PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai récemment présenté devant vous le projet de loi d'orientation agricole, rapporté par Gérard César, Joël Bourdin étant rapporteur pour avis de la commission des finances.

Ce texte trace des perspectives pour l'agriculture française dans les quinze prochaines années, dans un cadre international et communautaire en évolution. Il offre au secteur agricole une ambition et des moyens, et, conformément au cap fixé par le Président de la République, doit permettre de bâtir une « agriculture économiquement forte et écologiquement responsable ».

La commission mixte paritaire constituée pour examiner ce projet de loi doit se réunir cette semaine, et c'est le 22 décembre prochain que la Haute Assemblée pourra se prononcer définitivement.

Le projet de budget que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui donne donc dès 2006 les moyens financiers nécessaires pour s'inscrire dans le cadre tracé par cette loi d'orientation.

Nous sommes également, nombre d'entre vous l'ont rappelé, dans la dernière ligne droite des négociations de l'OMC, une semaine avant le sommet de Hong-Kong. Naturellement, cette échéance est très importante pour la France, et, si nous sommes très attachés au multilatéralisme, nous n'entendons pas pour autant que le cycle de Doha remette en cause les principes fondateurs de la PAC telle qu'elle résulte des réformes de 2002 et de 2003. Notre détermination est totale, et le Premier ministre l'a répétée aujourd'hui même, lors du déjeuner, quand il a reçu à Matignon Peter Mandelson, commissaire européen au commerce.

Notre action a permis de rassembler autour de nos thèses un nombre important de nos partenaires européens - nous ne sommes donc pas isolés, bien loin de là - et d'enrayer une nouvelle dégradation de l'offre européenne qui aurait pu être de nature à remettre en cause la réforme de la PAC de 2003 et la préférence communautaire. Mais autant vous dire, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous restons particulièrement vigilants !

Nous sommes fermes sur ces positions, d'abord parce que l'agriculture est un secteur stratégique pour notre pays, bien sûr, y compris pour ses industries agroalimentaires, mais aussi parce que, s'agissant des enjeux européens, il nous faut mettre en oeuvre parallèlement, avec pragmatisme et progressivité, la réforme de la PAC de 2003, qui est pleinement engagée depuis 2005.

Vous le savez, sans la politique agricole commune, et c'est certainement pour cette raison qu'elle est parfois attaquée, l'agriculture française n'en serait pas là où elle en est aujourd'hui. La PAC, je le rappelle, représente 8 milliards d'euros d'aides directes annuelles pour la « ferme France » au titre du premier pilier, et 2 milliards au titre du deuxième, et ce jusqu'en 2013.

J'ouvre ici une parenthèse afin de répondre à Gérard Cornu au sujet des dates de paiement des aides. La France a toujours eu pour principe de payer au premier jour permis, soit désormais le 1er décembre. Je souligne que ce n'est pas une obligation, mais bien un choix politique national en faveur de notre agriculture.

Nous pouvons au demeurant obtenir des dérogations lorsque des conditions exceptionnelles exposent les agriculteurs à de graves difficultés financières ; ces dérogations ne peuvent toutefois pas porter sur plus de 50 % des crédits de l'exercice en cours. C'est ainsi que cette année, parce que nous souhaitions aider les filières concernées, nous avons obtenu un paiement anticipé de l'aide laitière au 16 octobre et de la prime à la brebis et à la chèvre et de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes au 1er novembre.

La politique agricole qui est conduite articule les trois niveaux : international, communautaire et national. Il faut que nous soyons bons à chacun de ces échelons pour que l'agriculture française reste sur le podium mondial, qui, là encore, ne compte que trois marches.

Le projet de budget pour 2006 a été établi de façon à donner des moyens dès l'année prochaine et à poursuivre l'adaptation progressive de l'agriculture française selon une triple exigence, qui, je crois, est partagée sur toutes les travées de la Haute Assemblée.

Il nous faut d'abord avoir une agriculture forte, alors que l'environnement international est de plus en plus compétitif : vous aviez raison, monsieur Courteau, de souligner que ce dernier point est particulièrement bien illustré par le domaine viticole. Nous devons également mettre en oeuvre la politique agricole commune rénovée. Enfin, il est indispensable de répondre aux attentes de plus en plus larges de nos concitoyens en matière de protection de l'environnement et de qualité sanitaire des aliments, attentes que M. Jacques Blanc a évoquées tout à l'heure.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le savez d'autant plus que vous êtes en train d'examiner l'ensemble du projet de loi de finances : nous sommes dans un contexte difficile de contrainte budgétaire. Malgré cela, l'effort en faveur de l'agriculture et de la pêche est maintenu puisque le projet de budget du ministère s'élève à 5 011 millions d'euros en crédits de paiement, soit une hausse de 2,5 %. Cette enveloppe, dans le cadre de la LOLF - à laquelle, je le reconnais, nous devons encore nous habituer, parce que dans un premier temps nous perdons tous un peu nos repères -, regroupe les moyens attribués à quatre missions, dont trois sont interministérielles. Vous vous êtes déjà prononcés sur l'enseignement agricole, et vous examinerez ce soir la mission « Sécurité sanitaire ». J'évoquerai donc principalement la première mission : « Agriculture, pêche et affaires rurales », qui représente 2 951 millions d'euros.

Je rappellerai toutefois que le total des concours publics à l'agriculture représentent 29 milliards d'euros : près de 10 milliards d'euros de financements européens, que j'ai déjà mentionnés ; 12,5 milliards d'euros pour la protection sociale agricole, dossier très important que beaucoup d'entre vous ont évoqué ; enfin, et nombre d'entre vous l'ont abordé aussi, notamment M. Amoudry, les aides des collectivités locales.

Nous avons donc bâti ce budget suivant quatre orientations, dans le respect de l'esprit de la loi d'orientation agricole qui va voir le jour sous peu : il s'agit de sécuriser les revenus des exploitants ; de stimuler l'initiative et l'innovation, notamment à travers l'enseignement agricole et la recherche ; de développer l'agriculture en cohérence avec les attentes de la société dans les domaines de l'aménagement du territoire, du respect de l'environnement et de la sécurité de l'alimentation ; enfin, d'adapter l'organisation de l'administration pour que le ministère soit en mesure d'accompagner ces mutations décisives de l'agriculture.

Notre première ambition est donc d'avoir une agriculture forte, ce qui passe d'abord, soyons clairs et simples, par la garantie du revenu des exploitants.

L'agriculture est confrontée à des aléas spécifiques, climatiques et économiques. Dans la continuité des actions engagées en 2005 par Hervé Gaymard, notamment l'assurance-récolte, le projet de budget répond à ces enjeux. J'ajoute que la politique de maîtrise des risques intervient évidemment en complément des accords négociés avec l'Union européenne quant au maintien des aides et à leur découplage partiel.

Vous savez que le Premier ministre m'a demandé de déposer d'ici à quelques semaines un mémorandum pour réfléchir à l'évolution que nous souhaitons pour la PAC, en particulier en matière de gestion des risques, et j'espère qu'un très grand nombre d'États de l'Union joindront leur signature à la mienne, ce qui donnera à ce document la plus grande force politique possible.

Pour répondre à ces crises qui sont le lot des agriculteurs, le projet de budget pour 2006 prévoit une majoration des crédits destinés aux agriculteurs en difficulté : cette ligne, qui avait eu tendance à baisser dans les budgets précédents, est dotée de 10 millions d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement.

Des prêts bonifiés de consolidation de dette et des prêts « calamité » sont également prévus, pour un montant correspondant à environ 220 millions d'euros de moyens d'intervention, sous forme d'enveloppe de prêts.

Nous poursuivons la réforme des mécanismes de protection contre les calamités agricoles, point que nous avons largement abordé dans la discussion du projet de loi d'orientation agricole : la dotation du dispositif d'incitation à l'assurance-récolte - lequel, expérimenté en 2005, a été un formidable succès sur le terrain - progresse de 100 %, atteignant 20 millions d'euros en 2006. Je souligne, monsieur Soulage, car je vous sais très attentif à cette question, que la dotation inscrite dans le projet de loi de finances pourra être abondée par le fonds national de garantie des calamités agricoles.

M. Gérard César, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Dominique Bussereau, ministre. En outre, j'accueillerai favorablement tout à l'heure l'amendement proposé par le président de la commission des affaires économiques, Jean-Paul Émorine.

L'assurance-récolte poursuit son développement parallèlement au dispositif traditionnel du fonds des calamités agricoles, qui a été fortement mobilisé, notamment, pour indemniser les conséquences de la très grande et très grave sécheresse de l'été 2005.

L'objectif du Gouvernement est clair, et la loi d'orientation agricole le précise grâce à l'amendement de Gérard César et à la commission des finances du Sénat : nous souhaitons développer de nouveaux produits d'assurance dans tous les secteurs et dans toutes les exploitations qui ne bénéficient pas à ce jour d'une offre assurantielle en matière de calamités naturelles.

Je suis donc disposé à réaffecter, comme Jean-Paul Emorine l'a demandé, 2,5 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de crédits de paiement en faveur de ce dispositif. En complément, l'épargne personnelle, dans le cadre de la déduction pour aléas, est favorisée grâce à la revalorisation du plafond de déduction.

S'agissant des charges des agriculteurs, le projet de budget pour 2006 prévoit de nouvelles marges de manoeuvre pour les exploitants.

Les charges ne sont en effet pas seulement de nature sociale ; il y a également la hausse des carburants. Telle est la raison pour laquelle à Rennes, lors du salon de l'élevage, le Premier ministre a annoncé des aides pour faire face à la hausse des prix des carburants ; elles sont inscrites dans le projet de loi de finances rectificative.

Par ailleurs, le fonds d'allégement des charges financières est doublé, sa dotation passant de 2,4 millions d'euros en 2005 à 5 millions d'euros en 2006.

Je précise également à M. le président Emorine et à M. Collin - je sais qu'un débat a eu lieu entre les commissions à ce sujet -, que la mesure d'exonération de 20 % sur la taxe sur le foncier non bâti est mise en oeuvre pour bénéficier aux exploitants et à eux seuls.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Vous allez financer l'enseignement agricole avec cette taxe ?

M. Dominique Bussereau, ministre. En effet, l'article 9 du projet de loi de finances dispose, conformément au souhait de tous, que le propriétaire devra rendre cet avantage au fermier, sous forme d'une réduction des charges de fermage.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On verra !

M. Dominique Bussereau, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, vous avez également alerté le Gouvernement - vous l'aviez déjà fait l'an passé quand le Président de la République s'était exprimé sur ce sujet à Murat - sur la compensation financière des collectivités, et je me réjouis que vous ayez adopté l'amendement présenté par mon collègue Jean-François Copé.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela a été dur !

M. Dominique Bussereau, ministre. Je m'en doute !

Cet amendement indexe cette compensation sur l'évolution de la dotation globale de fonctionnement : cette adaptation préserve et garantit l'autonomie financière de nos communes, à laquelle tous les sénateurs, comme tous les élus, sont très légitimement attachés.

Les producteurs de fruits et légumes ont enregistré dans diverses productions de très importantes difficultés de commercialisation de leurs produits, comme certains d'entre vous l'ont indiqué. Ces difficultés se poursuivent dans de nombreuses régions : les Pays de la Loire, la Provence, la Côte d'Azur, le Languedoc-Roussillon.

Sur la base des attentes formulées par les professionnels concernés, et après avoir rencontré de nombreux parlementaires des départements connaissant des difficultés, nous avons mis en place un plan de soutien doté de 15 millions d'euros de crédits, une enveloppe de prêts bonifiés à hauteur de 25 millions d'euros.

Je considère que les premiers efforts doivent être complétés, et je finalise actuellement l'élaboration de mesures structurelles nouvelles qui seront annoncées très prochainement.

J'ai également saisi la Commission européenne pour que des dispositions soient prises, permettant à l'avenir d'assurer une surveillance renforcée des importations - en effet, cette année a été difficile à cet égard - et le déclenchement d'une clause de sauvegarde sur les pommes, car c'est dans ce domaine que nous avons actuellement les principales difficultés.

Certains d'entre vous ont évoqué les difficultés du secteur laitier que tous les élus connaissent bien ; les départements de l'Ouest ont rencontré un certain nombre de problèmes à cet égard. Nous suivons avec attention les avancées de la mission que j'ai confiée à M. Benard, qui a déjà conduit une mission de médiation sur le prix du lait. Je souhaite, bien sûr, que cette mission se poursuive et que nous ayons, en 2006, un prix du lait qui soit clair.

Je précise également, puisque certains d'entre vous, notamment M. Raoult, ont évoqué les difficultés de financement de l'entreprise Nazart dans le département de l'Ille-et-Vilaine, que nous venons de signer des financements en faveur des producteurs fragilisés, sous la forme d'attribution de sommes qui sont compatibles avec les aides de minimis.

J'évoquerai maintenant les innovations visant à renforcer la compétitivité de l'agriculture et du secteur agroalimentaire.

Des mesures innovantes sont programmées pour les industries agroalimentaires - je rappelle que ces dernières représentent 12 % à 13 % des emplois dans notre pays -, et tout particulièrement pour les petites et moyennes entreprises évoquées par M. Piras.

Bien évidemment, nous maintenons les outils traditionnels d'aide à l'investissement. De nouvelles opérations seront encouragées à hauteur de 25 millions d'euros d'autorisations d'engagement, auxquelles s'ajoutera un financement communautaire. Dans le cadre du programme national de développement des industries agroalimentaires initié par Nicolas Forissier, 5,5 millions d'euros seront également consacrés à de nouveaux outils et aux pôles de compétitivité que certains d'entre vous ont évoqués -  ils sont très importants sur tout le territoire -, en liaison avec la banque de développement des petites et moyennes entreprises.

MM. Beaumont et Paul Girod, notamment, ont évoqué les biocarburants. Ces derniers représentent un formidable débouché pour l'agriculture et un enjeu pour le respect des accords de Kyoto. Notre objectif est clair : il s'agit de multiplier par six les surfaces d'ici à 2010. Et nous nous en donnons les moyens, puisque le Premier ministre a fixé de nouveaux objectifs d'incorporation : 5,75 % en 2008, 7 % en 2010 et 10 % à l'horizon 2015. Monsieur César, ce point a été également introduit dans le projet de loi d'orientation agricole sous forme d'amendement.

Pour la réalisation de l'objectif 2008, un appel à candidatures portant sur 1,8 million de tonnes de biocarburants a été publié le 25 novembre dernier. Il permettra, dès le début de l'année prochaine, la délivrance d'agréments aux opérateurs. Avec François Loos, nous avons reçu également la profession agricole, les distributeurs de carburants, les fabricants d'automobiles ; il existe une véritable volonté de l'ensemble des partenaires d'avancer dans tous ces domaines, qu'il s'agisse de l'utilisation du diester ou de l'éthanol.

Notre deuxième ambition est l'adaptation de l'agriculture, pour que cette dernière réponde encore mieux aux attentes de la société.

Nous devons améliorer notre effort en faveur de l'environnement. Cela signifie la modernisation des équipements des exploitants en soutenant l'investissement, comme l'a souligné M. Fournier. Le plan « bâtiment » se poursuit en 2006, avec une dotation de 72 millions d'euros en autorisations d'engagement, en progression de près de 15 % par rapport à 2005. Grâce au cofinancement communautaire, c'est en fait le double qui est mobilisé à ce titre. Les collectivités territoriales abonderont aussi ce dispositif, ce dont je les remercie. Je rassure d'ailleurs M. Bourdin : le PMPOA est doté de 90 millions d'euros en autorisations d'engagement et de 40 millions d'euros en crédits de paiement. Il concerne surtout les régions les plus exposées aux risques de pollution. Les dotations budgétaires - je l'indique parce que c'est nouveau -sont pour la première fois inscrites dès le projet de budget initial pour en garantir le bon financement.

Mmes Boyer et Didier, M. Delfau et d'autres intervenants encore ont évoqué la pêche. Des efforts spécifiques sont nécessaires à cet égard. Un conseil des ministres « pêche » se réunira à partir du 20 décembre ; il sera difficile, car la Commission vient de faire un certain nombre de propositions qui sont dures pour les pêcheurs, lesquels ont d'ailleurs manifesté au cours des derniers jours. Toujours est-il que nous allons nous battre à l'occasion de ce conseil des ministres.

Dans le projet de budget pour 2006, nous améliorons la sécurité des pêcheurs avec 32 millions d'euros, dont 3 millions d'euros consacrés à la régulation quantitative de la flotte et 5,5 millions d'euros à l'amélioration qualitative de cette dernière.

Nous allons également travailler sur les droits à produire. Comme M. Trémel l'a évoqué, tout cela sera repris dans le plan d'avenir de la pêche que j'ai annoncé à Nantes en octobre dernier et que je souhaite traduire sous la forme d'un projet de loi d'orientation pour la pêche au cours de l'année 2006. Je souhaite en tout cas que ce texte soit préparé pour être inscrit le moment venu à l'ordre du jour du Parlement.

Nous devons également préserver nos territoires et maintenir nos activités agricoles.

La dotation de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes progresse de 3 millions d'euros. Une nouvelle mesure est proposée aux agriculteurs qui s'engagent dans une démarche de développement durable. Dotée de 1,5 million d'euros dès 2006, elle complète les dispositifs préexistants notamment dans le domaine de l'agro-environnement avec, là encore, un cofinancement communautaire.

Je précise à MM. Bailly et Lejeune que les préfets auront la possibilité d'ouvrir la prime herbagère agri-environnementale aux bénéficiaires des CTE herbagers.

Mme Létard et M. Doublet ont évoqué les zones humides et l'éventualité de mesures particulières, à l'instar de l'expérimentation menée dans le marais poitevin. Un amendement a été examiné à l'occasion de la discussion du projet de loi d'orientation agricole, et nous réfléchirons, monsieur Doublet, dans le cadre du prochain programme de développement rural, à la mise en oeuvre d'un dispositif spécifique d'ICHN adapté aux zones humides. Ce dispositif, qui est en cours d'évaluation par les inspections générales des ministères de l'agriculture et de l'environnement, pourrait concerner le Valenciennois, les marais charentais et toutes les zones de marais de notre pays.

MM. Jacques Blanc, Pastor, Murat et Amoudry m'ont interrogé sur la montagne. Les indemnités compensatoires de handicap naturel ont fait l'objet de revalorisations depuis 2002. Nous sommes maintenant arrivés à un total de crédits de 510 millions d'euros, ce qui signifie que le montant des ICHN - part nationale et part communautaire - a été revalorisé de près de 30 %. Le projet de budget pour 2006, en hausse de 7 millions d'euros, consolide la revalorisation accordée cette année de 10 % du différentiel d'indemnisation des vingt-cinq premiers hectares par rapport aux hectares suivants. Cet effort doit être poursuivi, et nous y reviendrons dans un instant à propos d'un amendement.

M. Gaillard, notamment, a évoqué, toujours avec talent, la question de la forêt. J'ai essayé, monsieur le sénateur, de limiter l'impact de la régulation budgétaire en 2005. Vous connaissez bien le fonctionnement de l'État, et vous savez donc que la baisse de crédits de la mission n'est qu'apparente, car il y a un changement du périmètre budgétaire consacré à la forêt : d'une part, 8,3 millions d'euros d'autorisations d'engagement qui étaient confiés au préfet des régions Auvergne et Limousin ont été transférés au ministère de l'intérieur, mais sont toujours destinés aux interventions forestières ; d'autre part, dans le souci de maximiser les retours communautaires dans le cadre du second pilier, le cofinancement de l'Union européenne passe de 40 % en 2005 à 50 % en 2006. Le total des crédits destinés à la reconstitution forestière après l'ouragan de 1999 est donc constant, grâce à cette stricte compensation.

M. Collombat a évoqué également ce sujet à propos de la défense de la forêt. Les crédits forestiers nationaux et communautaires augmentent de 1 %. Il faudrait certes faire mieux, car, si l'on veut protéger la forêt, la forêt méditerranéenne en particulier, des efforts d'entretien toujours supplémentaires sont nécessaires.

J'évoquerai brièvement la protection sociale agricole. De nombreuses questions ont été posées sur l'équilibre du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, qui s'est substitué au BAPSA, le budget annexe des prestations sociales agricoles.

Je voudrais d'abord dire de manière très solennelle devant la Haute Assemblée qu'il n'y a aucun risque de non- versement des prestations sociales des non-salariés agricoles. Comme c'est le cas depuis plus de quarante ans pour les régimes agricoles, et pour l'ensemble des régimes de base, les engagements pris seront tenus par la collectivité nationale.

Cependant, il est exact que, du fait de la suppression du BAPSA, des difficultés sont apparues en 2004 et en 2005 quant à l'équilibre comptable de ce régime. Jean-François Copé, Philippe Bas et moi-même sommes bien conscients de la nécessité pour nous de trouver des solutions en vue d'un équilibre pérenne.

Je vous indique d'ores et déjà que le Gouvernement a déposé un amendement dans le cadre du projet de loi de finances rectificative pour 2005, afin de transférer à l'État, avant le 31 décembre 2005, 2,5 milliards d'euros d'emprunt contractés pour le compte du FFIPSA, ce qui correspond à l'annonce que Jean-François Copé avait faite lors de la discussion budgétaire et aux engagements que j'ai pris devant le Sénat lors de l'examen du projet de loi d'orientation agricole.

S'agissant du ministère de l'agriculture lui-même, outil au service des agriculteurs, nous prenons part à la réforme de l'État en essayant de rationaliser nos moyens en personnels, leur adaptation aux missions prioritaires, et surtout en ayant la volonté de toujours simplifier les relations entre l'usager et l'administration.

Grâce aux départs à la retraite, nous aurons des marges de manoeuvre pour nos effectifs. Deux cents départs à la retraite ne seront pas remplacés. La maîtrise des effectifs est rendue possible grâce à des gains de productivité et grâce à une politique de simplification administrative et d'allégement de la réglementation.

S'agissant de la gestion du projet de budget pour 2006, je précise devant le président de la commission des finances et le rapporteur spécial que nous l'avons souhaitée la plus déconcentrée possible : 2,4 milliards d'euros seront gérés localement.

Nous avons mis en place des responsables de budgets opérationnels au niveau des directions régionales de l'agriculture et de la forêt et des directions départementales des services vétérinaires des chefs-lieux de région, pour avoir une approche territoriale plus efficace.

L'enseignement technique agricole, dont vous avez déjà voté le budget, s'inscrit dans cette nouvelle approche. Son enveloppe est en hausse de 5 % et, au cours des discussions sur les crédits de la mission, deux abondements de 15,5 millions d'euros et de 15 millions d'euros ont été votés. Je remercie mon collègue Gilles de Robien qui a permis la réalisation de ces mouvements.

Comme l'ont dit Mme Gousseau ainsi que MM. Fournier et Goulet, cet enseignement est de qualité ; il participe, avec des résultats exceptionnels - il y a en effet de vrais débouchés -, à l'intégration professionnelle des jeunes. Ces crédits doivent donc être utilisés dans un esprit d'équité entre les diverses familles de l'enseignement : l'enseignement public, l'enseignement privé, les maisons familiales rurales et l'aide sociale aux élèves.

Je précise à M. César que les redéploiements qui seront réalisés pour permettre ces financements porteront sur le PMPOA et les offices agricoles.

J'ajoute, à l'attention de MM. Gérard Le Cam et Jean-Paul Amoudry, que les stages des jeunes seront bien financés.

J'en viens à l'organisation des établissements publics. Les réformes sont en cours dans les haras nationaux et à l'Office national des forêts. Nous allons maintenant engager la réforme des offices d'intervention. Le regroupement des sièges nationaux est programmé à Montreuil, et une réflexion est lancée sur les modifications de l'organisation régionale de ces établissements. L'objectif est de rationaliser l'organisation, de maîtriser les charges de structure afin de servir mieux et plus vite les agriculteurs. Comme vous le souhaitez, monsieur Bourdin, ces budgets seront progressivement réorganisés pour refléter le nouveau cadre budgétaire du ministère.

Avant de conclure, j'évoquerai quelques sujets que je n'ai pas pu regrouper sous un thème plus général.

M. du Luart va, me semble-t-il, retirer un amendement qui vise à éviter qu'un produit ne fasse l'objet de plusieurs droits acquittés au bénéfice de l'INAO, par exemple, une indication géographique prioritaire et un label rouge.

Il n'est pour l'instant pas envisageable d'insérer une telle disposition dans notre législation. C'est pourquoi je remercie M. du Luart d'accepter de retirer sa proposition. Nous étudierons avec lui les moyens de présenter une nouvelle mouture de cet amendement en loi de finances.

Nombre d'entre vous ont évoqué la loi relative au développement des territoires ruraux. M. Emorine s'est demandé, à juste titre, pourquoi les décrets d'application n'ont pas encore été pris.

Je peux d'ores et déjà vous indiquer que le 22 décembre prochain, lorsque je viendrai présenter la version définitive du projet de loi d'orientation agricole devant la Haute Assemblée, je vous donnerai en même temps un calendrier précis des décrets d'application y afférent.

Je vous rappelle que la loi relative au développement des territoires ruraux comporte 240 articles, dont 140 directement applicables, et que 80 décrets simples en Conseil d'État sont nécessaires pour l'appliquer ; seize sont publiés à ce jour, deux sont en cours de signature. Par ailleurs, une douzaine de décrets est au Conseil d'État et une quarantaine en cours de consultation interministérielle. Nous allons accélérer le rythme.

Le fonctionnement de l'État est très compliqué, surtout lorsque plusieurs ministères sont concernés. Certains ministères, qui ne sont d'ailleurs pas à l'origine du texte, ont accepté de s'en saisir à la suite de la volonté manifestée par le Parlement. Cela prend toujours un peu de temps, et nous nous bagarrons pour faire en sorte que les choses avancent le plus rapidement possible.

J'ajoute, et c'est un point très important, que le décret relatif aux zones de revitalisation rurale a été publié le 18 novembre au Journal officiel et que l'arrêté constatant le classement des communes, qui est attendu par les maires, est en cours de signature.

M. Murat a soulevé la question de l'équarrissage. La durée de conservation des déchets à risque chez les bouchers a été augmentée afin de diviser par deux le coût de ce service. Pour accompagner la réforme, le Gouvernement leur apportera en 2006 un soutien dont nous discutons actuellement les modalités avec les représentants de la profession.

Parallèlement, j'ai souhaité qu'une expérimentation puisse permettre de rationaliser, dès le début du mois de novembre, et pour une durée de cinq mois, les coûts consacrés à la collecte et au transport des déchets. Nous verrons comment poursuivre éventuellement cette expérimentation au cours de l'année 2006, afin de trouver un fonctionnement adapté.

Je conclurai avec la question de la viticulture, qui a été évoquée, entre autres, par MM. Jacques Blanc et Roland Courteau. Certains vignobles du secteur vitivinicole connaissent une situation très difficile.

S'agissant de certains vignobles du Languedoc-Roussillon ou du Bordelais notamment, le Gouvernement a pris des mesures conjoncturelles, à destination des exploitations les plus fragilisées, mais aussi des mesures structurelles. L'objectif est d'aboutir à la maîtrise de la production, de favoriser l'exportation, car nous perdons des parts de marché, ce qui n'est pas normal.

Nous avons engagé 4,5 millions d'euros au titre de la procédure « agriculteurs en difficulté », 17 millions d'euros d'aides en trésorerie, 45 millions d'euros de prêts de consolidation, 7 millions d'euros étant réservés pour l'aide à l'exportation.

J'ai bien conscience de l'insuffisance de ces mesures au regard de la situation du secteur, du niveau du stock et du volume des dernières vendanges. Nous allons continuer d'encourager les viticulteurs à s'orienter vers la distillation de bouche, qui est possible jusqu'à la fin du mois de décembre pour trois millions d'hectolitres. Enfin, nous envisageons de nouvelles mesures, et nous rencontrerons dès demain des responsables de la profession pour évoquer des dispositions de soutien complémentaires.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, ce projet de budget est une nouvelle étape de la modernisation et de l'adaptation de notre agriculture. Il constitue un support indispensable à la loi d'orientation agricole que le Sénat a adopté en première lecture.

Je souhaitais, en vous le présentant, traiter le plus grand nombre possible des questions que vous vous posiez. Sans doute n'ai-je pas répondu aux treize questions de M. Lejeune, mais il reconnaîtra avec moi que l'entreprise était difficile ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je tiens tout d'abord à remercier M. le ministre des précisions qu'il vient de nous apporter.

S'agissant du FFIPSA, je voudrais être sûr d'avoir bien compris. L'État va-t-il verser 2,5 milliards d'euros au FFIPSA dans la loi de finances rectificative ? En d'autres termes, le déficit budgétaire de 2005 se trouvera-t-il aggravé de 2,5 milliards d'euros ?

M. Dominique Bussereau, ministre. L'État va reprendre la dette.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est une opération où l'on reprend la dette sans que cela passe en charge ? Pourriez-vous être plus précis sur ce point, monsieur le ministre ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Dominique Bussereau, ministre. Monsieur le président, je reconnais là votre technicité et - pardonnez-moi de le dire - votre malice.

En fait, le déficit du FFIPSA comprend deux aspects : la dette globale, c'est-à-dire le stock, si j'ose dire, et le flux.

En premier lieu, le Gouvernement a l'intention de reprendre dans son budget une partie du stock. Il vous proposera, par voie d'amendement, de se substituer aux droits et obligations de la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole.

En second lieu, le Gouvernement est confronté à un autre défi qui consiste à dégager du flux, puisque le besoin de financement est de 1,7 milliard d'euros. Nous avons donc besoin de trouver des ressources pérennes pour financer le flux.

En d'autres termes, nous devons, dans un premier temps, dégonfler le stock avant, dans un second temps, de proposer d'autres mesures pour financer le flux.

Cette question a été largement évoquée lors de la discussion du projet de loi d'orientation agricole. Nous devons trouver des solutions pérennes. Un premier début de solution consiste à dégager une partie du déficit, l'État reprenant le déficit qu'il a lui-même fait porter par la Caisse de mutualité sociale agricole.