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NOMINATION d'un membre d'un organisme extraparlementaire
M. le président. La commission des finances a proposé une candidature pour un organisme extraparlementaire.
La présidence n'a reçu aucune opposition dans le délai d'une heure prévu par l'article 9 du règlement.
En conséquence, cette candidature est ratifiée et je proclame M. Philippe Marini membre de la commission de surveillance de la Caisse des dépôts et consignations, à compter de l'échéance de son mandat actuel, le 30 juillet prochain. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - MM. Christian Gaudin et Bernard Seillier applaudissent également.)
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ORientation budgétaire
Suite d'un débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. Nous poursuivons le débat d'orientation budgétaire.
Avant de donner la parole à M. le rapporteur général, je vous invite, mes chers collègues, à lire son excellent rapport Les sept piliers de la sagesse budgétaire, qui fait honneur à notre institution.
Vous avez la parole, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, la commission des finances, à travers ce rapport, exprime ses très vives préoccupations à l'égard de la situation présente et à venir de nos finances publiques.
Il n'est pas dans nos habitudes de manier l'hyperbole ou l'exagération. Si nous insistons sur ce point, si nous faisons état de très vives et graves préoccupations, c'est parce que nous pensons que tel est notre devoir.
Une année supplémentaire de déficit public excessif, une réforme à la marge du pacte de stabilité et de croissance en Europe, un nouveau programme triennal adressé à Bruxelles et fondé sur des hypothèses à notre avis quelque peu optimistes : tout cela alimente un cercle vicieux que je pourrais synthétiser par la formule suivante : « pas de réformes sans croissance, pas de croissance sans réformes ».
Comment sortir d'un tel noeud de contradictions ? La commission des finances n'a pas de recettes toutes faites, bien entendu, mais elle ne vous incite pas pour autant à la facilité.
La commission des finances s'est efforcée, dans son rapport, de rassembler ses idées afin d'obtenir ce que l'on pourrait appeler une doctrine et, pour vous inciter à lire ce texte, elle l'a intitulé Les sept piliers de la sagesse budgétaire.
Mme Hélène Luc. Si on peut appeler cela sagesse !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous voudrions que l'on puisse s'y référer, non pas pendant six mois ou un an, mais pendant une durée suffisante, car, comme le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie ainsi que le président de la commission des finances, Jean Arthuis, l'ont rappelé, la part de la dette publique dans le produit intérieur brut et la part des intérêts de cette dette dans le budget ne font que refléter de longues et lentes évolutions et, en la matière, il est difficile d'infléchir l'orientation du budget de l'Etat et des finances publiques.
Nous appelons nos concitoyens et, en premier lieu, nos collègues de la Haute assemblée à quelques réflexions sur le modèle socio-économique qui est le nôtre.
J'insisterai d'abord sur le contexte.
Il y a aujourd'hui, pour simplifier, trois modèles en Europe : le modèle anglo-saxon - britannique -, le modèle rhénan et le modèle scandinave. Chacun de ces modèles est bien typé.
Nous, Français, connaissons du modèle anglo-saxon la dure loi de la globalisation et nous sommes donc à ce titre vulnérables aux délocalisations : le président Arthuis l'a démontré brillamment. Mais nous ne connaissons pas ses avantages en termes d'initiative, de flexibilité, de réactivité.
S'agissant du modèle rhénan, nous connaissons ses inconvénients en forme de lourdeurs de l'Etat et du système public, mais nous ne connaissons pas ses avantages en termes de concertation et de consensus social.
Concernant le modèle scandinave, nous connaissons jusqu'à un certain point ses inconvénients en termes de poids des prélèvements publics sur la richesse nationale, mais nous ne connaissons pas ses avantages en termes de pacte social consensuel librement accepté, comme la « flex-sécurité » danoise.
La France se cherche, la France est en crise : crise morale avant d'être financière.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous pouvons nous demander si, par leurs décisions, nos concitoyens ne manifestent parfois pas une certaine préférence pour le chômage dès lors qu'ils ont, à travers nos groupes sociaux et corporatifs, tendance à privilégier la protection des emplois existants par rapport à la création d'emplois nouveaux.
Nous pouvons aussi nous demander si, à certains égards, la législation du travail, ou tout au moins certains de ses pans, n'est pas devenue une sorte de ligne Maginot économique qui non seulement ne nous protège pas dans les faits contre les délocalisations, mais, en outre et surtout, entretient nos illusions.
Oui, mes chers collègues, notre pays a besoin qu'on lui adresse un langage de vérité, peut-être parfois même un langage rude, et nous nous efforçons, en ce qui nous concerne à la commission des finances du Sénat, à notre place, de participer de cette pédagogie collective.
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci de le reconnaître, madame la présidente.
Il faut sortir du carcan dans lequel nous nous trouvons, d'une situation où les marges de manoeuvre sont excessivement restreintes, et cela par l'inventivité, par la liberté de l'esprit, mais aussi par le bon maniement des outils budgétaires et par la discipline budgétaire.
Aujourd'hui, toutes les marges disponibles, s'il en est, doivent être consacrées à cette priorité à l'emploi qui a été exprimée tout récemment par le nouveau Premier ministre, ce qui suppose, bien entendu, d'avoir des marges de manoeuvre.
Si en 2004, comme cela a été rappelé, il y a eu quelques plus-values de recettes fiscales, pour 2005, les estimations auxquelles tant le Gouvernement de son côté que la commission des finances du Sénat du sien ont procédé montrent qu'il faut s'attendre non pas à des plus-values mais à des moins-values.
M. le président. Oh là !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le regrette, mais c'est la réalité, et mieux vaut, monsieur le président, décrire la réalité telle qu'elle est plutôt que de « dorer la pilule » et de se fonder sur des hypothèses trop optimistes qui nous reviennent en pleine figure quand l'exercice s'est écoulé !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Quoi qu'il en soit pas la peine d'opposer nos estimations respectives,...
Mme Hélène Luc. Mais si !
M. Guy Fischer. Au contraire : cela nous servirait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...rappelons que le Gouvernement prévoit 4 milliards de moins-values fiscales. Quant à la commission des finances, en appliquant deux méthodes différentes, elle parvient plutôt aujourd'hui, en espérant se tromper et en espérant aussi que le second semestre sera meilleur, à un montant se situant entre 5 milliards et 10 milliards d'euros.
Six mois, ce n'est pas long, et nous verrons bien quelle sera la réalité en fin d'exercice. Il n'en demeure pas moins que tout doit être fait pour l'emploi et pour financer les nouveaux dispositifs qui conditionnent l'établissement de la nouvelle confiance que nous appelons naturellement de nos voeux.
Cela signifie qu'il est absolument essentiel de gérer l'argent public à tout niveau avec une grande rigueur, et c'est sans hésitation que j'utilise ce dernier terme.
J'observe que les programmes de stabilité envoyés par les différents gouvernements à la Commission de Bruxelles se sont fondés en règle générale sur une prévision de croissance des dépenses publiques de l'ensemble des administrations - Etat, sécurité sociale et collectivités locales - s'établissant entre 1,1 % et 1,5 % par an en volume, mais que les réalisations ont été, en moyenne décennale et même plus que décennale, supérieures à 2 % par an en volume.
S'il faut reconnaître qu'au cours des dernières années la courbe s'est infléchie dans un sens favorable et en rendre acte aux ministres du budget qui se sont succédé depuis 2002, il n'en reste pas moins que la tendance est bien à un dérapage, année après année, par rapport aux programmes de stabilité.
Si on lisse les évolutions, on constate que cette tendance provient non pas de recettes publiques inférieures aux prévisions mais de la difficulté à maîtriser les dépenses, qu'il s'agisse des dépenses sociales et, aujourd'hui, des dépenses des collectivités territoriales ainsi que, bien entendu, des dépenses de l'Etat.
Les dépenses de l'Etat représentent à la vérité la seule grandeur sur laquelle, messieurs les ministres, vous ayez une action directe, et, de ce point de vue, il nous semble essentiel de soutenir votre détermination et vos efforts pour en rester au « zéro volume », lequel ne suffira d'ailleurs pas à éviter tout dérapage par rapport à la norme globale pour l'ensemble des administrations publiques.
A la suite du président de la commission des finances, je voudrais à ce stade formuler une remarque sur le premier des postes de dépenses de fonctionnement de la fonction publique, c'est-à-dire la main-d'oeuvre.
Je rappellerai simplement que, dans les deux dernières années de l'ancienne majorité à l'Assemblée nationale, 23 000 postes d'agent public ont été créés alors que, sur les exercices budgétaires 2003, 2004, 2005 et 2006, ce sont au total 16 000 postes qui auront été supprimés ou que l'on s'apprêterait à supprimer. Quatre budgets d'un côté, deux de l'autre : les ordres de grandeur sont là...
Peut-on vraiment dire, mes chers collègues, que la courbe se soit infléchie et que la politique en la matière ait changée ? C'est une question...
Mme Hélène Luc. Très claire !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...qu'au vu des chiffres nous nous posons et qui nous amène à inciter le Gouvernement à faire preuve de pugnacité en matière de gestion, notamment en se servant des outils que lui donne la loi organique relative aux lois de finances. Grâce à la fameuse « fongibilité asymétrique », il est en effet possible d'adapter, en exécution, l'efficacité des structures et de viser à un meilleur fonctionnement,...
Mme Hélène Luc. Au moins, c'est cohérent !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...et, de notre point de vue, les bons ministres seront ceux qui ne « satureront » pas complètement leurs quotas d'emplois budgétaires autorisés.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En ce qui concerne les objectifs assignés à moyen terme à nos finances publiques, dans un scénario que l'on peut considérer comme raisonnable, car fondé sur une prévision de croissance globale des dépenses publiques réaliste de 1,5 % à 1,6 % par an, l'objectif que se donne, à juste titre, le Gouvernement de ramener le déficit structurel des finances publiques à 1 % du produit intérieur brut sera susceptible d'être atteint non pas à l'horizon 2008 mais à l'horizon 2011 !
J'insiste donc, mes chers collègues, sur la longueur des évolutions et sur cette persistance des tendances qui caractérise véritablement les données de gestion et de prévision des finances publiques. Ainsi, selon ce scénario que nous considérons comme raisonnable, toutes choses égales par ailleurs, la France demeurerait dans la zone de risque de déficit public excessif jusqu'en 2008.
Ce n'est pas seulement théorique. Sans l'euro, mes chers collègues, nous aurions certainement connu à plusieurs reprises ces dernières années des phases de crise, d'attaque de la monnaie, de dévaluation, de plans de redressement et de plans d'accompagnement, et cela dans la douleur. Grâce à l'euro, nous sommes immunisés, mais peut-être l'opinion ne se rend-elle pas assez concrètement compte de ce que la réalité des chiffres demeure ce qu'elle est.
M. Aymeri de Montesquiou. Hélas !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Or, du fait de cette réalité, nous ne pouvons, en vue de la préparation du budget de 2006, que soutenir, monsieur le ministre, l'idée d'une pause dans la politique de baisse des impôts. C'est une question de responsabilité : on ne peut pas procéder à des baisses des impôts à crédit, c'est-à-dire financées par le déficit et par l'emprunt. Il faut donc se résigner à stabiliser l'impôt sur le revenu.
Il faut aussi, à mon avis, faire la pause en matière de réforme de la taxe professionnelle, car - j'ai bien entendu tout à l'heure M. le ministre délégué au budget - quelle que soit la réforme, il faudra faire appel à l'Etat pour atténuer les écarts et pour éviter les effets pervers du système dans lequel on entrera.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Qu'on le veuille ou non, l'Etat sera le régulateur de la réforme de la taxe professionnelle et cela coûtera nécessairement quelques milliards d'euros supplémentaires.
A cet égard, demander à M. Fouquet de reprendre ses travaux pour les mois et peut-être même pour les années qui viennent me paraîtrait - je parle là à titre personnel, et non pas au nom de la commission - une excellente idée.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est long !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Après cette parenthèse, je voudrais terminer en rappelant deux choses, mes chers collègues.
D'abord, si nous n'y prenons garde, nous risquons bien de nous placer dans une situation où il ne sera plus question de baisse des impôts, de redéploiements par suppression de niches fiscales ou de diminution du taux facial de l'impôt sur les sociétés, mais où nous entendrons à nouveau parler de hausse des impôts et des prélèvements obligatoires !
Je ne voudrais pas que l'on se méprenne : telle est l'issue vers laquelle nous risquons d'être entraînés et qu'à mon sens il faut éviter, car il ne faudrait pas que nous nous retrouvions dans la situation de 1995, où, du fait des contraintes, du fait du passé,...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il y avait 6 % de déficit !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...il a fallu augmenter les prélèvements obligatoires d'environ deux points de produit intérieur brut. Nous étions alors dans l'impasse, et il faudrait éviter de nous y retrouver à nouveau d'ici peu !
Alors, la France est-elle capable de restreindre plus rigoureusement sa dépense publique ? Peut-elle assumer les conséquences socioéconomiques d'une rigueur dont personne, sauf peut-être la commission des finances du Sénat, n'ose vraiment parler ? Inventerons-nous un nouveau modèle où la justice et l'efficacité trouveraient leur compte ?
M. Henri de Raincourt. Oui !
M. Jacques Valade. Il faudrait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ensuite, le pire est, à notre sens, de subir des choix non explicités et non préparés par un vrai débat public. A cet égard, le concept, dont il faut définir le cadre et les modalités, de plan de redressement mérite d'être évoqué en cette fin - déjà - d'une législature, marquée d'avancées réelles mais aussi de quelques faux pas, qui pourrait être le moment de la pédagogie, de l'explicitation des choix et de la préparation de l'avenir.
Pour ce qui la concerne, la commission des finances estime que deux années ne seront pas de trop pour élaborer, naturellement en faisant appel à des efforts partagés, de nouvelles perspectives. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires culturelles.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, comme tous l'ont souligné, ou le souligneront, ce débat d'orientation budgétaire s'inscrit dans le contexte de la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, qui s'appliquera au projet de budget pour 2006.
Cette réforme, comme vous l'avez rappelé, messieurs les ministres, rénove une procédure budgétaire devenue inadaptée, peu efficace et mal maîtrisée. Elle devrait permettre de mettre chacun devant sa responsabilité, de redonner au Gouvernement et au Parlement leur rôle respectif, de responsabiliser les acteurs publics et de mieux répartir et contrôler la dépense publique.
En tant que président de la commission des affaires culturelles du Sénat, je formulerai tout d'abord une remarque générale portant sur la méthode de l'élaboration de la nomenclature de la LOLF.
Je regrette surtout, monsieur le ministre, l'incessante évolution de la maquette budgétaire. Compte tenu de l'ampleur de la réforme à effectuer, je comprends que des ajustements soient nécessaires et puissent être réalisés au fil de l'eau, afin de contourner certaines difficultés ou de résoudre divers problèmes : la tâche entreprise justifie, à n'en pas douter, des modifications destinées à concilier la théorie et la pratique et in fine à rendre cette réforme compréhensible et applicable.
Au-delà de ces améliorations, il apparaît que les rectifications apportées la semaine dernière à la maquette initiale sont bien plus que de simples ajustements. Je ne suis pas sûr que l'on y gagne en lisibilité, tout particulièrement pour certains secteurs de la compétence de la commission que j'ai l'honneur de présider.
Alors que le président de la commission des finances, M. Jean Arthuis, était venu nous présenter, le mois dernier - et nous lui en sommes reconnaissants - une maquette conduisant à modifier les périmètres des avis budgétaires de la commission, nous découvrons, à la veille de ce débat d'orientation budgétaire, un nouveau découpage et la quasi-totalité des programmes, objectifs et indicateurs situés hors du budget général. Ce travail aurait dû être réalisé plus tôt, afin de laisser au Parlement, comme ce fut le cas avec les différentes missions du budget général, le temps de contribuer efficacement à cette entreprise.
Ainsi, on nous demande aujourd'hui de cautionner une nomenclature bouleversée qui pêche aussi par sa complexité et son manque de lisibilité. J'en veux pour preuve la mission « médias » : alors que l'on pouvait s'attendre à y trouver, regroupés dans un seul et même ensemble cohérent, les crédits destinés à l'audiovisuel et à la presse écrite, la nouvelle maquette nous propose d'y regrouper les crédits consacrés à la presse et à la chaîne d'information internationale. Avouez que la mise en place d'une mission « médias » ne comportant aucune ligne budgétaire allouée à l'audiovisuel public national à de quoi surprendre !
De même, l'idée de séparer les crédits alloués à la CII, la chaîne d'information internationale, de ceux consacrés aux autres organismes de l'audiovisuel extérieur, risque d'obscurcir passablement le débat sur ce sujet.
Nous voyons également apparaître une nouvelle mission intitulée « avances à l'audiovisuel public », qui traitera de la seule redevance, et un compte spécial traitant du cinéma, des industries audiovisuelles et de l'expression radiophonique locale. Le rapporteur de la commission va donc être contraint de parcelliser pour ne pas dire de « saucissonner » son avis en plusieurs tranches, privant son intervention de sa cohérence d'ensemble.
Une fois encore, la préoccupation comptable, messieurs les ministres, semble prévaloir sur celle de l'orientation. De même, je m'interroge sur les conditions dans lesquelles la commission des affaires culturelles pourra continuer d'exercer un suivi attentif de la politique en faveur de la langue française et de la francophonie.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Dans la nouvelle nomenclature budgétaire, les crédits consacrés à la langue française et à la francophonie seront en effet dispersés entre plusieurs actions, rattachées, à travers différents programmes, à différentes missions, relevant d'autorités différentes : la mission ministérielle « culture », avec ses actions « patrimoine linguistique » et « action internationale », la mission ministérielle « action extérieure de l'État », avec son action « promotion de l'usage de la langue française et de la diversité culturelle », enfin, la mission « aide publique au développement » avec son action « participation aux débats sur les enjeux globaux et aux dispositifs multilatéraux d'aide publique au développement », et cette liste n'est pas nécessairement exhaustive.
Le rapporteur pour avis des moyens relatifs à la francophonie, notre très estimé collègue Jacques Legendre, va naturellement s'attacher à résoudre ce problème tout en s'efforçant de conserver cette vision globale et transversale des différentes actions menées en faveur de la langue française que permettait l'ancien « jaune budgétaire ». Le Gouvernement devra surmonter cet éclatement des actions et des programmes pour se doter d'une vision unitaire - peut-être d'ailleurs à partir du rapport sur avis de Jacques Legendre - d'une politique qui concerne plusieurs départements ministériels.
Le combat pour la francophonie et la diversité culturelle doit être aujourd'hui reconnu comme un des axes majeurs de notre diplomatie et nous regrettons que les crédits de la francophonie multilatérale aient été rattachés à la mission ministérielle « aide publique au développement ». Cette conception place la francophonie dans l'orbite de la politique de coopération, alors que les sphères géographiques de ces deux politiques ne cessent de se disjoindre. Cela ne me paraît pas la démarche la plus appropriée. En effet, comme l'avait d'ailleurs exprimé le Président de la République, l'avenir de la place du français dans le monde se joue aujourd'hui très largement en Europe.
Je souhaiterais formuler, ensuite, quelques remarques sur l'articulation de certains programmes au sein des missions interministérielles.
J'évoquerai, en premier lieu, le programme « enseignement agricole ». Nous approuvons son rattachement à la mission « enseignement scolaire », qui permet une meilleure lisibilité du dispositif éducatif dans son ensemble. Mais le ministre de l'éducation nationale, auditionné hier par la commission des affaires culturelles, a confirmé que les crédits continueraient à relever de son collègue chargé de l'agriculture. Comment s'organisera la discussion budgétaire dans ce secteur ? Les deux ministres seront-ils présents simultanément dans la mesure où la réforme autorise de nouvelles possibilités de transferts de crédits d'un programme à l'autre au sein d'une même mission ?
De la même façon, s'agissant des étudiants, comment ne pas s'étonner de la dispersion des programmes entre deux missions ? Comment la mobilité internationale des étudiants sera t-elle prise en compte au titre de la politique universitaire et de recherche, alors qu'elle relève de la mission « action extérieure de l'Etat » ?
Quelques sujets majeurs préoccupent les membres de la commission des affaires culturelles.
Le budget de l'éducation nationale, le premier de l'État par son volume - c'est un lieu commun que de le dire - et le nombre de fonctionnaires, participera naturellement à la poursuite des efforts du Gouvernement en matière de réduction des effectifs publics, à hauteur de 2 500 emplois environ. Cette contribution, parallèle à la diminution du nombre d'élèves dans le second degré, reste relativement modérée par rapport aux deux années précédentes. Mais il faut tenir compte de la réforme introduite par la loi d'orientation et de programmation pour l'avenir de l'école, dont nous avons débattu en mars dernier au Sénat.
Le ministre de l'éducation nationale a confirmé hier devant la commission l'entrée en vigueur, dès la rentrée prochaine, de nombreuses mesures prévues par la loi. Ce sont des dispositions essentielles pour mieux garantir l'égalité des chances et favoriser l'insertion professionnelle des élèves : mise en place des dispositifs de soutien pour les élèves en difficulté, programmes personnalisés de réussite éducative et diverses autres actions, mais aussi, et si j'y fais allusion c'est parce que cela répond à une préoccupation exprimée par notre collègue Paul Blanc, accueil et accompagnement des élèves handicapés.
Nous espérons que les priorités fixées par cette loi d'orientation et confirmées par le ministre, conjuguées aux objectifs définis dans le cadre de la LOLF, permettront de mieux recentrer les moyens mis au service de notre système éducatif, en procédant aux redéploiements et réformes structurelles nécessaires.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner dès à présent une évaluation du coût de la mise en oeuvre optimale, dans cet esprit de maîtrise des finances publiques, des dispositions de la loi sur l'école et nous indiquer sa traduction dans le prochain budget ?
J'évoquerai un deuxième sujet tout aussi fondamental : la recherche, qui doit être le secteur d'investissement prioritaire pour préserver la compétitivité de la France, favoriser la croissance et lutter contre le chômage.
Le Gouvernement a décidé de renforcer ce secteur avec un milliard d'euros de moyens supplémentaires, la création de 3 000 postes supplémentaires et l'octroi de ressources importantes à l'Agence pour l'innovation industrielle, qui vient d'être créée.
Mais ces efforts considérables ne peuvent être dissociés des réflexions actuellement développées et dont nous attendons avec beaucoup d'intérêt et d'impatience la conclusion.
J'ai eu l'occasion, monsieur le ministre de l'économie et des finances, de vous interroger à ce sujet et j'attends, sur ce point aussi, avec intérêt et un peu d'impatience votre réponse.
La communauté scientifique et, je le pense, la communauté nationale attendent la définition d'une ambition nationale à cet égard. Certes, les mesures annoncées vont dans le bon sens, mais un texte refondateur de ce domaine essentiel, précisant objectifs, rôle et obligations de chacun ainsi que les moyens envisagés, est absolument indispensable, des annonces seulement budgétaires ne pouvant en tenir lieu. Pouvez-vous nous apporter des précisions dans ce domaine ?
Le budget du ministère de la culture nous fournit également une illustration de la discipline à laquelle les pouvoirs publics devront, à l'avenir, s'astreindre, sous le nouvel empire de la LOLF. Il ne faudra pas inscrire des crédits sans avoir l'assurance qu'ils seront utilisés. Il convient d'optimiser cette inscription de crédits et une opération vérité s'avère nécessaire en ce domaine. L'article 15 de la LOLF, qui limite à 3 % les reports de crédits nous en imposera désormais l'obligation.
Cette discipline budgétaire, qui rendra toute sa pertinence à l'autorisation budgétaire délivrée par le Parlement, nous imposera une programmation plus fine permettant un ajustement plus fidèle à la réalité des besoins, qu'il ne faut ni surévaluer ni sous-estimer.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Si on n'utilise pas tous les crédits, c'est très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il n'est pas indispensable de les dépenser !
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Naturellement, si tous les moyens ne sont pas dépensés, nous en tirerons les conséquences qui s'attachent à la bonne gestion des crédits de la culture.
La tâche ne sera pas facile, comme en témoignent les tensions que nous constatons depuis deux ans sur les crédits consacrés à l'entretien et à la gestion du patrimoine historique, tensions qui sont survenues, il faut le mettre au crédit du Gouvernement, malgré des redéploiements de crédits opérés en 2004, malgré les 32 millions de crédits supplémentaires votés en loi de finances rectificative pour 2004 et malgré l'augmentation de 25 millions d'euros de la dotation inscrite en loi de finances initiale pour 2005.
Une meilleure évaluation des besoins du patrimoine est à l'évidence nécessaire, même si le problème, une fois encore, ne peut se résoudre dans une simple approche comptable.
En ce qui concerne les crédits du ministère de la jeunesse, des sports et de la vie associative, la commission des affaires culturelles s'inquiète du sort réservé aux associations de jeunesse et d'éducation populaire.
Ayant déjà supporté l'essentiel de la baisse des crédits d'intervention du budget de 2005, en diminution de 15,2 % à périmètre constant, ces associations se voient aujourd'hui privées des crédits votés, au titre du gel budgétaire. Il convient de rectifier cette situation et d'en tenir compte dans nos réflexions sur la mise en place de la LOLF.
Enfin, monsieur le ministre, je souhaiterais que vous nous éclairiez sur les conséquences financières découlant de la réforme de la redevance audiovisuelle. Des rumeurs persistantes et des articles de presse font état d'un taux de recouvrement situé en deçà des espérances formulées l'an dernier par le Gouvernement, lors de la présentation devant le Parlement des nouvelles modalités de collecte de cette imposition. Qu'en est-il exactement ?
Telles sont, messieurs les ministres, les préoccupations de la commission des affaires culturelles, qui soutient la démarche du Gouvernement dans la réforme de l'Etat, qui soutient naturellement, même au prix de quelques acrobaties pour les rapporteurs, la mise en oeuvre de la LOLF, mais qui souhaite que l'on ne perde pas de vue la nécessaire cohérence politique et la lisibilité de la stratégie financière. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
(M. Guy Fischer remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)