compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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désignation d'un sénateur en mission
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre une lettre en date du 28 novembre 2005, par laquelle il fait part au Sénat de sa décision de placer en mission temporaire auprès du ministre de la santé et des solidarités et du ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche M. Francis Giraud, sénateur des Bouches-du-Rhône. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Acte est donné de cette communication.
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Modification de l'ordre du jour
M. le président. Mes chers collègues, j'ai une communication à vous faire concernant notre ordre du jour des séances du 1er et du 9 décembre.
Le Gouvernement demande l'interversion de l'ordre d'examen de missions au sein de chacune de ces journées.
La commission des finances et les commissions saisies pour avis concernées ont donné leur accord.
Ainsi, le jeudi 1er décembre, nous examinerons la mission « Recherche et enseignement supérieur » avant la mission « Enseignement scolaire ». Nous terminerons, comme prévu, par la mission « Sport, jeunesse et vie associative ». Je vous rappelle que, le même jour, sont prévues les questions d'actualité au Gouvernement. .
Le vendredi 9 décembre, il nous est proposé d'examiner la mission « Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation » avant la mission « Transports ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
Il en est ainsi décidé.
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rappel au règlement
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel, pour un rappel au règlement.
M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, mon rappel au règlement se fonde sur l'article 32 de notre règlement.
Mon intervention pourrait se résumer en une question : pourquoi le règlement du Sénat est-il moins favorable à l'opposition que celui de l'Assemblée nationale, lequel résulte aussi bien des textes que des usages ?
Comme j'ai pu le vérifier depuis un an, les exemples abondent en ce sens : au Sénat, les suspensions de séance demandées par l'opposition ne sont pas de droit ; les motions de procédure sont examinées à la fin de la discussion générale, ce qui ne permet pas à l'opposition de s'exprimer au début de celle-ci, etc.
Mais, aujourd'hui, je souhaite évoquer plus particulièrement l'ordre du jour de notre assemblée.
Ce matin, à l'Assemblée nationale, une proposition de loi, déposée par le groupe socialiste le 10 novembre dernier, me semble-t-il, et examinée en commission le 16 novembre, a été discutée en séance publique. Certes, la majorité n'a pas souhaité que l'on procède au vote, mais là n'est pas le problème !
Avec mes collègues du groupe socialiste et les Verts, j'ai déposé sur le bureau du Sénat la même proposition de loi, qui porte le numéro 451, dès le 4 juin 2005. Par deux fois, Jean-Pierre Bel, président de notre groupe, a demandé son inscription à l'ordre du jour. Et, par deux fois, les 18 et 25 octobre, cela a été refusé.
Il est vrai qu'à l'Assemblée nationale, depuis 1995, conformément à un usage que l'on doit d'ailleurs, il faut le dire, à M. Philippe Séguin, les séances réservées à l'initiative parlementaire sont réparties à la proportionnelle des groupes et chaque groupe inscrit librement le texte ou le débat qu'il souhaite voir figurer dans la « niche » qui lui est réservée.
Tel n'est pas le cas au Sénat, comme nous pouvons le constater en ce moment. Il est vrai que la proposition de loi que je viens d'évoquer vise à abroger l'article 4 de la loi du 23 février 2005, lequel, en particulier, enjoint aux programmes scolaires et universitaires de reconnaître le rôle positif de la présence française, notamment en Afrique du Nord.
Sans aller jusqu'à penser que des néocolonialistes siègent à l'Assemblée nationale et au Sénat, je considère qu'il est très difficile, pour la majorité de droite, de voter la suppression de cet article, qui a été adopté à l'Assemblée nationale par le biais d'un amendement et à propos duquel, d'ailleurs, le Président de la République lui-même a tenu des propos, que je ne répéterai pas ici, témoignant de toute sa désapprobation.
Le groupe socialiste du Sénat demande tout simplement à être traité de la même manière que l'opposition à l'Assemblée nationale, donc que les séances réservées à l'initiative parlementaire soient réparties à la proportionnelle des groupes et que ceux-ci puissent y inscrire librement le texte de leur choix.
La majorité ne court pas beaucoup de risques puisqu'elle peut s'opposer à ce que ces textes fassent l'objet d'un vote. Grâce à cette disposition, qui leur permet de ne pas se prononcer, nos collègues députés de la majorité n'ont pas été obligés, ce matin, de voter contre la suppression dudit article.
Monsieur le président, vous avez vous-même prévu, dans un discours intéressant prononcé en début de session, me semble-t-il, la mise en place d'un groupe de réflexion sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat.
Jusqu'à présent, nous n'avons rien vu venir, ...
M. Jean-Jacques Hyest. Il faut attendre !
M. Jean-Pierre Michel. ... mais, en tant que modeste sénateur siégeant depuis un peu plus d'un an seulement, peut-être suis-je le dernier informé...
Quoi qu'il en soit, monsieur le président, je crois qu'il serait temps de mettre en pratique vos bonnes paroles ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Monsieur le sénateur, la proposition de loi que vous avez déposée a été soumise à l'appréciation de la commission des affaires culturelles du Sénat, laquelle a décidé que sa démarche serait différente de celle de l'Assemblée nationale. Chacun ses méthodes !
Si l'Assemblée nationale a inscrit cette proposition de loi à son ordre du jour, elle a décidé de ne pas l'examiner, car la commission saisie au fond a proposé de ne pas y donner suite, en ne présentant pas de conclusions.
Pour sa part, la commission des affaires culturelles du Sénat a préféré procéder à différentes auditions avant de se prononcer. Elle souhaite en effet bien connaître le problème, afin de mieux l'appréhender et d'y apporter la meilleure solution. Une fin de non-recevoir, même si elle est habilement présentée, demeure une fin de non-recevoir !
On peut donc considérer que le Sénat a examiné cette proposition de loi plus sérieusement que ne l'a fait l'Assemblée nationale, sans pour autant porter un jugement sur le travail de telle ou telle assemblée. Je m'en garderai bien !
S'agissant du groupe de réflexion sur la modernisation des méthodes de travail du Sénat, je vous précise, monsieur le sénateur, que la commission des lois commence à procéder à des auditions, afin de le mettre en place. J'y tiens beaucoup ! Certes, nous devons améliorer nos méthodes de travail, mais nous devons agir avec sérieux, c'est-à-dire après avoir recueilli l'avis des uns et des autres, qu'il s'agisse de la majorité ou de l'opposition.
Je me propose d'évoquer une nouvelle fois ce sujet lors de la prochaine réunion du bureau du Sénat, au sein duquel toutes les sensibilités sont représentées. Ces dernières ont d'ailleurs approuvé à l'unanimité ma proposition, comme vous-même venez de le faire à l'instant.
Nous oeuvrons donc dans la bonne direction. Il faut persévérer ! La vie est un combat, à chaque jour sa part de lutte ! Votre demande est donc satisfaite, mon cher collègue, et vous pouvez vous en féliciter.
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Loi de finances pour 2006
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98 et 99).
Débat sur les recettes des collectivités territoriales
M. le président. Mes chers collègues, nous allons procéder au débat sur les recettes des collectivités territoriales. Ce sujet, extrêmement important, nous intéresse tout particulièrement en tant que représentants, aux termes de la Constitution, des collectivités territoriales.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le présent projet de loi de finances comprend des mesures importantes pour les collectivités territoriales. D'emblée, je tiens à saluer l'effort méritoire du Gouvernement qui, dans un contexte budgétaire particulièrement délicat, tient à respecter le contrat de croissance et de solidarité.
M. le président. Voilà de bonnes paroles, monsieur le ministre !
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Nous tenons parole !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je n'entrerai pas dans le détail des mesures, mon collègue Philippe Marini, rapporteur général, le fera avec son talent habituel ! Je n'aborderai pas non plus au fond la question de la réforme de la taxe professionnelle, qui relève de la deuxième partie de la loi de finances. Je limiterai mon propos à deux dispositions qui, à mes yeux, peuvent être améliorées : d'une part, la réforme de la DGE des départements, prévue par l'article 24 du projet de loi de finances et, d'autre part, l'allègement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties, qui figure à l'article 9.
La réforme de la dotation globale d'équipement des départements se traduit, je le rappelle, par la suppression de la première part, qui s'élève à environ 300 millions d'euros. Sur cette somme, seulement 150 millions d'euros seront compensés de manière pérenne, par le biais de la dotation globale de fonctionnement.
Je comprends que le Gouvernement juge utile de supprimer la première part de la DGE. En effet, le taux de concours de la fraction principale de la première part est actuellement de 2,78 %, ce qui, bien entendu, est beaucoup trop faible. Sous sa forme actuelle, la DGE des départements effectue une sorte de « saupoudrage ».
En revanche, je regrette que l'objet réel de l'article 24 soit non pas de rendre la DGE plus efficace, mais de réaliser une économie structurelle de 130 millions d'euros, et ce « sur le dos » des départements,...
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ...sans que cela ait jamais été dit clairement, messieurs les ministres.
Il ne faudrait pas que d'aucuns soient tentés d'y voir une « mauvaise manière ». C'est pourquoi la commission des finances formulera des propositions constructives. À cet égard, la compréhension manifestée ces dernières heures par le Gouvernement est prometteuse.
Cette « mauvaise manière » serait d'autant plus regrettable qu'elle pénaliserait la catégorie de collectivités territoriales qui connaît aujourd'hui la situation financière la plus délicate. Les départements doivent, en effet, subir un alourdissement considérable de leurs charges, en particulier dans le domaine social, notamment avec l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, le revenu minimum d'insertion, le RMI, et la prestation de compensation du handicap, la PCH.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et je ne parle pas des contributions que les conseils généraux doivent apporter au financement des services départementaux d'incendie et de secours, les SDIS !
Certes, ces transferts ou ces extensions de compétences sont compensés, mais les conditions de cette compensation ne sont pas optimales, loin s'en faut ! Or certaines dépenses explosent véritablement, comme celles du RMI et de l'APA, sans que les recettes des départements soient suffisamment dynamiques pour y faire face.
La situation financière critique des départements risque d'avoir des conséquences préjudiciables sur les autres catégories de collectivités territoriales, qui, dans certains domaines, devront se substituer aux départements. Un effet de contagion est à prévoir.
Je tiens également à souligner, messieurs les ministres, que la décentralisation ne peut aboutir à une confusion entre transfert de compétences et sous-traitance. Les départements sont désireux de réguler eux-mêmes leurs dépenses, mais, pour ce faire, ils ont besoin de liberté d'initiative et de liberté d'arbitrage.
Malheureusement, le niveau des dépenses dépend trop largement de décisions qui sont prises ailleurs - par le Parlement, par la voie législative, ou bien par le Gouvernement, par la voie réglementaire - échappant ainsi aux responsables des conseils généraux ou d'autres collectivités territoriales.
Mme Hélène Luc. C'est pourquoi il faut réformer la fiscalité locale !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tel qu'il est lancé, le mouvement est en voie d'implosion. S'il devait se prolonger ainsi, il mettrait en péril l'avenir de la décentralisation.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. J'en viens maintenant à la taxe foncière sur les propriétés non bâties.
L'autre disposition, à mon avis contestable, du présent projet de loi de finances concernant les collectivités territoriales, communales et intercommunales, c'est l'article 9 : il instaure une exonération de 20 % sur la taxe foncière sur les propriétés non bâties dans le cas de terrains agricoles. Il s'agit d'une mesure coûteuse - 140 millions d'euros - qui vient alourdir le déficit prévisionnel du budget de l'État.
Le rapporteur général, Philippe Marini, vous présentera tout à l'heure, au nom de la commission des finances, un amendement de suppression de l'article 9. Croyez bien, messieurs les ministres, que cette initiative a été mûrement réfléchie.
En tant que président du groupe de travail de la commission des finances sur la réforme de la taxe foncière sur les propriétés non bâties - vous aviez souhaité, monsieur le président, que notre commission travaille précisément sur ce sujet -, je tiens à exprimer mon soutien total à cet amendement.
Les conclusions du groupe de travail, qui réunissait des membres de l'ensemble des sensibilités politiques du Sénat, ont été présentées en commission le 7 juillet dernier. Le jour même, elles ont fait l'objet d'un communiqué de presse, dans lequel la commission des finances s'opposait nettement au principe d'une telle réforme. Je souhaite m'en expliquer.
J'insiste sur le fait que l'opposition de la commission à cette exonération n'est pas une prise de position arbitraire : il s'agit d'une prise de position purement technique et de principe. Si l'Inspection générale des finances et l'Inspection générale de l'agriculture ont estimé, l'une et l'autre, dans le Rapport sur la suppression de la taxe foncière sur les propriétés non bâties de juin 2005, que la mesure était inopportune, c'est qu'il y avait de bonnes raisons à cela !
Tout d'abord, cette disposition est un exemple type de mesure de saupoudrage. C'était déjà le cas de l'exonération totale qui avait été envisagée au départ. Selon ce même rapport, cette mesure n'aurait accru le revenu des agriculteurs que de 2,5 %. Une exonération de 20 % n'augmenterait donc ce revenu que de 0,5 %, et encore, avant que la révision des baux annule la mesure pour les preneurs.
Dans ces conditions, comment le Gouvernement peut-il soutenir une telle mesure, alors même qu'il justifie sa réforme de la DGE des départements par la nécessité de réduire le saupoudrage ? D'un côté, on supprime 130 millions d'euros de saupoudrage et, de l'autre, on crée 140 millions d'euros de saupoudrage. Où est la logique, messieurs les ministres ? Je m'interroge !
Ensuite, cette disposition réduirait fortement les ressources propres des plus petites communes. En effet, la taxe foncière sur les propriétés non bâties représente 21 % du produit des impôts directs locaux des communes de moins de 500 habitants ; pour 2 167 d'entre elles, ce pourcentage s'élève à plus de 50 %.
Les agriculteurs sont de moins en moins nombreux à siéger dans les conseils municipaux. Parviendraient-ils encore à se faire entendre, pour les dépenses d'entretien des chemins vicinaux, si, par hypothèse, ils ne payaient plus d'impôts locaux ?
S'il n'est donc pas forcément opportun d'instaurer une exonération supplémentaire de la TFPNB, il semble en revanche nécessaire de réformer cet impôt, en particulier de permettre la révision de ses bases. Alors que nous venons d'inscrire dans la Constitution le principe d'autonomie financière des collectivités territoriales, sommes-nous condamnés, mes chers collègues, une fois encore, à réformer la fiscalité locale en supprimant un nouvel impôt, comme cela se fait depuis maintenant une quinzaine d'années ?
Enfin, compte tenu de la situation contractuelle entre les propriétaires fonciers, redevables de la TFPNB, et les preneurs exploitants agricoles, cette exonération à hauteur de 20 % contredit toutes nos déclarations relatives à la simplification administrative. J'essaie d'imaginer ce que seront demain les relations entre les propriétaires et les preneurs...
J'évoquerai, en conclusion, quelques facteurs d'optimisme.
D'une part, je me réjouis que le Sénat soit sur le point de se doter d'une base de données relatives aux finances locales, comme je l'avais demandé à l'occasion de ce même débat, voilà un an.
M. Gérard Delfau. Enfin !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je déplore, bien entendu, les retards qui ont été pris. Je tiens néanmoins à remercier notre collègue Philippe Dallier, membre de la commission des finances et de l'Observatoire de la décentralisation, d'avoir permis au projet de progresser, et, je l'espère, d'aboutir dans un délai proche. Le Sénat démontrera ainsi, monsieur le président, son aptitude à vaincre toutes les inerties.
D'autre part, en cette première année d'application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, j'évoquerai les perspectives de mise en oeuvre de la « logique LOLF » par les collectivités territoriales.
Je me référerai à cet égard à l'excellent rapport de la mission confiée à notre collègue Alain Lambert et à notre collègue député Didier Migaud, La Mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Réussir la LOLF, clé d'une gestion publique responsable et efficace, remis au Gouvernement au mois de septembre 2005.
Les auteurs du rapport jugent nécessaire d'« inciter les collectivités territoriales à développer un processus de performance ». Ils estiment, à juste titre, que les collectivités territoriales devraient donner davantage d'importance aux résultats de l'exécution budgétaire, ce qui impliquerait d'adopter une structuration en missions, en programmes et en actions.
Je crois qu'il convient d'encourager les gestionnaires locaux à s'approprier la philosophie, les objectifs, les procédures et les instruments que nous offre la LOLF. La culture de résultat et de performance est un enjeu pour l'État, comme pour l'ensemble des collectivités territoriales.
Cependant, les collectivités territoriales ne pourront effectuer convenablement leur tâche que si elles maîtrisent l'évolution de leurs dépenses et disposent de ressources suffisantes. De tout cela, il sera question lors de la Conférence annuelle des finances publiques, que vous installerez prochainement, messieurs les ministres.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cette seule perspective fonde notre optimisme. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, ce débat sur les finances des collectivités territoriales est un stade intéressant de l'examen du projet de loi de finances pour 2006. Ce débat, nous vous le devons, monsieur le président.
M. le président. Je vous remercie, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il permet, en quelque sorte, de faire le point. En effet, le projet de loi de finances pour 2006 est en cours d'examen ; il est donc évolutif.
Du reste, je veux souligner, monsieur le ministre délégué au budget, l'excellent climat dans lequel se sont déroulés, jusque tard dans la nuit, dans cet hémicycle, les échanges sur les articles relatifs à la fiscalité.
M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous n'avons pas vu les heures passer tellement c'était agréable !
M. Gérard Delfau. Pour quel résultat ?
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Du bonheur pour le ministre...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons pu aborder de nombreuses questions de fond, ce que nous allons continuer de faire à présent dans le domaine des finances locales.
À l'occasion de ce débat, je mentionnerai d'abord les acquis, c'est-à-dire les aspects les plus positifs de ce projet de loi de finances, puis les incertitudes et les préoccupations que suscite ce texte.
En ce qui concerne les points positifs, je rappellerai, à l'instar du président de la commission des finances, que l'État tient sa parole ; il va même au-delà de ses obligations vis-à-vis des collectivités territoriales, tout en étant fidèle au contrat de croissance et de solidarité.
En effet, en un temps où les dépenses de l'État devraient obéir à la norme « zéro volume », les concours aux collectivités territoriales augmentent, pour l'ensemble des dotations dites « sous enveloppe », de 2,38 %, ce qui représente une dépense supplémentaire de 260 millions d'euros.
Par ailleurs, la mesure qui nous est proposée au titre de la régularisation de la dotation globale de fonctionnement de 2004 des communes et de leurs groupements se traduira, sous réserve de la décision du comité des finances locales, par une progression de la dotation de solidarité rurale et de la dotation de solidarité urbaine de 15,8 % entre 2005 et 2006.
S'agissant de l'article 28 relatif à l'extension des règles d'éligibilité au fonds de compensation pour la TVA, souvenons-nous, messieurs les ministres, mes chers collègues, des longs débats que nous devions mener chaque année pour obtenir la prise en considération ponctuelle de tel ou tel besoin. À présent, il s'agit d'une réforme globale, qui sera favorable à la capacité d'investissement des collectivités territoriales.
De nombreuses dispositions techniques doivent également être saluées, entre autres celles qui figurent aux articles 26 et 27 et qui assurent la compensation financière des transferts de compétences pour 2006.
J'en viens aux incertitudes et aux préoccupations. J'espère, messieurs les ministres, que certaines de ces incertitudes seront levées au cours du débat et que certaines au moins de nos préoccupations seront satisfaites.
Certes, dans un contexte économique qui n'est pas facile, l'équation du budget de l'État n'offre que de faibles marges de manoeuvre. Depuis le début de la discussion des articles de la première partie du projet de loi de finances, nous nous efforçons de faire évoluer les recettes de l'État dans un sens favorable. De même, lors de l'examen des crédits des missions et des programmes, nous tenterons de faire la chasse aux dépenses inutiles ou contestables.
J'évoquerai à présent, après le président Jean Arthuis, les finances départementales et plus spécialement le contexte dans lequel s'effectue la réforme de la dotation globale d'équipement des départements. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir ces derniers jours, à maintes reprises, avec Michel Mercier, rapporteur spécial. La commission des finances vous présentera, sans doute au cours de la séance de nuit, deux amendements qui visent à permettre une prise en considération raisonnable des problèmes financiers que connaissent nos départements.
La commission des finances s'est efforcée d'élaborer ces amendements avec pragmatisme, dans le respect de l'esprit d'initiative et de responsabilité. Il est en effet essentiel que les départements se mobilisent, qu'ils utilisent tous les instruments de la panoplie dont ils disposent, en particulier dans le domaine social, pour ce qui concerne l'insertion, la mise en oeuvre des emplois aidés et des dispositifs d'aide au retour à l'emploi.
M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. À cette fin, il pourrait se révéler utile de majorer, selon une procédure à définir, les crédits spécifiques qui seraient mis à la disposition des départements pour activer des dépenses passives, pour jouer le jeu de l'insertion et du retour sur le marché du travail.
Messieurs les ministres, la commission des finances s'est efforcée de formuler ses propositions en faisant en sorte que la réforme de la dotation globale d'équipement des départements soit financièrement équilibrée et même - c'est du moins ce qu'elle espère - un peu mieux qu'équilibrée. Il s'agirait ainsi d'un signal de l'État et du Parlement en direction des élus de terrain qui, dans les circonstances économiques et sociales présentes, doivent participer autant qu'ils le peuvent au combat national pour la formation, pour l'insertion et pour l'emploi.
Le président Jean Arthuis comme nombre de nos collègues seraient tout à fait fondés à rappeler les inquiétudes que peuvent, à bon droit, exprimer les gestionnaires des finances départementales. En effet, ceux-ci sont souvent placés dans une situation ingrate : la croissance de leurs dépenses risque d'être beaucoup plus élevée que celle de leurs ressources.
Certes, la présente discussion budgétaire ne saurait à elle seule nous permettre de résoudre cette contradiction. Mais il ne faut pas pour autant, mes chers collègues, nous résigner à observer l'envol fatal des dépenses.
La décentralisation, en nous permettant d'agir au plus près du terrain, devrait être en principe un facteur de contrôle de la dépense publique : lorsqu'on connaît la réalité des situations, a priori, on gaspille moins !
Des réflexions plus fondamentales devront néanmoins être engagées sur l'articulation entre les compétences des départements et l'évolution de leurs ressources. Sans doute plusieurs d'entre nous interviendront-ils sur ce sujet fondamental.
Cette réflexion a d'ailleurs déjà commencé puisque notre collègue Philippe Adnot nous a conviés à nous interroger sur la croissance de l'allocation personnalisée d'autonomie et sur les conditions dans lesquelles nous pourrions envisager, monsieur Fourcade, que les prestations d'aide sociale soient de nouveau, dans certaines conditions, imputables sur les successions.
M. Jean-Pierre Fourcade. J'y ai toujours été favorable !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Souvenons-nous, mes chers collègues, de la manière dont la commission des affaires sociales du Sénat, voilà déjà un certain temps, avait conçu la prestation spéciale dépendance, qui est devenue l'actuelle APA. Leur dynamique est différente !
L'autonomie fiscale des collectivités territoriales constitue une autre préoccupation d'ordre général de la commission des finances.
Messieurs les ministres, la commission aurait souhaité que la taxe sur les conventions d'assurance puisse être modulée afin de respecter ce principe. Mais il faut nous rendre à l'évidence : cette modulation serait d'une telle complexité qu'elle ne serait pas opérationnelle, et nous devons bien en prendre acte.
En ce qui concerne la réforme de la taxe professionnelle, que nous aborderons lors de l'examen des articles de la deuxième partie, celle-ci semble pouvoir s'approcher de son point d'équilibre. Soucieuse de contribuer à ce mouvement, la commission présentera ses propres suggestions sur cette question.
Il ne faut pas oublier que la taxe professionnelle est affectée aux intercommunalités les plus intégrées, celles qui portent les projets de ville, les projets d'aménagement, les projets de développement économique. Le devenir et la visibilité de cette ressource sont donc essentiels dans un pays qui cherche à renforcer ses liens sociaux, tout en trouvant en lui-même les ressorts du dynamisme économique, du développement des entreprises et de l'emploi.
La réforme du plafonnement de la taxe professionnelle nous semble pouvoir être encore améliorée, notamment afin de ne pas défavoriser certaines collectivités, en particulier les intercommunalités, dont les taux de taxe professionnelle sont relativement faibles. En d'autres termes, il s'agit d'éviter que cette réforme ne soit, contrairement à l'inspiration de ses défenseurs, une sorte de prime à la mauvaise gestion.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous devons nous efforcer de rétablir autant que faire se peut, dans tous les rouages par ailleurs si complexes des finances locales, l'esprit d'initiative et de responsabilité, mais également le souci d'économie des deniers publics. (M. Michel Mercier s'exclame.)
Enfin, comme l'a rappelé le président Jean Arthuis, la réforme partielle de la taxe foncière sur les propriétés non bâties ne nous a pas convaincus. La commission des finances réaffirmera, dans le débat qui s'ouvrira dans quelques heures, les raisons strictement techniques pour lesquelles il ne lui est pas possible, à titre exceptionnel, messieurs les ministres, de suivre de Gouvernement.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La réunion prochaine de la conférence annuelle des finances publiques nous offrira l'opportunité de confronter les perspectives tant des recettes que des dépenses des trois grands sous-ensembles qui forment les administrations publiques : l'État, la sécurité sociale et les collectivités territoriales.
En conclusion, soyons convaincus, mes chers collègues, que la maîtrise des problèmes économiques et financiers de notre pays ne saurait être trouvée dans des reports de charges ou dans de simples exercices de répartition qui se borneraient à modifier les équilibres entre chacun de ces trois sous-ensembles. La maîtrise des finances publiques doit être globale et c'est le seul enjeu qui vaille la peine d'être poursuivi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les prélèvements sur recettes représentent désormais 74 % des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales. C'est pourquoi la commission des lois a souhaité pouvoir intervenir pour avis dans le débat sur les recettes des collectivités territoriales organisé lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2006. Je remercie la conférence des présidents et la commission des finances d'avoir accédé à cette demande.
Les dispositions du projet de loi de finances pour 2006 relatives aux relations financières entre l'Etat et les collectivités territoriales s'inscrivent dans la continuité des réformes passées. Cette continuité mérite d'être relevée au regard des incidences, somme toute assez marginales, de l'entrée en vigueur de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances. Elle doit être saluée quand elle permet une progression sensible des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales et un renforcement de la péréquation. Elle peut être regrettée quand elle se traduit, même pour des raisons justifiées, par une remise en cause de l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
Je n'évoquerai aujourd'hui que les motifs de satisfaction et de déception de la commission des lois, réservant son appréciation sur les incidences de la loi organique relative aux lois de finances pour le débat que nous aurons le jeudi 8 décembre.
J'aborderai tout d'abord les motifs de satisfaction. Le montant total des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales, hors fiscalité transférée, devrait atteindre 64,5 milliards d'euros en 2006, soit une progression de 5 % par rapport 2005, à structure courante.
Cette progression sensible mérite d'être saluée au regard de l'objectif de stabilisation en volume des dépenses de l'Etat recherché par le projet de loi de finances pour 2006. Elle s'explique notamment par la reconduction pour un an du contrat de croissance et de solidarité.
La commission s'en félicite, tout en rappelant, comme chaque année depuis 2002, le souhait des collectivités territoriales de bénéficier d'une programmation pluriannuelle des concours financiers de l'Etat.
Par ailleurs, les réformes des concours financiers de l'Etat aux collectivités territoriales prévues par le projet de loi de finances pour 2006 ont pour objet de renforcer la péréquation et de soutenir l'investissement.
La commission souscrit aux mesures destinées à renforcer la péréquation, qu'il s'agisse de la réforme de la dotation de solidarité urbaine et de cohésion sociale, ou de l'affectation de la régularisation positive de la dotation globale de fonctionnement des communes et de leurs groupements, au titre de l'année 2004, au solde de la dotation d'aménagement et au financement d'une garantie pour les communes ayant perdu le bénéfice de la dotation « élu local ».
Elle approuve également, du moins dans leur principe, les dispositions du projet de loi de finances destinées à soutenir l'investissement local, qu'il s'agisse de la clarification des règles d'éligibilité, de l'affectation et du reversement du fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée, de la création d'une enveloppe spécifique de 20 millions d'euros au sein de la dotation de développement rural, afin de financer les projets de maintien ou de développement des services publics en milieu rural, ou de la simplification des concours de la dotation générale de décentralisation relatifs au financement des bibliothèques municipales ou départementales.
La commission des lois déplore toutefois que les pertes de recettes subies par les départements du fait de la suppression de la première part de leur dotation globale d'équipement ne soient que partiellement compensées par l'Etat.
Cette remarque me conduit à aborder les motifs de déception que comporte le projet de loi de finances : ils concernent la réforme de la fiscalité locale.
En premier lieu, les modalités de financement des compétences transférées aux collectivités territoriales par la loi du 18 décembre 2003 permettront de compenser les charges transférées et de préserver l'autonomie financière des collectivités territoriales, mais pas - mon collègue Philippe Marini le rappelait il y a quelques instants - leur autonomie fiscale. Là est le vrai problème ! Il s'agit, en quelque sorte, d'une perte de liberté.
Le projet de loi de finances prévoit, au titre des transferts devant intervenir en 2006, une compensation provisionnelle d'un montant de 536,6 millions d'euros pour les régions, sous la forme d'une fraction de tarif de la TIPP, et de 108,1 millions d'euros pour les départements, sous la forme d'une fraction de taux de la taxe sur les conventions d'assurance.
La fraction de taux de la taxe sur les conventions d'assurance attribuée aux départements et la fraction de tarif de la TIPP attribuée aux régions et à la collectivité territoriale de Corse sont actuellement appliquées sur une base nationale : il s'agit, respectivement, des contrats d'assurance des véhicules terrestres à moteur et des consommations de carburants.
Les régions devraient pouvoir décider à la fin de l'année 2006, pour une application au 1er janvier 2007, de moduler leur fraction de tarif de la TIPP.
Les difficultés techniques auxquelles se heurte la « départementalisation » de la taxe sur les conventions d'assurance ont en revanche conduit le Gouvernement à abandonner cette option. Le pouvoir fiscal des départements s'en trouvera amoindri.
En second lieu, si le plafonnement de la taxe professionnelle acquittée par les entreprises à 3,5 % de leur valeur ajoutée, le « bouclier fiscal » - je vous rappelle qu'il s'agit du plafonnement à 60 % de ses revenus des impôts directs payés par un contribuable - et l'exonération de taxe foncière sur les propriétés non bâties acquittée par les exploitants agricoles répondent à des préoccupations légitimes, ces mesures auront toutefois pour effet de réduire l'autonomie fiscale des collectivités territoriales.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Or celle-ci constitue non seulement un facteur d'efficacité de la gestion de ces collectivités, mais surtout un fondement de la démocratie locale.
M. Bernard Saugey, rapporteur pour avis. Merci, monsieur le ministre, j'y compte bien !
Selon un processus inexorable, faute de réformer les bases de l'impôt local, c'est sa suppression graduelle qui est mise en oeuvre.
Une réforme d'ensemble de la fiscalité locale est plus que jamais nécessaire. Je n'en méconnais pas les difficultés. Toutefois, la mission d'information du Sénat sur la décentralisation et la commission pour l'avenir de la décentralisation avaient proposé des pistes qui méritent d'être explorées.
Je sais, messieurs les ministres, que vous avez le courage et la détermination nécessaires pour entreprendre et mener à bien ce vaste chantier. Vous pouvez compter sur notre soutien. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le président de l'Observatoire de la décentralisation. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Puech, président de l'Observatoire de la décentralisation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, parmi les missions que le bureau du Sénat a confiées à l'Observatoire de la décentralisation figure le suivi du respect des principes financiers indispensables à la réussite de la décentralisation. À cet égard, je tiens à remercier la conférence des présidents et la commission des finances, notamment son président, de m'avoir convié à participer à ce débat sur les recettes des collectivités locales et de me permettre ainsi de m'exprimer à ce sujet.
Trois principes sont nécessaires à la réussite de la décentralisation : d'abord, l'autonomie financière des collectivités locales ; ensuite, la juste compensation des transferts de compétence - nous savons maintenant comment les collectivités territoriales peuvent se situer en la matière, et je salue le travail réalisé par notre collègue Jean-Pierre Fourcade et par la commission consultative sur l'évaluation des charges, qui ne s'était jamais réunie dans le passé, me semble-t-il ; enfin, la péréquation.
L'Observatoire de la décentralisation cherche à être aussi impartial que possible : il dit ce qui va et ce qui ne va pas. Ce qui va, ce sont notamment nos principes constitutionnels, qui offrent d'importantes garanties aux collectivités. Nous les avons votés pour mettre fin à plusieurs années de mise à mal de la décentralisation.
Mais, messieurs les ministres, il y a la loi, et l'esprit de la loi ; c'est sur le respect de cet esprit de la loi que le bât blesse, bien souvent.
Ainsi, concernant l'autonomie financière des collectivités territoriales, garantie par la Constitution et par une loi organique, en transférant aux départements et aux régions des impôts partagés avec l'Etat, le Gouvernement respecte la lettre de la loi organique. Toutefois, chacun sait que la véritable autonomie fiscale réside dans le fait de pouvoir voter un taux d'imposition. Je note que le Gouvernement est en voie de réussir la régionalisation d'une partie de la taxe intérieure sur les produits pétroliers. Il a obtenu l'accord de l'Union européenne, et il faut l'en féliciter.
Mais, dans le même temps, il renonce à permettre aux départements de moduler le taux de la taxe sur les conventions d'assurance, qui va notamment remplacer, vous le savez, la vignette. L'assiette de cette taxe est dynamique. Cette recette sera sans doute meilleure qu'une dotation, et meilleure qu'une vignette qui était moribonde depuis 2000, mais l'autonomie n'y trouvera pas son compte.
Certains départements avaient complètement supprimé la vignette, notamment par souci d'équité puisque l'Etat n'assurait plus un recouvrement généralisé de cet impôt. Ils ne recevront qu'une compensation symbolique, qu'ils ne pourront plus jamais augmenter de façon significative. Et les départements subiront seuls les conséquences du manque à gagner lié au mauvais recouvrement de la vignette, du moins ce qu'il en restait, depuis 2001.
Je pourrais aussi mentionner les effets de l'allègement de la taxe foncière sur les propriétés non bâties pour des milliers de communes rurales dont c'est une ressource essentielle. La commission des finances semble opposée à la suppression de cet impôt et je partage, à titre personnel, ce point de vue.
Dans l'application des réformes liées à l'acte II de la décentralisation, le Gouvernement ne parvient pas complètement à éviter l'écueil conduisant à récompenser les collectivités les moins vertueuses au détriment des plus vertueuses.
Là encore, il y a la loi, et l'esprit de la loi ! Je prendrai l'exemple emblématique du RMI. Respecter l'esprit de la loi, c'est prendre en charge le déficit subi par les départements en 2004, comme s'y est engagé notre collègue Jean-Pierre Raffarin. La Constitution ne l'y obligeait pas puisque la dépense à prendre en compte était celle de l'Etat en 2003. Mais le Gouvernement a voulu remédier au déséquilibre manifeste entre la recette et la dépense transférée.
Respecter l'esprit de la loi, ce serait aussi transférer sans plus attendre tous les personnels de l'Etat gérant le RMI, ce qui n'est pas encore fait.
S'agissant de la pénalisation des plus vertueux, je citerai l'exemple des départements qui, en 2004, ont fait l'effort de contrôler le versement du RMI et qui ont ainsi émis des titres de recettes pour recouvrer les indus. Ils verront leur compensation diminuée du montant de ces titres de recettes. D'autres départements, que je ne citerai pas - mais nous pouvons en présenter la liste et établir une comparaison - n'ont pas voulu constater ces indus ; ils n'ont donc pas émis de titres de recettes. Et parce qu'ils n'ont pas recherché ces versements indus, ils auront une compensation intégrale. Le message est ainsi paradoxal : pour bénéficier de la meilleure compensation, il ne fallait pas contrôler la dépense. À l'évidence, ce n'est pas acceptable !
Reconnaissons que cela n'encourage pas à être rigoureux dans la mise en oeuvre de cette mesure. Nous ne pouvons que partager ce constat et essayer de trouver les réponses adaptées à cette situation.
On évoque souvent les modalités de compensation du RMI et on en viendrait presque à oublier d'autres charges telles que l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA. Lors de ses premières années de mise en oeuvre, le Premier ministre Jean-Pierre Raffarin et son ministre délégué, notre collègue Hubert Falco, ont été sensibilisés à la situation des départements dans lesquels le pourcentage de personnes âgées est largement supérieur à la moyenne nationale.
Comme il s'agit aussi, dans bien des cas, de départements ruraux à faible potentiel fiscal, un effort de péréquation avait été accompli afin que la compensation de l'Etat atteigne 50 %.
Aujourd'hui, ces mêmes départements constatent que la compensation se situe entre 35 et 37 %, alors que, dans le même temps, les dépenses de l'APA augmentent. Nous sommes, avec ce constat, à la charnière du débat sur la juste compensation des charges et sur la péréquation.
Il nous est rétorqué que l'APA est antérieure aux récentes lois de décentralisation. C'est bien là notre souci ! Aujourd'hui, au-delà de la difficulté rencontrée pour compenser les transferts de compétences, se multiplient les textes qui impliquent les collectivités locales, directement ou indirectement, sans compensation préalablement discutée.
En 2005, certaines collectivités locales ont délibérément choisi d'augmenter leurs dépenses et donc leurs impôts, c'est vrai, et l'on ne peut pas féliciter celles qui ont exagéré. Mais, pour nombre d'entre elles, l'augmentation de la dépense est largement subie.
Par exemple, une augmentation de 0,8 % du traitement des fonctionnaires territoriaux est intervenue au 1er novembre. Elle était certainement nécessaire. Mais à quel moment les collectivités locales ont-elles été consultées à ce sujet ? Ont-elles été associées à ces négociations ?
Peut-on à la fois accuser les collectivités d'être trop dépensières - nous l'entendons dire, y compris, parfois, par des membres du Gouvernement ! - et, lors de la discussion des compensations, si souvent faire gagner celles qui augmentent le plus les dépenses et les impôts ? Je sais que cet aspect des choses ne vous échappe pas, mais il est important d'arrêter ensemble, très rapidement, des dispositions permettant de corriger cette situation.
Le troisième principe constitutionnel est la péréquation. Celui-ci apporte quelques satisfactions, même si des critiques peuvent encore être formulées. Mais vous êtes ouverts à cette démarche et la réforme de la dotation globale de fonctionnement permet d'augmenter, en 2006, les sommes dévolues à la péréquation, tant pour les régions et les départements que pour les communes rurales et les villes défavorisées. Mais il s'agit d'un sujet délicat ; il nous faut approfondir la réflexion, afin d'aller encore plus loin.
Pour que cet effort puisse être poursuivi, il est nécessaire que les concours de l'État continuent de progresser à un bon rythme. Bien évidemment, ce rythme dépend en grande partie de la croissance de l'économie française. Les collectivités territoriales sont des acteurs publics majeurs de cette croissance, notamment par l'importance de leurs investissements. Elles assurent près de 80 % de l'investissement public. Pour qu'elles puissent maintenir ce niveau d'investissement, il est nécessaire qu'elles retrouvent des marges de manoeuvre sur des dépenses de fonctionnement dont la progression leur est presque totalement imposée par des règles qui ne leur offrent aucun choix.
Messieurs les ministres, nous avons à coeur de réussir la décentralisation ; la France a besoin de cette réforme ! Il faut rouvrir le débat, car il semble se refermer, et instaurer un véritable dialogue entre les partenaires, et au premier rang l'État. Vous pouvez compter sur le Sénat pour y participer activement et positivement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 40 minutes ;
Groupe socialiste, 27 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 12 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 10 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes ;
Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.
Mes chers collègues, je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs ne doit dépasser dix minutes. J'ai reçu la recommandation de veiller au respect de ces décisions. Je vous remercie de votre soutien.
Par ailleurs, le temps programmé pour le Gouvernement est de trente-cinq minutes, messieurs les ministres.
Dans la suite du débat, la parole est à M. François Marc.
M. François Marc. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans ce projet de loi de finances pour 2006, les dotations de l'État aux collectivités représentent quelque 64 milliards d'euro. Il est donc essentiel que l'examen attentif de cet important budget s'opère dans la plus grande sérénité. Or tel n'est pas le cas, messieurs les ministres !
Depuis plusieurs semaines, en effet, le Gouvernement et sa majorité développent un discours de culpabilisation des élus locaux et de mise en cause de la gestion « décentralisée » des collectivités, accusées d'augmenter indûment les impôts. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
M. Louis de Broissia. C'est vrai pour les régions !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Toutes les collectivités ne le font pas !
M. François Marc. Une telle attitude est dangereuse pour le pays et redoutable pour les collectivités. Elle tend en effet à faire croire qu'il y aurait, d'un côté, un État vertueux et courageux et, de l'autre, des collectivités dispendieuses et irresponsables.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Certaines d'entre elles seulement !
M. François Marc. Je vois que la vérité blesse ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Messieurs les ministres, ces leçons de bonne gestion sont inacceptables. Elles émanent en effet d'un Gouvernement qui, depuis trois ans et demi, conduit les finances publiques de notre pays vers une situation catastrophique. Au surplus, les difficultés rencontrées par les collectivités proviennent justement des décisions prises par l'État, selon un mode opératoire aujourd'hui bien connu de tous.
La gravité de la situation créée par le projet de budget pour 2006 se mesure ainsi à l'étendue de la mobilisation de toutes les associations d'élus de collectivités.
L'Association des régions de France, l'ARF, estime que « le dispositif de "bouclier fiscal" mis en place par le projet de loi de finances 2006 présenté par le Gouvernement prévoit un certain nombre de mesures qui programment l'asphyxie financière des régions... ».
L'Assemblée des départements de France, l'ADF, dénonce « l'effet d'étranglement des finances départementales et le non-respect des principes d'autonomie financière ».
L'Association des maires de France, l'AMF, regrette qu'au travers des différents dispositifs mis en place dans ce budget « l'impôt local serve une fois encore de variable d'ajustement à la politique fiscale de l'État. »
L'inquiétude est manifeste dans tous les courants politiques. Il est vrai que, malgré les dénégations du Gouvernement, les chiffres parlent d'eux-mêmes.
Ainsi, la réforme prévue de la taxe professionnelle fera perdre, dès la première année, 262 millions d'euros aux collectivités.
S'agissant plus particulièrement des départements, les chiffres établis par le cabinet international Ernst and Young ne peuvent pas non plus être suspectés de partialité politique. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
Le rapport d'expertise remis par ce cabinet établit que, « sans compter les investissements routiers à prévoir ni l'impact de la loi de programmation pour la cohésion sociale, la facture de la décentralisation non compensée est estimée à 1,2 milliard d'euros pour les conseils généraux, auxquels il faut ajouter 1,5 milliard d'euros pour financer la prestation complémentaire du handicap. » Selon Ernst and Young, les départements devront augmenter la fiscalité de 4 % à 6 % chaque année jusqu'en 2010 et augmenter fortement leur endettement.
On ne peut enfin manquer de souligner la gravité des menaces que le Gouvernement va faire peser sur les finances des intercommunalités du fait des mesures annoncées de plafonnement de taxe professionnelle, dénoncées avec force par l'Assemblée des districts et communautés de France, l'ADCF.
On le voit, l'inquiétude est quasi générale chez les élus locaux. Elle se nourrit d'ailleurs de la profonde désillusion créée chez eux par la volte-face du Gouvernement en ce qui concerne l'autonomie financière des collectivités.
Messieurs les ministres, le Gouvernement a profondément trompé les élus et l'opinion publique. Car on peut vraiment parler de supercherie à propos de la loi organique relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Je me propose de vous en fournir ici la démonstration.
Le 1er juin 2004, en présentant aux sénateurs ce projet de loi organique, le ministre Jean-François Copé prenait devant cette assemblée un certain nombre d'engagements ; je vous en citerai cinq.
Première affirmation du ministre : « La loi organique permet de restaurer la clarté et l'équilibre. »
M. François Marc. « Elle renforce ainsi la crédibilité de l'État dans ses relations avec les collectivités territoriales. »
M. François Marc. « Elle rend dorénavant impossible tout transfert, création ou extension de compétences sans compensation financière équivalente. »
À peine un an après cette déclaration, on mesure déjà, à l'aune de la mobilisation massive des élus locaux, à quel point les engagements financiers de l'État sont bafoués. Après seulement un an, il manque déjà plusieurs centaines de millions d'euros pour que l'engagement de l'État puisse être tenu !
Deuxième affirmation : « Le présent projet de loi organique a pour ambition de rompre avec des pratiques passées peu transparentes, peu loyales, [...] qui ont surtout créé une relation de défiance entre ces collectivités et l'État. ».
Au regard de telles déclarations, comment ne pas crier à la supercherie lorsqu'on entend aujourd'hui le Gouvernement - le même ministre, d'ailleurs ! - parler de « punir » les collectivités locales qui auraient augmenté leur taux d'imposition en 2005 ?
On nous parlait de respect et de loyauté. En fait, on voit se développer un discours de « tutellisation » et de culpabilisation.
Troisième affirmation : « Aucun gouvernement, à ma connaissance, ne s'est engagé avec autant de détermination dans une démarche de transparence [...] à l'égard des collectivités territoriales françaises. »
Mais alors, messieurs les ministres, quid des fameux rapports d'étapes que le Gouvernement aurait dû fournir avant l'été 2005 au sujet des critères de DGF ? Quid des simulations financières précises quant aux conséquences des réformes engagées ? S'agissant du Parlement, la vérité est que la décision se prend dans le brouillard le plus total.
Quatrième affirmation, et non des moindres, la loi d'autonomie financière « a pour objectif de mettre en place un verrou pour que, à l'avenir, plus personne ne puisse supprimer des pans entiers de la fiscalité locale d'un simple trait de plume. »
N'est-ce pas un trait de plume, voulu par le Président de la République lui-même, qui va aujourd'hui, avec le plafonnement de la taxe professionnelle, faire disparaître 262 millions d'euros des recettes des collectivités territoriales ? Mais où est donc passé le verrou de M. Copé ?
Cinquième affirmation : « Le principe de libre administration des collectivités locales qui va être consolidé par la reconnaissance de l'autonomie financière doit être accompagné d'une authentique péréquation. »
En fait, la loi simple relative à l'explicitation du principe constitutionnel de péréquation, qui nous était annoncée comme devant suivre la loi organique, n'est jamais venue à l'ordre du jour, preuve que les priorités du Gouvernement sont ailleurs. Et ce n'est pas la réforme des critères d'attribution de la DGF intervenue dans le projet de loi de finances pour 2005 qui a vraiment clarifié la situation à cet égard !
Dans le projet de budget pour 2006, le système proposé de « bouclier fiscal » va même générer une sorte de péréquation à l'envers, puisque le prélèvement global sur la DGF des collectivités pénalisera sans discrimination collectivités pauvres et collectivités plus aisées.
Lors du vote de la loi d'autonomie voilà un an, j'avais eu l'occasion, au nom de notre groupe, de souligner les insuffisances du fameux ratio d'autonomie bidouillé en catastrophe. Chacun s'en souvient ! Ainsi, la TIPP inscrite au numérateur comme ressource propre des collectivités n'est en fait rien d'autre qu'une dotation de l'État indexée sur l'effet « base nationale » de la consommation de carburant. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)
Autant dire que les élus locaux ne disposent d'aucun levier pour dynamiser cette ressource, dont l'assiette nationale évolue au mieux de 0,5 % par an, en euros constants, contre 4 % pour les autres impôts. Dans ces conditions, la compensation due aux collectivités territoriales ne pourra jamais être obtenue par la TIPP.
Oui, messieurs les ministres, on peut le dire, en matière d'autonomie et de compensation, ce Gouvernement a véritablement dupé à la fois les élus locaux et le Parlement !
Chers collègues, la préparation du budget pour 2006 confirme la dégradation manifeste du processus de décision gouvernemental.
Ainsi, de l'article 24 sur la DGE des départements, le projet de loi de finances supprime 100 millions d'euros de crédits et, devant la bronca des élus soulevée par cette mesure, on essaie, en catastrophe, ce matin même, de sauver la face en réinjectant 100 millions d'euros de « crédits précaires » en 2006 et 2007, et ce sans qu'aucune simulation ne puisse être présentée aux sénateurs avant le vote !
Quant à la réforme de la taxe professionnelle, de nombreuses questions essentielles restent en suspens, en particulier sur les conséquences prévisibles en matière de délocalisation géographique des bases de taxe professionnelle par les entreprises multi-établissements, ou bien encore sur les comportements de minimisation de la valeur ajoutée au travers de la précarisation de l'emploi permanent au profit de l'intérim ou de l'externalisation !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas nouveau !
M. François Marc. Les conséquences sur l'emploi de cette réforme de la taxe professionnelle peuvent se révéler redoutables. Le Gouvernement ne semble guère s'en soucier.
Messieurs les ministres, ce Gouvernement ne respecte nullement les engagements pris avec les lois de décentralisation. Il culpabilise les élus, pompe les recettes des collectivités et n'apporte pas les compensations financières annoncées.
Nous sommes aujourd'hui fondés à dire que cette loi d'autonomie financière n'était qu'un leurre. Dès lors, nous voterons contre ce projet de loi de finances pour 2006. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Henri de Raincourt.
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, voilà quelques jours, lors de la discussion générale, au nom du groupe de l'UMP, j'ai qualifié le projet de loi de finances pour 2006 de « volontariste », « cohérent » et « responsable ». J'estime que ces trois qualificatifs peuvent également s'appliquer aux dispositions relatives aux collectivités territoriales.
M. Jean-Louis Carrère. Écoutons les violons !
M. Henri de Raincourt. Ce budget est volontariste, car il ose enfin engager la réforme de l'imposition des personnes et de la taxe professionnelle.
M. Jean-Pierre Fourcade. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Il s'agit de deux réformes majeures pour la valorisation du travail, l'attractivité de notre pays, la compétitivité de nos entreprises, donc la croissance et l'emploi. Nous devons néanmoins prendre soin d'en mesurer tous les effets sur les collectivités locales.
Ce projet de loi de finances nous apparaît également cohérent, car il intègre les impôts locaux dans le « bouclier fiscal ». Sans les impôts locaux, le plafonnement du revenu à 60 % perdrait de son sens. Le Gouvernement a donc eu raison de les intégrer.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Henri de Raincourt. Enfin, ce budget est responsable, car il traduit la volonté de l'Etat de tenir ses engagements à l'égard des collectivités locales.
Tout d'abord, la reconduction en 2006 des règles d'indexation du contrat de croissance et de solidarité se traduira par une augmentation de 2,4 % des concours aux collectivités locales et de 2,7 % de la seule DGF, alors que les dépenses de l'État ne progresseront que de 1,8 % en valeur, ce qui correspond à la norme « zéro volume ». C'est un effort que notre groupe approuve.
Le Gouvernement tient également ses engagements en attribuant les ressources nécessaires à la compensation financière des transferts de compétences aux régions et aux départements. Il applique scrupuleusement les principes établis lors de la décentralisation de 1982 et confirmés, vingt ans après, par la commission présidée par notre collègue, ancien Premier ministre, Pierre Mauroy.
Il va même plus loin en prévoyant un supplément de compensation de 457 millions d'euros de la taxe intérieure sur les produits pétroliers au titre des dépenses de RMI et de RMA effectuées par les départements en 2004. Comme cela a été rappelé, cette compensation a été accordée par le Premier ministre d'alors, notre collègue Jean-Pierre Raffarin ; elle est inscrite dans le projet de loi de finances rectificative pour 2005. Mais le problème demeure pour les années suivantes.
Mes chers collègues, les difficultés financières auxquelles sont aujourd'hui confrontées les collectivités locales sont moins politiques que structurelles. Elles sont moins budgétaires qu'économiques, sociales ou démographiques. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
C'est particulièrement le cas des départements qui se trouvent dans une situation très difficile. Les dépenses liées à l'allocation personnalisée d'autonomie, au revenu minimum d'insertion, à la prestation compensatoire du handicap et aux services départementaux d'incendie et de secours s'imposent aux départements ; leur augmentation est inéluctable, alors même que l'impact budgétaire de l'acte II de la décentralisation ne s'est pas encore fait sentir.
Avec des recettes quasiment fixes, la structure actuelle des budgets des départements ne permet pas à ces derniers de financer des dépenses qui ont été décidées par d'autres et qui sont, par nature, évolutives, ne serait-ce que pour des raisons démographiques.
Comme l'a rappelé tout à l'heure M. le rapporteur général, les conseils généraux deviennent de plus en plus des prestataires de services au titre de la solidarité nationale, ce qui explique largement leurs difficultés budgétaires. Ces difficultés ne sont pas liées à l'application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales : le problème structurel de l'APA remonte à sa création en 2002 - et, pour l'instant, aucune solution n'a été trouvée - et celui des SDIS aux lois de 1996, 2002 et 2004 cumulées.
La solidarité et la sécurité civile sont des sujets de société. On n'a pas suffisamment réfléchi à la mise en place de financements adéquats, pérennes et évolutifs. La part de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, dans le financement de l'APA, qui était de 50 %, et devait rester à ce niveau, est aujourd'hui largement inférieure à 40 %.
Pour ce qui concerne le RMI, avant la réforme de 2004, les conseils généraux étaient censés financer des crédits en faveur de l'insertion à hauteur de 17 %, alors qu'ils sont aujourd'hui confrontés à une augmentation significative du coût de l'allocation. S'agissant de la prestation compensatoire du handicap, on nous annonce que la dépense supplémentaire serait assumée par la CNSA. Nous attendons la publication des décrets d'application avec une relative impatience puisque cette mesure doit être mise en oeuvre dès le début de l'année 2006, c'est-à-dire dans quelques semaines.
Enfin, s'agissant des SDIS, on n'a pas fait clairement le choix entre services d'Etat ou de conseil général. Résultat, on cumule les inconvénients des deux. L'Etat décide et ce sont les conseils généraux qui payent le surcoût, puisque la participation des communes est gelée. Mes chers collègues, à ces problèmes structurels, nous devons apporter des réponses structurelles.
Du côté des dépenses, nous devons engager une réforme profonde des conditions d'attribution des minima sociaux, afin de privilégier le travail sur l'assistance. Les responsabilités respectives de l'Etat et des collectivités locales doivent être clarifiées.
Du côté des recettes, nous devons d'abord analyser les conséquences, pour les finances locales, de la réforme de la dotation globale d'équipement des départements, du plafonnement de la taxe professionnelle et de la création du « bouclier fiscal ». Plusieurs avancées ont d'ores et déjà été réalisées sur ces différents points, lors du débat budgétaire à l'Assemblée nationale. La commission des finances du Sénat - et je tiens à remercier tout particulièrement son président et son rapporteur général de leur constance et du travail effectué - va proposer des améliorations substantielles, que nous soutiendrons. (M. le président et M. le rapporteur général de la commission des finances remercient.)
Ensuite, et surtout, nous devons adapter les recettes des départements à la nature des dépenses dont ils ont désormais la charge. Cela signifie que la solution ne résidera pas dans les projets de loi de finances. (M. de Louis de Broissia applaudit.) En effet, année après année, gouvernement après gouvernement, nous discutons, pour ne pas dire plus, des problèmes qui se posent et, chaque fois, on colle des rustines. Pendant ce temps, la dérive continue Par conséquent, il faut trouver des recettes d'une autre nature.
A titre personnel, je veux redire ce que je n'ai de cesse de répéter depuis dix ans maintenant : l'APA et la PCH relèvent, en réalité, d'un problème de solidarité nationale ; elles doivent être financées soit dans le cadre de la mise en oeuvre d'un authentique cinquième risque, soit par un prélèvement sur la contribution sociale généralisée, qui est un vrai impôt social.
De la même manière, s'agissant du RMI, on ne peut faire dépendre son financement d'une taxe intérieure sur les produits pétroliers qui diminue lorsque le prix du baril de pétrole augmente.
Quant aux SDIS, je proposerai de nouveau l'amendement que j'avais déposé ici même le 17 juin 2004, à l'occasion de l'examen du texte relatif à la modernisation de la sécurité civile : il vise à créer une taxe additionnelle qui figurera sur la feuille des impôts locaux, étant entendu que les départements diminueraient leurs impôts à due proportion ; j'en prends l'engagement pour le département que je représente.
M. Roland du Luart. Très bien !
M. Henri de Raincourt. Ces réflexions me semblent devoir être au coeur de la prochaine conférence des finances publiques ; je félicite le Gouvernement d'avoir pris cette initiative.
Nous devons regarder la réalité en face et ne pas craindre de débattre devant l'opinion de questions qui sont au coeur de l'évolution de notre société. C'est dans cet esprit que le groupe de l'UMP examinera les articles de ce projet de loi de finances qui concernent directement ou indirectement les collectivités locales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 devait ouvrir une ère nouvelle dans les rapports entre le pouvoir central et les élus locaux, fondée sur une décentralisation respectueuse du principe constitutionnel d'autonomie financière des collectivités locales.
Malheureusement, les espoirs nés chez les élus de tous bords ont été vite déçus lorsque fut votée la loi organique du 29 juillet 2004 relative à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Le budget qui nous est proposé nous conforte dans cette déception ; il est même, à certains égards, franchement préoccupant.
Ce budget tend, au fond, à décentraliser non pas des moyens financiers, mais les déficits de l'État. Et il est significatif que toutes les associations d'élus, sans exception, se soient élevées contre les réformes touchant à la fiscalité locale.
Ainsi, la fiscalité locale sera la première victime du « bouclier fiscal » inventé par le Gouvernement, qui limite à 60 % des revenus d'un contribuable la part des impôts locaux et nationaux qui le frappent.
En instaurant une telle mesure, vous contrevenez, messieurs les ministres, au principe d'autonomie fiscale inscrit dans la Constitution à la demande du Sénat. Et l'on sait combien le Sénat et son président se sont engagés pour faire aboutir cette démarche.
M. le président. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Gérard Delfau. Approuver la disposition proposée - mais je n'ose l'imaginer -, ce serait se renier, mes chers collègues. Mais un éclair de lucidité nous permettra, je l'espère, d'éviter une telle attitude. Permettez-moi, à cette occasion, de saluer l'intervention très juste du président de la commission des finances, qui a su exprimer, au nom du Sénat, un certain nombre de positions que je partage, et qui sont sans doute partagées par la majorité de cette assemblée.
Mais j'en reviens à l'ensemble du budget. Il est clair que les mécanismes de répartition bénéficient à quelques centaines de contribuables parmi les plus riches, au détriment des collectivités les plus défavorisées. Ces choix concerneront une partie des communes et une grande partie des départements.
Je concentrerai mon propos sur les communes, puisque je sais, par expérience, que les départements trouvent à cette tribune d'éloquents défenseurs et de grands spécialistes.
Le premier problème, ainsi que l'a clairement souligné la commission des finances, c'est l'allègement de 20 % de la TFPNB, laquelle concerne essentiellement les terres agricoles. Ce dispositif, proposé à l'article 9, concerne 35 000 communes. Pour près de 2 200 d'entre elles, la TFPNB représente plus de 50 % des recettes fiscales. Et pour l'ensemble des 21 000 communes de moins de cinq cents habitants, cette taxe est un outil absolument nécessaire à leur survie financière.
La compensation prévue, assise sur le taux de 2005, tendra mécaniquement à diminuer année après année. C'est l'histoire même de la fiscalité et des lois de finances. ! Ainsi, la marge de manoeuvre des communes rurales serait réduite et ces communes seraient placées en grande difficulté ; j'emploie le conditionnel, car je pense que nous voterons très majoritairement la suppression de cette disposition adoptée par l'Assemblée nationale.
S'agissant de la DGF des communes et de leurs groupements, visée à l'article 25, le dispositif privera en 2007 de nombreuses communes rurales de la dotation « élu local », pourtant nécessaire à la fois au fonctionnement des communes et à leur autonomie financière.
La transformation de la notion de potentiel fiscal en celle de potentiel financier dans le mode de calcul de cette dotation revient à majorer artificiellement la richesse de nombreuses communes. Il aura fallu que le comité des finances locales intervienne - et nous l'en remercions - pour qu'une garantie soit mise en place pour deux ans. Mais que se passera-t-il si, au terme de ce délai, le Sénat ne donne pas un coup d'arrêt à cette évolution ?
S'agissant de la réforme de la taxe professionnelle, le Gouvernement, approuvé par la majorité à l'Assemblée nationale, et sous couvert d'un plafonnement à 3,5 % de la valeur ajoutée, veut renforcer, de fait, l'inégalité entre les territoires en termes de ressources fiscales. Cela est d'autant plus vrai que ce projet de loi de finances ne prévoit aucun effort supplémentaire en faveur de la péréquation. Bien sûr, ce plafonnement facilitera la trésorerie des entreprises industrielles et commerciales et préservera leurs ressources, mais, dans le même temps, l'équilibre financier de nombreuses intercommunalités sera menacé.
La compensation prévue par le Gouvernement, assise sur les taux de 2004, ne suffira pas à couvrir pleinement le manque à gagner des communes, puisque, d'après les calculs qui ont été effectués, il manquera environ 50 millions d'euros.
S'agissant enfin de la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, je m'inquiète de l'évolution de la DSR et de la DSU.
Certes, comme l'an passé, la DSU augmente légèrement. En revanche, la DSR est, pour la troisième année, victime des choix du Gouvernement, comme les départements, d'ailleurs. Or cette dotation concerne tant le milieu rural que le milieu urbain ; elle permet aux bourgs-centres, ou reconnus comme tels, de faire vivre les services de proximité. Nous savons tous ce dont il s'agit très concrètement.
Telles sont les quelques réflexions que je souhaitais formuler sur les ressources des collectivités territoriales. S'agissant des départements et des régions, je ferai deux remarques.
Les départements vont se trouver en grande difficulté. Comme le disait tout à l'heure le président de la commission des finances, ils seront les victimes directes de ce déséquilibre budgétaire créé par l'APA et, surtout, par le RMI. En tant que sénateur de l'Hérault, je puis vous dire que ce sujet préoccupe énormément, et à juste titre, les conseillers généraux de mon département.
Quant aux régions, le désengagement financier de l'État est quasi total. Cela pose un problème de fond ! En effet, je n'imagine pas que des considérations autres que strictement budgétaires soient intervenues dans ces choix.
Bien évidemment, mes amis radicaux de gauche et moi-même n'approuverons pas les choix que vous nous présentez. Pour ma part, je participerai au débat qui va suivre, dans l'espoir que le Sénat améliorera une situation qui, telle qu'elle résulte de ce projet de loi de finances, est franchement préoccupante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.
M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en France, cruel paradoxe, dès que cela va mal, le premier réflexe des gouvernants est de se tourner vers les élus locaux. C'est ainsi qu'on a entendu le Premier ministre, au cours de sa première déclaration au moment des émeutes urbaines, affirmer qu'il voulait donner aux maires plus de moyens pour faire face. C'est ainsi qu'on a entendu le Président de la République pointer du doigt les élus locaux qui ne respectaient pas la vision de l'urbanisme, sans doute indépassable, que Jean-Claude Gayssot avait inscrite dans la loi SRU.
Par conséquent, d'un côté, on reconnaît formellement le rôle de ces soutiers de la République que sont les élus locaux, parce qu'il faut bien dire que, depuis des années, faute de solution nationale, on a trop souvent renvoyé la gestion des problèmes les plus complexes à une gestion de proximité et, d'un autre côté, les élus, quelle que soit par ailleurs leur géographie territoriale ou politique, ont le sentiment d'être de véritables variables d'ajustement des décisions de l'État.
Il faut avoir la franchise de reconnaître qu'il y a en France, certes de longue date, une incompréhension persistante entre l'État et ses territoires.
Non seulement les élus sont confrontés à une avalanche de textes en tout genre qui freinent leur action, non seulement ils ont affaire à des administrés qui, tout en s'engageant de moins en moins pour la cité, sont de plus en plus exigeants, mais encore ils se retrouvent face à un État qui est souvent tenté de reprendre d'une main la liberté qu'il avait accordée de l'autre main.
Nous sommes en effet de moins en moins libres de nos dépenses, de moins en moins libres de nos ressources, et nos budgets sont de plus en plus difficiles à boucler.
Je voudrais illustrer mon propos très concrètement en parlant de ce que je connais bien : les finances départementales. Depuis près de vingt ans, j'observe l'effet de ciseaux dont elles sont victimes, quel que soit le gouvernement en place.
Dans mon département, depuis cinq ans, pour m'en tenir à la période la plus récente, les dépenses que nous n'avons pas décidées, mais que nous devons pourtant financer - et qui ne sont que très partiellement compensées - représentent une charge nette de plus de 25 millions d'euros, soit l'équivalent de vingt points de produit fiscal. Le sommet a été atteint avec l'APA, mais, pour l'exercice budgétaire 2006, tant la prestation compensatrice du handicap que le RMI ne sont que trop partiellement compensés.
S'agissant des recettes, au cours de la même période, nous avons perdu l'équivalent de 40 millions d'euros, notamment en raison du blocage des droits de mutation, de la suppression du contingent d'aide sociale intégré à la DGF, de la vignette et de la réforme de la taxe professionnelle première mouture.
Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit-il un changement de cap ? Non, malheureusement ! Et je crois que vous en rajoutez avec la suppression de la DGE première part, de la vignette, de façon définitive, et le plafonnement de la taxe professionnelle, sans parler du « bouclier fiscal ».
L'impact de l'ensemble de ces décisions, en dépenses comme en recettes, représente sur cinq ans l'équivalent de quarante-six points de produit fiscal, ce qui est énorme. Et ce qui vaut pour un département vaut, bien évidemment, pour la plupart des autres.
La première conséquence en sera la paupérisation inexorable des collectivités, laquelle les conduira à réduire immanquablement leurs investissements ou à augmenter leur endettement. En effet, concomitamment, celles-ci maîtrisent de moins en moins leur fiscalité, en raison notamment du « bouclier fiscal » ou du plafonnement de la taxe professionnelle.
Quand les collectivités ne pourront plus investir, qui préparera l'avenir à leur place, sachant qu'elles réalisent pour leur compte plus de 70 % de l'investissement public en France ?
On assiste, depuis plusieurs années, à une remise en cause profonde de l'autonomie budgétaire et fiscale des départements et des collectivités en général. Le projet de loi de finances pour 2006 ne déroge malheureusement pas à cette règle.
Trois mécanismes attestent cette remise en cause.
Le premier d'entre eux est la déconnexion croissante entre les dépenses et les ressources, les secondes étant censées financer les premières.
Les ressources octroyées pour couvrir les transferts de charges ont toujours la même caractéristique : leur dynamisme est complètement déconnecté de celui des dépenses. Tel est le cas de la TIPP, redoutablement stable face aux dépenses du RMI, qui augmentent en moyenne de 15 % par an. Et je ne parle pas des surcoûts que vont engendrer les contrats d'avenir.
Jean-Pierre Raffarin avait mis un point d'honneur, en 2004, à compenser à l'euro près ce transfert de charges. Pourquoi ce qui était possible hier ne le serait-il pas aujourd'hui ?
M. Charles Revet. Eh oui !
M. Bruno Retailleau. Ce sera aussi le cas de la taxe sur les conventions d'assurance, qui a pour objet de faire face aux travaux d'entretien des routes nationales transférées, alors que rien ne semble être prévu aujourd'hui pour la rénovation du réseau, qui représente une charge très lourde pour le département.
Le deuxième mécanisme qui met à mal l'autonomie fiscale des collectivités concerne le lien entre les ressources et le territoire. Dans une situation normale et vertueuse, les recettes d'une collectivité territoriale sont liées au dynamisme de son territoire, dynamisme auquel contribuent les dépenses de modernisation de la collectivité. C'est le principe de responsabilité, dont le rapporteur général parlait tout à l'heure.
Deux réformes inscrites dans le projet de loi de finances pour 2006 cassent ce lien : d'une part, le plafonnement de la taxe professionnelle, qui, dans mon département, par exemple, figera 50 % du montant total des bases fiscales ; d'autre part, la suppression de la DGE première part, qui, même si elle est symbolique - mais à qui la faute ? -, pénalise les départements les plus dynamiques, c'est-à-dire ceux qui investissent le plus.
Enfin, le troisième mécanisme, encore plus insidieux pour les libertés locales, distend progressivement le lien de responsabilité qui existe entre l'élu et le citoyen au travers de la dépense et de la fiscalité locale.
Comme je l'ai déjà indiqué, nous perdons de plus en plus la maîtrise de nos dépenses, parce que celles-ci sont de plus en plus décidées par l'État. La maîtrise de nos recettes et de la fiscalité locale nous échappe tout autant. Avec la réforme de la taxe professionnelle telle qu'elle est prévue, les départements n'auront plus prise que sur 30 % de leurs recettes.
La TSCA ou la TIPP, taxes « décentralisées », si j'ose dire, constituent en réalité des dotations, puisque les collectivités ne peuvent en moduler les taux.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Bruno Retailleau. Quant au « bouclier fiscal », il aurait mieux valu baisser son niveau et exclure la fiscalité locale de son assiette. On aurait au moins évité l'usine à gaz que sa mise en place risque d'engendrer.
Autant dire que les dispositions constitutionnelles visant à garantir la compensation des transferts de charges et un pouvoir fiscal local autonome comptent aujourd'hui pour peu de chose.
Bien sûr, ce gouvernement n'est pas le premier à agir de la sorte. Je reconnais qu'il existe en France une continuité remarquable à cet égard.
Bien sûr, vous nous répondrez tout à l'heure, messieurs les ministres, la main sur le coeur, que l'État a, pour ses collectivités territoriales, la plus grande considération et qu'il respecte, au moins dans l'esprit, le contrat de croissance et de solidarité.
C'est sans doute vrai ! Mais la nature du problème est tout autre. Ou bien, selon la formule d'Emmanuel Lévinas, « l'État pèse pour son propre compte », les collectivités étant alors pour lui de simples sous-traitantes, voire des structures de cantonnement de la dépense publique, ou bien celles-ci sont majeures, c'est-à-dire qu'elles sont libres et disposent de leur propre autonomie, et elles doivent en contrepartie en rendre compte devant les électeurs, et eux seuls. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est la vraie question !
M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les collectivités territoriales ont démontré leur importance dans la vie quotidienne de chacun. Elles ont installé des services publics de qualité, avec l'objectif de répondre aux besoins des populations qui vivent sur leur territoire.
Elles participent activement à la vie économique, avec la réalisation de plus de 70 % - notre collègue Jean Puech disait même tout à l'heure 80 % - des équipements publics et 1,7 million d'employés mobilisés chaque jour pour le fonctionnement des services aux habitants.
Les élus, et plus particulièrement les maires, sont en première ligne pour résoudre les problèmes de leurs concitoyens. C'est à eux que l'on vient dire son mal-vivre, sa désespérance. Ils sont bien souvent les fusibles dans cette société qui rejette les plus pauvres, qui exclut les plus faibles.
M. le ministre de l'intérieur, dans une interview à la Gazette des communes, des départements et des régions, déclare : « Les maires confrontés à cette explosion de violences urbaines sans précédent se sont comportés dans cette épreuve avec un courage, une dignité et un sens des responsabilités que je veux saluer ». J'aurais envie de remercier M. le ministre de le reconnaître, mais ce dont ont besoin les maires, les élus des différentes collectivités, c'est d'une reconnaissance qui leur donne les moyens d'agir, de mesures permettant de s'attaquer aux inégalités, aux injustices, pour qu'ils n'aient plus, avec les habitants, à connaître ces violences urbaines.
Nous avons besoin d'une présence humaine plus importante sur le terrain, de travailleurs sociaux, d'éducateurs, d'enseignants, de policiers de proximité.
Depuis longtemps, les élus qui vivent la dégradation de la situation des familles logées dans les quartiers populaires posent des questions, proposent des solutions, comme le rappelait. Jack Ralite il y a deux semaines, lors du débat sur la prorogation de l'état d'urgence.
Quand M de Villepin s'inquiète du lieu où vont dormir des salariés devenus SDF, c'est qu'il n'a pas entendu ce que nous disons avec toutes les associations qui sont mobilisées sur le terrain. Il est inadmissible qu'un salarié ne puisse vivre dignement de son travail. Nous ne pouvons être simplement dans la gestion de l'urgence face à la misère ; il faut que toutes ces femmes, tous ces hommes, perçoivent un salaire décent.
Ce dont souffrent les populations qui ont été victimes de violences sur leurs biens, ou celles qu'accueillent les services publics, qui leur sont tant nécessaires, c'est d'un chômage dont il est de plus en plus difficile de sortir. Elles ont donc besoin de créations d'emplois, de possibilités de suivre une formation qualifiante rémunérée pour retrouver un emploi. Comme le disait ce matin le congrès départemental des maires d'Indre-et-Loire, nos collectivités ont besoin de plus d'État, particulièrement dans les domaines que je viens de citer.
Bien souvent, l'action menée au niveau communal, avec le soutien de l'intercommunalité, mais aussi celui du conseil général et du conseil régional, est décisive pour empêcher une dégradation plus grande des conditions de vie des familles populaires.
C'est ce fragile équilibre, c'est ce « pare-feu » que vous êtes en train d'attaquer en ne donnant pas aux collectivités les moyens de faire face aux besoins de leurs populations, en diminuant les ressources des associations : le gel, puis la suppression des crédits en 2005 en sont significatifs.
En transférant de nouvelles responsabilités aux conseils généraux, en particulier, et aux conseils régionaux, sans leur transférer les recettes nécessaires pour couvrir ces dépenses, vous créez les conditions pour qu'ils se replient sur les obligations que vous leur attribuez. Les collectivités ne sont plus capables de mener leur propre politique qui, bien souvent, assurait une solidarité entre les différents territoires qui les composent. C'est vrai dans le domaine de leur politique sociale, culturelle, sportive, mais aussi en termes d'aménagement du territoire.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Et la hausse de la DSU ?
Mme Marie-France Beaufils. Dans mon département, l'Indre-et-Loire, le conseil général constate que la partie non compensée de l'APA représente 14 millions d'euros sur 2004. Quant aux dépenses de RMI, je citerai le président du conseil général lui-même : « la compensation est très incomplète, tant dans ses principes que dans ses modalités concrètes ». Celui-ci s'inquiète également du « financement incertain » de la mise en oeuvre de la loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées.
En conclusion de son document d'orientation budgétaire, le conseil général d'Indre-et-Loire considère qu'il lui manquera 80 millions d'euros dans son budget pour 2006. Comment cela va-t-il se traduire sur le terrain ? Par la réduction des subventions aux communes et communautés, comme pour les associations ou les équipements. Par l'abandon des politiques spécifiques, pourtant appuyées par les électeurs qui les ont choisies, ou bien par le recours à l'augmentation de la fiscalité. Mais pas n'importe laquelle : celle concernant les ménages, puisque vous proposez, dans ce projet de loi de finances, de vous attaquer à la seule recette véritablement dynamique, la taxe professionnelle.
En la plafonnant à 3,5 % de la valeur ajoutée, vous figez des recettes qui sont pourtant utilisées pour répondre aux besoins des entreprises et des salariés : le réseau routier est construit et entretenu par les collectivités territoriales ; les services rendus aux salariés des entreprises à des coûts raisonnables contribuent à la bonne santé des salariés de ces entreprises.
Vous sollicitez fortement les collectivités de tous niveaux pour faire vivre les unités de recherche et de développement, et bien souvent au-dessus de ce que vous apportez. Il s'agit d'encourager la compétitivité économique, nous dit-on, mais ce sont quand même les collectivités qui sont les plus sollicitées.
Vous déclarez, dans la présentation de vos propositions, que vous voulez responsabiliser les élus, mais les élus ont démontré leur sens des responsabilités depuis bien longtemps. En fait, vous voulez que les collectivités territoriales consacrent les ressources que vous daignez leur concéder à mettre en oeuvre la politique que vous avez décidée. Nous ne serions sur le terrain que les relais des choix arrêtés par le Gouvernement.
Vous procédez à une véritable remise en cause de la démocratie et des choix des électeurs. Vous exigez que les collectivités territoriales contribuent à la réduction du déficit public de notre pays, mais en même temps vous présentez une loi de finances qui, en les étouffant, va contribuer à tarir une part des capacités de développement des activités économiques du bâtiment et des travaux publics.
Il est des réformes nécessaires pour permettre aux collectivités territoriales de faire face aux nouvelles exigences apparues sur nos territoires. C'est ainsi que le mode de calcul de la taxe professionnelle n'a pas suivi l'évolution de l'activité économique.
La taxe professionnelle, vous le savez, pèse plus sur l'industrie que sur les activités financières. C'est donc la base de la taxe professionnelle qu'il nous faut rénover.
Sur ce sujet, nous sommes amenés à présenter des propositions très mesurées. Nous vous suggérons de taxer à 0,5 % les actifs financiers et d'augmenter ainsi les recettes disponibles des collectivités territoriales. Cette mesure rapporterait 25 milliards d'euros puisque, selon les comptes de la nation pour 2003, ces actifs sont estimés à 5 000 milliards d'euros, contre 3 500 milliards d'euros en 2002. Elle serait plus pertinente que le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée qui, une fois de plus, va pénaliser les territoires les plus industrialisés. Pour une intercommunalité comme la communauté d'agglomération de Tours, on constate que c'est plus de la moitié des bases de la taxe professionnelle qui va être ainsi écrêtée, mettant en difficulté la communauté dans les années à venir.
Avec ce plafonnement, vous ajouterez une nouvelle inégalité dans l'organisation et l'aménagement du territoire. C'est cette même inégalité que vous creusez en supprimant les crédits destinés aux transports collectifs, dont on connaît le caractère indispensable pour de nombreuses banlieues éloignées des centres villes.
Messieurs les ministres, les habitants nous ont élus pour organiser la vie locale, répondre aux besoins de chaque instant de la vie. Nous ne sommes pas chargés de mettre en oeuvre les politiques définies par l'État en lieu et place de l'État !
La résolution finale du congrès de l'Association des maires de France ne dit pas autre chose : « Le congrès demande que la dotation globale de fonctionnement cesse d'être systématiquement sollicitée pour financer des mesures décidées par l'État ».
Les élus sont prêts à faire vivre la décentralisation, mais une décentralisation démocratique, de coopération, et non de compétition entre territoires. Cela suppose que les dotations de l'État assurent une meilleure péréquation, qu'il s'agisse de la DGF, de la DSU ou de la DSR, tenant mieux compte de la situation des habitants.
Au lieu de tout cela, vous bloquez les recettes les plus dynamiques de nos collectivités, vous entravez l'autonomie de celles-ci - vous avez pourtant inscrit ce principe dans la Constitution - et, dans le même temps, vous nous demandez de faire plus.
Ainsi, par vos choix, vous voulez que les collectivités assument des augmentations d'impôts, dont on sait qu'ils sont plus lourds pour les salaires les plus bas, ou vous leur imposez de réduire les services publics, ou encore de les externaliser.
Vous le savez bien, votre projet de loi de finances pour 2006 complète la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales. Comme le disait M. Devedjian, les habitants mécontents de leurs impôts viendront le dire devant les mairies et non plus devant les préfectures.
Non, décidément, ce projet de loi de finances n'est ni porteur d'avenir ni porteur d'espoir pour nos collectivités territoriales et leurs habitants. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Mercier.
M. Michel Mercier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, nous sommes appelés aujourd'hui à discuter des recettes des collectivités territoriales. Le président de la commission des finances, le rapporteur général et d'autres orateurs ont souligné que le Gouvernement, s'agissant du prélèvement sur recettes au profit des collectivités locales avait appliqué la loi. Je vous en donne acte, messieurs les ministres ! Vous avez même fait mieux en acceptant de poursuivre le contrat de solidarité et de croissance.
Ce constat fait, nous devons nous attacher à étudier la situation exacte des collectivités territoriales. Mme Gourault vous parlera des communes et de leurs groupements. Pour ma part, je souhaite attirer votre attention sur la situation des départements.
Où en sont ces collectivités après quelques années de décentralisation ? Les départements sont-ils encore des collectivités territoriales au sens de la Constitution ?
La révision de la Constitution, il y a peu de temps, avait constitué, en particulier pour nous qui représentons les collectivités territoriales, un moment d'espoir important.
M. le président. C'est vrai !
M. Michel Mercier. La réforme de l'article 72 était porteuse d'un véritable souffle. Mais qu'en est-il aujourd'hui ? Je voudrais vous faire part de mon inquiétude s'agissant des départements.
Cet article 72 dispose : « Dans les conditions prévues par la loi, ces collectivités s'administrent librement par des conseils élus et disposent d'un pouvoir réglementaire pour l'exercice de leurs compétences. » Or je crois que les départements n'ont plus la maîtrise de leurs compétences.
Sans procéder à une longue énumération, je reprendrai les principales actions - je n'ose pas dire « compétences » - que les départements doivent mettrent en oeuvre, conformément à la loi.
Tout d'abord, les départements n'ont aucune maîtrise de l'APA : c'est l'État qui fixe les normes, les grilles de calcul du handicap, les modalités d'application de ces grilles et le montant des allocations.
Ensuite, la gestion du RMI a été décentralisée en 2004 : là aussi, la compétence des départements avoisine zéro.
S'agissant, à partir du 1er janvier, de la mise en oeuvre de la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des handicapés, dans l'élaboration de laquelle notre assemblée a pris une large part, notre liberté d'action est également voisine de zéro, pour ne pas dire nulle.
Concernant les services départementaux d'incendie et de secours, nous n'avons, là encore, aucune marge de manoeuvre.
Heureusement, pour les transferts routiers, le ministère a inventé un nouveau système : l'argent de l'État pour les routes qui demeurent de sa compétence ; les départements désormais libres de financer les routes transférées. Voilà enfin une vraie liberté !
En fait, ce serait une vraie liberté, messieurs les ministres délégués, si les départements avaient la maîtrise des recettes dont ils disposent. Or, si l'on examine la situation sur quelques années - ce qui montre que la responsabilité est largement partagée -, on s'aperçoit que, petit à petit, les départements ont perdu la maîtrise de tous leurs impôts, à l' exception de deux d'entre eux. Et, cette année, le mouvement va se poursuivre.
Je voudrais simplement les rappeler.
La vignette, dont le montant ne pouvait plus être modifié, on la supprime. D'ailleurs, autant la supprimer, car plus personne ne la payait et il n'y avait personne pour contrôler. Ce sera au moins un avantage si l'on peut désormais économiser quelques postes de fonctionnaires.
Concernant les droits de mutation à titre onéreux, dont vous nous parlez si souvent, monsieur le ministre délégué,...
M. Michel Mercier. ...pourvu que ça dure, comme dirait le rapporteur général du budget, qui nous annonce que cela va bientôt s'arrêter. Mais, en attendant, on n'a plus le droit de modifier le taux de ces droits de mutation.
M. Louis de Broissia. Absolument !
M. Michel Mercier. S'agissant des participations de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, les décisions sont prises par le conseil de la caisse, le Parlement n'a donc aucune possibilité de les modifier.
Concernant la participation de l'État aux dépenses des personnes âgées ou des personnes handicapées, le Parlement ni même le Gouvernement n'ont beaucoup de pouvoir.
Pour ce qui est de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, nous n'avons la possibilité d'en modifier ni l'assiette ni le taux.
Concernant la taxe sur les conventions d'assurances, nous allons décider qu'il en ira de même, comme nous allons décider de plafonner la taxe professionnelle.
Finalement, la taxe d'habitation et le foncier bâti sont les deux ressources fiscales sur lesquelles les départements ont encore une certaine liberté.
Comment les départements peuvent-ils faire face, avec si peu de moyens et autant d'encadrement ? Ils sont prêts à faire leur travail mais ont besoin d'abord qu'on leur fasse confiance, qu'on cesse de leur dire à tout instant comment ils doivent faire et ce qu'ils doivent faire.
Messieurs les ministres délégués, que vous ne donniez pas plus d'argent, on peut le comprendre, vous n'en avez pas. Mais il faut que vous laissiez plus de latitude.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Moins de réglementation, moins d'administration de l'État !
M. Michel Mercier. Il n'était pas nécessaire d'inscrire dans la Constitution que les collectivités locales ont un pouvoir réglementaire si vous supprimez toute possibilité à cet égard. Vous nous avez beaucoup parlé de la responsabilité des élus. Vous avez peut-être raison, mais c'est quoi, la responsabilité pour des élus qui n'ont pas plus la liberté de lever l'impôt que de fixer la dépense ? Je crois donc qu'il doit y avoir, à côté de la responsabilité des élus, une responsabilité de l'État.
Vous seriez d'ailleurs bien inspirés, messieurs les ministres délégués, de décider, par exemple pour un an, que l'État n'imposera pas de dépenses supplémentaires aux collectivités. Ce serait bien, car cette responsabilité que vous prônez, vous commenceriez à l'exiger de vous-même, ce qui est toujours très bien, avant de l'exiger des autres, ce qui n'est pas mal non plus ! (Sourires.)
Hélas, vous décidez des dépenses nouvelles, et vous allez encore le faire dans quelques jours, puisque, au 1er janvier 2006, toutes les dépenses sociales à la charge des départements vont augmenter. Cela se fait tous les ans, on ne dérogera pas à la règle, et il n'y aura aucune recette en contrepartie.
Pour que la confiance renaisse, un minimum de cohérence est en outre nécessaire. Je prendrai un exemple tout simple, qui nous est fourni par l'actualité. M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général ont beaucoup travaillé pour essayer de rendre plus dynamiques les dépenses de l'État en faveur des collectivités locales, avec la création d'un fonds de dynamisation de l'insertion, qui me semble le bienvenu. Cependant, à l'Assemblée nationale, on vote, à l'heure actuelle, une disposition aux termes de laquelle les départements devront obligatoirement financer, lorsqu'une personne retrouve un emploi, une prime exceptionnelle, pendant six mois, d'un montant de 250 euros.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pas possible !
M. Philippe Marini, rapporteur général. De quel texte s'agit-il ?
M. Michel Mercier. Du texte qui est examiné en ce moment même à l'Assemblée nationale et dont le rapporteur est M. Wauquiez, c'est-à-dire le projet de loi relatif au retour à l'emploi. Je souhaiterais, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, que vous fassiez masse de votre amendement et de la loi qui est en train d'être votée au Palais-Bourbon...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Encore une loi conjoncturelle et d'affichage !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Encore un effet d'annonce !
M. Michel Mercier. ...pour voir si, au bout du compte, il y aura pour les départements un mieux ou un moins.
Messieurs les ministres délégués, nous avons besoin d'y voir clair, nous avons besoin de cohérence dans l'action.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Michel Mercier. Ce n'est qu'à cette condition que l'on pourra parler de la responsabilité des élus.
Pour conclure, je dirais que nous attendons une vraie conférence des finances locales où tout pourra être dit, où tout pourra être mis sur la table, afin que l'on puisse repartir du bon pied.
On a essayé bien des formules. Transférer des impôts ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Non !
M. Michel Mercier. Mais il n'y en a plus à transférer ! Transférer des morceaux d'impôt ?
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. J'ai évité le pire hier soir !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Non !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pas d'amalgame, monsieur le ministre délégué.
M. Michel Mercier. Hélas, cela ne fonctionne pas, car ceux qui transfèrent les morceaux d'impôts sont aussi ceux qui fixent le montant des dépenses, mais sans parfaite cohérence entre les deux.
Si l'on ne veut pas faire tout financer par la taxe d'habitation, qui, chacun le reconnaît, est injuste,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Sauf pour l'État !
M. Michel Mercier. ...peut-être faut-il simplement en revenir aux vieilles recettes. La République avait su inventer les centimes additionnels. Pourquoi ne pas envisager, pour les départements, des centimes additionnels sur la CSG ? En tout cas, je souhaite au moins que nous puissions en débattre lors de cette conférence des finances locales.
Messieurs les ministres délégués, j'ai souhaité attirer votre attention sur la situation des départements, car elle est grave. Les départements sont en effet coincés entre une absence de compétence fiscale et une obligation de dépense sociale. Vous ne pouvez pas les laisser dans cet état si vous croyez vous-mêmes à la décentralisation ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF ainsi que sur certaines travées de l'UMP, du RDSE et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.
M. Jean-Claude Frécon. Messieurs les ministres délégués, ce débat sur les recettes de nos collectivités territoriales a lieu juste une semaine après le congrès de l'Association des maires de France, auquel vous avez participé, comme de nombreux collègues ici présents.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Et j'en garde un excellent souvenir !
M. Jean-Claude Frécon. Et, pendant ces trois jours, il a beaucoup été question, à la tribune mais aussi dans les couloirs ou les allées, du projet de loi de finances déjà amendé par l'Assemblée nationale. Monsieur Copé, vous avez peut-être apprécié ce congrès, mais, à ce que j'ai entendu de la part de nombreux maires, je suis certain que vos oreilles ont dû siffler, car vous avez été souvent sur la sellette !
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Mais j'ai su me défendre, et vous pouvez en témoigner !
M. Jean-Claude Frécon. Ces débats nous les avons eus, toutes tendances politiques réunies. Les maires qui se sont exprimés, à la tribune ou dans les couloirs, c'étaient des maires de communes rurales, des maires de petites villes, des maires de villes moyennes, des maires de grandes villes, des présidents de communautés de communes, de communautés d'agglomération, de communautés urbaines. Tous ont exprimé, comme leurs associations respectives, une grave inquiétude sur le projet de loi de finances.
Je commencerai par les deux points positifs que j'ai relevés, car, comme ils sont un peu exceptionnels, ils méritent une certaine priorité dans mon propos.
Le premier, c'est la reconduction du contrat de croissance et de solidarité, même si nous avons entendu beaucoup de maires nous rappeler que ce contrat avait été prévu au départ, sur demande de l'Association des maires de France, pour permettre une lisibilité à deux ou trois ans. Il n'est plus question de lisibilité puisque le contrat est reconduit d'année en année. Cela nous gêne dans la gestion de nos collectivités respectives, car nous apprécions pouvoir faire un peu de prospective et savoir où nous allons.
Nous avions envisagé que ce contrat de croissance et de solidarité puisse avoir une certaine progressivité. Rappelons-nous que, lors de sa mise en place, il prenait comme référence 15 % du PIB, puis 25 % l'année suivante et 33 % l'année d'après. L'objectif affiché par l'Association des maires de France était d'arriver un jour à 50 %.
M. Gérard Delfau. Eh oui !
M. Jean-Claude Frécon. Depuis maintenant cinq ans, donc sous des gouvernements différents, nous sommes bloqués à 33 %. Nous espérons un jour pouvoir faire quelques pas supplémentaires en direction des 50 %.
Le second point positif, c'est la réforme du FCTVA, le fonds de compensation pour la TVA. Nous apprécions qu'une clarification soit intervenue au sujet de ce remboursement de la TVA aux collectivités locales. En effet, on le sait, ce problème suscitait de très nombreuses réclamations, lesquelles n'étaient pas toujours traitées de la même façon. Or, forts de principes républicains, nous préférons de beaucoup une règle bien établie à des dérogations accordées à tel et pas à tel autre.
J'en viens aux points plus négatifs. J'en aborderai trois.
Le premier - je l'évoquerai rapidement, même s'il est essentiel, car de nombreux collègues, et sur toutes les travées, en ont parlé -, c'est l'autonomie financière de nos collectivités territoriales.
L'autonomie financière des collectivités locales est un principe constitutionnel qui avait suscité un grand débat il y a deux ans ; j'étais de ceux qui avaient alors exprimé quelques inquiétudes. Quelle conclusion tirer aujourd'hui ? En tout cas, sachez que chez l'ensemble des élus locaux, il y a un grand doute, pour ne pas dire un certain scepticisme, et même parfois des sourires crispés, lorsqu'on leur parle de l'autonomie financière des collectivités locales. Mon collègue François Marc a largement développé cet aspect, et je m'associe à ses propos.
Le deuxième point négatif, c'est la taxe foncière sur le foncier non bâti. Je m'associerai, avec l'ensemble de mon groupe, à ce qu'a dit tout à l'heure le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis. Vous ne nous avez pas convaincus, messieurs les ministres délégués, ...
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Attendez, nous n'avons pas encore parlé !
M. Jean-Claude Frécon. ... je veux dire que la proposition qui figure dans le budget et qui concerne l'allégement du foncier non bâti pour la profession agricole ne nous a pas convaincus.
La profession agricole peut avoir des revendications, et des plus légitimes, comme a pu le constater le groupe de travail de notre commission des finances qui a reçu, au cours du dernier semestre, une douzaine d'organismes oeuvrant dans les domaines agricole et rural. Or seule la fédération nationale des syndicats d'exploitants nous a dit être intéressée par le dispositif que vous proposez. Tous les autres, sans exception, nous ont fait part de leur grande réserve, voire de leur désapprobation.
Donc, nous nous associons totalement à ce que disait le président Arthuis tout à l'heure. Ce projet n'est pas convaincant, d'autant moins qu'il prévoit simplement une compensation alors que nous souhaiterions, pour les communes, un dégrèvement sur les taux réactualisés. Cela étant, la meilleure solution serait qu'il n'y ait pas du tout d'allégement.
Le troisième point, sur lequel je m'attarderai un peu, concerne la réforme de la taxe professionnelle. Si cette question n'est pas incluse dans la première partie du projet de loi de finances, elle a fait l'objet, la semaine dernière, de toutes les discussions au sein de l'Association des maires de France.
Messieurs les ministres délégués, nous ne pouvons accepter un tel manque à gagner pour les collectivités locales : il s'agit de 470 millions d'euros cette année et les sommes seront encore plus importantes les années suivantes.
En outre, cette réforme pénalise aveuglément les communes, au mépris du principe d'autonomie, nous en avons parlé tout à l'heure : même si une seule entreprise appartenant à un grand groupe est implantée sur une commune, la valeur ajoutée sera calculée sur l'ensemble du groupe. Et, si cette entreprise n'est pas concernée par le plafonnement, la commune sera tout de même plafonnée. Cette réforme manque donc totalement de lisibilité et de mesures prévisionnelles.
Enfin, messieurs les ministres délégués, rappelez-vous que nous vous réclamons des simulations sur ce sujet depuis la fin du moins de juin et qu'elles sont arrivées...
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Les simulations ? Mais elles sont arrivées !
M. Jean-Claude Frécon. ...il y a quinze jours.
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Du temps de M. Jospin, elles n'arrivaient jamais !
M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le ministre, c'est beaucoup trop facile de se dérober ainsi !
D'après les premières simulations réalisées, dans un département comme les Hauts-de-Seine, 30 % des entreprises seront plafonnées.
En revanche, dans d'autres départements industriels, ruraux, ou de montagne, on atteint des taux allant jusqu'à 70 % d'entreprises en situation d'être plafonnées. De quelle marge de manoeuvre disposeront les collectivités territoriales si 70% de leur principale recette est plafonnée ? Il leur faudra bien trouver à compenser ce manque à gagner sur le reste de la fiscalité !
Il y a donc là une mesure « pousse-au-crime », ...
Mme Nicole Bricq. Tiens !
M. Jean-Claude Frécon. ...et, pourtant, je suis sûr que ce n'était pas votre intention.
Mme Nicole Bricq. Pas nous !
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. C'est que M. Frécon m'aime bien, lui !
M. Jean-Claude Frécon. Messieurs les ministres délégués, nous ne pouvons pas vous suivre sur ce point.
Je citerai enfin l'intercommunalité à taxe professionnelle unique, qui est l'aspect essentiel de la réforme de la taxe professionnelle.
Depuis maintenant dix ans, tous les gouvernements qui se sont succédé ont encouragé l'intercommunalité à TPU. Or, désormais, la principale ressource de ces intercommunalités où vivent, tout de même, 60 % de la population française,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très juste !
M. Jean-Claude Frécon. ... sera bloquée.
M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !
M. Jean-Claude Frécon. Ces communautés seront donc obligées de recourir à la fiscalité mixte. Cela ne favorisera pas, vous le comprenez, la transparence, qui est pourtant absolument nécessaire.
Ma conclusion sera en forme de prière (murmures), encore que le mot ne soit peut-être pas approprié : messieurs les ministres délégués, écoutez les élus locaux de métropole et d'outre-mer, entendez la grande rumeur qui monte des territoires français ; les chiffres sont certes nécessaires, mais écoutez aussi la voix de nos territoires !
Mme Nicole Bricq. Des sous !
M. Jean-Claude Frécon. Si Paris vaut bien une messe, pour rester dans le même vocabulaire, notre territoire national vaut bien, au moins, la reconnaissance attentive et affective de l'État central. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. Amen !
M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Bonjour la laïcité !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quand on s'adresse à l'Aigle de Meaux...
(M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)