sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
2. Aéroports. - Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture
Discussion générale : - M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Michel Billout, Yvon Collin, Daniel Reiner, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Daniel Soulage, Daniel Marsin, Bernard Angels.
Clôture de la discussion générale.
M. le secrétaire d'Etat.
Motion no 44 de M. Michel Billout. - Mme Hélène Luc, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet par scrutin public.
Motion no 4 de M. Jean Desessard. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet par scrutin public.
Amendements identiques nos 5 de M. Daniel Reiner et 28 de M. Michel Billout ; amendements nos 29 de M. Michel Billout et 6 à 8 de M. Daniel Reiner. - MM. Daniel Reiner, Michel Billout, Yves Coquelle, Jean Desessard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet des six amendements.
Adoption de l'article.
Suspension et reprise de la séance
Amendements identiques nos 9 de M. Daniel Reiner et 30 de M. Michel Billout ; amendement no 31 de M. Michel Billout. - M. Daniel Reiner, Mme Hélène Luc, MM. Michel Billout, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 10 de M. Daniel Reiner et 32 de M. Michel Billout. - MM. Daniel Reiner, Michel Billout, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements nos 33 de M. Michel Billout et 11 de M. Daniel Reiner. - MM. Yves Coquelle, Daniel Reiner, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Hugues Portelli. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 12 de M. Daniel Reiner et 34 de M. Michel Billout ; amendements nos 13, 14 de M. Daniel Reiner, 1 de la commission, 15 de M. Bernard Angels et 35 de M. Michel Billout. - MM. Daniel Reiner, Michel Billout, le rapporteur, Bernard Angels, Yves Coquelle, le secrétaire d'Etat, Mme Lucette Michaux-Chevry. - Retrait de l'amendement no 1 ; rejet des amendements nos 12 à 15, 34 et 35.
Adoption de l'article.
Amendement no 36 de M. Michel Billout ; amendements identiques nos 16 de M. Daniel Reiner et 37 de M. Michel Billout ; amendements nos 17, 18 rectifié et 19 de M. Daniel Reiner. - MM. Michel Billout, Daniel Reiner, Yves Coquelle, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet des six amendements.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 7
Amendement no 42 rectifié de M. Yves Détraigne. - MM. Daniel Soulage, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Reprise de l'amendement no 42 rectifié bis par M. Daniel Reiner. - M. Daniel Reiner, Mme Lucette Michaux-Chevry, M. le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Amendements nos 20 de M. Daniel Reiner, 2 de la commission et sous-amendements nos 24, 23 de M. Daniel Reiner et 25 de M. Bernard Angels ; amendements nos 21, 22 de M. Bernard Angels, 38 et 39 de M. Michel Billout. - MM. Jean Desessard, le rapporteur, Bernard Angels, Michel Billout, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement no 2, les sous-amendements devenant sans objet ; rejet des amendements nos 20 à 22, 38 et 39.
M. Bernard Angels, Mme Lucette Michaux-Chevry, M. le rapporteur.
Adoption de l'article.
Amendement no 40 de M. Michel Billout ; amendements identiques nos 26 de M. Daniel Reiner et 41 rectifié de M. Michel Billout ; amendement no 27 de M. Daniel Reiner. - MM. Michel Billout, Daniel Reiner, Mme Hélène Luc, MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet des quatre amendements.
Adoption de l'article.
Amendement no 3 de la commission. - MM. le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article additionnel après l'article 12
Amendement no 43 de la commission. - M. le rapporteur. - Retrait.
Articles 14 à 15 quater et 16. - Adoption
MM. Christian Cambon, Daniel Reiner, Michel Billout, Jacques Pelletier, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Jean Desessard, le rapporteur, le secrétaire d'Etat.
Adoption définitive du projet de loi.
3. Dépôt d'un rapport d'information
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
Aéroports
Adoption définitive d'un projet de loi en deuxième lecture
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion, en deuxième lecture, du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux aéroports (nos 249, 261).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le présent projet de loi a été examiné, en première lecture, par le Sénat le 9 novembre dernier et par l'Assemblée nationale le 15 mars. Il traite à la fois du statut d'Aéroports de Paris et de celui des grands aéroports régionaux.
Je commencerai par Aéroports de Paris. Chacun peut constater les limites du statut actuel posées par le principe de spécialité des établissements publics, ses lourdeurs inhérentes au regard d'énormes besoins d'investissements en matière aéroportuaire, le nécessaire renforcement du dynamisme commercial de ce grand établissement.
Nous sommes donc confrontés d'emblée à la double nature des grands aéroports. En matière d'aménagement du territoire, ces grands équipements structurants sont essentiels pour l'attractivité du territoire national et des territoires régionaux ce qui, à l'évidence, les rattache à des objectifs d'intérêt public.
Je me garderai d'oublier le rôle particulier que jouent les aéroports dans les départements et territoires d'outre-mer, dans lesquels les liaisons aériennes sont vitales.
Si les aéroports répondent à des objectifs d'intérêt public, leur exploitation présente, sous plusieurs aspects, un caractère commercial : satisfaire le client, s'inscrire dans une compétition internationale vive et développer des fonctions autrefois considérées comme annexes, mais qui revêtent aujourd'hui une importance nouvelle. Je pense notamment à la présence de surfaces commerciales au sein des grands aéroports.
Le projet de loi pose le principe de la continuité de la personne morale « Aéroports de Paris », de l'autorisation légale d'exploiter et du statut des personnels, qui s'inscrit dans un cadre réglementaire.
Pour des raisons pratiques, le Gouvernement a fait le choix de la domanialité privée, assortie de contraintes très strictes garantissant l'exécution des missions de service public et protégeant les intérêts patrimoniaux de l'Etat.
Aéroports de Paris exercera son rôle dans le cadre d'un cahier des charges, fixé par décret, qui définira précisément les obligations de la société, notamment en matière de service public.
L'Etat, et c'est un point fondamental du présent projet de loi, conservera la majorité dans le capital de la nouvelle société. Il s'agit d'un élément déterminant de l'équilibre que nous recherchons entre les objectifs d'intérêt public et les aspects commerciaux de l'exploitation des aéroports.
J'en viens aux aéroports régionaux.
Dans le processus de décentralisation qui est engagé depuis le mois d'août dernier, les plus grandes plates-formes aéroportuaires, environ une douzaine, font l'objet d'un sort particulier. C'est tout à fait légitime puisqu'elles revêtent une importance économique et sociale majeure avec un chiffre d'affaires global de 500 millions d'euros et une fréquentation annuelle de 40 millions de passagers.
Leurs objectifs sont les mêmes que pour Aéroports de Paris : concilier aménagement du territoire, développement régional et dynamisme commercial.
Les sociétés aéroportuaires se voient confier la poursuite des concessions aujourd'hui dévolues aux chambres de commerce et d'industrie, qui ont été, je le rappelle, à l'origine de la création de ces sociétés. Afin de mieux ancrer les grands aéroports régionaux dans la vie régionale et locale, les collectivités locales pourront entrer dans le capital de ces sociétés.
De ce point de vue, les intentions du Gouvernement ont été précisées par M. Gilles de Robien lors de la première lecture de ce projet de loi en novembre 2004 au Sénat et le 15 mars dernier à l'Assemblée nationale. Le capital de ces sociétés serait ouvert à hauteur d'au moins 25 % aux chambres de commerce et d'industrie et de 15 % aux collectivités territoriales. Le Gouvernement souhaite ainsi constituer un noyau public durable au sein des sociétés aéroportuaires.
Les discussions avec les chambres de commerce et d'industrie aujourd'hui gestionnaires des aéroports régionaux, à la grande satisfaction des acteurs locaux, ont permis de clarifier les options des différents acteurs concernés et d'harmoniser les points de vue de l'Etat, des collectivités locales, des chambres de commerce et d'industrie sur l'avenir de ces grands équipements aéroportuaires.
L'ouverture du capital des sociétés aéroportuaires permettra notamment de faire face aux besoins d'investissement. Certains aéroports régionaux ont de grands programmes d'investissement susceptibles de garantir leur compétitivité et d'apporter aux régions les services dont elles ont besoin.
Par ailleurs, le projet de loi vise à assurer la protection du statut du personnel. L'article L. 122-12 du code du travail garantit d'ores et déjà la continuité de l'emploi, même en cas de changement de la personne morale exploitante. Cette disposition sera consolidée par une convention collective, dont la négociation sera engagée rapidement, dès le vote du projet de loi. Les personnels qui ont le statut d'agent des chambres de commerce bénéficieront d'un droit de retour, donc de la continuité et de la stabilité de leur emploi.
Le projet de loi comporte des dispositions relatives à la modernisation du régime des redevances aéroportuaires qui seront applicables à Aéroport de Paris et aux aéroports régionaux.
Le texte vise à réaffirmer le principe de la caisse unique, à inscrire la politique des redevances dans la durée et à préciser les facteurs qui déterminent le niveau des redevances.
Il s'agit là d'un sujet important. J'ai eu l'occasion de m'en entretenir avec M. Jean-François Le Grand et je partage totalement son point de vue.
Il existe des divergences d'intérêts entre les aéroports, qui souhaitent parfois augmenter les redevances, et les compagnies aériennes, qui les acquittent. C'est à la puissance publique qu'il revient d'arbitrer ces divergences d'intérêts, au demeurant légitimes, observées de tout temps et en tous lieux, mais qui prennent un relief nouveau avec l'évolution des aéroports et l'accroissement de leur importance économique.
L'idée de M. Jean-François Le Grand est d'établir une instance destinée à concilier les points de vue et à éclairer le Gouvernement sur le bon niveau des redevances aéroportuaires.
Le Sénat avait adopté, en première lecture, un amendement portant création d'une commission de conciliation aéroportuaire qui avait précisément cet objet. L'Assemblée nationale a, quant à elle, adopté un texte créant une commission consultative aéroportuaire qui procède du même esprit, mais avec moins de précision et de clarté dans l'expression.
La question est de savoir si la rédaction de l'Assemblée nationale est compatible avec les intentions du Sénat. Le Gouvernement a la conviction que cette compatibilité peut être atteinte par voie réglementaire. Le projet de loi prévoit donc qu'un décret précisera les conditions d'exercice et le rôle de cette commission consultative.
Dans la pratique, ce décret affirmera le caractère systématique de la consultation de la commission et des parties intéressées, c'est-à-dire les autorités aéroportuaires et les compagnies aériennes concernées.
Le décret prévoira également que les avis de la commission consultative comportent des propositions visant à concilier les points de vue.
Enfin, le décret pourrait opportunément préciser l'origine des personnalités qualifiées qui siégeront au sein de la commission consultative aéroportuaire.
Le Gouvernement souhaite la mise en place rapide de cette commission consultative et la parution sans délai du décret qui en précise le rôle et le fonctionnement. La commission pourra ainsi donner un avis et éclairer le Gouvernement sur les décisions tarifaires qui seront prises à la fin de cette année pour l'exercice 2006.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, il s'agit incontestablement d'un texte de modernisation de nos équipements aéroportuaires, qui tend à assurer un équilibre entre les objectifs d'intérêt général d'aménagement du territoire et de nécessaire dynamisme commercial des aéroports. Empreint de pragmatisme, il éclaire d'un jour nouveau et positif la difficile question des redevances. Il correspond, me semble-t-il, à l'esprit du Sénat.
En adoptant ce projet de loi, le Parlement introduirait dans notre législation un texte favorable au développement de ce secteur économique certes très important, mais plus encore de ces grands outils d'aménagement du territoire que sont les aéroports français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je ne reviendrai pas en détail sur les différents points de ce projet de loi que nous avons déjà examiné en première lecture en novembre dernier.
Tout d'abord, je rappellerai, comme M. le secrétaire d'Etat, les trois grands axes de ce projet de loi : le changement de statut d'Aéroports de Paris ; les conditions d'exploitation des grands aéroports régionaux ; la régulation économique des redevances aéroportuaires.
Le premier axe est le changement de statut d'Aéroports de Paris, ADP, qui peut nous fâcher les uns et les autres,...
Mme Hélène Luc. C'est clair !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ...puisque nous pouvons avoir des conceptions différentes quant à l'ouverture de son capital. Toutefois, je voudrais rappeler que, face à la considérable évolution du transport aérien, Aéroports de Paris est, aujourd'hui, contraint de rester dans une limite d'action qui est tout à fait contradictoire avec ses capacités d'évolution. De façon quelque peu caricaturale et simplifiée, je dirai que ADP ne peut ni aller à l'extérieur, ni valoriser ses acquis, ni exporter son savoir-faire. Le maintenir dans son statut actuel le prive d'un certain nombre de moyens d'action.
De plus, pour que les évolutions nécessaires puissent avoir lieu, aux capacités d'investissement stricto sensu d'Aéroports de Paris pourraient s'ajouter des apports de capitaux privés venus de l'extérieur afin d'améliorer la situation. J'ajouterai - mais j'ai quelques scrupules à le faire, devant mon collègue et ami Yvon Collin, qui fut rapporteur pour avis de la commission des finances lors de la première lecture du projet de loi, et qui connaît toutes ces questions de transport aérien beaucoup mieux que moi - que l'évolution du transport nécessite que nous renforcions l'attractivité des plates-formes aéroportuaires parisiennes. Nous sommes au coeur d'un dispositif européen et international, en tout cas beaucoup mieux situés que nombre d'autres places aéroportuaires. Le projet de loi relatif aux aéroports vise donc à aborder ces enjeux et à y apporter des solutions.
Par voie de conséquence, le deuxième grand axe du texte concerne l'évolution des dix grandes plates-formes des aéroports de province qui ont un rôle à jouer. Elles possèdent les capacités d'un développement auquel il faut accorder des moyens. Il faut « décorseter » leur encadrement de manière qu'elles puissent répondre à un certain nombre de préoccupations exprimées ici ou là à propos tant des nuisances sonores aériennes, de l'engorgement, que de la nécessité d'organiser une meilleure répartition de l'ensemble des trafics aériens et surtout une optimisation de la plate-forme aéroportuaire française.
Le troisième axe de ce projet de loi est la régulation économique des redevances aéroportuaires, le nerf de la guerre en quelque sorte. En effet, si les redevances allaient au-delà de ce qui est raisonnable, nous en subirions les conséquences négatives que l'on peut imaginer.
Voilà monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les trois axes qui traduisent la philosophie du texte.
Ensuite, je voudrais me réjouir de l'intérêt de la navette parlementaire et vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que le Gouvernement, d'avoir choisi le Sénat pour la première lecture de ce texte si important, qui a ensuite été examiné en première lecture à l'Assemblée nationale. Là, nos collègues députés ont apporté un certain nombre de précisions qui nous paraissent pour l'essentiel tout à fait acceptables et enrichissantes au sens législatif du terme.
À l'article 2, l'Assemblée nationale a, par exemple, précisé les conditions de la qualification d'ouvrage public des biens immobiliers nécessaires au service public aéroportuaire, ce qui n'était pas inutile.
À l'article 7, elle a conforté le rôle prépondérant des chambres de commerce et d'industrie, les CCI, dans l'exploitation des grands aéroports régionaux. Nous y reviendrons tout à l'heure lors de la discussion des amendements, mais je voudrais dire tout de suite que la possibilité offerte aux chambres de commerce de choisir de changer de statut est un assouplissement, qui permettra aux gestionnaires d'aéroports d'avoir une meilleure réactivité. Dans cet esprit, l'Assemblée nationale a fait du bon travail.
Enfin, les articles 15 bis et 15 ter apportent des solutions judicieuses à certaines difficultés pratiques de mise en oeuvre du dispositif. En bref, toutes ces dispositions nous paraissent aller dans le bon sens.
Restaient quelques points de divergence. Le plus important est l'article 8A. Faut-il une commission de conciliation aéroportuaire ou bien une commission consultative aéroportuaire ? Par delà les mots, le contenu était important. Le Sénat a souhaité introduire dans le texte une disposition qui n'existait pas dans le projet du Gouvernement parce que, comme vous l'avez dit, monsieur le secrétaire d'Etat, la culture d'entreprise d'Aéroports de Paris va changer, et que les compagnies ont déjà évolué. On se souvient ici des débats sur l'ouverture du capital d'Air France, sur l'association d'Air France avec KLM. Il y aura donc deux entités économiques qui risquent de s'affronter sur un terrain de rencontre, puisqu'il faut bien que les avions se posent quelque part, et deux logiques économiques : celle d'Aéroports de Paris qui aura besoin de conforter ses recettes et celle d'Air France et des autres compagnies aériennes qui voudront utiliser la piste, mais ne pas payer trop cher parce que, au-delà d'un certain prix, elles ne seront plus compétitives. Il y aura sinon conflit d'usage, du moins conflit d'intérêt. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires économiques d'abord et le Sénat ensuite avaient accepté cette disposition contenue dans l'article 8A.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez bien compris la philosophie qui nous a animés pour la rédaction de cet article. Nous avons souhaité permettre une discussion, une conciliation pour aboutir à un niveau de redevance compatible avec les intérêts de l'un et de l'autre.
L'Assemblée nationale préfère une commission consultative. Nous avions considéré que la consultation était moins forte que la conciliation, qu'elle présentait peut-être moins d'intérêt. Mais je dois dire que tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, vous m'avez troublé dans le bon sens du terme (M. le secrétaire d'Etat sourit.) lorsque vous avez apporté les explications concernant cette commission consultative.
Si j'ai bien compris, l'appellation commission consultative serait gardée, mais son contenu en ferait une commission de conciliation. Il s'agirait alors du résultat non pas d'un compromis, parce qu'un compromis c'est la perte d'une volonté, mais d'un consensus qui permet d'aller au-delà du compromis ...
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ... et de nous retrouver sur l'essentiel en sortant par le haut de la difficulté.
Puisque votre proposition reprendrait sa philosophie et qu'il n'y aurait donc pas déformation de l'esprit dans lequel elle a écrit l'article 8A, la commission pourrait accepter cette rédaction.
D'autres préoccupations ont également été exprimées. L'Assemblée nationale propose dans un article 9 bis de relever le plafond de la pénalité potentielle lorsque des compagnies ne respectent pas les procédures d'atterrissage ou d'approche, de 12 000 euros à 20 000 euros. Il ne s'agit là bien évidemment que d'un plafond.
Néanmoins, monsieur le secrétaire d'Etat, je me permets d'attirer votre attention, celle de vos services et celle des services de la Direction générale de l'aviation civile, la DGAC, sur le fait qu'il est fréquent que des avions en phase d'approche soient amenés à sortir de la route normalement prévue pour un certain nombre de raisons qu'elles soient météorologiques ou liées à la sécurité des passagers. Il ne serait pas convenable que les compagnies soient pénalisées alors qu'elles ont répondu aux consignes de l'aéroport. Or c'est, me semble-t-il, aujourd'hui, la situation. D'après ce qu'on m'a dit, mais je n'ai pas vérifié, des compagnies seraient pénalisées alors même qu'elles auraient respecté les préconisations qui leur ont été imposées.
Néanmoins, un peu de bon sens ne nuirait pas et nous éviterait d'atteindre le plafond des pénalités proposées. Il importe que ce plafond, qu'il soit de 12 000 ou de 20 000 euros, soit appliqué dès lors que des compagnies ne respectent pas les procédures d'approches.
Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, les quelques observations que je voulais formuler au nom de la commission des affaires économiques.
Nous sommes en présence d'un texte important, d'un grand texte de modernisation des aéroports, qui permettra à nos compagnies aériennes, nos sociétés aéroportuaires d'être plus performantes, d'être mieux perçues, qui donnera aux passagers de plus importantes capacités de transport, une plus forte sécurité et une plus grande qualité d'accueil. Ce texte va dans le bon sens
Je voudrais au nom de la commission des affaires économiques, mais aussi au nom du Sénat, monsieur le secrétaire d'Etat, remercier le Gouvernement d'avoir mis en chantier ce texte, que nous avons, je le pense en toute humilité, considérablement amélioré. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 47 minutes ;
Groupe socialiste, 32 minutes ;
Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, permettez-moi tout d'abord de m'étonner ce matin de la faible participation de nos collègues à ce débat. Le groupe communiste républicain et citoyen est très majoritairement représenté, ce qui est quelque peu paradoxal, et si je ne partage pas l'analyse qu'en a exposée M. le rapporteur, je partage tout à fait l'idée que le projet de loi est un texte important. La discussion, pour être fructueuse, aurait sans doute mérité une participation plus importante.
Le projet de loi relatif aux aéroports est donc de retour devant le Sénat pour une deuxième lecture, quatre mois et demi seulement après son premier examen. Il semble donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous ayez la volonté de le voir adopter très vite, alors que, paradoxalement, l'application d'autres lois relatives au transport aérien reste en souffrance, j'y reviendrai dans le cours du débat.
Si je continue à ne pas comprendre la nécessité de ce projet de loi, qui me semble avoir très peu évolué, j'avoue ne pas souscrire non plus à l'idée de son urgence.
Par ce texte, monsieur le secrétaire d'Etat, vous souhaitez principalement changer le statut d'établissement public d'Aéroports de Paris, ADP, alors que rien ne semble le justifier. En effet, les derniers résultats économiques et financiers connus d'ADP sont plutôt positifs. En particulier, le chiffre d'affaires consolidé, qui se situe aux alentours de 1,7 milliard d'euros, connaît en 2003 une progression de plus de 15 % par rapport à 2002.
Aussi, pour étayer votre projet de loi, vous prétendez que son statut actuel d'établissement public ne permet pas à ADP d'investir dans les aéroports situés hors de l'Ile-de-France ni d'y vendre ses services. C'est inexact.
En matière d'architecture et d'ingénierie aéroportuaire, ADP est l'un des principaux consultants mondiaux, présent d'Osaka à Casablanca en passant par Dubaï. En outre, ADP intervient également hors de Paris, soit à travers sa filiale ADP Management, soit en prise de participation directe. Ainsi, ADP-M, qui détient 10 % de l'aéroport international de Pékin, est également présent en Afrique et fait partie d'un consortium possédant 15 % du capital de treize aéroports situés en Amérique centrale et en Amérique du Sud. Encore cette liste n'est-elle pas exhaustive !
Vous avouerez que ce n'est pas si mal pour un statut censé paralyser la diversification des activités d'ADP !
Votre deuxième argument est la nécessité de financer des investissements lourds et l'incapacité dans laquelle se trouverait l'Etat d'y contribuer. Il est vrai que la baisse de l'impôt sur les plus hauts revenus tend à restreindre les possibilités d'intervention de l'Etat et que l'idée de revenir sur cette mesure a été rapidement écartée. De même, la proposition de créer un pôle public de financement ne fait toujours pas l'objet d'un débat sérieux, et je le regrette. Dans ces conditions, indiquer que la seule solution de financement réside dans l'ouverture d'ADP au capital privé relève du plus pur dogmatisme.
Le projet de loi relatif aux aéroports s'inscrit donc dans la même logique qui a présidé à l'adoption du projet de loi relatif à la régulation des activités postales, ou encore à celle de la loi relative au service public de l'électricité et du gaz et aux entreprises électriques et gazières, pour ne rien dire de France Télécom.
Le rapporteur, M. Le Grand, voit dans ADP un « point d'entrée naturel en Europe » : c'est dire le visage que vous voulez donner à l'Europe, une Europe où les établissements publics fondent comme neige au soleil et où les services d'intérêt général supplantent les services publics. Pourtant, s'agissant des aéroports, rien au niveau communautaire ne rend obligatoires les montages juridiques et financiers que vous souhaitez réaliser. Mais il s'agit bien sûr de la mise en oeuvre du principe de « concurrence libre et non faussée » cher à la Commission européenne et au projet de Constitution !
Par ce projet de loi, monsieur le secrétaire d'Etat, vous prétendez permettre à une entreprise publique à forte proportion de capital privé de se développer dans un environnement concurrentiel. Pourtant, ce type d'évolution du statut a montré dans d'autres secteurs qu'elle mettait en péril non seulement les entreprises, mais aussi les missions de service public qui leur sont confiées.
Il est de ce point de vue tout à fait regrettable que le Gouvernement et la majorité des députés aient refusé, à l'Assemblée nationale, la création d'une commission d'enquête sur l'ouverture à la concurrence des services publics dans les secteurs de l'énergie, des postes et télécommunications, et des transports ferroviaires. Les conclusions d'une telle enquête auraient pu orienter les projets à venir concernant les autres secteurs. Au lieu de cela, vous avez préféré laisser à la Commission européenne, qui se trouve ainsi juge et partie, le soin de présenter elle-même les bilans, déniant à la représentation nationale un rôle de contrôle, pourtant essentiel pour le bon exercice de la démocratie.
Dans cette logique, pour justifier le fait que le financement des investissements d'ADP sera à l'avenir privé et non public, M. Gonnot, rapporteur du projet de loi à l'Assemblée nationale, avance qu'il est normal que les ressources de l'État soient consacrées en priorité « aux dépenses contribuant à la préservation de la cohésion sociale et au financement des missions régaliennes, telles celles destinées à assurer la sécurité des Français ». Je considère pour ma part que les aéroports, comme l'ensemble des infrastructures de transport, jouent un rôle majeur dans notre économie par le biais de l'aménagement et de la cohésion des territoires, et nécessitent donc le plein engagement de l'Etat.
Est-ce le rôle de l'Etat que d'être actionnaire dans des entreprises à fort capital privé, soumises donc aux lois du marché et de la rentabilité maximale ? L'Etat n'a-t-il donc pas une responsabilité particulière en tant qu'acteur économique pour le développement partagé sur l'ensemble du territoire, surtout concernant ADP, qui agit dans un secteur d'activité représentant 9 % du PIB de la région d'Ile-de-France ?
Par ailleurs, l'argument d'un Etat actionnaire majoritaire ne trompe plus personne. Dans les aéroports régionaux, la question des minorités de blocage s'est posée : si la minorité de blocage peut être publique, pourquoi ne serait-elle pas privée ?
L'ouverture du capital vise à attirer des fonds privés qui soient à même de financer les investissements à venir d'ADP. Cela implique de faire miroiter aux investisseurs - et de leur assurer - un retour sur investissement intéressant. Le rapporteur pour avis de la commission des finances de notre assemblée, en première lecture, considérait que le fameux ROCE d'ADP, le return on capital employed, « malgré une amélioration de 1,6 point en 2003, atteint seulement 5,3 % ». Les actionnaires privés ne seraient-ils que minoritaires, il faudrait pourtant s'inscrire dans leur logique et obtenir d'importants gains de productivité !
Comme le soulignait encore le rapporteur pour avis, « en ce qui concerne la maîtrise des coûts, la politique principale d'ADP consiste à stabiliser les charges d'exploitation [...] grâce à la limitation des effectifs de l'entreprise jusqu'à l'horizon 2006 ». Les inquiétudes concernant l'avenir du personnel d'ADP sont donc bien justifiées.
Pour attirer l'actionnariat privé, il vous faut donc, monsieur le secrétaire d'Etat, lui accorder des gages. Est-ce ce qui explique le deuxième point fondamental de ce projet de loi, le passage de la domanialité publique à la domanialité privée ? C'est là du jamais vu ! Dans aucun pays du monde, pas même aux Etats-Unis, pourtant chantres du libéralisme, le domaine public aéroportuaire n'a été privatisé. Cette disposition correspond à la formidable possibilité pour les actionnaires de mettre la main sur cette manne financière considérable : ADP, en effet, ne possède pas moins de 6 600 hectares en Ile-de-France.
Là encore, il y a un risque puisqu'il s'agit non pas d'un crédit-bail, mais d'un transfert en pleine propriété. Le risque est d'ailleurs si grand que le Gouvernement ne daigne même pas faire figurer dans le texte du projet de loi la liste des équipements nécessaires à l'accomplissement des missions de service public et renvoie la question, une fois de plus, au fameux cahier des charges. Celui-ci est, en effet, censé définir tout à la fois les missions de service public d'ADP, le patrimoine qui sera transféré à la société anonyme et celui qui sera conservé par l'Etat, mais son élaboration échappe à la loi pour être renvoyée au Conseil d'Etat : une façon commode d'écarter les parlementaires de la définition de points essentiels !
Pourquoi ne pas avoir retenu, en matière de domanialité, l'une des solutions préconisées en 2002 par le Conseil économique et social, qui proposait de créer un établissement public à vocation nationale recevant la mission de gérer, exploiter et développer tout ou partie du patrimoine aéroportuaire de l'Etat, l'exploitation étant déléguée, comme c'est le cas pour la SNCF et RFF, ou EDF et RTE ? Cette possibilité était plus intéressante et avait le mérite de garder le domaine foncier sous maîtrise publique.
Le Gouvernement, en créant une société anonyme dotée d'un formidable patrimoine foncier, ne remet pas en cause le monopole d'ADP, mais le transforme en monopole en voie de privatisation. Cela paraît en contradiction avec le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946, qui dispose que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ». Il y a là de quoi troubler le juge constitutionnel ! C'est l'une des raisons pour lesquelles le groupe CRC présente l'exception d'irrecevabilité que défendra ma collègue Hélène Luc.
Ce déclassement du patrimoine public ne concerne qu'ADP, non les aéroports régionaux. C'est un paradoxe, mais qui s'explique par le fait que vous savez que les investisseurs privés seront attirés non pas par le développement du trafic aérien, mais bien par le formidable patrimoine foncier d'ADP. La volonté de faire d'ADP « une véritable entreprise de services », pour reprendre les mots de son président, M. Pierre Graff, s'inscrit tout à fait dans cette logique qui fera des missions aéroportuaires des missions annexes. Quel paradoxe pour un aéroport !
Le troisième point extrêmement important de ce projet de loi est la possibilité de moduler les redevances aéroportuaires. Est introduite dans le texte de loi la possibilité d'intégrer dans le montant de ces redevances la rémunération des capitaux investis. Ces redevances ne devraient-elles pas au contraire se fonder sur le seul service rendu ? Ne faudrait-il pas faire dépendre la modulation de la contribution des entreprises à l'offre d'une prestation de qualité, abordable et accessible à tous, et non des profits potentiels des actionnaires ?
Il est tout de même précisé que ces modulations ne pourront se faire que pour répondre à un intérêt général, ce qui peut être considéré comme tel étant décrit de manière extrêmement limitative Pour nous, c'est la continuité d'une activité aéroportuaire sécurisée, soucieuse de l'environnement et permettant un aménagement harmonieux du territoire qui correspond à la définition de l'intérêt général en la matière.
Par exemple, des entreprises assumant une part de service public, comme Air France, ne sont pas soumises aux mêmes contraintes que les compagnies à bas prix. Ces missions de service public seront-elles un critère de modulation des redevances ? Rien ne l'assure. Les redevances risquent au contraire d'être utilisées comme un avantage concurrentiel visant à intensifier le trafic.
Ce projet porte donc de lourdes conséquences environnementales, et Franck Le Gall, coordinateur du management environnemental d'ADP, les résumait assez bien : « Techniquement, le trafic aérien peut encore se développer. Mais quel trafic peut-on accepter d'un point de vue social ? »
Dans un contexte de reprise de la croissance du trafic aérien dans les prochaines années - on prévoit une augmentation de plus de 4 % par an dans les dix à quinze ans à venir -, la question du plafonnement des mouvements de passagers se pose. En effet, l'ouverture de capital d'ADP induira nécessairement le changement de politique de l'entreprise, qui misera tout sur l'accroissement maximal de la productivité et choisira donc d'optimiser les capacités des plates-formes aéroportuaires. Autrement dit, on assistera à un accroissement des flux et des mouvements, jusque-là limités à 55 millions de passagers par an. Notons à ce sujet que l'objectif de 90 millions de passagers est déjà acté dans une note interne d'ADP en liaison avec la préparation du changement de statut.
Par ailleurs, exemple parmi d'autres, les activités de Roissy seraient à l'origine de 4 % à 5 % du total des émissions franciliennes de CO2, soit l'équivalent de la pollution automobile liée au périphérique. Et c'est sans compter l'important trafic routier induit par l'aéroport.
Les conséquences d'une augmentation des flux seraient donc dramatiques pour les riverains.
A ce propos, je soulignerai que les commissions consultatives de l'environnement ont vu leurs attributions nettement décroître. Elles se limitent aujourd'hui au rôle d'« indemnisateur » et ne sont plus consultées sur les projets d'ADP.
L'augmentation prévisible des flux relance donc la question de la nécessité de construire un troisième aéroport autour de la région d'Ile-de-France pour répondre à l'ensemble des besoins de transports tout en prenant en compte les contraintes d'aménagement du territoire et environnementales. Je note que cette préoccupation est partagée par nombre d'élus, dont mon collègue de Seine-et-Marne le sénateur UMP Michel Houel, qui préconise pour sa part le développement du troisième aéroport à Vatry. Le débat à ce sujet est donc loin d'être clos !
Aménagement du territoire, préservation de l'environnement, mais aussi sûreté nationale : la gestion des aéroports représente des enjeux lourds en termes de sécurité et de sûreté qui nécessitent la maîtrise par la puissance publique. Tous les pays du monde l'affirment, y compris les Etats-Unis.
Le propre de l'activité du transport aérien est d'assurer le transport et la sécurité des citoyens. Cela implique que cette mission relève du service public et que les financements soient sûrs et pérennes. Or seuls les financements publics sont à même de satisfaire à cette nécessité.
Les financements de sûreté ont représenté plus de 10 % des investissements d'ADP en 2003. Qui nous dit que les actionnaires privés, avec lesquels il vous faudra compter, monsieur le secrétaire d'Etat, ne verront pas là une dépense lourde qui n'entre pas dans la politique de réduction des coûts et de rentabilité maximale dont ils porteront l'exigence ?
Un élément d'amélioration de la maîtrise démocratique de la sécurité et de la protection de la santé et de l'environnement pourrait consister dans la mise en oeuvre de la loi instaurant les communautés aéroportuaires. Mais nous attendons toujours les décrets d'application qui permettront que la gestion des grandes infrastructures aéroportuaires devienne l'affaire de tous : élus, citoyens et salariés. On sent paradoxalement moins de fébrilité chez ceux à qui il revient de mettre en place les communautés aéroportuaires que chez les promoteurs de ce projet de loi ouvrant la voie à la privatisation des grands aéroports !
Pour toutes les raisons que j'ai évoquées, et parce qu'ils sont pour des services publics au service de tous, parce qu'ils sont attachés à une République qui assure la cohésion de ses territoires, les sénateurs communistes républicains et citoyens ne peuvent que s'opposer à ce projet de loi dit « aéroports ».
Ils essaieront néanmoins de l'amender en participant au débat, qu'ils espèrent constructif. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, c'est à un double titre que je m'exprime aujourd'hui devant vous : d'une part, comme membre du groupe Rassemblement démocratique social et européen, qui a toujours porté un intérêt particulier aux questions de transport ; d'autre part, comme rapporteur spécial de la commission des finances pour les crédits de l'aviation civile.
Cette dernière fonction m'a permis de participer comme rapporteur pour avis à la première lecture du projet de loi dans notre hémicycle. J'avais à cette occasion travaillé en étroite collaboration avec notre collègue Jean-François Le Grand, et je lui avais apporté mon soutien lors de la discussion.
C'est dans le même esprit que je me présente aujourd'hui devant vous.
L'Assemblée nationale a, à son tour, examiné ce texte et a effectué à cette occasion un bon travail.
Je retiendrai deux éléments de cette lecture à l'Assemblée nationale.
Premièrement, la qualité et le sérieux du travail qui a été fourni montrent bien toute l'importance qu'il convient d'attacher à ce texte, le premier finalement à faire entrer nos structures aéroportuaires dans « l'ère moderne ». Nous n'ignorons pas que, demain, l'espace aérien sera résolument européen et qu'il convenait dès à présent de donner les meilleures chances à nos aéroports, notamment ceux de la région parisienne, qui doivent s'affirmer comme des pôles européens incontournables.
Deuxièmement, sur le fond, je note une grande convergence d'analyse avec nous de la part de l'Assemblée nationale, et les nombreuses modifications utiles qui ont été apportées au texte du Gouvernement. Comme l'a rappelé M. le rapporteur, cela illustre plus que jamais tout l'intérêt de la navette parlementaire, qui donne le temps de la réflexion, permet au Gouvernement de mieux cerner les attentes des parlementaires et des milieux concernés et donne finalement les moyens de voter les lois en toute connaissance de cause.
J'exprime donc mon accord sur les grandes lignes.
Les quelques points que je vais maintenant évoquer, que l'on hésite à qualifier de désaccords, il s'agit plutôt de différences d'appréciation, vont dans le sens développé par notre rapporteur, M. Jean-François Le Grand, qui a montré toute sa maîtrise et sa parfaite connaissance de ce sujet complexe.
Il s'agit principalement de l'article 6, relatif aux missions d'ADP, et de l'article 8A, relatif à la commission de conciliation aéroportuaire.
Quels sont les points de divergence ?
En ce qui concerne l'article 6, l'Assemblée nationale a soutenu l'idée, défendue par le rapporteur de la commission des affaires économiques au Sénat, de préciser certaines dispositions relatives au cahier des charges que doit remplir Aéroports de Paris. Il ne nous semblait pas opportun de laisser sur ce point trop d'incertitude, et nous avons été suivis par le Sénat.
Cependant, sur proposition du rapporteur pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale, M. Charles de Courson, le respect du principe de transparence et de non-discrimination des usagers a disparu. Pour le rapporteur pour avis, cette disposition serait « non normative ». Si l'on peut comprendre ses doutes face à des termes qui peuvent paraître imprécis, il nous semble cependant qu'un tel ajout n'est pas inutile, loin s'en faut, et nous soutiendrons donc la position de la commission des affaires économiques sur ce point : il est important que ce principe soit appliqué.
En ce qui concerne l'article 8A, je vous rappelle que la commission des finances avait mené une analyse fouillée de la logique économique inséparable de la régulation. Il nous avait semblé opportun de créer une instance, dotée de certains pouvoirs, à même d'apaiser les différents conflits qui pourraient survenir entre les exploitants et les usagers des aérodromes.
Sans revenir sur cette idée, l'Assemblée nationale a souhaité limiter les pouvoirs de cette commission et les possibilités de saisine. Sur ce point, je me range encore une fois du côté du rapporteur de la commission des affaires économiques, qui vous soumettra un amendement visant, tout en tenant compte des remarques formulées à l'Assemblée nationale, à améliorer le fonctionnement de cette commission.
Voilà, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le point de vue que je souhaitais exprimer devant vous aujourd'hui. Je formule le souhait que ce texte, excellent et nécessaire, recueille vos suffrages, tant il est vrai que la gestion de nos aéroports, dans le contexte européen qui est le nôtre, doit absolument être améliorée.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme vous le savez, ce projet de loi n'avait pas eu l'heur de nous plaire en première lecture et, à son retour de l'Assemblée nationale, vous ne serez pas étonnés qu'il ne nous satisfasse toujours pas.
Pour nous, ce projet du Gouvernement poursuit le désengagement de l'Etat d'un secteur que nous considérons comme stratégique : celui du transport aérien.
Revenant devant le Sénat après que l'Assemblée nationale a entériné l'article 1er relatif au changement de statut, sur lequel nous avions fortement marqué notre opposition, malgré les dénis répétés des ministres, ce projet de loi ouvre clairement la voie à la privatisation à moyen ou à long terme.
Je ne reviendrai pas sur les motivations du Gouvernement que j'avais eu l'occasion de souligner en première lecture. Vous êtes fidèles à votre inspiration libérale, et l'impasse financière liée à l'actuelle dérive des finances publiques oblige à faire financer par des capitaux privés ou par les collectivités locales les investissements que l'Etat ne veut plus ou ne peut plus assurer.
Vous appelez cela « modernisation ». Dans votre esprit, la modernisation est nécessairement liée à la limitation du rôle de l'Etat, comme si un Etat ne pouvait pas être moderne.
Vous qui prônez la simplification, vous nous proposez désormais un système aéroportuaire qui constituera une véritable usine à gaz à trois étages.
Les aéroports parisiens seront gérés par une société anonyme - son capital sera-t-il à majorité public ? Personne ne le sait - qui va recevoir en dotation d'immenses emprises foncières déclassées du domaine public. C'est une solution que même les pays les plus libéraux n'ont pas adoptée.
Les grands aéroports régionaux situés en province, dont on ne connaît toujours pas la liste puisqu'elle sera fixée par décret pourront, à la demande des CCI, être gérés par des sociétés aéroportuaires, dont le capital détenu initialement par les CCI, les collectivités, l'Etat pourra être ouvert à des intérêts privés, y compris de façon majoritaire.
Enfin, les aéroports et les aérodromes locaux seront transférés au 1er janvier 2007 aux collectivités locales - on ne sait pas trop encore comment - en vertu de la loi du 13 août 2004, ces dernières en feront ce qu'elles veulent.
Voilà un système clair qui répond parfaitement à l'idée d'une simplification des statuts : on a donc trois types d'aéroports.
En résumé, même si le Gouvernement affirme des garanties, même si le capital d'ADP et des sociétés de gestion aéroportuaire reste pour l'instant public, toute l'architecture d'une privatisation à terme du dispositif aéroportuaire français sera en place une fois ce texte adopté. Rappelons-nous de ce qui s'est passé à France Télécom et à Air France lors de l'ouverture du capital ! Pensons à ce qui se prépare pour EDF et GDF ! On a ouvert une porte, mais vous, vous avez donné un grand coup de pied dedans.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Oh !
M. Daniel Reiner. C'est bien d'une banalisation de ce secteur qu'il s'agit. Pour ce gouvernement, le transport aérien est une activité économique comme une autre, soumise au seul critère de la rentabilité et non plus un secteur stratégique nécessitant une présence forte de l'Etat pour répondre à des enjeux aussi divers que la sécurité du territoire, l'emploi, l'aménagement du territoire, la protection de l'environnement, la sûreté.
En première lecture, le Sénat n'avait pas modifié au fond l'économie du texte, même si nos deux rapporteurs avaient fait part de nombreuses réserves : des risques de conflits entre l'intérêt général et les intérêts privés, le renvoi à de trop nombreux décrets de sujets aussi essentiels que la domanialité publique des biens nécessaires à l'exécution des missions régaliennes de sécurité ou encore la définition des missions de service public et des conditions de leur contrôle.
La majorité sénatoriale avait refusé tous les amendements du groupe socialiste tentant d'y apporter des réponses intelligentes. Ce dernier a donc voté contre ce projet de loi dont il avait récusé globalement l'orientation, et la lecture à l'Assemblée nationale ne peut que le conforter dans cette position.
En effet, il y a toujours dans ce texte de nombreux dangers pour le secteur aéroportuaire français, tant en ce qui concerne Aéroports de Paris que les autres aéroports régionaux.
Quels sont-ils ?
Concernant Aéroports de Paris, l'activité aéroportuaire risque d'être mise en concurrence avec d'autres activités plus rentables : le développement de commerces sur les plates-formes, les parkings, l'ingénierie, les télécoms, au risque d'être fragilisée. Or la mission essentielle d'Aéroports de Paris est de recevoir un trafic aérien.
Les biens d'Aéroports de Paris sont déclassés du domaine public, privant sans doute à jamais l'Etat de la propriété de biens essentiels au bon fonctionnement des services aéroportuaires.
Nous pensons qu'aux missions de service public et à la qualité de l'emploi pour les personnels concernés vous préférez la course à la rentabilité. Nous notons de nouveau, parce qu'il n'y a pas eu de progrès de ce point de vue, que le projet de loi renvoie à un décret la définition du cahier des charges d'ADP qui comprendra, entre autres, la définition de ses missions de service public. Vous savez comme nous avions insisté pour que nous soyons plus précis dans notre oeuvre législative. Ce n'est d'ailleurs qu'un des multiples renvois de ce texte au pouvoir réglementaire - il en est truffé - laissant finalement le Parlement sur la touche.
De même, vous avez martelé que le projet de loi ne modifiait en rien le statut du personnel d'ADP. Mais, comme l'a indiqué le rapporteur de l'Assemblée nationale, et c'est vrai : « aucun statut n'est immuable ». Dès lors, ne perdons pas de vue que les multiples sous-traitants d'Aéroports de Paris ne disposent, eux, d'aucune garantie dans ce texte.
La question du déclassement des terrains et des ouvrages publics au bénéfice d'Aéroports de Paris continue de nous inquiéter. En effet, alors que pour les grands aéroports régionaux, en vertu du principe de simplification, la domanialité publique est préservée, le Gouvernement fait, de manière assez peu compréhensible, le choix inverse pour les deux premiers aéroports français ! Nous voudrions comprendre. Nous pensons qu'il veut transformer Aéroports de Paris en machine à sous au bénéfice des investisseurs privés, en permettant aux nouveaux actionnaires d'engranger de belles plus-values, entre autres lors de la cession d'un certain nombre de terrains, ce qui est une hypothèse ouverte largement dans le débat.
L'article en question renvoie simplement à un décret en Conseil d'État le soin de définir les biens qui resteront dans le domaine public, au lieu de retenir la proposition que nous avions formulée, qui a d'ailleurs été renouvelée par l'opposition à l'Assemblée nationale, de fixer clairement dans la loi une liste a minima des biens qui ne pourront être transférés : les biens nécessaires à la navigation aérienne, les pistes, les voies de circulation, les aires de stationnement des aéronefs, les installations de stockage de carburant. Nous reviendrons par la voie d'un amendement sur ce point qui nous paraît essentiel.
Le texte fait tomber le principe de spécialité, puisque Aéroports de Paris ne sera plus un établissement public et pourra diversifier ses activités, ce qu'il a d'ailleurs largement fait en dépit de son statut. Aucun moyen n'est donné à la puissance publique de contrôler réellement cette politique de diversification - le cahier des charges initial sera, lui aussi, défini par décret - et les diverses opérations de filialisation qui inévitablement s'ensuivront.
Les missions de service public sont assez mal encadrées par la loi, aucun objectif de qualité n'est mentionné dans ce texte. Enfin, la procédure d'opposition au profit de l'Etat sur la vente des biens nécessaires au fonctionnement du service public est assez « légère » ; les sanctions sont quasi nulles.
Aussi, nous proposerons une série d'amendements sur les articles 2 à 6 visant à corriger ce qui nous apparaît comme une série de « légèretés ». Nous demanderons à nouveau que le capital de la société ADP soit entièrement détenu par l'Etat.
J'en viens à l'évolution du statut des grands aéroports régionaux et à l'aménagement du territoire
Le texte confie la gestion des grands aéroports régionaux à des sociétés aéroportuaires dont le capital pourra à terme être majoritairement privé. Seul le capital initial reste public : il est constitué par l'Etat, les chambres de commerce et d'industrie et, éventuellement, les collectivités territoriales qui le souhaiteraient.
Les régions et les chambres de commerce et d'industrie ont demandé que le capital de ces sociétés demeure public afin de garder sous contrôle public un des outils au service de l'aménagement du territoire.
Ce n'est pas écrit dans ce texte. Vous vous êtes contentés de préciser oralement au cours des débats que les chambres de commerce et d'industrie détiendraient 25 % du capital tandis que les collectivités locales se verraient proposer au moins 15 % de ce capital. Mais ce ne sont que des paroles. Ce serait le « noyau dur ». Inscrivons-le dans la loi, tout est ouvert pour l'avenir.
Ainsi, des augmentations de capital peuvent entraîner une dilution « mécanique » de la participation des acteurs publics et donc l'engagement, tel qu'il est pris aujourd'hui, ne vaut que pour ceux qui le reçoivent. Air France constitue à cet égard un cas d'école.
A l'Assemblée nationale, le souhait des CCI a été parfaitement relayé par les députés de la majorité, qui, suivant en cela l'avis du Gouvernement, ont rejeté tous les amendements tendant à attribuer aux collectivités un droit de préemption sur les actions dont l'Etat souhaiterait se défaire par la suite.
Le Gouvernement laisse ainsi entendre qu'il souhaite cantonner le rôle de ces collectivités publiques, afin de permettre une éventuelle privatisation des aéroports. Une telle position ne peut pas être satisfaisante. Le projet de loi devrait, au contraire, garantir une présence significative et durable des acteurs publics dans le capital des sociétés aéroportuaires, sans quoi les pourcentages annoncés ne constitueront en aucune manière une base solide pour inciter les collectivités à prendre part à la gouvernance des aéroports régionaux d'intérêt national. Tel est d'ailleurs l'objet d'un amendement que nous vous soumettrons, mes chers collègues.
C'est un décret en Conseil d'Etat qui déterminera la liste des aéroports concernés. Sur les critères de sélection, j'avoue avoir du mal à m'y retrouver, monsieur le secrétaire d'Etat, car vous avez été, depuis le début, assez flou à cet égard.
Jusqu'alors, le Gouvernement avançait une liste de douze aéroports seulement, dont huit en métropole et quatre en outre-mer. Puis M. de Robien a précisé à l'Assemblée nationale que d'autres plates-formes seraient aussi concernées, dans l'hypothèse, qui est loin d'être simple, où elles seraient directement liées à l'exploitation des aéroports précédemment cités. Quelques exemples ont été cités. Mais, puisqu'ils ne sont pas exhaustifs, la question de la liste initiale est donc loin d'être réglée.
Par ailleurs, l'un des critères évoqués était celui du nombre de passagers. Comme je l'ai constaté à diverses reprises, le seuil cité était un million de passagers. Or le cas de Beauvais, sur lequel j'avais attiré votre attention en première lecture, ne paraît toujours pas faire l'objet d'une position claire.
En effet, le critère à prendre en compte n'est apparemment plus le nombre de passagers puisque M. de Robien a souligné la nécessité d'« établir un réseau structurant d'aéroports suffisamment éloignés des plates-formes parisiennes ».
Faut-il en conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, que Beauvais ne sera pas retenu ? Au demeurant, vous avouerez que tous ces propos sont peu clairs et d'une portée juridique assez faible.
Je ne voudrais pas oublier les personnels des CCI qui seront transférés aux nouvelles sociétés, même si l'on nous dit de ne pas nous inquiéter. A la demande de ces personnels, nous proposerons des amendements visant à leur donner des garanties supplémentaires et, surtout, à accélérer la négociation de la convention collective qui leur sera applicable.
J'en viens au troisième point, à savoir les dispositions relatives à l'ensemble des aéroports.
Nous ne croyons pas beaucoup à l'opportunité de créer la commission « de conciliation » aéroportuaire, devenue aujourd'hui la commission « consultative » aéroportuaire. Mais je sais que cette commission est chère à notre rapporteur, qui en avait été à l'origine !
Nous proposerons tout simplement de supprimer l'article relatif à cette commission, laquelle, au départ, était conçue comme une préfiguration d'une énième autorité dite indépendante et devait, à terme, se voir confier la régulation des activités aéroportuaires au détriment de la puissance publique, ce que nous refusions.
Nous avions alors opté pour une sorte de moyen terme. Finalement, cette commission a été quelque peu vidée de son sens par l'Assemblée nationale puisqu'il ne s'agit plus que d'une commission consultative auprès du ministre.
Pour autant, mes chers collègues, si vous tenez absolument à conserver cette commission, nous avons prévu une solution de repli pour cette structure. Etant donné qu'elle abordera très largement les relations entre les transporteurs aériens et les aéroports, il serait pour le moins utile que les collectivités territoriales y soient représentées hors des communautés aéroportuaires, qui ont un rôle tout à fait différent. Nous proposerons également d'inclure dans cette commission un représentant d'une association nationale représentative des usagers du transport et des intérêts des riverains. S'il s'agit d'une commission consultative qui émet des avis, autant tenir compte de l'avis de tous !
Par ailleurs, le projet de loi met en place de nouveaux modes de calcul des redevances aéroportuaires, s'agissant des services rendus payés par les compagnies aériennes. Là encore, la logique du profit au bénéfice des futurs actionnaires des aérodromes a visiblement prévalu. Je ne suis pas certain que le principe de la caisse unique soit pleinement reconnu. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, il s'agit plutôt d'une « caisse unique aménagée », pour reprendre l'expression utilisée par le rapporteur de l'Assemblée nationale.
Nous préférerions que le désengagement de l'Etat soit moins important. Nous proposons donc que l'homologation des redevances par les ministres chargés de l'économie et du transport aérien soit maintenue.
Dans le cadre de cette caisse unique aménagée, il n'est pas prévu que le montant des redevances prenne en compte les recettes tirées des activités extra-aéronautiques. En revanche, le texte précise que le produit global des redevances ne peut excéder le coût des services rendus, précision qui me semble tout à fait dangereuse pour la caisse unique. En définitive, il s'agit toujours de développer des activités qui ne sont pas liées au transport aérien et donc de ne pas trop les taxer.
A l'instar de ce qui se passe pour la plupart des grands aéroports internationaux, nous souhaitons que soit pleinement affirmé le principe de cette caisse unique, qui présente à nos yeux un intérêt économique évident pour Aéroports de Paris. Nous proposerons un amendement en ce sens.
Enfin, le texte transpose au secteur aérien un principe d'inspiration très largement libérale, qui est déjà en vigueur dans les secteurs des télécoms et de l'énergie et qui conduit à alléger le contrôle des tarifs par la puissance publique.
En effet, il n'y a plus d'approbation au cas par cas par l'Etat des redevances ou des tarifs. Il est simplement prévu une contractualisation d'objectifs tarifaires sur plusieurs années. Selon nous, il est nécessaire, en contrepartie, de prévoir dans la loi une concertation préalable entre l'aéroport et ses usagers, voire une consultation chaque année, au cours de l'exécution du contrat pluriannuel. En effet, à la lueur de l'évolution du transport aérien depuis 2001, on peut dire qu'il sera très difficile de se projeter plusieurs années en avant pour fixer globalement une sorte de contrat qui encadrerait le produit des redevances.
Voilà brièvement exposées les remarques que nous avons à formuler sur ce texte, qui constitue un pas de plus dans le démembrement du service public.
Après la privatisation d'Air France, dont l'Etat ne détient plus que 20 % du capital, après le transfert des aéroports aux collectivités locales, nous nous inscrivons finalement dans la voie d'un enterrement de toute la politique publique en matière de transport aérien. Naturellement, nous le regrettons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean Desessard. Bravo !
M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, s'il y a une réforme qui s'imposait, c'est bien celle-ci !
En effet, depuis 1955, les plates-formes aéroportuaires sont soumises à des textes figés, archaïques qui ne permettent plus de répondre à l'ampleur du développement du transport aérien et à sa nécessaire modernisation.
L'aménagement du territoire et son corollaire indispensable, l'ouverture des frontières pour faciliter les échanges vers l'extérieur, font des aéroports des traits d'union essentiels dans tous les secteurs d'activité.
Autrefois, tous les aéroports, sauf Aéroports de Paris, étaient gérés par les chambres de commerce dans le cadre du régime de concession aéroportuaire.
Si M. le rapporteur de la commission des affaires économiques a centré son intervention sur Aéroports de Paris et sur les plates-formes de province, j'insisterai, pour ma part, sur les plates-formes d'outre-mer, qui permettent à la France de bénéficier d'une position stratégique en la matière.
Notre pays s'est ouvert au monde grâce, d'abord, au secteur maritime, puis au secteur aérien. Or, si nous voulons conserver notre place sur le plan international, il est indispensable de prendre en compte les plates-formes d'outre-mer.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Vous avez raison, ma chère collègue.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Ces plates-formes ont une dimension régionale, mais aussi internationale, et elles jouent un rôle dans le domaine militaire. Dorénavant, la présence de la France en outre-mer et son rayonnement dépendent non plus seulement des ports, mais également des aéroports.
A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, j'ouvrirai une brève parenthèse.
Le personnel navigant français est soumis à une réglementation très stricte, qui lui impose un contrôle médical tous les ans et une formation régulière. Tout cela coûte très cher. Or il apparaît que ce personnel est de plus en plus délaissé au profit du personnel étranger, particulièrement dans les charters et sur les lignes de l'outre-mer.
Une telle situation est véritablement déplorable : nous ne pouvons pas, d'un côté, exiger pour nos personnels, notamment les pilotes et les copilotes, une formation rigoureuse, que d'ailleurs personne ne conteste et, de l'autre, laisser la porte ouverte, dans le cadre des accords européens, au recrutement d'un personnel moins bien formé, comme tout le monde le sait.
Revenant sur un plan plus général, je rappellerai que les aéroports constituent le seul moyen de désenclavement des départements et territoires d'outre-mer. Aujourd'hui, la continuité territoriale constitue un point important pour l'outre-mer, même si, contrairement à la Corse, cette question n'apparaît pour l'instant qu'en filigrane. De plus en plus, nous parvenons à faire prévaloir cette vision d'un lien qui existe entre la France, l'Europe et les autres zones du monde.
A cet égard, le Gouvernement a pris la mesure de l'importance, pour l'outre-mer, d'un traitement particulier. Il a apporté les solutions qui s'imposaient pour adapter la réforme aux particularismes de nos régions.
Certes, dans un domaine en perpétuelle évolution, où l'ampleur des mutations est impossible à mesurer, il est très difficile de fixer des règles. Cela étant, le texte qui nous est soumis aujourd'hui a le mérite d'exister et de prévoir des bases nouvelles, inspirées d'une conception plus moderne des plates-formes.
En ce qui nous concerne, nous avons mené de nombreuses consultations, tant avec les élus qu'avec les chambres de commerce. Des réponses positives nous ont été apportées. Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté de nombreux amendements qui prévoient des modifications extrêmement importantes.
Ainsi, il faut noter deux avancées en faveur de l'outre-mer, notamment pour la plate-forme de Pointe-à-Pitre, qui m'intéresse particulièrement : d'une part, la reconnaissance de la spécificité de nos aéroports ; d'autre part, pour la chambre de commerce, la prolongation de l'actuelle convention de concession qui expire en 2008.
En outre, l'Assemblée nationale a conforté le rôle des chambres de commerce et a reconnu leur nécessaire participation, ainsi que celle des collectivités territoriales, au capital des sociétés aéroportuaires.
Mes chers collègues, la France ne se limite pas à l'hexagone, elle a une dimension beaucoup plus large. Je suis toujours choquée de voir notre pays enfermé dans ses limites hexagonales. Au contraire, notre présence à travers le monde est une grande richesse : elle nous permet notamment de transmettre nos technologies de pointe dans diverses régions.
A ce titre, grâce à la plate-forme de Pointe-à-Pitre, la France assure une présence européenne dans les Amériques du Nord et du Sud ; elle apporte son savoir-faire technologique y compris dans les petites îles qui disposent d'aéroports moins importants.
Le développement de l'outre-mer ne pourra reposer exclusivement sur la protection et la propagation de cultures telles que la canne à sucre et la banane. Il faudra incontestablement y intégrer le domaine des technologies de pointe, dans lequel la France a, je le répète, un grand savoir-faire. Dans tous ces pays, dans toutes ces îles de la Caraïbe, la France bénéficie d'une reconnaissance historique grâce à ses prises de position successives. Ces peuples partagent avec nous la même histoire et les mêmes valeurs culturelles qui ont fait la grandeur de notre pays.
C'est pourquoi le traitement particulier des aéroports de l'outre-mer, particulièrement celui de Pôle Caraïbes en Guadeloupe, implique que soient pris en compte un certain nombre de paramètres, notamment le positionnement géographique, car ces aéroports sont des traits d'union entre l'Europe, notamment la France, et les Amériques.
La plate-forme Pôle Caraïbes est incontestablement vouée à devenir, demain, le pôle stratégique de convergence et d'échanges avec l'ensemble des petites îles qui sont situées autour de la Caraïbe.
C'est pourquoi, dans la modernisation de la gestion de la plate-forme de la Guadeloupe qui doit intervenir, nous devons nous rappeler le double rôle joué par la CCI, qui a participé très fortement, avec les nouvelles collectivités territoriales, à des investissements lourds - plus de 130 millions d'euros sur plusieurs années -, lesquels se sont révélés performants, puisque Pôle Caraïbes est en train de devenir le hub d'éclatement pour toute la Caraïbe. Il s'agit de défendre, dans le cadre d'une régionalisation plus ouverte, nos relations vers ces régions.
Les CCI bénéficient de relations privilégiées dans cette zone, ce qui leur permet de jouer un rôle moteur dans les aéroports. Dans le cadre de l'Association des Etats de la Caraïbe, elles constituent un facteur intéressant pour renforcer la position de la France et de l'Europe.
Il est donc normal et légitime que les collectivités territoriales qui ont apporté des financements intéressants pour cette plate-forme détiennent une part de son capital.
Si je suis favorable à la commission consultative aéroportuaire, c'est parce qu'il est urgent que les futures négociations sur le régime des plates-formes soient menées avec la plus grande rapidité, et ce pour deux raisons.
Premièrement, nous sommes à la veille de l'ouverture des négociations du futur contrat de plan.
Deuxièmement, les accords de Cotonou vont s'appliquer très rapidement. La France mesure-t-elle qu'il y aura, demain, un véritable petit marché commun, de Cuba au Brésil, dans lequel la circulation sera libre ?
Il est donc indispensable que les outils que constituent les aéroports de Pointe-à-Pitre et de Fort-de-France bénéficient très rapidement des infrastructures qui leur permettront de récupérer les gros porteurs. Dans ce domaine, je redoute les lenteurs administratives pour les avis de commissions ou la publication des décrets, et j'espère que nous ne nous laisserons pas déborder par l'aéroport de Miami.
Savez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, que, parce que les aéroports de Pointe-à-Pitre et de Fort-de-France ne jouent pas leur rôle d'éclatement, les élus français sont obligés de passer par Miami pour aller à Trinidad ?
Savez-vous que nous avons été interpellés à plusieurs reprises pour entrer dans le capital des infrastructures de la petite zone ? Or nous ne l'avons jamais fait ! C'est la raison pour laquelle je suis persuadée que le rôle des régions ultrapériphériques, qui est reconnu par l'Europe dans le projet de Constitution européenne, nous permettra d'accélérer le processus de libéralisation des aéroports.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il faut reconnaître très clairement - vous l'avez fait à l'Assemblée nationale - les spécificités de l'outre-mer : nos aéroports ne sont pas des aéroports de province ; ils ont une dimension beaucoup plus large. Par ailleurs, il faut obtenir très rapidement des CCI les assurances qui permettront aux collectivités territoriales, dans le cadre du nouveau contrat de plan, d'évaluer les investissements indispensables à mettre sur pied, afin de permettre aux aéroports français de jouer leur rôle d'éclatement.
En outre - et c'est ma préoccupation fondamentale - grâce à ses aéroports et à ses ports, la France doit continuer, dans le cadre des accords de Cotonou, à jouer le rôle moteur qui a toujours été le sien et qui, ajouté au respect de la libre circulation des hommes qu'elle a toujours professé, lui a conféré une image de grandeur dans la zone qui nous entoure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est proposé aujourd'hui en deuxième lecture a principalement pour objet d'adapter l'établissement public Aéroports de Paris aux nouvelles exigences économiques du secteur. Pour ce faire, ADP deviendra une société anonyme, ce qui lui permettra de financer ses projets et de diversifier ses activités.
A l'heure actuelle, ADP doit financer un important programme d'investissements, notamment la construction de nouvelles aérogares, la réhabilitation du terminal 2 E et la rénovation des pistes.
Tout d'abord, la capacité de financement d'ADP a été, en 2003, de 353 millions d'euros, alors que les besoins atteindront dans les deux prochaines années 600 millions à 700 millions d'euros.
Ensuite, ce besoin de financement ne pourra être couvert par le recours à l'emprunt, le ratio d'endettement de la société atteignant 150 % pour l'année 2003. Au vu de la situation des finances publiques de la France, l'apport de capitaux extérieurs est donc la seule solution envisageable.
De plus, cette modification de son statut permettra à ADP de diversifier ses activités et, notamment, d'offrir des prestations de services à des aéroports situés hors d'Ile-de-France, ce qui ne lui est pas permis aujourd'hui sur le plan juridique. En effet, comme tout établissement public, ADP est soumis au principe de spécialité.
Le succès de la participation d'ADP dans la gestion de l'aéroport de Mexico prouve que la société aurait toutes les compétences pour devenir un prestataire de services reconnu.
Au cours de la navette parlementaire, sénateurs et députés ont apporté des clarifications importantes, dont le groupe UC-UDF se félicite.
Ainsi, l'article 2 du projet de loi prévoit que, à la date de transformation d'ADP, les biens relevant du domaine public de l'établissement et ceux, appartenant à l'Etat, qui lui ont été remis en dotation seront déclassés et transférés. Sur ce point, il convient de souligner que les biens nécessaires à l'exercice des missions de service public relatives à l'activité aéroportuaire de l'Etat et des établissements publics continueront de relever du régime de la domanialité publique.
De plus, afin de clarifier le régime juridique dont relèvera le domaine aéroportuaire d'ADP, Charles de Courson, rapporteur de la commission des finances de l'Assemblée nationale, a proposé de préciser dans le projet de loi que les ouvrages affectés au service public sont des ouvrages publics. Si cette notion figurait de façon implicite dans le texte, il ne semble pas inutile de la mentionner explicitement, afin d'éviter une inflation jurisprudentielle liée à l'absence de définition juridique des ouvrages publics.
Par ailleurs, en ce qui concerne les missions dévolues à ADP, le texte s'est enrichi au fil de la navette parlementaire. Ainsi, le Sénat, sur l'initiative de son rapporteur, M. Jean-François Le Grand, avait précisé, en première lecture, les dispositions figurant dans le cahier des charges. Les députés, qui ne sont pas revenus sur cette mesure, ont proposé une rédaction nouvelle qui nous convient parfaitement.
S'agissant des dispositions relatives aux grands aéroports régionaux, la rédaction actuelle de l'article 7 du projet de loi nous semble également offrir toutes les garanties nécessaires à un bon fonctionnement, aussi bien pour les CCI que pour les collectivités locales et les usagers.
Au Sénat, nous avions choisi de porter de vingt ans à quarante ans la durée pendant laquelle une concession aéroportuaire accordée à une CCI pouvait être prolongée. Les députés ont encore renforcé la place des CCI dans ce dispositif, en leur accordant l'initiative de la création de ces nouvelles sociétés gestionnaires. De plus, les CCI, à hauteur de 25 %, ainsi que les collectivités locales, à hauteur de 15 %, et l'Etat seront associés au « noyau dur » du capital public initial.
Nous sommes tout à fait satisfaits du consensus qui s'est dégagé sur cette mesure, grâce à la concertation avec les CCI, opérateurs historiques du développement aéroportuaire. Toutefois, le « service après-vote » de cette disposition, comme l'appellent certains de vos collègues, suscite quelques interrogations de la part des CCI. La deuxième lecture de ce texte au Sénat pourrait être l'occasion de nous indiquer vos intentions en matière de gouvernance de ces sociétés gestionnaires et de maintien d'un capital majoritairement public.
Enfin, s'agissant des redevances aéroportuaires, il est prévu à l'article 8 du projet de loi de nouvelles modalités de calcul et de fixation de ces redevances. Les modifications qui nous sont proposées et qui ont déjà été discutées en première lecture offrent notamment la possibilité de moduler les redevances en fonction de certains motifs d'intérêt généraux et d'encadrer leur évolution dans un contrat pluriannuel. Cette modulation interviendra en fonction des atteintes à l'environnement, de l'utilisation des infrastructures, de la création de nouvelles liaisons et des impératifs de continuité du territoire et de son aménagement.
Le Sénat avait ajouté à cette liste le critère essentiel du maintien d'une bonne desserte du territoire. L'Assemblée nationale a supprimé le critère de l'encombrement des aéroports afin de ne pas pénaliser les hubs des grandes compagnies. Par conséquent, les critères permettant de moduler les redevances nous semblent dorénavant être parvenus à un point d'équilibre entre intérêts économiques, intérêts environnementaux et aménagement du territoire.
En conclusion, le groupe UC-UDF souhaite souligner le travail accompli par les rapporteurs des commissions du Sénat et de l'Assemblée nationale. En effet, le texte qui nous est soumis aujourd'hui est équilibré et répond aux objectifs fixés, grâce aux améliorations apportées par la représentation nationale.
La deuxième lecture du projet de loi nous donne aujourd'hui l'occasion de débattre des dispositions encore sujettes à discussion et des propositions intéressantes de notre rapporteur, M. Jean-François Le Grand. Le groupe UC-UDF, qui espère que nous parviendrons, ensemble, à une rédaction satisfaisante pour tous, votera ce texte.
Pour terminer, je tiens à vous remercier, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir déposé ce projet de loi, comme je remercie M. Le Grand, grand spécialiste de ces questions, de nous avoir fait bénéficier de ses connaissances. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Marsin.
M. Daniel Marsin. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon bref propos concernera principalement les aéroports régionaux, ce qui m'évitera d'intervenir lorsque l'article 7 viendra en discussion.
Ainsi que vous l'avez indiqué en première lecture, monsieur le secrétaire d'Etat, l'objectif du Gouvernement est de permettre, lors d'une seconde étape et en fonction des besoins, l'ouverture du capital des sociétés aéroportuaires régionales au secteur privé, lequel pourrait même devenir majoritaire.
Si cette perspective inquiète de nombreux élus locaux de la métropole, elle inquiète encore davantage, vous le comprendrez, ceux de l'outre-mer et singulièrement de la Guadeloupe.
En effet, nous connaissons tous - Mme Michaux-Chevry en a fait mention tout à l'heure -, les efforts considérables qui ont été consentis par la chambre de commerce et d'industrie de Pointe-à-Pitre et de sa région pour doter la Guadeloupe d'une infrastructure qui soit à la mesure des enjeux et de son ambition touristique. Plus globalement, il s'agit de disposer d'un outil performant absolument indispensable au développement économique de notre région et au rayonnement de notre pays.
Notre seconde inquiétude vient de notre ferme et intime conviction que nul mieux que la puissance publique - Etat, collectivités territoriales ou chambre consulaire - ne saura garantir de manière pérenne, en dépit des vicissitudes et des aléas de conjoncture, le rôle majeur des aéroports régionaux dans le cadre de la politique d'aménagement pour un développement durable de nos territoires insulaires.
C'est donc avec satisfaction - j'ai plaisir à le dire - que j'ai constaté l'évolution positive du texte tel qu'il est revenu de l'Assemblée nationale pour être soumis au Sénat.
D'abord, je me réjouis que l'initiative de la création d'une société aéroportuaire revienne à la chambre de commerce concernée.
Ensuite, je suis plutôt rassuré par le fait que le capital initial soit détenu exclusivement, et non majoritairement, comme c'était le cas dans le texte adopté en première lecture au Sénat, par des personnes publiques, notamment les CCI, les collectivités et leurs groupements.
Enfin, il est heureux, à mes yeux, que les dispositions du deuxième alinéa du II de l'article 7 écartent à court terme le risque réel - ou la tentation - de prédation brutale, risque lié à l'application mécanique des dispositions des articles 38 et 40 de la loi du 29 janvier 1993.
J'ai en outre noté avec soulagement les précisions et les garanties apportées quant à la situation future des agents déjà en fonction dans les CCI. D'aucuns soutiennent que cela allait sans dire. Vous conviendrez avec moi que, pour les femmes et les hommes concernés, cela va encore mieux en le disant.
Monsieur le secrétaire d'Etat, si le texte a donc évolué favorablement, notamment par le fait qu'il consacre le positionnement des CCI et autres personnes publiques au coeur même du nouveau dispositif, et s'il m'apparaît moins inquiétant, il vous reste toutefois à m'apporter quelque apaisement sur un point précis.
L'initiative de créer une société aéroportuaire relèvera bien de la CCI. Soit ! Mais quelle sera alors l'attitude de l'Etat à l'égard du concessionnaire dont le bail arrivera à échéance dans les deux à cinq ans, comme c'est le cas pour la chambre de commerce et d'industrie de Pointe-à-Pitre, dont la concession arrive à échéance en 2008, lorsque ce dernier n'aura pas jugé opportun de créer une société aéroportuaire ?
En tout état de cause, et pour être clair, avez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, l'intention de renouveler cette concession ? Je compte sur la précision de votre réponse. Elle seule pourra rassurer les responsables publics de la Guadeloupe. Car nous devons tous, avec la CCI, à court et à moyen terme, décider d'investissements lourds, qui sont indispensables si nous voulons être présents au rendez-vous des gros porteurs, tel l'Airbus A380 qui commence déjà ses manoeuvres d'approche dans notre ciel.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque j'ai étudié ce texte qui va, pour une bonne part, conditionner le développement des grands aéroports régionaux et singulièrement celui de la Guadeloupe, qui est situé sur le territoire de la ville des Abymes, dont je suis le maire, même si on le nomme « Aéroport de Pointe-à-Pitre », deux pensées me sont venues à l'esprit.
La première, c'est que, pour un archipel comme la Guadeloupe, de surcroît excentré, ultrapériphérique, un aéroport, c'est une piste d'envol qui permet de prendre la bonne ligne budgétaire et d'atterrir sur une continuité territoriale dont l'application est plus qu'insuffisante. Malgré les dispositions de la loi de programme pour l'outre-mer, le problème de la continuité territoriale n'est pas réglé, et en particulier la question du coût exorbitant du transport aérien, tant pour les passagers que pour le fret, ce qui freine notre développement. Il faudra donc décider d'ouvrir ce dossier pour le traiter enfin sérieusement.
Ma seconde pensée est du même ordre, dans la mesure où il s'agit, là encore, d'un défaut de traitement équitable.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Congrès vient de donner une valeur constitutionnelle à la Charte de l'environnement et une précédente réforme avait posé en 2003 le principe de garantie des ressources des collectivités territoriales. Pourtant, force est de constater que la compensation des nuisances aéroportuaires, établie par l'article 37 de la loi de finances rectificative pour 1999, craignant sans doute le mal de mer, ou d'outre-mer (Sourires), ou bien rebutée par le coût exorbitant du billet d'avion, ne parvient pas jusqu'à nos territoires. Je souhaite évoquer la question avec vous de manière plus approfondie, pour envisager, s'agissant de cette injustice, la correction qui s'impose, à l'occasion de la plus prochaine loi de finances qui sera soumise à notre assemblée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, eu égard à tout ce qui précède, vous comprendrez le très vif intérêt avec lequel j'écouterai votre intervention dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous connaissez mon intérêt pour les zones aéroportuaires et, en particulier, pour celle de Roissy.
Une fois encore, je vais prendre mon bâton de pèlerin pour tenter de faire valoir auprès de vous, monsieur le secrétaire d'Etat, la parole des élus et des habitants des régions proches des zones aéroportuaires parisiennes. Car, sous ses aspects purement comptables et financiers, ne nous y trompons pas, le texte que vous nous présentez ignore la situation des élus et des habitants !
Si l'on vous dit Aéroports de Paris, vous semblez n'entendre que 2,1 milliards d'euros d'endettement, 0,4 milliard d'euros de déficit des fonds propres ou 1,9 milliard d'euros d'investissements. De mon côté, quand j'entends Aéroports de Paris, j'entends surtout 2 300 000 Franciliens concernés, 350 000 riverains survolés à moins de 1000 mètres et plusieurs milliers d'élus locaux inquiets !
L'endettement est un réel problème, j'en conviens, l'investissement une nécessité, c'est évident, mais, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi annoncer une ouverture du capital alors que tout le monde voit bien se profiler derrière celle-ci la privatisation pure et simple de l'activité ? Pourquoi ne pas avoir privilégié une solution publique : recapitalisation, création d'une SEM, intervention d'un pôle financier et bancaire public ou d'un capital-risque public ? Non, vous avez choisi l'ouverture du capital pour ne pas vous engager financièrement et pour ouvrir la voie à une future privatisation.
Quoi qu'il en soit, pour l'avenir, ce texte me paraît d'ores et déjà largement contestable aujourd'hui. Mon collègue Reiner a brossé un large tableau des points dont notre groupe s'est inquiété et, pour ma part, je souhaiterais mettre en avant l'un d'entre eux, sur lequel nous aurons l'occasion de revenir lors de l'examen des amendements : l'intégration des zones aéroportuaires dans les territoires et la prise en compte des élus et des habitants dans leur développement.
Vous avez affiché, monsieur le secrétaire d'Etat, lors de l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale, une ambition certaine en parlant de « la première réforme d'importance depuis la Seconde Guerre mondiale ».
Pourtant, la lecture de ce projet de loi qui se veut aussi fondateur ne nous rassure pas sur la place que celui-ci octroie aux représentants des collectivités locales et des habitants des zones aéroportuaires. II marque même un recul flagrant par rapport aux avancées de ce que l'on pourrait qualifier de gouvernance partagée, avancées que l'on avait observées depuis 1999 et la création du fonds de péréquation.
La volonté manifeste des rédacteurs de ce texte de bipolariser la politique aéroportuaire entre l'Etat et les entreprises privées dans un tête-à-tête gestionnaire n'est pas sans rappeler les premiers accrocs au dialogue apparus ces derniers mois : abandon du troisième aéroport, non-promulgation de décrets d'application de la loi relative aux communautés aéroportuaires ou passage de la taxe générale sur les activités polluantes à la taxe sur les nuisances sonores aériennes, par exemple.
Vous savez bien que, comme le rappelait notre rapporteur, Jean-François Le Grand, lors de l'examen de la proposition de loi relative aux communautés aéroportuaires, « le meilleur moyen de régler les conflits d'usage que connaissent les collectivités, les gestionnaires d'aéroport et les compagnies aériennes est de les réunir afin qu'ils aplanissent leurs problèmes et trouvent, ensemble, des solutions ». Certes, manquaient à cette liste, et notre groupe l'avait alors souligné, les associations de riverains, mais, dans sa philosophie, cette sentence me paraît chargée de bon sens et la plus à même de garantir un développement harmonieux et équitable des territoires concernés.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est ce qui est prévu dans les communautés aéroportuaires !
M. Bernard Angels. Les élus locaux, responsables des communes environnantes des zones aéroportuaires sont, à tous les niveaux, des maillons essentiels de l'articulation de la politique aéroportuaire. A tous les niveaux, car ils sont les premiers concernés et informés s'agissant des difficultés que rencontrent leurs concitoyens, ils sont les plus à même d'envisager les contributions d'un aéroport au territoire qu'ils dirigent et, enfin, ils sont préoccupés, à juste titre, par les retombées sociales, économiques et écologiques de ce même aéroport. Je l'expérimente chaque jour dans ma propre commune et, si ce travail de sentinelle peut parfois paraître répétitif, voire vain, il n'en demeure pas moins nécessaire et ancré dans notre quotidien.
Nous sommes concernés au premier chef - je dis « nous » car je pense, à ce titre, rejoindre les préoccupations de mes collègues toutes tendances politiques confondues -, nous sommes concernés au premier chef, disais-je, tant le gel d'urbanisations nouvelles, l'implantation de surfaces commerciales ou la création d'emplois dans une zone aéroportuaire ont des répercussions directes sur la vie et le devenir de chacune de nos communes. Enfin, on ne saurait parler des seules retombées économiques sans prendre en compte le coût social et sanitaire pour les territoires concernés, notamment au travers des nuisances aériennes.
C'est sur ce chantier des nuisances aériennes, ce combat pourrait-on dire, que les associations de riverains se sont le plus manifestées. Sur ce dossier comme sur celui des vols de nuit, elles ont su prendre leurs responsabilités et participer activement à la recherche d'un consensus et de solutions permettant d'améliorer la vie de l'ensemble des habitants des zones concernées.
Ce mérite leur a été reconnu par vous-même et par l'ensemble de notre assemblée lors de l'examen de la proposition de loi relative aux communautés aéroportuaires, et je ne comprends pas que, de la même façon que pour les élus locaux, leur présence ne soit pas mentionnée dans ce texte. Le dialogue avec les riverains ne doit pas se résumer à un simple simulacre de démocratie locale ou un passage électoral obligé, il doit être la garantie que les projets menés dans le cadre des zones aéroportuaires ne se fassent pas au détriment de la santé et du bien-vivre des habitants.
J'ai été, à de nombreuses reprises, interpellé, questionné, sollicité par des administrés échaudés par des concertations qui n'ont pas été suivies d'effet, qu'il s'agisse du troisième aéroport ou des conditions d'abondement de la taxe sur les nuisances sonores aériennes. Je comprends leurs inquiétudes et je partage leurs préoccupations. Aussi, je me fais encore aujourd'hui leur porte-parole dans cet hémicycle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pour conclure, je souhaiterais vous faire part d'une crainte que j'ai éprouvée à la lecture de ce texte.
Comment peut-on envisager de laisser la gestion d'une politique aussi sensible que la politique aéroportuaire à un Etat qui se désengage progressivement et à des entreprises dont l'objectif est souvent le profit à court terme quand les enjeux sanitaires, environnementaux et humains nécessiteraient un engagement et une vigilance publics renforcés ainsi qu'une vision à long terme ?
Comment peut-on accorder une confiance presque aveugle à des sociétés privées qui, comme le relève l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires dans son rapport 2004, n'ont même pas rempli leurs responsabilités l'an passé dans le cadre des contributions dites volontaires et, dans le même temps, laisser des cahiers des charges aussi vagues quant à l'avenir des zones aéroportuaires ?
J'espère, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous entendrez le message qui, à travers mon intervention, est aussi celui des élus locaux et des habitants et que vous accorderez aux amendements que nous présenterons dans la suite de la discussion toute l'attention qu'ils méritent. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai écouté bien sûr avec la plus grande attention toutes les interventions, qui nous ont permis d'apprécier la position des différents groupes du Sénat sur ce texte, mais qui également vont nous permettre de préciser un certain nombre de points ; c'est une des vertus de la discussion parlementaire que de permettre de donner des explications complètes sur des textes, il est vrai, parfois techniques et complexes.
Monsieur Billout, nous n'avons pas la même conception de la gestion des grands équipements que sont les aéroports.
M. Robert Bret. Nous le savions !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Aujourd'hui, dans un monde aussi évolutif et aussi complexe que le transport aérien, les visions simplificatrices ne sont pas adéquates.
Nous avons, et je croyais l'avoir dit clairement tout à l'heure, des objectifs à la fois d'intérêt général, de service public, de compétitivité et de satisfaction des clients. Nous nous efforçons, à travers des solutions pragmatiques et diversifiées, d'apporter les meilleures réponses à ces différents objectifs. C'est au demeurant ce que font l'ensemble des pays du monde, où la gestion aéroportuaire relève de solutions variées. Nulle part le tout-public ne prévaut. Aux Etats-Unis, souvent cités, la place faite aux entreprises dans la gestion est tout à fait considérable.
M. Robert Bret. Il faut voir le résultat !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Les réponses sont très variées suivant les différents segments de l'activité aérienne. Aujourd'hui, pour les compagnies aériennes, la détention publique du capital n'est plus d'actualité. Mais cela n'empêche pas qu'elles se voient confier des missions de service public : ce sont les fameuses obligations de service public, qui sont largement dispensées sur notre territoire national, d'ailleurs avec succès.
Pour ce qui concerne les aéroports, la solution retenue est une solution mixte dont nous allons débattre aujourd'hui.
En revanche, en matière de navigation aérienne, de sécurité et de sûreté, l'Etat retrouve tout son rôle. C'est un point essentiel qui éclaire plusieurs aspects de la discussion que vous avez ouverte tout à l'heure, mesdames, messieurs les sénateurs : la navigation aérienne reste du ressort exclusif de l'Etat.
A propos de la domanialité, je dirai qu'il s'agit, là encore, d'une solution pragmatique.
Concernant Aéroports de Paris, il est vrai que les problèmes posés par la location de terrains - nécessaires à de nombreuses entreprises qui sont présentes sur le site aéroportuaire - sont importants. A cet égard, la domanialité privée apporte des solutions plus souples et mieux à même de répondre aux besoins des acteurs économiques.
Cela étant, les garanties restent entières en ce qui concerne les missions de service public ainsi que la vocation aéroportuaire et les intérêts patrimoniaux de l'Etat ; j'y reviendrai dans quelques instants.
Monsieur Billout, il n'existe aucune limite au trafic aérien d'ADP, qui serait arbitrairement fixée à 55 millions de passagers pour l'Ile-de-France, par exemple. Qui oserait prétendre aujourd'hui qu'il est souhaitable de freiner le développement de nos aéroports, entravant par là même le développement économique de la région d'Ile-de-France et de l'ensemble de notre pays, tant il est vrai que l'activité d'ADP a des répercussions sur l'ensemble de notre territoire national ?
En ce qui concerne les nuisances aéroportuaires, je rappelle que des mesures très précises, qui ne relèvent pas de ce texte, sont d'ores et déjà arrêtées. Toutefois, je précise que non seulement les commissions consultatives de l'environnement n'ont pas été supprimées mais que leurs compétences ont, au contraire, été élargies.
Pour ce qui est des obligations de sûreté, elles relèvent de la loi à laquelle aucune entreprise ne peut se soustraire. Ces obligations sont, au demeurant, financées par une taxe spécifique.
Quant aux communautés aéroportuaires, le décret prévu dans ce texte est actuellement soumis au Conseil d'Etat et sa parution est donc maintenant très proche.
Monsieur Collin, je souscris bien évidemment à l'expression que vous avez employée et qui me paraît particulièrement adaptée à ce texte et à son objectif. Il s'agit en effet de « faire entrer nos structures aéroportuaires dans l'ère moderne ».
De la même façon, vous avez eu raison de souligner que la navette parlementaire a permis, grâce à l'intervention de nombreux parlementaires, notamment de ceux qui sont spécialistes en la matière, et vous en faites partie, d'améliorer le présent texte sur plusieurs points essentiels ; je reviendrai tout à l'heure sur les articles 6 et 8A.
Effectivement, monsieur Reiner, le transport aérien n'est pas un secteur économique comme les autres. Nous sommes d'accord avec vous pour affirmer avec force que les grands équipements aéroportuaires ont des répercussions sur l'aménagement du territoire, sur le développement économique de nos régions.
Vous dépeignez les solutions que nous proposons comme des solutions ultra-libérales. Mais, monsieur Reiner, il suffit de regarder au-delà de nos frontières, et pas très loin. A Bruxelles, l'aéroport est totalement privatisé !
Par conséquent, je m'inscris en faux contre certains propos tenus tout à l'heure tendant à montrer que nulle part au monde le foncier n'était privatisé. Il existe dans plusieurs pays européens des aéroports totalement privés, gérés par le secteur privé.
J'ajoute que les mécanismes de concession pour les grands aéroports de région permettent, dans le droit positif actuel, de confier à des entreprises privées la gestion d'un aéroport, et j'observe qu'une collectivité territoriale - un département gouverné par une majorité de gauche, pour ne pas le nommer - a récemment choisi de confier l'exploitation aéroportuaire à une entreprise privée...
M. Daniel Reiner. Sans doute, voulez-vous parler de Grenoble ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Parfaitement, monsieur Reiner !
Par conséquent, quand vous dites que les collectivités locales pourront faire ce qu'elles voudront au terme du processus de régionalisation, cela est évident, sinon quel sens faudrait-il donner à la responsabilité locale et à la décentralisation ? Mais, bien sûr, elles devront le faire dans le respect des lois qui sont très précises.
Il s'agit de déléguer un grand service public, et de rien d'autre. Les textes en la matière sont précis, et les collectivités locales feront ce qu'elles voudront, à condition que cela profite aux usagers des aéroports et favorise le développement économique régional.
Quant au renvoi à des décrets, que vous critiquez, monsieur le sénateur, je vous rappelle que ce sont les articles 34 et 37 de la Constitution qui s'appliquent : c'est tout à fait normal s'agissant d'un texte technique comme celui dont nous discutons.
Par ailleurs, pour ce qui est des plus-values immobilières, dont vous prétendez qu'elles vont enrichir les intérêts privés, je rappellerai qu'elles enrichiront surtout l'Etat, qui reste majoritaire dans le capital d'ADP ! En outre, pour avoir lu très attentivement le texte, vous savez sans doute qu'au moins 70 % de ces plus-values reviennent, d'après la loi, à l'Etat. Aucune atteinte n'est donc portée aux intérêts patrimoniaux de l'Etat.
Concernant le critère à retenir pour les aéroports régionaux, nous n'avons jamais dit que ce dernier devait être fondé sur le taux de fréquentation ; je pense à la prétendue règle du million d'usagers.
Certes, nous avons affirmé qu'étaient concernés par ce décret les aéroports les plus importants. En disant cela, nous voulions parler des plus importants de par leur impact ou leur effet structurant - le terme a été employé à plusieurs reprises - tant il est vrai que les aéroports n'ont pas tous la même incidence sur un territoire donné. C'est ainsi que l'impact de l'aéroport du chef-lieu de région, de la capitale régionale, est sans doute plus fort que celui d'un aéroport qui enregistre le même trafic, mais qui, lui, n'a pas ce statut d'aéroport essentiel pour une région. Par conséquent, le critère ne saurait être strictement numérique.
Quant aux redevances aéroportuaires, elles restent et resteront fixées par l'Etat. Le contrat dont il est question est conclu avec l'Etat, la puissance publique ne se départissant en rien de ses compétences dans ce domaine.
Madame Michaux-Chevry, vous avez eu raison de souligner qu'il s'agit d'un texte de modernisation.
Vous avez, à juste titre, insisté sur les problèmes rencontrés par les aéroports dans les départements d'outre-mer, et je partage votre vision concernant le caractère à la fois régional, international et stratégique de ces aéroports. Il s'agit d'un point essentiel que nous avons parfaitement présent à l'esprit.
A propos des personnels navigants, vous avez également raison de souligner que la voie à suivre est celle de l'harmonisation européenne, voie qui est d'ores et déjà engagée, afin de faire en sorte que le statut, les garanties et les exigences concernant les personnels navigants soient homogènes au moins sur le territoire européen, à défaut de l'être au niveau mondial.
S'il existe, c'est vrai, des conventions internationales assez rassurantes concernant la qualification des personnels, il reste que notre niveau d'exigence, vous l'avez dit, est beaucoup plus élevé. Il est donc souhaitable que l'Europe, dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres, procède à cette harmonisation ; il en va du bien non seulement des personnels navigants, mais aussi de l'ensemble des usagers du transport aérien.
Effectivement, les grands aéroports d'outre-mer sont des moyens privilégiés de désenclavement de ces régions et nous accorderons une attention toute particulière au capital des futures sociétés aéroportuaires des départements d'outre-mer. Il n'est évidemment pas question que l'Etat se désengage en quoi que ce soit, eu égard, en particulier, aux objectifs, que vous avez rappelés, madame la sénatrice, de développement international, de développement régional et d'intérêt stratégique.
Nous sommes très ouverts, si tel est le souhait à la fois de la chambre de commerce de Guadeloupe et des élus, à une prolongation de l'actuelle concession. Il s'agit en fait de trouver les solutions les plus adaptées à la situation particulière de ce grand aéroport ; cela vaut d'ailleurs également pour les autres. Certaines échéances de concession s'inscrivant dans des durées variables, nous allons faire en sorte, pour les concessions aux échéances les plus rapprochées qui ont encore des investissements à réaliser, que la prolongation nécessaire intervienne de façon que ces investissements se fassent dans les meilleures conditions possible.
Il est vrai que les chambres de commerce et d'industrie d'outre-mer, comme c'est d'ailleurs le cas en métropole, ont joué un rôle très positif dans la gestion de nos aéroports, que nous considérons aujourd'hui, comme cela a toujours été le cas, de qualité. Il convient, en effet, de mettre en place dans nos départements d'outre-mer de véritables hubs de la Caraïbe, pour reprendre votre expression, madame la sénatrice.
Oui, nous avons un rôle particulier à jouer dans cette région du monde grâce à nos départements d'outre-mer et grâce à nos plates-formes aéroportuaires.
Enfin, pour ce qui est de l'A380, sa mise en service est prévue vers 2010 concernant les liaisons avec les Antilles. Bien évidemment, des investissements seront nécessaires afin d'adapter les aéroports à ce gros porteur qui devrait représenter un réel progrès quant aux conditions économiques de la desserte de ces aéroports.
Monsieur Soulage, vous avez, à juste titre, mis l'accent sur l'équilibre, qui constitue l'un des objectifs majeurs du texte. Vous avez eu raison de rappeler que, grâce à un amendement sénatorial, la durée des concessions a été portée de vingt à quarante ans en cas de création de sociétés aéroportuaires.
Pour ce qui est du capital des sociétés aéroportuaires, je vous confirme que nous souhaitons une présence forte et durable à la fois des chambres de commerce et d'industrie - ce qui correspond à ce que je disais à l'instant sur la qualité reconnue de leur gestion - et des collectivités territoriales - il s'agit là, selon moi, d'une des grandes avancées de ce texte - afin de permettre leur implication dans les organes de décision des sociétés aéroportuaires.
L'Etat participera au capital, aux côtés des chambres de commerce et d'industrie et des collectivités territoriales, afin de constituer de manière durable un noyau public dur, susceptible de concilier les besoins de financement, les nécessités relatives au dynamisme économique et commercial et les besoins d'intérêt général au service de nos régions.
Nous avons de ce point de vue, me semble-t-il, monsieur le sénateur, une vision commune : il n'y aura aucune précipitation, aucune remise en cause d'un fonctionnement considéré comme plus que satisfaisant. Notre objectif est simplement de prévoir une loi souple, une loi ouverte, une loi évolutive, une loi permettant dans le futur les évolutions nécessaires ; je pense en particulier au financement des investissements qui se révéleront au fil du temps indispensables dans tous nos aéroports.
Enfin, en matière de décentralisation, je voudrais apporter une précision sur le processus qui est en cours concernant l'attribution aux collectivités territoriales des aéroports visés par la loi relative aux libertés et responsabilités locales du 13 août 2004.
Il n'est aucunement question de décision arbitraire, qui serait imposée, visant à confier autoritairement à telle ou telle collectivité un aéroport ou un aérodrome dont elle ne voudrait pas. Ce processus doit se faire dans la plus totale concertation. Nous nous apprêtons d'ailleurs très prochainement à adresser aux préfets une circulaire leur précisant l'esprit qui doit présider à ce travail en commun avec les collectivités.
Monsieur Marsin, je crois avoir déjà répondu aux questions portant sur le capital des sociétés aéroportuaires. Cela dit, nous avons bien conscience que les départements d'outre-mer présentent à cet égard des spécificités et nécessitent donc une présence publique plus affirmée.
La prolongation de la concession de la chambre de commerce et d'industrie est tout à fait envisageable, je l'ai déjà dit.
Vous avez évoqué deux autres points, la continuité territoriale et le coût du transport aérien, sujets quelque peu différents de ceux dont traite le présent projet de loi mais néanmoins très proches.
Comme vous le savez, la dotation de continuité territoriale pour les départements d'outre-mer s'élève à 20 millions d'euros - la somme est, certes, de 30 millions d'euros au total, mais de 20 millions d'euros exactement pour les départements - et des mesures sociales ont d'ores et déjà été adoptées qui, je crois, sont fort appréciées. La question du coût du transport aérien relève bien évidemment du domaine économique.
Il faut faire jouer la concurrence de telle sorte qu'une pression à la baisse s'exerce sur les prix. Elle n'est sans doute pas entièrement satisfaisante dans tous les départements et territoires d'outre-mer. Nous sommes attentifs à ce problème et considérons que des mesures sociales devraient accompagner cet équilibre de marché, qui ne permet pas toujours d'obtenir des prix satisfaisants. Nous suivons d'ailleurs de près ce sujet avec tous les élus d'outre-mer.
La compensation des nuisances aéroportuaires est une disposition qui s'applique à l'ensemble de nos aéroports, quelle que soit leur situation sur le territoire national. Pour l'obtenir, des conditions objectives doivent être remplies, y compris l'existence de 20 000 mouvements d'aéronefs de plus de vingt tonnes. Ces conditions n'étant pas remplies par les aéroports de Guadeloupe et de Martinique, la compensation ne peut pas avoir lieu.
Je répondrai à M. Angels que ce texte n'affecte en rien l'ensemble des dispositions en vigueur et que les questions environnementales relèvent totalement de la compétence de l'Etat. La navigation aérienne, je le disais précédemment, reste donc de l'entière responsabilité de l'Etat. Cela signifie que l'Etat est toujours maître de la circulation, en particulier en région parisienne, et que l'exploitant de l'aéroport est étranger à ces décisions.
Ce sujet, extrêmement important pour nos compatriotes d'Ile-de-France et, d'une façon générale, pour les riverains de tous les aéroports, continuera à être traité par les textes actuels. Le dialogue avec les riverains se poursuivra. Il a progressé et la direction générale de l'aviation civile y est sans doute plus sensible qu'autrefois.
Je rappelle que les commissions consultatives de l'environnement ne sont pas seulement maintenues : leur compétence est étendue, au-delà des nuisances sonores, à l'ensemble des questions environnementales, ce qui paraît souhaitable. Les communautés aéroportuaires ne sont pas affectées par ce texte. Ayant déjà répondu à la question du futur décret, je n'y reviendrai pas.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je souhaitais apporter à l'issue de la discussion générale.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 44, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux aéroports (n° 249, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la motion.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis dans cet hémicycle, quatre mois après la première lecture, pour débattre du projet de loi relatif aux aéroports. Force est de constater que ce texte n'a pratiquement pas évolué.
Le Gouvernement cherche clairement à atteindre son objectif, qui va bien au-delà d'un simple changement de statut juridique des aéroports en permettant la mise en oeuvre d'autres critères de gestion, ceux de la rentabilité et du profit, dans le fonctionnement d'une entreprise assurant des missions de service public.
D'ailleurs, il ne s'en cache pas puisque le projet de loi acte le désengagement de l'Etat du secteur aérien avec, à terme, même si vous vous en défendez, monsieur le secrétaire d'Etat, la privatisation d'ADP.
Je suis intervenue à plusieurs reprises au sein de cette assemblée pour protester contre toute décision préjudiciable à la qualité du transport aérien. J'ai été soutenue dans ma démarche par les présidents des conseils généraux du Val-de-Marne, de l'Essonne, de Seine-Saint-Denis et du Val-d'Oise.
Derrière le changement de statut de ces aéroports s'affirme en effet le glissement d'une logique de service public, de cohésion sociale à celle de la libre concurrence.
L'abandon du statut d'établissement public d'ADP au profit de celui de société anonyme ne répond pas à des impératifs d'intérêt général. De plus, il intervient à un moment où les résultats financiers sont plutôt bons, comme en témoigne la hausse du chiffre d'affaires et du résultat d'exploitation d'ADP.
Nous ne sommes pas plus convaincus par vos arguments, monsieur le secrétaire d'Etat, que lors de la première lecture du texte par le Sénat. Je dirai même que, depuis, nos convictions se sont renforcées. Les idées que vous avancez pour justifier l'ouverture du capital d'ADP sont contestables. Les besoins de financement de cette entreprise auraient pu être satisfaits différemment.
Par exemple, le Gouvernement aurait pu envisager une recapitalisation ou la création d'un pôle bancaire et financier public pour répondre aux futurs besoins. Cette solution aurait eu l'avantage de ne pas fragiliser l'établissement tout en préservant son statut, c'est-à-dire de ne pas hypothéquer l'avenir.
En choisissant l'option libérale, monsieur le secrétaire d'Etat, vous prenez le risque de la fuite en avant pour assouvir les appétits des marchés financiers - on en parle beaucoup en ce moment à propos de la Constitution européenne - via la diminution des coûts, l'accroissement de la productivité, le développement de la sous-traitance, la précarisation du personnel et, par ricochet, l'amoindrissement de la sécurité.
Revenons-en au texte lui-même et aux dispositions qu'il contient. Au-delà des articles aussi lapidaires qu'inquiétants qui le constituent, ce projet de loi est extrêmement lourd de conséquences. Il s'agit bien là d'un texte qui s'inscrit dans le cadre de la déréglementation européenne des services publics de transport aérien.
Cette libéralisation du service public aéroportuaire pose de lourdes questions en termes d'aménagement du territoire, de maîtrise foncière, d'environnement, d'avenir financier des collectivités locales riveraines, de protection et de sécurité, de transparence, de démocratie, domaines qui relèvent tous de la responsabilité de l'Etat.
Ces enjeux auraient mérité un débat d'ampleur avec l'ensemble des acteurs concernés : salariés, riverains, élus, associations.
Il est d'ailleurs intéressant de noter que, dans les autres pays, la question de la propriété des installations aéroportuaires a suscité d'importants débats, notamment aux Etats-Unis - et on ne peut pas les soupçonner d'être le fer de lance du « tout public » - qui ont abouti à ce que les aéroports demeurent des propriétés publiques.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est vrai !
Mme Hélène Luc. Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, faites-nous part de votre position. Sinon, le débat ne sert à rien.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Mais nous le faisons, madame.
Mme Hélène Luc. Vous ne l'avez pas fait jusqu'à présent !
Dans l'exposé des motifs du projet de loi est inscrite la nécessité de développer le hub de Roissy face au développement important de la concurrence et du trafic aérien, qui aura doublé d'ici à 2015.
Concrètement, cela signifie un avion toutes les trente secondes. A Roissy, entre minuit et cinq heures du matin, le nombre des vols est passé de 26 000 à 22 500, soit une diminution de 13 %, ce qui fait tout de même cent soixante vols par nuit. De plus, ces vols n'ont pas été supprimés ; ils ont simplement été déplacés, avant minuit et après cinq heures du matin. Cinq heures de sommeil tranquilles, vous en conviendrez, c'est tout de même un peu court !
Lors de son congrès du 28 février dernier, le Parlement a inscrit dans la Constitution la Charte de l'environnement, laquelle énonce les principes suivants : « Chacun a le droit de vivre dans un environnement équilibré et respectueux de la santé. [...] Les politiques publiques doivent concilier la protection de l'environnement, le développement économique et le progrès social. » Pouvez-vous me dire, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que cela signifie ? Nous ne le comprenons pas. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous nous sommes abstenus.
Monsieur le secrétaire d'Etat, votre perception d'un nouveau développement du transport aérien ne peut qu'alarmer davantage les salariés, les riverains, les élus d'Ile-de-France et, plus particulièrement, vous le comprendrez, l'élue du Val-de-Marne que je suis.
L'ouverture à la concurrence, l'introduction de capitaux privés au sein d'ADP modifiera sensiblement sa gestion. Il est certain que les considérations d'intérêt général et de préservation de l'environnement ne seront plus appréhendées comme il se doit par des actionnaires qui recherchent le profit et la rentabilité maximum.
Au-delà de la concentration des moyens sur les dessertes jugées rentables, qui crée de véritables disparités territoriales, ce texte représente une nouvelle escalade des nuisances, déjà considérables, subies par les riverains de Roissy-Charles-de-Gaulle et d'Orly. Pourtant des communes comme Choisy-le-Roi sont exclues du dispositif visant à lutter contre l'exposition au bruit.
L'ampleur de ces nuisances explique que l'ensemble des élus de mon département, dont Bernard Vera, se soient mobilisés, toutes sensibilités confondues, en faveur de l'idée d'un troisième aéroport en Ile-de-France. L'aéroport de Saint-Exupéry à Lyon ne peut pas le remplacer. Les habitants de Lyon venus vivre à proximité de Satolas s'y opposent, ce qui ne veut pas dire que l'on ne peut pas développer l'aéroport de Saint-Exupéry. Mon ami Guy Fischer, qui préside aujourd'hui la séance, le sait bien.
Tous les élus sont d'accord pour dire qu'il devient urgent de s'orienter vers un plan de modernisation comportant des normes environnementales strictes.
Concernant le fret, au lieu de conforter le rôle de Vatry au sein du système aéroportuaire français, Fedex a bénéficié de conditions d'implantations à Roissy particulièrement avantageuses, à tel point que cette société vient de faire jouer son droit d'option sur une réserve foncière de plus de quatorze hectares.
Monsieur le secrétaire d'Etat, M. de Robien a décidé de rompre l'engagement de l'Etat de créer un troisième aéroport dès son arrivée au pouvoir.
Les conséquences pour les 400 000 riverains de l'aéroport ne sont pas neutres. Une enquête d'Airparif, diligentée au début de 2004, fait apparaître que les riverains de Roissy sont soumis à un niveau de pollution identique à celui que subissent les riverains du périphérique parisien. Les réactions allergiques dues à la pollution prennent des proportions inquiétantes.
Face à de tels problèmes de santé publique et à la perspective d'un doublement du volume de transport aérien d'ici à 2015, les motifs évoqués dans ce projet de loi pour dessaisir l'Etat et confier la gestion des plates-formes aéroportuaires à un prestataire privé ne peuvent que nous inquiéter et susciter une vive opposition de notre part.
Le fait de confier à Aéroports de Paris la gestion de l'ensemble du patrimoine foncier appartenant à l'Etat sur le périmètre des aéroports est également un choix extrêmement dangereux pour l'avenir.
Ce projet de loi entérine la mise à l'écart des élus locaux sur les questions essentielles d'aménagement du territoire.
Par exemple, les ambitions dévoilées du président -directeur général d'Aéroports de Paris concernant le développement débridé du commerce à Roissy-Charles-de-Gaulle et Orly, sans réflexion ni concertation avec les chambres de commerce, sont révélatrices des dangers sous-jacents en la matière.
La presse se fait régulièrement l'écho d'un projet commercial de 50 000 mètres carrés à propos duquel ni les chambres consulaires ni les élus concernés n'ont été consultés. Cela prouve que l'entreprise ne se sent nullement préoccupée par le développement harmonieux du territoire alors que le patrimoine foncier en sa possession lui donnera, de fait, un rôle d'aménageur.
Quand on sait qu'ADP possède déjà d'énormes réserves foncières, qui vont bien au-delà des périmètres des plateformes actuelles, c'est une vraie question de démocratie, de maîtrise et d'avenir des territoires que nous vous soumettons au travers de cette motion !
Avec cette intervention, je souhaite pointer le problème de la sécurité aérienne. La recherche d'une productivité accrue dans un contexte hautement concurrentiel ne pourra s'effectuer qu'au prix de la qualité du service public et de la sécurité des usagers.
Il est toutefois impératif de faire de la sécurité un élément incontournable, sur lequel l'Etat français ne peut transiger.
Le personnel d'Air France est très préoccupé par cette situation, vous le savez, mais vous ne l'entendez pas ! Il serait dangereux de laisser la seule loi du marché dicter les règles du fonctionnement aéroportuaire.
Dans ces conditions, il n'est pas étonnant que le « non » à la Constitution européenne s'installe. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)
Mais oui, chers collègues ! Il est indiscutable que les riverains ainsi que les agents d'Air France et d'ADP font le lien, et je peux vous dire que cela les fait réfléchir !
A ce titre, permettez-moi de vous livrer telles quelles les conceptions de la Commission européenne, selon laquelle « il ne fait aucun doute que la communication, la navigation, la surveillance, l'information aéronautique et le traitement des données de vol pourraient être fournis sur une base concurrentielle. Cela renforcerait aussi les relations entre les fournisseurs et leur clientèle en facilitant des compromis entre la qualité des services et les coûts. »
Vous le voyez, nous avons toutes les raisons d'être encore plus inquiets !
Permettez-moi maintenant une parenthèse sur la sécurité.
L'accident qui a coûté la vie à une hôtesse de l'air, à Orly, nous a rappelé l'importance qu'il y avait à prendre toutes les garanties nécessaires pour assurer la sécurité. Le rapport de l'inspecteur du travail est éclairant, qui constate le manque d'effectif et un matériel qui n'est plus assez adapté, parfois même défectueux. La preuve en est que, depuis cet accident, l'application des règles de sécurité est beaucoup plus stricte. Il n'empêche que le salarié concerné, qui est très traumatisé par la mort de cette jeune femme - encore un accident du travail ! -, est passé hier soir devant le conseil de discipline alors que, d'habitude, lorsqu'un accident mortel se produit, c'est d'abord le comité d'hygiène et de sécurité qui rend son rapport.
Pourquoi n'entend-on pas l'inspecteur du travail ? Serait-ce une espèce en voie de disparition avec le démantèlement du code du travail ? Le 8 mars dernier, j'ai rencontré les collègues de l'hôtesse de l'air, encore sous le choc, qui étaient venues pour témoigner. La décision est entre les mains de la direction d'Air France. J'en appelle à la compréhension, afin que ne soit pas licencié ce salarié de piste. Dans le même temps, il convient, bien sûr, de prendre toutes les dispositions qui s'imposent afin qu'un tel accident - qui aurait pu, il faut le dire, faire une autre victime le 8 février - ne se reproduise.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les inspecteurs du travail, réunis le 15 mars en assemblée générale, se sont adressés à vous ; il faut leur répondre et prendre en compte ce qu'ils disent.
Tout cela renforce l'idée que la sécurité et le contrôle aérien doivent être impérativement exclus du champ concurrentiel, afin qu'ils puissent être assurés en toute indépendance.
Mais j'en viens au principal fondement de la motion d'irrecevabilité : l'article 2 du projet de loi, qui prévoit le déclassement et la cession en pleine propriété, à la société anonyme, des biens du domaine public appartenant à l'établissement public Aéroports de Paris et à l'Etat.
Ce passage à la domanialité privée soulève de sérieuses questions juridiques. Pourquoi ne pas envisager d'attribuer à Aéroports de Paris, établissement public devenu société anonyme, une licence d'exploitation et permettre ainsi à l'Etat de rester propriétaire des terrains ?
Le déclassement des biens du domaine public met en danger la mission même de service public. Entre spéculation immobilière et spéculation commerciale, comment assurer l'intérêt général ? C'est la question que vous posait déjà mon ami Robert Hue lors de la première lecture.
Une telle conception purement marchande est incompatible avec les principes de la domanialité publique et le service public.
L'Etat doit rester le garant du respect rigoureux de l'intérêt général. L'inviolabilité de la propriété publique est consacrée précisément dans le préambule de la Constitution, en référence à l'article XVII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, qui stipule « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »
M. le président. Veuillez conclure, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Je termine, monsieur le président.
De ce principe constitutionnel, le Conseil d'Etat a déduit, dans un arrêt du 21 mars 2003, que « la protection du domaine public est un impératif d'ordre constitutionnel ». Or le domaine d'ADP fait partie du domaine public selon la jurisprudence administrative, notamment l'arrêt Société Le Béton de 1956, lequel introduit la notion de service public dans la définition du domaine public.
En effet, le domaine public « est un bien dont l'administration doit assurer dans l'intérêt collectif la meilleure exploitation ».
Tel est le cas d'ADP, notamment au regard des enjeux qu'il représente en termes d'aménagement du territoire et de sûreté nationale.
M. le président. Madame Luc, veuillez maintenant conclure !
Mme Hélène Luc. Par conséquent, c'est la notion même de propriété, et plus précisément le principe d'inviolabilité du domaine public, qui motive cette exception d'irrecevabilité.
M. le président. Vous avez dépassé votre temps de parole, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Que se passerait-il, en effet, si l'entreprise faisait faillite ? Que se passerait-il si la bonne affectation du domaine d'ADP à l'exécution du service public aéroportuaire n'était pas respectée ?
Le Gouvernement souhaite que l'organisation du transport aérien réponde à la logique de libre concurrence prônée par le projet de Constitution européenne.
M. le président. Madame Luc, je vous en prie !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est fini !
M. le président. Vous avez eu le temps de développer vos arguments !
Mme Hélène Luc. Je termine, monsieur le président, en vous disant...
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Que vous n'êtes pas d'accord !
Mme Hélène Luc.... que le peuple français refuse le tout libéral tel qu'il lui est proposé. Monsieur le secrétaire d'Etat, chers collègues, vous serez amenés à reconnaître cette évidence et vous serez dans l'obligation d'en tenir enfin compte, malgré le vote de ce texte, si le résultat du référendum est bien celui que nous attendons, à savoir un « non » à la Constitution européenne ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je serai plus bref que Mme Luc ! (Sourires.)
Madame Luc, vous reprochez au texte de n'avoir pas évolué. Avec toute la courtoisie qui s'impose, j'avais envie de vous répondre, mais je ne ferais pas une telle injure à Julio Iglesias, sur l'air d'une chanson bien connue : « Et toi non plus, tu n'as pas changé ». Non, madame Luc, vous non plus, vous n'avez pas évolué ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Le sujet est trop sérieux, monsieur le rapporteur !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Mais j'en viens au fond.
Madame Luc, vous avez procédé à un certain nombre de rappels sur la déréglementation du transport aérien, ce que l'on a appelé le « deuxième paquet ». Or tout cela a été voté en 1992, c'est-à-dire, à l'époque, par une majorité différente de celle qui est aujourd'hui au pouvoir.
Mme Hélène Luc. Et vous dites que je n'ai pas changé ? Vous n'entendez décidément rien !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Le projet est-il contraire à la Constitution ? Vous vous êtes appuyée, pour soutenir la thèse de l'inconstitutionnalité, sur le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946.
A l'occasion de la première lecture, j'avais déjà répondu à M. Robert Hue, qui avait défendu la même thèse, qu'il n'en était rien. J'avais à l'époque largement démontré que rien n'était remis en cause sur ce point, je n'y reviens donc pas.
Sur la continuité du service public aéroportuaire et sur l'égal accès à ce service public, j'estime, moi, que le projet de loi va permettre au contraire de les améliorer, notamment par le développement de notre équipement aéroportuaire. Nous sommes donc exactement dans la logique inverse de celle que vous nous reprochez, madame Luc.
Toujours selon vous, la modification du périmètre du domaine public serait contraire à la Constitution. Mais que faites-vous de la procédure de déclassement ? Si l'on vous suivait, elle serait aussi contraire à la Constitution, ce qui n'est bien évidemment pas le cas !
Je conclurai en vous disant qu'un service public fort n'est pas un service public immobile ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Comme si c'était cela que je proposais ! Et vous dites que je ne n'évolue pas !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Je me demande si je dois intervenir et risquer d'interrompre ce dialogue passionnant entre M. le rapporteur et Mme Luc ! (Sourires.)
Madame Luc, il est tout à fait inapproprié de parler, comme vous l'avez fait, d'ouverture à la concurrence. Les aéroports sont des monopoles « physiques », si je puis dire. Sans doute sont-ils en concurrence les uns avec les autres au sur le continent européen, mais la loi ne change bien évidemment rien à cet état de fait.
Nous proposons effectivement une ouverture du capital, l'Etat restant majoritaire.
M. Daniel Reiner. Pour l'instant !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Comme cela a été dit tout à l'heure, une autre majorité a procédé exactement de la même façon pour d'autres entreprises publiques.
M. Daniel Reiner. Nous avons ouvert le capital, vous avez privatisé !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, je ne doute pas que vous approuverez une démarche qui est en tout point comparable à celle qui avait été conduite par des gouvernements que vous souteniez à l'époque.
Mme Hélène Luc. On a vu ce que vous avez fait avec France Télécom, EDF, et d'autres !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. S'agissant de la charte de l'environnement, vos propres arguments nous confortent dans l'idée que nous sommes dans la droite ligne de la modification constitutionnelle adoptée par le Congrès : garantir la protection de l'environnement tout en préservant les capacités de développement de notre économie, lesquelles passent en effet par l'adaptation du secteur aéroportuaire.
Mme Hélène Luc. Comment pouvez-vous dire cela ?
M. Robert Bret. Les Français apprécieront !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Madame Luc, si j'ai bien saisi, vous avez critiqué l'implantation de Fedex à Roissy. N'oubliez pas que sont en cause 2 000 emplois qui sont appréciés des salariés, bien sûr, et des collectivités territoriales riveraines !
De la même façon que l'environnement, la sécurité aérienne et la sûreté restent entièrement de la compétence de l'Etat.
Dans notre pays, la navigation aérienne est un service d'Etat, un service en régie. Contrairement à ce que vous avez dit, madame Luc, l'Europe le permet parfaitement et nous sommes en règle avec les directives européennes. (Mme Hélène Luc proteste.)
Enfin, madame Luc, j'ai pensé un instant que vous manqueriez d'arguments pour démontrer que le présent projet de loi est contraire à la Constitution. Mais, à la fin de votre intervention, vous avez évoqué la question de la domanialité privée. M. le rapporteur vous a répondu sur ce point de manière très pertinente : le déclassement est constitutionnel.
Cela étant, il faut rappeler que la domanialité privée d'Aéroports de Paris est particulièrement encadrée, par ce texte, et par le futur cahier des charges.
Toutes les garanties du maintien des obligations de service public et des activités d'intérêt général d'Aéroports de Paris sont donc données par ce texte et par ceux qui viendront le compléter. Par conséquent, mesdames, messieurs les sénateurs, je partage bien évidemment l'opinion de M. le rapporteur sur le caractère inopportun de cette motion de procédure.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 44, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 164 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 209 |
Le Sénat n'a pas adopté.
M. le président. Je suis saisi, par MM. Desessard, Reiner, Angels et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 4, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux aéroports (n°249, 2004-2005).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Jean Desessard, auteur de la motion.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les élus Verts siégeant au Sénat partagent les analyses développées ce matin par leurs collègues du groupe socialiste Daniel Reiner et Bernard Angels. J'ai également apprécié certains arguments présentés par le groupe CRC.
En effet, les élus Verts en restent à la position critique qui était déjà la leur en première lecture. A la différence du rapporteur, nous n'avons, après l'examen de ce texte par l'Assemblée nationale, aucun motif de satisfaction.
Nous pensons qu'il n'y a aucune raison de modifier le statut d'Aéroports de Paris et c'est pourquoi nous proposons cette motion tendant à opposer la question préalable.
Dans cet hémicycle, en première lecture, le ministre de l'équipement, le rapporteur - grand connaisseur du transport aérien, et, ce que j'ignorais, amateur de chansons populaires (Sourires.) -, les orateurs et les oratrices, tous ont souligné la bonne santé économique d'Aéroports de Paris, que rend donc possible le statut actuel.
Lors de notre visite sur place à Roissy, ainsi qu'à l'occasion de son audition devant le Sénat, le président d'Aéroports de Paris, Pierre Graff, a affirmé qu'ADP était en bonne place au niveau européen, la plateforme de Roissy étant le second aéroport d'Europe, ce qu'a donc permis le statut actuel.
Alors, pourquoi changer un statut qui « gagne » ? N'y a-t-il pas d'autres secteurs sur lesquels Gouvernement devrait porter son attention ? Je suggérerais la santé, par exemple.
Le premier argument avancé pour justifier la modification du statut actuel est la nécessité de diversifier les activités d'ADP, principalement au niveau international.
Je comprends très bien le souci de l'encadrement d'ADP de pouvoir utiliser les compétences disponibles et son souhait d'être capable de fournir des prestations pour la construction ou le fonctionnement d'aéroports dans d'autres grandes villes du monde. Mais nous aurions pu faire preuve d'audace et de créativité en réfléchissant à un nouveau statut pour les établissements publics. Nous, législateurs, aurions pu proposer la création d'un établissement public à vocation internationale, un EPVI. Ainsi, nous aurions modernisé le statut d'établissement public en l'adaptant à un environnement de plus en plus international.
Mme Hélène Luc. Vous le voyez, monsieur le secrétaire d'Etat, les idées ne manquent pas !
M. Jean Desessard. Le second argument porte sur les besoins de fonds propres pour moderniser ADP, en particulier la plateforme de Roissy. Dans le statut actuel, ADP doit recourir à l'emprunt pour réaliser ses investissements, ce qui implique des frais financiers importants.
Prenons le temps d'analyser les économies qui seraient réalisées dans le cadre du changement de statut.
Premier cas de figure : l'Etat reste majoritaire quasiment à 100 % dans la future société anonyme. C'est donc lui qui avance les fonds. Alors, pourquoi ne le fait-il pas aujourd'hui ?
Second cas de figure : la part des capitaux privés est importante dans la future SA, ce qui entraîne effectivement une économie sur les frais bancaires. Mais, dans ce cas, il ne faut pas oublier de rémunérer les actionnaires, et l'actualité économique de cette dernière semaine a montré qu'ils étaient particulièrement voraces. Il n'est donc pas certain que la rémunération des actionnaires soit moins importante que le remboursement des emprunts garantis par l'Etat, d'autant que, pour attirer ces actionnaires, le projet de loi prévoit de céder le patrimoine foncier à la future SA.
En résumé, les investissements futurs seront en réalité financés par la vente du domaine public d'ADP.
Qu'un Etat en situation financière difficile ou lourdement endetté vende le patrimoine pour faire face à ses responsabilités n'est pas nouveau. Mais alors pourquoi baisser les impôts ? Si la crise est si importante, pourquoi se priver de recettes fiscales ?
Cette volonté de céder le patrimoine correspond davantage à une position idéologique libérale et est contraire à toute logique financière rigoureuse.
La privatisation d'ADP pose également deux problèmes importants : celui de l'aménagement du territoire et celui du respect de l'environnement.
Privatiser ADP signifie que c'est la logique de rentabilité économique qui primera. ADP aura un développement économique autonome, alors qu'un développement complémentaire et harmonieux avec celui des autres aéroports régionaux est absolument nécessaire à la cohérence de gestion que l'Etat doit maintenir entre les différents aéroports.
Cette volonté de cohérence doit s'exercer entre tous les moyens de transport. Pour assurer la fluidité de circulation au niveau du territoire, il faut prévoir une complémentarité entre le train et l'avion et non pas laisser se développer une concurrence, à terme contre-productive. Les transports français ont besoin de schémas directeurs qu'il sera impossible de mettre en place en privatisant ADP.
Parlons des problèmes d'environnement.
J'ai entendu le président d'ADP qui projette de capter de nouveaux marchés au détriment des autres aéroports européens. Je ne partage pas cette volonté de développement effréné. Il ne se passe pas une semaine sans que le Président Jacques Chirac prenne position pour la défense de l'environnement, en particulier en s'inquiétant du réchauffement climatique dû aux gaz à effet de serre. Mais de telles déclarations sont démagogiques si elles ne s'accompagnent pas de mesures concrètes et efficaces.
Nous savons tous que le transport aérien est particulièrement polluant et qu'il contribue fortement à l'augmentation des gaz à effet de serre, et donc au réchauffement climatique.
Le respect du protocole de Kyoto, cette volonté écologique de développement raisonnable du transport aérien, est-elle compatible avec la volonté de rentabilité et de développement qu'implique la privatisation d'ADP ?
Et je n'insiste pas sur les nuisances sonores qu'entraînera pour les riverains d'ADP un accroissement du trafic.
En conclusion, nous aurions pu moderniser le statut d'établissement public, par exemple en instituant un statut d'établissement public à vocation internationale. Au contraire, nous bradons le patrimoine. ADP s'inscrira dans une logique de rentabilité économique, alors que le respect de l'environnement, de l'aménagement du territoire, et des riverains, aussi, tout comme la complémentarité entre le rail et l'avion exigent un développement maîtrisé et harmonieux.
Aujourd'hui, par ce projet de loi, l'Etat abandonne sa responsabilité de régulateur. C'est pourquoi nous vous demandons, chers collègues, d'adopter cette motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Nous aurons l'occasion, au fur et à mesure de l'examen des articles, de revenir plus en détail sur certains des arguments présentés, dans la mesure où cette motion serait rejetée. Dans le cas contraire, nous serions évidemment privés d'un certain nombre de réponses...
Premièrement, la transformation d'ADP se justifie-t-elle pour des raisons d'intérêt général ? A cette question, la réponse est évidemment oui. Doter ADP d'une assise juridique solide et de moyens financiers adéquats pour favoriser son développement me paraît relever tout à fait de l'intérêt général. C'est la raison pour laquelle, sur ce premier point déjà, nous ne pouvons pas être en accord, monsieur Desessard.
Deuxièmement, ADP ne va-t-il pas se laisser aller à des activités qui relèveraient de moins en moins de la gestion aéroportuaire pour apparaître de plus en plus commerciales au sens large du terme ? La caisse unique est en soi une réponse, dans la mesure où les activités économiques parallèles qui viendront conforter la situation financière d'ADP exerceront une action bénéfique sur les montants des redevances et sur les activités de gestion aéroportuaire proprement dites.
Troisièmement, pour la défense de votre motion, vous vous fondez sur le seul ADP. Or le projet de loi va au-delà d'ADP puisqu'il traite également de la modulation économique des redevances et des aéroports régionaux. Ne serait-ce que sur ce troisième point la commission ne peut pas être favorable à la motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Monsieur le sénateur, nos points de vue sont radicalement opposés, comme nous l'avions d'ailleurs clairement perçu dès la première lecture.
M. Jean Desessard. J'ai cité Chirac !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Je regrette que le Gouvernement ne soit pas parvenu à vous convaincre totalement sur un certain nombre de points.
L'ouverture du capital n'a pas pour seule vocation d'apporter des fonds propres et donc des sources de financement qui, quoi que vous en disiez, ont un intérêt pour des investissements à long terme. L'ouverture du capital permet, par exemple, de nouer des alliances et donc de se rapprocher d'autres sociétés aéroportuaires européennes. Dans certains cas, cela peut susciter des projets opportuns.
Rappelons-nous les critiques formulées lors des débats sur Air France. Or c'est une alliance européenne qui a permis de créer la première compagnie aérienne du monde. A l'avenir, il faut donc se laisser la possibilité de saisir toute opportunité.
Quant à la vente du patrimoine, l'argument avancé est à mon avis facile à réfuter. En effet, le projet de loi prévoit que plus de 70 % des plus-values éventuelles reviendront directement à l'Etat. Il est donc totalement exclu, aux termes du projet de loi, qu'Aéroports de Paris finance son développement par la vente de son patrimoine.
Monsieur le sénateur, nous considérons que l'on peut concilier rentabilité économique, recherche de gains de productivité, aménagement du territoire et protection de l'environnement.
Vous avez évoqué la concurrence entre le train et l'avion. S'il est un pays exemplaire de ce point de vue, c'est bien le nôtre.
M. Jean Desessard. Aujourd'hui !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Aujourd'hui et demain, permettez-moi de vous le dire !
Quelle est la majorité, quel est le gouvernement qui ont permis le financement durable des grands investissements ferroviaires et fluviaux dans notre pays ?
N'est-ce pas ce Gouvernement et cette majorité qui ont permis la création d'un établissement public avec des ressources affectées et des dépenses qui concernent, à 75 %, le transport ferroviaire ou le transport fluvial ? Existe-t-il un plus bel exemple de choix délibéré en faveur des modes de déplacement les moins générateurs de gaz à effet de serre ?
Il est de notoriété publique que, dans notre pays, le TGV est aujourd'hui un concurrent redoutable pour l'avion, et il le sera encore plus demain. Nous avons donc agi concrètement pour réduire la place de l'avion dans les déplacements métropolitains.
Le protocole de Kyoto, vous le savez certainement, ne s'applique pas au transport aérien international. Souhaitant avancer sur cette question, le Gouvernement français s'apprête à proposer à la Commission européenne de mener des initiatives communes, afin de construire une politique environnementale qui s'applique au transport aérien, y compris international. De ce point de vue, monsieur Desessard, je crois que nous nous rejoignons.
Enfin, vous dites que l'Etat abandonne ses responsabilités en matière de régulation. Ce projet de loi montre, au contraire, que l'Etat ou les collectivités locales, qui peuvent déléguer la gestion, n'entendent, à aucun moment et à aucun niveau, abandonner leurs responsabilités dans ce domaine.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 4, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 165 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 120 |
Contre | 202 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, aux termes de l'article 42, alinéa 10, du règlement, à partir de la deuxième lecture au Sénat des projets de loi, la discussion des articles est limitée à ceux pour lesquels les deux chambres du Parlement n'ont pas encore adopté un texte identique.
TITRE IER
DISPOSITIONS RELATIVES À LA SOCIÉTÉ AÉROPORTS DE PARIS
Article 2
A l'exception de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'Etat, les biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et ceux du domaine public de l'Etat qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper sont déclassés à la date de sa transformation en société. Ils sont attribués à cette même date en pleine propriété à la société Aéroports de Paris. Les biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris qui ne sont pas déclassés sont attribués à l'Etat. Une convention passée avec l'Etat détermine les sommes restant dues à Aéroports de Paris en conséquence des investissements engagés par l'établissement public sur les biens repris par l'Etat et fixe les modalités de leur remboursement. Les incidences financières de la signature de cette convention figurent dans la plus prochaine loi de finances.
Les ouvrages appartenant à la société Aéroports de Paris et affectés au service public aéroportuaire sont des ouvrages publics.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 5 est présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 28 est présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Daniel Reiner. L'article 1er transformant l'établissement public Aéroports de Paris en société anonyme ayant été adopté conforme par l'Assemblée nationale, il ne nous est plus possible de discuter du statut juridique d'ADP. Nous le regrettons vivement, car nous ne comprenons toujours pas le motif de ce choix. Les arguments que vous avancez ne nous paraissent pas recevables.
Le principe de spécialité empêcherait ADP de diversifier ses activités. C'est juridiquement vrai, puisque l'objet social d'ADP, tel qu'il a été voulu par le législateur, est d'abord de construire, d'aménager, de développer et d'exploiter les aéroports d'Ile-de-France. Mais ce qu'une loi a fait, une autre loi peut le défaire. Vous auriez donc pu vous contenter de modifier l'objet social d'ADP, d'assouplir le principe de spécialité, voire de transformer ADP en société d'économie mixte.
En réalité, vous voulez non pas assouplir le principe de spécialité, mais le supprimer. Nous ne pouvons pas vous suivre, car nous ne pensons pas qu'il faille banaliser les activités liées aux services aéroportuaires et les mettre au même niveau que les autres activités que pourrait développer ADP. Il y a là un risque évident de conflits, que nous avions d'ailleurs souligné, notamment notre rapporteur, en première lecture. Nous reviendrons sur cette question importante, que nous retrouverons à l'article 6, au travers de divers amendements.
S'agissant de l'argument financier, c'est-à-dire le manque d'argent pour financer les investissements, c'est votre problème, budgétaire !
Si nous ne pouvons plus revenir sur le statut d'ADP, peut-être est-il encore temps de préserver la domanialité publique. Là encore, nous ne comprenons pas le choix du Gouvernement. A ce propos, monsieur le secrétaire d'Etat, vous n'avez pas répondu à mon observation sur la complexité des différents systèmes.
Tandis que la domanialité publique est maintenue pour les grands aéroports régionaux au nom de la préservation des missions de service public, vous faites le choix inverse pour les deux plus grands aéroports français, dont l'intérêt stratégique est patent. Vous justifiez ce choix par le souci de répondre à une demande des salariés d'ADP. Ce serait bien la première fois que vous vous préoccupez de l'intérêt des salariés ! Nous ne pouvons croire que le passage à la domanialité privée soit une garantie du maintien de l'intégrité de l'entreprise.
Vous savez fort bien que ce texte permet - c'est la mode, en ce moment ! - la vente à la découpe d'un certain nombre de biens d'ADP : une douzaine d'aérodromes sont concernés et il est clair que certains d'entre eux risquent d'être fermés. Par ailleurs, les mécanismes de contrôle de cessions d'actifs prévus à l'article 6 ne sont pas totalement sans faille, comme l'a noté en première lecture M. Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances, puisque ceux-ci dépendent essentiellement du contenu d'un cahier des charges.
Vous justifiez également ce choix par l'intérêt des compagnies aériennes : le passage à la domanialité privée serait plus protecteur que le maintien de la domanialité publique, celle-ci limitant les possibilités d'une emprise durable sur les terrains. Mais alors, comment expliquez-vous que le président d'Air France ait tenu à alerter nombre d'entre nous, toutes tendances politiques confondues, sur les dangers de la suppression de la domanialité publique pour le bon accomplissement des missions de service public ?
En fait, cela a été dit et répété - et il faudra encore le redire - vous êtes prêts à tout pour attirer des actionnaires privés, quitte à déclasser le domaine aéroportuaire. Il s'agit tout simplement de « valoriser la société », de multiplier les profits potentiels pour les investisseurs à venir, comme le prouve l'un des amendements adoptés à l'Assemblée nationale. Tout à l'heure, j'ai évoqué l'aggravation du texte par l'Assemblée nationale. Il a été précisé que seuls les ouvrages affectés au service public aéroportuaire pouvaient être qualifiés de « publics ». De ce fait, vous revenez sur la jurisprudence administrative selon laquelle les ouvrages ouverts au public sont aussi des ouvrages publics.
Il est donc clair - nous y reviendrons dans un amendement de repli - que vous déniez aux parkings des aéroports la qualité d'ouvrages publics. Or leur raison d'être est totalement liée au bon accomplissement de missions de service public puisqu'ils conditionnent essentiellement l'accès aux aéroports. Il s'agit de ne pas les soumettre à la compétence du juge administratif et, surtout, aux régimes de responsabilité plus protecteurs en cas de dommage. De telles « contraintes » ne permettraient pas une valorisation optimale des biens ; nous y reviendrons.
Enfin, le texte issu de l'Assemblée nationale prévoit, et c'est une nouveauté, que l'incidence financière de la convention conclue entre l'Etat et Aéroports de Paris pour achever le remboursement des investissements faits par ADP pour le compte de l'Etat sera traitée dans la prochaine loi de finances.
Selon les rapporteurs de l'Assemblée nationale, la créance de l'Etat serait de l'ordre de 150 millions d'euros. Il n'est pas question pour nous de critiquer cette remise à plat des comptes entre ADP et l'Etat. Mais si cette créance est remboursée en une seule fois - pour attirer les actionnaires, les comptes doivent être clairs ! -, cela ne se fera-t-il pas aux dépens de nouveaux moyens consacrés à la navigation aérienne dans le prochain budget, ce qui serait inacceptable ?
En conclusion, l'Etat doit garder la pleine propriété des biens nécessaires à l'activité aéroportuaire et pas seulement, comme le prévoit l'article 2 dans une rédaction peu précise, « de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire ».
Tous ces arguments justifient notre opposition à cet article 2 et ils valent aussi pour l'article 1er, qui a été voté conforme par l'Assemblée nationale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 28.
M. Michel Billout. L'article 2 déclasse des biens du domaine public d'une valeur inestimable, et inestimée, dans aucun rapport parlementaire, pour les transférer purement et simplement à la société anonyme Aéroports de Paris.
Les 6 643 hectares de patrimoine foncier sont un véritable cadeau fait par le Gouvernement à cette nouvelle société et, surtout, à ses actionnaires. Même si, dans un premier temps, l'Etat reste majoritaire, il y a fort à parier que de nombreux actionnaires le rejoindront bientôt au sein du capital d'Aéroports de Paris.
A votre avis, monsieur le secrétaire d'Etat, les investisseurs intéressés par ADP seront-ils plutôt attirés par le service public aéroportuaire ou par le potentiel des biens transférés ? La réponse semble évidente et je pense que vous y avez réfléchi.
En ce qui concerne la valeur du patrimoine que le Gouvernement a décidé de déclasser, à défaut d'informations précises, le chiffre de 8 milliards d'euros en valeur d'acquisition circule. A combien estimez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, le montant du patrimoine foncier et immobilier que vous envisagez de déclasser et de transférer à la société anonyme ADP ? Cette question me semble importante.
Etes-vous en mesure de nous dire de quel apport financier va bénéficier la société ADP en vertu du déclassement lié à son changement de statut ?
Tiendrez-vous le législateur moins informé que l'investisseur qui sera désireux de placer son capital dans ADP ?
Le déclassement est une notion juridique bien utile, mais surtout bien pudique. On confie de cette manière à ADP, société privée - ou en voie de le devenir - un rôle d'aménageur, puisqu'elle disposera d'un potentiel foncier très important. D'ores et déjà, les communes qui possèdent sur leur territoire des parcelles propriété d'ADP sont l'objet de pressions pour faire classer ces zones en terrains aménageables ; je pourrais vous citer des exemples.
Ainsi, cette disposition ne peut se comprendre qu'à l'aune de l'élargissement des activités d'ADP et, plus précisément, de l'extension de ses compétences en matière non aéroportuaire.
Le déclassement du domaine public comporte alors le risque non négligeable de la valorisation à tout prix des territoires et du fleurissement de projets de grands centres commerciaux aux abords des aéroports, comme c'est déjà le cas à Roissy.
Au mépris des territoires, de leur aménagement, de leur cohésion, de leur équilibre, vous avez choisi le principe de la domanialité privée, contrairement à ce qui se pratique ailleurs, notamment aux Etats-Unis, le pays modèle et inspirateur de toutes les réformes de portée libérale. Il y a quand même une certaine incompréhension. En effet, les Etats-Unis ont choisi de conserver le principe de la domanialité publique. Cette solution a également été retenue par l'Etat néerlandais, qui met gratuitement les terrains de l'aéroport de Schiphol à la disposition de la société gestionnaire Schiphol group.
Le gouvernement français lui, n'a aucun scrupule pour faire reculer, une nouvelle fois, les prérogatives de la puissance publique. La domanialité publique est pourtant la garantie nécessaire du contrôle de l'Etat sur les infrastructures nationales du territoire, de leur bonne affectation à l'accomplissement du service public.
Au-delà, de sérieuses questions de sécurité sont posées par le passage à la domanialité privée. Je pense, en particulier, à l'accès de l'Etat aux portes d'entrée sur le territoire national. C'est d'ailleurs cette considération qui avait justifié la création d'ADP sous forme d'établissement public.
Enfin, l'article 2 vise à préciser que les biens du domaine public nécessaires à l'exercice des missions de service public aéroportuaire par l'Etat ou ses établissements publics ne sont pas concernés par ce transfert. Ces dispositions soulèvent de nombreuses questions. Que faut-il entendre par missions de service public ? Le texte renvoie au cahier des charges qui sera défini ultérieurement par le Conseil d'Etat. Que faut-il entendre par biens du domaine nécessaires à l'exercice du service public ? Encore une fois, le texte renvoie au cahier des charges.
Décidément, ce texte, qui contient des enjeux majeurs, reste, paradoxalement, désespérément flou.
M. le président. L'amendement n° 29, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'ensemble des biens et terrains relevant du domaine public de l'établissement public aéroport de Paris sont, à la date de transformation d'Aéroports de Paris en société anonyme, transférés au domaine public de l'Etat.
L'ensemble de ces biens et terrains ainsi que ceux du domaine public de l'Etat font l'objet d'une convention de concession conclue entre la société Aéroports de Paris et l'Etat, en vue de leur affectation à un service public, à une opération d'intérêt général ou à toute autre activité.
La durée minimale de la concession est de 40 ans.
En cas de manquement aux obligations de service public, la convention de concession peut être suspendue par décision ministérielle.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Il s'agit d'un amendement de repli, dont l'objet est de maintenir soumis au régime de domanialité publique l'ensemble des biens et terrains qui, jusqu'à présent, faisaient partie du domaine public de l'Etat ou de l'établissement public.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Font partie du domaine public de l'Etat et sont mis gratuitement à disposition de la société Aéroports de Paris l'ensemble des emprises et des ouvrages des aéroports de Roissy-Charles de Gaulle, de Paris-Orly et de Paris-Le Bourget qui sont nécessaires à cette société pour assurer ses missions de service public et le développement de celles-ci ou dont l'affectation à d'autres usages serait de nature à compromettre l'exécution actuelle ou future de ces missions et dont la liste est fixée par décret en Conseil d'Etat qui font actuellement partie du domaine public de l'Etat ou de celui de l'établissement public Aéroports de Paris. S'il est mis fin aux missions de service public confiées à la société dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile, la mise à disposition de ces emprises et ouvrages cesse de plein droit.
Les autres biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et du domaine public de l'Etat qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper, à l'exception de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'Etat, sont déclassés à la date de sa transformation en société. Ils sont attribués à cette même date en pleine propriété à la société Aéroports de Paris. Une convention passée avec l'Etat détermine les sommes restant dues à Aéroports de Paris en conséquence des investissements engagés par l'établissement public sur les biens repris par l'Etat et fixe les modalités de leur remboursement ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement prévoit que demeurent la propriété de l'Etat et restent soumis à un régime de domanialité publique l'ensemble des emprises et des ouvrages des aéroports de Roissy-Charles de Gaulle, de Paris-Orly et de Paris-Le Bourget, qui font actuellement partie du domaine public de l'Etat ou de l'établissement public ADP. Ce sont en effet des ouvrages irremplaçables et essentiels pour l'activité économique et les relations internationales du pays.
Le présent amendement vise à assurer la continuité du service public.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le second alinéa de cet article, après les mots :
affectés au service public aéroportuaire
insérer les mots :
ou à l'usage du public
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. On va de repli en repli. J'espère ne pas aller jusqu'à une défaite en rase campagne ! (Sourires.)
M. Jean Desessard. On va terminer à Roissy ! (Nouveaux sourires.)
M. Daniel Reiner. Revenant sur la notion d'ouvrages publics, nous considérons que ceux qui sont à l'usage du public doivent également être qualifiés d' « ouvrages publics ». Il ne faut pas limiter cette qualité aux biens affectés au service public aéroportuaire, comme le prévoit le texte de l'Assemblée nationale.
Chacun conviendra de l'intérêt à inclure dans cette qualification les parkings des aéroports, qui sont des ouvrages ouverts à la circulation du public. Ainsi, en cas de dommages, les victimes bénéficient d'une bonne protection. En cas de dommage accidentel causé par un ouvrage public, le tiers bénéficie d'un régime de responsabilité sans faute, et l'usager de l'ouvrage d'un régime de responsabilité pour risque en cas de défaut d'entretien normal. Et, en cas de dommage permanent lié à l'existence ou au fonctionnement d'un ouvrage public, la victime bénéficie d'un régime de responsabilité de plein droit.
Cette précision me paraît d'autant plus utile quand je lis le rapport pour avis de la commission des finances de l'Assemblée nationale de notre collègue député M. Charles-Amédée de Courson : « Il convient d'être cohérent : si le domaine aéroportuaire est déclassé, les plus-values qui pourront être réalisées par la cession des biens doivent être la propriété des actionnaires d'ADP. En n'assumant pas toutes les conséquences de la domanialité privée, ce projet de loi aboutit à des dispositifs d'une complexité extrême, qui risquent de nuire à la valorisation d'ADP. » On voit bien l'intention clairement exprimée, celle qui était, au préalable, largement sous-jacente.
Quand on évoque les parkings, on nous rétorque : « les hôtels ». Mais les parkings sont clairement liés à l'usage de l'aéroport. Personne, à ma connaissance, n'utilise les parkings de Roissy pour aller faire ses courses dans les magasins ! A l'évidence, il y a un lien entre les deux, qui est exprimé par la notion d'ouverture au public pour ces ouvrages publics. L'intérêt financier est, naturellement, d'une importance que chacun peut mesurer.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ne peuvent ni être déclassés, ni apportés en pleine propriété à la société Aéroport de Paris, les biens suivants ainsi que leurs terrains d'assiettes : les tours de contrôle et les bâtiments techniques associés; les radars ; les pistes, les voies de circulation et les aires de stationnement des aéronefs ; les installations de stockage de carburant ; les réseaux d'eau, d'électricité, de télécommunications et de carburant pour aéronefs.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Fidèles à notre souci de précision, nous poursuivons la discussion commencée en première lecture et poursuivie à l'Assemblée nationale.
L'article 2 renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer la liste des biens qui ne pourraient pas être déclassés. Pour notre part, nous considérons que nous pouvions parfaitement le faire.
Aux tours de contrôle et bâtiments techniques associés, aux radars, dont tout porte à croire qu'ils seront mentionnés dans le décret, nous proposons d'ajouter d'autres équipements qui nous paraissent essentiels, ne seraient-ce que les pistes, les voies de circulation, les aires de stationnement des aéronefs, les installations de stockage de carburant, les réseaux d'eau, d'électricité, de télécommunications, etc. Cette liste, non limitative, vise simplement à cadrer les choses.
Cet amendement de repli vise aussi à demander des explications. Il est important que vous nous donniez de manière plus claire la liste des ouvrages en question.
Pour les aéroports locaux, la loi relative aux responsabilités locales a été beaucoup plus claire. En effet, son article 28 a exclu expressément du transfert les emprises - c'est la formule qui a été retenue - et installations nécessaires pour les besoins, par exemple, de la défense nationale, de la sécurité de la circulation aérienne, de la météorologie, de la sécurité civile.
Pourquoi ne serait-il pas possible d'étendre à ADP ce qui a été fait pour les aéroports locaux ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Les amendements identiques de suppression n0s 5 et 28 de nos collègues du groupe socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen sont dans la logique que ceux-ci ont exprimée : la suppression des articles. Cette logique n'est pas la nôtre. Nous sommes donc globalement opposés à tous ces amendements de suppression. Je ne reprendrai pas les arguments qui ont déjà été exposés tant au cours de la discussion générale que lors de la première lecture. Simplement, Aéroports de Paris a besoin d'un nouveau cadre juridique, qui lui permette d'exprimer tout son potentiel de dynamisme et de croissance.
J'en viens aux amendements de repli, pour lesquels je rentrerai plus dans le détail. L'amendement n° 29 de nos collègues du groupe CRC est sous-tendu par une logique qui se retrouve dans l'amendement n° 6 : faire entrer ADP dans un système de concession. Or toute concession a une fin, suivie d'un appel d'offres.
Au reproche de ne pas nous préoccuper du devenir des personnels d'ADP, j'apporte un démenti flagrant : nous nous en soucions à un degré tel que nous ne voulons pas qu'il y ait une fin à ce processus. Limiter la concession, c'est aller à l'encontre des intérêts des personnels.
La commission est donc défavorable aux amendements n°s 29 et 6.
J'en viens aux amendements n°s 7 et 8. S'agissant de la qualification d'ouvrages publics, j'attire votre attention sur le fait qu'aux termes de votre rédaction peuvent être englobés tous les ouvrages qui accueillent du public, par exemple l'hôtel Hilton de Roissy. Je ne suis pas sûr que vous vouliez en arriver là !
M. Daniel Reiner. Je n'ai pas parlé de l'hôtel Hilton !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Dans ces conditions, la commission ne peut être favorable ni à l'amendement n° 7 ni à l'amendement n° 8, qui vise à établir une sorte de liste exhaustive des installations techniques qui seraient concernées. Graver cette liste dans le marbre reviendrait à s'opposer à toute évolution jurisprudentielle, à interdire le dynamisme du service public, lequel repose sur la capacité à évoluer, conformément à une jurisprudence administrative constante.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Je partage l'avis de M. le rapporteur sur les amendements qui viennent d'être présentés. Ils portent tous sur le même sujet : la domanialité.
Je rappelle que ADP possède aujourd'hui plus des deux tiers de son patrimoine. Il n'y a donc pas d'innovation.
Mme Hélène Luc. C'est un établissement public !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Vous dites que le patrimoine sera transféré à des actionnaires ou à des investisseurs privés. Non, le patrimoine sera transféré à une société qui sera détenue à 100 % par l'Etat. Il n'y a donc pas de transfert d'un patrimoine à des intérêts privés !
Ensuite, lorsque l'ouverture du capital aura lieu, la valorisation des intérêts minoritaires tiendra compte, naturellement, de l'ensemble des actifs de la société, lesquels n'auront pas changé de manière significative. Donc, le mauvais procès qui est fait s'agissant d'un transfert du patrimoine à des intérêts privés n'a pas lieu d'être.
Mme Hélène Luc. Vous voulez nous faire croire qu'il n'y a aucun changement ! Alors, pourquoi présenter ce projet ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Quant à la poursuite des activités aéroportuaires, ne laissez pas entendre, sauf à tomber dans la caricature la plus totale, qu'Aéroports de Paris pourrait se transformer en société immobilière ! Bien sûr, ADP a des activités immobilières, que nous voulons simplifier et dynamiser. Mais le cahier des charges, la loi, l'ensemble de textes applicables lui imposent évidemment de maintenir et de développer ses activités aéroportuaires. Vous tombez vraiment dans l'excès en présentant ainsi la loi.
Ce qui existe, dans certains pays, c'est la pratique des licences. Mais pas aux Etats-Unis, effectivement ! Il est si peu courant d'entendre des élus du groupe CRC prendre pour référence ce qui se fait outre-Atlantique que cela mérite d'être souligné. Certains pays ont ainsi décidé de vendre des licences aéroportuaires, c'est-à-dire de confier intégralement et jusqu'à la fin des temps l'exploitation des aéroports à des sociétés privées. Que ces solutions puissent être qualifiées de purement libérales, je vous le concède. Mais telle n'est absolument pas l'approche qui a été retenue par le Gouvernement.
L'éventuelle fermeture d'aéroports secondaires relève d'une décision de l'Etat et non d'Aéroports de Paris.
L'accès des services de l'Etat à toutes les installations est évidemment garanti par tous les textes qui s'appliquent : il n'est pas question que l'on argue de la détention privée de tel ou tel bâtiment pour en interdire l'accès aux services chargés des contrôles et inspections de tous ordres, au titre de l'environnement, de la sécurité, de la sûreté.
Quant à la question de la domanialité publique ou privée des parkings, je ne rappellerai pas aux élus que vous êtes que la concession de parkings est une pratique courante des collectivités territoriales. Ces parkings, du même coup, ne relèvent plus du domaine public. Cela ne pose aucun problème particulier. La jurisprudence judiciaire n'a rien à envier, en matière de protection et d'indemnisation des dommages, à la jurisprudence administrative.
Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur tous ces amendements.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. J'ai omis de formuler une observation importante : le transfert de tous les biens d'ADP au domaine public reviendrait à priver ADP de ce qu'il a gagné « à la sueur de son front ».
M. Daniel Reiner. Avec l'argent de l'Etat !
Mme Hélène Luc. Pourquoi ne dites-vous pas les choses clairement, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Il ne faut pas piquer l'argent des autres !
Mme Hélène Luc. Mais que pense la majorité sénatoriale de tout cela ? Elle est bien silencieuse ! Il n'y a pas de débat !
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour explication de vote sur les amendements nos 5 et 8.
M. Michel Billout. Je me dois de formuler trois observations.
D'abord, la question du passage de la domanialité publique à la domanialité privée semble vous poser un problème d'argumentation. En fait, vous tentez de nous convaincre que rien ne va changer, que ce projet de loi ne pose strictement aucun problème. Vous essayez de nous rassurer. Et pourtant, une fois votée, la loi entraînera des modifications extrêmement importantes en matière de domanialité.
Ensuite, je vois une certaine incohérence dans les propos de M. le rapporteur.
En effet, en réponse à l'amendement n° 29, qui vise à poser le principe d'une concession sur la propriété des terrains, alternative à la transformation de cette richesse patrimoniale en pleine propriété privée, M. le rapporteur nous a répondu que cette concession aurait une limite de quarante ans ; il a posé la question de savoir ce qu'il adviendrait après ces quarante ans.
Or je me souviens qu'en première lecture M. le rapporteur avait envisagé cette concession de quarante ans pour les grands aéroports régionaux. Si ce type de concession est possible pour les grands aéroports régionaux, pourquoi ne le serait-il pas pour Aéroports de Paris ? Nous n'avons pas obtenu de réponse sur ce point.
Enfin, je pense que la transformation d'ADP en société anonyme, telle que vous la prévoyez, constitue un danger beaucoup plus grave pour l'emploi et pour le statut des personnels qu'une concession de quarante ans.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 5 et 28.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante, est reprise à quinze heures.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion en deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, relatif aux aéroports.
Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 3.
Article 3
I. - La société Aéroports de Paris et l'Etat concluent une convention qui prévoit les conditions dans lesquelles, à la fermeture à la circulation aérienne publique de tout ou partie d'un aérodrome qu'elle exploite, Aéroports de Paris verse à l'Etat au moins 70 % de la différence existant entre, d'une part, la valeur vénale à cette date des immeubles situés dans l'enceinte de cet aérodrome qui ne sont plus affectés au service public aéroportuaire et, d'autre part, la valeur de ces immeubles à la date où ils lui ont été attribués en application de l'article 2, majorée des coûts liés à leur remise en état et à la fermeture des installations aéroportuaires. Cette convention, qui détermine les modalités de calcul et de versement de cette somme, est conclue pour une durée d'au moins soixante-dix ans.
II. - La somme versée en application du I par Aéroports de Paris est déductible de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
III. - L'Etat conserve l'intégralité du capital social de la société Aéroports de Paris tant que la convention prévue au I n'a pas été conclue.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 9 est présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 30 est présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Daniel Reiner. Il s'agit d'un amendement de conséquence, visant à supprimer l'article 3.
Je voudrais profiter de cette occasion pour interroger le Gouvernement sur un certain nombre de points que nous avons déjà évoqués sans avoir obtenu, jusqu'à présent, toutes les réponses souhaitées.
Tout d'abord, on sait que le domaine d'ADP ne se limite pas à Roissy, au Bourget et à Orly, mais comprend dix autres aérodromes situés en région parisienne - Coulommiers, Pontoise et Toussus-le-Noble, d'une part, tous trois destinés à l'aviation de voyage ; Chavenay, Chelles, Etampes, Lognes, Meaux, Persan-Beaumont et Saint-Cyr-l'Ecole, d'autre part, voués à la formation aéronautique, au tourisme, aux sports aériens et à certains services à courte distance -, l'héliport d'Issy-les-Moulineaux, ainsi qu'un certain nombre d'installations extérieures pour l'aide à la navigation aérienne, des stations de mesure du bruit, quelques logements, etc. Le Gouvernement envisage-t-il d'ores et déjà la fermeture de certains de ces sites ?
Par ailleurs - et c'est là une question fondamentale -, on a vu que 70 % du montant des éventuelles plus-values réalisées reviendraient à l'Etat, le solde étant attribué à ADP qui, jusqu'à présent, était intégralement contrôlé par la puissance publique. Cela signifie que l'Etat jouera un rôle déterminant. Or, actuellement, le Gouvernement recense, avec raison, l'ensemble des biens publics disponibles situés en région parisienne et qui pourraient être utilement affectés à la construction de logements. Avez-vous déjà décidé, monsieur le secrétaire d'Etat, de donner cette destination à certains des terrains du domaine d'ADP, plutôt que de les vendre pour réaliser des plus-values ?
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 30.
Mme Hélène Luc. Monsieur le secrétaire d'Etat, en inscrivant dans l'un des tout premiers articles du texte la possibilité de fermer des installations aéroportuaires, vous anticipez les futures préoccupations de la société anonyme ADP, qui seront non plus d'assurer des missions de service public, mais bien de valoriser son patrimoine foncier.
Dans la région d'Ile-de-France, où l'actuel établissement public gère douze aérodromes, ce ne sont pas moins de 1 300 hectares, en dehors des sites de Roissy, d'Orly et du Bourget, qui, via le changement de statut, pourront être livrés au secteur privé. S'agissant d'espaces très convoités, situés le plus souvent à la périphérie des villes, comment le terme « valorisation » pourrait-il signifier autre chose que « spéculation immobilière » ? En toute impunité, ADP pourra décider du jour au lendemain de fermer tel ou tel aéroport, avec pour seule obligation de reverser à l'Etat une partie de la plus-value réalisée.
L'Etat transfère à titre non onéreux son domaine public au nom de la continuité des services aéroportuaires, mais ne prévoit aucun dispositif de récupération ou de préemption en cas de perte de la vocation aéroportuaire. On peut difficilement mieux traiter les investisseurs privés ! Ce gouvernement tend à oublier que le rôle du législateur est de défendre non pas le marché, mais l'intérêt général.
En effet, cette règle de l'attribution à l'Etat de 70 % des éventuelles plus-values foncières pourrait donner à penser que les intérêts patrimoniaux de l'Etat seront préservés, mais s'est-on interrogé sur la manne financière que représenteront pour ADP les 30 % restants ? Personne aujourd'hui ne prend la peine d'estimer la valeur du patrimoine foncier légué par l'Etat à la société anonyme ADP.
Il est vrai que, dans un premier temps, l'Etat récupérera une partie des plus-values, en tant qu'actionnaire majoritaire d'ADP. Cependant, que se passera-t-il demain, lorsque l'Etat ne sera plus qu'un actionnaire parmi d'autres ? En effet, rien ne nous dit que les fermetures d'installations aéroportuaires interviendront dans les prochains mois. Quant aux engagements pris sur le maintien de l'Etat comme actionnaire majoritaire, ils ne nous convainquent pas, au regard du destin qu'ont connu les autres entreprises publiques dont le capital a été ouvert.
Par ailleurs, l'Etat entend tenir compte, pour le calcul de la plus-value, du coût de la remise en état des installations, consistant essentiellement en travaux de dépollution, effectuée par ADP. Sous quel prétexte de tels travaux devraient-ils être pris en compte ? Si la société anonyme ADP décide de fermer un aérodrome, non pour assurer au mieux des missions de service public, mais pour valoriser son patrimoine foncier, pourquoi l'Etat devrait-il participer indirectement au financement de la remise en état du site ? Le rapporteur pour avis de la commission des finances va d'ailleurs encore plus loin, puisqu'il considère que l'ensemble des plus-values réalisées à l'occasion de la cession de biens devront être « la propriété des actionnaires ».
Cette spoliation de l'Etat, quelle que soit son ampleur, est d'autant moins acceptable que le Gouvernement a mis en avant l'argument des contraintes liées à la situation des finances publiques pour écarter tout apport d'une dotation publique à l'entreprise aéroportuaire. D'un côté, le Gouvernement fait régresser les politiques publiques au nom des contraintes budgétaires, mais, de l'autre, il contribue à la fragilisation toujours plus grande des finances publiques par ses cadeaux aux marchés financiers.
Quoi qu'il en soit, en matière d'aménagement du territoire, les enjeux sont extrêmement importants. La gestion et la valorisation de certains terrains concernent nombre de communes riveraines des zones aéroportuaires. Cet élément est une source d'inquiétude pour les usagers et pour les élus.
Pourtant, il n'est fait nulle part mention des communautés aéroportuaires dans ce texte, alors que la loi portant création des communautés aéroportuaires comportait un principe intéressant de gouvernance des sites aéroportuaires, visant à ce que soient traitées simultanément toutes les questions relatives aux nuisances, aux transports, à l'emploi et à la formation, à l'aménagement du territoire et aux financements.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 3.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
... - Tout projet de fermeture par la société Aéroports de Paris de tout ou partie d'un aérodrome est soumis pour avis au conseil d'administration de la communauté aéroportuaire instituée par la loi n° 2004-172 du 23 février 2004 portant création des communautés aéroportuaires.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Il s'agit, par cet amendement qui n'est pas de suppression, monsieur le rapporteur, d'insister une nouvelle fois sur la nécessaire entrée en application de la loi du 23 février 2004 portant création des communautés aéroportuaires. Les indispensables décrets d'application n'ont toujours pas été pris : pour quelles raisons ? Certaines lois ont connu une application beaucoup plus rapide.
Quelques méchantes langues prétendent, monsieur le secrétaire d'Etat, que les résultats des dernières élections régionales ont nettement réfréné la volonté du Gouvernement de donner plus de poids aux régions en matière de politique aéroportuaire...
M. Charles Revet. Ce sont vraiment de méchantes langues ! (Sourires.)
M. Michel Billout. Il serait vraiment dommage que le contexte politique du moment entrave la mise en oeuvre d'une loi structurante qui tend à démocratiser la gestion des aéroports. J'ai bien noté, monsieur le secrétaire d'Etat, que les décrets d'application étaient en préparation au Conseil d'Etat ; j'espère qu'ils n'y resteront pas trop longtemps.
La nouvelle structure des communautés aéroportuaires, qui associent les élus à la gestion des aéroports, devrait avoir toute sa place dans le projet de loi. Or il n'en est pas fait mention une seule fois ! Les sénateurs du groupe CRC souhaitent que les communautés aéroportuaires soient consultées et puissent formuler un avis sur tout projet de fermeture de tout ou partie d'aérodrome qui aurait de profondes incidences en termes d'aménagement du territoire.
Cet amendement me paraît de nature à renforcer la cohérence de votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
Mme Hélène Luc. M. Le Grand va être d'accord avec nous !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. N'allez pas trop vite, madame Luc ! Je risque de vous décevoir, une fois de plus !
En ce qui concerne l'amendement n° 9, je voudrais dire à nos collègues du groupe socialiste que les cas de figure envisagés par M. Reiner ont été étudiés par la commission.
Que pourrait-il se passer en cas de dérapage, de sortie du cadre de l'épure dans lequel devra évoluer ADP ?
Je répondrai à nouveau, comme devant la commission, qu'un cahier des charges est prévu, ainsi qu'un contrôle de l'affectation des espaces gérés par ADP. Enfin, en cas de dérapage ou de sortie du cadre de l'épure que j'évoquais à l'instant, le Gouvernement aurait toujours la possibilité de retirer à ADP l'exploitation des aéroports.
Vous le voyez, monsieur Reiner, il existe quand même un certain nombre de garanties. Mais je reconnais que vous avez eu raison d'évoquer ce sujet, car cela me permet de vous apporter une réponse.
Des dérives auraient pu se produire, comme j'ai pu personnellement en constater aux Etats-Unis. Là-bas, quelqu'un m'a expliqué doctement qu'un aéroport était une grande surface commerciale avec une piste au milieu. Grâce à ce texte, ce type de dérive sera évité.
En ce qui concerne l'amendement n° 30, madame Luc, en réponse aux arguments que vous avancez, notamment sur la dévolution des affectations patrimoniales et plus exactement des plus-values, je vous rappelle que l'Etat reste propriétaire pour 70 %. Il est donc normal que 70 % des plus-values lui reviennent.
Quant aux 30 % restants, le calcul est simple à faire : l'Etat percevra 10 % au titre de l'impôt sur les sociétés et partagera pour moitié les 20 % restants avec ADP au titre des bénéfices. Au total, l'Etat percevra donc 90 % du montant des éventuelles plus-values. Je pense que cette précision est susceptible de calmer votre inquiétude en la matière.
Quant à vos autres remarques, j'estime qu'on peut aussi avoir confiance en l'avenir.
Je n'aurai donc pas la malice et encore moins la méchanceté - j'ai trop d'affection pour vous - de penser que vous avez des doutes sur la capacité de gestion d'une majorité différente de la nôtre... Mais le mieux est encore de faire confiance à l'actuelle majorité et de la renouveler ! (Sourires.)
S'agissant de l'amendement n° 31, monsieur Billout, je vais vous répondre sur les dispositions techniques de la loi portant création des communautés aéroportuaires. Sont visés simplement les aéroports qui enregistrent au moins 20 000 mouvements pour des avions de plus de vingt tonnes. Par conséquent, un certain nombre de plates-formes aéroportuaires ne sont d'ores et déjà pas concernées. Vous pouvez donc être rassuré.
Si je puis me permettre une petite coquetterie d'auteur, je rappelle que la proposition de loi portant création des communautés aéroportuaires, que j'ai déposée au Sénat en décembre 2003, a été votée conforme à l'Assemblée nationale en février 2004. Or je me souviens que, sur ce texte, le groupe communiste républicain et citoyen avait présenté deux motions de procédure. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Aujourd'hui, je constate qu'il s'abrite derrière cette loi et qu'il y fait référence. Je me réjouis de le voir enfin retrouver la voie de la raison !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'a pas, pour l'instant, l'intention de fermer les plates-formes d'ADP. Au demeurant, je le répète, cette décision relève bien de l'Etat.
S'il advenait qu'un aéroport ou un aérodrome d'importance secondaire de la région d'Ile-de-France devenait inutile, il y aurait lieu que l'Etat et ADP se rapprochent des collectivités locales afin de mener une concertation touchant à l'usage de ces terrains. Dans une région où les logements sociaux ne sont pas si nombreux, j'imagine que l'on pourrait fort opportunément consacrer une partie du foncier ainsi libéré à la construction de tels logements. Cette question, bien qu'importante, n'est cependant pas d'actualité immédiate.
En ce qui concerne l'excellente loi portant création des communautés aéroportuaires, monsieur Reiner, lorsqu'un décret en est au stade de l'examen par le Conseil d'Etat, cela signifie que sa parution est très proche. Ensuite, il ne restera plus qu'à le soumettre aux signatures. Le travail de préparation du texte d'application de la loi portant création des communautés aéroportuaires peut donc être considéré comme pratiquement terminé.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 30.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Sous réserve des dispositions de l'article 2, l'ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de l'établissement public Aéroports de Paris, en France et hors de France, sont attribués de plein droit et sans formalité à la société Aéroports de Paris. Cette attribution n'a aucune incidence sur ces biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations et n'entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions en cours conclus par Aéroports de Paris ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l'objet. Les conventions d'occupation temporaire du domaine public restent soumises jusqu'à leur terme au régime applicable précédemment au déclassement des biens concernés. La transformation en société anonyme n'affecte pas les actes administratifs pris par l'établissement public à l'égard des tiers.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 10 est présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 32 est présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Daniel Reiner. Nous sommes cohérents avec nous-mêmes. Dans la mesure où nous étions opposés à la transformation d'ADP en société anonyme, nous sommes contre la dévolution des biens de l'établissement public à cette société commerciale.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 32.
M. Michel Billout. Il s'agit d'un amendement de conséquence. L'article 4 pose en effet le principe de la continuité juridique de tous les contrats, droits et obligations de l'établissement public ADP avant sa transformation en société anonyme. Tous les accords juridiques conclus avec des tiers sont donc garantis et transmis à la nouvelle société ADP.
Dans les conventions d'occupation domaniale signées à ce jour, certaines clauses sont particulièrement avantageuses pour l'établissement public en raison, principalement, de l'appartenance au domaine public des immeubles ou terrains concernés, à laquelle ce projet de loi met un terme.
Devenu société anonyme, ADP se voit non seulement attribuer un patrimoine foncier imposant, mais il conserve également des prérogatives de puissance publique, dont il a pu user lorsqu'il était établissement public et que les contrats portaient occupation du domaine public.
De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en sera t-il de la sécurité juridique des actes dont vous parlez pour justifier cet article lorsque de nouveaux intérêts privés seront entrés dans le capital d'ADP ? J'ai bien compris que ce point ne vous préoccupait pas vraiment.
Une entreprise privée - ou en voie de privatisation, si vous préférez cette formule - respectera-t-elle les engagements pris par un établissement public ? La question mérite d'être posée, et la réponse est loin d'être évidente.
Le rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a d'ailleurs, une nouvelle fois, fustigé les partisans d'un établissement public ADP. Selon son rapport, cela ne pourrait se faire qu'« au prix d'invraisemblables acrobaties juridiques ». Pourtant, quelques pages plus loin, il semble s'amuser du fait que, à la suite du déclassement, « il en résulte une situation juridique originale avec le maintien de conventions dont le régime juridique est spécifiquement lié à une caractéristique des biens qu'elles concernent, leur appartenance au domaine public, caractéristique qui a justement été perdue par ces biens. »
Le Gouvernement nous propose finalement un projet de loi avec un nouveau statut pour ADP, qui, en l'état actuel des choses, crée plus de problèmes qu'il n'en résout. C'est l'une des raisons de notre amendement de suppression.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Nous nous sommes déjà largement exprimés sur le fond. C'est la raison pour laquelle la commission se contente d'émettre un avis défavorable sur ces deux amendements plutôt que de prononcer un long discours. (Sourires.)
M. le président. Je pressentais votre avis défavorable, monsieur le rapporteur. (Nouveaux sourires.)
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Quelle vista !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je suis sûr que votre prescience vous aura également conduit à deviner l'avis défavorable du Gouvernement. (Sourires.)
Monsieur Billout, ADP ne peut pas être considéré comme une société en voie de privatisation, puisque le projet de loi prévoit explicitement le contraire. Quant à l'article 4, il assure tout simplement la stabilité juridique des actes. Il est donc particulièrement nécessaire.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 32.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
I. - Les statuts de la société Aéroports de Paris et les modalités transitoires de sa gestion jusqu'à l'installation des différents organes prévus par les statuts sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Ils sont modifiés selon les règles applicables aux sociétés anonymes. Sauf stipulation contraire des statuts, la direction générale de la société est assurée par le président de son conseil d'administration.
II. - Le capital initial de la société est détenu intégralement par l'Etat. Les comptes du dernier exercice de l'établissement public Aéroports de Paris avant sa transformation résultant de l'article 1er sont approuvés dans les conditions de droit commun par l'assemblée générale de la société Aéroports de Paris. Le bilan au 31 décembre 2005 de la société Aéroports de Paris est constitué à partir du bilan au 31 décembre 2004 de l'établissement public Aéroports de Paris et du compte de résultat de l'exercice 2005.
III. - Nonobstant la transformation d'Aéroports de Paris en société anonyme, les administrateurs élus en application du 3° de l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public restent en fonction jusqu'au terme normal de leur mandat et dans les conditions prévues par ladite loi. Jusqu'à cette date, l'effectif du conseil d'administration de la société Aéroports de Paris reste fixé à vingt et un membres et le nombre des représentants de chacune des catégories définies aux 1°, 2° et 3° de l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 précitée reste fixé à sept.
IV. - Non modifié...................................................
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 33, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. L'article 5 vise à entériner la transformation juridique de la société ADP. Ainsi, les statuts de la nouvelle société seront fixés par décret en Conseil d'Etat et ils pourront être modifiés selon les règles applicables aux sociétés anonymes.
Il s'agit bien là d'un basculement vers le droit commun des sociétés, qui, il faut le répéter, constitue une première étape vers la privatisation d'ADP, même si, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne cessez de dire que cette entreprise ne sera pas privatisée. C'est vrai pour aujourd'hui, mais qu'en sera-t-il dans quelques années, voire dans quelques mois ?
M. Yves Coquelle. Je ne le pense pas !
Pour notre part, nous tenons au statut public, non par dogmatisme ou par manque de confiance en l'avenir, comme vous le prétendez, mais par pragmatisme. Car nous avons fait le constat que le marché est incapable de penser autrement qu'en termes de rentabilité et de profit maximum, laissant de côté toutes considérations d'intérêt général. En l'espèce, ces considérations sont fondamentales pour l'ensemble de la nation, car il s'agit d'aménagement du territoire, de préservation de l'environnement et de sûreté nationale.
La modernité, ce n'est pas le marché ! La modernité, c'est la construction de réponses adaptées aux nouveaux besoins des populations, parmi lesquels figurent plus de solidarité humaine et territoriale, plus de démocratie ...
En ce sens, en passant au statut de société anonyme, le fonctionnement d'ADP, notamment sa direction, perd de son caractère démocratique et citoyen. En effet, jusqu'alors, prévalait la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, qui prévoyait que sa direction était composée de sept représentants de l'Etat, de sept personnalités qualifiées et de sept représentants des salariés.
Je note que le projet de loi prend bien soin de maintenir le nombre de membres du conseil d'administration à vingt et un jusqu'au terme du mandat des représentants du personnel, qui ont été élus au printemps 2004. Ensuite, le conseil d'administration sera soumis au droit commun et composé de dix-huit membres. Si la loi de 1983 s'appliquait à ADP dès le changement de statut, les salariés - avec sept représentants sur dix-huit - seraient, à vos yeux, surreprésentés, ce que vous ne pouvez, bien évidemment, pas tolérer.
Aujourd'hui, le Gouvernement transfère un outil de la puissance publique des mains des citoyens à celles des actionnaires et, par voie de conséquence, le soumet à la logique du marché. Une telle loi est en contradiction avec les discours du Gouvernement en matière de décentralisation visant à rapprocher le pouvoir des citoyens.
En faisant d'ADP une société anonyme, c'est la démocratie qui recule ! Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter notre amendement de suppression de l'article 5.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, supprimer le mot :
initial
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Notre amendement pourrait être considéré comme un amendement de repli par rapport à celui de nos collègues du groupe CRC.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'aurez certainement remarqué, nous ne demandons pas la suppression de l'article 5. C'est d'ailleurs le premier article du projet de loi que nous ne souhaitons pas supprimer. En revanche, nous voudrions enlever un tout petit mot, je veux parler du terme « initial ».
M. Daniel Reiner. Si vous en étiez d'accord, nous obtiendrions ainsi une petite satisfaction dans ce débat.
Par ailleurs, j'aimerais savoir qui, selon vous, peut devenir actionnaire d'ADP.
Des interrogations se sont faites jour. On a même entendu des rumeurs. Air France s'est exprimée sur le sujet, mais la compagnie a déclaré qu'elle n'était pas véritablement intéressée. Pour autant, peut-on en déduire qu'aucune compagnie aérienne n'est intéressée ?
Imaginons qu'une compagnie aérienne, qui n'appartiendrait pas à l'alliance d'Air France, veuille devenir actionnaire d'un aéroport. Après tout, cette idée n'est pas totalement absurde. Ne se trouverait-on pas alors face à un conflit d'intérêt ?
Nous savons qu'Aéroports de Paris va, en quelque sorte, réguler les terminaux en fonction de ses possibilités. Si une compagnie aérienne était présente, le conflit d'intérêt serait évident. Pourtant, rien n'exclut que ce soit le cas !
Naturellement, vous êtes tous conscients que Roissy est le hub d'Air France ; il serait par conséquent désolant que ce texte puisse porter atteinte à la qualité du hub de notre compagnie qui, si elle n'est plus nationale, est tout de même un champion national et européen du transport aérien.
Qui peut être actionnaire d'ADP ? Une compagnie aérienne peut-elle le devenir ? Je sais que la question n'est pas immédiatement d'actualité, le ministre des finances s'étant exprimé sur le sujet en indiquant qu'il n'y avait pas d'urgence particulière à ouvrir le capital d'ADP - il est vrai que les circonstances ne seraient guère favorables...
M. Daniel Reiner. Mais, dès lors que vous ne supprimeriez pas l'adjectif « initial », il serait possible que des entreprises privées souhaitent y mettre quelques capitaux ! (Sourires.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 33, je veux tout d'abord saluer la persévérance de nos collègues dans leur logique ; dans le droit-fil de la logique de la commission, je suis pour ma part conduit à émettre un avis défavorable.
Vous faites de nouveau allusion à la sécurité et au statut du personnel. J'ai déjà eu l'occasion de vous répondre : dès lors que nous entrerions dans un système de concession, au terme de celle-ci, nous aurions les plus grandes incertitudes sur le devenir des personnels. Par conséquent, je ne reviens pas sur les argumentations qui ont été développées.
En ce qui concerne l'amendement n° 11, je tiens à dire à notre collègue Daniel Reiner combien j'admire - ici comme au sein du Conseil supérieur de l'aviation marchande aux destinées duquel j'ai l'honneur de présider - la subtilité et la qualité de sa connaissance de la langue française.
Un seul être vous manque et tout est dépeuplé, ou plutôt un seul mot viendrait à manquer dans le projet de loi et il serait vidé de son sens ! Si nous supprimions le mot « initial » - « juste un petit mot, ce n'est pas grand-chose », dites-vous - c'est bien l'ensemble du dispositif dont nous discutons qui s'écroulerait. Je me permets d'insister sur ce point !
M. Daniel Reiner. Ah bon, je ne l'avais pas remarqué ! (Sourires.)
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je veux souligner la grande courtoisie qui a régné tout au long de nos débats ; c'est donc avec regret que je ne peux donner satisfaction à M. Reiner. En effet, l'amendement qu'il présente vise à supprimer l'un des dispositifs essentiels du projet de loi. La commission y est, par conséquent, défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est également défavorable aux deux amendements. M. Reiner n'espérait pas sérieusement tromper notre vigilance avec son amendement supprimant le mot « initial » !
S'agissant de la composition du capital et de son ouverture future, il n'y a pas de disposition particulière, au demeurant assez difficile à formuler, dans ce texte. Il convient naturellement d'éviter les conflits d'intérêt. Le principe de non-discrimination figurant dans notre droit exclut les situations que vous semblez redouter. En effet, ADP se doit d'adopter un comportement parfaitement non discriminatoire à l'égard des compagnies aériennes. C'est un principe que nous pouvons, les uns et les autres, réaffirmer.
M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote sur l'amendement n° 33.
M. Hugues Portelli. Je voudrais m'exprimer très modestement, en tant que sénateur d'un département - le même que M. Angels - dans le ciel duquel des avions passent toutes les dix secondes, de jour comme de nuit ! (M. Yves Pozzo di Borgo s'exclame.)
Puisque l'on parle de conflits d'intérêt, je veux évoquer un problème. Je raisonne non pas en termes marxistes...
M. Daniel Reiner. Nous non plus !
M. Hugues Portelli. ...de capital, mais plutôt en termes de sociologie américaine, de groupes de pression. Or, nous qui habitons sous les lignes aériennes d'Air France, nous sommes confrontés au lobby qui contrôle la direction générale de l'aviation civile, Aéroports de Paris et Air France.
M. Daniel Reiner. Quel lobby ?
M. Hugues Portelli. Leurs dirigeants sont en effet passés par les mêmes grandes écoles et sont solidaires. Voilà le vrai conflit d'intérêt auquel nous nous heurtons quand nous demandons la construction d'un troisième aéroport, la fermeture des aéroports la nuit ou l'arrêt des transports de fret sur Roissy ! Voilà le problème !
Alors, personnellement, je suis favorable au projet de loi dans la mesure où l'ouverture du capital permettra peut-être de mettre fin à ce lobby en intégrant d'autres personnes. Cela ne peut être pire que la situation que nous connaissons aujourd'hui !
M. Jean Desessard. Si !
M. Hugues Portelli. C'est pour cette unique raison que je soutiens le projet de loi. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
Les articles L. 251-1 à L. 251-3 du code de l'aviation civile sont ainsi rédigés :
« Art. L. 251-1. - La société Aéroports de Paris est régie par le présent code, par les dispositions du titre Ier de la loi n° du relative aux aéroports et, sauf dispositions législatives contraires, par les lois applicables aux sociétés anonymes. La dénomination sociale de la société, qui figure dans les statuts, peut être modifiée dans les conditions prévues à l'article L. 225-96 du code de commerce.
« La majorité de son capital est détenue par l'Etat.
« Art. L. 251-2. - La société Aéroports de Paris est chargée d'aménager, d'exploiter et de développer les aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget, ainsi que les aérodromes civils situés dans la région d'Ile-de-France dont la liste est fixée par décret. Elle peut exercer toute autre activité, aéroportuaire ou non, dans les conditions prévues par ses statuts.
« La société Aéroports de Paris fournit sur les aérodromes mentionnés ci-dessus les services aéroportuaires adaptés aux besoins des transporteurs aériens, des autres exploitants d'aéronefs, des passagers et du public et coordonne, sur chaque aérodrome qu'elle exploite, l'action des différents intervenants.
« Un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles la société Aéroports de Paris assure les services publics liés à l'exploitation des aérodromes mentionnés au premier alinéa et exécute, sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police, les missions de police administrative qui lui incombent.
« Ce cahier des charges définit également les modalités :
« - selon lesquelles Aéroports de Paris assure la répartition des transporteurs aériens, par des décisions constituant des actes administratifs, entre les différents aérodromes et entre les aérogares d'un même aérodrome ;
« - du concours d'Aéroports de Paris à l'exercice des services de navigation aérienne assurés par l'Etat ;
« - du contrôle par l'Etat du respect des obligations incombant à la société au titre de ses missions de service public, notamment par l'accès des agents de l'Etat aux données comptables et financières de la société ;
« - de l'accès des personnels de l'Etat et de ses établissements publics ainsi que des personnes agissant pour leur compte à l'ensemble du domaine aéroportuaire de la société pour l'exercice de leurs missions ;
« - du contrôle par l'Etat des contrats par lesquels Aéroports de Paris délègue à des tiers l'exécution de certaines des missions mentionnées au troisième alinéa.
« Ce cahier des charges détermine les sanctions administratives susceptibles d'être infligées à Aéroports de Paris en cas de manquement aux obligations qu'il édicte.
« L'autorité administrative peut, en particulier, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 0,1 % du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos d'Aéroports de Paris, porté à 0,2 % en cas de nouvelle violation de la même obligation.
« Art. L. 251-3. - Lorsqu'un ouvrage ou terrain appartenant à Aéroports de Paris et situé dans le domaine aéroportuaire est nécessaire à la bonne exécution par la société de ses missions de service public ou au développement de celles-ci, l'Etat s'oppose à sa cession, à son apport, sous quelque forme que ce soit, à la création d'une sûreté sur cet ouvrage ou terrain, ou subordonne la cession, la réalisation de l'apport ou la création de la sûreté à la condition qu'elle ne soit pas susceptible de porter préjudice à l'accomplissement desdites missions.
« Le cahier des charges d'Aéroports de Paris fixe les modalités d'application du premier alinéa, notamment les catégories de biens en cause.
« Est nul de plein droit tout acte de cession, apport ou création de sûreté réalisé sans que l'Etat ait été mis à même de s'y opposer, en violation de son opposition ou en méconnaissance des conditions fixées à la réalisation de l'opération.
« Les biens mentionnés au premier alinéa ne peuvent faire l'objet d'aucune saisie et le régime des baux commerciaux ne leur est pas applicable. »
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 34 est présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 12.
M. Daniel Reiner. L'article 6 du projet de loi dont nous proposons la suppression est fondamental. En effet, il définit à la fois l'objet social d'ADP, les conditions de mise en oeuvre des missions de service public par le biais d'un cahier des charges - dont nous ne savons pas tout -, ainsi que les modalités de contrôle par l'Etat d'éventuelles cessions d'actifs.
Il définit tout d'abord les missions d'ADP. L'exploitation et l'aménagement des aéroports parisiens font toujours partie de ses missions, mais ces activités sont désormais banalisées puisqu'il est mis fin au principe de spécialité. ADP devient une entreprise de services ; ADP est tellement une société comme une autre que les députés ont explicitement prévu qu'ADP pourra changer de nom dans les conditions de droit commun des sociétés anonymes, c'est-à-dire en assemblée générale des actionnaires.
On ne sait toujours pas quelles activités la société Aéroports de Paris sera autorisée à développer. Cela est renvoyé à des statuts définis par décrets, que nous ne connaissons pas. Y aura-t-il une limite à cette diversification ? Sera-t-elle accessoire ? Aura-t-elle un lien avec l'activité du transport aérien ? Ne donnera-t-elle pas lieu - on peut le craindre - à des mouvements de filialisation ? Comment sera contrôlée la diversification d'activité ? A toutes ces questions, que ce soit en première lecture au Sénat ou à l'Assemblée nationale, nous n'avons pas eu de réponse. C'est en cela que nous considérons que le rôle du législateur a été quelque peu bafoué dans ce projet de loi.
L'article définit ensuite les conditions de mise en oeuvre des misions de service public. Selon votre logique, monsieur le secrétaire d'Etat, celles-ci sont renvoyées à un cahier des charges. Le Parlement est donc laissé à l'écart de la définition de son contenu et les règles fixées par la loi seront d'un laconisme que nous qualifierons d'étourdissant !
On ne dit pas dans quelles conditions ces missions seront assurées. On ne retrouve notamment pas la déclinaison des principes du service public : la continuité, l'adaptabilité, l'universalité, la neutralité, etc. Notre rapporteur, qui l'avait mesuré lors de la première lecture, avait apporté une petite amélioration. Il s'agissait de prévoir qu'ADP remplisse ses missions à « des standards de qualité, de régularité et de continuité appropriés ». Nos collègues députés ont trouvé que c'était trop et l'ont supprimée ! Même si le sens de l'adjectif « approprié », reconnaissons-le, n'est pas tout à fait clair, cette phrase avait au moins le mérite de faire référence à des principes de service public.
Comme je l'ai évoqué, on ne sait pas comment sera contrôlée l'exécution des missions confiées à ADP, avec quelle périodicité, ni même les sanctions envisagées en cas de non-respect.
Quant aux missions, on y voit apparaître des choses surprenantes ! ADP se voit invité à participer au fonctionnement des services de navigation aérienne, alors que ceux-ci relèvent clairement de la responsabilité de l'Etat et sont déjà financés par la redevance de route et par la redevance pour services terminaux acquittées par les transporteurs aériens. Est-ce à dire qu'il s'agit de mettre en place un double financement pour le fonctionnement des services de navigation aérienne, ou est-ce un premier pas vers l'externalisation de cette mission d'Etat ? Vous nous avez pourtant rappelé qu'il n'était pas question que l'Etat abandonne sa fonction régulatrice.
On peut noter aussi qu'ADP décide de la répartition des transporteurs aériens entre les aérodromes et entre les aérogares. L'Etat aura-t-il encore son mot à dire ? En clair, le hub d'Air France pourrait-il être remis en cause ? Chacun imagine la gravité de cette éventualité !
On note, enfin, une possible extension des compétences d'ADP en matière de police administrative - cela a été clairement exprimé en vue de la rédaction du cahier des charges. Est-ce véritablement acceptable ?
C'est à la fois parce que le cahier des charges n'est pas suffisamment précis dans la définition des missions de service public et que certaines missions ne relèvent pas nécessairement d'une société à terme privée que nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 34.
M. Michel Billout. Monsieur le secrétaire d'Etat, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, vous allez sans doute penser que je fais preuve d'obstination.
M. Michel Billout. Je n'ai bien entendu pas la prétention de vous convaincre, mais je veux prendre date pour l'avenir.
L'article 6 n'est pas acceptable à plus d'un titre. La représentation nationale ne peut se prononcer sur un texte qui fait référence exclusivement à un cahier des charges approuvé en Conseil d'Etat pour fixer les conditions dans lesquelles la société ADP assurera les services publics liés à l'exploitation des aérodromes et exécutera les missions de police administrative qui lui incomberont.
En réalité, le Gouvernement recherche non pas une loi qui encadre comme il se doit, au regard de son importance stratégique, le futur fonctionnement de la société anonyme ADP, mais plutôt un blanc-seing l'autorisant à agir comme il le souhaite !
Pourtant, l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile, dans sa rédaction initiale, déclinait ce qu'il fallait entendre par mission de service public aéroportuaire. Après le vote de cette loi, nous ne trouverons plus aucun élément dans ce texte qui fasse référence explicitement et de manière détaillée aux missions de service public assumées par ADP. C'est curieux et plutôt inquiétant ! Il s'agit pourtant d'une responsabilité de l'Etat et de la représentation nationale que de donner un cadre légal à l'accomplissement des services publics nationaux.
De plus, dans le cadre du changement de statut d'ADP, il est permis à la société d'exercer toute autre activité, qu'elle soit aéroportuaire ou non. Ainsi, l'article 6 met un terme au principe de spécialité inhérent à tout établissement public - c'est le sens du projet de loi, nous l'avons bien compris. Certes, l'existence de filiales avait valu à ADP certaines remontrances de la part de la Cour des comptes, mais est-ce une raison pour faire d'ADP une véritable entreprise de services ?
La mission première d'un aéroport n'est-elle pas d'assurer des services aéroportuaires ? Quant aux conditions d'exercice de ces activités non aéroportuaires, elles sont renvoyées « aux conditions prévues par ses statuts » qui, une fois de plus, seront établies par le cahier des charges, lui-même défini par le Conseil d'Etat !
M. Michel Billout. Dans le texte, aucune limitation n'est donc apportée à ces missions extra-aéroportuaires.
Rien non plus sur l'affectation des recettes dégagées par ces activités non aéroportuaires, activités que nous imaginons rentables. Or, si nous ne sommes pas contre un élargissement d'activité d'ADP, encore faut-il que toutes les recettes soient affectées à l'objet principal de cette société : l'exécution de services aéroportuaires.
De plus, ce texte n'aborde pas le problème du contrôle, par l'Etat, de la bonne exécution, par ADP, de ses missions de service public. Le fait que le Gouvernement spécifie que « la majorité de son capital est détenue par l'Etat » ne constitue pas une garantie suffisante, d'autant que le risque de voir émerger une minorité de blocage privée est bien réel. Vous ne répondez pas à cette question, monsieur le secrétaire d'Etat, mais elle se pose.
D'ailleurs, que cette minorité de blocage existe ou pas, le principe même du changement de statut d'ADP est d'attirer les investisseurs privés. Or, pour ce faire, je le répète, il faudra nécessairement répondre à leur logique de rentabilité, qui est peu compatible avec la notion de service public.
Par ailleurs, si l'Etat est amené à rester majoritaire, est-il nécessaire de préciser, dans le premier alinéa de l'article L. 251-3 du code de l'aviation civile, qu'il peut s'opposer à la cession d'un ouvrage ou d'un terrain contribuant à l'accomplissement des missions de service public ?
En tant qu'actionnaire majoritaire, l'Etat n'a-t-il pas déjà cette possibilité ? A moins que le Gouvernement lui-même ait un doute sur les préoccupations qui seront celles d'ADP une fois l'Etat devenu actionnaire d'une société anonyme et qu'il estime nécessaire de préciser que l'Etat doit toujours se préoccuper des questions de service public !
Une fois de plus, pour les biens et les ouvrages nécessaires à l'accomplissement des missions de service public, le texte n'apporte aucune précision. Décidément, le Gouvernement fait peu cas de la représentation nationale !
Enfin, si ADP vient à manquer à ses obligations, permettez-moi de juger peu contraignantes les sanctions qui peuvent être prises à son encontre. Pourtant, il s'agit ici non d'une simple occupation du domaine public, avec possibilité de rétrocession, mais bien d'un transfert de la pleine propriété.
Que penser «également du flou juridique qu'entretient ce texte sur les rôles respectifs d'ADP et de l'Etat dans des domaines aussi majeurs que la sûreté ou la navigation aérienne ? Daniel Reiner a évoqué ce problème, et je partage pleinement son point de vue. L'Etat-entreprise chercherait-il à externaliser ses missions régaliennes ?
La propriété du capital d'une entreprise ayant des missions de service public doit demeurer publique, que ce caractère public soit ou non le fait de l'Etat. ADP est un établissement chargé de l'aménagement du territoire national : qu'en sera-t-il demain si les intérêts privés internationaux détiennent une partie très importante du capital ? Les principes de gestion seront évidemment très différents.
Une telle question mérite d'être posée dans le contexte actuel de remise en cause de l'ensemble des services publics : déréglementation européenne, accord général sur le commerce des services, directive Bolkestein, et je ne parle pas, bien sûr, du projet de Constitution européenne que le Gouvernement nous propose d'adopter !
Au contraire, sur le plan européen, des accords avec d'autres entreprises de service public pourraient être trouvés afin de répondre aux importants besoins en termes d'infrastructures. Une telle péréquation communautaire permettrait de satisfaire les exigences de déplacement des citoyens européens.
Lors de la première lecture, le Gouvernement n'avait pas souhaité répondre à cette question. C'est la raison pour laquelle je vous la pose de nouveau, monsieur le secrétaire d'Etat, en espérant que vous y répondrez cette fois, notamment pour nous éclairer sur votre vision de la construction européenne en matière de transport.
Pour toutes ces raisons, nous ne pouvons que nous opposer à un tel texte et particulièrement à cet article.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Au début du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 251-1 du code de l'aviation civile, remplacer les mots :
la majorité
par les mots :
La totalité
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Je vous présente cet amendement, pour le cas où la commission et le Gouvernement ne donneraient pas un avis favorable sur les amendements identiques de suppression de l'article ! (Sourires.)
Même si, tout à l'heure, la méthode n'a pas été couronnée de succès, je vous propose de remplacer les mots « la majorité » par les mots « la totalité ».
M. Daniel Reiner. Vous nous avez dit et répété, au cours des différentes lectures, que nous avions ouvert, en son temps, le capital d'Air France.
M. Daniel Reiner. Cette ouverture a été réalisée en contrepartie d'un plan très sérieux pour remettre à flot Air France, qui connaissait une situation extrêmement difficile. Aujourd'hui, tout le monde se réjouit qu'Air France-KLM soit la première compagnie aérienne en Europe. Cela prouve que la puissance publique n'a pas toujours des effets négatifs !
Vous êtes allés jusqu'au bout de cette expérience et cela a conduit à la privatisation : l'Etat ne possède plus qu'environ 18 % d'Air France. Nous proposons, en quelque sorte, de ne pas commettre la même erreur et de conserver la totalité du capital à l'Etat.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la seconde phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile :
Elle peut exercer toute autre activité dans les conditions prévues par ses statuts, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à compromettre ou à entraver l'accomplissement actuel ou futur de ses missions de service public et l'utilisation des installations aéroportuaires par les transporteurs aériens et leurs passagers.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement tend à apporter un certain nombre de précisions.
Il s'agit d'encadrer l'objet social de la société ADP. Aéroports de Paris existe depuis 1945. Sa fonction essentielle est d'accueillir des avions, de les faire atterrir et décoller.
Compte tenu de la diversification qui s'engage, compte tenu du risque évoqué tout à l'heure par M. le rapporteur - un aéroport, c'est une grande zone commerciale avec, en son centre, une grande route bien rectiligne ! -, il me paraît utile de préciser de manière claire qu'ADP peut exercer une autre activité, « sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à compromettre ou à entraver l'accomplissement actuel ou futur de ses missions de service public et l'utilisation des installations aéroportuaires ».
Si cela va certes de soi, cela va mieux en le disant !
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite vous interroger, car le débat est aussi fait pour que nous ayons quelques réponses : entendez-vous limiter la diversification d'ADP ?
Depuis le début de nos discussions, sont évoqués les 600 millions d'euros à investir par an pendant trois ans. Quelle part, sur ces 600 millions d'euros, revient à l'activité centrale, au coeur de métier d'Aéroports de Paris ?
L'expérience de ces dernières années en matière d'investissement peut constituer un élément de réponse. Le satellite S3, évidemment, est au coeur des métiers d'ADP, mais il ne représente pas, loin s'en faut, l'ensemble des investissements réalisés ou en cours de réalisation. En revanche, la construction de plates-formes commerciales, de boutiques, n'est pas le coeur de métier d'ADP.
Pouvez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, nous dire, grosso modo, quelle est la part des investissements réservée au coeur de métier ?
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission, est ainsi libellé :
I. Rédiger comme suit le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile :
« La société Aéroports de Paris fournit sur ces aérodromes les services aéroportuaires adaptés aux besoins des transporteurs aériens, des autres exploitants d'aéronefs, des passagers et du public. Elle assure de manière transparente et non discriminatoire par des décisions constituant des actes administratifs l'accès des aéronefs, ainsi que des entreprises dont la présence est nécessaire aux activités de transport aérien, à ses installations aéroportuaires. Elle coordonne, sur chaque aérodrome qu'elle exploite, l'action des différents intervenants.
II. En conséquence, rédiger comme suit le cinquième alinéa du même texte :
« - selon lesquelles Aéroports de Paris assure la répartition des transporteurs aériens entre les différents aérodromes et entre les aérogares d'un même aérodrome, conformément au deuxième alinéa ;
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je veux replacer cet amendement dans le contexte de l'article 6.
A l'issue de la première lecture au Sénat, l'article 6 rapatriait - c'est l'expression que j'avais utilisée à l'époque - dans le texte de loi un certain nombre de dispositions contenues dans un cahier des charges auquel il était fait référence. Nous avions estimé, en effet, qu'il n'était pas très convenable que la loi fasse référence à des dispositions qui n'étaient pas inscrites dans le texte lui-même.
Cela étant, ce rapatriement comportait des nuances : certaines précisions étaient fondamentales et d'autres pouvaient apparaître sinon secondaires, du moins quelque peu subsidiaires et ne relevant pas directement du texte de loi.
C'est la raison pour laquelle cet article 6 avait été adopté au Sénat dans cette rédaction.
Ce matin, lors de la discussion générale, j'ai rappelé que les dispositions fondamentales de l'article 6 devaient faire l'objet de quelques communications de la part du Gouvernement, de manière que - je le rappelle pour ceux qui prennent connaissance de nos travaux à l'extérieur - le débat instruise la lecture de la loi. En effet, il est souvent nécessaire d'obtenir du Gouvernement des précisions sur tel ou tel point sans pour autant les inscrire dans un article proprement dit.
C'est dans cet esprit que l'article 6 avait été rédigé ; c'est dans cet esprit que la commission vous propose d'adopter cet amendement. Ainsi, nous réaffirmons notre souci d'inscrire les points fondamentaux dans le texte et de laisser de côté ceux qui ne le sont pas.
Cela signifie également que nous avons besoin d'obtenir confirmation que l'essentiel figurera bien dans le texte du projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par MM. Angels, Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile, insérer un nouvel alinéa ainsi rédigé :
« Elle assure un dialogue permanent avec les collectivités territoriales situées à proximité des aérodromes mentionnés au premier alinéa.
La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Monsieur le secrétaire d'Etat, je l'ai dit ce matin, les collectivités territoriales et leurs élus locaux constituent des partenaires indispensables et naturels à l'élaboration, à la mise en oeuvre et au contrôle des politiques aéroportuaires.
Depuis plus de cinq ans, les élus locaux et les collectivités qu'ils représentent sont naturellement présents dans la plupart des nouveaux dispositifs prévus - depuis la création du fonds de compensation antibruit en 1999, jusqu'à la création des communautés aéroportuaires l'année dernière. Ce partenariat a, d'ailleurs, été facilité par la constitution d'associations d'élus locaux de plus en plus concernés et de plus en plus sollicités par des riverains en colère.
Or il semble pour le moins curieux que ce projet de loi occulte totalement le rôle essentiel des collectivités territoriales et semble réduire la politique aéroportuaire à un tête-à-tête gestionnaire associant l'Etat à des investisseurs.
En effet, le dialogue avec les riverains et les élus locaux n'est ni une fantaisie ni un caprice conjoncturel. C'est lui qui permettra d'éviter que ces nouvelles sociétés ne considèrent les zones aéroportuaires comme de simples territoires d'investissement et de profits.
Le contenu du cahier des charges tel que vous entendez le soumettre à des investisseurs étant renvoyé à un décret d'application, cet amendement vise à rassurer les élus locaux concernés.
Sollicités à juste titre par leurs administrés, échaudés par des concertations qui n'ont pas été suivies d'effet - je pense au troisième aéroport -, inquiets des conditions d'abondement de la taxe sur les nuisances sonores aériennes, les élus, monsieur le secrétaire d'Etat, ont besoin de savoir qu'ils seront de véritables partenaires de la politique aéroportuaire aux alentours de Roissy et d'Orly.
Nous avons besoin d'actes concrets : l'adoption de cet amendement en serait un.
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé:
« En cas de manquement grave de la société Aéroports de Paris à ses obligations ou pour un motif d'intérêt général, il peut être mis fin à ses missions de service public par un décret en Conseil d'Etat. Les biens concernés redeviennent alors pleine propriété de l'Etat sans donner lieu à indemnisation pour la société Aéroports de Paris.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Cet amendement me paraît tellement évident que je suis persuadé que vous allez l'adopter ! (Sourires.)
Il vise à préserver un contrôle plus effectif de la puissance publique sur les missions de service public assurées par Aéroports de Paris.
En effet, nous proposons que, en cas de manquement grave de la société Aéroports de Paris à ses obligations ou pour un motif d'intérêt général, il puisse être mis fin à ses missions de service public par un décret en Conseil d'Etat. Les biens concernés redeviennent alors la pleine propriété de l'Etat, sans bien sûr donner lieu à indemnisation au profit de la société ADP.
Pour le groupe communiste républicain et citoyen, la sanction prévue par le texte de loi apparaît nettement insuffisante puisque, en cas de manquement d'ADP dans l'exécution de ses missions de service public, la société devra payer une amende de 0,1 % du chiffre d'affaires, voire de 0,2 % en cas de récidive.
A l'Assemblée nationale, le rapporteur, M. Gonnot, a estimé que ce régime de sanction était suffisamment dissuasif. Permettez-moi d'en douter : une amende de 0,1 %, ou de 0,2 % n'incite guère à la vertu. On peut très bien imaginer, au contraire, que l'opérateur ADP préfère payer une telle amende plutôt que de remplir les obligations du cahier des charges qui lui coûtent trop cher : un plafond étant prévu, ADP ne prend pas beaucoup de risques et peut même planifier l'amende financièrement !
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons d'adopter cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Bien évidemment, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 12. Monsieur Reiner, je puis vous assurer que les standards de qualité, de régularité et de continuité seront respectés.
M. Daniel Reiner. C'est vous qui le dites !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Absolument, et je le confirme !
Le texte, tel qu'il résulte des travaux de l'Assemblée nationale, satisfait à cette exigence : les services aéroportuaires seront adaptés aux besoins des compagnies et à ceux des passagers. Nous sommes donc totalement en phase sur ce point.
Nonobstant vos qualités, monsieur Reiner, c'est avec regret mais aussi avec fermeté que je vous oppose cet avis défavorable.
Pour les raisons qui viennent d'être exposées, la commission a également émis un avis défavorable sur l'amendement n° 34.
Mes chers collègues du groupe CRC, vous dites souvent vouloir prendre date. Vous avez raison : nous prenons tous date. Cependant, à l'échéance, vous oubliez de dire que vous avez finalement obtenu satisfaction. J'en ai fait tout à l'heure l'observation concernant les communautés aéroportuaires. Pour notre part, nous avons davantage confiance dans l'avenir. Je me permet de renouveler les propos que je tenais ce matin : il est important d'avoir un service public fort ; pour autant, il ne faut pas qu'il soit immobile. Il est nécessaire qu'il évolue.
Monsieur Reiner, vous me disiez que, à défaut d'accepter votre amendement n° 12, je pourrais accepter le n° 13 ! Avec la même détermination et la même constance, je regrette de devoir émettre, au nom de la commission, un avis défavorable. En effet, vous voulez interdire toute ouverture du capital d'Aéroports de Paris. Ces deux amendements ont le même objet, seule leur formulation diffère.
Les amendements n°s 14 et 35 procèdent d'une philosophie identique. Il existe un cahier des charges. Le Gouvernement dispose d'un certain nombre d'outils lui permettant de contrôler et d'encadrer les activités de la future entité. Il a les moyens de mettre un terme à tout dérapage. Aussi n'est-il pas nécessaire d'inscrire de nouvelles dispositions législatives à cet effet. La commission émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
Monsieur Angels, vous souhaitez qu'Aéroports de Paris assure un dialogue permanent avec les collectivités territoriales. C'est l'objet de votre amendement n° 15. Nous y sommes tous favorables. La preuve en est que, au terme d'une mission qui m'avait été confiée, j'ai déposé une proposition de loi sur les communautés aéroportuaires, à laquelle j'ai fait allusion tout à l'heure.
Sur quoi cette proposition, devenue loi de la République, repose-t-elle ? Elle oblige les deux parties intéressées par le développement des activités aéroportuaires, à savoir les compagnies et les aéroports, d'une part, les collectivités territoriales, les usagers et l'ensemble des riverains, d'autre part, à se retrouver pour régler dans une même enceinte tant les conflits d'usage que les conflits d'intérêt.
Au sein de ce qui constitue une sorte de technopole aéroportuaire, elles peuvent ainsi gérer ensemble l'élimination des nuisances les plus gênantes, de même qu'elles peuvent profiter des effets bénéfiques induits par la présence de l'aéroport. En effet, une telle présence est une chance pour un territoire, car il est profitable de disposer de capacités de développement économique et d'emplois en aussi grande quantité. Je ne dresserai pas ici la liste de tous les effets positifs liés à la présence d'un aéroport.
Les communautés aéroportuaires donnent enfin - pardonnez-moi de le dire avec beaucoup d'immodestie - la possibilité aux uns et aux autres de se retrouver au sein d'une organisation commune, gage d'une meilleure compréhension et d'une meilleure gestion d'intérêts qui peuvent parfois paraître conflictuels. Votre souci d'un dialogue permanent avec les collectivités territoriales, monsieur Angels, est donc satisfait.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. J'ai été étonné que soit mise en cause la capacité, voire la volonté d'Aéroports de Paris d'assurer ses missions de service public, alors même que l'article 6 du projet y fait explicitement référence à plusieurs reprises : « Un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles la société Aéroports de Paris assure les services publics liés à l'exploitation des aérodromes. » Il s'agit bien d'un article central du projet de loi. Il prévoit de manière très claire les différentes missions de service public qui incomberont à Aéroports de Paris, lesquelles seront détaillées dans le cahier des charges.
Monsieur Reiner, vous avez évoqué la question du contrôle des filiales. Il s'agit d'une entreprise dont le capital est majoritairement public.
M. Daniel Reiner. Pour l'instant !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Par conséquent, le contrôle est celui qu'exerce l'Etat sur les entreprises dont il détient la majorité du capital. Il est vrai que, dans un passé relativement récent, l'Etat s'est montré défaillant dans le contrôle de certaines entreprises publiques. Nous avons encore en mémoire des investissements inopportuns, mal raisonnés, aventureux, qui ont été réalisés par de grandes entreprises publiques. Je n'aurai pas la cruauté de vous rappeler sous quelle majorité cela se passait !
Depuis lors, nous avons réorganisé les services de tutelle en créant l'agence des participations de l'Etat. S'agissant d'une entreprise soumise à des obligations de service public, sachez que les tutelles, qu'il s'agisse de la tutelle financière ou de la tutelle technique, exerceront sur elle ainsi que sur ses éventuelles filiales un contrôle attentif.
Vous avez émis des réserves sur l'intervention d'Aéroports de Paris en matière de navigation aérienne. Il faut être très explicite : à ce jour, Aéroports de Paris exerce des missions en la matière. Cela résulte d'une ancienne imbrication entre services, à laquelle il va être mis fin au cours d'une période transitoire. A terme, Aéroports de Paris continuera à être un acteur en matière de navigation aérienne, mais sous la responsabilité exclusive de l'Etat.
M. Daniel Reiner. C'était déjà le cas !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Demain, quand cette clarification aura été faite, il n'est pas exclu qu'Aéroports de Paris contribue, sur un plan matériel, aux opérations de navigation aérienne, par exemple pour l'alimentation électrique ou la maintenance des bâtiments. C'est en effet sur son site que celles-ci se dérouleront. Pourquoi donc serait-il extraordinaire qu'Aéroports de Paris contribue au service de la navigation aérienne, qui reste évidemment placé sous l'entière responsabilité de l'Etat ? Je vous prie de croire que la rédaction de cet article ne recèle aucune malice !.
Une question a été posée sur les investissements commerciaux et sur les investissements réalisés dans ce qui constitue le coeur de métier d'Aéroports de Paris. Je ne dispose pas de chiffres à ce jour, mais les investissements commerciaux sont généralement financés par d'autres sociétés et non par Aéroports de Paris. ADP investit principalement dans des activités liées à son métier. Le financement et la réalisation des boutiques et autres surfaces commerciales sont généralement le fait d'intervenants privés. Naturellement, une convention est passée avec Aéroports de Paris, aujourd'hui établissement public, demain société à capitaux publics.
Je souhaite également revenir sur l'intervention de M. Portelli. Vous comprendrez, monsieur le sénateur, que je ne puisse employer les mêmes termes que vous. Néanmoins, je crois, comme vous, que l'introduction d'autres partenaires dans le capital d'Aéroports de Paris, même minoritaires, aura un effet positif sur le comportement de cette entreprise. Je rejoins votre analyse, quoique je ne puisse partager les appréciations que vous avez portées.
Monsieur Angels, la navigation aérienne, je l'ai dit et répété, reste du ressort exclusif de l'Etat. Aussi, la gestion de la question des nuisances aéroportuaires dont souffrent les riverains des aéroports relève et continuera de relever de décisions de l'Etat. C'est un point fondamental. Les règles d'approche, les règles applicables en matière de suivi des routes après décollage seront toujours du ressort de l'Etat. Ce texte n'apporte aucune innovation.
L'administration doit impérativement être plus attentive aux besoins et aux attentes des riverains. Nous faisons des efforts considérables pour redéfinir un certain nombre de routes et un certain nombre de règles de navigation aérienne afin de tenter de limiter les nuisances aériennes. Ce n'est pas simple. Les sujets sont techniquement complexes. En la matière, l'évolution des avions va dans le bon sens. Ainsi, c'est avec plaisir que nous accueillons le prochain retrait d'un certain nombre d'aéronefs, qui comptent parmi les plus bruyants, de la flotte de certaines grandes compagnies. Ce sujet peut être dissocié de celui qui nous occupe maintenant.
Concernant les sanctions, il va sans dire qu'elles sont effectives. Les montants, fixés en proportion du chiffre d'affaires, sont loin d'être négligeables, quel que soit l'exploitant. Pourquoi ne pas aller jusqu'au retrait des autorisations ? Il y a deux raisons à cela : d'une part, c'est un principe général, l'Etat, en cas de grave inobservation d'un cahier des charges fixant des missions de service public, est fondé, naturellement sous le contrôle du juge, à retirer la délégation de service public ; d'autre part - et surtout -, ADP étant destiné à rester majoritairement public, il serait incongru pour l'Etat d'envisager qu'une société placée sous sa tutelle puisse manquer à ce point à ses obligations qu'il soit lui-même obligé de lui retirer cette délégation. Convenez, mesdames, messieurs les sénateurs, que ce serait quelque peu incohérent.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'ensemble des amendements présentés par les sénateurs auxquels je viens de m'adresser.
J'en viens à l'amendement n° 1, déposé par la commission.
Monsieur Le Grand, vous avez bien fait d'attirer notre attention sur l'interprétation qui doit être donnée du texte qui vous est soumis. Les principes de non-discrimination et de transparence dans le traitement des compagnies aériennes en tant que clients des aéroports sont autant de points fondamentaux.
Vous aviez, lors de l'examen en première lecture de ce texte, amélioré sa base législative en précisant qu'Aéroports de Paris devait offrir des services aéroportuaires adaptés aux besoins des transporteurs aériens, des passagers et du public.
L'activité d'Aéroports de Paris, cela doit être clair, constitue une mission de service public à laquelle sont attachés des principes intangibles de non-discrimination et de transparence. Ces principes législatifs seront détaillés dans le cahier des charges, qui sera approuvé par décret en Conseil d'Etat. Ce décret, qui est en cours de préparation, compte plus de soixante articles. Il explicitera les obligations d'Aéroports de Paris en matière de transparence et d'égalité de traitement des usagers. Il définira la manière dont seront réparties les compagnies entre aéroports et aérogares, problème qui vous préoccupait le plus, monsieur le rapporteur. C'est en effet, d'un point de vue économique, un sujet fondamental.
Le débat parlementaire a pour vertu de permettre de rendre explicites des points qui peuvent ne pas l'être de prime abord. Je crois pouvoir vous garantir que votre interprétation, exprimée dans cet amendement n° 1, correspond fidèlement au texte qui vous est soumis. C'est la raison pour laquelle je souhaiterais que vous retiriez cet amendement, satisfait par l'actuelle rédaction de l'article 6.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, j'ai écouté avec beaucoup d'intérêt et d'attention ce que vous venez de dire. Le rôle du législateur est effectivement de faire en sorte que les textes soient clairs, lisibles et facilement interprétables. Il ne s'agit pas pour nous- et que personne ne prenne ombrage de ce terme - d'être des « stakhanovistes », d'ajouter systématiquement des membres de phrase aux articles.
Dès lors que nous sommes satisfaits sur le fond et compte tenu des engagements que vous avez pris, je ne vois aucun intérêt à cet ajout. C'est la raison pour laquelle je suis enclin à retirer cet amendement. Cependant, je m'exprime au nom de la commission, qui l'avait adopté. Je m'en suis entretenu avec son président qui m'a rappelé que l'essentiel était d'avoir satisfaction sur le fond. Ayant été totalement rassuré par les explications qui viennent d'être données, je propose, sinon au nom de la commission, à tout le moins intuitu personnæ, de retirer cet amendement. Chacun votera comme il l'entend !
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 12 et 34.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, ce qui vient de se passer n'est pas convenable.
Même si je n'y suis pas particulièrement attaché, je rappelle que l'amendement n° 1 visait à rédiger différemment le deuxième alinéa du texte proposé par l'article 6 pour l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile, qui avait été modifié par l'Assemblée nationale.
Hier, lors de la réunion de la commission des affaires économiques, cet amendement a fait l'objet d'explications et d'interventions avant d'être voté par l'ensemble des membres de la commission. Dès lors, il s'agit non plus d'un amendement du rapporteur de la commission, mais d'un amendement de la commission elle-même.
Dans ces conditions, je ne pense pas qu'un simple entretien, téléphonique ou non, avec le président de la commission puisse lever toute difficulté et permettre au rapporteur de retirer l'amendement. Pour la bonne tenue des débats parlementaires, il me semble nécessaire de respecter le travail des commissions !
Je n'ai pas, je le répète, un grand attachement vis-à-vis de cet amendement. Pour autant, je considère que son retrait n'est pas convenable. Une réunion de la commission, même très brève, aurait à tout le moins été la bienvenue.
Si je dis cela à ce stade du débat, c'est que la commission a adopté plusieurs amendements qui pourraient à leur tour subir le même sort bien qu'ils aient fait l'objet d'une discussion longue et fournie en commission. Je pense notamment à un amendement, lourd de conséquences, sur la commission consultative aéroportuaire.
Je tenais, monsieur le président, à présenter ces observations pour la bonne qualité du débat parlementaire.
M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je suis très respectueuse des travaux des commissions, mais il n'en demeure pas moins que le Sénat est souverain et qu'il peut adopter ou rejeter comme il l'entend les amendements proposés par une commission...
M. Daniel Reiner. Mais le rapporteur ne peut pas les retirer !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je vous ai laissé parler, monsieur Reiner. Laissez-moi parler !
Le Sénat est libre, les positions que l'on y prend ne sont pas figées. Permettez-moi donc, monsieur le président, d'apporter une précision.
Le Gouvernement s'est vu reprocher à maintes reprises de faire peu de cas de la majorité et des parlementaires. Ces reproches se fondaient sur le caractère prétendument vague et insuffisamment explicite du cahier des charges. Or il suffit de lire l'article 6 pour constater que les principes fondamentaux et essentiels sont mentionnés dans le cahier des charges !
Le rôle et les missions d'Aéroports de Paris y sont bien précisés. On se demande, dans ces conditions, comment le Gouvernement pourrait, demain, rédiger un cahier des charges qui violerait des principes inscrits dans la loi !
En outre, comment notre Haute Assemblée pourrait-elle examiner un cahier des charges ligne par ligne, voire virgule par virgule ? Si, demain, un citoyen se rendait compte que le dispositif prévu à l'article 6 est violé par le Gouvernement, il aurait la possibilité de saisir les juridictions compétentes pour faire respecter la loi souveraine de la nation !
Enfin, s'agissant des fautes qui pourraient éventuellement être commises par ADP, il est précisé sans ambiguïté qu'Aéroports de Paris ne peut à aucun moment faire une cession quelconque de son patrimoine ni tenir compte de sa valeur commerciale. Cela démontre bien que ce patrimoine n'appartient pas à ADP !
Je considère donc que l'article 6 définit le rôle d'ADP, précise la nature du contrôle du Gouvernement et arrête les lignes fondamentales du cahier des charges qui, demain, liera l'Etat à ADP.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je n'ai rien à ajouter aux propos de Mme Michaux-Chevry, qui vient de défendre les arguments que je m'apprêtais à développer.
Cela étant, monsieur Reiner, je tiens à dissiper toute ambiguïté quant à l'éthique du travail de la commission.
Cette éthique est respectée dès lors que, sur le fond, une explication a été donnée et une intention exprimée. Et, lorsque j'évoquais tout à l'heure mon entretien avec M. Emorine sur un éventuel retrait ou de possibles rectifications d'un amendement de la commission, c'est parce que, dans l'esprit et sur le fond, la commission avait satisfaction. Il ne s'agissait en aucun cas d'une attitude intuitu personae de sa part ou de la mienne !
Il ne s'agissait pas davantage de faire plaisir à qui que ce soit, fût-ce au Gouvernement. La commission ayant obtenu satisfaction, dans l'esprit et sur le fond, je me sentais dans mon rôle de rapporteur en disant que, sur la forme, il n'y avait plus rien à ajouter et que, dans ces conditions, le retrait de l'amendement me paraissait préférable à son maintien.
Enfin, mes chers collègues, vous êtes suffisamment rompus au débat parlementaire pour savoir que vous pouvez toujours reprendre amendement si vous le souhaitez. Dans cette hypothèse, la discussion se poursuit et l'amendement est soumis au vote.
M. Daniel Reiner. Et vous votez contre !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Comme le rappelait Mme Michaux-Chevry, le Sénat est souverain !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 12 et 34.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6.
(L'article 6 est adopté.)
titre II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX GRANDS AÉROPORTS RÉGIONAUX
Article 7
I. - Non modifié.
II. - A la demande de chaque chambre de commerce et d'industrie concernée, l'autorité administrative peut autoriser la cession ou l'apport de la concession aéroportuaire à une société dont le capital initial est détenu entièrement par des personnes publiques, dont la chambre de commerce et d'industrie titulaire de la concession cédée. Par dérogation aux articles L. 2253-1, L. 3231-6, L. 4211-1 et L. 5111-4 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements peuvent prendre des participations dans cette société. Un avenant au contrat de concession fixe, le cas échéant, la nouvelle durée de la concession sans que la prolongation puisse excéder quarante ans, ainsi que les contreparties, au minimum en termes d'investissements et d'objectifs de qualité de service, sur lesquelles la société aéroportuaire s'engage. En outre, cet avenant met le contrat en conformité avec les dispositions d'un cahier des charges type approuvé par le décret prévu au I du présent article.
Les deuxième à cinquième alinéas de l'article 38 et les deuxième à quatrième alinéas de l'article 40 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne sont pas applicables aux opérations réalisées selon les dispositions du présent II.
III. - Les agents publics affectés à la concession transférée sont mis à la disposition de la société pour une durée de dix ans. Une convention conclue entre l'ancien et le nouvel exploitant détermine les conditions de cette mise à disposition et notamment celles de la prise en charge par ce dernier des coûts salariaux correspondants.
Pendant la durée de cette mise à disposition, chaque agent peut à tout moment demander que lui soit proposé par le nouvel exploitant un contrat de travail. La conclusion de ce contrat emporte alors radiation des cadres. Au terme de la durée prévue au premier alinéa, le nouvel exploitant propose à chacun des agents publics un contrat de travail, dont la conclusion emporte radiation des cadres. Les agents publics qui refusent de signer ce contrat sont réintégrés de plein droit au sein de la chambre de commerce et d'industrie concernée.
Les dispositions de l'article L. 122-12 du code du travail sont applicables aux contrats de travail des salariés de droit privé des chambres de commerce et d'industrie affectés à la concession transférée, en cours à la date du transfert de la concession, qui subsistent avec le nouvel employeur.
IV. - Dans un délai de trois ans à compter de la promulgation de la présente loi, les partenaires sociaux négocient une convention collective nationale applicable aux personnels des exploitants d'aérodromes commerciaux ne relevant pas de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile.
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 36, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Dans la mesure où cet amendement vise à supprimer l'article 7, je ne me fais aucune illusion quant à son adoption. Au demeurant, si j'en avais eu, elles auraient sans doute été déçues, car il me semble voir poindre à l'horizon la volonté du Sénat d'adopter un texte conforme à celui de l'Assemblée nationale. Il se peut que je me trompe... L'avenir nous le dira !
M. Michel Billout. Les amendements de la commission, bien qu'ils appellent quelques réserves de ma part, soulèvent quand même des questions importantes. Je regretterais donc que l'on en arrive là. Mais sans doute n'est-ce qu'une vision erronée de la suite de notre débat !
L'article 7 est particulièrement important puisqu'il constitue, à lui seul, le titre II du projet de loi.
Il s'inscrit parfaitement dans la continuité de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, qui a transféré aux collectivités locales la propriété et la gestion des aérodromes civils appartenant à l'Etat et ne présentant pas d'intérêt national ou international.
Avec l'article 7, le Gouvernement fait un pas de plus vers le désengagement de l'Etat de ses missions d'aménagement et de développement harmonieux des territoires.
En autorisant les collectivités locales à être partie prenante des futures sociétés gérantes d'aérodromes, vous risquez, monsieur le secrétaire d'Etat, de favoriser la concurrence des territoires. Les collectivités seront en effet amenées à s'aligner sur les critères du marché pour attirer les investisseurs privés dont elles ont absolument besoin pour pallier leur absence de moyens, absence que les transferts de charges de l'Etat vers les collectivités ne rendent que plus criants.
Les critères du marché, c'est-à-dire la rentabilité et le retour sur investissement, ne seront malheureusement pas toujours en accord avec ceux des populations riveraines en termes d'environnement et de qualité de la vie.
En outre, cet article 7 intéresse particulièrement les chambres de commerce et d'industrie. En première lecture, M. Gilles de Robien nous disait ainsi que « les CCI pourront, par la création d'une société aéroportuaire, sortir de la précarité ». Elles n'ont apparemment pas dû comprendre l'opportunité que vous leur offriez, car vous avez dû leur donner des garanties : les futures sociétés aéroportuaires seront créées uniquement sur leur initiative.
En effet, les chambres de commerce et d'industrie sont concessionnaires de la gestion des aérodromes régionaux. L'article 7 leur permettra d'être à l'initiative de la création, par l'autorité administrative, d'une société aéroportuaire dont le capital initial est entièrement détenu par des personnes publiques. Il s'agit pourtant, selon moi, d'une clause de pure forme puisque les concessions arriveront toutes à termes d'ici à 2008.
Grâce à ce texte, les concessions détenues par les chambres de commerce et d'industrie pourront, sur leur initiative, être transférées à des sociétés avec une nouvelle échéance maximale de quarante ans. Mais rien n'empêche que ces aéroports soient majoritairement détenus, à terme, par des capitaux privés.
M. de Robien a proposé, devant l'Assemblée nationale de « poser les bases d'un noyau dur public qui associe les CCI, les collectivités qui le souhaitent et l'Etat ». Cela se traduit concrètement par la proposition du Gouvernement de permettre l'acquisition d'au moins 25 % du capital initial des sociétés par les chambres de commerce et d'industrie et de 15 % de ce capital par les collectivités.
Mais que se passerait-il si l'Etat décidait, un jour, de se défaire de ses actions au profit d'actionnaires privés ? Ce sont des choses qui arrivent ! On pourrait alors assister à de nombreuses fermetures de lignes pour ne maintenir que celles dont la rentabilité est garantie.
M. Michel Billout. On assisterait ainsi à une concentration de certaines lignes européennes et internationales sur quelques aéroports bien desservis par des liaisons ferroviaires nationales, provoquant ainsi la mutation d'autres aéroports internationaux en aérodromes régionaux. C'est bien pourquoi M. Bret, qui ne peut être présent parmi nous cet après-midi, s'inquiète de l'avenir de l'aéroport de Marseille-Provence.
Autrement dit, certains aéroports régionaux pourraient être sacrifiés, ce qui aurait de lourdes conséquences économiques pour les régions concernées : les secteurs du commerce, du tourisme et de l'industrie et, par voie de conséquence, l'emploi régional, en subiraient directement les répercussions.
Dès lors, que deviendront les missions d'aménagement du territoire et de service public, d'autant que les clauses des contrats à venir sont renvoyées à un cahier des charges à la rédaction duquel le législateur est, je le constate, totalement exclu ?
A terme, monsieur le secrétaire d'Etat, sur la douzaine de grands aéroports régionaux de notre pays, combien pourront-ils résister ?
Les nouvelles sociétés aéroportuaires, qui seront confrontées à une forte concurrence du TGV, risquent de faire pression sur la masse salariale et d'accroître le recours à la sous-traitance. Elles chercheront à diversifier leur activité au détriment du coeur de leur métier - nous avons les mêmes craintes pour ADP - et de leur vocation aéroportuaire. On peut donc s'interroger sur l'avenir du statut des personnels.
Certes, le projet de loi semble apporter certaines garanties aux personnels puisqu'il prévoit que les agents publics affectés à la concession transférée aux nouvelles sociétés aéroportuaires seront mis à disposition de ces dernières pour une durée de dix ans.
Toutefois, le statut juridique des personnels des aéroports régionaux employés par les chambres de commerce et d'industrie n'est pas homogène : deux tiers de ces agents sont sous statut, 25 % sont titulaires de contrats de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée et 10 % sont couverts par la convention collective des ports autonomes maritimes. C'est le cas, par exemple, de l'aéroport de Marseille-Provence. Le paragraphe III de l'article 7, qui fait référence aux agents publics, ne correspond donc pas à la réalité du terrain.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 37 est présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du premier alinéa du II de cet article, supprimer le mot :
initial.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour défendre l'amendement n° 16.
M. Daniel Reiner. Cet amendement a pour objet de préserver le caractère public des sociétés aéroportuaires, ce qui n'est pas tant l'expression de notre volonté que celle à la fois des CCI et des collectivités locales intéressées.
Si la création des sociétés aéroportuaires ne rencontre pas notre totale hostilité, même si elle complexifie le système, elle nous paraît toutefois, par certains côtés, un peu inquiétante.
Lors de la discussion générale, j'ai dit que vous avez eu la prudence de ne pas faire pour les grands aéroports régionaux ce qui sera fait pour ADP, à savoir le déclassement des biens aéroportuaires. Néanmoins cette création, telle qu'elle est présentée, peut permettre, à terme, de privatiser les grands aéroports de province, ce que nous contestons.
Les aéroports de province, peut-être plus encore qu'ADP, remplissent une fonction très structurante pour l'ensemble des régions concernées, ce qui justifie d'ailleurs l'intérêt qu'y portent les collectivités locales, que ce soient les communes, les départements ou les régions qui, depuis longtemps, participent à leur financement.
Ils ont une fonction structurante pour leur propre région et, globalement, pour l'ensemble du territoire. Ils représentent une condition du développement équilibré du territoire.
Nous considérons qu'une telle mission ne peut être totalement confiée à des intérêts privés. Le politique doit rester maître des décisions qui ont un impact sur l'aménagement du territoire ! D'ailleurs, le système des concessions permet de conserver au politique le rôle essentiel qu'il mérite.
Nombre d'aéroports régionaux doivent leur vitalité aux élus locaux qui se sont mobilisés pour les faire vivre, comme ils l'ont fait pour l'ensemble des infrastructures de communication.
À travers cet amendement, nous vous demandons donc de préserver le caractère public du capital des sociétés aéroportuaires en charge de l'exploitation des grands aéroports de province. Nous ne souhaitons pas, en effet, qu'ils passent sous le contrôle total de grands groupes privés.
Vous avez cité, monsieur le secrétaire d'Etat, des exemples d'aéroports dont la concession a été attribuée à des groupes privés, ce qui n'est pas interdit par le système. Toutefois créer des sociétés aéroportuaires qui seraient totalement privées est autre chose.
Par ailleurs, monsieur le secrétaire d'Etat, permettez-moi de vous poser une question, puisque, à mon avis, vous ne m'avez pas totalement répondu lors de la discussion générale, sur ces fameux aéroports régionaux : existe-t-il des critères objectifs qui fondent leur liste, que nous ne connaissons toujours pas et qui sera fixée par un décret en Conseil d'Etat ? Existe-t-il des critères objectifs qui permettraient à certains de cesser de s'interroger pour savoir s'ils font ou non partie de cette liste, ou de savoir pourquoi ils ne sont pas sur cette liste ?
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 37.
M. Yves Coquelle. M. Reiner s'étant longuement exprimé sur cet article 7, je serai très bref.
L'article 7 a pour objet de transférer les concessions aéroportuaires dont sont actuellement titulaires les chambres de commerce et d'industrie à de nouvelles sociétés, dont il est précisé que le capital initial sera détenu pas des personnes publiques.
Dans la logique des amendements que nous avons défendus depuis tout à l'heure, nous souhaitons que ces sociétés ne puissent pas être privatisées.
Maintenir un capital public dans ces sociétés, c'est se donner les moyens d'une véritable politique d'aménagement du territoire, mais aussi d'emploi et de développement économique à l'échelon régional.
Cet amendement est donc un amendement de repli qui devrait permettre le maintien de capitaux publics au sein de ces nouvelles sociétés.
M. le président. L'amendement n° 17, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Après la première phrase du premier alinéa du II de cet article, insérer une phrase ainsi rédigée :
Le capital de cette société est détenu majoritairement par des personnes publiques.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement a pour objet de préserver le caractère majoritairement public du capital des sociétés aéroportuaires, compte tenu du rôle qu'elles ont à jouer en terme d'aménagement du territoire. A cet égard, permettez-moi de reprendre un certain nombre d'arguments que j'ai utilisés pour défendre l'amendement précédent.
Ainsi, les CCI ont très fortement exprimé leur souhait de préserver le caractère majoritairement public du capital des sociétés aéroportuaires. Les responsables des régions de France que nous avons interrogés n'ont pas une opinion bien arrêtée sur ce sujet. Il est vrai que leur emploi du temps est très chargé en ce moment !
Pour autant, l'association des régions de France - vous le savez, monsieur le secrétaire d'Etat, puisqu'elle a dû vous s'adresser à vous - désire que la place des collectivités territoriales soit assurée, si elles le souhaitent, dans le capital des futures sociétés aéroportuaires, dans une proportion telle que cela leur permette de jouer un rôle réel.
Le Gouvernement a annoncé qu'il y aurait un noyau dur public constitué pour l'essentiel par les CCI, les collectivités locales et l'Etat. M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, a détaillé ce noyau dur public à l'Assemblée nationale : 25 %, soit un quart du capital initial, aux CCI, et 15 % pour les collectivités locales. Très honnêtement, je ne comprends pas bien la raison de cette répartition. Pourquoi plus pour les CCI que pour les régions ? Quoi qu'il en soit, si elles veulent y jouer un rôle déterminant, il faut qu'elles soient majoritaires au sein du capital.
Voilà la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 18 rectifié, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
A la fin de la première phrase du premier alinéa du III de cet article, remplacer les mots :
dix ans
par les mots :
quinze ans
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement a pour objet d'apporter des garanties supplémentaires aux personnels des CCI qui seront mis à la disposition des nouvelles sociétés de gestion aéroportuaires et pour lesquels a été fixé un délai de dix ans au-delà duquel il faudra qu'ils choisissent ou de réintégrer la CCI ou d'adopter un nouveau statut qui n'est pas déterminé pour l'instant.
A la demande des personnels des CCI, et en référence au projet de loi relatif à la régulation des activités postales, selon lequel « les fonctionnaires en activité à La Poste peuvent, avec leur accord, être mis à la disposition, le cas échéant à temps partiel, de l'établissement de crédit [...] et des sociétés dont il détient directement ou indirectement la majorité du capital pour une durée maximale de quinze ans », nous pourrions retenir ici cette durée de quinze ans, qui offrirait une perspective pour des personnes qui se trouvent en fin de carrière, voire en milieu de carrière.
Nous vous proposons donc d'allonger ce délai de dix ans à quinze ans. Il me semble d'ailleurs que les CCI ne seraient pas opposés à cette idée. Un gros effort a en effet été réalisé en leur faveur, puisque les durées de concession ont été prolongées jusqu'à un maximum de quarante ans. Ce qui est fait pour les CCI, afin de leur offrir des perspectives et une vision à long terme de la planification de leurs investissements, faisons-le pour les personnels mis à disposition !
Voilà la raison pour laquelle, défendant ces personnels, je propose de faire passer cette durée de dix à quinze ans.
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le IV de cet article, remplacer les mots :
trois ans
par les mots :
deux ans
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. L'Assemblée nationale a prévu qu'une convention collective nationale serait négociée dans un délai de trois ans. Parce que les personnels ont envie de savoir clairement ce qu'il en est, nous proposons de réduire ce délai à deux ans.
Tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez dit que la négociation devait commencer « d'urgence ». Traduisons cette urgence : nous sommes certainement capables de mettre en place - cela ne représente pas tant de personnes ! - une convention collective beaucoup plus rapidement, ce qui permettrait effectivement aux personnels de voir plus clair en ce qui concerne la suite de leur carrière.
J'ajoute que c'est ce même délai que le Parlement a retenu lorsque la convention collective pour la nouvelle société Air France a été mise en place. Pourquoi, s'agissant également de transport aérien, ne retiendrions-nous pas ce délai ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je rappelais ce matin, lors de la discussion générale, les trois grands axes de ce projet de loi. Le premier est la modification du statut d'ADP, que nous venons d'évoquer. Le deuxième concerne l'évolution des aéroports régionaux, qu'il s'agit de favoriser.
Nous sommes au coeur de ce dispositif avec l'article 7, qui est suffisamment explicite pour qu'il ne soit pas utile d'en rajouter.
Tout d'abord, à propos de l'amendement n° 36 de nos collègues du groupe CRC, je ne suis pas sûr que cela serve à quoi que ce soit de diaboliser systématiquement un projet de loi ou un article. Pourquoi imaginer le pire, pourquoi penser qu'un article peut conduire à la catastrophe alors que, finalement, rien ne permet de justifier cette diabolisation ?
En ce qui concerne l'opportunité offerte aux chambres de commerce de demander elles-mêmes des modifications, je rappelle que les échéances sont complètement disparates selon les aéroports. Ainsi, l'échéance court jusqu'à 2017 pour Marseille et Strasbourg, jusqu'à 2009, me semble-t-il, pour Saint-Denis de la Réunion, jusqu'à 2008 pour Pointe-à-Pitre, jusqu'à 2010 pour Fort-de-France, etc. Il y a donc là des opportunités offertes aux chambres de commerce d'intervenir avant l'échéance de la concession.
C'est la raison pour laquelle donner l'initiative aux chambres de commerce n'a absolument rien en soi de diabolique, ni même de dangereux. De plus, les chambres de commerce et les collectivités auront largement la possibilité de réfléchir, d'intervenir et de demander à anticiper les échéances.
La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 36.
De même, la commission émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 16 et 37. Il faut pouvoir moderniser la gestion des aéroports et permettre le financement de leur développement tout en conservant un rôle prépondérant aux chambres de commerce et d'industrie, qui sont les opérateurs historiques. Ces dernières sont d'ailleurs elles-mêmes regroupées dans un organisme, l'Union des chambres de commerce et établissements gestionnaires d'aéroport, l'UCCEGA, et, entre elles, elles pratiquent des échanges de technologies, d'expériences. Elles connaissent donc très bien la situation.
Il est toutefois nécessaire d'assouplir le dispositif. Prenons l'exemple de l'évolution du transport de fret : voilà quelques années, le « combi » transportait à la fois des passagers et du fret. Aujourd'hui, compte tenu de l'explosion des échanges, de la croissance de la Chine et de celle de l'Inde, le fret dédié augmente. Qui aurait parié, jadis, sur la réussite de l'aéroport de Vatry, dédié au fret ? Dieu sait si, au moment de la naissance de cette plate-forme, ceux qui misaient un euro ou un centime d'euro sur sa réussite étaient rares !
Aujourd'hui, la situation est similaire pour d'autres aéroports. Il faut donc que nous puissions faire évoluer nos modes de gestion, pour que les aéroports régionaux puissent se développer de toutes les façons possibles et imaginables.
Tout à l'heure M. Angels rappelait les péripéties du troisième aéroport. Mais la décongestion du fret sur d'autres aéroports va dans le sens souhaité d'une diminution du nombre des mouvements liés au fret sur des plates-formes qui sont d'ores et déjà elles-mêmes très engorgées, ou en tout cas un peu contraintes, et qui fonctionnent au maximum de leurs capacités aéroportuaires !
Nous offrons en l'occurrence à des plates-formes aéroportuaires régionales la possibilité de défendre leurs chances soit avec le fret, soit avec le trafic de passagers, donc de croître et, peut-être, de soulager d'autres plates-formes.
Bref, il serait dommage de se priver de la souplesse de gestion et d'adaptation de ces plates-formes aéroportuaires et, je le disais, cela irait à l'encontre de l'intérêt général.
Les amendements n° 16 et 37 visent à interdire l'ouverture du capital des nouvelles sociétés aéroportuaires chargées de gérer les aéroports régionaux, conformément à la philosophie qui anime leurs auteurs. On comprendra que je ne fasse pas de longs développements sur celle qui sous-tend nos décisions ! La commission est donc défavorable à ces amendements.
Par ailleurs, monsieur Reiner, imposer la détention majoritaire du capital par des personnes publiques, comme tend à le faire l'amendement n° 17, est quelque peu contraire à la fois au principe de la décentralisation et à la Constitution même ! Personne ne peut exercer véritablement de tutelle sur une collectivité, qui n'est tenue de respecter que la légalité !
Si une région veut être majoritaire dans le capital d'un aéroport régional, la décision lui appartient ! Pourquoi l'imposer systématiquement à celles qui ne le souhaiteraient pas ? Certains conseils régionaux s'engageront à fond dans ce dispositif, d'autres estimeront que ce n'est pas leur rôle et qu'il vaut mieux laisser la place aux opérateurs historiques associés à des capitaux privés. Et n'oublions pas que, par ailleurs, comme l'a rappelé M. le secrétaire d'Etat tout à l'heure, l'Etat continue de jouer son rôle.
L'amendement n° 18 rectifié vise à porter de dix ans à quinze ans le délai accordé aux personnels pour choisir leur statut, et vous avez fait référence, monsieur Reiner, à une disposition du projet de loi relatif à la régulation des activités postales. Mais proposer aux salariés de La Poste d'aller vers un établissement bancaire postal, c'était une nouvelle donne, c'était un changement profond d'activité, et il était normal de leur laisser ce temps pour prendre leur décision.
Au contraire, les salariés des CCI qui travaillent aujourd'hui sur les plates-formes aéroportuaires ne quitteront pas leur métier : ils resteront sur la plate-forme aéroportuaire. Pourquoi porter à quinze ans le délai accordé pour choisir leur statut ? Honnêtement, monsieur Reiner - je vous le dis en toute amitié -, cela ne change rien !
M. Daniel Reiner. Cela donne cinq ans de plus !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Mais ils savent de quels métiers il s'agit, ils les exercent déjà ! En dix ans, ils ont tout de même largement le temps de se refaire une philosophie, s'ils ne se la sont pas déjà faite.
L'amendement n° 19 a un objet symétrique, puisqu'il vise à réduire de trois ans à deux ans le délai de négociation des conventions collectives, en s'appuyant sur l'exemple d'Air France.
Si un délai de deux ans a été imposé à Air France, c'est parce qu'il s'agissait d'une entreprise ayant sa propre culture. Dans le cas qui nous occupe aujourd'hui, il s'agit d'un changement de nature, il s'agit de passer des CCI, qui sont des établissements publics, à des sociétés aéroportuaires.
Il est d'autant moins choquant de prolonger le délai d'un an que c'est là un maximum : personne n'interdit à quiconque de mener la négociation plus rapidement, et nous souhaitons tous que cela aille le plus vite possible. Au demeurant, « ce qui se conçoit bien s'énonce clairement et les mots pour le dire arrivent aisément ». Je suis persuadé que, dans cet esprit, les délais maximaux qui sont proposés ne seront pas forcément utilisés. L'avis de la commission est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. L'avis du Gouvernement sur les amendements nos 36, 16, 37, 17, 18 rectifié et 19 est également défavorable. (M. Daniel Reiner proteste.)
Monsieur Billout, vous avez évoqué des fermetures de ligne liées au changement de statut de l'exploitant. Cela n'a strictement rien à voir ! (M. Jean Desessard s'exclame.) Les lignes sont exploitées par des compagnies aériennes, et ce n'est pas le rôle de l'aéroport que de décider quelle ligne le desservira. Quant aux obligations de service public, elles sont du ressort de l'Etat, qui les finance : c'est vraiment un autre sujet.
Tout au contraire, je crois que des sociétés dynamisées auront à coeur de développer le trafic, et donc d'essayer d'attirer de nouvelles compagnies et de nouvelles lignes.
Sur le fond de l'article 7, qui traite de la création des sociétés aéroportuaires, je crois utile de rappeler la situation actuelle. Elle est extrêmement simple : à l'échéance de la concession, l'Etat lance un appel d'offres, examine les offres et peut choisir de déposséder immédiatement la chambre de commerce gestionnaire pour attribuer l'exploitation de l'aéroport à telle ou telle entreprise qui aura présenté une offre jugée préférable. Le droit positif en vigueur se caractérise donc par une certaine brutalité, à laquelle nous entendons mettre fin par la solution originale, intéressante, qu'ont initialement avancée les chambres de commerce elles-mêmes, à savoir par la création de sociétés aéroportuaires.
Il est vrai que c'est une solution pragmatique, comme l'est l'ensemble du projet de loi.
Pour des raisons évidentes, nous ne pouvons pas d'emblée dessiner précisément les lignes, notamment s'agissant de la composition du capital.
Mme Michaux-Chevry, ce matin, a évoqué les aéroports des départements d'outre-mer : on comprend bien que, pour des raisons qu'elle a d'ailleurs fort éloquemment évoquées, l'intérêt stratégique, le caractère vital des aéroports pour ces départements amèneront sans aucun doute l'Etat à rester davantage présent dans le capital des sociétés aéroportuaires si les chambres de commerce prennent l'initiative d'en demander la création.
Dans d'autres cas, en particulier s'il faut réaliser de très gros investissements - je pense notamment au nouvel aéroport qui doit être construit à Nantes -, il peut être de l'intérêt des acteurs locaux que la loi ouvre différentes possibilités afin qu'ils puissent choisir entre, d'une part, des modes de gestion voisins de ceux que l'on connaît aujourd'hui, caractérisés par la place prépondérante de la chambre de commerce, avec des financements essentiellement publics, et, d'autre part, une plus grande ouverture du capital leur permettant d'obtenir plus rapidement un financement provenant du privé.
Nous ne savons pas quelles seront les solutions retenues. Mais comment faire pour que ces possibilités existent ? Il faut pour cela adopter un texte qui comporte des marges de souplesse, des marges d'ouverture. Il est de bon sens de légiférer de cette manière, car c'est la seule façon de répondre à des situations qui, en effet, sont très différentes d'un grand aéroport de notre pays à l'autre, que ce soit outre-mer ou en métropole.
Quant à la fameuse liste des aéroports concernés, Gilles de Robien l'a citée tout à fait explicitement à l'Assemblée nationale. Ce sont, pour la métropole, les aéroports de Nice, Lyon, Marseille, Strasbourg, Toulouse, Bordeaux, Montpellier et Nantes. Je précise qu'à Nice est rattaché Cannes ; à Lyon, Lyon-Bron ; à Marseille, Aix-Les-Milles ; à Nantes, Saint-Nazaire, puisque, aujourd'hui, la gestion est commune. Outre-mer, on trouve Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Saint-Denis de la Réunion et Cayenne.
Quels ont été les critères de choix ? Tout simplement l'importance du trafic de ces plates-formes aéroportuaires, c'est-à-dire leur importance absolue, et leur importance relative dans la région où elles se situent. En croisant ces deux critères, le choix devenait évident.
Naturellement, nous aurions pu en retenir vingt, trente, quarante... et considérer comme d'importance nationale des aéroports qui ne figurent pas dans la liste qui a été arrêtée. Tout peut se défendre ! En l'occurrence, nous avons choisi des plates-formes d'une taille certaine, qui ont sur leur région un impact absolument incontestable et qui constituent des équipements d'importance régionale et nationale par leur rôle en termes d'aménagement du territoire.
Pour Aéroports de Paris, nous avons souhaité conserver la propriété du foncier, de sorte que l'Etat reste maître du jeu quelle que soit l'évolution du capital.
Pour ce qui est de la composition du capital elle-même, je crois avoir rappelé ce matin quelles étaient les intentions du Gouvernement et, à l'instant, quelle serait la diversité des approches suivant les situations. Il est clair que les chambres de commerce, qui sont aujourd'hui concessionnaires et qui, en quelque sorte, apportent leur concession à la nouvelle société pour la durée résiduelle, ont un droit, que nous reconnaissons, à bénéficier d'une participation très significative au capital. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé que celle-ci serait au moins égale à 25 %.
Les collectivités territoriales n'ont aujourd'hui absolument aucun pouvoir sur les aéroports régionaux, sauf celui de les financer, ce qui n'est pas négligeable. Par conséquent, nous pensons tout à fait légitime de prévoir leur entrée au capital ; 15 % est effectivement une part inférieure à celle des CCI, mais les collectivités sont présentes depuis moins longtemps dans la gestion. Naturellement, leur montée en puissance est tout à fait envisageable et rien, à ce stade, n'est figé.
A propos du délai de dix ans fixé pour le choix de leur statut par les personnels, le rapporteur a avancé des arguments qui peuvent être parfaitement compris par chacune et chacun d'entre vous. La situation est évidemment très différente de celle de La Poste, qui est une très grande entreprise et qui gère ses effectifs sur le long terme. Les chambres de commerce n'ont pas les mêmes possibilités, et dix ans me paraissent largement suffisants pour choisir l'une ou l'autre option.
Enfin, pourquoi prévoir un délai de trois ans pour la négociation de la convention collective ? Là encore, le rapporteur l'a exposé très pertinemment : Air France est une entreprise qui avait déjà une tradition de discussion sociale, alors qu'aujourd'hui nous sommes confrontés à une pluralité de situations.
Notre objectif, qui est aussi celui des organismes gestionnaires actuels, est d'aboutir le plus rapidement possible. D'ores et déjà, les dossiers ont été préparés et les discussions pourront s'engager dès l'entrée en vigueur de la loi pour ne pas perdre de temps sur ce point, qui est évidemment extrêmement important pour l'ensemble des personnels concernés.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 37.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 7.
(L'article 7 est adopté.)
Article additionnel après l'article 7
M. le président. L'amendement n° 42 rectifié, présenté par MM. Détraigne, J. Boyer et Soulage, est ainsi libellé :
Après l'article 7, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Dans le premier alinéa du I de l'article 28 de la loi n° 2004-809 du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, après les mots : « groupements » sont insérés les mots : « qui en font la demande ».
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Le premier paragraphe de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales pose le principe du transfert aux collectivités territoriales et à leurs groupements de la propriété, de l'aménagement, de l'entretien et de la gestion des aérodromes civils appartenant à l'Etat. Ce transfert doit intervenir au plus tard le 1er janvier 2007.
Le deuxième paragraphe de ce même article prévoit expressément que toute collectivité territoriale ou tout groupement de collectivités territoriales peut prendre en charge l'aménagement, l'entretien et la gestion d'un ou de plusieurs de ces aérodromes lorsqu'elles en font la demande.
S'agissant du transfert de propriété prévu au premier paragraphe, rien ne vient préciser que les collectivités ne bénéficient de ce transfert que lorsqu'elles en font la demande, ce qui peut provoquer des situations particulièrement contraignantes, notamment pour des petites communes qui se verraient engagées dans une procédure de transfert en dépit de l'absence de toute manifestation de leur volonté et qui devraient en conséquence assumer les coûts d'entretien et de gestion des infrastructures, souvent disproportionnés par rapport à leurs moyens.
La propriété d'un tel ouvrage public entraînant des conséquences particulièrement lourdes, l'amendement n° 42 rectifié vise à préciser que le transfert d'un aérodrome est destiné aux collectivités qui le désirent.
Certes, pour vous avoir écouté ce matin, monsieur le secrétaire d'Etat, il me semble clair qu'une procédure de concertation est prévue. Il nous paraît toutefois utile, d'une part, de lever toute ambiguïté quant à la volonté du législateur et, d'autre part, de rappeler le principe d'une préalable et nécessaire concertation avant toute décentralisation.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La lecture de la disposition contenue dans la loi d'août 2004 fait apparaître que, à l'évidence, ce sont les régions qui doivent être in fine destinataires de la responsabilité des plates-formes aéroportuaires.
Cependant, la commission a jugé qu'il serait utile d'entendre l'avis du Gouvernement sur cet amendement : les choses seront ainsi précisées, ce qui, j'en suis persuadé, ne sera inutile pour aucun des membres de cette assemblée.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. L'échange que provoque votre intervention, monsieur Soulage, est très utile, car il nous permet, en effet, de préciser les conditions dans lesquelles le transfert de compétence et de propriété des aéroports vers les collectivités territoriales doit être organisé.
Comme vous l'avez souhaité, c'est la concertation qui doit prévaloir. Elle s'organisera sous l'égide du préfet, en l'occurrence du préfet de région. Celui-ci interrogera les collectivités territoriales pour connaître leurs intentions et il appartiendra, bien sûr, à l'Etat de trancher s'il y a plusieurs demandes.
Imaginons qu'une région, un département, un groupement de communes, sollicitent l'attribution d'une compétence sur un aéroport. Ce sera à l'Etat, qui est aujourd'hui le détenteur de l'autorité, de prendre la décision.
Cette concertation sera accompagnée d'une présentation des aéroports ou des aérodromes en question, de leurs caractéristiques, des conditions de leur exploitation, de sorte que le choix des collectivités se fasse en pleine lumière.
Votre interrogation vient, me semble-t-il, d'une « maladresse préfectorale », si je puis dire. Dans un département donné, on a en effet pu laisser penser que l'Etat forcerait la main d'une commune, qui n'était pas volontaire, pour la reprise d'un aérodrome.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je le dis très clairement, il n'est pas question de contraindre une collectivité à prendre la responsabilité d'un aérodrome. Cela ne peut se faire que sur la base du volontariat. Comment imposer à une collectivité un équipement qu'elle ne veut pas ? Sa réaction pourrait être en effet de fermer l'aérodrome ! Et c'est précisément ce que nous ne souhaitons pas, car l'ensemble des aérodromes dans notre pays ont une utilité : commerciale pour les plus grands, impact économique souvent réel pour l'aviation d'affaires, même si le trafic est relativement faible. Mais je pense également à l'aviation de loisir, à l'aviation légère, au parachutisme et à toutes ces activités sportives qui sont appréciées de plusieurs dizaines de milliers de nos compatriotes.
Dans ces conditions, monsieur le sénateur, en retirant votre amendement vous me donneriez acte de la clarté des positions du Gouvernement.
M. le président. Monsieur Soulage, l'amendement est-il maintenu ?
M. Daniel Soulage. Monsieur le secrétaire d'Etat, il s'agissait presque pour moi de vous poser une question d'actualité. Nous avions déjà abordé ce sujet ce matin, et je pense qu'il était utile d'y revenir ce soir.
Je vous remercie de la clarté de votre propos et je retire mon amendement.
M. le président. L'amendement n° 42 rectifié est retiré.
M. Daniel Reiner. Je le reprends, monsieur le président.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° 42 rectifié bis.
Je vous donne la parole pour le défendre, monsieur Reiner.
M. Daniel Reiner. La réponse de M. le secrétaire d'Etat est une réponse de bon sens.
Toutefois, permettez-moi de rappeler les termes de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 : « En l'absence de demande à la date du 1er juillet 2006,... » - or nous ne sommes pas le 1er juillet 2006, il reste encore plus d'un an, et d'autres cas pourraient donc se poser -, « ... le représentant de l'Etat dans la région désigne, en application des mêmes critères, le bénéficiaire du transfert. »
Cela signifie que, si aucune collectivité n'a fait acte de candidature, le préfet désignera l'une d'entre elles. Certes, il la choisira intelligemment : si l'aéroport est d'intérêt régional, il désignera la région, si l'aéroport est d'intérêt départemental, il désignera le département, et s'il est d'intérêt purement local, il le proposera à la commune ou au groupement de communes. Mais son choix s'imposera !
On peut espérer que, d'ici au 1er juillet 2006 un consensus aura été trouvé, mais connaissant la France, ses collectivités, ses citoyens, il se peut qu'à un moment donné on impose une infrastructure à une collectivité qui ne le souhaite pas.
Il vaudrait donc mieux préciser les choses par écrit dès maintenant. Tout le reste est littérature !
M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Si l'on adoptait cet amendement, ce serait un non-sens juridique. Le préfet ne peut en aucune manière, même dans les départements d'outre-mer, imposer des directives à une collectivité : les collectivités, aux termes de la Constitution, s'administrent librement !
Que se passera-t-il en l'absence de demande ? Le préfet pourra désigner un bénéficiaire, par exemple une chambre de commerce et d'industrie. Mais il ne pourra s'agir d'une collectivité, car les collectivités s'administrent librement.
La réponse de M. le secrétaire d'Etat est claire à cet égard et il me paraît inutile d'inscrire dans la loi ce que la Constitution garantit déjà.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Ce sujet est tout à fait important. J'ai lu la loi, et elle prévoit bien que le préfet désignera le bénéficiaire.
A l'évidence, on ne respecte pas ici l'esprit de la Constitution et de la libre administration des collectivités locales !
Mme Lucette Michaux-Chevry. Je ne peux pas accepter qu'un parlementaire affirme qu'une loi l'emporte sur la Constitution !
M. Daniel Reiner. Ce n'est pas moi qui le dis !
Mme Lucette Michaux-Chevry. La Constitution prévoit de façon très claire que les collectivités s'administrent librement. La loi ne peut pas être plus forte que la Constitution ! Le préfet peut désigner un bénéficiaire, mais il ne peut s'agir d'une collectivité.
M. le président. Monsieur le rapporteur, pouvez-vous nous confirmer l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.
M. le président. Et le Gouvernement, monsieur le secrétaire d'Etat ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement y est également défavorable.
Il y a dans la vie locale des subtilités qui peuvent amener une collectivité à ne pas être explicitement candidate, tout en souhaitant que le préfet, en s'appuyant sur ce texte, lui attribue la compétence en question.
Quoi qu'il en soit, les préfets sont sous l'autorité du Gouvernement et j'ai très clairement expliqué les intentions du Gouvernement ; elles ne changeront pas sur ce sujet qui est sensible et qui relève, comme l'a dit Mme Michaux-Chevry, de l'autonomie des collectivités territoriales.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42 rectifié bis.
(L'amendement n'est pas adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENSEMBLE DES AÉROPORTS
Article 8 A
Le titre II du livre II du code de l'aviation civile est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« CHAPITRE VIII
« Commission consultative aéroportuaire
« Art. L. 228-1. - La Commission consultative aéroportuaire est placée auprès du ministre chargé de l'aviation civile qui la consulte lors de la préparation des contrats mentionnés au II de l'article L. 224-2, notamment sur les programmes d'investissement, les objectifs de qualité de service et l'évolution des redevances pour services rendus. Elle rend un avis motivé dans le mois qui suit la demande.
« Elle peut également émettre, à la demande de ce ministre, des avis sur toute question relative à l'économie du secteur aéroportuaire.
« Les avis émis par la commission sont rendus publics.
« Elle auditionne, à son initiative ou à leur demande, les exploitants d'aérodromes, les transporteurs aériens, leurs organisations professionnelles et toute autre personne morale qu'elle juge compétente ou concernée.
« Art. L. 228-2. - I. - La Commission consultative aéroportuaire comprend sept membres nommés pour une durée de cinq ans.
« II. - Elle se compose :
« - d'une personne désignée par le Président de l'Assemblée nationale ;
« - d'une personne désignée par le Président du Sénat ;
« - d'un membre ou ancien membre du Conseil d'Etat désigné par le vice-président du Conseil d'Etat ;
« - d'un membre ou ancien membre de la Cour des Comptes désigné par le Premier président de la Cour des Comptes ;
« - de trois personnalités choisies par le ministre chargé de l'aviation civile et par le ministre chargé de l'économie en raison de leur compétence en matière de transport aérien et d'aviation civile, dont une au moins est spécialiste de l'économie du transport aérien.
« III. - Le président est choisi au sein de la commission par le ministre chargé de l'aviation civile.
« Sa voix est prépondérante en cas de partage des voix.
« IV. - Le mandat des membres de la commission est renouvelable une fois. »
M. le président. Je suis saisi de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 20, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement tend à supprimer l'article 8 A, qui est important et qui est presque l'enfant de notre rapporteur. Et comme, ce matin, piqué au vif, il a montré ses talents de chanteur à Mme Luc, à quoi peut-on s'attendre ? Après l'aubade de ce matin, aurons-nous droit à la sérénade ? (Sourires.)
Le Sénat, en première lecture, a souhaité la création d'une commission de conciliation aéroportuaire, devenue, après l'examen de ce texte à l'Assemblée nationale, la « commission consultative aéroportuaire ».
La création de cette commission aux compétences floues et parfois redondantes avec celles des commissions consultatives économiques est justifiée par le fait qu'il y aurait conflit d'intérêt au sein de l'Etat entre ses fonctions de régulateur et d'actionnaire.
Les auteurs de cet amendement ne partagent pas cette analyse et proposent la suppression de cette commission préfigurant la création d'une énième autorité dite « indépendante », privant l'Etat de compétences essentielles en matière de transport aérien.
La composition de cette commission ne nous sied pas, tant dans la version de l'Assemblée nationale que dans la version initiale de notre rapporteur. En effet, aucun représentant des collectivités locales ni des usagers n'y est expressément prévu.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Le titre II du livre II du code de l'aviation civile est complété par un chapitre VIII ainsi rédigé :
« Chapitre VIII
« Commission de conciliation aéroportuaire
« Art. L. 228-1. - La commission de conciliation aéroportuaire est placée auprès du ministre chargé de l'aviation civile qui la consulte lors de la préparation des contrats mentionnés au II de l'article L. 224-2 , notamment sur les hypothèses de trafic, les programmes d'investissements, les objectifs de qualité de service et l'évolution des redevances pour services rendus. Elle rend un avis motivé dans le mois qui suit la demande.
« Elle est saisie à la même fin par les exploitants d'aérodromes, les compagnies aériennes et leurs organisations professionnelles.
« Elle peut également émettre, à la demande du ministre, des avis sur toute question relative à l'économie du secteur aéroportuaire.
« Art. L. 228-2. I.- La Commission de conciliation aéroportuaire comprend sept membres nommés pour une durée de six ans.
« II.- Elle se compose :
« - d'une personne désignée par le Président de l'Assemblée nationale ;
« - d'une personne désignée par le Président du Sénat ;
« - d'un membre ou ancien membre du Conseil d'Etat désigné par le Vice-président du Conseil d'Etat ;
« - d'un membre ou ancien membre de la Cour de Cassation désigné par le Premier président de la Cour de Cassation ;
« - d'un membre ou ancien membre de la Cour des Comptes désigné par le Premier président de la Cour des Comptes ;
« - de deux personnalités choisies par le ministre chargé de l'aviation civile en raison de leur compétence en matière de transport aérien et d'aviation civile, dont une au moins est spécialiste de l'économie du transport aérien.
« III. - Le président est choisi par le ministre chargé de l'aviation civile parmi les membres ou anciens membres du Conseil d'Etat, de la Cour de Cassation ou de la Cour des Comptes.
« Sa voix est prépondérante en cas de partage des voix.
« IV.- Le mandat des membres de la Commission est renouvelable une fois. »
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Permettez-moi d'attirer l'attention du Sénat sur la portée de cet article 8 A tel qu'il a été introduit ici en première lecture et tel qu'il a été modifié par l'Assemblée nationale.
Monsieur Desessard, vous avez bien voulu dire que c'était mon enfant : je le reconnais, et je suis prêt à le porter sur tous les fonts baptismaux républicains.
Cette proposition était fondée sur notre expérience au sein du Conseil supérieur de l'aviation marchande et sur notre connaissance des milieux du transport aérien.
Avec cet article 8 A, il s'agit de créer une enceinte où les différentes logiques économiques trouveront un terrain d'entente.
Aéroports de Paris sort d'une certaine culture pour aller vers une autre culture, et l'adoption de ce projet de loi lui conférera une logique économique.
Parallèlement, les compagnies, notamment la grande compagnie nationale qu'est Air France, évoluent, et il peut y avoir, à un moment où à un autre, des divergences, et même des conflits d'intérêt.
C'est pourquoi nous avons proposé la création d'une commission de conciliation, qui permettra de trouver une solution aux conflits non pas d'usage mais d'intérêt économique.
Qu'il me soit simplement permis de rappeler que, quelques jours après l'adoption de ce texte en première lecture, l'augmentation des redevances perçues par Aéroports de Paris a été envisagée, et Air France a crié à l'assassinat. J'ai même lu, dans La Tribune, que le Sénat avait eu en quelque sorte « le nez long » en proposant cette commission de conciliation.
Si la loi avait été votée à l'époque, la commission de conciliation aurait été saisie et on aurait probablement trouvé une solution au conflit.
Quoi qu'il en soit, ce n'est pas au Gouvernement de régler ce type de conflit, alors que des instances telles que celle dont nous proposions la création doivent pouvoir le faire.
J'ai rappelé ce matin, lors de la discussion générale, quel était notre état d'esprit : si nous vous proposons de rétablir le texte de l'amendement n° 2, c'est parce que la rédaction de l'Assemblée nationale ne nous paraît pas prendre en compte deux objectifs qui nous semblent tout à fait fondamentaux.
En premier lieu, nous souhaitons privilégier un dispositif de conciliation plutôt que de consultation, précision qui semble absente de la rédaction adoptée par l'Assemblée nationale.
En second lieu, nous souhaitons revenir sur la composition de la commission, qui fait d'ailleurs l'objet de plusieurs amendements. En effet, le texte adopté par le Sénat en première lecture faisait notamment référence à la présence de trois membres « issus respectivement du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, de la Cour des comptes ». Et nous souhaitons également maintenir la présence de la représentation nationale, car le Sénat et l'Assemblée nationale ont une légitimité toute particulière pour défendre les intérêts du peuple français. Par conséquent, je ne vois pas pourquoi cette présence serait remise en cause.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous présentons de nouveau cet amendement en deuxième lecture. Nous attendons, bien évidemment, d'entendre à ce sujet les explications de M. le secrétaire d'Etat.
M. le président. Le sous-amendement n° 24, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans les quatrième, cinquième et sixième alinéas du II du texte proposé par l'amendement n° 2 pour l'article L. 228-2 du code de l'aviation civile, supprimer les mots :
ou ancien membre
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. S'agissant de questions aussi importantes que la gestion et l'exploitation des aérodromes, la représentation des grands corps de l'Etat doit être assurée par des fonctionnaires en activité.
M. Daniel Reiner. Eh oui !
M. le président. Le sous-amendement n° 25, présenté par MM. Angels, Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I - Remplacer le dernier alinéa du II du texte proposé par l'amendement n° 2 pour l'article L. 228-2 du code de l'aviation civile par trois alinéas ainsi rédigés:
« - d'un représentant des collectivités territoriales ;
« - d'une personnalité choisie par le ministre chargé de l'aviation civile en raison de ses compétences en matière de transport aérien et d'aviation civile ;
« - d'un représentant d'une association nationale représentative des usagers du transport et des intérêts des riverains.
II - En conséquence, dans la première phrase du I du texte proposé par l'amendement n° 2 pour l'article L. 228-2 du code de l'aviation civile, remplacer le chiffre :
sept
par le chiffre :
huit
La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Nous souhaitons accorder aux représentants des associations de riverains et des collectivités locales la place qu'ils méritent dans le dispositif prévu.
Compte tenu des missions de la future commission consultative aéroportuaire, telles que décrites à l'article L. 228-1 du code de l'aviation civile, eu égard notamment à son rôle de contrôle et d'évaluation du secteur aéroportuaire national, il nous semble juste d'institutionnaliser une telle présence.
M. le président. Le sous-amendement n° 23, présenté par MM. Reiner, Desessard, Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par l'amendement n° 2 pour l'article L. 228-1 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé :
« Elle auditionne, à son initiative ou à leur demande, les exploitants d'aérodromes, les transporteurs aériens, leurs organisations professionnelles, les collectivités territoriales et leurs groupements concernés ainsi que toute autre personne morale qu'elle juge compétente ou concernée.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous souhaitons réintroduire une disposition figurant dans la rédaction actuelle de l'article 8 A, tout en précisant explicitement que les élus locaux peuvent être auditionnés à leur demande.
En effet, nous ne comprenons pas pourquoi la commission n'a pas repris cet alinéa dans son amendement.
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par MM. Angels, Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 228-1 du code de l'aviation civile, après les mots :
organisations professionnelles
insérer les mots :
, les représentants des collectivités territoriales et de leurs groupements concernés
La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Toujours dans le même état d'esprit, nous souhaitons que les élus locaux puissent être, comme les autres membres de la commission, auditionnés à leur demande.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
I. Après le cinquième alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 228-2 du code de l'aviation civile, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« - d'un président d'une communauté aéroportuaire ;
II. En conséquence, dans le I du même texte, remplacer le chiffre :
sept
par le chiffre :
huit
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L'article 8 A instaure une commission consultative aéroportuaire dont les attributions se situent bien en deçà des souhaits de la commission des affaires économiques du Sénat, laquelle avait fait adopter, en première lecture, un amendement tendant à créer une commission de conciliation aéroportuaire - M. le rapporteur s'est exprimé à ce sujet -, ouvrant la voie à la création d'une autorité de régulation.
Nous reconnaissons là la manière d'agir habituelle du Gouvernement, qui décide de se dessaisir de ses compétences en confiant à des experts la définition des politiques publiques.
En tout état de cause, les communautés aéroportuaires ne sauraient être ignorées dans la composition de cette commission, dont les compétences seront malgré tout relativement importantes même si elle ne délivrera que des avis.
Si le Gouvernement accorde un minimum de confiance à la loi portant création des communautés aéroportuaires, dont il est lui-même à l'origine, nous ne comprenons pas pourquoi il n'en fait nullement état dans un texte qui transforme un établissement aussi stratégique pour la puissance publique et l'aménagement du territoire.
ADP, même devenu société anonyme, ne peut-être tenu à l'écart des questions de gouvernance aéroportuaire ; en contrepartie, les conseils d'administration des communautés aéroportuaires ne peuvent se désintéresser du devenir d'Aéroports de Paris, quel que soit son statut. Il en va d'ailleurs de même pour les aéroports régionaux.
Pourtant, le Gouvernement a bien pris soin de séparer les deux entités sans jamais créer aucun lien, ne serait-ce que pour envisager un échange d'informations. Et je regrette, pour ma part, que la question d'ADP n'ait pas été posée dans les problèmes plus généraux de gouvernance aéroportuaire.
Ainsi, il nous paraît important qu'un président d'une communauté aéroportuaire puisse être membre de la commission consultative aéroportuaire.
M. le président. L'amendement n° 22, présenté par MM. Angels, Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Remplacer le dernier alinéa du II du texte proposé pour l'article L. 228-2 du code de l'aviation civile par trois alinéas ainsi rédigés:
« - d'un représentant des collectivités territoriales ;
« - d'une personnalité choisie par le ministre chargé de l'aviation civile en raison de ses compétences en matière de transport aérien et d'aviation civile ;
« - d'un représentant d'une association nationale représentative des usagers du transport et des intérêts des riverains.
La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Cet amendement a le même objet que le sous-amendement n° 25 que je viens de défendre.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 228-2 du code de l'aviation civile, ajouter un article ainsi rédigé:
« Art. L. ... - La commission consultative aéroportuaire peut être saisie par une collectivité territoriale concernée par l'activité aéroportuaire en cas de litige l'opposant à la société Aéroports de Paris »
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Nous souhaitons reconnaître l'importance du rôle des collectivités territoriales riveraines d'un aéroport en leur donnant la possibilité de s'exprimer, voire d'être entendues, sur l'ensemble des questions relevant du secteur aéroportuaire.
En effet, monsieur le secrétaire d'Etat, dans les mesures que vous nous proposez, il n'est pas prévu que la commission consultative aéroportuaire puisse être saisie par les collectivités locales concernées par le transport aérien.
Le Gouvernement, qui prétend faire des lois de décentralisation une étape majeure de la législature, ignore les collectivités territoriales dans le présent projet de loi, si ce n'est pour suppléer financièrement, le cas échant, le désengagement de l'Etat.
Je note avec satisfaction que l'Assemblée nationale, suivant en cela l'avis de son rapporteur, a ouvert la possibilité à cette commission d'auditionner toute personne morale qu'elle juge compétente ou concernée, ce qui inclut donc les collectivités.
Néanmoins, cette possibilité est laissée à la libre appréciation de la commission. J'aurais aimé que les collectivités territoriales puissent, à leur demande, avoir la certitude d'être entendues par cette commission.
Les populations des communes riveraines d'un aéroport sont concernées au premier plan par les nuisances environnementales qu'il génère, par l'aménagement du territoire, et par la sûreté du trafic. Il est donc normal que leurs élus puissent être entendus par cette commission.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Monsieur Desessard, vous avez fait référence à mes prétendus talents de chanteur. J'aurais presque envie de continuer sur ce thème à propos de l'amendement n° 20, en vous disant : « Non, rien de rien... » (Sourires.)
Quoi qu'il en soit, je suis un peu choqué par la méthode employée : vous et vos collègues proposez d'abord de supprimer l'article en développant une démonstration qui se veut convaincante ; puis, dans les amendements et sous-amendements suivants, vous changez d'attitude en présentant des arguments qui contredisent les précédents.
M. Daniel Reiner. Ce sont des positions de repli !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Certes, mais il y a des moments où cela frise tout de même la contradiction ! Je le dis avec beaucoup de gentillesse : vous me connaissez, je ne cherche jamais à être blessant ni désagréable.
En l'espèce, vous souhaitez supprimer l'article tout en reconnaissant qu'il est fondamental... Vous m'en attribuez même la paternité : je vous remercie de cette double reconnaissance ! Cela étant, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 20.
Par ailleurs, monsieur Desessard, je vous demanderai de bien vouloir retirer le sous-amendement n° 24. Vous souhaitez que la représentation des grands corps de l'Etat dans la CCA soit assurée par des fonctionnaires en activité, ce qui exclut donc les fonctionnaires à la retraite. Or j'ai quelques scrupules à insister sur ces questions au regard de l'âge canonique que certains peuvent atteindre ici ou là, notamment dans notre assemblée ! (Exclamations amusées sur diverses travées.)
M. Daniel Reiner. Ce n'est pas ce que nous avons dit !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je l'admets ! Quoi qu'il en soit, je ne crois pas qu'il soit sain de stigmatiser l'âge dès lors que les compétences sont bien au rendez-vous.
Par ailleurs, vous proposez d'autres modifications, qui sont un peu du même ordre, pour assurer la présence des représentants des collectivités territoriales et des usagers au sein de la CCA.
Un fois encore, je me permets de vous rappeler que la commission a deux domaines de compétences bien distincts : d'un côté, c'est une instance consultative, s'agissant notamment de la transformation du statut des aéroports ainsi que de la gestion et de la régulation économique des redevances ; de l'autre, elle émet un avis sur tout ce qui concerne l'aéroport et son environnement immédiat.
Je remercie d'ailleurs nos collègues communistes, car ils rendent systématiquement un hommage rétrospectif à la proposition de loi dont je suis à l'origine et qui est devenue une loi de la République : je veux parler de la loi portant création des communautés aéroportuaires. Or, à l'époque, madame Luc, vous aviez défendu une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité contre cette même proposition de loi, dont vous reconnaissez aujourd'hui la valeur !
Au demeurant, il ne faut pas mélanger les genres. M. le secrétaire d'Etat nous a confirmé tout à l'heure que le décret en Conseil d'Etat permettant de rendre cette loi applicable serait bientôt publié. Cela me conduira d'ailleurs à retirer un amendement ultérieurement.
En définitive, laissons à la communauté aéroportuaire ce qui relève de la communauté aéroportuaire et du débat entre riverains et opérateurs et revenons-en aux dispositions qui constituent le présent projet de loi.
Pour ces différentes raisons, la commission émet un avis défavorable sur les amendements nos 25 et 23.
L'amendement n° 21 a pour objet d'ajouter les représentants des collectivités territoriales à la liste des personnes pouvant être auditionnées. Cet amendement est déjà satisfait au vu des compétences attribuées à la CCA. La commission y est donc défavorable.
La commission émet enfin un avis défavorable sur les amendements nos 38, 22 et 39, pour les raisons que je viens d'évoquer.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. J'émets également un avis défavorable sur les amendements nos 20, 21, 38, 22 et 29, pour les raisons que M. le rapporteur a excellemment présentées.
M. Jean Desessard. C'est rapide ! C'est comme l'Airbus A 380 ! (Sourires.)
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. L'amendement n° 2 appelle de ma part davantage de précisions.
L'article 8 A a été introduit par le Sénat en première lecture, sur l'initiative de sa commission des affaires économiques. J'avais, à l'époque, totalement approuvé cette démarche.
A l'évidence, Jean-François Le Grand a soulevé avec raison le problème d'ensemble de l'économie aéroportuaire, qui est bien réel. En effet, le ministre chargé de prendre les décisions en la matière est régulièrement contraint à des arbitrages relativement difficiles, car il existe, fondamentalement, de vraies divergences d'intérêt, que chacun peut comprendre, entre les compagnies aériennes, d'une part, et les gestionnaires d'aéroports, d'autre part.
En raison de l'importance accrue du trafic aérien et de la taille des aéroports, ces conflits d'intérêts n'en sont que plus importants et, donc, souvent, encore plus difficiles à arbitrer.
Le présent projet de loi apporte d'utiles précisions et offre, à notre sens, un cadre plus commode pour débattre de la fixation du niveau des redevances aéroportuaires.
Néanmoins, l'idée d'une commission qui viendrait éclairer la décision, voire rapprocher les points de vue divergents dans le cadre d'une action de conciliation, m'a toujours parue particulièrement opportune.
Par conséquent, j'apporte mon appui le plus total à la proposition adoptée par le Sénat. Cela étant, il reste une question de forme, puisque le Sénat et l'Assemblée nationale ont choisi deux rédactions différentes.
Si nous pouvons discuter de l'opportunité de telle ou telle rédaction, il importe avant tout de savoir quel rôle que nous entendons donner à cette future commission.
A cet égard, le Gouvernement rejoint en tous points la conception que vient d'énoncer M. le rapporteur. Il y a donc un accord total, sur le fond, avec le Sénat.
Quant à la forme, elle a sans doute moins d'importance, d'autant qu'un décret d'application est prévu dans ce domaine. Le Gouvernement a d'ailleurs l'intention d'y préciser le rôle exact de la commission et les conditions de son intervention. Il entend donc confirmer, par voie réglementaire, que l'intention du législateur est conforme à celle qu'a exprimée le Sénat à l'occasion de la première lecture.
Les points sur lesquels le décret devra être parfaitement précis sont les suivants.
Premièrement, la commission consultative aéroportuaire sera placée auprès du ministre chargé de l'aviation civile, qui devra la consulter - ce n'est en rien contradictoire avec le texte adopté par la Haute Assemblée en première lecture - lors de la préparation de chacun des contrats pluriannuels, notamment sur les hypothèses de trafic, les programmes d'investissement, les objectifs de qualité de service et l'évolution des redevances pour services rendus.
Il s'agit donc de l'affirmation de la compétence de cette commission sur les points que M. le rapporteur a évoqués voilà quelques instants.
Deuxièmement, le décret devra préciser la procédure suivie par la commission, qui entendra toutes les parties concernées : les exploitants d'aérodromes, les compagnies aériennes et leurs organisations professionnelles. Dans son avis, elle devra faire au ministre des propositions de conciliation, en cas d'appréciations divergentes des différentes parties.
Voilà, exprimée clairement, je pense, l'intention du Gouvernement en ce qui concerne la rédaction du décret d'application, qui est, au demeurant, nécessaire. J'affirme donc que nous sommes totalement d'accord, sur le fond, avec les dispositions adoptées par le Sénat en première lecture, et que le texte résultant des travaux de l'Assemblée nationale n'est en rien contradictoire avec les intentions de la Haute Assemblée. Ces dernières sont au contraire affirmées et précisées par les propos que j'ai l'honneur de tenir aujourd'hui devant vous, et le seront également par la partie réglementaire qui viendra compléter le texte législatif.
Enfin, parmi les personnalités qualifiées qui seront désignées pour composer la commission, il conviendra que l'une d'entre elles possède une compétence juridique spécialisée dans le domaine dont nous discutons aujourd'hui.
Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les précisions que je souhaitais apporter à l'occasion de la discussion de l'amendement n° 2. Dans ces conditions, et compte tenu du fait que la rédaction de l'Assemblée nationale, accompagnée des précisions qui figureront dans le décret, devrait répondre à vos préoccupations, j'invite M. le rapporteur à retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement n° 2 est-il maintenu ?
M. Jean-François Le Grand. Sans anticiper sur la décision qui sera prise, quoi qu'il arrive, par l'Assemblée nationale, qui est souveraine, comme l'a rappelé tout à l'heure l'une de nos collègues, je suggère aux auteurs des sous-amendements à l'amendement n° 2 de les reprendre sous la forme d'amendements, s'ils souhaitaient continuer à les défendre.
Sur le fond, étant à l'origine de cet article, comme M. Desessard l'a rappelé, je suis parfaitement convaincu, monsieur le secrétaire d'Etat, que la réponse que vous apportez va dans le sens de ce que nous avons souhaité.
S'agissant du problème de la conciliation, sur lequel j'ai insisté tout à l'heure parce qu'il me paraît fondamental, j'ai utilisé, en commission, l'expression suivante, qui est certes un peu triviale : « Si la marmite bout trop fort, il faut que quelqu'un soulève le couvercle ». Or il me semble que vous répondez à cette préoccupation.
En outre, en reprenant les observations tout à fait judicieuses de l'Assemblée nationale sur les différentes fonctions attribuées à cette commission, vous précisez que cette dernière sera placée auprès du ministre chargé de l'aviation civile et qu'elle sera consultée notamment sur les hypothèses de trafic et les évolutions aéroportuaires. Il s'agit là d'un deuxième point de satisfaction de notre part.
Par ailleurs, la question de la composition de la commission constituait un point de désaccord. Nous souhaitions en effet que trois magistrats y siègent. Or vous avez rappelé - à cet égard, comme je l'ai dit tout à l'heure, il est clair que le débat parlementaire instruit la lecture de la loi - que l'une des personnalités qualifiées nommées par le Gouvernement aura des compétences juridiques spécialisées. Il s'agit donc là d'un troisième point de satisfaction.
En tant qu'auteur de l'amendement, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis satisfait de votre réponse, qui répond à mon attente. En tant que rapporteur de la commission, laquelle avait souhaité que cet amendement soit défendu, j'entends déjà certains s'écrier qu'il ne s'agit pas tout à fait du cas de figure prévu par la commission A cet égard, je rappelle que l'éthique du travail législatif consiste non pas à s'arc-bouter sur la forme, mais à s'intéresser au fond. Or, sur le fond, le Sénat est satisfait. Sur la forme, si cet amendement est adopté, il reviendra à l'Assemblée nationale de dire si elle est ou non d'accord avec cette disposition.
Dans cet esprit, je suis donc tenté, compte tenu des explications de M. le secrétaire d'Etat, de retirer l'amendement n° 2.
Je ferai une dernière observation, car j'entends déjà certains, à l'instar de M. Billout tout à l'heure, me dire : « Ne peut-on subodorer que vous vouliez aboutir à un texte adopté conforme ? ». A ce propos, je me permets de dire que l'enjeu du débat n'est pas d'être le dernier à intervenir sur un texte, ce qui serait une coquetterie. L'adoption conforme d'un texte n'a rien d'infamant, surtout lorsque, sur le fond, on a obtenu satisfaction.
Je rappelle d'ailleurs que certains textes ont été adoptés conformes dans bien d'autres circonstances, alors même qu'il s'agissait d'autres majorités et d'autres gouvernements. J'ai ainsi eu l'honneur de rapporter un certain nombre de textes au Sénat, et il m'est arrivé, sur d'autres sujets, d'avoir ce souci non pas de conformité pour la conformité, mais de l'honnêteté intellectuelle, qui consiste à reconnaître qu'une rédaction satisfaisante doit être votée en l'état.
Dans cet esprit, donc, je me permets, au nom de la commission, de retirer cet amendement, en faisant également état de ma conversation avec le président de la commission des affaires économiques, laquelle portait non pas sur l'éventuel sentiment de la commission d'avoir été shuntée, mais sur son éthique. En retirant cet amendement, je me sens, mes chers collègues, totalement en phase avec moi-même et avec ma fonction de rapporteur.
M. le président. L'amendement n° 2 est retiré, et les sous-amendements nos 24, 25 et 23 n'ont donc plus l'objet.
La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 20.
M. Jean Desessard. Monsieur le rapporteur, je n'ai pas été convaincu par vos propos destinés à justifier le retrait de l'amendement n° 2. Il fallait en assumer jusqu'au bout la paternité ! Votre enfant a changé ; il n'est plus le même !
S'agissant des sous-amendements, vous nous avez expliqué qu'il ne fallait pas changer la composition de la commission. Aucun sous-amendement n'a trouvé grâce à vos yeux, et vous nous avez indiqué à de multiples reprises qu'il était important que les choses soient organisées de la façon dont vous l'aviez conçu dans votre amendement - cela figure d'ailleurs dans le procès-verbal.
Vous avez ensuite distingué les notions de consultation et de conciliation, qui étaient, à vos yeux, très différentes.
A l'inverse, les propos de M. le secrétaire d'Etat témoignent d'une plus grande souplesse, en insistant sur le fait que la forme n'a guère d'importance.
Par conséquent, monsieur Le Grand, le dispositif que vous aviez mis en place, qui avait une logique et une cohérence et que nous avons combattu, n'est pas identique à ce que propose l'Assemblée nationale. Et M. le secrétaire d'Etat, dont la conception est beaucoup plus souple, est favorable à la consultation, alors que vous étiez pour la conciliation. Il s'agit là d'une différence fondamentale.
En définitive, monsieur le rapporteur, monsieur le chanteur, vous avez obéi à un maître chanteur ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Angels, pour explication de vote sur l'article 8 A.
M. Bernard Angels. Les explications de M. le rapporteur ne m'ont pas convaincu.
Ce débat est certes intéressant, courtois, serein, mais il ne fait pas honneur au Sénat. Alors que nous sommes là pour tenter d'améliorer ce texte, nous aboutissons à un vote conforme ! Que la commission repousse les amendements de l'opposition, soit ! Mais le Sénat mérite mieux que de la voir retirer ses propres amendements !
M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry, pour explication de vote.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Il s'agit d'un débat sur des mots. En réalité, que voulons-nous ? Nous voulons une commission qui fasse contrepoids à la force de l'aviation civile en matière de transport et qui ouvre un espace de dialogue.
Qu'on choisisse de l'appeler « commission consultative » ou « commission de conciliation », ce n'est pas là l'important.
Définir une action, préciser les personnes qui peuvent être entendues par cette commission et la rapidité avec laquelle ses avis peuvent être rendus, voilà ce qui est fondamental !
Je ne crois donc pas les critiques évoquant une quelconque soumission ou capitulation soient justifiées ici.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Tout d'abord, je remercie une fois de plus ma collègue Mme Lucette Michaux-Chevry de son intervention pleine de bon sens.
Ensuite, je ne peux pas laisser mon collègue Bernard Angels, malgré toute l'amitié que je lui porte, dire qu'une telle attitude ne ferait pas honneur au Sénat.
Je souhaite tout de même rappeler, comme je l'ai fait ce matin en remerciant le Gouvernement, que le texte a d'abord été déposé sur le bureau du Sénat, qui a, le premier, apporté un certain nombre de précisions. Par ailleurs, on ne se déshonore jamais lorsque l'on privilégie le fond par rapport à la forme.
Quel est l'intérêt de cette disposition ? Il s'agit de mettre en place une commission qui permettra peut-être de shunter, comme vous l'avez rappelé tout à l'heure, d'autres formations, organismes ou administrations, afin de redonner tout son pouvoir à la conciliation, sans que pèse, ici ou là, le poids un peu trop grand de l'administration.
Nous nous honorons d'oeuvrer avec bon sens, en allant au fond des choses et en ne nous arrêtant pas sur la forme. Me permettant un trait d'humour, mes chers collègues, je dirai que, si le prénom a un peu évolué, la chaîne d'ADN est la même ! (Sourires.)
M. le président. On reconnaît le vétérinaire ! (Nouveaux sourires.)
Je mets aux voix l'article 8 A.
(L'article 8 A est adopté.)
Article 8
Après l'article L. 224-1 du code de l'aviation civile, il est inséré un article L. 224-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 224-2. - I. - Les services publics aéroportuaires donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus fixées conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce.
« Le montant des redevances tient compte de la rémunération des capitaux investis. Il peut tenir compte des dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service.
« Il peut faire l'objet, pour des motifs d'intérêt général, de modulations limitées tendant à réduire ou compenser les atteintes à l'environnement, améliorer l'utilisation des infrastructures, favoriser la création de nouvelles liaisons ou répondre à des impératifs de continuité et d'aménagement du territoire.
« Le produit global de ces redevances ne peut excéder le coût des services rendus sur l'aéroport.
« II. - Pour Aéroports de Paris et pour les exploitants d'aérodromes civils appartenant à l'Etat, des contrats pluriannuels d'une durée maximale de cinq ans conclus avec l'Etat déterminent les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires, qui tiennent compte notamment des prévisions de coûts, de recettes, d'investissements ainsi que d'objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant d'aérodrome. Ces contrats s'incorporent aux contrats de concession d'aérodrome conclus par l'Etat.
« En l'absence d'un contrat pluriannuel déterminant les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires, ces tarifs sont déterminés sur une base annuelle dans des conditions fixées par décret.
« III. - Un décret en Conseil d'Etat arrête les modalités d'application du présent article, notamment les catégories d'aérodromes qui en relèvent, les règles relatives au champ, à l'assiette et aux modulations des redevances, les principes et les modalités de fixation de leurs tarifs, ainsi que les sanctions administratives susceptibles d'être infligées à l'exploitant en cas de manquement à ses obligations en la matière.
« L'autorité administrative peut prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 1 % du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos de l'exploitant. »
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 40, présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Tout d'abord, je ne pense pas, monsieur le rapporteur, qu'un vote conforme soit un vote infamant. Je regrette simplement que l'objectif d'obtenir aujourd'hui, sans doute pour aller encore plus vite, un vote conforme vous conduise à une certaine souplesse à l'égard de points sur lesquels la commission des affaires économiques avait adopté une position assez judicieuse. Cette attitude est regrettable, car elle n'était ni indispensable ni même nécessaire.
L'article 8 vise à introduire la possibilité de moduler les redevances versées par ADP et les aéroports régionaux en contrepartie des services aéroportuaires rendus, et ce sans l'accord de l'Etat et sans consultation préalable des usagers.
Il s'agit là d'une remise en cause de l'une des fonctions régaliennes de l'Etat, à savoir la répartition des fonds publics perçus par le biais d'une redevance au regard des services d'intérêt général rendus.
Dans le deuxième alinéa du texte proposé pour l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile, l'article 8 introduit une nouveauté puisqu'il permet d'intégrer dans le calcul de la redevance la rémunération des capitaux investis. Il s'agit encore une fois de satisfaire à l'impératif de rentabilité des investissements qui seront réalisés soit par une entreprise privée, soit par une structure en voie de privatisation ou à fort capital privé, alors même que le fondement de cette redevance demeure l'exécution de missions de service public. Comment peut-on confier à une entreprise de ce type la mise en oeuvre de l'intérêt général ?
Ces modulations, est-il précisé dans le texte proposé pour le troisième alinéa de ce même article L.224-2, ne seront acceptées que pour « des motifs d'intérêt général », comme la préservation de l'environnement, l'amélioration de l'utilisation des infrastructures ou la diminution de leur encombrement. Autant dire que les motivations n'auront pas besoin d'être très précises !
Nous pouvons craindre que cet article, qui vise à modifier substantiellement le régime des redevances aéroportuaires, ne soit la porte ouverte à de nouvelles pratiques mises en place au détriment de la qualité du service rendu aux usagers.
En effet, cette mesure permettrait au Gouvernement de se soustraire non seulement au principe d'égalité devant les charges publiques énoncé à l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais aussi au principe d'égalité de traitement des usagers du service public, notamment pour ce qui concerne l'utilisation du domaine public.
De plus, pour accroître leurs bénéfices et satisfaire ainsi leurs actionnaires, les gestionnaires d'aéroports pourraient être tentés de fixer les redevances à un niveau plus élevé pendant les périodes de pointe du trafic.
A l'aéroport Charles-de-Gaulle, une telle pratique pénaliserait fortement l'entreprise d'intérêt national Air France, qui possède un hub et propose des vols, tant en heures creuses qu'en heures de pointe, pour répondre à l'ensemble des besoins, et donc remplir ses missions de service public.
Cette nouvelle mesure va aussi tendre à accroître la concurrence entre les compagnies aériennes pour obtenir les aérogares les plus économiques. Quels seront alors les critères d'attribution ?
De plus, les risques de mise en place de traitements différents sont élevés. Ainsi, on pourrait faire payer davantage les compagnies « traditionnelles » comme Air France et diminuer les tarifs pour les compagnies à bas prix, qui offrent un service moindre.
Cette mesure pourrait se traduire par la mise en oeuvre d'une activité aéroportuaire à deux vitesses en fonction des revenus des usagers et risquerait aussi de porter atteinte aux normes de sécurité. Par ailleurs, les exigences de rentabilité immédiate et de réduction des coûts font peser de lourdes inquiétudes quant aux conditions d'accueil des usagers et à la sécurité des locaux.
Enfin, toutes les dispositions relatives aux modalités d'application de cet article - catégorie des aérodromes, assiette et taux de modulation des redevances, modalité de fixation des tarifs - sont renvoyées, une fois de plus, à un décret en Conseil d'Etat, ce qui constitue un véritable chèque en blanc donné à l'exécutif.
M. Gilles de Robien s'est déclaré favorable au système de caisse unique ; nous nous en félicitons, mais nous aurions préféré que cela figure dans la loi.
Telles sont toutes les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de l'article 8.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 26 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 41 rectifié est présenté par MM. Billout et Le Cam, Mmes Demessine et Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Compléter le deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile par une phrase ainsi rédigée :
Ce montant tient compte en outre de l'excédent des recettes procurées à l'exploitant de l'aéroport par les activités non aéronautiques, y compris les plus values foncières constatées lors de la cession de terrains.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour défendre l'amendement n° 26.
M. Daniel Reiner. L'article 8, au sein du titre III du projet de loi, concerne essentiellement la modulation des redevances.
Nous aurions souhaité que soit réaffirmé clairement le principe de la caisse unique. Le texte, en l'état actuel dispose que le montant des redevances pour les services rendus sur les aéroports aux transporteurs aériens « tient compte de la rémunération des capitaux investis ». Ce point a naturellement attiré particulièrement notre attention. Dès lors, on se dit que ce montant pourrait aussi tenir compte de l'excédent des recettes qui est procuré à l'exploitant de l'aéroport par les activités non aéronautiques, ce qui serait l'affirmation de la caisse unique. Le principe selon lequel l'ensemble des ressources d'un aéroport doit être affecté dans une caisse unique a besoin d'être réaffirmé, car on a plutôt le sentiment que la caisse unique devient - et c'est d'ailleurs l'expression employée par un rapporteur à l'Assemblée nationale - une « caisse unique aménagée ». En effet, le dernier alinéa du paragraphe I dispose que « le produit global des redevances ne peut excéder le coût des services rendus sur l'aéroport ». Tout cela est très sibyllin.
Le développement d'un aéroport et l'ensemble des recettes perçues par ce dernier trouvent à l'évidence leur origine dans le trafic aérien. Personne n'imagine que des boutiques ou des hôtels auraient été construits à l'époque où il n'y avait à Roissy que des champs de betteraves et de colza ! Il en résulte que l'excédent des ressources nées des activités extra-aéronautiques, c'est-à-dire des activités commerciales, hôtelières, logistiques, immobilières, etc. doit permettre de réduire le niveau des redevances aéronautiques.
Selon la théorie économique, ce principe de la caisse unique est fondé sur l'existence d'une complémentarité entre les demandes satisfaites par les activités commerciales et celles qui portent sur les services aéronautiques.
On le sait, ce principe est respecté par la plupart des grands aéroports internationaux, notamment au Royaume-Uni pour les aéroports londoniens, et il est préconisé par l'Organisation de l'aviation civile internationale, l'OACI.
Nous souhaitons par conséquent que ce principe, à un moment où il pourrait paraître mis en doute, soit affirmé de manière claire. Donnons-lui une traduction législative, mentionnons le fait que le montant des redevances dues par les transporteurs aériens pour les services aéroportuaires leur étant rendus tient compte aussi de l'excédent des recettes procurées à l'exploitant de l'aéroport par toutes les activités non aéronautiques.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 41 rectifié.
Mme Hélène Luc. L'article 8 suscite de nombreuses inquiétudes, de la part tant d'une grande compagnie aérienne comme Air France, qui appréhende de voir ses propres redevances fortement augmenter, que des usagers et des collectivités locales riveraines des aéroports, qui craignent de subir les effets négatifs liés à l'introduction du dispositif de modulation.
Jusqu'à présent, la compagnie Air France a su tirer son épingle du jeu concurrentiel, et ce sur fond de faillite d'autres grandes compagnies aériennes. Mais qu'en sera-t-il, à terme, avec l'intensification de la concurrence des compagnies low cost qui se satisfont de structures d'accueil a minima et qui tirent vers le bas l'ensemble des coûts des services aéroportuaires ? Quelle politique de modulation sera mise en place par l'exploitant face à ces deux catégories d'usagers ? Ce sont autant de questions qui méritent une réponse.
Monsieur le rapporteur, vous affirmez que « la modulation ne constitue pas une source d'accroissement des ressources de l'exploitant, mais une incitation à une répartition des redevances plus profitable à la collectivité ». Permettez-moi d'avoir de sérieux doutes à cet égard.
A partir du moment où l'exploitant est privé, l'introduction de cette modulation devient pour le moins périlleuse, et je redoute que le dispositif tel qu'il est conçu n'apporte aucune garantie. On peut dès lors légitimement craindre, dans le contexte actuel de mise en concurrence des aéroports, que la modulation ne soit utilisée comme un avantage concurrentiel visant à intensifier le trafic.
Cela étant dit, cet amendement a pour objet de réaffirmer le principe selon lequel toutes les ressources générées par un aéroport doivent être affectées à une caisse unique - mon ami M. Billout a évoqué ce point tout à l'heure -, comme M. Gilles de Robien s'y était engagé au cours de la première lecture, en déclarant que « le Gouvernement s'engage clairement à maintenir au niveau réglementaire pour les aéroports relevant de sa compétence le principe de caisse unique ». Nous espérons que ces engagements seront tenus.
Dans le cas contraire, les services aéroportuaires seraient rapidement privés des ressources nécessaires non seulement pour leur équilibre financier, mais également pour le financement de leur développement.
Cet amendement de repli vise donc à faire en sorte que les activités commerciales, immobilières et autres permettent de réduire le niveau des redevances.
Vous le constatez, monsieur le rapporteur, nous aussi nous savons évoluer et nous essayons d'améliorer le projet de loi.
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I - Compléter in fine le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des redevances, leurs modulations éventuelles, leur produit global et leurs évolutions annuelles et pluriannuelles sont fixés à l'issue d'une concertation organisée entre l'exploitant de chaque aéroport et ses usagers.
II - Dans le premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile, après les mots :
les principes et modalités de fixation de leurs tarifs
insérer les mots :
les modalités de la concertation organisée entre l'exploitant de chaque aéroport et ses usagers,
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Le dispositif proposé par la commission pour l'article 8 A ayant disparu, l'article reste en l'état. Aussi, nous souhaitons que l'on associe en quelque sorte les usagers, comme c'est le cas actuellement, à la fixation du montant des redevances et de leur modulation.
La fixation du montant des redevances aéroportuaires fait actuellement l'objet d'une consultation préalable des usagers, dans le cadre de ce que l'on appelle les commissions consultatives économiques, qui sont prévues par les articles R. 224-2 et D. 252-1 du code de l'aviation civile.
En contrepartie de la plus grande liberté qu'accorde ce texte aux exploitants des aéroports pour fixer le tarif des redevances, il nous paraît indispensable que le principe de concertation préalable entre l'exploitant et les usagers soit affirmé par la loi. Lorsque l'aéroport conclut un contrat pluriannuel avec l'Etat pour déterminer les conditions d'évolution des redevances, cette concertation doit intervenir avant la conclusion du contrat, et chaque année pendant son exécution ; pour les aéroports qui n'auraient pas conclu un tel contrat, la concertation doit être organisée annuellement.
Ce point qui lie clairement l'aéroport et les usagers en amont nous paraît de bonne administration.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 40, je ne réitérerai pas l'argumentation que j'ai développée tout à l'heure. Sous le prétexte du débat entre caisse unique et double caisse, monsieur Billout, vous souhaitez supprimer l'article, c'est-à-dire que vous interdisez toute évolution de la redevance, notamment quant à la modernisation de son mode de perception. C'est la raison pour laquelle la commission ne peut être d'accord avec vous.
Concernant le débat sur la double caisse ou la caisse unique, toutes les réponses ont été apportées. Nous partageons le même souci, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, à savoir que toutes les recettes d'un aéroport puissent servir les activités aéroportuaires. Ce type de disposition nous donne donc entière satisfaction. Je ne vois pas ce que pourrait ajouter la suppression de cet article. Au contraire, elle empêcherait une bonne lisibilité du dispositif et la clarification de la régulation économique des redevances aéroportuaires. Aussi, la commission émet un avis défavorable.
Les amendements nos 26 et 41 rectifié prévoit que sont également prises en compte dans une caisse unique les plus-values foncières. Je me suis déjà expliqué sur ce point tout à l'heure à propos des plus-values foncières : ce qui revient à l'Etat doit revenir à l'Etat. Je ne reprendrai pas l'explication des 70-30 auxquels s'ajoute le tiers de 30. Toujours est-il que la commission ne peut émettre qu'un avis défavorable.
J'en viens à l'amendement n° 27. Sur ce dernier point, vous avez satisfaction, monsieur Reiner. Je voudrais rendre hommage au travail accompli en commission. Nous sommes en effet partis, les uns et les autres, des mêmes observations et nous avions la même motivation, notamment en ce qui concerne la concertation en matière de redevances entre les exploitants et les usagers d'aéroports.
Le dispositif proposé par la commission pour l'article 8 A a été satisfait : il n'est en rien retiré. L'explication fournie par M. le secrétaire d'Etat nous donne entière satisfaction sur le fond, si ce n'est totalement sur la forme ; mais, comme je l'ai dit, si le prénom a légèrement évolué, la chaîne d'ADN est la même. Là est l'essentiel. Le lieu de la concertation et de la conciliation, c'est la commission que tend à créer l'article 8 A. Par conséquent, votre préoccupation, qui a été aussi la nôtre - et je voudrais vous rendre hommage à cet égard - est satisfaite par les dispositions du projet de loi.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. J'émets à mon tour un avis défavorable sur l'amendement no 40, sur les amendements identiques nos 26 et 41 rectifié, ainsi que sur l'amendement n° 27.
Comme M. Gilles de Robien l'a dit lors de la première lecture, le principe de la caisse unique sera réaffirmé dans les textes d'application. Je précise que l'article 8, comme toute cette partie du texte, concerne l'ensemble des aéroports. L'Etat, pour ce qui le concerne, fixera des règles très précises, en particulier sur le principe de la caisse unique, mais entend laisser une latitude plus grande, dans le cadre de la décentralisation, aux collectivités territoriales qui exploiteront des aéroports, par exemple en régie.
L'article 8 vise à préciser les modalités de calcul des redevances pour ce qui relève des principes législatifs - il y a naturellement une partie réglementaire dans la détermination d'une redevance. Le principe général, applicable au demeurant à toutes les redevances, est qu'un produit global de redevance ne peut excéder le coût des services rendus, et une modulation sera possible, pour des motifs d'intérêt général - et j'insiste sur ce point -, dans des cas précisés dans la loi.
Par conséquent, j'avoue avoir du mal à comprendre l'objet de cet amendement de suppression. En effet, l'article 8 apporte au contraire des garanties, notamment quant à la certitude que les motifs d'intérêt général seront bien pris en compte dans la détermination des redevances.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 26 et 41 rectifié.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9 bis
Dans l'avant-dernier alinéa de l'article L. 227-4 du code de l'aviation civile, le montant : « 12 000 € » est remplacé par le montant : « 20 000 € ».
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. le rapporteur. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Daniel Reiner. Ce n'est pas possible !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est là que les Athéniens s'atteignirent ! C'est là que, in fine, l'on se retrouve !
En effet, de quoi s'agit-il, mes chers collègues ? Il s'agit simplement d'un ajout de l'Assemblée nationale qui a souhaité relever le plafond des amendes infligées aux compagnies aériennes dès lors que celles-ci ne respectent pas les trajectoires d'accès aux aéroports.
Nous nous sommes déjà exprimés sur ce sujet ce matin, et j'ai notamment attiré votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le fait qu'il ne serait pas raisonnable que les compagnies soient pénalisées alors qu'elles respectent des obligations qui leur sont imposées.
C'est ainsi, par exemple, que, en cas d'orage un peu violent en bout de piste, il peut être demandé à un avion de se détourner, car la sécurité des passagers est engagée. Personne, je crois, ne conteste la nécessité d'une telle mesure, si ce n'est les riverains ou ceux qui sont survolés et qui se demandent pourquoi tel avion passe à telle heure en un lieu inhabituel ; nous pourrions d'ailleurs multiplier les exemples.
C'est la raison pour laquelle nous avons d'abord souhaité en commission supprimer l'article 9 bis, qui prévoit le relèvement de la pénalité de 12 000 à 20 000 euros.
Je vous le dis en toute franchise, mes chers collègues, ce serait là le seul désaccord que nous pourrions avoir avec l'Assemblée nationale. L'enjeu est-il suffisant pour engager une navette ? On peut se poser la question, et rejoindre là votre préoccupation d'un vote conforme.
Très honnêtement, il s'agit là, à mon avis, d'une question secondaire. Elle le serait encore plus si M. le secrétaire d'Etat avait l'obligeance, la gentillesse et la bonne idée de nous dire que les montants figurant dans cet article ne sont que des plafonds, et que le bon sens devra prévaloir dans l'application des pénalités.
Certes, il convient de pénaliser une compagnie dont les avions ne respectent pas les conditions d'approche, coupant régulièrement et de manière délibérée, pour gagner du temps, les virages ou les voies d'accès ; c'est facile à vérifier, et, dans ce cas, la somme de 20 000 euros paraît tout à fait justifiée.
Mais elle ne l'est plus du tout lorsque l'on demande exceptionnellement à une compagnie de diverger, de sortir un peu de la « route » habituelle, même si cela occasionne, bien sûr, des nuisances sonores pour les riverains survolés. Il s'agit là, me semble-t-il, d'une question de bon sens.
Nous avions souhaité, au départ, maintenir cet article pour ouvrir la discussion et obtenir des explications ; je reconnais que ce serait peut-être la seule faiblesse que nous aurions quant à un vote conforme...
M. Jean Desessard. C'est habile !
M. Bernard Angels. Péché avoué est à moitié pardonné !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Je voudrais rendre hommage à la grande sagesse de M. le rapporteur.
M. Jean Desessard. Et à sa grande habileté !
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Déterminer le bon plafond pour une sanction est toujours affaire d'appréciation !
En effet, si l'on considère les sanctions effectivement prononcées par l'ACNUSA, l'autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires, on constate que le plafond actuel n'est atteint que dans environ 15 % des cas.
Toute infraction constatée - je tiens à le préciser devant vous, mesdames, messieurs les sénateurs - donne lieu, avant le prononcé éventuel d'une sanction, à une procédure contradictoire au cours de laquelle la compagnie aérienne peut faire valoir son point de vue.
Je tiens également à préciser, en réponse à une question de M. le rapporteur, que les arrêtés de février 2003, qui créent les volumes de protection environnementale devant être respectés sur les aéroports de Roissy et d'Orly, prévoient en outre très explicitement la possibilité de déroger sans sanction à ces volumes pour des raisons de sécurité laissées à l'appréciation du commandant de bord, voire, naturellement, en cas d'instruction du contrôle aérien.
Il me semble que ces précisions apportent toutes les garanties sur la manière dont ces sanctions sont prononcées par l'ACNUSA, dont la jurisprudence constante tient évidemment compte des circonstances particulières de telle ou telle situation.
M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur le rapporteur ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Non, monsieur le président, je le retire. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l'article 9 bis.
(L'article 9 bis est adopté.)
Article 10
Après l'article L. 123-3 du code de l'aviation civile, il est inséré un article L. 123-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-4. - En cas de non-paiement ou de paiement insuffisant des redevances aéroportuaires, de la redevance de route, de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne ou des amendes administratives prononcées par l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'exploitant d'aérodrome ou l'autorité administrative de l'Etat compétente peuvent, après avoir mis le redevable en demeure de régulariser sa situation, requérir la saisie conservatoire d'un aéronef exploité par le redevable ou lui appartenant auprès du juge du lieu d'exécution de la mesure.
« L'ordonnance du juge de l'exécution est transmise aux autorités responsables de la circulation aérienne de l'aérodrome aux fins d'immobilisation de l'aéronef. L'ordonnance est notifiée au redevable et au propriétaire de l'aéronef lorsque le redevable est l'exploitant.
« Les frais entraînés par la saisie conservatoire sont à la charge du redevable.
« Le paiement des sommes dues entraîne la mainlevée de la saisie conservatoire. » - (Adopté.)
Article 12
Le titre Ier du livre II du code de l'aviation civile est complété par un chapitre VI ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI
« Services d'assistance en escale
« Art. L. 216-1. - Sur les aérodromes dont le trafic excède un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, les services d'assistance en escale sont fournis par les transporteurs aériens, les exploitants d'aérodromes et les entreprises agréés à cet effet. Le même décret précise les conditions qui leur sont imposées ainsi que les conditions dans lesquelles l'administration peut limiter leur nombre. » - (Adopté.)
Article additionnel après l'article 12
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission, est ainsi libellé :
Après l'article 12, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
A la fin du second alinéa de l'article 1er de la loi n° 2004-172 du 23 février 2004 portant création des communautés aéroportuaires, les mots : « aérodrome mentionné au 3 de l'article 266 septies du code des douanes » sont remplacés par les mots : « aérodrome mentionné au I de l'article 1609 quatervicies A du code général des impôts ».
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Cet amendement est satisfait puisqu'il a trait pour l'essentiel à la création des communautés aéroportuaires. Il est vrai que certaines modifications, concernant en particulier le code des douanes, pouvaient faire craindre que, par le truchement d'un article modifié, la création des communautés aéroportuaires ne soit vidée de son sens. C'est la raison pour laquelle nous avions déposé un amendement de « coordination juridique », selon mes propres termes.
Or vous nous avez dit tout à l'heure, monsieur le secrétaire d'Etat, que le décret était soumis au Conseil d'Etat et que la création des communautés aéroportuaires était sur les rails, si l'on peut employer cette expression s'agissant du secteur aérien ! Dans ces conditions, cet amendement n'a plus d'objet. C'est pourquoi, en toute honnêteté intellectuelle et sans aucune arrière- pensée, je le retire.
M. Daniel Reiner. C'est dommage, car c'est le seul amendement en faveur duquel nous aurions voté !
M. le président. L'amendement n° 43 est retiré.
TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Article 14
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les actes réglementaires, décisions, accords, contrats et marchés pris ou passés par l'établissement public Aéroports de Paris avant le 1er janvier 2003, en tant qu'ils seraient contestés par le moyen qu'ils auraient été pris ou conclus sans que leur signataire ait bénéficié d'une délégation régulièrement donnée et publiée. - (Adopté.)
Article 15
L'ensemble des opérations résultant de l'application du titre Ier est, sous réserve de l'application des conventions prévues par les articles 2 et 3, réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d'aucun impôt, rémunération, salaire ou honoraire au profit de l'Etat, de ses agents ou de toute autre personne publique. - (Adopté.)
Article 15 bis
L'annexe III de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public est complétée par un alinéa ainsi rédigé :
« Sociétés concessionnaires des grands aéroports régionaux créées en application de l'article 7 de la loi n° du relative aux aéroports. » - (Adopté.)
Article 15 ter
I. - La prolongation des concessions des sociétés prévue au II de l'article 7 constitue un changement exceptionnel intervenu dans la situation de ces sociétés au sens de l'article L. 123-17 du code de commerce. Les amortissements de caducité, inscrits au bilan d'ouverture de l'exercice ouvert le 1er janvier de l'année d'entrée en vigueur de l'avenant au contrat de concession mentionné au même II, doivent prendre en compte, de façon rétrospective, pour chacune de ces sociétés, la nouvelle durée de la concession dont elle est titulaire.
II. - La reprise des amortissements de caducité est rattachée aux bénéfices imposables au même rythme que celui auquel les immobilisations correspondantes de la concession sont amorties. - (Adopté.)
Article 15 quater
Lorsque le capital de la société Aéroports de Paris est détenu intégralement par l'Etat, les dispositions de l'article L. 225-40 du code de commerce ne sont pas applicables aux conventions conclues entre l'Etat et cette société en application des articles 2 et 3 de la présente loi, ainsi qu'aux contrats pluriannuels conclus en application du II de l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile. - (Adopté.)
Article 16
Les dispositions du titre Ier et celles des articles 13 et 15 entrent en vigueur à la date de publication du décret en Conseil d'Etat prévu au I de l'article 5 et, au plus tard, le 31 décembre 2005. - (Adopté.)
M. le président. Les autres dispositions du projet de loi ne font pas l'objet de la deuxième lecture.
Vote sur l'ensemble
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Christian Cambon, pour explication de vote.
M. Christian Cambon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous terminons la discussion du projet de loi relatif aux aéroports, dont M. Jean-François Le Grand fut un rapporteur particulièrement performant et brillant.
Ce texte, nous l'avons vu, aborde trois sujets : le statut juridique d'ADP, celui des grands aéroports régionaux et la réforme du régime des redevances.
Sur ces trois thèmes, à la suite des travaux respectifs du Sénat, d'abord, et de l'Assemblée nationale, ensuite, nous sommes arrivés à un point d'équilibre. Ainsi, nous allons donner à ADP les moyens de poursuivre son développement, en tenant compte des réalités et de l'évolution mondiale du secteur aérien qui, dans une large mesure, s'impose à tous.
Pour ce faire, le changement de statut doit, bien sûr, être accepté comme la modalité juridique qui assurera le succès économique d'ADP, préalable à la création d'emplois.
Des garanties sont apportées pour que l'Etat conserve la majorité du capital et assume son rôle de régulateur. Le statut du personnel d'ADP reste identique ; il convient une fois de plus de le souligner.
En ce qui concerne les grands aéroports régionaux, la navette parlementaire a permis de conforter le rôle des chambres de commerce et d'industrie et de clarifier, pour elles, les conditions d'évolution des aéroports qu'elles gèrent depuis tant d'années.
Enfin, sur l'initiative de notre collègue Jean-François Le Grand, est créée une commission aéroportuaire, ce dont nous tenons également à nous féliciter.
Nous avons été très attentifs, monsieur le secrétaire d'Etat, à toutes les précisions que vous nous avez apportées au cours du débat ainsi qu'aux engagements que vous avez pris ; nous vous en remercions.
Nous espérons, comme vous, que les textes réglementaires d'application de cette loi seront rapidement publiés afin que celle-ci puisse entrer en vigueur dans le courant de l'année. Il en va, en effet, de l'avenir d'une grande entreprise, ADP, et d'un secteur économique, le secteur aéroportuaire, qui est soumis, nous le savons tous, à une très vive concurrence.
Ce texte répond à ces attentes, et le groupe UMP le votera donc avec détermination. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du groupe UC-UDF.)
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Voilà une bonne idée !
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Au terme de ce débat, c'est avec la même détermination que nous voterons contre ce texte.
Je voudrais d'abord évoquer brièvement la forme, dont nous ne pouvons pas être satisfaits : en fait de débat, monsieur le rapporteur, nous avons eu droit à une succession de monologues...
Mme Hélène Luc. C'est vrai !
M. Daniel Reiner. ... imposés par votre volonté de parvenir à un vote conforme à celui de l'Assemblée nationale. Cette volonté vous a même conduit à retirer des amendements qui avaient pourtant été acceptés par la commission. Dès lors, je m'interroge sur l'utilité du travail réalisé hier en commission ; n'avons-nous pas perdu notre temps en discutant de ce point pendant une demi-heure ?
Je pense qu'une telle méthode n'est pas satisfaisante, et j'aurai l'occasion d'en faire part à la commission prochainement.
Sur le fond, nous étions globalement hostiles à ce texte dans la mesure où il remettait en cause le statut d'établissement public d'Aéroports de Paris.
Vous êtes arrivé à vos fins, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque l'examen de ce projet de loi va maintenant s'achever, alors que vous avez, en quelque sorte, ouvert la voie à la privatisation d'ADP.
Nous avons mis l'accent, tout au long de ce débat, sur les risques en la matière au regard du rôle essentiel que doit jouer la puissance publique s'agissant d'une activité économique vraiment très particulière qui touche - nous l'avons dit à plusieurs reprises - la sûreté du territoire, la sécurité des usagers et où, en dépit de ce que vous avez déclaré en plusieurs occasions, le rôle de l'Etat ne va cesser de diminuer. En fait, vous poursuivez le démembrement du service public dans ce pays.
Je tiens à attirer une nouvelle fois votre attention sur tout ce qui relève de la domanialité. Les Etats-Unis, cela a été dit, mais aussi Francfort n'ont pas, dans les mêmes circonstances, fait le choix d'une domanialité privée, cette dernière présentant à l'évidence un certain nombre de dangers.
De la même façon, nous n'avons pas non plus la certitude que le cahier des charges pourra a priori déterminer clairement que les missions de service public ne seront pas obérées par la tentation évidente de multiplier les profits dans une activité commerciale connexe.
Ce n'est pas avec l'activité aéroportuaire que l'on peut réaliser des profits. Dès lors que des capitaux privés seront entrés dans le capital social, il faudra rémunérer les actionnaires : cela ne pourra s'effectuer que grâce au développement des activités de nature connexe non aéroportuaires.
En ce qui concerne les aéroports régionaux, j'ai dit et je répète que nous ne sommes pas fondamentalement hostiles à l'évolution du statut des sociétés aéroportuaires. En revanche, nous aurions souhaité que le caractère public du statut, initialement prévu, puisse être garanti aux aéroports régionaux.
Notre position n'est pas motivée par des raisons idéologiques. Nous estimons simplement que les chambres de commerce, les collectivités locales intéressées - sans y être obligées pour autant - et l'Etat pouvaient constituer un noyau public majoritaire. Nous nourrissons donc ce soir un regret.
S'agissant des aéroports régionaux, nous avons eu le sentiment, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous teniez un peu à l'écart des dispositifs prévus tant les collectivités locales que les usagers.
En ce qui concerne la commission aéroportuaire - commission de conciliation à l'origine, elle est devenue une instance purement consultative -, on a entendu tout et son contraire ! A quoi va-t-elle servir, en fait ?
Je pense franchement que le droit n'a guère progressé sur ce point. Avec les commissions économiques, les communautés aéroportuaires et les commissions consultatives, ce domaine va devenir vraiment complexe, et l'Etat va y perdre une part de ses prérogatives. Or, vous le savez, nous étions attachés à l'idée de l'homologation, en particulier par l'Etat : cela entre parfaitement dans son rôle.
Pour autant, on ne voit pas bien comment va s'établir l'équilibre. Des risques de contentieux multiples et de conflits d'intérêts entre transporteurs aériens et sociétés aéroportuaires vont apparaître. Comment vont-ils se régler ?
Les derniers amendements que nous avions présentés concernaient la modulation des redevances. Monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaitions que vous réaffirmiez le principe de la caisse publique. Vous vous êtes engagé à le faire dans les décrets d'application. Nous le retenons.
Lors de la première lecture, nous n'avions pas voté ce texte, dont nous mesurions les dangers. Le projet de loi qui résulte des travaux de l'Assemblée nationale n'a pas évolué dans le bon sens à cet égard, puisqu'il est encore plus favorable, sur un certain nombre de points, aux futurs actionnaires privés. Nous allons donc naturellement renouveler, clairement et avec détermination, notre opposition à ce texte.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Après seulement quelques heures de débat, nous sommes appelés à adopter en deuxième lecture le projet de loi relatif aux aéroports, qui entérine l'ouverture du capital de la société ADP et la création de sociétés aéroportuaires pour les aéroports régionaux d'importance nationale.
Ce débat aura été marqué par la volonté du Gouvernement d'obtenir un vote conforme de notre assemblée et par le retrait ou le rejet de tous les amendements déposés par la majorité ou par l'opposition. Je trouve cela particulièrement regrettable. Les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne peuvent se contenter d'un échange ayant eu lieu dans de telles conditions ; les enjeux sont trop importants.
Comme je l'avais indiqué en première lecture, un débat national aurait dû être organisé avec les élus locaux, les associations, les populations riveraines, les organisations syndicales des personnels et les compagnies aériennes pour définir un véritable projet d'essor de nos aéroports et des services aéroportuaires dans une perspective de développement durable.
J'avais également dénoncé en première lecture une tendance, qui est confirmée lors de la seconde lecture : ce projet, pourtant fondamental et dont les incidences sont multiples, est adopté en catimini et en urgence.
C'est dire le peu de crédit que le Gouvernement accorde au débat parlementaire. Depuis la première lecture, aucune modification véritablement notable n'a été apportée. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes resté concentré sur votre objectif sans vouloir tenir compte des dangers qu'il faisait peser sur notre service public de transports aériens.
Vous vous contentez de renvoyer tous les points essentiels de cette loi à des décrets pris en Conseil d'Etat, notamment s'agissant des missions de service public remplies par ADP, du statut de la future société, de la liste des terrains concernés, qui sont l'assise de l'exécution du service public, enfin, des règles de calcul du montant des redevances.
En renvoyant tout cela au domaine réglementaire, vous privez le législateur, et donc la représentation nationale, des prérogatives qui lui sont pourtant confiées par la Constitution française, et vous limitez forcément le contenu des débats.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Michel Billout. Si vous renoncez à ce débat politique, c'est que vous avez la volonté de parvenir à un désengagement de l'Etat en faveur des experts, et donc de l'administration, mais surtout au profit du marché et de la libre concurrence.
Le principe même de ce projet de loi, dans le droit-fil du projet de Constitution européenne et de l'accord général sur le commerce et les services, est la libéralisation du transport aérien et de ses infrastructures, la soumission des entreprises publiques au marché et à ses règles de rentabilité maximum.
Nous ne pouvons nous y résoudre. Pour nous, la modernité, ce n'est pas la concurrence entre les hommes, c'est au contraire les coopérations à tous les niveaux, notamment à l'échelon communautaire.
De plus, pour les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen, ADP remplit des missions essentielles pour l'intérêt général, ce qui en fait un service public national. Il revient donc à la représentation nationale de prévoir les formes juridiques pour garantir leur bonne exécution.
Les enjeux de la gestion des infrastructures du secteur aérien concernent particulièrement l'aménagement du territoire, la préservation de l'environnement, mais aussi la sûreté nationale.
De toutes ces considérations, que restera-t-il lorsque l'entrée d'investisseurs privés dans le capital d'ADP soumettra de fait cette entreprise à d'autres critères de gestion ?
Votre dogme libéral est dangereux. Il faut se rendre compte que le marché ne peut être la règle pour toutes les activités. Nous vous l'avons dit au cours du débat, et nous continuons de demander un bilan sur les libéralisations en cours.
Par ailleurs, votre présentation de toutes les réformes libérales s'articule autour d'un argument simple : la fatalité. Ainsi, en l'espèce, il n'y aurait pas d'autre choix pour ADP que de faire appel à des capitaux privés pour financer son besoin d'investissement. Or c'est inexact. Comme nous vous l'avons proposé durant le débat, l'Etat aurait pu faire le choix structurant de recapitaliser cette entreprise publique ou de créer un pôle public de financement. Plusieurs solutions étaient possibles ; le groupe communiste républicain et citoyen refuse celle que vous avez choisie.
Au même titre, nous refusons la possibilité offerte à ADP d'étendre à d'autres activités son objet social, qui est inscrit dans ses statuts. Celui-ci comprend les activités aéroportuaires, toutes les autres activités ne pouvant être qu'annexes et ne devant servir qu'à financer l'activité principale.
En tout état de cause, nous jugeons ce texte dangereux pour l'intérêt national.
Pour toutes ces raisons, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen voteront contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous voilà parvenus au terme de débats qui modifieront, après mûre réflexion, aussi bien le rôle des chambres de commerce et d'industrie que le statut d'ADP.
S'agissant, en premier lieu, de la gestion des concessions aéroportuaires, nous nous félicitons que le Parlement, et tout particulièrement notre assemblée, ait su renforcer les missions des chambres de commerce afin d'assurer un meilleur aménagement du territoire et d'encourager, par le biais des aéroports régionaux, le développement de nos territoires.
En donnant la prééminence aux chambres de commerce dans le choix et la gestion de la concession d'exploitation des aéroports, le Parlement a fait le pari de la responsabilité et de la confiance pour l'avenir.
En second lieu, la société ADP sort plus que jamais confortée dans son rôle de gestionnaire de la plus importante plate-forme aéroportuaire de France. Par l'octroi du statut de société anonyme, dont la majorité du capital reste détenue par l'Etat, le Gouvernement puis le Parlement ont ici encore fait le choix de l'efficacité.
Pour ces différentes raisons, les membres du RDSE voteront ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. Si aucun texte n'est certes jamais tout à fait parfait, celui qui est soumis à notre vote prend en compte les réalités de la France dans sa diversité : l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle, les aéroports régionaux et les aéroports des départements d'outre-mer, dont la situation est particulière.
Pour une fois, on voit apparaître dans un projet de loi une vision du transport aérien beaucoup plus large. Croire que l'on peut figer le développement aérien dans des textes rigides où l'Etat fait tout, décide tout, est une idée totalement dépassée pour une société en pleine mutation. En effet, les acteurs de la société civile souhaitent participer et apporter leur contribution à l'indispensable modernisation que doit connaître l'un des outils les plus importants du rayonnement de la France, au regard tant de l'Europe que du monde entier. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Dans le droit-fil de l'intervention de mon collègue Daniel Reiner, les sénatrices et le sénateur Verts pensent que la transformation du statut d'ADP va ouvrir une course à la rentabilité. Cette recherche de rentabilité maximale aboutira à l'accroissement du trafic aérien, portera atteinte à l'environnement et multipliera les pollutions sonores.
Cette autonomie accrue d'ADP empêchera la complémentarité du rail et de l'avion et ne favorisera pas l'aménagement du territoire. Seul l'Etat peut assurer ce rôle de régulation du trafic aérien et de gestion de l'ensemble des moyens de transports.
En conséquence, les sénatrices et le sénateur Verts, comme les membres du groupe socialiste, ne voteront pas ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais d'abord m'adresser aux membres appartenant aux trois groupes de notre assemblée qui ont soutenu le texte et qui vont le voter. Je les remercie par avance non seulement du vote positif qu'ils vont émettre, mais aussi de la participation qu'ils ont prise au débat, de leurs apports et des observations, toutes frappées du sceau du bon sens, qui ont été formulées. Je les remercie d'avoir ainsi enrichi le texte et le débat lui-même.
M. Jean Desessard. Enrichi le texte ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je voudrais dire à tous nos collègues qui ne vont pas voter ce projet de loi que nous respectons leurs convictions, qu'ils ont d'ailleurs exprimées avec beaucoup de sincérité. Leur vote sera tout à fait dans la logique de ces dernières. Ils comprendront que l'on ne soit d'accord ni avec les idées ni avec les arguments qui les sous-tendent. Mais cela fait partie du débat démocratique. Je tiens donc à les remercier de leur travail.
Mme Hélène Luc. Il n'y a pas eu de débat démocratique !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Madame Luc, c'est la démocratie que de vous laisser parler, mais respectez la démocratie en me permettant de terminer mon propos !
En commission comme en séance, vous avez participé à un certain nombre de discussions qui, même si vos amendements n'ont pas été retenus, ont enrichi le débat. En effet, comme j'ai eu l'occasion de le dire, le débat parlementaire instruit la lecture de la loi, qui ne doit pas comporter la moindre parcelle ou zone d'illisibilité.
Je voudrais néanmoins revenir sur certains de vos propos.
Vous avez dit que le débat avait été tronqué et que le rapporteur avait en fait exprimé, au nom de la commission, un avis quelque peu personnel. Je ne peux pas accepter de tels propos. Jamais je ne me suis exprimé, ni ici en tant que rapporteur ni ailleurs, en fonction d'un quelconque dogmatisme ou sectarisme. J'ai toujours été animé par les convictions qui sont les miennes, tout simplement.
Hormis une fois, où j'ai effectivement reconnu qu'il était peut-être difficile de renoncer pour un détail à la conformité des votes, je me suis toujours exprimé, en retirant les amendements de la commission, sur le fond, en toute honnêteté intellectuelle.
M. Daniel Reiner. Je l'espère !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Le fond était satisfait ! La satisfaction du fond doit-elle être limitée par la surdité qui tiendrait à la forme ? Je ne le pense pas.
Nous nous honorons lorsque nous participons à l'écriture d'un texte de loi avec cet esprit-là. La conformité n'a jamais été un objectif Faut-il se réjouir de cette conformité, ou la regretter ? Pour ma part, je m'en réjouis, car cela prouve que la navette a joué son rôle. Pourquoi un texte ferait-il plusieurs fois la navette entre les deux assemblées si la conformité peut être obtenue plus rapidement ?
Je tiens aussi à remercier les collaborateurs de la commission des affaires économiques de leur disponibilité et de leur travail. Ils nous ont permis d'atteindre notre objectif d'explication, de lisibilité des textes, de référence aux codes, etc., car cette loi va avoir des répercussions sur bon nombre de choses !
Sur le fond - cela a été rappelé - ce texte de loi va permettre l'évolution d'ADP et des aéroports régionaux, qu'ils soient métropolitains ou ultramarins, ce qui nous rendra plus performants. Il va également permettre de mieux gérer et de réguler l'évolution économique des redevances. Dans son rapport, M. Camdessus préconisait « d'agiliser l'Etat » pour permettre à la France d'évoluer. Avec ce texte de loi, nous avons très modestement contribué - on peut le dire sans fausse humilité - à agiliser l'un des secteurs les plus importants, celui du transport, qui facilite l'échange des matériels, des produits, et qui, avant tout, établit une relation entre les hommes. Dès lors que l'on contribue à agiliser un tel secteur, on améliore très substantiellement notre société !
Je terminerai mon propos en remerciant M. le secrétaire d'Etat d'avoir compris les observations formulées par le Sénat et de nous avoir apporté des précisions qui, par rapport à la conception initiale que nous avions du texte, nous ont permis d'être rassurés et totalement satisfaits. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames et messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier tous ceux qui ont contribué à ce que je n'hésite pas à appeler une amélioration sérieuse du texte présenté par le Gouvernement. Vous avez totalement rempli votre rôle de parlementaire en discutant ce texte, en l'amendant et en l'améliorant sur des points extrêmement sensibles.
Je remercie naturellement les représentants des groupes qui vont apporter leur soutien au Gouvernement et émettre un vote positif. Mais je remercie également les orateurs des autres groupes, dont les interventions ont permis d'expliquer ce texte, de le clarifier. De ce point de vue, leurs critiques ont été constructives.
Après le vote de la loi du 13 août 2004, ce projet de loi va modifier complètement le paysage aéroportuaire français. Nous aurons désormais un texte pour les aéroports de tailles petite et moyenne, des dispositions pour les grands aéroports de région et, enfin, un statut particulier pour la très grande plate-forme aéroportuaire gérée par Aéroports de Paris.
Loin de tout dogmatisme, nous avons voulu un texte inspiré par le pragmatisme, la diversité des situations et la nécessité de conduire des évolutions qui ne sont pas des révolutions, mais qui répondent mieux aux besoins des compagnies aériennes, de leurs clients, cela sans jamais oublier les missions de service public, les impératifs d'intérêt général, d'aménagement du territoire, de desserte de l'outre-mer et de développement économique auxquels contribuent très largement les aéroports français.
Le travail législatif qui a été accompli me paraît exemplaire et va nous donner, pour les prochaines années, les moyens de développer encore ce grand secteur d'activité de notre pays, comme l'a souligné le rapporteur. Que les transports, sous toutes leurs formes, contribuent puissamment à la croissance économique, c'est le voeu qui, ce soir, devrait nous rassembler ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté définitivement.)
3
DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION
M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport d'information fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation sur le pacte de stabilité et de croissance.
Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 277 et distribué.
4
ordre du jour
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mardi 5 avril 2005, à neuf heures trente, à seize heures et le soir :
Discussion du projet de loi (n° 240, 2004-2005) sur l'eau et les milieux aquatiques ;
Rapport (n° 271, 2004-2005) de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan ;
Avis (n° 273, 2004-2005) de Mme Fabienne Keller, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation ;
Avis (n° 272, 2004-2005) de M. Pierre Jarlier, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 4 avril 2005, avant dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 4 avril 2005, à seize heures.
Délai limite pour les inscriptions de parole
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur le référendum relatif au projet de loi autorisant la ratification du Traité établissant une constitution pour l'Europe (application du deuxième alinéa de l'article 11 de la Constitution) ;
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 5 avril 2005, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures trente-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD