PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La parole est à Mme Marie-France Beaufils.

Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, le débat sur les prélèvements obligatoires n'est pas un débat de macroéconomie et de statistiques. C'est d'abord et avant tout un débat de société.

Nous vivons dans une société profondément marquée par les inégalités de revenus, de ressources et de patrimoine. Si l'égalité fait partie des valeurs de notre République, le Gouvernement s'est, quant à lui, lancé depuis 2002 dans une réforme de notre système fiscal, réforme d'une non négligeable, qui « casse » tout ce qui pouvait permettre de prendre en compte les plus fragiles.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !

Mme Marie-France Beaufils. Quelques lignes de force transparaissent dans cette réforme engagée depuis 2002 : allégement sensible de la contribution fiscale des entreprises, avec la suppression de la surtaxe de l'impôt sur les sociétés, les aménagements divers des modalités d'imposition des plus-values ou encore le plafonnement de la taxe professionnelle, proposé pour cette année ; allégement non moins sensible de la contribution des revenus et patrimoines les plus importants, ceux-ci étant les principaux bénéficiaires de la transformation du barème de l'impôt sur le revenu et des multiples mesures d'évasion fiscale.

Qu'il s'agisse de la fiscalité des donations, de celles des successions, de l'impôt de solidarité sur la fortune, de l'imposition des revenus mobiliers, ce sont les patrimoines les plus élevés et les revenus les plus importants qui ont tiré partie de l'essentiel des dispositions votées.

Cette série de mesures s'est accompagnée d'une consolidation des droits et impôts indirects, essentiellement subis par les ménages modestes.

Pour quel résultat ? La croissance se porte-t-elle mieux ? La création d'emplois est-elle au rendez-vous des initiatives prises ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Oui !

Mme Marie-France Beaufils. Vous savez bien que non !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est quand même pas négligeable, 100 000 emplois !

Mme Marie-France Beaufils. Que nous proposez-vous comme perspective ? Une modification de l'impôt sur le revenu. En fait, une atteinte à la conception progressive de cet impôt pour en faire, à terme, un impôt proportionnel ! C'est d'ailleurs une mesure que le rapporteur général appelle de ses voeux en estimant que l'intégration de la CSG dans l'impôt sur le revenu pourrait commencer à faire adopter la retenue proportionnelle plutôt que progressive sur le revenu.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je n'ai pas dit ça !

Mme Marie-France Beaufils. C'est du moins ce que j'ai compris en commission !

Vous écrivez dans votre rapport, monsieur le rapporteur général, que le niveau élevé des prélèvements obligatoires résulte du financement de services satisfaits ailleurs, souvent par l'initiative privée.

Vous exprimez ainsi clairement ce que je vous rappelais lors de l'examen du projet de loi de règlement : pour vous, la dépense publique est parée de tous les défauts, ou presque ! Vous voulez la réduire et vous proposez aussi d'en transférer, pour une part, le financement sur la TVA, comme pour les charges sociales. Vous allez même jusqu'à baptiser cette augmentation de la TVA du nom de « TVA sociale » ! Mais je laisse à mon collègue Guy Fischer le soin de revenir sur ce sujet.

Vous voulez nous faire croire que vos propositions sont indolores. Une fois de plus, elles consistent à faire peser un poids toujours plus lourd sur ceux qui ont le moins. Puis, non content, vous estimez nécessaire de réduire les services publics rendus à ces personnes qui, au regard de leurs revenus, n'auraient pas accès à de tels services s'ils n'étaient pas publics !

En mai dernier, les Français ont clairement exprimé leur volonté de voir la puissance publique jouer pleinement son rôle.

En condamnant l'intervention publique, en condamnant l'impôt progressif, vous vous attaquez à une conception de la société à laquelle la majorité des Français sont profondément attachés, ce que même le Premier ministre a reconnu - c'est du moins ce que j'ai cru comprendre - lors de sa première prestation télévisée depuis la rentrée, devant Arlette Chabot !

Au contraire, pour notre part, nous entendons redonner tout son sens à l'action publique, à une juste fiscalité des citoyens selon leurs revenus, à une juste fiscalité sur les sociétés et les revenus financiers, selon leur contribution au développement économique et à l'emploi.

C'est d'ailleurs en ayant à l'esprit cette conception que, dans le cadre de l'examen du projet de loi de finances, nous vous présenterons des propositions.

J'espère qu'un jour, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, nous pourrons également débattre d'une proposition de modernisation de la taxe professionnelle déposée voilà plusieurs mois par mon groupe sur le bureau du Sénat et qui vise justement à donner plus d'efficacité à cette imposition en termes d'emplois et de dynamique économique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes des parlementaires heureux !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est une divine surprise !

M. Jean-Jacques Jégou. Cette fois, j'ai préféré commencer ainsi, monsieur le ministre !

Nous sommes des parlementaires heureux de débattre sur les prélèvements obligatoires, contrairement aux députés qui, pour des raisons de calendrier, n'ont pu le faire.

M. Philippe Marini, rapporteur général. On est beaucoup mieux au Sénat ! (Sourires.)

M. Jean-Jacques Jégou. Certainement, monsieur le rapporteur général !

Nous allons donc pouvoir nous exprimer sur un sujet éminemment politique, peu de temps avant l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ce sujet est, à l'évidence, éminemment politique dans la mesure où étudier le niveau des prélèvements obligatoires revient à mesurer le poids de la fiscalité sur les forces vives de notre pays. Choisir d'en infléchir ou d'en augmenter le taux devrait répondre à une volonté politique, à un projet économique et à un objectif de compétitivité fiscale. Malheureusement, il ne répond plus qu'à la nécessité de couvrir les dépenses de l'Etat !

Qu'est-ce que cela signifie aujourd'hui ? A quelle situation devons-nous faire face ?

Pour 2005, le niveau des prélèvements obligatoires atteint 43,9 points de PIB. Pour 2006, si l'on accepte, messieurs les ministres, le taux de croissance optimiste de 2,25 % que vous avez retenu - et nous souhaitons tous que, dans l'intérêt du pays, ce taux soit finalement constaté -, il devrait atteindre 44 points de PIB, ce qui nous place dans le peloton de tête, si j'ose dire, des pays industrialisés.

Cette captation de notre richesse nationale devient tout simplement insupportable. Pourtant, de façon très surprenante, personne ne semble s'en émouvoir !

Rappelez-vous, monsieur le ministre délégué au budget, avec quelle force, lorsque nous étions dans l'opposition, nous dénoncions ensemble devant la commission des finances de l'Assemblée nationale les taux trop élevés et, surtout, leur augmentation !

Le débat d'aujourd'hui paraît bien feutré et insuffisant au regard de la progression constante des prélèvements depuis quatre ans, progression qui a absorbé plus de la moitié de la croissance de notre économie pendant cette même période.

Je souhaite maintenant revenir sur la structure des prélèvements obligatoires et l'analyser. Je rappelle que les prélèvements obligatoires représentent la somme des impôts et cotisations sociales reçus par les administrations publiques d'Etat, les collectivités locales et les institutions européennes, déduction faite des impôts et cotisations dus non recouvrés.

Les derniers chiffres que nous possédons aujourd'hui sont ceux de 2004. Cette année-là, le taux des prélèvements obligatoires s'élevait à 43,4 points de PIB. Sur ces 43,4 points, 20,5 points relevaient des organismes de sécurité sociale, 16,3 points de l'Etat, 5,3 points des collectivités locales, et seulement 0,3 point de l'Union européenne.

Ces taux sont élevés en valeur absolue comme en valeur relative. La France continue en effet à enregistrer un niveau de prélèvements obligatoires supérieur à celui de ses partenaires européens ou de l'ensemble des pays de l'OCDE. Ce n'est toutefois pas, ici, le niveau de la dépense publique qui est condamnable, c'est son inefficacité.

Dans des pays comme la Suède ou le Danemark, le poids des prélèvements obligatoires dans la richesse nationale est plus important qu'en France. L'efficacité des systèmes de protection sociale de ces deux pays y rend toutefois ces dépenses acceptables, d'autant que les salaires y sont plus élevés et les taux de chômage plus faibles.

Avec cette notion de l'efficacité des prélèvements obligatoires, nous touchons le coeur du problème. Si l'on s'intéresse à la partie « Etat » de ces prélèvements - 16,3 % du PIB -, on ne peut s'exonérer d'un débat de fond sur l'efficacité de la dépense publique. Rappelons que notre budget connaît toujours un déficit primaire important. Bien que ce dernier, il faut le reconnaître, ait été réduit cette année, les dépenses des administrations publiques s'élèvent tout de même à 53,5 milliards d'euros, pour des recettes limitées à 49,8 milliards d'euros. Il est évident que ces administrations ne peuvent pas continuer à dépenser 20 % de plus que les recettes dont elles disposent.

D'une façon plus générale, c'est bien tout le système de dépenses des administrations publiques qu'il conviendrait de réformer. Vous l'avez dit tout à l'heure, monsieur le ministre, nous sommes tous conscients du fait que les tâches de l'Etat ont changé et que d'importants gains de productivité sont à accomplir.

Alors qu'un important mouvement de départs en retraite se dessine à partir de 2005-2006, n'est-ce pas le moment de redéfinir clairement les besoins de la fonction publique et de redéployer celle-ci, en s'appuyant sur cet outil de gestion rationnel qu'est la LOLF, si tant est qu'on y prête une attention suffisante ?

La question de l'efficacité de la dépense publique doit également être posée en ce qui concerne les prélèvements sociaux ; il en a été largement question. Quand on constate que ces prélèvements constituent la plus grande partie des prélèvements obligatoires - ils en représenteront même plus de la moitié en 2006, soit une hausse de plus d'un point de PIB entre 2005 et 2006 -, on peut carrément parler d'une fuite en avant des dépenses sociales, que les dispositions de la loi portant réforme des retraites ou de la loi relative à l'assurance maladie n'ont guère réussi à maîtriser.

Monsieur le ministre, je suis désolé de vous contrarier, mais je ne crois pas que le chemin qui a été parcouru avec la loi portant réforme des retraites soit suffisant ; nous n'avons fait qu'une partie du chemin ! En tout cas, s'agissant de l'assurance maladie, on n'a toujours pas réussi à maîtriser les dépenses, même si les chiffres de fin d'année sont encourageants, et j'en suis heureux.

Notre système de santé appelle d'indispensables et profondes réformes de structure pour faire face au problème de financement que connaît actuellement la sécurité sociale, et qui concerne désormais toutes ses branches, y compris maintenant la branche vieillesse ; on semble découvrir la fuite en avant et le départ à la retraite de la génération du baby-boom..

Les prélèvements sociaux ne sont plus en mesure de répondre aux besoins des Français, lesquels continueront de progresser avec l'allongement de la durée de la vie et l'amélioration de l'efficacité des soins, ces derniers devenant de plus en plus onéreux. Je ne reviendrai pas sur le débat qui a eu lieu tout à l'heure avec M. Vasselle, qui est à la recherche, semble-t-il, de recettes dynamiques. Je pense qu'il faudrait plutôt s'intéresser à la maîtrise des dépenses hospitalières, où il existe certainement des marges de manoeuvre.

Monsieur le ministre, le ministère de la santé lui-même fixe à plus 40 % le coût d'une opération équivalente entre l'hospitalisation publique et l'hospitalisation privée. Nous connaissons effectivement quelques raisons des dépenses indues payées par la sécurité sociale en matière de recherche, d'enseignement, mais peut-être conviendrait-il aussi de revoir le fonctionnement traditionnel de l'hôpital public.

La dépense publique n'est plus maîtrisée en matière sociale, je viens de le dire. Il serait temps de chercher de véritables solutions et d'arrêter d'avoir recours à d'inventifs montages d'ingénierie financière ; on l'a bien vu - le rapporteur général et le président de la commission des finances y ont fait allusion - avec ce que l'on a appelé « l'inventaire à la Prévert », qui est tout de même quelque chose d'assez inventif. Nous aurons l'occasion d'en reparler avec vos collègues, monsieur le ministre, lors de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Ayant dressé un tableau un peu catastrophique, j'en suis désolé, mais réaliste de la situation, dans un esprit constructif, puisqu'on le demande souvent à notre famille politique, je vais tenter d'aborder un certain nombre de propositions, qui se recouperont d'ailleurs avec celles qui ont été faites jusqu'à présent par un certain nombre de nos collègues, et singulièrement par le président de la commission des finances.

En premier lieu, on doit se pencher sur une réforme en profondeur de notre système fiscal, notamment de la fiscalité directe, dont l'efficacité et la légitimité se sont peu à peu égarées dans une forêt de niches fiscales faisant croire, par l'illusion des taux nominaux, que nous avions le système le moins compétitif de tous les pays de l'OCDE.

Cela nous permettrait, comme le préconise le Conseil d'analyse économique dans le rapport de MM. Saint-Etienne et Le Cacheux, de passer d'un système reposant sur des bases étroites et des taux élevés à un système reposant sur des bases larges et des taux faibles.

Derrière ce volet technique, une réflexion de fond doit être menée. Je le répète, et nous le répétons souvent au groupe Union centriste-UDF, arrêtons de faire peser sur la production tout notre système de protection sociale. En effet, si accidents du travail, assurance chômage et, dans une certaine mesure, assurance vieillesse relèvent de la taxation des entreprises et des salariés puisqu'ils y sont directement liés, en revanche, maladie et famille - je reprends là ce que nous a dit le président Jean Arthuis - doivent relever de la solidarité nationale. Aujourd'hui, tout repose sur le travail. Or n'est-ce pas une contradiction au moment où celui-ci devient rare et cher ?

C'est dans ce contexte que l'UDF souhaite explorer le principe de la TVA sociale. Ce sujet mérite qu'on y réfléchisse, car il a l'avantage de faire contribuer les importations à la protection sociale des pays qui pratiquent le dumping social.

Je tiens à rappeler au passage qu'aujourd'hui un point de TVA correspond grosso modo à 5,5 milliards d'euros de recettes.

Sur ce point, j'ouvrirai ici une parenthèse concernant l'inventaire à la Prévert dont je parlais tout à l'heure, et qui vise à trouver de nouvelles recettes pour le financement de la sécurité sociale.

Au premier rang de cet inventaire, on retrouve la taxe sur les salaires, ce qui revient à la pérenniser. Tout à l'heure, vous avez dit, monsieur le ministre délégué au budget, que le premier contributeur était l'hôpital. Nous brocardons d'ailleurs d'autres secteurs qui en bénéficient, si j'ose dire : la banque et l'assurance. Vous qui êtes un élu d'Ile-de-France, vous savez combien d'emplois ces secteurs représentent dans notre région ; c'est largement supérieur à l'industrie automobile, et il est important qu'ils ne souffrent pas de distorsion de concurrence par rapport aux autres pays européens.

De la même façon, mais c'est un autre sujet, comment voulez-vous donner confiance au secteur financier français, dont dépend l'équilibre de nos finances publiques, alors que vous effectuez un « casse » - pardonnez le mot - sur le fonds de garantie de l'accession sociale, le FGAS, ou sur les plans d'épargne logement ? Là aussi, nous aurons l'occasion d'en rediscuter.

Monsieur le ministre, c'est dans ce contexte, avec toutes les interrogations mais aussi les solutions que nous venons de vous livrer, que nous comptons aborder l'examen du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Nous serons à votre écoute ; j'espère que vous serez à la nôtre. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Angels.

M. Bernard Angels. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les débats nationaux et les comparaisons internationales sur le niveau des prélèvements obligatoires ont, dans une certaine mesure, un caractère irréel.

La signification même du concept des prélèvements obligatoires, qui polarise pourtant l'attention du grand public, des investisseurs, et sur lequel la classe politique passe une partie de son temps à débattre, est loin de recueillir un consensus. Reconnaissons que, dans son aspect purement comptable, il interdit de mesurer les contraintes réelles qui pèsent sur l'utilisation du revenu des agents économiques, alors même que c'est le sens qu'on lui prête habituellement.

Chacun sait que, dans les systèmes où les prélèvements obligatoires sont faibles, les agents économiques connaissent d'autres contraintes. Ils sont obligés, dans les faits, d'allouer une partie de leur revenu à des dépenses couvertes par les prélèvements obligatoires dans les pays où ceux-ci sont plus élevés. S'ils en ont les moyens, tant mieux pour eux. Si tel n'est pas le cas, ils sont alors obligés de se passer des biens et services que les prélèvements obligatoires ne financent pas.

Inversement, si les prélèvements obligatoires n'ont pas de contreparties directes, ils ont bel et bien des contreparties indirectes en termes de services publics ou de transferts de revenu dont l'utilité économique et sociale devrait être le véritable objet du débat public.

C'est pourquoi notre débat sur le taux global des prélèvements obligatoires devrait avant tout porter sur les différents modèles possibles d'intervention publique dans le champ de l'économie et du social.

Cette question une fois traitée, je souhaiterais, dans un deuxième temps, discuter de l'opportunité économique et sociale des choix entrepris par votre majorité pour structurer les prélèvements obligatoires.

Au risque de vous surprendre, je dois reconnaître que, malgré les petites tentatives malheureuses, et sans doute malgré de grosses tentations, monsieur le rapporteur général, le rapport sur les prélèvements obligatoires déposé par le Gouvernement témoigne plus de la continuité des grandes options sur la place de l'intervention publique que d'une quelconque rupture.

Manifestement, ce choix crée un malaise dans votre majorité gouvernementale en proie à des contradictions insurmontables.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oh !

M. Bernard Angels. En guise de rideau de fumée, la majorité gouvernementale a intenté aux collectivités locales le mauvais procès, auquel votre rapport sur les prélèvements obligatoires fait écho, d'augmenter leur fiscalité. Or les choix opérés en ce domaine par les collectivités locales sont responsables, puisque celles-ci ne recourent pas, comme le Gouvernement, aux facilités du déficit systématique, et assumés, puisqu'il s'agit de financer une forte demande de services publics dont l'Etat se désengage ; je n'insisterai pas, car mon collègue Jean-Claude Frécon parlera tout à l'heure de ces problèmes concernant les collectivités locales.

Vous feriez mieux de trouver votre propre voie et de clarifier les choix que vous entendez proposer aux Français. Entre l'engagement de l'UMP de baisser de 6 points de PIB le taux des prélèvements obligatoires, ce qui implique de réduire les dépenses publiques de 9 points de PIB, et les réalisations du Gouvernement ainsi que ses annonces, où est la cohérence ? Il y a un gouffre, lequel est présent au sein de la majorité sénatoriale !

M. Bernard Angels. Entre les propos du président de l'UMP, auxquels le rapporteur général de la commission des finances apporte souvent son soutien, et les positions de cette même commission, quel décalage !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vraiment ! Cela commence à faire beaucoup !

M. Bernard Angels. Je ne peux m'empêcher de citer l'excellent propos du président Jean Arthuis, relatant les conclusions qu'il a tirées d'un récent déplacement au Danemark, effectué d'ailleurs avec vous, monsieur le rapporteur général, dans le rapport sur la mondialisation : « Ce dernier exemple » - celui du Danemark - « est particulièrement intéressant, selon votre commission des finances. Il montre que des pays européens, où le coût du travail est élevé, le poids des prélèvements important, peuvent réussir leur adaptation à la globalisation de l'économie, sans " nivellement par le bas ", à condition que des réformes structurelles déterminées soient réalisées. »

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Bernard Angels. Dès lors, sans partager pleinement la foi du président de notre commission des finances, M. Jean Arthuis, dans un modèle danois qui ne me paraît pas entièrement exportable, on peut être tenté de dresser un premier bilan des crédibilités en présence au sein de la majorité gouvernementale.

Mais, je vous laisse cette tâche,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous nous expliquerez comment cela se passe au parti socialiste !

M. Jacques Blanc. M. Strauss-Kahn veut augmenter la TVA !

M. Bernard Angels. ... et je vous rassure tout de suite : le projet socialiste ne consiste pas à porter les prélèvements obligatoires au niveau exceptionnel atteint au Danemark, le deuxième après la Suède en Europe.

Il nous faut malheureusement observer que, si la situation danoise permet de relativiser les contraintes dues à la concurrence fiscale, elle n'ôte pas toute pertinence aux questions que suscite cette dernière.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, le référendum sur la Constitution européenne a reflété le désarroi d'une majorité des votants face à une Europe impuissante à exprimer autre chose qu'un projet monétariste essentiellement libéral dans lequel même les Etats s'évertuent à se concurrencer.

M. Bernard Angels. Certes, la concurrence ne doit pas être récusée systématiquement. Toutefois, lorsqu'elle n'est pas soutenable ou qu'elle contredit les objectifs mêmes d'un projet communautaire, comme c'est le cas avec la construction européenne, elle devient condamnable.

La compétition fiscale à laquelle se livrent les Etats européens pose, de ce point de vue, un problème politique aussi aigu que fondamental.

Les propositions ambitieuses d'harmonisation ont toutes, jusqu'à présent, échoué. Ce n'est d'ailleurs pas une raison, monsieur le ministre, pour abandonner ce combat ! Mais pouvez-vous nous dire ce qu'a fait votre gouvernement en ce sens ?

Les régulations a minima, telles que le démantèlement des pratiques fiscales déloyales, sont-elles surveillées ? Où en sommes-nous sur ce plan ?

Non seulement le pacte de stabilité et de croissance, mais aussi le dessein légitime d'éviter des pratiques franchement non coopératives dans une Union européenne marquée par l'interdépendance entre les Etats ainsi que l'ambition de faire prévaloir l'intérêt général, devraient déboucher sur une surveillance systématique des politiques fiscales.

La souveraineté fiscale que défendent les partisans de l'unanimité n'empêche pas d'instaurer un cadre dans lequel le jugement des pairs sur l'ensemble des caractéristiques des systèmes fiscaux nationaux pourrait s'exprimer ! Un pacte européen de surveillance fiscale reste donc à écrire.

Un statut fiscal trop inégal, fondé sur des bases mobiles, n'est pas tenable en Europe, du moins dans les pays à développement et dimension comparables.

Le Gouvernement a-t-il entrepris les démarches indispensables en vue d'une harmonisation de l'impôt sur les sociétés ? N'est-il pas temps de faire en sorte que cet impôt soit affecté à un budget européen redimensionné afin, d'une part, de pouvoir jouer le rôle contracyclique qu'il n'a pas aujourd'hui et, d'autre part, de financer les bases d'une Europe compétitive, celle de l'agenda de Lisbonne ?

Enfin, l'Europe ne devrait-elle pas s'attacher mieux qu'elle ne le fait aujourd'hui à engager ses partenaires de l'OCDE dans la lutte contre les Etats voyous, relais d'une évasion et d'une fraude fiscales qui minent les Etats de droit ?

J'en viens maintenant à l'action du Gouvernement sur le plan national concernant les prélèvements et leur évolution.

En matière de prélèvements obligatoires, cela a déjà été dit, nous devons penser en termes d'efficacité et de justice.

Pour ce qui est de l'efficacité, celle-ci commande d'adapter les prélèvements aux exigences d'une bonne politique financière ainsi qu'à l'impératif de mise en place d'un système d'incitation performant.

Or, sur le premier point, votre échec est patent, monsieur le ministre !

M. Bernard Angels. En effet, incapables de tenir vos objectifs en matière de dépense publique, vous avez laissé filer le déficit et la dette. Plus grave encore, ce déficit a été subi et n'apporte donc, par conséquent, aucun soutien à l'activité. C'est là l'un des principaux échecs de cette législature.

M. Jacques Blanc. Avec les socialistes, le déficit était volontaire !

M. Bernard Angels. Quant à la structure des prélèvements obligatoires, elle a été déformée, suivant en cela des orientations inadaptées aux exigences du moment.

Le Gouvernement a réduit l'impôt sur le revenu, ce qui, soit dit en passant, ne nous rapproche pas du modèle danois, qui paraît tant vous séduire ! Ce faisant, il a favorisé les catégories sociales dont la propension à consommer est la plus faible, alors que la plupart des ménages ont des besoins de consommation qu'ils ne peuvent satisfaire.

S'agissant de l'aménagement de la prime pour l'emploi, il pourrait être porté à votre crédit s'il n'intervenait pas dans un contexte d'abandon des politiques de croissance et de précarisation du salariat.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Qu'entendez-vous par « précarisation du salariat » ?

M. Bernard Angels. Par ailleurs, le transfert vers les ménages ainsi opéré est particulièrement modeste si nous le comparons avec les mesures antiredistributives qui ont été prises par ailleurs.

Quant à la prime pour l'emploi, la PPE, elle devrait coûter un milliard d'euros au budget, alors que la réforme du barème de l'impôt sur le revenu atteint 3,6 milliards d'euros ; au demeurant, cette réforme profitera pleinement aux ménages qui perçoivent des revenus moyens supérieurs, voire très élevés.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mais non, c'est le contraire !

M. Bernard Angels. Vous semblez mettre en doute les chiffres que j'avance, monsieur le ministre. Aussi, écoutez bien ce qui suit : un couple avec deux enfants touchant 36 000 euros de revenus annuels ne bénéficie que d'une réduction de 7,03 %, là où un même couple, toujours avec deux enfants mais gagnant cette fois 180 000 euros par an, voit sa facture allégée de 13,7 %. Ces chiffres se passent, selon moi, de tout commentaire !

M. Guy Fischer. Voilà la réalité, en effet !

M. Bernard Angels. Ainsi, inefficace économiquement, votre prétendue réforme fiscale ne fait que prolonger le mouvement vers une flat tax,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous sommes en plein roman !

M. Bernard Angels. ... vers l'abandon de la solidarité fiscale et d'une certaine idée de la justice sociale mise en avant dans les promesses démagogiques des temps de campagne électorale.

Les Français doivent savoir combien cette mesure, précipitée par le calendrier électoral interne à la majorité gouvernementale, constitue un affront à la solidarité fiscale !

Vous prétendez que ce cadeau fiscal n'empêchera pas le pays de réduire les déficits. Mais alors, il vous faudra tailler dans les dépenses publiques, et la redistribution n'y trouvera pas son compte, ou bien vous devrez solliciter d'autres prélèvements qui, par définition, seront moins progressifs.

Par ailleurs, monsieur le ministre, pourquoi n'écouteriez-vous pas les suggestions selon lesquelles il serait bon d'augmenter les impôts indirects, notamment la TVA ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Dois-je comprendre que vous souhaitez une augmentation de la TVA ?

M. Bernard Angels. Si vous agissiez ainsi, vous auriez tort, car une telle mesure serait tout à la fois injuste socialement parlant, pénalisante pour le pouvoir d'achat et la consommation et - je le dis car cela est important - choquante au regard de l'impératif de coopération fiscale en Europe.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Dites-le à M. Strauss-Kahn !

M. Bernard Angels. Peut-être songez-vous encore à augmenter la contribution sociale généralisée, la CSG, comme vous l'avez déjà fait ? Mais alors l'imposture de la réforme de l'impôt sur le revenu apparaîtra au grand jour et nous pourrons ainsi revenir, d'une part, sur les raisons qui vous ont fait manquer l'occasion de fusionner la CSG et l'impôt sur le revenu et, d'autre part, sur celles pour lesquelles nous souhaitons, nous socialistes, emprunter la voie réaliste et solidaire que j'ai tracée ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc.

M. Jacques Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat qui nous occupe est quelque peu surréaliste compte tenu, notamment, de l'heure tardive. Et pourtant, il est essentiel et fait honneur au Sénat grâce à la qualité de toutes les interventions, notamment celles de M. le ministre, du président de la commission des finances et du rapporteur général, ainsi que celles du président et du rapporteur de la commission des affaires sociales.

Si l'on se souvient du débat de l'année dernière, on constate qu'il a permis à un certain nombre de propositions de cheminer.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !

M. Jacques Blanc. Quant à la confrontation d'idées entre la commission des finances et la commission des affaires sociales à laquelle nous avions assisté à l'époque, et qui n'était d'ailleurs pas sans intérêt, nous nous apercevons qu'elle tend à s'estomper.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Jacques Blanc. Pour ma part, je suis fier et heureux de pouvoir m'exprimer ici au nom du groupe UMP, au sein duquel une discussion a lieu sur ce qui, en fait, constitue d'abord une vraie question politique. En effet, le niveau des prélèvements obligatoires détermine la nature même de nos choix politiques.

Ce que veut notre groupe, c'est l'équité, la justice et l'efficacité.

Or nous savons que, si le taux des prélèvements obligatoires dépasse un certain seuil, cela revient à tomber d'un système dans l'autre, alors que, précisément, notre objectif est de promouvoir la solidarité et de mettre en oeuvre une véritable action en faveur des plus démunis : je pense, en particulier, aux handicapés, à tous ceux qui connaissent les plus grandes difficultés.

Cela étant dit, nous souhaitons aussi que ceux qui se retroussent les manches, qui se battent pour créer de la richesse et de l'emploi ne soient pas découragés dans leurs initiatives personnelles.

C'est donc bien à un équilibre entre ces deux perspectives qu'il nous faut parvenir.

En réalité, un tel débat nous permet de progresser quant aux réponses à apporter aux interrogations légitimes que peuvent se poser les uns et les autres.

Il est vrai que nous sommes confrontés à des situations complexes où il faut compter sur le passé, en fait sur l'héritage, et sur l'avenir.

Bien entendu, chacun s'accorde à dire qu'il faut diminuer la dépense afin de pouvoir respecter un certain nombre de critères. Mais pas n'importe quelle dépense !

A cet égard, j'ai présidé cette semaine deux conseils d'administration d'associations importantes qui accueillent des grands handicapés ; en effet, en tant que médecin exerçant au sein de ces associations, je connais bien les problèmes réels qui se posent. Or que s'est-il passé ? Quelles sont les propositions qui nous ont été faites ? Eh bien, il a été prévu de procéder à des augmentations qui vont s'échelonner entre 5 % et 10 % des prix de journée, dont certains seront pris en charge par la sécurité sociale et d'autres par l'aide sociale, c'est-à-dire par les départements.

Comment expliquer une telle situation ? La réponse se trouve dans le cadre des lois Aubry, quand des compensations avaient été décidées qui, aujourd'hui, ne sont plus valables. Il nous faut donc payer l'addition des erreurs des 35 heures !

Dans les établissements dont je viens de parler, il n'existe pas d'autre réponse que l'augmentation des prix de journée, à la charge ou des collectivités ou des travailleurs. Nous y sommes, de fait, en butte à des accords qui sont intervenus lors de certaines modifications de conventions qui, toutes, ont entraîné un certain nombre de dépenses supplémentaires.

On a évoqué la nécessité de réduire les dépenses à l'hôpital - bien sûr, il faut maîtriser la situation dans ce domaine -, mais chacun sait que ces dernières ne diminueront pas. Il nous appartient donc de maîtriser une certaine évolution de ces dépenses tout en assurant les meilleurs soins à chacun. Or, pour conserver un système comprenant à la fois la médecine de ville, la médecine hospitalière, les cliniques privées, associatives et mutualistes, il faudra sans doute faire des comparaisons, mais cela demeure toujours assez complexe.

Certes, cela peut également être stimulant, mais, pour être honnêtes, reconnaissons que les progrès de la médecine comme le vieillissement de la population entraîneront de facto une augmentation des dépenses.

Il en est de même de la dépense publique hors charges sociales. Il est vrai que ce débat a revêtu une grande acuité lorsque le gouvernement Jospin a décidé, grâce à la mise en place de différents « tuyaux », la prise en charge des 35 heures aux dépens des charges sociales.

Par conséquent, nous devons réfléchir à une transparence encore plus grande entre la dépense publique d'Etat et la dépense sociale.

Or - et c'est là que notre discussion est passionnante -, grâce aux initiatives que vous avez prises, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, vous avez osé poser en termes très clairs la possibilité de recourir à un certain pourcentage de la TVA plutôt que de transférer un certain nombre de taxes à la sécurité sociale.

Ainsi, vous n'avez pas hésité à mettre en question la TVA sociale. Il ne s'agit plus d'un sujet tabou, ce qui représente déjà un sacré progrès. Mais, bien sûr, cela ne signifie pas que l'on puisse répondre à toutes les interrogations que suscite une telle disposition.

Dans la logique de votre démarche, monsieur le rapporteur général, vous vous êtes rendu au Danemark pour vous rendre compte de la situation dans ce pays. Mais jamais vous n'avez dit que c'était le modèle idéal : vous vous êtes contenté de dresser un constat.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Exactement !

M. Jacques Blanc. Cela nous a permis d'alimenter notre propre réflexion en comparant ce qui se passe dans les autres pays d'Europe, et du monde en général, afin d'envisager d'autres perspectives susceptibles d'apporter un pouvoir d'achat plus grand aux travailleurs tout en diminuant la part de leur salaire qui est prélevée, et donc en leur offrant un choix supplémentaire.

Sans doute me rétorquera-t-on que cela conduira à une augmentation du coût des produits. Certes, mais cette augmentation pourra être compensée, et le vrai débat est de savoir si, par le jeu de la TVA, il est possible d'augmenter les salaires perçus tout en n'incitant pas les entreprises à augmenter leur marge bénéficiaire.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. La concurrence fera son oeuvre !

M. Jacques Blanc. Cette question est essentielle : chaque fois que nous pouvions donner plus de liberté aux travailleurs, notamment à ceux qui perçoivent les salaires les plus faibles, nous l'avons fait.

Ainsi, monsieur le ministre, le gouvernement actuel, à l'instar du gouvernement de Jean-Pierre Raffarin qui l'a précédé, a augmenté très fortement le SMIC. Si nous pouvions à présent, par le transfert d'une partie des charges sociales vers la TVA, augmenter la rémunération directement perçue par les salariés, leur offrant ainsi du pouvoir d'achat supplémentaire, nous réaliserions une réforme dont la dimension sociale ne pourrait être contestée par personne. Nous devons cesser d'avoir peur de ne pas paraître social parce que nous proposerions qu'une partie des charges sociales soit basculée vers la TVA !

Cette proposition pose de vraies questions, que nous ne devons pas craindre d'aborder au cours de ce débat. Je ne me suis pas fait une religion en la matière et je ne m'appuie pas sur des modèles théoriques, mais il me semble que notre pays a besoin de changement ; peut-être la TVA sociale pourrait-elle répondre à la nécessité d'augmenter le pouvoir d'achat des salariés, notamment de ceux dont les rémunérations sont les plus faibles, sans pour autant mettre en cause l'équilibre des entreprises. Elle ouvre en tout cas des perspectives tout à fait intéressantes.

Le débat sur la TVA sociale méritait en tout cas d'être ouvert,...

M. Jacques Blanc. ... et je vous remercie de l'avoir provoqué, comme je remercie la commission des affaires sociales d'avoir estimé qu'il était possible, aujourd'hui, d'aborder sans trop de difficultés et de faire progresser cette idée. Quand trouvera-t-elle sa traduction dans le débat budgétaire ? Le plus tôt possible, j'espère !

M. Jacques Blanc. L'intérêt d'un tel débat est en tout cas démontré.

Pour faire progresser notre analyse, il est indispensable que nous puissions observer ce qui se passe dans les autres pays. En tant que président du comité des régions d'Europe, j'ai eu le privilège de sillonner le continent et de voir que les modalités du financement des systèmes de santé étaient extrêmement diverses.

M. Jacques Blanc. Dans certains pays, le système de santé est totalement pris en charge par la fiscalité, que ce soit celle des Etats ou celle des régions.

N'ayons pas peur de regarder ce qui se passe dans le reste du monde ! Je me réjouis ainsi, monsieur le ministre, que vous ayez annoncé la création, au sein du ministère chargé du budget et de la réforme de l'Etat, d'un pôle de référence en matière d'études comparatives internationales dans le domaine de la gestion publique, afin de fédérer toutes les structures qui participent aujourd'hui de manière dispersée à cette activité.

Nous devons faire mieux en France que dans les autres pays.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tout à fait !

M. Jacques Blanc. L'UMP doit y travailler, avec l'aide de nos amis de l'UDF,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et du parti radical !

M. Jacques Blanc, ... de nos amis radicaux, bien entendu, et de tous ceux qui voudraient en comprendre la nécessité, y compris peut-être certains socialistes qui pourraient éprouver quelques remords...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument ! Ils ont beaucoup à se faire pardonner...

M. Jacques Blanc. ... et qui se rendent bien compte que l'on ne peut plus diriger un pays sans proposer de solution au problème des retraites ou des transferts de charges sociales. N'ayons pas peur à la fois de poser ces questions et d'innover dans les réponses qui peuvent leur être apportées ! Car les socialistes sont tout de même très coupables en la matière, nous ne l'avons pas assez dit.

Le montant des prélèvements sociaux doit être analysé en même temps que celui des prélèvements fiscaux. Et je ne reviendrai pas sur la volonté de la majorité de plafonner un certain nombre d'impôts et d'apporter une réponse aux problèmes qu'ils suscitent. Cessons d'encourager les gens à quitter notre pays !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Jacques Blanc. Un contribuable qui verse 120 % ou 130 % de son revenu en impôt, même s'il possède un patrimoine important, ne peut pas résister ! N'ayons donc pas peur de poser en termes tout à fait objectifs le problème de l'impôt sur la fortune. D'ailleurs, M. Fabius lui-même n'avait pas craint naguère de soustraire les oeuvres d'art à l'impôt sur la fortune !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Oui ! Il l'a bien oublié ! Et à présent il nous insulte ! Il est devenu trotskiste !

M. Jacques Blanc. De nombreuses exonérations avaient été créées à l'époque. N'ayons pas de complexes ! Ne craignons pas cette pensée unique qui nous montre du doigt parce que nous osons affirmer qu'il existe des limites aux capacités contributives des Français ou que ceux qui veulent travailler plus doivent pouvoir gagner davantage. Car c'est ainsi que l'on créera des emplois, au moment où nous avons précisément la volonté de nous mobiliser contre le chômage.

Les socialistes ne peuvent guère nous donner de leçons, d'autant que - et je suis sans doute dans ce pays un des mieux placés, hélas, pour le constater -, nous savons ce qu'ils font quand ils ont la responsabilité de collectivités locales.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ils augmentent les impôts !

M. Jacques Blanc. Oui : 80 % d'augmentation de la taxe professionnelle ou de la taxe sur le foncier bâti en Languedoc-Roussillon ! Et ensuite, ils se plaignent que les gens ne viennent pas s'installer dans notre région,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ou qu'ils n'y restent pas !

M. Jacques Blanc. ... ou qu'ils n'y restent pas, en effet.

Ils prétendent qu'ils font payer les riches ? Mais on s'aperçoit que tout le monde est considéré comme riche !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Il n'y a plus de riches en France ! Ils sont tous en Belgique !

M. Jacques Blanc. Ainsi, le petit commerçant, le petit artisan, celui qui a construit sa maison, celui qui possède un peu de patrimoine, paie la taxe sur le foncier bâti et la taxe professionnelle ! Et quand il voit ces impôts augmenter de 80 %, il reçoit un signal négatif, et il est plutôt découragé.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est pourquoi nous allons plafonner !

M. Jacques Blanc. Heureusement, il y a des présidents de conseil généraux beaucoup plus sages, beaucoup plus raisonnables, et qui font des efforts de modération budgétaire. N'est-ce pas, monsieur de Raincourt ? Aucun d'entre eux, même quand il se trouve confronté à des situations complexes, même lorsqu'il est nécessaire de prendre des mesures fortes, ne se livre à de tels agissements.

Et les socialistes ont le culot de dire que les augmentations d'impôts auxquelles ils procèdent dans les régions sont de la responsabilité de leurs prédécesseurs !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ce n'est pas correct !

M. Henri de Raincourt. Quel mauvais goût !

M. Jean-Claude Frécon. Cessez vos larmes de crocodile !

M. Jacques Blanc. Et quand leurs prédécesseurs ont baissé les impôts, on les accuse d'être responsables de ne pas avoir bénéficié des mesures décidées par Lionel Jospin en compensation de la diminution de l'autonomie des régions ! A ce sujet, je me pose d'ailleurs la question : n'y a-t-il pas eu de délit d'initié dans cette affaire ? Ne croyez-vous pas que certains avaient été avertis des mesures qui allaient être prises avant leur adoption ?

Pour revenir aux questions fondamentales, des choix politiques clairs devront être faits. L'UMP s'est engagée franchement dans le débat et entend faire des propositions. Il peut exister des divergences entre nous, mais des discussions ouvertes et démocratiques ont été entamées avec l'ensemble de nos amis, nous en avons eu une merveilleuse démonstration avec les interventions du président et du rapporteur de la commission des finances.

Nous ne devons avoir aucun complexe sur l'exercice de la solidarité, je le dis devant M. Philippe Bas, et je ne prendrai qu'un seul exemple, celui des handicapés : qu'ont fait les socialistes au gouvernement ? J'ai, moi, un titre de gloire, et vous m'excuserez de le rappeler : j'ai été le rapporteur de la loi d'orientation en faveur des personnes handicapés du 30 juin 1975.

M. Guy Fischer. Cela date !

M. Jacques Blanc. Certes, c'est ancien. Mais figurez vous que, depuis cette époque, les gouvernements socialistes et communistes n'ont rien fait de plus ! Il a fallu attendre le gouvernement actuel pour que l'on améliore le sort des handicapés. Sur un fondement législatif dont nous pouvons tous être très fiers, la reconnaissance de la dignité de tout individu, des politiques sont dorénavant mises en oeuvre qui traduisent cette reconnaissance en actes, pour garantir à chaque handicapé le libre choix de son projet de vie.

M. Guy Fischer. Cela coûte 500 millions d'euros. Où sont-ils ?

Mme Marie-France Beaufils. Où sont les financements ?

M. Jacques Blanc. Mes chers collègues, j'évoquais tout à l'heure les associations de Lozère qui accueillent de grands handicapés. Quand elles font briller une flamme dans la vie d'un handicapé profond, quand elles lui permettent de créer un nouveau lien social, quand elles assurent son épanouissement ou lui donnent une nouvelle chance, leurs efforts sont pleinement justifiés !

L'action menée par le gouvernement que nous soutenons, celui de Jean-Pierre Raffarin hier et de Dominique de Villepin aujourd'hui, est méritoire. De même, nous pouvons être fiers de ce que nous avons fait en 1975, quand M. Giscard d'Estaing était Président de la République, Jacques Chirac Premier ministre, Simone Veil ministre et René Lenoir secrétaire d'Etat. Ce fut un grand moment de solidarité.

Nous ne devons donc pas avoir de complexe ! Il est même triste que nous soyons obligés de rappeler ce que nous avons fait en 1975 parce que, depuis, il ne s'est rien passé. Restons les vrais acteurs de la solidarité en faveur des plus démunis !

M. Guy Fischer. Les vrais acteurs de la chasse aux chômeurs !

M. Jacques Blanc. Adoptons des mesures de solidarité et non des mesures d'assistance, traçons des perspectives de travail pour les handicapés comme pour nos autres compatriotes, faisons en sorte que sur tout le territoire national on puisse offrir les soins les meilleurs et les plus sûrs.

M. Guy Fischer. C'est plutôt la matraque sur tout le territoire !

M. Jacques Blanc. Quand on observe le manque de médecins, d'infirmières, de kinésithérapeutes et de personnels de santé, on se rend compte d'ailleurs des insuffisances de notre régime politique hypercentralisé : on a planifié à l'échelle nationale et à présent on manque partout de personnel.

Mme Marie-France Beaufils. Et le numerus clausus ? Qui l'a créé ?

M. Jacques Blanc. On a cru que parce qu'il y aurait moins de médecins on ferait des économies. C'était une vue de l'esprit, que l'on paye cher aujourd'hui.

M. Jean-Claude Frécon. Tout le monde y a participé !

M. Jacques Blanc. Dans ces conditions, mes chers collègues, l'UMP aborde ce débat sans complexe.

Je ne prétends pas avoir épuisé le sujet,...

M. Jacques Blanc. ... et je n'aurais pu le faire dans le temps qui m'est imparti. Mais je prétends que, grâce à la qualité de vos interventions, messieurs les représentants des commissions, vous avez ouvert des perspectives à partir desquelles nous pourrons approfondir notre démarche, proposer au Gouvernement un certain nombre de réformes, avancer dans la seule voie qui vaille, celle de l'équilibre, de la solidarité, de l'équité.

M. Guy Fischer. Ce ne sont que des mots !

M. Jacques Blanc. Il ne faut pas désespérer ceux qui travaillent, qui retroussent leurs manches, qui créent les emplois. Si nous gagnons cette bataille, c'est la France qui gagnera ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, messieurs les ministres, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, depuis 1981, la France additionne les déficits budgétaires.

M. Jean-Claude Frécon. Ah bon ? Parce qu'il n'y en avait pas avant ?

M. Aymeri de Montesquiou. Véritable plaie au flanc, ils appauvrissent notre pays, obèrent son avenir et affaiblissent sa crédibilité. En raison de sa pérennité, cette situation devient insupportable.

Le Gouvernement ne peut se contenter d'un ralentissement de l'aggravation du déficit. Il doit mettre en place la programmation de sa suppression. Si, en amont, il doit utiliser la LOLF et les audits pour mieux gérer l'argent des contribuables, la suppression du déficit repose sur une alternative : soit augmenter les prélèvements obligatoires, soit diminuer les dépenses publiques.

Le premier terme de l'alternative est donc l'augmentation des prélèvements obligatoires : elle semblerait avoir été choisie puisque leur taux devrait atteindre 44 % du PIB en 2006, contre 43,9 % en 2005.

Certains assurent qu'une telle augmentation permettrait de réduire le déficit public. Or tout démontre que cet argument n'est pas recevable. D'abord, les prélèvements sont en quelque sorte « dévoyés », puisqu'ils financent d'abord le fonctionnement de l'Etat, infiniment plus que l'investissement. Plus encore, les citoyens doivent savoir que 80 % du produit de l'impôt sur le revenu sont consacrés à payer les intérêts de la dette. En outre, toutes les données le confirment, à long terme, l'augmentation des prélèvements ne réduit pas les déficits, mais génère des augmentations de dépenses publiques : elle est donc détournée de sa vocation initiale pour financer de nouvelles dépenses.

Les statistiques établies sur vingt-cinq ans démontrent que les liens sont évidents entre le niveau élevé de nos prélèvements et nos mauvaises performances économiques.

N'entrons pas ici dans un débat idéologique, travaillons sur la base de ces chiffres. Les prélèvements augmentent, la performance économique baisse. Ainsi, à la fin 2004, pour pouvoir bénéficier de taux d'imposition situés entre 5 % et 10 %, treize multinationales ont délocalisé leur siège européen en Suisse. Aujourd'hui, la France a rétrogradé et se trouve en dix-septième position pour le PIB par habitant parmi les pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économique.

A la simple lecture de ces données, nous constatons que les taux de travail productif sont d'autant plus élevés que les prélèvements obligatoires sont bas. A contrario, cela signifie simplement que l'activité est étouffée en France par le poids de la fiscalité.

S'agissant du taux de travail productif, nous nous retrouvons à l'avant-dernière place des vingt plus grands pays de l'OCDE. En ramenant notre taux de prélèvements obligatoires au niveau de la moyenne communautaire avant l'élargissement, le taux de travail productif augmenterait de 3,5 points, ce qui aurait un effet supérieur sur les recettes. De plus, notre capacité de travail, dont la sous-utilisation est déprimante pour tous les acteurs économiques, évoluerait vers un environnement beaucoup plus propice.

Par exemple, alors que nous devons vendre de plus en plus de technicité, de savoir-faire, d'intelligence, si nous additionnons les cotisations sociales, la CSG et l'impôt sur le revenu, nous nous rendons compte qu'un cadre français, selon sa situation familiale, peut coûter à l'entreprise jusqu'à 50 % de plus qu'aux Etats-Unis, 40 % de plus qu'au Royaume-Uni et 15 % de plus qu'en Allemagne.

Heureusement, des marges de progrès existent. En effet, notre productivité est excellente, mais il faut convaincre les Français, par des mesures fiscales, que travailler davantage leur permet non seulement de gagner plus, mais aussi de financer leurs avantages sociaux par un PIB supérieur.

M. Jacques Blanc. Tout à fait !

M. Aymeri de Montesquiou. Aujourd'hui, nos concitoyens cumulent tous les handicaps par rapport à leurs « partenaires », ou plutôt leurs « concurrents » : entrée dans la vie active plus tardive, périodes d'inactivité plus longues, durée hebdomadaire du travail plus faible, pré-retraite, âge de la retraite plus précoce. Tout démontre que, si les durées de travail étaient les mêmes, le niveau des taux de prélèvements en France baisserait pour atteindre celui des Etats-Unis, et le pouvoir d'achat augmenterait : nous entrerions enfin dans un cercle vertueux.

Monsieur le ministre, nous ne pouvons faire l'impasse sur une réforme de l'ISF. Il convient toutefois d'analyser cet impôt à partir de ses effets, pour éviter de nous laisser emporter par des pulsions idéologiques. A cet égard, je souhaiterais que vous confirmiez ou infirmiez les affirmations de M. le rapporteur général selon lesquelles la fuite de capitaux induite par cet impôt s'inscrit dans une fourchette allant de 10 milliards d'euros à 15 milliards d'euros entre 1997 et 2001.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. D'où la réforme de l'ISF !

M. Aymeri de Montesquiou. Si vous partagez cette analyse, quelle en est la conséquence en termes de pertes d'emplois ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous ne pouvons pas le savoir !

M. Aymeri de Montesquiou. Vous devriez le savoir, puisqu'il existe des simulations ! (M. le ministre délégué s'exclame.) En effet, le Gouvernement dispose de suffisamment de rapports sur la fiscalité, en particulier celui de notre ancien collègue socialiste Michel Charzat.

Vous devez communiquer et débattre pour informer les Français sur la réalité économique : s'il est tout à fait compréhensible que les chômeurs, les RMIstes ou les plus modestes puissent être révoltés par les baisses d'impôt consenties aux contribuables les plus nantis, ils doivent néanmoins savoir que c'est l'ensemble des Français qui vivraient mieux sans cette fuite de capitaux.

En tout état de cause, exclure de l'assiette de l'ISF la résidence principale pour une valeur inférieure à 400 000 euros semble une mesure de bon sens, puisqu'une telle résidence n'est pas assimilable à un investissement spéculatif.

En mettant en place la réforme de l'impôt sur le revenu et la création d'un « bouclier fiscal » à 60 %, le Gouvernement semble intégrer progressivement les conséquences d'un niveau trop élevé de prélèvements obligatoires.

La courbe de Laffer, économiste reconnu par tous - y compris par François Mitterrand -, selon lequel « trop d'impôt tue l'impôt », détermine le niveau de taxation au-delà duquel le rendement de l'impôt diminue. Ainsi, le taux maximum d'imposition des hauts revenus ne devrait pas dépasser 65 %. Nous y voilà enfin ! Vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, la France était tout de même le seul pays au monde où certains pouvaient payer plus d'impôt qu'ils n'avaient de revenus : le rapport pouvait atteindre 130 % !

La baisse de l'impôt sur le revenu participe également à une plus grande incitation au travail, comme le montrent des études qui concluent sur les effets mécaniques de la fiscalité sur l'activité : une baisse générale de 1 % du taux marginal de taxation des revenus incite les ménages à augmenter en moyenne de 0,4 % leur activité et, partant, leur revenu.

Je dirai également quelques mots sur la TVA.

La consommation est un élément important de la croissance. Il faut faire en sorte que cette consommation profite aux entreprises françaises car, dans le cas présent, elle génère un déséquilibre de notre balance commerciale et provoque du chômage. Une baisse des charges compensée par une augmentation de la TVA serait neutre pour les consommateurs et nos entreprises affronteraient la mondialisation avec un handicap moindre. Ce handicap n'est pas aujourd'hui compensé par la remarquable productivité de notre main-d'oeuvre. La TVA sociale est le pendant indispensable à une incitation à la consommation.

L'augmentation des prélèvements obligatoires, hormis la TVA, ne peut donc être une piste raisonnablement suivie. La nécessité de baisser les impôts pour relancer l'activité, réduire le chômage et restaurer les grands équilibres se confirme. La fiscalité doit redevenir un outil pour générer de la croissance et créer des emplois, et non un pis-aller pour parer au plus pressé.

Le déficit ne peut être comblé par une augmentation des prélèvements obligatoires, dont nous avons vu les effets négatifs ; à cette fin, seule une baisse des dépenses est envisageable. Il n'est plus temps de limiter seulement les dépenses en volume au rythme de l'inflation : il faut engager une nette réduction des dépenses publiques.

Comment procéder ? Il faut agir essentiellement sur le plus gros poste de dépenses, qui reste la fonction publique : son augmentation est mécanique, par le cumul des actifs et des retraités. Les départs à la retraite sur les dix prochaines années représentent près de 50 % des effectifs actuels, chacun le sait, certains le soulignent, d'autres veulent l'ignorer. Nous comprenons mal que seuls 7 392 postes de fonctionnaires ne soient pas renouvelés en 2005. Pire, le Gouvernement n'avait initialement prévu aucune réduction de postes pour 2006 au regard des 77 000 départs à la retraite. C'est absolument incompréhensible ! Certes, les parlementaires ont déjà obtenu le non-renouvellement de 5 318 emplois au minimum, mais, à ce rythme, il nous faudrait cent soixante ans pour retrouver le niveau de nos partenaires européens !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ce n'est pas mal !

M. Aymeri de Montesquiou. Avons-nous encore besoin de 180 000 agents à la Direction générale des impôts, alors que les Français ont rempli 4 millions de déclarations de revenus par Internet ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Vous prenez comme exemple le ministère qui diminue le plus ses effectifs ! Vous pourriez tout de même le saluer !

M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait, monsieur le ministre, mais je souhaite que de tels efforts se multiplient.

Les marges de manoeuvre existent, sans craindre de choc social : rappelons que la simple décision de recouvrer la redevance audiovisuelle au sein de la procédure de la taxe d'habitation économisera 1 500 postes.

L'Etat pourrait s'inspirer des entreprises : tout en optimisant déjà la gestion de leurs effectifs beaucoup mieux que lui, ces dernières font des analyses, tous les trois ans en moyenne, à partir d'une baisse virtuelle de 20 % débouchant sur des réductions réelles possibles de 3 %. Avec une baisse des dépenses publiques, il sera alors possible de repenser le système des prélèvements obligatoires de manière globale, les assiettes, les taux, ainsi que le système de redistribution.

Selon les données fournies par Eurostat, si le niveau de nos dépenses publiques se situait dans la moyenne européenne, celles-ci diminueraient de 100 milliards d'euros. Dans ces conditions, notre budget ne serait plus déficitaire et nous pourrions lancer la dynamique de remboursement de la dette.

Monsieur le ministre, en juin dernier, certains avaient considéré M. le ministre des finances comme un imprécateur lorsqu'il avait déclaré que la France vivait au-dessus de ses moyens. Qu'il passe outre ces remarques ! Monsieur le ministre du budget, avec M. Breton, faites vivre la France à la hauteur de ses moyens, moyens que vous pourrez d'ailleurs augmenter en redonnant aux Français le goût de conquête qui a fait de la France un grand pays ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, chers collègues, à quelques jours de l'examen, ici même, du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, je m'appesantirai plus particulièrement sur ce dernier, car il me semble important de faire un point sur son mode de financement.

En effet, le montant des prélèvements effectués au profit de la sécurité sociale est aujourd'hui supérieur à celui des prélèvements effectués au profit du budget de l'Etat : ils représentent près de la moitié de l'ensemble des prélèvements obligatoires.

Pourtant, le déficit de la sécurité sociale, qui atteint 13 milliards d'euros cette année, a quasiment été multiplié par quatre depuis 2002. Le déficit n'est pas seulement persistant, il est aggravé par les réformes du Gouvernement.

Même si le débat sur notre protection sociale est à la fois très technique et très politique, il convient de faire référence à des éléments plus concrets, que la majorité de nos concitoyens comprendra facilement. Ainsi, pour les assurés sociaux, tout cela se traduit par une baisse de la qualité des prestations, mais aussi par une réduction de l'étendue de leur couverture face aux risques de la vie.

En définitive, quels sont les principaux axes des réformes du système de protection sociale engagées par la majorité ?

Il s'agit d'abord de culpabiliser les assurés sociaux, accusés d'être tantôt des gaspilleurs irresponsables, tantôt des fraudeurs. Cette volonté transparaît particulièrement dans la « chasse » aux chômeurs ou aux allocataires de minima sociaux que mène le Gouvernement. Je serais d'ailleurs très curieux de connaître les conclusions de la mission menée par MM. Michel Mercier et Henri de Raincourt, car ils se prononceront sans doute pour une réduction des minima sociaux.

Il s'agit aussi de réduire le montant des prestations versées et, dans le sens contraire, d'augmenter le recours au ticket modérateur pour les soins. J'insiste sur ce point, car c'est le sens de mon intervention : ce sont encore les assurés sociaux qui, dans leur vie quotidienne, subiront les conséquences pratiques de tels choix. Au reste, lorsqu'il était intervenu sur le sujet à la fin du mois dernier, le ministre de la santé n'avait pas osé annoncer la franchise de 18 euros non remboursables sur les soins les plus coûteux. Cela accentue, à notre avis, la dérive vers le modèle américain d'une protection obligatoire réduite au minimum, assortie d'une assurance santé de plus en plus individualisée et inégalitaire.

Il s'agit, enfin, de recourir de plus en plus aux assurances complémentaires, ce qui remet en cause les fondements démocratiques du système de protection sociale et porte atteinte au principe fondamental de l'égalité d'accès aux soins.

Bien évidemment, cette politique de destruction de notre système de solidarité nationale s'accompagne d'une politique de prélèvements obligatoires largement inégalitaire et de plus en plus en défaveur des plus modestes d'entre nous.

J'illustrerai mon propos avec deux points.

Le premier concerne la fiscalisation croissante du système de protection sociale. A cet égard, les propositions qui ont été formulée ce soir montrent bien une quasi-unanimité au sujet de la TVA sociale. La fiscalisation du système touche la branche maladie, largement alimentée par la CSG, et c'est depuis longtemps déjà le cas de la branche famille.

Cette année encore, l'Etat souhaite principalement augmenter le budget de la protection sociale par des mesures ciblées sur la CSG, à savoir l'élargissement de l'assiette et le relèvement des taux, à hauteur de 860 millions d'euros.

Un tel recours croissant à la fiscalité s'appuie aussi sur le mécanisme inévitable des transferts de charges aux collectivités territoriales. Ce débat a été esquissé notamment par notre collègue Philippe Adnot. Ainsi, le département doit prendre de plus en plus en charge des transferts qui traduisent de toute évidence le désengagement de l'Etat, ce qui accroît la pression fiscale locale sur les citoyens, sans pour autant que le département puisse garantir un niveau équivalent de prestations.

Pour résumer, au début des années quatre-vingt, la totalité des dépenses de la sécurité sociale étaient financées par les cotisations sociales, hors contributions publiques. Aujourd'hui, ces cotisations ne couvrent plus qu'un quart des recettes, un autre quart étant presque entièrement pris en compte par la CSG.

Le second point que je souhaite aborder concerne précisément cette politique de cotisations sociales, menée largement en faveur des entreprises.

A cet égard, monsieur le président de la commission des finances, vous avez très clairement dit qu'il fallait complètement exonérer la production de toute taxation, de toute cotisation.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Pour la santé et la famille !

M. Guy Fischer. En effet, non seulement le Gouvernement prolonge le mouvement de réduction de la part des cotisations patronales dans le financement de la sécurité sociale, engagé depuis plus de vingt ans, mais il l'accélère largement par une politique d'exonérations de charges dangereuse et contre-productive, on le constate encore une fois très clairement avec les négociations relatives à la répartition de la hausse des cotisations de la branche vieillesse.

On nous dit que ces réformes sont incontournables. Pourtant, des alternatives au financement par la fiscalité et au désengagement des entreprises sont possibles dans le système de solidarité nationale.

Aujourd'hui, de très nombreuses études confirment le faible impact des politiques d'exonérations de charges sur l'emploi. De surcroît, les récents rapports de l'OCDE reconnaissent qu'il n'y a pas de lien direct, au regard des comparaisons européennes - notamment avec la Suède -, entre le taux de prélèvements obligatoires et le niveau de l'emploi. Au contraire, la faiblesse de l'activité qu'induisent des prélèvements élevés pèse durablement sur les rentrées fiscales.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Ils ont de la TVA !

M. Guy Fischer. Il faut donc solliciter davantage les revenus du capital des entreprises. Mais je sais que nous ne serons pas d'accord sur ce point.

Il ne s'agit pas de refuser les réformes, mais il faut choisir d'aller vers une modulation des cotisations prélevées sur les employeurs en fonction de la politique de l'emploi et des salaires menée par les entreprises. Car, de toute évidence, à l'heure actuelle, il s'agit de faire pression sur les salaires.

Ce ne sont pas les assurés sociaux, nos concitoyens, que l'on doit obliger à tout prix à prendre leurs responsabilités, mais, au contraire, ce sont les entreprises qu'il faut responsabiliser à nouveau, afin qu'elles assument pleinement, par leurs contributions, leur devoir en matière de solidarité nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, dans ce débat relatif aux prélèvements obligatoires, je me contenterai pour ma part d'évoquer les difficultés, voire les inquiétudes auxquelles peuvent être confrontés les citoyens contribuables, ainsi que la situation des budgets locaux.

Débattre des prélèvements obligatoires permet de mesurer non seulement les défaillances et les atouts de notre système fiscal, mais aussi et surtout le poids de la fiscalité, qu'il faut mettre en parallèle avec les objectifs que ces prélèvements doivent permettre de mener à bien.

Autrement dit, dans un contexte de croissance économique morose, il s'agit de bien prélever tout en devant faire face à une certaine difficulté, tant les marges de manoeuvre sont étroites. Il convient également d'utiliser correctement les prélèvements obligatoires.

En lisant attentivement le rapport du Gouvernement relatif au niveau des prélèvements obligatoires et à leur évolution, j'ai été frappé par certaines conclusions, notamment celles qui portent sur la structure des prélèvements obligatoires.

Je souhaite tout d'abord évoquer leur niveau.

Si le rapport affirme que « le taux de prélèvements obligatoires, qui atteignait 43,8 % du PIB en 2001, a ainsi diminué de 0,4 point sur la période 2002-2004 », il prévoit aussi que ce taux devrait atteindre 43,9 % en 2005 et 44 % en 2006, ce qui représente une augmentation assez importante.

J'en viens maintenant à la structure.

Notons une diminution du taux des prélèvements obligatoires à destination de l'Union européenne, une quasi-stabilité de celui des prélèvements pour l'Etat et les organismes de sécurité sociale, et enfin une augmentation pour ce qui concerne les organismes divers d'administration centrale, les ODAC, mais aussi et surtout pour les administrations publiques locales.

Concernant les ODAC, la hausse s'explique aisément par l'alourdissement des prélèvements sociaux. En revanche, je souhaiterais m'attarder quelques instants et examiner un peu plus précisément l'augmentation du taux de prélèvements obligatoires des administrations publiques locales.

Entre 2002 et 2004, il a enregistré une augmentation de 0,4 point, dont une moitié est due à la hausse de la fiscalité et l'autre moitié au dynamisme des assiettes des impôts. Pour 2005, vous prévoyez, monsieur le ministre, une hausse considérable de 0,3 point, qui résulte exclusivement de la seule augmentation des taux de la fiscalité locale, s'élevant à 3,5% en moyenne.

Ces taux ont augmenté pour plusieurs raisons. Tout d'abord, si les transferts de compétences sont compensés à l'euro près, parfois, les recettes assurant cette compensation ne sont pas aussi dynamiques que la charge transférée. Je pense notamment, en l'espèce, au transfert du RMI.

De plus, certains choix politiques sont propres aux collectivités concernées.

Enfin, les collectivités les plus défavorisées et dont les bases imposables sont les plus réduites ou les moins dynamiques supportent des contraintes importantes.

La fiscalité locale pèse donc de plus en plus sur le revenu et sur le patrimoine des ménages et des entreprises, alors que l'Etat semble se « payer » certains allégements de charges aux frais des collectivités locales. Autrement dit, on a bien l'impression que la fiscalité locale augmente au moment où l'Etat allège la sienne.

Au bout du compte, le résultat est neutre pour le contribuable, puisque le niveau global des prélèvements reste le même. En revanche, on ne peut pas en dire autant pour les collectivités territoriales, qui ne peuvent plus garantir le minimum nécessaire lorsqu'elles prennent les décisions financières relatives à leur propre impôt.

Dans ce contexte, monsieur le ministre, c'est donc bien une réforme en profondeur de la fiscalité locale, et non un détricotage permanent, que nous souhaitons.

Les propositions qui ont été faites tout à l'heure méritent toute notre attention, la vôtre en particulier.

Les contribuables attendent non seulement que les deniers publics soient employés avec une réelle efficacité - ce que nous tentons de mettre en oeuvre grâce à la réforme de l'Etat et à la mise en place de la LOLF -, mais aussi que l'impôt fasse tout autant preuve d'une réelle efficacité, dans le souci de respecter certains équilibres, notamment en termes de justice sociale, de neutralité économique, ou encore de respect de l'autonomie financière des collectivités.

Cette dernière a été considérablement mise à mal à l'occasion des derniers transferts de compétences. En effet, les assiettes des impôts locaux se sont réduites comme peau de chagrin au fur et à mesure de la mise en place d'exonérations diverses et variées et de la suppression de taxes qui ont conduit à la concentration de l'imposition sur certaines autres taxes locales, tout particulièrement la taxe d'habitation.

Ce ne sont pas les allégements proposés ici ou là, qu'ils concernent la taxe sur le foncier non bâti ou la réforme de la taxe professionnelle, qui permettront de régler les problèmes. On réduit les bases, on plafonne les taux, c'est-à-dire qu'on restreint la liberté consentie aux collectivités de fixer leurs revenus par l'impôt, alors même que les dotations transférées par l'Etat aux collectivités ne sont pas modulables.

Il serait d'ailleurs grand temps que les dotations de l'Etat fassent l'objet d'une réelle péréquation afin d'assurer une certaine compensation et d'équilibrer les recettes de nos collectivités territoriales entre les villes et les zones rurales le plus équitablement possible. C'est un sujet que j'ai évoqué à plusieurs reprises à cette tribune !

Dans ce contexte, monsieur le ministre, j'espère que l'examen du projet de loi de finances pour 2006 nous permettra de trouver une solution plus équilibrée. Les membres du groupe UC-UDF travailleront dans ce sens et seront très attentifs, comme ils le sont ce soir. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Frécon.

M. Jean-Claude Frécon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, comme l'a annoncé tout à l'heure mon collègue et ami Bernard Angels, mon intervention concernera surtout les problèmes que rencontrent les collectivités locales.

Monsieur le ministre, dans le « bleu » que nous avons examiné, vous indiquez que les prélèvements obligatoires de l'Etat baisseraient, entre 2001 et 2006, de 16,2 % à 14,8 %, tandis que les prélèvements obligatoires des collectivités locales augmenteraient, eux, de 5 % à 5,8 %.

Permettez-moi de vous dire une nouvelle fois dans cette enceinte que c'est trop facile, trop simple !

Ces dernières années, un certain nombre de transferts de compétences ont eu lieu. Je n'en citerai que quelques-uns, opérés sous des gouvernements de tendance politique différente : l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA, le RMI-RMA, les services départementaux d'incendie et de secours, les conséquences de la réduction du temps de travail...

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Elles ont été désastreuses !

M. Jean-Claude Frécon. J'ai dit que je n'éluderai aucun problème : il n'y a donc aucune raison pour que je n'évoque pas ces conséquences. Permettez-moi cependant de vous faire remarquer, monsieur le ministre, que vous indiquez bien dans votre document que certains allégements de charges sociales ont été réalisés à titre de compensation pour les entreprises.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Oui !

M. Jean-Claude Frécon. Les collectivités territoriales ont-elles eu droit à de tels allégements de charges ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Non, et il en a été de même pour l'Etat !

M. Jean-Claude Frécon. Il ne faut donc pas s'étonner si elles ne peuvent pas absorber toutes ces dépenses supplémentaires.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le mieux aurait été de ne pas les engager avec les 35 heures !

M. Jean-Claude Frécon. Le développement des services publics locaux fait aussi partie des compétences nouvelles mises à la charge des collectivités locales.

Permettez-moi de faire remarquer en cet instant que certains articles de presse, certaines déclarations, qui se sont fait l'écho d'un côté d'un Etat vertueux et de l'autre de collectivités locales laxistes, ont été très relayés par certains réseaux d'opinion. Mais ces observations ne correspondent pas à la réalité ! Et, lorsque je dis cela, je m'appuie sur les déclarations de l'ensemble des grandes associations d'élus, que vous connaissez bien, monsieur le ministre.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Et que j'apprécie !

M. Jean-Claude Frécon. Face à cette situation, quelles réponses peut-on apporter ?

M. le rapporteur général du budget a cité, dans son rapport d'information, le document établi par MM. Christian Saint-Etienne et Jacques Le Cacheux dans le cadre du Conseil d'analyse économique, le CAE.

Ces deux experts, dont, chacun le sait ici, les orientations politiques respectives sont différentes, proposent une réforme d'ensemble, conséquente et cohérente de la fiscalité directe : ayant analysé la situation, ils ont estimé qu'il fallait la faire évoluer.

Comme notre collègue Guy Fischer, nous ne sommes pas opposés à toute évolution. Nous souhaitons simplement qu'il soit tenu compte de la situation non seulement de certains contribuables, mais de la totalité des contribuables.

Je citerai à cet égard quatre mesures contenues dans le projet de budget pour 2006.

La première concerne le « bouclier fiscal ».

Celui-ci doit-il intégrer les impôts locaux dont la charge sera répercutée ensuite sur les collectivités locales ? Cette méthode s'apparenterait à un droit à restitution !

Permettez-moi de prendre un exemple pour illustrer ma remarque : mis en place au début de l'année 2007, ce bouclier fiscal concernera les trois années civiles 2005, 2006 et 2007. En effet, au cours de l'année 2007, il fera l'objet d'une régularisation tenant compte de la différence entre les impôts payés en 2006 - dont certains concernent d'ailleurs les revenus de 2005 - et les revenus perçus en 2005. Ce processus est quelque peu complexe !

Avec cette mesure, vous espérez récupérer une somme d'environ 400 millions d'euros, dont seuls 10 % seraient véritablement imputables sur les collectivités locales. Dans ces conditions, monsieur le ministre, étant donné le montant modeste de la part d'impôts locaux concernés, est-il nécessaire de mettre en oeuvre un système de recouvrement aussi complexe ?

Par ailleurs, le fait d'imposer aux collectivités locales une retenue sur des impôts qu'elles auront pu fixer librement constitue-t-il une bonne application du principe de l'autonomie financière et fiscale ?

La deuxième mesure que je souhaite évoquer - et que vous nous aviez annoncée à la fin du mois de juin, monsieur le ministre -, concerne le plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée.

Pour ma part, j'ai fait partie de plusieurs des délégations que vous avez reçues, notamment au sein du Comité des finances locales, fin juin, et de l'Association des maires de France, début juillet. Or, depuis le début du mois de juin et au cours des audiences que vous leur avez accordées en juillet et en août, monsieur le ministre, toutes les associations d'élus vous ont demandé de leur fournir des simulations. Et vous nous présentez à nouveau cette mesure dans le projet de budget pour 2006, mais nous n'avons toujours pas eu connaissance de ces simulations !

Plusieurs d'entre nous, sur diverses travées de cette assemblée, vous ont également réclamé ces simulations : celles-ci sont-elles si difficiles à établir ? Pourtant, une telle prévision ne doit pas être totalement impossible à faire, puisque vous citez, dans le « bleu » que vous avez publié, le chiffre de 1,4 milliard d'euros pour l'horizon 2007.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour l'Etat !

M. Jean-Claude Frécon. Ce chiffre provient-il de simulations que vous auriez faites mais dont nous ne disposons pas encore, ou bien d'une évaluation très grossière sur l'exactitude de laquelle on peut émettre des doutes ?

Monsieur le ministre, avec cette mesure de plafonnement de la taxe professionnelle, vous choisissez d'affaiblir considérablement l'attrait de l'intercommunalité à taxe professionnelle unique. Ce choix ne concorde pas avec les déclarations que l'Etat a faites depuis plusieurs années, sous des gouvernements différents, selon lesquelles l'intercommunalité à TPU doit être encouragée !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'était la loi Chevènement ! Mais peut-être était-ce une mauvaise loi ?

M. Jean-Claude Frécon. Mais la loi Chevènement a été appliquée et amplifiée par les gouvernements suivants ! Or, maintenant, c'est l'inverse : vous tapez sur l'intercommunalité à TPU ! Ce n'est pas très cohérent !

Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, même si cela peut vous paraître anecdotique ou insignifiant, que vous alimentez ainsi la course à l'augmentation des taux.

Je citerai ainsi un exemple, qui est sans doute moins valable pour les grandes villes que pour les petites communes qui accueillent seulement quelques entreprises assujetties à la taxe professionnelle : dans ces dernières, les élus locaux pourront facilement voir si, oui ou non, lesdites entreprises ont déjà atteint le seuil de 3,5 % de valeur ajoutée. Et si, dans ces communes, les élus municipaux se disent qu'en augmentant leur taux immédiatement ils ne dépasseront pas le seuil de 3,5 %, évitant ainsi toute retenue, ils augmenteront alors leurs impôts tout de suite et laisseront les autres collectivités locales augmenter les leurs ensuite, et ce sont ces dernières qui se verront imposer les retenues, car le seuil de 3,5 % de valeur ajoutée sera alors dépassé. Nous assisterons à une véritable course entre les collectivités territoriales pour tenter de dépasser ce seuil fatidique !

Je ne crois pas, monsieur le ministre, que ce soit ce que vous recherchez. Mais, surtout, cela ne correspond pas au principe de l'autonomie financière des collectivités locales, que vous avez fait inscrire dans la Constitution en 2003.

Quant à l'année de référence retenue, 2004, les élus locaux vous ont déjà dit ce qu'ils en pensaient. Encore une fois, la taxe professionnelle va servir de variable d'ajustement.

La troisième mesure que je citerai concerne les niches fiscales.

Je ne m'étendrai pas sur ce principe, qui sera abordé à l'occasion du débat de fond sur le projet de budget pour 2006. Mais je dois vous dire, monsieur le ministre, que de nombreuses collectivités locales sont actuellement très inquiètes, notamment celles qui possèdent sur leur territoire des secteurs sauvegardés ou des zones de protection du patrimoine architectural urbain et paysager, des ZPPAUP.

Le plafonnement des niches fiscales, à ces endroits-là et pour cette raison, serait un très mauvais coup pour l'aménagement de ces zones !

Mon dernier point reprendra certains des écrits de M. le rapporteur général et de M. président de la commission des finances. Il concerne la suppression partielle de la taxe foncière sur le foncier non bâti. Cette amputation, déjà déplorée dans un communiqué de presse de la commission des finances en date du 7 juillet dernier, est fort inopportune !

En conclusion, permettez-moi, monsieur le ministre, de vous rappeler les termes des communiqués établis au cours des deux derniers mois par toutes les grandes associations d'élus, quelle que soit leur sensibilité politique : toutes ont manifesté leur inquiétude au vu de certains points de votre projet.

Enfin, monsieur le président, je ne peux pas quitter cette tribune sans déplorer en quelques mots le ton particulièrement agressif de notre collègue Jacques Blanc. Tout ce qui est excessif est insignifiant et, s'il était présent, je le lui rappellerais volontiers ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous dirons la même chose à M. Angels !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Michel.

M. Jean-Pierre Michel. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, mon intervention se limitera à la question des prélèvements sociaux, qui atteindront, en 2006, la somme inégalée de 390 milliards d'euros, représentant plus de la moitié des prélèvements obligatoires dans notre pays.

La présente discussion ne peut pas être déconnectée de notre prochain débat sur le déficit de la sécurité sociale, déficit qui atteint lui aussi, toutes branches confondues, un chiffre record.

Il est vrai que, dans ce contexte, les prélèvements sociaux obligatoires ne sauraient être diminués. Cet exercice se révélerait d'ailleurs d'une extrême difficulté ! C'est donc plutôt à une augmentation des prélèvements sociaux que vous avez procédé en 2005 : environ 6,5 milliards d'euros supplémentaires ont été prélevés - ce qui n'a d'ailleurs pas eu pour effet de combler le déficit de la sécurité sociale - afin de financer une série de mesures, sans doute opportunes, destinées aux handicapés, aux personnes âgées, etc.

Cela montre bien que les ponctions fiscales à la charge des assurés se sont multipliées : hausse du forfait hospitalier, franchise de 1 euro sur les consultations, forfait de 18 euros demain sur tous les acte lourds - annoncé évidemment au dernier moment -, déremboursements multiples. La CSG elle-même n'a pas été épargnée, puisque son assiette sera calculée sur 97 % et non plus sur 95 % des salaires et des allocations chômage, ce qui correspond à une augmentation de son taux de 0,16 points.

Après la réforme des retraites, qui conduira à une diminution des pensions de 20 % à 30 %, les retraités imposables connaîtront une nouvelle baisse de leur pouvoir d'achat, due à l'augmentation du taux de la CSG de 6,2 % à 6,6 %. Dans le même temps, l'augmentation de cet impôt sur les revenus du patrimoine, des placements et des jeux représentera 2,29 millions d'euros supplémentaires environ.

S'agissant de l'effort demandé aux Français pour financer la sécurité sociale, on peut le constater, les salariés sont moins bien traités que les entreprises. En effet, si l'on tient compte de la hausse du forfait hospitalier et de la contribution de 1 euro sur les actes, la différence entre la contribution des entreprises et celle des ménages représente un écart de un à quatre. Ce chiffre est clair, et l'on peut imaginer à combien s'élèvera ce rapport une fois intégré le forfait supplémentaire de 18 euros sur les actes lourds, annoncé dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui est actuellement en discussion à l'Assemblée nationale !

A l'accroissement de ces inégalités s'ajoute l'annonce de la prochaine répartition de la hausse des cotisations vieillesse, avec la mise en application en 2006 de la loi Fillon. On nous dit que ces cotisations augmenteraient de 0,20 point au 1er janvier 2006 et que le Gouvernement aurait décidé de relever de 0,15 point les cotisations retraite des salariés, contre 0,05 point pour celles des employeurs. (M. le ministre délégué s'exclame.)

Monsieur le ministre, vous hochez la tête : nous savons en effet que cette mesure a provoqué une vive réaction de la part des organisations syndicales, avec lesquelles le Gouvernement a été finalement obligé de discuter. De plus, des pressions supplémentaires ne cessent de raviver la question lancinante de la réforme des cotisations patronales, qui est loin d'être réglée. Au demeurant, la hausse des cotisations patronales provoque des craintes même chez les salariés, ceux-ci redoutant que les employeurs ne la répercutent.

En revanche, le débat sur la modification profonde de l'assiette des cotisations patronales est beaucoup plus serein et ne provoque pas la même inquiétude. L'étendre à tout ou partie de la valeur ajoutée remédierait à certains inconvénients. Cela permettrait en outre une augmentation du salaire disponible, une évolution de l'assiette qui suivrait celle du produit intérieur brut, et une parfaite neutralité de la combinaison des facteurs de production.

Au regard de la situation sans précédent des comptes de la sécurité sociale, nous estimerions donc opportun que le Gouvernement se penche sur cette question. Nous pensons en effet que l'effort doit être partagé. A cet égard, la décision du Gouvernement de prolonger la CRDS est inadmissible. Elle ne fait que reporter la charge de la dette sur les générations futures.

Pour garantir un bon niveau de soins et de confort pour tous, il faut un système de financement durable. En réalité, ce sont les réformes de structure qui font défaut à notre système de sécurité sociale : les plans menés par les ministres qui se sont succédé depuis 2002 - MM. Jean-François Mattei, Philippe Douste-Blazy et, aujourd'hui, Xavier Bertrand - n'ont pas résolu le problème.

La réforme des cotisations patronales serait de nature à alléger le poids des prélèvements, qui reposent aujourd'hui presque exclusivement sur les revenus du travail, et elle renforcerait l'assiette financière de la sécurité sociale.

Il convient également de noter et de dénoncer à l'occasion de ce débat la multiplication des exonérations de cotisations sociales qui n'ont jamais été pleinement compensées, situation qui explique d'ailleurs très largement le déficit considérable de cette année et dont ont déjà souvent débattu la commission des affaires sociales et la commission des finances.

L'an passé - et il l'a d'ailleurs redit à peu près dans les mêmes termes aujourd'hui -, notre collègue Alain Vasselle concluait que, dans le contexte actuel, les pouvoirs publics n'avaient plus d'autre choix que d'exercer leur « créativité » au service de la maîtrise des comptes sociaux plutôt que de céder à la tentation d'accroître sans arrêt les prélèvements obligatoires.

Peut-être est-il plus simple de céder à cette tentation, ou serait-ce que vous manquez de « créativité », messieurs les ministres ?

En tout état de cause, la conclusion de notre collègue Alain Vasselle nous convient assez bien. Depuis longtemps, le groupe socialiste dénonce en effet l'absence de réforme structurelle. Il ne sert à rien de mettre des pansements sur des plaies qui se rouvrent et se creusent davantage d'année en année !

La dérive des comptes atteint, on le sait, des records sans précédent. Les réformes à l'emporte-pièce qui ont été adoptées depuis trois ans et qui continuent d'ailleurs à nous être proposées, notamment dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, ne remédieront pas au déficit de notre système de protection sociale.

La garantie de la pérennité de ce système passe par la définition de priorités, par une gestion rigoureuse et par des ressources. Le financement de la dépendance, la solidarité envers les handicapés, la correction des inégalités de santé publique imposent, certes, de mobiliser des moyens importants, mais votre gouvernement, messieurs les ministres, s'est contenté de mesures d'urgence, injustes et inefficaces, et il s'est appliqué à réduire la part de la dépense collective affectée à la santé en renvoyant le financement de l'assurances maladie vers les assurés et vers les assurances complémentaires.

Or, et Jean-Pierre Davant vient de le rappeler, on sait aujourd'hui que les assurances complémentaires ne pourront plus continuer à intervenir, comme cela leur est demandé, de manière neutre pour les assurés. Quant au recours à des assurances privées, votre clientèle électorale en est peut-être friande, mais la nôtre non !

Afin de stopper le démantèlement de notre système de protection sociale, il faut une alternative à cette politique qui l'a accentué.

Cela passe par la définition d'objectifs clairs et de priorités en matière de prévention et d'éducation à la santé, ainsi que par une meilleure organisation et une meilleure coordination de l'offre des soins.

Cela passe aussi - mais vous vous refusez à le faire - par la mise en place d'incitations à l'installation des professionnels de santé dans les zones désertées. Comment fonctionnerait l'éducation nationale si tous les enseignants voulaient enseigner dans le sud de la France ? C'est pourtant ainsi que fonctionne aujourd'hui notre système de protection sociale et de médecine, et ce n'est plus possible !

Cela passe également par le dépassement du seul mode du paiement à l'acte : il ne favorise pas la prévention, alors qu'une politique de santé publique est avant tout une politique de prévention, et il ne favorise pas non plus la maîtrise des dépenses.

Il faut certes instaurer des modes de contrôle et d'information indépendants et des modes de financement adaptés à notre régime actuel, mais, en vérité, c'est d'une réforme profonde que notre système a besoin. En aucun cas, l'augmentation des prélèvements sociaux que vous nous proposez ne s'impose ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mon collègue Philippe Bas et moi-même avons écouté attentivement les interventions depuis le début de ce débat fiscal, qui constitue une intéressante préfiguration des débats auxquels donneront lieu le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais vous comprendrez, mesdames, messieurs les sénateurs, qu'à cette heure tardive nous y répondions assez brièvement.

Je voudrais, pour ce qui me concerne, insister sur quelques points.

Monsieur Marini, vous avez évoqué les carences de notre système fiscal et bien voulu souligner que je m'efforçais d'y porter quelques remèdes. J'aurai en la matière, je n'en doute pas, votre soutien enthousiaste !

Vous avez aussi abordé le sujet de la fiscalité de l'épargne, sur lequel nous aurons un important débat. Nous nous rejoindrons sur l'idée que vous évoquez - moins avantager l'épargne liquide et sans risque, avantager plus l'épargne à risque - et nous ferons des propositions très fortes en la matière.

S'agissant du financement de la protection sociale, sur lequel Philippe Bas reviendra naturellement, j'ai eu l'occasion de donner mon point de vue sur la TVA sociale et de dire quelles étaient mes inquiétudes concernant le risque inflationniste.

Concernant le financement des allégements de charges, monsieur Arthuis, je peux tout à fait comprendre les critiques relatives au panier de recettes. Malgré tout, je n'en démords pas, l'assiette proposée est bien composée de recettes fiscales corrélées aux dépenses de santé, comme je me suis efforcé d'en faire la démonstration tout à l'heure : les assiettes sont clairement attribuées à un secteur unique, la sécurité sociale, elles sont débattues dans un texte unique, le projet de loi de financement de la sécurité sociale, et elles sont dynamiques puisque, pour l'essentiel d'entre elles, elles évoluent comme la masse salariale, c'est-à-dire comme les allégements de charges.

Madame Beaufils, vous avez souligné l'importance d'une approche concrète de la question des prélèvements obligatoires. C'est un point sur lequel je vous rejoindrai, même si, pour le reste, nous ne sommes pas tout à fait sur la même longueur d'onde.

Je veux insister de nouveau auprès de vous sur le fait que la justice sociale a été notre grande préoccupation. Près de 80 % des baisses d'impôt sur le revenu et la prime pour l'emploi vont aller aux classes moyennes et aux Français modestes, c'est-à-dire à ceux qui se situent dans une tranche de revenus de 1 000 à 3 500 euros par mois et par personne. Des membres des professions intermédiaires, des instituteurs, des techniciens commerciaux vont prioritairement bénéficier de ces mesures, tandis que 90 % des foyers modestes seront les bénéficiaires du plafonnement à 60 % que nous proposons d'instaurer.

Monsieur Jégou, je partage votre analyse sur la nécessité de mesurer l'efficacité de la dépense publique. C'est tout l'enjeu de la LOLF. C'est aussi tout l'enjeu de l'action que je mène en tant que ministre de la réforme de l'Etat. J'ai engagé une première vague d'audits dont je rendrai le résultat public. Ce sera l'occasion d'un grand débat, auquel je souhaite de tout coeur que vous participiez en tant que témoin engagé, comme ce sera aussi, je l'espère, le cas lors de l'examen du projet de loi de finances.

Monsieur Angels, vous avez été très dur avec la majorité,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Trop dur !

M. Bernard Angels. La situation est grave !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ...alors que je vous ai parfois connu plus indulgent.

Notre stratégie repose sur une double exigence : des comptes publics maîtrisés et une politique de baisse d'impôt au service de la croissance. Vous le constaterez tout au long de cette année, pour une bonne part, les résultats seront au rendez-vous.

La croissance s'améliore, les indicateurs dont nous disposons le montre, et la baisse du chômage au cours de ces derniers mois est plutôt encourageante. Je ne dis pas que cette baisse est le produit de la politique économique que nous menons, mais qu'entendrait-on si par malheur le chômage augmentait alors que nous menons ladite politique ! Dans quelques mois, nous nous reparlerons, et peut-être trouverez-vous alors des mots sinon doux du moins indulgents à l'égard d'une politique économique qui apporte des résultats correspondant aux attentes des Français.

Monsieur de Montesquiou, vous avez, comme d'habitude, fait un exposé très complet de vos analyses sur ces questions économiques et sociales. Vous avez insisté, à juste titre, me semble-t-il, sur la nécessité de mieux mobiliser le travail pour renforcer notre potentiel de croissance. Sachez que, de ce point de vue, nous travaillons bien dans la même direction, qu'il s'agisse d'inciter au retour à l'emploi, en particulier par le biais de la prime pour l'emploi, de récompenser les efforts de ceux qui travaillent, avec la réforme de l'impôt sur le revenu, ou encore d'enrayer les délocalisations, en revoyant la taxe professionnelle ou la taxation du patrimoine. Ce sont là autant de sujets sur lesquels je serai très heureux de prolonger le débat avec vous dans le cadre du projet de loi de finances.

Monsieur Fischer, vous avez employé une formule terrible : « la chasse aux chômeurs » ! Monsieur Fischer, c'est un des nombreux points qui nous séparent, mais tout l'objectif de la modernisation du service public de l'emploi est de promouvoir le travail, de veiller à ce que chacun fasse l'objet d'un accompagnement personnalisé pour retourner vers l'emploi et de marquer une véritable différence entre les revenus du travail et les revenus de l'assistance. Je tiens à dire à ce propos que nous attendons beaucoup de la mission parlementaire sur les minima sociaux conduite par MM. de Raincourt et Mercier.

Monsieur Biwer, avec raison, vous avez appelé de vos voeux une réforme en profondeur de la fiscalité locale. Nous en reparlerons ensemble, car le projet de loi de finances comporte un grand volet de fiscalité locale. La responsabilité partagée constituera un sujet majeur. Nous évoquerons aussi la question de la péréquation car, en la matière aussi, certaines mesures ont été prises l'an dernier et nous pouvons aujourd'hui en mesurer les résultats.

Monsieur Frécon, il n'a jamais été dans mon intention de mettre en accusation les collectivités locales. J'ai juste dit que certaines d'entre elles avaient trop appuyé sur le champignon des hausses d'impôts. Si vous avez été choqué de l'entendre dire par Jacques Blanc, j'espère que vous me trouverez quelque objectivité si, moi qui ne suis pas directement concerné par la région Languedoc-Roussillon, je dénonce ce fait.

En Languedoc-Roussillon, les impôts locaux n'ont pas augmenté, ils ont explosé ! C'est une réalité que tous ceux qui ont le malheur d'être contribuables dans cette région peuvent constater sur leur feuille d'impôts. Je dis simplement qu'il faut mettre en place des warnings. Chacun doit prendre conscience qu'il n'y a pas un droit de tirage illimité sur le contribuable local, sauf à avoir à en payer, à un moment ou à un autre, le prix politique !

Sur le reste - réforme fiscale, politique économique... -nous avons aussi bien des différences, mais je vous donne rendez-vous pour en parler lors du débat sur le projet de loi de finances.

Enfin, monsieur Michel, vous ne pouvez pas dire que la politique de notre gouvernement pénalise le pouvoir d'achat des Français !

J'espère avoir répondu à toutes les questions. En tout état de cause, ce débat passionnant aura eu l'énorme avantage de nous permettre de sentir la température qui sera celle de la discussion budgétaire, que je pressens passionnante, passionnée et fructueuse, au service des Français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Bas, ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Je veux m'associer au propos de mon collègue et ami Jean-François Copé sur l'intérêt de ce débat qui, comme vous l'avez d'entrée de jeu vous aussi souligné, monsieur Marini, permet d'aborder les prélèvements obligatoires dans leur totalité, c'est-à-dire à la fois sous l'angle fiscal et sous l'angle social.

Vous avez également souligné, monsieur Marini, l'abondance des niches et des exonérations. S'agissant de la sécurité sociale, il est vrai que l'on compte aujourd'hui une cinquantaine de mesures d'exonération de cotisations sociales et que, si l'on n'y prenait pas garde, les dispositifs de dérogation auraient une propension irrépressible à s'étendre ! C'est pourquoi il est important de se fixer des règles de discipline et de transparence.

Discipline, c'est la règle de la compensation des exonérations de charges sociales en vigueur depuis 1994, règle bien nécessaire car, à l'époque, 50 % des exonérations de cotisations sociales ne faisaient pas l'objet de compensation tandis qu'aujourd'hui 90 % du corps des exonérations de cotisations sociales est compensé.

Discipline, disais-je, mais aussi transparence : la loi organique du 2 août 2005 a donné au projet de loi de financement de la sécurité sociale un monopole pour créer des exonérations, monopole qui a pour origine un amendement de M. Alain Vasselle.

La diversification de la fiscalité a progressé ces dernières années, grâce notamment à l'introduction de la CSG, dont l'importance mérite d'être soulignée aujourd'hui, mais aussi grâce à l'évolution de l'assiette de cette dernière et à l'affectation d'une part de TVA à la sécurité sociale dans le cadre du panier de recettes qui lui est attribué par le projet de loi de finances et le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Arthuis m'a demandé s'il était légitime de fonder le financement de la sécurité sociale uniquement sur les salaires. Convaincus de la nécessité de diversifier les recettes, nous nous sommes engagés dans la voie de cette diversification : sur 364 milliards d'euros de recettes en 2006, les recettes fiscalisées correspondent en effet à 63 milliards d'euros au titre de la CSG et à 30 milliards d'euros de recettes fiscales affectées, soit un total de près du quart si l'on y ajoute les revenus sur le capital.

La question de la TVA sociale, qui a été au coeur de nombreuses interventions, est tout à fait essentielle, même si nous mesurons les difficultés techniques de la mise en oeuvre d'une telle réforme, dont l'ambition est considérable.

Il faut se poser la question de la compatibilité avec le droit communautaire, mais aussi celle des solutions à apporter au problème du transfert de charges entre secteurs d'activités si le mouvement devait être massif, question qui intéresse au premier chef le dynamisme de notre économie. Toutefois, sous cette réserve, la réflexion sur ce sujet me paraît tout à fait intéressante, et j'ai été particulièrement attentif, monsieur Arthuis, à votre exposé sur ce sujet.

La « barémisation », question que M. Vasselle et quelques autres ont abordée, se heurte effectivement à des obstacles techniques importants. Cette question complexe devra faire l'objet d'études approfondies avant toute décision.

Monsieur Jégou, je ne partage pas votre relatif scepticisme sur l'évolution des dépenses sociales : l'assurance maladie a vu son déficit ramené à 8,3 milliards d'euros, alors que les prévisions antérieures à la réforme le chiffraient à 16 milliards d'euros ; l'ONDAM est respecté pour la première fois en 2005, alors que, depuis 1997, cela n'avait pas été le cas ; enfin, la loi de financement de la sécurité sociale est assortie de l'engagement d'une baisse de 25 % du déficit du régime général en 2006.

Monsieur About, vous regrettez que le rapport sur les prélèvements obligatoires soit élaboré uniquement par le ministère des finances. Permettez-moi de souligner qu'il existe désormais une cohérence entre loi de finances et loi de financement de la sécurité sociale, cohérence qui doit naturellement être encore accrue mais qui a le mérite d'avoir déjà beaucoup progressé : le rapport sur les perspectives pluriannuelles annexé au PLFSS est tout à fait en cohérence avec le rapport économique, social et financier du projet de loi de finances.

Monsieur Fischer, il ne faut pas confondre culpabilisation et appel à la responsabilité. C'est tout autre chose ! Nous entendons faire aujourd'hui appel à la responsabilité de tous pour sauvegarder une protection sociale qui est notre bien commun et à laquelle nous sommes, les uns et les autres, profondément attachés.

Monsieur Michel, vous trouverez les réponses à vos remarques sur les déficits des branches de la sécurité sociale dans celles que j'ai données aux orateurs qui vous ont précédé.

Pour conclure sur les diverses interventions, je soulignerai avec M. le président Arthuis, M. le président About, M. le rapporteur général Marini et M. le rapporteur Vasselle, que l'affectation de 5 milliards d'euros de TVA à la sécurité sociale est un geste fort, gage d'un nouveau financement diversifié et dynamique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Le débat est clos.

Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le n° 55 et distribuée.