M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy, auteur de la question n° 645, adressée à M. le ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer.
M. Philippe Leroy. Monsieur le secrétaire d'Etat, ma question a trait au régime des aides européennes à finalité régionale, notamment en ce qui concerne le soutien au développement des entreprises.
La politique européenne pour la période 2007-2013, qui est en cours d'étude, vise, en la matière, à remplacer le système en vigueur, en particulier le mécanisme de la prime d'aménagement du territoire.
Si les propositions de la Commission européenne sont adoptées à l'identique, aucun territoire en France ne pourra attribuer d'aides au développement des entreprises, les aides, que l'on peut appeler horizontales ou transversales, relatives, par exemple, à la recherche-développement ou à la formation mises à part. En pratique, cela signifie la disparition de la possibilité de soutenir le développement industriel ou économique.
De plus, les aides publiques à l'investissement des grandes entreprises seront autorisées dans tous les autres territoires européens qui bénéficieront d'un zonage lié à leur produit intérieur brut dans la mesure où celui-ci sera inférieur à 75 % de la moyenne européenne.
C'est évidemment une mesure de solidarité, mais, poussée à l'extrême, cette solidarité aurait de graves conséquences pour un certain nombre de territoires français qui se verraient de fait interdits d'accueillir des entreprises nouvelles et confrontés à la désindustrialisation.
Les autorités françaises ont transmis en juillet dernier une première réponse aux autorités européennes en indiquant que le Gouvernement français allait consulter les collectivités locales à ce propos.
Je sais que le calendrier s'accélère puisque la Commission européenne vient de nous adresser les compléments de proposition et que nous devons rendre notre copie nationale au mois d'avril ou de mai.
Je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, si vous avez pu recueillir l'avis des collectivités et si le Gouvernement français a élaboré des contre-propositions pour que certaines régions françaises qui en ont besoin puissent recevoir ces aides européennes.
Entendez-vous nous communiquer les éléments de vos réflexions ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, vous avez bien voulu attirer l'attention du Gouvernement sur la position des autorités françaises relative aux propositions que nous a transmises la Commission européenne visant à réformer la réglementation des aides publiques aux entreprises pour la période 2007-2013.
Comme vous le soulignez, le projet de révision des règles relatives aux aides à finalité régionale présenté par la Commission européenne aurait des conséquences importantes et très négatives pour le territoire français s'il était adopté en l'état, puisqu'il interdirait à l'avenir aux pouvoirs publics, c'est-à-dire à l'Etat mais aussi aux collectivités, de soutenir l'investissement productif et la création d'emplois des entreprises dépassant la taille de PME.
Comme vous l'indiquez très justement, la prime à l'aménagement du territoire est en effet concernée par le dispositif en question.
Le Gouvernement français a, vous le savez, transmis les premières observations à la Commission européenne au mois de juillet dernier. Dans l'attente de la réception des avis des organisations représentatives des élus locaux, il a exprimé son opposition aux propositions de la Commission, ce qui reste notre position, et sollicité le maintien de la possibilité d'aider les grandes entreprises sur le territoire métropolitain dans la période 2007-2013.
Depuis, nous avons reçu des réponses des représentants des collectivités, notamment de l'Association des maires de France et de l'Association des régions de France, et leurs propositions viennent conforter la position initiale exprimée par le Gouvernement français.
Les discussions ont été engagées sur l'initiative de la Commission, les 1er et 2 février 2005, à ce sujet. La France a réitéré à cette occasion son attachement au maintien de possibilités de soutien aux entreprises sur son territoire.
Avec nos homologues allemands, britanniques et autrichiens, mais sur l'initiative du Gouvernement français, Gilles de Robien et moi-même avons adressé un courrier commun à la Commission pour lui faire part de notre refus de voir appliquer la suppression totale et brutale des aides qu'elle nous proposait.
Avec Gilles de Robien, nous rencontrerons d'ailleurs, le 17 février prochain, Mme Kroes, commissaire chargée de la concurrence, dont les positions gênent le Gouvernement français, pour nous expliquer sur ces questions.
Etant hier au Luxembourg, pays qui assure la présidence de l'Union européenne, j'ai rappelé la position française à mon homologue qui m'a assuré de son soutien.
La Commission européenne a demandé aux Etats de lui transmettre en mars prochain, leur position officielle sur la réforme des aides à finalité régionale. Avec Gilles de Robien nous avons demandé à nos services de rester en contact étroit avec les organisations représentatives des collectivités locales - en l'occurrence essentiellement l'Association des maires de France et l'Association des régions de France, mais aussi l'Assemblée des départements de France - lors de l'élaboration de cette position complémentaire, pour tenir compte des avis qu'ils auront exprimés. Il me paraît en effet indispensable que nous puissions accompagner le développement de nos entreprises dans le cadre d'une politique ambitieuse de compétitivité menée par le Gouvernement et soutenue par les représentants des associations d'élus.
Je peux vous assurer, monsieur le sénateur, que nous demeurerons particulièrement vigilants sur cette question.
M. le président. La parole est à M. Philippe Leroy.
M. Philippe Leroy. Je remercie le Gouvernement de son action et je me réjouis de voir qu'elle est conforme aux voeux des représentants des collectivités territoriales. Je ne peux que lui souhaiter une pleine réussite dans ses démarches.
Financement du code ISPS
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, auteur de la question n° 641, adressée à M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer votre attention sur le financement du code international pour la sécurité des navires et des installations portuaires, le code ISPS.
En effet, depuis le 1er juillet 2004, tous les ports maritimes d'Europe et du monde sont tenus de mettre en oeuvre le code ISPS, approuvé par l'Organisation maritime internationale, l'OMI, en décembre 2002. Mais son application soulève des questions de financement, ce dernier étant à la charge des Etats. En ce qui concerne notre pays, une mission interministérielle devait faire des propositions au cours de l'année 2004.
Dans son rapport rendu en juin, la mission conduite conjointement par l'inspection générale de l'administration, de la police nationale et des finances et le conseil général des ponts et chaussées, insiste sur la nécessité de trouver un mode de financement qui n'introduise pas de distorsion de concurrence entre les ports. Elle propose, à titre transitoire et pour une durée de 3 ans, la création d'une taxe de sûreté portuaire sur les passagers des ferries et les croisiéristes, taxe qui, par exemple, pourrait varier de 2 euros par passager ferry piéton à 5 euros pour les véhicules dont les passagers bénéficieraient alors de la gratuité. Le produit de la taxe serait versé à l'Etat et affecté au financement des ports.
Dans le contexte économique actuel du transport maritime transmanche, cette proposition de financement pose un véritable problème : estimé à 5,9 millions de passagers en 1994, le marché du trafic passager sur le secteur Manche ouest et centrale, c'est-à-dire sur les lignes de Roscoff à Dieppe, a décru en moyenne de 3 % par an depuis 10 ans, pour atteindre 4,3 millions en 2004.
Une taxe supplémentaire sur les passagers risquerait de créer un problème économique pour des entreprises qui doivent déjà faire face à l'augmentation du prix du pétrole et au développement des compagnies low-cost, tant aériennes que maritimes.
A titre d'exemple, sur le port de Cherbourg, il en coûterait, en 2005, plusieurs millions d'euros à une compagnie, alors même qu'elle fait l'effort de reprendre une partie des lignes après le retrait d'un concurrent, annoncé à la fin de 2004 dans des conditions hautement condamnables.
La décision prise pourra donc mettre en cause, non seulement la viabilité de nombreuses entreprises, mais également le maintien de nombreux emplois à terre. C'est pourquoi, je vous demande, monsieur le secrétaire d'Etat, quelles sont les intentions du Gouvernement sur cette question fort délicate.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Frédéric de Saint-Sernin, secrétaire d'Etat à l'aménagement du territoire. Monsieur le sénateur, je voudrais tout d'abord vous prier d'excuser François Goulard, qui, n'ayant pu nous rejoindre ce matin, m'a prié de vous répondre à sa place.
Le code international pour la sûreté des navires et des installations portuaires, adopté par l'Organisation maritime internationale en décembre 2002 et entré en vigueur le 1er juillet 2004, impose aux navires et aux installations portuaires, c'est-à-dire aux terminaux portuaires, d'adopter des mesures de sûreté. Formalisées dans un plan de sûreté approuvé par le Gouvernement, elles visent à protéger le navire, ses passagers et éventuellement sa cargaison vis-à-vis d'actes terroristes. Elles peuvent comprendre, par exemple, pour les navires, des dispositifs de sécurisation des organes sensibles du bâtiment, tels que la passerelle de commande ou la salle des machines ; pour les installations portuaires, la mise en place de clôtures, de badges d'accès, mais aussi de vidéosurveillance, voire de dispositifs de détection d'armes ou d'explosifs.
Il est important de noter à ce stade que le code international ISPS fixe des obligations aux opérateurs, qu'il s'agisse des compagnies maritimes ou des opérateurs de terminaux portuaires. Le rôle de chacun des Etats consiste à approuver les mesures proposées et à en contrôler la bonne mise en oeuvre.
Cependant, le Gouvernement, conscient de l'importance de la charge financière de ces mesures pour les opérateurs et le transport maritime, a demandé aux inspections générales des ministères de l'équipement, de l'intérieur et des finances d'en examiner les modalités de financement. Il a également demandé à cette mission interministérielle d'examiner la problématique du financement du traité franco-britannique du Touquet, relatif à la mise en oeuvre de contrôles frontaliers dans les ports de la Manche et de la mer du Nord.
La mission interministérielle a proposé une première évaluation des coûts induits par les mesures de sûreté, à hauteur environ de 80 millions d'euros par an au niveau national, et confirmé que ces dépenses avaient, pour l'essentiel, vocation à être prises en charge par les opérateurs du transport maritime. Ces mesures de sûreté contribuent en effet également, pour une large part, à l'amélioration des conditions de sécurité, à la prévention des vols, et, plus généralement, à la qualité de l'exploitation.
La mission interministérielle a toutefois estimé que certaines de ces dépenses, notamment les dépenses induites par la sécurisation du transport maritime de passagers et la mise en oeuvre du traité du Touquet, pouvaient justifier un financement public. Compte tenu des contraintes budgétaires, elle a étudié la création d'une ressource nouvelle qui pourrait prendre la forme d'une taxe de sûreté du transport maritime, portant sur les trafics de passagers. Divers scénarios, susceptibles de mobiliser un financement plus ou moins important, ont depuis lors été examinés. Cependant le financement de ces coûts, qu'ils fassent l'objet d'une taxe de sûreté ou qu'ils soient pris en charge par les opérateurs et répercutés ensuite dans leurs tarifs, vient à la charge du transport maritime de passagers, dégradant évidemment l'équilibre économique de cette activité.
Conscient de cet enjeu, le Gouvernement étudie aujourd'hui s'il est réellement opportun d'instaurer une taxe de sûreté ou si ces dépenses pourraient être prises en charge dans le cadre d'un redéploiement budgétaire. Cette question pourrait faire l'objet d'une décision lors du prochain comité interministériel de la mer, programmé pour le deuxième trimestre 2005.
situation des centres d'information sur les droits des femmes et des familles
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, auteur de la question n° 646, adressée à Mme la ministre de la parité et de l'égalité professionnelle.
M. Gérard Delfau. Ma question concerne les problèmes budgétaires que rencontrent les centres d'information sur les droits des femmes et des familles. Je m'inquiète en effet de la baisse des crédits prévus dans la loi de finances pour 2005, qui fait suite à la diminution intervenue en 2004, alors même que le versement du financement de l'Etat a été très tardif, en décembre, en Languedoc-Roussillon.
Si cette amputation devait être confirmée, le résultat serait dramatique et un grand nombre des 117 centres de France seraient contraints de licencier. Or, je tiens à vous rappeler, madame la ministre, que ce réseau favorise l'insertion sociale et professionnelle des femmes. Il fournit à titre gratuit une information d'ordre juridique, professionnel, économique, social et familial afin de leur faciliter l'accès à une pleine citoyenneté et à une plus grande autonomie dans leur vie personnelle, toutes missions qui relèvent, bien évidemment, de votre ministère.
Dans le cas de la région Languedoc-Roussillon, plus particulièrement dans l'Hérault, je souligne pour votre information que 2602 femmes ont consulté en 2004 et qu'elles ont souvent été suivies sur plusieurs dossiers : conseils juridiques, conjugaux, sociaux notamment
Je tiens à mettre l'accent sur l'une des actions exemplaires de ces centres de l'Hérault. Ils informent et accompagnent les femmes victimes de violences conjugales dont 180 cas ont été répertoriés en 2003, et 283 en 2004.
A la suite de ces travaux, une expérimentation a été lancée avec un groupe de parole pour les hommes incriminés dans ces violences : il s'agit là d'une expérience unique, conduite en partenariat avec le parquet, la gendarmerie et le centre hospitalier universitaire. Une telle démarche constitue, à l'évidence, une bien meilleure façon d'affronter ces problèmes que la création de places supplémentaires dans les prisons.
Telles sont les raisons de mon inquiétude. En tant que parlementaire et en tant que maire, je tiens à dire que j'ai, depuis longtemps déjà, offert un local et alloué une subvention de fonctionnement à l'antenne du CIDF de ma commune. Je vous demande donc instamment, madame la ministre, de prévoir des moyens constants, de pérenniser les emplois et de faire en sorte que cette action soit, non seulement maintenue, mais encore développée.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Monsieur le sénateur, je suis tout à fait en mesure de vous apporter les apaisements que vous souhaitez sur ce sujet fondamental.
Bien évidemment, ce réseau associatif est incomparable par son efficacité et par le soutien qu'il mérite de la part du Gouvernement. Nous le lui accordons dans le souci qui a toujours été le nôtre de faire en sorte que ces associations de terrain puissent répondre, comme vous venez de le décrire vous-même, aux besoins qui s'avèrent aujourd'hui très pressants en termes d'écoute, d'accueil et de gestion, notamment des questions liées à la violence.
Vous me permettrez de faire, en quelques mots, la démonstration de l'engagement sans faille de mon ministère auprès de ce réseau, et que ce premier chiffre me semble déjà traduire : 45 % de notre budget d'intervention lui a été consacré en 2004. A ce jour, je rappellerai qu'il couvre 115 associations et près de 976 points d'information répartis sur l'ensemble du territoire. Le dynamisme de ces structures n'est plus à démonter. Il se traduit par le nombre très important des personnes accueillies, mais aussi des salariés et des bénévoles, que vous avez évoqué et qui n'a cessé de croître ces dernières années. En 2003, les CIDF ont reçu 657 522 demandes d'information, soit un taux d'accroissement des demandes de 11,54 %, entre 2003 et 2004, près de 300 000 personnes ont été informées individuellement et 31 000 de façon plus collective. Ils emploient 1065 salariés, soit 649 équivalents temps plein, dont 316 juristes et ces instances ont été animées par plus de 600 bénévoles.
Vous indiquez à juste titre, monsieur le sénateur, que ces centres ont pour objet de contribuer à améliorer l'insertion sociale et professionnelle des femmes en leur offrant une information juridique de qualité qui leur permette à la fois d'acquérir une plus grande autonomie dans leur vie personnelle, sociale et économique et d'obtenir une possibilité de promotion professionnelle, leur ouvrant ainsi l'accès à une pleine citoyenneté.
Nous préservons - et c'est le souhait de M. le Premier ministre - cette « richesse » du réseau associatif, notamment à travers le Centre national d'information et de documentation des femmes et des familles, le CNIDFF, qui est la tête de réseau et, bien sûr, tous les CIDF installés dans nos territoires et nos régions, dont la vôtre.
Je tiens donc à réaffirmer devant vous le soutien financier de l'Etat, qui s'accompagne d'ailleurs d'une réorganisation des structures puisque nous avons mis en place un système de cadres contractuels renouvelés permettant d'assurer la pérennité du réseau associatif par le biais d'un partenariat déterminé dans un contrat d'objectifs triennal. Le bilan très positif d'exécution du premier contrat d'objectifs me conduit d'ailleurs à renouveler ma confiance à la tête de réseau puisqu'un deuxième contrat est en passe d'être signé.
S'agissant du soutien financier de l'Etat, je rappelle que la dotation annuelle globale du ministère de la parité et de l'égalité professionnelle s'est élevée à 5 212 345 euros ; elle est restée sensiblement identique ces dernières années en raison de notre souci de rigueur budgétaire. Cependant, cela ne nous empêchera en aucune façon de poursuivre notre soutien au développement des centres locaux ainsi qu'au centre national, qui dispose d'une subvention annuelle de 1 106 000 euros, somme très importante, puisque la part ainsi réservée au CNIDFF représente 32 % des crédits d'intervention nationaux.
Consciente que toute mesure de réduction de ces crédits aurait une incidence forte sur le fonctionnement du réseau, j'ai décidé de maintenir l'effort, en 2005, à hauteur de celui qui a été consenti en 2004.
Vous pouvez donc être pleinement rassuré, monsieur le sénateur, sur la pérennité du soutien financier de l'Etat à cette structure. J'ajoute que nous envisageons même de recruter une trentaine de salariés supplémentaires, ce qui témoigne de notre volonté de donner une stabilité à ces centres en reconnaissance de leur efficacité et de soutenir le réseau associatif en France.
M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.
M. Gérard Delfau. Madame la ministre, je vous remercie de ces informations.
Je veux tout d'abord m'associer à l'hommage que vous avez rendu à ce réseau, déjà très ancien, qui a été soutenu par tous les gouvernements sans exception, et redire qu'il faut impérativement non seulement le préserver, mais lui donner les moyens de se développer, afin qu'il soit en mesure de répondre aux situations difficiles.
Ensuite, je prends acte de votre engagement de maintenir l'effort budgétaire, en 2005, à un niveau identique à celui de 2004, bien que cette réponse me paraisse quelque peu décevante, ce qui ne vous surprendra pas. Soyez-en assurée, le parlementaire que je suis veillera particulièrement, et tout au long de l'année, à ce que cet engagement, qui est un minimum, soit scrupuleusement tenu, de sorte que, notamment, nous n'ayons pas à constater, comme l'année passée, des retards dans les versements, qui se traduisent par autant de frais financiers supplémentaires venant amputer les ressources de ces centres.
Je forme le voeu qu'à cette reconduction à l'identique que vous annoncez succède, en 2006, un effort sensiblement accru.
interdiction en milieu professionnel des éthers de glycol reprotoxiques
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, auteur de la question n° 637, adressée à M. le ministre délégué aux relations du travail.
M. Roland Muzeau. Ma question s'adresse également à M. le ministre chargé de la santé et de la protection sociale et porte sur la stratégie du Gouvernement concernant la protection des travailleurs exposés couramment à des éthers de glycol dont la toxicité sur la santé humaine est établie.
Comme l'a révélé récemment le premier procès mettant en cause l'utilisation de ces substances chimiques en milieu professionnel, les victimes de l'exposition à ces substances sont, certes, des salariés parents ayant donné naissance à des enfants mal formés ou atteints dans leur capacité reproductive, mais également, et plus directement, la progéniture de ces derniers, faisant apparaître à cet égard le caractère structurant des questions de santé au travail sur la santé publique.
Je n'ose penser, notamment après le drame sanitaire de l'amiante et le scandale des fibres minérales utilisées en remplacement, que les pouvoirs publics puissent continuer de traiter avec légèreté le dossier des éthers de glycol.
L'argument tiré des connaissances imparfaites sur les risques liés à l'utilisation de cette famille de solvants n'est pas recevable. Dans l'affaire de la vache folle, fort heureusement, les pouvoirs publics n'ont pas attendu la preuve absolue pour agir. Comment, dès lors, expliquer que le principe de précaution ne s'applique pas au monde de l'entreprise et du travail, si ce n'est parce que, dans ce domaine, les intérêts économiques, le souci de la rentabilité industrielle et financière l'emportent trop souvent sur l'humain et les enjeux de santé publique ?
Voilà maintenant plus de vingt ans que les premières alertes ont été lancées à l'étranger. La reprotoxicité des éthers de la série E - il s'agit des dérivés de l'éthylène glycol - a été mise en évidence. Certains éthers de la série P seraient également particulièrement dangereux pour l'homme.
Les résultats de diverses études, dont celle de M. Cicolella, ont confirmé les risques particulièrement élevés pour les consommateurs et les travailleurs en cas d'utilisation desdites substances.
A l'échelon européen, si aucune de ces molécules n'est classée comme reprotoxique de catégorie 1, c'est-à-dire comme ayant des effets avérés chez l'homme, neuf molécules sont classées en catégorie 2 en raison des effets reprotoxiques chez l'animal.
Découlent de cette classification des interdictions d'incorporation dans les produits à destination du grand public, des restrictions d'usage, que la France a anticipées et étendues aux produits cosmétiques, produits de santé et produits à usage vétérinaire.
S'ils sont prohibés pour le consommateur, les mêmes éthers de glycol restent pourtant autorisés au travail, alors que - vous le savez - l'exposition dans ce cadre est, par nature, beaucoup plus importante.
S'impose donc, aujourd'hui, une politique de prévention « soft », ou encore a minima, qui est fondée sur le principe de substitution des éthers toxiques par un agent moins dangereux, sous réserve que ce soit techniquement possible, et non plus une politique de prévention primaire, où les risques sont recherchés et supprimés à la source.
Quel est le résultat de cette incohérence en termes de santé publique ? En toute légalité, de trop nombreux salariés restent exposés à ces produits extrêmement dangereux, sans le savoir précisément, dans des secteurs d'activité comme ceux de l'industrie aéronautique, des composants électroniques, de la peinture ou du bâtiment.
Les dispositions prévues spécifiquement en direction des seules femmes enceintes, qui ne peuvent être exposées à ce type de produit, à condition que leur grossesse soit connue, sont également insuffisantes. En effet, comme le dénonce à juste titre le collectif « éthers de glycols », le risque existe autant pour les femmes que pour les hommes et la toxicité pour l'embryon est réelle dès la conception.
Dans ces conditions, vous comprendrez, madame la ministre, que je vous demande de me faire connaître les mesures que le Gouvernement entend prendre pour véritablement responsabiliser les entreprises et pour faire évoluer la réglementation concernant les éthers de glycol en milieu professionnel, en l'occurrence en interdisant l'utilisation et la commercialisation des substances reprotoxiques.
Ma demande est légitimée, je dois le dire, par l'évolution des connaissances scientifiques en ce domaine. En effet, il n'aura échappé à personne que l'une de deux études épidémiologiques lancées en 2001, qui évalue les conséquences sur la fertilité masculine, conclut à l'existence, « d'une association entre l'exposition professionnelle aux produits contenant des éthers de glycol et une atteinte à la qualité du sperme ».
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur la stratégie de protection des salariés contre les éthers de glycol et, notamment, demandé l'interdiction en milieu professionnel des éthers de glycol toxiques pour la reproduction.
Les éthers de glycol appartiennent à une famille de solvants dont une trentaine environ ont donné lieu à une exploitation industrielle dans différents secteurs, peintures, encres, vernis, colles, cosmétiques, carburants aéronautiques, produits d'entretien et produits phytosanitaires. En l'état actuel des connaissances scientifiques, neuf d'entres eux présentent une toxicité pour la reproduction avérée chez l'animal et ont été classés, à l'échelon européen, dans la catégorie des substances toxiques pour la reproduction de catégorie 2.
Ce classement entraîne automatiquement, en vertu de la réglementation communautaire, dans tous les Etats membres de l'Union européenne, une interdiction d'incorporation dans les produits à destination du grand public.
S'agissant des applications industrielles en milieu professionnel, la stratégie européenne de protection des travailleurs est fondée, en premier lieu, sur l'obligation de substitution, dont le principe figure dans la directive-cadre 89 - 391 du 12 janvier 1989 et est rappelé dans les directives concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents chimiques dangereux - c'est la directive 98-24 du 7 avril 1998 - ou à des agents cancérogènes ou mutagènes - c'est la directive 2004-37 du 29 avril 2004.
Aucun éther de glycol n'a, pour l'instant, été interdit en milieu professionnel dans un Etat membre de l'Union européenne.
En France, le cadre juridique assurant la mise en oeuvre de ces mesures est complet. Il a été modernisé et renforcé par le décret du 1er février 2001 relatif à la protection des travailleurs contre les risques liés à l'exposition à des agents cancérogènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction de catégories 1 et 2.
Il faut souligner que ce décret va au-delà des dispositions de la directive européenne, puisqu'il s'applique non seulement aux agents cancérogènes et mutagènes, mais aussi aux agents toxiques pour la reproduction. De plus, cette réglementation prévoit des mesures de protection spécifique des femmes enceintes et allaitantes.
Afin de s'assurer de la mise en oeuvre de cette réglementation, les services ont mené une campagne spécifique en 2001, dans le cadre des actions prioritaires de l'inspection du travail. En termes de sensibilisation, plusieurs documents d'information ont été diffusés, avec l'appui de la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés, la CNAMTS, et de l'Institut national de recherche et de sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles, l'INRS. Par ailleurs, des journées d'échanges avec les scientifiques ou à destination des professionnels ont été organisées.
Les initiatives des pouvoirs publics, comme les efforts des industriels en matière de substitution, qui résultent de la réglementation applicable, ont eu un impact important sur l'utilisation des éthers de glycol connus comme dangereux.
Ils offrent des résultats encourageants qui ne désactivent, en rien, la vigilance des autorités publiques.
Ainsi, en France, selon les données disponibles, les éthers de glycol classés comme toxiques pour la reproduction de catégorie 2, ne représentaient plus, en 2002, que 3 % à 4 % des quantités utilisées en 1993.
Par ailleurs, afin de préciser les risques sanitaires que présentent les éthers de glycol, les services ont financé ou fait réaliser plusieurs études. Il s'agit notamment d'une étude de classification et d'évaluation de risques de certains éthers de glycol par l'INRS, de la mise à jour de l'expertise collective de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, sur les éthers de glycol, d'une étude de l'INSERM relative à la RATP, de plusieurs études de l'INSERM ayant pour objet d'évaluer les effets potentiels sur la reproduction.
L'étude menée auprès des agents de la RATP est finalisée et sa publication officielle, accompagnée des recommandations éventuelles de l'Institut de veille sanitaire, l'InVS, doit avoir lieu tout prochainement.
L'analyse des résultats de cette étude relève exclusivement des scientifiques. Le principe de la séparation entre, d'une part, l'évaluation indépendante des risques et, d'autre part, sa gestion par les pouvoirs publics, est essentiel à nos yeux.
Selon les conclusions des experts, le ministère chargé du travail prendra les mesures appropriées afin de garantir de façon proportionnée la sécurité et la santé au travail au regard des substances chimiques dangereuses.
L'expertise en France dans ce domaine devrait d'ailleurs être considérablement élargie dans les prochaines années, du fait de la création d'une agence publique compétente en santé au travail. Cette création fera l'objet d'une annonce officielle lors de la présentation du plan Santé au travail par MM. Jean-Louis Borloo et Gérard Larcher, le 17 février prochain, devant le Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels.
Il faut préciser à cet égard que les éthers de glycol évoqués ici ne sont qu'une petite partie des substances cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction de catégories 1 ou 2 utilisées en milieu de travail que cette agence aura à expertiser.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Je vous remercie, madame la ministre, de votre réponse.
Vous avez fait état de la mission de l'inspection du travail et parlé d'un cadre juridique « complet ».
Il me semble tout de même utile de rappeler que les inspecteurs du travail se heurtent à de réelles difficultés pour accomplir correctement leur mission de contrôle, en raison de leur nombre notoirement insuffisant et de l'extraordinaire dispersion des produits dans les entreprises utilisatrices. Ces dernières appartiennent essentiellement et très massivement à la catégorie des très petites entreprises et des petites et moyennes entreprises, qui emploient 80 % des salariés de notre pays.
Par ailleurs, vous avez rappelé la réglementation actuelle, que le ministre de la santé juge contraignante. Cependant, l'absence de cartographie des entreprises utilisatrices en raison de la dissémination de ces produits vers les entreprises sous-traitantes, l'inexistence de fait de comités d'hygiène et de sécurité et des conditions de travail dans ces entreprises, les difficultés rencontrées pour identifier les produits faute d'informations objectives émanant des employeurs, tout cela rend cette réglementation relativement inefficace, à mes yeux comme à ceux des membres du collectif « éthers de glycols ».
Je crains surtout que cette réglementation ne soit démobilisatrice, dans la mesure où les salariés, trop souvent faussement rassurés, risquent de réduire leur vigilance.
Je souhaite donc que nous allions bien plus loin dans les mesures mises en oeuvre, comme le commande l'urgence sanitaire.