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Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance
Discussion générale (suite)

Diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance
Art. 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de l'assurance (nos 285, 368, 2004-2005).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi dont nous allons discuter aujourd'hui répond à une attente forte de nos concitoyens.

Les échanges réguliers entretenus avec les associations de consommateurs, notamment au sein du comité consultatif du secteur financier, montrent que les épargnants demandent en priorité des services financiers plus intelligibles et plus accessibles. Nous ne pouvons que partager ce souhait, et je suis heureuse de vous présenter les orientations du Gouvernement en matière de protection de l'épargnant, notamment de l'assuré, qui sont au coeur de ce projet de loi.

Je ne doute pas que vous partagiez le même objectif, et je tiens tout particulièrement à remercier à cet égard le rapporteur de la commission des finances, M. Philippe Marini, pour la très grande qualité du travail qu'il a fourni sur ce projet de loi et pour ses nombreuses initiatives, qui améliorent des dispositions du texte mais visent également à répondre aux besoins complémentaires des investisseurs et des épargnants.

L'assurance est une composante importante des dépenses et de l'épargne des ménages, à laquelle sont attachés des enjeux essentiels pour les assurés en termes de protection et de transmission du patrimoine. Il est donc indispensable que, dans ce domaine, les produits soient bien commercialisés et que le consommateur comprenne les garanties auxquelles il souscrit. C'est la raison pour laquelle le travail de conseil joue pleinement à leur égard.

Dans ce sens, le présent projet de loi comporte des améliorations essentielles. Il s'inscrit dans une démarche de modernisation à laquelle le Parlement a largement contribué au cours de ces dernières années, notamment à l'occasion du vote de la loi de sécurité financière du 1er août 2003. Les deux directives européennes qui inspirent ce projet de loi, à savoir, d'une part, la directive sur l'intermédiation en assurance et, d'autre part, la directive concernant l'assurance directe sur la vie, montrent d'ailleurs à quel point la pratique française a inspiré la discussion européenne.

Le Gouvernement attache en effet une grande importance dans les débats européens à promouvoir une régulation équilibrée des services financiers, dans laquelle les trois objectifs fondamentaux de l'action européenne que sont l'ouverture au niveau européen des marchés nationaux, la sécurité et la stabilité du système financier, ainsi que la protection des consommateurs doivent être d'importance égale, sans qu'aucun ne supplante les autres.

C'est pour cette raison que, dans sa réponse au Livre vert de la Commission européenne sur les services financiers, la France a insisté pour qu'une place plus substantielle soit accordée à la concertation avec les représentants des associations de consommateurs dans le cadre de l'élaboration des textes. Réciproquement, je ne puis qu'encourager ces représentants à venir défendre à Bruxelles notre importante tradition de protection des consommateurs.

Les dispositions sur les intermédiaires d'assurance qui vous sont proposées aujourd'hui offrent, sans bouleverser d'ailleurs la législation existante, qui est déjà l'une des plus protectrices d'Europe, un nouveau cadre, sécurisé et clair, pour accompagner la mise en place du « passeport européen » que prévoit la directive pour cette activité.

Ce dispositif repose, d'une part, sur l'immatriculation des intermédiaires d'assurance et, d'autre part, sur la transparence du mode de commercialisation retenu. L'intermédiaire sera donc désormais tenu soit d'analyser un nombre suffisant de contrats d'assurance offerts sur le marché, de façon à pouvoir recommander le contrat le mieux adapté aux besoins du souscripteur, soit d'indiquer à ce dernier les entreprises d'assurance avec lesquelles il travaille. Le projet de loi donne, enfin, un fondement légal à l'exercice du devoir de conseil, qui n'était jusqu'alors reconnu que par la seule jurisprudence.

De telles dispositions sont valables pour les contrats d'assurance vie comme pour les contrats d'assurance dommage.

Au-delà de la régulation des intermédiaires, la protection des investisseurs passe par une bonne information du consommateur lors de la souscription de son contrat. Tout cela ne peut pas fonctionner sans un rôle actif de l'assuré, qui doit choisir les garanties, les contrats et les formules qui lui conviennent le mieux et faire ainsi jouer la concurrence. Pour ce faire, l'assuré doit bénéficier d'une information complète, mais aussi, dans toute la mesure du possible, d'une information homogène et accessible.

Cet aspect nous paraît d'autant plus important que, avec une telle démarche, chacun est finalement gagnant. Le fait d'avoir à discuter avec des consommateurs avertis constitue en effet la meilleure incitation pour que notre industrie financière propose de bons produits et soit compétitive.

Monsieur le rapporteur, vous êtes à l'origine d'un amendement sur l'indépendance des associations souscriptrices. L'exemple de ces associations témoigne précisément de l'intérêt, pour l'industrie de l'assurance comme pour les assurés, de pouvoir établir un dialogue aussi équilibré et éclairé que possible entre les investisseurs et les professionnels. Nous aurons d'ailleurs certainement l'occasion de revenir sur ce sujet.

Améliorer l'information de l'épargnant passe également par une réflexion assurant la cohérence « transsectorielle » de la commercialisation des produits financiers. Le principe en a été posé de manière décisive dans la loi de sécurité financière : l'assuré doit ainsi recevoir exactement la même information que le souscripteur en direct de parts d'OPCVM, ou parts d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières.

Dans le domaine de l'information délivrée à l'occasion de la signature d'un contrat d'assurance vie, le projet de loi s'attache à préciser les conditions d'exercice du droit de renonciation des contrats d'assurance vie, tout en clarifiant et en enrichissant les obligations d'information.

Les évolutions récentes du droit européen ont rendu nécessaire de mettre en accord le droit français de l'information avec la directive sur l'assurance vie, qui est d'harmonisation maximale en ce qui concerne la durée du délai de renonciation de trente jours et le calcul de son point de départ. Ce délai doit en effet courir à partir de la date à laquelle l'assuré est informé de la conclusion du contrat, ce qui nécessitait de modifier notre droit interne.

Certains ont déduit du caractère « maximal » de l'harmonisation européenne sur cette question la remise en cause du principe même de la prorogation du délai de renonciation, prévu dans notre droit, dès lors que les informations requises avant la souscription du contrat n'avaient pas été correctement remises à l'assuré.

Le Gouvernement a souhaité, quant à lui, maintenir cette prorogation, tout en en limitant le terme afin de ne pas perpétuer indéfiniment les situations d'incertitude juridique. Le délai, initialement prévu à cinq ans, a été porté à huit ans au terme des débats qui se sont tenus à l'Assemblée nationale. Un équilibre a ainsi été atteint, et il serait excessif de le modifier, compte tenu du caractère théoriquement « maximal » de l'harmonisation européenne sur ce point. Je rappelle d'ailleurs avec insistance qu'il s'agit là non pas d'un droit général à renonciation pendant huit ans, mais d'un délai maximum durant lequel une action peut être engagée si l'assuré estime que l'information qui lui a été remise initialement ne répond pas aux obligations qui s'imposent à l'assureur.

Parallèlement, dans le projet qui vous est soumis, l'information délivrée à l'assuré est significativement améliorée. La discussion du projet de loi de sécurité financière, notamment à l'issue des débats qui s'étaient tenus ici même au Sénat, avait permis de modifier très profondément l'état des lieux dans cette matière. L'Assemblée nationale a explicitement étendu ce dispositif très complet aux contrats d'assurance de groupe, qui constituent une part importante des contrats. Il était important de préciser les obligations d'information des adhérents à ces contrats et de les aligner le plus fidèlement possible sur le régime des contrats individuels.

Une nouvelle étape devrait être franchie aujourd'hui. Il paraît en effet nécessaire de clarifier les modalités de communication de l'information à l'occasion de la signature d'un contrat d'assurance vie.

Comme l'avait indiqué à l'Assemblée nationale le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Thierry Breton, une réflexion intense a été menée, non seulement au sein du groupe animé par M. Delmas-Marsalet, mais également au sein du comité consultatif du secteur financier et avec les représentants des associations de consommateurs.

En effet, il ne suffit pas de donner une information exhaustive, encore faut-il qu'elle soit communiquée efficacement. Tel était, à l'origine, l'objectif de la note d'information. Toutefois, alors qu'un tel document est censé présenter l'avantage d'une meilleure lisibilité, force est de reconnaître que l'accumulation des rubriques et l'impact de certains litiges ont conduit à une réelle confusion entre le contrat, d'une part, et la note d'information, d'autre part.

Dans ces conditions, la note d'information ne remplit plus réellement son rôle et risque en outre de dissuader tout simplement le souscripteur de lire son contrat. A partir de l'initiative élaborée par M. Marini, le Gouvernement vous proposera de revenir à un modèle plus opérant, avec un encadré très lisible en tête de contrat. Il prêtera par ailleurs une grande attention aux initiatives sénatoriales susceptibles de conforter la protection des épargnants. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, ce texte, d'apparence technique, est composé de seulement six articles, auxquels s'ajoutent deux articles additionnels introduits par l'Assemblée nationale. Toutefois, en étudiant les dispositions qu'il contient, nous avons pu observer qu'elles portent sur un sujet touchant de près à la vie de nombre de nos concitoyens, tant est grande la place de l'assurance vie dans notre système financier et dans notre système d'épargne.

Pour l'essentiel, il s'agit ici de procéder à la transposition, d'une part, de la directive du 9 décembre 2002 sur l'intermédiation en assurance et, d'autre part, de la directive du 5 novembre 2002 concernant l'assurance directe sur la vie.

A cet égard, il convient de rappeler en quelques mots les enjeux macroéconomiques de l'assurance vie.

Tout d'abord, ce dispositif représente un stock d'épargne qui est estimé à plus de 840 milliards d'euros. Un tel montant est à mettre en rapport avec celui de la dette des administrations publiques, qui n'est finalement pas si éloigné !

Ce dispositif correspond, ensuite, à des habitudes très ancrées dans les comportements d'épargne de nos concitoyens.

La souscription d'un contrat d'assurance vie, au-delà du volume quantitatif du secteur, n'est pas un placement comme les autres : il s'agit là d'un comportement très personnel, qui exprime des choix de vie ; c'est particulièrement apparent pour ce qui concerne les modalités de transmission des patrimoines.

Nombre de nos compatriotes ont une vision très « affective » de l'assurance vie. De ce point de vue, c'est un ensemble de mécanismes auquel il ne faut toucher qu'avec beaucoup de précautions. J'ajouterai, mais c'est un point qui sera abordé dans la discussion des articles, que cette nature souvent très privée de la souscription de contrats d'assurance vie est notamment constatée pour les contrats avec désignation d'un bénéficiaire. Nous avons ainsi tous pu observer que ce type de contrats a récemment suscité un intérêt renouvelé, de la part des médias comme du public.

Pour autant, malgré les indications quantitatives et la nature spécifique des comportements en assurance vie que je viens de rappeler, je ne crois pas qu'il faille faire de l'assurance vie un « monde à part ».

Les règles en termes notamment de transparence et de bonne gouvernance, qui s'appliquent aux marchés financiers, ont vocation à être transposées dans le domaine de l'assurance. Certes, celui qui acquiert des parts d'un OPCVM se livre purement et simplement à un achat ; celui qui souscrit une assurance vie devient le partenaire d'une compagnie d'assurance dans un contrat qui les lie pour une assez longue période de temps. De cette différence juridique procèdent, bien sûr, des spécificités, dans l'un comme dans l'autre cas.

Toutefois, lorsqu'il s'agit de transparence, lorsqu'il s'agit de s'assurer d'un bon fonctionnement de la concurrence entre professionnels, lorsqu'il s'agit de la comparabilité des offres faites au public, le droit doit être rendu aussi harmonieux et homogène que possible, entre, d'une part, l'épargne financière et les marchés financiers et, d'autre part, les contrats d'assurance, plus spécifiquement les contrats d'assurance vie.

C'est en fonction de cette orientation générale que la commission des finances a abordé ce texte. C'est notamment pour cette raison qu'elle a souhaité faire quelques avancées supplémentaires en vue de confirmer la place et les compétences de l'autorité de contrôle du secteur, à savoir la Commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance, dont le rôle était à l'origine essentiellement « prudentiel ».

Elle proposera symboliquement de rebaptiser cette autorité et d'en faire une autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, qui se pose ainsi, toutes proportions gardées, comme le symétrique de l'Autorité des marchés financiers, pour ce qui est de l'épargne financière.

Le texte dont nous traitons comporte donc deux volets : un volet « harmonisation européenne », d'une part, et un volet « protection de l'épargnant », d'autre part, ce dernier étant le plus apte à susciter notre intérêt et nos débats.

Je ne rappellerai que de manière très cursive le contenu du texte, car je ne voudrais pas répéter la présentation qui en a été faite par Mme la ministre. Un renforcement du contrôle des intermédiaires en assurance, une meilleure information du souscripteur des contrats d'assurance vie et une meilleure protection du consentement de ce dernier sont bien entendu des orientations auxquelles la commission des finances souscrit.

De même, elle souscrit à une cote mal taillée trouvée opportunément à l'Assemblée nationale, à savoir le choix du délai limite pour le droit de renonciation en cas de défaut d'information du souscripteur. Comme vous-même, madame le ministre, la commission estime que l'amendement de compromis substituant à un délai illimité un délai de huit ans est un bon texte qui instaure un équilibre satisfaisant sur lequel il ne convient pas de revenir.

J'en viens aux propositions de la commission, qui visent trois objectifs.

Tout d'abord, les membres de la commission, partageant le souci du Gouvernement, voudraient aller encore plus loin s'agissant de l'explicitation des conditions de souscription des contrats : ils souhaiteraient ainsi que l'on se dirige vers une vraie normalisation de l'information permettant à l'épargnant de mieux se déterminer en toute connaissance de cause et de faire jouer la concurrence.

C'est pourquoi ils souhaitent que la nouvelle autorité de contrôle des assurances et des mutuelles reçoive compétence pour élaborer, pour vérifier les modèles de notes d'information. Par conséquent, ils estiment que ces notes doivent comporter des éléments personnalisés clairs et lisibles. Ils considèrent aussi que ces documents doivent être structurés méthodiquement en rubriques comportant notamment la présentation explicite de tous les frais d'intermédiation, frais de gestion, commissions de toute espèce. En quelque sorte, l'explicitation de ces frais d'intermédiation doit se faire à l'image de ce qui prévaut en matière de crédit avec la notion de taux effectif global, le TEG, qui s'applique de manière complètement horizontale à toutes les offres de crédit faites aux particuliers.

Les membres de la commission se situent dans la logique de nos collègues de l'Assemblée nationale qui ont souhaité faire prévaloir cette notion de notes d'information. A la vérité, et nous le verrons au cours du débat, nous avons une divergence purement technique, et non de fond, avec le Gouvernement qui raisonne, lui, en termes de « préambule », d'« encadré », comme vous l'avez dit, madame le ministre, inséré dans le contrat, faisant partie intégrante de celui-ci et précédant ses clauses techniques.

L'essentiel est sans doute que l'on s'entende bien sur l'orientation, sur le caractère standardisé de l'information. Il faut que la loi soit claire, qu'elle prescrive les rubriques, mais à mon avis sans entrer dans leur détail, qui relève plutôt du domaine réglementaire ; en effet, aller trop loin dans le descriptif de ce que chaque rubrique doit comporter reviendrait à prendre le risque d'avoir à remettre souvent ce texte sur le métier. L'essentiel est donc que l'information soit normée et qu'un même épargnant puisse comparer, dès la première lecture, les offres faites par différents intermédiaires et par différentes compagnies d'assurance.

Il semble logique aux membres de la commission d'introduire l'autorité de contrôle dans ce processus. Cette disposition induit certes - ils en sont bien conscients - une évolution du rôle de l'autorité de contrôle, ce qui impliquera qu'elle s'adapte en termes de compétences, qu'elle s'équipe en moyens de personnel pour prolonger les fonctions dont elle dispose actuellement.

Par ailleurs, toujours dans ce souci d'une meilleure information, les membres de la commission pensent que certaines pratiques traditionnelles du marché de l'assurance français doivent être adaptées, mieux encadrées. Je vise en l'espèce plus spécialement les contrats dits « à frais précomptés », pratique professionnelle selon laquelle les premiers versements de l'assuré incorporent la totalité des frais de gestion afférents à l'ensemble de la période du contrat. Ce n'est sans doute pas une situation optimale ; en tout cas, ce n'est pas toujours bien compris par les souscripteurs de contrats. Selon les membres de la commission, ces spécificités doivent venir rapidement à extinction.

La commission des finances ne sous-estime pas les difficultés qui peuvent, le cas échéant, apparaître pour redéployer les moyens ; mais il résulte de toutes les consultations auxquelles elle a procédé que l'intérêt tout à la fois des épargnants et du marché français de l'assurance est de réaliser cette modernisation.

Le deuxième objectif qui sous-tend certains amendements déposés par la commission vise à permettre au souscripteur de prendre ses responsabilités. Cela suppose que ce dernier soit suffisamment averti.

Ici, intervient la fameuse question de la clause bénéficiaire, à laquelle je faisais allusion en introduction. Il existerait, nous dit-on, parmi le stock considérable de contrats d'assurance un volume non négligeable de contrats en déshérence, contrats dont les bénéficiaires n'ont pas été retrouvés, voire, dans certains cas, n'ont pas été vraiment recherchés. Le montant de ces contrats pourrait représenter plusieurs milliards d'euros.

Il faut savoir que le souscripteur d'un contrat d'assurance vie peut désigner un tiers comme bénéficiaire sans le lui faire savoir. Dans le cas contraire, il ne peut plus modifier la personne du bénéficiaire. Chacun peut imaginer des situations de vie privée ou de vie familiale telles que des cas de figure de ce genre puissent se produire. Dans l'intérêt de la paix des familles, mieux vaut parfois que certains dispositifs assurant la discrétion puissent exister dans le cadre de notre droit. Encore faut-il que le souscripteur soit conscient de ce qu'il fait, des risques qu'il prend et des solutions qui existent en droit civil français pour qu'il puisse être assuré que le bénéficiaire désigné par le contrat recevra le moment venu - le plus tard possible bien entendu - ce qu'il souhaite lui transférer.

Enfin, toujours pour permettre au souscripteur de prendre ses responsabilités, les membres de la commission souhaitent - Mme le ministre y a fait allusion - que l'organisation du secteur associatif soit améliorée.

Les associations qui souscrivent des contrats d'assurance jouent un rôle économique fort utile mais à condition qu'elles soient réellement indépendantes de l'entreprise d'assurance avec laquelle elles contractent. C'est pourquoi les membres de la commission estiment que des précisions, des garanties doivent être apportées dans la législation : il convient de faire en sorte, d'une part, que la majorité des membres du conseil d'administration soit sans liens, sans conflits d'intérêt avec la compagnie d'assurance, et, d'autre part, que les adhérents puissent s'exprimer et voter en assemblée générale.

Enfin, les membres de la commission ont pour objectif de renforcer l'autorité de régulation, de la rebaptiser, de faire en sorte qu'elle affirme son rôle. Ils souhaitent que soit établie une situation pleinement satisfaisante sur le marché français de l'assurance, en tout cas que ce dernier repose sur un système d'information et de contrôle qui soit parmi les plus complets et les plus sûrs de l'Union européenne, en plein accord avec les textes de droit communautaire qui doivent être adaptés comme il convient à notre droit national.

Telle est, en résumé, madame le ministre, mes chers collègues, l'approche de la commission des finances sur ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;

Groupe socialiste, 32 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le droit des assurances présente le paradoxe à la fois d'être très complexe, pour ne pas dire incompréhensible, et de faire partie pourtant de notre vie quotidienne.

Autrefois, lorsque j'étais étudiante et que l'on parlait d'assurance, il était habituel de rappeler que New York n'existerait pas sans les assureurs. Mais aujourd'hui, l'assurance vie, l'assurance décès, la prévoyance font partie du quotidien du citoyen.

Non seulement ces assurances sont parfois obligatoires pour des actes simples, tels certains achats, mais encore l'assurance vie est maintenant devenue un placement financier et de prévoyance retraite recherché par des consommateurs pas forcément avertis.

La présence de calculs de probabilité relatifs à la notion d'espérance de vie ou aux bénéfices escomptés de tel ou tel produit financier, l'utilisation de ratios ne sont pas étrangers aux difficultés rencontrées par les profanes pour comprendre quelle réalité recouvre les produits proposés. L'assurance vie est compliquée, même parfois pour les assureurs ! (Sourires.) Mais cette complexité n'est synonyme ni de duplicité ni de tromperie.

Je sais que nos collègues de l'Assemblée nationale se sont émus de l'augmentation du nombre de contentieux portés devant les tribunaux. En ce qui me concerne, je n'y vois pas la preuve que les assureurs sont de mauvaise foi et qu'il faut encadrer encore plus leurs pratiques, déjà très réglementées. Cela signifie tout simplement que des produits, qui étaient autrefois réservés à des initiés, sont devenus tout à coup des produits de consommation. Les assureurs doivent donc mieux communiquer, mieux informer et, éventuellement, simplifier ces produits.

C'est pourquoi, je tiens à féliciter M. Philippe Marini pour le travail qu'il a fait sur ce texte au nom de la commission des finances.

Non seulement il a eu la lourde tâche d'adapter notre législation au droit communautaire en matière d'intermédiation en assurance, mais encore - l'examen des amendements nous le montrera - il a saisi l'occasion d'utiliser l'esprit du droit communautaire pour introduire dans le droit des contrats d'assurance vie plus d'information et de transparence pour les non-initiés, c'est-à-dire pour la majorité des assurés.

J'espère simplement que ces améliorations en faveur de la défense des particuliers de bonne foi ne deviendront pas, comme c'est malheureusement trop souvent le cas, une exonération de bon sens et de responsabilité des consommateurs avertis. Mais seuls les tribunaux, qui auront à connaître des contentieux en la matière, seront les garants de l'équilibre entre protection et responsabilité des consommateurs.

Monsieur le rapporteur, pour avoir rencontré après vous les représentants de la profession, je sais quel énorme travail de concertation vous avez effectué, tentant d'établir le juste équilibre entre vos convictions profondes, la défense des assurés et les contraintes réelles des assureurs qui peuvent faire évoluer doucement leurs réseaux et leurs produits.

Le texte soumis à l'examen de la Haute Assemblée porte sur deux thèmes essentiels sur lesquels je ne reviendrai pas, puisque Mme le ministre et M. le rapporteur les ont rappelés.

Pour ma part, c'est surtout sur la partie relative à l'information des souscripteurs que je veux intervenir, d'abord en tant qu'élue mais aussi en tant que consommateur et qu'ancienne professionnelle de la communication. J'ai donc déposé quelques amendements, dans l'intérêt à la fois des assurés et des entreprises d'assurance respectueuses, pour la plupart, de leurs clients.

Sur ce sujet, je me permets de dire, à titre tout à fait personnel, que certaines dispositions adoptées par l'Assemblée nationale me paraissent relever à la marge du procès d'intention envers les assureurs.

Les entreprises d'assurance françaises respectent le droit fort complexe des assurances ; les organes de contrôle, la commission de contrôle des assurances, des mutuelles et des institutions de prévoyance en tête, ne peuvent pas être traités de coquilles vides.

Certains des amendements que vous avez déposés, mes chers collègues, me semblent relever de cette idée générale et fausse que les assureurs sont des voleurs.

J'ose l'affirmer à cette tribune : il y a selon moi plus d'assurés de mauvaise foi que d'assureurs de mauvaise foi.

Certes, les assureurs ont tendance à se retrancher derrière des alinéas et des articles, mais ces derniers existent réellement. Les assureurs appliquent le droit ; à nous de faire évoluer ce dernier de telle sorte que les assurés s'y retrouvent.

D'une façon générale, le consommateur - en matière d'assurance vie à objectif financier, il s'agit en effet plus, selon moi, d'un consommateur que d'un assuré - ne doit pas se conduire comme un assisté : signant un contrat qui va l'engager, il devrait donc, comme toute personne gérant de bonne foi ses contrats, regarder ce qui y figure. La résiliation d'un contrat d'assurance me paraît parfois plus facile que la résiliation d'un contrat de téléphonie mobile !

L'assureur doit bien entendu apporter à son client des informations. Mais quel consommateur attendrait huit ans avant de réagir et de s'apercevoir qu'il ne dispose pas de tout ce qui est nécessaire à son information ? S'agissant de placements financiers souvent importants, ce serait une attitude très étonnante !

Je suivrai cependant, dans leur sagesse, notre rapporteur, M. Philippe Marini, et Mme la ministre, en estimant, comme eux, que ces cas sont marginaux et ne freineront donc en rien le développement de l'assurance vie auprès des consommateurs.

Mon approche concernant la délicate question des contrats exprimés en unités de compte va encore dans ce sens de la confusion entre assuré et consommateur assisté. Les souscripteurs sont, dans la quasi-totalité des cas, très avertis, et certains d'entre eux jouent avec l'assurance vie comme ils jouent en Bourse. Le montant moyen des affaires contentieuses le prouve. Nous pourrons certainement en débattre entre nous, des approches différentes étant forcément constructives et enrichissantes.

S'agissant du système des contrats à frais précomptés, M. le rapporteur m'a sans grande difficulté convaincue de sa complexité et de ses conséquences préjudiciables pour l'assuré qui voudrait effectuer un rachat trop rapide. Je me permettrai simplement, en le suivant, de demander des délais pour sa mise en oeuvre. Plus de 20 000 personnes distribuent en effet ce type de contrats : il y aura donc 20 000 contrats de travail à résilier, à renégocier, 20 000 personnes à réorienter vers d'autres systèmes de vente d'assurance, et des systèmes informatiques à refondre.

Nous allons, par ce texte, modifier le droit des assurances. Laissons aux directeurs des ressources humaines le temps d'appliquer cette réforme du droit en respectant, quant à eux, le droit du travail !

Enfin, s'agissant des contrats en déshérence, monstres du loch Ness des assureurs et assurés sur la vie et, parfois, des journalistes l'été, je me suis permis, appuyée par plusieurs d'entre vous, mes chers collègues, de déposer un amendement simple qui repose sur la bonne foi des assureurs comme des bénéficiaires. Ainsi que le disait M. le rapporteur, la plupart du temps, le bénéficiaire ne sait pas qu'il peut bénéficier d'un contrat d'assurance décès, et les assureurs n'ont pas forcément connaissance du décès de l'assuré. Cet amendement, même s'il ne soulève pas l'enthousiasme des assureurs, pourrait être appliqué sans trop de difficultés.

Ce projet de loi, certes technique au premier abord, concerne en fait beaucoup de monde : les assurés, bien entendu, qui, une fois ce texte mis en oeuvre, feront sans doute partie des citoyens consommateurs les mieux protégés non seulement de France mais surtout d'Europe, sans oublier les personnels qui travaillent dans le secteur d'activité de l'assurance et auxquels nous devons, en tant que législateurs, apporter notre soutien pour leur permettre de continuer à exercer leur métier, même si le droit de l'assurance doit évoluer dans les années à venir au rythme des mutations de la société.

C'est ce à quoi nous nous employons aujourd'hui. Le groupe de l'UMP votera donc ce projet de loi et les amendements proposés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sous des dehors assez nettement techniques, le projet de loi dont nous débattons aujourd'hui recèle quelques enjeux plus importants qu'il n'y paraît au premier abord.

Ce texte consacre en effet l'achèvement du processus d'ouverture du marché de l'assurance en Europe, comme la primauté du code des assurances sur tout autre corpus législatif en la matière, ce qui a une certaine importance dans notre pays, marqué par la présence d'un fort secteur mutualiste, et vise donc à proposer un cadre juridique pour une activité appelée à se développer dans les années à venir.

L'article 1er du projet de loi a pour objet de transposer, sous certaines conditions, les principes qui président, dans le champ de la législation européenne, à la mise en oeuvre de la concurrence libre et non faussée en matière d'intermédiation en assurances. Cet article tend ainsi à instaurer des règles propres à l'autorisation de toute personne à s'établir comme intermédiaire en assurance.

On relèvera que cette homologation se déterminera sur les règles établies par chacun des pays d'origine des intermédiaires, ce qui risque fort de poser en pratique quelques difficultés, eu égard à la grande diversité des situations dans les vingt-cinq pays de l'Union européenne.

Même si ce n'est sans doute pas demain que les assurés français feront appel aux services d'intermédiaires non nationaux pour souscrire des contrats, il est cependant probable que la situation connaîtra dans les années à venir de sensibles évolutions, puisque la concurrence exacerbée entre entreprises d'assurance à vocation européenne se conjuguera probablement avec l'émergence d'une nouvelle génération d'intermédiaires appointés...

A la vérité, les conditions sont ouvertes pour une guerre sans merci entre les grands groupes assurantiels européens, qu'il s'agisse de nos sociétés à base française, comme les AGF, le GAN ou Axa, ou de celles qui sont venues de pays étrangers, comme Generali ou Allianz, pour ne citer que quelques exemples.

On notera d'ailleurs que la mise en place et le développement du marché européen de l'assurance vont de pair avec une course à la taille critique menée par chacun de ces groupes, au travers, notamment, de coûteuses opérations de contrôle de concurrents directs.

Il faut dire qu'avec les perspectives offertes non seulement par la persistance d'un haut niveau d'endettement des Etats membres de l'Union, et donc la production d'un fort volume de titres obligataires, mais aussi par la spéculation immobilière, et donc la valorisation rapide du patrimoine, les sociétés d'assurance jouissent d'une forte rentabilité de leurs placements.

Trois enjeux fondamentaux sont cependant au coeur du développement du secteur de l'assurance dans les prochaines années.

Le premier enjeu est celui de la retraite. En effet, la logique qui alimente depuis maintenant plus de dix ans les critères de convergence européens encourage, dans tous les pays de l'Union sans la moindre exception, l'émergence d'un volume d'épargne par capitalisation destiné à compenser, pour les salariés concernés, la déperdition progressive et continue de la qualité de la couverture assurée par le régime solidaire de retraite.

Notre pays n'a pas échappé à ce phénomène, particulièrement depuis l'adoption, en 1993, de la réforme Balladur en matière de retraites, que la réforme Fillon, en 2003, n'a fait que renforcer.

Devant la dégradation de la retraite par répartition, on a ouvert le champ d'une couverture complémentaire par capitalisation, qui est par nature inégalitaire et présente nombre d'avantages pour les compagnies d'assurance.

En effet, l'épargne retraite s'avère être une épargne captive de longue durée qui offre bien des opportunités de placement et de spéculation pour les gestionnaires des contrats.

Les mesures préconisées dans le texte, même si elles peuvent apparaître comme l'expression d'un souci de transparence, ne changent rien au fond du problème posé par cette forme de confiscation de l'épargne des salariés.

Le deuxième champ investi par les compagnies d'assurance est celui de la couverture santé.

Là encore, devant la dégradation continue de la qualité des prestations prises en charge par le système solidaire, les portes sont largement ouvertes pour un investissement du secteur par les compagnies d'assurance. Ce domaine leur échappe encore en grande partie, d'autant que c'est le secteur mutualiste qui assume l'essentiel de la couverture complémentaire des salariés dans notre pays.

Enfin, reste le champ de l'assurance vie, relativement proche de celui de l'épargne retraite, mais avec des caractères spécifiques.

On le sait, l'encours de l'assurance vie dans notre pays demeure particulièrement élevé - plus ou moins 850 milliards d'euros -, malgré une évolution moins favorable de la fiscalité ces dernières années.

Le marché de l'assurance vie se nourrit de l'émission de titres de dettes publiques, les compagnies d'assurance étant les premiers investisseurs institutionnels souscripteurs.

De fait, tout laisse penser que, en cette matière, les années qui viennent de s'écouler comme les prochaines ne vont guère modifier les données du problème.

D'une certaine manière, d'ailleurs, lorsque les épargnants cotisent pour leur assurance vie, les revenus qu'ils capitalisent sont autant de baisses d'impôts qui n'ont pas lieu d'être et autant de dépenses publiques qui sont réduites, puisqu'il faut bien rémunérer les titres obligataires émis au fur et à mesure des besoins.

C'est donc en fonction de ces perspectives que nous nous devons de placer le débat qui nous occupe aujourd'hui bien au-delà des considérations techniques ou comptables qui pourraient nous intéresser à l'examen des articles.

Quant au contenu du texte, nous ne pourrons évidemment l'approuver, les précautions prises pour créer les conditions d'une concurrence transparente entre intermédiaires en assurance et compagnies d'assurance ne constituant que la dernière étape d'un processus accentué de financiarisation de l'économie que nous combattons par ailleurs.

Tels sont, madame la ministre, mes chers collègues, les points que nous souhaitions relever à l'occasion de ce débat.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Jégou.

M. Jean-Jacques Jégou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne peux que me réjouir qu'arrivent enfin en discussion devant la Haute Assemblée les dispositions de la directive communautaire sur l'intermédiation en assurance.

Ce texte a une réelle importance - vous l'avez dit, madame la ministre -, puisqu'il contribue à instaurer un marché européen unique de l'intermédiation en assurance.

Nous poursuivons donc l'approfondissement de la mise en place du marché communautaire de l'assurance, engagée en 1994. La France comble en effet son important retard en matière de transposition de directives communautaires relatives aux marchés financiers, en ce qui concerne tant la sécurité des produits que la transparence financière ou encore, aujourd'hui, les conditions d'information des souscripteurs de produits d'assurance.

Les articles 1er et 2 de ce texte visent à transposer la directive 2002/92/CE du Parlement européen et du Conseil sur l'intermédiation en assurance.

Quant à l'article 3, il a pour objet de modifier l'article L. 132-5-1 du code des assurances en termes d'information et de protection des souscripteurs de contrats d'assurance vie, dispositions n'ayant aucun rapport avec une transposition de directive européenne.

En dépit du souhait, certes louable, affirmé par le Gouvernement de rétablir un équilibre entre les droits des souscripteurs des contrats d'assurance vie et de capitalisation et la sécurité juridique de ces contrats, l'article 3 de ce texte instaure, de fait, une régression de la protection des assurés par rapport à la loi de sécurité financière du 1er août 2003, en particulier en ce qui concerne les délais de renonciation.

J'émettrai, tout d'abord, un désaccord de principe. A l'instar de mon ami M. Charles de Courson, qui l'a fait remarquer avant moi à l'Assemblée nationale, je regrette vivement que le Gouvernement utilise la transposition d'un texte communautaire pour faire voter des dispositions atténuant la protection des assurés.

Madame la ministre, comment voulez-vous que les Français puissent un jour adhérer à un projet communautaire et y croire si l'Europe leur est toujours présentée comme le gendarme chargé de réduire en catimini leurs garanties ?

Lors de son examen par l'Assemblée nationale, le présent projet de loi a fort heureusement été amendé à plusieurs reprises afin que soit rétabli un niveau plus satisfaisant d'information et de protection des assurés.

Les amendements que je proposerai aujourd'hui au nom du groupe de l'Union centriste-UDF visent à conforter le travail réalisé par l'Assemblée nationale, à appuyer certains amendements qui y ont été adoptés et à instaurer un certain nombre de garanties supplémentaires en faveur des épargnants.

Nos amendements visent, en premier lieu, à améliorer l'information des assurés, en étoffant la quantité et la qualité des renseignements disponibles dans la note d'information et en demandant que soient clairement précisées les valeurs de rachat personnalisées pour les contrats en unités de compte, seul moyen à la disposition des épargnants pour calculer le montant d'éventuels précomptes de frais.

L'article 3 bis tend notamment à insérer un nouvel article L. 132-5-3 dans le code des assurances, mais son existence nous paraît superfétatoire. En effet, s'il présente l'avantage de clarifier les obligations, en particulier d'information, lors de la souscription de contrats de groupe, il risque cependant de conduire à déstabiliser la jurisprudence actuelle.

Jusqu'à présent, le juge a toujours considéré que les obligations mentionnées aux articles L. 132-5-1 et L. 132-5-2 du code des assurances s'appliquait aux contrats de groupes.

Dans un souci de transparence et d'indépendance dans le domaine de l'assurance vie, nous souhaitions déposer un amendement visant à garantir l'indépendance des souscripteurs, par analogie avec les garanties offertes aux adhérents à un plan d'épargne pour la retraite populaire, le PERP, souscrit dans le cadre associatif des groupements d'épargne pour la retraite populaire, les GERP. Cette disposition se situe dans la droite ligne des mesures proposées par la commission des finances à l'amendement n° 17. M. le rapporteur milite en effet en faveur de l'indépendance des associations, grâce à une nouvelle composition de leur conseil d'administration.

L'amendement proposé par notre groupe ayant suscité beaucoup de passion, nous l'avons retiré. Il aura eu au moins le mérite de faire prendre conscience du problème aux parties. Celles-ci se sont engagées à trouver une solution originale avant la fin de la navette parlementaire - pourquoi pas dans le cadre d'une conciliation sous votre houlette, madame la ministre ?

Toujours animés d'un souci de transparence, nous avons souhaité résoudre la question des contrats d'assurance vie en déshérence. Les assureurs estiment, en effet, que 1 % des contrats sont concernés par cette situation. Ramenés à la masse que représente cette épargne, les enjeux sont considérables : il est question de 7 milliards d'euros. Un vide juridique existe, et il serait bon, à l'instar de ce qui se passe dans d'autres pays, de régler ce problème.

Loin de moi l'idée de taxer les assureurs de mauvaise foi dans ce dossier. Madame Procaccia, vous avez certainement été un peu excessive en affirmant que certains de nos collègues de l'Assemblée nationale et du Sénat pouvaient considérer les assureurs comme des voleurs. Tel n'est en tout cas pas mon avis. La mesure que nous proposons par le biais de cet amendement semble de bon sens et apporte au contraire de la crédibilité à la profession. Nous savons tous que des problèmes existent ; certains établissements procèdent d'ailleurs actuellement à des remboursements discrets. Je souhaite donc que, à l'issue de l'examen de ce texte, une solution puisse être trouvée.

J'espère, madame la ministre, mes chers collègues, que le débat qui s'ouvre sur ce texte et à l'occasion duquel un certain nombre d'amendements seront examinés donnera matière à des échanges constructifs au sein de la Haute Assemblée. Le groupe de l'Union centriste-UDF décidera de son vote à l'issue de cet examen. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF. - M. le rapporteur applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je voudrais, au nom de mon groupe, vous faire part d'une satisfaction, d'un regret et d'une réprobation quant à la forme du débat qui nous occupe ce soir.

J'exposerai une satisfaction, tout d'abord : il est toujours bon que soit organisé au Parlement un débat sur la transposition des directives communautaires. Celui qui nous est aujourd'hui proposé tend à transposer dans notre droit national la directive sur l'intermédiation en assurance.

Dans le même temps, le débat que nous avons eu ce matin en commission des finances a été long mais utile. Il a permis de dégager un certain nombre de points d'accord mais aussi de désaccord, notamment parce que cette transposition est l'occasion de légiférer sur la protection des souscripteurs de contrat d'assurance vie.

J'en viens au regret : il porte sur le délai de transposition que nous avons, une fois encore, dépassé. Or, nous le savons, les projets de directive, quels qu'ils soient, font l'objet d'un débat très long à l'échelon des institutions européennes. Les acteurs économiques et professionnels ont largement le temps de se préparer à la transposition. En outre, lors de l'examen du projet de loi portant transposition, des amendements visant à proroger les délais sont encore déposés, ce qui est tout à fait regrettable.

Je ferai enfin part d'une réprobation : il ne faut pas - sur ce sujet, je partage tout à fait les propos de notre collègue Jean-Jacques Jégou - instrumentaliser les transpositions de directive, comme cela se fait trop souvent et comme cela sera encore le cas avec ce texte. Ou bien alors, que l'on ne s'étonne pas si les Français se montrent hostiles lorsqu'un référendum leur est soumis !

Nous-mêmes, lorsque nous agissons ainsi, montrons que l'Europe peut avoir bon dos - ou mauvais, selon le point de vue où l'on se place. Ainsi, lorsque, à l'occasion de la discussion de ce projet de loi, le Gouvernement dépose un amendement que nous avons examiné ce matin en commission des finances et dont j'ai moi-même demandé le rejet, visant à recourir à l'habilitation par ordonnance pour transposer la directive sur les activités et la surveillance des institutions de retraite professionnelles, c'est de l'instrumentalisation pure et simple !

De la même manière, il ne me paraît pas raisonnable que nous soit demandé, par voie d'amendement, de résoudre des comptes franco-français entre compagnies d'assurance et mutuelles ou des litiges au sein même du monde mutualiste, par exemple en excluant les mutuelles à caractère sanitaire, social et culturel de la profession d'intermédiation. En effet, c'est l'esprit des directives que l'on trahit.

Le débat se concentre aussi sur l'article 3 du projet de loi. Lors de l'examen de ce dernier, l'Assemblée nationale a trouvé un compromis sur la prorogation du délai pour l'exercice du droit de renonciation en cas de défaut d'information, que M. Philippe Marini, dans son rapport écrit, a jugé satisfaisant. Je ne sais pas s'il l'est, et nous n'en débattrons pas ce soir. Seule la jurisprudence nous apprendra si la sécurité juridique des contrats est désormais assurée. A ce stade, je n'en suis pas sûre.

S'agissant de l'information des souscripteurs, notamment par la note d'information qui devra accompagner le contrat, plusieurs positions sont en débat : celle de l'Assemblée nationale, que je fais mienne, maintient explicitement un tel document ; celle que nous soumettra Jean-Jacques Jégou par le biais de son amendement, qui, s'il ne le retire pas, définit très précisément le libellé de cette note ; celle du rapporteur encadre le contenu de cette note et en confie la rédaction à l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles. Cette dernière position, que je qualifierai d'intermédiaire, me semble en l'état acceptable. En revanche, selon moi, celle du Gouvernement ne l'est absolument pas.

Reste la question de la clause bénéficiaire, qui n'est pas réglée et qui ne le sera pas avec les amendements proposés ce matin en commission des finances par M. le rapporteur.

Je souhaite attirer l'attention sur les sommes qui restent en déshérence. Par définition, leur montant n'est pas connu. Pour autant, M. Marini s'est livré dans son rapport écrit à une estimation des contrats visés et, si j'ai bien suivi le débat de ce matin en commission des finances, le montant des sommes mises en réserve par les compagnies d'assurance et par les mutuelles est considérable, puisqu'il se chiffre en milliards d'euros.

La solution préventive qui nous est proposée ne résout rien. Ainsi, l'amendement de la commission des finances, qui vise à autoriser le souscripteur à recourir à un acte sous seing privé chez le notaire pour préserver, si telle est sa volonté, la confidentialité de son choix, ne règle pas un problème qui est, selon moi, de nature macroéconomique.

Sur les sommes affectées aux réserves des compagnies d'assurance, je vous soumettrai deux propositions, mes chers collègues.

M. Philippe Marini, rapporteur. On va les affecter au budget de l'Etat ! (Sourires.)

Mme Nicole Bricq. Premièrement, compte tenu de l'expertise qu'a M. le rapporteur et que pourrait avoir la commission des finances, il devrait être possible de demander à la nouvelle Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles de surveiller ces réserves afin d'en connaître le montant exact.

M. Philippe Marini, rapporteur. Tout à fait ! C'est prévu !

Mme Nicole Bricq. Deuxièmement, et cette idée m'est certainement très personnelle, sans doute serait-il souhaitable que les fonds mis en réserve trouvent une affectation utile. A voir les difficultés qu'a le Gouvernement à indemniser les victimes de la sécheresse de 2003 au titre des catastrophes naturelles par le biais de la Caisse centrale de réassurance et par le Fonds de compensation de l'assurance construction, et ce malgré les multiples engagements pris au Sénat par le ministre concerné, alors même qu'il s'agit de quelques centaines de millions d'euros, on pourrait, me semble-t-il, trouver sans trop de peine une affectation utile à ces fonds, dont le montant s'élève à plusieurs milliards d'euros !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée. Je commencerai par vous remercier, monsieur le rapporteur, d'avoir replacé le débat dans une perspective large et stratégique en distinguant précisément la nature juridique de la souscription à un contrat d'assurance vie de celle d'un achat d'OPCVM. Les différentes pistes d'évolution que vous avez évoquées devraient d'ailleurs donner lieu à des discussions fructueuses, puisque, pour l'essentiel, nous partageons les mêmes objectifs. Je pense en particulier à la nécessaire implication de la future Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles dans la fonction de protection des consommateurs, à la réforme de la gouvernance des associations ou encore à la réduction des problèmes en matière de contrat de déshérence ou de frais précomptés. Je pense encore à la normalisation de l'information qui facilite la comparaison entre les offres et les contrats pour que les souscripteurs puissent, de manière intelligente et éclairée, choisir les produits qui correspondent le mieux à leurs besoins.

Le Gouvernement sera en outre sensible aux avertissements formulés par Mme Catherine Procaccia sur le danger d'exagérer le degré de réglementation, et ce afin de rester dans le cadre législatif.

J'indiquerai à M. Bernard Vera que le principe du « passeport européen » transposé par le projet de loi repose sur une harmonisation préalable forte. Il n'y a donc pas lieu de craindre de concurrence sauvage en la matière.

A M. Jean-Jacques Jégou, je préciserai que nos débats permettront de clarifier les intentions du Gouvernement, notamment l'absence de tout effet sur les contentieux en cours, les dispositions légales ne s'appliquant évidemment que pour l'avenir.

Je ne peux accepter l'accusation selon laquelle on ferait de l'Union européenne un bouc émissaire. En effet, le point de départ de l'exercice du délai de renonciation devrait être modifié en conformité avec la directive concernant l'assurance directe sur la vie. D'ailleurs, si un strict principe de transposition pure était appliqué à ce texte, nombre de progrès ne pourraient intervenir. Nous devons à l'excellent travail de la commission des finances et de son rapporteur les considérables améliorations des dispositions initiales du texte communautaire.

J'indique à Mme Bricq que nous retenons ses remarques concernant les contrats en déshérence, dont nous débattrons certainement s'agissant tant du montant que de l'affectation de ces sommes, à propos de laquelle nous nous interrogeons également. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.

CHAPITRE IER

Distribution des produits d'assurance