compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet
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PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
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journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard les femmes
M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes.
Mme Gisèle Gautier, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 25 novembre 1960, les soeurs Patricia, Minerva et Maria Teresa Mirabal, opposantes à la dictature de Rafael Trujillo en République dominicaine, étaient assassinées.
C'est pour commémorer cet événement, symbole de la résistance à l'oppression politique et sociale d'un peuple tout entier, et plus particulièrement des femmes, que l'Assemblée générale de l'ONU a adopté, le 17 décembre 1999, une résolution faisant du 25 novembre la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes.
Il s'agit aujourd'hui de lutter contre toutes les formes de violences dont les femmes font l'objet - violences physiques, psychologiques et sexuelles -, exercées tant dans la sphère publique que dans la sphère privée. Les femmes sont également victimes de la violence sur leur lieu de travail, de façon beaucoup plus fréquente qu'on ne le soupçonne ; cette violence peut aller de la plaisanterie douteuse au viol.
Certes, au cours des dernières années, notre pays a fait des progrès indéniables pour lutter contre ces violences.
Je citerai, de manière non exhaustive, les mesures les plus significatives.
En 1975, le premier refuge pour les femmes battues a été créé à Clichy.
En 1980, le Parlement a adopté la loi relative à la répression du viol et de certains attentats aux moeurs.
La création de la première ligne d'écoute des victimes de harcèlement sexuel sur le lieu de travail date de 1985. L'année suivante, un numéro vert pour les victimes de viol a été mis en place.
La première campagne nationale d'information sur les violences envers les femmes a été lancée en 1989.
La Cour de cassation a consacré la reconnaissance du viol entre époux en 1990. La même année, la loi relative à la protection des personnes contres les discriminations en raison de leur état de santé ou de leur handicap a autorisé les associations à se porter parties civiles lors des procès.
L'adoption de la loi du 2 novembre 1992 relative à l'abus d'autorité en matière sexuelle dans les relations de travail et modifiant le code du travail et le code de procédure pénale a permis de lutter contre le harcèlement sexuel.
La loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a prévu de renforcer les dispositions relatives à l'information, l'accueil et la prise en charge des victimes de violences.
Enfin, l'avancée la plus récente est la possibilité d'éloignement du conjoint violent du domicile conjugal, qui a été permis par la loi du 26 mai 2004 relative au divorce.
Si ces avancées sont réelles, elles sont, cependant, très loin d'être suffisantes. Quelques chiffres significatifs le prouvent, même si nous ne disposons pas de statistiques fiables puisque seulement 6 % à 10 % des femmes portent plainte.
Ces violences concernent toutes les femmes, quels que soient leur âge, leur milieu social ou leur niveau d'études. Une enquête conduite en 2000 a permis de connaître le niveau des violences subies par les femmes au cours des douze mois précédents. Parmi les femmes interrogées, 4 % ont déclaré avoir subi des agressions physiques, 4 % également des agressions sexuelles, 26 % ont dit avoir été victimes d'une agression verbale et plus de 55 % ont estimé avoir subi des pressions psychologiques.
En outre, 29 femmes sont mortes cet été à la suite de coups et blessures ou poussées au suicide par les souffrances endurées.
Si ces chiffres sont, bien sûr, inquiétants, une autre donnée de l'enquête est encore plus alarmante : en effet, 0,3 % des femmes interrogées avouent avoir été violées, ce qui représenterait 48 000 femmes par an.
Je n'ai pas voulu noircir le tableau, j'ai simplement souhaité traduire par les statistiques la triste réalité dans une société dite « civilisée ».
Devant ce constat, la délégation du Sénat aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes a décidé, en juillet dernier, de consacrer son prochain rapport d'activité au thème des violences envers les femmes. Nous avons déjà auditionné des personnalités compétentes. Elles ont témoigné de situations qui nous ont véritablement atterrés et qui ont montré que le combat est loin d'être terminé.
Les batailles à mener sont celles de l'information, de la sensibilisation de l'opinion publique et de l'éducation au respect de l'autre dès le plus jeune âge, en particulier pour les enfants témoins de la violence au sein de leur famille. L'accent n'est pas suffisamment mis, me semble-t-il, sur ce dernier point.
C'est donc pour cette raison que je porte un ruban blanc, symbole de la lutte contre ce fléau, pour alerter et ne pas accepter l'inacceptable.
A cet égard, je vous remercie, monsieur le président, de bien vouloir signer la charte « Zéroviolence », témoignant ainsi de tout l'intérêt que vous portez à ce sujet préoccupant.
En conclusion, je vous propose, monsieur le président, mes chers collègues, de contribuer à amplifier une véritable prise de conscience pour dénoncer ces violences, afin qu'elles ne soient plus banalisées. Je vous invite donc, si vous le voulez bien, à porter aujourd'hui ce ruban blanc, synonyme du refus d'ignorer cette violence, du refus de la dissimuler et du refus de la nier. C'est ainsi que nous progresserons vers une société plus humaine et plus respectueuse de l'autre. (Bravo ! et applaudissements.)
J'ai le plaisir, monsieur le président, de vous remettre ce ruban, que vous aurez la gentillesse de porter toute la journée. (Après avoir remis ledit ruban à M. le président du Sénat, Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes lui donne l'accolade. - Applaudissements prolongés.)
M. le président. Madame, permettez-moi, en cet instant, de vous remercier et de vous féliciter chaleureusement de l'initiative que vous venez de prendre en votre qualité de présidente d'une délégation dont je tiens à saluer le sérieux et la qualité des travaux. Vos propos ont su traduire les sentiments unanimes de notre assemblée.
C'est bien volontiers que j'accepte de porter ce ruban blanc, symbole de la lutte contre les violences envers les femmes.
Votre intervention dans cet hémicycle permet à notre assemblée d'apporter sa modeste contribution à la célébration de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes. Comme vous venez de le rappeler, la date du 25 novembre a été choisie par l'Assemblée générale des Nations unies, dans une résolution du 17 décembre 1999, pour sensibiliser l'opinion mondiale au douloureux problème de la violence à l'égard des femmes.
Au nom du Sénat tout entier, je m'associe solennellement aux propos que vous avez tenus pour dénoncer les violences multiples que subissent - hélas ! - trop souvent les femmes, tant dans la vie privée que dans le monde du travail ou sur les lieux publics, partout à travers le monde et même au sein de notre pays.
A l'évidence, il n'existe pas de meilleur combat que ce combat pour la liberté, l'égalité et la dignité de la personne humaine, qu'elle soit un homme ou une femme.
C'est pourquoi je vais signer sur le champ la charte « Zéroviolence », la charte des hommes contre les violences faites aux femmes. Je souhaite que l'ensemble des sénateurs participent à cette démarche en cosignant ce texte. (Applaudissements.)
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TRANSMISSION DU PROJET DE LOI de finances pour 2005
M. le président. J'ai reçu aujourd'hui, transmis par M. le Premier ministre, le projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.
Le projet de loi sera imprimé sous le numéro 73, distribué et renvoyé au fond à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation et, pour avis, sur leur demande, aux autres commissions permanentes.
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Loi de finances pour 2005
Discussion d'un projet de loi
M. le président. Monsieur le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, monsieur le secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général du budget, mes chers collègues, l'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale (nos 73 et 74).
Ce projet de loi de finances est le dernier à être discuté selon les procédures auxquelles nous sommes habitués. A compter de l'année prochaine, la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, entraînera une restructuration complète de la discussion budgétaire, désormais articulée par missions et non plus par ministères.
Je tiens à rappeler que notre nouvelle « constitution financière » résulte d'une initiative parlementaire à laquelle le Sénat avait largement contribué. Il lui appartient maintenant d'en recueillir les fruits lors de sa mise en application.
Je souhaite à cet égard que la réflexion qui est menée par la commission des finances, sous l'autorité de son président, M. Jean Arthuis, en vue de préciser les modalités de la nécessaire réorganisation de la discussion budgétaire, permette d'aboutir à des débats encore plus intelligibles, plus vivants et plus interactifs.
Nous pourrons ainsi exercer plus efficacement notre mission de contrôle, en évaluant les résultats obtenus par rapport aux objectifs associés à chaque programme.
Dans l'attente de cette rénovation majeure, l'organisation de la discussion budgétaire s'inscrit, cette année encore, dans la continuité des années précédentes. Suivant les propositions de M. Arthuis, la conférence des présidents a reconduit les innovations introduites ces dernières années pour moderniser la discussion budgétaire.
Le débat désormais traditionnel sur les recettes des collectivités locales, programmé le mardi 30 novembre après-midi, nous permettra d'affirmer une fois de plus la vocation du Sénat de représentant constitutionnel des collectivités territoriales de la République.
Pour l'examen de cette loi de finances, notre souci commun doit être d'aboutir, comme l'an dernier, à un calendrier maîtrisé et conforme aux prévisions de la conférence des présidents, en évitant tout report de discussion.
D'une manière générale, il importe que chacun recentre ses propos sur l'examen des recettes et des dépenses de l'Etat, qui constitue l'essence même du débat budgétaire.
Nous avons en effet, tout au long de l'année, de multiples occasions d'exercer notre fonction de contrôle, qui doit devenir, je tiens à le répéter, la seconde nature du Sénat.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre d'Etat. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui, en compagnie de Dominique Bussereau, le projet de budget de la France pour 2005, adopté avant-hier par l'Assemblée nationale.
Ce projet de budget a un objectif simple : favoriser la croissance.
En effet, la France a besoin d'une croissance plus forte et plus durable car, il faut bien le reconnaître, celle-ci a « décroché » depuis dix ans.
En réalité, le premier problème économique de notre pays, problème que nous partageons avec nombre de nos voisins européens, est d'avoir eu, au cours des vingt dernières années, un taux de la croissance grosso modo inférieur d'un point à celui de la croissance américaine.
Ce point de croissance en moins, c'est plus de chômeurs et plus de déficits : sans croissance, l'on ne peut réduire ni le chômage, ni les déficits.
Face à ce constat, peut-on parler de fatalité ? Pourquoi, depuis tant d'années, la croissance européenne, la croissance française sont-elle plus faibles qu'ailleurs ?
Ce que les autres ont fait, nous pouvons le réussir ; pour moi, il n'y a pas de fatalité ! Il ne s'agit pas de dire que comparaison vaut raison ou de tomber amoureux de je ne sais quel modèle. Il n'est pas non plus question de faire toujours l'apologie des mêmes.
Il convient simplement, quand on aime son pays, comme chacun d'entre nous ici, de se tourner vers les modèles qui marchent et d'être moins obsédé par ceux qui ne marchent pas.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Certes, on peut regarder ce qui se passe de l'autre côté de l'Atlantique, mais on peut également observer - ce n'est pas interdit - ce qui se passe de l'autre côté de la Manche, d'autant plus que ce sont des socialistes qui y sont au pouvoir ! Soyons également attentifs à l'évolution au Sud ; n'oublions pas que nous sommes une puissance méditerranéenne ! Je rappelle que l'Espagne et la Grande-Bretagne ont enregistré ces dernières années des performances économiques tout à fait remarquables !
La croissance faible ou « molle » n'est pas une fatalité et nous devons nous tourner résolument vers ceux qui ont fait ce qu'il fallait. Et qu'ont-ils fait ? Une chose très originale que j'hésite presque à rappeler : ils ont compris qu'il fallait travailler pour créer des richesses ! Dans le même temps, d'aucuns expliquaient qu'en travaillant moins on pouvait gagner plus...
Mme Nicole Bricq. On ne voit pas de qui vous parlez !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. La France est le seul pays au monde à avoir expliqué à ses citoyens que la solution aux problèmes était de travailler moins, alors que la première question qui se pose à tous les responsables politiques est de savoir comment travailler davantage.
Mme Hélène Luc. Parlez-nous du développement industriel !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Si vous protestez à chaque fois que cela fait mal, préparez-vous à protester souvent ! C'est quand même la règle de la démocratie que de se critiquer mutuellement ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Les 35 heures ont été une erreur, ce qui est aujourd'hui reconnu comme tel par tout le monde.
Intervenant récemment devant le patronat britannique, à l'invitation de M. Gordon Brown, ministre socialiste, j'ai fait une proposition qui a rencontré un certain succès, à savoir que ce dernier accepte de recevoir François Hollande pour un stage prolongé. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées socialistes.) Honnêtement, après avoir entendu les socialistes anglais, je dis à la droite et au centre français que nous avons beaucoup de progrès à faire !
M. Bernard Frimat. Ça, c'est vrai !
M. Michel Moreigne. N'avouez jamais !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Croyez-moi, les socialistes anglais ne sont pas en train de se demander comment s'inspirer des 35 heures ! (Sourires ironiques sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Pierre Masseret. Cela viendra !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. L'erreur majeure des 35 heures, ce n'est pas de permettre à ceux qui ont des conditions de travail difficiles de travailler moins, c'est d'empêcher de travailler plus ceux qui veulent gagner plus. Si l'on peut reconnaître que certains de nos compatriotes, qui sont fatigués, au propre comme au figuré, aspirent au régime des 35 heures, il est en revanche parfaitement incompréhensible de ne pas autoriser ceux qui veulent travailler plus pour gagner davantage à le faire, puisque c'est l'intérêt de notre économie, c'est propice au pouvoir d'achat des Français et c'est conforme à nos valeurs. Ainsi, l'institution des 35 heures fut une grande erreur.
La France occupe d'ailleurs l'avant-dernière place parmi les pays de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, s'agissant du nombre d'heures travaillées. Si l'on aime son pays, que l'on soit de gauche ou de droite, l'on ne peut pas se résoudre à cet état de fait.
Mme Hélène Luc. La France est également mal placé en ce qui concerne le chômage !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Evidemment, quand on est avant-dernier pour le nombre d'heures travaillées, on n'est pas mieux placé s'agissant des chômeurs ! Je ne fais que décrire une réalité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc et M. Robert Bret. Et la productivité ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Franchement, je ne visais personne. Je croyais que la promotion du travail était un sujet consensuel !
Mme Nicole Bricq. Oui, effectivement !
Mme Hélène Luc. Parlez de ceux qui n'ont pas de travail !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Malheureusement, dans notre pays, faire partir de jeunes quinquagénaires qui avaient encore tant de choses à donner à l'économie et à la société a été considéré, durant des années, comme un progrès social. En fait, nous avons bien trop peu de quinquagénaires en activité.
Mme Nicole Bricq. Dites-le aux patrons !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Alors que la durée de la vie augmente et que l'on ne cesse d'expliquer aux Français qu'il faut travailler plus, la solution ne peut pas résider dans la multiplication des départs anticipés en préretraite, c'est même tout le contraire : nous avons besoin que les gens travaillent plus et non pas moins.
Par ailleurs, si le taux d'activité de ses séniors est trop faible, la France est également l'un des pays développés où les jeunes entrent le plus tard sur le marché du travail. Autrement dit, les vieux partent trop tôt et les jeunes arrivent trop tard, à quoi s'est ajoutée l'application des 35 heures.
Telle est la situation, et cela peut expliquer - cette explication en vaut bien d'autres -, que nous ayons un point de croissance en moins par rapport aux autres. Il n'y a pas besoin d'être prix Nobel d'économie pour comprendre que travailler moins, c'est créer moins de richesse et donc moins de richesse à partager, ce qui n'est vraiment pas fait pour améliorer le sort des personnes sans travail, sans ressources ou accidentées de la vie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Plusieurs sénateurs de l'UMP. C'est vrai !
Mme Hélène Luc. Et on laisse délocaliser des entreprises comme la Facom, à Villeneuve-le-Roi !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Le gonflement de la sphère publique est une autre source de préoccupation, et elle concerne directement le budget de l'Etat.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. A cet égard, nous avons tous une part de responsabilité.
Les données du problème sont très simples : les salaires et les pensions de retraite de la fonction publique comptent pour 40 % du budget de la France, et les intérêts de la dette, pour 15 %. En d'autres termes, ces deux seuls postes représentent 55 % de notre budget !
Il est clair que la question des effectifs dans la fonction publique, je veux dire la question du non-remplacement des départs à la retraite, se trouve posée. Or, plus on tarde à agir, plus c'est difficile. C'est la raison pour laquelle je vous proposerai de ne pas remplacer 10 000...
M. Robert Bret. Policiers !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. ...des fonctionnaires partant à la retraite. Car, contrairement à ce que j'entends dire parfois, quand l'Etat recrute un fonctionnaire, il l'engage non pas seulement pour la durée de sa vie professionnelle, mais bien pour la durée de son existence, puisque, pour les retraites, l'Etat est son propre assureur.
D'ailleurs, ceux qui ne comprennent pas aujourd'hui qu'il faut réduire nos effectifs pour diminuer nos dépenses risquent de porter, demain, la responsabilité de la paupérisation de la fonction publique.
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Compte tenu du niveau de nos déficits, promettre d'embaucher plus de fonctionnaires tout en les payant mieux, c'est se moquer de nos cinq millions de fonctionnaires.
M. Gérard Longuet. C'est vrai !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. J'ajoute qu'il me semble tout à fait juste, à partir du moment où l'on considère qu'il faut diminuer les effectifs, de redistribuer, sous forme de gains de pouvoir d'achat, une partie des gains de productivité réalisés. Il faut moins de fonctionnaires, mais des fonctionnaires mieux formés, mieux payés, donc mieux considérés. Nous n'avons pas le choix, c'est la seule politique possible.
A cet égard, je considère qu'il est parfaitement archaïque, sauf à se complaire dans un système « perdant-perdant », de discuter le même jour, à la même heure, dans les mêmes conditions, des salaires des cinq millions de fonctionnaires de la fonction publique de l'Etat, de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : combien de métiers différents, de conditions de travail différentes, d'aspirations différentes sont en cause...
A titre personnel, et depuis bien longtemps, je suis pour des discussions beaucoup plus souples, administration par administration, tant il est vrai, mesdames, messieurs les sénateurs, que les contraintes d'une infirmière de service la nuit n'ont rien à voir avec celles d'un employé municipal chargé de l'état civil, si compétent et si diligent soit-il.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Aborder en même temps les questions salariales des trois fonctions publiques, c'est rigidifier la discussion. D'ailleurs, à force de vouloir protéger tout le monde, on a fini par pénaliser chacun. La fracture qui se dessine entre le secteur public où l'on travaille beaucoup, où l'on travaille bien, et le secteur privé est extrêmement préoccupante.
Dans la sphère publique, les fonctionnaires ont le droit d'être respectés et d'être rémunérés à proportion de leur mérite. Il s'agit non pas d'enlever quoi que ce soit à qui que ce soit, mais de faire en sorte que les gestionnaires puissent donner davantage à ceux qui en font davantage. C'est, me semble-t-il, l'application de l'esprit et de la lettre des valeurs éminemment républicaines que sont le travail, le mérite, l'effort, et la récompense. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Il me semble que nous n'avons rien à craindre à défendre ce point de vue, car les fonctionnaires comprennent parfaitement de quoi il s'agit.
Avec le retour de la croissance en 2004, de nouvelles questions se posent à nous. Tout d'abord, mesdames, messieurs les sénateurs, que faire des fruits de la croissance ?
M. Raymond Courrière. Ne chantez pas trop haut que la croissance est revenue !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Qu'est-ce que la croissance, si ce n'est le fruit du travail des Français ? Et nous avons un devoir collectif à l'égard des Français, celui de ne pas dilapider les fruits de leur travail.
Se pose alors la question des 5 milliards d'euros de plus-values de recettes. Nous avons voulu, avec Dominique Bussereau, que ces 5 milliards d'euros soient intégralement affectés à la réduction du déficit, comme nous vous le proposerons dans ce projet de loi de finances.
Au reste, ce choix ne doit rien à l'idéologie.
Mme Hélène Luc. Oh, ça !... Il y en a quand même bien quelque part, de l'idéologie !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Alors que depuis vingt-trois ans, le budget de la France est présenté en déficit et que nous cumulons un endettement considérable, qui pourrait, dans ces conditions, vouloir affecter durablement le surplus de recettes de la croissance à des dépenses supplémentaires ? Ce ne serait vraiment pas raisonnable !
Quand j'ai présenté ce projet de loi de finances à l'Assemblée nationale, j'ai entendu certains s'écrier qu'il s'agissait d'un budget de rigueur. Mais enfin, mesdames, messieurs les sénateurs, si un budget qui affiche une dépense supérieure de 24 % aux recettes est qualifié de budget de rigueur, que dira-t-on lorsque le budget de la France sera tout simplement équilibré ?
Pendant vingt-trois années consécutives, les gouvernements ont présenté des budgets en déficit et, quand j'essaie d'affecter 5 milliards d'euros à la réduction de ces déficits, on m'accuse de présenter un budget de rigueur. Mais sait-on bien que l'on parle de l'argent des Français ? Or, l'argent des Français, nous avons le devoir de l'utiliser de façon raisonnable.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Raymond Courrière. Et les réductions d'impôts ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Pour trancher avec le passé, nous faisons comme toutes les familles de France, nous remboursons nos dettes avant d'imaginer de nouvelles dépenses. C'est la seule façon de faire, et je suis persuadé que les Français la comprennent.
Au demeurant, un tel cumul d'endettement et de déficits qui ne sont maîtrisés par personne est un véritable facteur d'affaiblissement pour notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
On ne fera croire à personne que notre pays peut se grandir en accumulant les dépenses sans avoir les moyens de les financer. Une telle politique n'a pas d'avenir.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Nos contraintes sont fortes, mais, et c'est la bonne nouvelle, la croissance mondiale est également forte, puisqu'elle atteint 4,5 %. Plus intéressant et plus original encore, il faut noter que cette croissance est partagée, car elle est constatée partout dans le monde. Rarement nous aurons connu une telle croissance qui concerne toutes les régions du monde en même temps.
M. Raymond Courrière. Sauf la France !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Les Etats-Unis, bien sûr, connaissent une croissance spectaculaire,...
M. Robert Bret. Et les déficits aussi sont spectaculaires !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. ...l'Asie également, et il faut souligner que le Japon est, fort heureusement pour l'équilibre du monde, sorti de dix à quinze années de récession ou de stagnation. Pour ce qui est de l'Amérique du Sud, où un certain nombre de pays apparaissent comme des puissances émergentes, l'Argentine, et c'est heureux, semble retrouver le chemin de la croissance. Et même dans notre chère Afrique, ce continent dont nous dépendons tellement, la croissance moyenne, qui n'est certes pas suffisante pour que les populations accèdent au progrès, se situe tout de même aux alentours de 3 % ou 3,5 %, situation que l'on n'avait pas constatée depuis longtemps.
Quant à l'Europe, elle connaît une croissance, certes trop faible, mais chacun pourra se réjouir que la France, en 2004, ait fait mieux que ses partenaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, si la France avait fait moins bien, j'entends d'ici les critiques que vous auriez adressées. Sans doute auriez-vous eu quelque raison à pointer l'insuffisance du Gouvernement en général et du ministre chargé des finances en particulier. Et peut-être le débat démocratique ne vous aurait-il pas donné tort...
Mais, puisque la France a fait mieux,...
M. Raymond Courrière. Grâce aux 35 heures !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. ...j'imagine qu'avec l'honnêteté intellectuelle que l'on vous connaît vous saurez me créditer d'une petite part de responsabilité dans cette embellie. Sévères dans la critique en cas de défaite, vous devez savoir reconnaître le mérite en cas de victoire : cela s'appelle le parallélisme des formes ! (Sourires.)
Mme Hélène Luc. Nous avons fait mieux pour qui ?
Mme Nicole Bricq. Sur la croissance, nous allons vous répondre.
Mme Hélène Luc. Quand même !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Madame Luc, parlant d'inquiétude pour la France, je ne pensais pas que cela pourrait vous réjouir !
Mme Hélène Luc. A vous entendre, on dirait que tout va pour le mieux, mais cela dépend pour qui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Nous avons un premier sujet d'inquiétude avec l'augmentation du prix des matières premières. Disant cela, je m'empresse d'ajouter qu'il ne s'agit pas uniquement du prix du pétrole, comme je l'entends dire trop souvent. L'acier aussi a augmenté, et de 30 %, ce qui n'est pas rien. Cela m'amène d'ailleurs à prévenir la Haute Assemblée, mais je sais qu'elle en est déjà consciente, contre les méfaits de la pensée unique et des modes.
Mesdames, messieurs les sénateurs, rappelez-vous les discours convenus de la fin des années soixante sur la sidérurgie française et son avenir. M. Longuet doit s'en souvenir, lui qui est d'une région où, à écouter certains, on devait purement et simplement tout fermer : on n'avait plus besoin de la sidérurgie, on n'avait plus besoin d'industries. Or, aujourd'hui, les industriels que je suis amené à rencontrer viennent me dire qu'il n'y a pas assez de producteurs et pas assez de production.
Mme Hélène Luc. Mais qui a fait fermer ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Il était également à la mode de dire, à l'époque, que la France ne devait plus compter aucune industrie sur son territoire.
Mais c'est oublier un peu vite que la France est l'un des cinq pays au monde à fabriquer des véhicules et qu'elle compte même deux constructeurs nationaux.
Souvenez-vous : en 1983, Renault, nationalisée, perdait 1 milliard de francs par mois ! Il faut dire que le gouvernement d'alors voulait en faire un laboratoire social, mais il s'en est fallu de peu que le laboratoire social finisse en catastrophe industrielle. Fort heureusement, depuis, Renault comme PSA ont fait le choix de l'innovation et de la technologie et sont désormais créateurs d'emplois nets, sinon dans le monde, tout au moins en France, ce qui est déjà bien.
Mme Hélène Luc. Grâce aux 35 heures !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Ce qui veut dire que notre pays peut conserver une industrie, et même une industrie de main-d'oeuvre, qui tienne sa place dans la compétition mondiale.
Mme Hélène Luc. Avec les 35 heures, ce n'est pas mal !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Tel était, d'ailleurs, le sens de mon action, madame Luc, quand j'ai poussé à la conclusion de l'accord Aventis-Sanofi et quand j'ai sauvé Alstom qui, depuis, voit son carnet de commandes gonfler chaque mois.
Reste que, pour nous, le problème du renchérissement des matières premières n'est pas près d'être réglé. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement vous a demandé, mesdames, messieurs les sénateurs, de confirmer le choix du nucléaire, qui permet à la France d'être à 50 % indépendante pour son énergie.
Il est d'ailleurs assez invraisemblable que, quand nous avons fait le choix d'engager EDF dans la construction de la nouvelle génération de centrales destinées à assurer la relève des cinquante-huit centrales actuelles, il se soit trouvé un groupe, un seul, pour ne pas voter la loi d'orientation sur l'énergie et pour ne pas consacrer le choix de l'EPR, le groupe socialiste, groupe qui n'est pas gêné aujourd'hui pour se plaindre de l'augmentation du prix du pétrole.
J'aimerais que l'on m'explique comment on peut protester avec autant de véhémence contre l'augmentation du prix du pétrole à la pompe et, dans le même temps, refuser de donner à EDF les moyens de faire le choix du nucléaire, une énergie propre qui est aussi pour nous la seule façon d'assurer l'indépendance énergétique de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Bricq. Et les déchets nucléaires ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. C'est d'ailleurs, mesdames, messieurs les sénateurs, une excellente nouvelle que le Gouvernement ait eu à choisir entre les candidatures de trois régions, également dynamiques et volontaires, pour l'implantation de l'EPR, alors que, dans des pays voisins que je ne citerai pas, le mot « nucléaire » est lui-même devenu tabou.
Le fait que des régions comprennent que c'est la voie du progrès est une réelle chance pour notre pays. Et, compte tenu de la longueur des investissements, entre le moment où l'on a décidé de recourir à l'EPR et le moment où il sera réellement en service, il faudra attendre sept ans. Je le dis aux deux régions qui n'ont pas obtenu satisfaction : il y aura d'autres EPR.
Cela dit, je tiens à saluer les élus de droite comme de gauche qui ont fait le choix de Flamanville parce que cela a beaucoup compté dans la décision du Gouvernement. Cette question importante nous occupera tout au long de l'année.
M. Robert Bret. Eh oui !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Autre problème : le déficit des Etats-Unis et le prix du dollar.
Il faut reconnaître que le dollar s'écroule par rapport à toutes les monnaies du monde. L'euro ne monte pas, c'est le dollar qui baisse ! On s'en rend compte en comparant son taux de change avec celui du franc suisse, du dollar canadien, du yen et même du huan.
Ill faut envisager des solutions pour remédier au problème. Les Américains - qui sont nos amis et nos alliés - doivent engager une politique déterminée pour maîtriser leur déficit et éviter que leur monnaie ne fausse les échanges commerciaux. C'est absolument obligatoire.
En comparant la situation de la France à celle des Etats-Unis, on comprend que les problèmes ne sont pas les mêmes. En France, l'Etat est trop endetté et les ménages ne le sont pas assez.
A cet égard, il faut arrêter de complexer les ménages sur la question de l'endettement. Un jeune couple qui s'endette pour acheter un appartement, pour renouveler son électroménager ou pour changer de voiture, c'est un jeune couple qui croit en l'avenir et qui fait un pari optimiste. Une grande nation, ce n'est pas simplement une nation de rentiers ou d'épargnants ; c'est une nation où les hommes et les femmes croient suffisamment en l'avenir pour se tourner vers lui.
Les Etats-Unis connaissent le problème inverse au nôtre. Le taux d'épargne des ménages y est de 1,3 % alors qu'il oscille entre 15 % et 16 % en France.
On se trouve alors dans la situation suivante, qui est quelque peu paradoxale : la première puissance économique du monde est structurellement débitrice alors qu'elle devrait être créditrice puisqu'elle est la plus riche. Elle devrait prêter au monde entier.
M. Robert Bret. Cette situation dure depuis cinquante ans !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Et que se passera-t-il demain si l'épargne de l'Asie ne se porte plus sur les bons du Trésor des Etats-Unis ? Dans le système de mondialisation actuel, où chacun dépend des autres, ce n'est pas faire de l'ingérence que de dire à ses amis qu'ils doivent tenir leur déficit et gérer leur monnaie.
M. Robert Bret. La planche à billets, c'est leur mode de fonctionnement !
Mme Hélène Luc. On les laisse faire !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Voilà, me semble-t-il, la double incertitude qui pèse sur nos choix pour l'année 2005.
Cela dit, mesdames, messieurs les sénateurs, quels sont les grands choix qui ont présidé à l'établissement du projet de budget.
M. Robert Bret. Eh oui, parlons-en !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Naturellement, monsieur le président, il ne saurait être question de présenter le texte en détail puisque les membres de la Haute Assemblée en ont pris connaissance.
La majorité doit savoir que je compte assumer pleinement le premier choix que nous avons fait parce qu'il est juste : il s'agit de la réduction des déficits.
Entre 2004 et 2005, mesdames, messieurs les sénateurs, ...
Mme Nicole Bricq. La soulte !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Non, la soulte n'a absolument rien à voir ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Madame le sénateur, si vous trouvez un centime de la soulte dans le projet de budget, dites-le moi ! Au demeurant, je suis prêt à vous donner tout complément d'information que vous souhaiterez sur ce point !
Il est prévu de réduire le déficit de 10 milliards d'euros sans que la soulte EDF y soit pour un centime.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Dans l'histoire budgétaire de la France - je parle sous le contrôle de M. le président de la commission des finances et de M. le rapporteur général - il n'y a jamais eu, sur une année, une telle réduction du déficit.
J'ai trouvé un déficit de 55 milliards d'euros, je le rendrai à 45 milliards d'euros. Je reconnais bien volontiers que c'est encore trop, mais, selon le fameux proverbe : « Quand je m'ausculte, je m'inquiète ; quand je me compare, je me rassure ». (Sourires.)
Je répète ma proposition, mesdames, messieurs les sénateurs : si certains d'entre vous souhaitent obtenir des explications supplémentaires, je serai très heureux de les leur fournir.
Le commissaire européen Almunia, homme de grande qualité, qui fut, comme chacun le sait, secrétaire général du parti socialiste espagnol avant M. Zapatero, ...
M. Jean-Pierre Demerliat. Les socialistes étrangers sont très bien !
M. Charles Pasqua. Cela arrive !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. ...lors de sa visite en France lundi, a dit - cela vaut la peine de rapporter ses propos, d'autant qu'il est socialiste - que la France tiendrait la parole qu'elle a donnée, c'est-à-dire que son déficit se situerait en dessous de 3 %. Personne ne pensait qu'un tel objectif pouvait être atteint.
Il n'était pas question, je le précise, de revenir à ces 3 % parce que l'Europe nous le demandait, mais bien parce que le bon sens l'exigeait. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) D'ailleurs, je ne résiste pas au plaisir de faire devant la Haute Assemblée cette remarque : le déficit de la France n'est pas de 3 %, il est de 23 %.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Il est de 3 % si on le compare à la richesse nationale. Cela me rappelle l'histoire de celui qui va voir son banquier et qui lui dit : mon compte est à découvert, mais si vous l'additionnez à celui de mes voisins, il est créditeur. Si vous trouvez un banquier qui est prêt à adhérer à ce raisonnement, ne le quittez surtout pas, car il n'en existe pas d'autre comme lui. Vous avez fait le bon choix ! (Sourires.)
Mme Nicole Borvo. Quelle comparaison !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. S'est également posée la question des prélèvements obligatoires.
En la matière, j'assume mes responsabilités : j'ai demandé au Président de la République et au Premier ministre que la plus grande partie des recettes de la croissance soit consacrée au remboursement de nos dettes plutôt qu'à la diminution des impôts.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Et ce choix, je ne veux pas le faire peser sur les épaules des autres.
Ce n'est pas que je ne croie pas à la baisse des impôts. Je suis même persuadé que la France ne pourra pas s'en passer, car on ne peut pas continuer à faire peser sur les Français des impôts plus élevés qu'ailleurs. Je pense simplement que les choses doivent se faire dans l'ordre. On ne peut pas affirmer qu'il convient de réduire le déficit et, dans le même temps, dire qu'il faut réduire les recettes. Je suis persuadé que les Français ont compris le choix qui a été fait, d'autant qu'il était nécessaire de compenser les hausses des prélèvements affectés à l'assurance maladie.
Nous avons donc été contraints de diminuer les prélèvements de l'Etat de 5,9 milliards d'euros pour compenser l'augmentation de 6,5 milliards d'euros des prélèvements en faveur de l'assurance maladie. Sans cela, les prélèvements obligatoires auraient augmenté.
S'agissant de la dépense publique, nous nous sommes contraints à une croissance zéro en volume, comme l'avait fait Alain Lambert les deux années précédentes. Ce dernier a d'ailleurs noté que nous avons été particulièrement sévères puisque nous avons retenu une hypothèse de croissance de 1,8 %, ce qui signifie que nous nous sommes interdit de dépasser un taux d'inflation de 1,8 %. Or chacun sait que l'inflation se situe entre 2,1 % et 2,2 %. Cela nous a conduits à ne pas remplacer 10 000 emplois, soit un solde de 7 200 emplois.
Là encore, pour les uns, c'est trop et, pour les autres, ce n'est pas assez. Je reconnais volontiers que l'on peut estimer que ce n'est pas assez et qu'il y avait matière à faire plus. Mais, lorsque je me suis amusé à regarder qui, au cours des dix dernières années, avait fait plus, je n'ai trouvé personne. Ce n'est donc pas si simple !
Il faut savoir que, dans un premier temps, la réduction des effectifs fait mal et que les bénéfices n'apparaissent qu'ultérieurement. En effet, pour qu'elle soit sensible dans l'équilibre du budget de l'Etat, il faut que des économies se soient accumulées sur dix ans.
Je suis heureux de vous annoncer, mesdames, messieurs les sénateurs, que, pour la troisième année consécutive, toutes les lois de programmation seront scrupuleusement financées à l'euro près, qu'il s'agisse de la sécurité, de la défense et de la justice. Je sais que les parlementaires n'aiment pas voter des lois de programmation si les financements ne suivent pas.
Si l'on veut réhabiliter la politique, il faut faire ce que l'on dit et dire ce que l'on pense.
Au total, sur 17 milliards d'euros de marge de manoeuvre, 10 milliards ont été consacrés à la réduction du déficit, 5 milliards aux lois de programmation et 2 milliards aux mesures fiscales en faveur de la croissance et de l'emploi.
A ce propos, je pense à l'impôt sur les bénéfices, qui pose une question extrêmement délicate.
En tout état de cause, la situation actuelle ne peut plus durer. Notre taxation sur les bénéfices est quasiment la plus élevée d'Europe puisque, avant la proposition du Gouvernement, nous nous situions aux alentours de 34 %, alors que, pour les pays d'Europe de l'ouest, la moyenne est de 29 % et que, pour les pays de l'Europe des 25, elle est de 20 %.
Je voudrais défendre devant vous une idée à laquelle je crois beaucoup et que je continuerai à défendre : l'Europe, c'est la concurrence, mais la concurrence loyale. Il ne s'agit pas de demander aux autres pays de s'aligner sur nos impôts ; ce serait absurde. Et il ne s'agit même pas de créer un taux d'imposition identique ; cela n'aurait aucun sens.
Mais je ne peux pas accepter que l'on se considère suffisamment riche pour supprimer, voire réduire à zéro, le taux de l'impôt sur les bénéfices des entreprises et que, dans le même temps, on se dise assez pauvre pour demander à bénéficier des fonds structurels, alimentés par les autres, pour assurer l'équilibre d'un budget dont les recettes sont inexistantes puisque l'on a supprimé les impôts.
Soit on est riche, soit on est pauvre, mais on ne peut pas être les deux à la fois ! En tout cas, on ne peut pas se tourner vers des pays comme la France, qui, eux, ne peuvent plus utiliser les fonds structurels et à qui on va demander de payer plus. La France se retrouverait alors dans une situation étrange : elle subirait des délocalisations parce que certains pays baissent de façon agressive leurs impôts et son déficit augmenterait parce qu'on lui demanderait d'alimenter des fonds structurels auxquels elle ne peut plus être éligible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Hélène Luc. Les délocalisations, vous les laissez faire !
Mme Nicole Borvo. Discours idéologique !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Madame, je suis en train d'évoquer un problème, et je ne connais pas de méthode qui permette de régler les problèmes sans en recenser les divers éléments ! Le médecin qui n'est pas capable de faire un diagnostic a du mal à trouver le remède. Or, en l'occurrence, le remède existe.
Mme Nicole Borvo. Quelle démagogie !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Il est d'ailleurs assez simple.
Les pays qui se sont libérés du communisme le plus déshumanisé ont le droit d'accéder à la croissance. Chacun doit avoir le taux d'imposition qu'il souhaite.
Voici la formule que je propose : un pays ayant un taux d'imposition équivalant à la moyenne de l'imposition européenne aurait droit à 100 % de son contingent de fonds structurels ; en revanche, s'il choisissait d'avoir une fiscalité inférieure de 50 % à la moyenne de la fiscalité européenne, il n'aurait plus droit qu'à 50 % des fonds structurels et s'il choisissait d'avoir une fiscalité inférieure à 100 % de la fiscalité européenne, il n'aurait plus droit du tout aux fonds structurels. Ce serait juste. (Protestations véhémentes sur les travées du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. En attendant, vous laissez les entreprises quitter la France !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Donnez donc vos solutions !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Pour expliquer cela, je me suis rendu à Budapest et à Prague, où j'ai rencontré des interlocuteurs extrêmement attentifs.
Mme Nicole Borvo. Nous sommes ici pour débattre du budget de la France !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Mais, madame, c'est justement pour le budget de la France que je propose des mesures de nature à lutter contre les délocalisations. Ce budget doit bien tenir compte du contexte européen ! Les Tchèques eux-mêmes ont exprimé la préoccupation que leur causait la politique fiscale agressive de l'Ukraine.
La solution ne réside pas dans une baisse continuelle des impôts ; adopter une telle attitude serait s'engager dans le jeu d'une concurrence déloyale.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité la création des pôles de compétitivité. Si nous attendons de nos partenaires une concurrence loyale, nous devons, dans le même temps, aider nos entreprises et nos régions à s'investir dans la recherche et l'innovation. Les mesures applicables aux pôles de compétitivité y contribueront.
Mme Nicole Bricq. Ce n'est pas vrai !
Mme Hélène Luc. Il faut commencer par garder les entreprises que l'on a déjà !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Voilà en quoi ce projet de budget est un élément majeur de la lutte contre les délocalisations.
Enfin, nous avons souhaité régler des problèmes récurrents.
Depuis que je fais de la politique, autrement dit depuis vingt-cinq ans, j'entends des discours, émanant de gauche comme de droite, pour se plaindre de l'insuffisance des apprentis en France. C'est un passage obligé de toutes les allocutions politiques, de tous les débats relatifs au budget : « Ah, si seulement nous avions le même nombre d'apprentis que nos amis allemands ! ». (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Robert Bret. Cela ne marche pas très bien chez eux !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Il faut bien reconnaître que nous avons moins d'apprentis que les autres ; c'est une réalité !
Dans ce projet de budget, nous proposons donc une mesure révolutionnaire qui vise à faire passer de 350 000 à plus de 500 000 le nombre des apprentis.
M. Aymeri de Montesquiou. Très bien !
M. Robert Bret. Attention aux modèles !
Mme Nicole Borvo. Il faut se méfier car les allemands vont revenir là-dessus !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Voici notre proposition : toute entreprise qui créera des postes d'apprentis bénéficiera d'un crédit d'impôt proportionnel au nombre de ces apprentis et pourra déduire les dépenses engendrées jusqu'à 2 000 euros par apprentis et par an ; en revanche, toute entreprise qui n'emploiera pas d'apprentis subira une augmentation de sa taxe d'apprentissage. Ce dispositif est clair, il a le mérite de la simplicité et il ne coûtera rien.
M. Charles Pasqua. Très bien !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Restera un problème complexe auquel je demanderai à la Haute Assemblée de réfléchir : il ne faudrait pas que les entreprises soient pénalisées en raison du nombre insuffisant d'apprentis qui sortent des centres de formation. Je suis sûr qu'au cours de la discussion budgétaire nous pourrons trouver une solution.
Je terminerai mon propos par une dernière remarque.
Le budget que je vous présente est juste : il prend en considération nos compatriotes les plus démunis ; l est facile de le prouver.
M. Jean-Pierre Demerliat. Diable !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Ce budget prévoit un accroissement du SMIC de 5,5 % en 2005 alors que celui-ci a déjà été augmenté de 5,8 % en 2004.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il faut avoir le courage de reconnaître que, lorsque l'on augmente le SMIC en France, ce ne sont pas les entreprises qui y contribuent, c'est l'Etat puisque c'est lui qui prend à son compte les charges sociales.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. L'augmentation du SMIC est compensée par l'augmentation des exonérations de charges sociales : c'est donc bien le budget de l'Etat qui concourt ; c'est d'une simplicité biblique ! C'est d'ailleurs la raison pour laquelle les entreprises ont accepté une telle augmentation. Le Gouvernement et sa majorité ont donc fait un choix politique, celui d'augmenter le pouvoir d'achat des personnes qui ont les plus faibles salaires !
Maintenant, mesdames et messieurs de la gauche, si vous considérez que ce n'est pas suffisant, pourquoi n'avez-vous pas mis en place une telle politique pendant toutes les années où vous avez exercé le pouvoir ; il ne fallait surtout pas vous gêner ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.- Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Masseret. Il y avait moins de chômeurs, alors !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Et n'oublions pas la réduction des charges dans l'hôtellerie, qui permet une hausse de 11 % du SMIC hôtelier. En effet, il fallait se demander pourquoi il y avait, dans l'hôtellerie et la restauration, des offres d'emploi non satisfaites ? Ayons le courage de le dire : ces emplois, qui sont durs, n'étaient pas assez payés.
Mme Nicole Borvo. Absolument !
Mme Hélène Luc. C'est clair !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. C'est la raison pour laquelle, conformément aux engagements du Premier ministre, j'ai négocié avec les professionnels de la branche ! Nous avons supprimé le SMIC hôtelier, qui était inférieur de 11 % au SMIC classique, en compensant la charge que cela représente pour les entreprises.
Je ne m'étendrai pas sur l'aide aux emplois familiaux, qui est une politique juste, dans un pays où l'on compte 3 millions de chômeurs. Pourquoi ne pas utiliser les familles, qui peuvent être un gisement d'emplois considérable ? Lorsque l'on nous reproche d'aider les familles qui ont des revenus élevés, je réponds qu'il faut d'abord remercier ceux qui ont de tels revenus d'en utiliser une partie pour créer des emplois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo. Combien d'emplois ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Est-ce que les valeurs de notre société sont à ce point inversées que celui qui n'a jamais été au chômage, ni au RMI doive s'en excuser ! Si, avec l'argent qui est le sien, il crée un emploi utile à sa famille, donnant ainsi du travail à quelqu'un qui n'en avait pas, va-t-on le lui reprocher ?
Aucune entreprise ne paie l'impôt sur les sociétés sur les salaires qu'elle verse, n'est-ce pas ? Pourquoi les familles devraient-elles payer l'impôt sur le revenu des personnes physiques sur les salaires qu'elles versent ! Au nom de quoi traiter mieux l'entreprise capitalistique que la famille ? Cela n'a pas de sens. Cette politique, à laquelle je crois beaucoup, permettra de créer des emplois.
Mme Nicole Borvo. On fera un bilan !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. On dit sans cesse qu'il n'y a pas assez d'enfants en France parce que, et c'est heureux, les femmes ont la même vie professionnelle que les hommes. Pourquoi dès lors ne pas favoriser les emplois familiaux qui permettraient justement aux femmes de concilier vie professionnelle et vie familiale ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo. Discours idéologique.
Mme Maryse Bergé-Lavigne. Pourquoi pas les hommes ?
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. La prime pour l'emploi est revalorisée de 4,4 %, ce qui concerne 8,2 millions de Français.
Enfin, j'évoquerai une mesure à laquelle je crois beaucoup, qui me semble une mesure de justice, même si elle sera sans doute controversée ; je veux parler du régime fiscal applicable aux personnes ayant conclu un PACS, pacte civil de solidarité.
J'ai souhaité mettre un terme à une injustice. Je suis profondément persuadé que la sexualité d'un individu n'est pas une question de choix, c'est une question d'identité. Nous sommes un certain nombre à ne pas avoir eu longtemps à nous interroger sur le choix de notre sexualité : il n'y a ni à s'en glorifier, ni à s'en excuser. On naît avec cette identité sexuelle, comme il est des grands, des plus petits, des gros, des plus minces... Dès lors qu'il s'agit d'identité, je ne vois pas pourquoi on pratiquerait une discrimination entre les personnes. Je le dis d'autant plus que je n'ai pas été des plus favorables au PACS lors de sa création.
M. Robert Bret. C'est vrai !
Mme Nicole Borvo. C'est le moins que l'on puisse dire !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. Le PACS est devenu une réalité, il n'a pas remis en cause la famille ; il n'y a jamais eu autant de mariage !
M. Robert Bret. On vous l'avait dit !
M. Nicolas Sarkozy, ministre d'Etat. La justice impose donc de ne pas traiter différemment les gens en fonction de leur identité sexuelle mais de donner à chacun les mêmes droits et les mêmes devoirs. Vous constaterez, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette injustice n'avait pas été réparée par la gauche. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Il revient donc à la majorité actuelle d'agir, une fois de plus ! Il s'est passé la même chose pour la double peine : vous adorez en parler, mais, au moment d'agir, vous trouvez cela un peu plus compliqué... ((Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous l'avez compris, appelé à d'autres fonctions, je risque de ne pas être présent lors la discussion budgétaire. Aussi, en mon nom et au nom de Dominique Bussereau, je tiens à vous dire dès maintenant que ce budget n'a pas été facile à élaborer mais qu'il sera favorable à la France et à son économie. J'ai souhaité le défendre avec passion dans la mesure où je revendique les choix dont il est la traduction. (Applaudissements prolongés sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat au budget et à la réforme budgétaire. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, Nicolas Sarkozy vient de présenter l'ambition que nous proposons à la France à travers ce projet de budget. Pour ma part, je vais décrire comment ce budget reflète, dans la pratique, de grands choix politiques.
Comme la commission des finances l'a relevé avec une grande sûreté de jugement et une grande finesse d'analyse, nous avons fait le choix de la responsabilité budgétaire. Il s'agit pour nous de la seule clé d'une croissance durable et généreuse.
Instruits par les mises en gardes pédagogiques et salutaires de la Haute Assemblée, habités d'un vrai désir de reprendre les commandes de nos comptes publics, nous sommes parvenus à proposer une réduction historique du déficit.
En 2005, ce déficit sera encore de 44,9 milliards d'euros, mais c'est tout de même 10 milliards de moins que le déficit figurant dans la loi de finances pour 2004. Jamais auparavant dans notre histoire budgétaire, nous n'avions réussi à faire autant reculer, en une seule année, le déficit de l'Etat.
Comme Nicolas Sarkozy l'a indiqué, nous avons bénéficié du retour de la croissance, que notre politique économique a suscité.
Les prévisions de recettes fiscales pour l'année 2005, soit 272,1 milliards d'euros, s'appuient sur une base 2004 revue sensiblement à la hausse. Mais cette progression n'est pas le fruit du hasard : nous sommes allés la chercher.
Aux prises avec une conjoncture difficile, nous avons opté pour un comportement responsable. Plutôt que de tenter de compenser ces chutes de revenus et de compromettre à coup sûr toute chance de reprise, nous avons décidé de laisser jouer les stabilisateurs automatiques. Nous avons ensuite été capable de saisir au vol la reprise et d'en maximiser les effets.
Je voudrais rappeler que le texte relatif au soutien à la consommation et à l'investissement que le Gouvernement a présenté au printemps a contribué à créer les conditions d'un redémarrage rapide. Nous sommes donc sur la voie d'une croissance dynamique. Cela nous permet d'espérer, pour la fin de l'année, 5 milliards d'euros de recettes fiscales supplémentaires entièrement affectées à la réduction du déficit.
L'autre raison qui explique ce recul inédit du déficit tient à la persévérance dont nous avons fait preuve dans l'effort de maîtrise des dépenses. Je sais que votre commission des finances y est extrêmement sensible.
Les dépenses nettes de l'Etat, à structure constante, s'élèvent à 288,8 milliards d'euros : elles n'augmentent pas plus que l'inflation, monsieur de Montesquiou, soit 1,8 %. L'objectif dit « zéro volume » fixé par le Premier Ministre est tenu, et cela, Alain Lambert le sait bien, pour la troisième année consécutive. C'est un résultat, là encore, suffisamment nouveau dans notre histoire budgétaire pour qu'il soit souligné. Je voudrais rendre un hommage particulier à Alain Lambert, qui a bataillé avec force pour que cette exigence soit respectée.
C'est en inscrivant cette norme de stabilité de la dépense dans nos moeurs politiques que nous rendons crédible ce cap de responsabilité.
Le premier sujet d'inquiétude, mesdames, messieurs les sénateurs, vous le connaissez bien : c'est la charge de la dette. D'un montant de 39,5 milliards d'euros, elle est en hausse de 1,2 milliard d'euros, soit 3 %, entre 2004 et 2005. Il s'agit là d'une hausse somme toute modérée qui doit beaucoup aux effets de la réduction du déficit que nous avons engagée depuis deux ans et demi, et aussi - pourquoi ne pas le dire ? - à la baisse des taux.
Toutefois, il ne faudrait pas se réjouir trop tôt de cet effet taux qui ne durera que tant que subsistera un différentiel entre le taux moyen de la dette et le taux moyen du marché. Or l'on peut craindre que le répit ne soit de courte durée et qu'un retournement sur les marchés des taux ne nous expose à un risque fort. J'en donnerai un seul exemple : une augmentation de 1 % du taux d'intérêt de la dette aurait pour conséquence de renchérir son service d'un milliard d'euros la première année, puis de 3 milliards d'euros la seconde année.
Notre deuxième préoccupation concerne la montée en charge des dépenses de retraite des fonctionnaires. En 2005, les dépenses de pensions civiles et militaires, indexées depuis l'an dernier sur l'évolution des prix, augmenteront automatiquement de 2 milliards d'euros. Dès lors, il est aisé d'apprécier les efforts que nous avons déployés pour stabiliser les dépenses de l'Etat en volume, puisque, en parallèle nous avons dégagé les moyens nécessaires au financement de l'ensemble des priorités politiques du Gouvernement.
Monsieur le président du Sénat, vous avez souligné tout à l'heure que ce projet de loi de finances était à la fois le dernier du genre et l'amorce d'une nouveauté.
Pour ma part, j'articulerai mon propos autour de trois thèmes.
D'abord, je ferai le point sur la réforme budgétaire ; ensuite, je m'attarderai sur un sujet qui intéresse particulièrement le Sénat, et sur lequel ce dernier a beaucoup travaillé, je veux parler de la réforme de la redevance audiovisuelle ; enfin, j'évoquerai le financement des collectivités territoriales.
Comme vous, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai le sentiment, en dehors de la conjoncture politique de cette fin de semaine, de vivre un moment particulier. En effet, c'est la dernière fois que nous discutons du projet de loi de finances sous sa forme actuelle, qui, je le rappelle, est en vigueur depuis 1959. Dès l'année prochaine, nous serons dans le cadre de la LOLF, et il faut rendre hommage, là encore, aux pères fondateurs de cette dernière, qui ont su nous ménager une période de transition. C'est ainsi que nous pouvons, dès cette année, tester « à blanc » les nouvelles règles en vigueur.
Vous avez ainsi eu entre les mains, mesdames, messieurs les sénateurs, deux versions du projet de budget pour 2005 : pour la dernière fois, la version en vigueur depuis 1959 et qui distingue les crédits de personnel, de fonctionnement, d'investissement, mais aussi la nouvelle version, dans laquelle les moyens de l'Etat sont présentés par grande politique publique. Cela vous permettra de comparer les deux présentations, l'ancienne et la nouvelle.
Il ne s'agit pas seulement d'un changement de nomenclature, d'un coloriage ; c'est une évolution radicale.
Cette nouvelle présentation offre une vision stratégique de la dépense publique : 132 programmes, correspondant chacun à une politique gouvernementale précise et identifiable, vont prendre le relais des 850 chapitres budgétaires, offrant ainsi une perspective d'ensemble sur l'action gouvernementale.
Cette révolution n'est pas une vue de l'esprit. Elle va changer la donne. Je voudrais en donner un exemple précis à travers un budget que le Sénat examine toujours de très près, celui du ministère de l'agriculture.
Dans sa présentation classique, ce budget présente 4,9 milliards d'euros, répartis entre crédits de fonctionnement, fonds d'intervention, investissements et subventions d'investissement. Finalement, il contient assez peu d'informations pratiques sur la politique agricole de notre pays.
En nouvelle présentation, vous pouvez constater, mesdames, messieurs les sénateurs, que ces 4,9 milliards d'euros financent six grandes politiques publiques : 1,5 milliard d'euros pour la gestion durable de l'agriculture ; 710 millions d'euros pour la valorisation des produits et les marchés ; 325 millions d'euros pour la forêt ; 1,2 milliard d'euros pour l'enseignement agricole ; 500 millions d'euros pour la sécurité alimentaire et 410 millions d'euros pour les fonctions de soutien.
Je dois dire que, jamais, un tel niveau de lisibilité n'avait été atteint au sein d'un budget dans les comptes de l'Etat. Cela se vérifiera dans d'autres domaines, tels que la sécurité routière, le développement de l'emploi, la vie de l'élève dans le budget de l'éducation nationale, etc.
De cette façon, les parlementaires, les médias et tous nos concitoyens pourront se rendre compte du coût de l'action de l'Etat, savoir si cette action est utile, comment elle est mise en oeuvre et quels en sont, bien sûr, les résultats.
S'agissant du personnel, la ventilation précise des moyens imposée par la LOLF ne constitue pas un changement anodin, puisqu'elle va redonner tout son sens à l'autorisation parlementaire. J'espère, en outre, qu'elle provoquera chez les responsables de programmes une prise de conscience des impératifs d'une gestion plus moderne des ressources humaines de l'Etat.
J'ajoute que cette architecture budgétaire, pour laquelle la Haute Assemblée n'a pas ménagé sa peine, n'est pas la seule nouveauté.
Nous introduisons trois évolutions importantes : une nouvelle comptabilité de l'Etat, inspirée des entreprises ; une réforme du contrôle financier ; enfin - à cet égard, je souhaiterais que nous réfléchissions ensemble, dans les mois à venir, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général - une refonte de la procédure budgétaire afin d'accélérer et de faciliter les arbitrages, mais aussi pour mettre en oeuvre, comme le souhaite M. le Premier ministre, un nouveau processus de décision.
En fin de compte, mesdames, messieurs les sénateurs, dans cette nouvelle donne, le montant des enveloppes comptera moins que la manière de les dépenser, et cette nouvelle manière de travailler, engagée par MM. Francis Mer et Alain Lambert, doit nous aider à passer du « toujours plus » au « toujours mieux ».
Nous allons redonner au budget son rôle central d'instrument des choix du Gouvernement et de pierre angulaire de l'action publique, grâce à une vision stratégique de l'Etat, à l'amélioration du pouvoir d'autorisation et de contrôle du Parlement, non seulement sur les dépenses et les recettes, mais aussi sur les résultats de gestion. Par ailleurs, à l'occasion de chaque projet de loi de règlement, vous pourrez, mesdames, messieurs les sénateurs, juger de ce qui a été réalisé, de ce qui n'a pas été fait, et nos compatriotes sauront ainsi ce qui est advenu de leurs impôts.
J'évoquerai maintenant un sujet sur lequel l'Etat s'exprime peu ; je veux parler de la performance. Nous voulons introduire dans la gestion étatique une gestion tournée vers les résultats, avec, comme critère prioritaire, la meilleure manière de dépenser.
Comment avons-nous avancé sur ce chemin de la performance ?
Dans ce projet de budget, nous avons mis en place des critères de performance autour des quatre-vingts responsables de programmes. Chaque programme est accompagné d'une présentation, de tableaux, de stratégies, d'objectifs de gestion. Le Parlement dispose ainsi désormais d'un tableau de bord comprenant plus de 670 objectifs pour 1 300 indicateurs.
Je prendrai un exemple précis pour illustrer mon propos.
Concernant le budget de la justice, l'un des objectifs fixés à la « justice judiciaire » est de « rendre des décisions de qualité dans des délais raisonnables », tant en matière civile qu'en matière pénale. Pour ce faire, des indicateurs de qualité de service seront mis en place afin de réduire « le délai moyen de traitement des procédures par type de juridiction », ainsi que des indicateurs d'efficience de la gestion, par exemple, en augmentant le « nombre d'affaires traitées par magistrat ». Chaque politique sera donc évaluée du point de vue tant du citoyen que de l'usager ou du contribuable.
Nous entrons ainsi dans une nouvelle culture de la performance. Les « bleus » sont remplacés par des « avant-projets annuels de performance » et, naturellement, vos observations et vos commentaires concernant ces documents seront les bien venus.
La loi organique engage une réforme que nous avons en partage : une étroite association entre le Gouvernement et le Parlement doit, en effet, aboutir, au-delà des clivages, à un consensus, à l'instar de ce qui s'est passé la semaine dernière, à l'Assemblée nationale, où un tel consensus s'est dégagé, en dehors de l'opposition du groupe communiste.
Par ailleurs, en 2005, nous expérimenterons en grandeur réelle ce nouveau cadre, qui concernera 600 000 agents publics et représentera 28 milliards d'euros de crédits, soit 10 % du budget total de l'Etat.
J'en viens à la redevance audiovisuelle.
Nous sommes aujourd'hui en mesure, mesdames, messieurs les sénateurs, de vous présenter une réforme du mode de recouvrement de la redevance audiovisuelle. Cette réforme est exemplaire en ce qu'elle permet de concilier l'efficacité de l'Etat et la simplification administrative.
Nous avons également veillé à ce qu'elle n'entraîne pas une diminution de ressources pour les chaînes publiques, dont les recettes augmenteront de 2,4 % l'an prochain, soit bien au-delà du taux de l'inflation ; d'ailleurs, vos collègues de l'Assemblée nationale ont adopté un amendement qui garantit ce niveau de progression.
Chacun sait que le coût de recouvrement de cette redevance était devenu trop élevé, puisqu'il représentait 3,3 % du total collecté - à titre de comparaison, ce ratio n'est que de 0,47 % pour l'impôt sur le revenu - qu'un trop grand nombre de contribuables ne payaient pas cette redevance et que certains d'entre eux, parmi les plus modestes, rencontraient des difficultés pour l'acquitter.
Nous avons mis au point un mécanisme simple, efficace et équitable : la redevance sera adossée, pour les entreprises, à la TVA et, pour les ménages, à la taxe d'habitation ; une seule redevance par foyer quel que soit le nombre de résidences ou de téléviseurs, voilà qui est limpide !
La redevance sera perçue automatiquement, sauf si le contribuable déclare ne pas posséder de téléviseur.
Tout cela devrait nous conduire à mieux recouvrer cette redevance, donc à faire des économies et à permettre au contribuable de payer par mensualisation ou par télépaiement.
Enfin, il faut rappeler que cette réforme est empreinte de justice sociale. Non seulement les foyers déjà exonérés de la redevance conserveront ce droit, mais 1 million de foyers supplémentaires n'auront plus à la payer ; je pense notamment aux RMIstes.
Cette réforme, on en parlait depuis vingt ans : nous vous proposons de la mettre en oeuvre dès cette année !
Autre pilier de notre effort de modernisation : les nouvelles modalités de financement des collectivités locales.
Ce projet de loi de finances est particulièrement favorable aux collectivités locales. Le contrat de croissance et de solidarité est prolongé pour 2005. La hausse de la seule dotation globale de fonctionnement, qui représente 62 % des concours de l'Etat, sera de 3,29 % ; une telle progression n'a été atteinte que deux fois depuis 1996.
Au-delà de ces données très favorables, je souhaiterais m'attarder quelque peu sur deux réformes importantes que nous mettons en place à travers ce projet de budget.
La première a trait au financement des transferts de compétences liés à la décentralisation.
Dès 2005, les régions bénéficieront de l'affectation d'une part de la taxe intérieure sur les produits pétroliers, pour un montant de près de 400 millions d'euros. Quant aux départements, ils bénéficieront d'une part de la taxe sur les conventions d'assurance contre les risques relatifs aux véhicules, pour un montant de 120 millions d'euros. Ces sommes progresseront, bien entendu, dans les prochaines lois de finances, au rythme de l'entrée en vigueur effective des nouveaux transferts de compétences. Il s'agit là d'impôts dont le rendement est bon.
La seconde réforme concerne la dotation globale de fonctionnement.
Les modalités de répartition entre les collectivités locales du principal concours de l'Etat sont un enjeu majeur pour le développement du territoire. A elle seule, la DGF représente 37 milliards d'euros. Nous renforçons dès 2005 la péréquation entre collectivités afin d'accroître la part des collectivités les plus défavorisées, qu'elles soient urbaines ou rurales, sans pénaliser les autres.
Chacun se souvient que la première étape de cette réforme avait été inscrite dans la loi de finances de l'an passé. Par conséquent, avec un taux d'indexation très favorable, nous rationalisons la dotation forfaitaire des communes : une dotation de base en euros par habitant ; une dotation calculée en fonction de la superficie des collectivités - c'était une demande insistante des collectivités territoriales - enfin, un complément garantissant à toutes les communes le maintien de leur dotation pour 2004.
Certes, la dotation forfaitaire des communes ne progressera que de 1 % cette année, et ce à la suite d'un amendement voté à l'Assemblée nationale.
Certains parmi vous considéreront peut-être cela comme insuffisant, mais il s'agit tout de même d'une progression importante puisqu'elle est équivalente à celles de 2003 et de 2004.
Enfin, grâce à l'élargissement de la DGF, réalisé dans la loi de finances pour 2004, il est possible de garantir cette progression de 1 %, tout en réalisant un effort très significatif en faveur de la péréquation. Dans cette optique, le présent projet de budget rénove les critères d'attribution afin de mieux diriger les dotations vers les collectivités qui en ont le plus besoin. Il s'agit donc là d'une vraie réforme, destinée à assurer un financement de base à toutes les collectivités et à compenser les inégalités entre territoires - cela a d'ailleurs fait l'objet d'âpres discussions lors du congrès des maires - pour renforcer la cohésion nationale.
Telles sont, monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les voies de modernisation que Nicolas Sarkozy et moi-même vous proposons dans ce projet de loi de finances pour 2005.
Je forme le voeu que la discussion qui va s'ouvrir, à la suite des exposés de M. le rapporteur général et de M. le président de la commission des finances, soit riche, stimulante et qu'elle soit de nature à améliorer encore ce projet de budget pour la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je m'adresserai tout d'abord à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie pour le féliciter et le remercier des engagements qu'il a pris et qu'il a tenus.
Quand il nous a dit, à la fin de 2004, que la France ne dépasserait pas le taux de déficit de 3,6 %, peu y ont cru. Et pourtant, il en sera bien ainsi!
Je voudrais également le féliciter et le remercier de la réhabilitation de l'action politique à laquelle il a participé à la tête de son ministère, car le volontarisme en politique est nécessaire pour atteindre les résultats escomptés.
Il a montré cette volonté tant en matière de politique industrielle que dans les domaines de la gestion de l'Etat et de la maîtrise des budgets publics.
Malgré les réticences ou les doutes que j'ai pu exprimer, les mesures qui ont été prises au début de l'été pour encourager la consommation ont été un succès. Et ce succès n'est pas étranger au regain de la conjoncture dont nous pouvons nous féliciter aujourd'hui !
Nul ne conteste la très grande difficulté de rendre des arbitrages en matière de dépenses. Pourtant, je vous en donne acte, monsieur le ministre d'Etat, les lois de programmation sont respectées. (Signes dubitatifs sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Oui, elles seront respectées pour 2005 dans les trois domaines cruciaux pour l'Etat que sont la sécurité, la justice, la défense.
En ce qui concerne la réduction des reports, des efforts - toujours difficiles et ingrats - ont été réalisés grâce à l'action attentive, perspicace, persévérante de M. Alain Lambert.
S'agissant des gels et des annulations de crédits - opérations hélas ! ingrates, mais pourtant nécessaires - ce qu'il fallait faire pour piloter le solde public a été fait. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie fut, dans le Gouvernement, un ministre respecté eu égard à sa liberté de langage, aux valeurs auxquelles il croit et qu'il défend.
Monsieur le ministre d'Etat, je vous donne acte des résultats prévisionnels s'agissant de la si difficile question des effectifs publics. Certains d'entre nous espéraient mieux, mais ce qui a été fait - dans la douleur, ne l'oublions pas - constitue néanmoins une inflexion significative qu'il faudra poursuivre.
Je tiens enfin à insister sur la lisibilité des mesures qui ont été prises ces derniers mois en matière de dons aux jeunes générations, de réforme des successions, avec le dispositif qui nous est proposé dans le projet de loi de finances, et en matière de fiscalité sur les sociétés avec la suppression - partielle, hélas ! - de la surtaxe sur l'impôt sur les sociétés.
Monsieur le ministre d'Etat, permettez-moi maintenant de m'exprimer pour l'avenir, en m'adressant à la fois à votre successeur, que je ne connais pas encore,...
Mme Nicole Bricq. Ah bon !
Mme Nicole Borvo. Difficile de parler à quelqu'un que l'on ne connaît pas !
Mme Hélène Luc. Surtout pour préparer un budget.
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...et au futur président d'une grande formation politique.
M. Marc Massion. On ne veut pas vous déranger ! (Sourires.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, oui, l'économie est bien au coeur des préoccupations des Françaises et des Français !
Il faut conjuguer politique et économie, faire partager à nos concitoyens le sentiment que le monde a changé. Il faut accepter de leur dire la vérité,...
M. Aymeri de Montesquiou. C'est vrai !
M. Robert Bret. Et le profit de quelques-uns !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...vérité qu'ils doivent assumer, mais aussi leur montrer le chemin de l'effort et du travail afin que notre pays occupe la place qui lui revient et qu'il puisse faire passer son message en Europe et dans le monde. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Oui, le monde a changé. Nous vivons désormais dans un monde dangereux, dans un monde ouvert, dans un monde de compétition.
Un monde dangereux, dans le domaine économique, cela se traduit...
Mme Nicole Borvo. Par la guerre !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...par la politique agressive du dollar, par l'évolution des cours mondiaux des matières premières et du pétrole. Il faut être capable, en vertu du principe de précaution, d'adapter nos budgets aux dangers qui menacent le monde. Il faut donc disposer de marges de manoeuvre budgétaires et de moyens permettant de réagir aux évolutions de la conjoncture.
Mme Hélène Luc. Il faut prendre des mesures sur le plan international, à l'OMC, par exemple !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est ce qui a été fait pour l'année 2004, en particulier sous l'impulsion de M. Alain Lambert, et c'est à quoi nous devrons être particulièrement attentifs à l'avenir.
M. Eric Doligé. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Un taux de croissance n'a pas valeur d'annonce politique. C'est un élément qui permet de calculer les conditions de l'équilibre et, par voie de conséquence, de limiter et de maîtriser nos déficits et notre endettement.
Nous vivons dans un monde ouvert.
Mme Nicole Borvo. Concurrentiel !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous devons intégrer cette réalité et prendre conscience des risques très réels de délocalisation qui en résultent s'agissant de l'organisation de notre appareil productif et du fonctionnement de nos services.
Mme Hélène Luc. Nous allons en reparler !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour la première fois, un ministre des finances, lors de la présentation du projet de budget de l'Etat, en évoquant quelques mesures, certes partielles mais concrètes, ose utiliser les termes : « risque de délocalisation ». Il s'agit là d'une prise de conscience et nous la saluons comme telle.
Mme Hélène Luc. Où sont les mesures concrètes ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Attendez la suite, madame Luc !
Mme Hélène Luc. Je la vois !
M. Robert Bret. Elle est prévisible !
Mme Hélène Luc. Nous sommes confrontés à un grave problème et le Gouvernement n'a pas encore pris position !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La France ne s'est pas encore adaptée à ce monde de compétition. Son régime fiscal, son système de prélèvements obligatoires ne sont pas encore adaptés, ni par leur niveau ni, surtout, dans leur structure.
C'est dans cette direction que se sont orientées les réflexions de la commission des finances. C'est le sens des propositions qu'elle a formulées. Elle considère que le système de prélèvements obligatoires doit être transformé de manière substantielle, dans sa nature même, afin que, dans toute la mesure du possible, les éléments mobiles de notre économie restent sur notre territoire.
Tel est l'enjeu : ce qui peut se délocaliser doit être considéré comme tel ; la fiscalité et le système de prélèvements obligatoires doivent être conçus en fonction de cela.
Mme Hélène Luc. Puis-je vous interrompre, monsieur le rapporteur général ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je vous en prie, madame Luc. C'est avec plaisir que je vous laisse la parole, si vous avez une argumentation à présenter.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, avec l'autorisation de l'orateur.
Mme Hélène Luc. Monsieur le rapporteur général, je profite de vos propos sur les délocalisations et de la dernière occasion qui m'est offerte de m'adresser à M. le ministre d'Etat, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, puisqu'il va prochainement renoncer à ses fonctions, pour exprimer mon mécontentement, je dirais même ma colère.
Les salariés de l'usine Facom de Villeneuve-le-Roi n'ont jamais obtenu d'entrevue avec M. le ministre d'Etat. Pourtant, il me l'avait promise.
Mme Hélène Luc. Vous prétendez vouloir lutter contre les délocalisations.
M. Eric Doligé. S'il faut délocaliser, c'est votre faute !
Mme Hélène Luc. Dans ces conditions, efforcez-vous de garder nos pôles d'excellence.
L'usine Facom est un pôle d'excellence en matière d'outillage à main. Nous n'en avons pas d'autres et pourtant nous ne le défendons pas. Je regrette vraiment que nous n'ayons reçu, dans cette affaire, ni l'appui du Gouvernement ni le vôtre, monsieur le rapporteur général !
M. Eric Doligé. Il ne fallait pas instituer les 35 heures !
M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le président, parfois, on est un peu optimiste.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il faut toujours être optimiste !
M. Philippe Marini, rapporteur général. J'espérais que Mme Luc présenterait des propositions, défendrait des solutions.
Mme Hélène Luc. Nous en avons, mais M. le ministre d'Etat n'a pas voulu les entendre.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Or j'ai entendu de l'électoralisme de circonscription et même de l'électoralisme communal.
Mme Hélène Luc. C'est de la politique industrielle.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout le monde sait faire cela, mais le sujet que nous abordons ce matin, à l'occasion de la discussion générale du projet de budget, ne s'assimile pas au problème particulier que connaît une commune.
Mme Nicole Borvo. Et la France d'en bas, qu'en faites-vous ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il relève de la politique des finances publiques de la France. Et pardonnez-moi de le dire, la somme des intérêts particuliers ne saurait, dans ce pays, constituer un intérêt général. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Borvo. Mais alors, qui écoute les salariés ?
Mme Hélène Luc. De quels intérêts particuliers parlez-vous ? C'est honteux de dire que cela ! Ces paroles seront rapportées aux salariés.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Le système fiscal, le système de prélèvements obligatoires doivent s'adapter ! Jusqu'ici, nous restons dans une situation où, les marges de manoeuvre étant insuffisantes, lorsqu'on doit témoigner de l'intérêt pour tel ou tel sujet, on procède par déductions, par dégrèvements, par exceptions, pour délivrer des signes à l'égard des uns, à l'égard des autres.
On raffine, on complexifie, on rend le code général des impôts totalement inabordable, même pour les plus grands spécialistes, et pourtant rien ne se produit, car il n'y a, à la clef, aucun moyen réel, aucun levier puissant pour faire évoluer les comportements. (M. Jégou applaudit.)
Je ne prendrai pas d'exemples, car ils sont légion. Nous pourrons le constater lors de la discussion du projet de loi de finances. Pour ma part, je considère que ce sont des méthodes du passé, à bout de souffle et qui sont dépourvues d'utilité.
M. Aymeri de Montesquiou. Tout à fait !
M. Philippe Marini, rapporteur général. N'oublions pas, mes chers collègues, que notre pays, pour être crédible en Europe et dans le monde, a un besoin impérieux de maîtriser sa dette et son déficit.
M. Henri de Raincourt. Évidemment !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, un pays qui veut donner des leçons aux autres et qui n'est pas capable d'accomplir cet effort de maîtrise, n'est pas crédible ! C'est aussi simple que cela. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Philippe Marini, rapporteur général. La clef de notre crédibilité auprès de nos partenaires est l'indépendance, l'indépendance partagée, le cas échéant, dans le cadre de l'Union européenne.
C'est sans doute pour cela que M. le ministre d'Etat a été en mesure d'inverser un mauvais enchaînement des choses, une sorte de fatalité, en engageant, il y a quelques mois, un vrai dialogue avec le commissaire Mario Monti. Je pense que, au-delà des aspects techniques du dossier, sa volonté de maîtriser la dette et les déficits,...
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...de ramener la France dans le chemin de la conformité à ses engagements budgétaires et monétaires, explique dans une large mesure son succès et sa crédibilité.
Un ministre français qui se présenterait avec un déficit qui file, une dette qui s'amplifie et un budget hors de contrôle, ne pourrait pas être crédible et ne pourrait pas être écouté par les autres.
Dans le contexte actuel, de nombreux rapports intéressants ont été publiés ; je pense notamment au rapport de Michel Camdessus,...
M. Henri de Raincourt. Excellent rapport !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...qui évoque la douce insouciance et dans lequel on peut lire que « la France décroche sous anesthésie ».
L'anesthésie, c'est peut-être le faux confort dans lequel nous place l'euro : nous ne sommes plus à la merci des crises extérieures ;...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Philippe Marini, rapporteur général. ...notre parité n'est plus mise en cause par les spéculateurs sur les marchés internationaux des capitaux. Nous ne sommes donc plus dans l'obligation - comme nous l'étions autrefois - de devoir affronter l'opinion publique et de lui dire les yeux dans les yeux : il faut faire des sacrifices, renoncer à tel ou tel avantage pour progresser, pour aller de l'avant et pour restaurer la crédibilité de notre pays.
Dieu merci, ces crises se sont éloignées de nous, mais avec elles les plans de redressement, les mesures d'accompagnement des dévaluations, qui étaient, certes, des thérapies de choc, des remèdes brutaux, mais qui permettaient de prendre le pays à témoin et de conjuguer les efforts dans un sens vertueux pour s'en sortir et faire face aux besoins.
Mes chers collègues, dans un tel contexte, il nous faut être lucides, courageux, faire preuve de capacités d'anticipation, en un mot faire ce que d'autres pays plus petits, plus faibles que nous ont fait, alors que leur modèle social était mis en cause par l'évolution du monde. Ils ont su réagir et se prendre en main. Et ce ne sont pas seulement des pays que nos collègues de gauche qualifieraient de libéraux ou d'ultralibéraux.
Mme Nicole Bricq. Nous n'avons rien dit !
M. Philippe Marini, rapporteur général. En effet, des comportements courageux permettant de se remettre en question, de se reprendre, on en trouve dans tous les Etats, quelle que soit leur orientation. C'est une question de lucidité, de courage, de capacité d'anticipation, en un mot une question de volonté politique ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2005, adopté par l'Assemblée nationale.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. le président de la commission des finances. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous entamons aujourd'hui, pour près de quatre semaines, notre marathon budgétaire.
C'est une dernière, puisque plus jamais, par la suite, nous ne voterons la loi de finances selon les règles fixées dans l'ordonnance de 1959. Je ne doute pas que notre nouvelle constitution financière nous donnera la possibilité de mener l'année prochaine un débat encore plus clair et plus intelligible.
Mais, avant d'aborder le fond de la discussion budgétaire, permettez-moi de féliciter notre rapporteur général, Philippe Marini,...
M. Henri de Raincourt. Il le mérite !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... qui, ce matin, a exprimé l'essentiel avec une grande conviction, avec pédagogie. Je vous renvoie pour l'analyse budgétaire à son rapport, extrêmement riche : il met à votre disposition tous les éléments nécessaires pour vous faire une opinion.
M. le président. Très bien !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je ne reviendrai donc pas sur les aspects chiffrés, me limitant à quelques réflexions sur le projet de budget.
Nul ne le conteste, mes chers collègues, face aux attentes de la société française, la préparation des projets de loi de finances constitue certainement l'une des épreuves les plus rudes pour le Gouvernement, quelle que soit la majorité au pouvoir.
En effet, comment traduire dans un budget les options et les contraintes sans être suspect de volontarisme excessif ou de créativité comptable ? Comment répondre à une attente de vérité et d'équité ? Comment apaiser les revendications corporatistes et engager dans le même temps les réformes de fond, les réformes de structures ? En un mot : comment concilier l'inconciliable ? Comment susciter l'enthousiasme et l'adhésion du plus grand nombre sans altérer la cohérence et la crédibilité de l'exercice ?
Or, mes chers collègues, depuis plus de vingt ans - depuis vingt-trois ans exactement, M. le ministre d'Etat le rappelait ce matin - nos lois de finances se soldent par des déficits, et nous demandons aux experts en confection de budget de résoudre la quadrature du cercle : financer le budget d'un Etat qui, dès le 15 octobre - oui, dès le 15 octobre ! -, vit à crédit. Aussi, au fil des années, la dette publique n'a cessé de croître, pour représenter aujourd'hui 1 100 milliards d'euros - et je ne parle pas des dettes de retraite ! -, soit plus de 18 000 euros par Français.
Nos concitoyens sont bien conscients des dangers auxquels cette évolution les expose ainsi que leurs enfants. Ils attendent donc de ceux qui les gouvernent, mais aussi de ceux qui les représentent au Parlement, à l'Assemblée nationale comme au Sénat, des actes conséquents pour mettre un terme à cette dérive qui hypothèque notre devenir collectif.
L'avènement de l'euro, c'est-à-dire l'absence de sanction monétaire, ne doit en aucune façon nous autoriser la facilité. En effet, désormais, plus aucune dévaluation ne vient sanctionner un budget déséquilibré et, ainsi, ruiner la crédibilité internationale de la France. Cet effet anesthésiant, Philippe Marini le rappelait ce matin, doit donc nous inciter à une vigilance accrue à l'égard de ces deux déséquilibres jumeaux que sont le déficit et la dette publique. Aussi, monsieur le ministre d'Etat, la commission des finances du Sénat salue votre volonté proclamée de rompre avec le cercle infernal des déficits.
Nous saluons votre volonté et nous saluons vos actes. Vous permettez ainsi à la France de respecter ses engagements européens, d'asseoir sa crédibilité, et vous redonnez confiance aux Français. Vous permettez ainsi à la France d'avoir les moyens financiers de son ambition et de sa vocation pluriséculaire. C'est à ce prix que la croissance peut reprendre du souffle et de la consistance, seule voie crédible pour espérer résorber le chômage.
En faisant redescendre le déficit en dessous du plafond de 3 % du PIB pour 2005 - et vous rappeliez, monsieur le ministre d'Etat, que 3 % du PIB représentent pratiquement 25 % des dépenses de l'Etat -, vous permettez que, dès l'année prochaine, nous respections notre parole envers nos partenaires de l'Union européenne. Nous retrouvons ainsi notre autorité au sein du Conseil de l'euro, l'institution pour laquelle vous avez mené un combat décisif, cette institution nouvelle dont nous attendons qu'elle fasse émerger une véritable gouvernance économique à l'échelon européen.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il est temps, en effet, de donner une ambition industrielle à l'Europe, récemment élargie à dix nouveaux Etats, de la doter de régulations efficaces, de mettre en cohérence les pratiques fiscales et sociales, de lutter contre toutes les formes de dumping artificiel, de stimuler la croissance par une meilleure coordination des politiques budgétaires. Notre autorité dépend de notre capacité à respecter nos engagements, notamment ceux qui ont été définis dans le pacte de stabilité et de croissance, sans lequel, mes chers collègues, l'euro n'aurait pas vu le jour. Pour être entendue - vous l'avez rappelé ce matin, monsieur le ministre d'Etat -, la France doit être exemplaire.
Pour tenir votre objectif, vous avez dû imposer une règle très stricte de blocage en volume du montant global des dépenses de l'Etat, règle dont j'espère qu'elle sera également respectée en matière de dépense sociale. L'élaboration du budget de l'Etat fut donc un exercice particulièrement exigeant, puisque vous avez été contraint de tenir compte de tous les engagements prioritaires résultant des lois de programmation votées depuis deux ans. Vous avez également été amené à prendre en compte un certain nombre d'annonces qui, de mois en mois, ont pesé lourd sur le budget de l'Etat. Cet exercice aux limites du possible fut en soi une performance, et il faut la saluer comme telle.
Comment peut-on faire face à une telle pression ?
Sans doute y aurait-il matière à s'interroger sur quelques « innovations conceptuelles » impliquant l'élargissement du recours à la dépense fiscale, impliquant la mobilisation de financements que l'on qualifie d'« innovants » et qui tendent à débudgétiser certains investissements engagés par les ministères de la défense ou des affaires étrangères, impliquant la mise en oeuvre des partenariats entre public et privé, impliquant des inscriptions symboliques par rapport aux dépenses effectives, tels les crédits consacrés aux opérations extérieures du ministère de la défense... Au fil des fascicules budgétaires, les rapporteurs spéciaux, ces dernières semaines, ont pu identifier quelques sous-évaluations de dépenses. Mais chacun mesure la difficulté que doivent surmonter les ministres chargés du budget pour, selon la formule rituelle, arriver à faire « entrer la couette dans la valise » !
Mais au total, mes chers collègues, je ne crois pas que ces observations doivent nous conduire à remettre significativement en cause la sincérité de l'évaluation des dépenses inscrites dans le projet de loi de finances pour 2005, même si certains ministres ont laissé entendre que le projet de loi de finances rectificative pour 2004, que nous examinerons bientôt, compense par avance des crédits qu'ils jugent insuffisants dans le projet de budget que nous discutons. Convenons que des commentaires de ce type suscitent perplexité et, parfois même, inquiétude ! Nous serons donc particulièrement vigilants, soyez-en persuadé.
En 2005, les inscriptions budgétaires traduisent une amélioration par rapport à 2004, c'est incontestable. Il demeure que près de 15 milliards d'euros de dépenses de fonctionnement ne seront financés que grâce à l'emprunt : c'est dire l'ampleur et l'urgence des actions à mener.
Chacun est bien conscient, en effet, qu'il faut aller plus loin dans la maîtrise des dépenses publiques pour retrouver des marges de manoeuvre, pour réduire les déficits et les prélèvements obligatoires. Cette tâche, la plus prégnante qui soit, nécessite lucidité et courage. Pour y voir clair, la réforme est lancée.
L'outil de la réforme, son levier, c'est la loi organique relative aux lois de finances, promulguée le 1er août 2001, cette fameuse « LOLF » qui entre chaque jour davantage dans le langage et dans les pratiques des gestionnaires publics.
Sous votre ferme impulsion, monsieur le ministre d'Etat, des étapes irréversibles ont été franchies. Nous vous remercions de conforter ainsi les travaux si prometteurs qu'a conduits Alain Lambert lorsqu'il assumait la lourde mission de ministre du budget et de la réforme budgétaire.
Grâce à la LOLF, lorsque chacune des pièces de la maison Etat sera enfin éclairée, lorsque les arbitrages seront décidés sans exposer le Gouvernement à une présomption d'arbitraire, le contribuable sera informé clairement sur l'affectation et, surtout, sur l'efficacité de la ponction opérée sur les fruits de son travail !
Ne perdons pas de vue les problèmes logistiques. Pour être pleinement efficace, la LOLF doit être servie par un système d'information comptable, budgétaire et financière totalement performant. De vastes progrès restent à accomplir au sein de l'Etat, et plus encore dans les finances de la protection sociale, en particulier dans le vaste domaine de la santé et des hôpitaux. Nul doute que l'investissement informatique doit être mené à son terme et sanctuarisé. Lorsque des gels budgétaires viennent suspendre des programmes informatiques, nous perdons tout le fruit de l'investissement.
M. Roland du Luart. C'est exact !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Mes chers collègues, nous devons être prêts à opérer une véritable révolution dans la préparation des discussions budgétaires et dans l'accomplissement de nos fonctions de sénateurs.
Le contrôle, la seconde nature du Parlement, comme vous aimez à le rappeler, monsieur le président, va désormais nous mobiliser totalement. Par nos diligences au sein des administrations publiques, il nous appartiendra d'aider le Gouvernement dans sa volonté de réformer l'Etat, de privilégier systématiquement l'efficacité et la maîtrise des dépenses. Ainsi, grâce à l'engagement des rapporteurs spéciaux et des rapporteurs pour avis, les ministres ne seront plus jugés sur la progression des crédits dont ils disposent. Cette époque, je l'espère vivement, est définitivement révolue car nous passerons d'une logique de moyens à une logique d'objectifs et de résultats. Ce qui comptera désormais, c'est la façon dont les ministres auront satisfait les attentes des usagers, des « citoyens contribuables ». Il nous faut donc nous préparer, mes chers collègues, à une véritable révolution copernicienne qui participera de cette nécessaire rénovation du travail parlementaire.
Les enjeux sont cruciaux. Le Gouvernement et le Parlement n'ont pas le droit à l'échec. Toute pusillanimité, tout déficit d'engagement personnel et collectif nous ferait encourir une responsabilité accablante.
S'agissant des recettes inscrites dans le projet de loi de finances pour 2005, le réalisme a prévalu. Je tiens à rendre hommage au Gouvernement, qui a considéré que la situation de nos finances publiques et les prévisions de conjoncture rendaient impossible, momentanément, la poursuite du mouvement de baisse du barème de l'impôt sur le revenu. Sans doute faudra-t-il reprendre ce mouvement, mais seulement lorsque les dépenses de fonctionnement seront toutes financées par des recettes pérennes et non pas par des recours à l'emprunt.
M. Raymond Courrière. Vaste programme !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les moyens étant réduits à des mesures peu coûteuses, les choix faits en faveur des transmissions du patrimoine, les impulsions données aux emplois à domicile, la lutte contre les délocalisations et la priorité conférée à l'attractivité des territoires et à la compétitivité économique vont dans la bonne direction. Parce qu'elles visent à reconnaître « la valeur travail » et à permettre de transmettre dans de bonnes conditions le fruit d'une vie de travail au sein de sa propre famille, ces mesures sont soutenues sans réserve par la commission des finances.
Nous nous efforcerons d'améliorer le texte voté par nos collègues députés. Vous constaterez, monsieur le ministre d'Etat, que nos amendements ne bousculent en aucune façon l'équilibre et les orientations du budget. Nous attendrons d'autres rendez-vous budgétaires pour faire régresser les particularismes, niches et autres singularités de notre législation fiscale.
Ainsi, attentifs à la situation en Polynésie, nous avons été conduits à ajourner la reprise de l'exercice auquel nous nous étions livrés l'an passé pour suspendre des dispositions qui, à nos yeux, portent offense à l'idée que nous nous faisons de l'égalité et de la solidarité. Nous y reviendrons en temps utile et je fais confiance au rapporteur spécial des crédits de l'outre-mer pour mener à bien les chantiers qu'il a inscrits dans sa feuille de route pour les trois prochaines années. Je me félicite d'ailleurs de la convergence de vues qui, sur cette question, anime un nombre croissant de nos collègues.
Mais le niveau des recettes, vous le savez, dépend d'une variable pour une large part exogène ; il dépend de la réponse à la question simple : quel sera le taux de croissance en 2005 ? Je souhaite qu'il soit le plus élevé possible, et, à cet égard, le taux de croissance en 2004 est prometteur.
Nombre de facteurs cependant échappent totalement à notre capacité d'action, mais ils ne doivent pas nous inciter à l'attentisme ou à la passivité, bien au contraire, à l'instar du volontarisme qui vous anime dans l'exercice de vos fonctions ministérielles. Nous aurons à lever tous les freins à la croissance ; je pense, notamment, à privilégier la flexibilité dans le travail.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je souhaite, en guise de conclusion, faire écho au très intéressant débat que nous avons eu ici même le 10 novembre dernier, à propos de l'évolution des prélèvements obligatoires. A cet égard, je me réjouis des propositions que vous avez inscrites dans votre projet de loi de finances, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, en vue d'enrayer le cours des délocalisations d'activités et d'emplois. Certes, on peut peut-être douter de leur efficacité...
Mme Nicole Bricq. Ah oui !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. ... mais le phénomène est l'objet d'un début de réponse.
Vous m'autoriserez à exprimer un avis personnel. Le signal est incontestablement encourageant, mais les mesures, du fait de leur complexité, risquent à l'usage de se révéler décevantes.
Mme Nicole Bricq. C'est impossible à évaluer !
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous verrons bien.
Quoiqu'il en soit, le débat va enfin prendre de l'ampleur. C'est d'autant plus indispensable que l'emploi est la première préoccupation de nos concitoyens. C'est d'autant plus urgent que, dans une économie largement globalisée, nous devons jeter un autre regard sur le monde des entreprises et donc imaginer une réorientation de nos prélèvements obligatoires.
Nous avons, convenons-en, mes chers collègues, des impôts qui sont des impôts de production, une sorte de droit de douane à l'envers qui pénalise les entreprises qui opèrent sur le territoire national. Pendant ce débat sur les prélèvements obligatoires, nous avons tracé des pistes de réflexion, en particulier la « TVA sociale ». Le Gouvernement, soucieux comme nous de faire vivre le débat, sans le tuer dans l'oeuf, a bien voulu appuyer notre demande pour que s'engagent les études de fond. Permettez, monsieur le ministre d'Etat, que je vous en remercie. Croyez bien que nous instruirons le débat avec une conviction et une détermination sans faille.
Au-delà de 2005, il est en effet largement temps de dessiner notre horizon fiscal, social, budgétaire, afin que chaque Français dissipe ses craintes, son scepticisme, et retrouve pleinement confiance en lui et en l'avenir. Nos concitoyens doivent être intéressés à la réforme de l'Etat. De leur attitude par rapport aux services publics dépend la modernisation des administrations. C'est dire si nous nous félicitons du « coup de pouce » que vous donnez aux contribuables qui télédéclareront leurs revenus de 2004, le crédit d'impôt étant porté de 10 à 20 euros.
Nous ne devons pas sous-estimer la rudesse des actions à mener. J'ai la conviction qu'elles sont attendues avec impatience, car il n'est de pire renoncement que l'incapacité à faire vivre ses ambitions.
C'est dans cet esprit constructif et prospectif que nous examinerons le projet de loi de finances pour 2005. Notre rapporteur général, Philippe Marini, vous proposera, au nom de la commission des finances, l'adoption d'amendements conformes aux objectifs du Gouvernement pour enrichir un projet que nous vous inviterons à approuver. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Je rappelle que, en application de la décision prise par la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs inscrits dans la discussion générale ne devra dépasser dix minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Henri de Raincourt. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Henri de Raincourt. Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en ce mois de novembre 2004, nos compatriotes s'inquiètent à juste titre de l'envolée des prix du pétrole et des matières premières, ainsi que des menaces qui pèsent toujours et encore sur l'emploi.
Nos entreprises se préoccupent avec raison de la baisse du dollar et du poids des impôts et des charges qui les pénalisent dans la compétition internationale.
Nous vivons dans un monde complexe, en mouvement perpétuel, où les modèles économiques sont battus en brèche et les prévisions régulièrement démenties par les faits.
Aux incertitudes économiques et diplomatiques s'ajoute une crise d'identité et de confiance dans notre modèle de développement, alors que d'autres ont progressé mieux et plus vite que nous.
Face à ces doutes, trois attitudes sont possibles.
La première consiste à nier la réalité, par exemple de la compétition mondiale ou des délocalisations. C'est celle du toujours plus en matière de dépenses publiques. C'est celle de l'aveuglement qui conduit toujours à l'effacement de la France.
La deuxième consiste à baisser les bras. C'est celle de ceux qui courbent l'échine devant les difficultés, la peur d'une économie ouverte. C'est celle du renoncement. Notre pays en a déjà payé le prix dans le passé.
La troisième consiste à regarder la réalité en face et à agir. C'est celle qui est mise en oeuvre par le Gouvernement, par vous-même, monsieur le ministre d'Etat, c'est celle du volontarisme, c'est celle que nous apprécions.
Regardons la réalité en face.
Depuis près de vingt-cinq ans, la France s'est laissé prendre au piège de la facilité budgétaire, cédant aux sirènes de la dépense, du déficit et de l'endettement.
Depuis plus de vingt ans, elle a pris la dangereuse habitude de dépenser jusqu'à 20% de plus que ses ressources, si bien qu'aujourd'hui l'endettement public est supérieur à 1100 milliards d'euros.
La charge nette de la dette devrait représenter près de 40 milliards d'euros en 2005, soit un montant supérieur à la somme des budgets de la santé et de la cohésion sociale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, de la justice et de la ville.
Cette charge insupportable paralyse la France dans un monde en mouvement et la condamne à une pression fiscale élevée.
Il fallait avoir le courage de stopper cette spirale infernale, et le mérite vous en revient, monsieur le ministre d'Etat.
En 2004, vous l'avez dit ce matin, les 5 milliards de plus-values fiscales seront consacrés à la réduction du déficit et l'effort se poursuivra en 2005, ce qui permettra de ramener le déficit budgétaire sous la barre des 45 milliards d'euros.
Pour la troisième année consécutive, les dépenses de l'Etat seront stabilisées en volume. Cela n'empêchera pas le Gouvernement de financer ses priorités dans les domaines de la défense, de la sécurité intérieure, de la justice, de la cohésion sociale et de l'aide publique au développement.
Regarder la réalité en face, c'est aussi reconnaître, comme vous l'avez fait ce matin, monsieur le ministre d'Etat, que la croissance est trop faible dans notre pays par rapport à d'autres, à cause de nos pesanteurs et de mauvaises politiques conduites pendant trop longtemps.
Oui, il faut encourager le travail, et le projet de loi de finances pour 2005 y contribue, en allégeant les charges qui pèsent sur les entreprises et l'emploi, en développant des outils financiers adaptés aux besoins des PME et en prévoyant plusieurs mesures pour lutter contre les délocalisations.
Nos marges de manoeuvre sont faibles, mais nos contraintes sont fortes et nous les connaissons. Ce sont d'ailleurs toujours les mêmes : trop de dépenses publiques, trop d'impôts et de charges, trop de réglementations. Tout cela bride l'énergie, produit peu de croissance et donc peu d'emplois.
Nous devons réussir la réforme de l'Etat après avoir réalisé celle des retraites et de l'assurance maladie. C'est la clé de notre stratégie à long terme de maîtrise des dépenses, de réduction des déficits et de baisse des prélèvements obligatoires.
Les Français doutent ; le président Arthuis le rappelait à l'instant. II faut leur redonner confiance en leur parlant le langage de la vérité.
Ce projet de loi de finances comporte plusieurs mesures favorables à un grand nombre de nos concitoyens : la revalorisation de 4 % du barème de la prime pour l'emploi, l'allégement des droits de succession et les allégements de charges qui permettront de revaloriser le SMIC de 5,5 % au 1er juillet 2005, qui s'ajoutent à ce qui a été fait l'année dernière. On peut, là aussi, saluer l'engagement tenu par le Gouvernement.
Mais il n'est pas possible de parler ici de confiance sans évoquer la question des finances locales. Elles ont été mises à rude épreuve voilà quelques années.
Les 35 heures, imposées et non compensées, ...
Mme Hélène Luc. Il y avait longtemps !
M. Aymeri de Montesquiou. Mais ça dure !
M. Henri de Raincourt. C'est une réalité lourde, madame ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
... les dépenses supplémentaires non financées des services départementaux d'incendie et de secours, ...
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !
M. Henri de Raincourt. ... et la mise en place, non financée, de l'allocation personnalisée d'autonomie...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Mauvais héritage !
M. Henri de Raincourt. ... sont autant de bombes à retardement dont nous subissons les conséquences dans nos collectivités, et pour longtemps !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous l'avions dit à l'époque !
M. Henri de Raincourt. Dès lors, il est assez normal que les élus locaux accueillent avec une certaine méfiance les projets qui impliquent les collectivités territoriales, étant donné ce qu'ils ont subi ces dernières années !
M. Robert Bret. C'est dans la Constitution !
M. Henri de Raincourt. A cet égard, je veux dire que l'opposition entretient le trouble ...
M. Robert Bret. Non !
M. Henri de Raincourt. ... - nous l'avons constaté lors du congrès des maires de France - par des campagnes orchestrées de désinformation ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Heureusement, les maires ne s'y sont pas laissé tromper ; ...
M. Robert Bret. Et Daniel Hoeffel !
M. Henri de Raincourt. ... ils ont élu président de l'Association des maires de France Jacques Pélissard, qui a obtenu un très brillant succès. (Nouveaux applaudissements sur les mêmes travées.) Nous nous réjouissons, bien évidemment, que les maires aient, dans leur grande majorité, soutenu cette candidature.
Mme Nicole Bricq. Ils ont quand même « viré » Daniel Hoeffel !
M. Henri de Raincourt. Cette discussion budgétaire nous permettra de rendre à chacun la part de responsabilité qui lui revient, notamment dans l'alourdissement de la fiscalité locale. Il ne faudra pas nous faire le coup d'une augmentation liée à la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, votée ici même au mois d'août 2004 ; ce langage-là ne passera pas et n'abusera personne !
La politique du Gouvernement s'inscrit, là encore, en rupture avec celle qui a été menée précédemment.
Les nouveaux principes d'autonomie financière, de compensation des transferts de compétences et de péréquation trouvent une application concrète dans cette loi de finances. Le Gouvernement tient un autre engagement vis-à-vis des collectivités locales.
Monsieur le ministre d'Etat, vous avez montré votre volontarisme et votre efficacité en tant que ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Permettez-moi, en cet instant, de vous rendre hommage pour votre courage et votre ardeur au service de la France, à la place que vous occupez encore. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Robert Bret. Oraison funèbre !
M. Henri de Raincourt. Si je vous rends hommage aujourd'hui pour le travail accompli, je vous donne rendez-vous demain.
M. Robert Bret. On le laisse à l'UMP !
M. Henri de Raincourt. Vous devriez vous méfier, parce que c'est vrai que cela va secouer !
Demain, nous aurons à refondre, ensemble, un système de valeurs qui puisse être à la base d'un nouveau contrat de confiance avec les Français. Nous devons prendre la mesure des bouleversements en cours et adapter notre stratégie en conséquence.
Si nous voulons une France qui garde sa place dans une Europe élargie, une France plus forte sur le plan extérieur, une France plus sûre sur le plan intérieur, une France plus solidaire et plus juste, nous devons nous en donner les moyens.
Pour cela, il nous faut retrouver des marges de manoeuvre, redonner espoir et confiance à ceux qui travaillent, à ceux qui créent de la richesse.
Mme Hélène Luc. Encore faut-il le leur permettre !
M. Henri de Raincourt. Nous devons créer les conditions d'une croissance forte et durable.
Tel est l'objectif du projet de loi de finances pour 2005. Je veux rendre hommage à la commission des finances, à son président et à son rapporteur général, pour la sagesse des amendements qu'ils nous proposent.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci, monsieur de Raincourt !
M. Henri de Raincourt. C'est dans cet esprit que, tout naturellement, notre groupe aborde cette discussion budgétaire. Il le fait avec une grande modestie car, comme le rappelait Romain Rolland, qui est mort à Vezelay voilà soixante ans : « En agissant, on se trompe parfois ; en ne faisant rien, on se trompe toujours. » (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Denis Badré.
M. Denis Badré. Monsieur le président, monsieur le ministre d'Etat, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme dans toute démocratie parlementaire, lorsque nous votons la loi de finances, nous mettons en oeuvre, par délégation de nos compatriotes, le principe du consentement à l'impôt. Ce principe est le fondement de l'organisation de la société. C'est lui qui nous fait sortir du « chacun pour soi ».
Il est donc essentiel, au sens fort du terme, que le projet de loi de finances soit lisible par tous. Il est préférable aussi qu'il exprime une politique identifiable et qu'il ait suffisamment de sens pour mobiliser les citoyens. Il doit être sincère et équilibré. Il doit, enfin, tenir compte de l'environnement économique et préparer l'avenir.
Je dirai quelques mots, d'abord, sur la sincérité. ; il faut toujours commencer par ce qui fâche un peu !
Il est très difficile, dans les années que nous vivons, de faire des prévisions de croissance qui ne soient pas très vite démenties. Celles sur lesquelles est bâti votre projet le sont déjà ; vous n'y êtes pour rien. Les perspectives d'évolution de la croissance se sont assombries. L'exécution de la loi sera plus difficile que prévu. C'est d'autant plus fâcheux que votre projet comportait déjà, nous semble-t-il, des sous-estimations de dépenses sur les opérations extérieures, OPEX, le fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FIPSA - l'ancien BAPSA - ou encore les rémunérations des fonctionnaires. L'avenir, même à un an, est donc loin d'être dégagé.
J'évoquerai, ensuite, la hausse du prix du baril de pétrole.
Elle entraîne, évidemment, une plus-value de recettes fiscales. Mais celle-ci est, en réalité, budgétairement masquée par une baisse sensible de la consommation, laquelle s'explique bien plus par la « diesélisation » de notre parc de véhicules et par la réduction de la vitesse des automobilistes que par la hausse des prix elle-même.
Suivant les recommandations du groupe de travail que vous avez mis en place sur ce sujet, monsieur le ministre d'Etat, auquel j'ai eu l'honneur de participer, et sans confondre les sujets, ce que vous nous aviez demandé, vous avez choisi de retourner une part des surplus de recettes fiscales provoqués par la hausse des prix à ceux qui la subissent. Il fallait le faire, ne serait-ce que pour ne pas les décourager de poursuivre sur la voie dans laquelle ils se sont engagés, celle des économies d'énergie... et de vies humaines.
Je centrerai maintenant mon propos sur la lisibilité d'ensemble du projet de loi. La LOLF nous met en meilleure situation pour l'apprécier. En examinant les fascicules de dépenses, notre commission des finances a constaté que, globalement au moins, son esprit est pris en compte, et non simplement ses prescriptions littérales.
Si la lisibilité du texte doit apparaître dans ses détails, il faut aussi que sa lisibilité d'ensemble soit évidente. Je regrette qu'aujourd'hui le projet de loi de finances ne vise pas, globalement, plus explicitement la compétitivité de la France, alors qu'il le fait par nombre de ses parties.
Telle doit pourtant bien être notre priorité si nous ne voulons pas voir se creuser notre retard sur les USA - vous en parliez ce matin, monsieur le ministre -, si nous voulons nous donner les moyens d'enrayer l'inquiétante vague de délocalisations, si nous voulons retrouver notre influence au sein de l'Union européenne et notre rayonnement dans le monde et, beaucoup plus simplement, si nous voulons soutenir notre emploi et disposer des moyens d'une juste solidarité envers ceux qui sont moins armés pour affronter un monde souvent très dur.
Cet objectif de compétitivité, s'il représente vraiment « la » priorité de votre action politique - ce que je crois -, doit apparaître de manière éclatante dans l'exposé des motifs comme dans le contenu de la loi.
La plupart de nos concurrents, au sein de l'Union comme à l'extérieur, ont fait un tel choix. Nombre d'entre eux osent afficher l'objectif de compétitivité. Pourquoi pas nous ? Monsieur le ministre, n'ayons pas la compétitivité honteuse ! Aucune idéologie ne peut nous interdire de nous battre, vous le dites d'ailleurs très bien vous-même.
Cet objectif doit, bien sûr, se retrouver dans les recettes. Nous avons eu, sur les prélèvements obligatoires, un excellent débat qui me permet de ne pas m'étendre à nouveau sur ce sujet. Je dirai simplement qu'il faut travailler dans ce domaine avec au moins autant de pragmatisme que d'idéologie.
Je ne parle ici de l'ISF qu'un instant pour illustrer mon propos en rappelant que, lorsqu'un contributeur à l'ISF quitte le pays, son départ n'entraîne pas seulement une perte d'ISF ; il entraîne aussi une perte d'activité, de consommation, donc d'autres rentrées fiscales. En outre, ce sont autant de recettes en plus pour nos concurrents. Nous ne pouvons plus nous contenter de mesurer le coût fiscal direct d'une mesure d'allégement ; il nous faut un bilan fiscal et, bien plus, un bilan économique complet. Votre ministère n'est-il pas celui de l'économie autant que celui des finances ?
L'inventaire des atouts à jouer et des handicaps à réduire pour améliorer notre compétitivité a été fait, et le catalogue des mesures à prendre est assez bien connu. Mais nous savons que tout n'est pas possible tout de suite. Dès lors, nous avons intérêt à retenir tout de même quelques mesures ponctuelles qui démontrent que, même si les temps sont difficiles, nous choisissons le mouvement.
Vous savez comme moi, monsieur le ministre, que les aspects psychologiques jouent beaucoup. Le poids de la confiance en matière financière est connu. Ceux qui envisagent l'expatriation ne passent jamais à l'acte de gaîté de coeur. Un signe, si petit soit-il, peut prendre à leurs yeux une valeur symbolique et les dissuader de partir. De même, un signe peut encourager nos compatriotes qui ont réussi à l'étranger - ils sont très nombreux - à revenir vivre leur retraite « au pays », avec leur épargne, plutôt que de s'y rendre simplement la moitié de l'année moins un jour en vacances.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Denis Badré. Monsieur le ministre, j'aimerais que notre loi de finances démontre que votre Gouvernement sait faire ce genre de « geste ».
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bonne proposition !
M. Denis Badré. On lutte contre les délocalisations, non pas en les interdisant, mais en offrant aux entreprises un contexte qui les met en situation d'affronter la concurrence.
Je mentionne à ce titre la nécessité d'harmoniser les prélèvements obligatoires au sein de l'Union européenne. Nous devons aller vers cette harmonisation, parce que c'est par l'Europe que nous retrouverons la voie de la compétitivité, et certainement pas tous seuls.
Encore faut-il que nous ne fassions pas supporter à nos partenaires de l'eurogroupe le poids des facilités que nous nous donnons en continuant à voter des budgets en déficit. Sur ce point, vous avez choisi de marquer une volonté claire, mais il ne faut pas se satisfaire trop vite. Si l'équilibre du budget 2004 fait apparaître, en définitive, un déficit moins désastreux que prévu, ce ne sont pas des plus-values de recettes qui sont dégagées ; il s'agit de moindres moins-values, et certainement pas de cagnotte.
Je rappelle qu'avec une croissance inférieure à 2 %, même avec des taux d'intérêt faibles, un déficit de 3 % continue à alourdir une dette qui atteint déjà 65 % du PIB.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !
M. Denis Badré. Compte tenu des inerties dans ce domaine, il faudra longtemps persévérer dans la rigueur pour retrouver ne serait-ce que le niveau de 60 %, pourtant affiché déjà comme fatidique à Maastricht.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !
M. Denis Badré. On pouvait imaginer, il y a deux ans, qu'une baisse de certains impôts allait doper la consommation et relancer la croissance. Ce fut un peu le cas, mais on a vu les limites de nos espérances à ce sujet.
J'y insiste, monsieur le ministre, il ne me paraît pas utile aujourd'hui de rouvrir le débat sur la question de savoir si l'on réduit plutôt le déficit ou les impôts. Il faut réduire le déficit, même si cela ne procure pas de grandes satisfactions immédiates aux Français.
Etant donné que la croissance ne repart pas, la fiscalité ne peut être réduite. Comme elle ne doit tout de même pas être alourdie, il faut réduire la dépense. Vous en avez fait un objectif, en choisissant d'en contenir l'évolution au rythme de l'inflation. Nous approuvons ce choix, pour autant qu'il soit mis en oeuvre avec sincérité.
Dans un cadre global de rigueur, on a très justement «sanctuarisé» les compétences régaliennes.
Aujourd'hui, notre principal atout demeurant la qualité de nos compétences, que le monde entier nous envie, l'objectif de compétitivité devrait donc nous amener à privilégier tout ce qui touche à la formation et tout ce qui concerne le domaine scientifique. Le processus de Lisbonne l'a souligné. Je reviendrai sur ce sujet le 1er décembre, lorsque je présenterai mon rapport sur l'article 43, qui traite du prélèvement destiné à « nourrir » le budget européen.
L'effort qu'il convient de faire en matière de recherche relève d'une question non pas seulement de crédits et de postes, mais aussi d'organisation et d'évolution des mentalités.
Vous insistez à juste titre, monsieur le ministre, sur le rôle des pôles de compétitivité. Il faut être conscient que, dans ce domaine, nous n'existerons à côté des Etats-Unis que si nous savons raisonner aussi, et d'abord, au niveau européen. A cet égard, il est urgent de lancer une réflexion sérieuse sur les synergies à mettre en oeuvre entre nos Etats, entre les budgets civils de recherche et développement, les BCRD, de chacun de nos pays et le programme cadre de la recherche et du développement, le PCRD, de l'Union.
S'il nous faut tenir le choc face à un grand concurrent qui sait innover et attirer les meilleures compétences du monde, il nous faut aussi comprendre que nous ne pourrons améliorer durablement notre compétitivité sans faire en même temps un gros effort d'aide aux pays en développement.
Cet effort doit également être européen. Vous m'en auriez voulu de ne pas citer le rapport qu'a rendu Michel Camdessus au ministre des finances. C'est à dessein que je m'y réfère sur le point particulier de l'aide au développement - nous connaissons son attachement personnel à cette question - plutôt que sur tant d'autres, comme j'aurais pu le faire.
La lutte contre les délocalisations, pour la compétitivité française, pour une mondialisation humanisée, les objectifs fixés par le processus de Lisbonne représentent autant d'expressions d'une même réalité, cruciale pour notre avenir.
Face à cette réalité, notre réponse doit s'articuler autour de trois axes : plus d'Europe, une aide au développement digne de ce nom, une révolution scientifique. J'aimerais que cela apparaisse immédiatement à la lecture du projet de loi de finances de la France.
Nous participerons activement au débat sur les articles. Nous savons que nous disposons d'une faible marge de manoeuvre financière. Le président de la commission des finances, Jean Arthuis, et le rapporteur général, Philippe Marini, insistent sur ce point avec le talent et le sens de la pédagogie que nous leur connaissons. Leur engagement à cet égard est contagieux au sein de notre assemblée.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !
M. Denis Badré. Le groupe de l'Union centriste attend d'abord un approfondissement de la réflexion, mais aussi quelques gestes, avant de confirmer son intention de voter le projet de loi de finances que vous nous proposez. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.
M. Bernard Vera. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ce qui, à notre sens, devrait guider l'action publique, c'est une répartition plus juste des richesses, un combat déterminé contre la pauvreté, les inégalités et pour l'emploi.
Une loi de finances, en 2005, devrait donc être une loi de justice sociale et de solidarité. C'est ce qu'attendent les trois millions de chômeurs officiellement recensés, les millions de salariés précarisés, les salariés victimes de la modération salariale, ceux qui sont confrontés aux plans sociaux et à leur cortège de licenciements.
Notre pays compte plus de un million de familles touchant le revenu minimum d'insertion, deux millions d'enfants vivant sous le seuil de pauvreté et un million de demandeurs de logement, victimes de l'explosion des loyers que les incitations fiscales les plus récentes ont vivement encouragée.
Quelles réponses le Gouvernement apporte-t-il ?
M. le ministre d'Etat a résumé ainsi l'ordre des priorités de la loi de finances pour 2005, à l'occasion de sa présentation devant l'Assemblée nationale, propos qu'il a réitérés ici même, ce matin : « Au total, les 17 milliards d'euros de marge de manoeuvre qui sont les nôtres pour 2005, nous les répartissons de la manière suivante : 10 milliards d'euros pour la réduction du déficit, 5 milliards d'euros pour les priorités du Gouvernement et 2 milliards d'euros pour la réduction de la fiscalité. »
Il poursuit : « Il faut inscrire ce mouvement de réduction de nos déficits dans la durée. Seule cette dernière nous permettra d'obtenir des résultats ».
Il ajoute : « En 2004, les 5 milliards d'euros de plus values sont ainsi affectés à la réduction du déficit , ce qui paraît logique lorsque l'on a 1000 milliards d'euros de dettes. »
Et il conclut : « Je rappelle simplement que, en 1999, les surplus de recettes avaient atteint 7,5 milliards d'euros, et qu'ils avaient été intégralement affectés à des dépenses pérennes, aggravant donc la situation budgétaire pour la suite, au lieu de l'améliorer. »
Vos choix sont donc extrêmement clairs.
Comment ne pas citer un autre discours, que l'on entend peut-être un peu moins, mais qui semble particulièrement présent dans la conception de cette loi de finances : « Si le projet de budget de l'Etat pour 2005 témoigne de la volonté de maîtriser la dépense publique, il est néanmoins préoccupant pour les entreprises sur plusieurs points.
« Les dépenses publiques de fonctionnement restent trop élevées, avec le remplacement de neuf fonctionnaires sur dix partant à la retraite.
« La diminution du déficit demeure insuffisante : moins 0,3 % du PIB, hors recettes exceptionnelles, ce qui marque l'absence de réduction des dépenses. »
Ce texte a été publié sous forme de communiqué de presse par le MEDEF, à l'issue de la présentation de la loi de finances pour 2005.
En définitive, il marque, sous les apparences d'un mécontentement relatif, l'orientation générale du projet de loi de finances. En effet, réduction du déficit et réduction de la dépense publique sont bel et bien les priorités de l'action de ce gouvernement, la nécessaire redistribution de la richesse nationale permise naturellement par le budget de l'Etat dût-elle en souffrir.
Et pour faire bonne mesure, alors que le projet de loi de finances présente toutes les apparences d'une forme de pause dans le processus de baisse des impôts, de nouveaux cadeaux fiscaux sont concédés tant aux ménages les plus aisés qu'aux entreprises.
Comment, à ce stade de la discussion, ne pas s'indigner de l'opération lancée contre l'impôt de solidarité sur la fortune, l'ISF ?
Dans le texte initial de la loi de finances, aucune mesure n'était prévue pour réduire l'ISF. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez laissé à la représentation nationale le soin de porter des coups à un impôt dont le rendement est tout de même quelque peu limité, puisqu'il représente environ 1% des recettes fiscales de l'Etat.
Cet impôt de solidarité sur la fortune est symbolique quant à son rendement, mais il l'est aussi parce qu'il identifie fortement le gouvernement qui en modifie les règles, à la hausse ou à la baisse.
Je veux donc dire franchement que ce débat sur l'ISF est très choquant.
Alors que les assurés sociaux vont voir leurs salaires ponctionnés de 900 millions d'euros, alors que les retraités vont perdre 750 millions d'euros au titre de la CSG, alors que l'application du forfait de un euro va coûter 700 millions aux familles et que notre pays compte, malgré toutes les manipulations statistiques, 200 000 chômeurs de plus, voilà que la priorité du débat fiscal de cette année serait la peine dont souffriraient les 300 000 contribuables de l'impôt de solidarité sur la fortune, 300 000 contribuables que nous ne pouvons que rapprocher des 33 millions de foyers fiscaux de notre pays.
Ainsi, les infortunés contribuables de l'ISF représentent un peu moins de 1 % des ménages ! Quelle touchante sollicitude pour une petite minorité de contribuables !
Cette démarche, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, est assez emblématique.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous préférez qu'ils délocalisent ?
M. Robert Bret. C'est ce qu'ils appellent un budget juste !
M. Bernard Vera. On laisse le taux normal de la TVA à 19,6 %, on ne baisse pas l'impôt sur le revenu, on accroît les prélèvements sociaux, sous prétexte de réduire les déficits dans ce domaine, et on décide donc de diminuer l'ISF.
A chacun ses priorités. Les vôtres, monsieur le secrétaire d'Etat, nous les connaissons : toujours plus pour les plus aisés, en poursuivant le processus d'allégement des droits de succession et de la fiscalité du patrimoine, dont l'ISF est un élément parmi d'autres, toujours plus pour les entreprises, sans garantie ni contrepartie, et toujours moins pour les plus modestes.
Les salariés, dans leur grande majorité, vont souffrir de cette loi de finances.
L'impôt sur le revenu ne baisse pas, nous l'avons vu, et l'indexation du barème ne réduit pas à elle seule la ponction de 4 milliards d'euros, produit de « l'évolution spontanée » de l'impôt.
Les prélèvements sociaux augmentent, du fait de l'adoption de la loi réformant l'assurance maladie.
Rien n'est à attendre en matière de taxation des produits pétroliers.
Rien ne se produira en ce qui concerne la TVA, en termes de pouvoir d'achat.
La hausse de la prime pour l'emploi, qui représente environ 2 euros par mois et par salarié concerné, est anecdotique.
Et pour faire bonne mesure, les salariés et leurs familles vont subir les effets de la réduction des dépenses publiques, qui se traduit de manière à la fois multiple et significative.
Le gel de la dépense publique d'Etat signifie moins d'entretien des routes - les services de l'équipement vont supprimer encore cette année un millier d'emplois -, moins d'enseignants en zone rurale, moins de sections ouvertes dans les lycées et les collèges - il va manquer cette année 4 000 postes au CAPES -, moins de logements sociaux accessibles aux plus modestes, moins d'appui à la vie associative, au développement culturel.
Le gel de la dépense publique d'Etat signifie moins de solidarité et de justice sociale au quotidien pour la grande majorité des habitants de ce pays.
Le gel de la dépense publique d'Etat signifie plus de charges et de responsabilités pour les collectivités territoriales, et, je le crains, plus d'impôts locaux pour les ménages.
M. Robert Bret. C'est sûr !
M. Bernard Vera. Vous comprendrez donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que nous ne puissions vous suivre dans les choix budgétaires qui sont les vôtres cette année encore.
Les parlementaires du groupe communiste républicain et citoyen s'y opposeront, au niveau et à la hauteur qui convient. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
(M. Roland du Luart remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)