des programmes de lecture de l'image. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Je vais mettre aux voix les amendements identiques.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
M. Guy Fischer. Je la retire, madame la présidente. (Très bien ! sur les mêmes travées.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 84 rectifié, 48 rectifié, 12, 68 rectifié, 266 rectifié, 488 et 765.
(Les amendements sont adoptés.)
Mme la présidente. En conséquence, l'article 13 est supprimé,... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.) ... et les amendements nos 489, 267, 490 rectifié et 491 n'ont plus d'objet. J'en rappelle néanmoins les termes.
L'amendement n° 489, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, était ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour le I bis de l'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973.
« Dans les zones franches, l'État finance un programme spécifique aux musiques actuelles et aux pratiques de danses urbaines, dans le respect des dynamiques locales ».
L'amendement n° 267, présenté par Mmes Tasca et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mme Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, était ainsi libellé :
Après les mots :
et le développement du territoire
rédiger ainsi la fin du texte proposé par cet article pour le I bis de l'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 :
sont soumis à une autorisation de la commission départementale d'équipement cinématographique qui se prononce dans un délai d'un mois. »
L'amendement n° 490 rectifié, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, était ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour le I bis de l'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973, par trois alinéas ainsi rédigés :
« L'installation en zone franche d'un multiplexe est conditionnée à la mise à disposition par ses soins
«- d'une salle de danses urbaines ou d'un studio de répétitions
« - d'un lieu pour l'éducation à l'image.
L'amendement n° 491, présenté par Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Desessard et Mme Voynet, était ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour le I bis de l'article 36-1 de la loi n° 73-1193 du 27 décembre 1973 par un alinéa ainsi rédigé :
« Lorsqu'il a été décidé d'implanter un multiplexe dans une zone franche, l'État met en place, en collaboration avec les régions, un programme renforcé d'éducation à l'image ».
Article 14
L'article L. 720-5 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le V, il est inséré un V bis ainsi rédigé :
« V bis. - Par exception aux I, II, IV et V du présent article, les projets et opérations qui y sont visés, dont la surface de vente est inférieure à 1 500 mètres carrés et qui sont situés dans le périmètre des zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ne sont pas soumis à une autorisation d'exploitation commerciale. » ;
2° Dans le VII, la référence : « II » est remplacée par la référence : « I ». Le VII est complété par les mots : «, ni à l'intérieur du périmètre des zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 précitée ».
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Avec l'article 14, nous poursuivons dans la même lignée. Néanmoins, il va encore plus loin que l'article 12, puisqu'il vise à dispenser d'autorisation les projets d'équipement commercial d'une surface de vente inférieure à 1 500 mètres carrés et les constructions, extensions ou transformations d'immeubles à vocation hôtelière. Voulant favoriser le développement commercial des zones franches urbaines, il y favorisera in fine le développement d'un parc hôtelier.
Cet article, si je me réfère à l'exposé des motifs, vise à encourager et à accélérer l'implantation de nouveaux équipements de petite taille, pourvoyeurs d'activités et d'emplois. Si l'on en croit les termes du projet de loi, il répondrait à un souci de simplification, sans que soit déstabilisé outre mesure l'équilibre commercial.
Nous nous interrogeons. Autant vous dire que notre analyse diverge de la vôtre. C'est pour cette raison que nous demandons la suppression de cet article 14.
En vérité, tout laisse à penser qu'il permettra le développement sur une large échelle d'un immobilier commercial adapté aux seuls desiderata des plus grands groupes de la distribution et d'un parc hôtelier permettant aux chaînes spécialisées de disposer des moyens de leur croissance.
Cet article 14, pour être bref, est spécialement conçu pour les centres Leclerc, Champion, ou pour les hôtels Kyriad, autant de groupes dont la logique financière est parfois assez éloignée des objectifs de développement durable des quartiers, et qui se trouve renforcée par les dispositifs dont nous débattons depuis l'examen de l'article 6.
L'article 7 du projet de loi, qui porte sur l'exonération d'impôt sur les sociétés, conforte cette approche.
On le sait, les hôtels de chaînes, comme une part importante des supermarchés, constituent bien souvent des sociétés indépendantes juridiquement les unes des autres, leur seul point commun étant la location du nom commercial au groupe qui est propriétaire de la centrale d'achats ou qui anime la centrale de réservation. C'est, le plus souvent, par la facturation des services d'appartenance au groupe régi par l'enseigne que ces entreprises rémunèrent la société de tête.
Au demeurant, si l'indépendance juridique n'est pas totalement établie, restent les possibilités offertes par les dispositions générales d'allégement des cotisations sociales, le recours au travail intérimaire ou au contrat nouvelles embauches, le travail à temps partiel imposé, la floraison des contrats de mission et des contrats à durée déterminée et, peut-être, le recours au contrat première embauche.
Pour ces raisons, et pour bien d'autres que je n'ai pas exposées, nous ne pouvons voter cet article 14.
Mme la présidente. La parole est à M. Roger Madec, sur l'article.
M. Roger Madec. Madame la ministre, avec l'article 12, vous prétendiez faciliter les installations commerciales dans les zones franches urbaines en raccourcissant les délais de la procédure administrative. J'ai eu l'occasion de souligner ce matin les effets néfastes et dérisoires de ces propositions.
Mais, avec l'article 14, vous allez plus loin encore dans la dérégulation des activités commerciales. C'est à une véritable mise en pièces des règles d'urbanisme commercial que vous vous livrez. En supprimant tout système d'autorisation pour les équipements commerciaux de moins de 1 500 mètres carrés dans les ZFU, vous vouez ces quartiers à un développement commercial anarchique et chaotique.
Permettez-moi de rappeler toute l'importance des règles régissant l'installation des surfaces commerciales. Dans la procédure actuelle, les commissions départementales d'équipement commercial doivent apprécier l'impact d'une nouvelle grande surface au regard de « l'effet potentiel du projet sur l'appareil commercial et artisanal de cette zone, ainsi que sur l'équilibre souhaitable entre les différentes formes de commerce ».
Autrement dit, si vous supprimez ce garde-fou, un magasin de plus de 1 000 mètres carrés pourra librement s'installer dans une ZFU. Tant pis pour les quelques commerces de proximité qui subsistent encore péniblement et qui subiront de plein fouet cette nouvelle concurrence, très déloyale.
Vous confondez dynamisation économique et concurrence déloyale. La fin de la procédure d'autorisation pour les surfaces commerciales de taille moyenne accentuera les difficultés des plus petits commerces. Je ne pense pas que ce soit l'objectif recherché. Ces petits magasins sont les vecteurs du lien social dans les quartiers. Une boulangerie, une librairie ou une petite supérette créent dans un quartier en grande difficulté bien plus de lien et de proximité qu'un magasin de 1 500 mètres carrés.
Pourtant, ces petits commerçants « héroïques » - il en existe encore quelques-uns -, qui travaillent durement, longuement, et qui gagnent péniblement leur vie, sont complètement oubliés par votre projet de loi. Vous les livrez à la loi de la jungle, à la concurrence entretenue par les enseignes de moyenne distribution qui cassent les prix.
Désormais, les magasins de hard discount, dont la surface est souvent inférieure à 1 500 mètres carrés, pourront s'installer librement là où ils le veulent. Les conséquences sur le tissu commercial et artisanal local de leur implantation ne seront plus étudiées. Là encore, ce seront les commerces déjà existant qui en souffriront le plus où qui disparaîtront.
Par ailleurs, l'autre intérêt de la procédure d'autorisation est de mesurer « l'impact éventuel du projet en termes d'emplois salariés et non salariés. » C'est bien là l'un des objectifs de la revitalisation urbaine : offrir des emplois aux habitants de ces quartiers défavorisés. Supprimer cette évaluation sur l'emploi ouvre la porte aux effets d'aubaine. Des équipements commerciaux pourront tout simplement s'installer dans une ZFU sans création nette d'emplois.
L'article 14 trahit votre conception éminemment libérale de la politique de la ville. Vous pensez que les quartiers populaires ont besoin de déréglementation. Pour notre part, nous pensons le contraire, nous estimons qu'il faut leur apporter une offre en matière d'emplois et non entretenir la loi de la jungle.
Pour toutes ces raisons, exposées tout aussi bien par le président Fischer, nous défendrons un amendement de suppression de l'article 14. (M. Guy Fischer applaudit.)
Mme la présidente. Je suis saisi de six amendements identiques.
L'amendement n° 49 est présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 85 est présenté par M. Pierre André, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 330 est présenté par MM. Ries et Yung, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, M. Repentin, Mmes San Vicente, Schillinger, Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 407 rectifié est présenté par MM. Darniche, Masson et Retailleau et Mme Desmarescaux.
L'amendement n° 534 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF.
L'amendement n° 766 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces six amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 49.
M. Alain Gournac, rapporteur. Madame la présidente, je laisse à M. le rapporteur pour avis le soin de défendre l'amendement de suppression de cet article, qu'il présente au nom de la commission des affaires économiques, et dont l'objet est identique à celui-ci.
Mme la présidente. La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 85.
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Comme nous l'avons annoncé ce matin lors de la discussion sur l'article 12, et pour les motifs déjà invoqués, nous proposons la suppression de l'article 14.
Mme la présidente. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour présenter l'amendement n° 330.
Mme Jacqueline Alquier. La procédure d'autorisation d'exploitation commerciale permet de mesurer l'impact que pourraient avoir certains projets d'implantation commerciale sur l'équilibre économique des zones considérées.
En proposant de supprimer cette procédure pour des implantations pouvant aller jusqu'à 1 500 mètres carrés, le Gouvernement prend le risque de fragiliser certains petits établissements déjà présents dans les zones considérées, au profit de surfaces moyennes moins directement « liées » à celles-ci.
Il est donc proposé de supprimer cet article, comme l'ont recommandé notamment les représentants du secteur artisanal, auquel se rattachent les petits commerces de proximité, dont la situation est toujours très difficile.
Avec d'autre collègues, notamment le rapporteur de la commission des affaires économiques, nous pensons que les procédures visant à autoriser l'implantation des surfaces commerciales ont pour objet premier de mesurer l'impact de nouvelles surfaces sur le tissu commercial existant.
Il ne faudrait pas que la liberté complète d'implantation dans les zones franches aboutisse in fine à fragiliser davantage les petits commerces déjà installés au profit des moyennes surfaces, qui cherchent uniquement à bénéficier de cet effet d'aubaine pour gagner des mètres carrés de vente sans vrai rapport avec les quartiers d'implantation. Ces derniers souffrent surtout du manque d'emplois, premier frein à la consommation des ménages.
Mme la présidente. L'amendement n° 407 rectifié n'est pas défendu.
La parole est à M. Philippe Nogrix, pour présenter l'amendement n° 534.
M. Philippe Nogrix. Notre amendement a été défendu par M. le rapporteur et par M. le rapporteur pour avis, certainement mieux que nous ne l'aurions fait ! (Sourires.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour présenter l'amendement n° 766.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je constate que la commission et sans doute aussi le Gouvernement ont pris conscience que les réponses qu'ils proposaient en l'espèce pour les quartiers sensibles allaient trop loin. Il est dommage qu'ils ne s'en soient pas aperçus auparavant.
À dire vrai, la situation des quartiers sensibles, quelle que soit la question posée - celle de l'emploi, celle de l'activité économique, celle de l'école, celle de la santé, celle de la formation, celle de la culture -, agit comme une loupe portée sur les dysfonctionnements et les travers d'une société largement gangrenée par la seule logique de la rentabilité financière.
L'article 14 vise à donner satisfaction aux différents groupes de supermarchés, peu nombreux et très concentrés entre les mains de quelques-uns, qui, eux, se délectent de la création de zones sensibles.
Un communiqué de presse du groupe Leclerc, rendu public le 1er février dernier, est d'ailleurs très instructif à cet égard. Je le cite : « Pour 2006, E. Leclerc prévoit une croissance quasi identique - 4 %. Le contexte législatif va permettre à l'enseigne d'accroître son différentiel de prix. Le chiffre d'affaires du groupe bénéficiera aussi d'un ambitieux programme d'ouvertures de surfaces spécialisées et d'agrandissements des magasins. Les centres E. Leclerc sont convaincus que la loi Jacob-Dutreil va permettre un redécoupage du paysage de la distribution en France, en favorisant les enseignes dont les coûts structurels sont les plus bas. » Pour faire plus de bénéfices !
Le communiqué poursuit : « La réforme Jacob-Dutreil va redonner une plus grande liberté de prix aux enseignes. Profitant de cet avantage, les Centres E. Leclerc considèrent qu'ils disposeront d'une marge de manoeuvre plus importante que les sociétés cotées, soumises à la pression des marchés financiers. » Si l'on peut dire !
Le communiqué continue ainsi : « Outre l'effet positif de la baisse des prix, le groupe bénéficiera du transfert et de l'agrandissement d'une vingtaine de magasins et de l'ouverture d'une trentaine d'espaces spécialisés. »
Dans le domaine de la culture, comme cela a été dit précédemment, ils se font forts d'être partie prenante à la création tous azimuts de multiplexes.
L'avantage de ce type de communiqué de presse, c'est qu'il établit rapidement et clairement ce à quoi tendrait le présent article 14, s'il devait être adopté. Effectivement, à l'instar de la loi du 2 août 2005 en faveur des petites et moyennes entreprises - la loi Jacob-Dutreil -, il participe pleinement de l'activité et de la stratégie des grands groupes qui ont aussi, si l'on peut dire, « industrialisé » les modes de gestion du personnel vers le moindre coût.
Ce sont des centaines de millions d'euros que l'on s'apprête ainsi à verser à ces groupes, sans que la pérennité réelle des établissements soit garantie. En effet, il y a belle lurette qu'ils ont pris l'habitude de transférer leurs magasins au gré des opportunités législatives et, notamment, des incitations fiscales - c'est peut-être ce précédent qui a conduit la commission à réviser son jugement.
Il existe moult endroits à Paris - à cet égard, le treizième arrondissement a été précurseur - où des enseignes, à peine avoir été ouvertes en nombre, ont fermé presque immédiatement pour s'installer sans doute dans une zone sensible et y réaliser de meilleurs bénéfices.
Il est sage de supprimer cet article. Néanmoins, nous ne sommes pas au bout de nos peines si l'on considère votre conception de l'investissement dans les zones sensibles ; on voit bien, en effet, les raisons pour lesquelles vous avez proposé cet article.
Selon cette conception, l'investissement dans les zones sensibles doit permettre aux groupes de faire plus d'argent à un moment donné et aux entreprises de profiter des effets d'aubaine, puis de partir ensuite. Ce n'est franchement pas la nôtre.
Alors, tant mieux si cet article est supprimé, mais il s'inscrit dans une telle conception d'ensemble que l'on ne peut pas considérer cette suppression comme une victoire ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Tout à l'heure, lors de l'examen de l'article 12, nous avons évoqué la double volonté du Gouvernement : d'un côté, simplifier et, de l'autre, accélérer. Avec l'amendement que vous avez adopté, nous avons pris ensemble la décision d'accélérer.
S'agissant de l'article 14, nous sommes dans un contexte différent, plus restreint, puisqu'il s'agit d'équipements de moins de 1 500 mètres carrés.
Le Gouvernement aurait souhaité pouvoir envisager, avec la représentation nationale, les moyens d'améliorer cette notion de centres commerciaux. En effet, nombre d'entre eux, dans les quartiers, sont composés de petites cellules individuelles, dont la surface est très souvent de 300 mètres carrés. Or chacun d'entre vous sait bien que, aujourd'hui, les cellules de moins de 300 mètres carrés ne sont pas soumises à la CDEC.
Il était donc possible de préciser cette définition. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Certains des propos que nous venons d'entendre prêtent à sourire.
Je rappelle, en effet, aux orateurs qui sont intervenus sur l'urbanisme commercial qu'il existe deux grandes lois sur le sujet. La première, c'est la loi Royer. On connaît la tendance politique de Jean Royer ! La seconde, c'est la loi Raffarin. Jean-Pierre Raffarin, ancien Premier ministre, on sait de quel bord il est !
Je ne peux donc pas laisser dire qu'il y aurait, d'un côté, les défenseurs des petits commerçants et, de l'autre, les méchants défenseurs de la grande distribution ! Ceux qui ont fait les lois pour défendre les petits commerçants, ce sont l'UMP et l'UDF, Jean Royer et Jean-Pierre Raffarin ! Il était bon de le rappeler. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Cela étant dit, je me félicite que les rapporteurs aient vu juste en allant jusqu'au bout de la logique et en proposant un amendement de suppression de l'article 14.
À titre personnel, j'avais présenté deux amendements de repli, ...
M. Gérard Cornu. ... que je ne pourrai pas défendre puisque je voterai, comme le groupe UMP, les amendements de suppression de l'article.
Je pense qu'il faut faire un geste en direction des secteurs difficiles. Mais, pour en revenir à la discussion que nous avons eue ce matin sur l'article 12, je crois qu'il ne faut pas prévoir trop de dérogations à l'échelon législatif.
Madame la ministre, j'en profite pour vous dire que, malgré la suppression de l'article 14, on peut améliorer la situation au niveau règlementaire
Je voudrais insister sur un sujet que je connais bien, la lourdeur et le coût des dossiers en matière d'urbanisme commercial, problème qui relève vraiment du domaine règlementaire.
Si nous supprimons l'article 14 afin d'éviter un nombre excessif de dérogations, il serait bon que le Gouvernement étudie des mesures règlementaires pour permettre l'implantation de commerces qui fassent vivre les banlieues. Il sera impératif d'associer à ce travail les élus locaux, notamment les maires, les chambres consulaires, ainsi que les acteurs de proximité et de terrain.
C'est ainsi que nous parviendrons à donner un signal fort en direction de ces secteurs fragiles. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 49, 85, 330, 534 et 766.
(Les amendements sont adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 14 est supprimé (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC) ...
M. David Assouline. Et 2-0 ! Ça commence mal !
M. le président. ...et les amendements nos 9, 767, 417 rectifié bis, 275 et 768 rectifié bis n'ont plus d'objet. J'en donne néanmoins lecture.
L'amendement n° 9, présenté par M. Cornu, était ainsi libellé :
Supprimer les deuxième et troisième alinéas de cet article.
L4amendement n° 767, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par le 1° de cet article pour le V bis de l'article L. 720-5 du code de commerce.
L'amendement n° 417 rectifié bis, présenté par M. Houel, Mme Mélot et M. Leclerc, était ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
L'article L. 720-5 du code de commerce est ainsi modifié :
1° Après le V, il est inséré un V bis ainsi rédigé :
« V bis. - Par exception aux I, II, IV et V du présent article, pour les projets et opérations qui y sont visés, dont la surface de vente est inférieure à 1 500 mètres carrés et qui sont situés dans le périmètre des zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire, l'avis favorable de la commission est réputé acquis dès lors qu'il n'y a pas une opposition supérieure aux deux tiers des votants.» ;
2° Dans le VII, la référence : « II » est remplacée par la référence : « I ».
L'amendement n° 275, présenté par M. Cornu, était ainsi libellé :
Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour insérer un V bis à l'article L. 720-5 du code de commerce, remplacer le nombre :
1 500
par le nombre :
1 000
L'amendement n° 768 rectifié bis, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, était ainsi libellé :
Supprimer le 2° de cet article
Article 15
L'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés est complété par deux alinéas ainsi rédigés :
« Les établissement créés après le 1er janvier 2006 dans le périmètre des zones franches urbaines définies au B du 3 de l'article 42 de la loi n° 95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire et figurant sur la liste arrêtée par le décret prévu à l'article 6 de la loi n° du pour l'égalité des chances sont exonérés de la taxe prévue par le présent article pour une durée de cinq ans à compter du premier jour de leur exploitation.
« Les établissements situés dans le périmètre des zones franches urbaines mentionnées ci-dessus procédant à des extensions après le 1er janvier 2006 bénéficient de la même exonération pour les surfaces de ventes correspondant à ces extensions. »
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. J'avais préparé mon intervention avant la suppression des deux articles précédents. Permettez-moi cependant de la faire.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Pour le plaisir !
M. Guy Fischer. Laissez-moi ce plaisir !
M. Christian Cointat. Si c'est pour le plaisir, d'accord !
M. Guy Fischer. Comme rien n'est trop beau pour faciliter les implantations commerciales dans les zones franches urbaines et que l'on compte bien faire de ces implantations les « locomotives » du développement des quartiers, l'article 15, que nous vous proposons de supprimer, tend à mettre en oeuvre une exonération d'une durée de cinq ans du paiement de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA, qui concerne les établissements de plus de 400 mètres carrés réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 460 000 euros annuels.
Ce qui avait essentiellement motivé la création de la TACA, en 1973, c'était le souci de prendre en compte l'inquiétude croissante des commerçants de proximité, exploitants individuels, devant la montée en puissance des enseignes de la grande distribution.
Dans un premier temps, la TACA a alimenté le fonds d'aide aux structures artisanales et commerciales, le FISAC, organisme prenant en charge notamment le financement de la cession d'activité des commerçants et artisans.
Et comme chacun le sait, la TACA a cumulé, au fil des ans, des excédents de trésorerie dus, dans les faits, à deux phénomènes.
Le premier est la raréfaction du nombre des situations personnelles à prendre en charge.
Le second est la progression continue du chiffre d'affaires des établissements assujettis, l'assiette de la taxe étant constituée par une part représentative de celui-ci, décroissant à partir de 0,5 % pour les surfaces les moins « productives » en chiffre d'affaires.
Le produit de la taxe demeure aujourd'hui important, atteignant les 600 millions d'euros. Or les dépenses prises en charge par le FISAC ne représentent plus actuellement que 80 millions d'euros, c'est-à-dire moins de 15 % des recettes générées par la taxe.
Le solde est donc versé au bénéfice du budget général, qui en a bien besoin, alors qu'il pourrait sans doute être utilisé à d'autres fins.
Faut-il le souligner, l'article 15 n'est pas gagé, si l'on peut dire, l'exonération de TACA n'étant aucunement évaluée, ni dans l'exposé des motifs ni dans les rapports publiés sur le projet de loi. Mais il est fort probable que la simple extension de l'assiette de la taxe suffira à compenser cette exonération ponctuelle.
En tout état de cause, elle participe néanmoins de cette série de dispositions favorables aux grands groupes de la distribution que déclinait - j'emploie ici le passé - le projet de loi, et qui manifestent un changement évident de priorité de l'action du Gouvernement en matière de développement commercial.
Est-ce pour gager les opérations publicitaires sur les prix qui sont menées depuis 2003 ? Nous refusons une mesure de compensation qui ne ferait qu'attester une fois encore la trop grande sensibilité des politiques publiques aux arguments des grands groupes financiers et commerciaux.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 50 est présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales.
L'amendement n° 87 est présenté par M. P. André, au nom de la commission des affaires économiques.
L'amendement n° 315 est présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° 454 est présenté par M. Marc, Mme Bricq et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 769 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis, pour présenter les amendements n°s 50, 87 et 315.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Je remercie M. Fischer d'avoir bien voulu rappeler ce qu'était la TACA, dont l'article 15 tend à exonérer un certain nombre de commerces. Vous aurez compris, madame la ministre, que, sur l'ensemble de nos travées, cette disposition n'est pas jugée opportune, et ce pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, les commerces situés en zone urbaines sensibles bénéficient déjà, en application du quatrième alinéa de l'article 3 de la loi du 13 juillet 1972 précitée, d'une franchise de 1 500 euros sur le montant de la taxe dont ils sont redevables. Les ZFU étant des sous-ensembles des ZUS, elles profitent donc de cet allégement.
Ensuite, si la modération des coûts planchers et intermédiaires votés dans le collectif budgétaire 2005, et dont le coût annuel était évalué à 60 millions d'euros, a profité au petit et moyen commerce, l'exonération proposée par l'article 15 du projet n'est pas modulée en fonction de la taille et du chiffre d'affaires, et bénéficierait donc essentiellement aux grandes surfaces. Je ne pense pas que ces commerces soient la cible prioritaire que nous souhaitons retenir pour les exonérations fiscales dans les ZFU.
Enfin, cette exonération aurait pour effet de créer dans une même zone franche une distorsion de concurrence, qui nous semble injustifiée, entre les commerces existants, d'une part, et les créations ou extensions de commerces, d'autre part.
Quant à la distinction qui serait ainsi faite entre les ZFU de première et de deuxième générations, qui n'en bénéficiaient pas, et celles de troisième génération, elle nous semble également infondée du point de vue économique.
Pour toutes ces raisons, nous vous proposons la suppression de l'article, ce que chacun, je pense, ne pourra qu'approuver.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Tasca, pour présenter l'amendement n° 454.
Mme Catherine Tasca. L'article 15 prévoit une exonération totale de la taxe sur le commerce et l'artisanat pour les commerces situés en ZFU.
L'opportunité de cette exonération est fortement contestable, tout d'abord sur le plan de la méthode. En effet, cet article, comme les précédents, instaure une nouvelle dépense fiscale, discutée hors du champ des lois de finances, ce qui ne contribue pas à un pilotage budgétaire rigoureux.
Pour ce qui est du fond, les effets attendus d'une telle exonération sont pour le moins sujets à caution. Les établissements situés à l'intérieur des zones urbaines sensibles, dans lesquelles sont incluses les ZFU, comme vient de le rappeler M. le rapporteur pour avis, bénéficient déjà d'une franchise de 1 500 euros sur le montant de la TACA dont ils sont redevables.
Cette exonération totale apparaît donc excessive. De surcroît, elle concerne sans distinction tous les types de commerces. Est-il logique de proposer des incitations identiques pour le petit commerce et pour les hypermarchés ?
Dans l'esprit des dispositions proposées dans la loi de finances par le rapporteur général du budget, mais non adoptées, lors des débats visant à aménager le régime de la TACA, il aurait pu être opportun de moduler le dispositif en fonction de la superficie des commerces et, par exemple, d'exclure de l'exonération les hypermarchés de plus de 6 000 mètres carrés, voire les supermarchés qui atteignent 2 500 mètres carrés.
Par ailleurs, et comme l'ont noté opportunément les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques et de la commission des finances, cette exonération, qui ne concerne que les ZFU créées par le présent projet de loi, risque de créer des distorsions de concurrence entre les entreprises.
Enfin, la philosophie même de cette exonération, visant à donner plus aux uns en prenant aux autres, n'est pas acceptable. En effet, la réduction des recettes de la TACA qu'elle va engendrer va peser sur le financement d'autres politiques de revitalisation économique que cette taxe contribue à financer, comme le fonds d'intervention pour la sauvegarde du commerce et de l'artisanat, le FISAC.
Pourquoi, madame la ministre, le Gouvernement n'a-t-il pas profité de l'occasion pour déployer une politique active de revitalisation économique et d'aide au retour à l'emploi dans les quartiers plutôt que d'activer, une fois de plus, la dépense fiscale ? Le saupoudrage fiscal ne peut tenir lieu de politique de la ville.
Pour toutes ces raisons, nous proposons, par cet amendement, de supprimer l'article 15. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 769.
M. Guy Fischer. Comme je l'ai précisé à l'occasion de mon intervention sur l'article 15, nous ne sommes pas partisans des dispositions de cet article qui, au motif d'inciter de grandes enseignes à s'implanter dans les zones franches urbaines, prévoient d'exonérer les exploitants de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat.
On peut même légitimement se demander à quelle logique obéit l'article 15. De deux choses l'une : ou bien l'on fait confiance au dispositif des zones franches urbaines pour relancer l'activité commerciale, et, même si nous avons les uns et les autres des différences d'appréciation, c'est, pour peu qu'on les lise, ce que semblent attester les différents rapports publiés sur l'effet positif, en termes d'emplois et de création d'entreprises, de ces zones ; ou bien l'on juge que ce dispositif ne fait pas le compte et, dans ce cadre, on décide de faire des plus grandes enseignes les véritables locomotives commerciales de chaque zone franche urbaine.
Si cette dernière option est retenue, on sait pertinemment que la zone de chalandise des magasins de ces grandes enseignes dépassera largement le périmètre de la zone franche, ce qui les positionnera en situation de concurrence directe avec les commerces de proximité, spécialisés ou non, existant dans cette zone de chalandise.
À la vérité, nous sommes en présence d'un article de validation des stratégies de redéploiement des grands groupes de la distribution, cela dans un environnement économique dont je rappellerai quelques éléments.
Selon le taux officialisé par l'INSEE, la croissance économique se situe en 2005 à hauteur de 1,4 %, soit bien en dessous du niveau en fonction duquel ont été définies tant la loi de finances initiale que le collectif budgétaire de fin d'année.
La consommation populaire a relativement porté cette faible croissance, mais le niveau de progression du pouvoir d'achat des ménages est plutôt faible, et la tendance pour 2006 semble indiquer que la situation ne variera guère.
À titre d'exemple, la progression du traitement des fonctionnaires concédée par le ministère - 0,5 % au 1er novembre - ne permettra pas de développer très sensiblement le pouvoir d'achat.
De la même manière, quand des entreprises importantes et pour le moins profitables comme Total-Fina-Elf et France Télécom annoncent une importante distribution de dividendes assortie d'une progression générale des rémunérations de 1 % pour 2006, on peut craindre que cela ne donne des idées de modération salariale aux autres employeurs !
Comme la même stratégie est mise en oeuvre par d'autres grands groupes de la distribution, nous nous réjouissons de l'initiative prise par le rapporteur, par les rapporteurs pour avis de la commission des affaires économiques et des finances, ainsi que par les différents groupes de notre assemblée en vue de la suppression de cet article 15.
Les débats que nous avons eus à partir de l'article 12 ont donc conduit notre assemblée à prendre des décisions qui peuvent paraître surprenantes, mais qui relèvent tout simplement du bon sens !
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Tous, en tout cas tous ceux d'entre nous qui appartiennent à la majorité qui soutient ce gouvernement, nous aurions pu nous réjouir d'une diminution des taxes applicables aux commerçants...
M. Gérard Cornu. ...et, madame la ministre, il peut en effet paraître surprenant que votre majorité soit en train de supprimer ces articles du projet de loi. Mais, la discussion parlementaire, c'est aussi cela !
La TACA est par ailleurs un sujet extrêmement sensible. Même si ce n'est plus une recette affectée, quand on pense « TACA », on pense immédiatement à autre chose, notamment au FISAC, ou encore à la taxe anciennement dénommée « taxe d'équarrissage »...
En tant que rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques pour les crédits de la mission « Développement et régulations économiques », je suis très attentif aux crédits qui sont affectés au FISAC. La TACA a été augmentée de façon importante dans le budget général, mais, hélas ! on n'a pas trouvé assez de crédits pour le FISAC.
Certes, je suis tout à fait d'accord pour supprimer cet article 15, car l'institution de dispositions dérogatoires en faveur des nouvelles zones franches dont ne bénéficieraient pas les zones franches déjà créées engendrerait des distorsions de concurrence à mon avis malsaines. En outre, il existe déjà un abattement, qui n'est pas négligeable, de 1 500 euros.
Cependant, puisque nous sommes aussi là pour essayer de faire avancer les choses, madame la ministre, je vais vous faire une proposition, qui est d'ailleurs sans doute d'ordre réglementaire.
À travers le FISAC, pourraient également être lancées des actions ciblées en direction des commerces existants, qui, eux aussi, souffrent, notamment du fait des problèmes d'insécurité. Bien sûr, il faut encourager les créations, mais il faut aussi conforter les commerces de proximité, si nécessaires dans ces zones fragiles. Cela constituerait un signal fort et motivant en direction de ces commerces.
Aussi, si nous supprimons l'article 15, ce qui décevra évidemment les commerçants, bien sûr très sensibles aux exonérations de taxe, nous devons en contrepartie les inviter à étudier avec nous et à nous indiquer les signes forts qui seraient de nature à les encourager à se maintenir dans ces zones.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 50, 87, 315,454 et 769.
(Les amendements sont adoptés.)
M. Bernard Frimat. Et 3-0 !
Mme la présidente. En conséquence, l'article 15 est supprimé... (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) ... et les amendements nos770 et 771 n'ont plus d'objet.
J'en donne néanmoins lecture.
L'amendement n° 770, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Au début de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :
Le quatrième alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés est supprimé.
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... Les pertes de recettes pour l'État résultant de la suppression du quatrième alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
L'amendement n° 771, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. - Au début de cet article, ajouter un paragraphe ainsi rédigé :
... - Le sixième alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés est ainsi rédigé :
« Pour les établissements dont le chiffre d'affaires au mètre carré est inférieur à 1 500 euros, le taux de cette taxe est de 7,5 euros au mètre carré de surface définie au deuxième alinéa. Ce taux est porté à 9,24 euros si l'établissement a également une activité de vente au détail de carburants sauf si son activité principale est la vente ou la réparation de véhicules automobiles. Pour les établissements dont le chiffre d'affaires au mètre carré est supérieur à 12 000 euros, ce taux est de 60 euros. Ce taux est porté à 65 euros si l'établissement a également une activité de vente au détail de carburants sauf si son activité principale est la vente ou la réparation de véhicules automobiles. »
II. - Pour compenser les pertes de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes pour l'État résultant de la modification du sixième alinéa de l'article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
TITRE II
MESURES RELATIVES À L'ÉGALITÉ DES CHANCES ET À LA LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS
Section 1
Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances
Article 16
Les articles L. 121-14 et L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Section 5
« Cohésion sociale
« Art. L. 121-14. - L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances est un établissement public national à caractère administratif. Dans des objectifs de cohésion sociale et d'égalité des chances, l'agence contribue sur le territoire national à des actions en faveur de personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle. Elle participe à des opérations en faveur des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Elle met en oeuvre des actions visant à l'intégration des populations immigrées et issues de l'immigration résidant en France. Elle concourt à la lutte contre les discriminations dont les personnes concernées sont ou peuvent être victimes.
« Elle contribue, en outre, à la lutte contre l'illettrisme et à la mise en oeuvre du service civil volontaire.
« L'agence mène directement des actions ou accorde des concours financiers, notamment dans le cadre d'engagements pluriannuels, aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale compétents et aux organismes publics ou privés, notamment les associations, qui conduisent des opérations concourant à ses objectifs.
« Art. L. 121-15. - L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances est administrée par un conseil d'administration et un directeur général nommé par l'État. Le conseil d'administration est composé pour moitié de représentants de l'État et pour moitié de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives au plan national, de représentants des communes et de leurs établissements publics de coopération intercommunale compétents, des départements, des régions, des caisses nationales de sécurité sociale, des organismes régis par le code de la mutualité et des chambres consulaires ainsi que de personnalités qualifiées. Le président du conseil d'administration est désigné par l'État parmi ces dernières.
« Le représentant de l'État dans le département y est le délégué de l'agence. Il signe les conventions passées pour son compte et concourt à leur mise en oeuvre, à leur évaluation et à leur suivi.
« Art. L. 121-16. - Pour l'exercice de ses missions, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances peut recruter des agents non titulaires sur des contrats à durée indéterminée.
« Art. L. 121-17. - Les ressources de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances sont constituées notamment par :
« 1° Les subventions de l'État ;
« 2° Les concours des fonds structurels de la Communauté européenne ;
« 3° Les subventions de la Caisse des dépôts et consignations ;
« 4° Les produits divers, dons et legs.
« L'agence peut, en outre, recevoir, dans le cadre de conventions, des contributions de la Caisse nationale d'allocations familiales, de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole, de la Caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés, de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés et d'autres établissements publics.
« Art. L. 121-18. - Les règles d'organisation et de fonctionnement de l'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances sont fixées par décret en Conseil d'État. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Selon l'exposé des motifs du texte dont nous débattons, « la création d'une Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances répond à la volonté d'accroître la présence de l'État dans les quartiers sensibles ».
Nous aurions aimé que cet article nous prouve que Gouvernement et majorité parlementaire avaient enfin compris l'urgence de répondre aux besoins et aux attentes de nos concitoyens et sondé la profondeur de la crise révélée par les violences de cet automne dans notre pays.
De fait, cette agence paraît avoir beaucoup d'ambitions : insertion sociale et professionnelle, politique de la ville, intégration, lutte contre les discriminations, lutte contre l'illettrisme, mise en oeuvre du service civil volontaire !
Hélas ! quand on y regarde de plus près, cet article prouve le contraire.
Réalisée sur le modèle de l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, l'agence créée par l'article 16 aura pour mission, selon la commission des affaires sociales, de fédérer toutes les actions nationales dans le domaine de la cohésion sociale et de l'égalité des chances, en particulier dans le cadre de la politique de la ville.
Pour cela, elle reprendra, pour partie, les missions qui étaient notamment celles du FASILD, le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, et de la DIV, la direction interministérielle à la ville.
Cela suscite une première remarque. L'action de l'agence envisagée est prioritairement centrée sur les quartiers en zone urbaine sensible ou les quartiers équivalents. Or l'intervention du FASILD ne se résume pas à ces quartiers. Réduire ainsi son action, c'est, par exemple, méconnaître la réalité de la présence immigrée sur le territoire ; c'est réduire encore les moyens de l'action envers les immigrés et renforcer les représentations négatives, les amalgames et les stigmatisations.
Quant à la politique de la ville proprement dite, elle a effectivement des limites. Mais ces limites tiennent pour l'essentiel à la dégradation du tissu économique et social, au fait que cette politique s'est vue, peu à peu, chargée de porter remède à tous les dysfonctionnements dès lors qu'ils avaient une traduction territoriale.
Ainsi, une politique dont l'objectif était de faire du projet de territoire l'espace utile à une mobilisation collective des acteurs locaux s'est trop souvent transformée en un « guichet » devenu indispensable pour tous ceux qui luttent contre l'exclusion dans l'espace urbain.
Les limites de la politique de la ville tiennent aussi aux diminutions des subventions accordées aux associations, qui jouent un rôle positif dans les quartiers, diminutions qui ont « coûté la vie » à de nombreuses associations locales et dans lesquelles votre gouvernement, madame la ministre, s'est largement illustré.
Le peu de cas qu'il fait des réalités de terrain a d'ailleurs conduit le Gouvernement à ne pas inclure de représentants du milieu associatif dans la composition du conseil d'administration de l'agence.
Pourtant, aucune réforme en matière de politique de la ville ne peut se faire, comme c'est le cas pour celle-ci, dans la précipitation et sans la moindre concertation avec les personnels concernés, les milieux associatifs, les élus, les habitants ; je rappelle que les ZUS comptent aujourd'hui près de cinq millions d'habitants.
Il faut remettre en chantier de grandes politiques nationales audacieuses pour l'école publique, pour la justice sociale, pour la sécurisation de l'emploi. Vous n'avez de cesse de supprimer les services publics. Il faut au contraire les développer à nouveau partout, car, à défaut, le sentiment de relégation des habitants de ces quartiers ne pourra que s'accentuer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, sur l'article.
Mme Catherine Morin-Desailly. L'article 16 du projet de loi pour l'égalité des chances prévoit la création d'une nouvelle structure administrative afin de renforcer la présence de l'État dans les quartiers : l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
L'ANCSEC doit, nous dit-on, reprendre les missions de divers organismes spécialisés dans les domaines de l'intégration, de la politique de la ville et de l'égalité des chances.
Cette nouvelle institution suscite de nombreuses interrogations auprès des acteurs de la politique de la ville, qui craignent une complexification des dispositifs et des financements.
Un nouvel empilement de structures aux missions proches voire similaires, ce qui serait source d'inefficacité, est également à craindre.
Le rapport de notre collègue Pierre André a pourtant bien montré comment, en matière de politique de la ville, la discontinuité des financements avait conduit à une sédimentation des dispositifs.
Nous ne sommes pourtant pas hostiles à une logique de guichet unique. L'ANCSEC pourrait être un outil utile pour mutualiser les moyens et un facteur d'efficacité si elle rend plus lisibles les procédures, mais à condition de bien définir les missions de chacun et d'éviter la multiplication des doublons.
L'agence vise, en effet, à fédérer l'ensemble des moyens humains, logistiques et financiers dans le domaine de l'égalité des chances et de l'intégration, et à permettre une meilleure coordination de missions jusqu'alors dispersées entre diverses agences ou administrations.
C'est une bonne idée. En effet, la complexité croissante des dispositifs de la politique de la ville fait l'objet d'un constat unanime. Je rappellerai à cet égard le jugement émis lors des Assises nationales de la ville en avril 2005 : « La multiplication, l'empilement progressif, voire l'enchevêtrement, de multiples dispositifs sur un même territoire affectent gravement aujourd'hui la lisibilité et la crédibilité de la politique de la ville. »
Avec cette nouvelle agence, échappe-t-on à cet écueil ? Sommes-nous sûrs que nous allons clarifier les répartitions de compétences et les missions ? L'effet mobilisateur et fédérateur de la nouvelle agence ne risque-t-il pas d'être limité de ce fait ?
C'est pourquoi nous devons être particulièrement attentifs à clarifier les missions de chacune des agences. Nous partageons, à cet égard, les interrogations de la commission des affaires sociales : quel sera le rôle des six préfets délégués à l'égalité des chances à l'égard de l'agence ?
Que deviennent les chargés de mission territoriaux de la délégation interministérielle à la ville ?
Quelle articulation existera-t-il entre l'ANCSEC, qui a dans ses missions la lutte contre l'illettrisme, et l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, l'ANLCI ?
Ne risque-t-on pas de multiplier les doublons et d'aggraver l'éparpillement des crédits ?
Il ne nous est rien dit non plus sur les rapports entre l'ANCSEC et la délégation interministérielle à la ville.
Enfin, quelle sera la place - et l'autorité ? - du nouveau délégué interministériel à la ville et à la cohésion sociale, installé récemment auprès du Premier ministre, entre ces deux structures ? Créer un nouvel échelon de décision risque d'accroître la confusion et l'impuissance de l'action menée par le Gouvernement dans le domaine de la politique de la ville. Où est la cohérence de la politique gouvernementale ?
Je voudrais également relayer les inquiétudes des acteurs de terrain. En tant qu'acteurs de la politique de la ville, comme élus locaux, nous ne voudrions pas voir se reproduire avec I'ANCSEC ce qui s'est passé avec l'Agence nationale de rénovation urbaine, l'ANRU.
Je rappellerai que nous avons perdu un an et demi lors de la création de l'ANRU en raison de la mise en place de dispositifs lourds et complexes. Le risque, c'est que les dispositifs qui existent et qui ont fait leur preuve n'aient plus les moyens de fonctionner, surtout si les nouveaux mettent du temps à prendre le relais des anciens.
Les acteurs de terrain, en particulier les associations, qui sont dans un état précaire lié à l'incertitude financière, s'inquiètent de voir leurs projets supprimés faute de financements pérennes, alors qu'ils ont besoin de stabilité au niveau à la fois des interlocuteurs et des procédures.
C'est pourquoi nous nous réjouissons que l'ANCSEC, selon vos propos, madame la ministre, s'engage sur des financements pluriannuels, car ils sont essentiels. Le risque, c'est que nous perdions à nouveau du temps dans un domaine où des actions dans la durée sont nécessaires et urgentes.
Pourquoi ne pas, au contraire, renforcer les compétences et les moyens des maires, les premiers en ligne de mire en temps de crise, les premiers interlocuteurs des populations en difficulté ? Dès lors, nous avons souhaité qu'une proportion plus importante d'élus soit présente au sein du conseil d'administration de la nouvelle agence de cohésion sociale.
Pour éviter ces écueils, nous souhaitons également que soient précisées les missions de l'agence, car, comme l'a noté la commission des affaires sociales, elles sont particulièrement imprécises. Ma collègue Valérie Létard défendra tout à l'heure un amendement visant à les clarifier. J'évoquerai seulement l'étrange amalgame fait par le Gouvernement entre populations en difficulté, quartiers sensibles et populations issues de l'immigration.
Par ailleurs, nous souhaitons que soit tranchée la question de la tutelle de l'agence. Pour que I'ANRU et l'ANCSEC soient les deux « bras armés » du ministre chargé de la ville, il semblerait naturel que ce dernier soit le pilote de ces deux agences, l'une chargée de la rénovation urbaine, l'autre du volet social et humain, qui est si important. L'ANCSEC, c'est, après l'ANRU, la deuxième phase de la refondation de la politique de la ville, c'est le volet le plus important de la politique urbaine, l'accompagnement social des populations.
Enfin, plus généralement, c'est la question du montant annuel et de la pérennité des financements de l'État en matière de la politique de la ville qui est posée. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Madame la ministre, ce projet de loi me semble particulièrement intéressant à « décortiquer » sur cet aspect que nous allons examiner maintenant, à savoir la cohésion sociale. En effet, je l'ai déjà déclaré clairement et fermement, nous sommes opposés aux dispositions de ce projet de loi en général et à celles qui sont relatives à l'égalité des chances et à la lutte contre les discriminations en particulier, tant elles nous semblent scandaleuses !
Cette opposition n'est pas fondée sur une raison dogmatique me poussant à être contre tout ce que le Gouvernement propose. Non ! Elle tient à de simples et accablants constats sur la forme et sur le fond. Je vous demande donc un moment d'attention sur cette question très spécifique.
Sur la forme, le Gouvernement a présenté ce projet de loi sans réelle concertation avec les partenaires sociaux et les personnels du FASILD, de la DIV, de l'ANCLI et d'autres structures qui seront concernées par ce projet de loi. Comme d'autres collègues l'ont déjà dit, il a lancé cette initiative sans tenter ni débat ni rencontre avec les différents intéressés.
Par ailleurs, en appliquant lui-même à l'Assemblée nationale l'article 49-3, en modifiant, jour après jour, les modalités, le cours et, donc, l'équilibre des débats au sein de cette Haute Assemblée, ce n'est rien d'autre qu'une adoption à marche forcée que l'on tente de nous imposer aujourd'hui.
Malheureusement, le fond ne rattrape pas la forme.
En effet, parmi l'ensemble des mesures hétéroclites que contient ce projet de loi, se trouve le démantèlement des outils existants en matière de soutien à l'intégration et de lutte contre les discriminations, tel que le FASILD, ou en faveur des quartiers en difficulté, comme la DIV, et cela, au profit d'une agence unique, dédiée à la cohésion sociale et à l'égalité des chances, aux contours et aux modalités d'intervention mal définies, qui serait le pendant de l'ANRU.
L'ANCSEC, comme on commence à prendre l'habitude de l'appeler, semble annoncer une série de risques graves pour la cohésion sociale que vous prônez si facilement en paroles, mais que, dans les faits, on voit malheureusement se déconstruire.
Vont ainsi être abandonnés ou disparaître : les espaces de concertation et d'échanges croisés entre chercheurs, associations, partenaires institutionnels, représentants de la société civile ; la production et la diffusion des connaissances, des analyses fondamentales sur l'immigration, les zones urbaines sensibles, les processus d'intégration, la lutte contre les discriminations, ainsi que toutes les expériences qui ont été menées autour de ces questions ; l'expérimentation et le développement d'actions innovantes, préalable essentiel et primordial à toute forme de généralisation, qui faisaient jusqu'à aujourd'hui la plus-value du FASILD et de la DIV par rapport aux services de droit commun, alors qu'une compréhension transversale des problématiques est susceptible d'entraîner une stigmatisation accrue des territoires et de leur public.
La configuration actuelle de l'ANCSEC laisse redouter une déclinaison territoriale qui sera à la merci des pressions politiques locales, notamment à travers les nouvelles compétences des préfets.
De plus, dans la vision ultralibérale du Gouvernement, se dessine un traitement tout à fait technique et comptable des enjeux.
L'application de la loi sur l'égalité des chances telle que vous la présentez aura trois grandes conséquences.
Tout d'abord, elle entraînera une baisse importante du soutien aux associations de proximité porteuses de lien social, de solidarité et de citoyenneté. Cela met à nu les contradictions de ce Gouvernement qui, selon la même logique de populisme social, annonce, avec tambours et trompettes, l'augmentation de la dotation aux associations de quartiers, mais leur retire leurs autres sources de revenus.
Ensuite, elle provoquera le délitement du réseau d'acteurs associatifs développé avec le soutien du FASILD sur l'ensemble du territoire national.
Enfin, elle conduira à l'affaiblissement massif des actions visant l'intégration et l'accès aux droits des immigrés du fait de leur dilution dans une politique « fourre-tout » de cohésion sociale.
Mais comme, dans le même temps, le ministre de l'intérieur nous annonce une immigration choisie puisque ne viendront plus en France que des informaticiens, des chercheurs et non plus des éboueurs, cette dynamique montre ici toute sa cohérence anti-sociale.
La capacité d'action collective dans le domaine de la lutte contre les discriminations ne peut être réduite à l'égalité des chances, mais devrait être étendue à l'égalité des droits. Or, on note la focalisation de l'action de l'État sur certains territoires au détriment d'une intervention sur l'ensemble du territoire national.
Compte tenu de l'étendue du périmètre d'intervention de cette nouvelle agence, le pire risque est de voir surgir une sorte « d'usine à gaz » dont l'opérationnalité fera défaut.
Tous ces risques mis bout à bout tendent à démontrer que l'ANCSEC ne constitue pas une réponse pertinente et efficace à la hauteur des enjeux mis en évidence par la récente révolte des banlieues.
La préservation du FASILD et de la DIV, que mes collègues et moi-même vous demanderons tout au long des débats concernant l'ANCSEC, relève non d'un attachement dogmatique ou nostalgique, mais plutôt de la volonté de préserver l'exercice de principes forts que notre société et notre démocratie ont déjà mis en place.
Parmi ces principes se trouve celui de l'égalité, l'égalité des droits et l'égalité la plus juste !
La réponse aux enjeux et difficultés exprimés par les uns et les autres ne saurait se satisfaire d'une réponse en termes d'égalité des chances alors que la demande réitérée de tous, les immigrés et les plus jeunes notamment, est celle d'une égalité des droits. En fait d'égalité, c'est l'égalité de tous devant la précarité que vous nous proposez, avec notamment le CPE qui s'ajoute au CNE.
Autre principe fort, corollaire du précédent, celui de la solidarité avec les plus fragilisés. Or ce projet de loi, par une analyse simpliste des événements et des réalités quotidiennes, stigmatise et sanctionne des populations à travers la mise en place d'un contrat de responsabilité parentale, puis - nous le verrons un peu plus tard - par la remise en cause du droit à l'école ou d'autres droits pour certains jeunes.
Enfin, l'esprit du FASILD et de la DIV sous-tendait l'inclusion sociale et territoriale, c'est-à-dire, « le mieux vivre ensemble ». Or ce dispositif et cet objectif semblent absents de votre projet de loi.
Nous, Verts, ne pouvons accepter cette pérennisation de l'inégalité des droits qui, aujourd'hui, de plus en plus, va se traduire par une forme de discrimination légalisée.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, sur l'article.
Mme Gisèle Printz. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la création d'une Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, malgré son appellation attrayante, n'est pas vraiment bienvenue. Elle ne constitue pas une solution miracle pour améliorer la situation actuelle. Bien au contraire, elle contribue au démantèlement du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, y compris de proximité régionale, de la CRILD, ainsi que de la DIV.
Né dans la précipitation à la suite des violences urbaines d'octobre et novembre derniers, ce texte ne tient pas compte des analyses existantes, comme les actes des Assises de la ville d'avril 2005, le rapport de notre collègue Pierre André, les rapports de l'IGAS et des inspections générales des ministères concernés sur les contrats locaux de sécurité, ainsi que le rapport de l'Observatoire national des ZUS.
Il s'agit donc de créer un nouveau guichet unique pour rassembler les financements liés à l'intégration et ce qui reste de la politique de la ville.
Cette agence est symbolisée, d'une part, par la reprise en main du sujet par le ministère de l'intérieur et ce, au détriment du ministère de la cohésion sociale, d'autre part, par son champ d'action rétréci du point de vue géographique, mais élargi du point de vue des missions.
S'agissant de celles-ci, on peut légitimement s'interroger sur leur imprécision. Elles reflètent, en effet, un amalgame entre populations en difficulté, quartiers sensibles, populations issues de l'immigration et migrants. Cela est encore plus vrai pour la question non traitée de la prévention de la délinquance. On peut donc craindre un certain morcellement des interventions susceptible de générer de nouvelles injustices, à l'inverse du but recherché.
On peut aussi s'interroger sur les moyens dont peut disposer un établissement public pour influer sur le droit commun et agir en concertation avec les compétences sectorielles des différents ministères concernés
Par ailleurs, la contractualisation envisagée entre l'ANCSEC et les collectivités locales, les associations, sans inscription formelle de pouvoirs de recours en cas de non- respect des engagements réduira les contrats à des manifestes de bonnes intentions. De plus, la multiplicité des contrats annoncés ne paraît pas aller dans le sens de la simplification recherchée, pourtant indispensable.
Sur le terrain, les inquiétudes sont nombreuses. La disparition du FASILD, qui avait entrepris un important travail d'accompagnement des associations en donnant une priorité à la lutte contre les discriminations, est regrettable. Le FASILD, organisme neutre, traite les dossiers de manière autonome. Sa politique d'accompagnement a fait ses preuves. Les associations craignent de ne plus être écoutées.
Qu'adviendra-t-il, en outre, des commissions pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté, les COPEC, créées en septembre 2005 en remplacement des commissions départementales d'accès à la citoyenneté, les CODAC ? Elles devaient mener des actions de prévention contre toute forme de discrimination directe ou indirecte en vue d'une meilleure insertion professionnelle des populations issues de l'immigration, notamment les jeunes et les femmes. Vont-elle être dissoutes ?
Il est également à craindre que les financements de l'État ne soient pas au rendez-vous chaque année. En effet, aucune garantie dans ce domaine ne figure dans ce projet de loi. Ce sont donc les collectivités locales et les autres financeurs de l'ANCSEC qui devront avancer les crédits incombant à l'État, et ce sans aucune garantie de remboursement.
Enfin, de nombreuses interrogations portent sur l'articulation entre le niveau départemental et le niveau régional de l'action de l'État.
Alors que le projet de loi confie au préfet du département le rôle de représentant de l'agence auprès des maires, aucune disposition n'est prévue quant à l'articulation avec les actions menées à l'échelon régional, que ce soit en matière de santé avec les programmes régionaux d'accès à la prévention des soins, en matière d'éducation artistique et culturelle avec les directions régionales des affaires culturelles, les DRAC, ou encore en matière d'intégration des populations immigrées et de gestion des crédits tant nationaux qu'européens dans le cadre des budgets opérationnels de programmes régionaux, en application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
En résumé, madame la ministre, que vont devenir toutes ces thématiques régionales dans lesquelles sont impliqués de nombreux acteurs ? Les interrogations sont à cet égard multiples et les inquiétudes grandissantes devant la menace d'un démantèlement du dispositif existant et d'un anéantissement des efforts accomplis jusqu'ici. Que vont devenir les personnes affectées à ces missions ?
Nous sommes en présence d'une structure autonome, conçue dans la hâte et décidée unilatéralement par le Gouvernement, sans concertation avec les principaux acteurs de terrain.
Je l'ai dit, cette agence dépendra entièrement du ministère de l'intérieur, ce qui entraînera forcément une confusion entre politique de sécurité et politique d'intégration et de lutte contre les discriminations et les exclusions.
Pour notre part, nous ne saurions accepter une telle démarche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Valérie Létard, sur l'article.
Mme Valérie Létard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 16, qui crée l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ANCSEC, constitue l'une des dispositions les plus emblématiques du projet de loi initial.
Présentée comme le pendant pour l'action sociale dans les quartiers de l'Agence nationale de rénovation urbaine, elle soulève, madame la ministre, de nombreuses interrogations qui portent tant sur ses missions que sur ses moyens et sur son organisation. J'espère que notre débat permettra de mieux en cerner les contours.
Je voudrais, en préambule, souligner que la méthode utilisée pour créer cette agence me pose problème. Les personnels de la DIV et du FASILD vivent mal une transformation qui n'a fait l'objet ni d'une consultation préalable ni d'une concertation.
Certes, je n'ignore pas que le rôle du Gouvernement est de savoir prendre des décisions, fussent-elles parfois impopulaires. Cependant, fallait-il agir ainsi sans prendre le temps d'une réflexion associant tous les acteurs de la politique de la ville ? Je ne suis pas certaine que la démarche retenue soit judicieuse, s'agissant, en particulier, d'un champ social au sein duquel tous les interlocuteurs que j'ai rencontrés s'interrogent constamment sur le bien-fondé et l'efficacité de leur action. Il est donc dommage, à mes yeux, de s'être privé, en amont, de leur propre analyse de la situation actuelle.
Concernant l'article lui-même, j'ai déposé un amendement qui vise à préciser la nature de cette agence. Je l'ai fait dans l'espoir que soit apportée une réponse à trois interrogations qui ont été largement exprimées au cours des entretiens que j'ai menés dans ma région, et qui peuvent se résumer ainsi : une agence, pourquoi pas, mais pour quelles missions, avec quels moyens humains et comment pourra-t-elle fonctionner localement ?
Pour ce qui est des missions, à l'évidence, il règne une grande confusion, puisque le champ d'action de l'agence, constituée à partir du FASILD, sera infiniment plus étendu que le seul traitement de la question de l'intégration.
Nos rapporteurs ont bien mis en évidence les interrogations que soulevait la rédaction actuelle de cet article.
Si l'on s'en tient à l'objectif visé, l'agence devrait opérer sur tout le territoire national ou se concentrer sur les quartiers définis par la politique de la ville. Dès lors, comment se fera la hiérarchisation des choix entre ces différentes missions ?
Par ailleurs, il est à craindre que, si les règles du jeu ne sont pas suffisamment transparentes, l'inégalité entre certains territoires ne se renforce inévitablement. C'est la raison pour laquelle j'ai tenu à préciser dans cet amendement le périmètre géographique exact des quartiers de la ville dans lesquels l'Agence pourra intervenir.
Par ailleurs, si, vous le savez, madame la ministre, la politique de la ville est un « plus » pour tous ces quartiers en difficulté, la vraie question, si l'on veut les sortir de la crise, est la suivante : comment mobiliser de façon prioritaire le droit commun sur ces territoires ?
Or, à la lecture de cet article 16, l'on peut s'interroger sur ce point.
Quel sera le véritable pouvoir d'interpellation de l'agence sur l'action publique de l'État ? Sera-t-elle un simple guichet ou deviendra-t-elle une instance de réflexion collective permettant de « bousculer » nos modes d'intervention ? À mes yeux, c'est là que se situe le véritable enjeu !
Au-delà des crédits, certainement importants, dont elle disposera, l'agence ne pourra remplir sa mission que si lui sont donnés les moyens de rendre à la politique de la ville son caractère exceptionnel et additionnel. Il ne saurait être question, en effet, de la cantonner à un rôle de substitution au droit commun, comme c'est trop souvent le cas depuis plusieurs années.
Mes interrogations renvoient également, de ce fait, à la notion de « gouvernance », donc aux moyens dont disposera cette agence pour pouvoir articuler et mettre en cohérence les initiatives prises par chaque ministère dans les domaines de la cohésion sociale et de l'égalité des chances.
Je souhaiterais, madame la ministre, que vous puissiez nous apporter des précisions sur ces différents points, car il en va de l'intérêt même de la création de l'agence que vous nous proposez et de son efficacité future.
Pour être efficace et pouvoir créer le même effet de levier que l'ANRU en matière de rénovation urbaine, nous devons disposer d'un minimum de garanties quant aux prérogatives de l'agence, à son pouvoir d'interpellation des autres politiques d'État, ainsi qu'à son articulation avec d'autres dispositifs, notamment ceux qui ont récemment été mis en place dans le plan de cohésion sociale.
En outre, si, de plus, les financements se font systématiquement par appel à projet, l'inégalité territoriale pourrait là encore se révéler criante entre les territoires qui disposent de l'ingénierie suffisante et ceux qui en sont dépourvus, entre les associations les plus structurées et les autres.
Je ne citerai qu'un exemple, mais qui, selon moi, est significatif des craintes qu'il convient de dissiper, madame la ministre.
Un collège d'une grande commune de la métropole lillois, considéré comme l'un des plus difficiles, après avoir été désigné, à juste titre, comme site pilote pour la mise en place des équipes de réussite éducative, reçoit une aide spécifique. Or, parallèlement, ce même collège vient d'apprendre que, lors de la rentrée prochaine, quatre postes et demi d'enseignants seront supprimés. Où est la cohérence si l'on retire d'une main ce que l'on donne de l'autre ? Il nous faut veiller à ce que cela ne se reproduise plus, ce en quoi l'agence pourrait se révéler fort utile.
J'ai mentionné l'éducation, mais je pourrais dire la même chose en matière de prévention et de traitement des incivilités, puisque le ministère de la justice ne peut, faute de crédits réservés ou en nombre, soutenir suffisamment les associations qui oeuvrent dans les quartiers situés en politique de la ville.
Enfin, l'amendement que je proposerai tout à l'heure tend également à préciser la déclinaison territoriale de l'agence, en confiant, au niveau de chaque région, à des préfets délégués à la cohésion sociale et à l'égalité des chances un rôle de coordination et de pilotage du dispositif.
En effet, l'échelon pertinent pour articuler les missions de l'agence avec les actions déconcentrées de l'État et les politiques territoriales est, à l'évidence, celui de la région. Les contrats de plan État-régions sont, de fait, l'instrument qui permet d'organise la politique d'aménagement du territoire et d'élaborer la politique de la ville.
La réflexion sur l'ANCSEC doit pouvoir être menée dans une stratégie globale du territoire, puis être traduite en actions à partir de l'échelon départemental. Ainsi, pourquoi ne pas instituer un préfet à l'égalité des chances à l'échelon régional et des délégués par département ?
Des missions mieux définies, une meilleure articulation avec l'existant, des niveaux de décision plus pertinents : telles sont les améliorations que nous proposons à travers cet amendement.
Sachez, madame la ministre, que je ne doute pas de la volonté qui est la vôtre de préciser et d'améliorer, au cours de nos débats, la définition de cette agence, tout en lui laissant la souplesse nécessaire à un bon fonctionnement.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, sur l'article.
M. David Assouline. Nous sommes plongés depuis quelques jours, notamment après le vote de l'article 3 bis instituant le CPE, au coeur de la discussion que souhaitait initialement M. Borloo, via ce projet de loi la pour l'égalité des chances, qui se voulait être un grand texte de nature à répondre à la crise sociale de nos quartiers populaires, dite crise des banlieues, de l'automne dernier.
Or le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il n'en est rien !
En effet, compte tenu des différents articles qui ont été supprimés précédemment, nous nous rendons compte, en abordant l'examen du titre II, que ce qui prévaut dans ce texte conçu de bric et de broc, c'est la précipitation. D'ailleurs, le Gouvernement ne s'est-il pas vu infliger un désaveu sur quatre articles successifs ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Trois seulement !
M. David Assouline. Or ce désaveu ne peut s'expliquer que par le manque de concertations préalables suffisantes.
Dès lors, si le Gouvernement a choisi d'aller aussi vite, en faisant n'importe quoi, sans consulter les acteurs et en se privant d'un débat sur tous ces sujets à l'Assemblée nationale,...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. N'anticipez pas, il reste la commission mixte paritaire !
M. David Assouline. ...c'est parce que son seul objectif était de faire passer « à la hussarde » l'article 3 bis qui n'était pas prévu dans le projet de loi initial et qui est venu en quelque sorte s'y « nicher » !
Eh bien, attendons mardi prochain pour voir quelle sera la réaction de tous ceux qui n'ont jamais été consultés !
Cela étant dit, il nous faut poursuivre le débat afin de souligner combien ce texte n'était qu'un alibi et que la voie dans laquelle le Gouvernement s'est fourvoyé montre que bien des choses peuvent encore « capoter » !
Après la suppression de quatre articles, voici maintenant la création de cette nouvelle agence.
M. Alain Gournac, rapporteur. Trois seulement !
M. David Assouline. Trois, si vous voulez, monsieur le rapporteur, puisque l'un d'entre eux n'a effectivement été que modifié, ce qui, semble-t-il, n'était pas prévu ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Mes chers collègues, je n'ai pas à vous répondre sur ce point ; personnellement, je suis très content qu'il en soit ainsi.
Je disais donc que le débat que n'a pas voulu entamer le Gouvernement à l'Assemblée nationale...
M. Christian Cointat. C'est vous qui empêchez le vrai débat !
M. David Assouline. Pouvez-vous me laisser m'exprimer comme je l'entends, mon cher collègue ? Je vous demande, à cet égard, madame la présidente, de bien vouloir faire cesser toute interpellation destinée à m'interrompre.
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous n'avez qu'à conclure, il faut avancer !
M. David Assouline. Concernant cette nouvelle agence, nous examinerons en quoi consiste véritablement la politique générale pour l'égalité des chances et de lutte contre les discriminations, lors de la discussion du texte relatif à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE.
Pour l'heure, il est intéressant de noter la création d'une nouvelle agence dont on nous dit qu'elle doit contribuer à simplifier la situation. Cela devrait, certes, répondre à une aspiration que nous partageons tous dans un pays où les empilements administratifs sont source de bien des complications. Mais cette agence ne tend à rien d'autre qu'à instaurer le guichet unique et à rationaliser l'action publique.
En réalité, qu'en est-il exactement ?
Rappelons que le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, qui menait une politique ciblée, ne mélangeait pas tout, agissait sur l'ensemble du territoire national en vue de l'intégration des populations immigrées et participait à la lutte contre les discriminations. Il avait su accumuler une expérience vieille de cinquante ans et associer, en vertu de son fonctionnement paritaire, les populations concernées ; les personnels étaient presque héroïques, car l'on ne peut pas dire que l'ensemble de la société se souciait beaucoup de leur travail !
Or ce fonds, qui avait accumulé des savoir-faire, des compétences, souvent dans un grand isolement, a connu des baisses constantes de crédits depuis 2003, ce qui n'a pu que limiter son action.
Aujourd'hui, l'ensemble des missions alors confiés au FASILD sont en quelque sorte « noyées » dans un organisme plus général sans que l'avenir des personnels soit en aucun cas garanti, et sans que le budget lui permettant de fonctionner de façon spécifique soit reconduit. Par conséquent, il existe dans ce domaine une incertitude totale, qui ne va absolument pas dans le sens de la lutte pour l'égalité des chances.
Notre principal sujet d'inquiétude est le suivant : cette agence va-t-elle - tout au moins en apparence, car rien n'est précisé sur ce point - se concentrer sur les territoires politiques de la ville ? En d'autres termes, les missions d'intégration des populations immigrées et de lutte contre les discriminations seront-elles ciblées sur ces territoires ?
La richesse du FASILD provenait, précisément, du fait qu'il intervenait sur l'ensemble du territoire national, tant il est vrai que, à la base de son orientation politique, figurait tout refus d'amalgame entre populations en difficulté et populations immigrées.
En ce sens, son action consistait à faire en sorte que l'ensemble des acteurs publics, où qu'ils se trouvent et pas seulement dans les territoires politiques de la ville - je pense, notamment, au pouvoir politique - se saisissent de cette question, en prennent conscience et agissent en présentant des projets et en dégageant des moyens.
Est-ce que cela continuera ? Cette spécificité sera-t-elle maintenue ? Les personnels qui s'étaient spécialisés dans ce domaine seront-ils confortés ? Toutes ces questions se posent. Or le projet de loi n'y répond pas.
Madame la ministre, j'espère que le débat parlementaire nous permettra d'obtenir des réponses. En tout cas, ces questions vous sont adressées.
Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Madame la ministre, étant donné que l'amendement n° 316 que je devais présenter au nom de la commission des finances deviendra sans objet si l'amendement n° 52 rectifié de la commission des affaires sociales est adopté, je me permettrai, à ce stade de la discussion, de vous poser de nouveau certaines questions, que j'avais déjà soulevées lors de la discussion générale.
Ma première interrogation concerne le positionnement de l'ANCSEC par rapport à la Délégation interministérielle à la ville, la DIV, et aux directions de l'administration centrale, notamment la direction de la population et des migrations, la DPM. En effet, la Cour des comptes avait souligné dans un rapport qu'il pourrait être utile de faire converger ces services.
Madame la ministre, comment cette convergence pourrait-elle se produire, et quelles économies pourrions-nous en attendre ? D'ailleurs, des économies ne sont pas nécessairement incompatibles avec un accroissement de l'efficacité de ces dispositifs sur le terrain.
Une autre interrogation de la commission des finances porte sur le rattachement de l'ANCSEC à une mission budgétaire. Nous suggérions la mission « Ville et logement », et plus précisément le programme « Équité territoriale et soutien ». Nous souhaiterions savoir si votre réflexion a avancé sur ce sujet.
Enfin, qu'adviendra-t-il de l'organisation territoriale de l'ANCSEC ? Nous savons que les préfets deviendront les représentants de l'agence dans les départements, mais pouvez-vous nous en dire plus ?
Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 332 est présenté par Mmes Printz et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 781 est présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau, Fischer et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michèle San Vicente, pour présenter l'amendement n° 332.
Mme Michèle San Vicente. La création d'une Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances, malgré son appellation attrayante, constitue une mesure particulièrement malvenue. En effet, loin d'être une solution nouvelle, elle acte le démantèlement du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD, et de ses instances de proximité, ou commissions régionales, les CRILD, ainsi que de la Délégation interministérielle à la ville, la DIV.
La création de cette agence préfigure la fin de toute politique globale en faveur de l'égalité et l'abandon de l'action ministérielle qui doit accompagner celle-ci, au profit du leadership du seul ministère de l'intérieur. Elle annonce aussi le renoncement à la vision paritaire qui, pourtant, se révèle seule efficace pour aborder des problèmes de société aussi difficiles.
Équivoque dans la définition de ses missions, la nouvelle agence ne bénéficie d'aucune articulation avec les services de la DIV qui subsistent ou avec l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM. Cette dernière devrait prendre en charge les « populations immigrées », dont on se demande encore s'il s'agira des arrivants, de leurs enfants, voire des Français issus de l'immigration ! De plus, la création de cette agence crée une certaine confusion quant au devenir de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme.
Madame la ministre, cette mesure, vous le savez, suscite l'inquiétude du monde associatif, des personnels des différents organismes concernés et des élus de territoires intercommunaux comportant des quartiers prioritaires. C'est en ce sens que je vous ai interpellée, le 14 janvier dernier, mais ma question est restée sans réponse à ce jour.
Le Gouvernement reste sourd aux craintes exprimées par les uns et les autres, dérogeant ainsi à la logique de concertation et de partenariat qu'il prône si souvent mais qu'il respecte si peu, force est de le constater.
Les chargés de mission du FASILD s'interrogent sur l'avenir des commissions régionales pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, alors même que ces instances favorisent la concertation avec les représentants de l'État, les partenaires sociaux et les personnes qualifiées.
À titre d'exemple, la délégation régionale du FASILD dans le Nord-Pas de Calais accompagne les projets de plus de quatre cents associations, qui reconnaissent sa neutralité. En effet, la politique d'accompagnement des projets a cassé les vieux discours d'assistanat aux associations d'immigrés, dont vous comprendrez, dès lors, qu'elles s'interrogent sur le devenir de leur travail de terrain si les missions du FASILD venaient à disparaître.
La nouvelle agence fera office de guichet unique pour la politique de la ville. Comment, en l'absence de relais sur le terrain, seront distribuées les subventions ? Nous nous interrogeons également sur la neutralité de cette nouvelle agence.
Par ailleurs, cette agence devant être départementalisée, que deviendra le travail sur les thématiques régionales mené depuis de nombreuses années ?
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article, et donc de cette nouvelle agence. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour présenter l'amendement n° 781.
Mme Éliane Assassi. L'article 16 du projet de loi tend à créer un nouveau guichet unique, rassemblant les financements liés à l'intégration : d'une part, ceux de l'ex-FASILD, absorbé par l'ANCSEC, l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, ainsi que par l'ANAEM, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, et, d'autre part, ce qui reste de la politique de la ville confiée à l'État, à savoir les crédits du ministère de la ville, exception faite de ceux qui sont destinés à la rénovation urbaine, qui se voit, elle, confiée à l'ANRU, l'Agence nationale pour la rénovation urbaine.
Ainsi, s'agissant des quartiers défavorisés, la rénovation serait désormais du ressort de l'ANRU et le social relèverait de l'Agence nationale de cohésion sociale. Quant à la prévention de la délinquance, pourtant inscrite dans le décret du 28 octobre 1988, qui la confie à la DIV, elle ressortirait au ministre de l'intérieur, dans le cadre d'un futur projet de loi.
Il semble d'ailleurs que le ministère de l'intérieur doive également exercer la tutelle sur l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. L'article 16 du projet de loi précise, en effet, que le « représentant du département y est le délégué de l'agence » et « signe les conventions passées pour son compte ». Nous assisterons donc à une prise en main des décisions, structures et instances de l'agence par le ministère de l'intérieur.
Cela est d'autant plus inquiétant que ce texte intervient dans un contexte de stigmatisation et de répression des immigrés, que l'avant-projet de loi de M. Sarkozy sur l'immigration, modifiant le Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ou CESEDA, alourdira considérablement. Ainsi, les questions de l'intégration et de la lutte contre les discriminations risquent d'être soumises à des pressions et dominées par des enjeux sécuritaires. Les titres III et IV du projet de loi en donnent déjà le ton.
Par ailleurs, des questions ne manquent pas de se poser quant aux liens entre le projet CESEDA et le présent texte. Le rôle de l'agence sera-t-il de choisir, en application de cet avant-projet, les « bons » immigrés auxquels M. Sarkozy accordera le droit de travailler en France ?
Avec ce texte, nous assistons à une véritable confusion entre les différentes politiques, qu'elles relèvent de la sécurité, de la prévention de la délinquance, de l'intégration ou de la lutte contre les discriminations. Ces amalgames empêcheront de mener sereinement les actions nécessaires en faveur des populations concernées.
Par ailleurs, l'article 16 du projet de loi donne compétence à l'ANCSEC en matière de lutte contre l'illettrisme. Même si l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme semble devoir subsister, nous craignons qu'elle ne devienne à terme une coquille vide.
Nos inquiétudes ont également trait aux moyens de l'agence : en effet, s'agissant de l'ANRU, la loi a prévu explicitement le montant annuel du financement de l'État ; or, rien de tel ne figure dans le projet de loi sur l'égalité des chances au profit de l'ANCSEC.
Alors qu'il est à prévoir que l'accroissement de la précarisation rendra indispensable et toujours plus important le recours aux actions qui relèvent aujourd'hui de la DIV ou du FASILD, la réalité de ce texte, c'est le démantèlement de ces organismes. La disparition de tout un tissu associatif autonome, reconnu comme nécessaire pour lutter contre les inégalités, favoriser le « vivre ensemble », est également prévisible.
Quant aux liens et à la coordination avec d'autres organismes ou institutions, qu'il s'agisse de la délégation interministérielle à la ville, de l'échelon régional, de la HALDE ou de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, le flou le plus complet règne. Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 16. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Si je répondais que cet avis est favorable, vous en seriez tous étonnés, tant vous ne vous y attendez pas !
Mme Michèle San Vicente. Nous serions contents !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je reviendrai très brièvement sur les propos qui ont été tenus tout à l'heure, bien au-delà de la réponse que je dois apporter à ces deux amendements de suppression.
En effet, je ne puis laisser dire, comme je l'ai entendu, que le Gouvernement aurait reculé trois fois ou quatre fois ! Si c'est cela le débat démocratique au Sénat, je suis très déçu ! (Protestations prolongées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. David Assouline. C'est pourtant vrai !
M. Alain Gournac, rapporteur. Monsieur Assouline, vous savez que c'est pour vous que je dis cela, en toute amitié bien entendu !
Il est heureux que nous puissions discuter et améliorer ce texte, comme nous l'avons fait ce matin, en écoutant d'ailleurs avec beaucoup d'attention vos arguments !
M. David Assouline. Continuez ! (Sourires.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Le Sénat est une institution formidable ! En effet, il est formidable de pouvoir discuter et travailler comme nous l'avons fait ce matin, puis pendant la pause du déjeuner, afin de revenir ensuite en séance avec des propositions modifiées ! C'est cela, la discussion parlementaire ! Ce n'est pas prétendre que les uns ont gagné et que les autres ont été battus, ou que le Gouvernement s'est vu infliger un désaveu quatre fois !
D'ailleurs, des changements sont intervenus sur trois articles seulement, et le Gouvernement a non pas perdu, mais accepté des modifications ! Il est tout à l'honneur du Sénat, me semble-t-il, de pouvoir faire évoluer les positions des uns et des autres. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
En ce qui concerne les amendements de suppression nos 332 et 781, puisque nous approuvons totalement - comme c'est étrange ! (Sourires) - la création de cette agence, la commission émet un avis défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement partage bien sûr l'analyse de M. le rapporteur : ces discussions ont pour objectif de faire progresser la réflexion.
Trop souvent, certains prétendent que nous n'entendons ni ne modifions rien. Pour une fois que nous acceptons de nous en remettre à la sagesse du Sénat, accordez-nous donc que nous enrichissons le débat parlementaire et faisons évoluer ce projet de loi ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
M. David Assouline. Mais il n'y a eu aucune évolution !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Si, monsieur Assouline ! Le Gouvernement s'en est remis à la sagesse du Sénat sur certains amendements, ce qui indique tout de même sa volonté d'enrichir le débat parlementaire ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. -Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Pour en revenir à l'article 16 et à la création de cette agence, je répondrai à certains des propos qui ont été tenus et replacerai ce sujet dans son contexte.
Par la loi du 1er août 2003, le Parlement a institué l'Agence nationale de rénovation urbaine. J'ai entendu tout à l'heure un orateur affirmer que nous avions « perdu un an et demi » ! Je rappellerai tout de même qu'il n'y a guère de textes qui, si peu de temps après leur promulgation, ont suscité dans notre pays autant de travaux et de changements !
Nous comptons désormais 105 conventions de rénovation urbaine signées. Ce n'est pas là, me semble-t-il, du « temps perdu » ! Aujourd'hui, 1 500 000 personnes sont concernées par ces rénovations, et je ne crois pas, si nous les interrogions, qu'elles nous diraient qu'il s'agit de « temps perdu » !
Toutefois, aujourd'hui, tout le monde s'accorde à reconnaître que, parallèlement à cet accompagnement urbain, il est impératif d'instituer un suivi social plus soutenu et de simplifier les procédures.
Nous avons tous entendu parler du « parcours du combattant » que doivent suivre les associations, qui sont obligées de monter plusieurs dossiers et de solliciter différents interlocuteurs, pour s'entendre parfois opposer des refus, ou tout au moins n'obtenir que des prises de participation partielles.
Il s'agit là d'un problème au sujet duquel nous pouvons parler de « temps perdu », dans le montage des dossiers ! Par exemple, le premier financeur à avoir donné son accord voulait disposer d'une évaluation de l'action entreprise, alors que celle-ci n'avait pas commencé, pour la bonne raison que le dernier intervenant financier n'avait pas encore donné sa réponse !
Ce que nous vous proposons aujourd'hui, de par la création de cette agence, ce n'est finalement rien d'autre que l'optimisation des outils existants, qui seraient rassemblés autour d'un organisme paritaire qui a fait ses preuves, le FASILD, et dont l'esprit, je tiens à le préciser tout de suite, sera préservé, puisque le conseil d'administration de cette agence sera bien entendu paritaire.
Cette agence a précisément pour objectif de constituer ce lieu unique où les associations pourront déposer leurs dossiers, qui recevront une seule instruction et pourront ainsi avancer plus rapidement.
Tout à l'heure, à l'occasion de l'examen de plusieurs amendements, nous reviendrons sur les missions de l'agence, qui s'organisent autour des populations : celles qui sont issues de l'immigration, ce qui constituait déjà la mission de base du FASILD, mais aussi celles des territoires, en lien avec la politique de la ville.
Pour autant, aucun organisme n'est appelé à disparaître. Le FASILD évolue ; j'ai personnellement rencontré les représentants tant du conseil d'administration du FASILD que des organisations syndicales, et je les ai assurés du maintien des postes. Je le répète aujourd'hui.
Je ne vois pas comment nous pourrions, d'une part, dire que nous nous appuyons sur un outil qui a fait ses preuves et, d'autre part, ne pas garantir les postes et les fonctions de celles et de ceux qui les occupent. C'est un point extrêmement important sur lequel il convient de rappeler la volonté du Gouvernement. De même, nous avons toujours dit que nous souhaitions que les CRILD soient maintenues et qu'elles poursuivent leurs missions sur le plan régional.
S'agissant de la DIV, je rappelle tout d'abord que le poste de délégué interministériel à la ville est maintenu. C'est important, car nous avons besoin de cette mission de prospective. Nous avons plusieurs fois cité, au cours de nos débats, l'excellent travail réalisé par l'Observatoire national des ZUS, sous la conduite de Bernadette Malgorne. Voilà l'un des outils qu'il n'est évidemment pas question de supprimer, car nous en avons trop besoin.
Nous avons également parlé de la dotation de solidarité urbaine. Comment aurions-nous opéré cette modification sans la Délégation interministérielle à la ville ? Bien évidemment, monsieur Dallier, la Délégation continuera d'exister et poursuivra les missions d'administration centrale qui sont les siennes.
De même, la direction de la population et des migrations, la DPM, conserve ses missions. L'ANCSEC aura donc un double système de tutelle, d'un côté la DIV, de l'autre côté, la DPM. C'est un élément important qu'il faut souligner.
J'ai entendu beaucoup de choses sur les crédits des associations. Nous avons eu récemment l'occasion de parler du budget. Chacun sait que les crédits engagés au titre de la politique de la ville atteignent des montants historiques. Il faut poursuivre dans ce sens en vue de maintenir la mobilisation à travers le FIV, la DSU, les équipes de réussite éducative, et c'est bien évidemment dans cette logique que nous nous inscrivons.
Enfin, monsieur Dallier, je vous rappelle qu'il existe deux rattachements en termes de budget : d'un côté, la mission « Intégration », de l'autre côté la mission « Ville et logement ». J'ai bien entendu votre souhait, et nous aurons l'occasion d'en discuter.
Si, comme le souhaite le Gouvernement, le projet de loi est adopté, l'agence pourra être mise en place. Deux chargés de mission seront prochainement nommés à mes côtés à cette fin, l'ANCSEC étant bien évidemment rattachée, comme l'ANRU, au ministère des affaires sociales.
Nous sommes donc dans une approche complémentaire et sociale, seule garante de la politique d'égalité et de cohésion que nous voulons mener pour les quartiers.
En conséquence, le Gouvernement émet un avis tout à fait défavorable sur les amendements identiques nos 332 et 781.
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Madame la ministre, vous avez donné dans votre intervention des précisions que vous n'aviez jamais apportées publiquement.
M. David Assouline. Vous ne les avez jamais apportées, et pour cause : l'Assemblée nationale n'a pas pu en discuter ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)
Mme Catherine Procaccia. Nous sommes au Sénat !
M. David Assouline. Quand vous empêchez le débat et que vous commettez un acte mauvais, nous le répétons inlassablement, pour que vous ne recommenciez plus jamais !
M. Christian Cointat. C'est vous qui empêchez le débat !
M. David Assouline. Sans l'opposition, je ne sais pas quelle aurait été la nature du débat depuis quelques jours ! On constate en effet, à la lecture des comptes rendus, que les membres de l'UMP ont très rarement ouvert la bouche. Heureusement que nous étions là ! Par conséquent, vous n'avez pas de leçon à nous donner ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Cointat. Vous monopolisez le temps de parole, et nous ne pouvons pas nous exprimer !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Nous nous sommes contentés de mener les auditions et de rédiger les rapports...
M. David Assouline. Nous ne monopolisons pas le temps de parole, monsieur Cointat : vous avez le loisir d'intervenir cinq minutes pour expliquer vos votes comme chacun d'entre nous, et nous ne prenons donc pas sur le temps dont vous disposez !
Pour la première fois, madame la ministre, vous avez apporté des réponses importantes quand aux préoccupations des syndicats du FASILD. Ces derniers étaient en effet inquiets.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est parce qu'ils ont vu M. Assouline qu'ils étaient inquiets ! (Sourires.)
M. David Assouline. Je pense néanmoins que vous devez nous répondre sur la situation financière du FASILD : elle était déjà très inquiétante ; vous ne pouvez donc pas dire que vous avez renforcé ses moyens.
Entre 2003 et 2005, les crédits d'intervention, notamment ceux qui étaient destinés aux associations des quartiers les plus défavorisés, ont diminué de 25 % !
La situation financière du FASILD est tellement délicate, que 16 000 personnes non primo arrivantes sur le territoire français sont en attente de formation linguistique. En raison du manque de moyens, le FASILD ne pouvait pas, jusqu'à présent, assurer pleinement cette mission d'accueil des nouveaux arrivants, qui constitue pourtant un axe majeur de la politique publique d'intégration.
Allez-vous, dans le cadre de cette nouvelle agence, non seulement préserver, mais surtout renforcer ces moyens pour l'intégration ?
En vous écoutant, on note que vous allez vous appuyer sur le FASILD, sur ses structures régionales, et sur l'esprit paritaire qui le caractérise. Mais ce dernier ne suffit pas ; il faut aussi la réalité du paritarisme, il faut que les populations immigrées soient directement associées à la gestion des conseils d'administration, et que leur liberté d'action ne soit pas bridée par le rôle de délégué accordé au préfet, représentant de l'État dans le département. (M. Jean-Luc Mélenchon applaudit.)
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je tiens à apporter une précision en ce qui concerne l'intégration.
Monsieur Assouline, permettez-moi de vous rappeler que c'est nous qui avons mis en place la politique d'accueil des nouveaux arrivants, avec les crédits nécessaires, afin que soient dispensés à ces personnes une formation et des cours de français, qui me semblent être la clé de l'intégration, notamment pour les populations féminines !
Vous pouvez toujours me dire que les moyens sont insuffisants ; c'est quand même nous qui avons créé le contrat d'accueil et d'intégration, qui peut prévoir jusqu'à cinq cents heures gratuites de formation par an. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je ne peux pas laisser M. Assouline dire que l'UMP a été absente des débats ! C'est tout de même incroyable ! Il y a cinq rapporteurs, qui sont tous membres de l'UMP, cinq rapporteurs qui ont mené des auditions, rédigé des rapports ! Et l'UMP serait absente ? (M. David Assouline s'exclame.)
Il faut arrêter de tenir ce genre de propos ! Dire que le mouvement majoritaire siégeant ici ne s'est pas exprimé ne correspond pas du tout à la réalité ! Les rapporteurs appartiennent tous à la même famille politique, et vous auriez pu vous en apercevoir, monsieur Assouline !
M. David Assouline. C'est extraordinaire d'être à ce point partisan !
Mme la présidente. La parole est à M. Gérard Cornu.
M. Gérard Cornu. Il y a des mots qui me heurtent et que je ne peux pas laisser passer.
Il est inconvenant de nous reprocher de ne pas avoir de débat démocratique dans cet hémicycle !
Mme Éliane Assassi. Vous n'avez rien dit sur le CPE !
M. Gérard Cornu. Depuis ce matin, nous débattons, pour notre part, sur le vif, sans nous contenter de lire des discours écrits !
Franchement, reprocher à la majorité de ne pas débattre avec le Gouvernement, c'est un peu déplacé !
M. David Assouline. Ça fait huit jours !
M. Gérard Cornu. Le problème, monsieur Assouline, c'est que vous êtes toujours contre tout ! (Mme Catherine Procaccia applaudit.) Vous êtes contre le Gouvernement, cela semble normal ; vous êtes contre la majorité, cela paraît également normal ; mais même lorsque la majorité dialogue avec son gouvernement, qu'elle essaie de le faire de façon constructive et que cela va dans votre sens, vous êtes encore contre,...
M. David Assouline. Non, je suis content !
M. Gérard Cornu. ... allant jusqu'à affirmer que le Gouvernement s'est vu infliger un désaveu !
Mais ce n'est pas cela le débat démocratique ! Le débat démocratique, c'est quand la majorité et le Gouvernement débattent. Mais quand les membres de la majorité suivent le Gouvernement, vous les accusez d'être des godillots ; quand ils dialoguent avec le Gouvernement, vous n'êtes encore pas d'accord !
M. David Assouline. Si, je suis content !
M. Gérard Cornu. Vraiment, cela suffit ! Vous êtes systématiquement contre tout ! On sait, dès que vous prenez la parole, que vous serez contre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne veux pas intervenir sur ce sujet ; laissons aux sénateurs de la majorité le soin de régler avec leurs électeurs le problème du débat démocratique. On voit d'ailleurs à quel point ces derniers sont contents, à l'heure actuelle.
M. Roger Karoutchi. On s'en sort plutôt bien !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, vous nous avez donné un certain nombre d'explications, mais vous n'avez pas répondu aux questions qui vous étaient posées !
Quant à M. le rapporteur, il a simplement dit qu'il approuvait la création de l'agence, et qu'il était par conséquent défavorable aux amendements, sans donner aucune explication.
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous sommes pour l'agence, nous répondrons ensuite !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il existe certains organismes dont on considère qu'ils ont une grande utilité et qu'ils ont mené des actions nécessaires.
On peut néanmoins leur reprocher d'avoir des moyens totalement insuffisants. Certes, je ne parle pas en chiffres absolus. Mais étant donné que le contrat d'accueil et d'intégration a absorbé 80 % des moyens du FASILD, les crédits consacrés aux autres actions ont évidemment diminué : ainsi, les moyens d'intervention des associations, depuis deux ou trois ans, sont en baisse de quelque 50 %. Il y a donc un gros problème à cet égard.
Or, vous n'avez cessé à chaque occasion, madame la ministre, de louer les associations. Cela étant dit, heureusement que le tissu associatif existe, parce que, dans le même temps, les moyens d'intervention des services publics de l'État étaient toujours en régression.
Soyons cohérents ! Considère-t-on que le tissu associatif joue un rôle de service public ? Si tel est le cas, il faut alors lui accorder plus de crédits pour qu'il dispose des moyens d'intervention qui lui sont nécessaires, ce qui n'empêche d'ailleurs pas d'apporter des modifications en termes d'organisation et de fonctionnement.
On reproche aujourd'hui au FASILD une absence de concertation. Mais comment pouvez-vous coordonner les actions s'il n'existe pas de concertation avec les gens que vous considérez comme les acteurs de l'action publique à l'égard des populations visées ?
Nous avons fait état d'autres éléments méritant considération. J'ai déjà parlé de l'affaiblissement du secteur associatif, de ma crainte d'une instrumentalisation du fait de la « coordination » de l'État, d'un amoindrissement de la capacité d'action interministérielle.
Madame la ministre, vous nous dites que l'agence sera placée sous la tutelle du ministère des affaires sociales. Mais il est écrit en toutes lettres dans l'article 16 que le représentant de l'État dans le département est le délégué de cette instance au sein de son conseil d'administration. Par ailleurs, le projet de loi CESEDA, tendant à modifier le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que nous allons examiner prochainement, fait clairement apparaître que l'action de l'agence est placée sous la tutelle du ministère de l'intérieur. Or il ne me paraît pas normal que ce dernier - je ne vise nullement le ministre de l'intérieur - exerce une tutelle sur tous les organismes qui interviennent sur le tissu social, en particulier en matière d'immigration.
Ces questions méritent vraiment d'être débattues. Certes, le Gouvernement donne des explications, mais ces dernières ne sont pas convaincantes.
J'en conviens, madame la ministre, vous avez indiqué que certains points, pour le moins un peu hasardeux, pourraient être modifiés.
Par ailleurs, nous allons avoir de longues discussions à l'occasion de l'examen du projet de loi CESEDA. Nous pourrions donc, à mon avis, nous dispenser aujourd'hui de procéder à cette réforme, puisque nous aurons l'occasion de revenir ultérieurement sur le sujet.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 332 et 781.
Je suis saisie de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 119 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 51, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Remplacer les trois premiers alinéas de cet article par six alinéas ainsi rédigés :
Le code de l'action sociale et des familles est ainsi modifié :
1° L'intitulé de la section 5 du chapitre I du titre II du livre Ier est ainsi rédigé :
« Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations »
2° Les articles L. 121-14 et L. 121-15 sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Section 6
« Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement porte sur la structure du code de l'action sociale et des familles, et vise à insérer correctement dans ce dernier le dispositif de l'agence.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. L'amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles :
« Art. L. 121-14. - L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances est un établissement public national à caractère administratif. Elle contribue à des actions en faveur des personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle.
« Elle met en oeuvre, d'une part, sur le territoire national, des actions visant à l'intégration des populations immigrées et issues de l'immigration résidant en France. Elle concourt à la lutte contre les discriminations. Elle contribue également à la lutte contre l'illettrisme et à la mise en oeuvre du service civil volontaire.
« Elle participe, d'autre part, aux opérations en faveur des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville.
« L'Agence mène directement des actions ou accorde des concours financiers, après optimisation des crédits de droit commun, notamment dans le cadre d'engagements pluriannuels, aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale compétents et aux organismes publics ou privés, notamment les associations, qui conduisent des opérations concourant à ces objectifs. Elle veille à une mise en oeuvre équitable de ces crédits sur l'ensemble du territoire national.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement tend à réécrire l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles. Cette nouvelle rédaction définit les missions de la nouvelle agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
Elle a plusieurs objets. Elle vise, tout d'abord, à améliorer la clarté et la compréhension du texte, et à bien distinguer les missions de l'agence qui s'appliquent à l'ensemble du territoire national et celles qui relèvent de la politique de la ville. Ce souci avait d'ailleurs conduit notre collègue Philippe Dallier, rapporteur pour avis de la commission des finances, à déposer l'amendement n° 316, qui deviendra sans objet si l'amendement n° 52 rectifié est adopté.
La rédaction proposée vise aussi à reprendre deux points importants traités par notre collègue Valérie Létard dans l'amendement n° 522 rectifié, à savoir une mise en oeuvre équitable des actions de l'agence sur l'ensemble du territoire national et l'importance d'une mobilisation des crédits de droit commun pour ces actions, au-delà même des crédits spécifiques dont elle bénéficiera.
Soyez assurés, madame Létard, monsieur Dallier, que, avec l'amendement n° 52 rectifié, j'ai voulu répondre à vos souhaits.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Madame la présidente, le Gouvernement est favorable à cet amendement, qui permet de préciser et de clarifier la définition de l'agence, en ajoutant des éléments tout à fait intéressants qui mettent clairement en avant ses missions.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 456 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 52 rectifié pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles, remplacer les mots :
l'égalité des chances
par les mots :
l'égalité des droits
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Il est important de préciser certaines notions.
Comme l'ont déjà dit de nombreux collègues, ce projet de loi a peu de chose à voir avec la lutte pour l'égalité des droits.
En effet, madame la ministre, ce texte traduit l'esprit de la politique du Gouvernement qui, après avoir fait preuve d'un certain « populisme pénal » consistant à faire croire à nos concitoyens que l'on peut leur apporter une sécurité totale à partir du moment où seraient placés sous les verrous tous les délinquants, met aujourd'hui en place une sorte de « populisme social ». Ce dernier vise à faire croire que, parlant d'égalité des chances, ce sont les discriminations que l'on tente de faire reculer, la cohésion que l'on renforce en ramenant tout le monde au même niveau.
Mais, une fois atteint ce niveau de fausse égalité, que j'appelle pour ma part « égalité apparente », chacune et chacun devrait pouvoir réussir. Or, l'égalité des chances, telle que vous la proposez, n'est rien d'autre que l'exacerbation d'une société fondée sur la méritocratie, une société dans laquelle le modèle économique ultralibéral est appliqué jusque dans les rapports sociaux.
Comme le fait justement remarquer le sociologue François Dubet, ce projet de loi pour l'égalité des chances, notamment à travers la proposition de création de l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, « ne vise pas à produire une société égalitaire, mais une société dans laquelle chacun peut concourir à égalité dans la compétition visant à occuper des positions inégales ».
Le Gouvernement semble partir du postulat qu'il suffit que les vainqueurs de l'égalité des chances possèdent toutes les ressources et que les autres n'en aient aucune, sous le seul prétexte qu'ils auraient moins de mérites, pour que toutes les discriminations sociales, économiques, territoriales, voire sexuelles, soient dès lors acceptables.
Dans ce projet de loi, ce qui compte n'est pas tant de mettre un terme aux processus inégalitaires fondés sur la reproduction des rentes, des héritages et des privilèges, de la pauvreté et de l'exclusion, ces diverses ségrégations qui interdisent aux femmes, aux minorités, aux enfants de migrants, aux personnes en situation de handicap ou fragilisées, d'entrer dans une compétition équitable. Ce texte vise plutôt à permettre à ce que j'appellerai une « élite de classe » d'entrer dans cette même compétition.
La volonté d'établir l'égalité des droits civiques, civils et sociaux n'est pas au coeur de ce projet de loi. La réduction des inégalités sociales est positionnée à l'ultime périphérie de la politique de ce gouvernement.
Il faut reconnaître que le FASILD n'est pas un instrument parfait et qu'il devait être réformé en profondeur.
Cependant, son excellent personnel a tenté avec courage et volontarisme, certes parfois maladroitement et en commettant des erreurs, de répondre à cette exigence d'une justice sociale et citoyenne.
Au lieu de démanteler le FASILD, ce gouvernement, après avoir tiré les conséquences de ce qui allait bien et ce qui allait moins bien et avoir apprécié les points qui devaient être modifiés, aurait dû renforcer les missions et les compétences de cet organisme, voire les préciser, et augmenter ses moyens humains et financiers.
Précédemment, j'évoquais le « populisme social » qui apparaît dans le titre de ce projet de loi comme dans la dénomination de l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
L'amendement n° 456 rectifié est une réaction à cette même volonté de vouloir faire croire aux Français que, en créant une nouvelle agence ayant des missions largement étendues, on agit efficacement contre les inégalités sociales. Dans les faits, c'est totalement le contraire.
En élargissant les missions de l'agence susvisée aux actions en faveur de toute personne qui, sur le territoire national, rencontre « des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle », c'est justement l'efficacité même de cette instance que vous affaiblissez. Avec un champ d'intervention ainsi défini, l'agence serait supposée s'occuper d'un trop grand nombre de personnes. Elle couvre potentiellement toutes les actions à caractère social menées non seulement dans les quartiers dits « sensibles », mais aussi sur tout le territoire. Les missions d'intégration et de lutte contre les discriminations spécifiques, actuellement remplies par le FASILD, seront noyées dans un ensemble aux frontières inconnues et incohérentes.
Il convient de recentrer les missions de la future agence sur ce qui constituait le coeur de celles du FASILD. Ce fonds mène depuis 1958 des actions en faveur de l'intégration des populations immigrées et de leur famille. Il a su évoluer en fonction de la politique d'intégration suivie, notamment en 2001 en se réorientant vers la lutte contre les discriminations. Ses missions ont été confirmées en 2005 par l'actuel gouvernement dans la loi de programmation pour la cohésion sociale. Sa remise en cause et sa disparition avec la mise en place de la nouvelle agence ne sont aucunement justifiées et comportent un risque important pour la mise en oeuvre de la politique publique d'intégration et de lutte contre les discriminations.
Or ce recentrage des missions est indispensable pour l'effectivité et l'efficacité de la lutte contre les inégalités.
C'est pourquoi j'ai proposé de modifier la dénomination de l'agence et de remplacer les mots « l'égalité des chances » par les mots « l'égalité des droits », ce qui montrerait que notre objectif est réel. Il s'agit de donner non seulement des chances mais aussi des droits pour se battre réellement contre les inégalités sociales et les discriminations.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 901, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. Supprimer la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 52 rectifié pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles.
II. Remplacer les deuxième et troisième alinéas du texte proposé par l'amendement n° 52 rectifié pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles par six alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cadre de la politique en faveur de la cohésion sociale et de l'égalité des chances définie par le Gouvernement, elle participe à des actions en faveur des personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle qui habitent dans des zones prioritaires de la politique de la ville mentionnées à l'article 42 de la loi n°95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ou dans les quartiers mentionnés à l'article 6 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
« Elle contribue également, sur l'ensemble du territoire national :
« 1° à la mise en oeuvre d'actions visant à l'intégration des populations immigrées et issues de l'immigration ;
« 2° à la mise en oeuvre d'actions visant à prévenir les discriminations ;
« 3° à la lutte contre l'illettrisme ;
« 4° à la mise en oeuvre du service civil volontaire.
La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Il est retiré, madame la présidente.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 901 est retiré.
Le sous-amendement n° 900, présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme David, M. Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
visant à
rédiger comme suit la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 52 rectifié pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles :
lutter contre les discriminations spécifiques dans l'accès au travail, au logement ou aux loisirs dont peuvent être victimes les habitants des zones urbaines sensibles et les personnes étrangères résidant en France.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L'article 16 vise à créer une nouvelle institution, l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, et ce, je vous le rappelle, sans aucune concertation préalable avec les associations et les personnels des organismes qu'elle est censée remplacer.
Le premier alinéa dudit article dispose que l'agence est un établissement public national à caractère administratif et que ses missions sont la mise en oeuvre d'actions en faveur des habitants des zones urbaines sensibles, la contribution à la lutte contre l'illettrisme, la mise en oeuvre d'actions en faveur des personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle, un concours à la lutte contre les discriminations, l'intégration des populations immigrées et issues de l'immigration résidant en France.
Force est de constater que l'agence se voit assigner des objectifs exagérément larges et ambitieux, au risque qu'ils constituent une coquille vide.
En effet, prioritairement concentrée sur les quartiers dits sensibles, l'agence sera sans doute contrainte, par manque de moyens, de n'intervenir que sur ces zones. Cela renforcera alors par amalgame la stigmatisation de certains publics.
L'amalgame fait, dans ce projet de loi, entre illettrisme, quartiers sensibles, immigrés et paupérisation, n'est pas de nature à encourager la mise en oeuvre d'actions prônant le « vivre ensemble » et favorisant le lien social.
L'agence ayant des missions mal définies, nous nous demandons donc quelles réponses justes et efficaces elle sera susceptible d'apporter, alors que le FASILD ou la délégation interministérielle à la ville ont permis le développement d'une réelle concertation entre les différents acteurs, la production et la diffusion de connaissances fondamentales sur l'immigration, les processus d'intégration, la lutte contre les discriminations, l'impulsion de projets innovants tels que l'accompagnement à la scolarité ou la lutte contre les discriminations dans l'emploi.
L'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, pendant de l'ANRU, se dirige tout droit vers un traitement des questions sur le plan local, essentiellement technique et comptable, délaissant la réflexion et la compréhension transversales des problématiques au profit d'un fonctionnement rigide sans concertation avec l'ensemble des acteurs de terrain.
Nous déplorons que la lutte contre les discriminations n'ait pas été placée au coeur des missions de la nouvelle agence.
Selon l'article 16, l'agence « concourt à la lutte contre les discriminations », ce qui n'est pas suffisant. Seules de véritables actions visant à changer les pratiques des acteurs publics et privés, du type de celles que mène le FASILD depuis 2001, sont de nature à réduire les inégalités de traitement, combattre les discriminations et permettre l'accès aux droits fondamentaux que sont l'emploi et le logement.
Vous comprendrez donc aisément, mes chers collègues, pourquoi nous ne pouvons que vous inviter à adopter ce sous-amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 898, présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme David, M. Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 52 rectifié pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles, supprimer les mots :
et issues de l'immigration
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. L'article 16 prévoit que l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances met en oeuvre des actions visant à l'intégration des populations issues de l'immigration résidant en France. J'informe ceux qui ne le sauraient pas que des millions de nos concitoyens sont issus de l'immigration.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Presque tous ! Il suffit de remonter assez loin !
Mme Éliane Assassi. Certains, même, siègent ici, dans notre honorable institution.
De fait, cette dénomination « issues de l'immigration » ne signifie pas grand-chose, sauf que l'on veut intégrer à la société française des personnes qui sont françaises.
Alors qu'il est question, dans ce titre II, de lutter contre les discriminations, le Gouvernement stigmatise et, donc, discrimine les personnes qui ont reçu des origines étrangères en héritage en en faisant une catégorie de citoyens à part, voire des sous-citoyens, puisqu'il serait nécessaire, selon lui, de les intégrer à notre société.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Bravo !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 902, présenté par Mme Printz, Demontès, Alquier, San Vicente, Le Texier et Khiari, M. Godefroy et les membres du groupe socialiste, est ainsi libellé :
Modifier comme suit le texte proposé par l'amendement n° 52 rectifié pour l'article L. 121?14 du code de l'action sociale et des familles :
I. - Compléter la première phrase du deuxième alinéa par les mots :
avec le concours du fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations
II. - Dans la dernière phrase du deuxième alinéa, après les mots :
l'illettrisme
insérer les mots :
avec le concours de l'agence contre l'illettrisme
III. - Compléter le troisième alinéa par les mots :
avec le concours de la délégation interministérielle à la ville
La parole est à Mme Christiane Demontès.
Mme Christiane Demontès. L'amendement n° 52 rectifié, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, tend à préciser le champ territorial d'action de l'agence, en distinguant les actions sur le territoire national et les opérations en faveur des habitants des quartiers en difficulté.
On pourrait penser que cette clarification est intéressante, de même que la prise en compte de l'optimisation des crédits de droit commun.
Cela dit, on peut s'interroger - cela a déjà été dit dans les interventions sur l'article - sur la nécessité de la création de cette nouvelle agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. En effet, un certain nombre d'organismes existent déjà, qui travaillent et ont acquis de l'expérience : le FASILD, l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, la délégation interministérielle à la ville, notamment, ont ainsi été évoqués.
Toutes ces structures qui, depuis un certain nombre d'années, ont accumulé de l'expérience dans ce domaine de la cohésion sociale méritaient peut-être de voir leurs moyens accrus et leurs missions précisées, plutôt qu'être absorbées dans une agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
En proposant une nouvelle rédaction de l'article 16, la commission des affaires sociales n'aurait-elle pas comme objectif prioritaire de rendre sans objet les amendements qui suivent ? Si tel est bien son objectif,...
M. Guy Fischer. C'est tout à fait cela !
Mme Christiane Demontès. ... nous le trouvons particulièrement irrespectueux et plutôt antidémocratique.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas de procès d'intention !
M. Guy Fischer. Ce sera à vérifier !
Mme Christiane Demontès. Pas de procès, je vous l'accorde, monsieur About ! Mais il est permis, en toute bonne foi, de s'interroger sur vos objectifs.
M. Christian Cointat. Et nous, nous nous interrogeons sur les vôtres !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous n'avons pas demandé la priorité !
Mme Christiane Demontès. Par ce sous-amendement, nous souhaitons réintroduire précisément et explicitement le concours du FASILD dans l'intégration des populations immigrées et issues de l'immigration résidant en France, ainsi que celui de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme dans la lutte, justement, contre l'illettrisme, lutte qui est assignée à l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, et, enfin, le concours de la délégation interministérielle à la ville pour les opérations en faveur des habitants des quartiers déclarés prioritaires par la politique de la ville, ce pour les raisons que je viens d'évoquer et parce qu'il est important, selon nous, de renforcer les moyens de ces structures.
Il nous semble que ce n'est pas cette nouvelle agence qui réglera le problème, et qu'elle a au contraire pour vocation d'absorber des dispositifs et des structures existants qui réalisaient un travail tout à fait intéressant. Mme Assassi l'ayant dit, je n'y reviens donc pas.
La proposition de la commission des affaires sociales me conduit à formuler plusieurs remarques.
Nous nous interrogeons sur la disparition d'un échelon territorial : en effet, le FASILD était aussi organisé en délégations régionales, qui avaient un rôle de coordination sur le territoire. Or, la nouvelle agence aura un échelon national et un échelon départemental.
Pourquoi avez-vous peur de cet échelon régional ? Il vous faudra bien nous répondre sur ce point.
Nous nous interrogeons également sur les moyens. Je tiens à revenir rapidement - d'autres le feront après moi - sur le FASILD, qui a vu ses missions recentrées sur les contrats d'intégration pour les primo arrivants, missions auxquelles sont désormais consacrés 80 % de ses crédits.
En ma qualité d'élue locale, je tiens à souligner que toutes les actions de lutte contre l'illettrisme qui n'étaient pas destinées aux populations primo arrivantes ont été transférées de manière assez opaque à ceux qui, aujourd'hui, ont la compétence de la formation professionnelle, en particulier, donc, aux conseils régionaux. Nous protestons vigoureusement contre cet état de fait.
Nous nous interrogeons également sur la place des associations qui oeuvrent auprès des populations en difficulté non seulement dans les quartiers difficiles des villes, mais aussi dans d'autres territoires de notre pays, en particulier dans les zones rurales en revitalisation, où vivent également des personnes en grande difficulté. Leurs représentants ne siégeront plus au conseil d'administration de l'agence, alors qu'ils participent à celui du FASILD.
Mme la présidente. Veuillez conclure, ma chère collègue !
Mme Christiane Demontès. Il faut, selon nous, rétablir cette participation des associations. Tel est l'objet d'amendements que nous présentons, dont j'espère qu'ils ne deviendront pas sans objet du fait de l'adoption de l'amendement de la commission. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 899, présenté par MM. Muzeau et Fischer, Mme David, M. Voguet et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le mot :
illettrisme
supprimer la fin de la dernière phrase du deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 52 rectifié pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles.
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Ce sous-amendement vise à supprimer la mise en oeuvre du service civil volontaire des missions de la nouvelle agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
C'est un sous-amendement de cohérence : en effet, par l'amendement n° 811, nous demanderons la suppression de l'article 28, aux termes duquel est prévue la création de ce service civil volontaire.
Néanmoins, je tiens à m'attarder un instant sur ce qui nous est proposé, car, même si notre amendement de suppression de l'article 28 n'était pas adopté, notre sous-amendement actuel pourrait être valide.
Il est prévu, à l'article 28, qu'est « institué un agrément de service civil volontaire, qui sera attribué par l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances » et que des subventions seront versées à l'organisme d'accueil qui « s'engage à former le jeune, notamment aux valeurs civiques, et à l'accompagner tout au long de son contrat ».
Faut-il rappeler que ce service civil correspond non pas à un nouveau statut, mais à un simple label, qui fédère des dispositifs d'ores et déjà existants ? Or, dans aucun des dispositifs prévus pour porter ce service, il n'est prévu qu'un agrément doit être demandé à la nouvelle agence. Les conditions nécessaires à l'obtention de ce label n'y sont pas non plus précisées.
Il n'y a donc aucune raison pour que les organismes gestionnaires des dispositifs - cadets de la République, projet « défense deuxième chance », volontariat associatif - demandent un tel agrément, qui leur impose de satisfaire à de nouvelles obligations. Ne suffirait-il pas que ce label soit attribué automatiquement pour les deux premiers dispositifs ? En ce qui concerne le cadre du volontariat associatif, ce label pourrait être attribué lors de l'agrément de la mission de volontaire, qui doit être demandé auprès d'une autorité administrative.
Même si nous désapprouvons la mise en place d'un service civil volontaire, nous ne comprenons pas pourquoi cet agrément est si compliqué à obtenir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 896 rectifié, présenté par M. Virapoullé, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 52 rectifié pour l'article L. 121-14 du Code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :
En outre, dans ses interventions, l'Agence prend en compte les spécificités des départements d'outre-mer.
La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.
M. Jean-Paul Virapoullé. De grands penseurs ont mieux défini que nous ce qu'est l'égalité des chances. Ainsi, selon Aristote, il n'y a rien de plus injuste que de traiter également des choses inégales.
Dès lors, l'égalité des chances devient, pour nous, l'école de la réalité.
Dans l'école de la réalité, il convient de ne pas imposer au petit-fils d'immigré ou au fils d'immigré qui arrive dans notre pays sans savoir parler français le même rythme scolaire qu'aux enfants qui maîtrisent bien notre langue.
Le concept d'égalité des chances veut que l'on considère l'apprentissage d'un métier manuel non pas comme la sanction d'un échec de l'élève dans l'enseignement général, mais comme le point de départ d'une réussite dans la vie professionnelle.
L'égalité des chances, grâce à cette agence, sera de faire du sur-mesure par rapport à la réalité vécue de ceux qui souffrent.
Pourquoi, dès lors, faire un procès d'intention à une institution nouvelle de la République dont la mission est d'aller au fond des problèmes que nous avons évité de résoudre au cours des décennies passées et qui sont à l'origine du mal des banlieues et de la tension que nous vivons ?
M. David Assouline. Mais non !
M. Jean-Paul Virapoullé. Dans ces conditions, madame la ministre, vous comprendrez que nous soutenons non seulement ce projet de loi, mais aussi les grandes orientations du Gouvernement.
M. Jean-Paul Virapoullé. Pourquoi certains refusent-ils que l'apprentissage soit généralisé pour les jeunes qui ont envie de s'y lancer ? Quel enseignant n'a pas entendu un adolescent lui dire qu'il en a assez d'aller au collège...
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Hors sujet !
M. Jean-Paul Virapoullé. ... et qu'il a envie d'être boulanger, mécanicien, d'apprendre un métier qu'il aime ? Pourtant, le système actuel l'oblige à faire de l'algèbre, à parler anglais alors qu'il ne parle pas bien français !
Le Gouvernement a raison de faire appel à sa vocation en lui donnant la chance de réussir là où il le souhaite.
S'agissant des départements d'outre-mer, la situation est encore plus compliquée. S'il est un territoire de la France où l'inégalité des chances existe à cause de la géographie, c'est bien la Réunion. Cette petite île, qui fait partie d'un archipel, se situe à plus de 10 000 kilomètres de Paris. Les bassins de misères sont présents partout, les marchés limités et les coûts de production élevés. Et pour venir en métropole comme étudiant, se former, travailler ou reprendre une entreprise, cela coûte très cher.
M. David Assouline. Cela n'a rien à voir !
M. Jean-Paul Virapoullé. Si ! Voilà pourquoi, en adhérant au processus de création de l'ANCSEC, nous demandons que cette agence prenne en compte la réalité vécue outre-mer et facilite l'intégration. Mon cher collègue, 4 000 jeunes quittent chaque année la Réunion, pour venir se former, travailler et, bientôt, commencer à reprendre des entreprises en métropole. C'est le juste retour de l'investissement que vous avez fait dans les départements d'outre-mer. Ici, la population vieillit. Nous avons des jeunes qui ont besoin de vivre dans la dignité par leur travail. La France est une république unitaire, qui leur donnera le moyen de s'épanouir. Et ce projet de loi est un vecteur.
Et puis, dans la vie, il faut parfois faire son examen de conscience. Qui peut dire, dans cet hémicycle, qu'un gouvernement de droite ou de gauche a parfaitement réussi dans ce domaine ? Personne ! Ce projet de loi est l'expression d'une volonté politique claire et affirmée.
M. Christian Cointat. Très bien !
M. Jean-Paul Virapoullé. Nous plaçons notre confiance dans ce texte, en espérant qu'il réussira là où d'autres ont échoué.
Mme Paulette Brisepierre. Absolument !
M. Jean-Paul Virapoullé. J'ai écouté avec attention et respect mes collègues de l'opposition. Mais, pour conclure, je me permettrai de dire que, si l'art est difficile, la critique est facile. Regardez le bilan des années écoulées : la délinquance n'a pas diminué,...
M. David Assouline. Avec Sarkozy non plus !
M. Jean-Paul Virapoullé. ...pas plus que l'échec scolaire (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mes chers collègues, procédons juste à un examen de conscience :...
Mme Éliane Assassi. On n'est pas à la messe !
M. Jean-Paul Virapoullé. ...pouvez-vous affirmer avec sincérité que, lorsque vous étiez au Gouvernement, l'échec scolaire a diminué ? (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Pouvez-vous dire que la tension dans les banlieues a diminué ?
Alors, à un gouvernement qui veut oeuvrer pour la paix sociale, pour l'égalité des chances, c'est-à-dire traiter chacun en fonction de sa vocation, de ses capacités,...
M. Alain Gournac, rapporteur. Bravo !
M. Jean-Paul Virapoullé. ...en mettant à sa disposition les atouts qui conviennent, nous disons « oui » ! (Mme Nicole Borvo s'exclame.)
Voilà pourquoi je propose ce sous-amendement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Mme Anne-Marie Payet applaudit également.)
M. David Assouline. Nous, nous disons « non » !
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 897, présenté par Mme Létard, est ainsi libellé :
Compléter le troisième alinéa du texte proposé par l'amendement 52 rectifié pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles par une phrase ainsi rédigée :
Dans le cadre de ces actions, elle promeut l'accessibilité au savoir et à la culture.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. Avant de présenter ce sous-amendement, je voudrais remercier M. Gournac d'avoir bien voulu reprendre, au nom de la commission des affaires sociales, deux propositions que j'avais formulées dans l'amendement n° 522 et qui me paraissaient essentielles : l'équité territoriale, qu'il faut absolument maintenir, ainsi que le caractère additionnel des crédits de l'agence, en tout cas des outils de cette dernière, par rapport aux crédits de droit commun.
Pour compléter la définition présentée par M. Gournac dans l'amendement n° 52 rectifié, il me semble intéressant de prévoir l'accessibilité au savoir et à la culture, qui font partie intégrante des missions de l'agence. Dans le cadre de la politique de la ville, certaines actions prioritaires devront être déterminées. Celle-là figure parmi les plus essentielles.
L'éducation est à la base de tout. Il me semble donc nécessaire de préciser la définition proposée. Il sera ainsi possible, dans le cadre des décrets d'application, d'aboutir à un outil permettant une mise en oeuvre organisée et coordonnée de l'ensemble des politiques publiques, qui visent les populations en difficulté et les quartiers sensibles.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 88 rectifié, présenté par M. P. André, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n° 52 rectifié pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle participe, par la conclusion de conventions pluriannuelles, au financement des contrats passés entre les collectivités territoriales et l'État pour la mise en oeuvre d'actions en faveur des quartiers visés au premier alinéa.
La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Avant de vous présenter ce sous-amendement, je tiens à rendre un hommage tout particulier à Mme le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard César. Très bien !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Madame le ministre, merci de votre écoute, et merci surtout de nous entendre.
M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. En effet, il n'y a rien de plus beau, dans un Parlement, lorsque nous est soumis un texte aux contours un peu trop technocratiques, ...
M. David Assouline. Sans concertation !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. ... qu'une écoute attentive nous permette d'obtenir un avis de sagesse de la part du Gouvernement.
J'ai entendu certains propos tout à l'heure, et je voudrais dire que, pour moi, il n'y a pas un gouvernement qui gagne, et une assemblée qui perd. La seule chose qui m'intéresse, c'est que la population et les jeunes de nos quartiers en difficulté...
M. Alain Gournac, rapporteur. Très bien !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. ...soient les gagnants des actions que nous avons engagées et de celles que nous menons actuellement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Madame le ministre, merci également d'avoir lancé cette idée de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
Faisons brièvement l'historique de la politique de la ville. À un moment, il faut quand même prendre les choses par un bout.
Lorsque nous avons proposé, en 2003, la création de l'Agence nationale de la rénovation urbaine, que n'avons-nous pas entendu dans cet hémicycle ! D'aucuns disaient qu'il ne fallait pas commencer par couler du béton, et que, au lieu du logement, il valait mieux s'intéresser à l'aspect social des quartiers en difficulté. D'autres prétendaient que les constructeurs ne pourraient plus agir, que les fonds seraient introuvables.
Or nous nous apercevons aujourd'hui que les méthodes de travail et les réalisations de l'ANRU ne sont plus contestées.
Je tiens maintenant à m'adresser à tous mes collègues qui sont maires. Certains, à l'instar de M. Assouline, regrettent que les choses n'aillent pas assez vite. Mais ils savent bien que, dans un pays comme le nôtre, à force de légiférer, de réglementer, de normaliser (M. David Assouline s'exclame) au niveau national et européen, il faut environ cinq ans entre le moment où un projet de rénovation urbaine est décidé et celui où la première pierre est posée.
M. Pierre André, rapporteur pour avis. C'est cela qui est ennuyeux. Les dossiers ANRU qui sont traités sont ceux qui étaient prêts avant la loi. Et actuellement, les dossiers qui font l'objet d'une instruction ne seront pas clos avant longtemps, parce que les contraintes sont trop nombreuses.
Permettez-moi de vous citer l'exemple des recherches archéologiques, qui paraît tout à fait aberrant. Il faut parfois deux ou trois ans pour construire un bâtiment, uniquement parce que l'on a retrouvé deux cuillères romaines... (Murmures sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Je rappelle que l'ANRU n'est pas la seule mesure à avoir été prise en faveur de la ville. Cela a l'air de vous déranger, car vous n'en parlez pratiquement pas ! Il y a eu aussi la réforme de la DSU, qui a permis de doubler, de tripler, voire de quadrupler les sommes accordées aux communes les plus en difficulté.
Mme Nicole Bricq. Sur quels critères ?
M. Pierre André, rapporteur pour avis. D'ailleurs, comme M. Borloo le disait voilà peu de temps, certains se sont parfois servis de ces dotations pour baisser la fiscalité. Je ne crois pas que c'était le but recherché.
Ce matin, de nouvelles mesures ont été prises en faveur des zones franches urbaines, et quinze zones seront créées.
M. David Assouline. Lesquelles, au fait ?
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Mystère !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Elles permettront de créer des emplois dans les quartiers les plus difficiles. En effet, pour obtenir une zone franche urbaine, des règles très précises doivent être respectées.
Mme Nicole Bricq. Qu'il faut d'ailleurs revoir !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Peut-être, mais vous voulez toujours tout revoir, et vous reprochez que l'on n'avance pas !
Et voici maintenant l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. C'est la réponse à tous ceux qui regrettaient que nous ne prenions pas véritablement en main, au titre de la politique de la ville, les problèmes sociaux des quartiers.
Mme Michèle San Vicente. Ce n'est pas la réponse !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Avec vous, il n'y a jamais de réponse ! Vous ne savez jamais quand il faut commencer, par où, et l'on sait très bien où cela vous a menés.
M. David Assouline. Nous savons très bien où cela vous mènera !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Nous ne voulons pas prendre le même chemin que vous.
Nous menons actuellement au Sénat des travaux dans le cadre de la mission d'information sur les quartiers en difficulté. Il est important d'éviter toute confusion. Nous sommes pratiquement tous tombés d'accord, quelles que soient nos sensibilités politiques, pour dire que, dans les quartiers, il faut avant tout renforcer les politiques de droit commun.
M. David Assouline. La République !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Mais nous devons aussi pouvoir bénéficier d'un outil de travail spécifique permettant de prendre en charge les actions menées dans les quartiers.
Cette agence nationale présente un premier intérêt : elle remet le maire et les élus locaux au centre de la politique de la ville. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui !
M. David Assouline. L'Etat se défausse !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. J'ai entendu parler d'agence départementale. C'est d'un ridicule sans nom ! Nous souhaitons que le maire et les élus locaux déterminent un programme localement, de façon à prendre réellement en charge les difficultés du quartier.
M. David Assouline. Ils n'arrêtent pas de le faire !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Ils pourront contractualiser avec l'État sur des périodes relativement longues. Vous vous dites les défenseurs des associations. Mais nous, nous les soutenons !
M. David Assouline. Elles ne le pensent pas !
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Actuellement, nous souhaitons assurer, par le biais de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, des financements pluriannuels aux associations, qui sont aujourd'hui dans l'illisibilité la plus totale. Et c'est en travaillant avec l'ensemble du tissu associatif sur le moyen terme que notre action sera plus efficace.
Enfin, madame le ministre, vous allez nous proposer, dans les jours ou les semaines qui viennent, la nouvelle procédure de contractualisation. Au nom de la commission des affaires économiques du Sénat, je vous remercie d'avoir pris très largement en compte ses travaux. Je pense notamment au rapport sur les contrats de ville, dans lequel nous demandions une forte simplification des actions menées et une grande concertation, afin que soient retenues, pour traiter les problèmes de la ville, les idées des collectivités et des associations. Merci d'avoir travaillé si souvent avec nous. Les nouveaux contrats seront certainement plus efficaces que ceux que nous avons connus depuis six ans.
Le sous-amendement n° 88 rectifié permet de conclure des conventions pluriannuelles pour sécuriser tous ceux qui travailleront, au travers des contrats de ville, avec l'Agence nationale pour la cohésion sociale.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. S'agissant du sous-amendement n° 456 rectifié, la commission émet un avis totalement défavorable !
Prenant connaissance de ce sous-amendement visant à remplacer l'expression « égalité des chances » par « égalité des droits », je me suis dit : « Mais ce n'est-ce possible ! Il doit y avoir un problème quelque part ! »
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je rêve !
M. Alain Gournac, rapporteur. L'égalité des droits est consubstantielle à tout notre édifice constitutionnel et législatif. Or, c'est précisément à l'occasion d'un texte qui tend à conforter cette égalité que vous nous présentez ce sous-amendement ! C'est la première, madame ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. David Assouline. Ce que vous proposez, ce n'est pas l'égalité !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce qui est en jeu aujourd'hui va bien au-delà. Il s'agit de créer les moyens de mise en oeuvre d'une véritable égalité des chances, et non seulement des droits, entre nos concitoyens.
Le sous-amendement n° 900 tend à préciser les missions de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances en matière de lutte contre les discriminations. La commission souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
S'agissant du sous-amendement n° 898, les personnes issues de l'immigration sont françaises, mais cela ne signifie pas qu'elles n'ont pas de problèmes d'intégration. Les missions actuelles du FASILD comportent d'ailleurs explicitement cette mention. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Il est donc utile de prévoir des actions en ce sens parmi les missions de l'Agence.
À marcher les yeux fermés, vous allez vous cogner, mes chers collègues ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Christiane Demontès. Oh là là !
M. Guy Fischer. On n'a rien compris ! Que voulez-vous dire ?
M. David Assouline. Je suis issu de l'immigration, moi !
M. Alain Gournac, rapporteur. Le sous-amendement n° 902 n'a pas été examiné par la commission des affaires sociales. Nos collègues ont déposé une série de sous-amendements, pensant qu'il y avait une manoeuvre pour placer l'amendement n° 52 rectifié de la commission des affaires sociales en tête dans l'ordre de discussion. Je les détrompe ! Ils se sont donné du mal alors qu'il n'y avait aucune manoeuvre !
À titre personnel, j'indique que j'émets un avis défavorable, car le FASILD va disparaître et sera repris dans le cadre de la nouvelle agence. Il n'est donc pas cohérent de maintenir ses actions.
La commission émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 899, car elle est très favorable à la création d'un service civil volontaire et à ses modalités, à savoir l'attribution d'un agrément par l'Agence. Elle entend d'ailleurs se rendre sur le terrain pour observer les expériences qui sont menées dans ce domaine.
Quant au sous-amendement n° 896 rectifié, je remercie M. Virapoullé de ses propos. Quand je l'entends s'exprimer, je tremble, tant ce qu'il dit est magnifique ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Il paraît tout à fait légitime et utile de préciser que la nouvelle agence devra prendre en compte à la fois les populations ultramarines en métropole et les problèmes spécifiques d'insertion sociale et professionnelle constatés dans les départements d'outre-mer. La commission émet un avis favorable.
Le sous-amendement n° 897 n'ayant pas été examiné par la commission des affaires sociales, je souhaite entendre l'avis du Gouvernement.
Enfin, la commission émet un avis favorable sur le sous-amendement n° 88 rectifié, qui vise à introduire spécifiquement les contrats de ville dans la liste des actions qui seront financées par l'Agence.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. S'agissant du sous-amendement n° 456 rectifié, le Gouvernement émet un avis défavorable. En effet, dans un État de droit comme la France, l'égalité des droits est garantie à tous. L'article 1er de la Constitution rappelle que la République « assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ou de religion ». (Mme Éliane Assassi s'exclame.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Par conséquent, il n'est pas nécessaire de le rappeler ici.
Par ailleurs, revenant à la discussion que nous avons eue tout à l'heure, je répète que l'objectif du Gouvernement est bien d'étendre les pouvoirs du FASILD et de créer l'agence à partir de cette base. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
En ce qui concerne le sous-amendement n° 900, le Gouvernement émet un avis défavorable. Son adoption en l'état conduirait à des situations que vous ne souhaitez pas, madame Assassi.
En effet, en faisant disparaître la notion d'intégration et en substituant les termes : « personnes étrangères » aux termes : « populations immigrées et issues de l'immigration », la rédaction que vous proposez dénaturerait le texte de l'amendement n° 52 rectifié.
En outre, elle limiterait les discriminations prises en compte aux domaines de l'accès au travail, du logement et des loisirs. Or je ne suis pas du tout certaine qu'une telle limitation soit souhaitée.
Sur le sous-amendement n° 898, le Gouvernement émet un avis défavorable. Il me paraît important de conserver la notion de « populations [...] issues de l'immigration », qui a constitué le fondement de la création du FASILD et a été voulue par ceux auxquels vous succédez aujourd'hui. Elle est le signe même de l'extension des pouvoirs du FASILD.
S'agissant du sous-amendement n° 902, le Gouvernement émet également un avis défavorable.
S'agissant du I, l'agence ne se substitue pas au FASILD ; elle est une extension des pouvoirs de ce dernier. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
Le II vise à indiquer que l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances s'appuiera sur l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme. C'est une évidence, et la précision est donc inutile.
Enfin, s'agissant du III, comme je l'ai dit tout à l'heure, l'Agence sera partiellement sous la tutelle de la Délégation interministérielle à la ville et sous celle de la direction de la population et des migrations, la DPM.
Le Gouvernement émet un avis défavorable sur le sous-amendement n° 899. Le service civil volontaire est une initiative importante pour aider à l'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté, qui entre tout à fait dans les responsabilités de l'Agence.
Quant au sous-amendement n° 896 rectifié, je partage largement les propos qui ont été tenus, à juste raison, par M. Virapoullé. Le Gouvernement souhaite affirmer sa volonté de prendre en compte les DOM et leurs spécificités dans les missions de l'agence. C'est la raison pour laquelle il est tout à fait favorable à ce sous-amendement.
Avec le sous-amendement n° 897, vous souhaitez préciser, madame Létard, que les missions de l'agence comprennent l'accessibilité au savoir et à la culture pour tous les habitants des quartiers sensibles. À cet égard, je rappelle l'action des fameuses équipes de réussite éducative dont il a été question à plusieurs reprises et dont l'agence aura la responsabilité.
L'accès au savoir et à la culture est clairement l'une des missions de l'Agence. Le redire est tout à fait important. C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable.
Enfin, le sous-amendement n° 88 rectifié est très utile. C'est pour moi l'occasion de saluer le travail que vous avez accompli, monsieur le rapporteur pour avis, avec la commission des affaires économiques, pour l'élaboration de votre rapport.
Vous avez dénoncé dans ce dernier les financements croisés et le problème de l'opacité des contrats de ville. Tous les élus locaux, notamment ceux qui siègent au Sénat, ont pu constater sur le terrain la difficulté à mettre en oeuvre les contrats de ville.
Une autre difficulté réside dans la durée de ces contrats. C'est pourquoi le Gouvernement proposera, lors de la réunion du comité interministériel à la ville, le 9 mars, une nouvelle contractualisation, dont les deux piliers seront le maire et le représentant de proximité de l'État qu'est le préfet.
Il proposera également une durée plus longue de ces contrats, soit deux fois trois ans. Les associations auront ainsi le temps nécessaire pour se consacrer à leurs missions comme elles le souhaitent au lieu de courir après des financements, soit pour monter des dossiers, soit pour se faire payer. Le Gouvernement proposera comme corollaire une évaluation des différentes actions, car il est logique de se soucier de la façon dont l'argent public est utilisé et du succès des actions conduites.
Dans cette perspective, le Gouvernement émet un avis très favorable sur ce sous-amendement.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 456 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 900.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 898.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 902.
Mme Christiane Demontès. À travers cette explication de vote, je veux réagir sur les propos quelque peu contradictoires qui ont été tenus par M. le rapporteur et par Mme la ministre.
M. le rapporteur nous a dit clairement - cela figurera dans le compte rendu de nos travaux - que le FASILD allait disparaître.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'était une erreur de ma part !
Mme Christiane Demontès. Mais vous l'avez dit, monsieur le rapporteur ! Je ne vous fais pas de procès d'intention, mais vous l'avez dit !
M. Alain Gournac, rapporteur. C'était une erreur !
M. Roland Muzeau. C'est trop tard !
Mme Christiane Demontès. La nature revient au galop ! J'ai donc entendu M. le rapporteur dire : « Le FASILD va disparaître » et Mme la ministre déléguée déclarer : « l'objectif du Gouvernement est bien d'étendre les pouvoirs du FASILD ».
Mme Christiane Demontès. Cette contradiction que je n'ai pas inventée, vu le lapsus de M. le rapporteur, soulève des interrogations et me semble très révélatrice du fond de votre pensée.
Nous ne nous y trompons pas : l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances a bien pour objectif de noyer dans un vaste ensemble un certain nombre d'institutions et de structures qui ont acquis de l'expérience et ont mené des actions en direction des populations en difficulté. C'est pour cette raison que nous réaffirmons notre volonté de maintien de ces structures.
Ensuite, s'agissant du rôle des maires, il est certes important, en particulier dans les territoires visés par la politique de la ville. Heureusement que les maires sont là lorsque des événements difficiles surviennent dans les banlieues !
Mme Christiane Demontès. Cependant, les maires ont besoin d'être aidés dans leur mission, aux échelons départemental et régional, ainsi que sur le plan national.
Or, ce qui les aidera, ce n'est pas une structure supplémentaire ; c'est plutôt la mise en commun des outils appartenant à la fois à l'État, aux mairies, aux collectivités territoriales, mise en commun qui leur permettra de mieux régler les problèmes d'insertion sociale et professionnelle des publics en difficulté sur leur territoire.
Voila pourquoi nous tenons à ce sous-amendement, que nous voterons, bien évidemment. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Madame Demontès, je me suis trompé au sujet du FASILD. D'ailleurs, peut-être m'avez-vous vu me placer à côté de Mme la ministre déléguée pour le lui dire. Je confirme que le FASILD sera renforcé, réactivé (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.), et je regrette vivement le terme que j'ai utilisé.
M. Roland Muzeau. On ne vous croit pas !
M. Guy Fischer. Il va être bâillonné !
M. Alain Gournac, rapporteur. « Bâillonné » « garrotté », vous n'avez que ces mots à la bouche !
Enfin, si vous espérez me mettre en difficulté avec Mme la ministre, il va vous falloir progresser, parce que j'apprécie Mme Vautrin, et j'estime qu'elle fait du très bon travail. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. C'était tout de même un lapsus révélateur !
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
M. Roland Muzeau. Mme la ministre vient prendre la défense de M. Gournac !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Il nous faut, à certains moments du débat, regarder les faits.
Vous avez raison, madame, de souligner que les maires ont besoin d'être accompagnés, ont besoin d'un budget, de moyens. Nous sommes d'accord sur tous ces points.
Mais il faut aussi se demander qui a fait quoi et depuis quand ! Permettez-moi tout de même de vous rappeler que la réforme de la DSU, c'est quand même bien nous qui l'avons menée ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Vives protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Oui, c'est nous qui l'avons menée ! Comme c'est nous qui avons porté de 600 millions d'euros à 1,2 milliard d'euros les crédits de la politique d'accompagnement des villes qui connaissent les plus grandes difficultés et ont le plus grand besoin d'être aidées. Les faits sont là, et vous connaissez les chiffres comme moi ! (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.)
M. Charles Pasqua. Oui ! Très bien !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Par ailleurs, toujours en ce qui concerne l'accompagnement, nous avons voulu mettre en place, c'est vrai, un outil qui mutualise l'ensemble des fonds, espérant obtenir ainsi dans le domaine social le même effet de levier qu'a produit l'Agence nationale de rénovation urbaine dans son champ.
Nous avons donc optimisé les instruments qui étaient déjà à notre disposition - sinon, vous nous auriez reproché la création d'un outil supplémentaire ! - en choisissant, dans notre souci de respecter le principe du débat, de nous appuyer sur l'existant paritaire. C'est dans cet esprit que nous avons souhaité renforcer les pouvoirs du FASILD, en nous appuyant sur l'ensemble de ses personnels et sur ceux de ses commissions régionales, les CRILD. Voilà la réalité !
Je crois que nous sommes parvenus à un moment où il nous faut, ensemble, écrire de nouvelles pages. Tous, nous devons progresser en matière d'accompagnement de la politique de la ville et de la population issue de l'immigration. Faisons-le ensemble, en faisant évoluer à la marge des outils qui ont fait leurs preuves : c'est ainsi que nous pourrons nous inscrire effectivement dans une dynamique nouvelle. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. Gérard Cornu. Oh, il est toujours contre, lui !
M. David Assouline. Je suis contre ce projet de loi, et je l'assume ! Et je continuerai à le dire ! Au demeurant, quand nous reviendrons au pouvoir (Exclamations sur les travées de l'UMP),...
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. On peut vivre d'espoir !
M. David Assouline. ... et cela s'est déjà produit, nous vous montrerons que nous savons aussi être pour un texte.
Vous ne pouvez pas, madame la ministre, mes chers collègues, faire comme si vous veniez d'arriver et, chaque fois que l'on vous pose des questions, nous rétorquer que les bilans sont en cours, que lorsque nous-mêmes étions au pouvoir... Voilà quatre ans que vous y êtes, et vous ne pouvez pas faire comme si vous veniez d'y accéder !
Soit dit en passant, vous faites pareil lorsque vous nous parlez de l'insécurité qui monte : cela fait quatre ans que, hormis un intermède Villepin, Nicolas Sarkozy est à la tête du ministère de l'intérieur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous ne sommes pas en train de débattre de la sécurité !
M. David Assouline. L'insécurité, c'est votre bilan ! La flambée des banlieues, c'est votre bilan ! La montée de la violence et tout ce que vous entreprenez dans ce domaine sont des échecs ! (Vives protestations sur les travées de l'UMP.)
Le projet de loi pour l'égalité des chances, lui aussi, vient se surajouter à un échec puisque vous aviez déjà fixé les mêmes objectifs à la loi de programmation pour la cohésion sociale : elle devait permettre de rétablir la cohésion sociale, notamment dans les banlieues. Et boum ! Après cette loi, c'est une crise sociale dans les banlieues comme on n'en a jamais vu dans l'histoire !
Vous pouvez dire ce que vous voulez sur la politique de la ville, que vous avez ajouté de l'argent ici, que vous avez réformé là... Mais la politique de la ville, son élaboration, sa mise en place, et jusqu'à son apparition parmi les politiques publiques du pays, c'est la gauche, et on ne va pas la rayer d'un trait de plume parce qu'elle n'a pas tout résolu !
M. Charles Pasqua. Elle était sans moyens !
M. David Assouline. De toute façon, ce ne sont pas des lois à destination des banlieues, qu'elles soient pour l'égalité des chances ou pour la cohésion sociale, qui suffiront à régler ces problèmes. Tant qu'existera le chômage de masse, tant que la politique de l'emploi ne permettra pas à chacun, dans les quartiers en difficulté, de vivre dignement, les problèmes subsisteront.
M. Christian Cointat. C'est ce que nous cherchons à faire en créant des emplois !
M. David Assouline. Or, dans ce projet de loi, la seule réponse que vous ayez apportée à la question de l'emploi des jeunes, c'est un contrat jetable qui dure deux ans et qui accroît l'insécurité et la précarisation des jeunes dans ces quartiers.
M. Christian Cointat. Nous favorisons la création d'emplois ! Cela ne se décrète pas, un emploi !
M. David Assouline. Et nous continuerons à vous le dire !
Quand M. Gournac dit par erreur que le FASILD va disparaître, il corrige son erreur, et on lui en donne acte immédiatement. Mais son propos était tout de même assez catégorique et, s'il a pu être prononcé, c'est qu'une autre interprétation était possible qui, en tous les cas, était la nôtre : l'hypothèse d'une dissolution dans un ensemble plus vaste.
La seule réponse concrète que vous donnez, madame - et c'est important, parce que, indépendamment des votes pour et contre, elle figurera au Journal officiel - intéresse beaucoup ceux qui jusqu'à présent n'ont pas obtenu de réponse au cours de ce débat.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Mais je la leur ai déjà donnée ! Le FASILD sera maintenu !
M. David Assouline. Vous évoquez les personnels, l'ensemble des personnels. Mais vont-ils être reconvertis, ou bien leurs équipes et leurs structures seront-elles maintenues ? Reprendre les personnels individuellement, ici et là, pour assurer leur emploi, ou renforcer leurs missions et leurs équipes, comme vous affirmez que ce sera le cas, ce n'est pas du tout la même chose ! Soit il y a dissolution de l'outil, auquel cas M. Gournac avait raison de se tromper, soit on s'appuie sur l'acquis, sur les équipes et sur leurs compétences, pour pouvoir mettre en place des politiques.
Il est un deuxième point sur lequel vous ne répondez pas. Tous ceux qui connaissent la politique de la ville savent le besoin général de guichets uniques ; alors, vous faites un peu « tilt », du moins en apparence, en créant cette agence qui engloberait tout. Mais je n'ai pas entendu comment vous pensez rendre concrètement les choses plus simples.
Ce que l'expérience m'a appris, c'est que les associations, malgré l'empilage de structures auquel elles avaient affaire jusqu'à présent pour obtenir des financements ou mener des missions, avaient appris à s'en débrouiller, avaient appris à connaître leurs interlocuteurs. Peu à peu s'est créé un environnement dans lequel elles savent aujourd'hui comment procéder. En changeant les interlocuteurs, n'allez-vous pas, au lieu de simplifier et d'accélérer les délais, compliquer encore la mise en oeuvre de la politique destinée aux populations immigrées ?
Sans vouloir revenir sur l'expression « populations issues de l'immigration » - je finirai là-dessus, madame la présidente, car ce n'est pas l'objet de ce sous-amendement -, je dirai que vous avez tort, madame la ministre, d'avoir balayé ce point d'un revers de main.
M. David Assouline. Cette expression ne veut rien dire ! Il y a en France des étrangers et des Français. Qu'est-ce qu'être « issu de l'immigration » ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas le débat !
M. David Assouline. Cela peut être des étrangers ou des Français. Je suis issu de l'immigration, comme d'autres peut-être dans cet hémicycle. Les politiques dont nous débattons ne sont probablement pas destinées aux populations issues de l'immigration italienne, polonaise, etc., et si l'on prend en compte les cinquante dernières années, on en dénombrera beaucoup ; alors, à qui pensez-vous, au juste ? Ou bien vous ne voulez pas nommer exactement, ou bien vous nommez trop !
M. Guy Fischer. Ce sont les Maghrébins !
M. David Assouline. En tous les cas, cela n'a rien à voir dans la définition d'une politique publique, car cela ne sert que la stigmatisation.
Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Sur ce dernier point, monsieur Assouline, vous ne pouvez pas nous reprocher, d'un côté, de cacher la vérité, d'être en réalité en train de tuer le FASILD et, d'un autre côté, de vouloir reprendre pour la future agence les termes de la définition du FASILD ! Car, ainsi que je l'ai indiqué tout à l'heure en donnant l'avis du Gouvernement, nous n'avons fait que reprendre les termes de la définition du FASILD lors de sa création ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. David Assouline. Les mots « issues de l'immigration » n'y figurent pas !
Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, ces termes ont peut-être été employés au moment de la création du FASILD, mais tout de même ! Il s'est passé des choses en France, en octobre et en novembre derniers ! Des milliers de jeunes ont crié leur envie de reconnaissance, et se sont faits les porte-parole aussi de leurs parents !
Mme Éliane Assassi. Cela n'empêche pas, mais ce n'est pas une bonne réponse que vous nous faites là ! Ce n'est pas parce que cette expression a été utilisée à propos du FASILD qu'il faut la reprendre à propos de l'agence : elle n'a pas de sens ! Je ne vais pas me répéter encore, mais nous sommes tous issus de l'immigration ! Qu'est-ce que cela veut dire ? Et j'avoue ma surprise quand j'entends M. Gournac expliquer que les Français issus de l'immigration sont des Français en difficulté. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Certainement pas, madame !
Mme Éliane Assassi. Mais si, vous l'avez dit !
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est faux !
Mme Éliane Assassi. Je ne comprends pas pourquoi vous vous obstinez à repousser notre sous-amendement et à refuser d'ôter ces mots du texte, alors qu'aujourd'hui ils ne veulent rien dire. En agissant de la sorte, vous montrez surtout que vous n'avez pas entendu ce qui s'est dit en octobre et en novembre derniers.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 902.
Je suis saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Mme la présidente. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 120 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 126 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 899.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 896 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 88 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 52 rectifié, modifié.
(L'amendement est adopté.)
Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 333, 457, 316, 334, 780, 782, 53, 458, 783 et 335 n'ont plus d'objet.
J'en donne néanmoins lecture :
L'amendement n° 333, présenté par Mmes Printz et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles :
L'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, établissement public national à caractère administratif, met en oeuvre des actions visant à l'intégration des populations immigrées vivant en France et concourt à la lutte contre les discriminations dont elles pourraient être victimes. »
L'amendement n° 457, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles.
L'amendement n° 316, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
I. Supprimer les trois dernières phrases du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles.
II. Remplacer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles par six alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cadre de la politique en faveur de la cohésion sociale et de l'égalité des chances définie par le Gouvernement, elle participe à des actions en faveur des personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale ou professionnelle qui habitent dans des zones prioritaires de la politique de la ville mentionnées à l'article 42 de la loi n°95-115 du 4 février 1995 d'orientation pour l'aménagement et le développement du territoire ou dans les quartiers mentionnés à l'article 6 de la loi n° 2003-710 du 1er août 2003 d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine.
« Elle contribue également, sur l'ensemble du territoire national :
« 1° à la mise en oeuvre d'actions visant à l'intégration des populations immigrées et issues de l'immigration ;
« 2° à la mise en oeuvre d'actions visant à prévenir les discriminations ;
« 3° à la lutte contre l'illettrisme ;
« 4° à la mise en oeuvre du service civil volontaire.
L'amendement n° 334, présenté par Mmes Printz et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Yung, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la troisième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
à des opérations en faveur
insérer le mot :
notamment
L'amendement n° 780, présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
visant à
rédiger comme suit la fin de l'avant-dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles :
lutter contre les discriminations spécifiques dans l'accès au travail, au logement ou aux loisirs dont peuvent être victimes les habitants des zones urbaines sensibles et les personnes étrangères résidant en France.
L'amendement n° 782, présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans l'avant-dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles, supprimer les mots :
et issues de l'immigration
L'amendement n° 53, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Dans la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles, supprimer les mots :
dont les personnes concernées sont ou peuvent être victimes
L'amendement n° 458, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles.
L'amendement n° 783, présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le mot :
illettrisme
supprimer la fin du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles.
L'amendement n° 335, présenté par Mmes Printz et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Yung, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
lutte contre l'illettrisme
insérer les mots :
sous la tutelle de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous avez réussi à en faire tomber quelques-uns !
Mme la présidente. L'amendement n° 522 rectifié, présenté par Mme Létard, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles :
« Art. L. 121-15. - L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances est administrée par un conseil d'administration et un directeur général nommé par l'État. Le conseil d'administration est composé pour moitié de représentants de l'État et pour moitié de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives au plan national, de représentants des communes et de leurs établissements publics de coopération intercommunale compétents, des départements, des régions, des caisses nationales de sécurité sociale, des organismes régis par le code de la mutualité et des chambres consulaires ainsi que de personnalités qualifiées. Le président du conseil d'administration est désigné par l'État parmi ces dernières.
« Un préfet délégué à la cohésion sociale et à l'égalité des chances sera nommé dans chaque région pour assurer la coordination et le pilotage du dispositif à cette échelle. La fonction d'animation sera assurée au niveau départemental par un représentant de l'État, nommé délégué territorial de l'agence. Il signe les conventions passées pour son compte et concourt à leur mise en oeuvre, à leur évaluation et à leur suivi. Il s'assurera de la mobilisation prioritaire des crédits de droit commun et de la mise en place d'une ingénierie différenciée sur les territoires contractualisant avec l'agence.
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. En regroupant au sein d'une même agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances divers organismes, dont le FASILD et divers moyens financiers, l'objectif du Gouvernement est de donner une impulsion nouvelle à l'accompagnement des populations en difficulté dans les quartiers, dont certains ont été les lieux des violences urbaines en novembre dernier.
On souscrit volontiers à cet objectif si ce dernier se traduit par un renforcement des moyens mis à la disposition de tous les acteurs de la politique de la ville, moyens qui avaient subi d'importantes restrictions budgétaires au cours des dernières années.
Relancer une dynamique dans les quartiers en difficulté signifie d'abord s'assurer que ces derniers disposent bien des crédits de droit commun - vous avez bien voulu soutenir cette proposition, ce dont nous vous remercions - alloués à tout territoire quel qu'il soit, et qu'au-delà un effort supplémentaire est engagé pour ramener ces quartiers au niveau de la moyenne nationale en termes d'emploi, de taux de chômage et de niveau d'éducation.
Cet objectif doit pouvoir se concevoir de manière globale et lisible sur des financements pérennes. C'est pourquoi l'amendement n° 522 rectifié précise les missions de l'agence et l'articulation de son action à l'échelon des régions et des départements, en tirant toutes les conséquences de la création des préfets à l'égalité des chances.
Et comme je l'avais précisé tout à l'heure lors de mon intervention sur l'article 16, nous souhaitons que cette déclinaison territoriale de l'agence, en confiant à des préfets délégués à la cohésion sociale et à l'égalité des chances, dans chaque région, un rôle de coordination et de pilotage du dispositif, nous permette d'être plus en cohérence avec les contrats de plan État-région, avec le niveau auquel se décident et s'organisent les programmes de l'agence nationale pour la rénovation urbaine qui sont effectivement élaborés à l'échelon du secrétariat général aux affaires régionales, le SGAR, même s'ils se déclinent ensuite au niveau territorial.
Il faut ensuite que, dans les territoires régionaux importants, peut-être sous l'égide d'un préfet à la cohésion sociale régionale, ce dispositif soit soutenu par des délégués départementaux qui en assureront la mise en oeuvre sous la direction du préfet délégué à l'égalité des chances, au niveau régional.
Cela permettrait d'établir une véritable cohérence entre les départements, qui constituent un tout, et d'avoir un pendant à l'ANRU et aux politiques publiques en matière de lutte contre les discriminations, qui étaient elles aussi paramétrées à l'échelon des régions.
Tous les acteurs des territoires, de la politique de la ville, de la lutte contre les discriminations, de l'intégration des populations issues de l'immigration souhaitent conjointement que l'on puisse réfléchir à ces politiques publiques à l'échelon régional, le préfet à l'égalité des chances devant piloter l'ensemble du dispositif.
Mme la présidente. Le sous-amendement n° 459 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par l'amendement n° 522 rectifié pour l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles :
L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances prend appui sur les préfets ou leurs représentants.
La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Au préalable, je tiens à dire quelques mots sur le recul des droits spécifiques.
En effet, les dispositions du présent projet de loi compromettent de facto la pérennité de l'action et du personnel de l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme, l'ANLCI.
À travers sa composition et son action, cette agence a démontré toute la qualité et l'efficacité de son travail, qui a d'ailleurs été reconnu par l'UNESCO.
Alors que l'ANLCI est gérée depuis cinq ans maintenant par le ministère de la cohésion sociale, vous appliquez ici, à l'échelle institutionnelle, les mêmes mesures que dans les quartiers avec l'ANRU, où vous faites croire que de justes reconstructions suivront les démolitions.
Ici, sans avoir le courage politique de l'assumer, vous détruisez l'un des outils les plus performants de notre système de lutte contre l'une des premières formes d'injustice sociale en laissant croire que les missions de la nouvelle ANCSEC permettront de reprendre en totalité l'action de l'agence nationale de lutte contre l'illettrisme.
Cela relève de la même logique que celle que j'évoquais tout à l'heure, tendant à diluer les missions de l'ANCSEC.
Dans les quartiers difficiles, dans les campagnes comme ailleurs, nous ne pourrons accepter de faire de cette agence la voiture-balai de votre politique de casse sociale.
S'agissant plus particulièrement de la recherche de cohérence à travers les responsabilités et les tutelles, la disposition concernée tend, paradoxalement, à faire des préfets à la fois les délégués de l'ANCSEC et ceux qui signent les conventions passées pour son compte, tout en concourant à leur mise en oeuvre, à leur évaluation et à leur suivi.
Cette disposition suscite de notre part deux inquiétudes.
La première tient à la volonté de ce gouvernement de faire disparaître l'échelon régional dans le domaine d'intervention de I'ANCSEC.
En donnant de telles compétences aux préfets départementaux, tout en supprimant de facto les CRILD, vous semblez, madame la ministre, confirmer les craintes de celles et de ceux qui voient à travers ce texte un projet de démantèlement et non un projet constructif.
Notre seconde inquiétude tient au fait que, projet de loi après projet de loi, c'est la main du ministère de l'intérieur qui semble poindre partout. Ici encore, en donnant de telles compétences aux préfets, c'est le ministère de l'intérieur qui entre de plain-pied dans la détermination de la politique de l'ANCSEC, ce qui nous pousse à nous poser de vraies questions sur l'étendue et la nature de l'autonomie de cette agence par rapport à la tutelle de la place Beauvau.
J'ai donc déposé un sous-amendement de repli, qui tend à se calquer sur la loi du 1er août 2003, instaurant l'ANRU. Cette loi et les dispositifs qu'elle met en oeuvre se révèlent être la source d'inspiration du Gouvernement pour le projet de loi pour l'égalité des chances.
Or les dispositions de la loi du 1er août 2003 prévoient seulement que I'ANRU « prend appui » sur les préfets ou leurs représentants.
Je demande donc au Gouvernement de ne pas détruire ce qu'il a lui-même construit et de choisir cet amendement de bon sens, qui permettra ainsi de dissiper toutes les craintes.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission n'a pas pu étudier la version rectifiée de l'amendement n° 522, qui détaille ce que pourrait être l'organisation territoriale de l'agence.
Tout cela me paraît quelque peu prématuré. Il sera bien sûr intéressant d'entendre l'avis de Mme la ministre sur ce point. Mais, à titre personnel, je suis plutôt défavorable.
Quant au sous-amendement n° 459 rectifié, il n'a pas non plus été examiné par la commission des affaires sociales.
Toutefois, j'émets également, à titre personnel, un avis défavorable, car la préoccupation exprimée dans ce texte est satisfaite par le projet de loi.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'objectif du Gouvernement, en mettant en place l'agence, est clairement de fédérer les financements de l'État sur les politiques concernées avec un interlocuteur unique. L'idée est de rapprocher les centres de décision des acteurs de terrain. C'est d'ailleurs ce qui se passait déjà en matière de politique de la ville, y compris pour les actions financées par le FASILD.
Nous voulons avoir un délégué à l'échelon départemental qui ait le pouvoir de décision à la fois sur les programmes et sur les financements. Cela correspond typiquement à la fonction du préfet par l'intermédiaire du préfet à l'égalité des chances quand il existe - nous en avons six actuellement - ou du sous-préfet à la ville.
Cela ne supprime en aucun cas la nécessité d'organiser une concertation plus large sur la programmation d'ensemble ; le rôle des CRILD est tout à fait utile en la matière, et c'est pourquoi il sera maintenu.
Par ailleurs, les deux chargés de mission dont j'ai parlé vont mettre en place la déclinaison et la création de l'agence de façon concrète sur le terrain. Telle est la raison pour laquelle, à ce stade, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 522 rectifié et sur le sous-amendement n° 459 rectifié.
Mme la présidente. Je mets aux voix le sous-amendement n° 459 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote sur l'amendement n° 522 rectifié.
Mme Christiane Demontès. L'une des critiques les plus importantes faite à l'égard de l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances par les associations est celle du risque de clientélisme, d'autant plus que nous ne connaissons pas encore vraiment - même si Mme la ministre vient de nous rassurer un peu - le devenir des commissions régionales pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, les CRILD, puisque l'on en parle très peu dans le projet de loi.
Par ailleurs, nous avons dénoncé l'absence de structuration à l'échelle régionale, et Mme Létard, au travers de son amendement n° 522 rectifié, insiste sur ce point. Elle propose que le préfet nommé dans chaque département puisse signer des conventions avec différents territoires contractualisant avec l'agence.
Un certain nombre de points nous paraissent intéressants ; néanmoins, nous considérons que les propositions formulées dans cet amendement ne vont pas suffisamment loin, et c'est pourquoi nous nous abstiendrons.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 522 rectifié.
(Après une épreuve à main levée déclarée douteuse par le bureau, le Sénat, par assis et levé, n'adopte pas l'amendement.)
Mme la présidente. L'amendement n° 520, présenté par Mmes Létard et Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
au plan national,
insérer les mots :
de représentants du Parlement,
La parole est à Mme Valérie Létard.
Mme Valérie Létard. L'amendement n° 520 vise à préciser que l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances aura un rôle important à jouer pour assurer l'équité territoriale et la cohérence des politiques menées en fonction de ces missions. Assurer dans son conseil d'administration la présence de parlementaires permettra de faire entendre la voix d'élus ayant à la fois le sens des problématiques locales et de la prise en compte d'une vision globale des problèmes traités par l'agence.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Le conseil d'administration de la future agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances est calqué sur celui de l'ANRU, qui ne comprend pas de parlementaires. Toutefois, il n'y a pas de raison d'exclure ces derniers. La commission s'en remet donc à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. La composition proposée pour le conseil d'administration de l'agence comporte des élus puisque celle-ci comprend des représentants de différentes catégories de collectivités locales qui seront bien évidemment directement concernés par l'activité de l'agence.
Pour cette raison, je m'en remets également à la sagesse du Sénat.
Mme la présidente. L'amendement n° 784, présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
au plan national,
insérer les mots :
de deux représentants du monde associatif,
La parole est à Mme Éliane Assassi.
Mme Éliane Assassi. Le texte proposé par l'article 16 pour l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles dispose : « L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances est administrée par un conseil d'administration et un directeur général nommé par l'État. Le conseil d'administration est composé pour moitié de représentants de l'État et pour moitié de représentants des organisations syndicales d'employeurs et de salariés représentatives au plan national, de représentants des communes et de leurs établissements publics de coopération intercommunale compétents, des départements, des régions, des caisses nationales de sécurité sociale, des organismes régis par le code de la mutualité et des chambres consulaires ainsi que de personnalités qualifiées. »
À la lecture de la composition du conseil d'administration, il apparaît clairement que la mise en oeuvre d'une telle agence répond à la volonté de l'État de renforcer sa présence dans les quartiers dits sensibles pour être l'interlocuteur des maires.
Le conseil d'administration de l'agence ne comprend aucun représentant du mouvement associatif, alors même que les associations jouent un rôle fondamental pour créer plus de cohésion sociale. Elles sont au contact des réalités quotidiennes et de nos concitoyens. C'est en première ligne, sur le terrain, qu'elles mènent leurs actions en favorisant le partenariat et la réflexion.
L'absence de représentants des associations au sein du conseil d'administration de la nouvelle agence nous interpelle d'autant plus que le Premier ministre soulignait lui-même, le lundi 23 janvier 2006, lors de la première conférence de la vie associative, le rôle essentiel des associations pour vivre ensemble et pour assurer l'épanouissement de chacun. Il s'était alors engagé sur des mesures visant à « fonder un nouveau partenariat entre l'État et les associations ».
Le Premier ministre avait aussi rappelé avoir signé une circulaire invitant les ministres à consulter des associations lorsqu'ils préparent des projets de loi et des règlements les concernant, et il avait insisté sur sa volonté de voir les associations bien représentées dans tous les lieux paritaires.
Le projet de loi dont nous discutons atteste, malheureusement, qu'une fois encore les mots ne sont pas suivis d'effet.
Pourtant, nous considérons comme absolument nécessaire que le conseil d'administration de l'agence comprenne au moins deux représentants du mouvement associatif pour assurer la cohésion sociale et l'égalité réelle des droits pour tous.
Vous comprendrez donc, mes chers collègues, que nous ne puissions que vous inviter à adopter cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Madame Assassi, je vous invite à retirer cet amendement au profit de l'amendement n° 89, de la commission des affaires économiques, ...
M. Roland Muzeau. Cela ne risque pas !
M. Alain Gournac, rapporteur. ... qui prévoit la représentation des associations au sein du conseil d'administration de l'agence, mais sans fixer le nombre des représentants.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Sur le fond, ce sujet devrait donner lieu à une position unanime, car tout le monde s'accorde sur la nécessité de la représentation des associations au sein du conseil d'administration de l'agence.
Cela dit, je préfère moi aussi la rédaction de l'amendement n° 89. C'est pourquoi j'invite Mme Assassi à retirer l'amendement n° 784. (Mme Nicole Borvo Cohen-Seat s'exclame.)
Mme la présidente. L'amendement n° 89, présenté par M. P. André, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles, après les mots :
des organismes régis par le code de la mutualité
insérer les mots :
, des associations
La parole est à M. Pierre André, rapporteur pour avis.
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Nous avons constaté, lors d'auditions de représentants du monde associatif par la commission des affaires économiques, que les associations, notamment les centres sociaux, montrent un grand intérêt pour le fonctionnement de l'agence.
Les centres sociaux accomplissent un travail important au sein des quartiers. Ce type d'association a toute sa place dans le conseil d'administration de l'agence nationale pour la cohésion sociale.
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Il m'apparaît donc opportun de prévoir, dans l'article 16, que les associations feront partie du conseil d'administration de l'agence et de renvoyer à un décret le soin d'apporter les précisions nécessaires.
M. Pierre André, rapporteur pour avis. Il me semble qu'un représentant des associations pourrait, le cas échéant, être désigné par le Conseil national de la vie associative.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est favorable à cet amendement, car elle ne voit pas de raison de fixer à deux le nombre des représentants des associations au conseil d'administration de l'agence. Pourquoi pas davantage ? En tout état de cause, il ne faut pas s'enfermer.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement est également favorable à cet amendement.
J'ajoute que l'on nous rappelle souvent à l'ordre en nous disant de ne pas traiter de sujets qui relèvent du domaine réglementaire dans des textes législatifs. Ici, nous traitons des questions législatives en renvoyant au décret les décisions d'ordre réglementaire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. Nous déplorons que le conseil d'administration de l'agence ne comprenne pas de représentants des associations.
Cette agence participe, sur le territoire national, à des actions en faveur de personnes rencontrant des difficultés d'insertion sociale et professionnelle. Elle met en oeuvre des actions visant à l'intégration des populations immigrées et issues de l'immigration. Elle concourt à la lutte contre les discriminations dont les personnes sont victimes. Elle participe à des opérations en faveur des habitants des territoires en zones urbaines sensibles.
Je tiens à souligner le caractère restrictif de ces objectifs, par rapport aux missions du FASILD.
Cela dit, nous estimons que le conseil d'administration pâtit de l'absence des associations locales qui contribuent largement aux actions de proximité. Ces associations jouent un rôle essentiel dans la lutte contre les discriminations. Au quotidien, elles sont à l'écoute des problèmes que rencontrent les personnes et elles les aident à les résoudre.
Elles sont aussi en situation, grâce à leur proximité, d'analyser les questions qui se posent, et peuvent souvent le faire avant d'autres acteurs, plus éloignés du terrain. Ainsi, elles perçoivent mieux les évolutions dans les phénomènes d'exclusion sociale et professionnelle, de discrimination, voire de racisme.
Pour ces raisons, leur présence dans le conseil d'administration de l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances sera tout à fait pertinente et bénéfique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous voterons cet amendement, bien que nous déplorions sa grande imprécision. Notre amendement était plus explicite.
Par ailleurs, peut-être éprouvez-vous du plaisir à repousser nos amendements, mais il aurait été élégant de votre part d'adopter un amendement déposé par l'opposition !
M. Alain Gournac, rapporteur. Cela ne me dérangerait pas !
Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Néanmoins, pour bien montrer ce que nous voulons, nous voterons l'amendement n° 89.
Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Le groupe socialiste votera également l'amendement n° 89 de la commission des affaires économiques.
Mme la présidente. En conséquence, l'amendement n° 338 n'a plus d'objet.
J'en donne néanmoins lecture :
L'amendement n° 338, présenté par Mme Printz, M. Yung, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles par les mots :
et des représentants des associations qui concourent à la réalisation de l'Agence prévue à l'article L. 121-14
L'amendement n° 339, présenté par Mmes Printz et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. L'amendement n° 339 tend à supprimer l'alinéa relatif aux préfets de département délégués départementaux de l'agence.
Sur le fond, la nouvelle organisation proposée est contestable. Elle reposerait, au niveau local, sur l'autorité des préfets de département, sans que soit clarifié le rôle de l'organisation régionale actuelle des directions régionales et des instances locales de concertation du FASILD, les commissions régionales pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, les CRILD.
Nous dénonçons la reprise en mains de cette action par le ministère de l'intérieur au détriment du ministère de la cohésion sociale.
Les préfets, qui remplacent dans un certain nombre de départements les sous-préfets à la ville, vont devenir des délégués départementaux de l'agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances et vont signer des conventions pour le compte de celle-ci avec les collectivités locales et les organismes destinataires de subventions accordées par cette nouvelle agence. De ce fait, nous craignons un risque de confusion entre politique de sécurité, d'une part, et politique d'intégration et de lutte contre les discriminations ou contre l'exclusion, d'autre part.
Voilà les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet alinéa.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous imaginez bien que la commission est défavorable à la suppression de cet alinéa ! Vous nous parlez toujours du ministre de l'intérieur, de Nicolas Sarkozy, ... (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Arrêtez un peu !
M. Roland Muzeau. Je suis d'accord avec vous ! Nous aussi, nous en avons assez !
M. Alain Gournac. Pour l'efficacité de l'agence, il est au contraire très utile de prévoir que les préfets, représentants de l'État dans le département, - mais défendez un peu l'État ! - soient les délégués, les relais locaux de l'agence.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Pour les mêmes raisons que M. le rapporteur, le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à l'amendement n° 339. Il a en effet souhaité que le préfet soit le délégué territorial de l'ANCSEC, comme je l'ai expliqué tout à l'heure.
Mme la présidente. L'amendement n° 341, présenté par Mme Printz, M. Yung, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 121-15 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé :
« L'agence associe au plan régional des instances de concertation et de décision sur le modèle du conseil d'administration au plan national.
La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement est défendu.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. L'agence aura bien évidemment une déclinaison au niveau local ; telle est en effet notre volonté. Je souhaiterais cependant recueillir l'avis du Gouvernement sur cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je tiens à réaffirmer que les CRILD seront bien sûr maintenues. Pour autant, la disposition prévue par cet amendement relève typiquement du domaine réglementaire. C'est la raison pour laquelle, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 341.
Mme la présidente. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour explication de vote.
Mme Gisèle Printz. L'organisation du FASILD a très largement démontré sa pertinence au niveau régional. Quelle sera, désormais, l'organisation à l'échelon régional ? Comment seront réparties les subventions ?
Que vont devenir les commissions régionales pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, alors même que ces instances favorisaient tout particulièrement la concertation avec les représentants de l'État, les partenaires sociaux et les personnalités qualifiées ?
Que vont devenir les actions régionales, mises en place depuis de nombreuses années, en matière de santé avec les programmes régionaux d'accès à la prévention et aux soins, en matière d'action artistique et culturelle avec les directions générales des affaires culturelles, en matière d'intégration avec les programmes régionaux d'intégration des populations immigrées ou en matière de programmation et de gestion des crédits, tant nationaux qu'européens, dans le cadre des budgets opérationnels de programme ?
En jouant le rôle de guichet unique pour la politique de la ville, ces commissions vont disparaître dans les faits. C'est pourquoi notre amendement vise à inscrire dans la loi le principe d'une organisation régionale de l'agence, ainsi que le maintien d'instances de concertation et de décision associant des personnalités qualifiées.
Mme la présidente. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Philippe Richert.)
PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein de l'article 16, à l'amendement n° 340 rectifié.
L'amendement n° 340 rectifié, présenté par Mme Printz, M. Madec, Mmes Demontès, Le Texier, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Godefroy, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard, C. Gautier et Yung, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries et Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le texte proposé par cet article pour l'article L. 121-16 du code de l'action sociale et des familles.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement a déjà été défendu.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis, en remplacement de M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.
Il est, en effet, tout à fait souhaitable que l'agence puisse recruter du personnel, notamment par le biais de contrats à durée indéterminée, comme cela est précisé par le texte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. L'avis du Gouvernement est défavorable sur l'amendement n° 340 rectifié, car l'article L. 121-16 concerné est la reprise d'une disposition existant déjà pour le FASILD.
M. le président. L'amendement n° 344, présenté par Mme Printz, M. Yung, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par cet article pour l'article L. 121-16 du code de l'action sociale et des familles :
« Art. L. 121-16 - L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances peut recruter des agents titulaires en raison de leur qualification et pour la durée de leur mission.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement est la conséquence de celui qui précède. Nous voulons que les agents qui seront recrutés pour assurer les missions de la nouvelle agence soient stabilisés dans leur emploi et titulaires.
La titularisation est, pour notre part, indispensable compte tenu non seulement de la qualification que l'on attendra de ces personnels, mais aussi des missions particulières qui leur seront confiées pour contribuer à la mise en oeuvre d'actions en faveur des habitants des quartiers, ainsi qu'à l'intégration des populations immigrées vivant en France.
Les agents non titulaires d'un établissement public administratif ont un statut précaire et, en aucun cas, la précarité ne saurait servir l'égalité des chances.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Madame Printz, vous ne serez pas surprise que la commission des affaires sociales soit défavorable à cet amendement dans la mesure où la rédaction que vous proposez va dans un sens tout à fait contraire au projet de loi, donc à la position de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Pour les mêmes raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.
M. le président. L'amendement n° 345, présenté par Mmes Printz et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 121-16 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les missions de l'Agence telles que relevant de la troisième phrase de l'article L. 121-14, les agents non titulaires qui ont déjà en charge tout ou partie de ces missions sont prioritairement recrutés par l'Agence de cohésion sociale pour les exercer, selon les dispositions prévues à l'alinéa précédent.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Le présent amendement tend à assurer et confirmer que les nouvelles missions confiées à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances - différentes de celles exercées par le FASILD -seront menées par des agents non titulaires de la délégation interministérielle à la ville et au développement social urbain qui les exercent en tout ou partie actuellement, avec le concours des financements y afférent, et ce dans le respect des droits acquis.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Avant de donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 345, je souhaite souligner la qualité et les compétences des personnels du FASILD, en leur rendant hommage dans cet hémicycle. C'est, bien sûr, avec leur appui que la nouvelle agence sera créée et pourra commencer ces actions rapidement et efficacement.
M. Roland Muzeau. Voilà qui est bien !
M. Alain Gournac, rapporteur. J'ai d'ailleurs eu quelques contacts avec leurs représentants !
J'en viens à l'amendement n° 345. Les agents contractuels du FASILD conservent le bénéfice de leur contrat. En ce qui concerne les agents de la DIV, le Gouvernement devrait pouvoir vous le confirmer également.
Cet amendement me semble satisfait par l'article 17 du projet de loi. La commission donne donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je souhaite tout d'abord m'associer à l'hommage que M. le rapporteur a rendu à l'ensemble des collaborateurs du FASILD. Permettez-moi également de saluer le travail des collaborateurs de la DIV, les uns comme les autres étant tout à fait mobilisés sur le sujet.
Les agents de la DIV qui s'occupent actuellement des missions transférées à l'agence au titre de la troisième phrase de l'article L. 121-14 ont vocation à rejoindre celle-ci. En tant que membre du personnel de l'agence, ils pourront, s'ils le souhaitent, être recrutés selon les modalités prévues à l'article L. 121-16, sans qu'il soit besoin de le préciser dans la loi, ce type de mesures n'étant pas de nature législative.
M. Alain Gournac, rapporteur. Effectivement, elles sont de nature réglementaire !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. J'ai pris devant vous un engagement formel. En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement.
M. le président. L'amendement n° 521, présenté par Mmes Létard et Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 121-16 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les missions de l'Agence telles que relevant du troisième alinéa de l'article L. 121-14, les agents non titulaires qui ont déjà en charge tout ou partie de ces missions sont prioritairement recrutés par l'Agence pour les exercer, selon les dispositions prévues à l'alinéa précédent.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement tend à garantir la continuité, dans la nouvelle agence, des missions déjà exercées par des agents non titulaires de la délégation interministérielle à la ville et au développement urbain, en vue d'éviter que la nouvelle agence ne soit privée des compétences et des financements y afférents, dont elle aura besoin pour développer son action.
J'ai cru comprendre, madame la ministre, il y a quelques instants, que vous aviez pris un engagement en ce sens.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Comme l'amendement précédent, celui-ci est satisfait par l'article 17 du projet de loi.
En conséquence, je souhaiterais, ma chère collègue, que vous le retiriez, sinon je serais obligé d'émettre un avis défavorable, ce que je ne souhaite pas.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Pour les mêmes raisons, je demande le retrait de cet amendement ; sinon, l'avis du Gouvernement sera défavorable.
M. le président. Madame Morin-Desailly, l'amendement n° 521 est-il maintenu ?
Mme Catherine Morin-Desailly. Non, je le retire, monsieur le président. Auparavant, madame la ministre, je souhaiterais toutefois avoir l'assurance que votre engagement sera concrétisé. Il est important que ces transferts soient effectués.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Il n'y a aucune crainte à avoir sur ce sujet : l'article 17 est très clair.
M. le président. L'amendement n° 521 est retiré.
L'amendement n° 785, présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 121-16 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé :
« Pour les missions de l'Agence telles que relevant de la troisième phrase de l'article L. 121-14, les agents non titulaires qui ont déjà en charge tout ou partie de ces missions sont prioritairement recrutés par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances pour les exercer, selon les dispositions prévues à l'alinéa précédent.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet amendement vise à ce que l'agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances fasse appel prioritairement, pour ses actions en faveur des habitants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, au savoir-faire des actuels agents de la délégation interministérielle à la ville.
En effet, à l'annonce de la création de l'agence sans aucune concertation, le personnel de la DIV s'est légitimement inquiété de son devenir et du devenir de la politique de la ville.
Certes, la complexité des dispositifs de cette politique souvent décriée méritait sans doute une clarification. Mais n'oublions pas que la DIV s'est vu confier la mission d'intervenir sur un nombre croissant de territoires au fil des réorientations politiques successives et que cette dispersion est largement responsable d'une certaine illisibilité de ses actions.
Cependant, tout n'est pas négatif pour autant : grâce au professionnalisme des personnels de la DIV, des partenariats se sont constitués à l'échelon national comme à l'échelon local, avec divers services publics et collectivités, et l'action publique s'en est trouvée améliorée.
Si l'on a l'habitude de pointer l'absence de continuité des actions de la politique de la ville, ne va-t-on pas faire complètement éclater la raison d'être de ces actions en les diluant au sein de l'ensemble des missions exercées par une agence centralisée et étatisée ?
En effet, les missions de l'agence sont très imprécises du fait qu'est opéré un amalgame entre populations en difficulté, quartiers sensibles et migrants. Quant à la prévention de la délinquance, l'une des missions spécifiques de la DIV, il n'en est pas fait mention dans ce projet de loi.
Parmi d'autres interrogations, on peut s'étonner de ce qu'aucune information n'ait été fournie sur les relations entre cette agence et la délégation interministérielle à la ville. Il y a de quoi inquiéter les personnels sur leur avenir, malgré les congratulations que nous avons entendues et la continuité de leur mission.
Les agents de la DIV déplorent que soit imposé un projet qui, en créant l'agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, place l'outil avant la fonction, avant les objectifs, sans prendre le temps d'une indispensable concertation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Comme pour les deux amendements précédents, nous considérons que cet amendement est satisfait par l'article 17 du projet de loi. La commission y est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Après le mot :
contributions
rédiger ainsi la fin du sixième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-17 du code de l'action sociale et des familles :
d'organismes nationaux ou locaux des régimes obligatoires de sécurité sociale ou de la mutualité sociale agricole, ou d'établissements publics.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de clarification rédactionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 343, présenté par Mme Printz, M. Yung, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-17 du code de l'action sociale et des familles par un alinéa ainsi rédigé :
« L'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, pour ses compétences relatives aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, met en application aux travers de ses engagements financiers les contrats territoriaux pluriannuels conclus entre l'État et les collectivités territoriales conformément aux orientations retenues en Comité interministériel des villes en concordance avec les objectifs nationaux définis à l'article 2 de la loi d'orientation et de programmation du 1er août 2003 pour la ville et la rénovation urbaine.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Le présent amendement définit le cadre - national et territorial - dans lequel cette nouvelle agence devra inscrire son action pour les quartiers prioritaires de la politique de la ville.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission préfère l'amendement n° 88 de la commission des affaires sociales, qui a été examiné précédemment. Aussi est-elle défavorable à cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 342 est présenté par Mme Printz, M. Yung, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 786 est présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 121-18 du code de l'action sociale et des familles par les mots :
après concertation avec les organisations représentatives des personnels du FASILD.
La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 342.
Mme Gisèle Printz. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, les personnels du FASILD, de l'ANLCI et de la DIV sont inquiets sur leur avenir. Ils l'ont manifesté en appelant à la grève. Ils ont été reçus par leur ministre de tutelle mais, malgré cette rencontre, ils ne sont pas rassurés.
Les récents événements survenus dans les banlieues ont été l'occasion pour certains d'appeler à une refonte radicale des interventions publiques en faveur des quartiers défavorisés. Or, si le constat sur les limites des politiques menées jusqu'à présent est évident, le diagnostic qui en est tiré mérite d'être examiné et les remèdes qui sont utilisés et proposés aujourd'hui, notamment la création de la nouvelle agence, suscite, comme nous vous l'avons dit, de nombreuses interrogations et inquiétudes.
Les différents personnels qui travaillent dans le cadre de ces missions n'ont pas été associés à l'élaboration du projet de loi ; c'est regrettable. Il est tout à fait justifié qu'ils s'interrogent sur leur devenir. Pouvez-vous nous apporter des informations rassurantes à ce sujet ?
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, pour présenter l'amendement n° 786.
Mme Josiane Mathon-Poinat. À travers nos amendements précédents, vous aurez compris que la refonte proposée des outils existants en matière de soutien à l'intégration et de lutte contre les discriminations ne nous convient pas.
Nous ne sommes pas opposés par principe à toute évolution du paysage institutionnel. Nous remarquons simplement que la fusion entérinée par l'article 16 du FASILD dans l'ANCSEC s'est faite dans une impréparation totale, les personnels concernés - environ 300 agents - n'ayant pas été informés de la préparation de cette nouvelle structure, et y ayant été encore moins associés !
Nous nous interrogeons également sur les enjeux d'une telle réorganisation. Elle intervient pour soutenir un certain projet politique d'accueil et d'intégration en direction des populations immigrées et doit être rapprochée d'autres textes, dont le projet de loi de M. Sarkozy (exclamations sur les travées de l'UMP.) sur l'immigration dite « choisie »,...
M. Roger Karoutchi. Très bien !
Mme Josiane Mathon-Poinat. ... qui comporte un arsenal de mesures restreignant les droits des immigrés et qui a été annoncé au lendemain des événements de novembre dernier dans les banlieues, tout comme la création de l'ANCSEC d'ailleurs.
Cela n'est pas sans traduire l'amalgame fait par certains entre immigration et délinquance, entre population immigrée et population en difficulté.
L'imprécision de la définition des missions de l'ANCSEC, l'incertitude quant à la place de la prévention de la délinquance, la présence ou non de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme, comme celle de la DIV d'ailleurs, alimente ce risque de confusion, de stigmatisation de certains publics.
À juste titre, les personnels du FASILD et de la DIV redoutent que ce ciblage sur des territoires et des publics ne se fasse au détriment d'une compréhension transversale des problématiques.
Actuellement, l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, ANAEM, gère les entrées et séjours de courte durée, l'accueil des demandeurs d'asile et les entrées au titre du regroupement familial et, surtout, le fameux contrat d'accueil et d'intégration. Le FASILD intervient en complément pour la formation linguistique des primo-arrivants. Mais il a d'autres missions principales, dont la promotion sociale et professionnelle des immigrés et descendants de migrants, la prévention et la lutte contre les discriminations, le soutien à la vie associative et la reconnaissance de la diversité culturelle.
Dans la mesure où l'article 16 ignore l'existence de l'ANAEM, une clarification semble nécessaire, en particulier sur les moyens transférés du FASILD à la nouvelle Agence, au regard de ceux de l'ANAEM, concernant non seulement la formation linguistique, mais aussi la lutte contre les discriminations ou le financement d'actions innovantes associatives.
En outre, comme les personnels, nous craignons que la volonté affichée de reprendre en main des actions d'intégration et de lutte contre les discriminations, rendue possible par le rôle central dévolu aux préfets dans la gestion des concours financiers de l'Agence, ne signe la fin de l'autonomie de gestion du FASILD, laquelle lui a justement permis d'être un vrai relais des partenaires, notamment associatifs, de l'État et des collectivités territoriales.
Le risque est en effet important de voir les questions d'intégration et de lutte contre les discriminations soumises, au niveau local, à des pressions dominées par des enjeux sécuritaires. Ce risque est d'autant plus fort que, désormais, les acteurs associatifs ne seront plus présents dans le conseil d'administration de l'ANCSEC. L'espace institutionnel où les personnalités immigrées pouvaient s'exprimer et participer à la prise de décision semble disparaître.
De surcroît, comme n'a pas manqué de le souligner le rapporteur de la commission des affaires sociales, la mention du seul représentant de l'État nie la réalité du fonctionnement actuel du FASILD, qui appuie territorialement ses actions sur des commissions régionales pour l'intégration et la lutte contre les discriminations.
Enfin, nous nous inquiétons du devenir professionnel des personnels du FASILD comme de ceux de la DIV.
Sur toutes ces questions, nous attendons évidemment du Gouvernement des réponses claires. Reste que l'article 16 renvoie à un décret le soin de fixer les règles d'organisation et de fonctionnement de l'ANCSEC.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est défavorable à ces amendements identiques.
Peut-être le Gouvernement pourrait-il confirmer en séance qu'il va élaborer le décret après concertation avec les personnels. Mais, franchement, il est inutile d'inscrire dans la loi des précisions d'ordre réglementaire. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)
M. Alain Gournac, rapporteur. Madame la ministre fera ce qu'elle voudra !
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est qu'une suggestion !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement s'est engagé à élaborer les décrets après concertation. Ce sont les chargés de mission nommés pour mettre en place cette Agence qui mèneront à mes côtés la concertation nécessaire. Je l'ai d'ailleurs dit aux personnels des FASILD lorsque je les ai rencontrés, qu'il s'agisse des membres du conseil d'administration ou des représentants des syndicats.
Compte tenu de ces observations, le Gouvernement est défavorable à ces amendements identiques.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 342 et 786.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 121 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 200 |
Le Sénat n'a pas adopté.
L'amendement n° 787, présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, pour ses compétences relatives aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, met en application au travers de ses engagements financiers les contrats territoriaux pluriannuels conclus entre l'État et les collectivités territoriales conformément aux orientations retenues en Comité interministériel des Villes en concordance avec les objectifs nationaux définis à l'article 2 de la loi d'orientation et de programmation du 1er août 2003 pour la ville et la rénovation urbaine.
La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Nous venons de démontrer que la fusion du FASILD - voire d'autres éléments d'administration d'État, comme la délégation interministérielle à la ville - dans l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances n'était pas sans soulever de nombreuses interrogations qui n'ont d'ailleurs pas été vraiment décryptées !
Le moins que l'on puisse dire, c'est qu'il y a une certaine confusion dans le devenir de la DIV. Certes, celle-ci n'est pas mentionnée explicitement, ni dans le dispositif de l'article 16 ni dans l'exposé des motifs, mais ses missions se croisent avec celles de l'Agence, et les crédits du Fonds d'intervention pour la ville sont déjà captés dans les ressources de l'ANCSEC.
Dans ces conditions, on peut légitimement s'interroger sur l'articulation de cette agence avec ce qui restera de la DIV et sur l'organisation locale de cette agence, d'autant que le texte mentionne uniquement les représentants de l'État dans les départements.
Madame la ministre, nous vous demandons de préciser quels seront les rapports de cette agence avec le délégué interministériel à la ville et au développement social urbain. Plus globalement, nous vous questionnons sur ce qu'il adviendra demain de l'interministérialité et de la transversalité nécessaires à la politique de la ville. Rien ne garantit que ces divers échelons de décision ne conduiront pas à ajouter à la confusion actuelle et qu'ils ne dispenseront pas l'État, garant de l'équité territoriale et sociale, d'agir dans le cadre des contrats de territoire. Comment sera assurée la mise en cohérence des différents champs d'intervention publique au titre de la politique de la ville ?
Dès à présent, comme l'ensemble des acteurs de cette politique, nous avons besoin de lisibilité. Aussi demandons-nous que soient rappelés le rôle de l'État et l'importance du respect de la contractualisation ; bref, que soit décrit le cadre national et territorial dans lequel l'ANCSEC inscrira son action en faveur de certains territoires.
Notre amendement s'inscrit dans cette optique. Il prévoit en effet que, pour ses compétences relatives aux quartiers prioritaires de la politique de la ville, l'ANCSEC met en application, au travers de ses engagements financiers, les contrats territoriaux pluriannuels conclus entre l'État et les collectivités territoriales, conformément aux orientations retenues en comité interministériel des villes, en concordance avec les objectifs nationaux de la politique de la ville.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Les raisons de l'avis défavorable de la commission sont les mêmes que pour l'amendement n° 343 : la commission préfère l'amendement n° 88 de la commission des affaires économiques.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 787.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 122 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 128 |
Contre | 201 |
Le Sénat n'a pas adopté.
La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote sur l'article.
Mme Éliane Assassi. Le groupe CRC ne votera pas l'article 16, qui n'apporte aucune réponse aux difficultés et aux attentes de nos concitoyens et qui, de plus, recèle des dispositions dangereuses.
Il est d'autant moins question pour nous d'approuver cet article que le Gouvernement ne tente absolument pas de prendre en compte l'avis de ceux qui connaissent ces questions et émettent des propositions en faveur du devenir des missions et des moyens de la DIV et du FASILD : les associations, les personnels et les élus.
Il est tout bonnement scandaleux que, une fois de plus, des personnels aient appris par la presse le sort qui leur est réservé. Il est avant tout nécessaire de réviser avec eux les missions de l'Agence.
M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote sur l'article.
Mme Catherine Morin-Desailly. Nous l'avons déjà dit, nous déplorons les conditions de préparation et d'examen de ce projet de loi.
Nous avons également émis le regret que cet article n'ait pas fait l'objet d'une consultation, d'une écoute, d'une recherche de l'adhésion préalable des partenaires, de tous ces acteurs de la politique de la ville qui oeuvrent depuis des années sur le terrain.
Nous constatons toutefois qu'une grande majorité des amendements que nous avions déposés ont été adoptés,...
M. Roger Karoutchi. Eh oui !
Mme Catherine Morin-Desailly. ...apportant une très sensible amélioration au texte.
Certes, nous aurions aimé aller plus loin.
M. Jean Desessard. Nous aussi !
Mme Catherine Morin-Desailly. Quelques inquiétudes demeurent quant aux délais de mise en oeuvre, quant à la période de transition que nous souhaiterions la plus claire possible, principalement pour les acteurs des politiques de la ville qui ont déjà connu une certaine déstabilisation au cours des deux années de mise en place de l'ANRU.
Nous émettrons néanmoins un vote favorable à l'article 16.
M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 123 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
Article 17
L'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances est substituée, à la date d'installation de son conseil d'administration, au Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations pour l'ensemble des actions engagées par cet établissement public administratif au titre de l'article L. 121-14 du code de l'action sociale et des familles dans sa rédaction antérieure à la présente loi, à l'exception des actions de participation à l'accueil des populations immigrées qui sont transférées à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations. Les compétences, biens, moyens, droits et obligations du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations sont respectivement transférés à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations pour ceux qui sont liés aux missions qui lui sont transférées, à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, à compter de sa création, pour les autres. Ces transferts ne donnent lieu à aucune perception d'impôts, droits ou taxes.
Les agents contractuels du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations transférés à l'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances et à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations conservent le bénéfice de leurs contrats.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L'article 17 prévoit que les missions dévolues au FASILD sont transférées à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, à l'exception des missions relatives à l'accueil des populations immigrées, qui sont confiées à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM.
En votant contre l'article 16, nous avons marqué nos interrogations et l'absence de réponse à celles-ci.
En créant l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'objectif affiché par le Gouvernement est « d'accroître la présence de l'État dans les quartiers sensibles aux côtés de l'ANRU pour être l'interlocuteur des maires sur les questions relatives aux quartiers sensibles ».
Cette nouvelle agence est annoncée comme devant servir à une clarification des politiques dites de l'intégration. Il s'agit, selon nous, de la véritable étatisation d'un outil précédemment géré par un conseil d'administration composé d'associations représentatives des immigrés et de celles qui défendent leurs droits.
Or, dans l'organisation de la nouvelle agence, le directeur général serait nommé par l'État. Elle serait composée par moitié de représentants de l'État, par moitié de représentants des organisations syndicales et patronales ainsi que des personnalités qualifiées. Nous avons obtenu que des associations soient représentées.
En outre, les représentants de l'État, autrement dit les préfets, seront les délégués départementaux de l'Agence. Voilà un solide verrouillage.
J'en viens à l'absorption du FASILD par cette nouvelle structure.
Pour nous, il n'est pas souhaitable que les missions jusqu'alors confiées au FASILD soient diluées dans un ensemble plus vaste, dont les contours ne sont d'ailleurs pas complètement définis, que ce soit par rapport à la DIV ou à l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme.
Le FASILD nous semble avoir fait la preuve de son efficacité sur le terrain. Il a su associer efficacement les associations à son action. L'adverbe « notamment », qui se rapporte, dans l'article 16, aux missions de l'agence pour ce qui est de l'intégration des populations immigrées, fait précisément craindre cette dilution du FASILD, malgré toutes les affirmations de Mme la ministre.
Tout d'abord, il nous semble regrettable de mettre à bas cinquante années d'expérience. L'intégration a toujours été la mission fondatrice du FASILD. En ce sens, cet organisme était véritablement pionnier.
Le Gouvernement entend démanteler dans la précipitation, sans concertation, le principal outil chargé de l'intégration des immigrés et de la lutte contre les discriminations raciales.
Le FASILD a permis le développement des échanges croisés et d'une réelle concertation entre représentants de la société civile, chercheurs et partenaires institutionnels.
Il a permis la production et la diffusion de connaissances fondamentales et fondatrices sur l'immigration et les processus d'intégration.
Il a permis, en outre, l'impulsion d'expérimentations, de projets innovants.
Notons que son évolution depuis le fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leur famille a un sens : ce ne sont pas seulement les nouveaux arrivants qui rencontrent des difficultés d'intégration, mais aussi les Français nés en France de parents immigrés.
Il existe des différences fondamentales entre les missions dévolues à la nouvelle agence par le projet de loi et les missions exercées par le FASILD.
Favoriser la cohésion sociale ne signifie pas seulement permettre l'intégration des migrants et de leurs enfants. L'intervention du FASILD ne se limite pas aux territoires de la politique de la ville. On confond public immigré et public en difficulté : d'où stigmatisation et amalgame.
Promouvoir l'égalité des chances ne signifie pas explicitement lutter contre les discriminations ethno-raciales.
La question des discriminations dépasse largement une action centrée sur les territoires prioritaires ou les publics en difficulté et nécessite une articulation avec la HALDE.
Le projet d'agence donne priorité aux élus, nous ne le contestons pas.
M. Alain Gournac, rapporteur. C'est un peu long.
M. Roland Muzeau. Dès que nous abordons des sujets sérieux, vous voulez nous interrompre !
M. le président. Laissez l'orateur conclure.
M. Guy Fischer. De moins en moins d'associations sont financées par le FASILD. Et n'oublions pas les quelque 110 000 emplois induits dans le secteur du travail social, de l'action culturelle et de l'éducation populaire !
Calquer l'organisation de la future agence sur celle de l'ANRU, c'est pour nous gommer le volet humain, alors que M. le rapporteur prétend « donner un pendant humain à l'ANRU », sur le modèle de laquelle serait calquée cette nouvelle agence.
Pour toutes ces raisons et n'ayant été convaincus ni par la présentation de l'article 16 ni par la discussion des amendements qui s'y rapportaient, nous voterons contre l'article 17.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Avec les dispositions prévues dans cet article, le Gouvernement confirme, d'une part, son obstination à ne pas mettre en oeuvre la concertation et, d'autre part, à minorer la participation des associations dans le futur dispositif.
De manière brutale, sèche, le transfert des agents du FASILD vers l'ANCSEC ou vers l'ANAEM va se réaliser sans l'accord des agents concernés, cassant ainsi les synergies et les dynamiques, appauvrissant les structures et la richesse de l'expertise de ses personnels auprès des différents publics.
Parallèlement, ce gouvernement semble tout mettre en oeuvre pour affaiblir les structures paritaires existant depuis longtemps. Cet affaiblissement passe par la double volonté d'instrumentaliser et de mettre sous tutelle les associations, ce qui répond au projet global du Gouvernement.
En effet, vous ne vous contentez pas de démanteler les outils existants au profit de nouveaux outils non performants, madame la ministre, vous les remodelez, afin de les utiliser pour valider le contenu de la politique sociale que vous élaborez.
Madame la ministre, depuis plusieurs jours, en prévision des réformes à venir, de nombreux professionnels de la médiation ainsi que plusieurs associations de quartiers nous ont fait état du changement d'attitude des collectivités territoriales avec lesquels ils travaillent.
Par ailleurs, nous le voyons bien, ce projet de loi s'illustre par une mainmise du ministre de l'intérieur, qui semble reprendre toute l'autorité : en donnant les compétences aux préfets, c'est le ministère de l'intérieur qui reprend la main. Nous craignons notamment que cela ne remette en cause l'autonomie de cette agence et le travail qu'elle réalise avec les associations.
Alors que vous aviez prévu, dans la loi du 1er août 2003, que l'ANRU, qui est tout de même le pendant de l'ANCSEC, puisse s'appuyer sur les préfets, vous mettez entièrement l'agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances sous la tutelle du ministère de l'intérieur. Quelle contradiction ! On peut s'interroger sur l'autonomie de cette agence.
Par ailleurs, je me demande comment les associations vont pouvoir, elles aussi, poursuivre leur travail et aller beaucoup plus loin dans la lutte contre les discriminations, sachant que leurs moyens risquent d'être réduits.
Si, dans le même projet de loi, vous mettez l'un après l'autre, madame la ministre, un dispositif visant à démanteler le FASILD, suivi d'un contrat de responsabilité parentale et de l'accroissement du pouvoir des maires, ce n'est pas un hasard ! Nous ne pouvons que refuser la société pseudo-ouverte, mais ultraréactionnaire et ultrasécuritaire que vous nous proposez.
Vous dites vouloir vous inspirer de l'ANRU, qui veut faire croire qu'il faut partout démolir pour mieux reconstruire, partout déloger pour mieux reloger. Eh bien, comme nous avons refusé l'ANRU pour les immeubles et les grands ensemble, nous refusons cette ANRU pour les hommes et leur vie, car, nous le savons, ce « meilleur vivre ensemble », nous ne l'obtiendrons pas avec ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 346 est présenté par Mmes Printz et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 788 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Michèle San Vicente, pour défendre l'amendement n° 346.
Mme Michèle San Vicente. L'article 17 prévoit de fusionner le FASILD et la DIV pour les remplacer par une agence dont l'action sur le terrain serait confiée aux préfets.
Cette réforme peut être lourde de conséquences et, si nous n'y prenons garde, pourrait faire courir de graves risques à cette cohésion sociale que nous appelons toutes et tous de nos voeux. On ne peut pas lutter pour l'égalité des droits en cassant des outils dont l'efficacité n'est plus à démontrer.
Ainsi, le FASILD subventionne 7 000 associations, générant par là même 20 000 emplois, ces associations ne vivant pratiquement que de ces subventions. Madame la ministre, vous n'êtes pas en cause, mais comment croire encore en la parole de l'État quand celui-ci est resté sourd à l'appel de celles-ci ? Depuis 2003, elles alertent les pouvoirs publics sur les difficultés qu'elles rencontrent sur le terrain après les gels de crédits dont elles sont victimes.
En étant inféodées aux collectivités, les associations perdront l'indépendance qu'elles avaient et deviendront de simples vecteurs des politiques locales dont elles auront perdu la maîtrise.
Par ailleurs, même si l'article 17 semble conserver en apparence dans sa constitution centralisée la représentativité, nous pouvons craindre, malgré vos garanties, madame la ministre, que le paritarisme ne se retrouve plus dans les déclinaisons régionales et ne vole en éclats !
Le FASILD, l'ANLCI et la DIV apportaient, chacun à leur manière, une plus-value réelle et incontestable aux services de droit commun : l'existence d'espaces de concertation et d'échanges croisés entre le monde institutionnel, associatif ou civil ainsi que la production ou la diffusion de connaissances, d'analyses fondamentales sur l'immigration, les ZUS, les processus d'intégration ou encore l'expérimentation et le développement d'actions innovantes.
Cette agence, telle qu'elle se dessine aujourd'hui, risque de cibler davantage les territoires et les publics au détriment d'une compréhension transversale et beaucoup plus large de la problématique.
La limitation des actions de l'agence en faveur des ZUS ou assimilés préfigure bien l'abandon des actions dans les zones limitrophes, comme je l'ai souvent indiqué.
En outre, nous pouvons craindre un retour de la méthode du traitement technique et comptable, une renaissance assurée de l'usine à gaz, comme notre collègue Alima Boumediene-Thiery vient de le démontrer.
Si l'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances a une vocation générale et des compétences élargies, il convient de ne pas comparer son fonctionnement à celui de l'ANRU. Il faut non pas réduire son action aux seuls habitants des zones reconnues comme étant difficiles, mais l'étendre à l'ensemble de la population des territoires qui présentent, eux aussi, des indices de fragilité économique, sociale et éducative de même ampleur. L'égalité des chances dans une même cohésion sociale est à ce prix !
En conséquence, nous vous proposons, mes chers collègues, de supprimer l'article 17.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 788.
M. Guy Fischer. En proposant la suppression de l'article 17, je voudrais revenir sur certaines des craintes que nous avons déjà exprimées à propos de l'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances. J'évoquerai les principaux risques qu'engendre la disparition du FASILD en tant qu'entité.
On pourrait imaginer que le traitement des questions essentiellement techniques et comptables sera privilégié mais que, parallèlement, seront abandonnées une réflexion et une compréhension transversale des problématiques. Les partenariats établis vont disparaître avec, à court terme, un affaiblissement, voire une instrumentalisation des associations.
En effet, le FASILD est le seul organisme à traiter transversalement des domaines qui relèvent du droit commun, qu'il s'agisse de l'emploi, du logement, de l'école, de la santé, de la culture, de la jeunesse ou encore des femmes, et ayant mis en place, avec succès, des dispositifs spécifiques visant à l'apprentissage de la langue française.
Le substitut du FASILD n'aura plus d'autonomie de gestion ; nous avons rappelé tout à l'heure le rôle central du préfet. On peut craindre une réduction massive des financements affectés à l'intégration et à la lutte contre les discriminations, des missions qui ne sont d'ailleurs pas citées dans le projet de loi.
On peut également imaginer que ces questions relatives à l'intégration et à la lutte contre les discriminations soient dominées par des enjeux sécuritaires. Le paritarisme, qui constitue actuellement un cadre important de mobilisation des acteurs de droit commun sur les questions d'intégration et de lutte contre les discriminations, disparaîtra. Les instances paritaires actuelles, les CRILD, les commissions régionales pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, disparaîtront-elles ?
L'expression des immigrés et leur participation étaient possibles dans cet espace paritaire. Or, en la matière, le paritarisme n'est pas mentionné dans le projet de loi, ce qui annonce un fonctionnement rigide et sans concertation.
Que dire par ailleurs de l'effet « tiroir-caisse » d'un guichet unique qui va distribuer 500 millions d'euros ?
Nous nous interrogeons également sur le niveau pertinent d'intervention et sur les risques d'inégalités de traitement selon les départements.
En effet, le choix du niveau départemental est incohérent par rapport à la décentralisation, au transfert de compétences aux régions opéré notamment en matière de formation. Le niveau régional serait plus pertinent.
Enfin, nous estimons qu'une menace pèse sur le devenir des agents du FASILD et qu'il y a remise en cause d'une culture professionnelle.
On compte actuellement 300 agents non titulaires de l'État. Le projet de loi est ambigu quant au statut du personnel de l'agence - mobilité, droit public ou privé. L'inquiétude est grande.
En termes d'efficacité, on risque fort de perdre des compétences professionnelles acquises pour conduire et mettre en oeuvre les politiques publiques dans ce domaine. La disparition des vingt et une directions régionales du FASILD se fera au détriment de la qualité d'intervention des agents, leurs compétences se trouvant éparpillées. Ceux-ci seraient intégrés à l'agence ou mis à disposition de l'État ou d'une collectivité territoriale ou encore de l'ANAEM.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement de suppression. (Mme Marie-France Beaufils applaudit.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Il est important de prévoir les modalités selon lesquelles l'agence reprendra les personnels, les compétences, les biens, les moyens, les droits et obligations du FASILD. Or, mes chers collègues, vous nous demandez de supprimer l'article 17. Cela ne va pas dans le bon sens !
M. Roland Muzeau. C'est pour alléger le mammouth !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous ne pouvons donc qu'émettre un avis défavorable sur ces amendements de suppression.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je veux rappeler cinq points qui me semblent extrêmement importants.
Premièrement, le paritarisme est bel et bien maintenu. Deuxièmement, le directeur de l'agence sera nommé par l'État, comme l'était le directeur du FASILD et comme l'est le délégué interministériel à la ville. Troisièmement, s'agissant de la discrimination, la définition de l'agence ne comprend pas l'adverbe « notamment », monsieur Fischer. Certes, je vous l'accorde bien volontiers, il apparaissait dans la toute première rédaction de l'article, mais il ne figurait déjà plus dans la petite loi. Quatrièmement, je vous confirme le maintien des CRILD ainsi que, cinquièmement, le maintien du statut des personnels.
Pour toutes ces raisons, je suis évidemment défavorable à ces amendements identiques. (MM. Jean-Pierre Fourcade et Paul Girod applaudissent.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 346 et 788.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. L'amendement n° 317, présenté par M. Dallier, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi l'avant-dernière phrase du premier alinéa de cet article :
À compter de la date d'installation du conseil d'administration de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, les compétences, biens, moyens, droits et obligations du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations sont respectivement transférés à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations pour ceux qui sont liés aux missions qui lui sont transférées et à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances pour les autres.
La parole est à M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis.
M. Philippe Dallier, rapporteur pour avis. Il s'agit d'un simple amendement de précision.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 894, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi le second alinéa de cet article :
Les agents contractuels du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations transférés à l'Agence nationale de la cohésion sociale et de l'égalité des chances ou, avec leur accord, à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations conservent le bénéfice de leurs contrats.
Mme Nicole Bricq et M. Bernard Frimat. Nous ne l'avons pas !
M. Alain Gournac, rapporteur. Je vous en redonne lecture. (M. le rapporteur donne lecture de son amendement.)
M. le président. Mes chers collègues, il a été distribué, il se trouve au-dessus de la liasse des amendements qui a été distribuée !
M. Jacques Mahéas. Mais non !
M. Alain Gournac, rapporteur. Cherchez, mes chers collègues, vous devez l'avoir !
M. le président. On est en train d'en faire des photocopies !
M. Roland Muzeau. Il faut suspendre la séance !
M. le président. En attendant, nous allons écouter M. le rapporteur le défendre.
M. Alain Gournac, rapporteur. Certains l'ont, d'autres ne l'ont pas... Il y a des discriminations dans notre assemblée ! (Sourires.) Négatives ou positives ? (Nouveaux sourires.)
Cet amendement vise à préciser que le transfert des agents du FASILD vers l'ANAEM se fera avec leur accord.
M. Guy Fischer. Cela veut tout dire et ne rien dire !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement, qui répond à une attente des salariés du FASILD, puisqu'il tend à préciser que ses agents contractuels conserveront leur contrat dans la nouvelle structure. Une partie des missions actuelles du FASILD étant transférée vers l'ANAEM, il sera nécessaire que certains de ses agents rejoignent cette structure. Ce transfert se fera bien entendu avec l'accord des agents concernés.
Cet amendement apporte donc une précision très utile. (Rumeur persistante sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Mes chers collègues, l'amendement n° 894 n'avait pas été distribué sur toutes les tables. Néanmoins, chacun d'entre vous a pu en prendre connaissance grâce à la lecture qu'en a faite M. le rapporteur et grâce aux explications de Mme la ministre ; en outre, vous l'avez tous en mains maintenant.
Je mets aux voix l'amendement n° 894.
M. David Assouline. Et les explications de vote !
M. le président. Le vote est engagé.
M. David Assouline. Nous n'avons pas eu le temps de prendre connaissance du texte !
M. le président. Mais si, vous avez eu le temps de le lire !
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 347 n'a plus d'objet.
M. Jacques Mahéas. Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président. La parole est à M. Jacques Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Mon rappel au règlement concerne le fonctionnement de notre assemblée.
Monsieur le président, il me semble qu'on aurait pu prendre quelques minutes pour distribuer cet amendement. Certes, il n'est pas essentiel, mais M. le rapporteur l'a lu sans même respecter la ponctuation. À cette heure, nous aurions eu besoin d'un texte écrit.
Dans notre assemblée, les amendements sont toujours écrits. Aussi, je vous demande, monsieur le président, de veiller à ce qu'un tel incident ne se reproduise pas - jusqu'à présent, nos débats se sont plutôt bien déroulés -, de façon que nous disposions des amendements suffisamment tôt pour nous prononcer en toute connaissance de cause.
En l'occurrence, nous n'avons pu expliquer notre vote. Il aurait pu être positif ou négatif. Compte tenu de ce qui vient de se passer, nous nous abstiendrons.
M. le président. Je prends acte de votre remarque, mon cher collègue. Je veillerai à ce que cet incident ne se reproduise pas.
Je mets aux voix l'article 17, modifié.
(L'article 17 est adopté.)
Article 18
La loi n° 64-701 du 10 juillet 1964 relative au Fonds d'action sociale pour les travailleurs étrangers est abrogée.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. L'article 18 du présent projet de loi abroge la loi du 10 juillet 1964 relative au Fonds d'action sociale pour les travailleurs étrangers. Il est en cela cohérent avec l'article 17, qui fait disparaître le FASILD en le « partageant » entre l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances et l'ANAEM.
La loi de 1964 a modifié l'ordonnance du 29 décembre 1958 portant création d'un fonds d'action sociale pour les travailleurs musulmans d'Algérie en métropole et pour leurs familles. Ainsi, le FAS voyait sa compétence élargie et devenait le Fonds d'action sociale pour les travailleurs étrangers.
Cette institution a, au cours de ces cinquante dernières années, sans cesse évolué. Le FASILD n'existe sous sa forme actuelle que depuis 2001 et tant le plan de cohésion sociale que la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale ont confirmé ses missions il y a seulement un an !
En engageant précipitamment cette réforme, c'est une construction fondée sur cinquante ans de travail social que vous mettez en cause, sans la moindre garantie, bien au contraire, d'une quelconque amélioration.
Bien sûr, je reconnais qu'un certain nombre de réponses ont été apportées lors de la discussion des deux précédents articles. Néanmoins, nous souhaitons vivement lever tous les doutes.
Vous mettez en cause l'atout que constituent cinquante années d'expérience et l'apport de personnels qualifiés dans le domaine de l'intégration et de la lutte contre les discriminations.
Mais, nous le savons, l'intégration et la lutte contre les discriminations à l'encontre des immigrés ne comptent pas parmi vos priorités. Vous continuez à refuser le droit de vote à toutes celles et à tous ceux qui vivent depuis longtemps dans notre pays, certains depuis plusieurs décennies.
En novembre dernier, vous avez réduit à deux reprises les droits des étrangers lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 : vous avez remis en cause le droit aux allocations familiales pour les familles étrangères, subordonnant désormais leur versement à la régularité du séjour de l'enfant sur le territoire, contrairement à ce que la Cour de cassation avait précisé en 2004, et en supprimant le droit à un complément de retraite pour les anciens travailleurs étrangers, ceux qu'on appelle les Chibanis.
Quant à la loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, elle a rendu la vie impossible à des milliers de personnes, en remplissant au passage les centres de rétention, sans oublier la multiplication des interpellations fondées sur la couleur de peau, sur le faciès.
Mais encore, le futur projet de loi relatif au code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dit « CESEDA », va aggraver considérablement cette situation en faisant obstacle à de nombreuses régularisations, en mettant les immigrés en situation de précarité permanente, en les stigmatisant toujours plus, d'autant que l'objectif visé est de raccompagner 25 000 immigrés à la frontière durant l'année 2006.
Aussi, l'inquiétude que nous inspire ce projet de loi est confirmée par cet article, bien qu'il soit présenté comme un article de coordination. Nous voterons contre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. L'article 18 est un article de coordination, lourd de conséquences, en effet, car il abroge la loi de 1964 qui avait créé le Fonds d'action sociale pour les travailleurs étrangers, le FAS, devenu le Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD.
Pourtant, le FASILD avait été confirmé dans sa mission par le plan de cohésion sociale de M. Borloo, en 2004, notamment pour l'accueil des primo-arrivants et l'apprentissage du français.
Le Gouvernement fait disparaître le FASILD - M. le rapporteur a fait son mea culpa à cet égard - et transfère ses moyens humains et matériels à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances.
Les récents événements survenus dans les banlieues ont été l'occasion de se pencher sur les interventions publiques en faveur des quartiers défavorisés.
Les politiques menées ont indéniablement montré leurs limites - certes, toutes les politiques ont leurs limites -, en dépit de l'excellent travail du FASILD, réalisé par une structure régionalisée, qui dispose d'une véritable ingénierie et d'un vrai savoir-faire.
Il aurait certainement eu besoin de mieux se structurer, de trouver les synergies, mais les remèdes proposés ici paraissent bien maigres.
L'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances se construira essentiellement par l'absorption du FASILD, par transfert de ses compétences et de ses moyens humains et matériels. Mais il subsiste de nombreuses incertitudes en raison de nombreuses imprécisions.
Certaines missions du FASILD ainsi que de la DIV ne sont pas reprises par la nouvelle agence. Par exemple, la question de la prévention de la délinquance n'est pas traitée dans ce projet de loi, alors qu'elle était de la compétence de la DIV. Il est vrai que le ministre de l'intérieur veut faire une OPA sur cette mission, dans une perspective de nature sécuritaire - cela a été dit à plusieurs reprises
De plus, il existe un risque de confusion dans les objectifs mêmes de l'agence entre différents publics, populations en difficulté, quartiers sensibles, populations « issues de l'immigration » et migrants. Tous ont leurs particularités et n'ont parfois rien de commun.
Pourriez-vous, madame la ministre, monsieur le ministre, nous rassurer sur ces risques d'amalgame et prendre des mesures pour les éviter en faisant un travail notamment sur les mots et la sémantique.
Nous avons eu tout à l'heure un débat sur les personnes « issues de l'immigration ». De même, le mot « intégration » est lui aussi utilisé à tort et à travers. Qui intègre-t-on et à quoi ? Les personnes concernées sont le plus souvent françaises, souvent depuis plusieurs générations, et n'ont pas à être intégrées à la Nation : elles le sont de facto. Elles ont besoin surtout d'être intégrées au champ social et économique.
À cet égard, j'espère, monsieur le ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances, vous qui êtes un amoureux des mots et de la langue française, que ce travail sera fait sous votre houlette.
Enfin, les acteurs associatifs, qui disposaient d'une indépendance au sein du FASILD, expriment actuellement des inquiétudes car ils craignent de devenir des vecteurs des politiques locales et de ne plus maîtriser leurs travaux.
Cela augure une nouvelle fois de la volonté du Gouvernement de décharger l'État de ses tâches sur les collectivités locales et sur le secteur associatif.
Madame la ministre, monsieur le ministre, pouvez-vous au moins nous assurer que vous ne continuerez pas à diminuer les dotations budgétaires au monde associatif, comme cela a été le cas en 2003 et en 2004, ce qui a mis en grande difficulté les associations qui assuraient du lien social. Il aura fallu les émeutes des banlieues pour que vous vous rendiez compte du travail précieux effectué par les associations de terrain.
Comme mon collègue Guy Fischer, je demande donc la suppression de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme Nicole Bricq. Nous attendons des réponses !
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 348 est présenté par Mmes Printz et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, M. Bodin, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 789 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 348.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement de suppression a pour objet de conserver le FASILD.
En effet, cette structure a prouvé son efficacité et nous estimons qu'il convient de la maintenir.
De plus, l'existence de deux structures parallèles permettrait de dissocier la cohésion sociale et la lutte contre les discriminations et préviendrait toute possibilité d'amalgame entre les quartiers en difficulté, les populations dites issues de l'immigration et les migrants.
Enfin, la création de l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ANCSEC, doit correspondre à un engagement financier de l'État et non à une modification imparfaite de l'existant. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° 789.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement tend, dans la droite ligne des propos de M. Fischer, à supprimer l'article 18.
En abrogeant la loi du 10 juillet 1964, l'article 18 donne le coup de grâce à tout ce qui pourrait demeurer du FASILD, déjà démantelé par l'article 17.
Mais il est vrai que, dès 2003, vous vous êtes empressés de réduire les crédits d'intervention de ce fonds. Ceux-ci ont baissé de 25 % entre 2003 et 2005. Quant à la mise en place, depuis trois ans, du contrat d'accueil et d'intégration, le CAI, destiné aux étrangers primo-arrivants, elle est imputée intégralement sur le budget de l'établissement.
Cette situation grève le budget du FASILD, entraînant une baisse importante des moyens financiers mis au service d'associations qui mènent des actions d'aide à l'insertion et à la formation des migrants, ce qui risque de mettre en péril l'avenir de ces associations.
Les personnels du FASILD et leurs organisations syndicales vous ont alerté en 2005 sur le fait que le financement de la politique d'accueil des nouveaux migrants, via le CAI, absorberait 80 % du budget d'intervention du FASILD en 2006, si celui-ci n'était pas augmenté.
Il faut savoir que 16 000 personnes attendent de pouvoir bénéficier d'un apprentissage de la langue française.
J'ajoute, et nous avons déjà eu l'occasion de le dénoncer, que le contrat d'accueil et d'intégration est instrumentalisé afin de conditionner le séjour des personnes concernées. Ce faisant, il anticipe la philosophie du projet de loi CESEDA.
Il n'est en effet pas exclu que ce soit par ce biais que la garantie du séjour pour d'actuels résidents soit remise en cause, au prétexte de l'absence de maîtrise de la langue française.
En tout état de cause, la question se pose aujourd'hui de savoir comment, par qui et avec quels moyens le contrat d'intégration sera désormais géré, si ce projet de loi est adopté.
Le rapport de la commission des affaires sociales souligne que le soutien à l'initiative associative, moyen d'action privilégié du FASILD, constitue un « levier puissant, favorisant la participation des habitants, créant ou maintenant le lien social dans les quartiers ».
Ce n'est donc pas vers la réduction de ses moyens d'action qu'il est urgent de s'engager. Il est au contraire indispensable de les augmenter sans attendre. (Très bien ! sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur les amendements n°s 348 et 789, qui sont tout à fait en opposition avec l'approbation par la commission des affaires sociales de la reprise et du renforcement du FASILD par la nouvelle agence.
Mme Marie-France Beaufils. Il n'y a pas de renforcement !
M. Alain Gournac, rapporteur. Si, madame Beaufils ! Vous avez dû mal écouter ! Mme la ministre a expliqué que cette reprise permettrait un nouveau développement du FASILD.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Je suis d'accord avec Mme Khiari sur deux points : tout d'abord, sur l'efficacité du FASILD, raison pour laquelle ce fonds constitue le socle de la nouvelle agence ; ensuite, sur la nécessité de l'engagement financier de l'État, que nous avons eu l'occasion d'évoquer à plusieurs reprises pendant l'examen du budget.
En revanche, je suis défavorable aux deux amendements en discussion, car il me semble tout à fait important de créer cette agence, qui pourra avoir un véritable effet de levier.
S'agissant des formations linguistiques, je suis personnellement très attentive à ce que ces formations puissent bénéficier, bien sûr, aux primo-arrivants, mais également à toutes celles et à tous ceux qui résident dans notre pays et ne parlent pas notre langue. En effet, nous savons tous que c'est l'outil d'intégration par excellence.
Afin d'être certains de pouvoir offrir cette formation aux représentants de ces deux catégories de population, nous venons tout récemment de réaffecter plus de 2 800 000 euros de crédits pour cette action, plus particulièrement en direction des personnes résidant en France.
Mme Marie-France Beaufils. Où prenez-vous ces fonds ?
Mme Marie-France Beaufils. Vous redéployez !
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Nous avons donc bien les moyens de mener cette politique de promotion du français en tant qu'outil d'intégration.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J'avoue que je suis un peu surpris qu'à l'occasion de l'examen de cet article 18, qui ne fait que tirer la conséquence de l'adoption des articles précédents, nous reprenions le débat de fond que nous avons déjà eu lors de la discussion desdits articles.
Mme Marie-France Beaufils. C'est normal !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ces articles ont été votés. Nous n'avons plus à y revenir ! La question posée à l'article 18 concerne la nécessité ou non d'abroger une loi désormais vide. C'est tout !
Nous savons que nos codes contiennent de nombreuses lois totalement inutiles, qui ne fonctionnent plus et que le Parlement a simplement oublié d'abroger. En l'occurrence, j'avoue que je ne comprends pas comment le Sénat peut débattre pendant près d'une demi-heure sur la question de savoir s'il faut supprimer ou non une loi qui ne sert plus à rien.
Par ailleurs, le fonds en question aurait pu déjà changer d'appellation plusieurs fois depuis sa création en juillet 1964.
Par pitié, ne nous trompons pas de débat ! Nous avons déjà eu une discussion, elle a été tranchée : maintenant, abrogeons donc ce texte qui ne sert plus à rien. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 348 et 789.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 18.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 124 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 328 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
Section 2
Renforcement des pouvoirs de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
M. le président. L'amendement n° 369, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter l'intitulé de cette section par les mots :
et diverses dispositions relatives à l'égalité.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Cet amendement se justifie par son texte même dans la mesure où nous proposerons d'introduire dans l'article 19 des dispositions relatives à l'égalité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. En l'état actuel des choses, cette section concerne non seulement la HALDE, mais également le testing. Cet ajout est d'ores et déjà parfaitement justifié. La commission y est favorable.
M. Bernard Frimat. C'est un bon début !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué à la promotion de l'égalité des chances. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. En conséquence, l'intitulé de la section est ainsi complété.
Article 19
Après l'article 11 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, sont insérés trois articles 11-1 à 11-3 ainsi rédigés :
« Art. 11-1. - Sans préjudice des poursuites pénales et des actions en réparation qui peuvent être engagées, ainsi que des condamnations qui peuvent en résulter, les actes de discrimination directe que visent les articles 225-2 et 432-7 du code pénal et L. 122-45 et L. 123-1 du code du travail peuvent faire l'objet d'une sanction pécuniaire à l'encontre de leur auteur, prononcée par la haute autorité à l'issue d'une procédure contradictoire dont les modalités sont précisées par décret en Conseil d'État et aux termes d'une décision motivée. Cette sanction pécuniaire ne peut excéder 1 500 € s'il s'agit d'une personne physique et 15 000 € s'il s'agit d'une personne morale. Le décret précité définit notamment les conditions dans lesquelles les personnes mises en cause sont informées des faits qui leur sont reprochés et le délai minimal dont elles disposent pour préparer leur défense ; il garantit leur droit d'être entendues, représentées et assistées ; il distingue au sein de la haute autorité les personnes chargées de poursuivre les faits de celles délibérant sur la sanction.
« La haute autorité ne peut engager de procédure de sanction pour des faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur répression.
« Art. 11-2. - Dans les cas visés à l'article 11-1, et selon les mêmes formes et procédures, la haute autorité peut en outre ordonner :
« 1° L'affichage de la décision prononcée ou d'un communiqué, dans des lieux qu'elle précise et pour une durée qui ne peut excéder deux mois ;
« 2° La diffusion de la décision ou d'un communiqué, par son insertion au Journal officiel ou dans une ou plusieurs autres publications de presse, ou par la voie de services de communication par voie électronique, sans que ces services de publication ou de communication puissent s'y opposer.
« Les frais d'affichage ou de diffusion sont à la charge de la personne sanctionnée, sans pouvoir toutefois excéder le maximum de la sanction prévue à l'article 11-1.
« Art. 11-3. - Les décisions prononçant une sanction peuvent faire l'objet d'un recours de pleine juridiction devant le Conseil d'État.
« La haute autorité ne peut prononcer une sanction contre une personne sur le fondement des dispositions pénales réprimant les discriminations si celle-ci a, pour les mêmes faits, déjà été définitivement condamnée par le juge pénal ou a bénéficié d'une décision définitive de non-lieu ou de relaxe déclarant que la réalité de l'infraction n'est pas établie ou que cette infraction ne lui est pas imputable. Si une telle décision de non-lieu ou de relaxe intervient postérieurement au prononcé d'une sanction par la haute autorité, la personne peut demander la révision de la procédure prévue par l'article 11-1. Si à la suite du prononcé d'une sanction pécuniaire par la haute autorité, la personne est condamnée à une amende par le juge pénal, cette sanction s'impute sur l'amende.
« Les décisions prises par la haute autorité en application des articles 9, 11-1 et 11-2 interrompent la prescription de l'action publique. La haute autorité peut communiquer au ministère public la copie de toute pièce qu'elle a recueillie ou élaborée, sous réserve d'en informer les personnes concernées.
« Les sanctions pécuniaires sont recouvrées comme les créances de l'État étrangères à l'impôt et au domaine. »
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. L'article 19 du présent projet de loi a pour objet de renforcer les pouvoirs de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Je rappelle que cette haute autorité administrative, qui a été créée par la loi du 30 décembre 2004, n'a été mise en oeuvre concrètement que le 4 mars 2005, date du décret d'application.
Alors que cela fait seulement un an, presque jour pour jour, que cette instance existe, le Gouvernement a décidé, sans avoir le recul nécessaire quant à l'application de ladite loi et sans que l'Assemblée nationale en débatte, de renforcer ses pouvoirs.
J'estime qu'avant de procéder au renforcement des pouvoirs de sanctions de la HALDE, qui n'est pas une mesure anodine, il aurait été préférable de procéder à d'autres modifications concernant son fonctionnement. Car, à mon sens, pour bénéficier de toute sa légitimité, la HALDE doit apparaître comme une autorité aussi légitimement fondée dans son établissement que dans son fonctionnement.
Or sa composition reste très institutionnelle, pour ne pas dire politiquement verrouillée, et son action est par conséquent difficilement indépendante du pouvoir en place.
Ses moyens, tant humains que matériels, sont soumis aux contraintes budgétaires. Quant à ses pouvoirs d'investigation et d'enquête, ils ne sont pas aussi importants que le préconisait la commission Stasi.
Dans ces conditions, cette autorité peine à paraître réellement indépendante, pluraliste et impartiale.
Les choix opérés par le collège de la HALDE pour former le comité consultatif révèlent une hiérarchie inacceptable entre les discriminations.
Il est donc urgent de mettre en oeuvre une politique véritablement offensive dans le domaine de la lutte contre les discriminations pour faire en sorte que cette instance devienne enfin un organe dynamique, efficace et reconnu comme tel, qui soit enfin composé de façon pluraliste et ouvert à toutes les formes de discriminations.
En outre, l'existence d'une telle autorité n'a d'intérêt qu'à condition de doter celle-ci de moyens différents de ceux dont disposent déjà les victimes de discriminations et les acteurs qui luttent contre les discriminations.
Pour que la Haute autorité soit efficace, il conviendrait de renforcer ses missions dans le domaine de l'assistance aux victimes en termes de constitution du dossier, notamment de rassemblement d'éléments de preuve, pour permettre aux victimes de faire valoir leurs droits en vue d'une médiation ou d'une action en justice. Malheureusement, les capacités d'action de la Haute autorité demeurent limitées.
Cette autorité administrative ne pourra être efficace que si elle est dotée des moyens de réaliser un travail de terrain effectif et d'agir au niveau des institutions et instances républicaines : l'école, le lieu de travail, l'habitat, etc. La question des moyens humains et matériels adaptés est, à l'évidence, fondamentale. La lutte contre les discriminations - phénomène massif et complexe - exige en effet plus que de bonnes intentions.
En tout état de cause, cette Haute autorité ne peut pas, à elle seule, « réparer » le mal causé par les politiques antisociales d'exclusion et de stigmatisation qui sont menées par ce gouvernement et qui conduisent aux souffrances, à la mal-vie, à la précarité à vie que l'on connaît trop dans ce pays.
Pour autant, nous estimons - et il semblerait que nous soyons suivis en cela par le Conseil d'État - que cette instance ne doit se substituer ni à l'action du pouvoir judiciaire, et nous aurons l'occasion de revenir sur ce point lors de l'examen des amendements, ni à celle des pouvoirs publics, dont le rôle essentiel est de promouvoir et mettre en oeuvre le principe d'égalité et de lutte contre les discriminations.
De même, les responsables politiques ne doivent pas se sentir dédouanés de leur responsabilité en la matière du fait de l'existence de cette instance. Il en va du type de société que nous voulons léguer aux générations futures.
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Notre Constitution proclame l'égalité des droits ; l'année 2006 est placée sous le signe du combat pour l'égalité des chances ; nos concitoyens réclament l'égalité de traitement. Voila donc comment se décline l'égalité aujourd'hui : égalité des droits, égalité des chances, égalité de traitement. C'est le fondement même de notre contrat social, de notre pacte républicain.
À cet égard, les discriminations sont des pratiques qui se traduisent par une inégalité en droit, en chances et en traitement, et minent notre cohésion sociale.
Les pratiques discriminatoires sont innombrables, quotidiennes, « routinisées ». Elles peuvent revêtir des formes bien différentes. Certaines peuvent paraître anodines : un regard, un geste, une question déplacée qui jette d'emblée la suspicion sur une personne. D'autres sont bien plus graves. Pourtant, elles ont longtemps été occultées, voire niées.
Les pratiques discriminatoires portent d'autant plus gravement atteintes à la République qu'elles se déploient en toute invisibilité, ou du moins en toute impunité. Or cette impunité discrédite - surtout aux yeux de ceux qui en sont les victimes - le projet républicain et notre contrat social.
À ce jour, quarante condamnations au pénal seulement ont été prononcées. Depuis sa création, il y a un an, la HALDE, autorité encore inconnue, a néanmoins été saisie par plus de 1 300 personnes.
Pourtant, ce n'est pas l'outil qui manque : notre arsenal juridique est un des plus étoffés au monde. En 2001, l'aménagement de la charge de la preuve a considérablement facilité l'action en justice, et l'onction législative que nous allons donner au testing va contribuer à consolider plus encore notre corpus législatif et juridique.
Dès lors, comment expliquer ce chiffre étonnant, ridicule, de quarante condamnations par an ? Les magistrats, on le sait, sont bien plus prompts à condamner les atteintes matérielles que les atteintes morales ou psychologiques. La justice manque également cruellement de moyens. Notre police n'est pas formée en matière de lutte contre les discriminations.
Faut-il pour autant accorder des pouvoirs de nature quasi juridictionnelle à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité en lui octroyant un pouvoir de sanction pécuniaire ou, comme le prévoit l'amendement de la commission des lois, un pouvoir de sanction transactionnelle ?
Je vous avoue, monsieur le ministre, que, à la lecture du texte, j'y étais personnellement favorable pour avoir vu tant de morts sociales dues aux discriminations. Nous avons eu, au sein de notre groupe, de longues discussions à ce sujet. Pesant le pour et le contre, nous avons arrêté notre position en toute connaissance de cause : il revient à la justice, et à la justice seule, de sanctionner les délits. Nos institutions, concernant un sujet aussi grave, aussi vital pour notre pacte républicain, ne peuvent se défausser de leurs responsabilités sur une autorité administrative indépendante.
C'est pourquoi le groupe socialiste n'est favorable à l'octroi ni d'un pouvoir de sanction financière ni d'un pouvoir de sanction transactionnelle à la HALDE.
Pour autant, il convient parallèlement de renforcer les autres pouvoirs de la HALDE. C'est l'objet des amendements déposés par le groupe socialiste.
Nous souhaitons renforcer les pouvoirs de la HALDE en lui octroyant certains pouvoirs de sanction qui la rendent non seulement visible, mais également crédible.
La HALDE est déjà dotée d'un pouvoir d'investigation sur place et, le cas échéant, d'un pouvoir de transmission auprès des juridictions compétentes. Quand elle est saisie d'une demande d'intervention, elle a plusieurs modes de réponse : la médiation ou la recommandation.
Nous proposons des amendements visant à ce que les décisions de la HALDE soient rendues publiques afin que cette haute autorité développe ce que j'appellerai la « publicité négative ».
Pour ma part, dans la mesure où l'essentiel des discriminations portées à la connaissance de la HALDE concernent des discriminations à l'embauche, je crois qu'il est plus dissuasif pour une entreprise publique ou privée de payer une contre-publicité lui recommandant de cesser ses pratiques discriminatoires que de se voir infliger une sanction transactionnelle qui, au final, risque d'être assez indolore ; cela sans préjudice, bien sûr, des poursuites pénales.
M. le président. Veuillez conclure, madame Khiari.
Mme Bariza Khiari. La prise de conscience sur ce sujet est en passe de s'opérer grâce à nos débats et, surtout, grâce à la société civile et aux associations qui ont mis à jour les pratiques discriminatoires. Ne cassons pas cette dynamique et ne dépénalisons pas ces délits d'une très grande gravité. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, sur l'article.
M. Bruno Retailleau. La HALDE est une haute autorité indépendante. La mode est aux hautes autorités indépendantes. Le Conseil d'État, dans son rapport, en avait dénombré pratiquement une trentaine en 2001.
C'est une mode qui nous vient de l'univers anglo-saxon.
C'est une mode qui nous vient aussi de cette tendance, peut-être fâcheuse parfois, à penser qu'une autorité administrative est nécessairement plus indépendante et nécessairement plus neutre qu'une administration. Soit !
Le problème que pose l'article 19 du présent projet de loi est ailleurs, et il est de surcroît double.
D'abord, on sort du champ de la régulation économique, champ dans lequel les AAI, autorités administratives indépendantes, sont parfaitement justifiées. Le Conseil d'État, dans le rapport que je viens d'évoquer, avait d'ailleurs indiqué que, dès lors qu'il s'agissait de libertés publiques, le recours naturel, évident et recommandé était le recours au juge.
Ensuite, dès lors que l'on donne un pouvoir de sanction, comme le fait l'article 19, à la HALDE, on passe d'une autorité administrative à une autorité de jugement. Ce faisant, on enfreint le principe de la séparation des pouvoirs, comme l'a rappelé à deux reprises pour des AAI - en 1991 et en 1996 - le Conseil constitutionnel.
Le Conseil constitutionnel a même posé des limites. Doivent par exemple être scrupuleusement respectés les libertés constitutionnelles et les droits de la défense. Dans l'une de ses décisions, il a précisé « qu'en particulier une sanction administrative de nature pécuniaire ne peut se cumuler avec une sanction pénale ».
Par conséquent, l'article 19 du présent projet de loi est très clairement anticonstitutionnel.
Je note au passage que l'Assemblée nationale ne s'est pas émue de cette anticonstitutionnalité.
Notre commission des lois, elle, s'en est émue, et elle a déposé un amendement, habilement rédigé puisque l'on passe de la notion de sanction à la notion de transaction, mais cela revient néanmoins à faire entrer par la fenêtre ce que l'on n'a pas pu faire entrer par la porte.
Cet amendement me semble en effet appeler trois types de critiques.
Je m'interroge d'abord sur la nature de la transaction, alors que nous sommes dans le plein champ pénal - et l'amendement vise, bien sûr, deux articles du code pénal.
Je note ensuite que cette transaction éteint - bigre ! - l'action publique.
Je note enfin que la sanction pécuniaire atteint des niveaux si élevés qu'elle ne ressortit pas à une contravention mais plutôt à un délit. Nous sommes donc en présence d'une sorte de transaction-sanction ou de sanction-transaction pour des infractions pénales qui devraient naturellement relever de la seule autorité judiciaire.
Deuxième type de critiques : tout cela me paraît ressembler étrangement à une procédure qui existe déjà dans notre droit, la reconnaissance préalable de culpabilité, dite procédure du plaider coupable, mais sans les garanties qui entourent celle-ci, ce qui aura un terrible effet pervers. Je crains en effet que la HALDE n'« aspire » tout le contentieux des discriminations et que le recours à cette autorité, puisqu'elle va exercer une véritable magistrature en matière de principe d'égalité, ne se substitue à la comparution devant les tribunaux, qui est souvent plus infamante et beaucoup plus solennelle.
Troisième type de critiques : puisque l'on est au pénal et qu'il s'agit de quasi-sanctions, force est de constater que les droits et garanties de la défense sont mal définis et mal assumés, y compris dans l'amendement de la commission des lois. En particulier, on ne peut pas se contenter de renvoyer à un décret des garanties qui, en vertu de l'article 34 de notre Constitution, relèvent bien entendu du législateur.
Pour terminer, je dirai que, oui bien sûr, il faut sanctionner les discriminations, et les sanctionner avec fermeté puisque nous nous situons là au coeur de notre modèle républicain, mais que, précisément, si nous voulons les sanctionner avec fermeté, il faut ne pas les soustraire à la justice. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, sur l'article.
M. François Zocchetto. La loi du 30 décembre 2004 a créé la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité et l'a dotée d'un certain nombre de pouvoirs : pouvoir d'investigation, de médiation, de recommandation et pouvoir de transmission des dossiers au parquet ou aux autorités disciplinaires.
La HALDE dispose aussi d'un pouvoir d'intervention devant les juridictions civiles, pénales ou administratives, et, devant les juridictions pénales, elle peut demander à présenter des observations.
Il faut souligner que, depuis quelques mois, la Haute autorité a très bien utilisé ses différents pouvoirs. La loi a ainsi été bien accueillie : elle répond aux exigences posées par le législateur européen ; elle répond aussi, il faut le dire, au souhait qui avait été émis par le Président de la République.
On peut donc considérer que cette loi est équilibrée et que la Haute autorité satisfait ainsi, dans son fonctionnement, au principe de séparation des pouvoirs.
D'un côté, il y a la Haute autorité, qui participe à la lutte contre les discriminations et assiste les victimes de ces discriminations. Lorsque les discriminations sont graves ou répétées, elle transmet le dossier au parquet, qui peut seul engager les poursuites. La décision appartient donc au procureur.
De l'autre côté, il y a l'autorité judiciaire, qui, classiquement, en vertu de nos principes constitutionnels, poursuit et propose de réprimer les infractions.
Vous comprenez que, dans ces circonstances, nous émettions les réserves les plus extrêmes - pour ne pas dire une opposition totale - à l'article 19 du projet de loi tel qu'il nous est présenté.
La première réserve concerne, cela a déjà été clairement exprimé avant moi, le pouvoir de sanction qui serait attribué à la HALDE. En effet, les actes de discrimination constituent très clairement des délits qui sont prévus dans le code pénal aux articles 225-2 et 432-7. Or la répression des délits, la poursuite des auteurs de ces délits ne sont-elles pas, de par notre Constitution, réservées à l'autorité judiciaire ?
Attribuer à la Haute autorité un pouvoir de sanction serait, à mon avis, une véritable discrimination, mais, là, en l'espèce, vis-à-vis de l'autorité judiciaire. Quel paradoxe ! En effet, doter la Haute autorité d'un pouvoir juridictionnel revient à nier complètement un certain nombre d'équilibres qui ont été posés par notre Constitution.
La deuxième réserve porte sur la capacité donnée à la Haute Autorité de réunir des preuves, de poursuivre et de juger. On peut l'admettre, mais encore faut-il que tout se fasse dans le respect des libertés individuelles et des droits de la défense, auxquels nous sommes tous attachés.
Pour ces raisons, il serait également nécessaire d'encadrer les pouvoirs d'intervention de la Haute Autorité, de façon à éviter toute dérive dans l'exercice des vérifications sur place.
Enfin, je voudrais attirer votre attention, mes chers collègues, sur un problème crucial qui ne manquera pas de surgir très rapidement si vous osez adopter l'article 19, ce que je ne peux pas imaginer.
On nous propose dans cet article que les recours à l'encontre des décisions de la Haute Autorité soient portés devant le Conseil d'État, alors qu'il s'agit, purement et simplement, de décisions qui concerneraient la répression de délits.
Chacun sait bien que tout ce qui concerne les délits est du ressort de la Cour de cassation. Que va-t-il se passer lorsqu'il y aura des décisions du Conseil d'État d'un côté, des décisions de la Cour de cassation de l'autre côté ?
Bref, cet article 19 n'est pas acceptable et la commission des lois l'a très bien compris puisque, dans un amendement déposé à l'article 90, elle propose de revoir complètement le mécanisme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. A ce stade du débat, je souhaiterais replacer celui-ci dans son contexte.
Ce débat sur la HALDE tire son existence d'un échec. Dans notre Constitution et dans le fondement de notre République, il y a le principe essentiel d'égalité et de non-discrimination. Or la réalité vécue dans ce pays est plutôt celle des discriminations, discriminations sur tous les terrains, économiques et sociaux, de représentation. Et c'est là que le problème se pose avec acuité.
Si nos politiques publiques, économiques, sociales étaient menées en conformité avec cette égalité inscrite sur le fronton de nos mairies, de nos écoles, nous n'en serions pas à chercher par des « machins » à panser un corps social malade.
Nous ne nous sommes pas opposés à la création de cette Haute autorité, laquelle résulte d'une recommandation européenne que seule la France n'avait pas encore mise en application. Mais, s'il s'agit de remplacer une politique républicaine, laïque, valable pour tous, où chaque citoyen est considéré à égalité avec un autre, par la mise en place d'une haute autorité administrative qui donnerait bonne conscience à la société, je n'y vois pas d'intérêt ?
Nos efforts de sensibilisation aux discriminations seraient d'ailleurs inutiles si devait se poursuivre, comme on peut le redouter avec la politique que nous prépare le ministre de l'intérieur, la stigmatisation des différences dans le pays de l'immigration.
Qu'on le veuille ou non, on a mis sciemment le problème sous le feu de l'actualité, comme si c'était la préoccupation essentielle des Français ! Avec l'approche d'échéances électorales, on a manipulé la sensibilité des Français en parlant de l'immigration clandestine comme de la cause de tous les maux du pays.
Le résultat s'en est fait sentir dans la vie quotidienne. Même s'il n'est pas écrit « immigré clandestin » ou « sans papiers » sur le front du basané qui prend le métro, il est devenu l'objet d'une suspicion qui s'est étendu sur l'ensemble des immigrés, y compris sur les immigrés en situation régulière. Allons plus loin : ses enfants, des Français de la même couleur de peau que lui, furent montrés du doigt et tenus, eux aussi, en suspicion !
À partir du moment où l'on se permet, à l'approche des échéances électorales, de stigmatiser l'immigration, d'en faire le sujet essentiel de préoccupation comme on s'apprête encore à le faire, à quelques mois d'une échéance électorale, à l'occasion d'une loi sur l'immigration qui va faire le tri entre les bons et les mauvais immigrés, on ruine tous les efforts d'éducation de la société, parce que cela encourage l'exclusion, la discrimination.
Le consensus qui s'est manifesté ce soir quant au plus qu'apporterait ce projet de loi me laisse sceptique. Certes, la justice ne poursuit pas assez : le chiffre de quarante condamnations cité par Mme Khiari en est la preuve. Mais est-ce parce que la justice n'est pas suffisamment saisie qu'il faut donner à une autorité administrative le pouvoir de faire ce que la justice ne fait pas ? Ce faisant, on réduit l'impact de la sanction dans la mesure où une décision de justice a un tout autre poids qu'une peine d'amende prononcée par une haute autorité. Si l'on accepte ce transfert, la prochaine fois, ce ne seront pas quarante affaires qui auront été traitées par le pouvoir judiciaire, il n'y en aura plus que dix !
Se pose aussi la question de l'indépendance.
M. le président. Veuillez conclure, monsieur Assouline.
M. David Assouline. Si le groupe socialiste, sans s'y opposer, n'a pas voté pour la création de la HALDE, c'est parce que la composition de celle-ci posait un problème du point de vue de l'indépendance.
Au terme d'un processus très peu concerté, qui fait intervenir très peu d'acteurs, très peu d'associations, les nominations viennent pratiquement toutes d'en haut : du Président de la République, du président de l'Assemblée nationale... Pour une autorité qui va avoir quasiment des pouvoirs de justice et rendre des sentences, c'est inadmissible ! Que les majorités politiques soient de gauche ou de droite, le problème est le même.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.
M. David Assouline. C'est une question de principe. Nous ne pouvons pas accepter cette confusion des pouvoirs. Il faudrait plutôt faire porter notre effort sur les saisines de la justice. Je vous ferai part tout à l'heure l'expérience que j'ai eue d'une saisine de la HALDE qui est particulièrement exemplaire d'une lenteur qui rend sceptique sur son utilité.
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon.
M. Jean-Luc Mélenchon. Je ne sais pas quel sera l'impact de nos débats de cette nuit sur l'opinion publique qui, haletante, nous écoute. (Sourires.) Du moins ai-je l'impression que nous sommes de plus en plus nombreux, sur des travées très diverses - et encore serions-nous encore plus nombreux si la majorité ne ressentait pas l'obligation, bien compréhensible, de soutenir le Gouvernement qu'elle défend - à considérer que nous avons atteint une limite.
Nous sommes en effet très nombreux à ne plus supporter le « démembrement » de l'idéal républicain que constitue le pullulement de ces autorités administratives indépendantes. Je le dis d'autant plus tranquillement que mon propre camp n'a pas manqué, à l'occasion, d'y contribuer en même temps que se répandait une certaine conception que, pour ma part, je considère comme appartenant à la philosophie politique traditionnelle des Anglo-saxons, une conception de la démocratie à laquelle, pour ma part, je n'adhère pas. Je voudrais très rapidement expliquer pourquoi.
La République, ce n'est pas seulement la démocratie : c'est la démocratie, cela l'intègre, mais la République, c'est quelque chose de plus.
En démocratie, on demande à chacun de dire ce qu'il croit bon pour lui ; ensuite, on fait la somme, et on regarde ce qui s'impose à tous.
Il est compréhensible, dans cette vision de l'espace public, qu'en quelque sorte les intérêts ayant chacun regroupé leurs partisans on essaie de mettre au point des mécanismes d'équilibre. On vote, bien sûr. Le vote s'impose, et puis, il y a des instances d'équilibre qui sont d'autant plus indépendantes que le système lui-même le réclame. Il n'y a donc aucune perversité dans le système.
En République, ce n'est pas la même chose. En République, on demande à chacun d'exprimer non pas ce qu'il croit bon pour lui, mais ce qu'il croit bon pour tous. Ce n'est donc pas du tout pareil puisque cela suppose un citoyen qui n'est pas un individu concret, un individu portant ses propres intérêts, défendant sa propre cause personnelle et la mettant en arbitrage parmi les autres, mais un individu qui s'élève au-dessus de l'humus qui le constitue pour dire ce qui, à son avis, est bon pour l'ensemble, pour tous.
Les trois marchent de pair : d'abord, le citoyen-individu qui transcende l'individu concret et s'élève au-dessus de son intérêt personnel ; ensuite, l'unité, l'indivisibilité de la communauté légale ; c'est en ceci que se constitue le peuple français, le peuple français qui est l'ensemble de ceux qui contribuent à la formation de cette communauté légale, les citoyens.
Nous ne sommes pas Français pour des raisons ethniques, pour des raisons de couleur de peau, pour des raisons de religion, ou autre... Nous le sommes parce que nous participons librement et également à la même communauté légale.
C'est la raison pour laquelle la justice est rendue au nom du peuple français, c'est-à-dire au nom de la communauté légale qui englobe, dépasse, transcende et annule toutes les autres communautés subsidiaires, celles qui tiennent à la religion, à la peau, à la langue et à ce qu'on voudra !
Voilà pourquoi, fondamentalement, l'idée d'une haute autorité viole la conception républicaine de l'expression du souverain et de la manifestation de l'intérêt général ; en tout cas dans la conception que, moi, j'en ai, étant, comme chacun le sait dans cet hémicycle, un Jacobin qui n'a pas honte de l'être !
L'autre brutalité vient du fait que l'on invente, pour le coup, dans un modèle qui n'est pas le nôtre, une institution qui est à la fois le législatif, l'administratif et le judiciaire de son propre domaine. Alors là, c'est le comble !
Je ne dis pas cela spécialement pour cette Haute autorité, car ce serait totalement injuste. En effet, avec mes amis, j'ai soutenu la mise en place de telles autorités dans le passé.
Je crois avoir exprimé des principes dans lesquels nombreux se reconnaissent ici. Dans le cas particulier, il s'agit d'une transposition d'une directive européenne. Nous exprimons à cet instant des points de vue qui tiennent à la conjoncture. Sur le fond, il n'y a qu'une chose à dire après tout par ceux qui, comme moi, ne vont pas voter, mais même par ceux qui vont voter : « Vive la République » et surtout pas « Vive les hautes autorités ! » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE, de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas Alfonsi.
M. Nicolas Alfonsi. Je veux simplement dire ma satisfaction au vue de la sensible évolution de notre collègue qui vient de s'exprimer. Je souscris entièrement aux propos qu'il a tenus, d'autant plus que, voilà quelques années, il avait déclaré sans rire qu'il valait mieux perdre la Corse que perdre la République. Ce rappel de l'unité me fait donc très plaisir, je tenais à le lui dire. (MM. Roger Karoutchi et Roger Romani applaudissent.)
Autre remarque : si ce texte est voté, des commentateurs se poseront sans doute pendant très longtemps la question de la nature juridique de la HALDE, avec le désordre juridique profond qu'elle ne manquera pas d'entraîner.
Le critère, au vu duquel les décisions juridiques de la HALDE, seront incontestablement juridictionnelles, on le trouve dans le dernier paragraphe de l'article 11-1, qui, par analogie, fait référence à la prescription de trois ans. Au-delà de trois ans, il s'agit d'un délit sur lequel la HALDE sera incontestablement amenée à se prononcer.
C'est la raison pour laquelle je voterai contre cet article.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le débat fort intéressant qui vient d'avoir lieu sur l'article 19, au cours duquel nous avons entendu des exposés d'une grande qualité, a permis à tous ceux qui ont déposé des amendements de suppression de s'exprimer en toute liberté.
Pour la clarté du débat, et parce que plusieurs d'entre eux ont fait référence aux apports considérables de l'amendement n° 90, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, je demande l'examen par priorité de cet amendement et des sous-amendements dont il est assorti. Ainsi, notre assemblée pourra aller sans attendre à l'essentiel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est de droit.
L'amendement n° 90, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
La loi n° 2004- 1486 du 30 décembre 2004 portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est ainsi modifiée :
1°) Après l'article 11 sont insérés trois articles ainsi rédigés :
« Art. 11- 1. - Lorsqu'elle constate des faits constitutifs d'une discrimination sanctionnée par les articles 225- 2 et 432- 7 du code pénal et L. 122- 45 et L. 123- 1 du code du travail, la Haute autorité peut, si ces faits n'ont pas déjà donné lieu à la mise en mouvement de l'action publique, proposer à l'auteur des faits une transaction consistant dans le versement d'une amende transactionnelle dont le montant ne peut excéder 3 000 euros s'il s'agit d'une personne physique, de 15 000 euros s'il s'agit d'une personne morale et, s'il y a lieu, dans l'indemnisation de la victime. Le montant de l'amende est fixé en fonction de la gravité des faits ainsi que des ressources et des charges de la personne.
« La transaction proposée par la Haute autorité et acceptée par l'auteur des faits ainsi que, s'il y a lieu, par la victime, doit être homologuée par le procureur de la République.
« La personne à qui est proposée une transaction est informée qu'elle peut se faire assister par un avocat avant de donner son accord à la proposition de la Haute autorité.
« Art. 11- 2. - Dans les cas visés à l'article 11- 1, la Haute autorité peut également proposer que la transaction consiste dans :
« 1° L'affichage d'un communiqué, dans des lieux qu'elle précise et pour une durée qui ne peut excéder deux mois ;
« 2° La diffusion d'un communiqué, par son insertion au Journal officiel de la République française ou dans une ou plusieurs autres publications de presse, ou par la voie de services de communication électronique, sans que ces services de publication ou de communication puissent s'y opposer.
« Les frais d'affichage ou de diffusion sont à la charge de l'intéressé, sans pouvoir toutefois excéder le maximum de l'amende transactionnelle prévue à l'article 11- 1.
« Art. 11- 3. - Les actes tendant à la mise en oeuvre ou à l'exécution de la transaction sont interruptifs de la prescription de l'action publique.
« L'exécution de la transaction constitue une cause d'extinction de l'action publique. Elle ne fait cependant pas échec au droit de la partie civile de délivrer citation directe devant le tribunal correctionnel. Le tribunal, composé d'un seul magistrat exerçant les pouvoirs conférés au président, ne statue alors que sur les seuls intérêts civils.
« En cas de refus de la proposition de transaction ou d'inexécution d'une transaction acceptée et homologuée par le procureur de la République, la Haute autorité, conformément aux dispositions de l'article 1er du code de procédure pénale, peut mettre en mouvement l'action publique par voie de citation directe.
« Un décret précise les modalités d'application des articles 11- 1 et 11- 2 et du présent article. » ;
2°) Le quatorzième alinéa de l'article 2 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Les agents de la haute autorité assermentés et spécialement habilités par le procureur de la République peuvent constater par procès-verbal les délits de discrimination, notamment dans le cas où il est fait application des dispositions de l'article 225- 3- 1 du code pénal. » ;
3°) Au début du premier alinéa de l'article 12 sont ajoutés les mots : « Sans préjudice de l'application des dispositions de l'article 11- 1, » ;
4°) Le dernier alinéa de l'article 12 est complété par les mots : « ou des dispositions de l'article 11- 1. » ;
5°) L'article 8 est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas d'opposition du responsable des lieux, le président de la Haute autorité peut saisir le juge des référés d'une demande motivée afin qu'il autorise les vérifications sur place. Les vérifications s'effectuent alors sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées. Celui-ci peut se rendre dans les locaux durant l'intervention. A tout moment, il peut décider l'arrêt ou la suspension des vérifications. »
La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je voudrais tout d'abord insister sur l'importance que la commission des lois attache à cet amendement, tout en précisant, pour que les choses soient claires, que la commission des lois est néanmoins favorable au renforcement des pouvoirs de la HALDE, à des fins de sanction effective des discriminations.
Comme le disait notre collègue David Assouline, il y a en moyenne, dans notre pays, quarante condamnations contentieuses par an en matière de discrimination, ce qui, mes chers collègues, est tout à fait insignifiant à l'échelle de notre République.
La commission des lois relève toutefois que les infractions de discrimination relèvent essentiellement de la justice pénale. Pour autant, le projet de loi, tel qu'il est rédigé, confie à la HALDE le pouvoir d'apprécier et de sanctionner des éléments constitutifs d'infractions pénales.
Or une telle compétence excède largement les attributions reconnues jusqu'à ce jour aux autorités administratives qui, c'est vrai, cher collègue Mélenchon, prolifèrent depuis quelques années.
Ces autorités, lorsqu'elles sont dotées d'un pouvoir de sanction, l'exercent en effet pour réprimer des manquements à des législations sectorielles dont elles ont la charge et non pas pour sanctionner des atteintes à la personne humaine définies par le code pénal.
Par exemple, le Conseil de la concurrence sanctionne les manquements au code de commerce en matière de concurrence, et l'on pourrait de la même façon citer la Commission nationale de l'informatique et des libertés, la Commission d'accès aux documents administratifs ou encore la Commission bancaire.
Le pouvoir ainsi reconnu à la HALDE tendrait donc à assimiler celle-ci à une quasi-juridiction, qui constituerait dès lors - comment l'appeler autrement ? -un démembrement de l'autorité judiciaire.
Nous estimons donc que, sur ce point, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi porte atteinte au principe constitutionnel de la séparation des pouvoirs.
C'est pourquoi le présent amendement, que je défends au nom de la commission des lois, vise à mettre en place un mécanisme différent, qui, s'il donne à la HALDE un véritable pouvoir de sanction, respecte néanmoins le bloc de compétences de l'autorité judiciaire.
La HALDE aurait ainsi le droit de proposer une transaction aux auteurs de discrimination, transaction dont l'homologation par le procureur de la République, suivie de son exécution volontaire, éteindrait l'action publique, ce qui prolongerait la mission de médiation déjà reconnue à la HALDE.
En outre, si le procureur estimait que la sanction était beaucoup trop faible par rapport à l'importance de discrimination, il lui suffirait tout simplement de ne pas homologuer.
En cas d'échec de cette transaction, la HALDE pourrait mettre en mouvement l'action publique en matière de discrimination.
Ces nouveaux pouvoirs, qui ressemblent fort à ceux qui sont que la loi confie à des administrations spécialisées, comme les douanes ou l'administration des eaux et forêts, rendent ainsi complémentaires, et non plus en opposition, l'action de la HALDE et celle des autorités judiciaires.
Ils offriraient une garantie d'efficacité semblable à celle, par exemple, de la composition pénale, qui constitue une version élargie du règlement transactionnel du délit ; si l'occasion m'en est donnée ultérieurement, je pourrai citer quelques extraits du remarquable rapport rédigé par notre collègue François Zocchetto, au nom de la mission d'information relative aux procédures accélérées de jugement, dans lequel figure toute une série de statistiques sur la composition pénale qui peuvent, en l'occurrence, se révéler très intéressantes.
Une preuve supplémentaire, s'il en était besoin, de notre volonté de renforcer le pouvoir de la HALDE tient en deux propositions annexes incluses dans cet amendement : il s'agit, d'une part, d'habiliter les agents de la HALDE à constater les délits de discrimination, notamment dans le cadre des testing, et, d'autre part, de permettre au président de la Haute autorité, en cas d'opposition du responsable des lieux à des vérifications sur place, de saisir sans délai le juge des référés afin qu'il autorise ces vérifications.
Cela est sans doute le signe d'une certaine obstination de votre rapporteur pour avis de la commission des lois, puisque j'avais vainement fait une proposition identique lors de la discussion du projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.
Tel est l'objet de cet amendement, auquel la commission des lois attache, je le répète, une grande importance. (Applaudissements.)
M. le président. Le sous-amendement n° 538 rectifié, présenté par Mmes Dini et Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par le 1 de l'amendement n° 90 pour l'article 11- 1 de la loi n° 2004- 1486 du 30 décembre 2004 par une phrase ainsi rédigée :
En cas de manquement réitéré dans les cinq années à compter de la date à laquelle la sanction pécuniaire précédemment prononcée est devenue définitive, le montant de la nouvelle sanction ne peut excéder 6 000 euros pour une personne physique et 30 000 euros pour une personne morale.
Mme Catherine Morin-Desailly. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 538 rectifié est retiré.
M. le président. Le sous-amendement n° 418 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Darniche, Portelli, Lardeux et Seillier, est ainsi libellé :
A la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 90 pour l'article 11- 1 de la loi n° 2004- 1486 du 30 décembre 2004, remplacer les mots :
procureur de la République
par les mots :
président du tribunal de grande instance territorialement compétent ou le juge délégué par lui.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Vous souhaitez, monsieur le rapporteur pour avis, confier l'homologation de la transaction au procureur de la République. Or ce dernier est une autorité de poursuites, non une autorité de jugement.
Pour respecter le parallélisme des formes, je pense qu'il est important, si l'on veut garantir les droits de la défense en général, que ce soit l'autorité de jugement qui puisse homologuer et en aucun cas le procureur de la République.
Il s'agit là d'une mesure de bon sens qui, je le crois, améliorerait le texte.
Je souhaite d'ailleurs, monsieur le président, rectifier ce sous-amendement, de manière à remplacer également, dans un autre paragraphe de l'amendement n° 90, les mots : « procureur de la République » par les mots : « président du tribunal de grande instance ».
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 418 rectifié bis, ainsi libellé :
A la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 90 pour l'article 11- 1 de la loi n° 2004- 1486 du 30 décembre 2004 et dans le troisième alinéa du texte proposé pour l'article 11- 3, remplacer les mots :
procureur de la République
par les mots :
président du tribunal de grande instance territorialement compétent ou le juge délégué par lui.
Le sous-amendement n° 419 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Darniche, Portelli, Lardeux et Seillier, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 90 pour l'article 11- 2 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 :
Dans les cas visés à l'article 11- 1, à la place de l'amende transactionnelle, la Haute autorité peut proposer que la transaction consiste dans :
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Il s'agit simplement ici, pour éviter ce que l'on appelle les « peines complémentaires », de s'abstenir de sanctionner deux fois la même infraction : c'est soit la transaction-sanction soit la publication.
M. le président. Le sous-amendement n° 872, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par l'amendement n° 90 pour l'article 11-2 de la loi n° 2004- 1486 du 30 décembre 2004, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 1° bis La transmission pour information au comité d'entreprise ou au délégué du personnel ;
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. La plupart des demandes adressées à la HALDE concernent les discriminations à l'embauche.
Ce sous-amendement précise que la décision prononcée par la HALDE est transmise pour information au représentant du personnel. Il ne concerne, par conséquent, que les entreprises de plus de dix salariés.
Nous sommes convaincus non seulement des vertus pédagogiques de l'information, mais aussi et surtout des vertus éminemment dissuasives de la contre-publicité, tant au sein de l'entreprise qu'à l'extérieur.
M. le président. Le sous-amendement n° 873, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le troisième alinéa (2°) du texte proposé par l'amendement n° 90 pour l'article 11- 2 de la loi n° 2004- 1486 du 30 décembre 2004, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 2° bis L'obligation de publier la décision au sein de l'entreprise.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Ce sous-amendement s'inscrit dans la droite ligne du précédent.
Nous proposons que l'entreprise ait l'obligation d'afficher la décision de la HALDE, qu'il s'agisse d'une médiation, d'une recommandation ou d'une sanction transactionnelle, si elle était décidée, dans les lieux d'affichage légaux prévus.
M. le président. Le sous-amendement n° 420 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Darniche, Lardeux et Seillier, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par le 5 de l'amendement n° 90 pour compléter l'article 8 de la loi n° 2004- 1486 du 30 décembre 2004 :
« En cas d'opposition du responsable des lieux, le président de la Haute autorité peut saisir le président du tribunal de grande instance territorialement compétent ou le juge délégué par lui d'une demande motivée présentant l'ensemble des éléments établissant qu'une infraction visée à l'article 11- 1 est constituée afin qu'il autorise par ordonnance rendue après une procédure contradictoire en la forme des référés les vérifications sur place. Les vérifications s'effectuent alors sous l'autorité et le contrôle du juge qui les a autorisées, en présence d'un officier de police judiciaire territorialement compétent et nominativement désigné dans l'ordonnance. Le magistrat ayant autorisé la visite peut se rendre dans les locaux durant l'intervention. A tout moment, il peut décider l'arrêt ou la suspension des vérifications.
« Cette ordonnance n'est susceptible que d'un pourvoi en cassation formé dans les cinq jours.
« Dans tous les cas, avant de débuter les vérifications, les agents de la Haute autorité informent la personne visée qu'elle peut se faire assister du ou des conseils de son choix. Les vérifications ne peuvent commencer que lorsque le conseil de la personne visée est présent. Les agents de la haute autorité dressent un procès-verbal de leurs vérifications, qui est signé par la personne visée, son ou ses conseils et, en cas de vérifications sur place sur autorisation du président du tribunal de grande instance ou du juge délégué par lui, par l'officier de police judiciaire. »
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Ce sous-amendement a pour objet de mieux encadrer ce que l'on appelle les visites domiciliaires ou les vérifications sur place.
Je propose simplement, notamment pour que la procédure soit beaucoup plus respectueuse des droits de la défense, de prévoir deux garde-fous. Dans un premier temps, il reviendrait au juge d'autoriser, par une ordonnance et après une procédure contradictoire, les vérifications sur place. Ensuite, celles-ci ne pourraient être conduites qu'en présence du conseil de la personne visée, par exemple le propriétaire d'un établissement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout le monde ici le sait, les compétences de la commission des affaires sociales sont très larges ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
M. Alain Gournac. Toutefois, en ce qui concerne l'amendement n° 90, nous avons souhaité travailler en étroite relation avec la commission des lois, en particulier avec notre collègue Jean-René Lecerf, et de suivre ses propositions, même s'il y a eu des « allers et retours ».
La commission saisie au fond est tout à fait favorable à la proposition de Jean-René Lecerf, telle qu'il nous l'a présentée. Je lui laisse le soin de s'exprimer sur les modifications que d'autres collègues suggèrent d'apporter à son amendement.
M. le président. Quel est, donc, l'avis de la commission des lois sur l'ensemble des sous-amendements ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Nous sommes défavorables au sous-amendement n° 418 rectifié dans la mesure où l'homologation d'une proposition de transaction relève du procureur de la République.
Le code de procédure pénale ne confie l'homologation à un magistrat du siège que lorsque la proposition de transaction est faite par le parquet ou lorsque la sanction encourue peut consister en une peine privative ou restrictive de liberté.
Ces hypothèses correspondent, en effet, à la composition pénale et à la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, la CRPC, et non pas à la transaction pénale, qui est proposée par une autorité administrative et qui ne peut consister en une peine privative ou restrictive de liberté.
La commission des lois est également défavorable au sous-amendement n° 419 rectifié, car ce n'est pas sanctionner deux fois les mêmes faits que de prévoir plusieurs sanctions ; sinon il n'existerait pas de peine complémentaire en matière pénale.
Ainsi, les discriminations, si elles sont jugées par le tribunal correctionnel, à défaut de transaction, peuvent donner lieu, en plus de l'amende et de l'emprisonnement, aux six peines complémentaires prévues à l'article 225- 19 du code pénal, telles que l'affichage, la diffusion, la publication, l'interdiction des droits civiques, etc.
En ce qui concerne le sous-amendement n° 872, la commission des lois émet un avis favorable sous réserve d'une légère modification destinée à préciser ce qui est véritablement transmis au comité d'entreprise ou au délégué du personnel.
Dans un souci d'harmonie avec l'amendement n° 90, il conviendrait de prévoir que la HALDE peut proposer la transmission pour information « d'un communiqué » au comité d'entreprise ou au délégué du personnel.
S'agissant du sous-amendement n° 873, je m'en remets à la sagesse du Sénat. En effet, le fait de publier la décision au sein de l'entreprise peut effectivement se justifier. Le texte de notre amendement n'empêche pas cette publication, bien au contraire, puisqu'il prévoit qu'il appartiendra à la HALDE de préciser les lieux dans lesquels le communiqué pourra être affiché. Dès lors, la suggestion faite par Mme Khiari et les membres du groupe socialiste est-elle vraiment indispensable ? Je n'en suis pas sûr.
Enfin, la commission des lois souhaite le retrait du sous-amendement n° 420 rectifié, qui traite des visites domiciliaires.
En effet, nous ne sommes pas convaincus par l'argumentation de notre collègue Bruno Retailleau dans la mesure où les vérifications sur place de la HALDE ne nous paraissent pas pouvoir être assimilées à des visites domiciliaires, tant il est vrai qu'elles ne peuvent être conduites que « dans les locaux administratifs, dans les lieux, locaux, moyens de transport accessibles au public et dans les locaux professionnels, à condition que ces derniers soient consacrés à cet usage. »
Par conséquent, la disposition qui est proposée par la commission des lois reprend la procédure classique prévue pour la CNIL dans l'article 44 de la loi de 1978 qui la crée.
Il convient, à notre avis, que cette procédure ne soit pas trop lourde afin de ne pas empêcher la Haute autorité de mettre en oeuvre ses pouvoirs d'investigation, qui demeurent fort circonscrits.
Telles sont les raisons pour lesquelles, à défaut du retrait de ce sous-amendement, la commission des lois y serait défavorable.
M. le président. Madame Khiari, acceptez-vous la rectification proposée par M. le rapporteur pour avis?
Mme Bariza Khiari. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un sous-amendement n° 872 rectifié, ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par l'amendement n° 90 pour l'article 11- 2 de la loi n° 2004- 1486 du 30 décembre 2004, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« 1°bis La transmission pour information d'un communiqué au comité d'entreprise ou au délégué du personnel ;
L'amendement n° 420 rectifié est-il maintenu, monsieur Retailleau ?
M. Bruno Retailleau. Oui, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Azouz Begag, ministre délégué. L'amendement n° 90 tend à substituer au pouvoir de sanction que le projet de loi prévoit d'accorder à la HALDE la faculté de proposer des transactions.
Le Gouvernement ne peut accepter cet amendement, tant pour des raisons juridiques que pour des motifs d'opportunité.
En droit, tout d'abord, cet amendement est présenté par la commission des lois comme nécessaire eu égard au caractère anticonstitutionnel du dispositif de sanction prévu par le projet de loi. Or le Gouvernement ne partage pas cette analyse.
Mme Nicole Bricq. Pourquoi ?
M. Azouz Begag, ministre délégué. En effet, comme je l'ai déjà indiqué, les difficultés constitutionnelles que présentait le projet de loi initial ont été aplanies par des avec l'accord du Gouvernement.
Un premier problème, au regard du principe de légalité, tenait à l'imprécision de la définition des discriminations que pouvait sanctionner la HALDE. L'article 19 fait désormais précisément référence, dans le texte proposé pour l'article 11-1 de la loi du 30 décembre 2004 aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal et L. 123-45 et L. 123-1 du code du travail. Il ne comporte donc plus aucun flou, et le principe de légalité se trouve strictement respecté.
Une deuxième difficulté tenait au risque de violation du principe de la séparation des pouvoirs, dans la mesure où les sanctions décidées par la HALDE, c'est-à-dire par une autorité administrative, pouvaient venir contredire des décisions de l'autorité judiciaire, en l'espèce le juge pénal, ou se trouver infirmées par ses décisions. Néanmoins, ce problème se trouve réglé par la rédaction, qui résulte d'un amendement de la commission des lois de l'Assemblée nationale, de l'article 11-3. Celui-ci précise que la HALDE ne pourra prononcer de sanctions si l'autorité judiciaire a déjà statué.
Par ailleurs, lorsque le juge pénal statuera postérieurement à la HALDE, soit, en cas de relaxe, la sanction prononcée par la Haute autorité devra faire l'objet d'une révision, soit, en cas de condamnation, l'amende infligée par la Haute autorité s'imputera sur celle prononcée par le juge pénal. Dès lors, il n'y a plus de risque d'atteinte au principe de la séparation des pouvoirs.
En opportunité, à présent, la sanction proposée par la commission des lois du Sénat n'est absolument pas satisfaisante, car une transaction suppose l'accord de l'auteur des faits. Or, étant donné qu'en matière de discrimination ceux-ci sont le plus souvent contestés, leurs auteurs n'accepteront pas de transiger. Le droit de proposer une transaction qui serait accordé à la HALDE risque donc fort de rester lettre morte.
En revanche, l'authentique pouvoir de sanction qui résulte du projet de loi permettra à la HALDE de punir réellement les auteurs de discriminations. Ce pouvoir de sanction, qui a été voulu et annoncé par le Président de la République, et qui fait suite à une demande explicite du président de la HALDE, répond à une véritable nécessité. En outre, dans la rédaction actuelle du projet de loi, il ne soulève pas de problème constitutionnel.
Certes, le juge pénal sera saisi dans les cas les plus graves. Toutefois, comme je l'ai déjà souligné au cours de la discussion générale, le pouvoir de sanction de la HALDE se trouvera proportionné à la gravité des faits les plus ordinaires, les plus nombreux, qui exigent une procédure simple, rapide, afin de rétablir immédiatement et facilement un sentiment de justice.
Pour ces différentes raisons, l'amendement de la commission des lois pourrait être retiré. À défaut, le Gouvernement serait contraint d'émettre un avis défavorable.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le ministre, je viens d'écouter vos propos avec la plus grande attention et le plus grand respect.
Vous dites que, pour les actes de discrimination les moins graves, ce sont des sanctions pécuniaires qui seront prises. Or les sanctions prononcées par la HALDE concernent tout de même des actes visés par des articles du code pénal ! Nous avons voulu que les discriminations soient punies non seulement par des amendes, mais aussi, le cas échéant, par des peines de prison précisément parce que nous estimons qu'elles constituent des faits graves, poursuivis d'ailleurs en vertu tant du code du travail que du code pénal.
Si nous vous suivions, monsieur le ministre, il existerait, en matière de discriminations, deux justices, la petite ou basse justice de la HALDE, dépourvue de toute garantie juridictionnelle, et, le cas échéant, de temps à autre, la justice pénale ! Or je me refuse résolument à confondre la Haute autorité et l'autorité judiciaire : ce serait contraire à tous nos principes juridiques.
Vous prétendez que ce dispositif est constitutionnel, mais nombre d'auteurs inspirés ont soutenu le contraire, après avoir comparé la HALDE avec d'autres autorités administratives indépendantes qui s'étaient vues dotées de pouvoirs de sanction, mais uniquement dans leur domaine d'intervention, pas en matière pénale !
Honnêtement, monsieur le ministre, le dispositif qui nous est proposé ne nous convainc pas.
Vous soulignez qu'une transaction doit être acceptée par les parties. Mais pensez-vous que n'importe quel citoyen accusé par la HALDE d'avoir pratiqué des discriminations acceptera de bon gré de se voir sanctionné par une instance qui n'a d'autorité que le nom, par comparaison avec les juridictions ? Dès lors, en rester au texte actuel du projet de loi, ce ne serait pas rendre service à la lutte contre les discriminations.
Nous sommes tout à fait d'accord pour renforcer les pouvoirs de la HALDE, mais à la condition qu'ils restent toujours sous le contrôle de l'autorité judiciaire.
Vous avez même imaginé que le Conseil d'État serait juge en appel des décisions de la HALDE, pour des faits relevant du droit pénal ! Franchement, le dispositif atteint ici une parfaite incohérence !
M. Guy Fischer. Tout à fait, c'est ridicule !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Monsieur le ministre, je suis au regret de vous annoncer que, si l'amendement de la commission des lois n'était pas adopté, nombre d'entre nous, à mon avis, n'accorderaient pas à la HALDE un pouvoir de sanction, parce que ce dernier serait alors dépourvu de garantie.
Mme Nicole Bricq. Absolument !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Les avocats l'ont affirmé, ainsi que nombre de magistrats, et pour ma part j'en suis profondément convaincu, si un pouvoir de sanction n'est pas dévolu à la HALDE, les parquets et l'autorité judiciaire auront à coeur de poursuivre d'une manière beaucoup plus déterminée les discriminations.
Nous proposons, en instituant une procédure de transaction, d'inciter les parquets à poursuivre les faits les plus graves, sous leur propre autorité, afin que bien plus de sanctions pénales soient prononcées, ce que nous souhaitons tous. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe UMP.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 418 rectifié bis.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Monsieur Retailleau, le sous-amendement n° 419 rectifié est-il maintenu ?
M. Bruno Retailleau. Non, je le retire, monsieur le président.
M. le président. Le sous-amendement n° 419 rectifié est retiré.
Je mets aux voix le sous-amendement n° 872 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 420 rectifié.
(Le sous-amendement n'est pas adopté.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote sur l'amendement n° 90.
M. Bernard Frimat. Au sein de la commission des lois, tout d'abord, puis en séance publique, ce soir, nos échanges sur la question du pouvoir de sanction de la HALDE ont été, me semble-t-il, très fructueux, constructifs et ouverts.
Précisons d'abord, pour éviter tout faux débat, que le fait de poser un problème de droit, de constitutionnalité, ne saurait être interprété comme la manifestation de certaines arrière-pensées : personne dans cette assemblée, du moins je l'espère, ne cherche à affaiblir la répression des discriminations en formulant des objections de nature juridique.
Nous affirmons, en premier lieu, que la lutte contre les discriminations doit être résolue, s'étendre bien au-delà de l'activité de la HALDE et inspirer toute la politique du Gouvernement, y compris dans le domaine de l'immigration. Il s'agit là d'une question essentielle.
Ce préalable posé, afin que l'on ne nous fasse pas de faux procès, le problème est simple, et notre collègue Jean-René Lecerf l'a très bien cerné dans un rapport extrêmement mesuré.
Une solution envisageable consiste à supprimer l'article 19, dans l'hypothèse où la proposition que nous avons élaborée serait rejetée par le Gouvernement. Certes, cette dernière n'est pas parfaite, mais elle évite de créer un monstre juridique qui serait évidemment inconstitutionnel, les hautes autorités ne pouvant, l'un d'entre nous l'a dit, être à la fois judiciaires et administratives. Il règne dans cet article du projet de loi une certaine confusion !
Nous devons restaurer le crédit de la justice ! Il convient que les sanctions soient prononcées par l'autorité judiciaire quand elles sont infligées en raison de la commission d'un délit et relèvent du droit pénal ! Nous ne devons pas créer un dispositif tellement monstrueux qu'il n'aurait d'intérêt que pour les étudiants en droit, qui - pour citer une nouvelle fois l'un de nos collègues - y verraient un nouveau cas de saisine du tribunal des conflits.
En effet, si le Conseil d'État statuait dans un sens et les tribunaux de l'ordre judiciaire dans l'autre, l'affaire serait renvoyée au tribunal des conflits, dans une gigantesque usine à gaz juridique qui ne ferait pas avancer d'un iota le débat sur les discriminations !
Nous sommes bien conscients des limites du dispositif que nous proposons et de la nécessité de renforcer la lutte contre les discriminations, mais nous ne pouvons faire n'importe quoi et laisser ce texte dans l'état où le Gouvernement nous le soumet.
La proposition de M. le rapporteur, enrichie des deux sous-amendements présentés par Mme Bariza Khiari, dont l'adoption par le Sénat a permis à celui-ci de manifester sa sagesse, offre une sortie tout à fait honorable. Il est encore temps pour que la même sagesse saisisse le Gouvernement, afin que celui-ci ne soit pas victime d'une « discrimination solitaire » de la part de tous les membres de cette assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, pour explication de vote.
Mme Éliane Assassi. Notre commission des lois, me semble-t-il, a bien compris que la disposition qui confère à la HALDE le pouvoir d'infliger des sanctions pécuniaires risquait d'encourir la censure du Conseil constitutionnel.
Pour ma part, j'ai beaucoup apprécié les débats qui se sont déroulés en commission sur cette question : ils ont été sereins, ouverts, et ils ont conduit notre rapporteur à proposer, en notre nom, un système de transaction pénale homologuée par le procureur de la République.
Nous persistons néanmoins à considérer qu'il revient à la seule institution judiciaire de juger les auteurs de discriminations. Ces infractions sont en effet trop graves pour être laissées à la seule appréciation de personnalités nommées discrétionnairement par le pouvoir exécutif et législatif, et ne faire l'objet que d'une homologation par le ministère public.
Même si nous ne partageons pas l'objet de l'amendement n° 90 rectifié, nous contestons, pour toutes les raisons que j'ai évoquées dans la discussion générale, le bien-fondé de l'avis défavorable émis par M. le ministre.
La HALDE est à peine créée : laissons-lui le temps de remplir ses missions, laissons-nous celui d'évaluer son efficacité, avant de lui conférer de tels pouvoirs de sanction qui, je le répète, ne sont pas justifiés et qu'elle n'est pas fondée à exercer. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Il semble se dégager un consensus pour dire que c'était une « bonne mauvaise idée » de confondre les pouvoirs et de donner ces pouvoirs-là à la HALDE.
Je constate une certaine tristesse chez le ministre (M. le ministre délégué fait un signe de dénégation), car, la HALDE n'étant pas très efficace depuis sa création, il souhaite la rendre utile, et lui permettre de prendre plus de sanctions, c'est faire preuve de détermination dans la lutte contre les discriminations.
Mais il me semble que cette affaire a été mal conduite.
J'ai personnellement été amené à saisir la HALDE à plusieurs reprises, notamment, au mois de mai dernier, pour un cas de discrimination à l'université.
Une Française au nom à consonance libanaise a été reçue major de promotion de droit dans une université parisienne très prisée ; son co-major de promotion était d'origine marocaine. Or, cette année-là, pour la première fois dans l'histoire de cette université, non seulement la cérémonie de remise du diplôme n'a pas eu lieu - et cela privait cette dame d'un immense honneur -, mais ni le major ni le co-major n'ont eu accès aux vacations qui leur sont habituellement réservées, tandis qu'ils préparent leur doctorat ; ces vacations ont été affectées à un étudiant qui n'aurait pas dû en bénéficier.
Au mois d'octobre, n'ayant aucune réponse, j'ai relancé la Haute Autorité ; en ce début mars, je n'ai toujours pas de nouvelles !
Comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, avant de penser à lui donner des pouvoirs de sanction, qu'elle ne pourrait même pas appliquer normalement compte tenu des moyens d'investigation que cela suppose, il faut renforcer ses moyens pour lui permettre simplement de donner rapidement des réponses aux plaignants.
L'amendement de la commission des lois me paraît satisfaire cette volonté qu'avait peut-être le Gouvernement de dépasser le pur formalisme d'une Haute autorité qui ne serait là que pour « faire tapisserie ». Mais, dans le même temps, il permet d'éviter la confusion des pouvoirs. Il offre au Gouvernement l'occasion de sortir de ce problème par le haut.
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau, pour explication de vote.
M. Bruno Retailleau. De bonnes intentions peuvent-elles tout permettre en matière juridique ? Je ne le crois pas, d'autant plus que nous abordons des principes importants : la liberté publique et la séparation des pouvoirs.
Permettez-moi de vous rappeler, monsieur le ministre, la décision du 23 juillet 1996 du Conseil constitutionnel relative à l'ART, l'Autorité de régulation des télécommunications, qui est devenue l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Dans cette décision, le Conseil constitutionnel reconnaissait que l'on pouvait « doter une autorité administrative indépendante de pouvoirs de sanction, dans la limite nécessaire à l'accomplissement de sa mission ; qu'il appartient toutefois au législateur d'assortir l'exercice de ses pouvoirs de sanction de mesures destinées à sauvegarder les droits et libertés constitutionnellement garantis ; qu'en particulier une sanction administrative de nature pécuniaire ne peut se cumuler avec une sanction pénale ».
L'article 19 tombe sous le coup de l'anticonstitutionnalité. Je pense même que l'amendement de la commission ne purge pas l'ensemble des problèmes, notamment en matière de garantie des libertés constitutionnelles. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Il n'y a, bien sûr, aucune hésitation quant à l'objectif que nous poursuivons : il s'agit de se doter de tous les instruments pour lutter contre les discriminations. C'est en effet une priorité si nous voulons éviter le développement des communautarismes dans notre pays.
Cependant, est-il besoin de le souligner, la Haute Autorité n'a pas le monopole de la lutte contre les discriminations. Elle est un instrument utile, elle fait partie d'une chaîne d'organismes qui luttent contre les discriminations, mais elle doit le faire dans le respect des principes de séparation des pouvoirs.
Dans la situation navrante où nous sommes ce soir, qui voit le Gouvernement s'obstiner à nous faire accepter un texte que, apparemment, nous refusons tous, la commission des lois ouvre, par son amendement, la perspective d'une évolution judicieuse, dont les résultats seront certainement probants.
En effet, le système qui est proposé par le rapporteur de la commission des lois, confortera les pouvoirs de la Haute autorité tout en ménageant les prérogatives républicaines de notre organisation judiciaire.
En conséquence, nous voterons cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Fourcade. Il est toujours difficile pour un membre de la majorité qui soutient l'action du Gouvernement de voter un amendement qui va à l'encontre de ce que propose ce même gouvernement. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Un double consensus me semble se dégager de nos échanges.
Tout d'abord, les discriminations, qui sont nombreuses dans notre société, doivent être davantage réprimées. Voilà au moins un point, dans un débat qui est un peu long et souvent houleux, sur lequel nous sommes tous d'accord.
Ensuite, la création de la HALDE a été une bonne chose ; même ceux qui ne l'ont pas votée au moment où le Gouvernement l'a proposée en conviennent aujourd'hui. Elle a en effet déjà obtenu un certain nombre de résultats.
Cependant, le président de la HALDE a souhaité disposer de moyens supplémentaires pour accélérer l'instruction des dossiers et pour tenter de renforcer le caractère dissuasif des actions qu'il mène.
La discrimination à l'embauche est un des problèmes de fond de la société actuelle, tous ceux d'entre nous qui administrent des villes comprenant des quartiers en difficulté le constatent. Si nous parvenons à réprimer la discrimination à l'embauche, nous réaliserons des progrès très sensibles.
Monsieur le ministre, en dépit de ce que vous avez dit, l'idée, que l'on trouve dans le texte voté par l'Assemblée nationale,...
Plusieurs sénateurs du groupe CRC. Il n'a pas été voté !
M. Jean-Pierre Fourcade. ... de faire évoquer devant le Conseil d'État des problèmes et des sanctions prises par la Haute Autorité révulse tous les juristes. Je ne sais pas qui a pu inventer une telle procédure, mais qu'il soit possible de former devant le Conseil d'État des recours en appel sur des sanctions pénales est une absurdité ! En tout cas, trente-cinq ans d'expérience de la vie politique me conduisent à considérer que c'est une énorme erreur !
De ce point de vue, il était impossible de voter le texte qui nous vient de l'Assemblée nationale.
Le rapporteur et le président de la commission des lois ont fait un énorme effort pour aboutir à un résultat efficace sans mettre en cause les principes de séparation des pouvoirs.
J'ai eu l'occasion de m'entretenir avec des magistrats de mon département, qui étaient scandalisés par cette affaire.
Les procureurs de la République disent aux maires qui veulent faire de la prévention en matière de délinquance que l'action publique ne se partage pas. Alors là, le partage de l'action publique, dans le texte voté par l'Assemblée nationale,...
Plusieurs sénateurs du groupe socialiste. Il n'a pas été voté !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il a été adopté parce que l'opposition n'a pas réussi à empêcher le rejet de la motion de censure !
M. Jean-Pierre Fourcade. ...malgré les amendements acceptés par le Gouvernement, est tout à fait irrecevable.
Par conséquent, je me résoudrai à voter l'amendement de la commission des lois, car il correspond à nos deux objectifs : accentuer la répression des discriminations et ne pas mettre à bas les principes de séparation des pouvoirs auxquels nous sommes tous très attachés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.
Mme Bariza Khiari. Je comprends parfaitement que le Gouvernement tienne à envoyer un message positif de la République aux personnes victimes de discrimination, ou qui sont susceptibles de l'être.
Mais le Gouvernement a fait le choix de l'examen en urgence du projet de loi, et sa volonté risque de butter sur des obstacles de constitutionnalité.
Comme nous-mêmes souhaitons donner un signal pour que les discriminations soient punies et condamnées, l'amendement de M. Lecerf nous semble être un bon compromis, et nous savons combien le travail de la commission des lois est sérieux. La proposition de M. Lecerf m'inspire donc une totale confiance : la volonté du Gouvernement de condamner les discriminations est satisfaite et nous, parlementaires, sommes également satisfaits, car nous ne votons pas une disposition anticonstitutionnelle.
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier, pour explication de vote.
M. Jacques Pelletier. Nicolas Alfonsi et moi-même ne voterons pas l'amendement proposé par la commission.
Ce n'est pas pour aller dans le sens du Gouvernement - j'en suis désolé, monsieur le ministre -, mais parce que nous sommes pour la suppression de cet article.
En effet, une autorité administrative a un pouvoir d'investigation, un pouvoir de médiation, un pouvoir d'injonction, mais elle n'a pas le pouvoir de sanction, et elle ne doit pas l'avoir. Elle ne doit pas avoir un pouvoir de transaction financière, même si celle-ci est homologuée par le procureur de la République.
Une autorité administrative n'est pas une juridiction. J'ai été en charge d'une autorité administrative pendant six ans ; il ne me serait pas venu à l'idée de réclamer un pouvoir de sanction.
Je suis sûr que si nous entrouvrons la porte, dans quelques années, nous serons assaillis de demandes visant à permette aux autorités administratives de prononcer des sanctions.
Nous ne pouvons donc pas voter cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Monsieur le ministre, je partage votre opinion selon laquelle, le juge constitutionnel mis à part, nul ne peut s'ériger en gardien infaillible de la constitutionnalité. L'Assemblée nationale avait diminué le risque d'inconstitutionnalité en ce qui concerne le principe de légalité des délits et des peines, mais, ce faisant, l'avait augmenté en ce qui concerne la séparation des pouvoirs.
Je signale d'ailleurs que la commission des lois de l'Assemblée nationale n'avait pas été saisie puisque c'est la commission des affaires culturelles qui avait été déclarée compétente.
Je voudrais tenter de vous rassurer sur un point, monsieur le ministre, à savoir l'efficacité du dispositif, à laquelle vous attachez, tout comme nous, la plus grande importance. À l'instar de MM. Zocchetto et Fourcade, je pense que l'efficacité était déjà compromise par les compétences concurrentes de la HALDE, du juge pénal et du Conseil d'État. Le risque était bien réel d'avoir des jurisprudences divergentes et de devoir demander - solution apocalyptique ! -au tribunal des conflits d'arbitrer un éventuel conflit au fond entre les juridictions suprêmes. On serait là loin de l'efficacité recherchée !
Vous avez émis une objection à l'encontre de la solution proposée par la commission des lois en invoquant la possibilité d'un grand nombre de refus de la transaction pénale. Notre commission s'est elle-même interrogée sur ce point.
Cependant, dans le cas de la composition pénale, qui est tout de même de nature assez voisine, la proportion des refus ne dépasse pas 1 % dans la plupart des juridictions, tout simplement parce que la perspective d'échapper à des poursuites pénales est très motivante. Généralement, s'il y a refus de cette composition pénale - et il en sera de même, demain, s'il y a refus de la transaction -, c'est parce que les faits sont trop graves pour mériter d'une telle procédure et qu'il vaut mieux que le juge soit directement saisi.
Toujours pour ce qui concerne la composition pénale, le taux d'exécution atteint entre 70 % et 90 %, c'est-à-dire un niveau très nettement supérieur à celui qui est observé pour les autres mesures pénales.
Enfin, le dernier point que je souhaite aborder concerne le délai, car il faut effectivement que les sanctions puissent être prononcées rapidement. En ce qui concerne la médiation, le délai est largement inférieur à six mois, souvent à trois mois. En outre, il appartiendra à la Chancellerie d'adresser aux parquets une circulaire les invitant à procéder dans les meilleurs délais à l'examen, pour homologation, des propositions de transaction de la Haute autorité.
Nous aurons ainsi préservé l'efficacité, ce qui était, monsieur le ministre, votre souhait essentiel.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 90, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 125 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 327 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 164 |
Pour l'adoption | 286 |
Contre | 41 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, l'article 19 est ainsi rédigé et les amendements identiques nos 424 rectifié, 542 et 795, ainsi que les amendements nos 544, 204, 207, 205, 543 et 206 deviennent sans objet.
J'en donne néanmoins lecture :
L'amendement n° 424 rectifié est présenté par MM. Retailleau, Darniche, Lardeux et Seillier.
L'amendement n° 542 est présenté par M. Zocchetto.
L'amendement n° 795 est présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 544, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Après l'article 11 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, il est inséré un article 11-1 ainsi rédigé :
« Art. 11-1. - A l'issue d'un débat contradictoire, dont les modalités sont définies par un décret en Conseil d'État, et aux termes d'une décision motivée, la haute autorité peut ordonner à des personnes morales ou privées auteurs de discriminations d'y mettre fin dans un délai déterminé ou imposer des conditions particulières. Elle peut aussi accepter des engagements proposés par les personnes auteurs des discriminations et de nature à mettre un terme à ces pratiques. Le décret précité définit notamment les conditions dans lesquelles les personnes mises en cause sont informées des faits qui leur sont reprochés et le délai minimal dont elles disposent pour préparer leur défense ; il garantit leur droit d'être entendues, représentées et assistées. Les personnes mises en cause peuvent demander la publicité des débats devant la Haute autorité.
« La haute autorité ne peut engager de procédure d'injonction pour des faits remontant à plus de trois ans s'il n'a été fait aucun acte tendant à leur recherche, leur constatation ou leur répression.
« En cas d'inexécution des injonctions ou en cas de non respect des engagements acceptés par la haute autorité, le président de celle-ci peut demander en justice qu'il soit ordonné à la personne qui est responsable de la discrimination de se conformer aux dispositions législatives ou réglementaires, de mettre fin à l'irrégularité ou d'en supprimer les effets.
« La demande est portée devant le président du tribunal de grande instance de Paris qui statue en la forme des référés et dont la décision est exécutoire par provision. Il peut prendre, même d'office, toute mesure conservatoire et prononcer pour l'exécution de son ordonnance une astreinte versée au Trésor public. »
L'amendement n° 204, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 11-1 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, par les mots :
indiquant les moyens de recours dont dispose l'intéressé.
L'amendement n° 207, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter, in fine, le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 11-1 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, par les mots :
ou prononcer l'obligation de publier la décision au sein de l'entreprise
L'amendement n° 205, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l'article 11-2 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 par les mots :
, cette décision est transmise, pour information, au comité d'entreprise ou au délégué du personnel
L'amendement n° 543, présenté par M. Zocchetto et Mme Dini, est ainsi libellé :
A la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 11-3 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, remplacer les mots :
de pleine juridiction devant le Conseil d'État
par les mots :
devant la Cour d'appel de Paris
L'amendement n° 206, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 11-3 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 par un alinéa ainsi rédigé :
« Les décisions de la Haute Autorité sont rendues publiques. »
Demande de réserve
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, je veux indiquer au Sénat qu'une demande de réserve des articles 23, 24 et 25 m'a été adressée par un certain nombre de collègues du groupe socialiste afin de leur permettre d'être présents lors de leur examen. Il n'y a aucune raison de s'y opposer. Plus le débat sera complet, meilleur il sera !
Par conséquent, je demande la réserve de ces articles jusqu'au début de la séance de demain soir.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Roland Muzeau. Depuis le début de l'examen des articles de ce projet de loi, l'ordre de nos travaux a été maintes fois bouleversé, au gré non pas des humeurs des uns ou des autres, mais d'une volonté politique du Gouvernement, du président de la commission saisie au fond et de la majorité.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En l'occurrence, la demande provient de l'opposition !
M. Roland Muzeau. Mes chers collègues, je ne vous rappellerai en cet instant qu'un seul exemple de ces bouleversements, que je garde particulièrement en mémoire. L'examen de la totalité des amendements tendant à insérer des articles additionnels, qui avait été reporté après celui de l'article 15 selon l'engagement du président de la commission, a été renvoyé, dans un second temps, à la fin de la discussion des articles du projet de loi. Or il faut que la Haute Assemblée sache que ces amendements, eu égard aux sujets dont ils traitent, n'auront absolument pas leur place à ce moment-là de la discussion.
Monsieur About, ne nous demandez pas notre accord : vous ne l'aurez pas plus en cet instant que précédemment !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous n'en avons pas besoin !
M. Roland Muzeau. J'imagine d'ailleurs que, d'ici à la fin de la discussion, de nouvelles demandes de modification nous parviendront émanant de vous-même ou du Gouvernement.
Cette façon d'agir est tout de même assez répétitive !
M. le président. Mon cher collègue, à partir du moment où le président de la commission demande la réserve et où le Gouvernement émet un avis favorable, cette réserve est de droit. Vous n'avez donc pas besoin de vous exprimer !
M. Roland Muzeau. Mais il est bon que les choses soient dites et entendues !
Article 20
L'article 14 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 précitée est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La haute autorité, lorsqu'elle a constaté la commission d'actes discriminatoires mentionnés au deuxième alinéa de l'article 1er dans l'activité professionnelle d'une personne physique ou morale soumise à agrément ou autorisation par une autorité publique, ou à l'encontre de laquelle une telle autorité dispose du pouvoir de prendre des mesures conservatoires ou des sanctions pour non-respect de la législation relative aux discriminations ou au titre de l'ordre et des libertés publics, peut recommander à cette autorité publique de faire usage des pouvoirs de suspension ou de sanction dont elle dispose. La haute autorité est tenue informée des suites apportées à sa recommandation. »
M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat, sur l'article.
Mme Josiane Mathon-Poinat. Cet article vise à donner à la HALDE une compétence renforcée en matière de lutte contre les discriminations commises dans le secteur public. En effet, l'article 14 de la loi du 30 décembre 2004 dispose : « La haute autorité porte à la connaissance des autorités ou personnes publiques investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires. La personne mise en cause en est tenue informée. La haute autorité est informée des suites données à ses transmissions. »
L'article 20 s'inscrit dans la démarche globale du projet de loi qui tend à faire de la HALDE une sorte de « super-juge de paix » en matière de contentieux fondés sur les discriminations de toute nature.
Il s'agit, par cet article 20, modifié par M. Laurent Hénart, rapporteur de la commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale, d'augmenter les pouvoirs de la haute autorité en matière de contentieux administratifs relatifs au fonctionnement des autorités publiques.
Les discriminations n'épargnent sans doute aucun champ de la vie économique et sociale du pays.
Il bien vrai que, même dans la fonction publique et les services publics, il y a parfois des discriminations. Celles-ci s'observent à la fois « en interne », vis-à-vis de fonctionnaires, mais aussi « en externe », dans les relations que les services publics entretiennent avec la population.
La crise des banlieues de l'automne dernier a notamment révélé que la jeunesse des quartiers sensibles a une relation pour le moins difficile avec les forces de police en général, en raison d'une détérioration continue depuis plusieurs années des rapports entre les services de police urbaine et les jeunes.
La mise en cause des pratiques de la police de proximité, au profit d'interventions à caractère plus spectaculaire, qui sont notamment le fait des GIR et des brigades anti-criminalité, a engendré de l'incompréhension, voire de l'hostilité.
Au demeurant, nous ne sommes pas convaincus que la HALDE devienne le passage obligé nous permettant de nous dispenser des autres modalités de poursuite, plus normales, à l'encontre des pratiques discriminatoires.
Faut-il faire de la haute autorité l'instrument qui permette de se passer des procédures disciplinaires naturelles menées, dans la police nationale, par l'inspection générale des services et par les directions elles-mêmes, qui peuvent graduer les sanctions imposées à l'encontre de tous ceux qui oublient parfois que service public et discrimination constituent des concepts inconciliables ?
Nous craignons, en effet, que le sens même de la HALDE ne soit finalement détourné en faveur de poursuites moins rapides et moins efficaces engagées à l'égard de pratiques discriminatoires commises par l'autorité publique. Si telles sont les intentions du Gouvernement, nous ne pouvons les partager.
Il nous semble plutôt nécessaire de faire en sorte que soit mis en oeuvre, en interne, dans chaque champ d'intervention publique, les procédures et les outils de sanction et de mise en cause des pratiques discriminatoires, qui n'ont rien à voir avec le service public. Il est donc indispensable de créer les conditions permettant de les faire disparaître.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. La HALDE, contrairement à d'autres autorités administratives indépendantes, n'a pas compétence pour délivrer des agréments en raison de ses missions transversales, et non sectorielles.
L'article 20, qui lui permettra de saisir l'autorité compétente pour, le cas échéant, suspendre ou retirer des agréments, va dans le bon sens. La Haute autorité pourra ainsi, par exemple, saisir les préfets de faits discriminatoires intervenus dans certains établissements ouverts au public afin d'en obtenir la fermeture. On voit bien le caractère incitatif de la mesure pour les propriétaires d'établissement.
Toutefois, la rédaction du texte ne va pas assez loin puisque cette saisine de la HALDE reste optionnelle, quand nous la voudrions obligatoire. C'est pourquoi nous avons déposé un amendement visant à la rendre systématique.
Je voudrais évoquer un aspect de la discrimination qui me paraît très insuffisamment traité, à savoir la discrimination dans le domaine du logement. Je défendrai ultérieurement un amendement visant à ajouter, après l'article 20, un article sur ce sujet.
Il est trop facile de défendre la thèse selon laquelle les Français « issus de l'immigration » ont plus de mal à se loger parce que leurs revenus sont inférieurs à la moyenne nationale. À revenu égal, il existe bien une différence de traitement entre les demandeurs de logement. Ainsi, certains ménages n'arrivent pas à faire coïncider promotion sociale et parcours résidentiel. Il existe, en matière de logement, un effet « club » : dans tel ou tel quartier, on veut rester entre soi.
Ce type de discriminations, qui s'autoalimentent, est particulièrement pervers ; à force de se heurter à des fins de non-recevoir, nombre de ménages faisant l'objet de discriminations en viennent à pratiquer, par peur de l'échec, une sorte d'« autocensure » et ne répondent aux offres de logement que dans les secteurs où ils pensent avoir une chance.
Les professionnels de l'immobilier excluent souvent a priori les candidats immigrés des quartiers les plus sélectifs, sachant le peu de chances qu'ils ont d'y obtenir un logement.
Cette problématique trouve parfaitement sa place dans un texte sur l'égalité des chances et la cohésion sociale, car la cohésion sociale implique également la cohésion territoriale.
Or le résultat des discriminations dans le logement, c'est une ségrégation spatiale qui remet fondamentalement en cause la mixité sociale. En outre, les inégalités de logement nourrissent les inégalités sociales : échec scolaire, stigmatisation des établissements d'enseignement situés dans les quartiers difficiles. La liste pourrait être longue !
J'espère donc, monsieur le ministre, que vous accepterez de prendre en compte cet aspect du problème lorsque nous examinerons les articles additionnels qui y ont trait. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 208, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour
compléter l'article 14 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, remplacer les mots :
peut recommander
par le mot :
demande
Madame Khiari, puis-je considérer que vous avez déjà présenté cet amendement en vous exprimant sur l'article ?
Mme Bariza Khiari. Oui, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. La commission n'est pas favorable à ce que des obligations soient substituées à des marges d'appréciation. La HALDE est une autorité administrative indépendante. Faisons-lui confiance et laissons-la décider !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. L'amendement n° 537 rectifié, présenté par Mmes Dini et Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 14 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004, remplacer les mots :
peut recommander
par le mot :
recommande
Mme Muguette Dini. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 537 rectifié est retiré.
L'amendement n° 209 rectifié, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour compléter l'article 14 de la loi n° 2004-1486 du 30 décembre 2004 par une phrase ainsi rédigé :
Si les recommandations de la Haute Autorité n'ont pas été suivies, cette dernière auditionne l'autorité publique concernée.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Il s'agit d'un amendement de repli tendant à permette à la HALDE de connaître les raisons pour lesquelles ses recommandations n'ont pas été suivies.
M. le président. Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. La commission a émis un avis défavorable.
L'amendement est certes intéressant, mais il paraît inutile. En effet, la HALDE a déjà la possibilité d'entendre tant les personnes mises en cause que les autorités publiques en application des articles 5 et 6 de la loi de 2004 et elle peut, en outre, si ses recommandations ne sont pas suivies d'effet, publier un rapport spécial au Journal officiel.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 20.
(L'article 20 est adopté.)
Article 21
Après l'article 225-3 du code pénal, il est inséré un article 225-3-1 ainsi rédigé :
« Art. 225-3-1. - Les délits prévus par la présente section sont constitués même s'ils sont commis à l'encontre d'une ou plusieurs personnes ayant sollicité l'un des biens, actes, services ou contrats mentionnés à l'article 225-2 dans le but de démontrer l'existence du comportement discriminatoire, dès lors que la preuve de ce comportement est établie, notamment par des constatations effectuées par un officier public ou ministériel. »
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. Cet article a pour objet d'inscrire dans la loi la validité de la méthode des vérifications faites à l'improviste, ou testing, en tant que moyen de preuve des pratiques discriminatoires.
Le testing a fait l'objet, ces dernières années, d'une forte médiatisation. Tout le monde a en tête des images d'actions de testing devant les discothèques. Pourtant, le statut juridique de cette méthode est resté - et reste, d'ailleurs - incertain.
La recevabilité connue preuve du testing avec des limites méthodologiques fortes a été consacrée à plusieurs reprises par une jurisprudence désormais constante de la Cour de cassation. Cependant, les contours de la validité du testing dépendent toujours de l'interprétation du juge dès lors qu'ils n'ont pas été précisés par la loi.
Je suis donc tout à fait favorable à l'inscription de cette méthode dans notre législation. Elle permettra de réduire considérablement l'insécurité juridique. Cette disposition viendra enfin consacrer l'immense travail accompli par les associations et renforcer notre dispositif de lutte contre les discriminations.
Je me plais à saluer ici l'action menée par les associations, car je pense vraiment que, sans elles, nous n'en serions pas à réaliser cette avancée que nous allons, je l'espère, voter. Celle-ci est la victoire du milieu associatif qui, depuis des années, travaille d'arrache-pied pour sensibiliser la société et rendre visible le tabou des discriminations.
Par leurs actions de testing, elles ont permis de faire évoluer la jurisprudence et de punir des actes discriminatoires. Médiatisées, ces opérations de testing et ces décisions judiciaires ont été l'occasion de placer en pleine lumière la réalité de la discrimination. Croyez-moi, ce n'est pas rien !
En effet, ce qui est terrible dans les discriminations, c'est leur intériorisation. À force d'être discriminées, et si la société ne réagit pas, les victimes finissent par se résigner. J'ai cité tout à l'heure le cas du logement, où les discriminations s'autoalimentent parce que les victimes se restreignent elles-mêmes dans leur choix de quartier pour ne pas subir un énième refus.
Dénoncer au grand jour le phénomène, inciter les personnes discriminées à faire valoir leurs droits devant la justice et les soutenir dans leur démarche, c'était lancer une dynamique pérenne, c'était briser un tabou.
Sachons donc reconnaître le rôle essentiel qu'ont joué les associations en matière de discriminations et d'égalité des chances, sachons reconnaître, nous, parlementaires, que ce sont elles, parfois, qui nous font progresser. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung.
M. Richard Yung. Le groupe socialiste est favorable à la reconnaissance du recours à la pratique des tests comme mode de preuve au pénal, plus connue sous l'anglicisme testing.
Cette méthode répond concrètement à l'extrême difficulté qu'il y a à apporter la preuve du caractère discriminatoire d'une décision : les phénomènes discriminatoires sont sournois ; la plupart du temps, il n'existe ni traces matérielles ni témoins.
Je tiens à rappeler que le testing a été institué en France par SOS Racisme, à la fin des années quatre-vingt.
Cette pratique, qui permet d'établir à l'improviste l'existence de discriminations dans notre société, n'est malheureusement pas assez utilisée en France, alors même qu'elle a été reconnue par la Cour de cassation, dans un arrêt de la chambre criminelle en date du 11 juin 2002. Le juge avait estimé que le testing était conforme à l'article 427 du code de procédure pénale, dont le premier paragraphe dispose : « Hors les cas où la loi en dispose autrement, les infractions peuvent être établies par tout mode de preuve et le juge décide d'après son intime conviction. »
Les preuves de l'efficacité du testing, qui a d'abord été utilisé à l'entrée des boîtes de nuit, sont nombreuses. Dans le domaine du travail, le testing est un moyen efficace pour établir les discriminations à l'embauche. Dans ce cas, le test consiste à répondre à des offres d'emploi en envoyant des candidatures qui sont relativement similaires et qui ne diffèrent que par une caractéristique : la variable à tester. Il faut examiner les phénomènes de discrimination à chaque étape du processus de recrutement.
Dans le domaine de l'immobilier, de nombreux cas de discrimination sont également à déplorer : ainsi, lorsque des individus appartenant, par exemple, à des minorités visibles cherchent à louer un logement.
Je note, malheureusement, que les propriétaires privés, représentés notamment par l'UNPI, l'Union nationale de la propriété immobilière, ne veulent pas du testing.
Contrairement au président de l'UNPI, je ne pense pas que la pratique des tests empêchera un propriétaire de choisir un locataire fiable. La plupart des bailleurs n'étant ni racistes ni xénophobes, ils n'ont aucune crainte à avoir !
Il est donc logique que la pratique des tests soit inscrite dans la loi. Son principal avantage est de permettre de mesurer les comportements discriminatoires et de faire prendre conscience aux citoyens de la permanence de ces comportements dans notre société. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 421 rectifié, présenté par MM. Retailleau et Darniche, Mme B. Dupont, MM. Portelli, Lardeux et Seillier, est ainsi libellé :
Après les mots :
dès lors que la preuve de ce comportement
rédiger ainsi la fin du texte proposé par cet article pour l'article 225-3-1 du code pénal :
a été obtenue de manière loyale et constatée par un officier public ou ministériel.
La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Il paraît indispensable d'encadrer strictement sur le plan juridique la méthode du testing afin que l'obtention de la preuve soit incontestable.
Pour ce faire, il convient, en premier lieu, de faire en sorte de s'assurer de l'obtention loyale de la preuve et, en second lieu, de réserver les constatations à un officier public ou ministériel, ce qui implique la suppression de l'adverbe « notamment », qui est fort peu juridique et autoriserait toutes les dérives.
Cela étant, monsieur le président, je souhaite rectifier mon amendement, car je crois judicieux d'ajouter les officiers de police judiciaire parmi ceux qui pourront effectuer les constatations.
Pourquoi me paraît-il important d'insister sur la loyauté de l'obtention de la preuve ?
Les officiers de police judiciaire sont tenus par le principe de la loyauté. Je ne vois pas pourquoi, alors qu'un officier de police judiciaire peut, par exemple au cours d'une grosse opération de démantèlement de trafic de drogue, ne pas se voir accorder le fait que la preuve a été obtenue loyalement, on l'accorderait à n'importe qui, y compris aux officiers publics et ministériels. Cela me semblerait excessif.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 421 rectifié bis, ainsi libellé :
Après les mots :
dès lors que la preuve de ce comportement
rédiger ainsi la fin du texte proposé par cet article pour l'article 225-3-1 du code pénal :
a été obtenue de manière loyale et constatée par un officier public ou ministériel ou par un officier de police judiciaire.
Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Il est défavorable pour plusieurs raisons.
Tout d'abord, M. Yung y a fait fort justement allusion voilà un instant, il existe une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Les rédacteurs du projet de loi ont voulu confirmer cette jurisprudence, et non pas revenir en arrière par rapport à elle.
Exiger une certaine forme de loyauté du testing signifierait que l'on devrait prévenir les responsables d'une discothèque ou d'un entretien d'embauche qu'un testing est en cours : autant, alors, supprimer tout testing !
La jurisprudence de la Cour de cassation ne permet pas de faire n'importe quoi ; cette jurisprudence est malgré tout protectrice d'une certaine forme de loyauté du testing. Ainsi, lorsque les auteurs du testing appartiennent à l'association qui l'organise, le juge judiciaire considère que la neutralité de l'opération et sa fiabilité sont insuffisantes pour que cette preuve puisse être valablement rapportée.
Je signale également qu'un policier se faisant passer pour un acheteur de drogue afin de confondre un dealer recourt, lui aussi, au testing ! C'est une méthode dont l'efficacité est parfois totalement attestée.
Enfin, je vais m'inscrire parmi les défenseurs d'une espèce en danger en préconisant l'emploi, dans cet article, de l'adverbe « notamment », dans la mesure où sa suppression aurait, en l'occurrence, des conséquences relativement importantes et graves. Il pourrait éventuellement être remplacé par « le cas échéant » ou « en particulier », mais cela reviendrait à tourner autour des réalités.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Je tiens à dire que nous faisons nôtre la position exprimée par M. le rapporteur pour avis : nous estimons que la formulation actuelle est suffisamment large pour autoriser à pratiquer le testing non seulement les catégories qui ont été évoquées, les officiers ministériels, par exemple, mais également l'ensemble de la société civile.
L'une des particularités notables de cette technique est qu'elle est ouverte à la société civile et a fait ses preuves. Nous sommes défavorables à l'idée d'en restreindre la pratique, en la réservant, en particulier, à des officiers de police judiciaire. Après tout si des officiers de police judiciaire sont à l'entrée d'une boîte de nuit, ils doivent faire leur travail normal d'officier de police judiciaire : ils n'ont pas besoin de faire du testing.
Il convient donc de conserver la rédaction actuelle.
M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.
M. David Assouline. Je tiens à saluer le fait que cette méthode soit reconnue dans la loi, l'argument de fond étant cassé, d'une certaine façon, par le présent amendement.
Il ne faut pas tourner autour du pot ! Souvenez-vous, mes chers collègues, de l'annonce par SOS-Racisme du recours au testing, cette pratique venue de la société civile qui permet d'exercer une pression inouïe sur ceux qui se rendraient coupables de discriminations. Que ce soit dans les boîtes de nuit ou ailleurs, ils doivent savoir que de tout citoyen, toute association, peut à tout moment intervenir.
Vouloir, tout en ajoutant la mention des officiers de police judiciaire, supprimer le terme « notamment », ce n'est pas seulement se préoccuper de retirer un mot imparfait : c'est clairement chercher à annuler ce qui est dans le texte.
Donc, appelons un chat un chat : le testing tel qu'il est reconnu ne peut pas souffrir la suppression du mot « notamment » parce que cela reviendrait à réduire cette pratique à néant.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 421 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 539 rectifié, présenté par Mmes Dini et Morin-Desailly, est ainsi libellé :
Dans le texte proposé par cet article pour l'article 225-3-1 du code pénal, supprimer le mot :
notamment
Mme Muguette Dini. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 539 rectifié est retiré.
L'amendement n° 546, présenté par M. Zocchetto, est ainsi libellé :
A la fin du texte proposé par cet article pour insérer un article 225-3-1 dans le code pénal, remplacer les mots :
notamment par des constatations effectuées par un officier public ou ministériel
par les mots :
par des constatations effectuées par des agents de la Haute autorité, spécialement désignés par le Président de celle-ci. Ces agents agissent dans le cadre d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention et sous le contrôle de celui-ci, après saisine motivée par le Président de la Haute autorité.
La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. J'ai la faiblesse de penser que la rédaction que je propose pourra être améliorée.
Il est vrai que nous n'aimons guère les membres de phrase qui commencent par « notamment », et je me demande si le dernier groupe de mots est nécessaire. L'article 225-3-1 du code pénal aurait pu s'achever ainsi : « dès lors que la preuve de ce comportement est établie. » Elle pourrait l'être par tous moyens.
Du reste, je ne suis pas persuadé que la référence à un officier public ou ministériel soit particulièrement judicieuse. Qui est officier public ou ministériel ? On pense immédiatement aux huissiers de justice. Mais il y a aussi les notaires, les avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation, ainsi que des commissaires priseurs. Que viennent-ils faire dans cette affaire ?
Par cohérence avec le 2°) de l'amendement n° 90, que nous avons adopté tout à l'heure à une très forte majorité, je serais finalement tenté de remplacer simplement les mots « notamment par des constations effectuées par un officier public ou ministériel » par les mots : « notamment par des constatations effectuées par des agents de la Haute autorité assermentés et spécialement habilités par le procureur de la République ». Cela me conduit, monsieur le président, à rectifier mon amendement en ce sens.
Ainsi serait assurée une parfaite coordination avec la rédaction que nous avons adoptée à l'article 19, et les imprécisions tenant à la définition très floue, à mon avis, des officiers publics ou ministériels n'existeraient plus.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 546 rectifié, ainsi libellé :
A la fin du texte proposé par cet article pour insérer un article 225-3-1 dans le code pénal, remplacer les mots :
notamment par des constatations effectuées par un officier public ou ministériel
par les mots :
notamment par des constatations effectuées par des agents de la Haute autorité habilités par le procureur de la République et spécialement désignés par le Président de celle-ci.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très honnêtement, je ne suis, pas plus que beaucoup d'autres, désireux d'inscrire dans des textes de loi, en particulier dans des articles aussi importants, un adverbe comme « notamment ».
Je suggère que l'article s'arrête purement et simplement après les mots : « dès lors que la preuve de ce comportement est établie. » Cette solution serait tout de même plus satisfaisante.
On se doute bien que, si la preuve peut être établie par n'importe qui, elle l'est, a fortiori, par un officier public ou ministériel. Qui peut le plus peut le moins !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 903, présenté par M. About, et ainsi libellé :
Après les mots :
est établie
supprimer la fin du texte proposé par cet article pour l'article 225-3-1 du code pénal.
Quel est l'avis de la commission des lois ?
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Les propositions de M. Zocchetto sont extrêmement intéressantes et pertinentes, même si elles nous compliquent un peu la vie. (Sourires.)
Il va de soi qu'il n'est pas possible que les agents de la HALDE soient les seuls à procéder à ces constatations, car leur emploi du temps n'y suffirait pas.
En outre, la HALDE reste relativement centralisée. Si une constatation doit être établie à Marseille, par exemple, il faudra envoyer des agents de Paris, ce qui risque de prendre beaucoup de temps.
La proposition de M. About améliore la rédaction, mais je ne peux m'empêcher de penser, à cette heure tardive, à ce sketch de Raymond Devos où la chanson s'abrège de plus en plus. On pourrait aussi bien s'arrêter à « discriminatoire » : le sens serait exactement le même.
M. le président de la commission des lois voudra peut-être nous éclairer sur ce point.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Dès lors que l'on reconnaît la valeur juridique du testing et qu'on l'inscrit dans le texte, les mots : « notamment par des constatations... » n'ajoutent rien.
En revanche, il faut conserver les termes : « dès lors que la preuve de ce comportement est établie »,...
MM. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales et Alain Gournac, rapporteur. Oui !
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. ...puisque le testing est reconnu comme un moyen de preuve.
Personnellement, je serais donc plutôt favorable à la suppression pure et simple du dernier membre de phrase, celui qu'introduit l'adverbe « notamment ».
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 903 ?
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. La solution que propose M. About me convient et je suis prêt à m'y rallier. Il est évident que, si son amendement est adopté, le mien deviendra sans objet.
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Nous sommes également favorables à cet amendement n° 903, qui résout élégamment les problèmes posés.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 546 rectifié n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 21, modifié.
(L'article 21 est adopté.)
Article 22
Outre leur application de plein droit à Mayotte, les articles 19 à 21 de la présente loi sont applicables dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie. - (Adopté.)
M. le président. Les articles 23, 24 et 25 ayant été réservés, nous en arrivons au titre IV.
Titre IV
Lutte contre les incivilités
Demande de priorité
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Pour la logique du débat, le Gouvernement souhaiterait que le titre IV soit examiné dans l'ordre suivant : d'abord l'article 27, puis l'article 26, puis l'intitulé du titre.
M. Guy Fischer. Et ça continue !
M. Roland Muzeau. Je l'avais dit !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !
Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas facile de travailler dans ces conditions !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur cette demande de priorité ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Avis favorable.
M. le président. Il n'y a pas d'opposition ?...
La priorité est ordonnée.
Article 27(priorité)
Après l'article 44 du code de procédure pénale, il est inséré un article 44-1 ainsi rédigé :
« Art. 44-1. - Pour les contraventions que les agents de police municipale sont habilités à constater par procès-verbal conformément aux dispositions de l'article L. 2212-5 du code général des collectivités territoriales et qui sont commises au préjudice de la commune au titre de l'un de ses biens, l'action publique est éteinte en cas de transaction passée entre le maire et le contrevenant consistant en la réparation de ce préjudice, lorsque cette transaction est homologuée par le procureur de la République ou, sous son contrôle, par son délégué.
« La transaction peut également consister en l'exécution, au profit de la commune, d'un travail non rémunéré pendant une durée maximale de trente heures. Elle doit alors être homologuée par le juge des libertés et de la détention saisi à cette fin par le procureur de la République.
« Lorsqu'une de ces contraventions n'a pas été commise au préjudice de la commune mais a été commise sur le territoire de celle-ci, le maire peut proposer au procureur de la République de procéder à une des mesures prévues par les articles 41-1 ou 41-3 du présent code. Il est avisé par le procureur de la République de la suite réservée à sa proposition.
« Les dispositions du présent article s'appliquent aux contraventions de même nature que les agents de la ville de Paris chargés d'un service de police et les agents de surveillance de Paris sont habilités à constater par procès-verbal conformément aux dispositions des articles L. 2512-16 et L. 2512-16-1 du code général des collectivités territoriales.
« Un décret en Conseil d'État précise les conditions d'application du présent article. »
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. L'article 27 confère au maire un pouvoir de transaction pénale en cas de contraventions constatées par les agents de police municipale, lorsqu'elles ont porté préjudice à un bien de la commune.
Le maire pourrait ainsi proposer au contrevenant une transaction visant à réparer le préjudice. Le contrevenant pourrait également se voir proposer d'effectuer, au profit de la commune, un travail non rémunéré.
Cet article 27 fait partie du titre IV, relatif à la lutte contre les « incivilités », que le Petit Larousse définit comme « des actes ou des comportements qui témoignent de l'ignorance ou du rejet des règles élémentaires de la vie sociale », mais qui ne recouvrent aucune réalité juridique.
La difficulté principale réside dans le fait que cette notion sociologique englobe à la fois des comportements gênants, mais qui ne sont pas pénalement sanctionnés, et d'autres, qui constituent de vraies infractions. Et ce qui nous gêne plus particulièrement, c'est que le Gouvernement, lorsqu'il emploie le terme « incivilités » dans son discours, l'associe à la peur de l'insécurité et l'assimile à la jeunesse et à l'immigration.
C'est pourquoi nous sommes plus que réservés sur l'utilisation de la notion d'incivilités lorsqu'il s'agit de sanctionner des comportements certes déviants, mais pas systématiquement condamnables pénalement. Cela nous semble traduire la volonté du Gouvernement d'instaurer insidieusement un appareil répressif étendu à l'ensemble de la société.
J'en reviens à l'objet même de l'article 27. Il s'agit en l'espèce d'étendre, en quelque sorte, la liste des mesures alternatives aux poursuites, mais surtout - et c'est le plus grave -, de transférer la compétence du prononcé de ces mesures de l'autorité judiciaire au maire.
De manière générale, nous avons toujours émis des doutes sur les mesures alternatives aux poursuites et de vives critiques à l'encontre de la composition pénale, d'une part, parce que leur mise en oeuvre dépend du parquet et que le juge du siège n'a finalement qu'un rôle très restreint, voire inexistant dans le cas de l'article 41-1 du code de procédure pénale, d'autre part, parce que les mesures alternatives aux poursuites font peser un risque sur le devenir du principe du contradictoire dans ce cadre. L'absence de poursuites peut nuire aux intérêts tant de la défense que des parties civiles.
Prévoir que le maire pourra être doté d'un pouvoir hybride - puisqu'il est officier de police judiciaire doté de pouvoirs judiciaires - nous semble inacceptable du point de vue du respect des droits des citoyens.
Du reste, cette proposition, pour la raison que je viens d'énoncer, risque fort d'être frappée d'inconstitutionnalité.
M. Roland Muzeau. C'est sûr !
Mme Éliane Assassi. En effet, comment un officier de police judiciaire peut-il ordonner des mesures judiciaires en cas d'infraction, les infractions en cause fussent-elles seulement d'ordre contraventionnel ? Cet article 27 contrevient de manière évidente au principe de séparation des pouvoirs.
Toutes nos remarques nous ont conduits à déposer un amendement de suppression de cet article. Nous continuerons donc de développer nos arguments lors de l'examen de celui-ci. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme vient de le dire ma collègue Eliane Assassi, l'article 27 a pour objet d'étendre aux maires un nouveau pouvoir, celui de transaction pénale en matière de contraventions.
Cela est tout à fait inacceptable. Nous ne pouvons que nous opposer à cette extension des pouvoirs du maire, qui se substituerait ainsi à la justice, et cela ne manque pas de nous inquiéter.
Avec la mise en place d'une justice de proximité qui n'a pas toujours les moyens de s'exercer, avec la tentative de conférer des pouvoirs de sanction pénale à une autorité administrative, avec le souhait de la police municipale de détenir certains pouvoirs relevant à la police nationale, on voit se développer aujourd'hui des pouvoirs parallèles qui ne peuvent qu'être dangereux.
M. Alain Gournac, rapporteur. Des pouvoirs parallèles !
Mme Alima Boumediene-Thiery. En effet, ils augmentent l'appareil répressif, négligeant le dialogue avec le citoyen, ...
M. Alain Gournac, rapporteur. Il n'y a pas de dialogue !
Mme Alima Boumediene-Thiery. ... et, surtout, cette évolution contrevient directement au principe de séparation des pouvoirs.
C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons que nous opposer à cet article.
M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, sur l'article.
Mme Bariza Khiari. À l'instar de Mme Assassi et de Mme Boumediene-Thiery, je souhaite la suppression de cet article, car il crée, au sein du code de procédure pénale, un nouvel article qui complète la série des procédures alternatives aux poursuites pénales : rappel à la loi, régularisation, réparation du préjudice, médiation, composition pénale...
Cet article reconnaît au maire un rôle d'initiative en la matière, rôle jusque-là strictement dévolu au parquet. Pour les contraventions que les agents de police municipale sont habilités à constater par procès-verbal, lorsqu'elles ont porté préjudice à un bien de la commune, le maire aura désormais la possibilité de proposer au contrevenant une transaction consistant en la réparation du préjudice qui, homologuée par le parquet, aura pour conséquence d'éteindre l'action publique.
Le maire pourra également proposer, à titre de transaction, une compensation pouvant consister en un travail non rémunéré d'une durée maximale de trente heures au profit de la commune. Dans ce cas, cette transaction devra être homologuée par le juge des libertés et de la détention, saisi par le procureur de la République.
Lorsque les contraventions ont été commises au préjudice non pas de la commune mais d'une personne privée, le projet de loi dote le maire d'un pouvoir de proposition et d'information. Il pourra proposer au parquet la mise en oeuvre des mesures alternatives et de composition pénale de droit commun et il devra être avisé des suites données.
Nous nous opposons formellement à cet article : les dispositions relatives aux pouvoirs de la police municipale n'ont pas leur place dans un texte relatif à l'égalité des chances.
M. Alain Gournac, rapporteur. Si !
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'article.
M. Bernard Frimat. Lors l'examen du titre IV - je rappelle que nous commençons par le deuxième des articles qui composent ce titre, puisque nous marchons à reculons -, la commission des lois a abouti à une position sans ambiguïté : elle en a voté à l'unanimité la suppression.
MM. Alain Gournac, rapporteur, et Jean-Jacques Hyest, président de la commission de la commission des lois. Ce n'était pas à l'unanimité !
M. Bernard Frimat. Cela m'avait échappé ! Mais ce devait sûrement être à une très large majorité, car je n'ai pas le souvenir d'avoir vu des mains opposées à la suppression du titre se lever. Cela étant, parlant sous le contrôle du rapporteur et du président de la commission des lois, je m'en remets à leurs souvenirs ! (Sourires.)
En tout cas, une nette majorité s'est dégagée pour considérer que ces dispositions n'avaient pas leur place dans le présent projet de loi, dans un texte qui vise à faire de l'égalité des chances une réalité pour tous.
En quoi la question de l'élargissement des pouvoirs de constatation des agents de police municipale pour lutter contre certaines incivilités est-elle liée à cet ambitieux objectif qui était censé apporter - puisque personne ne croit aujourd'hui qu'il va le faire - une réponse à la crise urbaine que nous avons connue à la fin de l'année 2005 ?
On ne peut qu'être surpris de voir figurer dans un texte relatif à l'égalité des chances les pouvoirs du maire concernant la divagation et l'excitation d'animaux dangereux, les nuisances sonores injurieuses ou nocturnes et l'abandon d'immondices !
Considère-t-on cette mesure comme une réponse apportée à des élus locaux qui auraient fait part de leur impuissance à juguler les violences dans les banlieues ?
L'insuffisance des pouvoirs de police des maires n'a pas spécialement fait l'objet d'un débat à cette occasion. Bien au contraire, dans l'effervescence des émeutes, la gestion responsable des élus locaux a été saluée.
On peut donc véritablement s'interroger sur la présence de cette disposition concernant le pouvoir des maires en matière d'incivilités. Le débat sur ce point trouverait logiquement sa place dans un texte relatif la prévention de la petite délinquance.
Assistons-nous là à la mise au jour d'une lutte d'influences entre ministères ? Je vous laisse décider !
Mais ce qui nous semble plus grave, c'est que ce type de mesure est stigmatisant. Si je me permettais un à-peu-près, je dirais qu'il est discriminant !
Il suggère que c'est bien dans les quartiers en difficulté concentrés dans les zones urbaines sensibles qu'il faut faire « le ménage » ...
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas du tout !
M. Bernard Frimat. ...en accordant au maire, au travers de sa police municipale, les moyens de régler lui-même les problèmes d'ordre public et de dégradations sur la voie publique.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas vrai ! C'est dans la globalité !
M. Bernard Frimat. Il appelle également à réfléchir sur le rôle et l'évolution de la police municipale, car il instaure une certaine ambiguïté.
Au fil du temps, le champ de compétence de la police municipale s'étend. Après l'exécution des arrêtés du maire, ont été ajoutés les pouvoirs de constater de plus en plus de contraventions auxdits arrêtés. La loi sur la sécurité intérieure du 18 mars 2003 accorde aux policiers municipaux le pouvoir de constater le délit de voies de fait, de menaces ou d'entrave commis en réunion dans les entrées, les cages d'escalier et autres parties communes des immeubles.
Petit à petit, les polices municipales pourraient être considérées naturellement comme un corps de police assimilable à une « troisième » police de plein exercice. Nous ne pouvons marquer notre accord avec cette évolution.
Même si le maire est l'élu le mieux placé, qui connaît le mieux la situation de sa commune, l'action de sécurité publique ne saurait être déléguée aux communes. La sécurité est un droit de tous et doit donc rester de la seule compétence de l'État. Il sera trop facile de faire porter, demain, si votre texte est adopté, la responsabilité des mauvais résultats en matière de délinquance aux maires !
L'enjeu de l'égalité des chances ne doit pas masquer le risque de l'inégalité des territoires en matière de sécurité publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. S'il y a relativement peu d'amendements qui ont été déposés sur cet article, c'est précisément parce qu'il n'a rien à faire dans un projet de loi pour l'égalité des chances.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il est là pour la sécurité !
M. David Assouline. Je vous livre une interprétation que j'ai essayé, avec mes collègues, de définir, depuis le début de l'examen de ce texte : s'il y a volonté d'égalité des chances, c'est qu'il y a des publics qui subissent un certain nombre d'inégalités et de discriminations.
Or l'ensemble des mesures phares de la loi semblent pouvoir se résumer dans cette formule : « Salauds de pauvres ! ». Les jeunes, d'une manière générale, sont discriminés à l'emploi. Il leur faut donc accepter un contrat jetable. Quant aux patrons, il importe de leur donner cette possibilité.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous ne parlez pas sur l'article 27 !
M. David Assouline. Laissez-moi achever mon propos, je vous prie !
Ensuite, s'il y a des problèmes dans les quartiers, ils sont dus à des jeunes, qui font des incivilités.
M. David Assouline. Qu'il s'agisse ou non de jeunes, il n'empêche qu'il existe un problème d'incivilités qui crée cette inégalité des chances.
Nous en viendrons ensuite à la question de la responsabilité parentale : c'est la faute des parents !
Chaque fois, on pense qu'on va régler le problème de l'égalité des chances par le biais de la culpabilisation des publics qui sont concernés et qui sont le plus en difficulté.
M. Alain Gournac, rapporteur. Tout cela est faux !
M. David Assouline. Ils doivent marcher au pas ou bien accepter des règles draconiennes pour accéder à l'emploi, comme en matière d'apprentissage et d'éducation.
Je tenais à montrer que tous ces aspects n'ont rien à faire dans un texte pour l'égalité des chances et j'aimerais que le Gouvernement nous explique les raisons pour lesquelles ils s'y trouvent.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je ne suis pas d'accord !
M. Roland Muzeau. Comment peut-on expliquer cela ? C'est inexplicable !
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je souhaite poser quelques questions simples.
Premièrement, dès lors que toutes les communes n'ont pas de police municipale, puisque ce n'est pas une obligation, il y aura sans doute une différence de traitement entre les communes. Est-ce une bonne chose ?
Ma seconde question, plus importante, a trait au droit du travail. Aux termes de l'article 27 du projet de loi, la compensation en réparation du préjudice pourra consister en l'exécution, au profit de la commune, d'un travail non rémunéré pendant une durée maximale de trente heures. Quel sera le statut de ce travail sachant qu'il ne sera pas rémunéré ?
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Cela existe déjà : les travaux d'intérêt général !
M. Jean-Pierre Godefroy. Justement, monsieur le président, nous avons tous eu recours à cette mesure !
M. Alain Gournac, rapporteur. Elle existe depuis 1984 !
M. Jean-Pierre Godefroy. Cela vous fâche tant que cela que je pose une question ?
M. le président. Poursuivez, monsieur Godefroy !
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est invraisemblable ! Mes questions sont-elles si incongrues ? Je les poserai tout de même : dans quelles conditions s'exécutera ce travail de compensation ? Qui en assurera l'encadrement, et sous quelle forme ? Ce ne sont tout de même pas des questions irrecevables, même si elles paraissent déplaire à certains pour des raisons que j'ignore !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous nous retrouvons une deuxième fois devant une situation un peu particulière puisqu'il apparaît que la commission des lois, le groupe socialiste, le groupe Union centriste-UDF et le groupe communiste républicain et citoyen demandent la suppression de l'article 27.
Pour y voir plus clair dans nos débats, il me semble qu'il convient de soumettre à notre assemblée, avant les amendements visant à supprimer l'article, la proposition alternative proposée par M. Hyest. Si cette dernière était rejetée, nous passerions à l'examen des amendements de suppression. C'est pourquoi je demande que les amendements nos 402 et 403 soient examinés par priorité. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il s'agit de la même logique que tout à l'heure !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité foulée par la commission ?
M. le président. La priorité est de droit.
L'amendement n° 402, présenté par M. Hyest, est ainsi libellé :
Remplacer le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 44-1 du code de procédure pénale par quatre alinéas ainsi rédigés :
Pour les contraventions que les agents de la police municipale sont habilités à constater par procès-verbal conformément aux dispositions de l'article L. 2212-5 du code général des collectivités territoriales et qui sont commises au préjudice de la commune au titre de l'un de ses biens, le maire peut, tant que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, proposer au contrevenant une transaction consistant en la réparation de ce préjudice.
« La transaction proposée par le maire et acceptée par le contrevenant doit être homologuée par le procureur de la République.
« Les actes tendant à la mise en oeuvre ou à l'exécution de la transaction sont interruptifs de la prescription de l'action publique.
« L'action publique est éteinte lorsque l'auteur de l'infraction a exécuté dans le délai imparti les obligations résultant pour lui de l'acceptation de la transaction.
L'amendement n° 403, présenté par M. Hyest, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 44-1 du code de procédure pénale :
Elle doit alors être homologuée, selon la nature de la contravention, par le juge du tribunal de police ou par le juge de la juridiction de proximité.
La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Je n'entrerai pas dans des considérations générales.
Un certain nombre d'objections juridiques ont été formulées, qui me rappellent le débat que nous avons eu sur la HALDE.
Il ne me paraît pas sain que de tels pouvoirs ne soient pas contrôlés par l'autorité judiciaire, même dans le cas d'un maire, qui est pourtant, il ne faudrait pas l'oublier, le représentant de l'État dans sa commune et officier de police judiciaire. Je le souligne au passage, le maire a tout de même quelques vertus et ce n'est pas quelqu'un d'ordinaire dans les institutions de la République !
Je propose de mettre le nouveau pouvoir de transaction pénale des maires en matière de contraventions relevant d'actes d'incivilité en conformité avec les principes de procédure pénale régissant l'exercice d'une telle prérogative.
Ainsi, une transaction pénale ne pourrait être envisagée lorsque les poursuites ont été engagées, de la part du parquet par citation devant une juridiction répressive ou par saisine du juge d'instruction, ou de la part de la victime, par citation directe devant le tribunal ou plainte avec constitution de partie civile devant le juge d'instruction.
En outre, il convient de préciser que les actes tendant à la mise en oeuvre ou à l'exécution de la transaction interrompent la prescription de l'action publique. On retrouve d'ailleurs un peu les mêmes termes que dans l'amendement que le Sénat a adopté tout à l'heure. La transaction ne présente pas le caractère d'un jugement exécutoire : si l'auteur de l'infraction se dérobe aux termes de la transaction, il ne peut être contraint de les exécuter. Les poursuites doivent donc pouvoir reprendre par une citation devant le tribunal, par exemple.
Enfin, l'action publique ne doit être éteinte que lorsque le contrevenant a satisfait aux obligations résultant de la transaction et non, comme le prévoyait le texte initial du projet de loi, dès l'homologation de la transaction.
Notamment dans les plus petites communes, le maire, nous le savons tous - en tous les cas ceux d'entre nous qui sont maires -, doit pouvoir non pas jouer au justicier, mais lutter contre les incivilités, c'est-à-dire contribuer à l'égalité entre nos concitoyens.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Jean-Jacques Hyest. Il n'y a là de ma part aucune méfiance à l'égard de l'autorité judiciaire, mais celle-ci a une tâche si considérable qu'elle ne parvient jamais à traiter les incivilités, alors que, si l'on intervient immédiatement et dans de bonnes conditions - en particulier, sous le contrôle du parquet -, on peut faire de la pédagogie et voir ces incivilités diminuer.
L'amendement n° 403, pour sa part, vise l'homologation d'une transaction consistant dans l'exécution, au profit de la commune, d'un travail non rémunéré d'une durée maximale de trente heures. Elle relève, non pas du juge des libertés et de la détention, mais, comme la validation des compositions pénales en matière de contravention visée à l'article 41-3 du code de procédure pénale, du juge du tribunal de police ou du juge de la juridiction de proximité, et d'eux seulement.
Cet amendement a donc pour objet de prévoir la validation de la proposition par le juge de la juridiction de proximité concerné.
Devant la complexité de la question, la commission des lois s'était fortement interrogée et avait estimé qu'il n'était pas possible de donner ces pouvoirs au maire seul. L'encadrement par l'autorité judiciaire me paraît être une manière efficace de lutter contre les incivilités et, au-delà, de responsabiliser tout le corps social, depuis les élus jusqu'à la justice. Nous en avons bien besoin !
Telle est donc la proposition en deux volets que je me suis permis de formuler à titre personnel, pour essayer de faire évoluer un dossier qu'il me paraissait nécessaire de traiter dans ce projet de loi. (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. La commission des affaires sociales, on le sait, est favorable à ces deux amendements, dont l'adoption permettra de donner aux maires une possibilité d'action fort intéressante.
Ne pas les accepter, ce serait accepter de ne pas protéger les plus faibles dans nos communes. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Roland Muzeau. Après les maires shérifs, les maires juges !
M. Alain Gournac, rapporteur. Mes chers collègues, vous savez bien que c'est tous les jours que les maires sont amenés à faire des rappels à la loi : dans ma commune, nous en sommes à trente et un pour une seule personne ! Et, soit dit en passant, ce n'est pas un jeune ! Parce que vous vous êtes empressés de dire que nous visions les jeunes, que nous visions les quartiers.
Venez dans ma ville, et vous pourrez constater que là n'est pas pour nous la difficulté : il n'y a pas de « quartier » ! Le problème, c'est de renforcer la position du maire, nous le rappelons depuis le début de nos travaux, en lui donnant cette possibilité.
La commission est donc favorable à l'amendement n° 402, comme elle l'est à l'amendement n° 403, qui apporte une précision utile et même indispensable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. En proposant l'article 27, le Gouvernement a très clairement exprimé sa volonté de s'attaquer à ces incivilités qui, tous les jours, pourrissent la vie de nos concitoyens, et je reprendrai volontiers à mon compte l'expression de M. le rapporteur : il s'agit bien de protéger les plus faibles en donnant aux maires la possibilité de sanctionner plus rapidement les auteurs de ces incivilités. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
Pour autant, je remercie très sincèrement le président de la commission des lois, dont les deux amendements, déposés à titre personnel, visent à un encadrement beaucoup plus clair de ce dispositif par l'autorité judiciaire, raison pour laquelle le Gouvernement y est particulièrement favorable.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote sur l'amendement n° 402.
M. Roland Muzeau. M. le rapporteur a fait état de son expérience de maire, et je ne la conteste pas. Dans ma commune aussi, je suis confronté à des « incivilités », comme on dit.
Cela étant, je trouve ces amendements profondément dangereux. Après leur avoir fait enfiler un habit de shérif - et ce ne sont pas les lois en ce sens qui ont manqué -, après les avoir armés, sinon eux, du moins la police municipale, voilà qu'on veut transformer les maires en juges, des juges qui rendent des décisions, des juges de l'application des peines... Et puis quoi encore ?
Il y a là, probablement, matière à flatter certains sentiments qui peuvent exister dans la population, dont une partie réclame toujours davantage de répression ou est prête à pointer du doigt telle ou telle catégorie de nos concitoyens, de préférence celles que vous qualifiez maintenant de « minorités visibles », comme si cette expression s'imposait de manière quasiment évidente, mais pas à moi. Pour moi, il n'y a rien de plus atroce que de prononcer ces mots-là. Ce sont des concitoyens, un point c'est tout !
Nous assistons, à n'en pas douter, à une dérive, au demeurant parfaitement logique : M. Sarkozy n'a-t-il pas annoncé un nouveau projet de loi qui permettra d'en « rajouter une couche » ?
Je vous invite à faire le décompte de tous les projets de loi répressifs que le Parlement a adoptés depuis que la droite est revenue au pouvoir et à mettre en regard tout ce qui n'a pas été fait, notamment en termes de moyens accordés à la justice ! On peut toujours, ensuite, confier le travail à d'autres ! (M. le président de la commission des affaires sociales proteste.)
Faisons donc un bilan des juges de proximité, monsieur About !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il manque tout de même quelques magistrats !
M. Roland Muzeau. Il ne manque pas seulement des magistrats ! Tous ceux qui contribuent à rendre la justice dans des conditions normales sont en nombre insuffisant !
Nous sommes lancés dans une fuite en avant, et toutes ces propositions ont en commun, je le répète, de chercher à flatter les sentiments les pires que peut nourrir une partie de la population. Je ne crois pas que ce soit rendre service à notre pays. (M. David Assouline applaudit.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.
M. Bernard Frimat. Dans la discussion générale, dont on se souvient encore bien que quelques jours se soient déjà écoulés, plusieurs orateurs ont qualifié ce projet de loi de « fourre-tout », et cette expression ne venait pas seulement de nos rangs.
L'amendement de M. Hyest ne me surprend pas de sa part : lui qui a une longue expérience des services d'incendie et de secours arrive comme un pompier pour sauver un article dont la rédaction est particulièrement calamiteuse. (Sourires.)
Une nouvelle fois, et nous en avons eu de multiples exemples dans la journée, nombre des articles qui nous sont soumis ne sont pas achevés et ont visiblement été élaborés dans l'urgence. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Ils représentent des innovations juridiques tout à fait intéressantes, mais ils ont une caractéristique commune : ils sont peu pertinents.
Je reconnais que l'amendement présenté par le président de la commission des lois a sa cohérence. Il a simplement, à nos yeux, un défaut majeur : il ne nous indique pas en quoi un titre consacré aux incivilités peut être un élément constitutif d'un projet de loi pour l'égalité des chances.
M. Bernard Frimat. La majorité de la commission des lois, toutes formations politiques confondues - à l'exception de son président et de son rapporteur, qui s'étaient abstenus ès qualités -, avait considéré que ces articles n'avaient rien à faire dans un texte intitulé « projet de loi pour l'égalité des chances ». Nous restons sur cette position, car, comme le soulignait Roland Muzeau à l'instant, nous sommes là face à une dérive supplémentaire.
Laissez donc les maires gérer leurs communes et ne les surchargez pas de pouvoirs de ce type ! Les moyens d'action de nos diverses collectivités territoriales sont bien trop inégaux, et de nombreuses communes se trouveront dans l'impossibilité d'appliquer ces dispositions. Pour tout dire, personnellement, je m'en réjouirai puisque cette loi n'aura aucune utilité dans toutes ces collectivités.
La position qu'avait initialement défendue la commission des lois était la bonne ; les sénateurs socialistes s'y tiennent et persistent à demander la suppression des articles concernés.
Si l'amendement n° 402 devait être adopté, il est bien évident que cela aurait le mérite de sortir un texte du ridicule juridique. Pour autant, sur le fond, nous ne pouvons pas nous y rallier. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. J'oscille, pour décrire ma situation présente, entre le dilemme cornélien et la schizophrénie pure et simple. (Sourires.)
En effet, à titre personnel et en tant que sénateur, j'approuve les amendements de M. Hyest, qui ressemblent d'ailleurs étrangement à ceux que j'avais déposés et que la commission n'avait pas retenus, mais, en tant que rapporteur, je ne les voterai pas.
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. Il est beaucoup question, en effet, d'égalité. Mais vous êtes en train, mes chers collègues, d'oublier totalement l'exigence d'égalité de traitement des citoyens quel que soit le lieu où ils vivent ! Or la disposition proposée, qui amènerait les maires à décider de prendre telle ou telle sanction quand certaines incivilités auront été commises, ne me paraît absolument pas susceptible d'y satisfaire. Le problème est réel, car il n'entre pas dans le rôle, il n'est de la compétence d'un maire de prendre une décision de ce type !
En tant que maire - depuis maintenant un certain nombre d'années ! -, je suis bien souvent amenée à discuter avec ceux qui commettent des incivilités. Et je constate que, sur le fond, vous êtes en train, une fois de plus, de vous défausser de vos responsabilités sur les maires, alors que, avant de la supprimer purement et simplement, vous avez réduit les moyens dont disposait la police de proximité - et je parle bien de la police nationale - pour mener le travail de terrain, le travail de fond qu'elle pouvait réaliser dans ces occasions. J'ai encore à l'esprit la déclaration de Nicolas Sarkozy affirmant qu'il était inacceptable que des policiers se permettent d'aller disputer des matches de foot avec les jeunes d'un quartier, au motif que cela n'aurait pas été de leur responsabilité...
Notre conception de la police de proximité, en effet, n'est pas celle du gouvernement aujourd'hui en place. Nous trouvions très positive l'idée que la police nationale soit proche des habitants, ait avec eux une relation concrète, permanente, qui leur permette, le cas échéant, de confier leurs interrogations, leur difficulté à vivre y compris au policier de proximité, parce qu'il vit constamment à leurs côtés. On va très souvent chercher des exemples ailleurs : en Angleterre, les bobbies, d'une certaine façon, tiennent ce rôle, et ce n'est pas si inintéressant !
Vous êtes en train de faire en sorte qu'échoient aux élus locaux des responsabilités qui ne sont pas les leurs.
Quand nous débattions de la loi relative aux libertés et responsabilités locales, qui a été approuvée par votre majorité, vous affirmiez que la justice et la police étaient des attributions régaliennes de l'État ; aujourd'hui, vous voulez, d'une certaine manière, transférer aux collectivités territoriales une nouvelle compétence que vous n'avez pas voulu introduire dans cette loi relative aux libertés et responsabilités locales, parce que vous saviez que, sur le fond, elle ne pourrait pas recueillir l'accord des maires.
Quand vous prétendez que c'est pour protéger les plus faibles, soyons sérieux ! Ce dont les plus faibles ont besoin, c'est que vous nous donniez sur le terrain les moyens financiers afin que nous puissions réellement mettre en place tout le travail de prévention.
Vous réduisez aujourd'hui les moyens de la politique de la ville dans tous les contrats de ville, par exemple. Vous réduisez les moyens affectés à toutes les actions qui étaient menées sur le terrain et qui permettaient d'accompagner les populations les plus fragiles, en particulier les jeunes, sur le plan éducatif. C'est là que les vrais problèmes se posent.
Ce que les maires demandent, c'est d'avoir les moyens de mener des actions de prévention, et non pas de mener des actions qui relèvent de la justice.
Par ailleurs, je tiens à rappeler que si nous avons eu tant de difficultés à mettre en oeuvre les travaux d'intérêt général, c'est bien souvent parce que la protection judiciaire de la jeunesse a manqué elle aussi de moyens et de personnels pour nous accompagner dans ces démarches.
Dès lors, il faut cesser de vouloir faire porter la responsabilité au maire de la commune, responsabilité que l'État n'assume pas en ne donnant pas les moyens nécessaires aux différents secteurs qui devraient les avoir. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Yann Gaillard, pour explication de vote.
M. Yann Gaillard. Je suis très embarrassé, car je ne pourrai pas voter cet amendement, si bien conçu, qui permet de se sortir d'une difficulté tout en encadrant la nouvelle tâche donnée au maire par la justice dans l'amendement suivant.
J'ai été maire pendant vingt-cinq ans, j'aurais été incapable d'appliquer de telles dispositions.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pourtant on le fait souvent !
M. Alain Gournac, rapporteur. Nous, on le fait tout le temps !
M. Yann Gaillard. J'étais élu dans une petite commune, qui n'avait pas de police municipale.
Ces dispositions peuvent se concevoir quand il y a une police municipale et que le maire, en quelque sorte, ne fait qu'encadrer l'action de sa police municipale.
Mais comment voulez-vous que les maires des petites communes rurales puissent le faire ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils ne le feront pas !
M. Alain Gournac, rapporteur. S'ils ne veulent pas le faire, ils ne le feront pas !
M. Yann Gaillard. C'est leur faire endosser une responsabilité et les conduire peut-être à décevoir leurs administrés.
Il s'agit d'une question de conscience, je ne peux pas voter cet amendement.
M. le président. La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour explication de vote.
Mme Raymonde Le Texier. Je voudrais également apporter le témoignage d'un maire, non pas d'une petite commune comme notre collègue Yann Gaillard, mais d'une ville de 30 000 habitants, la plus pauvre de l'Île-de-France, multi-ethnique, qui a tout pour exploser et qui pourtant n'explose pas.
Nous avons travaillé avec la police municipale sur les incivilités classiques : stationnement en double file par des messieurs très bien mais pressés, dépôt de sacs d'ordures une demi-heure après le ramassage, chiens se promenant en liberté.
Quant aux incivilités beaucoup plus désagréables et relatives à ce type de ville telles que l'invasion des halls d'immeubles, les bruits incessants, les tags, les agressions verbales, elles relevaient précisément du travail de nos vingt policiers de proximité, un travail de répression, mais aussi un travail d'éducation, un travail qui donnait des résultats parce qu'il était réalisé par une police de proximité qui connaissait très bien les jeunes du quartier. Nous avions à ce moment-là les moyens de travailler correctement.
S'agissant des travaux d'intérêt général, ils sont décidés par les juges. Nous avons employé dans notre commune de nombreuses personnes qui étaient condamnées à de telles peines. Cela fonctionne lorsque les juges ont des moyens, quand il y a un suivi du personnel du tribunal, en relation avec la mairie. Il s'agit de peines de substitution qui ont fait leurs preuves partout où elles ont pu être appliquées.
Dès lors, je ne comprends pas pourquoi l'on veut sans cesse réinventer l'eau tiède. Il s'agit tout de même d'un problème sérieux ...
M. Alain Gournac, rapporteur. Alors votez l'amendement !
Mme Raymonde Le Texier. ...et l'on voit bien ces derniers jours que l'on réinvente l'eau tiède pour rien.
Nous ne voterons pas cet amendement, et cet article est... stupide.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 402.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la commission des affaires sociales et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 126 :
Nombre de votants | 326 |
Nombre de suffrages exprimés | 293 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 147 |
Pour l'adoption | 166 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. Bernard Frimat, sur l'amendement n° 403.
M. Bernard Frimat. Dans cet amendement n° 403, que, par cohérence, nous ne voterons pas, on voit apparaître cet OVNI qu'est le juge de proximité.
S'agissant du juge de proximité, chaque fois la situation se dégrade. Le voilà encore aujourd'hui chargé d'un éventuel travail supplémentaire. On le sort de plus en plus de ce qui était censé être sa fonction et au moment où nous avons voté contre les dispositions instaurant le juge de proximité, d'ailleurs avec l'appui des associations et des syndicats de magistrats, nous avions dit que ce juge de proximité allait être mis à toutes les sauces. C'est bien le cas. On lui a trouvé une nouvelle fonction.
Je ne vais pas, surtout à ce stade du débat, sous-amender un amendement avec lequel je suis en désaccord. Toutefois, ne serait-il pas possible de supprimer de votre amendement ces malheureux juges de proximité qui sont si peu nombreux et qui constituent un tel échec ? Au demeurant, je vous mets parfaitement à l'aise : même si vous supprimez le juge de proximité, nous voterons contre votre amendement (Sourires) car ces dispositions n'ont strictement rien à faire dans une loi qui, quoi que vous en disiez, est de plus en plus une loi « croupion ». (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.
M. Jean-Jacques Hyest. Je respecte le code de procédure pénale. Le juge de proximité a des responsabilités, le tribunal de police en a d'autres, selon les infractions constatées. Petit à petit, les juges de proximité trouveront leur place dans notre système judiciaire.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 403.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des affaires sociales.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 127 :
Nombre de votants | 323 |
Nombre de suffrages exprimés | 290 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 146 |
Pour l'adoption | 163 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
Compte tenu de l'adoption des amendements nos 402 et 403, les amendements nos 97, 212, 535, 810, 60 et 213 n'ont plus d'objet.
J'en donne néanmoins lecture :
Les quatre premiers amendements sont identiques.
L'amendement n° 97 est présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 212 est présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 535 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF.
L'amendement n° 810 est présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 60, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 44-1 du code de procédure pénale par les mots :
et que la réparation a été effectuée
L'amendement n° 213, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 44-1 du code de procédure pénale.
Nous passons à la discussion de l'amendement n° 214, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Assouline et Bel, Mme Blandin, MM. Bodin et Bockel, Mme Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mmes Cerisier-ben Guiga et Demontès, MM. Desessard, C. Gautier, Godefroy et Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon et Peyronnet, Mme Printz, MM. Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca et Voynet, M. Yung et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, et qui est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 44-1 du code de procédure pénale.
La parole est à Mme Bariza Khiari.
Mme Bariza Khiari. Il s'agit d'un amendement de repli tendant à supprimer la possibilité donnée au maire, lorsque l'infraction est commise sur le territoire de sa commune, de proposer une peine au procureur de la République. Il n'est en effet pas concevable qu'un maire dispose d'un pouvoir juridique lui permettant d'influencer le procureur de la République, seul compétent pour apprécier l'opportunité des poursuites.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 27, modifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 128 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 295 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 148 |
Pour l'adoption | 168 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
Article 26
Le code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :
1° Le deuxième alinéa de l'article L. 2212-5 est complété par les mots : « ainsi que les contraventions mentionnées au livre VI du code pénal dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, dès lors qu'elles ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquêtes et à l'exclusion de celles réprimant des atteintes à l'intégrité des personnes » ;
2° Le premier alinéa de l'article L. 2512-16 est complété par une phrase ainsi rédigée :
« Ils constatent également par procès-verbal les contraventions mentionnées au livre VI du code pénal dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, dès lors qu'elles ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquêtes et à l'exclusion de celles réprimant des atteintes à l'intégrité des personnes. » ;
3° Le premier alinéa de l'article L. 2512-16-1 est complété par les mots : « ainsi que les contraventions mentionnées au livre VI du code pénal dont la liste est fixée par décret en Conseil d'État, dès lors qu'elles ne nécessitent pas de leur part d'actes d'enquêtes et à l'exclusion de celles réprimant des atteintes à l'intégrité des personnes ».
M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.
Mme Éliane Assassi. L'ordre d'examen des articles ayant été modifié, je vais devoir me répéter. (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Marie-Thérèse Hermange. Oh non !
M. le président. Mieux vaut se répéter que se contredire, mais il ne faut pas abuser !
M. Alain Gournac, rapporteur. Non, il ne faut pas abuser de notre patience.
Mme Éliane Assassi. Je tiens tout d'abord à vous dire une nouvelle fois combien nous sommes étonnés de trouver un article portant sur les missions des polices municipales dans un projet de loi censé instaurer de nouvelles règles favorisant l'égalité des chances dans notre société.
Nous souhaitons que vous nous éclairiez sur la vision de l'égalité des chances qui vous amène à introduire un tel article au sein de ce projet de loi.
En fait, les titres III et IV devraient s'intituler « diverses mesures de sécurité intérieure », ce qui n'a rien à voir avec l'objectif du projet de loi que nous étudions.
Il semble que vous ayez décidé d'introduire de telles mesures parce que vous craignez de ne pas avoir le temps de déposer un nouveau projet de loi sur la sécurité.
M. Alain Gournac, rapporteur. Je pense que vous vous trompez !
Mme Éliane Assassi. Cela dit, permettez à notre assemblée, qui représente les collectivités locales, d'apporter un éclairage particulier sur l'article 26 qui vise à étendre les pouvoirs des agents de police municipale en leur permettant de constater les contraventions relatives à ce qu'il est convenu d'appeler des « incivilités ».
Notons tout d'abord que le concept d'incivilité reste flou et qu'il n'est pas juridiquement défini. Nous sommes ainsi devant un objet juridique non identifié.
En fait, l'article 26 vise à étendre les prérogatives de constatation des agents de police municipale aux contraventions mentionnées au livre VI du code pénal dont la liste serait fixée par décret en Conseil d'État.
Ainsi, aux termes de cette future loi, seraient dorénavant considérées comme des « incivilités » les contraventions suivantes : la divagation d'animaux dangereux, les menaces de violences, les bruits ou tapages injurieux ou nocturnes, l'excitation d'animaux dangereux, la diffusion de messages contraires à la décence, l'abandon d'ordures et de déchets, enfin, les destructions, dégradations et détériorations légères.
Ce faisant, nous élargirions considérablement le pouvoir des polices municipales et je comprends la sagesse de la commission des lois qui nous demande de supprimer cet article au motif qu'il serait inopportun d'étendre les prérogatives des agents de police municipale. Permettez-nous de considérer que ce serait non seulement inopportun, mais également dangereux.
Depuis que la loi a autorisé la mise en place des polices municipales, le législateur a particulièrement veillé à encadrer strictement leurs missions. L'élargissement qui nous est proposé aujourd'hui fait exploser le cadre juridique actuel.
Permettez-moi de rappeler que ces polices tirent leurs prérogatives des pouvoirs de police des maires et qu'en vertu de l'article 21 du code de procédure pénale, les agents de police municipale sont considérés comme des agents de police judiciaire adjoints. Ainsi, ils doivent seconder les officiers de police judiciaire dans leur mission.
En élargissant leur périmètre d'intervention, nous élargissons aussi leur pouvoir de constatation et d'instruction sur des affaires plus graves, en s'appuyant sur les missions d'officier de police judiciaire des maires et de leurs adjoints. La dérive est alors à notre porte.
Nous savons tous ici que certains maires n'attendent qu'un signe pour réactiver avec force les prérogatives d'officier de police judiciaire qu'ils détiennent en vertu de l'article 16 du code de procédure pénale.
Nous ne saurions admettre que le présent projet de loi, dont la représentation nationale issue du suffrage universel n'a pu discuter, ouvre ainsi la porte à un basculement de l'ordre républicain.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons l'avis de la commission des lois et nous vous demandons de supprimer l'article 26. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, sur l'article.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme vient de le souligner notre collègue, les dispositions de l'article 26 visent ni plus ni moins à renforcer le processus qui consiste à faire des maires de nos villes ce que l'on pourrait appeler des « shérifs en puissance ».
Leurs pouvoirs ne cessent d'être accrus de façon exorbitante. D'un côté, dans le cadre du contrat de responsabilité parentale, on leur accorde la capacité de dénoncer les carences des parents et, de l'autre, on instaure une immixtion toujours plus grande du maire dans les sphères de la police et de la justice.
En renforçant le pouvoir du maire à travers des compétences de police municipale, on met en place une sorte de concurrence des compétences entre la police nationale, dépositaire des compétences régaliennes de l'État, et la police municipale, qui manque de formation et qui souffre souvent d'un énorme déficit de légitimité de contrôle.
Comme la commission des lois, nous considérons qu'il est tout à fait inopportun d'élargir les pouvoirs de constatation des agents de police municipale pour lutter contre les incivilités.
M. le président. Je suis saisi de cinq amendements identiques.
L'amendement n° 96 est présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois.
L'amendement n° 404 rectifié est présenté par MM. Sueur, Bel et Godefroy, Mme M. André, MM. Badinter, Collombat, Courrière, Dreyfus-Schmidt, Frimat, C. Gautier, Mahéas, Peyronnet, Sutour et Yung, Mmes Alquier, Cerisier-ben Guiga, Demontès, Khiari, Le Texier, Printz, San Vicente, Schillinger et Tasca, MM. Assouline, Bodin, Cazeau, Lagauche, Madec, Mélenchon, Repentin, Ries, Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 462 est présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et M. Desessard.
L'amendement n° 536 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF.
L'amendement n° 809 est présenté par Mme Assassi, MM. Muzeau et Fischer, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces cinq amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis, pour présenter l'amendement n° 96.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Il est un principe qui doit guider les travaux de toute assemblée : le principe de cohérence. La suppression de l'article 26 était la conséquence de la suppression de l'article 27. Ce dernier ayant été adopté, la logique la plus élémentaire me conduit à retirer cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 96 est retiré.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier, pour présenter l'amendement n° 404 rectifié.
Mme Raymonde Le Texier. Il est défendu.
M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour présenter l'amendement n° 462.
Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme je l'ai dit tout à l'heure, en étendant les compétences de la police municipale et du maire, on fait courir un grand danger à l'autorité de notre système judiciaire.
Nous avons en effet préalablement débattu de l'extension de l'autorité de la HALDE et en un sens, il s'agissait d'éviter les mêmes écueils, autrement dit d'éviter d'accorder un même statut entre, d'un côté, les magistrats et les maires, et, de l'autre, la police municipale et la police nationale. En l'occurrence, il s'agirait de l'accorder aux maires et à une police municipale, laquelle serait bien sûr de plus en plus souvent amenée à entrer en conflit avec la police nationale ou serait en contradiction avec celle-ci.
Plusieurs de mes collègues l'ont déjà souligné, mais il est bon de le répéter : les incivilités n'ont pas de nature juridique. Nous ne pouvons pas accepter qu'elles soient instaurées comme des normes de stigmatisation de tout un pan de la population.
Alors, rétablissez, monsieur le ministre, la police nationale de proximité et augmentez les moyens de la justice, au lieu de faire de nos maires des shérifs, avec à leur tête, aujourd'hui, une police municipale et peut-être, demain, une justice municipale. Votre orientation est dangereuse pour notre démocratie !
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour présenter l'amendement n° 536.
M. François Zocchetto. La configuration du débat a changé en raison de la discussion et du vote en priorité de l'article 27.
La quasi-totalité du groupe UC-UDF s'est abstenue sur l'article 27, non pas que nous considérons que la lutte contre les incivilités n'est pas importante, mais pour des objections de forme - en partie levées par l'amendement de M. Hyest - et, surtout, parce que nous pensons que le débat de ce soir, sur un tel sujet, devrait avoir lieu lors de l'examen du projet de loi qui nous est annoncé par le ministère de l'intérieur.
Dans le même ordre d'idée, nous avions présenté l'amendement n° 536 tendant à supprimer l'article 26. Toutefois, compte tenu du vote intervenu sur l'article 27, je le retire, étant précisé que la quasi-totalité de notre groupe s'abstiendra également sur l'article 26.
M. le président. L'amendement n° 536 est retiré.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour présenter l'amendement n° 809.
Mme Marie-France Beaufils. Mon intervention complète celle de ma collègue Éliane Assassi sur l'article 26.
Nous étions en plein accord avec la position adoptée par la commission des lois, tendant à la suppression de l'article 26. Nous ne pouvions qu'adhérer aux motivations et aux raisons exposées par la commission.
C'est un autre aspect important du débat que je souhaiterais cependant aborder. Comme je l'ai rappelé dans mon intervention sur l'article 27, que nous avons dû examiner en priorité, de nombreuses communes ont fait le choix de ne pas créer ces polices municipales dont le présent projet de loi élargit les missions.
Certaines ont pris cette décision pour des raisons de fond, estimant que seule la police nationale peut garantir à tous les citoyens l'égalité de traitement, quel que soit le point du territoire où ils vivent. Mais un certain nombre de communes qui auraient voulu faire ce choix sont dans l'impossibilité de prendre en charge une police municipale, ne serait-ce que pour des raisons budgétaires.
La mise en place d'une police municipale exige des moyens financiers dont beaucoup de communes ne disposent pas. Dans ces conditions, qu'un projet de loi prétendant renforcer l'égalité de nos concitoyens instaure une mesure dont ne bénéficiera qu'une partie d'entre eux nous semble pour le moins problématique.
Cependant, la question des moyens va aussi se poser aux communes qui disposent déjà d'une police municipale, puisque vous semblez tenir à la mise en oeuvre effective de cette disposition. En effet, si l'on veut vraiment que la loi s'applique, l'élargissement des missions prévu par l'article 26 nécessitera obligatoirement le renforcement des polices municipales existantes, tant en effectifs qu'en compétences. Les communes concernées devront donc dégager des crédits supplémentaires.
Vous allez imposer aux collectivités territoriales, avec la mise en oeuvre de ce texte, l'effort budgétaire que vous n'avez pas voulu consacrer à la police nationale et à la justice. Nous savons en effet que les administrés, à partir du moment où les maires se verront reconnaître de nouvelles compétences, seront bien plus exigeants à leur égard pour qu'ils les exercent, qu'ils ne peuvent l'être à l'égard de la police nationale ou de la justice, institutions plus éloignées.
Une fois de plus, vous allez fragiliser la situation financière des collectivités territoriales, mais aussi les relations entre les habitants et leurs élus locaux.
Vous affaiblissez ainsi le seul échelon qui garantissait encore à l'ensemble des habitants une certaine stabilité dans la vie de notre pays. Vous cassez le seul élément qui vous était apparu positif au moment des émeutes : la capacité des maires à résoudre les conflits sur le terrain. Avec cette décision, vous leur faites un cadeau empoisonné ! Les élus sauront entendre ce que nous disons aujourd'hui et vous le constaterez vous-mêmes très rapidement dans vos départements. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Roland Muzeau. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 404 rectifié, 462 et 809 ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée. Défavorable. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Mme Marie-France Beaufils. C'est une explication un peu courte !
M. Guy Fischer. On n'a rien compris !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 404 rectifié, 462 et 809.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 129 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 294 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 148 |
Pour l'adoption | 127 |
Contre | 167 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Je mets aux voix l'article 26.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe CRC et, l'autre, du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 130 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 295 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 148 |
Pour l'adoption | 168 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
Intitulé de la division
M. le président. L'amendement n° 98, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Supprimer cette division et son intitulé.
M. Jean-René Lecerf, rapporteur pour avis. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 98 est retiré.
L'amendement n° 399, présenté par Mmes Voynet, Boumediene-Thiery et Blandin et M. Desessard, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit l'intitulé de cette division :
Actions positives pour développer la civilité et le civisme
Mme Alima Boumediene-Thiery. Je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 399 est retiré.
Je mets aux voix l'intitulé du titre IV.
(L'intitulé du titre IV est adopté.)
TITRE V
SERVICE CIVIL VOLONTAIRE
Article 28
Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l'action sociale et des familles est complété par une section 6 ainsi rédigée :
« Section 6
« Service civil volontaire
« Art. L. 121-19. - Il est institué un agrément de service civil volontaire, attribué par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, aux missions d'accueil, sous contrat, d'un ou plusieurs jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans révolus justifiant d'une résidence régulière et continue de plus d'un an en France, exercées par des personnes morales de droit public ou de droit privé ayant une mission d'intérêt général ou d'insertion professionnelle.
« Dans le cadre de la mission agréée, l'organisme d'accueil s'engage à former le jeune, notamment aux valeurs civiques, et à l'accompagner tout au long de son contrat en désignant, si besoin et dès la conclusion de ce contrat, une personne physique chargée d'assurer, en tant que tuteur, le suivi du jeune. À la fin du contrat, l'organisme accompagne si besoin le jeune dans sa recherche d'un emploi ou d'une formation.
« Un décret précise les conditions d'application du présent article et notamment celles dans lesquelles les organismes bénéficient, pour les missions agréées, de subventions accordées par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, en vue de prendre en charge tout ou partie des dépenses d'accompagnement et de formation, ainsi que les conditions de prise en charge financière des jeunes volontaires. »
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, sur l'article.
M. Richard Yung. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, l'article 28 du projet de loi pour l'égalité des chances ne nous semble pas acceptable.
Le texte proposé instituerait en effet un service civil au rabais correspondant à une simple compilation des dispositifs existants : cadets de la République, plan « Défense deuxième chance », etc. Il s'agit à nos yeux d'une « mesurette » symptomatique d'une politique de saupoudrage.
Fidèle à son cheval de bataille, consistant à assouplir le marché du travail, Le Gouvernement cherche, par la création du service civil volontaire, à constituer une sorte de réservoir de main-d'oeuvre flexible et précaire. Le flou juridique entourant le contrat des jeunes volontaires laisse donc penser que ce service civil serait l'antichambre du contrat première embauche.
Nous déplorons aussi que votre projet soit totalement déconnecté de toute réalité européenne alors même qu'il faudrait imaginer un service civique obligatoire commun à l'ensemble des jeunes citoyens européens.
La mise en oeuvre du service civil volontaire est totalement incompatible avec la politique menée par votre gouvernement, qui, depuis 2002, ne cesse de réduire les subventions accordées aux associations.
De notre point de vue, il serait plus judicieux d'instaurer un service civique obligatoire pour les jeunes citoyens français résidant en France ou à l'étranger. Le volontariat ne devrait concerner que les jeunes étrangers résidant sur le territoire français. Nos collègues députés Jean-Marc Ayrault et Daniel Vaillant avaient déjà élaboré un tel projet, présenté à l'Assemblée nationale en 2003.
Le service civique, tel que nous l'imaginons, favoriserait l'insertion socioprofessionnelle des jeunes qui sortent de l'école. Il participerait à l'intégration de l'individu dans la collectivité nationale.
Ce nouveau service serait non pas une voie de garage pour les jeunes en situation de précarité, mais plutôt un préalable à l'entrée sur le marché du travail. À l'instar de l'ancien service militaire, le service civique permettrait de réaffirmer ou d'inculquer les valeurs républicaines à tous les jeunes, en particulier à ceux qui sont issus de milieux les plus défavorisés. Ainsi, les jeunes, français ou étrangers, pourraient se retrouver autour du principe de fraternité, dont le sens a été profondément mis à mal.
Un tel service, qui permettrait de réaffirmer le vouloir vivre ensemble, constituerait un nouveau devoir. Il serait aux fondements d'un nouveau traité social, d'un nouveau contrat social. Par conséquent, à nos yeux, il devrait être rendu obligatoire, car il n'est pas certain que tous les jeunes citoyens, notamment ceux qui sont en rupture avec le système éducatif, s'engageront volontairement au service de la société.
Quant aux modalités d'application de ce dispositif et sa durée, elles seraient fixées par un décret. De notre point de vue, l'idéal serait de créer un service d'une durée de deux mois, effectué en deux périodes obligatoires d'un mois, réparties sur un ou deux ans. Mais je reviendrai sur ces propositions lorsque nous examinerons l'amendement qui tend à les développer.
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, sur l'article.
M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec l'article 28 qui crée le service civil volontaire, nous arrivons au terme de l'examen d'un projet de loi que l'on nous a présenté comme étant une réponse aux troubles que notre pays a traversés au cours du mois de novembre dernier.
La lecture que nous faisons de ces troubles, en nous appuyant sur notre connaissance du terrain, sur la grande expérience des élus locaux communistes et républicains, dont le dévouement et la proximité sont reconnus de tous, repose aussi sur le rapport des renseignements généraux, qui parle lui-même de révolte populaire d'une partie de la jeunesse.
Votre analyse est tout autre. Vous n'y avez vu que l'action délictueuse de bandes organisées, ayant même, selon certains, des arrière-pensées peu avouables. Ainsi, la réponse législative que vous nous proposez, avec ce projet de loi dont le titre est une usurpation, porte votre volonté de contenir cette jeunesse que vous jugez, par définition, délinquante.
Pour éviter aux jeunes de sombrer dans ce travers, vous les obligez au travail dès quinze ans, y compris la nuit, le week-end et les jours fériés, persuadés que, pendant ce temps, ils ne feront pas de bêtises. Vous leur imposez de travailler, sans aucune garantie sociale ; vous les plongez dans la précarité continuelle. Vous souhaitez ainsi leur apprendre à plier le cou, pour mieux en faire, par habitude, des citoyens dociles.
Enfin, dernière trouvaille, vous tentez de créer un service civil volontaire, car vous considérez que les jeunes en difficulté sont appelés, plus que les autres, à devoir prouver leur engagement citoyen en s'engageant comme volontaire, comme s'ils devaient faire la démonstration de leur bonne conduite.
Derrière cette vision, réapparaît la face cachée, depuis des décennies, de l'idéologie qui présente les classes populaires comme dangereuses, à contenir, voire à réprimer. Nous trouvons cela purement révoltant !
Considérant que ni l'école, ni les institutions, ni leurs parents, ni la vie tout simplement ne leur ont permis d'acquérir la stature de réel citoyen, vous leur refusez le droit d'être reconnus comme tel. Vous proposez de les mettre en formation accélérée.
Vous comprendrez, j'en suis sûr, que nous ne puissions vous suivre dans une telle démarche. Nous nous en expliquerons plus avant en défendant notre amendement tendant à supprimer cet article.
Toutefois, permettez-nous, d'ores et déjà, de dénoncer l'effet d'affichage de cette mesure. En effet, vous nous proposez la création d'un label, sans même évoquer celle d'un nouveau statut d'activité. En fait, cet article ne relève pas de la loi.
Il nous est proposé d'attribuer ce label à divers dispositifs existants et même à un dispositif qui n'est pas encore instauré. Je veux parler du volontariat associatif, l'examen du projet de loi qui le crée ayant été suspendu par votre majorité.
Aucun de ces dispositifs ne prévoit de missions de formation aux valeurs civiques, d'accompagnement par tutorat, de soutien à la recherche d'emploi ou de formation, prévues à l'article 28. Or la mise en place de ces mesures est obligatoire pour obtenir l'agrément « service civile volontaire ».
Comment ce service verra-t-il le jour alors qu'aucun dispositif ne correspond à sa définition ? De plus, comme nous l'avons souligné lors de notre intervention sur l'article 23, la procédure d'agrément est bien trop lourde pour être assurée par la nouvelle agence.
Il suffirait pourtant que les dispositifs « cadets de la République » et « Défense deuxième chance » soient agréés globalement et que le label « service civil volontaire » soit accordé en même temps que l'agrément des contrats de volontariat associatif.
L'article 28, comme beaucoup d'autres dans ce projet de loi, porte la marque d'un manque certain de réflexion et est pour le moins mal conçu.
Demande de priorité
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je demande la priorité sur les amendements nos 61 et 62 rectifié.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. le président. La priorité est de droit.
L'amendement n° 61, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Remplacer les trois premiers alinéas de cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Le chapitre Ier du titre II du livre Ier du code de l'action sociale et des familles est complété par un article L. 121-19 ainsi rédigé :
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à permettre l'insertion correcte des dispositions relatives au service civil volontaire dans le code de l'action sociale et des familles.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote.
M. Roland Muzeau. Par delà les remarques que nous avons soulevées lors de notre intervention sur l'article en soutenant l'amendement de suppression que nous ne pourrons pas présenter, nous voudrions réagir à l'amendement présenté par M. le rapporteur. Notre opinion va plus loin que la simple dénonciation du service civique volontaire que vous voulez mettre en place.
Pour parvenir à la mise en oeuvre d'un tel projet, annoncé par le Président de la République lui-même, vous ne nous proposez que la création d'un label, sans que de réels moyens financiers nouveaux soient dégagés. Votre dispositif ne permettra d'accueillir que 50 000 jeunes au plus par an. Faut-il vous rappeler qu'une classe d'âge compte quelque 800 000 personnes ?
La modicité de mise en oeuvre de cette fameuse ambition pour la jeunesse nous laisse pour le moins interrogatifs. Ou plutôt, non, elle confirme notre vision.
Vous prétendez que ce service sera ouvert à tous les jeunes, quelles que soient leurs origines et leurs situations, pour parvenir à un grand brassage social. Ces grandes phrases ne sont que de la poudre aux yeux, une véritable blague, mais une bien triste blague...
M. Alain Gournac, rapporteur. Vous appelez ce dispositif une blague ?
M. Roland Muzeau. Dans son rapport sur le projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, notre collègue Bernard Murat a d'ailleurs vendu la mèche, sans doute involontairement.
Il déclare, en effet, que ce service va s'adresser particulièrement aux jeunes en difficulté en vue de leur offrir de véritables perspectives d'avenir. En fait, comme nous l'avons déjà dit dans notre intervention sur l'article, il s'agit d'une mesure discriminante, ayant pour objet de mettre de côté les jeunes les plus en difficulté. Les volontaires sont désignés, les objectifs aussi. Fermez le ban !
Il s'agirait de compléter l'éducation initiale des jeunes par l'acquisition d'un savoir-être. Voilà un vaste programme qui nécessiterait de tout autres moyens et qui relève, à notre sens, des missions de l'éducation nationale. Encore faudrait-il qu'elle ait, elle-même, les moyens de les assurer !
Il s'agirait également de mettre leur énergie au service de la lutte contre l'isolement des personnes âgées, du soutien aux personnes handicapées ou du développement de la cohésion sociale dans certains quartiers. Ainsi, une main-d'oeuvre à bon marché pourra à nouveau être mise à la disposition de ceux qui interviennent dans ces secteurs.
Après avoir réduit les moyens de l'intervention publique dans ces domaines et les subventions aux associations qui interviennent sur le terrain, vous vous donnez des moyens nouveaux, à peu de frais, pour pallier les difficultés rencontrées, en créant ce type de service dit volontaire. Nous ne l'accepterons pas !
L'affichage de la notion de service civil volontaire masque, en fait, assez mal un certain cynisme. Les dispositifs qu'il est question de labelliser représenteront, pour les jeunes les plus en difficulté, une autre possibilité de petit rien, qui vaut mieux que le rien du tout, comme vous ne cessez de le marteler dans les consciences.
Ainsi de l'apprentissage précoce au service civil volontaire, puis avec le CPE, pour finir en CNE, vous balisez complètement le parcours des jeunes les plus en difficulté qui cumulent souvent les plus grands handicaps et subissent le plus les discriminations sociales. Vous les encadrez en les enfermant dans une seule possibilité, celle du petit boulot, de la précarité. Vous comprendrez que, dans ces conditions, nous demandions la suppression de l'article 28.
Cependant, il nous semble aujourd'hui pertinent de poser la question d'un service civique possible, ce que vous ne faites pas. Vous savez que cette interrogation préoccupe beaucoup de citoyens de notre pays et de très nombreux parlementaires. Notre groupe se prononce pour l'ouverture d'un véritable débat national, qui ne saurait se réduire à un débat parlementaire, d'autant que ce dernier n'a pas eu lieu à l'Assemblée nationale, en raison du recours à l'article 49-3.
Ce débat national que nous appelons de nos voeux doit permettre au plus grand nombre de nos concitoyens, et tout particulièrement les jeunes qui seraient directement visés par la mise en place d'un tel service national, de s'exprimer sur la question. Compte tenu de l'importance de ce sujet, les collectivités locales et les associations devraient y être conviés.
Vous comprendrez que notre projet est d'une tout autre nature et d'une tout autre portée que celui que vous nous présentez avec ce petit service civil volontaire, discriminant, socialement néfaste et toujours dirigé vers les mêmes. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. La rédaction initiale de l'article 28 ne nous convenait déjà guère, mais l'amendement n° 61 qui vient d'être présenté nous paraît réduire encore la portée du petit service civique proposé. Vous comprendrez que nous ne nous retrouvions pas dans cette approche.
Nous voulons au contraire un vrai service civique obligatoire, nous souhaitons combattre les inégalités et redonner un vrai sens au concept de République, d'union avec la communauté nationale autour de valeurs communes comme « liberté, égalité, fraternité ».
Il faut apprendre à nos jeunes à aimer le beau mot de République. Il faut également leur faire comprendre ce que sont l'unité et la solidarité nationales. Il est nécessaire enfin de leur apprendre à vivre ensemble, à frotter les consciences les unes aux autres et à donner de leur temps à un projet collectif en France et à l'étranger.
C'est pourquoi le service civique obligatoire devrait s'appliquer aux jeunes Français qui résident en France comme à ceux qui vivent à l'étranger, ces derniers ne devant pas être les oubliés de la République.
Pour toutes ces raisons nous sommes défavorables à l'amendement n° 61.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ce n'est pas gentil pour moi !
M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.
M. Jean-Luc Mélenchon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est une occasion pour moi de rappeler qu'avec un certain nombre de parlementaires de la gauche nous avions déploré l'abolition de la conscription.
M. Alain Gournac, rapporteur. Pas tous !
M. Jean-Luc Mélenchon. Il faut le redire et ne jamais accepter l'idée que, dorénavant, l'armée française serait professionnelle, car auparavant elle n'était pas composée d'amateurs. Au contraire, elle était tout aussi professionnelle qu'actuellement, puisque, souvent, les jeunes Français qui allaient faire leur service militaire mettaient à disposition de nos armées des qualifications professionnelles qu'ils avaient acquises et tout leur savoir-faire.
Incontestablement, sans vouloir en faire une espèce de substitut à l'école ou à je ne sais quoi, l'armée, la participation à la défense nationale étaient un creuset qui accomplissait, génération après génération, les objectifs qui avaient été fixés aux armées révolutionnaires au moment de la levée en masse, c'est-à-dire l'amalgame, le mélange des Français, l'échange. Nombre d'entre nous pourraient raconter comment certains leur ont dit que c'était l'unique fois de leur vie qu'ils étaient sortis de leur bled ou plus loin que le chef-lieu de canton, avaient découvert les provinces de France, les autres, et que ceux qui étaient puissants se trouvaient au même rang que ceux qui l'étaient beaucoup moins dans la vie civile.
M. Alain Gournac, rapporteur. Mais 50 % en étaient exemptés !
M. Jean-Luc Mélenchon. Incontestablement, dans des circonstances moins dramatiques que pour les générations précédentes, le service continuait à remplir cette fonction, même s'il posait de nombreux problèmes. Mais qu'est-ce qui ne pose pas de problème dans la vie à de nombreux jeunes Français ?
À présent, le service civique est un horizon sur lequel je crois que nous sommes très nombreux à converger, c'est-à-dire à penser que c'est une bonne idée et que c'est devant nous. On va devoir le faire, on sent qu'on en a besoin pour fabriquer de l'amalgame et de la volonté d'être français tous ensemble et donc dans la République. Mais là, je pense que l'on s'y prend mal, car le faire par petits bouts, c'est déjà donner l'idée qu'au fond ce n'est pas absolument indispensable. C'est un peu comme la différence qu'il y avait entre l'armée de conscription, où l'on prenait tout le monde, et celle de l'époque où l'on tirait au sort qui devait y aller. Ce n'était pas du tout la même signification !
C'est la raison pour laquelle, quoique je veuille pointer le fait qu'un consensus semble se dessiner entre nous pour dire qu'il faudra un service civique à l'horizon du futur, en cet instant, il n'y a pas accord entre nous, car je crains que l'on ne banalise, que l'on ne réduise, que l'on ne « riquiquise », si vous permettez ce néologisme, l'idée du service civique en le rendant aléatoire, en en faisant un service destiné à certains, avec de vagues prétentions pédagogiques auxquelles, moi, je ne crois pas du tout.
Ou bien tout le monde le fait, et c'est au service de la patrie républicaine, ou bien cela ne sert à rien, et ce n'est qu'une amusette de plus qui sera reçue par ceux qui devront y aller comme quelque chose de discriminant et de vexatoire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 131 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l'adoption | 192 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
L'amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Gournac, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit les premier et deuxième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-19 du code de l'action sociale et des familles :
« Art. L. 121-19. - Un agrément de service civil volontaire est délivré par l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances aux missions d'accueil, sous contrat, d'un ou plusieurs jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans révolus justifiant d'une résidence régulière et continue de plus d'un an en France, exercées par des personnes morales de droit public ou de droit privé ayant une mission d'intérêt général ou d'insertion professionnelle.
« Dans le cadre de la mission agréée, l'organisme d'accueil s'engage à former le jeune, notamment aux valeurs civiques, et à l'accompagner tout au long de son contrat en désignant, dès la conclusion de celui-ci, un tuteur chargé d'assurer le suivi du jeune. A la fin du contrat, l'organisme accompagne le jeune dans sa recherche d'un emploi ou d'une formation.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Alain Gournac, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de clarification rédactionnelle.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. La parole est à M. Richard Yung, pour explication de vote.
M. Richard Yung. Pour des raisons identiques à celles que nous avons développées précédemment sur l'amendement n° 61, nous sommes hostiles à cet amendement.
M. Alain Gournac, rapporteur. De temps en temps, ils sont contre ; cette fois, ils sont hostiles ! (Sourires.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62 rectifié.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 132 :
Nombre de votants | 328 |
Nombre de suffrages exprimés | 319 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 160 |
Pour l'adoption | 192 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
En conséquence, les amendements nos 371 rectifié, 401, 811 et 370 n'ont plus d'objet.
J'en donne néanmoins lecture :
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° 371 rectifié est présenté par M. Bodin, Mmes Cerisier-ben Guiga et Printz, M. Yung, Mme Alquier, MM. Assouline, Bel et Cazeau, Mme Demontès, MM. C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mme Tasca, M. Vidal et les membres du groupe Socialiste et apparentés.
L'amendement n° 401 est présenté par Mmes Voynet, Blandin et Boumediene-Thiery et M. Desessard.
L'amendement n° 811 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 370, présenté par Mme Cerisier-ben Guiga, M. Bodin, Mme Printz, M. Yung, Mme Alquier, MM. Assouline et Bel, Mmes Blandin et Boumediene-Thiery, M. Cazeau, Mme Demontès, MM. Desessard, C. Gautier et Godefroy, Mme Khiari, M. Lagauche, Mme Le Texier, MM. Madec, Mélenchon, Peyronnet, Repentin et Ries, Mmes San Vicente et Schillinger, M. Sueur, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger ainsi cet article :
Il est créé un service civique pour les jeunes femmes et les jeunes hommes. Ce service civique est obligatoire pour les jeunes Français, résidant en France ou établis hors de France. Les jeunes femmes et les jeunes hommes étrangers résidant en France peuvent également effectuer ce service civique sur la base du volontariat.
Les modalités d'application du dispositif et sa durée obligatoire sont fixées par décret.
Les conditions d'accès à ce service civique pour les jeunes Français établis hors de France sont fixées par décret
Nous en arrivons au dernier amendement déposé sur l'article 28.
L'amendement n° 529, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 121-19 du code de l'action sociale et des familles, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Ce service civil est universel et obligatoire. Il s'adresse à tous les jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans, garçons et filles.
La parole est à M. François Zocchetto.
M. François Zocchetto. Cet amendement a pour objet de rendre obligatoire le service civil créé par l'article 28, tel que nous venons de le modifier.
Quatre cent quarante-deux parlementaires, toutes tendances politiques confondues - un certain nombre d'entre eux sont présents dans l'hémicycle ce soir -, ont signé un appel lancé par un hebdomadaire pour un service civil obligatoire.
Un service universel, tel que celui que nous proposons de mettre en place, permettrait à tous les jeunes Français d'acquérir une expérience dans des domaines divers et de donner de leur temps aux autres, de le consacrer à des causes d'intérêt général, en France, en Europe ou ailleurs dans le monde.
En outre, et c'est encore plus important, nous pensons qu'un service civil n'a de sens que s'il est obligatoire, afin que les jeunes en difficulté qui en ont le plus besoin y participent comme les autres, sans se voir stigmatisés. C'est pourquoi les autres jeunes doivent y participer aussi. Or, si nous en restons au texte que nous avons voté, deux catégories de jeunes vont faire un service : les jeunes en difficulté d'un côté et les cinq cents étudiants de l'École Polytechnique de l'autre. La situation va être curieuse !
L'intérêt d'un service civil est d'aboutir à une définition des droits et des devoirs de tous les citoyens de la République. Si ce service n'est réservé qu'à une petite partie des jeunes, réputés en difficulté, comment pourra-t-il atteindre son objectif citoyen de réaffirmation des valeurs collectives ? Je ne vous apprendrai rien en disant que le service civil doit être l'occasion d'un brassage entre des individus de toutes origines et de toutes conditions sociales.
Un tel service serait, à n'en pas douter, un vecteur irremplaçable de cohésion sociale et nationale. Malheureusement, ce n'est pas ce que nous promet le service civil volontaire s'il reste optionnel et selon les termes qui ont été évoqués tout à l'heure. Outre le fait qu'à l'évidence le volontariat aura du mal à mobiliser des jeunes - ils rechercheront plutôt un emploi lucratif et comment ne pas les comprendre ? -, il est prévu que la nouvelle Agence pour la cohésion sociale et l'égalité des chances veillera à ce que les bénéficiaires du service civil soient uniquement des jeunes en difficulté, en situation d'échec scolaire ou d'exclusion du monde du travail. Ce choix risque de renforcer encore la ghettoïsation au lieu d'organiser le brassage.
Rappelons qu'en 1996 tous les observateurs étrangers avaient déconseillé la suppression du service national obligatoire, lequel était considéré comme l'un des derniers facteurs d'intégration sociale et républicaine. Nous étions donc plutôt en avance par rapport à d'autres pays ; en tout cas, nous n'étions pas en retard !
La mission parlementaire qui avait été constituée sur ce sujet préconisait dans ses conclusions, en mai 1996, le maintien du principe républicain de la conscription ainsi qu'un service obligatoire de quatre mois dans sa forme militaire et de six à huit mois dans ses formes civiles.
Aujourd'hui, nous vous proposons de concrétiser la seconde partie de cette recommandation grâce à notre amendement, qui pourrait satisfaire également un autre amendement devenu sans objet tout à l'heure.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Azouz Begag, ministre délégué. Le Gouvernement invoque l'article 40 de la Constitution sur l'amendement n° 529. Cet amendement a en effet pour objet de rendre le service civil obligatoire, ce qui augmenterait les charges de l'État.
M. Alain Gournac, rapporteur. Oui, énormément.
M. Azouz Begag, ministre délégué. En conséquence, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.
M. Roland Muzeau. C'est une réponse de banquier !
M. le président. L'article 40 de la Constitution est-il applicable, monsieur Karoutchi ?
M. Roger Karoutchi, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Les amendements nos 370 et 529 relevaient de l'article 40. L'amendement n° 370 est tout à l'heure devenu sans objet, du fait de l'adoption des amendements nos 61 et 62. S'agissant de l'amendement n° 529, l'article 40 s'applique, monsieur le président.
M. le président. L'article 40 de la Constitution étant applicable, l'amendement n° 529 n'est pas recevable.
La parole est à M. Roland Muzeau, pour explication de vote, sur l'article 28.
M. Roland Muzeau. Les multiples interventions issues de toutes les travées du Sénat, celles de l'UMP mises à part, ont apporté des contributions intéressantes au débat.
Ces interventions, et notamment notre prise de parole sur l'article 28, ont bien montré qu'il était nécessaire de régler cette question par un vrai projet de loi, conçu en concertation avec l'ensemble des intéressés, et non en un tour de main, par le biais d'un article dont l'Assemblée nationale n'a pas même débattu.
Par cette explication de vote, j'aimerais résumer l'ensemble de notre argumentaire tendant à la suppression de cet article.
On nous a présenté cette mesure comme une réponse à la révolte populaire d'une partie de la jeunesse en novembre dernier. Le cynisme de cette assertion en fait le pire des arguments.
L'objectif premier du Gouvernement semble bien l'encadrement, militarisé le cas échéant, d'une jeunesse qu'il juge en déshérence.
On nous a présenté ce service comme un nouveau dispositif. C'est faux. Il s'agit d'un simple label, auquel on n'attribue aucun moyen particulier.
On nous a présenté cette prétendue nouveauté comme un outil qui devait favoriser un brassage social, au service d'une action pour la collectivité. C'est faux. Le petit nombre des jeunes qui pourront être accueillis et le type de public que concerne, en fait, cette mesure ne permettront pas d'atteindre l'objectif affiché.
On nous a présenté ce service civique comme un dispositif devant offrir de véritables perspectives d'avenir aux jeunes volontaires. C'est à tout le moins une belle phrase, mais un simple affichage. Rien n'est en effet dit sur le contenu de cette période d'activité ni sur sa durée.
Cela ne figure pas dans le texte de cet article, mais il nous a également été dit qu'au terme de cette période de service un brevet de service civil serait délivré à chaque participant. La belle affaire ! Est-ce un tel papier qui donnera à nos jeunes une perspective d'avenir ? Nous sommes alors tout près du ridicule.
Par ailleurs, les procédures d'agrément sont lourdes, alors qu'elles pourraient être fortement allégées.
Sous couvert d'égalité et d'engagement volontaire enfin, vous avez un double objectif : mettre de côté une partie des jeunes et profiter de leurs divers handicaps pour les transformer en une main-d'oeuvre à bon marché, à très bon marché, même, puisque le dispositif volontaire associatif permet de ne verser aucune allocation à ceux qui s'engageront.
Finalement, par ce mauvais service civique volontaire, vous cassez un processus démocratique en cours qui pose, sur la place publique, la question de la création d'un vrai service civique, respectueux de notre jeunesse.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l'article 28.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Godefroy. Lors d'une allocution prononcée le 14 novembre 2005 en réaction à la situation dans les banlieues, le Président de la République, M. Jacques Chirac, avait annoncé la création d'un service civil volontaire. Le texte que nous examinons actuellement serait la suite législative de cet engagement.
L'article 28, qui tend à créer un service civil volontaire, serait ainsi destiné, selon les rapporteurs, issus de la majorité sénatoriale, à « aider les jeunes en difficulté à trouver un emploi en leur permettant d'intégrer différents corps de métier (défense, police, environnement, santé, culture et secteur associatif) ».
Pour ce faire, l'article 28 prévoit un service civil volontaire, qui viendra s'appuyer sur des initiatives existantes : les cadets de la République, le plan « Défense deuxième chance », le volontariat associatif, etc.
Il faut d'abord signaler que, malgré les déclarations du Gouvernement, il ne s'agit pas de la création d'un service. En réalité, on peut tout au plus parler d'une compilation des mesures et de projets existants. Rien de nouveau, d'original, donc, qui puisse apporter une réponse à la « crise des banlieues ».
Il s'agirait ensuite d'une aide pour la recherche d'un emploi. Le but est certes louable, mais il tend à limiter à l'extrême les objectifs d'un service civil qui s'adresse à la jeunesse. Ainsi, l'article 28 institue un simple agrément de service civil volontaire, qui sera attribué aux missions d'accueil, sous contrat, d'un ou plusieurs jeunes âgés de seize à vingt-cinq ans révolus, exercées par des personnes morales de droit public ou de droit privé ayant une mission d'intérêt général ou d'insertion professionnelle. C'est tout.
En conséquence, le « grand service civil » annoncé par le Président de la République en novembre 2005 accouche d'une toute petite souris, volontaire certes, mais qui se limite à fédérer, comme l'a dit le rapporteur M. Gournac, « les récentes initiatives destinées à donner une nouvelle chance aux jeunes en difficulté ou en situation d'échec et à leur fournir les moyens d'apprendre un métier puis de trouver un emploi ».
Nous pouvons également signaler l'ambiguïté de l'appellation de « service civil volontaire ».
En effet, cette appellation fait cohabiter le mot « service », qui renvoie à une notion d'obligation, et l'adjectif « volontaire » qui, quant à lui, souligne le caractère facultatif de l'engagement. Or le Gouvernement a beaucoup insisté sur le caractère volontaire de cet engagement, ce qui réduira considérablement l'impact et la portée du service en question.
Il est en outre paradoxal qu'au moment où le soutien financier du Gouvernement fait défaut au monde associatif celui-ci soit chargé de porter le poids du service volontaire.
Ce projet, bâclé et mal défini, manque singulièrement de précision quant au statut des « volontaires » : il est dit qu'un contrat sera établi. Sera-t-il exclusif de toute autre activité ? Pourra-t-il être conclu pour une durée illimitée ? Quelle sera la couverture sociale du volontaire ?
Ce service civil ressemble fort à une énième mouture du sempiternel projet gouvernemental destiné à apporter in fine au marché une main-d'oeuvre souple, jeune et précaire - une sorte de « stage » civil-, et susceptible de créer une grande confusion statutaire entre bénévoles, volontaires et employés des associations.
Le service civil proposé par le Gouvernement est de plus un dispositif franco-français. À l'heure où nous devons nous ouvrir toujours davantage à l'Europe, on nous propose un texte qui ne fait pas une fois allusion aux dispositifs qui existent ou que l'on pourrait créer au sein de l'Union européenne.
Vous nous proposez en réalité un service civil au rabais, monsieur le ministre.
Il s'agit d'une démarche qui n'est ni ambitieuse, ni novatrice. Nous savons qu'il n'est pas possible, avec un système volontaire, d'offrir à tous les jeunes une formation citoyenne commune et de transmettre à tous nos valeurs républicaines : respect, tolérance, écoute de l'autre. S'agissant de l'écoute de l'autre, cette valeur aurait son utilité dans cet hémicycle. Il est souhaitable que ces valeurs soient réaffirmées partout sur le territoire et auprès des jeunes Français de l'étranger.
Notre proposition vise à créer un véritable service civique pour les jeunes femmes et les jeunes hommes. Nous pensons que ce service civique doit être obligatoire pour tous les jeunes Français, résidant en France ou établis hors de France. Il nous semble également nécessaire de faire profiter de cette expérience les jeunes femmes et les jeunes hommes étrangers résidant en France.
Dans l'objet de l'amendement n° 370 était exposé l'essentiel de notre argumentation. Je vous invite à le lire. Je suis convaincu que, au sein de la Haute assemblée, nombreux sont celles et ceux qui partagent les convictions républicaines qui y sont exprimées.
Si j'en juge par le nombre et la qualité des personnalités dont la signature a été recueillie à l'occasion de l'appel lancé par le journal La Vie, nous aurions été très nombreux à voter l'amendement de notre groupe.
Je vais conclure car je ne veux pas abuser de votre patience ni de votre gentillesse, étant précisé que je pourrais faire encore durer mon intervention si cela s'avérait nécessaire ou si l'on m'y poussait.
J'ai le texte de cet appel et la liste de sénateurs signataires. (L'orateur montre un document.) Figurent ici, en rose, les noms des signataires du groupe Union centriste-UDF et, en jaune, les noms des signataires du groupe UMP. S'il est procédé à un scrutin public sur l'article 28, j'ose espérer que nous ne retrouverons pas les bulletins de vote des sénateurs signataires parmi les bulletins de vote de ceux qui auront voté pour l'adoption de cet article.
M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, pour explication de vote.
M. François Zocchetto. Monsieur le ministre, vous nous avez tout à l'heure demandé de retirer l'amendement par lequel nous proposions que le service civil soit obligatoire.
Devons-nous comprendre que c'est parce que le Gouvernement est opposé par principe à un service obligatoire ? Je n'en suis pas certain, puisque vous avez invoqué l'article 40. Serait-ce alors pour des raisons purement matérielles que vous ne souhaitez pas que ce service soit obligatoire ? J'aimerais que l'on m'éclaire.
Dans le cas, en effet, où le Gouvernement ne serait pas opposé à ce que ce service devienne assez rapidement obligatoire, nous considérerions ce débat comme une première étape et voterions sans difficulté en faveur de l'article 28.
Si, à l'inverse, vous nous disiez ne pas juger utile que ce service civil soit obligatoire, à une échéance que l'on pourrait ce soir préciser, nous ne pourrions alors voter cet article.
Nous pensons en effet que ce service civique doit concerner tous les Français. (M. Denis Badré applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 28.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe socialiste et, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 133 :
Nombre de votants | 327 |
Nombre de suffrages exprimés | 285 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 143 |
Pour l'adoption | 158 |
Contre | 127 |
Le Sénat a adopté.
Nous en venons maintenant à la discussion des amendements tendant à insérer des articles additionnels qui ont été précédemment réservés. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Guy Fischer. Je demande la parole, pour un rappel au règlement !
M. le président. Mes chers collègues, il est trois heures trente du matin.
Même si je suis quelque peu partial, j'estime que la séance de cette nuit s'est remarquablement déroulée. Certains pensent qu'il est temps de lever la séance,...
M. Roland Muzeau. Oh oui !
M. le président. ... tandis que d'autres, notamment le Gouvernement, souhaitent poursuivre la discussion.
Mme Raymonde Le Texier. Pour se débarrasser de ce texte lamentable !
M. le président. Afin que soient respectés les engagements des uns et les souhaits des autres, je vous propose d'examiner encore une dizaine d'amendements, puis de lever la séance, quelle que soit l'heure. Ainsi nous resterions dans le climat qui a régné ici cette nuit.
M. Guy Fischer. Vous avez rompu ce climat !
M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour un rappel au règlement.
M. Guy Fischer. Nous sommes tout à fait opposés à la poursuite de nos travaux. Dans ce débat important, nous avons joué un rôle difficile.
Je ne rappellerai pas toutes les procédures qui ont été engagées depuis le début de la discussion la semaine dernière, notamment lors de l'examen du contrat première embauche, et qui ont donné lieu à des affrontements.
Tout à l'heure, pour répondre au souhait de nos collègues socialistes, nous avons accepté la demande de réserve des articles 23, 24 et 25, formulée par la commission des affaires sociales.
Nous siégeons depuis ce matin neuf heures quarante-cinq, ce qui représente plus de douze heures de séance !
M. le président de la commission des affaires sociales avait pris l'engagement de ne pas dépasser trois heures du matin, de ne pas aborder l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 28, mais de traiter tous les autres.
Pour le personnel - même si celui-ci a peut-être une plus grande résistance que nous ! -, comme pour nous, parlementaires, il nous semblait souhaitable d'arrêter nos travaux à trois heures du matin.
Même si, par le jeu naturel de la démocratie, la présidence, le Gouvernement, les commissions et les sénateurs ont utilisé tous les pions qu'ils avaient en main, un climat de confiance s'était instauré entre nous. Or, voilà que l'on nous propose d'examiner maintenant les amendements tendant à insérer des articles additionnels !
M. Alain Gournac, rapporteur. On est en pleine forme !
M. Guy Fischer. Nous protestons vivement contre cette décision !
M. Alain Gournac, rapporteur. Le travail, c'est la santé !
M. Guy Fischer. Nous sommes profondément déçus parce que nous avions discuté de l'organisation de nos débats et n'aurions jamais pensé que vous auriez pu en arriver là !
Certes, sur le plan pratique, nous pouvons examiner ces amendements ; mais, sur le principe, nous ne sommes pas d'accord.
Des relations de confiance s'étaient instaurées avec la conférence des présidents, le président et le rapporteur de la commission, mais je considère que le contrat est rompu.
M. Roland Muzeau. Absolument !
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pour parodier une publicité, je dirai que je ne veux pas gâcher la confiance que vous avez mise en moi, monsieur le sénateur.
M. Roland Muzeau. Si !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous étions convenus que, si l'article 28 du projet de loi était adopté vers trois heures du matin, nous arrêterions nos travaux.
Je vous donne acte de votre déclaration, monsieur Fischer, et je regrette simplement qu'une autre décision ait trahi la parole que j'avais donnée.
M. le président. Monsieur le président, lorsqu'un accord est passé, la présidence pourrait être mise au parfum ! (Sourires.) Ce serait plus simple pour organiser nos travaux. Je découvre à trois heures trente du matin que la commission avait pris l'engagement d'arrêter à trois heures.
Par ailleurs, vous aviez prévu d'examiner tous les articles restant en discussion, assortis de tous les amendements, mais la demande de la réserve des articles 23, 24 et 25 a changé la donne. Nous aurions ainsi pu commencer l'examen des amendements tendant à insérer des articles additionnels. Cependant, j'ai bien compris que M. le président de la commission des affaires sociales avait pris un engagement formel.
La parole est à M. le ministre.
M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Le Gouvernement est à la disposition du Sénat. Mais nous pourrions en cet instant envisager la suite de nos travaux.
Tout d'abord, si nous avons pu échanger et aller au fond d'un certain nombre de sujets, c'est parce que nos débats se sont déroulés dans un bon esprit.
Il nous reste à examiner les articles 23, 24 et 25, dont la commission a demandé la réserve, et les amendements tendant à insérer des articles additionnels, dont certains reviennent sur le commencement de notre discussion.
M. Roland Muzeau. À qui la faute ?
M. Roland Muzeau. Moi, j'en porte un !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. D'autres reviennent sur la loi sur l'école ou sur la loi du 18 janvier 2005 de programmation pour la cohésion sociale.
Il faudrait que nous ordonnancions le déroulement de nos travaux afin de les achever dimanche.
M. Alain Gournac, rapporteur. Ou lundi matin !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il ne m'appartient pas de prendre position entre la présidence et la commission, pour savoir si nous devons poursuivre nos travaux, car le Gouvernement est empreint de respect pour le Sénat et, plus généralement, pour le Parlement.
Mais je souhaiterais que l'on se fixe l'objectif de terminer dimanche et que l'on ne revienne pas sur un accord, que je respecte, mais dont chacun doit être informé.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Godefroy. Je ne peux que confirmer les propos du président de la commission des affaires sociales.
Tout le monde aura pu observer ici que les accords passés ont été respectés par les uns et les autres. Au sein de la commission des affaires sociales, nous avons l'habitude, même en cas de désaccord, de tenir les engagements réciproques.
Je veux bien admettre, monsieur le ministre, que le Gouvernement ait des impératifs de calendrier. Je ferai observer que nous aurions pu siéger ce samedi après-midi. Mais, pour des raisons tout à fait louables, une journée des Français de l'étranger ayant été organisée, nous ne pouvons le faire.
Monsieur le ministre, je suis parti de chez moi voilà quinze jours pour pouvoir dialoguer avec vous...
M. Jean-Pierre Godefroy. ...et je suis réduit à faire du tourisme à Paris cet après-midi, n'ayant pas le temps de rentrer à Cherbourg pour m'occuper des affaires de ma ville ! Je serai là ce soir et dimanche !
M. Roland Muzeau. Nous aussi !
M. Jean-Pierre Godefroy. Nous faisons tous des efforts ; nous avions passé un accord, que nous avons respecté. Nous n'avons pas fait d'obstruction. Je pense très sincèrement, monsieur le ministre, que ce serait nous rendre justice que de lever la séance.
Ne prenez pas mal mon propos, monsieur le ministre, mais certains viennent de très loin. Nous faisons notre travail. Si nous ne siégeons pas demain, ce n'est pas de notre fait ; on ne peut pas nous accuser de retarder l'examen du texte. Je vous prie donc de bien vouloir aussi prendre en compte cette considération, monsieur le ministre.
M. le président. Alors, je vous propose, mes chers collègues, de lever la séance et de la reprendre ce samedi à vingt heures trente.
La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je vous donne tout à fait mon accord, monsieur le président, et vous prie de bien vouloir me pardonner d'avoir oublié de vous informer des accords passés cet après-midi, avant que vous ne présidiez la séance.
5
COMMUNICATION relative à DEs TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 3 mars 2006, l'informant de l'adoption définitive des textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :
E3052 - COM (2005) 682 final : Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République du Chili concernant des modifications à apporter à l'accord relatif au commerce des boissons spiritueuses et des boissons aromatisées annexé à l'accord d'association conclu entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part.
Adopté le 14 février 2006.
E3051 - COM (2005) 660 final : Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et la République du Chili concernant des modifications à apporter à l'accord relatif au commerce du vin annexé à l'accord d'association conclu entre la Communauté européenne et ses États membres, d'une part, et la République du Chili, d'autre part.
Adopté le 14 février 2006.
E3045 - COM (2005) 659 final : Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et l'Australie ; Proposition de règlement du Conseil concernant la mise en oeuvre de l'accord conclu par la CE à l'issue des négociations menées dans le cadre du paragraphe 6 de l'article XXIV du GATT de 1994, et modifiant l'annexe I du règlement (CEE) n° 2658/87 relatif à la nomenclature tarifaire et statistique et au tarif douanier commun
Adopté le 30 janvier 2006.
E3036 - COM (2005) 635 final : Proposition de décision du Conseil modifiant les décisions 98/161/CE, 2004/228/CE et 2004/295/CE en ce qui concerne la prorogation des mesures visant à lutter contre la fraude à la TVA dans le secteur des déchets
Adopté le 14 février 2006.
E3033 - COM (2005) 631 final : Proposition de décision du Conseil relative à signature au nom de la Communauté européenne, et à l'application provisoire de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et le gouvernement de la République démocratique de São Tomé e Príncipe concernant la pêche au large de São Tomé e Príncipe pour la période allant du 1 juin 2005 au 31 mai 2006.
Adopté le 30 janvier 2006.
E3030 - COM (2005) 622 final
: Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.
Adopté le 24 janvier 2006.
E3017 - COM (2005) 560 final : Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et le Royaume hachémite de Jordanie concernant des mesures de libéralisation réciproques et le remplacement des protocoles nos 1 et 2 et des annexes I, II, III et IV de l'accord d'association CE/Jordanie
Adopté le 20 décembre 2005.
E2933 - COM (2005) 321 final : Proposition de décision du Conseil permettant aux pays éligibles au futur instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) de bénéficier du programme d'assistance technique et d'échange d'informations TAIEX.
Adopté le 23 janvier 2006.
E2876 - SG (2005) D/4327 : Lettre de la Commission européenne du 10 mai 2005 relative à une demande de dérogation présentée par la Lettonie en application de l'article 27 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, relative aux taxes sur le chiffre d'affaires. Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme.
Adopté le 24 janvier 2006.
E2857 - COM (2005) 127 final : Proposition de décision du Conseil modifiant et prorogeant la décision du Conseil du 17 décembre 2001 établissant un programme d'action en matière d'échanges, d'assistance et de formation, pour la protection de l'euro contre le faux monnayage (programme "Péricles").
Proposition de décision du Conseil élargissant aux États membres non participants l'application de la décision du Conseil modifiant et prorogeant la décision du Conseil du 17 décembre 2001 établissant un programme d'action en matière d'échanges, d'assistance et de formation, pour la protection de l'euro contre le faux monnayage. (Programme "Péricles").
Adopté le 30 janvier 2006.
E2754 - COM (2004) 687 final : Proposition de règlement du Conseil portant mesures spécifiques dans le domaine de l'agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l'Union
Adopté le 30 janvier 2006.
E2731 - COM (2004) 635 final : Proposition de décision du Conseil relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, du protocole CEE-ONU sur les registres des rejets et transferts de polluants.
Adopté le 2 décembre 2005.
E2730 - COM (2004) 634 final : Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la création d'un registre européen des rejets et transferts de polluants et modifiant les directives 91/689/CEE et 96/61/CE du Conseil. [PRTR]
Adopté le 18 janvier 2006.
E2547 - COM (2004) 226 final : Proposition de règlement du Conseil renforçant les mesures restrictives instituées à l'encontre de la Birmanie/Myanmar et abrogeant le règlement (CE) n° 1081/2000
Adopté le 26 avril 2004.
E2484 - COM (2003) 740 final : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant des mesures visant à garantir la sécurité de l'approvisionnement en électricité et les investissements dans les infrastructures
Adopté le 18 janvier 2006.
E2462 - COM (2003) 732 final : Proposition de décision du Parlement européen et du Conseil concernant les activités de certains pays tiers dans le domaine des transports maritimes.
Adopté le 18 janvier 2006.
E2398 - COM (2003) 559 final : Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil relative à l'utilisation de véhicules loués sans chauffeur dans le transport de marchandises par route (version codifiée).
Adopté le 18 janvier 2006.
M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 3 mars 2006, l'informant de la caducité du texte suivant soumis en application de l'article 88 4 de la Constitution :
E2782 - COM (2004) 716 final : Proposition de directive du Conseil relative à la surveillance et au contrôle des transferts de déchets radioactifs et de combustible usé.
6
TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant le respect des obligations des États du pavillon.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3091 et distribué.
J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à la responsabilité des entreprises assurant le transport de personnes par mer ou par voie de navigation intérieure en cas d'accident.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-3092 et distribué.
7
DÉPÔT DE RAPPORTS D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Claude Belot un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur l'enquête de la Cour des comptes relative au Fonds de soutien à l'expression radiophonique locale (FSER).
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 233 et distribué.
J'ai reçu de M. Jean Bizet un rapport d'information fait au nom de la délégation pour l'Union européenne sur la stratégie de Lisbonne et sur la communication de la Commission du 25 janvier 2006 au Conseil européen de printemps « Passons à la vitesse supérieure : le nouveau partenariat pour la croissance et l'emploi ».
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 234 et distribué.
J'ai reçu de Mme Josette Durrieu un rapport d'information fait au nom des délégués élus par le Sénat à l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe sur les travaux de la Délégation française à cette Assemblée, au cours de la première partie de la session ordinaire de 2006, adressé à M. le Président du Sénat, en application de l'article 108 du Règlement.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 235 et distribué.
J'ai reçu de Mmes Anne-Marie Payet et Gélita Hoarau un rapport d'information fait au nom de la commission des affaires sociales sur l'épidémie de chikungunya à la Réunion.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 236 et distribué.
J'ai reçu de M. Paul Girod un rapport d'information fait au nom de la délégation pour l'Union européenne sur l'action communautaire en matière de protection civile.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 237 et distribué.
8
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée, à aujourd'hui, samedi 4 mars 2006, à vingt heures trente :
Suite de la discussion du projet de loi (n° 203, 2005 2006) un projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence ;
Rapport (n° 210, 2005-2006) présenté par M. Alain Gournac, au nom de la commission des affaires sociales ;
Avis (n° 211, 2005-2006) présenté par M. Philippe Richert, au nom de la commission des affaires culturelles ;
Avis (n° 212, 2005-2006) présenté par M. Pierre André, au nom de la commission des affaires économiques ;
Avis (n° 213, 2005-2006) présenté par M. Philippe Dallier, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation ;
Avis (n° 214, 2005-2006) présenté par M. Jean-René Lecerf, au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Projet de loi modifié par une lettre rectificative relatif à la transparence et à la sécurité en matière nucléaire (n° 326 rectifié, 2001 2002) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 6 mars 2006, à onze heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 6 mars 2006, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 4 mars 2006, à trois heures quarante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD