Mme la présidente. L'amendement n° 3, présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
I. Le quatrième alinéa de l'article 2 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice est ainsi rédigé :
« Seront crées sur la période 2003-2007 10 680 emplois budgétaires permanents. »
II. Le dernier alinéa de l'article 2 de la loi n° 2002-1138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice est supprimé.
III. Le tarif fixé à l'article 978 du code général des impôts est relevé à due concurrence.
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Je ne me fais aucune illusion sur le sort qui sera réservé à cet amendement, mais nous l'avons déposé parce que nous considérons qu'il conviendrait d'augmenter les postes de magistrats de l'ordre judiciaire plutôt que de créer un nouvel ordre de juridiction dit « de proximité ». C'est une des réponses à apporter au problème de l'encombrement des tribunaux.
Par cet amendement, nous proposons de transformer le nombre de postes de juge de proximité et d'assistant de justice que la loi d'orientation et de programmation prévoyait en autant de postes supplémentaires de magistrat de l'ordre judiciaire.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Je ne surprendrai pas Mme Borvo en lui disant que la commission ne peut évidemment pas être favorable à son amendement. Tout l'intérêt du système est précisément de recruter des juges dans la société civile. C'est une idée à laquelle nous sommes attachés et qui est directement contredite par son amendement.
Je relève au passage que le dispositif proposé par Mme Borvo aurait aussi pour effet de limiter le nombre de postes d'assistant de justice. Je me permets de rappeler que c'est nous, au Sénat, qui avons créé les assistants de justice, à partir d'un amendement dont j'étais d'ailleurs l'auteur, et cela dans un scepticisme général. Or il s'avère que tous les magistrats que nous rencontrons sont contents des assistants de justice, que les assistants de justice sont eux-mêmes très contents de leur situation et que la question se pose de savoir s'il ne faudrait pas pérenniser leurs fonctions.
Le système des assistants de justice a tellement donné satisfaction que la Cour de cassation nous a demandé de voter un texte pour qu'elle puisse elle-même en disposer.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, mais je souhaiterais, en réponse à la question qu'il soulève, apporter quelques indications au Sénat sur les créations de postes de magistrat professionnel.
Dans le cadre de la loi d'orientation que la majorité du Sénat a votée, il était prévu que 950 postes de magistrats seraient créés sur le plan budgétaire. D'ores et déjà, 430 l'ont été et nous avons fait un effort important pour que s'accélère la « localisation » des magistrats, comme l'on dit dans le jargon de la Chancellerie, c'est-à-dire leur mise en place effective. Les vacances de postes, qui étaient de plus de 6 % à la fin de 2002, ont diminué aujourd'hui de manière très sensible et se situent maintenant en dessous de 3 %, proportion quasiment incompressible, car se pose ensuite le problème des changements d'affectation.
Celles et ceux d'entre vous qui ont des contacts avec les juridictions de vos départements le savent certainement, on n'entend plus la litanie sur les vacances de postes, cela grâce à l'important effort qu'a fourni la direction des services judiciaires pendant deux ans et demi.
En revanche, je dois dire, pour être aussi objectif que possible, que nous devons maintenant faire sérieusement porter l'effort sur les greffes.
En effet, si un examen précis de la situation dans les juridictions montre que celle-ci est aujourd'hui convenable en ce qui concerne les magistrats, un déficit est encore à déplorer s'agissant des greffes.
L'école des greffes a vu sa capacité de formation augmenter, afin que les promotions soient plus importantes. Nous allons tout faire pour que, dans les greffes, aucun poste ne reste vacant. Du reste, vous pourrez le constater dans quelques jours, la politique d'augmentation des postes budgétaires est poursuivie dans le projet de loi de finances pour 2005.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Titre premier
Dispositions modifiant le code de l'organisation judiciaire
Chapitre premier
Dispositions relatives au tribunal d'instance
Article 1er
L'article L. 321-2 du code de l'organisation judiciaire est ainsi rédigé :
« Art. L. 321-2. - Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, le tribunal d'instance connaît, en matière civile, à charge d'appel, de toutes actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10.000 euros. Il connaît aussi, à charge d'appel, des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 10.000 euros. »
Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Borvo, sur l'article.
Mme Nicole Borvo. Afin de pallier le manque criant de magistrats de l'ordre judiciaire, leur effectif n'ayant pas augmenté de façon suffisante, nous proposons d'ouvrir la troisième voie de recrutement des magistrats aux personnes exerçant des activités syndicales ou associatives.
Le groupe que je préside a souvent eu l'occasion de se prononcer en faveur d'une participation des citoyens à la justice à travers l'échevinage et une démocratisation du recrutement des magistrats, non par une augmentation du nombre de juges de proximité.
De telles mesures contribueraient, selon nous, à une plus grande ouverture de la justice, alors que les juges de proximité, eux, ne favorisent pas cette dernière, bien au contraire.
L'un de vos arguments en leur faveur est qu'ils seraient recrutés au sein de la société civile. Or celle-ci est diverse et le fait qu'ils soient tous ou presque issus de professions juridiques ne va pas dans le sens de cette diversité !
Notre logique est radicalement opposée à la vôtre : nous souhaiterions que des personnes venant d'horizons variés puissent devenir magistrats, ce qui présenterait le double avantage d'ouvrir la justice à la société civile et de professionnaliser ces magistrats.
Peut-être mon intervention vous incitera-t-elle, monsieur le garde des sceaux, à faire en sorte que la troisième voie de recrutement des magistrats soit plus largement ouverte, ce qui entraînerait, non un tarissement, mais au contraire une plus grande démocratisation du recrutement des magistrats professionnels.
Mme Bernadette Dupont. C'est vraiment parler pour ne rien dire !
Mme la présidente. L'amendement n° 11, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Aux termes de cet article, « le tribunal d'instance connaît, en matière civile, à charge d'appel, de toutes actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 10 000 euros ». Il s'agit là d'une somme énorme, qui n'a rien à voir avec les « petits litiges » dont on nous avait parlé jusqu'à présent.
Nous avons rappelé tout à l'heure que, devant le tribunal d'instance, le recours à un avocat n'était pas obligatoire : le malheureux juge se voit donc livré à des justiciables qui ne savent pas présenter leur cause, qui ne savent quelles pièces ils peuvent produire ni comment les produire, ce qui ne manque pas, d'ailleurs, d'allonger considérablement les débats.
Elargir ainsi, tout à coup, et de manière considérable, la compétence des tribunaux d'instance nous apparaît donc comme une très mauvaise idée et c'est pourquoi nous demandons la suppression de cet article.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. La commission ne saurait, bien entendu, être favorable à cet amendement, dans l'objet duquel il est question, à tort, d'« élargissement du champ de compétences », alors qu'en réalité il s'agit, non pas d'un « élargissement », mais d'un transfert, ou plutôt, pour employer le langage actuel, d'une sorte de redéploiement. (M. Michel Dreyfus-Schmidt proteste.)
Est-il possible de s'exprimer sans être interrompu par M. Dreyfus-Schmidt ?
Ce redéploiement est dans la logique du texte que la commission souhaite voir adopter et de nature à ce que, comme je le disais tout à l'heure, la compétence des tribunaux d'instance ne se réduise pas comme peau de chagrin, ce qui serait tout à fait absurde et opposé à l'idée que nous nous faisons de leur mission.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
Après l'article L. 321-2 du même code sont insérés quatre articles L. 321-2-1 à L. 321-2-4 ainsi rédigés :
« Art. L. 321-2-1. - Sous réserve des dispositions législatives, le tribunal d'instance connaît, en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 4.000 euros et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée, des actions dont un contrat de louage d'immeubles ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion, ainsi que des actions relatives à l'application de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations logement.
« Sont exclues de la compétence du tribunal d'instance toutes les contestations en matière de baux visés par les articles L. 145-1 et L. 145-2 du code de commerce.
« Art. L. 321-2-2. - Le tribunal d'instance connaît à charge d'appel des actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre des immeubles à usage d'habitation.
« Art. L. 321-2-3. - Le tribunal d'instance connaît, en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 4.000 euros et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée des actions relatives à l'application du chapitre 1er du titre premier du livre troisième du code de la consommation.
« Art. L. 321-2-4. - Les compétences particulières du tribunal d'instance sont fixées par décret en Conseil d'Etat. »
Mme la présidente. L'amendement n° 12, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 2 a été modifié par M. le rapporteur et les auteurs, ou pseudo-auteurs, de la proposition de loi. (Protestations sur les travées de l'UMP.)
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Par la commission !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Disons, si vous préférez, avec l'accord des pseudo-auteurs de la pseudo-proposition de loi !
M. Christian Cointat. C'est plus que mesquin !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ce qui est mesquin, c'est de ne pas avoir le sens de l'humour, ce qui m'étonne de vous !
M. Christian Cointat. Si c'est de l'humour, nous l'acceptons !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'article 2 dispose :
« Sous réserve des dispositions législatives, le tribunal connaît en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 4. 000 euros et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée, des actions dont un contrat de louage d'immeubles ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion, ainsi que des actions relatives à la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948 portant modification et codification de la législation relative aux rapports des bailleurs et locataires ou occupants de locaux d'habitation ou à usage professionnel et instituant des allocations logement.
« Sont exclues de la compétence du tribunal d'instance toutes les contestations en matière de baux visés par les articles L. 145-5 et L. 145-2 du code de commerce. »
S'il s'agit de simplifier les compétences, le moins que l'on puisse dire est que cela commence mal !
Je puis comprendre le sens de l'alinéa concernant les baux, même si le fait de préciser par quels articles du code de commerce ils sont visés en rend la lecture difficile.
En revanche, je ne comprends pas pourquoi, dans l'alinéa précédent, un sort spécial est réservé aux « actions dont un contrat de louage d'immeubles ou un contrat portant sur l'occupation d'un logement est l'objet, la cause ou l'occasion ».
Peut-être voudra-t-on bien me l'expliquer.
En l'état actuel de mes connaissances, je propose la suppression de cet article.
Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission.
M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Déposer des propositions de loi n'est pas interdit, que je sache ! De plus, monsieur Dreyfus-Schmidt, nous débattons, non pas du texte du rapporteur, mais du texte adopté par la commission. (M. Michel Dreyfus-Schmidt opine.) Je tiens à vous le rappeler pour que vous ne teniez pas de nouveau des propos qui ne seraient pas rigoureusement exacts du point de vue réglementaire.
La commission a donc estimé devoir préciser, par rapport au texte de la proposition de loi, que, s'agissant de problèmes de droit un peu complexes, concernant notamment les loyers, mieux valait, même en dessous de 4 000 euros, conserver sa compétence au tribunal d'instance.
Je pense que c'était la sagesse, car il convient d'éviter que le juge de proximité ne se voie contraint de renvoyer certaines affaires au tribunal d'instance, voire, dans certains cas, au tribunal de grande instance.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Votre position me surprend, monsieur Dreyfus-Schmidt : nous avons voulu que ces affaires locatives, qui portent quelquefois sur des impayés, sans doute modestes, parfois, j'en conviens, continuent à relever de la compétence du tribunal d'instance, c'est-à-dire de celle d'un juge professionnel. Or cela me paraît ressortir à une philosophie qui est proche de la vôtre.
En effet, non seulement ces affaires peuvent présenter des aspects complexes, mais, de plus, il n'y a pratiquement jamais de demande de recouvrement d'impayés de loyer qui ne soit assortie d'une demande de mise en jeu de la clause résolutoire - vous êtes un praticien et vous savez bien qu'elle est toujours demandée - et donc d'une demande de décision d'expulsion.
Dès lors, c'est le maintien dans le logement qui peut être en cause, avec toute une série de graves conséquences sur le plan humain.
Je suis de ceux qui ont foi en cette réforme, qui croient que la justice de proximité va se développer et que, dans dix ans, elle aura acquis une ampleur et une crédibilité telles que son champ d'application pourra encore être élargi.
Toutefois, au stade actuel, qui est encore un stade expérimental, nous croyons préférable de laisser ces affaires, parce qu'elles risquent de déboucher sur une expulsion du logement, à la responsabilité d'un juge professionnel, à savoir le juge d'instance.
Il me semble donc, mon cher collègue, que nous devrions être d'accord.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. M. le rapporteur vient de me donner une réponse, mais seulement sur un point.
L'article 2 tend également à insérer, dans le code de l'organisation judiciaire, un article L. 321-2-2, qui dispose que « le tribunal d'instance connaît à charge d'appel des actions aux fins d'expulsion des occupants sans droit ni titre des immeubles à usage d'habitation. », ainsi qu'un article L. 321-2-3, aux termes duquel « le tribunal d'instance connaît, en dernier ressort, jusqu'à la valeur de 4 000 euros et à charge d'appel lorsque la demande excède cette somme ou est indéterminée des actions relatives à l'application du chapitre 1er du titre premier du livre troisième du code de la consommation ».
Lors de la discussion générale, j'ai dit que je n'avais pas compris pourquoi, dans ce cas-là, le tribunal d'instance connaissait des actions « à charge d'appel ». Il m'a été répondu qu'on me l'expliquerait. Tel n'ayant pas été le cas, je maintiens ma demande de suppression de l'article 2.
Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur. M. Dreyfus-Schmidt ne m'ayant pas interrogé sur ces alinéas, je n'ai pu lui répondre.
Pour les raisons que j'ai déjà évoquées et à la suite, notamment, des auditions des représentants des associations de consommateurs auxquelles nous avons procédé, il nous est apparu que les questions de crédit à la consommation pouvaient, elles aussi, apparaître comme étant assez particulières.
C'est la raison pour laquelle nous avons cru plus sage, là encore, selon une philosophie qui ne devrait pas vous choquer, bien au contraire, laisser ces affaires relever du juge d'instance.
Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article additionnel avant le chapitre II
Mme la présidente. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Avant le chapitre II, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le titre II de la loi n° 20021138 du 9 septembre 2002 d'orientation et de programmation pour la justice est abrogé.
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo. Cet amendement est un peu provocateur, j'en ai bien conscience. En effet, les juges de proximité existent, 172 ont été nommés, et il serait aujourd'hui bien difficile de supprimer des juridictions en cours d'installation.
Il reste que cet amendement s'inscrit dans la logique de notre opposition aux juges de proximité et que, même si la mise en place des juges est effective, leur installation est laborieuse et rencontre de nombreuses difficultés. Personne ne peut dire le contraire !
En matière de réforme du fonctionnement des juridictions, et plus particulièrement de la juridiction d'instance, un autre choix était possible. Vous-même l'aviez admis, monsieur le ministre, lors de la discussion du projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice : « Je conviens volontiers qu'un autre choix était possible, qui eût consisté à rester dans le cadre du tribunal d'instance et à assister les juges d'instance de magistrats non professionnels. Le rapporteur de votre commission des lois pour cette partie du projet, M. Pierre Fauchon, est particulièrement sensible à ce choix, qui se situe dans la lignée des magistrats à titre temporaire créés en 1995. »
Nous aurions préféré que vous fassiez ce choix plutôt que de créer les juges de proximité !
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous aviez alors soutenu que la juridiction de proximité serait une juridiction autonome nouvelle par rapport au tribunal d'instance. Il n'en est rien puisque c'est le magistrat du siège du tribunal de grande instance chargé de l'administration de ce tribunal qui organise l'activité et les services de la juridiction de proximité.
Si proximité il y a, ce serait plutôt entre la juridiction de proximité et le tribunal d'instance !
La création d'un nouvel ordre de juridiction s'avère un mauvais choix. C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Comme il s'agit une nouvelle fois d'une opposition de principe, la commission est naturellement défavorable à cet amendement.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Chapitre II
Dispositions relatives à la juridiction de proximité
Article 3
L'article L. 331-2 du même code est ainsi rédigé :
« Art. L. 331-2. - Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, la juridiction de proximité connaît en matière civile, en dernier ressort, des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euros. Elle connaît aussi à charge d'appel des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros.
« Elle connaît aussi, dans les mêmes conditions, en vue de lui donner force exécutoire, de la demande d'homologation du constat d'accord formée par les parties, à l'issue d'une tentative préalable de conciliation menée en application de l'article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative. »
Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 7 est présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 13 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Josiane Mathon, pour présenter l'amendement n° 7.
Mme Josiane Mathon. Avec cet article, nous abordons le coeur de la proposition de loi.
Certes, les deux premiers articles de la proposition de loi précisent de façon opportune les compétences du tribunal d'instance. Néanmoins, la création de blocs de compétences spécifiques pour le tribunal d'instance et pour le tribunal de grande instance de nature à clarifier leurs champs d'intervention respectifs ne justifie en rien l'extension du champ d'intervention de la juridiction de proximité.
Bien au contraire, la création de ce nouvel ordre de juridiction a constitué, sur ce point, une nouvelle source de difficultés et d'enchevêtrement des compétences.
C'est donc la mise en place de cette juridiction de proximité qui rend nécessaire a posteriori la détermination des blocs de compétences entre tribunal d'instance et juridiction de proximité.
Vous l'avez compris, nous sommes fermement opposés à toute extension des compétences des juges de proximité.
En effet, si la création des juges de proximité a été avancée comme la meilleure solution pour désengorger les tribunaux d'instance et rapprocher les citoyens de la justice, la réforme a rapidement trouvé ses limites.
Désormais, les juges de proximité pourront être saisis de litiges portant sur une somme maximale de 4 000 euros, au lieu de 1 500 euros actuellement. Avec ce nouveau seuil, nous sommes loin de la notion de « petit litige » !
Un autre point nous semble lourd de conséquences. Si cette proposition de loi est adoptée, pourront avoir recours à la justice de proximité les personnes morales - sociétés, associations professionnelles en tout genre -, et non plus seulement les particuliers. Cette disposition modifie la philosophie même du texte originel puisqu'il était initialement prévu que la justice de proximité devait être facilement accessible, pour régler de petits litiges.
Enfin, les décisions du juge de proximité ne sont pas susceptibles d'appel. J'y reviendrai lorsque je défendrai l'amendement n° 22 rectifié, à moins, bien sûr, que ne soit adopté le présent amendement de suppression.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous sommes évidemment contre l'article 3, qui augmente - c'est bien le terme approprié - la compétence des juridictions de proximité jusqu'à 4 000 euros en dernier ressort, alors que nous ne les avons pas encore vues à l'oeuvre.
Malgré tout, j'apporterai ma contribution à la majorité : la nouvelle rédaction de l'article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire, que prévoit l'article 3, me semble comporter une erreur.
Hormis les précisions et modifications qui ont déjà été signalées, la proposition de loi reprend la rédaction actuelle de l'article L. 331-2, mais en en supprimant le deuxième alinéa, ce qui donne ceci :
« Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions, la juridiction de proximité connaît en matière civile, en dernier ressort, des actions personnelles ou mobilières jusqu'à la valeur de 4 000 euros. Elle connaît aussi à charge d'appel des demandes indéterminées qui ont pour origine l'exécution d'une obligation dont le montant n'excède pas 4 000 euros.
« Elle connaît aussi, dans les mêmes conditions,... »
De quelles conditions s'agit-il ? De celles de la première ou de celles de la deuxième phrase du premier alinéa ? En d'autres termes, est-ce à charge d'appel ou en dernier ressort ? Le moins que l'on puisse dire, c'est que quelque chose ne va pas !
Dans ces conditions, nous serons unanimes, je pense, à supprimer cet article.
Mme la présidente. L'amendement n° 14, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, Sueur, C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3312 du code de l'organisation judiciaire, remplacer les mots :
en dernier ressort
par les mots :
à charge d'appel
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il nous a été dit - encore que cela ne résulte pas clairement de l'article 2 que vous venez d'adopter - que toutes les décisions du tribunal d'instance seraient désormais susceptibles d'appel. Elles le seront d'ailleurs sans doute dans la plupart des cas.
En revanche, et nous avons relevé ce paradoxe extraordinaire dans la discussion générale, alors qu'il serait possible de faire appel des jugements des tribunaux d'instance rendus par des magistrats professionnels, il ne pourrait en être de même des jugements rendus par des juges de proximité ! Certes, on a loué leur grande valeur, même si la plupart d'entre eux ont été nommés aux mois de juillet ou de septembre derniers et que, parmi eux, se trouvent des membres des tribunaux administratifs ou de la Cour des comptes. Je respecte énormément ces derniers dans la partie qui est la leur, mais je suis convaincu qu'ils ne peuvent, en cinq jours, apprendre le droit civil et le droit pénal, matières que nombre d'entre eux n'ont jamais approchées.
L'amendement n° 13 nous semble donc primordial : si seul cet amendement était voté, ce serait déjà un résultat important. Nous n'avons pas encore vu les juges de proximité à l'oeuvre. Nous les verrons, du moins provisoirement puisqu'un « Fauchon III », c'est-à-dire un troisième texte sur les juges de proximité, nous est promis. Qu'au moins il puisse être fait jusque-là appel des décisions des juges de proximité si elles ne donnent pas satisfaction !
Mme la présidente. L'amendement n° 22 rectifié, présenté par Mmes Borvo, Mathon, Assassi et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Après les mots :
connaît en matière civile
rédiger ainsi la fin de la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 3312 du code de l'organisation judiciaire :
des actions personnelles ou mobilières, en dernier ressort jusqu'à la valeur de 1 000 euros et à charge d'appel jusqu'à la valeur de 4 000 euros.
La parole est à Mme Josiane Mathon.
Mme Josiane Mathon. Nous ne pouvons accepter, je le répète, que les jugements rendus par les juges de proximité le soient en dernier ressort, c'est-à-dire qu'aucun appel ne soit possible.
Selon vous, monsieur le rapporteur, puisque le tribunal d'instance comme le tribunal de grande instance peuvent juger de litiges sans appel possible, il n'est pas choquant que la juridiction de proximité statue également en dernier ressort.
Malgré le relèvement du taux de compétence des juridictions à 4 000 euros, le Gouvernement et la commission maintiennent l'impossibilité de faire appel des décisions des juges de proximité. L'argument pourrait faire sourire s'il ne s'agissait pas d'une somme aussi importante pour des justiciables aux revenus modestes.
Deux remarques s'imposent.
D'une part, s'il est vrai qu'il n'est pas possible de faire appel d'une décision des juges d'instance quand le litige porte sur une sommes inférieure à 3 800 euros - ce qui est actuellement le cas -, encore faut-il rappeler que les juges d'instance sont des magistrats professionnels, a priori bien formés, mieux que les juges de proximité. Prévoir un appel des décisions des juges de proximité constitue donc une garantie pour le justiciable dont le litige est tranché par un juge non professionnel, dont la formation est, de surcroît, insuffisante.
D'autre part, si votre souci, en procédant ainsi, est de ne pas aggraver l'encombrement dont souffrent les juridictions d'appel, il faut augmenter d'urgence les effectifs des magistrats dans ces juridictions !
Mme la présidente. Quel est l'avis de la commission ?
M. Pierre Fauchon, rapporteur. D'une manière générale, nous sommes défavorables à ces amendements qui vont à l'encontre de la démarche du texte.
Je répondrai aux deux questions qui viennent d'être posées à l'occasion de l'examen de cet article.
M. Dreyfus-Schmidt a d'abord pointé un éventuel problème rédactionnel.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est pour vous rendre service !
M. Robert Bret. Vous êtes trop bon ! (Sourires.)
M. Pierre Fauchon, rapporteur. Il ne me semble pas qu'il y en ait un, mais cela demande confirmation. Je m'en remets donc à l'appréciation de la Chancellerie et souhaiterais avoir l'avis de M. le garde des sceaux sur ce point. S'il y a lieu de préciser la rédaction de l'article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire, nous le ferons dans le cadre de la navette.
Sur la question de l'appel, je comprends bien votre souci, madame Mathon. Dans l'absolu, il serait évidemment souhaitable qu'il puisse être fait appel de toutes les décisions, y compris de la décision rendue par la cour d'appel, selon une chaîne sans fin ! Malheureusement, ce n'est pas possible : le perfectionnisme aboutirait à la paralysie du système.
Nous vivons depuis des siècles sur l'idée que, en dessous d'un certain montant, la décision est rendue en dernier ressort. La Cour de cassation peut toutefois être saisie : elle traite très sérieusement des affaires posant un problème de principe, et ce de manière rapide et efficace.
A cette sécurité en aval s'ajoute une sécurité en amont. En effet, s'il est saisi d'une affaire qu'il estime trop problématique, le juge de proximité peut se défausser, si vous me permettez l'expression, et la renvoyer au juge d'instance.
Dans ces conditions, et conformément à ce qui est déjà bien établi dans notre système juridique, il faut admettre que, en dessous d'un certain seuil - il est porté de 3 800 à 4 000 euros, ce qui n'est pas un saut vertigineux -, aucun appel n'est possible. Dans le cas contraire, loin d'avoir amélioré le système, nous aboutirions à un engorgement phénoménal.
Encore une fois, nous sommes dans une phase expérimentale. S'il apparaît dans quelques années que cette nouvelle juridiction génère trop d'erreurs, il sera temps de réagir. J'aimerais vous convaincre, madame Mathon, que cette démarche est inspirée par le simple bon sens.
Je m'oppose donc avec force à l'idée d'introduire un appel : ce serait ruiner le système et revenir sur une pratique judiciaire maintenant établie depuis longtemps.
Mme la présidente. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.
Pour dissiper ses inquiétudes, je répondrai à Michel Dreyfus-Schmidt qu'il n'est pas nécessaire de modifier la rédaction de l'article L. 331-2 du code de l'organisation judiciaire.
En effet, le second alinéa prévoit que la juridiction de proximité connaît « de la demande d'homologation du constat d'accord formée par les parties » : la question du dernier ressort ou de l'appel ne se pose donc pas. Les « mêmes conditions » qui sont évoquées en tête de ce second alinéa renvoie en fait au membre de phrase qui figure au début du premier alinéa : « Sous réserve des dispositions législatives ou réglementaires fixant la compétence particulière des autres juridictions ». La rédaction proposée ne soulève donc aucune difficulté.
Mme la présidente. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 7 et 13.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En ce qui concerne le problème de forme que j'ai signalé, je suis prêt à parier que l'Assemblée nationale, lorsqu'elle examinera cette proposition de loir, rectifiera ce que persiste à considérer comme une erreur de rédaction.
Sur le fond, M. le rapporteur a objecté qu'il était toujours possible de se pourvoir en cassation. Mais la Cour de cassation a peut-être aussi beaucoup de travail ! De surcroît, un pourvoi coûte beaucoup plus cher qu'un appel, tout le monde le sait.
Il n'est vraiment pas satisfaisant de considérer que, pour de prétendus « petits litiges », qui peuvent tout de même concerner des sommes allant jusqu'à 4 000 euros, si la décision du juge de proximité est contestée par les justiciables, ceux-ci n'auront d'autre solution que de se pourvoir en cassation.
Vous nous dites, monsieur le rapporteur, qu'il faut faire l'expérience. Mais ce n'est pas vous qui allez « payer les pots cassés » ! Ce sont les justiciables et, sans doute, les plus pauvres d'entre eux.
La prudence consisterait, au contraire, à prévoir, dans un premier temps, la procédure d'appel, quitte à y renoncer éventuellement plus tard si l'expérience montre que l'appel des décisions des juges de proximité est rarissime, ce qui signifierait que leur compétence est unanimement reconnue.
Malheureusement, vous avez opté pour la démarche inverse et, dans ces conditions, nos amendements de suppression se justifient pleinement.
Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 7 et 13.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)