M. Gérard Larcher, ministre délégué. Voilà pourquoi, monsieur Godefroy, le Gouvernement n'est pas favorable à votre amendement.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
M. Gérard Delfau. Il n'est pas possible de continuer dans ces conditions !
M. David Assouline. Arrêtez cette mascarade ! On ne peut pas répondre !
M. Roland Muzeau. Bientôt, ce seront les débats sur Internet !
M. David Assouline. C'est une honte pour le Sénat !
Mme la présidente. L'amendement n° 651, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer le II de cet article.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Cet amendement vise à limiter les effets particulièrement nocifs du contrat première embauche en supprimant le II de cet article 3 bis, qui porte sur les modalités de licenciement qui s'attachent à ce type de contrat.
Nous savons que la possibilité de licenciement sans justification ni motif au cours des deux premières années de ce contrat n'est pas conforme aux législations et règlements nationaux et internationaux.
L'article 24 de la Charte sociale européenne, approuvée par la loi du 10 mars 1999, prévoit que « en vue d'assurer l'exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les parties s'engagent à reconnaître le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur des nécessités de fonctionnement de l'entreprise (...). »
Le projet de création du CPE est donc en parfaite contradiction avec cette disposition.
Si elle n'est pas reconnue d'applicabilité directe - cela signifie qu'un salarié ne peut pas s'en prévaloir devant un juge -, elle s'impose néanmoins au Gouvernement français puisqu'elle s'applique aux États qui ont ratifié la charte.
Mais ce n'est pas tout. En effet, une autre question doit être soulevée, à savoir la conformité du CPE avec la convention n° 158 de l'OIT. Cette dernière a en effet multiplié les conventions qui tendent à protéger les salariés. En l'occurrence, la convention précitée porte sur la cessation de la relation de travail sur l'initiative de l'employeur.
Dans son arrêt du 19 octobre 2005, le Conseil d'État a reconnu que cette disposition était d'effet direct dans l'ordre juridique interne. Cela signifie que des contentieux pourraient être déclenchés par les salariés eux-mêmes en contestation de la rupture des contrats de travail.
Or cette convention dispose qu' « un travailleur ne devra pas être licencié sans qu'il existe un motif valable de licenciement » -nous y revenons sans cesse- « lié à l'aptitude ou à la conduite du travailleur ou fondé sur les nécessités du fonctionnement de l'entreprise (...). »
Sur ce point non plus, le texte qui nous est proposé n'est pas conforme à cette règle internationale.
Par ailleurs, au moment du passage de l'ordonnance créant le contrat nouvelles embauches devant le Conseil d'État, ce dernier n'a pas exclu que le licenciement puisse être contesté devant un juge puisqu'il a retenu la notion d'abus de droit, revenant à la législation de 1973.
Une telle analyse pose question au regard de la rédaction de la convention de l'OIT, qui dispose qu'il doit exister un motif de licenciement. Cette existence ne devrait elle pas être appréciée au moment de la rupture plutôt qu'à celui de la contestation devant le juge ?
De plus, en laissant ainsi au jeune salarié le soin de prouver que son licenciement est abusif, vous préparez les jeunes d'une façon un peu particulière à l'entrée dans le monde du travail.
Dans le journal Le Monde du 11 février dernier, des juristes ont clairement affirmé que « l'ignorance du motif de licenciement va contraindre le salarié pour le connaître à assigner presque systématiquement en justice son employeur. »
Enfin, je souhaite attirer l'attention de notre assemblée sur la formulation retenue dans le II de l'article pour caractériser les deux premières années qui suivent la signature du contrat.
Le Gouvernement a employé l'expression « période de consolidation » et non « période d'essai ». La seule explication en est probablement que cette formulation permet d'échapper à la condamnation que ne manquerait pas de provoquer la comparaison de cette période d'essai - et du peu de garanties qu'elle présente - avec la convention n° 158 de l'Organisation internationale du travail.
En effet, son article 2 subordonne la dérogation au caractère raisonnable de la période d'essai. Or, si la convention n° 158 ne donne pas de définition précise de cette durée raisonnable, la jurisprudence de la Cour de cassation, quant à elle, l'a fait.
Or au moment de la présentation de ce texte, il avait bien été fait état d'une période d'essai. L'amendement qui a été présenté par le Gouvernement sur cet article montre bien, monsieur le ministre, que vous avez senti que cette notion de période d'essai était fragile.
On peut penser, sans trop s'avancer, que la Cour conclura au caractère « non raisonnable » d'une période d'essai de deux ans.
Vous justifiez aujourd'hui le CPE par la difficulté des jeunes à être embauchés. On peut donc considérer que leur période d'essai devrait normalement assurer leur protection et non celle de l'employeur, ce à quoi tend votre proposition.
En précarisant de la sorte les jeunes travailleurs, non seulement vous compromettez leur chance d'insertion dans la vie sociale et professionnelle, mais vous opérez une véritable « régression juridique » pour notre pays, à l'encontre de sa tradition et de son histoire en matière de droit.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons la suppression du II de cet article. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Bien sûr, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement visant à supprimer le CPE, à la création duquel elle est favorable.
M. Guy Fischer. Quels sont vos arguments ? Vous ne les précisez jamais !
M. Jean-Pierre Bel. Superbe débat !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cet après-midi, répondant à certains orateurs inscrits sur l'article, j'ai eu l'occasion d'aborder quelques-uns des points que vous venez d'évoquer. Je voudrais y revenir rapidement.
Madame le sénateur, vous avez évoqué le respect de la convention n° 158 de l'OIT. Cette convention prévoit des garanties, qu'il s'agisse de la procédure contradictoire ou de la possibilité de saisir un juge ou une instance arbitrale ; suivant les pays, il existe des dispositifs variés. Toutefois, elle permet aux États d'adapter ces garanties pour des salariés ayant une faible ancienneté.
Notre droit du licenciement s'articule déjà largement autour de ce minimum d'ancienneté de deux ans. Ainsi, le délai-congé est majoré après deux ans d'ancienneté. De même, le code du travail prévoit que les indemnités de licenciement ne sont dues qu'à partir de deux ans d'ancienneté. Nous n'avions pas abordé ce point jusqu'à présent.
Vous voyez que cette période de deux ans existe déjà dans notre droit du travail. Vous avez vous-même rappelé que le Conseil d'État a expressément reconnu qu'une période de consolidation de deux ans était pleinement compatible avec la convention n° 158 de l'OIT. C'est une situation qui prévaut pour un contrat de travail largement utilisé en Espagne, et j'ai évoqué tout à l'heure le projet présenté en novembre par le nouveau gouvernement de Mme Merkel.
J'en viens au deuxième sujet que vous avez évoqué, à savoir le respect de la directive de 1998 sur la procédure de licenciement économique.
Vous avez fait référence à la charte des droits sociaux européens, qui n'avait pas été évoquée jusqu'à présent. Cette directive impose des prescriptions minimales d'information et de consultation des représentants du personnel en cas de licenciement économique touchant au moins dix salariés dans une entreprise qui en compte plus de vingt, et en cas de ruptures atypiques lorsqu'elles touchent plus de cinq salariés.
La directive est bien évidemment respectée. Les projets de rupture de CPE seront pris en compte pour le déclenchement des procédures d'information et de consultation en matière de licenciement économique.
S'agissant du respect du droit de recours, celui-ci reste possible, même dans le cas d'une procédure de rupture allégée. On a vu que les conseils de prud'hommes peuvent avoir à se prononcer sur une rupture qui serait considérée comme abusive.
L'absence d'obligation de motiver la rupture pendant la phase de consolidation - la phase d'essai stricto sensu est soumise à la même règle - ne constitue pas en soi une atteinte au droit de recours. De telles clauses existent notamment en droit civil. L'absence de motivation expresse de la rupture n'empêche en rien que le juge contrôle le motif utilisé par l'employeur.
Nous nous trouvons ici dans une situation juridique classique. J'en veux pour preuve le jugement qu'a rendu récemment un conseil de prud'hommes, sanctionnant un abus de droit. Compte tenu de la jurisprudence de la Cour de cassation, le juge sera amené à prendre en considération les motivations de l'employeur. Si celles-ci apparaissent illégales- par exemple, une rupture fondée sur une discrimination -, ou abusives, l'employeur pourra être sanctionné.
Enfin, les salariés en CPE seront bien sûr soumis aux prescriptions des conventions collectives préexistantes, à l'exception de leur clauses expressivement régies par l'ordonnance, c'est-à-dire celles qui sont relatives à la rupture. Les dispositions conventionnelles ne jouent pas ici dès lors que le CPE constitue une nouvelle catégorie de contrat que les conventions existantes n'auraient pas pu prendre en compte.
Il n'y a aucune atteinte à la liberté contractuelle.
M. Jacques Mahéas. Dans ce cas, notre prochain amendement va être adopté !
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 151, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du II de cet article :
Ce contrat est soumis aux dispositions du code du travail.
La parole est à Mme Raymonde Le Texier.
Mme Raymonde Le Texier. Une enquête récente montre que plus de 70 % des embauches effectuées en contrat nouvelles embauches l'auraient été sans ce dispositif, que 40 % de celles-ci l'auraient été en CDI, tandis que 28 % l'auraient été en CDD. L'effet de substitution est donc clair, tandis que la croissance qu'on nous annonce être plus forte que prévu ne se traduit pas par une augmentation significative de l'emploi salarié. Ajoutons que 48 % des employeurs ayant eu recours à un contrat nouvelles embauches déclarent évidemment ignorer à ce jour s'ils garderont la personne embauchée. Il nous paraît donc pour le moins difficile de conclure à la stabilité de la relation de travail créée par ce nouveau contrat.
À cette précarité de la relation de travail pourrait bien s'ajouter le péril de l'incertitude juridique pour les entreprises. En effet, s'il simplifie la rupture du contrat, au point d'offrir une période d'essai de deux ans, il n'en reste pas moins vrai que le contrat nouvelles embauches suscite bien des interrogations juridiques que ne manquera pas de soulever la jurisprudence.
Il en est ainsi des possibilités d'enchaînement de CDD et de CNE, des risques de recours devant les tribunaux internationaux ou nationaux pour abus de droit afin de connaître le motif de la rupture du contrat de travail au cours des deux ans de procédure simplifiée, et enfin des risques de requalification de CNE en CDI en cas de constat de rupture abusive.
Aujourd'hui, la question essentielle, dans le domaine de l'emploi des jeunes, est bien davantage centrée sur l'inadéquation entre la demande et l'offre d'emploi. Bien des entreprises sont actuellement dans l'impossibilité de recruter, parce qu'elles ne trouvent ni les qualifications ni les compétences dont elles ont besoin. C'est sur cette problématique qu'il faut nous concentrer, pour mieux cerner, au niveau des bassins d'emploi, les besoins des employeurs et les métiers en tension, pour inciter à la mobilité et pour revaloriser les filières professionnelles qui demeurent peu attractives.
Ni l'apprentissage à quatorze ans ni le CPE ne répondent à ces besoins. Ce sont, au contraire, des outils de dévalorisation des métiers et du travail.
Nous découvrons ce soir un nouveau concept, à savoir le CPE-CDI. C'est très intéressant ! Il est un peu étonnant, monsieur le ministre, que vous vous donniez tant de mal pour essayer de nous persuader que le CPE est un contrat bien plus intéressant que le CDD, autre contrat précaire, puisque le CPE peut déboucher sur un CDI, contrairement au CDD.
Il est tout de même étrange, je le répète, que vous vous donniez autant de mal, alors que, chacun le sait ici, l'intérêt majeur que vous trouvez, vous et le patronat, au CPE, c'est précisément de pouvoir licencier du jour au lendemain, et certainement pas au terme de deux ans !
Monsieur le ministre, je vous écoute attentivement lorsque vous développez votre théorie. Cela me rappelle un dicton populaire : « Qu'importe le flacon, pourvu qu'on ait l'ivresse ». (Sourires.) Et, avec ce que vous mettez dans votre flacon, on passera directement à la gueule de bois ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Sont applicables au CPE, on l'a dit à maintes reprises, les dispositions du code du travail relatives à ce que l'on peut appeler l'ordre public social, c'est-à-dire notamment celles qui prohibent les licenciements fondés sur des causes discriminatoires et celles qui sont relatives à la procédure disciplinaire en cas de faute du salarié.
En revanche, les dispositions concernant la résiliation du contrat de travail à durée indéterminée sont écartées pendant la période de consolidation de deux ans.
Cet amendement tend à remettre en cause l'économie même du CPE. C'est pourquoi la commission y est défavorable.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Le Texier, d'abord, j'ai simplement voulu dire que le contrat première embauche était un CDI.
M. Jacques Mahéas. Vous nous avez dit le contraire !
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je veux que les choses soient clairement dites ! Je préfère interpréter mes propres propos plutôt qu'en laisser le soin à Mme Le Texier ! (Brouhaha ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Ensuite, le contrat première embauche n'est pas destiné à contourner l'ordre public social tel qu'il existe. D'ailleurs, je suis assez étonné que l'on parle de réécriture permanente du code du travail ; c'est vous qui le réécrivez sans cesse par vos amendements, et qui ne faites que l'alourdir ! J'ai eu l'occasion de le dire dans la nuit de vendredi à samedi.
S'il y a un assouplissement, notamment sur la motivation, pendant vingt-quatre mois au maximum, dans le cadre du CPE, cette période peut être considérablement réduite par les formations en alternances ou les contrats exercés dans l'entreprise. Et il existe un certain nombre de contreparties, comme l'indemnité de cessation de contrat, qui augmentent avec l'ancienneté du contrat.
Je souhaitais rappeler ces principes de manière claire. En tout état de cause, le Gouvernement ne peut pas être favorable à cet amendement.
Mme la présidente. Le vote est réservé.
L'amendement n° 152, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le premier alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé:
Le contrat première embauche est un contrat de travail à temps plein.
La parole est à Mme Gisèle Printz.
Mme Gisèle Printz. Selon l'indice Eurostat, 7,2 millions de personnes vivent avec moins de 720 euros mensuels. La dernière enquête annuelle du Secours catholique indique que, sur une courte période, le nombre de pauvres qui ont recours à cet organisme n'est pas plus important, mais que la pauvreté s'aggrave. Le revenu mensuel moyen, qui était de 718 euros en 2002, n'est plus que de 705 euros.
C'est notamment le cas pour 10 % de ces personnes, qui sont des travailleurs pauvres. Ceux qui vivent uniquement de transferts sociaux, soit près de la moitié des personnes secourues, ne disposent en moyenne que de 653 euros. Seuls ceux qui parviennent à cumuler un travail et des transferts - 25 % des personnes - parviennent à atteindre 938 euros en moyenne.
À ces difficultés s'ajoute le problème du logement. Selon la Fondation Abbé Pierre, 3 millions de personnes sont aujourd'hui mal logées : SDF, habitat provisoire ou insalubre, squats, etc. Et 1,3 million de personnes sont officiellement en attente d'un logement social. Le « reste à vivre mensuel » des personnes en logement précaire - hôtels, caravanes, centres d'hébergement est ainsi tombé de 304 euros en 2002 à 261 euros en 2004.
Après avoir enregistré une baisse, modeste mais quasi ininterrompue depuis 1996, le nombre de pauvres est reparti à la hausse en 2003.
Cette inflexion de tendance est mise en évidence dans le quatrième rapport de l'Observatoire national de la pauvreté, dont la publication, mercredi 22 février, n'a pas donné lieu à une conférence de presse, contrairement aux précédentes éditions.
Il y a trois ans, 6,3 % des ménages, soit près de 3,7 millions de personnes, se situaient sous le seuil de pauvreté - 645 euros par mois pour une personne seule -, contre 5,9 % en 2002, soit 3,43 millions de personnes.
Pressentie par l'Observatoire dans son précédent rapport, cette progression ne constitue pas une surprise : en 2003, l'emploi salarié marchand s'était contracté dans des proportions inédites depuis dix ans - 53 000 postes en moins.
Ces personnes sont de plus en plus fragiles. Cette évolution n'est pas uniquement imputable à une conjoncture morose. Elle découle aussi de décisions prises par les partenaires sociaux ou par le Gouvernement : réforme de l'assurance chômage à la fin de 2002, qui a durci, pendant un temps, les conditions d'accès aux Assedic et réduit la durée d'indemnisation ; diminution du volume des contrats aidés dans le secteur non marchand en 2003-2004.
Autre « effet pervers » relevé par l'Observatoire : le développement de formes d'emploi de mauvaise qualité ou à faible rémunération, qui nourrit le phénomène de travailleurs pauvres.
Pourquoi ces remarques, monsieur le ministre ? Pour souligner simplement que l'Observatoire de la pauvreté confirme ce que nous voyons et répétons sans cesse.
L'accroissement de la pauvreté en France est largement le résultat de votre politique, qui conjugue le basculement des chômeurs de longue durée vers le RMI et l'encouragement à la création d'emplois à temps très partiel ou de mauvaise qualité, mal rémunérés, pourvu que cela améliore les statistiques.
Le CPE, comme le CNE, va immanquablement faire partie de ces emplois de mauvaise qualité, parce qu'il engendre une précarité absolue. Si, en plus, l'employeur peut embaucher des jeunes en CPE à temps partiel, voire très partiel, cela veut dire que l'on se situera encore un cran en dessous du CDD à temps partiel.
Un licenciement possible à tout moment sans procédure ni motivation, un bas salaire, puisqu'il s'agit d'un jeune inexpérimenté, et un temps partiel : le CPE est fait pour habituer nos jeunes à devenir des travailleurs pauvres et précaires. Ils sauront, dès leur entrée dans le monde du travail, ce qui les attend.
Quelle que soit la qualification ou les efforts accomplis pendant les études, un emploi ne suffit pas. Comme aux États-unis ou dans les pays en voie d'industrialisation, il faudra cumuler deux emplois pour parvenir à survivre.
M. Guy Fischer. Très bien !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Alain Gournac, rapporteur. Comme je l'ai dit lors de la discussion générale - je le répéterai tout au long de ce débat -, le CPE est un CDI en gestation. À ce titre, il doit pouvoir porter sur un travail à temps partiel. Il faut lui donner toutes ses chances. Tout ce qui peut permettre à un jeune en recherche d'emploi d'entrer dans le monde du travail doit être privilégié.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Printz, au-delà de l'amendement, vous avez soulevé un certain nombre de problèmes.
D'abord, le rapport annuel de l'Observatoire national de la pauvreté indique que ce sont les plus jeunes et les personnes très âgées qui voient leur situation se dégrader le plus. Dans un texte sur l'égalité des chances, il est normal de répondre à cette précarité en se préoccupant des jeunes.
Ensuite, vous avez évoqué le temps partiel, sujet sur lequel Catherine Vautrin et moi-même travaillons depuis un certain nombre de mois. On peut considérer que le temps partiel est subi dans 30 % des cas, notamment par des femmes qui se retrouvent seules et doivent élever des enfants, et dans les secteurs de la grande distribution et de la propreté.
Nous avons réuni les partenaires sociaux des différentes branches. Dans l'un de ces secteurs, à savoir la grande distribution, des négociations se sont ouvertes sur ce sujet à la fin du mois de janvier dernier. Nous avons en quelque sorte initié ces pourparlers afin de parvenir à des pratiques différentes et améliorées à partir de modes d'organisation qui existent déjà, comme les « pools de choix d'heures ».
Dans le secteur des services comme la propreté, des emplois pourraient être développés dans la polyvalence d'un certain nombre d'enseignes. Cela permettrait d'obtenir des emplois consolidés sur une durée beaucoup plus longue.
Enfin, je voudrais rappeler que le temps partiel est aussi une voie d'accès au temps complet : chaque année, le temps partiel débouche sur un contrat à temps complet dans 15 % des cas.
Le parcours de retour vers l'emploi est bien l'un des objectifs du texte que nous examinons. Il faut éviter le temps partiel subi ; c'est le sens de la négociation qui vient de s'ouvrir et que nous avons initiée. À cet égard, j'espère qu'un dialogue s'instaurera dans le secteur de la propreté afin que l'ensemble des pratiques concernant le temps partiel subi soient améliorées.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Mme Hélène Luc. Madame la présidente, on ne peut pas poursuivre ce débat dans de telles conditions ! M. le ministre vient de tenir des propos qui méritent une discussion !
Mme la présidente. Vous interviendrez lors des explications de vote.
Mme Hélène Luc. Si l'on ne peut pas discuter, que fait-on là ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous présentez vos amendements !
M. Hubert Falco. Nous écoutons vos explications !
Mme Hélène Luc. Nous n'avons toujours pas compris ! Le vote de quatre amendements était réservé ; à partir du cinquième, il faut voter amendement par amendement ! (Non ! sur les travées de l'UMP.)
Je ne connais aucun précédent en la matière. M. le ministre n'a pas annoncé qu'il y aurait un vote bloqué ; nous devons donc pouvoir discuter et voter les amendements un par un !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous avons demandé la réserve !
Mme Hélène Luc. Il n'y a pas de précédent, et ce n'est pas le règlement ! En réalité, vous voulez nous empêcher de discuter ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. Hubert Falco. On vous écoute ! Sinon, allez-vous coucher !
Mme Hélène Luc. À quoi rime un débat tel que celui-ci ? Comme vous ne pouvez pas utiliser l'article 49-3 au Sénat, vous voulez nous empêcher de discuter ! (M. Hubert Falco s'exclame.) Monsieur Falco, on vous voit si peu au Sénat... (Rires sur les travées du groupe CRC.)
M. Éric Doligé. On dirait Maxime Gremetz !
Mme Hélène Luc. Cela n'a aucun sens ! Je demande une suspension de séance d'un quart d'heure pour que nous réfléchissions. On ne peut pas continuer ainsi !
Mme la présidente. Il y aura une explication à la fin.
M. Alain Gournac, rapporteur. Poursuivons !
M. Jean-Pierre Bel. Madame la présidente, au point où nous en arrivons, l'image que nous pouvons donner de notre assemblée est en jeu ! Un sujet aussi grave, aussi important, mériterait que chacun puisse s'exprimer. Or on voit bien comment les choses se passent.
Mme Luc a entièrement raison : il n'y a pas de précédent d'une telle procédure concernant un nombre aussi important d'amendements à examiner.
Donc, madame la présidente, je vous demande une suspension de séance d'une demi-heure, (Protestations sur les travées de l'UMP) pour que nous puissions au moins définir notre attitude.
M. Alain Gournac, rapporteur. Non ! Cela ne changera rien !
M. Jean-Pierre Bel. Sinon, je propose que l'on procède à un vote dans cet hémicycle pour savoir si l'on peut entendre l'opposition !
Mme la présidente. Il y a un tel brouhaha, monsieur Bel, que je n'ai pas bien perçu vos derniers propos ! Pouvez-vous les réitérer ?
M. Jean-Pierre Bel. Madame la présidente, compte tenu du refus de la majorité sénatoriale d'accéder à notre demande de suspension de séance, je demande un vote, afin de montrer comment l'opposition est traitée dans cet hémicycle !
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je rappelle que, sur l'article 1er, l'opposition avait prévu un tunnel de cent trente-huit amendements en discussion commune... (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Godefroy. C'est normal !
M. Nicolas About, président de la commission de la commission des affaires sociales Je ne parle pas quand vous intervenez, alors écoutez-moi ! (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.) Un peu de correction ! (Brouhaha.)
Mme Christiane Demontès. C'est suffisamment important pour que nous ayons des propositions à faire !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je suis désolé, vous aviez prévu cent trente-huit amendements ! (Les protestations redoublent sur les mêmes travées.)
Mme Christiane Demontès. Et alors !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais taisez-vous ! Soyez des démocrates ! Qu'est-ce que c'est que ce comportement ! Qu'est-ce que c'est que ce terrorisme intellectuel ! (Vives protestations sur les mêmes travées.)
Je le répète, alors que l'opposition avait déposé cent trente-huit amendements, en tunnel, pour nous empêcher d'avoir la moindre discussion...
M. Alain Gournac, rapporteur. Absolument !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ... elle se plaint aujourd'hui que l'on ouvre la discussion commune pour permettre, au contraire, de discuter les uns avec les autres.
M. Jean-Pierre Godefroy. On n'y comprend plus rien !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. S'agissant des amendements sur l'article 3 bis que nous examinons aujourd'hui, sachant qu'ils portent sur le même sujet - ce qui n'était pas le cas des amendements sur l'article 1er -, nous avons demandé qu'ils fassent l'objet d'une discussion commune. Nous avons cependant permis à la commission et au Gouvernement de donner leur avis sur chacun d'eux, ce qui n'était pas prévu pour les 138 amendements sur l'article 1er.
Vous aviez décidé de tout bloquer et d'empêcher le Parlement de remplir sa mission ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas vrai !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et vos vociférations n'y changeront rien !
Ne venez pas nous reprocher aujourd'hui ce que vous avez tenté de faire il y a deux jours ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. David Assouline.
M. David Assouline. C'est ainsi depuis le début de cette discussion : chaque fois que vous opérez un coup de force, vous vous plaignez de ce que nous, nous ferions de l'obstruction ! (M. le président de la commission et M. le rapporteur s'esclaffent.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Foutaises !
M. David Assouline. Faut-il vous rafraîchir la mémoire ? Mercredi, vous avez retiré de l'ordre du jour une question orale européenne avec débat sur un sujet fondamental, la libre circulation des travailleurs européens, débat qui s'est finalement tenu en sous-sol, salle Médicis, en présence du ministre. Vous avez organisé un cours annexe, en quelque sorte. Nous n'avions jamais vu cela au Sénat !
M. Pierre-Yves Collombat. Le Sénat n'est pas un multiplex !
M. David Assouline. Le soir, à la même heure, nous avons commencé à débattre en séance publique du projet de loi relatif au volontariat associatif et à l'engagement éducatif, qui ne pouvait absolument pas être reporté car, nous a-t-on expliqué, il importait de pouvoir recruter des volontaires qui soient à pied d'oeuvre dès cet été, notamment pour apporter une assistance dans les quartiers difficiles.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il n'a pas été bien abordé ; nous n'avions pas suffisamment de temps.
M. David Assouline. Au moment d'aborder l'article 6, à minuit et demi, la séance a été levée et la discussion reportée sine die.
Le lendemain, sur le projet de loi pour l'égalité des chances, vous avez utilisé toutes les procédures possibles afin d'empêcher la discussion et vous avez fait tomber des dizaines d'amendements ! (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Vous avez refusé la discussion séparée !
M. David Assouline. Ces amendements, que nous avions travaillés, portaient notamment sur la question de l'apprentissage.
Vous vous plaignez de nos cent trente amendements sur l'article 1er...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cent trente-huit !
M. David Assouline. ...mais savez-vous ce que représente, pour nous, cet article 1er, sachant qu'il vise à mettre fin à la scolarité obligatoire à seize ans ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Savez-vous ce que cela veut dire ? Cela ne mérite-t-il pas un débat approfondi ?
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La présentation de cent trente-huit amendements à la queue-leu-leu, ce n'est pas un débat !
M. David Assouline. Il fallait débattre ! Or que faites-vous aujourd'hui ? Vous l'avez dit vous-même : il s'agit pour le Gouvernement d'entendre un exposé pour, et de donner un avis contre...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout !
M. David Assouline. ...et il n'y a aucun droit de réponse aux longues interventions que fait le ministre ce soir à l'occasion de chaque amendement, ...
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas ce que j'ai dit !
M. David Assouline. ... à part le fait (Mme Catherine Procaccia. s'exclame.) - j'aimerais pouvoir finir... (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Madame la présidente, je veux finir dans le silence ! (Hourvari.)
Mme la présidente. C'est peut-être beaucoup demander !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, demandez le silence à vos collègues, vous qui êtes irrespectueux quand ils parlent !
M. André Dulait. C'est un grand démocrate !
M. Alain Gournac, rapporteur. Quand le président de la commission s'est exprimé, vous avez fait un bruit terrible !
M. David Assouline. Je finis dans le silence ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Ce n'est pas grave, l'heure tourne ! Continuez ! En tous les cas, je note que, parfois, les sénateurs de la majorité se réveillent !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Quelquefois !
M. David Assouline. Pour finir, je dirai que, indépendamment des procédures que vous voulez ou non enclencher demain, il est vraiment désolant pour le Sénat tout entier, ...
M. Alain Gournac, rapporteur. Poursuivons la séance, madame la présidente !
M. David Assouline. ...pour nous tous qui sommes présents dans cet hémicycle, même si nous ne sommes pas encore suffisamment nombreux, de voir que des amendements ont été travaillés et défendus, que le ministre a répondu, et que, alors qu'il pourrait se passer quelque chose... (Rires sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, on vous fait confiance !