compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE Mme Michèle André
vice-présidente
1
PROCÈS-VERBAL
Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
MISSION D'INFORMATION
Mme la présidente. M. Le président du Sénat a été saisi par M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information en vue de se rendre en Chine du 24 septembre au 2 octobre prochain à l'occasion de l'année de la France dans ce pays, pour y étudier, outre la politique culturelle, l'organisation de la recherche, du système universitaire et des médias.
Le Sénat sera appelé à statuer sur cette demande dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.
3
Loi de finances pour 2005
Suite de la discussion d'un projet de loi
Mme la présidente. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (n°s 73 et 74, 2004-2005).
Ecologie et développement durable
Mme la présidente. Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a opté pour la formule fondée sur le principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants, rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au président de la commission des finances, aux deux rapporteurs pour avis, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole impartis.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, les crédits du ministère de l'écologie et du développement durable s'élèvent à 825,25 millions d'euros en 2005, en baisse de 3,2 % par rapport à 2004 si l'on neutralise les transferts entre sections budgétaires.
Il est éclairant de mettre en perspective ces crédits, en les rapprochant de l'effort global des ministères en faveur de l'environnement. Celui-ci baissera en 2005 par rapport à 2004 puisqu'il passera de 3,48 milliards d'euros à 2,96 milliards d'euros.
Notre collègue Fabienne Keller, rapporteur spécial - que je supplée ce matin puisque, avec nos collègues du Bas-Rhin, elle a pris momentanément congé du Sénat -, souhaitait en particulier souligner la diminution des crédits consacrés à l'environnement par le ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Cette diminution résulte notamment de la très forte baisse des subventions d'investissement aux transports urbains et interurbains : 145,77 millions d'euros en 2005 contre 516,37 millions d'euros en 2004.
Cet éclairage permet de mettre en évidence la dimension interministérielle de l'environnement, qui a fait l'objet de nombreux débats devant la commission des finances.
Toutefois, la simple présentation des crédits inscrits au « bleu » pour 2005 rend mal compte de la réalité budgétaire du ministère, et l'on peut dire, monsieur le ministre, que votre projet de budget soulève un problème de sincérité budgétaire. Mais je veux bien reconnaître que votre tâche n'est pas aisée.
Le budget pour 2004 du ministère de l'écologie et du développement durable ne peut en effet être appréhendé sans le fonds de concours de 210 millions d'euros versé par quatre agences de l'eau, sur lesquels 135 millions d'euros sont venus abonder les crédits de l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME.
En outre, alors qu'il avait été annoncé l'an dernier que ce fonds de concours serait constitué uniquement de crédits de paiement, je remarque que 20 millions d'euros ont été inscrits en autorisations de programmes et crédits de paiement afin de contribuer au financement des travaux de lutte contre les inondations dans le Rhône. Je voudrais, monsieur le ministre, obtenir une explication sur ce point.
Si ce prélèvement de 210 millions d'euros sur les agences de l'eau pouvait se justifier, dans la mesure où certaines agences disposaient d'une abondante trésorerie, le mécanisme avait été critiqué par notre collègue Philippe Adnot, alors rapporteur spécial, qui remarquait en particulier qu'il s'agissait d'une réponse conjoncturelle au problème de financement de l'ADEME.
Ce constat amène à s'interroger sur la manière de comparer les crédits du ministère de l'écologie et du développement durable entre 2004 et 2005.
En effet, si les crédits baissent de 3,6 % en apparence si l'on s'en tient au seul « bleu », ils baissent de 22,6 % par rapport aux moyens résultant en 2004 des ouvertures en loi de finances initiale et des moyens provenant du fonds de concours versé par les agences de l'eau.
Cette vision est toutefois faussée dans la mesure où vous aviez annoncé, monsieur le ministre, que 141 millions d'euros seraient inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2004, afin de compléter les moyens dont disposera votre ministère en 2005 pour mener ses politiques. En particulier, vous indiquiez que 130 millions d'euros viendraient ainsi abonder les crédits de l'ADEME, qui s'établissent à 63 millions d'euros.
D'après les précisions qui avaient été communiquées à la commission des finances, une partie importante de cette « rallonge » correspondrait à des crédits reportés de 2003 vers 2004, mais qui ont ensuite été gelés.
Le texte du collectif budgétaire nous est depuis lors parvenu, et les données qu'il comporte sont légèrement différentes.
Ainsi, il apparaît que 131,8 millions d'euros seront ouverts en crédits de paiement, tandis que les annulations atteindront 111,8 millions d'euros, ce qui signifie que les ouvertures nettes de crédits au titre de l'écologie et du développement durable s'établiront à 20 millions d'euros. II nous a par ailleurs été indiqué que certains crédits jusqu'à présent gelés seraient également dégelés.
Compte tenu de ces données, si l'on prend en compte les 131,8 millions d'euros d'ouvertures inscrits en collectif, le budget du ministère pour 2005 pourrait être analysé de deux manières : d'une part, une augmentation significative des crédits par rapport au seul « bleu », puisque les crédits augmenteraient ainsi de 16 %, pour s'élever à environ 957 millions d'euros ; d'autre part, une diminution atténuée mais réelle des crédits, d'environ 10,2 %, par rapport aux moyens dont a bénéficié le ministère en 2004 grâce au concours exceptionnel des agences de l'eau.
Je voudrais rappeler, monsieur le ministre, que le Parlement se prononce sur les crédits présentés dans le projet de loi de finances pour l'année à venir, et l'on ne peut que constater qu'ils ne reflètent pas la situation réelle du ministère de l'écologie et du développement durable en 2005. Même si vous aviez auparavant annoncé l'opération qui serait proposée au Parlement, la commission des finances regrette cette situation.
En outre, la question d'un mode de financement pérenne de l'ADEME reste posée. Par deux fois, celle-ci aura été financée par des moyens de court terme. Il paraît essentiel que les dotations du ministère de l'écologie et du développement durable soient à l'avenir « rebasées », pour que le Parlement ait enfin une vision complète de ce budget.
Sous réserve de ces remarques, les priorités définies, dans le cadre d'un budget contraint, sont satisfaisantes.
La volonté de rénover la politique de l'eau, grâce à un décroisement des financements entre l'Etat et les agences de l'eau est en effet souhaitable et avait été approuvée par la commission des finances. Le projet de loi sur l'eau, qui devrait être présenté en conseil des ministres d'ici à la fin de l'année, devrait permettre de clarifier encore le système de financement de la politique de l'eau et son système d'acteurs.
Par ailleurs, l'effort mené en matière de prévention des dommages liés aux inondations, notamment la création de 10 postes dans les services de prévision des crues, va dans le bon sens, de même que l'effort mené en faveur de l'inspection des installations classées.
Même si le nombre total des effectifs du ministère croît de nouveau en 2005, pour s'établir à 3 650 personnes, on note un effort de maîtrise des dépenses de personnel et des moyens de fonctionnement du ministère. En outre, l'essentiel de l'augmentation des effectifs s'explique par la transformation de l'Institut français de l'environnement, l'IFEN, en service de compétence nationale.
Je voudrais toutefois obtenir des précisions sur les modifications qui ont été apportées par le Gouvernement, en seconde délibération, lors de l'examen du projet de loi de finances à l'Assemblée nationale.
Cinq millions d'euros ont été transférés de la politique de la nature vers la politique de l'eau. Monsieur le ministre, quelles en sont les justifications et quelles en seront les conséquences sur les politiques menées ?
Par ailleurs, un poste de secrétaire général du ministère a été créé, mais aucun crédit supplémentaire n'a été accordé à ce titre, ce qui suppose des redéploiements. Quelle est l'utilité de ce secrétaire général ?
Alors que votre commission avait souvent observé que le ministère de l'écologie et du développement durable ne consommait pas ses crédits, elle constate aujourd'hui que le taux de consommation s'améliore. Le ministère prévoit de dépenser l'an prochain 990 millions d'euros, ce qui est bien supérieur aux crédits inscrits dans son projet de budget et nous renvoie au problème de sincérité que j'ai déjà évoqué.
Je voudrais maintenant faire le point sur la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Je vous renvoie au rapport spécial pour la présentation de la structure budgétaire retenue pour l'écologie et le développement durable, afin de me concentrer sur quelques observations.
Les deux programmes thématiques figurant au sein de la mission « écologie et développement durable » sont censés représenter les deux grands domaines d'action du ministère : la prévention des risques et la lutte contre les pollutions, d'une part ; la gestion des milieux, d'autre part.
Cette distinction paraît assez cohérente et a été défendue par le ministère. Celui-ci nous a indiqué que cette structure prenait en compte le caractère transversal des politiques menées, sans s'arrêter aux limites administratives actuelles, ce que l'on doit saluer.
La principale difficulté qui pourrait en résulter concerne la politique de l'eau, qui se trouve « à cheval » sur les deux programmes.
Il semble, monsieur le ministre, que vous réfléchissiez actuellement à une évolution de cette structure budgétaire et, en particulier, à la création d'un programme dédié à la politique de l'eau.
La commission des finances a noté que le directeur de l'eau est, actuellement, le seul directeur du ministère à ne pas être responsable de programme, ce qui peut susciter quelque crainte de voir les crédits de l'eau être considérés comme « moins prioritaires », alors que la LOLF permet la fongibilité des crédits au sein des programmes.
Au-delà des questions strictement administratives, d'organisation interne du ministère, est également avancée l'idée selon laquelle la direction de l'eau serait moins à même de s'imposer face aux agences de l'eau si elle ne disposait pas d'un programme clairement identifié.
Toutefois, je voudrais souligner ici que la maquette actuelle, qui est le fruit des réflexions du ministère et qui a fait l'objet de nombreux arbitrages, n'a pas encore été testée. Il me semble que sa remise en cause éventuelle ne saurait être envisagée dans la précipitation, ni en fonction de critères uniquement fondés sur la structure administrative actuelle du ministère de l'écologie et du développement durable.
Mme Nicole Bricq. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. S'agissant du positionnement du ministère de l'écologie et du développement durable face aux agences de l'eau, notre collègue Philippe Adnot a pu constater, lors d'un contrôle réalisé lorsqu'il était rapporteur spécial, que la direction de l'eau rencontrait certaines difficultés à exercer la tutelle sur les agences de l'eau, mais qu'elle fournissait des efforts pour l'améliorer. A cet égard, il n'est pas certain qu'un découpage budgétaire ait une influence significative en la matière.
Je souhaite donc, monsieur le ministre, que vous nous éclairiez sur vos intentions dans ce domaine.
Par ailleurs, j'ai été informé de la réorganisation de la direction de l'eau : pouvez-vous nous indiquer les objectifs de cette réorganisation et justifier les choix qui ont été opérés ? J'ai noté, dans une communication publiée hier, qu'il y aurait deux missions et trois sous-directions à l'intérieur de cette direction. Je vous mets en garde contre les termes utilisés, notamment celui de « mission » qui pourrait peut-être venir perturber la conception que nous avions des missions dans le cadre de la LOLF.
On doit souligner que le programme « soutien aux politiques environnementales » apparaît surdimensionné par rapport à l'ensemble de la mission « écologie et développement durable », puisqu'il comprend l'intégralité des personnels de cette mission, alors que certains personnels auraient pu être directement rattachés aux programmes de politiques, conformément à l'esprit de la LOLF. On peut regretter que les actions retenues ne permettent pas d'identifier les moyens supports correspondant à chaque programme.
Le ministère invoque notamment la difficulté liée aux effectifs des services déconcentrés, qui accomplissent plusieurs tâches, et ce pour expliquer l'absence de rattachement des moyens aux programmes. Toutefois, cette argumentation n'est pas totalement convaincante.
S'agissant des objectifs et indicateurs associés aux programmes, je vous renvoie au rapport spécial, car, de manière générale, le travail de réflexion doit encore être poursuivi et la commission des finances sera pour cela à vos côtés, monsieur le ministre.
Enfin, je voudrais signaler que le ministère de l'écologie et du développement durable mènera, en 2005, plusieurs expérimentations de préfiguration de la LOLF. Les crédits consacrés à ces expérimentations ont même été majorés par l'Assemblée nationale sur proposition du Gouvernement.
Sous réserve de ces observations, la commission des finances propose d'adopter les crédits de l'écologie et du développement durable pour 2005.
Je me permets, monsieur le ministre, de vous proposer d'être un adepte de la disparition du déficit budgétaire, car je crois qu'il fait offense au développement durable en ce qu'il pourrait sacrifier l'avenir au présent.
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre de l'écologie et du développement durable. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est la première fois que je présente un projet de budget, celui du ministère de l'écologie et du développement durable, dans cette enceinte. Devant le Sénat, c'est d'abord pour moi un honneur ; mais vous l'imaginez, dans ce lieu que je connais bien, c'est aussi un moment d'émotion.
Je souhaite tout particulièrement saluer le travail accompli par les présidents Jean Arthuis, Jean-Paul Emorine et Jacques Valade, ainsi que celui des trois rapporteurs de mon budget : Fabienne Keller, Jean Bizet et Ambroise Dupont.
Monsieur Arthuis, je tiens à vous remercier de votre présentation de très grande qualité qui nous aidera dans notre réflexion. Nous avons travaillé ensemble dans un esprit ouvert, empreint de dialogue et de concertation.
Je vais très naturellement, et conformément à la nouvelle procédure de débat au Sénat, répondre aux questions soulevées par le président de la commission des finances. Vous me permettrez toutefois quelques mots de présentation générale, qui donnent tout son sens à mon projet de budget pour 2005.
Aujourd'hui, ma mission de ministre consiste à relever, au nom du Gouvernement, les défis écologiques majeurs pour l'avenir de la planète tout entière. La lutte contre le changement climatique est le plus essentiel d'entre eux. Promouvoir l'écologie nécessite donc de conduire deux approches complémentaires : une écologie de proximité et une écologie globale.
L'écologie de proximité est celle de notre quotidien, dans nos lieux de vie. Elle concerne la qualité de l'air, la lutte contre le bruit, la protection de la nature et des paysages ou encore le traitement des eaux et la gestion des déchets. Elle a une forte dimension sociale dans la mesure où ce sont souvent les plus défavorisés qui subissent de fortes nuisances. L'effort sera maintenu, mais une nouvelle étape doit être franchie.
L'écologie globale est celle qui répond à la question du réchauffement climatique et de la perte de la biodiversité. L'activité humaine conduit aujourd'hui à une multiplication des catastrophes naturelles et à une altération de la richesse des espèces et des milieux.
Il faut agir sans délai. Trois principes d'action me guident.
Tout d'abord, il convient de donner un cap à notre développement durable. Le cap est clair : mettre fin à la société du « tout pétrole ». L'évolution de ce modèle sera difficile, mais des mesures doivent donc être prises sans délai.
Ensuite, nous sommes tenus à un devoir d'alerte. Je préfère une écologie qui prépare à une écologie qui répare. Il s'agit d'anticiper plutôt que de subir les évolutions. La prévention des risques et des pollutions est au coeur de cette approche.
Enfin, il faut mobiliser l'ensemble des citoyens. Ils doivent s'approprier les valeurs écologiques et en faire un réflexe de tous les jours. Ainsi, l'écologie deviendra une opportunité et non une contrainte. Elle sera l'un des fondements du progrès social. C'est l'esprit même de la Charte de l'environnement.
Ces principes d'action ne constituent pas un frein à l'économie ; au contraire, ils contribueront à son développement à moyen et à long terme. L'approche qui est la mienne doit conduire à concilier et même à réconcilier l'écologie et l'économie.
En ce qui concerne le projet de loi de finances pour 2005, et j'en viens à la première question de M. Arthuis, il convient de rappeler le contexte général dans lequel il s'inscrit : un effort collectif nécessaire au sein de l'Etat pour assainir les finances publiques.
Ce projet de budget s'établit à 825 millions d'euros en moyens de paiement à comparer aux 856 millions d'euros de la loi de finances initiale de l'année 2004, soit une baisse de 3,6 %.
Toutefois, un abondement de crédits d'un montant total de 160 millions d'euros est proposé dans le projet de loi de finances rectificative en cours de discussion à l'Assemblée nationale. Il concerne l'ADEME pour 130 millions d'euros, le Conservatoire du littoral pour 8 millions d'euros, l'office national de la chasse et de la faune sauvage pour 3 millions d'euros.
Se sont ajoutées, ensuite, deux mesures nouvelles arbitrées tout récemment par le Premier ministre : 10 millions d'euros pour l'aide à l'emploi des cadres dans l'écologie et 9 millions d'euros pour le soutien à l'équipement des bus urbains en filtres à particules.
Ainsi, le ministère sera doté de 985 millions d'euros de crédits, début 2005, ce qui conduit à une prévision de consommation d'un peu plus d'un milliard d'euros, comparable à celle de l'année 2004.
Vous l'avez noté, monsieur Arthuis, cette présentation qui combine la loi de finances et la loi de finances rectificative peut paraître peu lisible. Je n'en disconviens pas. Je voudrais simplement apporter deux précisions.
En premier lieu, je tiens à rappeler que, en tant que ministre, j'aurais nettement préféré une inscription totale des crédits en projet de loi de finances initiale.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut aller vers cela.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Plus sincère !
M. Serge Lepeltier, ministre. ... et aussi une meilleure base de préparation du budget pour 2006.
En second lieu, je souhaite préciser que je n'ai, à aucun moment, dissimulé cet abondement de crédits. Il a d'ailleurs été concentré sur trois établissements publics principalement, ce qui permet de faciliter l'analyse du budget total. J'en ai publiquement fait état devant l'Assemblée nationale, la commission des affaires économiques du Sénat ainsi naturellement que la presse.
En outre, j'aborde une question corollaire de M. Arthuis, celle des crédits annulés en loi de finances rectificative. Cela me donne l'occasion, en toute transparence, de présenter le contenu de ce projet de loi qui n'est pas facilement lisible en raison de sa « technicité comptable ».
En contrepartie des ouvertures de 160 millions d'euros de crédits citées auparavant, mon ministère enregistre une annulation de 140 millions d'euros de crédits sur l'année 2004, essentiellement des crédits reportés des exercices précédents. De manière traditionnelle, les ouvertures ont été, pour l'essentiel, gagées sur des annulations. J'ai toutefois l'assurance, et je m'en félicite, que ces 160 millions d'euros ne seront pas gelés en 2005.
Cette mécanique budgétaire de gel, puis de report, assez implacable, et que le Parlement connaît bien pour l'avoir souvent décriée, atteindra ses limites en 2005 pour mon ministère. Le niveau de mes crédits disponibles ne dégagera en effet que peu de reports en fin d'année.
Ainsi, compte tenu de ces données budgétaires et des enjeux politiques que doit relever mon ministère, j'ai la conviction qu'il va falloir préparer le projet de loi de finances pour 2006 sur une nouvelle base. Je rappelle que le budget du ministère représente aujourd'hui 0,27 % du budget de l'Etat.
Au-delà de ces données budgétaires globales, je souhaite réaffirmer devant vous que, si mon budget est marqué par une stabilité d'ensemble, il a été réparti selon cinq grands thèmes prioritaires d'actions pour l'année 2005.
Premier thème : la lutte contre le changement climatique.
J'ai présenté le plan climat, le 22 juillet dernier, au nom du Gouvernement. Il comprend par exemple le développement des biocarburants avec un triplement de la production d'ici à 2007. Les moyens budgétaires qui y sont consacrés sont accrus de plus de 50 %.
Deuxième thème : la préservation de la biodiversité.
Mon objectif est de stopper, à terme, la dégradation des milieux les plus riches écologiquement. Les moyens budgétaires sont en hausse de 15 %. En outre, des mesures d'incitation fiscales seront mises en oeuvre en faveur du littoral, des zones humides ou Natura 2000.
Troisième thème : la rénovation de la politique de l'eau.
Le Gouvernement présentera, au début de l'année 2005, un projet de loi sur l'eau qui clarifie le rôle des acteurs, en particulier les agences de l'eau. Il recentre l'Etat sur ses missions prioritaires : être garant de la qualité de l'eau vis-à-vis de l'ensemble des citoyens et les prémunir des risques, en particulier ceux qui sont liés aux inondations.
J'en profite pour répondre à la question de M. Arthuis relative à l'amendement gouvernemental adopté à l'Assemblée nationale qui diminuait de 5 millions d'euros les crédits de la nature au profit des crédits de l'eau.
J'ai souhaité, en effet, procéder à un redéploiement à la marge. La pression sur le domaine « eau » était trop forte malgré le décroisement des financements avec les agences de l'eau. Les 5 millions d'euros correspondent à 3 millions d'euros pour les risques d'inondations et 2 millions d'euros pour la connaissance et la surveillance de l'eau. Ce redéploiement ne s'est pas fait au détriment de mes priorités en matière de biodiversité, puisque celles-ci connaissent une augmentation globale de plus de 7 %.
Sur la question relative au fonds de concours des agences de l'eau versé à mon budget en 2004 pour un montant de 210 millions d'euros de crédits, je vous confirme qu'il n'était pas prévu d'autorisations de programme. Mais, face aux inondations exceptionnelles du mois de décembre 2003, le Premier ministre a demandé l'inscription de 20 millions d'euros de crédits en autorisation de programme spécialement dédiés aux travaux de renforcement d'urgence contre les inondations du Rhône.
Quatrième thème : la prévention des risques technologiques et naturels et la lutte contre les pollutions
Je citerai la mise en oeuvre des dispositions de la loi « risques » du 30 juillet dernier tant pour les risques industriels, avec la création de cinquante postes de contrôle, que pour les risques naturels. En matière de lutte contre les pollutions, l'accent est mis sur la recherche et l'évaluation des impacts des pollutions sur la santé. Au total, les moyens sont accrus de près de 15 %.
Cinquième thème : la promotion du développement durable, à laquelle contribuent les quatre premiers thèmes. Le projet de loi constitutionnelle relatif à la Charte de l'environnement témoigne de l'importance croissante des enjeux liés au développement durable dans la mise en oeuvre des politiques publiques. A cet égard, j'ai bien pris note, monsieur Arthuis, de votre conclusion sur le développement durable et le déficit budgétaire.
Parallèlement à toutes ces actions de mon ministère, je tiens à insister sur un point : la conduite d'une politique en matière d'écologie et de développement durable ne repose pas uniquement sur les moyens budgétaires. En effet, une importante réflexion doit être menée sur l'incitation des acteurs économiques et des citoyens à adopter un comportement plus écologique.
Je souhaite que le Parlement et le Gouvernement examinent encore plus attentivement ces questions. Le développement d'instruments de régulation, fiscaux ou non fiscaux, est un enjeu majeur pour l'avenir. A titre d'illustration, les mesures fiscales du projet de loi de finances pour 2005 représentent un montant de plus de 300 millions d'euros. L'augmentation du crédit d'impôt sur les appareils de chauffage performants représente, à lui seul, près de 270 millions d'euros. C'est aussi dans ce cadre global qu'il convient d'analyser mon projet de budget.
J'en viens à la question de M. Arthuis relative à l'avancement de nos réflexions en matière de mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.
Je crois pouvoir affirmer que mon ministère a remarquablement anticipé cette réforme majeure de la gestion publique. Plusieurs orateurs tant à l'Assemblée Nationale qu'au Sénat en ont d'ailleurs fait état. Il restera à « transformer l'essai » dans le projet de loi de finances pour 2006.
Je m'attarderai cependant sur une question de fond dont a également parlé M. Arthuis, à savoir la création éventuelle d'un programme « eau ». La nomenclature comporte aujourd'hui trois programmes : la prévention des risques et la lutte contre les pollutions ; la gestion des milieux et la biodiversité ; enfin, le soutien aux politiques environnementales et le développement durable. II n'est pas évident que cette nomenclature permette une bonne lisibilité de la politique de l'eau et, alors que je m'apprête à présenter un projet de loi sur l'eau, ce sujet, sur lequel vous avez ouvert la discussion, monsieur Arthuis, mérite effectivement réflexion.
Vous m'avez interrogé sur la création d'un poste de secrétaire général, création que j'ai en effet décidée, à la demande de M. le Premier ministre. Après mûre réflexion, en effet, il est apparu que l'administration centrale de mon ministère avait besoin d'une entité stratégique et transversale qui puisse conduire les chantiers de réforme. Le secrétariat général sera, par ailleurs, chargé des affaires internationales et de la communication.
En outre, mon administration est en cours de réorganisation. Pour répondre à M. Arthuis sur la direction de l'eau, je rappellerai que sa réforme vise trois objectifs principaux.
Il s'agit, en premier lieu, de parachever la fusion entre les politiques liées au milieu, par exemple la pêche, et celles qui sont liées aux usages, je pense, notamment, à la pollution. Cela conduit, en fait, à la fusion de deux sous-directions en une seule.
Il s'agit, en deuxième lieu, de préparer la mise en oeuvre de la directive-cadre sur l'eau par la mise en place d'une sous-direction regroupant l'animation des services et la tutelle des établissements publics, comme les agences de l'eau.
Enfin, il convient de structurer l'activité de prévision des inondations en y intégrant le service central d'hydrométéorologie et d'appui à la prévision des inondations.
En conclusion je dirai que le projet de budget du ministère de l'écologie et du développement durable est celui de vrais choix en faveur d'une nouvelle approche de l'écologie, une écologie qui fixe un cap de long terme pour lutter contre le changement climatique tout en se réconciliant avec l'économie. Telle est la façon dont il faut, me semble-t-il, parler de développement durable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans le projet de loi de finances pour 2005, les crédits consacrés à l'écologie et au développement sont fixés à 825 millions d'euros, soit une diminution de 3,6 %.
Au-delà de ce constat, qui traduit la participation importante de votre ministère à l'objectif affirmé et réel du Gouvernement de maîtrise des déficits publics, ambition que je soutiens totalement, je voudrais, monsieur le ministre, faire deux observations, m'associant par là même à l'analyse du président de la commission des finances.
Tout d'abord, à l'heure de la mise en place de la LOLF, conçue pour favoriser une présentation plus transparente des moyens budgétaires attribués aux différentes politiques gouvernementales et renforcer les moyens de contrôle et d'intervention du Parlement, il est regrettable de constater qu'il existe encore autant d'opacité dans ce projet de budget.
En effet, l'an dernier, au-delà des crédits budgétaires inscrits en loi de finances initiale à un niveau nettement insuffisant, le tour de table avait été bouclé, faute de mieux, en invitant les agences de l'eau les mieux dotées en trésorerie à verser une « participation exceptionnelle et volontaire ».
Cette année, et pour pallier une nouvelle fois l'insuffisance des crédits inscrits en loi de finances initiale pour 2005, vous obtenez une rallonge de crédits en loi de finances rectificative pour 2004, qui seront immédiatement reportés en 2005, rallonge qui est d'ailleurs en partie gagée par des annulations de reports de crédits effectuées de 2003 sur 2004, ainsi que vous venez de le préciser.
Par ailleurs, vous comprendrez, monsieur le ministre, que nous ne puissions nous satisfaire de ces procédés de court terme, qui rendent très difficiles les comparaisons d'une année sur l'autre, en ce qui concerne non seulement le montant des dotations initiales, mais également l'exécution des lois de finances.
Au-delà, et pour avoir examiné avec attention la progression très favorable du niveau de consommation des crédits, comme l'a d'ailleurs souligné la Cour des comptes et dont je me félicite, je note que, depuis 2002, les prévisions de paiement dépassent chaque année 1 milliard d'euros, ce qui confirme le caractère irréaliste de l'affichage de 800 millions ou 850 millions d'euros en loi de finances initiale. Il est donc essentiel de recalculer à la hausse la dotation budgétaire initiale du ministère, au risque de remettre gravement en cause la mise en oeuvre et l'efficacité des politiques environnementales du Gouvernement.
Mes questions, monsieur le ministre, porteront sur quatre points précis.
Premièrement, concernant la politique de l'eau, vous justifiez la diminution des crédits qui y sont affectés par la nécessité de mettre fin à des financements croisés entre l'Etat et les agences de l'eau, ce dont on ne peut que se féliciter.
Vous indiquez, en outre, que l'Etat se recentre sur sa mission de garant de la qualité de l'eau et des risques que cette dernière peut induire, en particulier les inondations.
Dès lors, pouvez-vous nous dire dans quels domaines et sous quelle forme les agences seront incitées à monter en puissance, pour quels montants financiers et avec quels moyens ? Y aura-t-il création d'une nouvelle redevance ?
Cela me conduit à vous interroger sur le futur projet de loi relatif à la politique de l'eau.
Pouvez-vous nous apporter des précisions sur le calendrier d'examen de ce texte, à commencer par son adoption en conseil des ministres, et nous donner quelques indications sur le dispositif d'aide à l'assainissement, autrefois géré par le FNDAE, le fonds national d'adduction d'eau potable, et qui serait désormais confié aux agences de l'eau ?
Je ne vous cache pas, monsieur le ministre, que beaucoup de mes collègues, tout en admettant la pertinence du périmètre hydrographique des agences, s'interrogent sur la réalité de la péréquation que ces dernières, notamment les moins riches d'entre elles, pourront effectivement mettre en oeuvre en faveur des petites communes rurales.
Deuxièmement, s'agissant de la prévention des risques technologiques et naturels, au-delà du renforcement des crédits budgétaires hors ADEME et des créations de postes au sein de l'inspection des installations classées, il convient également de mettre en oeuvre le dispositif issu de la loi du 30 juillet 2003 relatif à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages.
Cette loi introduit de nouvelles méthodologies intéressantes s'agissant de l'analyse des risques et des solutions à mettre en oeuvre, ainsi qu'une meilleure prise en compte des risques induits en matière d'urbanisme. Or, à ce jour, sur la trentaine de décrets d'application prévus pour l'ensemble de la loi, seuls deux ont été publiés.
Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour accélérer la parution de ces décrets et avez-vous identifié des difficultés particulières de nature à remettre en cause la rédaction de l'un ou l'autre de ces textes ?
Troisièmement, concernant la lutte contre les pollutions, je voudrais vous faire part, monsieur le ministre, de mes inquiétudes quant au financement de l'ADEME.
Certes, vous obtenez, en loi de finances rectificative pour 2004, 125 millions d'euros supplémentaires, qui seront reportés en totalité sur 2005, mais, globalement, les crédits d'intervention de l'ADEME diminueront malheureusement de 20 %.
Quels sont les arbitrages auxquels l'ADEME va devoir procéder pour ajuster ses politiques à une telle diminution de ses ressources, notamment à l'égard des collectivités territoriales, alors même que 2005 devrait constituer un « pic » en matière de paiements et que l'Agence a déjà consommé ses réserves ?
En outre, comment faut-il interpréter la révision à la baisse des autorisations de programme dans la loi de finances rectificative pour 2004 ? Existe-t-il, pour l'avenir, une volonté de réduire effectivement le champ d'intervention de l'agence et dans quels domaines ?
Quatrièmement, enfin, pour m'être intéressé à la prise en compte du développement durable dans le champ institutionnel et économique, je souhaite réaffirmer le caractère désormais incontournable de ce concept et je me félicite de constater qu'il est de plus en plus fréquemment pris en compte par les entreprises, notamment, bien entendu, par les plus importantes d'entre elles.
En juin dernier, le Parlement a longuement débattu de ce sujet lors de l'adoption de la Charte de l'environnement, en affirmant que la prise en compte du développement durable avait pour objet de concilier une politique ambitieuse de protection de l'environnement avec le développement économique et le progrès social. Je voudrais également souligner - vous le savez très bien, monsieur le ministre, vous qui êtes au coeur de ce débat - qu'à l'OMC, l'Organisation mondiale du commerce, ce concept occupe désormais tous les esprits.
S'agissant de la mise en oeuvre du principe de précaution tel qu'il est inscrit dans la Constitution à travers la Charte de l'environnement, pouvez-vous nous donner l'assurance que des textes législatifs viendront préciser les procédures de sa mise en oeuvre ?
Par ailleurs - et l'actualité le confirme - la question du changement climatique constitue un enjeu majeur du développement durable à l'échelle de la planète.
Vous allez participer, à Buenos-Aires, à des discussions difficiles sur l'après-Kyoto sur un objectif de réduction de moitié des émissions de CO2 d'ici à 2050. Or, pour y parvenir, dans une perspective de développement durable, c'est-à-dire sans casser la croissance, il convient, au-delà des plans européens adoptés pour limiter les émissions de CO2, de s'engager résolument dans une politique ambitieuse de recherche et de développement, en majorant fortement les crédits correspondants. De ce point de vue, j'observe que les Etats-Unis, s'ils refusent d'appliquer les mesures à court terme préconisées par Kyoto, s'inscrivent dans une perspective de moyen et long terme en augmentant de manière très importante leur effort de recherche.
Je voudrais, sur ce point précis, vous avouer ma profonde inquiétude. En effet, les Etats-Unis participent pour 37 % au budget de la recherche et du développement mondial. Le rapport de M. Kok, rédigé à la demande de la Commission, et qui se situe précisément à mi-parcours de la stratégie de Lisbonne, est, à cet égard, édifiant. Voilà simplement deux ans, en 2002, les Etats-Unis ont dépensé, en matière de recherche et de développement, 38 % de crédits de plus que l'Union européenne !
Or cette situation ne saurait perdurer tant il me paraît évident que le développement ne peut se concrétiser qu'à travers un saut technologique.
Quels sont donc nos engagements en ce domaine au plan tant national que communautaire, et, là encore, la diminution des crédits de l'ADEME ne risque-t-elle pas de remettre en cause la politique de recherche qu'elle soutient et met en oeuvre, notamment en matière d'énergie et d'effet de serre ?
Monsieur le ministre, avant de prendre note des différentes réponses que vous nous apporterez, je tiens à vous dire que la commission des affaires économiques et du Plan a émis un avis favorable sur les crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le ministre, la discussion de votre budget me donne l'occasion de vous exprimer ma satisfaction sur quelques points, mais aussi de vous faire part d'un certain nombre d'interrogations.
Laissez-moi tout d'abord me réjouir que, dans un contexte budgétaire contraint, le niveau des crédits de votre ministère s'établisse à un peu plus de 825 millions d'euros, même si ce montant représente une réduction de 3,6 % par rapport à 2004 et ne me paraît pas suffisant pour assumer les problèmes de demain.
A l'heure où les préoccupations environnementales prennent une place de plus en plus importante dans la vie de nos concitoyens, je regrette, bien entendu, cette réduction.
Je ne peux pas complètement me réjouir de la garantie que vous nous avez donnée d'abonder ces crédits d'une enveloppe supplémentaire de 160 millions d'euros hors gel, avez-vous déclaré, en loi de finances rectificative. Les chiffres sont magiques ; les nôtres étaient de 140 millions d'euros !
Si j'estime que ces fonds supplémentaires sont indispensables, en particulier pour soutenir les actions de l'ADEME, qui a été durement traitée en loi de finances initiale, j'aurais bien évidemment souhaité que cette agence bénéficie de financements plus pérennes.
Vous reconnaîtrez qu'à l'heure où la réforme de la loi de finances doit permettre d'améliorer la lisibilité et la transparence de l'action gouvernementale, en mettant à la disposition des parlementaires des outils de suivi et d'évaluation des politiques ministérielles, la méthode est regrettable.
Après ces remarques préalables, j'en viens aux motifs de satisfaction.
Je ne peux, tout d'abord, que me réjouir du sort réservé dans votre budget au réseau des réserves naturelles.
La politique du patrimoine naturel est, vous le savez, un sujet qui me tient particulièrement à coeur. Je vous avais fait part, à mon retour d'un déplacement dans les réserves naturelles de la Petite Camargue alsacienne et du ballon des Vosges, en juin dernier, de la situation inextricable dans laquelle le gel des crédits d'investissement, en 2003 et en 2004, avait placé les gestionnaires de ces réserves.
Face à l'engagement total de ces hommes, mobilisés quotidiennement sur le terrain pour sensibiliser les élus, les populations et l'ensemble des acteurs locaux à la nécessité de préserver la nature, j'estimais que le ministère devait leur donner les moyens d'accomplir leurs missions dans des conditions financières soutenables.
L'augmentation de leurs subventions tant de fonctionnement que d'investissement, qui croissent respectivement de 8 % et 50 % dans le projet que vous nous présentez, est satisfaisante.
Néanmoins, j'attire dès à présent votre attention sur le fait qu'il est indispensable que ces crédits supplémentaires servent en priorité aux réserves qui connaissent les plus grandes difficultés.
Vous est-il possible, monsieur le ministre, de donner cette garantie aux gestionnaires des réserves qui en ont le plus besoin ?
Si les parcs nationaux et le Conservatoire du littoral ne bénéficient pas de la même augmentation en loi de finances initiale, je pense que l'examen, en 2005, du projet de loi sur les parcs nationaux sera l'occasion de réévaluer les besoins nécessaires à leur gestion.
Quant au Conservatoire du littoral, quelles dispositions le ministère pourra-t-il prendre en 2005 pour soutenir sa politique d'acquisition, si le besoin se présentait ?
L'engagement du ministère de consacrer, en 2005, 75,6 millions d'euros à la mise en oeuvre de la stratégie nationale pour la biodiversité me semble également aller dans le bon sens.
Cette mise en oeuvre, qui passe par la mobilisation générale de l'ensemble des acteurs publics et privés via les « plans d'actions » engagés et approuvés par les services déconcentrés, en liaison avec les acteurs de terrain, mais également via l'élaboration concertée, site par site, des documents de planification dans le cadre du réseau Natura 2000, me paraît un bon exemple de ce que doit être le coeur de votre mission.
La réussite de la stratégie nationale dépend en effet, aujourd'hui, de l'efficacité que sauront déployer vos services pour inciter les acteurs locaux à adopter des comportements écologiques, à animer la mise en oeuvre des documents de gestion et à coordonner sur le terrain l'ensemble des initiatives.
Animer, coordonner, soutenir, donner des impulsions, telles doivent être, à mon sens, les missions essentielles de votre ministère. C'est d'ailleurs en ce sens qu'ont déjà été redéfinis les contours de certaines politiques, en particulier dans le domaine de l'eau, qui a été largement évoqué.
Le « décroisement des financements » entre l'Etat et les agences de l'eau s'accompagne en effet, aujourd'hui, d'un redécoupage des missions visant à mettre entièrement à la charge des services de l'Etat les actions liées à la connaissance des milieux et à l'observation - qui recouvrent l'hydrométrie, la piézométrie et la qualité des eaux de surface - au détriment de la gestion des subventions d'investissements allouées aux collectivités territoriales et des actions structurantes locales, confiées aux agences de l'eau. Il me semble que ce double mouvement mérite d'être poursuivi.
Concernant la lutte contre les inondations, domaine que je connais bien, je voulais également vous féliciter d'avoir reconduit, en 2005, la tranche de 20 millions d'euros consacrés en 2004 à la mise en oeuvre du plan Loire et annoncé qu'une stratégie globale devait être lancée dans l'année concernant deux autres grands fleuves français, la Seine et le Rhône.
Par ailleurs, les crédits inscrits dans votre budget pour la prévention des risques naturels semblent être à la hauteur de votre ambition de doter, à l'horizon 2005, les 5 000 communes les plus exposées aux inondations, d'un plan de prévention des risques naturels.
Néanmoins, je voudrais attirer votre attention sur le sort des 6 000 communes qui ont entamé les démarches afin de se doter de ce document, et dans lesquelles il est prescrit, mais pas approuvé.
Beaucoup d'élus se trouvent de ce fait dans des positions inextricables, contraints de stopper les projets de développement en cours, dans l'attente de l'approbation du nouveau plan, mais sans avoir de garanties sur l'échéance.
Est-il possible d'alerter les services déconcentrés de votre ministère afin qu'ils soient particulièrement mobilisés sur l'achèvement des procédures en cours ?
Après vous avoir félicité, monsieur le ministre, je dois maintenant me faire le relais d'un certain nombre de craintes auxquelles, j'en suis certain, vous saurez être sensible.
La fragilisation de la structure financière de l'ADEME ne manque pas de susciter des inquiétudes, particulièrement quand on sait que certaines politiques seront spécialement touchées. Je pense, vous l'aurez compris, à la politique des déchets, dont les crédits connaissent, en 2005, une nouvelle baisse drastique de 71 %.
Face à l'accroissement important des tonnages de déchets ménagers, les élus ont le sentiment qu'on leur impose toujours plus d'obligations - en termes de tri sélectif et d'incinération - sans leur donner les moyens de s'en acquitter.
Pensez-vous qu'il soit envisageable de mettre à profit la possibilité qu'offre, en 2005, la décision d'expérimenter sur l'ADEME la méthode de fongibilité des crédits pour réévaluer les moyens consacrés à cette action ?
La présentation de la nouvelle maquette budgétaire a suscité des interrogations - dont je m'étais déjà fait l'écho l'année dernière - s'agissant du regroupement dans un même programme des « actions de politiques » relevant du patrimoine naturel et de l'eau.
Je crains que le relatif désengagement de l'Etat dans le domaine de l'eau ne se transforme en abandon, faute de l'identification d'un véritable budget opérationnel de programme dédié à cette politique. La loi sur l'eau, nous l'avons dit, devient nécessaire.
Avant de conclure, monsieur le ministre, je tiens à saluer le travail fourni par vos services pour préparer l'élaboration des objectifs et les indicateurs qui devraient permettre au Parlement de mesurer la performance des actions de votre ministère.
Tels qu'ils ont été présentés dans l'avant-projet, les intitulés des objectifs ne sont pas exempts de critiques. Ils devraient pouvoir être encore précisés, même si leur transmission rapide et suffisamment en amont a prouvé que des efforts avaient déjà été déployés pour respecter les engagements pris.
Monsieur le ministre, ces jours-ci, se tiennent les travaux de la conférence de Buenos Aires. Le constat scientifique est de plus en plus alarmant.
Il me semble aujourd'hui plus nécessaire que jamais de mener une politique forte et volontariste de défense de notre planète : votre ministère doit devenir un véritable partenaire des autres ministères pour mettre en oeuvre des actions qui intègrent ces grands problèmes, et pas seulement des mesures, certes nécessaires, mais parfois trop ponctuelles. Le Président de la République l'a dit avec beaucoup de force. Je suis sûr que les orientations de votre ministère, que vous avez tracées devant nous, permettront à chacun d'en prendre conscience.
Pour toutes ces raisons, la commission des affaires culturelles a émis un avis favorable sur le vote des crédits de votre ministère. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Je vais répondre aux rapporteurs pour avis, MM. Jean Bizet et Ambroise Dupont, en reprenant l'ordre de mes cinq grands thèmes d'action pour l'année 2005.
Je commencerai par la lutte contre le changement climatique.
Sur ce thème majeur, l'ADEME est le principal relais de mon ministère. Comme M. Jean Bizet, je me suis inquiété de ses moyens d'intervention et de leur pérennité. L'agence est dans une situation difficile. Elle doit faire face aujourd'hui à des engagements pris entre 2000 et 2002 en autorisations de programme et qui n'étaient pas couverts par des crédits de paiements, pour un montant de plus de 300 millions d'euros.
En conséquence, en 2005, sa dotation de crédits passe à 162 millions d'euros, avec la loi de finances rectificative, contre 71 millions d'euros, dans la loi de finances initiale de 2004. L'agence restera donc en mesure de respecter les engagements pluriannuels qu'elle a conclus avec ses nombreux partenaires, en particulier avec les conseils généraux et avec les conseils régionaux. II faudra maintenir cet effort dans les années à venir.
Par ailleurs, en lui ouvrant 202 millions d'euros d'autorisations de programme en 2005, contre 167 millions d'euros en 2004, le Gouvernement s'engage aussi pour les prochaines années.
Monsieur Bizet, sachez que le Gouvernement s'est résolument engagé dans la voie de la recherche et développement en matière d'énergies renouvelables et de nouvelles technologies plus respectueuses de l'environnement.
La réponse à long terme au problème du changement climatique et au défi énergétique passe, bien sûr, par la recherche et le développement. Je puis vous dire que le Gouvernement a d'ores et déjà lancé des actions concrètes.
D'abord, en matière de recherche sur les véhicules propres, c'est-à-dire les véhicules électriques, hybrides ou à hydrogène, 40 millions d'euros ont été débloqués pour augmenter les crédits de recherche du programme européen pour la recherche, le développement et l'innovation dans les transports terrestres, le PREDIT, et du réseau pile à combustible, sur 2004 et 2005.
Ensuite, en matière d'habitat, le Gouvernement a mis en place une fondation « bâtiment énergie », dotée de 8 millions d'euros, dont l'objectif est de faire des progrès conséquents en matière de performance énergétique des bâtiments.
Tout cela s'ajoute, bien évidemment, aux actions déjà menées par l'ADEME en matière d'aide au développement des énergies renouvelables. J'ai déjà évoqué le développement des biocarburants.
J'en viens au deuxième thème de mon action : la préservation de la biodiversité
M. Ambroise Dupont s'interroge sur la destination des crédits supplémentaires attribués aux réserves naturelles. Je souhaite d'abord rappeler que les réserves naturelles nationales, avec les réserves régionales, ont vocation à protéger les éléments remarquables du patrimoine naturel. Elles doivent constituer, à terme, un réseau représentatif des différents milieux naturels qui hébergent la plupart des espèces menacées en France.
Il existe aujourd'hui cent cinquante-quatre réserves naturelles nationales qui couvrent environ 541 000 hectares. Les subventions seront affectées en priorité à la gestion écologique de ces espaces. Plus de sept cents agents sont mobilisés pour surveiller, étudier et préserver les milieux naturels. Ils ont aussi une mission d'information du public.
J'ai souhaité renforcer les moyens des réserves existantes et aider à la création de nouvelles réserves. La contribution de mon ministère passera de 11,7 millions d'euros à 13,3 millions d'euros entre 2004 et 2005. J'ai demandé que cet effort s'accompagne, en contrepartie, d'un effort de rigueur de gestion.
Enfin, en 2005, les conseils régionaux et l'assemblée territoriale de Corse pourront aussi créer des réserves naturelles. Le réseau s'en trouvera ainsi conforté.
Monsieur Dupont, vous m'avez également fait part de vos interrogations sur la politique d'acquisition à venir du Conservatoire de l'espace littoral et des rivages lacustres.
Vous savez à quel point l'Etat tient à cet outil, essentiel pour sa politique de protection de nos côtes. Le Président de la République lui voue un attachement tout particulier. Il ne manquera pas de le rappeler lors du trentième anniversaire du Conservatoire, en 2005.
Le Conservatoire est propriétaire de 70 000 hectares, ce qui correspond à 10 % du linéaire côtier métropolitain. Sa mission doit se poursuivre avec détermination pour atteindre l'objectif de protéger le tiers du linéaire total.
Pour cela, et malgré les contraintes budgétaires, les moyens du Conservatoire sont maintenus pour 2005, grâce à l'inscription de 8 millions d'euros en loi de finances rectificative, décidée à l'occasion du comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire, le CIADT, du 14 septembre dernier.
A cette disposition favorable, s'ajoutent les autres décisions du CIADT qui prévoient : de faire bénéficier du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée les collectivités territoriales qui financent des travaux sur les terrains du Conservatoire ; de mettre à l'étude la création d'une ressource pérenne, afin d'alimenter le budget du Conservatoire - par exemple une taxe sur les nouvelles infrastructures, mais aucune décision n'est encore prise - ; enfin, de réserver 1,2 million d'euros du fonds national d'aide au développement du territoire pour des aménagements menés par le Conservatoire sur cinq sites, dont les mangroves de Mayotte.
S'agissant maintenant de la politique de l'eau, M. Jean Bizet s'est interrogé sur les « décroisements » financiers entre l'Etat et les agences de l'eau et sur la solidarité vis-à-vis des communes rurales, au-delà de la suppression du FNDAE.
Il me semble important de rappeler ici les quatre grands objectifs de mon ministère en la matière, objectifs qui structurent le projet de loi sur l'eau.
D'abord, nous voulons atteindre en 2015 le bon état écologique de l'eau, conformément à la directive-cadre sur l'eau.
Ensuite, nous voulons adapter les services publics d'eau potable et d'assainissement pour parvenir à une plus grande transparence vis-à-vis des usagers, pour améliorer leur financement en matière aussi bien d'investissements lourds que d'assainissement non collectif, pour atteindre l'efficacité environnementale.
Par ailleurs, nous voulons lutter contre les pollutions diffuses par des plans d'action dans les aires de captage d'eau potable, par l'affectation aux agences de l'eau de la taxe générale sur les activités polluantes phytosanitaires, par le contrôle technique des pulvérisateurs et la traçabilité des produits, ainsi que par le maintien de la redevance « nitrates » sur les élevages.
Nous voulons enfin renforcer la gestion locale, notamment dans le cadre des schémas départementaux d'aménagement et de gestion des eaux.
L'un des objets de la future loi sur l'eau sera de mettre fin dès 2005 aux financements croisés, qui sont complexes, entre l'Etat et les agences de l'eau. C'est ce qui explique que les crédits consacrés à l'eau passent de 112,7 millions à 100,4 millions d'euros. Ces « décroisements » financiers sont évalués à 20 millions d'euros pour 2005. Ils portent essentiellement sur des travaux de restauration et d'aménagement des cours d'eau, vocation première des agences de l'eau.
Par ailleurs, il convient de rappeler que le fonds national de développement des adductions d'eau, le FNDAE, permet de financer, en particulier dans les petites communes, des travaux d'équipement d'eau potable et d'assainissement. Il représente environ 75 millions d'euros par an. A la demande du ministère de l'agriculture, il a été supprimé dans les comptes de l'Etat, pour l'année 2005, en recettes et en dépenses. Son transfert aux agences de l'eau est prévu, mais, je l'ai dit devant la commission, je suis ouvert au débat sur les modalités de ce transfert.
Ce qui m'importe, c'est que sa fonction de solidarité entre les communes urbaines et les communes rurales soit assurée, et même renforcée. Le projet de loi sur l'eau contiendra des propositions sur ce sujet. D'ores et déjà, nous avons demandé aux agences de l'eau de prendre en compte dans leur mission une plus grande solidarité avec les petites communes.
S'agissant de la prévention des risques et de la lutte contre les pollutions, M. Jean Bizet a posé une question sur la publication des décrets d'application de la loi « risques » du 30 juillet 2003.
Tout comme lui, et compte tenu des enjeux, je suis très attentif à la mise en oeuvre rapide et concrète des dispositions de cette loi, mise en oeuvre qui passe par l'adoption de nombreux décrets. En effet, sur les quatre-vingt-quatre articles qu'elle compte, cinquante-quatre appellent des dispositions réglementaires. Le sujet est d'autant plus complexe, vous le savez, que certaines mesures sont innovantes : je citerai à titre d'exemple la création des commissions locales d'information et de concertation, l'adoption de plans de prévention des risques technologiques, la nouvelle organisation de la prévision des crues, ou encore les obligations d'information des acquéreurs et locataires de biens en zones à risques.
J'ai le plaisir de vous informer que les efforts réalisés par mes services - et je salue leur ténacité, car la tâche n'était pas simple - vont aboutir, puisque sept décrets vont être publiés prochainement, concernant notamment les plans de prévention des risques technologiques, l'information des acquéreurs, ou encore le fonds de prévention des risques naturels majeurs. En outre, dix-huit décrets portant aussi bien sur les risques industriels que sur les risques naturels seront publiés en 2005.
A force de travail de concertation avec les autres ministères concernés, avec les collectivités territoriales et avec les citoyens eux-mêmes, cette loi va prendre toute son ampleur dans les faits.
A propos, maintenant, des plans de prévention des risques naturels, les PPRN, M. Ambroise Dupont m'a interrogé sur les 6 000 communes où ces plans ne sont pas approuvés et sur la mobilisation des services de l'Etat pour les faire valider.
Monsieur le sénateur, vous avez raison : effectivement, 6 000 communes environ sont concernées par un plan de prévention des risques naturels prescrit mais non approuvé et, pour certaines, cette situation dure depuis plusieurs années. Le système de franchise d'assurance, en particulier, a incité à des prescriptions en grand nombre.
Le rythme d'approbation des plans de prévention des risques naturels est soutenu. Au début de l'automne, 4 374 communes étaient couvertes par un PPRN approuvé, ce qui nous rapproche de l'objectif initial de 5 000 qui avait été fixé pour la fin de 2005.
Il est très difficile pour l'administration, vous le comprenez, de faire face immédiatement à un tel accroissement de la demande. Dans l'attente, les préfets des départements du sud-est ont été invités à une meilleure maîtrise de l'urbanisation en zone inondable. Tous les préfets ont été également invités à une programmation plus rigoureuse et mieux hiérarchisée de l'instruction des plans de prévention.
Ces instructions seront confirmées et précisées en 2005. Une accélération du rythme d'approbation des plans de prévention devrait être rendue possible par une mobilisation accrue des services ; elle ne doit toutefois pas se faire au détriment de la concertation.
J'en viens enfin à la question de M. Ambroise Dupont sur les crédits dédiés à la politique des déchets. Il convient d'abord de rappeler que le coût du traitement des déchets a doublé depuis une dizaine d'années, passant de 75 à 150 euros la tonne. Cette hausse correspond à de réelles améliorations dans le fonctionnement du service public des déchets, notamment avec la modernisation de la collecte, qui s'accompagne de meilleures conditions de travail, et la meilleure maîtrise du traitement, avec la mise à niveau des centres de stockage de déchets et des usines d'incinération.
Vous le savez, les résultats sont très concrets puisque, en sept ans, les émissions de dioxine ont été divisées par dix en France et qu'une nouvelle division par cinq est prévue d'ici à 2006 : elles sont passées de 1 000 grammes par an à 100 grammes actuellement, et elles atteindront 20 grammes d'ici à 2006.
Mme Nicole Bricq. En Ile-de-France, nous ferons mieux !
M. Serge Lepeltier, ministre. La hausse des coûts correspond aussi à des difficultés dans la mise en place des collectes sélectives, parfois très coûteuses au regard de leur efficacité.
Quant aux aides de l'ADEME, mises en place dans le cadre de la loi « déchets » du 13 juillet 1992, rappelons qu'elles visaient à préparer l'échéance du 1er juillet 2002, l'objectif étant d'accompagner les acteurs dans les investissements nécessaires pour une période de dix ans.
Depuis le 1er juillet 2002, les soutiens de l'ADEME ont diminué : il aurait été injuste d'aider les retardataires alors même que de nombreuses collectivités avaient fait les efforts nécessaires ! Cette situation explique la baisse des autorisations de programme de l'agence dans ce domaine, sachant qu'elle honorera ses engagements en terme de crédits.
D'autres dispositifs prennent le relais, tels le dispositif « éco-emballages », qui connaît une montée en puissance, le taux de TVA réduit pour les collectivités pratiquant le tri sélectif, ou, prochainement, le dispositif sur les déchets d'équipements électriques et électroniques ou sur les imprimés non sollicités. Leur impact financier est bien plus important.
Tels sont, messieurs les rapporteurs, les éléments de réponse que je souhaitais vous apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme la présidente. Nous passons aux questions des orateurs des groupes.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le ministre, l'année 2004 n'a pas été, loin s'en faut, une année blanche dans le domaine de l'écologie et du développement durable. Pour prendre deux exemples récents, la Russie vient de ratifier le protocole de Kyoto, et la charte constitutionnelle de l'environnement a été adoptée, qui permettra aux législateurs à tenir davantage compte du développement durable dans l'élaboration des lois.
En ce qui concerne le point de vue strictement comptable, les rapporteurs l'ont indiqué, les crédits de votre ministère sont en baisse de 3,6 %. Toutefois, il convient de souligner qu'en 2004 une partie des politiques de votre ministère avait été financée, pour un montant de 210 millions d'euros, par l'excédent de trésorerie de quatre agences de l'eau. Par ailleurs, vous avez indiqué que 141 millions d'euros seraient inscrits dans le projet de loi de finances rectificative. Si l'on tient compte de ces rectifications comptables, les moyens de votre ministère varieront donc peu d'une année sur l'autre.
Cependant, monsieur le ministre, vous comprendrez bien que cette discussion ne peut être transparente pour nos concitoyens : entre les crédits des « bleus » budgétaires, les gels de crédits et les crédits du projet de loi de finances rectificative, je ne serais pas étonné qu'ils aient un peu de mal, comme moi-même d'ailleurs, à s'y retrouver.
En revanche, j'ai constaté avec la plus grande satisfaction que votre politique ne se contentait pas d'effets d'annonce. En effet, le taux de dépense des crédits de votre ministère est passé de 50 % en 2001 à près de 99 % en 2004. Dans ces conditions, parler de baisse des crédits par rapport aux années antérieures n'est pas exact : il est aisé de présenter, comme l'ont fait d'autres gouvernements par le passé, un projet de loi de finances mirobolant mais qui s'avère sans rapport avec la réalité puisque les crédits, prétendument en hausse dans le projet de budget, ne sont pas effectivement utilisés.
J'en viens à mes questions.
Monsieur le ministre, il existe un moyen efficace de responsabiliser nos concitoyens et de les inciter à avoir des comportements plus responsables : ce sont les incitations fiscales. Pouvez-vous nous indiquer celles que vous comptez mettre en place afin qu'écologie rime avec économie pour les Français, d'autant que vous indiquiez récemment dans une interview au Figaro que « les produits polluants doivent être plus chers que les produits non polluants » ? Avez-vous d'ores et déjà établi une liste des produits qui feront l'objet d'une fiscalité spéciale ?
Dans la même interview, vous avez annoncé des aides pour équiper les bus de filtres à particules. Avez-vous d'autres projets ou d'autres idées ?
Dans le contexte économique que je viens de décrire, vous avez affiché des priorités. La première d'entre elles est la lutte contre le réchauffement climatique, ce qui se traduit par le doublement des crédits de l'ADEME ; et j'ai bien entendu, monsieur le ministre, que vous vouliez pérenniser ce budget. La deuxième priorité est la prévention des risques industriels, pour laquelle cinquante postes sont créés. Pouvez-vous nous éclairer sur la façon dont ils seront utilisés ?
Ma dernière question portera sur l'eau, sujet que vous avez déjà largement évoqué. Il apparaît dans votre projet de budget que le poste « protection de l'eau et des milieux aquatiques » est en baisse de 15,3 %, et vous venez d'affirmer qu'il ne s'agissait pas pour vous d'un désengagement de l'Etat : vous souhaitez au contraire que celui-ci se recentre sur ses missions essentielles que sont la connaissance et le contrôle de la qualité de l'eau, et la prévention des risques tels que les inondations. Sur cette dernière mission, vous avez, par un acte fort, augmenté les crédits de près de 20 % et créé dix postes dans le service de prévention des crues. Ces financements croisés étant par nature très complexes, il est bon que vous les ayez simplifiés.
Pouvez-vous cependant nous préciser, monsieur le ministre, si ces décroisements de crédits auront pour conséquence une augmentation du prix de l'eau pour les particuliers ? Comment les missions régaliennes de l'Etat dans ce domaine seront-elles concrètement assurées ? Enfin, ne pensez-vous pas qu'il serait judicieux, pour l'application de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, de prévoir un chapitre spécifiquement réservé à ce sujet ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur le sénateur, le Gouvernement a ouvert un vrai débat sur la fiscalité écologique. Celle-ci, je l'ai rappelé tout à l'heure, doit avoir pour objet d'encourager les changements de comportement. Il s'agit, par des mesures de régulation, de réconcilier la liberté économique, qui est évidemment extrêmement importante, et la protection de l'environnement. Il nous paraît essentiel que cela ne conduise pas à un alourdissement des charges qui pèsent sur les entreprises. Au contraire, il faut aller vers des incitations sous forme d'allégements, à budget globalement constant.
Conformément aux engagements pris dans la stratégie nationale de développement durable, dans la charte de l'environnement et dans le plan national « santé-environnement », le Gouvernement met donc en place des dispositifs financiers incitatifs.
Cela passe d'abord par une refonte progressive de la taxe générale sur les activités polluantes. Ainsi, une TGAP sur les imprimés non sollicités sera créée à compter du 1er janvier 2005, et une réflexion sur l'évolution des taux de la TGAP-air et de la TGAP-installations classées est engagée.
Cela passe aussi par la mise en place d'exonérations ciblées. Tel est l'objet de la réforme du crédit d'impôt habitation, qui atteindra 25 % pour les équipements particulièrement économes en énergie et 40 % pour ceux qui utilisent des énergies renouvelables. J'ai déjà indiqué tout à l'heure que le montant total de ces mesures était très important puisqu'il est évalué à 300 millions d'euros dans le projet de loi de finances initiale pour 2005.
Cela passe encore par la modulation environnementale de taxes existantes, à budget constant. Les produits écologiques doivent être ainsi moins chers que les produits non écologiques. Une vraie réflexion est en cours dans ce domaine et doit être au coeur de notre politique à l'avenir.
Enfin, cela passe par des outils économiques non fiscaux. Je pense ici à la mise en place du marché européen de quotas d'émission de gaz carbonique.
En ce qui concerne la création de cinquante postes pour le contrôle des installations classées, ce recrutement va permettre de faire passer de 27 000 à 29 000 le nombre d'inspections entre 2004 et 2005, et de 3 800 à 3 900 le nombre d'arrêtés complémentaires.
Ce recrutement fait suite à la création de 100 postes en 2004 et s'inscrit dans le cadre d'un programme de modernisation du contrôle des installations classées qui prévoit au total 400 postes entre 2004 et 2007.
Le décroisement des crédits entre l'Etat et les agences de l'eau n'est pas une politique de circonstance, mais un effort raisonné du ministère. Il vise à faciliter le travail des acteurs de la politique de l'eau sur le terrain. Je rappelle, par exemple, que nous sommes en train de coordonner et de clarifier la politique en matière de police de l'eau.
L'Etat peut ainsi se recentrer sur ses missions prioritaires tout en maintenant son objectif général d'amélioration de la qualité de l'eau.
Cette politique est mise en place progressivement. Les sommes concernées par ces décroisements entre 2004 et 2005 représentent 20 millions à 25 millions d'euros.
En ce qui concerne le prix de l'eau, enfin, les mesures de décroisement sont de faible ampleur et n'auront donc aucune incidence sur leur niveau. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Christian Demuynck. Je vous remercie, monsieur le ministre, de vos réponses très précises.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le ministre, mon collègue Marcel Deneux, qui n'a pu être présent ce matin parmi nous, aurait souhaité vous poser trois questions.
La première concerne la volonté politique du Gouvernement en matière de biocarburants. L'utilisation accrue de la biomasse de préférence aux énergies fossiles semble un moyen prometteur pour parvenir au développement durable. Pour ce faire, bien des habitudes doivent être remises en cause dans des délais restreints.
L'incorporation obligatoire de biocarburants constitue une avancée de premier ordre, mais elle pose encore un certain nombre de problèmes. On peut ainsi se demander si le Gouvernement compte parvenir à convaincre facilement les distributeurs du bien-fondé de cette incorporation, ou s'il préférera renforcer son utilisation par une taxe au taux dissuasif qui sanctionnerait le défaut d'incorporation.
Qu'il s'agisse de convaincre ou de contraindre, comment ces mécanismes s'harmoniseront-ils avec la législation européenne applicable ?
La deuxième question concerne les quotas d'émission de gaz à effet de serre et la concurrence internationale.
La protection de l'environnement est une question planétaire et non franco-française, mais la concurrence économique exige des entreprises françaises qu'elles soient compétitives, y compris en France, tout en créant des emplois.
En application du décret du 21 août 2004, la mise en place du système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre entrera en vigueur le 1er janvier 2005. Dorénavant, une entreprise qui souhaite émettre plus de gaz à effet de serre qu'elle n'est autorisée à le faire devra acheter sur le marché des tonnes supplémentaires ou payer une amende.
Ce système, pédagogique et vertueux en lui-même, ne risque-t-il pas d'être perçu comme excessivement contraignant par les chefs d'entreprise et d'inciter ces derniers à délocaliser leur activité dans un pays qui bénéficierait de quotas plus larges ou moins coûteux ou, plus simplement, dans un pays qui n'aurait pas ratifié le protocole de Kyoto ?
Ce système d'échange de quotas d'émission de gaz à effet de serre est-il doté de garde-fous pour éviter de telles conséquences ?
La troisième et dernière question de M. Deneux porte sur les quotas d'importation et de commercialisation de véhicules hybrides en France.
La lutte contre l'intensification des émissions de gaz à effet de serre passe par la réduction des émissions de CO2 des véhicules automobiles. Actuellement, les meilleures performances environnementales sont réalisées par les véhicules hybrides, qui n'ont qu'un défaut : ils ne sont pas fabriqués par des constructeurs automobiles français. Et il est à craindre que cette situation dure plusieurs années.
Durant cette période, faut-il acheter des véhicules français fortement émetteurs de CO2 ou attendre du Gouvernement qu'il relève les quotas d'importation et de commercialisation des véhicules hybrides étrangers ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur Soulage, il est vrai que M. Marcel Deneux connaît particulièrement bien cette question : je n'oublie pas le rapport qu'il a rédigé sur le réchauffement climatique et la question des gaz à effet de serre.
Nous menons actuellement, monsieur le sénateur, une concertation étroite avec les différents acteurs de ce domaine, qu'ils soient producteurs de biocarburants, agriculteurs ou pétroliers, afin de déterminer les possibilités de débouchés économiques offertes par chacune des filières, diester ou éthanol.
Une politique volontariste est en cours d'élaboration, qui prévoit des critères de bonne pratique agricole sur le plan environnemental. J'y suis très attaché. Il est en effet nécessaire, comme on nous l'a souvent fait remarquer, que le biocarburant soit exploité lui-même dans le cadre de bonnes pratiques environnementales.
Un appel d'offres sera lancé d'ici au début de 2005 par le ministère de l'agriculture, en liaison avec le ministère de l'écologie. Il sera dimensionné pour correspondre aux objectifs de développement des biocarburants. Comme l'a indiqué le Premier ministre lorsqu'il a annoncé le lancement du plan biocarburant, il sera procédé à un triplement des capacités annuelles, sur la trajectoire de la recommandation européenne qui préconise 5,75 % de biocarburants en 2010.
Je puis vous assurer par ailleurs que le plan relatif aux quotas d'émission de gaz à effet de serre qui seront mis en place le 1er janvier 2005 a fait l'objet d'une très large concertation avec l'ensemble des fédérations industrielles.
Les hypothèses de croissance ont été prises en compte dans le calcul de ces quotas, afin de ne pas brider la croissance ou pénaliser certains secteurs industriels.
D'ultimes négociations sont en cours avec la Commission européenne, afin de parvenir à un accord qui satisfasse l'ensemble des parties concernées. Et, lors du dernier Conseil européen, j'ai eu un entretien approfondi avec la Commission européenne à ce sujet.
Enfin, vous avez raison, monsieur le sénateur, de souligner que la France doit absolument développer des véhicules propres. C'est un enjeu à la fois écologique et économique pour notre pays. Les constructeurs français ne produisent pas assez de véhicules hybrides, même si l'on voit poindre de nouvelles technologies : je pense en particulier à la voiture que j'avais promue à la demande de son constructeur et qui était pourvue du système stop and start.
Les constructeurs français, qui sont en pointe dans d'autres domaines de recherche technologiques, commencent à développer ce type de technologies, et n'oublions pas qu'ils ont été et qu'ils demeurent leaders dans le secteur des véhicules électriques.
Par ailleurs, Serge Dassault et Vincent Bolloré travaillent actuellement sur des batteries de véhicules électriques à très forte autonomie : il s'agirait de parvenir à une autonomie supérieure à 250 kilomètres, ce qui changerait complètement la donne, et peut-être même l'avenir des transports.
Enfin, le Gouvernement vient de débloquer 40 millions d'euros de crédits supplémentaires pour la recherche sur ces véhicules, qu'ils soient électriques, hybrides ou à hydrogène.
Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Au nom de M. Marcel Deneux et en mon nom, je remercie M. le ministre de tous les efforts qu'il fournit dans ce domaine et je le remercie de ses réponses.
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, dans un contexte de restrictions budgétaires et de rationalisation affichée, il n'est pas surprenant de noter la diminution des crédits alloués à l'écologie. Ce secteur n'a, de toute façon, jamais bénéficié de toute l'attention qu'il méritait.
Ce qui nous surprend davantage, c'est de constater que, si l'environnement est depuis longtemps considéré comme une politique transversale, on assiste aujourd'hui à la réduction généralisée des crédits qui lui sont consacrés au sein de tous les ministères qui menaient des actions en matière d'écologie.
Je pense particulièrement au ministère de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer, dont les moyens destinés à l'environnement baissent de 55,7 %.
Force est de constater que le désengagement de l'Etat, une fois de plus confirmé, vient radicalement contredire les grandes déclarations d'intentions de M. Chirac, qui laissait entendre que les problèmes écologiques seraient désormais au coeur des politiques publiques, nous en voulons pour preuve l'adoption récente de la Charte de l'environnement.
La mise en oeuvre de cette Charte et les grandes réformes qui vont être proposées d'ici peu - notamment la réforme de la politique de l'eau - donnaient à penser que les moyens mis à la disposition du ministère de l'écologie seraient renforcés pour mener à bien ces projets.
Il n'en est rien, bien au contraire. Les crédits consacrés à la politique de l'eau, par exemple, régressent de 12 %, même si l'on parle de décroisement des crédits. Cela laisse les agences de l'eau face à des charges qu'elles ne pourront supporter sans augmenter la redevance, alors même qu'elles ont dû subir des prélèvements sur leurs réserves depuis plusieurs années.
Selon vous, la baisse des crédits consacrés à la politique de l'eau serait due à une redistribution des rôles entre l'Etat et les agences de l'eau, l'Etat ayant vocation à se recentrer sur ses missions régaliennes.
La mission régalienne de l'Etat, selon nous, ne doit pas se limiter à la police de l'eau ou à la lutte contre les inondations : l'Etat doit veiller à la protection de la ressource, à travers un service public de l'eau qui aurait également en charge la gestion et la distribution de l'eau. Nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler au moment de la discussion du projet de loi sur l'eau.
Quant aux agences, elles devront supporter de nouvelles charges financières, comme le transfert du passif du fonds national pour le développement des adductions d'eau, tandis que certaines de leurs ressources, telles que le fonds national de solidarité pour l'eau, le FNSE, seront absorbées par le budget général de l'Etat.
A titre d'exemple, j'évoquerai le cas de l'agence de l'eau Rhin-Meuse, qui regrette de devoir assumer une partie de la charge de l'après-mines. A ce propos, monsieur le ministre, j'attire votre attention sur la question des eaux d'exhaure. J'espère que ce sujet sera abordé dans la prochaine loi sur l'eau. Peut-être pourrez-vous nous en dire quelques mots...
L'autre grand perdant, dans ce projet de budget pour 2005, est l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, qui voit ses attributions diminuer de 37 millions d'euros par rapport à 2004.
Certes, vous nous avez d'ores et déjà annoncé un abondement de crédits dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2004. On peut cependant se demander s'il ne s'agit pas seulement ici d'un moyen de faire taire les critiques : nous avons encore à l'esprit le projet de loi de loi de finances rectificative précédent, qui prévoyait l'octroi de crédits supplémentaires qui ont finalement été gelés.
Vous avez déjà répondu en partie à cette question, monsieur le ministre, mais peut-être pourrez-vous nous dire comment vous comptez aider davantage les communes.
Par ailleurs, non content de se décharger de ses responsabilités sur les associations qui relaient la politique de l'écologie, l'Etat se désengage de cette mission fondamentale qu'est la protection de notre environnement. En effet, l'Etat n'accorde pas à ces associations les moyens d'agir.
C'est précisément le cas des réserves naturelles, qui ont subi de plein fouet la suppression des dispositifs emploi-jeunes et qui, à l'heure actuelle, malgré l'annonce d'une hausse de crédits, vont être confrontées à des difficultés tenant au nombre croissant de territoires concernés alors que les crédits dont elles disposent sont insuffisants pour couvrir tous leurs besoins, et que leurs charges sont sans cesse en augmentation.
C'est toute la politique de l'Etat en matière de protection de la biodiversité qui est en cause.
Au-delà des réactions émotionnelles suscitées par la mort de la dernière ourse du Béarn, on doit se poser un certain nombre de questions concernant la politique du Gouvernement en matière de réimplantation des espèces et, plus largement, en matière de défense de la biodiversité.
Il paraît aujourd'hui essentiel de renforcer les partenariats entre l'Etat, les collectivités territoriales et les associations, afin d'accompagner les politiques de protection de l'environnement dans nos territoires, mais cela suppose un véritable engagement de l'Etat sur la durée.
Quels moyens seront accordés aux politiques de mise aux normes dans les petites fermes ? Quels moyens seront accordés aux petites communes pour les aider à satisfaire à la réglementation en matière d'assainissement ? Quels moyens inciteront les communautés de communes à investir dans la mise en place d'une politique de traitement des déchets qui soit digne de ce nom ?
Vous parliez tout à l'heure d'injustice, monsieur le ministre. Vous parliez d'aider les retardataires. Lorsque de toutes petites communes doivent mettre en place des politiques d'assainissement, d'eau, de déchets, elles n'en ont pas la force. Peut-être ont-elles tardé à conformer aux règles qu'on leur imposait, mais tout de même !...
Il reste encore beaucoup à faire. Pouvez-vous nous éclairer, monsieur le ministre, sur l'aide que vous apporterez à ces collectivités ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Madame la sénatrice, vous m'avez d'abord interrogé sur les moyens d'action de mon ministère. C'est une question que j'ai abordée longuement en répondant à MM. les rapporteurs. Sans revenir sur l'intégralité de ma réponse, je vous confirme qu'en combinant le projet de loi de finances et la loi de finances rectificative le montant de mon budget pour 2005 est légèrement supérieur à celui de 2004.
Concernant la politique des autres ministères - votre intervention sur ce sujet est importante -, je vous signale que l'Agence de financement des infrastructures de France, qui vient d'être mise en place, permettra de faire en sorte que la route finance, en particulier, le ferroviaire. C'est fondamental et cela va dans le sens de ce que nous souhaitions.
S'agissant de la structure administrative, le délégué interministériel au développement durable qui a été nommé lancera la politique de développement durable au sein des autres ministères.
Vous m'avez également interrogé sur la politique de l'eau. Le travail de révision du VIIIe programme des agences de l'eau l'a effectivement montré, le nombre des demandes de subvention augmente, notamment en provenance des collectivités locales et de leurs groupements. Cette évolution est due, pour l'essentiel, aux conséquences de la directive relative au traitement des eaux urbaines résiduaires pour les villes moyennes et, évidemment, à la montée en puissance des communes rurales en matière d'assainissement.
La France, qui a fait l'objet d'une condamnation, le 23 septembre dernier, sur le fondement de cette directive, doit présenter les moyens à mettre en oeuvre pour rattraper son retard.
Malgré un contexte budgétaire et fiscal tendu, les révisions des programmes qui viennent d'être adoptées montrent que les agences auront des marges de manoeuvre supplémentaires en 2005 et en 2006. En effet, les autorisations de programmes seront augmentées de 150 millions d'euros pour financer les contrats de rivière, hors volets inondations, les zones humides, les pollutions diffuses et des dossiers ponctuels comme le Mont-Saint-Michel ou l'étang de Berre, pour 40 millions d'euros, sans oublier, naturellement, les actions habituelles des agences de l'eau, pour 110 millions d'euros.
S'agissant de l'exhaure des mines, ce difficile problème, c'est vrai, sera étudié dans le cadre du projet de loi sur l'eau.
Vous m'avez interrogé, enfin, sur l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, au sujet de laquelle j'ai également répondu longuement.
Je voudrais cependant revenir sur deux points. Tout d'abord, nous avons à rembourser des dettes concernant des dépenses qui ont été engagées entre 2000 et 2002, à hauteur de 300 millions d'euros. Notre politique consiste aujourd'hui à sauver l'ADEME, en la sortant d'une situation extrêmement difficile. Ensuite, entre 1992 et 2002, l'ADEME a permis la montée en puissance de la politique des déchets par les collectivités territoriales. Il apparaîtrait tout de même paradoxal de favoriser aujourd'hui celles qui sont en retard parce qu'elles n'ont pas mis en place cette politique au moment voulu !
Mme la présidente. La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions.
Je maintiens que nos collectivités vont avoir beaucoup de mal à faire face à tout en même temps. Si certaines collectivités ont tardé, ce n'était pas toujours par mauvaise volonté, c'est tout simplement parce que certaines n'ont pas les moyens suffisants et ne disposent pas, dans leur budget, de la « masse critique » pour faire face à tout. Je tenais à le souligner.
Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, alors que nos concitoyens ont, à juste titre, des exigences croissantes en matière d'écologie, le budget que nous examinons ce matin diminue de 3,6 %.
Certes, vous avez annoncé un abondement de 141 millions d'euros en loi de finances rectificative, mais, en réalité, monsieur le ministre, cet apport provient de moyens qui avaient été gelés en 2004.
Même si l'on peut se féliciter de la volonté du ministère de l'écologie et du développement durable de mieux consommer ces crédits, nous sommes encore loin d'une véritable sincérité budgétaire.
En attendant, parmi les cinq priorités que vous avez annoncées, monsieur le ministre, je souhaiterais m'attarder sur celle qui concerne la prévention des risques technologiques. Ce volet devrait connaître une augmentation de moyens, avec 3,32 millions d'euros en 2005 au lieu de 2,2 millions en 2004.
S'agissant des effectifs destinés à la prévention des risques, monsieur le ministre, il vous faudra apporter des éclaircissements. En effet, comme nos rapporteurs l'ont souligné, on ne retrouve pas, dans ce budget, la trace de l'augmentation du nombre de postes de l'inspection des installations classées. Or, après la catastrophe de l'usine AZF, le 21 avril 2002, qui a bouleversé la région toulousaine, rien ne doit être négligé en ce domaine et la prévention doit faire l'objet d'une attention particulière et de moyens à la hauteur des dangers.
Sans doute pourrez-vous nous livrer des éléments d'information sur ce point ? Quels sont, notamment, les moyens humains existants et programmés pour le contrôle des risques technologiques et industriels ?
L'adoption, l'année dernière, de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages a posé les jalons d'une meilleure évaluation des dangers potentiels. La loi de finances ne devrait-elle pas conforter ce texte par l'inscription de crédits plus significatifs ?
Je voudrais d'ailleurs revenir, monsieur le ministre, sur l'article 1er de cette loi. Cela me permettra non pas de vous poser une question, mais de vous faire une suggestion.
Cet article rend obligatoire l'organisation d'une réunion publique d'information dans le cadre de l'enquête publique. Cette disposition ne soulève en elle-même aucune difficulté ; la transparence est en effet tout à fait nécessaire et indispensable. Mais les enquêtes publiques sur les installations à risques tournent très vite au débat passionnel et les entreprises classées « Seveso », sans doute parce que ce qualificatif fait peur, sont de plus en plus malvenues.
Naturellement, je ne conteste pas l'utilité de l'enquête publique, ce n'est pas mon propos ; mais c'est l'appellation « Seveso » que je souhaite remettre en cause. Ce nom est, à l'origine, celui de la ville d'Italie où a eu lieu une immense catastrophe. Et, en réaction, le Conseil de l'Union européenne a élaboré deux directives.
La première, la directive concernant les risques d'accidents majeurs de certaines activités industrielles, dite « directive Seveso I », en date du 24 juin 1982, impose aux industriels d'évaluer les risques de leurs installations et de les réduire par des mesures techniques et organisationnelles globales.
La seconde, la directive concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses, dite « Seveso II », en date du 9 décembre 1996, renforce les dispositifs de prévention et d'inspection.
Les stations-service, par exemple, sont classées « Seveso » ; beaucoup de nos concitoyens l'ignorent ! L'implantation de ces stations ne serait toutefois pas remise en cause, je pense, s'ils en étaient informés. En revanche, en tant qu'élu local, j'ai pu mesurer l'hostilité immédiate de nos concitoyens à l'annonce de l'implantation d'une usine classée « Seveso ».
Imaginons, un instant, l'effet produit par l'installation d'une activité de norme « Bhopal » - pourquoi pas ? -, d'une industrie classée « Tchernobyl », ou l'arrivée dans un port d'un pétrolier classé « Erika » ! Ne peut-on trouver une autre terminologie, afin que les a priori de nos concitoyens - que l'on peut comprendre, bien sûr - ne perturbent pas inutilement l'enquête publique ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur Collin, comme vous le soulignez à juste titre, la prévention des risques technologiques est une grande priorité de l'action de mon ministère.
A ce titre - vous le soulignez aussi -, les moyens qui y sont associés sont en croissance importante. Comme j'ai eu l'occasion de le préciser tout à l'heure à M. Demuynck, cela se traduit notamment par une augmentation de 400 postes des effectifs de l'inspection des installations classées et par un programme de modernisation visant à améliorer la productivité de ces actions de contrôle et le service rendu aux entreprises.
Même si, entre 2004 et 2005, le nombre d'inspections passera de 27 000 à 29 000 et le nombre d'arrêtés complémentaires de 3 800 à 3 900, il est vrai que nous sommes encore bien en deçà de l'objectif optimal, qui est de 45 000 inspections annuelles.
Vous suggérez également, monsieur le sénateur, de remettre en cause, en quelque sorte, l'appellation « Seveso » pour les industries classées à risque selon les directives européennes.
Tout d'abord, il faut noter que cette appellation n'est pas utilisée dans la réglementation française. Toutefois, il est vrai qu'il s'agit d'un vocable couramment utilisé dans le milieu du contrôle des industries à risque, non seulement en France d'ailleurs, mais aussi dans tous les pays européens, et les médias l'identifient également très bien.
Je comprends que cette dénomination, qui fait référence à un accident technologique majeur, fasse peur ; je le constate moi-même en temps qu'élu local dans ma ville, où se trouvent quelques établissements classés « Seveso ».
Il convient toutefois de se poser la question, car son utilisation permet de rappeler à nos concitoyens - et, encore une fois, ce n'est qu'une appellation d'usage - que les risques technologiques existent et doivent être maîtrisés ; il ne faut pas l'oublier. Je le rappelais d'ailleurs cette semaine dans ma communication au conseil des ministres sur les risques sismiques. Le temps faisant son oeuvre, on a tendance à oublier très vite ce qui peut se reproduire.
Certaines installations ainsi classées sont parfois considérées comme anodines ou banales : les stations-service, par exemple. Pourtant, elles comportent des risques potentiels lourds.
M. Yvon Collin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse complète et argumentée.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Monsieur le ministre, m'exprimant au nom du groupe socialiste, je dois vous dire que je suis extrêmement déçu par le budget que vous nous présentez aujourd'hui.
Au-delà des artifices de présentation, on voit bien qu'il s'agit d'un budget fortement en baisse, de 3 % à 4 %. Au nom de l'austérité budgétaire, Bercy vous a imposé, malgré votre bonne volonté personnelle - dont je ne doute pas - une « cure d'amaigrissement » qui est en contradiction avec les propos tenus à Johannesburg par le président de la République sur la nécessité absolue de prendre en compte les problèmes environnementaux. Manifestement, ce n'est pas une priorité de votre Gouvernement, et je trouve cela extrêmement dommage.
Mon premier souhait, monsieur le ministre, est qu'à l'avenir vous nous présentiez un budget plus lisible : dans votre propre camp politique, certains ont même pu parler d'absence de sincérité budgétaire. J'avoue que j'ai eu bien du mal à m'y retrouver dans le maquis des chiffres ! Les modifications apportées chaque année à la présentation du budget nuisent à la bonne lisibilité de sa progression et ne permettent pas de suivre la continuité des politiques budgétaires engagées d'une année sur l'autre.
Entre les crédits reportés, gelés puis reportés à nouveau - les concours exceptionnels des agences de l'eau, par exemple -, le décroisement des crédits entre l'Etat et l'Agence, ou encore la disparition du Fonds national pour le développement des adductions d'eau, dont les missions sont transférées aux agences de l'eau, c'est un budget confus qui nous est présenté et qui donne le sentiment que l'on a voulu nous cacher des baisses de crédit.
Par conséquent, je souhaite que soit fixé, à l'avenir, un cadre budgétaire fixe, intangible, permettant aux parlementaires que nous sommes de comprendre et d'interpréter votre budget correctement et objectivement.
J'exprimerai ce matin deux inquiétudes fortes.
La première concerne la politique de gestion des espaces naturels, qui regroupent les parcs naturels régionaux, les sites Natura 2000 et les conservatoires d'espaces naturels.
Je souhaiterais qu'une ligne spécifique, par exemple pour les parcs naturels régionaux, permette de suivre l'évolution des crédits qui nous sont accordés d'une année sur l'autre. En effet, l'actuelle façon de procéder nous rend aujourd'hui tributaires des relations existantes entre le secrétariat général aux affaires régionale, le SGAR, les directions régionales de l'environnement, les DIREN, les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, les DRIRE, et les Parcs.
A priori, ces crédits seraient en progression - si c'est le cas, je m'en réjouis -, mais je constate un décalage croissant entre les autorisations de programme, qui sont en augmentation, et les crédits de paiement, qui ne suivent pas. De fait, on nous pousse à voter de nouveaux engagements de programme, alors que les crédits de paiement engagés depuis plusieurs années ne sont pas encore débloqués. Nos parcs naturels régionaux sont fragilisés par ces retards et l'engagement des actions prévues risque d'être différé.
Par conséquent, je demande que soient payés en priorité les engagements de programme des années écoulées. Et j'espère que d'autres régulations budgétaires ne viendront pas déstabiliser en cours d'année les crédits de fonctionnement affectés aux parcs, à Natura 2000 ou aux conservatoires.
Monsieur le ministre, vous avez pu vous rendre compte, à l'occasion des Journées nationales des parcs naturels régionaux en Guyane, de la grande importance de ces parcs - au nombre de quarante-quatre dans notre pays - dans la politique d'aménagement du territoire.
Quant à Natura 2000, après une période de mise en place difficile, les esprits se sont calmés et les attentes, sur le plan financier, sont très fortes pour mettre concrètement en oeuvre cette politique nécessaire à la préservation de la biodiversité dans notre pays.
Ma seconde inquiétude pour l'avenir concerne la politique de l'eau dans notre pays.
Alors que la France est mise au banc des accusés par l'Europe, alors qu'elle est en retard dans l'amélioration de son bilan écologique, on a le sentiment que l'Etat se désengage pour les différentes actions liées à l'eau et, au surplus, que les redevances, taxes et impôts divers qui s'appuient sur la consommation d'eau potable deviennent insidieusement un moyen de prélever des ressources fiscales destinées à combler le déficit budgétaire de l'Etat et des organismes para-étatiques, en particulier l'ADEME et le Conseil supérieur de la pêche. On veut nous faire croire que ces transferts de crédits des agences de l'eau vers ces deux institutions sont liés à la résolution de problèmes liés à l'eau. En réalité, on résout des difficultés par des expédients !
Il faut véritablement que le Gouvernement trouve à l'avenir des ressources pérennes stables pour l'ADEME et pour le Conseil supérieur de la pêche.
Par ailleurs, la suppression du FNDAE est aussi un moyen pour l'Etat de se désengager, au détriment des agences de l'eau, qui connaîtront, pour certaines, des difficultés budgétaires.
Je peux convenir que le fonctionnement du FNDAE n'était pas tout à fait satisfaisant, du fait de la lenteur de la consommation des crédits. Cela dit, dans le domaine de la politique de l'eau, il y a structurellement un très grand décalage entre la décision et sa mise en oeuvre. La preuve en est que le fonds de roulement de certaines agences de l'eau est souvent trop important.
Monsieur le ministre, si la disparition du FNDAE est effective, il nous faudra être extrêmement vigilants à l'égard des agences de l'eau et vérifier qu'elles appliquent bien le principe de solidarité entre le monde rural et le monde urbain.
En tant que vice-président du conseil d'administration de l'agence de l'eau Artois-Picardie, je peux vous dire que la pression par rapport à la demande urbaine est extrêmement forte et qu'il est parfois difficile de mettre en oeuvre la solidarité entre les territoires. Il faudra donc s'assurer de la pérennité des crédits en faveur du monde rural après la disparition du FNDAE.
J'espère, monsieur le ministre, que vous autoriserez les agences de l'eau à procéder à une augmentation des redevances, conséquence inévitable d'un tel transfert de charges. En d'autres termes, le dispositif sera financé non plus par des recettes fiscales, mais par une contribution supplémentaire supportée par le consommateur d'eau, c'est-à-dire l'usager.
De plus, les agences de l'eau devront prendre en compte non seulement le transfert de la charge du FNDAE, mais également le passif des décisions prises par le fonds, c'est-à-dire les arrêtés de subvention pris au cours des années précédentes.
Dans ce domaine, nous devons vraiment redoubler de vigilance pour nous assurer, je le répète, que le monde rural reçoive la part qui lui revient.
A ce propos, je voudrais aussi, monsieur le ministre, vous sensibiliser à la difficulté de mise en oeuvre des SPANC, les services publics d'assainissement non collectif, qui doivent permettre de faire face aux problèmes rencontrés en la matière. En effet, les coûts réels sont difficiles à évaluer et les propriétaires de maison individuelle sont encore peu sensibilisés à la nécessité de subir des contrôles répétés et payants. Sur ce point également, des moyens financiers devront être dégagés, selon des procédures simples et efficaces, pour résoudre ce problème particulièrement ardu en milieu rural.
En conclusion, monsieur le ministre, en raison d'un manque de crédits sur des enjeux environnementaux forts, le groupe socialiste ne votera pas votre budget, malgré les quelques éléments positifs qu'il contient. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur le sénateur, je vous répondrai par deux « non » et par un « oui ».
Non, le budget n'est pas à la baisse. Comme je l'ai démontré tout à l'heure, si les crédits diminuent en loi de finances initiale, les moyens d'engagement sont en légère augmentation.
Non, il n'y a pas de manque de transparence. Je n'ai rien voulu cacher ! Dès la première présentation de ce projet de budget devant la commission des finances de l'Assemblée nationale, j'ai très clairement précisé les montants qui seraient proposés et inscrits en loi de finances rectificative.
Oui, il faut parvenir à une meilleure lisibilité sur le plan budgétaire, la mécanique actuelle étant si complexe qu'il est difficile de s'y retrouver. D'ailleurs, les rapporteurs, comme le président de la commission des finances, ont insisté sur la nécessité de revoir certains éléments de présentation de ce budget.
Par ailleurs, sur les parcs naturels régionaux, l'objectif est de préserver ces territoires, dont le patrimoine naturel, culturel et paysager est tout à fait remarquable. Actuellement, quarante-quatre parcs naturels régionaux couvrent plus de 12 % du territoire français. En 2004, trois nouveaux parcs ont vu le jour, et une dizaine de projets sont en cours d'élaboration, à divers stades d'avancement.
Les parcs jouent un rôle important, au côté de l'Etat, pour la préservation de la biodiversité. Les projets mis en oeuvre permettent notamment une animation de leur territoire, fondée sur un partage des connaissances et une gestion concertée de l'espace. Ils contribuent à la valorisation de l'expérience française sur la scène internationale, comme j'ai pu le constater au cours de nombreuses discussions avec mes interlocuteurs étrangers.
Je confirme notre engagement, au côté des collectivités, dans la démarche exemplaire que celles-ci poursuivent dans leur politique de chartes. Le Gouvernement contribue en effet à l'animation du réseau des parcs, en soutenant la fédération des parcs naturels régionaux.
Je confirme l'augmentation de 12 % des crédits de paiement en faveur des parcs naturels régionaux et de l'ensemble des espaces naturels.
En outre, la politique de l'eau a pour objectif d'obtenir, en France, un bon état écologique de l'eau en 2015, conformément à la directive-cadre sur l'eau.
A cet égard, le FNDAE, qui finançait les travaux d'adduction d'eau et d'assainissement dans les communes rurales, a été supprimé dans le projet de loi de finances. Pour autant, monsieur le sénateur, la solidarité à l'égard des communes rurales, sur laquelle vous avez insisté, reste un principe intangible de la politique de l'Etat dans le domaine de l'eau. Quelles que soient les modalités arrêtées pour le transfert de l'ex-FNDAE - en concertation, d'ailleurs, avec l'ensemble des parlementaires -, ce principe sera respecté.
Naturellement, sur tous ces sujets, les efforts de gestion sont réels. Je citerai l'exemple du Conseil supérieur de la pêche, qui a réalisé d'importants efforts puisque la subvention de l'Etat est passée de 20 millions d'euros en 2003 à 10,5 millions d'euros en 2005.
Mme la présidente. La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult. Je vous remercie, monsieur le ministre, de la qualité de votre réponse, même si je n'y trouve aucun motif pour me faire changer d'avis sur le vote de votre budget !
Toutefois, je reconnais que vous nous avez donné des encouragements, en particulier sur la question des parcs naturels régionaux, à laquelle, vous le savez, je suis extrêmement sensible.
S'agissant de la politique de l'eau, dans le cadre de la préparation du projet de loi sur l'eau, il nous faudra être vraiment très vigilants sur la simplification de la méthode de calcul des redevances, afin d'obtenir un système clair pour tous les usagers.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ferai d'abord observer que le Sénat de la République est sans doute l'institution qui est la plus portée au changement dans notre pays. Elle est emblématique des progrès de notre société : c'est ainsi, madame la présidente, qu'à plusieurs reprises ce matin, sous votre présidence, nos collègues sénatrices ont été majoritaires dans l'hémicycle ! (Sourires.)
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Il faut le noter !
Mme Evelyne Didier. Ce n'est pas forcément bon signe !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est un événement emblématique de ce potentiel de changement qu'incarne le Sénat de la République.
Cela étant dit, monsieur le ministre, je souhaite revenir sur le devenir du FNDAE et sur l'amendement que le Gouvernement va sans doute déposer devant le Parlement lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2004.
A cet égard, le collectif budgétaire est toujours un véhicule commode, une sorte de « voiture-balai ». En l'espèce, le Gouvernement souhaite faire adopter une disposition qui conférerait aux agences de l'eau le soin de se substituer au FNDAE et d'attribuer les subventions en capital aux communes, tout en prévoyant des mesures de solidarité envers les communes rurales.
Monsieur le ministre, il existerait pourtant une autre solution possible puisque les départements ont été, jusqu'à maintenant, les collectivités d'impulsion et de solidarité, en complétant souvent les financements de l'Etat. Par conséquent, si le Gouvernement préfère confier cette mission aux agences de l'eau, cela risque de mettre en difficulté un certain nombre de départements qui jouaient un rôle de régulation dans la répartition du financement.
Si les députés adoptent un tel amendement lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative, nous serons donc amenés, à notre tour, à débattre du sujet, mais ce n'est pas vous, monsieur le ministre, qui serez présent au banc du Gouvernement. Bien que votre collègue chargé du budget ait, à l'évidence, de multiples compétences - il est par ailleurs porte-parole du Gouvernement -, il ne sera sans doute pas le mieux placé pour faire vivre ce débat.
Or il s'agit là d'un choix fondamental. En ce qui me concerne, ma religion n'est pas faite, mais je ne serais pas étonné que nous fassions rebondir le débat lorsque cette disposition viendra en discussion...
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Monsieur Arthuis, le devenir du FNDAE et de la solidarité entre les territoires en matière de politique de l'eau est évidemment un sujet extrêmement important.
C'était le FNDAE qui, dans le passé, « portait » cette politique. Le transfert de la gestion du FNDAE aux agences de l'eau est une mesure qui a été décidée dans l'urgence, puisque le ministère de l'agriculture a souhaité ne plus gérer ce fonds, pour des raisons compréhensibles au demeurant.
Naturellement, cela n'empêche pas de débattre sur le niveau de solidarité à mettre en oeuvre. Toutefois, nous avons à gérer dans l'urgence non seulement les politiques actuelles, mais également les encours financiers correspondants.
Le projet de loi sur l'eau actuellement en préparation devrait être adopté en conseil des ministres en janvier prochain et soumis au Parlement au cours du premier semestre 2005. Je vous propose donc d'aborder ce problème essentiel dans le cadre de ce texte, afin de déterminer ensemble le niveau adéquat de gestion de la solidarité entre les territoires.
En tant que ministre de l'écologie, je souhaite avoir ce débat avec l'Assemblée nationale et avec le Sénat, qui représente plus particulièrement les territoires, pour aboutir à la solution la plus efficace possible, mais dans un cadre plus global qu'aujourd'hui et non au détour de la discussion d'un éventuel amendement du Gouvernement.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il ne s'agit pas pour moi d'entamer ce débat ce matin. Mais verriez-vous, monsieur le ministre, un inconvénient à donner aux départements la mission d'affecter les fonds du FNDAE plutôt que de passer par les agences de l'eau, qui, à mon avis, ne sont pas prêtes ?
Si un tel amendement était déposé devant le Sénat - mais je ne vous en demande pas la confirmation aujourd'hui -, je ne serais pas étonné que la commission des finances vous propose un amendement alternatif aux termes duquel cette fonction serait dévolue non pas aux agences mais aux départements.
Mme la présidente. La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. Le budget du ministère de l'écologie et du développement durable pour 2005 nous a été parfaitement détaillé, tant par vous-même, monsieur le ministre, que par nos excellents collègues rapporteurs.
Nous en avons désormais une vision précise qui s'inscrit, ne perdons pas de vue cet aspect, dans un contexte budgétaire général contraint, ce qui doit naturellement nous inciter à redoubler de vigilance pour que les crédits du ministère restent pérennes et clairement présentés.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, pour ma part, je souhaiterais, avec mon collègue Dominique Braye, qui devait initialement poser cette question, intervenir sur un sujet spécifique important, à savoir le traitement des déchets dangereux.
Il s'avère que cette question ne concerne pas uniquement la France, mais qu'elle relève bien d'une approche plus large à l'échelon européen.
Il apparaît, en effet, que, après sa réunification, l'Allemagne s'est trouvée confrontée à de nombreux problèmes techniques et environnementaux liés à l'héritage d'un outil industriel vétuste, inadapté et souvent dangereux, celui de l'ex-Allemagne de l'Est.
Entre autres problèmes, les industries extractives, qui se trouvaient dans un état déplorable, détenaient un parc minier dangereux, comportant de nombreuses mines menaçant de s'effondrer, avec tous les risques que cela induit pour les populations concernées.
Pour pallier ces risques, le remblaiement des anciennes mines de sel et de charbon avec des déchets a été autorisé par le Gouvernement.
L'Allemagne a alors engagé une politique d'importation à grande échelle, notamment de déchets dangereux, au titre de leur valorisation ou de leur élimination.
Selon la Cour de justice des Communautés européennes, dans son arrêt « Abfall Service AG » du 27 février 2002, la qualification de l'opération doit s'apprécier au cas par cas. Or cette pratique a pour effet de déséquilibrer totalement, à l'échelon européen, les conditions de traitement des déchets spéciaux, engendrant, à l'échelon national, des répercussions très importantes.
Ces déchets industriels étant dirigés de façon massive vers l'Allemagne, les capacités de traitement des autres pays de l'Union européenne sont en train de disparaître. Ainsi, les Pays-Bas viennent de décider la fermeture de leur dernier four tournant utilisé pour le traitement des déchets dangereux.
Les principes d'autosuffisance, de proximité et de gestion responsable des déchets établis par la convention de Bâle et la directive européenne 75/442 ne sont plus respectés.
Vous savez certainement, mes chers collègues, que le traitement des déchets dangereux est strictement encadré, à l'échelon national, par une réglementation spécifique.
C'est ainsi qu'ont été créés les centres d'enfouissement techniques de classe I, qui permettent le traitement et l'enfouissement des déchets dangereux stabilisés dans des conditions de sécurité optimale.
Cette filière, aujourd'hui unique en Europe, est exemplaire de l'engagement de la France dans l'élimination sécurisée des déchets dangereux.
Or, dans un tel contexte d'exemplarité, nos exportations de déchets dangereux vers l'Allemagne apparaissent contradictoires avec notre souci environnemental et nos plans d'élimination des déchets industriels spéciaux.
Ces exportations posent également de réelles interrogations sur les conditions de traitement de ces déchets au regard de la préservation de l'environnement.
C'est pourquoi je vous demande, monsieur le ministre, de bien vouloir préciser les dispositions que vous envisagez de prendre dans ce domaine, qui est capital non seulement pour l'avenir économique de la filière française de traitement des déchets dangereux, mais aussi pour la préservation de l'environnement national et européen ainsi que pour le respect des principes du développement durable et la sécurité de nos concitoyens.
M. Charles Revet. Très bien !
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Madame la sénatrice, vous posez une question très importante, que connaît bien, je le sais, Dominique Braye, et dont l'acuité est particulière du fait de l'actualité.
En effet, certains exploitants d'incinérateurs ont passé des contrats pour envoyer leurs déchets dans les anciennes mines de sel allemandes, à des coûts nettement inférieurs à leur mise en décharge en France. Une telle solution est fortement contestée par les associations de protection de l'environnement, et les professionnels des déchets soulignent, comme vous l'avez dit, le risque de disparition des décharges de classe I en France.
Vous avez à juste titre rappelé qu'un arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 27 février 2002 a remis en cause, pour un Etat membre, la possibilité de s'opposer systématiquement à un transfert de déchets en vue de combler des mines de sel. A la suite à cet arrêt, les instructions en vigueur ont été rapportées le 8 août 2002.
Le ministère examine actuellement la situation, qui n'est pas simple, en liaison, notamment, avec les professionnels. Une rencontre a eu lieu la semaine dernière. Je souhaite en effet disposer d'une analyse de l'ensemble des solutions possibles avant de prendre une décision, car les enjeux et les conséquences sont très importants.
Je vous propose donc, madame la sénatrice, de rester en contact avec mes services, afin que nous puissions vous tenir étroitement informée de l'évolution de ce dossier.
Mme la présidente. La parole est à Mme Adeline Gousseau.
Mme Adeline Gousseau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, dont je ferai part à mon collègue Dominique Braye. Nous prendrons bientôt contact avec vous.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. La procédure des questions suivies d'une réponse immédiate du ministre est censée permettre une plus grande interactivité de nos échanges.
Par conséquent, monsieur le ministre, je ne vous interrogerai pas sur le montant des crédits de votre budget. Je serais cependant en droit de souligner, comme d'autres avant moi, que ce projet de budget prévoit une diminution ou une stagnation - tout dépend du point de vue adopté ! - des crédits affectés à votre ministère. Vous me répondriez que ces crédits seront consommés, ce qui n'était pas le cas auparavant. Ce serait donc un match nul stérile.
Je préfère donc m'attacher aux propos que vous avez tenus en répondant à M. le président de la commission des finances. Vous avez en effet affiché l'ambition que la France soit « armée » pour affronter les défis planétaires. Ici, chacun, quel que soit le groupe politique auquel il appartient, partage cette ambition.
MM. les rapporteurs ont fait référence à la convention des Nations unies qui se tient depuis lundi à Buenos Aires et dont l'un des enjeux cruciaux est de clarifier les mécanismes nécessaires à la lutte contre les variations climatiques et leurs conséquences. Les pays participant à cette convention sont déjà dans « l'après-Kyoto », alors que le protocole de Kyoto n'entrera en vigueur en France qu'en 2005.
Après un premier raté, la France a adopté le PNAQ, le plan national d'allocations de quotas, qui devrait permettre à une dizaine de secteurs industriels et de producteurs d'énergie, qui figurent parmi les plus polluants et qui sont responsables d'un quart des émissions totales de gaz à effet de serre, de réguler ces dernières à partir du 1er janvier 2005.
Ce plan qui, à mes yeux, n'est pas très ambitieux, semble avoir été conçu à partir d'une hypothèse de croissance durablement faible. Si l'activité économique reprenait, il ne serait probablement pas réalisable.
Je prendrai l'exemple de deux secteurs, le verre et la cimenterie, qui sont soumis actuellement à une très forte demande. D'ores et déjà, il est clair qu'ils ne pourront pas respecter les quotas, ce qui pose le problème de l'efficacité du PNAQ et de ses vertus incitatives.
De façon plus générale, si l'allocation de quotas est trop généreuse - et je pense qu'elle l'a été -, nous connaîtrons les mêmes difficultés que celles que nous avions connues dans le cadre de simples accords volontaires.
Par ailleurs, ce dispositif ne concerne qu'un quart des émissions nationales puisqu'il exclut les secteurs du transport et du logement.
Les mécanismes de marché introduits par le système des quotas ont la vertu de mobiliser des capacités financières en provenance du secteur privé. Cependant, ce système n'exonère pas la France de mener une politique volontariste et efficace en matière de maîtrise de l'énergie et de réduction des émissions.
C'est sur ce point que j'attends une réponse de votre part, monsieur le ministre, bien que je sache que la tâche du ministre de l'environnement n'est pas forcément facile. Vous n'êtes, hélas, pas tout seul !
La fiscalité et les mécanismes incitatifs ou dissuasifs peuvent toutefois orienter des politiques vertueuses dans ce domaine. Or les différents gouvernements de M. Raffarin semblent avoir renoncé à toute réforme fiscale. Le budget du ministère a été réduit, en particulier les crédits affectés à l'ADEME et à tous les organismes qui concourent à la politique environnementale, dans le domaine, notamment, des transports collectifs et de la recherche.
On a vraiment l'impression, je le dis sans esprit polémique, que la vigilance du MEDEF fait toujours pencher les arbitrages de Matignon en votre défaveur, monsieur le ministre.
Je conseille donc aux représentants du patronat de lire le rapport du Conseil d'analyse économique rédigé par MM. Bureau et Mougeot, intitulé Politiques environnementales et compétitivité, qui a été remis au Premier ministre le 30 novembre dernier. En effet, il y est bien démontré qu'une politique environnementale incitative ou contraignante en faveur de l'environnement n'obère absolument pas la compétitivité.
A cet égard, permettez-moi de citer l'exemple du gouvernement de Tony Blair - je le fais de temps en temps et je sais que personne ne m'en fera le reproche ! -, qui a su prendre des mesures variées et intelligentes.
A partir du moment où les arbitrages vous sont défavorables, monsieur le ministre, que vous reste-t-il ? Un discours général sur le développement durable, que chacun partage ; une protection juridique, à savoir la Charte de l'environnement ; et, enfin, l'amélioration des comportements individuels.
A ce sujet, j'ai bien entendu les propos de Mme Pappalardo, la présidente de l'ADEME, selon lesquels le Gouvernement mise sur un relèvement durable des prix du pétrole pour faire prendre conscience à nos concitoyens qu'il est temps d'agir. Effectivement, il faudra mener une telle bataille auprès de l'opinion en soulevant la question du prix de l'énergie, pour préparer notre pays à son inexorable augmentation et, donc, à la répartition des coûts en fonction des niveaux de pollution et de leur acceptabilité sociale.
Monsieur le ministre, vous avez déclaré récemment, dans un grand journal du matin, que « les produits polluants doivent être plus chers que les non polluants » et que vous n'aviez pas renoncé à ouvrir la grande question de la fiscalité et des instruments nécessaires pour que l'augmentation des coûts pèse le moins possible sur l'économie et la compétitivité. Pensez-vous sincèrement être dans la capacité de le faire, au moment où la conjoncture économique pèse sur la croissance ?
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Madame la sénatrice, vous venez d'évoquer des sujets très importants, qui dépassent largement le cadre de la discussion du projet de budget de mon ministère. Mais vous avez raison : nous devons ouvrir - je l'ai fait moi-même tout à l'heure - le débat sur la politique de l'écologie.
Vous avez évoqué la lutte contre les changements climatiques, à laquelle est consacrée la convention des Nations unies qui se tient à Buenos Aires.
Par ailleurs, vous avez semblé dire que le plan national d'allocation de quotas, le PNAQ, pourrait être moins efficace que les accords volontaires. Or l'adjectif « volontaire » est explicite : bien que les industriels se soient beaucoup impliqués dans ces accords, aucune sanction n'est prévue si les engagements pris ne sont pas respectés.
A l'inverse, dans le cadre du PNAQ, les allocations de quotas qui sont maintenant mises en place à l'échelon européen et, plus largement, dans tous les pays qui ont ratifié le protocole de Kyoto sont accompagnées de sanctions en cas de non-respect des quotas.
Selon vous, madame la sénatrice, le PNAQ aurait été élaboré en prenant l'hypothèse d'une croissance faible. Or nous avons tenté de fonder notre étude sur une analyse équilibrée qui prenne en compte la croissance.
Cependant, si certains secteurs connaissent une croissance supérieure à celle que nous avons envisagée et que leurs émissions de gaz à effet de serre sont plus importantes que prévu, ils seront obligés soit de mettre en place des technologies propices à diminuer les émissions par unité produite, c'est-à-dire des technologies performantes en matière d'efficience énergétique, soit d'acheter des quotas sur le marché, ce qui les pénalisera financièrement.
Ce principe est bon puisque la réduction des émissions de gaz à effet de serre sera réalisée lorsqu'elle pénalise le moins l'économie.
Madame la sénatrice, vous avez également affirmé que le PNAQ n'exonère pas la France de mener une véritable politique dans ce domaine. Vous avez raison ! Le PNAQ n'est pas le seul élément de notre action, dont je vous souhaite vous rappeler quelques aspects.
D'abord, le plan « climat », que j'ai annoncé au mois de juillet dernier, permettra d'économiser 72 millions de tonnes d'émissions de gaz carbonique. Or, à ce titre, le plan national de lutte contre le changement climatique qui avait été présenté par Mme Voynet, ancienne ministre de l'environnement qui siège aujourd'hui à vos côtés, ne permettait d'économiser que 17 millions à 18 millions de tonnes. L'échelle était donc tout à fait différente ! De plus, ce plan a échoué parce sa mesure phare, la taxe « carbone », qui en constituait quasiment la seule disposition efficace, a été annulée par le Conseil constitutionnel.
A l'inverse, le plan que nous vous présentons va réellement aboutir à des résultats : économiser 72 millions de tonnes de gaz à effet de serre par an, c'est plus que ce qui nous est demandé par le protocole de Kyoto, et cela représente environ 13 % de nos émissions actuelles. Nous prévoyons ainsi le triplement de la production de biocarburants dans les trois prochaines années, et je rappelle que, quand nous consommons une tonne de biocarburants, nous émettons trois fois moins de gaz à effet de serre que lorsque nous consommons une tonne de pétrole.
Ensuite, la loi d'orientation sur l'énergie contient un grand nombre de mesures, dont les certificats d'économie d'énergie.
J'ai aussi évoqué tout à l'heure le crédit d'impôt de 40 % pour l'achat d'équipements utilisant des énergies renouvelables, ce qui est considérable.
Toutes ces mesures correspondent, dans la loi de finances, à environ 300 millions d'euros.
Vous avez évoqué la fiscalité écologique. Il s'agit d'un sujet essentiel et nous devons faire en sorte que, à moyen ou à long terme, les produits moins polluants soient moins chers que les autres produits plus polluants. Ainsi, nous réconcilierons économie et écologie.
Le débat sur la fiscalité écologique, je l'ai dit tout à l'heure à M. Demuynck, doit avoir pour objectif de changer les comportements de nos concitoyens. Cela doit aboutir non pas à un accroissement des charges qui pèsent déjà beaucoup trop lourdement sur les entreprises, mais au contraire à des incitations sous forme d'allégements, à budgets globalement constants.
Cela passe par une refonte progressive de la TGAP. A ce sujet, vous le savez, sur l'initiative du Parlement, une TGAP sur les imprimés non sollicités sera créée à compter du 1er janvier 2005, et une réflexion sur l'évolution des taux de TGAP « air » et de TGAP « installations classées » est engagée.
Quant à la mise en place d'exonérations ciblées, les crédits correspondants ont été inscrits dans la loi de finances.
Nous devons en tout cas, je le répète, engager avec le Parlement une vraie réflexion sur la modulation environnementale des taxes existantes pour rendre les produits écologiques moins chers que les produits non écologiques.
Il existe d'autres outils, dont le PNAQ, mais sachez que la France ne s'exonère pas de mener, au-delà de ce plan, une véritable politique écologique.
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq.
Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, la première partie de votre réponse n'est pas intellectuellement satisfaisante.
Mme Nicole Bricq. En effet, vous faites référence au passé en opposant les quelque 70 millions de tonnes d'émissions de gaz à effet de serre que vous économiserez aux 18 millions de tonnes prévues par le plan Voynet, mais vous ne dites pas que ces 18 millions de tonnes correspondaient non pas au plan national d'allocation de quotas - il n'était pas prêt à l'époque -, mais à la mise en place de l'écotaxe.
Quant à la mise en place de cette écotaxe, j'assume collectivement son échec. Mais ce n'est pas parce que l'on a échoué une fois que l'on ne doit pas se remettre à la tâche, éventuellement de façon plus intelligente.
J'insiste - mais il ne s'agit pas pour moi de se renvoyer la balle, car là n'est pas le sujet - sur le fait qu'une politique intelligente doit manier tous les outils. C'est pour cela que j'ai cité le Royaume-Uni : en effet, il manie l'outil de la fiscalité, l'outil de la réglementation, l'outil du plan national d'allocation de quotas et des outils incitatifs. En effet, quand on appuie sur une seule pédale, on peut provoquer des inerties, des blocages, et c'est ce qui nous est arrivé au cours de la législature précédente.
Ce que je reproche à la France, c'est de ne pas rendre les arbitrages nécessaires en faveur du développement durable, donc de ne pas avoir cette volonté combinée, qui n'obère absolument pas la compétitivité de nos entreprises, bien au contraire. En effet, comme cela a été dit tout à l'heure très justement à propos des objectifs de Lisbonne par le rapporteur M. Bizet - et je partage totalement sont point de vue -, les Etats-Unis ont « mis le paquet » sur la recherche privée, publique et technologique. Nous, nous ne le faisons pas, et nous ne menons pas une politique incitative ou dissuasive par rapport à l'environnement. (M. Jean Desessard applaudit.)
Mme la présidente. Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et C concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.
État B
Titre III : moins 13 780 489 €.
Mme Dominique Voynet. Pour avoir été à votre place, monsieur le ministre, pour avoir défendu quatre budgets du ministère de l'environnement, je connais, pour le titulaire du poste, la difficulté de l'exercice.
Pour avoir appris à vous connaître alors, je sais que votre intérêt pour le sujet - la cause, allais-je dire - n'est ni récent ni superficiel. J'ai d'ailleurs eu l'occasion de dire publiquement et à plusieurs reprises mon estime, réelle, pour votre engagement.
M. Charles Revet. C'est un beau compliment !
Mme Dominique Voynet. Je suis donc d'autant plus peinée d'avoir à vous le dire, le budget que vous nous présentez aujourd'hui marque une régression sans précédent des politiques publiques en la matière.
M. Charles Revet. Cela, c'est moins bon !
Mme Dominique Voynet. La presse spécialisée, les réseaux associatifs, les parlementaires - à l'Assemblée nationale comme ici - et jusqu'à vos amis de la majorité ont souligné la triste réalité des chiffres : moins 3,63 % au total, et encore, il est probable que la diminution soit plus importante, comme l'a démontré M. Arthuis, qui a été beaucoup sévère que je ne saurais l'être.
Les faits sont là : des emplois en moins, quand on fait les comptes sérieusement, avec la suppression prévisible de postes à l'Office national de la chasse et de la faune sauvage et au Conseil supérieur de la pêche ; de terribles coupes dans le budget de l'ADEME, menacée aujourd'hui d'asphyxie ; une baisse de 12 % des crédits pour la politique de l'eau, dont le report vers les agences n'inquiète pas seulement à gauche ; une diminution supérieure à 40 % des crédits pour les déchets... sans oublier la déprime des chiffres pour la prévention des risques et de la pollution, l'enlisement des crédits pour la gestion des milieux et de la biodiversité - l'augmentation de 14 % qui est annoncée ne permet même pas de rattraper le niveau de 2002 - , les moyens misérables de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, inférieurs à ceux qui sont alloués à un établissement scolaire moyen de 500 élèves et ce au moment où l'augmentation des pathologies liées à l'environnement est enfin admise par tous, ou encore l'absence de soutien budgétaire à une politique climatique digne de ce nom.
Vous le savez, monsieur le ministre, personne n'est dupe - même pas vous ! - des rallonges que vous annoncez dans la loi de finances rectificative. Il n'y a là que de l'habillage et du cache-misère. Budget d'affichage, gels, annulations, reports, colmatage en loi de finances rectificative, vous connaissez la musique aussi bien que nous.
Ce qui m'inquiète le plus, au-delà même des crédits budgétaires qui sont évidemment de bons indicateurs, c'est la perte de crédit politique de ce ministère, que je voudrais illustrer dans trois directions : le travail interministériel, la place du ministère en tant qu'administration de l'Etat et le travail législatif.
Je ne vais pas vous raconter ou me raconter des histoires, la tâche du ministre de l'environnement en interministériel n'a jamais été facile. Mais quand même !
Concernant les questions énergétiques, votre silence sur la décision de construire l'EPR est assourdissant. Et la hâte avec laquelle votre judicieux projet de bonus-malus pour les véhicules automobiles a été enterré montre que c'est plus que jamais le ministère de l'industrie qui pèse sur la politique environnementale de notre pays.
S'agissant de l'agriculture, avec les arbitrages en cours sur des programmes d'expérimentation d'OGM en plein champ, avec l'abandon de la taxe sur l'azote, c'est aujourd'hui encore le ministère de l'industrie qui donne le « la ».
En ce qui concerne la politique autoroutière, la capacité du ministère de l'écologie à peser sur les grands choix en termes de déplacement et de mobilité paraît vous avoir échappé définitivement au profit du ministère des transports, atteint par une frénésie de privatisation.
Nous assistons désolés à la perte de substance accélérée de votre administration, à la décrédibilisation des services extérieurs du ministère, à l'expérimentation hasardeuse d'une dilution - et même d'un rapt - des DIREN dans les DRIRE, suscitant une démobilisation de certains de vos directeurs en région.
Vos services ont perdu leur capacité d'influer sur la renégociation des contrats de plan Etat-région ; ils sont absents du débat sur la recherche.
Je note au passage que nous sommes de plus en plus souvent pointés au dernier rang de la classe par les organismes de l'Union, comme récemment encore pour la mise en oeuvre de Natura 2000, et que les amendes pour non-transcription des directives pèsent de plus en plus lourd.
Si encore votre politique se traduisait par un renforcement des moyens attribués à la contre-expertise des acteurs de terrain, en particulier des structures associatives, vous pourriez cacher la misère derrière l'alibi de l'intervention de la société civile.
En réalité, ces moyens régressent et chaque jour des responsables associatifs nous sollicitent parce que leur structure est menacée de disparition pure et simple.
Cette perte de poids se traduit enfin par les reculs législatifs que vous concédez jour après jour à une majorité parlementaire qui en veut « toujours plus », c'est-à-dire qui veut toujours moins d'environnement.
La loi Montagne, la loi Littoral, pourtant adoptées par des gouvernements de droite, sont remises en cause de façon plus ou moins ouverte. La loi relative aux territoires ruraux tente de faire passer en contrebande de graves reculs sur la chasse ou la protection des espèces menacées.
Vous connaissez aussi la force des symboles : on a recommencé à tirer des loups dans les Alpes...
Mme Nicole Bricq. Et cela, c'est nul !
Mme Dominique Voynet. ...et on a abattu la dernière ourse des Pyrénées.
Monsieur le ministre, comme tous vos prédécesseurs, vous subissez la pression des lobbies et la pesanteur des grands corps de l'Etat. Mais je suis choquée d'apprendre que vous prêtez la main à des entreprises privées qui viennent promouvoir leurs produits lors de conférences de presse au ministère - que vous cautionnez de votre présence -,...
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. Le saut technologique sera à ce prix-là !
Mme Dominique Voynet. ... tout comme je suis choquée de vous entendre les citer ici. En effet, il y a des salons professionnels pour cela : Pollutec ou le Salon de l'automobile. Alors résistez, monsieur le ministre, ne baissez pas les bras, ne vous résignez pas à ce que vos propositions soient systématiquement « retoquées » par les arbitrages de Matignon.
Nous espérions que votre amitié avec le chef de l'Etat permettrait d'inverser la tendance constatée avec votre prédécesseur. Hélas ! nous devons constater qu'il y a un discours sur la rive droite, à l'Elysée, et une pratique, hélas ! bien différente sur la rive gauche.
C'est pourquoi nous ne voterons pas les crédits de votre ministère et nous vous invitons à redresser la barre avant que le capital de combativité mis en mouvement par les ministres successifs de l'environnement ne soit totalement ramené par la majorité en dessous du seuil de tolérance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.
M. Serge Lepeltier, ministre. Madame Voynet, si par certains côtés certains éléments de vos critiques peuvent être non pas retenus mais étudiés attentivement, le tableau que vous avez dressé est tout de même trop exagéré par rapport à la réalité.
Je souhaite simplement vous apporter quelques éléments de réponse.
S'agissant des emplois, je ne peux pas vous suivre : mon ministère est l'un des seuls où les emplois augmentent en net, avec un solde positif de vingt emplois. Donc, il n'y a pas de diminution d'emplois et, encore une fois, en regard des autres ministères, s'il est un point sur lequel j'ai obtenu satisfaction, c'est bien celui-là.
Concernant l'ADEME, je l'ai dit tout à l'heure, je rembourse vos dettes. (Mme Dominique Voynet s'exclame.) En effet, à l'époque, vous avez mis en place une politique - qui n'était pas forcément mauvaise - en inscrivant des autorisations de programme à des niveaux très élevés mais sans prévoir les crédits de paiement correspondants.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Effectivement !
M. Serge Lepeltier, ministre. C'est pourquoi L'ADEME est complètement asphyxiée : elle n'a pas disposé des crédits de paiement nécessaires au moment où vous mettiez en place cette politique. Je suis donc obligé de rembourser la différence, soit environ 300 millions d'euros, ce qui est considérable.
En ce qui concerne les déchets, vous avez raison, madame Voynet : lorsque vous étiez au pouvoir, il fallait absolument aider les collectivités locales qui s'engageaient dans ce domaine. Aujourd'hui, dix ans plus tard, cette politique est devenue obligatoire, et nous devons mettre en oeuvre d'autres mesures. Mais les engagements qui ont été pris seront tenus !
Par ailleurs, nous avons considérablement augmenté les crédits affectés à la prévention des risques. Vous me dites que les crédits de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale sont dérisoires. Certes, ils ne sont peut-être pas suffisants, mais ils sont largement augmentés et la contribution de mon ministère à l'AFSSE est substantiellement accrue cette année.
J'ai en tout cas l'impression, en présentant ce budget, de répondre quasiment à l'ensemble de vos critiques.
Je sais bien que vous étiez à l'époque ministre de l'environnement et de l'aménagement du territoire, et donc que vous meniez, dans le cadre de votre fonction de ministre de l'aménagement du territoire, la négociation des contrats de plan. Cependant, il ne faut pas confondre la politique de l'écologie et celle de l'aménagement du territoire !
Nous venons de mettre en place une agence de financement pour que la route puisse financer le ferroviaire, nous venons de mettre en place des moyens considérables en direction des transports, du fret et des transports publics. Et je vous rappelle que vous ne l'aviez pas fait, que vous n'arriviez pas à le faire, quand vous étiez ministre de l'aménagement du territoire.
Enfin, nous avons créé une délégation interministérielle à l'aménagement du territoire avec, dans chaque ministère, un haut fonctionnaire chargé de coordonner les actions de développement durable. Il faut que cette institution se mette en place, mais cela amorce la mise en place d'une vraie politique.
Par ailleurs, lorsque le Président de la République convoquera le Parlement ou organisera un référendum pour inscrire la Charte de l'environnement dans notre Constitution, cela constituera aussi un événement essentiel pour le droit de notre pays ! Or permettez-moi de vous dire, madame Voynet, que, à l'Assemblée nationale, lors du débat sur la Charte de l'environnement, pas un seul représentant du mouvement auquel vous appartenez n'était présent dans l'hémicycle. C'est pourtant un sujet essentiel, qui va inscrire l'environnement au plus haut niveau dans notre droit.
Vous avez bien voulu dire que j'étais sensible aux questions d'environnement et que j'y travaillais depuis longtemps. C'est vrai ! Et c'est bien parce que nous nous connaissons depuis longtemps que j'ai été très déçu qu'aucun membres du mouvement des Verts ne participe à la discussion parlementaire sur la Charte de l'environnement, sujet essentiel pour l'avenir.
M. Jean Bizet, rapporteur pour avis. C'est très juste !
M. Serge Lepeltier, ministre. Enfin, je serai le 14 décembre dans les Pyrénées et je puis vous répondre, au sujet de l'ours, que la situation que nous subissons aujourd'hui est due, en particulier, au fait que le gouvernement de Lionel Jospin, auquel vous avez appartenu, n'a pas assuré la réintroduction d'un seul ours sur place depuis 1997.
Mme la présidente. La parole est à Mme Dominique Voynet, pour explication de vote sur les crédits du titre III.
Mme Dominique Voynet. Monsieur le ministre, soyez rassuré : les sénateurs Verts voteront la Charte de l'environnement le moment venu, lorsque le Président de la République les sollicitera.
En ce qui concerne certains des sujets qui ont été évoqués aujourd'hui, nous pouvons sans doute nous renvoyer la balle très longtemps, mais convenons que si la disponibilité environnementale de la majorité à laquelle j'ai appartenu n'était pas suffisante, bien des dossiers ont été encalminés durablement en raison de l'efficace travail d'obstruction qui a été mené par ceux qui étaient dans l'opposition d'alors. Je pense notamment à la saisine du Conseil constitutionnel par les parlementaires de l'UMP pour remettre en cause la taxe sur le carbone.
Je me réjouis que les esprits aient évolué depuis lors et que l'on puisse désormais parler plus sereinement de fiscalité écologique...
Par ailleurs, en ce qui concerne l'ours, le président de l'Institution patrimoniale du Haut-Béarn, devenu député de l'actuelle majorité, ne nous a, à l'époque, pas facilité la tâche.
Enfin, s'agissant de l'ADEME, je crois qu'il faudra que nous rediscutions de façon approfondie, parce que mon expérience en la matière est très différente de celle dont vous venez de rendre compte. Je ne veux pas polémiquer, mais j'ai eu le sentiment de vivre une période au cours de laquelle nous manquions d'autorisations de programme, et il m'a fallu souvent revenir à la charge tant étaient nombreux les projets des collectivités qui justifiaient l'investissement de l'Agence.
A l'époque nous disposions d'autorisations de programme insuffisantes, mais d'une trésorerie abondante qu'il nous fallait régulièrement défendre des tentations de Bercy. Dans ces conditions, c'est vrai, certains crédits étaient consommés avec retard et il y avait une vraie distorsion, un vrai effet de ciseau, qui était lié aux difficultés des collectivités à monter des projets respectant à la fois la lettre et l'esprit de la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre IV : moins 31 348 857 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
État C
Titre V. - Autorisations de programme : 98 428 000 € ;
Crédits de paiement : 43 918 000 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
Titre VI. - Autorisations de programme : 325 045 000 € ;
Crédits de paiement : 49 189 000 €.
Mme la présidente. Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mme la présidente. Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze.)
Mme la présidente. La séance est reprise.