sommaire

Présidence de M. Philippe Richert

1. Procès-verbal

2. Hommage aux victimes d'un tremblement de terre en Guadeloupe

3. Décision du Conseil constitutionnel

4. Création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. - Discussion d'un projet de loi

Discussion générale : Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion ; MM. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mmes Muguette Dini, Eliane Assassi, M. Bernard Seillier, Mme Bariza Khiari, MM. Alex Türk, Christian Cambon, Aymeri de Montesquiou, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. David Assouline.

Mme la ministre déléguée.

Clôture de la discussion générale.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois.

Suspension et reprise de la séance

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

5. Eloge funèbre de Hilaire Flandre, sénateur des Ardennes

MM. le président, Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement.

Suspension et reprise de la séance

6. Rappel au règlement

MM. Jean-Pierre Bel, le président, Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion.

7. Création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

Article additionnel avant le titre Ier

Amendement no 39 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois ; Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. - Rejet.

Article 1er

MM. Pierre-Yves Collombat, Jean-Pierre Sueur.

Amendements nos 40 de M. Michel Dreyfus-Schmidt, 72 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 29 de Mme Eliane Assassi. - Mmes Bariza Khiari, Alima Boumediene-Thiery, Eliane Assassi, M. le rapporteur, Mmes la ministre déléguée, Nicole Borvo. - Rejet des trois amendements.

Adoption de l'article.

Article 2

MM. Pierre-Yves Collombat, Jean-Pierre Sueur.

Amendements nos 30 de M. Eliane Assassi, 44 à 48 rectifié, 49 rectifié, 41 à 43 de M. Jean-Pierre Sueur, 51 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 25 de Mme Muguette Dini. - Mme Eliane Assassi, M. Jean-Pierre Sueur, Mmes Alima Boumediene-Thiery, Muguette Dini, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait de l'amendement no 25 ; rejet de tous les autres amendements.

Amendement no 1 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Jean-Pierre Sueur. - Adoption.

Amendements nos 53 de Mme Alima Boumediene-Thiery, et 18 de M. Alex Türk. - Mme Alima Boumediene-Thiery, MM. Alex Türk, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet de l'amendement no 53 ; adoption de l'amendement no 18.

Amendement no 50 de M. Jean-Pierre Sueur. - M. Jean-Pierre Sueur. - Retrait.

Amendement no 2 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Amendements nos 78 rectifié de M. Jacques Pelletier et 54 de M. Alima Boumediene-Thiery. - M. Aymeri de Montesquiou, Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait de l'amendement no 78 rectifié ; rejet de l'amendement no 54.

Amendement no 52 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Adoption de l'article modifié.

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

Article additionnel après l'article 2

Amendement no 3 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 3

Amendement no 55 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Amendements nos 26 de Mme Muguette Dini, 56 de Mme Alima Boumediene-Thiery, 79 rectifié et 80 rectifié (priorité) de M. Aymeri de Montesquiou. - Mmes Muguette Dini, Alima Boumediene-Thiery, MM. Bernard Seillier, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption, après une demande de priorité, de l'amendement no 80 rectifié, les autres amendements devenant sans objet.

Amendements nos 4 de la commission, 31 de Mme Eliane Assassi et 76 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - M. le rapporteur, Mmes Eliane Assassi, Alima Boumediene-Thiery, la ministre déléguée. - Retrait de l'amendement no 31 ; adoption de l'amendement no 4, l'amendement no 76 devenant sans objet.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 3

Amendement no 32 de Mme Eliane Assassi. - Mme Eliane Assassi, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.

Article 4

Amendements nos 57 de Mme Alima Boumediene-Thiery et 5 rectifié de la commission. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet de l'amendement no 57 ; adoption de l'amendement no 5 rectifié.

Amendement no 6 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 4

Amendement no 77 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée, MM. Pierre-Yves Collombat, Robert Badinter. - Rejet.

Article 5

Amendement no 7 de la commission. - M. le ministre, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 6

Amendements nos 58 rectifié de Mme Alima Boumediene-Thiery et 33 de Mme Eliane Assassi. - Mmes Alima Boumediene-Thiery, Nicole Borvo, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait de l'amendement no 33 ; adoption de l'amendement no 58 rectifié.

Adoption de l'article modifié.

Article 7

Amendement no 8 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Amendement no 20 rectifié de M. Alex Türk. - MM. Alex Türk, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 8

Amendement no 21 rectifié de M. Alex Türk. - MM. Alex Türk, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Amendement no 59 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Amendement no 22 de M. Alex Türk. - MM. Alex Türk, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 9

Amendements identiques nos 28 rectifié de M. Henri de Richemont et 60 rectifié de M. Michel Dreyfus-Schmidt. - MM. Christian Cambon, Robert Badinter, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, M. Christian Cointat. - Adoption des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

Article 10

Amendement no 61 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Amendement no 9 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 11

Amendement no 10 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 12

Amendement no 62 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Adoption de l'article.

Article 13

Amendement no 11 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 14

Amendement no 63 de Mme Bariza Khiari. - Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme le ministre délégué. - Rejet.

Amendement no 27 rectifié de Mme Muguette Dini. - Mme Muguette Dini, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait.

Amendement no 64 de Mme Bariza Khiari. - Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Amendement no 34 de Mme Eliane Assassi. - Mme Eliane Assassi, M. le rapporteur, Mmes la ministre déléguée, Josiane Mathon. - Retrait.

Amendement no 65 de Mme Bariza Khiari. - Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Amendement no 66 de M. David Assouline. - Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Amendements nos 12 de la commission, 35 de Mme Eliane Assassi et 67 de Mme Bariza Khiari. - M. le rapporteur, Mmes Josiane Mathon, Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'amendement no 12, les amendements nos 35 et 67 devenant sans objet.

Amendement no 13 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Articles additionnels après l'article 14

Amendement no 68 de Mme Bariza Khiari. - Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Amendement no 74 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Article 15

Amendement no 23 de M. Alex Türk. - MM. Alex Türk, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Amendement no 69 de Mme Bariza Khiari. - Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Adoption de l'article modifié.

Article 16

Amendement no 24 de M. Alex Türk. - MM. Alex Türk, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption

Adoption de l'article modifié.

Article 16 bis

Amendement no 36 de Mme Eliane Assassi. - Mme Eliane Assassi, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Adoption de l'article.

Intitulé du titre II

Amendement no 14 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption de l'intitulé modifié.

Suspension et reprise de la séance

Article additionnel avant l'article 17

Amendement no 37 de Mme Eliane Assassi. - Mme Eliane Assassi, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Article 17

Amendements nos 71 rectifié de Mme Bariza Khiari, 15 rectifié de la commission et 38 de Mme Eliane Assassi. - Mme Bariza Khiari, M. le rapporteur, Mmes Eliane Assassi, la ministre déléguée, M. Gérard Longuet. - Rejet de l'amendement no 71 rectifié ; adoption de l'amendement no 15 rectifié, l'amendement no 38 devenant sans objet.

Amendement no 73 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mmes la ministre déléguée, Bariza Khiari. - Rejet.

Amendement no 70 de M. David Assouline. - Mme Bariza Khiari. - Retrait.

Adoption de l'article modifié.

Article additionnel après l'article 17

Amendement no 75 de Mme Alima Boumediene-Thiery. - Mme Alima Boumediene-Thiery, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.

Division et articles additionnels après l'article 17

Amendement no 82 du Gouvernement. - MM. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois ; Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. - Réserve.

Amendement no 83 du Gouvernement et sous-amendement no 87 de Mme Bariza Khiari. - M. le garde des sceaux, Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle ; MM. Robert Badinter, le rapporteur, Philippe Darniche, Patrice Gélard, Gérard Longuet, André Lardeux, Christian Cointat, Mme Nicole Borvo, M. le président de la commission. - Rejet du sous-amendement no 87 ; adoption, par scrutin public, de l'amendement no 83 insérant un article additionnel.

Amendement no 84 du Gouvernement et sous-amendement no 88 de Mme Bariza Khiari. - M. le rapporteur. - Rejet du sous-amendement no 88 ; adoption, par scrutin public, de l'amendement no 84 insérant un article additionnel.

Amendement no 85 du Gouvernement. - Adoption, par scrutin public, de l'amendement insérant un article additionnel.

Amendement no 82 (précédemment réservé) du Gouvernement. - Adoption de l'amendement insérant une division additionnelle et son intitulé.

Article 18

Amendement no 16 de la commission. - M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Adoption.

Adoption de l'article modifié.

Article 19

Amendements identiques nos 17 de la commission et 81 de M. Jacques Pelletier. - MM. le rapporteur, Jacques Pelletier, Mme la ministre déléguée. - Adoption des deux amendements.

Adoption de l'article modifié.

Article 20. - Adoption

Vote sur l'ensemble

M. Jacques Pelletier, Mmes Bariza Khiari, Eliane Assassi.

Adoption du projet de loi.

Mme la ministre déléguée.

8. Communication de l'adoption définitive de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

9. Communication de la caducité de textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

10. Transmission d'un projet de loi organique

11. Dépôt d'une proposition de loi

12. Textes soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution

13. Dépôt d'un rapport d'information

14. Ordre du jour

compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Philippe Richert

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures cinq.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Hommage aux victimes d'un tremblement de terre en Guadeloupe

M. le président. Monsieur le ministre, madame la ministre, mes chers collègues, à l'ouverture de notre séance, permettez-moi, à la demande de M. le président du Sénat, d'exprimer, en notre nom à tous, la solidarité du Sénat tout entier avec les victimes du tremblement de terre en Guadeloupe.

La terre n'a cessé de trembler, notamment dans les Saintes, dans la nuit de dimanche, puis lundi matin, causant de très nombreux dégâts. Des pluies diluviennes ont inondé des routes, des maisons, ajoutant encore au désastre.

Le Sénat adresse sa sympathie attristée aux familles des victimes et à tous les sinistrés.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois, et plusieurs de nos collègues, qui se rendront prochainement en mission officielle en Guadeloupe, auront l'occasion d'exprimer notre tristesse aux Guadeloupéens et de leur faire part de notre soutien dans l'épreuve qu'ils traversent.

3

Décision du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 19 novembre 2004, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur le traité établissant une Constitution pour l'Europe.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition Lois et Décrets.

4

 
Dossier législatif : projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
Discussion générale (suite)

Création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (nos 9, 65).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme l'a rappelé Jean-Louis Borloo lors de l'ouverture du débat à l'Assemblée nationale le mois dernier, la lutte contre les discriminations n'est pas l'affaire d'un petit nombre, c'est l'affaire de tous. Tout le monde est susceptible, à un moment ou à un autre de son existence, d'être victime d'une discrimination. Aussi appartient-il à chacun de veiller à une meilleure égalité de traitement entre les personnes.

Mais, au-delà de la responsabilité de chacun et de l'action des associations, que je souhaite saluer pour leur engagement et leur travail au quotidien, il revient aux pouvoirs publics de sanctionner efficacement les comportements et les infractions discriminatoires et de promouvoir l'égalité de traitement et également des chances : parce que la création d'une telle autorité répond à la volonté constante du Président de la République, qui a toujours vu dans ce projet l'un des garants de notre modèle d'intégration ; parce que le traité d'Amsterdam fait obligation de se doter d'un organisme indépendant pour lutter contre les discriminations ; parce que les publics les plus fragiles sont précisément ceux qui cumulent les risques de discrimination sur le marché de l'emploi, dans l'accès au logement ou aux loisirs et dans toutes les déclinaisons de leur vie quotidienne ; parce que les inégalités de traitement entre les individus compromettent notre cohésion sociale et qu'elles sont à l'origine, chacun le sait, de frustrations qui confortent les tentations communautaristes de notre société.

C'est au nom du principe fondamental de la République qu'est l'égalité que nous refusons ces tentations.

Alors qu'ils avaient fait un choix de société différent, nos amis néerlandais, au travers d'événements tragiques, en mesurent aujourd'hui les risques pour leur cohésion nationale. La France n'est pas, bien sûr, à l'abri de telles dérives. Mais la représentation nationale a déjà su montrer son unité pour conforter le principe de laïcité à l'école publique au début de cette année.

S'agissant d'un autre principe, celui d'égalité, et de la lutte contre les discriminations, l'Assemblée nationale a d'ores et déjà voté, avec des amendements, mais sans opposition, le projet de loi qui vous est soumis aujourd'hui.

Le Gouvernement sait pouvoir compter sur le Sénat pour enrichir ce texte, avec le même souci de renforcer nos principes républicains.

Le projet de loi relatif à la création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité que le Gouvernement vous soumet aujourd'hui reprend la presque totalité des propositions faites par M. Bernard Stasi dans son rapport de février dernier, établi à la demande du Premier ministre.

De façon très pragmatique, le projet de loi s'inspire du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, qui fonctionne avec efficacité en Belgique depuis 1993 et qui est doté, vous le noterez, d'un budget de 8 millions d'euros consacré aux seules discriminations raciales et entre hommes et femmes.

Le Gouvernement veut donc donner à cette Haute autorité une très forte légitimité. Le mode de nomination des onze membres de son collège en est la preuve avec un souci de parité qui a été retenu à la demande de l'Assemblée nationale, que je soutiens.

Par ailleurs, l'apport des associations à la lutte pour l'égalité de traitement est reconnu. Leur participation aux travaux de la Haute autorité est désormais institutionnalisée.

En ce qui concerne ses moyens, la Haute autorité, avec un budget de 10,7 millions d'euros, pourra prendre en charge dans le courant du premier semestre prochain toutes les réclamations individuelles, mettre en oeuvre des médiations, organiser la promotion de l'égalité et expérimenter des délégations territoriales.

En ce qui concerne ses missions, elle en aura deux principales : le soutien aux victimes de discriminations et la promotion de l'égalité.

Nous le savons tous, comme l'ont rappelé les cent quarante associations et les personnalités qualifiées reçues par M. Bernard Stasi, les discriminations dans notre pays sont avant tout un problème de preuve.

Le dispositif précédent, qui s'appuyait sur un numéro d'appel gratuit, le 114, pour préinstruire par téléphone les réclamations, et les commissions d'accès à la citoyenneté, les CODAC, qui devaient les traiter, n'a généré que de l'amertume, faute de moyens juridiques et matériels.

C'est pourquoi, en plein accord avec le ministre de la justice, nous avons élaboré un dispositif d'enquêtes contraignant, tant pour les personnes publiques que pour les personnes privées. Ce dispositif est articulé avec le contentieux particulièrement pénal, et le recours à la médiation est possible.

La Haute autorité pourra procéder ou faire procéder à de telles médiations.

En outre, nous transposons dans notre droit l'aménagement de la charge de la preuve en matière de discrimination raciale.

Enfin, le Gouvernement a retenu la mission de promotion de l'égalité de traitement, mais également de l'égalité des chances, comme l'avait souhaité l'Assemblée nationale, ce qui doit permettre à notre société d'évoluer sur le sujet de la lutte contre les discriminations.

D'ores et déjà, nous pouvons mesurer cette prise de conscience de la société française au travers de quelques exemples, comme les plans d'actions positives ou les chartes de la diversité dans les secteurs de l'audiovisuel, de l'automobile ou encore du travail temporaire.

A ce propos, M. Bébéar remettait hier au Premier ministre, en présence de Jean-Louis Borloo, un rapport qui contient des propositions sur l'égalité des chances dans l'entreprise.

Il reviendra à la Haute autorité d'identifier et de reconnaître ces bonnes pratiques.

Le Parlement sera en outre destinataire, au même titre que le Président de la République, du rapport annuel de la Haute autorité.

Enfin, en ce qui concerne les provocations à la discrimination, aucune disposition n'existe à ce jour lorsque la discrimination est fondée à raison du sexe ou de l'orientation sexuelle. C'est ainsi que des propos favorables à la lapidation des femmes ont pu être diffusés au grand public en toute impunité.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez, le Gouvernement tient aujourd'hui ses engagements dans les délais prévus.

L'Etat se doit de réagir en recherchant l'équilibre nécessaire entre la liberté de la presse et le respect de la dignité de la personne humaine, qui sont, l'un et l'autre, des principes à valeur constitutionnelle. C'est dans cet esprit que le dispositif prévu en matière de racisme n'a pas été totalement transposé dans ce projet de loi.

Ainsi, la prescription initiale d'une année a été ramenée à trois mois, qui est la durée de droit commun de la prescription de l'action publique pour la presse.

En revanche, le Gouvernement a souhaité le parallélisme total entre les dispositions relatives aux propos discriminatoires, qu'ils soient fondés sur l'homophobie ou sur le sexisme. Les associations pourront se constituer partie civile même lorsque l'injure, la diffamation ou la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence concernent des homosexuels ou des femmes sans identification possible.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c'est ma collègue, Mme Catherine Vautrin, alors secrétaire d'Etat à l'intégration et à l'égalité des chances, qui était intervenue devant votre commission des lois, le 27 octobre dernier.

J'ai bien entendu pris connaissance de vos travaux. Notre texte est certainement perfectible afin de mieux assurer l'indépendance du collège, le respect de la règle du contradictoire ou bien la publicité des avis de la Haute autorité.

Avec, je n'en doute pas, une volonté commune de rechercher un consensus sur ce sujet aussi sensible et symbolique pour notre République, notre débat parlementaire est l'occasion, mesdames, messieurs les sénateurs, de parfaire le projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés à examiner en première lecture le projet de loi portant création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, projet de loi adopté par l'Assemblée nationale, le 6 octobre dernier.

La mise en place rapide de cette autorité indépendante répond à des exigences internationales, européennes et nationales fortes.

Le comité des droits de l'homme de l'ONU a recommandé à la France dès 1997 de créer un « mécanisme institutionnel pour recevoir et traiter les plaintes relatives aux droits de l'homme incluant toutes formes de discriminations ».

Sur le fondement de l'article 13 du traité instituant la Communauté européenne, la directive du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique requiert des Etats membres qu'ils désignent un ou plusieurs organismes chargés de promouvoir l'égalité de traitement.

Enfin, le Président de la République, lors de son discours à Troyes le 14 octobre 2002, avait souhaité qu'« au-delà même de celles dont peuvent être victimes les personnes d'origine étrangère, une autorité indépendante soit créée pour lutter contre toutes les formes de discrimination qu'elles proviennent du racisme, de l'intolérance religieuse, du sexisme ou de l'homophobie ».

Cet engagement reposait sur sa conviction que « le refus des communautarismes ne se conçoit pas sans une lutte contre les discriminations ».

On pourra certes objecter qu'il s'agit là d'un constat d'échec puisque, en dépit d'un arsenal juridique très développé et du foisonnement des structures chargées de combattre les discriminations, ce phénomène perdure au point de porter atteinte à notre cohésion nationale.

S'il fallait se convaincre de son importance, on pourrait se référer à d'éloquentes enquêtes de testing. Celle qu'a réalisée cette année l'observatoire des discriminations de l'Université de Paris I montre qu'en matière d'accès à l'emploi, par rapport à un candidat de référence - homme au nom et prénom français, résidant à Paris, blanc de peau et d'apparence standard - le candidat handicapé reçoit quinze fois moins de réponses positives, le candidat d'origine maghrébine cinq fois moins, le candidat de plus de cinquante ans quatre fois moins, le candidat d'apparence disgracieuse plus de deux fois moins et le candidat issu d'un « mauvais quartier » près de deux fois moins. Seule satisfaction la variante homme-femme n'apparaît pas significative.

II est donc bien difficile de conclure que la différence visible n'existe pas dans notre société.

Dans ces conditions, faut-il s'étonner que, selon une étude du ministère des affaires sociales, un tiers des adultes interrogés déclarent avoir été confrontés à des attitudes intolérantes ou discriminatoires avec souvent des conséquences sur leur parcours et leur vie ?

En instituant la Haute autorité de lutte contre les discriminations, le projet de loi crée l'instrument de promotion de l'égalité qui nous manque aujourd'hui et dont se sont déjà dotés avec succès de nombreux pays comme le Royaume-Uni, la Belgique, le Canada, l'Irlande, les Pays-Bas ou la Suède.

N'oublions pas que le système, qui repose sur cinq ombudsmän respectivement compétents pour la discrimination ethnique, l'égalité des chances, les droits des enfants, les personnes handicapées et l'orientation sexuelle, a largement inspiré la création par la loi du 3 janvier 1973 de notre Médiateur de la République.

La commission des lois estimait, dans sa grande majorité, me semble-t-il, que d'autres solutions auraient pu être envisagées pour compléter notre système juridique afin de rendre plus efficace la lutte contre les discriminations dans notre pays et de répondre aux exigences communautaires.

Les compétences du Médiateur auraient ainsi pu être étendues, sous réserve de sa transformation en autorité collégiale, à la lutte contre les discriminations, ce qui aurait présenté l'avantage de bénéficier de l'expérience de l'Institution, du réseau des délégués du Médiateur - dans ma seule région du Nord - Pas-de-Calais, ils sont au nombre de dix-huit -  et d'aller vers une simplification génératrice d'efficacité et d'économie des deniers publics.

Peut-être faut-il laisser du temps au temps, en sachant cependant que la multiplication des autorités administratives indépendantes peut engendrer conflits et confusions. Il s'avérera sans doute un jour pertinent de rassembler bon nombre d'entre elles en une seule instance collégiale, compétente à la fois en matière de droits des enfants, de traitement des réclamations des citoyens à l'égard des administrations et de lutte contre les discriminations, pour donner à l'accomplissement de ces missions complémentaires davantage de cohérence et de moyens.

D'ici là, ce sera une impérieuse nécessité pour la future HALDE de nouer des liens étroits avec les autorités administratives indépendantes intervenant dans des domaines connexes au sien, en particulier le Défenseur des enfants, la Commission d'accès aux documents administratifs, la Commission nationale de l'informatique et des libertés et, bien entendu, le Médiateur de la République.

En ce qui concerne le Médiateur, dont j'ai décidément quelque peine à m'éloigner, dans un amendement déposé à l'Assemblée nationale qui fut finalement retiré face à des réticences unanimes, le Gouvernement proposait d'ajouter une saisine directe à la saisine par l'intermédiaire des parlementaires retenue en 1973. J'oserai un mauvais jeu de mots pour dire qu'il m'apparaîtrait bien cavalier à l'égard de nos collègues députés de le reprendre lors de l'examen du projet de loi par notre Haute Assemblée.

Cependant, le problème reste entier et mérite une solution d'autant plus rapide que la saisine directe sera retenue pour la Haute autorité.

En 2003, le Médiateur a été saisi de 55 635 affaires contre 38 600 en 1993 et 12 606 en 1983 - leur nombre a donc été multiplié par plus de quatre en vingt ans -  mais 40 % des réclamations proviennent désormais directement du courrier ou d'Internet et donnent lieu à de fastidieuses régularisations. Peut-on espérer, madame la ministre, que, rapidement, par exemple à l'occasion du prochain projet de loi de simplification administrative, la saisine directe, déjà en oeuvre pour le Médiateur européen et vingt-trois des vingt-cinq Médiateurs des Etats de l'Union européenne, jouera également pour notre Médiateur de la République, à côté de la saisine par les parlementaires ?

Je n'aborderai pas dans le détail, à ce stade de la discussion, les différents aspects relatifs à l'indépendance de la HALDE, à l'universalité de son champ de compétence ouvert à toutes les discriminations directes ou indirectes prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie, ou aux pouvoirs d'investigation importants dont elle disposera, dans le respect absolu, cela va de soi, des prérogatives de l'autorité judiciaire. Tout cela sera analysé point par point au fil des nombreux amendements que nous examinerons tout à l'heure.

Je voudrais simplement vous faire partager la conviction que la future Haute autorité ne pourra asseoir sa légitimité, en tant qu'autorité morale, qu'en concentrant ses efforts sur le soutien aux victimes et la promotion des bonnes pratiques.

Si la solennité et l'autorité des textes prohibant les discriminations ne sont pas en cause -  citons la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948 ou la Constitution de 1958 -, force est cependant de constater le nombre dérisoire des condamnations prononcées ces dernières années pour des infractions de discrimination, conséquence de l'inégalité fondamentale entre les victimes et les auteurs.

La Haute autorité devra assurer l'effectivité de ces textes en aidant les victimes à constituer leurs dossiers avant, le cas échéant, de recourir à une médiation ou à la justice.

La promotion de bonnes pratiques, tout particulièrement dans l'accès à l'emploi, au logement et aux biens et services, constituera par ailleurs l'instrument essentiel d'une politique de prévention et de lutte contre les préjugés, qui fondent la plupart des comportements discriminatoires.

Enfin, si la réforme se fait à droit constant, il appartiendra à la HALDE, le moment venu, de faire toute proposition d'évolution, par exemple de proposer qu'il soit mis fin à l'invisibilité statistique des populations potentiellement victimes de discriminations.

Il n'est guère douteux que la production de statistiques sexuées dans le champ du travail, notamment à travers le bilan social, a permis de mettre en évidence les disparités homme-femme dans l'entreprise, puis d'agir à leur encontre. Or, comme le note Laurent Blivet dans son ouvrage L'entreprise et l'égalité positive, « pour un citoyen français, le fait d'être noir, asiatique ou maghrébin continue d'influencer l'attitude de la société à son égard et les opportunités qu'elle lui offre ». En intégrant au recensement une question relative à l'appartenance « ethnoraciale », des pays comme les Etats-Unis le Canada ou la Grande-Bretagne ne se sont-ils pas donné les moyens d'une lutte efficace pour l'égalité de traitement ? Cela mérite à tout le moins réflexion.

La création de la Haute autorité participe pleinement à la mobilisation des pouvoirs publics en faveur d'un renforcement de la cohésion sociale, dont elle constitue le volet institutionnel.

La discrimination nourrit l'exclusion, qui à son tour nourrit le communautarisme, qui alimente les préjugés générateurs de comportements discriminatoires.

Le projet de loi invite à briser ce cercle vicieux et à faire ensemble le pari d'une société plus juste, plus respectueuse de l'égalité de chacun, plus conforme à l'idéal de nos principes républicains.

C'est pourquoi je vous invite, mes chers collègues, à l'adopter, avec l'espoir confiant que le Gouvernement ne s'opposera pas à bon nombre d'amendements que proposera la commission des lois.

M'est-il permis d'ajouter que cet espoir est d'autant plus confiant que le dépôt tardif des amendements du Gouvernement visant à insérer dans le texte sur la Haute autorité l'essentiel des dispositions du projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe n'est pas de nature à faciliter le travail de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;

Groupe socialiste, 31 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 9 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 7 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je suis heureuse, d'intervenir pour la première fois au nom du groupe de l'Union centriste, dans cet hémicycle.

J'en suis d'autant plus fière que la lutte contre les discriminations me tient particulièrement à coeur et qu'elle est l'une des principales préoccupations de notre famille politique.

Le groupe de L'Union centriste, fidèle à ses convictions, reste en effet très attaché aux libertés fondamentales et, dans son ambition humaniste, cherche à promouvoir l'égalité de traitement entre tous, afin d'asseoir définitivement la dignité et le respect de la personne humaine.

La discrimination est d'autant plus inacceptable qu'elle contredit, dans notre pays, un siècle de construction du principe d'égalité et qu'elle bafoue les valeurs républicaines sur lesquelles nous avons établi notre nation.

La création de la Haute autorité, mais plus généralement cette volonté de lutte contre les discriminations, est une mesure très importante, en faveur d'un renforcement de la cohésion sociale.

Elle s'inscrit dans la droite ligne des textes récents, tels que le projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées ou le projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires, à caractère sexiste ou homophobe.

Pourtant, nombreux sont ceux qui s'interrogent sur l'opportunité de la création d'un nouvel organisme chargé de lutter contre les discriminations. En effet, les outils institutionnels et législatifs utiles à la lutte contre les discriminations existent déjà en grand nombre.

Je citerai pour exemples : la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, le service du droit des femmes et de l'égalité, la délégation interministérielle aux personnes handicapées, la direction générale de l'action sociale, la direction générale de la santé, le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, etc.

De multiples organismes consultatifs, généralistes ou spécialisés mènent également des travaux d'étude et émettent des avis ou des recommandations en matière de lutte contre les discriminations. Il s'agit notamment de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, du Haut conseil à l'intégration et de l'Observatoire de la parité entre les hommes et les femmes.

Il existe également d'autres autorités administratives indépendantes, telles que le Médiateur de la République ou le Défenseur des enfants, qui peuvent avoir à connaître, dans leur champ d'intervention particulier, des réclamations relatives à des comportements discriminatoires.

Ainsi, plusieurs solutions auraient pu être envisagées pour compléter notre système juridique, rendre plus efficace la lutte contre les discriminations et répondre aux exigences communautaires.

Le Gouvernement a souhaité emprunter la voie d'une nouvelle autorité administrative indépendante.

Peut-être, un jour, nous paraîtra-t-il pertinent de réunir ces autorités en une seule instance collégiale, compétente en matière de lutte contre les discriminations, afin de rendre le tout plus cohérent...

Il peut paraître déplacé de critiquer le recours à la multiplication des autorités administratives indépendantes, dans l'enceinte même qui leur a attribué cette dénomination. La notion d'autorité administrative indépendante est, en effet, une création d'origine sénatoriale.

Le projet de loi institue, conformément à l'article 13 du traité d'Amsterdam, une nouvelle autorité administrative indépendante, chargée d'apporter une aide aux victimes de discriminations.

Je me réjouis que ce texte soit inscrit à l'ordre du jour du Parlement, puisque ce projet a pour objectif de nous mettre en conformité avec le droit européen, malgré, il faut le signaler, presque un an de retard.

J'en profite pour rappeler l'attachement de l'UDF aux valeurs défendues par les institutions européennes.

Nos voisins européens ont su depuis longtemps adapter leur législation aux nécessités de lutte contre les discriminations, que ce soit à travers la Commission pour l'égalité raciale, créée en 1975 au Royaume-Uni, la Commission pour l'égalité de traitement créée en 1994 aux Pays-Bas, l'Autorité pour l'égalité, créée en 1999 en Irlande, ou, hors d'Europe, la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse du Québec, créée en 1975.

Je crois que cette transposition tardive de la directive européenne est due à une sorte d'aveuglement de notre part, à un refus d'admettre une évidence.

Nous pouvons dire que la France n'a pas bien réussi sa politique d'intégration. Nous avons voulu qu'elle soit une terre d'accueil, ce dont je me réjouis, mais nous n'avons pas su accompagner le mouvement qui s'en est suivi d'une politique d'intégration efficace.

Ce refus d'admettre la montée de l'intolérance et des discriminations est conforté par le nombre assez restreint de contentieux faisant état de discriminations.

Ce dernier cache, en effet, un malaise plus qu'une réussite. Le rapport de M. Stasi indique d'ailleurs que la plupart des signalements de comportements discriminatoires ont abouti à des décisions de classement sans suite.

Ce constat renvoie également à la question de l'inégalité fondamentale entre la victime, qui dispose souvent de ressources matérielles et juridiques modestes et se trouve dans la position du demandeur, et les auteurs de discriminations, qui peuvent être en position de force, en tant qu'employeurs, bailleurs ou prestataires de service.

L'instauration de cette institution, chargée de lutter contre les discriminations, permettra, je l'espère, de pallier les carences de saisine de la justice française et de développer une culture de la tolérance.

A cette fin, le projet de loi prévoit trois mesures qui me semblent favoriser l'atteinte de ces objectifs : sous réserve de l'accord des personnes intéressées, elle pourra procéder à des enquêtes sur place ; elle sera en mesure de saisir le juge des référés ; elle pourra présenter ses observations à l'audience.

Par ailleurs, la Haute autorité sera habilitée à rendre des rapports annuels, ce qui permettra, à la fois, de recenser les « bonnes pratiques » en matière de lutte contre les discriminations, mais aussi de dresser un état des lieux indispensable des comportements et des situations inégalitaires dans notre société.

Enfin, le groupe de l'Union centriste accueille favorablement la proposition d'amendement, faite par la commission des lois et qui a pour objectif d'étendre le droit à l'égalité de traitement dans les domaines visés par la transposition à tous les critères de discrimination énumérés par la loi du 16 novembre 2001.

Cette loi, je le rappelle, porte sur la lutte contre les discriminations, qu'elles concernent l'origine, le sexe, les moeurs, l'orientation sexuelle, l'âge, la situation de famille, l'appartenance ethnique ou raciale, la nationalité, les opinions politiques, les activités syndicales ou mutualistes, les convictions religieuses, l'apparence physique, le patronyme, l'état de santé ou le handicap.

Cela assure une plus grande homogénéité de notre ordre juridique, en donnant aux citoyens les mêmes garanties, quel que soit le critère de discrimination.

Il rend, par ailleurs, applicable, pour toutes les discriminations prohibées par notre droit interne, l'aménagement de la charge de la preuve, devant les juridictions civiles et administratives, dans les domaines visés par l'article 17.

Cet aménagement de la charge de la preuve est capital. En effet, outre le fait de répondre à une exigence de Bruxelles, il garantit une meilleure prise en compte des difficultés de notre société et apporte une solution au problème de l'inégalité fondamentale entre la victime et les auteurs de discriminations.

Après la discussion du projet de loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, il convient de replacer la création de cette autorité administrative indépendante et les avancées qu'elle défend comme une suite logique de cette volonté d'égalité de traitement de tout être humain.

Vous me permettrez de formuler maintenant quelques remarques.

En ce qui concerne le mode de désignation, nous pouvons regretter le caractère éminemment politique de cette autorité, alors qu'une autorité administrative indépendante - et j'insiste sur le terme « indépendante » - est, par nature, créée pour justifier l'intervention d'experts « indépendants » et impartiaux.

Comment, donc, légitimer la création de cette autorité, alors que ses membres sont pour la plupart nommés par les plus hautes autorités politiques de l'Etat ? Comment garantir l'impartialité des interventions d'une institution lorsque certains de ses membres restent soumis à un lien hiérarchique avec un ministre, qui plus est, le premier d'entre eux ?

Peut-être serait-il nécessaire de modifier le mode de désignation, en supprimant le rôle dévolu au Premier ministre, et de reporter son pouvoir de nomination auprès du Conseil économique et social, qui disposerait de deux sièges, et au ministre en charge de la lutte contre les discriminations, qui disposerait d'un siège.

En ce qui concerne la saisine de cette autorité, nous souhaitions déposer un amendement, autorisant les associations à saisir la Haute autorité, conformément aux dispositions de la directive, mais le rapporteur en ayant déposé un identique, nous nous rallierons à l'amendement de commission des lois.

En effet, les associations de défense des droits de l'homme, de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, de soutien aux personnes handicapées, ont, par leurs revendications, fait progresser la lutte contre les discriminations et suscité une prise de conscience générale dans l'opinion publique. Elles ont acquis une capacité d'expertise et une légitimité qui paraît aujourd'hui justifier leur participation au travail de la future Haute autorité, mais également leur capacité à la saisir.

Nous souhaitons également que les parlementaires soient en mesure de saisir cette autorité, afin de suppléer leurs électeurs, parfois réticents ou hésitants, face à une situation de discrimination. L'élu, est, en effet, souvent le destinataire privilégié de courriers et des dossiers, faisant état de situations et de pratiques discriminatoires.

Pour ce qui est de l'inquiétude quant à l'organisation institutionnelle générale de la lutte contre les discriminations, l'implantation d'une délégation, au sein de chacune des vingt-six régions, semble être, à terme un objectif incontournable. Ces délégations devront avoir un rôle majeur, et non pas limité à un simple rôle d'information, et remplir les mêmes fonctions d'assistance aux personnes.

Ce n'est pas un hasard, si les instances de lutte contre les discriminations des pays étrangers disposent de bureaux locaux : j'en veux pour exemple, les dix-huit permanences d'accueil pour le Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme en Belgique, ou les six délégations régionales pour la Commission pour l'égalité raciale au Royaume-Uni.

Or, la France dispose déjà d'organes, de délégations ou de commissions territoriales, chargées de lutter contre les discriminations : le groupe d'étude et de lutte contre les discriminations, le GELD, et les commissions pour la promotion de l'égalité des chances et de la citoyenneté, les COPEC.

Pour le GELD, nous souhaiterions savoir, madame la ministre, quelles sont vos intentions, car maintenir en place deux organismes ayant le même objet, dans une même délimitation territoriale, n'est pas souhaitable.

En ce qui concerne la coordination avec les commissions pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté, nous souhaitons qu'une véritable collaboration soit mise en place, pour qu'elles deviennent de véritables relais locaux de la Haute autorité.

Il est nécessaire de créer une situation unique et coordonnée afin d'éviter que des luttes de pouvoir entre ces organismes ne rendent les situations complexes et les actions inefficaces dues à des luttes de pouvoir entre ces organismes.

En dépit de ces quelques réserves, qui devront être levées, le groupe de l'Union centriste votera ce texte.

J'espère, madame la ministre, que vous pourrez répondre à nos interrogations, afin de garantir le succès de cette autorité.

J'en appelle donc, madame la ministre, à votre détermination pour que soient levées ces réserves et mis en oeuvre les moyens d'action nécessaires pour atteindre nos objectifs.

Cette nouvelle autorité permettra à notre pays de renforcer l'égalité de nos concitoyens dans leur vie quotidienne. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, personne ne peut nier que les discriminations en France s'aggravent et s'étendent. C'est une réalité à laquelle il faut avoir le courage de s'attaquer, d'autant que cette situation a tendance à être structurelle.

La responsabilité de l'Etat, celle de toutes les forces politiques, celle des parlementaires, la nôtre, se trouvent engagées.

Trop de personnes, jeunes, moins jeunes, salariés ou non-salariés, citoyens français, migrants, femmes, sont en effet victimes de discriminations, et ce dans tous les domaines de la vie : accès à l'emploi, monde du travail, logement, formation, école, santé, loisirs...

Peu à peu, d'actes quotidiens en paroles publiques, les discriminations, les exclusions, les rejets de l'autre, fondés sur le sexe, l'origine ethnique, les convictions politiques ou religieuses, l'appartenance syndicale, le handicap, l'état de santé, l'âge ou l'orientation sexuelle, propagent des dérives répréhensibles.

Certes, notre pays a souscrit à des engagements internationaux et a renforcé son arsenal législatif pour pouvoir mieux lutter contre les discriminations, et je pense notamment à la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations en matière d'emploi et à la loi du 3 février 2003 visant à aggraver les peines pour les auteurs d'actes à caractère raciste, antisémite, xénophobe, sexiste ou homophobe.

Pourtant, malgré cela, les discriminations continuent à gangrener notre société, menaçant la paix sociale.

Force est d'admettre que les lois sécuritaires adoptées depuis plus deux ans sur un rythme soutenu, qui mettent en cause les droits sociaux, les services publics et qui stigmatisent les migrants, n'arrangent en rien la situation, bien au contraire.

Quand on mène une politique sociale et économique qui privilégie la place de l'argent à celle de l'homme, il ne faut pas dès lors s'étonner que les discriminations - le rejet de l'autre, de celui qui est différent parce qu'étranger ou d'origine étrangère, atteint d'un handicap, homosexuel - s'aggravent en France.

Quand les lois sont discriminantes, stigmatisantes et qu'elles désignent publiquement une catégorie de population, cela ne peut que susciter des réactions qui mêlent la méfiance à l'égard d'autrui, le repli sur soi, voire le communautarisme, et fragilisent la cohésion sociale.

Je pense, par exemple, à la réforme de l'aide médicale d'Etat qui montre du doigt les étrangers.

Je pense bien évidemment aux lois sur l'immigration et sur le droit d'asile qui stigmatisent les populations étrangères.

Je pense aussi aux lois dites Sarkozy et Perben sur la sécurité intérieure et la criminalité qui prennent pour cibles les jeunes - singulièrement ceux qui sont issus des quartiers défavorisés ou ceux d'origine étrangère -, les gens du voyage, les prostituées, les pauvres ; bref, une partie non négligeable de la population de notre pays.

Je pense, dans un autre registre, au dispositif Larcher qui, en favorisant les licenciements, laisse sur le bas-côté de la route un bon nombre de salariés.

Au-delà, je pense à toutes ces lois antisociales que votre gouvernement a fait passer depuis 2002 sur des sujets tels que les retraites ou la protection sociale.

Aujourd'hui, trouver un emploi, se procurer un logement ou se faire soigner quand on est étranger ou d'origine étrangère - a fortiori si l'on est étranger non communautaire -, obtenir un emploi qualifié quand on est une femme - a fortiori lorsque l'on est mère célibataire -, trouver un emploi lorsque l'on habite un quartier dit difficile, avoir un emploi stable ou obtenir un prêt quand on est atteint d'une maladie grave, avoir de l'avancement quand on est un syndicaliste engagé, relèvent tout simplement du parcours du combattant.

Compte tenu de cette situation, c'est peu de dire que la création d'une instance telle que la Haute autorité pour la lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, était attendue et urgente.

Auditionné par la commission présidée par M. Bernard Stasi, le parti communiste français s'est clairement prononcé en faveur de cette instance, tout en précisant quels devraient être la composition, les missions et les pouvoirs de celle-ci.

A regarder de plus près le contenu de votre texte actuel, madame la ministre, on est bien loin des ambitions initialement affichées, tant par les conclusions de la commission Stasi, que par les déclarations du chef de l'Etat, à Troyes.

La création de la Haute autorité, telle que conçue dans ce texte, ne répond en effet que très imparfaitement aux défis posés à notre société et est contestable à plus d'un titre.

Sa composition, tout d'abord, nous pose problème. Sur les 11 membres du collège, deux seront nommés par le Président de la République, deux par le Président du Sénat, deux par le Président de l'Assemblée nationale, deux par le Premier ministre. C'est peu de dire que cette institution sera verrouillée politiquement et que son action sera difficilement indépendante du pouvoir en place.

Quant au pluralisme, cette notion était si inexistante dans le texte qui nous revient de l'Assemblée nationale que la commission des lois du Sénat s'est sentie obligée de l'évoquer dans l'un de ses amendements.

Nous regrettons, cependant, que le monde associatif et syndical ait été exclu de cette instance. Le fait qu'il y soit associé par le biais des organes consultatifs ne corrige en rien cet aspect.

Nous proposerons donc de garantir réellement le pluralisme, l'indépendance et l'impartialité de la Haute autorité en modifiant les modalités de sa composition de façon à les calquer sur celles de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, et cela tout en respectant la parité. A cet égard, il conviendrait, comme nous le proposons par amendement, d'introduire dans la loi l'obligation d'éditer des statistiques sexuées afin de mieux lutter contre les inégalités entre les hommes et les femmes.

Ensuite, il faut savoir que la création d'une telle autorité n'a d'intérêt qu'à condition qu'elle soit dotée de pouvoirs et de moyens différents de ceux dont disposent déjà les victimes de discriminations et les acteurs qui luttent contre les discriminations.

L'efficacité d'une autorité administrative serait, en effet, considérablement compromise si elle ne pouvait, par exemple, aider les victimes à recueillir des éléments de preuve pour leur permettre de faire valoir leurs droits en vue d'une médiation ou d'une action en justice.

C'est pourquoi nous proposerons de renforcer les missions de la Haute autorité dans le domaine de l'assistance aux victimes en terme d'aide à la constitution des dossiers et de rassemblement d'éléments.

Les capacités d'action de la Haute autorité se révèlent malheureusement limitées. On peut en effet regretter que cette dernière ne dispose pas de pouvoirs d'investigation et d'injonction aussi importants que le préconisait la commission conduite par M. Stasi.

Par souci d'efficacité et par nécessité d'être au plus près des problèmes, il conviendrait également que l'autorité administrative dispose de correspondants locaux - délégués départementaux et régionaux, par exemple - ayant les mêmes pouvoirs qu'elle, à l'instar de ce qui existe pour le Médiateur de la République. Cette solution aurait le mérite d'éviter l'encombrement de la Haute autorité et de minimiser le risque de paralysie de son fonctionnement.

L'autorité administrative ne pourra être efficace que si elle est dotée des moyens nécessaires à un travail de terrain effectif et si elle peut agir au niveau des institutions et des instances républicaines : l'école, les lieux de travail, l'habitat...

Enfin, s'agissant des moyens humains et budgétaires qui lui seront alloués - 10,7 millions d'euros annoncés pour 2005 et l'emploi de 80 agents à terme -, ils semblent insuffisants si on les compare aux moyens mis en oeuvre pour des autorités équivalentes au Québec ou en Belgique, par exemple.

Le texte prévoit que les crédits nécessaires au fonctionnement de la Haute autorité soient inscrits au budget du ministère chargé des affaires sociales. Or, afin d'assurer l'indépendance et de garantir l'accomplissement effectif de sa mission, il est nécessaire de prévoir un budget autonome pour la Haute autorité, voté par le Parlement et figurant sur une ligne budgétaire spécifique et clairement répertoriée.

Pourquoi ne pas prévoir une loi de programmation budgétaire pluriannuelle ? Cela permettrait d'éviter ce qui vient de se passer à l'Assemblée nationale, à l'occasion de l'examen des crédits de l'emploi, du travail, de la cohésion sociale et de l'égalité professionnelle, où les députés ont réduit le budget de la HALDE à 9 millions d'euros avant que le Gouvernement ne revienne sur cette diminution de crédits.

Avoir des moyens humains et matériels adaptés est à l'évidence fondamental. L'expérience de structures comme les CODAC, les commissions départementales d'accès à la citoyenneté, et comme le GELD, le groupement d'études et de lutte contre les discriminations, n'a-t-elle pas révélé les difficultés que ces structures rencontrent dans la conduite des missions qui leur sont confiées, et ce essentiellement en raison du défaut de moyens ?

J'en viens à présent aux amendements déposés par le Gouvernement et relatifs à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe, propositions attendues de longue date par les associations homosexuelles.

Etant nous-mêmes dépositaires d'une proposition de loi traitant de cette question, nous ne sommes pas contre le fait de légiférer en l'espèce. Toutefois, nous nous interrogeons sur la méthode employée ici, qui consiste à retirer un projet de loi déposé devant l'Assemblée nationale et prévu en séance publique le mois prochain pour le faire passer en catimini au Sénat.

Nous nous interrogeons également sur le rejet par le Gouvernement et le rapporteur des amendements sur les questions de l'homophobie et du sexisme lors de l'examen de ce projet de loi à l'Assemblée nationale les 5 et 6 octobre dernier. J'aurai l'occasion d'y revenir plus longuement lors de l'examen des amendements du Gouvernement.

En guise de conclusion, malgré notre réticence de principe à l'égard des autorités administratives indépendantes et le fait que le texte reste bien en deçà des ambitions affichées, nous ne nous opposerons pas à la création de cette Haute autorité qui sera chargée de coordonner les actions contre les discriminations et pour l'égalité. Nous nous abstiendrons néanmoins sur l'ensemble du texte, avec le vif espoir que cette Haute autorité permettra de faire bouger les choses. Dans le cas contraire, il faudrait alors reconnaître que cette instance ne serait qu'une autorité administrative indépendante de plus parmi celles, déjà fort nombreuses, qui existent en France.

Car, si vos intentions sont louables, madame la ministre, en revanche le dispositif retenu me semble insuffisant, tant la lutte contre les discriminations - phénomène massif et complexe - doit exiger plus que de bonnes intentions. En tout état de cause, cette Haute autorité aura bien du mal à « réparer » à elle seule le mal causé par les politiques d'exclusion qui conduisent aux souffrances et à la « mal vie » que l'on connaît et qui riment avec précarité et exclusion.

Cette instance ne doit pas se substituer à l'action des pouvoirs publics dont le rôle essentiel est de promouvoir et de mettre en oeuvre le principe d'égalité et de lutter contre les discriminations ; de même, les politiques - et singulièrement les parlementaires - ne doivent pas se sentir dédouanés de leur responsabilité en la matière du fait de l'existence de cette instance.

Enfin, il faut porter une attention toute particulière à ce qui se passe aujourd'hui à l'école. J'aurai l'occasion d'y revenir lors de l'examen d'un de mes amendements tendant à impliquer davantage l'Education nationale dans la lutte contre les discriminations. Il en va de la paix sociale dans les années à venir et du type de société que nous voulons léguer aux générations futures. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons est d'une portée indéniable pour notre société.

Il arrive en séance au moment où Claude Bébéar remet au Premier ministre son rapport sur les discriminations abusives et invisibles ; c'est que, en effet, nous baignons dans les discriminations !

La discrimination est à la base de la vie si l'on s'en tient au sens le plus large du mot, c'est-à-dire au fait de distinguer, de séparer ou de différencier.

Chacun d'entre nous dans son corps personnel s'est constitué par un programme de différenciation cellulaire commandé par notre code génétique. La fécondité elle-même implique de soi la différence sexuelle.

Les différentes espèces animales et toutes formes de diversité expriment bien cette loi fondamentale de la vie. Plus la vie est complexe, plus la loi de différenciation, et donc de discrimination, y règne.

Cette loi n'est pas seulement celle des organismes biologiques, elle est aussi celle des sociétés. Une société démocratique et développée comme la nôtre multiplie les institutions spécifiques, les hiérarchies et les organismes particuliers au point de généraliser les situations qui, par nature, ne peuvent pas être partagées et accessibles à tout un chacun, dans n'importe quelles conditions.

L'élection, celle-là même qui nous vaut d'être réunis ici, en nous distinguant des autres citoyens pour légiférer en leur nom, est encore une discrimination entre plusieurs personnes candidates, elles-mêmes déjà discriminées par les conditions d'éligibilité.

Le sport de championnat n'est que sélection et donc discrimination, et personne ne trouve à y redire.

La Haute autorité, instituée par le projet de loi en examen, est en soi une affirmation sans complexe - par son appellation même, comme par le processus de nomination de ses membres - d'une discrimination organisée pour lutter contre les discriminations illégales.

C'est donc bien qu'en soi le fait de différencier des personnes est chose courante.

Mais, dans le langage habituel, le mot est le plus souvent employé avec une connotation péjorative, celle qui est en cause ici, et qui signifie une distinction illégitime. C'est si vrai que l'on a même éprouvé le besoin de lui accoler le qualificatif « positif » quand on veut justifier une discrimination particulière. On parle alors de « discrimination positive », et on complète le concept général par la notion d' « égalité des chances ».

Il faut donc aborder avec la plus grande prudence - au sens où Aristote l'entendait, c'est-à-dire sans hésitation mais, aussi, loin de toute passion déréglée - le fait de confier à un collège de personnes le soin de se pencher sur les discriminations qui leur seraient signalées pour apprécier si ces pratiques sont condamnables en vertu de textes existants ou en vertu du principe plus fondamental d'égalité entre les citoyens, voire entre les personnes humaines au regard direct de leur humanité.

Le premier cas de figure est évidemment le plus simple. Quand une loi a déjà fixé les cas dans lesquels une différenciation entre des personnes est bannie, il suffit de vérifier la réalité des faits incriminés.

Il peut arriver, en revanche, que le second cas de figure soit soulevé. C'est la situation la plus délicate à apprécier dans la mesure où il faut considérer non seulement la réalité des faits, mais aussi le préjudice réel causé au plaignant en l'absence de textes et mesurer si l'absence de traitement égalitaire lui est réellement préjudiciable.

C'est surtout en ce domaine que s'ouvre un champ d'investigation particulièrement large pour la future Haute autorité. Si nous baignons dans les discriminations sciemment assumées, comme je l'ai indiqué, nous vivons aussi dans un océan de discriminations illégitimes et le plus souvent masquées, ignorées, voire invisibles.

C'est sur ce terrain que la future Haute autorité aura le plus matière à agir. Son oeuvre comportera incontestablement une importante dimension pédagogique, car si des discriminations injustes existent, c'est parce que notre regard est devenu aveugle à la dignité de notre humanité.

La lutte contre les exclusions rend particulièrement sensible à ces situations où, comme le disait Montaigne : « Qui veut faire justice en général commet l'injustice en détail ».

C'est pourquoi l'on doit se fixer comme principe de toujours rechercher le maximum de droit commun possible, mais aussi autant de droit spécifique que nécessaire pour parfois compenser des situations d'injustice que l'uniformité du droit provoquerait eu égard à des disparités entre les personnes. Toute la législation en faveur des personnes handicapées procède de ce principe. Mais il n'en reste pas moins vrai que le mot d'ordre de la lutte contre les exclusions reste guidé par le principe de l'accès de tous aux droits de tous.

C'est à la lumière de ces réflexions que le texte qui nous est soumis me semble bien marqué par la prudence requise dans un domaine aussi délicat et aussi important pour l'humanité de notre société.

Madame la ministre, nous avons vécu ensemble, ici même, samedi dernier, un moment extraordinaire d'espoir, avec la remise des prix aux lauréats du concours « Talents des cités ».

Il est incontestable que le chemin sur lequel nous nous engageons constitue un enjeu majeur. C'est celui de la justice concrètement atteinte et constamment à défendre. Il n'est pas aussi balisé qu'on pourrait le croire car le principe d'humanité peut facilement nous dépasser, comme l'avait bien compris Pascal, en affirmant que l'homme passait infiniment l'homme. Le chemin peut aussi être perdu de vue.

A nous d'entretenir la flamme de l'ambition de notre société en matière d'humanité.

J'ai apprécié dans ce sens les propos de notre rapporteur de la commission des lois et ses suggestions qui rejoignent celles de la mission de préfiguration présidée par M. Bernard Stasi.

En ce qui me concerne, je le suivrai dans ses conclusions. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les pratiques discriminatoires sont l'expression moderne et silencieuse du rejet de l'autre, la manifestation sourde de préjugés tenaces. Les discriminations, principalement celles qui sont fondées sur l'origine étrangère, réelle ou supposée, de personnes vivant en France tendent à se banaliser. Elles frappent souvent les plus faibles d'entre nous. Elles se révèlent être de nouvelles inégalités. Il nous faut les traiter comme telles.

La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité devrait poursuivre cinq missions : permettre aux personnes qui s'estiment l'objet de discriminations de faire effectivement valoir leurs droits en les accompagnant dans leurs démarches vers les diverses juridictions ; assurer une médiation entre les parties ; faire des propositions au législateur ; assurer la connaissance et le suivi des discriminations ; enfin, évaluer régulièrement les résultats des actions correctrices engagées.

Au delà, il lui revient également de mettre en évidence les situations de discriminations indirectes ou latentes et d'inciter les acteurs, tant publics que privés, à y remédier.

La lutte contre les discriminations passe non seulement par la loi, mais surtout par une politique nationale et globale intégrant l'ensemble des pouvoirs publics et visant à faire évoluer les comportements individuels et collectifs.

Le projet de loi que vous nous présentez, madame la ministre, trouve sa justification, pour certains, dans des valeurs de tolérance. Cette affirmation est, au mieux, une maladresse, au pire, un déni démocratique et républicain. Car la lutte contre les discriminations a pour unique fondement le respect du premier des principes démocratiques et républicains : l'égalité.

L'égalité démocratique sous-tend que les individus naissent égaux en droit, quels que soient leurs différences et leurs particularismes. Peu importe le sexe, la couleur de peau, le handicap, l'âge, l'orientation sexuelle : le droit considère les individus comme des semblables. Tout l'enjeu, la beauté de notre démocratie est de faire vivre cette exigence d'égalité : identité des droits et pluralité des identités individuelles.

Pour autant, cet idéal d'universalisme abstrait - censé fonder notre cohésion nationale - est contredit tous les jours par les pratiques des uns et par les expériences vécues des autres.

La place que la France offre à ses citoyens dépend encore beaucoup trop souvent de la couleur de la peau, du sexe, de la physionomie, du patronyme, de la religion vraie ou supposée de quelqu'un, de ses handicaps.

Ces violences que sont les pratiques discriminatoires participent à la construction identitaire de l'individu. Elles portent atteinte à l'image de soi. Elles entraînent une perte de confiance dans l'Etat et ses institutions.

De même, on ne peut à la fois parler de territoires perdus de la République et mener des politiques de démantèlement des services publics, qui restent des vecteurs de l'égalité.

Tout cela engendre l'humiliation et la frustration, mène au repli sur soi et au communautarisme, et met en péril notre pacte républicain.

Depuis de nombreuses années, je milite personnellement pour la création d'une autorité réellement indépendante, investie d'une mission d'aide aux victimes de discriminations. L'intérêt d'une telle instance avait été défendu dès 1998 par M. Belorgey. En 2000, l'Union européenne a adopté une directive enjoignant aux pays membres de se doter d'un organisme destiné aux personnes victimes de discriminations. A ce jour, la France est le dernier pays, avant l'Italie, à procéder à sa transposition.

Ardente militante de ce projet, je n'en suis que plus déçue aujourd'hui.

En effet, le projet de loi qui nous est soumis est nettement insuffisant. Il est en deçà du discours de Troyes du Président de la République, en deçà des préconisations de la mission de préfiguration menée par M. Bernard Stasi et en deçà des propositions des associations de lutte contre les discriminations. En outre, une amputation des moyens prévus pour la Haute autorité a déjà été tentée, alors même qu'ils n'étaient pas pléthoriques : c'est de mauvais augure.

La première réserve que je formulerai concerne la composition de la Haute autorité.

Les procédures de nomination sont tout à fait contraires à l'objectif d'indépendance. L'indépendance suppose le pluralisme : comment expliquer à nos concitoyens qu'une autorité dont huit membres sur onze sont nommés par le Président de la République, le Premier ministre et les présidents des deux chambres du Parlement peut être une autorité pluraliste et indépendante ? A cet égard, nous nous félicitons de la position de la commission des lois du Sénat sur cette question.

Toutefois, afin de nous assurer de ce pluralisme, nous présenterons des amendements tendant à aménager la procédure de désignation. Nous souhaitons notamment que les personnes nommées le soient au regard de compétences liées à la lutte contre les discriminations.

La seconde réserve que je souhaite exprimer concerne l'organisation de la Haute autorité.

Il nous semble impératif de doter la Haute autorité de structures départementales, ou, à défaut, régionales. La « République des proximités », que votre Gouvernement appelle de ses voeux, madame la ministre, ne peut se contenter d'une unique structure centralisée et parisienne.

Le renvoi de cette mention au décret d'application est, là encore, de mauvais augure. Nous préférerions que cette territorialisation soit inscrite dans la loi.

Un guichet unique à l'échelon local et ayant pour mission d'informer, de coordonner les dispositifs existants, de prévenir et de mettre en évidence les délits constituerait, selon nous, une avancée. Connu de tous, ce dispositif décentralisé contribuerait à freiner les processus discriminatoires.

J'en viens à la difficile question de l'articulation de la Haute autorité avec la justice.

Que ressent une personne victime d'une pratique discriminatoire, sinon un profond sentiment d'injustice. Pourtant, notre législation fourmille de textes nationaux et internationaux garantissant l'égalité et sanctionnant les discriminations.

Les victimes de discriminations subissent une double peine : la première est de ne pas avoir accès, au même titre que les autres citoyens, au logement, à l'emploi stable, à la santé, aux loisirs ; la seconde peine est d'assister, impuissantes, à l'impuissance de la justice. Peu d'affaires de discriminations sont portées devant les juridictions, et elles sont généralement « classées sans suite ».

Depuis 1998, nous assistons à une réelle prise de conscience politique sur cette question : création du Haut conseil à l'intégration, mise en place des commissions départementales d'accès à la citoyenneté, les CODAC, du groupe d'étude et de lutte contre les discriminations, le GELD, et du numéro vert contre les discriminations, le 114. Je citerai également l'aménagement de la charge de la preuve devant les juridictions civiles en matière de pratiques discriminatoires, avec la loi du 16 novembre 2001 et la reconnaissance du « testing » comme preuve.

Ces avancées, mises en oeuvre par le gouvernement de Lionel Jospin, ont permis de mieux évaluer les phénomènes discriminatoires et d'en analyser les mécanismes.

Néanmoins, ces mesures n'ont eu aucun impact significatif sur les comportements.

A cet égard, le texte que vous proposez, madame la ministre, comporte des avancées, que je salue. Mais, dans le respect de l'indépendance de la justice, nous vous présenterons plusieurs amendements visant à permettre à la Haute autorité de pouvoir tenir sa mission première qui est de garantir ce droit essentiel : le droit aux droits.

A ce sujet, il est en effet souhaitable que la Haute autorité ait la possibilité de demander à être entendue, sans qu'un refus puisse lui être opposé, devant les juridictions civiles, pénales et administratives. Il nous faut tout faire pour que la peur change de camp.

Si l'accès au droit et à la justice est un élément essentiel, il serait toutefois illusoire de croire que la lutte contre les discriminations trouve ses remèdes dans la seule existence de l'arsenal juridique. Cette lutte nécessite la mobilisation de notre système éducatif et du monde de l'entreprise.

C'est pourquoi je ne partage pas l'avis du député Pascal Clément, rapporteur du texte à l'Assemblée nationale. Pour lui, « ce projet fait état de l'égalité de dignité entre les hommes, et non de l'égalité des chances [...] qui ne relève pas des missions de la Haute autorité ».

Je me contenterai de rappeler que, dans un rapport de 1996, le Conseil d'Etat a affirmé que le principe d'égalité des chances s'imposait, depuis quelques années, comme la forme contemporaine du principe d'égalité.

C'est dans cet esprit que l'Institut d'études politiques de Paris, « Sciences Po », a ouvert ses portes à des bacheliers méritants provenant de zones défavorisées. Si, aux termes de l'article 14 du projet de loi, la Haute autorité n'entend pas l'égalité comme l'égalité des chances, comment pourra-t-elle, à l'instar de l'excellente initiative prise par « Sciences Po », inciter les classes préparatoires à réserver une partie de leurs effectifs aux bons élèves d'établissements situés en zone d'éducation prioritaire ?

Il s'agit là, non pas de discrimination positive contraire à nos principes, mais d'un juste rééquilibrage républicain.

Mme Bariza Khiari. Cette exigence implique que l'article 14 du projet de loi prévoit que la Haute autorité devra non seulement identifier, reconnaître et promouvoir toute bonne pratique en matière d'égalité des chances et de traitement, mais surtout - et c'est l'élément essentiel - susciter et soutenir les initiatives de tous organismes publics et privés en ce qui concerne l'élaboration et l'adoption d'engagements visant à la promotion de l'égalité des chances.

L'égalité entendue comme égalité des chances ne consiste pas à ériger la différence en droit, bien au contraire. L'action que l'Etat doit mener est celle du nécessaire rééquilibrage républicain.

L'égalité des chances doit inspirer toute notre politique éducative. Elle doit également pénétrer le monde des entreprises.

Cela est d'autant plus urgent que, dans le monde du travail, les pratiques discriminatoires se font souvent en connaissance de cause et en toute impunité.

Voilà vingt ans, j'ai participé à la « Marche pour l'égalité ». On disait alors que les difficultés d'insertion professionnelle des enfants d'immigrés étaient liées à un problème d'inadéquation de leurs qualifications avec les exigences du marché du travail.

Beaucoup d'enfants d'immigrés ont grandi à l'école de la République. Nombreux sont ceux qui ont fait des études supérieures longues. Ceux-là, plus que d'autres, ont cru au discours - ô combien porteur et stimulant - de la méritocratie républicaine !

Pourtant, de la même façon que leurs aînés de la « Marche pour l'égalité », ils continuent à être victime de discriminations, notamment dans l'accès à un emploi stable correspondant à leurs qualifications.

Dans certaines entreprises, l'idée qu'un Arabe ou un Africain puisse exercer des fonctions d'encadrement ou d'accueil des clients n'est pas encore admise.

Aujourd'hui, alors qu'ils ont joué le jeu et qu'ils sont parvenus à un niveau d'études « bac  +  5 », ces jeunes se rendent compte qu'il s'agissait d'un marché de dupe.

Pour ceux-là, l'égalité des chances en matière d'emploi tient à l'accès à un premier entretien d'embauche.

Une étude récente, menée par l'Observatoire des discriminations de l'Université Paris I - Sorbonne, sous la direction du professeur Jean-François Amadieu, a permis de hiérarchiser les variables de la discrimination : les chercheurs de Paris I ont répondu à 258 annonces d'emploi, en utilisant un curriculum vitae identique, mais des identités différentes. Je ne rappellerai pas le résultat - affligeant - de cette étude. Il figure en bonne place dans le rapport de M. Lecerf.

Cette étude démontre, s'il en était encore besoin, les contradictions qui existent entre les principes du droit, nos idéaux républicains et la réalité quotidienne. Les discriminations sont tellement flagrantes qu'elles conduisent à une « mort sociale programmée » de beaucoup de nos concitoyens.

C'est pourquoi le groupe socialiste défendra plusieurs amendements visant à favoriser l'accès à l'emploi dans les entreprises, notamment le premier entretien en généralisant l'anonymat des curriculum vitae - M. Bébéar a d'ailleurs fait cette proposition dans le rapport qu'il a remis hier à M. le Premier ministre - et à promouvoir les entreprises qui s'engagent dans la lutte contre les discriminations et l'affichent dans leur bilan social.

Le dernier point que j'évoquerai porte sur l'article 14 du projet de loi.

Le champ de compétence de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité en matière de promotion de l'égalité ne peut se cantonner uniquement aux discriminations prohibées par la loi. Je crains que la rédaction actuelle de l'article 14 ne permette pas à la Haute autorité de mener des études sur les emplois réservés aux seuls nationaux. Or, ces emplois fermés aux étrangers disposant de la citoyenneté de résidence représentent plus de six millions de postes. La Haute autorité doit pouvoir faire des recommandations, notamment législatives, sur les discriminations qui, pour ne pas être illégales, n'en sont pas moins intolérables.

Quant aux amendements proposés par le Gouvernement portant sur les propos à caractère sexiste et homophobe, le moins que nous puissions faire est de dénoncer le procédé que vous utilisez, madame la ministre, qui nous empêche de travailler sereinement, comme M. le rapporteur l'a souligné à juste titre.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la République est un idéal. Il arrive trop souvent qu'elle soit une promesse mal tenue. Gambetta disait : « Ce qui constitue la vraie démocratie, ce n'est pas de reconnaître des égaux, mais d'en faire. » Or, à cause des moyens qui sont accordés à la Haute autorité, le texte qui est soumis à notre examen s'avère timide pour assurer cette égalité.

En conclusion, dans un contexte de crise sociale où les repères traditionnels semblent inopérants, la pratique massive des discriminations est un élément aggravant de la dissolution du pacte républicain. Par ailleurs, ces pratiques nuisent grandement à l'image de la France. Pour notre pays, la véritable menace serait de devenir une terre de départ, et non plus d'accueil. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. Jacques Pelletier et M. le rapporteur applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Alex Türk.

M. Alex Türk. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je formulerai quelques remarques qui touchent à l'organisation même de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, car l'objet de sa création a déjà été circonscrit et les modalités ont été largement décrites par les orateurs qui m'ont précédé.

Depuis quelque temps, tant nos collègues que des observateurs s'interrogent sur le statut même des autorités administratives indépendantes. Ils vont jusqu'à les remettre en question en se demandant à quoi elles servent et pour quelle raison des institutions de cette nature sont créées.

Je rappellerai une évidence : on a créé ces autorités administratives indépendantes parce que l'on ne pouvait pas faire autrement. En effet, qui pouvait proposer des sanctions et formuler des recommandations sans être le Parlement qui définit la norme, ni le Gouvernement qui serait juge et partie, ni une juridiction qui ne peut que prononcer la sanction et qui serait vite débordée pour des raisons d'emploi du temps, ni les associations acteurs du droit privé qui ne disposent pas des moyens nécessaires, si ce n'est une autorité administrative indépendante ? Dans un pays qui veut un tant soit peu respecter la séparation des pouvoirs, il est indispensable de recourir au concept de l'autorité administrative indépendante.

Si l'on fait ce choix - et tel est la décision du Gouvernement, que j'approuve -, il faut respecter un certain nombre de règles. Le texte en respecte beaucoup, et je m'en félicite. De plus, grâce aux amendements qui ont été déposés et que nous examinerons cet après-midi, le texte a encore beaucoup progressé en la matière.

J'aborderai maintenant les points sensibles d'une telle autorité.

Trois textes créent une telle instance. Le premier texte, c'est la loi, et elle nous concerne. Nous devons écrire dans la loi l'essentiel de ce que nous avons à dire sur cette autorité. Les deux autres textes sont le décret d'application, qui sera nécessaire, et le règlement intérieur de la Haute autorité.

L'expérience montre que l'indépendance, l'autonomie réelle de l'autorité se joue dans la loi et dans le règlement intérieur. En effet, c'est par le biais du règlement intérieur que la Haute autorité mettra en place son propre mode de fonctionnement, bien entendu dans le respect des textes.

Nous devons essayer de tout prévoir dans la loi et de faire en sorte que nous accordions le moins de place possible au décret d'application. J'adjure le Gouvernement de faire en sorte que le décret d'application laisse la plus grande place possible au règlement intérieur.

Ma deuxième observation concerne le mécanisme de contrôle, qui, à l'évidence, est le coeur du texte. Il faut que nous réussissions à mettre en place un mécanisme de contrôle efficace et respectueux des droits, sinon ce n'est même pas la peine de créer cette instance.

C'est pourquoi je suis très heureux de constater que la commission des lois a amélioré le dispositif prévu. Ne l'oublions pas, il s'agit de faire en sorte, d'une part, que la Haute autorité soit efficace dans le cadre de ses investigations et des contrôles qu'elle opérera sur place et, d'autre part, que les droits de la défense soient respectés. En effet, rien ne serait plus dangereux que de faire en sorte que les efforts consentis pour améliorer le fonctionnement de la preuve se transforment progressivement en un système de calomnies. Il est donc indispensable d'assurer cet équilibre.

Ma troisième observation porte sur les moyens. A cet égard, je suis assez dubitatif. J'ai lu ici ou là que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité serait dotée de quatre-vingts personnes. D'où vient ce chiffre ? La CNIL, la Commission nationale de l'informatique et des libertés, comprend quatre-vingts personnes après vingt-six ans de fonctionnement, alors que la CNIL allemande, par exemple, en compte quatre cents. Comment peut-on savoir aujourd'hui qu'il faudrait prévoir quatre-vingts personnes au sein de cette autorité ?

S'agissant du budget, on entend des sommes fort différentes. En réalité, personne n'en sait rien. Il faut réfléchir à une méthode de montée en puissance. Progressivement, cette autorité pourra avoir des moyens supplémentaires pour assumer sa compétence. C'est d'autant plus vrai que nous ne savons pas encore combien de personnes seront nécessaires. Alors que certains avancent le chiffre de quatre-vingts membres, certaines associations prétendent que ce n'est pas suffisant. En réalité, je le répète, personne ne le sait.

Ces trois points sont très sensibles car ce sont eux qui conditionnent l'indépendance de cette instance.

En conclusion, je ferai deux remarques.

Monsieur le rapporteur, lorsque vous évoquez les problèmes de visibilité et d'égalité positive, je comprends parfaitement l'esprit qui vous anime, mais je vous mets en garde, c'est une question extraordinairement sensible et complexe, qui mériterait, à mon avis, un débat ici même, au Parlement. On ne peut imaginer un seul instant qu'en abordant le problème de la discrimination positive il s'agisse uniquement de régler un problème mécanique et technique. Ce serait une évolution majeure, qui nécessite une réflexion approfondie au plus haut niveau, c'est-à-dire au niveau du Parlement.

Enfin, s'agissant du statut des autorités administratives, comme l'a souligné le rapporteur, il faudrait engager une réflexion, car il existe une grande différence entre le Parlement, le Gouvernement, les juridictions et une telle autorité. Cette autorité n'a pas forcément pour destin d'être éternelle. Je me référerai à la célèbre expression de Martin Luther King : nous devons faire le rêve qu'un jour cette autorité ne soit plus utile.

En effet, la Haute autorité doit exister en tant que telle mais, par un simple parallélisme des formes, elle peut disparaître dans les mêmes conditions. Pour ce qui concerne les problèmes de discrimination, le jour où notre pays sera parvenu à l'âge adulte, la Haute autorité disparaîtra de manière tout à fait naturelle. C'est ce but qu'il nous faut viser. Nous devons donc doter cette instance de tous les moyens nécessaires à sa mise en place mais, simultanément, nous devons parfaitement encadrer le champ de ses compétences. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Christian Cambon.

M. Christian Cambon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, à l'heure où d'aucuns préconisent la mise en place de discriminations positives, un constat s'impose. Notre politique de lutte contre les discriminations est-elle suffisante ?

Aujourd'hui, vous le savez, la réponse judiciaire aux pratiques discriminatoires demeure très faible et sans réelle efficacité, la plupart des affaires étant classées sans suite. Il est donc de notre responsabilité, à nous qui sommes engagés en politique pour soigner les maux de notre société, de privilégier enfin un traitement plus long, mais plus efficace, de ce mal qu'est la discrimination et qui frappe hélas ! trop souvent notre société.

Tel est bien l'objet du texte qui nous est aujourd'hui soumis.

En effet, le projet de loi prévoit de mettre en place un organisme doté de moyens réellement efficaces, qui privilégierait le traitement des discriminations par la médiation, et examinerait ce problème à la racine, en cherchant à développer les bonnes pratiques en matière d'égalité.

Par ailleurs, ce projet de loi répond à une triple volonté : celle du chef de l'Etat, de l'Union européenne et des Nations unies.

Le Président de la République a eu à coeur, depuis son arrivée au pouvoir, de lutter contre les discriminations et de promouvoir l'égalité.

Dès sa première élection en 1995, le Président de la République a fait de l'égalité des chances un des thèmes majeurs de sa campagne présidentielle. Peu de temps après sa réélection, il s'est également engagé, lors du discours qu'il a prononcé à Troyes en octobre 2002, à lutter « sans faiblesse » - ce sont ses propres mots - contre toutes les formes de discrimination. L'insertion des handicapés, par exemple, fut dès lors l'un des trois chantiers prioritaires de son nouveau quinquennat.

La recrudescence du nombre des actes antisémites et racistes en France n'a fait que renforcer la détermination du chef de l'Etat, garant de l'égalité républicaine et de la cohésion sociale.

Le Gouvernement et le Parlement n'ont pas attendu le présent texte pour agir, qu'il s'agisse de la loi du 3 février 2003 visant à aggraver les peines punissant les infractions à caractère raciste, antisémite ou xénophobe, de la loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure ou de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Tous ces textes prévoient en effet un renforcement de la répression de certains actes discriminatoires. Ainsi, si un délit ou un crime est accompagné d'un acte de discrimination, ce dernier constitue désormais une circonstance aggravante.

Toutefois, à ce volet répressif, il convenait d'ajouter un volet plus préventif, par l'intermédiaire d'une institution juridique spécialisée, indépendante, qui favoriserait la médiation et agirait pour la promotion de l'égalité républicaine. Tel est d'ailleurs l'objet des recommandations du Comité des droits de l'homme de l'ONU et de l'article 13 du traité de l'Union européenne, qui sont à l'origine de plusieurs directives, notamment celle du 29 juin 2000, que nous devons transposer aujourd'hui dans notre droit interne.

C'est dans ce contexte que le chef de l'Etat a confié, il y a un plus d'un an, l'élaboration d'un rapport sur ce sujet à M. Bernard Stasi, ancien Médiateur de la République, auquel le groupe de l'UMP tient à rendre hommage pour la qualité de son travail. Les conclusions de son rapport ont été reprises, pour une large part, dans le présent texte.

Il nous est donc aujourd'hui proposé de créer une nouvelle autorité administrative indépendante, chargée de lutter contre toutes les formes de discriminations et de promouvoir le principe d'égalité.

Composée de onze membres, choisis parmi des personnalités indépendantes, la Haute autorité sera dirigée collégialement, ce qui devrait permettre d'additionner les compétences, d'assurer le pluralisme des courants de pensée et de garantir ainsi son indépendance.

Les syndicats et associations qui travaillent depuis de longues années sur le terrain, et auxquels je tiens à rendre hommage, seront automatiquement associés au travail de la Haute autorité, à travers la création d'un organisme consultatif auquel ils appartiendront. Ils pourront également faire partie du collège, si certains de leurs membres sont nommés parmi les onze personnalités qualifiées.

La simplification de la saisine, qui pourra se faire directement par simple courrier, est aussi un point très positif. Elle devrait permettre aux victimes de discrimination de réagir plus facilement et plus rapidement.

Il est également essentiel que la Haute autorité puisse se saisir de toutes formes de discrimination, sans énumération limitative.

II était par ailleurs indispensable qu'elle soit dotée de prérogatives originales, pour éviter tout doublon de son travail avec celui des pouvoirs publics et des organismes de lutte contre les discriminations existants.

Sans être dotée de pouvoirs de police judiciaire, la Haute autorité pourra néanmoins procéder à des enquêtes et vérifications au sein des administrations, organismes et entreprises publics ou privés. Elle pourra également saisir la justice en référé si la personne incriminée refuse de fournir les informations ou documents demandés. Enfin, à la demande des juridictions, elle pourra présenter ses observations à l'audience.

La Haute autorité pourra également être consultée par le pouvoir législatif ou réglementaire, en plus du pouvoir judiciaire, sur les textes relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité.

Elle sera en outre - et c'est une nouveauté - dotée d'un budget de recherche en matière de promotion de l'égalité et devra chaque année rendre compte de ses résultats à travers un rapport public rendu au Parlement et au Président de la République.

Nous le voyons bien, cette Haute autorité, dotée d'un budget général de 9 millions d'euros, devrait pallier efficacement les insuffisances actuelles et notamment les carences du groupe d'études et de lutte contre les discriminations, mises en lumière par le rapport de M. Stasi.

Les commissions départementales d'accès à la citoyenneté, chargées d'assurer le traitement et le suivi local des cas signalés à ce groupe d'études, n'ont en effet pas été à la hauteur des objectifs qui leur avaient été fixés. La plupart des signalements transmis aux parquets ont, hélas ! abouti à des décisions de classement.

Le numéro d'appel gratuit, le 114, mis à la disposition de nos concitoyens par le groupe d'études pour signaler les cas de discrimination, n'a pas, non plus, obtenu les résultats escomptés. Seuls 2 % des appels recensés correspondaient à de réels problèmes de discrimination, les 98 % restants s'avérant purement fantaisistes.

C'est la raison pour laquelle il me semble nécessaire de rendre ce service payant. L'appel téléphonique doit être facturé.

Certes, il doit être d'un coût modique pour demeurer accessible à tous. La non-gratuité, même symbolique, devrait avoir un effet dissuasif et limiter, au moins en partie, les appels fantaisistes qui accaparent inutilement le temps et l'énergie des personnes travaillant pour ce service.

Concernant ces personnels du groupe d'études et de lutte contre les discriminations, nous nous félicitons de l'apport de l'Assemblée nationale qui a veillé à ce qu'il ne soit pas procédé à des licenciements, en leur garantissant la possibilité d'être réemployés contractuellement par la Haute autorité.

A l'heure de la simplification administrative et juridique et de la réduction du nombre des commissions, il s'agit donc non pas de créer un nouvel organisme inutile, mais de remplacer progressivement un organisme existant par une autorité administrative réellement efficace, aux prérogatives élargies et originales, répondant ainsi aux recommandations européennes et internationales.

Son rôle essentiel sera le soutien aux victimes, la médiation et la mise en valeur des bonnes pratiques en matière d'égalité.

Le présent projet de loi prévoit, par ailleurs, d'intégrer les dispositions qui figuraient initialement dans le projet de loi visant à lutter contre le sexisme et l'homophobie déposé en juin par le Gouvernement.

Je me félicite que ces nouvelles dispositions, certes nécessaires, tiennent compte de certaines critiques formulées par la Commission nationale consultative des droits de l'homme et par les entreprises de presse qui redoutaient une atteinte grave à la liberté de la presse.

Si ces dispositions prévoient de réprimer la diffamation, l'injure et les provocations à la discrimination, à la haine et à la violence, en raison du sexe ou de l'orientation sexuelle de la personne, commises par voie de presse, il s'agit de ne les réprimer que dans un certain nombre de cas relativement graves et limitativement énumérés par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal.

Il s'agit notamment de cas relatifs à l'emploi - on sait combien cela est grave -, à la fourniture de biens et de services, au logement et au bénéfice des droits accordés par la loi.

Par ailleurs, au lieu des 12 mois prévus par le projet de loi initial, leur prescription est réduite à 3 mois, comme c'est aujourd'hui le cas pour tous les délits commis par voie de presse. Il s'agit d'une mesure de bon sens dont on ne peut que se féliciter.

Autre mesure de bon sens : le projet de loi initial sur l'homophobie et le sexisme prévoyait des peines plus lourdes pour les discriminations en raison de l'orientation sexuelle de la victime que pour les discriminations en raison de son sexe. Cela semblait particulièrement injuste et incohérent. Les dispositions insérées dans le présent projet de loi prévoient désormais que les propos sexistes et homophobes tenus par voie de presse seront réprimés avec la même sévérité.

Pour toutes les raisons que je viens d'évoquer, le groupe UMP et moi-même tenons, madame la ministre, monsieur le rapporteur, à vous apporter notre soutien. Notre groupe, à une très large majorité, votera ce texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Madame la ministre, mes chers collègues, chaque orateur a fait référence au rapport de M. Stasi, qui assiste à nos débats. Je le salue très cordialement au nom de la Haute Assemblée.

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les adjectifs ne manquent pas pour dénoncer toutes les discriminations vécues chaque jour en France. Pour résumer, je dirai qu'elles sont inacceptables.

Comptabiliser chaque fait condamnable est impossible, se battre pour que tous disparaissent est nécessaire, bien sûr par obligation morale, mais aussi pour apaiser les graves tensions dont souffre notre société. En effet, chacune de ces pratiques discriminatoires non sanctionnée instille le doute, le désespoir et la révolte. Au nom du principe d'égalité des droits sur lequel est fondé notre régime politique, nous refusons tous ici de renoncer, car renoncer à se battre pour faire respecter le principe d'égalité, c'est rompre le pacte républicain. Si nous voulons refuser les révoltes individuelles ou les zones de non-droit, l'Etat doit affirmer fortement le droit et ses prérogatives régaliennes pour réussir le passage de l'égalité formelle à l'égalité réelle.

En préambule, je soulignerai que la création de cette Haute autorité est, de plus, une obligation communautaire : la France vient de recevoir une leçon de l'Europe dans un domaine où elle pensait avoir peu à apprendre, le domaine des droits de l'homme. Je rappelle que, par directive, le Conseil fait obligation aux Etats membres de désigner un ou plusieurs organismes chargés d'apporter une aide indépendante aux victimes de discrimination. En France, nos concitoyens pouvaient, certes, saisir la justice sur les fondements d'une législation très complète et récemment renforcée, mais chacun sait, ici, que les condamnations sont rares. Les victimes ne disposent toujours pas d'un organisme ad hoc permettant à la fois de dégager des solutions non contentieuses et d'aider les victimes devant les juridictions. Comme souvent, la France a tardé à transposer la directive. La mission de préfiguration présidée par Bernard Stasi va permettre à notre pays de se doter de cet outil, si longtemps attendu.

C'est l'occasion de redire à nos concitoyens qu'au-delà de sa réalité économique l'Europe doit aussi être pour tous un projet politique ambitieux fondé sur une conception humaniste de l'homme.

La création de la Haute autorité est donc une obligation. Elle est aussi une réponse à un besoin identifié : par sa compétence générale, qui l'autorise à lutter contre toutes les formes de discrimination, c'est-à-dire le sexe, le handicap, l'âge ou l'origine, prohibées par un engagement international ou par la loi ; par des moyens financiers non négligeables - 10,7 millions d'euros -, supérieurs au budget du Médiateur de la République ; par des moyens humains évalués à 80 personnes, intégrant, si celui-ci le souhaite, le personnel du groupe d'études et de lutte contre les discriminations, dont l'expérience acquise en matière de discrimination raciale sera très utile.

Je souhaite mettre en valeur trois prérogatives originales pour une autorité administrative indépendante : son habilitation à procéder à des enquêtes sur place, sa possibilité de saisir le juge des référés pour que ses demandes d'information soient suivies d'effet et sa possibilité de présenter ses observations à l'audience. Les victimes disposeront désormais d'une instance qui les aidera concrètement.

Sans attendre le premier rapport annuel de la Haute autorité, je proposerai deux dispositions qui rendront cette autorité plus efficace.

En plus de la saisine directe et de l'autosaisine, je souhaite que nos concitoyens puissent saisir la Haute autorité par l'intermédiaire d'un parlementaire, député, sénateur ou représentant français au Parlement européen.

Je souhaite également que tous ces parlementaires puissent la saisir de leur propre chef, ce qui constituera, avec près de mille élus, un maillage territorial très efficace.

Chargée d'une double mission, lutter contre les discriminations et promouvoir l'égalité de traitement, la Haute autorité sera un outil indispensable, mais, nous le savons, toujours insuffisant face aux discriminations insidieuses. Légiférer est utile, mais ne sera jamais suffisant : comme pour la défense de la laïcité, il faut faire adhérer et convaincre. Ce combat doit être mené à la source, c'est-à-dire à l'école, et je salue l'initiative du ministre de l'éducation, qui vient de diffuser à plus de 250 000 exemplaires l'excellent Guide républicain auprès des enseignants et dans chaque bibliothèque scolaire. Il rappelle « les fondements et les enjeux de notre ambition républicaine ».

La soif de justice à laquelle il ne serait pas répondu conduira à la révolte. Le groupe du RDSE soutiendra la création de cette Haute autorité, qui doit faire rapidement preuve de son efficacité. Il ne s'agit ni de dilution du pouvoir politique, ni de dilution du pouvoir des juges : la création de cette Haute autorité doit redonner l'espoir à ceux qui en ont été privés par notre indifférence ou notre passivité. (Applaudissements sur les travées du RDSE et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la directive européenne du 29 juin 2000 relative à l'égalité de traitement entre les personnes, sans aucune distinction, et l'article 13 du traité d'Amsterdam invitent les Etats membres à adopter des politiques de lutte contre les discriminations et leur font obligation de se doter d'un organisme indépendant. Nous nous réjouissons donc que le Gouvernement nous propose enfin, par ce projet de loi, de la transposer en droit interne.

Rappelons que ces politiques vont au-delà de la seule transposition des directives européennes en matière de promotion de l'égalité de traitement. La France est, à cet égard, très en retard.

Aussi, nous pouvons nous poser la question de l'existence d'une véritable volonté politique ou d'une initiative qui semble uniquement répondre de manière minimaliste aux obligations européennes pour éviter à la France d'être une nouvelle fois condamnée.

Au préalable, il est important de réaffirmer que la lutte contre les discriminations doit s'inscrire dans un dispositif global, dans le cadre de l'action publique comme de l'action civile, où convergent les efforts du législateur, du Gouvernement et des acteurs locaux.

En outre, il doit offrir une protection juridique complète et donner à la Haute autorité les moyens de fonctionner en lui procurant des moyens humains et financiers à la hauteur des enjeux auxquels elle sera confrontée.

Dans un souci d'efficacité et de crédibilité, il est important que cette Haute autorité soit unique et universelle.

Unique, car elle aura ainsi une vision d'ensemble des différentes formes de discriminations, et elle évitera une superposition de diverses structures spécifiques, voire parfois une certaine hiérarchisation des discriminations, notamment en cas de cumul des handicaps.

Universelle, parce qu'elle doit couvrir toutes les catégories de discriminations, dans tous les domaines - emploi, formation, santé, logement, culture, école - et qu'elle doit contrôler tous les agissements discriminatoires, quels que soient leurs formes et leurs auteurs.

Les textes en vigueur ne prévoient que certaines catégories de discriminations. Il convient donc de compléter la liste de ces dernières pour prendre en compte de manière plus exhaustive tous les critères prohibés de distinction, en s'attachant à ne pas fermer toute possibilité d'évolution de cette liste avec le temps.

L'Europe avait, dès l'origine, bien défini le champ des discriminations, « fondées sur le sexe, l'origine ethnique, la religion ou les convictions, un handicap, l'âge ou l'orientation sexuelle », et comme nous pensons que chacune de ces discriminations, sans aucune exclusive, doit être combattue, il nous semble nécessaire de reprendre in extenso dans le projet de loi cette définition donnée par l'Europe.

Le champ de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, doit comprendre toutes les discriminations, « directes ou indirectes, prohibées ou non par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie prenante ».

A ce jour, le projet de loi prévoit que la HALDE ne peut intervenir que sur les discriminations prohibées par la loi.

Or, le texte sur la pénalisation des propos homophobes et sexistes devrait être abandonné, ce que nous regrettons vivement : il s'agit d'un recul dans la lutte contre les discriminations. Certes, des amendements tenteront de pallier cette lacune, mais nous ne comprenons pas cette méthode arbitraire et tardive.

Par ailleurs, nous devons être plus particulièrement attentifs aux discriminations qui pourraient contrevenir aux dispositions de la Déclaration universelle des droits de l'homme du 10 décembre 1948, de la Convention européenne des droits de l'homme du 4 novembre 1950 et de la Charte des droits de l'enfant de l'ONU du 20 novembre 1989, concernant le droit à l'éducation. Le droit international n'est-il pas supérieur au droit national, notamment lorsque ce dernier génère des discriminations ?

Pour enrichir ce texte, notre contribution a été élaborée à partir des auditions auxquelles nous avons procédé, qu'il s'agisse d'associations de défense des droits humains en général, mais aussi des personnes handicapées et homosexuelles, ainsi que d'associations spécifiques qui interviennent dans le domaine de l'emploi, du logement ou de l'école.

Ces associations ont, je le regrette, été peu entendues, parfois même ignorées lors de l'élaboration de ce projet de loi.

Leur mise à l'écart, qui s'est poursuivie pendant les travaux préparatoires à l'Assemblée nationale puis ici même, au Sénat, témoigne d'un mépris envers des acteurs pourtant incontournables sur le terrain et qui seront essentiels pour assurer le succès de cette structure.

Pour le moment, notre satisfaction reste mitigée, car, à notre sens, ce projet de loi souffre encore d'imperfections graves qui ne donnent pas à la HALDE les moyens qu'exigent les discriminations de toutes sortes qui sévissent dans notre pays.

Peut-être aurait-il fallu s'inspirer davantage des expériences européennes qui ont précédé la nôtre, et en retenir davantage les éléments dont l'efficacité a été prouvée ? Nous pensons, en particulier, à l'expérience belge du Centre pour l'égalité des chances et la lutte contre le racisme, le CECLR, et, surtout, à celle du Conseil pour l'égalité britannique, qui a acquis une véritable légitimité et démontré son efficacité.

A l'image de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, je souhaite formuler un certain nombre d'observations autour de trois aspects qui me paraissent essentiels pour permettre une plus grande efficacité de cette institution : son indépendance et son pluralisme, la place centrale des victimes et leur accès à l'institution, le fonctionnement et les moyens que l'on se donne pour réussir.

Pour bénéficier d'une légitimité dans son action, la HALDE doit apparaître comme une autorité aussi légitimement fondée et autonome dans son établissement que dans son fonctionnement. En effet, l'administration publique pouvant, elle-même, être l'auteur de discriminations,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Bien sûr !

Mme Alima Boumediene-Thiery. ...si la HALDE était placée auprès d'un ministre ou structurée comme une émanation de la puissance publique, elle n'aurait pas l'indépendance nécessaire à l'égard de cette administration publique.

De ce point de vue, le fait que les membres de la Haute autorité soient désignés par de hautes personnalités ne nous semble pas adéquat.

La majorité d'entre eux devraient, selon nous, être élus par les assemblées, dans le respect du pluralisme politique.

Quant à son président, il devrait être élu par ses pairs, ce qui établirait, bien mieux que dans l'actuel projet de loi, la légitimité et l'indépendance de la HALDE.

Sans prétendre vouloir redessiner tous les contours précis de la HALDE et redéfinir sa composition, nous estimons qu'elle devrait être une autorité collégiale plutôt qu'une autorité incarnée par une personne unique.

Il convient de mettre en place une autorité de plein exercice, et non pas un simple médiateur qui risquerait d'avoir un rôle symbolique. Ses membres devraient être choisis en raison de leur compétence et de leur expérience, et être issus de la société civile.

Cette légitimité « par en haut » doit être complétée par une légitimité « par en bas », oserions-nous dire, qui permette effectivement à toute victime de saisir la HALDE.

Cette saisine est prévue par l'article 3. Cependant, il nous semble indispensable que les organisations de lutte contre les discriminations et les parlementaires soient autorisés à saisir la Haute autorité, ce que ne prévoit pas le projet de loi.

Enfin, il est essentiel que la Haute autorité puisse demander des explications à toute personne physique ou morale, publique ou privée, et pas seulement « à toute personne privée », et exiger des réponses à ses interpellations, faute de quoi elle perdrait une bonne part de sa légitimité et de son efficacité.

Le recours au droit et à la justice, protecteur pour les personnes fragilisées, doit être utilisé à chaque fois qu'il est possible. Malheureusement, il est loin d'être à lui seul suffisant pour constituer un cadre unique de lutte contre les discriminations.

Il n'en reste pas moins que, même si elles arrivent devant les tribunaux, les discriminations aboutissent très rarement à des condamnations en justice. L'arsenal juridique est difficile à actionner pour les victimes, déjà fragilisées par la discrimination, voire terrorisées par certaines pressions.

Il nous semble donc extrêmement positif que le projet de loi reprenne une idée-force de la directive européenne concernant la « charge de la preuve » pour une victime de discrimination, ce qui est souvent difficile à établir, en affirmant que la victime devra simplement établir les faits, à charge pour la partie adverse de prouver que ces faits ne sont pas le fruit d'une discrimination.

Parce qu'il s'agit de créer non pas une autorité « centralisée », mais une autorité capable de répondre au plus près des préoccupations de nos concitoyens - car, chacun le sait, c'est au plus près que s'exercent le plus violemment les préventions de toutes natures -, la HALDE doit disposer de relais au niveau territorial. Au minimum, son implantation régionale est essentielle.

On pourrait imaginer mettre en place des délégués locaux, ou départementaux, selon les besoins, pour lutter concrètement contre les discriminations.

Puisque le projet de loi prévoit que la HALDE disposera de services et pourra recruter des agents contractuels, compte tenu des missions qui vont être dévolues à ces agents, plusieurs choses paraissent nécessaires, l'autorité devant pouvoir s'appuyer sur des délégations régionales.

Compte tenu de leurs missions, ces agents devront être assermentés et, pour nombre d'entre eux, être des fonctionnaires détachés des différents corps d'inspections.

Par ailleurs, nonobstant les compétences propres de ces différents corps d'inspection, la HALDE devra avoir la capacité de recourir, en tant que de besoin, à la compétence de ces inspections.

Ces délégués locaux contribueraient à accueillir, à écouter et à donner des informations aux victimes, puis à les orienter vers les conseils juridiques existants.

Toutefois, ils devraient aussi jouer un rôle majeur et ne pas se limiter à un rôle d'information. Ils devraient animer et coordonner le réseau local des acteurs de la lutte contre les discriminations.

Ils devraient également avoir une fonction d'assistance aux personnes, un pouvoir d'investigation pour permettre une meilleure instruction liée à des enquêtes locales, pour, enfin, transmettre à l'autorité nationale toutes les situations dont ils auraient connaissance.

Un rapport annuel rendra compte de l'ensemble des saisines et de leurs résultats ; il comportera des recommandations. Il serait bon que ce rapport soit rendu public.

Quant aux procédures, elles devront être claires et transparentes.

Or, alors que le projet de loi prévoit que les agents de la HALDE seront susceptibles de faire des mises en demeure, aucune procédure n'est prévue quant aux suites de celles-ci, en particulier sur deux points essentiels : le débat contradictoire et les suites administratives éventuelles en cas de non-respect de la mise en demeure.

Les seules suites envisagées le sont en termes de saisine judiciaire, ce qui n'était d'ailleurs pas nécessaire puisqu'elles sont, de toute façon, rendues obligatoires, si le cas le justifie, par l'article 40 du code de procédure pénale.

De plus, il n'est pas prévu que la victime, ou la personne mise en cause, pourra se faire accompagner d'un conseil ou se faire représenter.

Les agents de la HALDE doivent-ils être en mesure d'effectuer des investigations sur place sans l'accord préalable des intéressés éventuellement mis en cause ? Il serait alors nécessaire d'encadrer ces investigations.

J'en viens aux moyens prévus par le projet de loi de finances pour 2005.

Il me semblait que toute volonté politique devait se traduire par la mise en oeuvre de moyens. Alors que nous n'avons pas encore entamé le débat, nous apprenons que le budget affecté à la Haute autorité a été réduit à 9 millions d'euros par les députés...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Non !

Mme Alima Boumediene-Thiery. ...sous prétexte d' « aligner » les dépenses que la France alloue à la HALDE sur celles que la Belgique accorde à l'autorité équivalente, alors que nos populations ne sont pas quantitativement comparables. Au Royaume-Uni, l'organisme analogue luttant contre les discriminations dispose de 30 millions d'euros.

Ainsi, les grandes déclarations de lutte contre les discriminations n'auront peut-être duré que le temps d'un affichage.

Pourtant, il a été clairement dit que la Haute autorité ne serait qu'une coquille vide si les moyens prévus ne permettent pas de mettre en place des relais locaux susceptibles de recueillir les plaintes ni d'accompagner les victimes.

Nous ne saurions conclure sans rappeler que la lutte contre les discriminations est la voie principale pour aboutir à l'égalité des droits et des chances, à laquelle nous aspirons toutes et tous.

Mais de quelle égalité parlons-nous ? De l'égalité républicaine, quitte à faire de notre République un rouleau compresseur qui exclut ?

Où est l'égalité ? Quand on ne peut pas travailler ni se loger en raison d'un état de santé ? Quand on refuse d'assurer des personnes en raison de leur séropositivité ? Quand, lors de leur entretien d'embauche, les jeunes sont sélectionnés en fonction de leur nom ou de leur adresse ? Quand des millions d'emplois sont réservés aux nationaux ? Quand, selon sa nationalité, on peut subir une double peine ? Quand, parce que l'on est ressortissant d'un Etat tiers, on est exclu d'une citoyenneté active, exclu du droit de vote et de la liberté de circulation ?

Où sont les droits des enfants ? Quand l'école publique exclut et produit un tel échec ?

Où sont les droits fondamentaux ? Quand le droit de travailler, de se marier, de vivre en famille, de se soigner ou de s'éduquer est bafoué quotidiennement ? Quand des milliers d'exilés sont enfermés dans des camps et que la vie des étrangers pèse aussi peu dans la guerre que l'Europe livre pour défendre ses frontières ?

Il est évident que la naissance de cette Haute autorité souligne l'échec de toutes les politiques de lutte contre les injustices et les exclusions.

Nous attendions de ce projet de création d'une autorité indépendante des résultats tangibles et concrets, car il s'agit de rétablir l'universalité des principes d'égalité entre tous les citoyens.

Or, le texte reste bien en deçà de toutes les attentes suscitées par l'ampleur de ce problème, qui met en danger notre démocratie.

Nous espérons que la Haute autorité ne se réduira pas à un « observatoire des discriminations » pour informer les victimes et pour favoriser les médiations, tout en servant de masque à une certaine impunité.

Nous exprimons ici notre déception et affirmons que nous serons vigilants.

Madame la ministre, le fait de créer cette autorité n'est pas suffisant pour que nous vous donnions « carte blanche ». Si nous ne pouvons, bien sûr, pas être défavorables à la création de cette instance, il n'en reste pas moins que nous veillerons très attentivement à sa réalité.

Nous refusons qu'il s'agisse d'un organisme pour rien, pour masquer seulement l'absence de volonté politique.

Face à l'hypocrisie de la majorité de nos instances, face au manque de souffle et d'ambition d'un tel projet, notre abstention est la meilleure des réponses. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. David Assouline.

M. David Assouline. Monsieur le président, madame et monsieur les ministres, mes chers collègues, Mme Bariza Khiari a, au nom du groupe socialiste, déjà dit l'essentiel sur le sujet dont nous discutons.

Je voudrais, quant à moi, élargir le débat, car nous sommes dans une société malade : le rejet de l'autre devient monnaie courante, les actes racistes et antisémites se répandent, les violences faites aux femmes s'aggravent, l'homophobie a pignon sur rue.

Il ne faut pas déconnecter ce problème du débat sur la lutte contre les discriminations.

Certes, le rejet de l'autre est aussi vieux que l'humanité, mais quand il vient à nous empêcher de vivre ensemble, quand il mine la cohésion sociale, c'est que quelque chose va très mal.

Si nous sommes tous là - tous, ou presque - pour rappeler que l'exclusion de l'autre ne correspond pas aux valeurs de la République et doit être condamnée, dans les faits, cependant, les politiques publiques, les choix économiques, sociaux, sociétaux, renforcent chaque jour le « chacun pour soi », tandis que la concurrence entre les individus et les groupes reproduit les inégalités sociales et territoriales et empêche la mobilité sociale, qui donne espoir à chacun de sortir de sa condition s'il le souhaite et s'il entreprend les efforts nécessaires.

L'égalité, qui est le fondement de notre République, n'est pas une réalité pour les millions de femmes et d'hommes, et c'est bien l'égalité des droits et l'égalité sociale qu'il faut conquérir le plus complètement possible.

Si nous légiférons, aujourd'hui, pour mettre en place cette Haute autorité, c'est bien parce que ce principe d'égalité, présent dans notre Constitution, ne s'impose pas à tous. Si nous voulons apprendre à nos enfants le respect de l'autre, leur apprendre qu'il n'y a pas de races, qu'une femme est l'égale de l'homme, les institutions - toutes les institutions -, les responsables - tous les responsables -, l'Etat, son administration, jusqu'à l'échelon le plus bas, proche des citoyens, les collectivités territoriales, les bailleurs sociaux et les chefs d'entreprise doivent montrer l'exemple.

Quand une société maintient, dans ses rapports sociaux, les facteurs de discrimination, elle peut difficilement faire la leçon à ses citoyens. A ce titre, les actes que nous sommes amenés à accomplir en tant que responsables constituent l'essentiel de la pédagogie.

Lorsqu'un enseignant s'aperçoit que, dans sa classe, les élèves s'insultent en stigmatisant la couleur de la peau ou la nationalité, en se traitant de « sale juif », de « sale arabe », de « sale noir », et que ces insultes deviennent quotidiennes, il doit donner un cours d'éducation civique pour expliquer que les valeurs de solidarité, de tolérance et d'égalité forment le socle de la République. Mais si ces mêmes élèves constatent que tous ne sont pas égaux dans les banlieues, dans les territoires les plus pauvres, dans les emplois les plus sûrs, que leur parcours est tracé dès l'école et qu'ils ne pourront s'en sortir, il sera difficile de les convaincre que la société fonctionne sur ces valeurs qui s'imposent à eux. Nos actes et nos politiques ont donc une valeur d'exemple essentielle. C'est pour cela que la question de la lutte contre les discriminations est fondamentale.

L'objectif est bien l'égalité. Sans elle, la liberté peut devenir le chacun pour soi, se traduire par un renforcement des intérêts individuels ou des intérêts de groupe qui minent notre cohésion sociale.

Certains débats sont pervers. On peut considérer, et certains le disent, que la liberté pour une jeune fille aujourd'hui, c'est de porter le voile à l'école. Or il n'y a pas si longtemps, la liberté, c'était de l'enlever ! Parce que l'égalité est à la base du « vivre ensemble », elle est fondamentale aujourd'hui, ici comme ailleurs.

Bien entendu, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité est un plus et personne ne peut s'opposer à sa création. Toutefois, il faut éviter que, telle une bonne conscience, elle ne nous exonère de tout faire pour empêcher l'extension des discriminations, du rejet, de l'exclusion dans notre société. Il faut un investissement massif pour favoriser la mobilité sociale, faire en sorte que chacun sache qu'il pourra s'en sortir quel que soit son quartier, ou devenir professeur même s'il est fils d'ouvrier. Tant qu'une politique volontariste n'imposera pas cela dans la société, la lutte contre les discriminations et les hautes autorités ne seront qu'un pansement. Bien sûr, si le reste fait défaut, le pansement demeure nécessaire, mais il faut tout de même que ce pansement soit judicieusement appliqué.

Or la Haute autorité n'a pas été créée en concertation avec le monde associatif qui, au quotidien, dans nos quartiers, lutte contre les discriminations, alerte, combat, réfléchit sur ces questions bien avant que les politiques n'aient pris le problème à bras-le-corps. C'est dommage, car une telle concertation aurait fait jaillir des réalités peu connues qui auraient permis d'enrichir ce texte. Il n'a pas été constitué avec la société civile, il n'a pas été pensé comme cela et la forme de la Haute autorité s'en ressent : les nominations des membres de son collège viennent d'en haut, sa représentativité est contestable, son pluralisme inexistant. Voilà qui handicapera certainement son action.

Pour toutes ces raisons, notre groupe s'abstiendra lors du vote sur ce projet de loi. Pour autant, il ne s'abstiendra pas quand la question des discriminations sera posée, à l'occasion de débats parlementaires sur l'éducation, la cohésion, l'accès à la culture, l'accès à l'emploi, le logement. C'est là que nos politiques de lutte contre les discriminations auront le plus de force pour réduire les inégalités. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, comme je l'ai indiqué en ouvrant la discussion générale, ce projet de loi, qui s'appuie fortement sur le travail de la commission présidée par M. Stasi, que j'ai le plaisir de saluer ici et aux côtés duquel j'ai travaillé pendant plusieurs mois lors des travaux de la commission sur la laïcité, est perfectible.

Cependant, quels que soient les arguments que j'ai entendus de tous côtés, je note un consensus sur la nécessité de créer la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité afin de compléter le travail des associations en matière de prévention des discriminations et aider la justice à dégager des preuves de telles discriminations. Comme l'a souhaité M. Seillier, nous devons démasquer les discriminations aujourd'hui invisibles dans notre pays.

Je veux, en préambule, rassurer Mme Boumediene-Thiery et M. Assouline : il s'agit non pas d'une transposition a minima des directives européennes, mais du projet ambitieux qu'a annoncé le Président de la République en 2002. Ce projet comprend non seulement la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité - Mme Boumediene-Thiery a insisté sur ce dernier terme -, mais également l'accueil des étrangers en France, avec l'Agence nationale de l'accueil et des migrations, et le contrat d'accueil et d'intégration prévu par la loi de programmation pour la cohésion sociale, que vous avez votée récemment, ou encore les chartes de la diversité des entreprises.

Après le principe de laïcité, nous confortons le principe d'égalité en France.

S'agissant de la Haute autorité elle-même et de sa composition, je vous répondrai très précisément.

Sur la place de cette instance d'abord, je veux indiquer au rapporteur, M. Lecerf, que la Haute autorité devra établir des liens étroits avec d'autres autorités, tels le Défenseur des enfants, la Commission d'accès aux documents administratifs, la CADA, la CNIL ou le Médiateur de la République. La création de la Haute autorité est aujourd'hui nécessaire parce que, nous le voyons bien, le dispositif présente une lacune. En France, les discriminations ne sont pas sanctionnées ou le sont très rarement, chacun d'entre vous l'a souligné, M. de Montesquiou en particulier.

Par ailleurs, le Gouvernement examinera dans les meilleurs délais la saisine directe du Médiateur de la République.

Concernant la désignation des membres du collège de la Haute autorité ensuite, pour répondre à Mmes Dini et Assassi, il nous est apparu qu'il fallait donner dès l'origine une forte légitimité à la Haute autorité. C'est pourquoi nous avons retenu une composition conforme à notre tradition, ce qui n'a jamais mis en cause l'indépendance des membres ainsi désignés, je pense notamment au Conseil constitutionnel.

S'agissant du mode de saisine, le Gouvernement est naturellement ouvert aux amendements de la commission, comme à ceux de la majorité, mais aussi à ceux de l'opposition qui, j'ai cru le comprendre, vont dans le même sens pour un grand nombre d'entre eux.

Madame Dini, il y aura bien, je l'ai dit dans mon discours introductif, des délégations territoriales de la Haute autorité. Mais cette disposition est sans doute de nature réglementaire. En revanche, il ne pourra s'agir des commissions pour l'égalité des chances, c'est-à-dire les anciennes CODAC, car elles sont un organe de l'Etat. Les délégations territoriales devront, comme la Haute autorité, être indépendantes.

En outre, pour rassurer surtout Mmes Boumediene-Thiery et Assassi, le groupement d'intérêt public GELD sera supprimé afin de ne pas faire double emploi avec la Haute autorité. Son personnel et son budget seront repris par la Haute autorité. S'agissant du budget, j'ai noté l'intérêt de chacun des groupes pour doter la Haute autorité de moyens suffisants. Aujourd'hui, madame Boumediene-Thiery, le budget a été rétabli par l'Assemblée nationale et s'élève à 10,7 millions d'euros. De même, monsieur Türk, je fournirai au Sénat, dans le cadre de la discussion budgétaire, le plan de montée en puissance tant en personnel qu'en moyens financiers.

Enfin, le Gouvernement partage l'avis exprimé par M. Cambon sur la gratuité du dispositif d'accueil téléphonique. Avec 98 % d'appels fantaisistes, le 114 est aujourd'hui ingérable. Néanmoins, un accueil téléphonique et d'orientation est nécessaire à un coût modique.

J'en viens aux missions de la Haute autorité.

Je note tout d'abord un consensus sur le champ de compétences et les missions, comme l'a indiqué M. le rapporteur.

Madame Khiari, concernant la directive européenne, la France n'est pas la dernière à transposer, puisque l'Allemagne, l'Espagne, le Portugal et peut-être d'autres pays encore n'ont pas transcrit en totalité les directives 2000/43, 2000/78 et 2002/73.

Plus sérieusement, je veux répondre sur l'inefficacité de l'empilement de nos dispositifs actuels. En effet, je partage ce point de vue, c'est pourquoi nous avons repris l'exemple du centre pour l'égalité des chances belge qui fonctionne efficacement depuis onze ans avec le ministère de la justice. Il n'y a aucune raison pour que ce dispositif ne soit pas transposable en France, qui a une organisation juridictionnelle comparable.

M. Lecerf comme Mme Assassi ont évoqué les statistiques. Comme le prévoit l'article 14 du présent projet de loi, la HALDE « conduit et coordonne des travaux d'études et de recherches relevant de sa compétence ». Dans ce cadre, il paraît en effet souhaitable qu'elle engage non seulement en liaison avec la CNIL et les institutions chargées de la statistique publique, mais aussi avec le concours d'experts nationaux et internationaux, une réflexion approfondie sur ce que M. le rapporteur a nommé « l'invisibilité statistique des discriminations ».

J'évoquerai maintenant les amendements tendant à réprimer l'homophobie et le sexisme. J'ai noté vos interrogations sur les amendements déposés hier soir par le Gouvernement. Ils tiennent compte des différents avis et observations qui ont été formulés sur le projet de loi initial.

Sont prises en considération les remarques formulées par les églises, notamment l'église catholique, qui s'inquiétaient de voir tomber sous le coup de la loi pénale, par exemple, des propos défavorables au mariage des homosexuels, qui auraient pu alors être considérés comme constitutifs du délit de provocation à la discrimination. Cette inquiétude était également exprimée par les organes de presse au nom de la liberté d'expression.

En liant, conformément à l'avis du Conseil d'Etat en date du 21 juin 2004, cette incrimination nouvelle aux discriminations pénalement réprimées prévues par le code pénal, le projet de loi actuel répond à cette inquiétude.

Il atteint donc un double objectif : d'une part, il permet la répression des provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence homophobe ou sexiste, soulignant ainsi l'idée d'une protection accrue de victimes particulièrement exposées ; d'autre part, il n'interdit pas le débat, la manifestation d'opinion, en limitant le champ de la répression aux provocations à la discrimination pénalement réprimées, à savoir l'emploi, le logement et les services.

Il prend en compte les observations formulées par les mouvements féministes, qui souhaitaient que les diffamations et injures sexistes soient réprimées au même niveau que les diffamations et injures homophobes. Les dispositions relatives aux unes et aux autres sont totalement alignées.

Le projet de loi prend également en compte les observations des médias, qui faisaient valoir qu'une prescription d'un an en matière de délit de la loi de 1881 portant sur des faits de provocations, de diffamations ou d'injures déséquilibrait le système pénal au détriment de la liberté de la presse.

En ramenant la prescription à trois mois, le texte actuel calque la prescription de ces délits sur le droit commun des infractions en matière de presse. Cette modification du projet de loi prend en compte les observations du Conseil d'Etat ainsi que celles de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, nous avons un but : permettre à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité d'accompagner effectivement les victimes qui, le plus souvent dépourvues de moyens juridiques et financiers, luttent à armes inégales.

Je suis donc persuadée que nos travaux vont concourir à conforter le principe d'égalité dans notre pays. Je veux remercier dès à présent la commission des lois et son rapporteur, M. Lecerf, pour le travail remarquable d'ores et déjà accompli. Je remercie également les orateurs pour leur contribution de ce matin. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...

La discussion générale est close.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je rappelle que la commission se réunit immédiatement pour achever l'examen des amendements déposés sur ce projet de loi.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quinze, est reprise à seize heures, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est reprise.

Discussion générale (suite)
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Discussion générale (suite)

5

éloge funèbre de Hilaire Flandre, sénateur des ardennes

M. le président. Madame, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vais prononcer l'éloge funèbre de Hilaire Flandre. (Mme, M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Nous savions, nous ses amis, que, depuis plusieurs mois, notre collègue Hilaire Flandre luttait, avec un immense courage, contre la maladie. Sa silhouette, évocatrice des hommes de cette région du nord-est de la France, et qui nous était si familière, s'était faite plus rare dans notre hémicycle dont il était, auparavant, un animateur assidu. Son caractère invariablement enjoué s'était dernièrement assombri d'une certaine gravité.

Hilaire Flandre nous a quittés le 18 octobre 2004.

Il a retrouvé cette terre du Nord qu'il a tant aimée après l'avoir travaillée et toujours défendue. Comme ses aînés, Hilaire Flandre appartenait à cette trempe d'hommes dont on dit qu'ils ne se couchent que pour mourir.

Son parcours avait commencé le 24 février 1937 à Alincourt. C'est dans ce village, berceau de sa famille, qu'il va tout naturellement prendre la succession de ses parents et de ses grands-parents, nanti du solide bagage des jeunes cultivateurs d'alors : certificat d'études primaires, certificat d'aptitude professionnelle agricole et brevet agricole.

Jeune enfant, Hilaire Flandre fut confronté à la première épreuve de sa vie : la guerre, l'Occupation et à nouveau la guerre dans ce département des Ardennes, toujours particulièrement meurtri par les conflits.

La paix revenue et après ses études, Hilaire Flandre n'allait cependant entrer dans la vie active qu'après avoir accompli ses obligations militaires. Son devoir le conduisit à participer aux événements d'Afrique du Nord, qu'on n'appelait pas encore la guerre d'Algérie.

Sergent, il y participa avec ce courage et aussi avec cette humanité qui étaient sa marque. Il fut honoré par la Croix de la valeur militaire.

Rendu à la vie civile, Hilaire Flandre allait reprendre l'exploitation familiale en 1960, à un moment crucial de la mutation de notre agriculture. L'intelligence, l'opiniâtreté et la détermination de notre collègue allaient lui permettre d'affronter ces changements sans les subir.

De son appartenance à la Jeunesse agricole chrétienne, la JAC, puis au milieu coopératif agricole, il avait tiré des convictions sur les enjeux et les grandes lignes de la nécessaire modernisation de notre agriculture.

Il fut de ceux qui contribuèrent à faire de la France le premier pays producteur de l'Europe. Son sens aigu de l'observation doublé d'un pragmatisme éclairé le feront distinguer parmi ses pairs.

Son implication dans la défense et la modernisation de l'agriculture française ne se démentiront pas. C'est ainsi qu'il entrera dans la vie publique en 1983, devenant maire de son village, Alincourt, aux destinées duquel il présidera pendant quinze ans.

En 1986, il sera élu au conseil régional de Champagne-Ardennes. Il y siégera douze années durant.

En 1996, à la suite du décès de notre regretté collègue Jacques Sourdille, il représentera son département dans notre hémicycle. Réélu brillamment en 1998, Hilaire Flandre donnera la mesure de ses engagements éclairés en faveur de la cause agricole en général et des agriculteurs en particulier.

Elu à la commission des affaires économiques, il en fut un membre assidu jusqu'à ce que la maladie ne l'éloigne du palais du Luxembourg. Il participa activement à ses travaux qu'il sut marquer par sa sérénité, son sens de l'écoute et sa jovialité.

Doté de connaissances étendues, il participait avec autorité aux débats les plus complexes, tels les débats sur les organismes génétiquement modifiés.

Plus récemment, désigné rapporteur de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi de notre collègue Christian Cointat tendant au développement des jardins collectifs, il avait emporté l'adhésion de tous nos collègues en la faisant adopter à l'unanimité.

Car tel était Hilaire Flandre, politique habile au sens noble du terme, homme d'action, homme de conviction, héritier des plus nobles traditions de la ruralité française, mais soucieux de l'avenir de ses concitoyens.

C'est cette sollicitude à l'égard de son prochain qui le conduisit à accepter la fonction de rapporteur de la mission d'information sur la canicule de l'été 2003. Il s'en acquitta, d'octobre 2003 à février 2004, avec sérieux, avec scrupule, mais aussi avec cette générosité, ce pragmatisme et cette imagination qui caractérisaient toutes ses actions.

Homme curieux de tout, très attentif au maillage économique et social de notre pays dont il estimait qu'il constituait à la fois sa force et son avenir, Hilaire Flandre fut assidu à nos stages d'immersion en entreprise. Il le fut, tel qu'en lui-même, avec éclectisme : la chambre des métiers de l'Yonne, une PME savoyarde, une entreprise du Nord reçurent ainsi sa studieuse et attentive visite.

Par son implication locale forte, son expérience approfondie de l'économie agricole, sa puissance de travail et sa volonté de participer au mouvement général des idées, Hilaire Flandre a bien servi la République.

En lui, le Sénat perd l'un de ses meilleurs serviteurs : modeste mais efficace, discret mais attentif, dévoué et toujours généreux.

A sa famille en deuil, à ses trois filles, Marie-Christine, Nathalie et Virginie, à ses proches, j'exprime notre sympathie profonde et le témoignage de notre affliction.

Aux membres de la commission des affaires économiques et à ceux du groupe de l'UMP, j'adresse les sincères condoléances de notre assemblée unanime. (Mme, M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement. Monsieur le président, vous venez de témoigner, au nom de la Haute Assemblée et de ses membres, votre vive émotion consécutive à la disparition du sénateur Hilaire Flandre. C'est également avec émotion que je voudrais, au nom du Gouvernement, m'associer à cet hommage.

Vous l'évoquiez vous-même, monsieur le président, Hilaire Flandre est né en 1937 au coeur des Ardennes, comme Arthur Rimbaud, sur une terre dure et rude, dont le poète disait :

« La terre, demi-nue, heureuse de revivre,

A des frissons de joie aux baisers du soleil... ».

Cette terre ardennaise, que vous connaissez bien, monsieur le président, Hilaire Flandre fait le choix de la cultiver, avant de la sillonner en tant qu'élu.

Agriculteur, il est fier de pratiquer « le premier et le plus respectable de tous les arts », comme le disait Rousseau. Au moment où l'urbanisation tentaculaire vide les campagnes, il consacre toute son énergie, avec une fidélité exemplaire, à la terre de ses ancêtres, et ce jusqu'à ce qu'il cesse toute activité professionnelle en 1997.

Homme authentique et chaleureux, habité par la volonté de servir, Hilaire Flandre est un travailleur infatigable. Ce sont ces valeurs qui l'animeront tout au long de son triple engagement : syndical, mutualiste et politique.

Dès 1965, âgé de vingt-huit ans, il s'engage dans le syndicalisme agricole. Très vite apprécié pour sa disponibilité, son écoute, sa connaissance des problèmes que rencontre le monde agricole, il est sollicité par de très nombreuses organisations départementales et régionales pour y occuper des postes à haute responsabilité.

C'est avec la même conviction et la même passion que Hilaire Flandre va servir la cause mutualiste ; voilà son deuxième engagement. Là encore, son ardeur au travail et son sens aigu des responsabilités sont unanimement appréciés et le conduisent une nouvelle fois à occuper, dans de nombreux organismes locaux, des postes importants.

Parallèlement, Hilaire Flandre entre très tôt en politique ; c'est son troisième engagement. Elu conseiller municipal à l'âge de vingt-huit ans, il rejoint l'UDR. Il sera nommé secrétaire départemental du RPR en 1979, fonction qu'il exercera durant dix-neuf années.

En 1983, il est élu maire d'Alincourt, son village natal, puis, en 1986, conseiller régional de Champagne-Ardenne.

Fort de toutes ces expériences locales et régionales réussies, Hilaire Flandre est naturellement appelé par le sénateur Jacques Sourdille comme suppléant lors des élections de septembre 1989. Sept ans plus tard, il lui succède au Sénat.

Malgré son ascension rapide et les lourdes responsabilités qu'il exerce, Hilaire Flandre reste proche et disponible pour les autres. Ses responsabilités nationales ne l'éloigneront jamais ni des siens, ni de sa terre. Il est apprécié parce qu'il est accessible et parce qu'il connaît bien ses dossiers, mais aussi parce qu'il conserve sa légendaire liberté de ton.

Au Sénat, ses compétences dans le domaine agricole, lui qui était le témoin et l'acteur averti de l'évolution du monde rural, lui vaudront d'être nommé secrétaire de la mission d'information de la commission des affaires économiques et du Plan sur les organismes génétiquement modifiés.

En février 2004, il est nommé rapporteur de la mission commune d'information parlementaire  « La France et les Français face à la canicule », qui a rendu un rapport de grande qualité.

Fin politique, homme de terrain, d'expérience et de conviction, Hilaire Flandre était chaleureux, compétent, autant que ferme et rigoureux.

Malheureusement, la maladie est venue briser l'élan, altérer le souffle et immobiliser son action. Malgré cela, Hilaire Flandre a forcé une fois de plus notre respect, tant son comportement était stoïque face à la souffrance.

A sa famille, à ses amis, ainsi qu'à tous ses collègues, j'exprime, au nom du Gouvernement, mes très sincères condoléances.

M. le président. Madame, monsieur le ministre, mes chers collèges, selon la tradition, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants en signe de deuil.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures vingt, est reprise à seize heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

6

RAPPEL AU RÈGLEMENT

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Bel, pour un rappel au règlement.

M. Jean-Pierre Bel. Monsieur le président, je souhaite intervenir une nouvelle fois à propos de nos conditions de travail.

Il y a quelques jours, le Gouvernement a annoncé qu'il retirait de l'ordre du jour son projet de loi tendant à lutter contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe. Dans un premier temps, celuici devait être examiné lors de la session extraordinaire de juillet 2004, puis sa discussion a été reportée en février 2005.

Il est vrai que, entre-temps, le 18 novembre dernier, la Commission nationale consultative des droits de l'homme a demandé au Gouvernement de retirer ce projet de loi.

En rappelant l'importance primordiale de l'universalité des droits de l'homme, qui transcende, sans les nier, les différences entre les êtres humains, cette commission a exprimé sa crainte que la segmentation de la protection des droits de l'homme ne remette en cause leur universalité et leur indivisibilité.

En effet, favoriser ainsi les lois de circonstance ne pourra que réduire, finalement, les droits et libertés de tous.

M. le président, le Sénat a été saisi hier soir, dans la précipitation, d'amendements qui reprennent certaines dispositions de ce projet de loi.

Bien sûr, dans une telle précipitation, le Gouvernement n'a pas tenu compte de l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui suggère de retenir un champ de discrimination large. Il aurait également dû prendre en compte les propositions de notre collègue Robert Badinter, qui, dès mars 2000, avait déposé, avec Dinah Derycke, une proposition de loi tendant à faire référence à l'article 2251 du code pénal dans chacun des articles de la loi sur la presse.

Ce revirement est d'autant plus surprenant que le Gouvernement a refusé toutes les initiatives des parlementaires socialistes visant à lutter contre les propos sexistes, handiphobes et homophobes, ainsi que contre les propos discriminatoires en raison de l'état de santé.

Le Gouvernement a ainsi rejeté la proposition de loi de Patrick Bloche et Jean-Marc Ayrault, déposée à l'Assemblée nationale en novembre 2003, comme les amendements du groupe socialiste du Sénat dans le projet de loi Perben II, reprenant ces dispositions.

Lors de l'examen de ce projet de loi en première lecture à l'Assemblée nationale, le 6 octobre dernier, la majorité a repoussé des amendements similaires, qui étaient présentés par Martine Billard.

Le rapporteur du texte, Pascal Clément, ainsi que la secrétaire d'Etat, Catherine Vautrin, ont affirmé « être là pour installer la Haute autorité et que le texte sur l'homophobie viendrait en discussion quand le calendrier le permettrait. »

Le calendrier aurait permis cet examen, mais la volonté politique a disparu !

Alors qu'il s'était systématiquement opposé aux amendements socialistes sur ce point, le Gouvernement dépose, la veille du débat, en toute fin d'après-midi, un dispositif « bricolé » à la hâte.

Mes chers collègues, si nous sommes favorables à ces dispositions, sous réserve qu'il soit fait référence à la définition de l'article 2251 du code pénal afin de viser toutes les discriminations, nous ne pouvons accepter ces méthodes de travail, qui nuisent à la lisibilité du débat parlementaire.

Monsieur le président, par ma voix, le groupe socialiste a souhaité, une fois encore, dénoncer un tel dysfonctionnement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, mes chers collègues, à l'évidence, il n'est jamais agréable, pour le Parlement, de se voir saisi tardivement de dispositions importantes, sous la forme d'amendements sur un texte qui, de surcroît, a déjà été examiné par la commission.

Néanmoins, je rappelle que, dans ces dispositions, le Gouvernement a tenu compte des observations faites non seulement par le Conseil d'Etat, mais aussi par la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Et l'on ne peut à la fois demander une concertation préalable et exiger que le texte soit examiné avant celle-ci !

Ces dispositions me semblent avoir fait l'objet de longs débats et de longues analyses et, « bricolage » ou pas, la commission des lois a voté ces amendements, ce matin, à la quasi-unanimité. Au demeurant, ces dispositions me semblent très proches de celles de Robert Badinter qu'a évoquées M. Bel.

Par conséquent, monsieur le président, j'estime que ce texte peut être examiné en l'état par le Sénat sans aucun problème. Cela étant, si je me réfère à mon expérience parlementaire - trop longue, peut-être ! -, je m'aperçois que ce n'est pas la première fois qu'une telle situation se produit.

Pour autant, en l'espèce, il ne me semblerait pas opportun de différer indéfiniment le vote de dispositions attendues, qui, loin d'être déshonorantes pour le Parlement, vont au contraire permettre de trouver un nouvel équilibre et de garantir le respect de toutes les personnes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Monsieur le président, je ne souhaite pas retarder plus longtemps le débat qui va s'ouvrir maintenant. Je tiens simplement à remercier M. Hyest, dont je partage l'analyse.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Toutefois, madame la ministre, il ne faudrait pas qu'une telle situation se produise trop souvent ; nous finirions par nous y opposer. (Mme la ministre déléguée acquiesce.)

M. le président. Madame la ministre, il n'est pas souhaitable en effet que, trop souvent, le Gouvernement modifie, en dernière minute, l'ordre du jour du Sénat. Je me suis d'ailleurs opposé à une telle démarche à plusieurs reprises. Cela doit donc rester une exception et en aucun cas devenir une généralité.

Mme Nicole Borvo. Justement, cela se produit assez fréquemment, monsieur le président !

M. Jean-Pierre Sueur. Oui, l'exception se renouvelle tellement souvent !

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Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
Art. additionnel avant le titre Ier

Création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité

Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Je rappelle que la discussion générale a été close.

Nous passons à la discussion des articles.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
Art. 1er

Article additionnel avant le titre Ier

M. le président. L'amendement n° 39, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I - Avant le titre Ier, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La détermination des objectifs, la conception des plans, des actions et des programmes de la politique publique de lutte contre les discriminations relèvent de la responsabilité de l'Etat.

La politique publique de lutte contre les discriminations et pour l'égalité concerne :

1° l'éducation et la prévention contre les discriminations et pour l'égalité ;

2° la répression et la sanction des discriminations ;

3° la médiation pour régler et développer les bonnes pratiques contre les discriminations et pour l'égalité.

La loi définit les objectifs de la politique publique de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité. A cette fin, le gouvernement présente au Parlement un rapport sur les objectifs de sa politique et les principaux plans qu'il entend mettre en oeuvre.

Ce rapport s'appuie sur une analyse des problèmes de discriminations et de rupture d'égalité tenue sous l'autorité du Premier Ministre. Cette conférence nationale est également chargée de tirer le bilan de l'application des lois en matière de lutte contre les discriminations et de promotion de l'égalité.

La conférence nationale associe les pouvoirs publics et les organisations de la société civile intéressées par ces questions. Un décret en Conseil d'Etat précise la composition du conseil national de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

II - En conséquence, avant le titre Ier, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :

Titre ...

De la lutte contre les discriminations

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement a pour objet d'élargir la définition qui nous a déjà été proposée.

En effet, si nous sommes favorables à la création de la Haute autorité, nous considérons qu'il serait vain de penser qu'elle aura pour effet une mobilisation à la hauteur des espoirs qu'a suscités le Président de la République à Troyes, le 14 octobre 2002.

En réalité, cette création doit s'accompagner d'une véritable politique de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, lutte qui relève de la responsabilité de l'Etat.

Pour ce faire, le Gouvernement doit déterminer des objectifs, des plans et des actions dans les domaines de la prévention, de l'éducation et de la médiation, pour régler les différends autrement que par la répression. La plupart des départements ministériels - éducation, fonction publique, justice, intérieur, santé, travail, logement - sont concernés par cette politique.

Afin d'afficher cette volonté, nous proposons que le Gouvernement présente au Parlement un rapport qui posera les problèmes, dressera un bilan de la politique mise en oeuvre et fixera des objectifs pour l'avenir.

Nous proposons également que, à l'instar de la Conférence de la famille, soit organisée, dans des conditions fixées par le Conseil d'Etat, une conférence associant les pouvoirs publics et les organisations de la société civile qui oeuvrent dans ce domaine.

En outre, afin d'assurer une meilleure transparence, il serait intéressant que le rapport soit rendu public.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Notre corpus juridique en matière de sanctions des discriminations est déjà très développé. L'un des rôles fondamentaux de la Haute autorité sera ainsi de contribuer à donner une plus grande efficacité aux sanctions prévues. En outre, cette instance pourra conduire des médiations, présentera un rapport annuel et travaillera en liaison étroite avec les associations et les personnalités qualifiées.

A cet égard, l'amendement n° 39 ne nous semble pas apporter de précisions indispensables. L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée à l'intégration, à l'égalité des chances et à la lutte contre l'exclusion. Madame le sénateur, cet amendement très peu normatif ne peut pas être retenu, car son champ déborde largement celui du projet de loi. L'objet de ce dernier est en effet d'ordre institutionnel : il vise à créer la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Il ne s'agit donc pas d'énoncer les principes de la politique publique de lutte contre les discriminations, même si, à l'évidence, la création de cette Haute autorité en est un élément important.

Par ailleurs, vous savez qu'un certain nombre d'initiatives complémentaires donnent aujourd'hui corps à cette politique, comme jamais auparavant. Je pense notamment à la Charte de la diversité, aux dispositions prévues dans le domaine de la fonction publique, à la rénovation des anciennes CODAC, les commissions départementales d'accès à la citoyenneté, ou encore aux dispositions du rapport Bébéar, qui a été remis hier au Premier ministre.

Tout cela, madame le sénateur, forme un ensemble, et il n'y a pas lieu de charger le présent texte de loi de dispositions qui ne se rapportent pas à son objet précis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 39.

Mme Nicole Borvo. Le groupe CRC s'abstient.

(L'amendement n'est pas adopté.)

TITRE Ier

DE LA HAUTE AUTORITÉ DE LUTTE CONTRE LES DISCRIMINATIONS ET POUR L'ÉGALITÉ

Art. additionnel avant le titre Ier
Dossier législatif : projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
Art. 2

Article 1er

Il est institué une autorité administrative indépendante dénommée Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

La haute autorité est compétente pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discrimination est une plaie de nos sociétés, tout le monde, ici, en convient. A l'évidence, elle rend nécessaire une politique dynamique pour la réduire.

Toutefois, la discrimination est-elle « soluble » dans une Haute autorité quelconque ? Autrement dit, la création d'une telle instance est-elle la réponse adaptée aux problèmes posés et à leur ampleur ? Nous ne le pensons pas.

En effet, la multiplication d'organes administratifs, prétendument indépendants, ne fera que brouiller les dispositifs déjà existants.

Les crédits qui seront attribués à la Haute autorité, à savoir un peu plus de 10 millions d'euros, s'avèrent soit insuffisants, s'il s'agit de conduire une action significative, soit trop élevés, s'il s'agit simplement de faire fonctionner une entité administrative de plus.

Alors que la France ne manque pas d'entités administratives, la tendance est, apparemment, d'en créer de plus en plus. En lisant la presse, j'ai ainsi pu constater qu'il y avait, à ce sujet, un certain nombre de projets et que tout le monde faisait preuve de beaucoup d'imagination...

C'est pourquoi le groupe socialiste fait une proposition simple, qui semble agréée par M. le rapporteur : plutôt que de créer une Haute autorité de plus, il vaudrait mieux confier au Médiateur de la République la mission qui est attribuée à ladite Haute autorité.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Ce n'est pas possible !

M. Pierre-Yves Collombat. Il faudrait alors, évidemment, élargir les compétences du Médiateur, en les situant dans un cadre plus collégial.

Cette solution est parfaitement compatible avec les directives et les recommandations européennes. Notre législation y gagnerait en simplicité, en efficacité et en légitimité.

J'avais cru comprendre que, du côté tant du Gouvernement que du Sénat, la simplification était à l'ordre du jour. Il me paraît donc difficile que l'on puisse s'opposer à l'amendement n° 40, que Mme Khiari va présenter.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, sur l'article.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaiterais formuler quelques réflexions sur l'organisation des pouvoirs publics.

En disciples de Montesquieu que nous sommes, nous distinguons les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire. La notion même de séparation des pouvoirs, qui constitue vraiment le fondement de nos institutions, offre une clarté certaine.

Or, depuis quelques années, se développent un grand nombre d'instances, qu'il s'agisse de conseils, de commissions ou d'autorités, souvent, d'ailleurs, gratifiées de l'adjectif « haut » ou « supérieur ». Il n'existe pas de « basse autorité » ou de « conseil inférieur » ! (Sourires.)

Aussi, nous nous demandons s'il est judicieux de continuer à accroître l'espace de ces autorités, conseils et commissions, au risque d'accroître les conflits de pouvoir.

Pour conclure - je sais combien vous êtes vigilant, monsieur le président, s'agissant des temps de parole ! - je rappellerai que notre législation compte un très grand nombre de dispositions répressives à l'égard des discriminations.

La section 1, intitulée Des discriminations, du chapitre V du titre II du livre II du code pénal traite des discriminations dans l'exercice d'une activité économique, qu'il s'agisse de l'emploi ou de la fourniture de biens et de services.

La loi du 3 février 2003 a créé une nouvelle circonstance aggravante pour un certain nombre d'atteintes aux biens ou aux personnes en cas d'infraction à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.

La loi du 18 mars 2003 pour la sécurité intérieure prévoit expressément de retenir une nouvelle circonstance aggravante lorsqu'un crime ou un délit est commis en raison de l'orientation sexuelle de la victime.

La loi « Perben » du 9 mars 2004 contient des mesures qui vont exactement dans le même sens.

Je pourrais enrichir cette liste en citant le code du travail et un certain nombre d'autres textes.

Ainsi, la quasi-totalité des discriminations relève aujourd'hui de la justice. Par conséquent, le problème de l'articulation entre l'action de la Haute autorité et celle de la justice va très vite se poser.

Si nous concevons que la Haute autorité puisse avoir un rôle utile de conseil, d'orientation et d'information, nous tenons à mettre en garde contre une éventuelle dérive de l'organisation de nos pouvoirs publics, qui nuirait à sa clarté, grâce à laquelle chaque citoyen sait qui fait quoi.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 40, présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Le médiateur de la République est compétent pour connaître de toutes les discriminations, directes ou indirectes, prohibées par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement vise à confier au Médiateur de la République les fonctions attribuées à la Haute autorité.

Nous l'avons vu, le budget de la Haute autorité a failli être amputé et des gels de crédits pourraient être envisagés en cours d'exercice. Cette situation nous parait de mauvais augure.

Par ailleurs, dans nombre de pays, la mission dévolue à la HALDE, la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, est confiée à une seule personne, ce qui nous paraît préférable à une collégialité politique.

Le Médiateur de la République dispose déjà d'infrastructures nationales et départementales lui permettant d'être opérationnel très vite et à moindre coût ; il suffirait d'augmenter les moyens de fonctionnement qui lui sont attribués et de modifier son mode de saisine. Alors que, aujourd'hui, il peut être saisi par les parlementaires, il pourrait l'être par toute personne qui s'estime victime de discriminations.

Pour que cette instance ait une réelle efficacité, elle doit pouvoir être saisie par toutes les victimes et sur tout le territoire : les services départementaux du Médiateur pourraient être adaptés rapidement pour remplir cette mission.

M. le président. L'amendement n° 72, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa de cet article, après le mot :

prohibées

insérer les mots :

ou non

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à pénaliser certains propos discriminatoires qui ne sont pas encore visés par la loi : il s'agit des propos homophobes, sexistes ou transphobes, et des propos portant sur l'état de santé ou sur le handicap. La Haute autorité ne peut en effet intervenir que sur les discriminations prohibées par la loi.

Le projet de loi sur les propos homophobes et sexistes ayant été retiré de l'ordre du jour, il sera réintroduit en partie par le biais de différents amendements. Malgré tout, en l'état, la Haute autorité ne pourra pas être saisie pour de tels propos.

La mission confiée à la HALDE présente donc une contradiction, puisque cette dernière ne pourra pas intervenir contre des propos discriminatoires tenus publiquement, qu'il s'agisse de diffamations, d'injures ou de provocations à la haine, de discriminations en fonction du handicap, de l'apparence physique, de l'état de santé ou de l'identité de genre.

Il s'agit simplement d'opérer une mise à niveau, de sorte que les propos discriminatoires fondés sur le sexe, l'orientation sexuelle et d'autres discriminations soient simplement sanctionnés, comme le sont aujourd'hui les propos à caractère raciste, antisémite ou xénophobe.

Si la Haute autorité a vraiment une portée universelle, on ne peut pas choisir entre les discriminations, encore moins les hiérarchiser. Elle doit pouvoir se saisir de toutes celles qui existent, même si elles ne sont pas encore répertoriées à l'article 225 du code pénal, qui, certes, est riche - nous avons d'ailleurs contribué à l'enrichir -, mais qui n'est pas encore complet.

M. le président. L'amendement n° 29, présenté par Mmes Assassi,  Borvo,  Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La Haute Autorité a également pour missions de promouvoir l'égalité et de veiller à la bonne application de la loi.

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. L'article 1er du projet de loi crée la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Le second alinéa de cet article précise les compétences de cette instance, et l'on peut constater, à regret d'ailleurs, que la notion de promotion de l'égalité a déjà disparu !

Bien sûr, la mission essentielle de la Haute autorité sera effectivement de lutter contre les discriminations, y compris celles qui résultent d'une rupture d'égalité. Nous estimons cependant nécessaire de donner à cette instance, dès l'article 1er, un champ de compétences plus large que celui qui est prévu par le projet de loi, d'autant qu'il faut parvenir à l'article 14 pour voir réapparaître la notion de promotion de l'égalité.

Notre amendement vise donc à insérer au début du projet de loi les deux précisions suivantes qui en sont actuellement absentes : « la Haute autorité a également pour mission de promouvoir l'égalité et de veiller à la bonne application de la loi. »

« Veiller à la bonne application de la loi » signifie que la Haute autorité devra effectuer une sorte de veille et s'assurer que la loi est non seulement bien appliquée, mais aussi adaptée aux diverses situations que peuvent rencontrer nos concitoyens.

Qu'une autorité administrative veille à la bonne application de la loi, cela va de soi, me répondrez-vous ! Certes, mais il vaut mieux le préciser !

En effet, à défaut d'une telle « veille », comment la HALDE pourra-t-elle proposer des améliorations aux textes existants, des initiatives cohérentes ou des informations pertinentes ?

Tel est donc le sens de l'amendement n° 29 que je vous propose d'adopter, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 40, je ne me déjugerai pas par rapport aux propos que j'ai tenus lors de la discussion générale.

Effectivement, j'estime qu'il serait possible de confier au Médiateur la mission de lutte contre les discriminations. Pour ce faire, une modification assez substantielle de cette instance serait cependant nécessaire, notamment pour la transformer en une structure collégiale, laquelle n'existe pas aujourd'hui, loin s'en faut.

Il n'en reste pas moins que d'autres solutions sont possibles. Dans le projet de loi, le rôle de lutte contre les discriminations est attribué à une autorité administrative indépendante spécialisée : c'est un choix auquel nous adhérons.

Je me permettrai de faire remarquer que la plupart des autorités administratives indépendantes ont été créées par des gouvernements de gauche. Sans doute sera-t-il intéressant, dans les prochaines années, de réfléchir à des regroupements entre les différentes autorités qui se sont multipliées de manière assez importante. J'ai indiqué ce matin que les fonctions du Défenseur des enfants, du Médiateur et de la Haute autorité pourraient ultérieurement, après une réflexion ouverte, être regroupées.

M. le président. Je ne peux qu'approuver cette orientation, monsieur le rapporteur !

M. Jean-Pierre Sueur. Tout à l'heure, je me suis adressé aussi bien à la gauche qu'à la droite !

M. le président. Je ne vous ai pas donné la parole, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je me contentais de dire un petit mot en passant ! (Sourires.)

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Mais chaque chose en son temps. Aujourd'hui, la commission a émis un avis défavorable sur l'amendement n° 40.

La commission est également défavorable à l'amendement n° 72, et ce pour deux raisons.

Cet amendement, je vous le rappelle, a pour objet d'intégrer dans le champ de compétences de la HALDE des discriminations non prohibées par la loi ou par des engagements internationaux.

Tout d'abord, on peut se demander si cette précision est utile dans la mesure où la Haute autorité pourra, bien sûr, le cas échéant, promouvoir la lutte contre de nouvelles formes de discriminations et inciter le législateur à les réprimer.

Ensuite - c'est l'objection fondamentale de la commission -, la définition des discriminations est le rôle, non pas de la Haute autorité, mais du législateur. La première fera des propositions, qui seront suivies ou non par le législateur. Chacun doit rester à sa place.

L'amendement n° 29 vise à compléter l'article 1er, en précisant que la Haute autorité doit promouvoir l'égalité et veiller à la bonne application de la loi.

Mme Assassi a elle-même indiqué, en présentant cet amendement, les arguments qui me permettent de lui répondre. Elle a en effet rappelé que toute autorité administrative avait naturellement pour rôle de veiller à l'application de la loi.

Par ailleurs, l'article 14 du projet de loi comporte déjà cette précision. Est-il donc utile de répéter à l'article 1er ce qui est prévu à l'article 14 ? Je n'en suis pas absolument convaincu !

En outre, chacun sait que le rôle essentiel de la Haute autorité sera de veiller à une plus grande efficacité des textes prohibant les discriminations. Aujourd'hui, ces textes, nombreux et précis, existent, mais ne donnent guère lieu à des condamnations pénales.

C'est donc bien l'application de la loi qui est visée dans le projet de loi et l'objet de l'amendement me semble satisfait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Messieurs Sueur et Collombat, ce matin, il m'avait semblé qu'un consensus s'était dégagé s'agissant de la création de la Haute autorité. Je suis donc surprise de vos interventions. J'ajouterai que, si nous n'avions pas répondu au souhait du Président de la République, qui avait appelé de ses voeux la création de la Haute autorité, nous aurions sans doute été critiqués également !

Monsieur Sueur, vous avez posé une question précise sur l'utilité de la Haute autorité par rapport à la justice.

La HALDE complétera, bien sûr, le travail des associations en matière de prévention et de discrimination et aidera la justice à dégager les preuves des discriminations.

M. Sellier, à qui je souhaite rendre hommage, a bien souligné ce matin que nous nous devons de démasquer les discriminations aujourd'hui invisibles dans notre pays, afin de faire en sorte qu'elles soient davantage condamnées qu'elles ne le sont aujourd'hui.

L'amendement n° 40, qui tend à remettre en cause le principe même de la création de la Haute autorité, ne peut que recueillir un avis défavorable du Gouvernement. La discussion générale a bien montré que nous avions besoin de cette nouvelle instance, et sous la forme retenue, celle d'une autorité administrative indépendante, comme cela avait été préconisé en 1999 par M. Belorgey, dans un rapport que certains d'entre vous ont évoqué.

La mission de la Haute autorité viendra, bien sûr, compléter celle du Médiateur de la République, sans qu'il y ait lieu néanmoins de confondre les deux institutions.

Le Gouvernement est également défavorable à l'amendement n° 72, et ce pour deux raisons. Je ne reviens pas sur la première, M. le rapporteur ayant été suffisamment clair dans ses explications. S'agissant de la seconde, je précise que, si la Haute autorité fait le constat de l'insuffisance de la législation dans ce domaine, elle pourra toujours formuler des recommandations pour y remédier, conformément à ce que prévoit précisément l'article 14.

Enfin, le Gouvernement est tout aussi défavorable à l'amendement n° 29, car l'article 1er a pour objet de définir non pas les missions de la Haute autorité, mais bien son champ de compétences, ce qui est différent, madame le sénateur. S'agissant de la promotion de l'égalité, les missions sont précisées à l'article 14.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote sur l'amendement n° 40.

Mme Nicole Borvo. Nous avons toujours été favorables à la création d'une autorité administrative indépendante -  et il ne pouvait s'agir que d'une « Haute » autorité évidemment (Sourires.) -, pour lutter contre ce véritable cancer que constituent les discriminations dans notre pays.

Et nous en avons déjà un certain nombre de ces AAI ! Créées par les gouvernements précédents, elles font, en général, la preuve de leur utilité par la qualité de leur travail, qu'il s'agisse du Médiateur de la République ou de la Défenseure des enfants ; cette dernière vient d'ailleurs de remettre son rapport au Président de la République.

Cela étant, la multiplication de ces autorités doit nous inciter à pousser la réflexion plus loin que ne le font les gouvernements, pour nous concentrer sur le coeur du problème, à savoir le fonctionnement des pouvoirs publics, notamment dans leurs rapports avec les citoyens.

En effet, si le besoin se fait périodiquement sentir de recourir à de telles instances, collégiales ou non, c'est bien parce que, en réalité, les pouvoirs publics, pourtant chargés de l'application de la loi, sont par trop éloignés du citoyen, c'est-à-dire de celui-là même dont ils doivent protéger les droits. Et nous sommes dotés d'un arsenal assez conséquent en la matière, au moins en théorie. Reste que les citoyens éprouvent bien des difficultés à faire valoir ces droits quand ils s'adressent aux pouvoirs publics et que, les lois n'étant pas toujours appliquées comme elles le devraient, il leur faut parfois saisir la justice quand ils ne sont pas entendus.

Franchement, au lieu de chercher à réduire toujours plus la dépense publique en général et le nombre des fonctionnaires en particulier, on pourrait pousser la réflexion plus avant dans le sens de la nécessaire démocratisation des institutions de la République. Je prendrai un seul exemple : alors que la Défenseure des enfants s'acharne à faire émerger la gravité des problèmes qui se posent en la matière, les services de la protection de l'enfance sont complètement désagrégés !

Cela étant, nous sommes devant un état de fait : nous avons besoin aujourd'hui d'une instance chargée de faire ce que malheureusement les pouvoirs publics ne font pas, à savoir garantir l'égalité de tous.

J'en viens à l'amendement n° 40.

Pour ma part, je ne suis pas favorable à ce que le Médiateur de la République soit saisi de toutes les discriminations. Non seulement le Médiateur de la République - jusqu'à présent, il s'est toujours agi d'un homme -  se trouve, au fil du temps, trop bien rodé aux rapports entre l'administration et les administrés, mais en outre il n'est pas choisi plus démocratiquement que les membres de la nouvelle autorité. Où est la collégialité ? Où est le nécessaire pluralisme ? Et que dire de l'absence d'ouverture aux acteurs de la société, eux qui sont précisément à même de travailler sur les discriminations ?

Non, vraiment, il ne serait pas, pour l'heure, judicieux de confondre les deux institutions et, même si la composition de la Haute autorité ne nous convient pas, nous préférons cette formule dans la mesure où nous avons besoin de cette autorité pour lutter contre les discriminations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 40.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 72.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 29.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
Art. additionnel après l'art. 2

Article 2

La haute autorité est composée d'un collège de onze membres nommés par décret du Président de la République :

- deux membres, dont le président, désignés par le Président de la République ;

- deux membres désignés par le Président du Sénat ;

- deux membres désignés par le Président de l'Assemblée nationale ;

- deux membres désignés par le Premier ministre ;

- un membre désigné par le Vice-Président du Conseil d'Etat ;

- un membre désigné par le Premier président de la Cour de cassation ;

- un membre désigné par le Président du Conseil économique et social.

Le Président de la République, le Président du Sénat, le Président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre désignent chacun des membres de sexes différents.

Le mandat du président et des membres de la haute autorité a une durée de cinq ans. Il n'est ni révocable, ni renouvelable.

Les membres du collège, à l'exception du président, sont renouvelables par moitié tous les trente mois.

En cas de vacance d'un siège de membre du collège pour quelque cause que ce soit, il est pourvu à la nomination, dans les conditions prévues au présent article, d'un nouveau membre pour la durée du mandat restant à courir. Son mandat peut être renouvelé s'il a occupé ces fonctions de remplacement pendant moins de deux ans.

La haute autorité décide la création auprès d'elle de tout organisme consultatif permettant d'associer à ses travaux des personnalités qualifiées choisies parmi des représentants des associations, des syndicats, des organisations professionnelles et toutes autres personnes ayant une activité dans le domaine de la lutte contre les discriminations et pour la promotion de l'égalité.

Elle dispose de services, placés sous l'autorité de son président, pour lesquels elle peut recruter des agents contractuels.

Le président représente la haute autorité et a qualité pour agir au nom de celle-ci.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, sur l'article.

M. Pierre-Yves Collombat. La composition de la Haute autorité et le mode de désignation de ses membres, tels qu'ils sont prévus à l'article 2, ne sauraient nous satisfaire. Nous avons donc déposé une série d'amendements visant à assurer, dans le pluralisme, une composition politiquement mieux équilibrée.

Il serait catastrophique, en effet, que la Haute autorité apparaisse comme un organisme partisan. Il serait d'ailleurs également paradoxal que la Haute autorité, chargée de lutter contre les discriminations, donne à l'extérieur l'image de l'une des formes les plus archaïques de discrimination, je veux dire la discrimination politique.

A considérer l'article 2 au regard de la situation actuelle, on voit qu'il ne s'agit pas de craintes exagérées. Ce sont, en effet, des tenants du même courant politique, des membres du même parti politique qui désignent les représentants appelés à siéger au sein de la Haute autorité.

Un meilleur équilibre pourrait être obtenu en confiant le pouvoir de désignation à des organismes collectifs et non à des individus, fussent-ils des personnalités. Par organismes collectifs, j'entends la représentation nationale et le Conseil économique et social.

Plusieurs techniques sont déclinées dans nos différents amendements pour assurer ce pluralisme : la majorité qualifiée, la proportionnelle ou la désignation par des groupes.

Bref, nous sommes animés du désir que cette Haute autorité soit véritablement représentative de toutes les sensibilités politiques.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Cela ne vous aura pas échappé, madame la ministre, mes chers collègues, dès sa première ligne, le texte prévoit qu'il est institué  « une autorité administrative indépendante ». Il faut donc fonder cette indépendance, mais nous sommes alors d'emblée confrontés à un sérieux problème. En effet, si deux membres sont désignés par le président du Sénat, deux membres par le président de l'Assemblée nationale, deux membres par le Premier ministre et deux membres par le Président de la République, imaginons un instant ce qui pourrait bien se passer si le président du Sénat, le président de l'Assemblée nationale et le Premier ministre appartenaient au même parti...

M. le président. Ce serait parfait ! (Sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. ...et si, de surcroît, ce même parti soutenait le Président de la République. C'est une situation qui n'a rien d'hypothétique...

M. le président. Vous me remplissez d'espoir, mon cher collègue ! (Nouveaux sourires.)

M. Jean-Pierre Sueur. D'ailleurs, j'espère, pour le Président de la République, qu'il continuera à bénéficier d'un tel soutien, mais nous suivrons les événements avec une particulière attention.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Comme nous tous !

M. Jean-Pierre Sueur. Toujours est-il que nous ne pouvons pas parier sur la diversité au sein de ce même parti. Ce serait tout de même hasardeux. Et le risque n'est pas mince, monsieur le président, que l'on aille même jusqu'à vous soupçonner, vous ainsi que les autres personnalités qui vont désigner les membres de la Haute autorité, de privilégier tel ou tel.

Pour vous épargner cet embarras, notre groupe a déposé une série d'amendements à l'effet, précisément, de garantir le pluralisme, car nous pensons qu'en la matière l'indépendance est le fruit du pluralisme et que, si nous fondons le pluralisme, il y aura davantage d'indépendance.

A cet égard, je veux saluer les efforts de notre rapporteur, M. Lecerf, qui, par ses amendements, nous ouvre la voie. Bien d'autres pas restent à faire ;  faisons-les. Car, finalement, nul n'a à craindre le pluralisme, garant de l'indépendance.

M. le président. Je suis saisi de douze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 30, présenté par Mmes Assassi,  Borvo,  Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Remplacer les huit premiers alinéas de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

La Haute Autorité est composée de représentants d'associations représentatives pour chaque critère de discrimination, de représentants d'organisations non gouvernementales, de syndicats, de personnalités qualifiées, de parlementaires, d'experts, du Médiateur de la République et de représentants du gouvernement.

La composition du collège de la Haute Autorité concourt à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes.

Les membres de la Haute Autorité sont nommés par décret du Président de la République.

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. Je ne surprendrai personne en évoquant l'importante question de la composition de la Haute autorité qui, vous l'aurez compris après mon intervention dans la discussion générale, ce matin, et après les propos qu'a tenus à l'instant Mme Borvo, nous pose véritablement un problème.

En effet, sur les onze membres du collège, deux seront nommés par le Président de la République, deux par le président du Sénat, deux par le président de l'Assemblée nationale et deux par le Premier ministre, les trois derniers étant nommés respectivement par le vice-président du Conseil d'Etat, le Premier président de la Cour de cassation et le président du Conseil économique et social.

Comme je le disais ce matin en m'excusant par avance de mes propos, si cette composition devait rester en l'état, l'institution serait alors verrouillée politiquement et son action dès lors difficilement indépendante du pouvoir en place.

Nous regrettons vivement que le monde associatif et syndical soit exclu de cette instance, en dépit d'une incontestable expérience de terrain. Le fait que les associations, les syndicats, les organisations professionnelles soient associés par le biais d'organismes ou comités consultatifs ne corrige en rien cet aspect.

Nous souhaitons que le pluralisme, l'indépendance et l'impartialité soient réellement garantis au sein de la Haute autorité. Nous proposons donc de modifier les modalités de sa composition de façon à les calquer sur celles de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, dont l'indépendance et l'impartialité ne sont pas mises en doute, le tout dans le respect de la parité.

Si le Sénat retenait aujourd'hui la solution que nous proposons, la Haute autorité serait composée demain de membres d'associations représentatives pour chaque critère de discrimination, de représentants d'ONG, de syndicats, mais aussi de personnalités qualifiées, de parlementaires, d'experts, du Médiateur de la République et enfin de représentants du Gouvernement. La commission des lois n'est d'ailleurs pas, me semble-t-il, opposée à la référence au Médiateur de la République.

Ce n'est qu'à la condition d'une composition de cet ordre que la Haute autorité sera véritablement généraliste, pluridisciplinaire, donc efficace. C'est la seule façon d'offrir à cette autorité de réelles garanties d'indépendance et une qualité de travail dignes des victimes qui la saisiront.

Je rappelle que le pluralisme était si inexistant dans le texte qui nous venait de l'Assemblée nationale que la commission des lois du Sénat a décidé de l'évoquer dans l'un de ses amendements.

Quant à la parité, totalement absente de la version initiale du projet de loi, les députés ont, dans leur grande bonté, réussi à en introduire le principe pour huit des onze membres, soit, tout de même, quatre femmes pour sept hommes !

Pour toutes ces raisons, nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter notre amendement.

M. le président. Je suis saisi de neuf amendements, présentés par M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 44 est ainsi libellé :

I - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :

onze

par le mot :

dix

II - Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

- quatre membres désignés par l'Assemblée Nationale à la majorité des 4/5e de ses membres ;

- quatre membres désignés par le Sénat à la majorité des 4/5e de ses membres ;

- deux membres désignés par le Conseil Economique et Social à la majorité des 4/5e de ses membres.

L'amendement n° 45 est ainsi libellé :

I - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :

onze

par le mot :

dix

II - Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

- quatre membres désignés par l'Assemblée Nationale à la majorité des 3/4 de ses membres ;

- quatre membres désignés par le Sénat à la majorité des 3/4 de ses membres ;

- deux membres désignés par le Conseil Economique et Social à la majorité des 3/4 de ses membres.

L'amendement n° 46 est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :

onze

par le mot :

dix

II. - Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

- quatre membres désignés par l'Assemblée Nationale par vote au scrutin proportionnel ;

- quatre membres désignés par le Sénat par vote au scrutin proportionnel ;

- deux membres désignés par le Conseil Economique et Social par vote au scrutin proportionnel. »

 

 

L'amendement n° 47 est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :

onze

par le mot :

douze

II. - Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par quatre alinéas ainsi rédigés :

- trois membres désignés par les groupes de la majorité de l'Assemblée Nationale ;

- trois membres désignés par les groupes de l'opposition de l'Assemblée Nationale ;

- trois membres désignés par les groupes de la majorité du Sénat ;

- trois membres désignés par les groupes de l'opposition du Sénat.

 

 

L'amendement n° 48 rectifié est ainsi libellé :

I. Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :

onze

par le mot :

dix

II. Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :

- deux membres désignés par les groupes de la majorité de l'Assemblée Nationale ;

- deux membres désignés par les groupes de l'opposition de l'Assemblée Nationale ;

- deux membres désignés par les groupes de la majorité du Sénat ;

- deux membres désignés par les groupes de l'opposition du Sénat ;

- deux membres désignés par le Conseil Economique et Social.

 

L'amendement n° 49 rectifié est ainsi libellé :

I. Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :

onze

par le mot :

douze

II. Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par cinq alinéas ainsi rédigés :

- deux membres désignés par les groupes de la majorité de l'Assemblée Nationale ;

- deux membres désignés par les groupes de l'opposition de l'Assemblée Nationale ;

- deux membres désignés par les groupes de la majorité du Sénat ;

- deux membres désignés par les groupes de l'opposition du Sénat ;

- deux membres désignés par le Conseil Economique et Social ;

- deux maires désignés par l'Association des maires de France dans le respect du pluralisme.

 

L'amendement n° 41 est ainsi libellé :

Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

- six membres désignés par l'Assemblée Nationale à la majorité des 4/5e de ses membres ;

- cinq membres désignés par le Sénat à la majorité des 4/5e de ses membres. »

L'amendement n° 42 est ainsi libellé :

Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

- six membres désignés par l'Assemblée Nationale à la majorité des 3/4 de ses membres ;

- cinq membres désignés par le Sénat à la majorité des 3/4 de ses membres.

 

L'amendement n° 43 est ainsi libellé :

Remplacer les deuxième à huitième alinéas de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :

- six membres désignés par l'Assemblée Nationale par vote au scrutin proportionnel ;

- cinq membres désignés par le Sénat par vote au scrutin proportionnel.

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter ces amendements.

M. Jean-Pierre Sueur. Tout d'abord, je tiens à saluer l'effort que traduit l'amendement déposé par Mme Assassi.

S'il me semble effectivement intéressant d'élargir la composition de la Haute autorité, cet amendement présente néanmoins un petit défaut : l'ensemble des membres sont nommés par une seule personne, qui est le président de la République. Il est important, nous semble-t-il, que les membres de la Haute autorité soient nommés par un collège de plusieurs personnes.

Tel est précisément l'objet de l'amendement n° 44. Au lieu de onze membres, la Haute autorité n'en compterait que dix : quatre désignés par l'Assemblée nationale, quatre désignés par le Sénat et deux nommés par le Conseil économique et social.

Nous proposons en outre une mesure originale : tous les membres de cette Haute autorité seraient désignés par les quatre cinquièmes de chaque assemblée.

Si, par exemple, le Sénat doit désigner quatre membres à la majorité des quatre cinquièmes de l'ensemble des sénateurs, un accord devra être trouvé. Cela signifie qu'aucune nomination ne pourra être décidée si la majorité n'y a pas souscrit, de même qu'il ne pourra pas avoir de nomination à laquelle l'opposition n'aura pas souscrit.

C'est donc une garantie absolue de pluralisme.

M. le président. Ou de blocage.

M. Jean-Pierre Sueur. Non, monsieur le président, il faudra bien se mettre d'accord. Si tel n'était pas le cas, il n'y aurait pas de Haute autorité. D'ailleurs, votre expérience est suffisamment grande pour que vous connaissiez notre capacité à trouver un accord, au sein du Sénat, dès qu'il s'agit du bien commun.

C'est la raison pour laquelle nous nous permettons de livrer à la sagacité de nos collègues cet amendement n° 44.

Toutefois, s'ils estiment que le taux de quatre cinquièmes est excessif, nous proposons l'amendement n° 45, qui vise à prévoir que la désignation des membres de la Haute autorité ait lieu aux trois quarts des membres du Sénat, de l'Assemblée nationale et du Conseil économique et social.

Je vous assure qu'il serait intéressant d'expérimenter ce genre de procédure, imposant à la majorité et à l'opposition, quelles qu'elles soient, de trouver un accord. Je le répète, c'est la garantie du pluralisme.

Si une telle disposition vous paraît encore excessive ou difficile à mettre en oeuvre, mes chers collègues, nous avons pensé à une autre solution qui pourrait également garantir le pluralisme et qui figure dans notre amendement n° 46. Il s'agirait de faire appel au scrutin proportionnel : le Sénat, l'Assemblée nationale et le Conseil économique et social désigneraient respectivement, les deux premiers, quatre membres, le dernier, deux membres au scrutin proportionnel. Une telle mesure est très facile à mettre en oeuvre.

M. Charles Pasqua. Cela va être difficile pour le Conseil économique et social !

M. le président. S'il vous plaît, n'interrompez pas l'orateur !

Veuillez poursuivre, monsieur Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis tout à fait ouvert aux interruptions de M. Charles Pasqua ! (Sourires.) Il affirme que le vote au scrutin proportionnel est difficile au Conseil économique et social. Certes, mais il n'est pas impossible.

Au demeurant, si l'amendement n° 46 ne suscite que cette objection, nous pourrions le rectifier de la façon suivante : l'Assemblée nationale et le Sénat désigneraient chacun cinq membres par vote au scrutin proportionnel. Ainsi, nous serions tous d'accord. (Nouveaux sourires.)

J'en arrive maintenant à l'amendement n° 47. Si les trois solutions précédentes ne conviennent pas, nous en proposons une autre. La Haute autorité compterait douze membres : trois membres seraient désignés par les groupes de la majorité de l'Assemblée nationale, trois autres personnes seraient désignées par les groupes de l'opposition de l'Assemblée nationale, trois membres seraient choisis par les groupes de la majorité du Sénat et les trois derniers par les groupes de l'opposition du Sénat.

Monsieur le président, vous conviendrez que cette solution est très facile à mettre en oeuvre et qu'elle permet d'obtenir un pluralisme total. Personne ne pourra suspecter la Haute autorité d'être partisane puisqu'il y aura égalité entre les représentants désignés par la majorité et ceux qui le seront par l'opposition. Bien entendu, nous ne préjugeons pas de la nature des personnes qui seront désignées. Il pourra s'agir de représentants d'associations, d'organisations syndicales, des personnalités connues pour leurs travaux dans ce domaine, etc.

Au cas, fort improbable, où aucune de ces propositions ne conviendrait, nous faisons encore un effort en présentant l'amendement n° 48 rectifié : deux membres seraient désignés par les groupes de la majorité de l'Assemblée nationale, deux autres par les groupes de l'opposition de l'Assemblée nationale, deux personnes seraient nommées par les groupes de la majorité du Sénat, deux autres par les groupes de l'opposition du Sénat, et deux membres seraient désignés par le Conseil économique et social.

Vous voyez, monsieur Pasqua, je ne parle ni de la majorité ni de l'opposition pour le Conseil économique et social. Je le considère comme un tout. Je pense que cet amendement pourra, lui aussi, vous convenir.

Au cas où l'ensemble de ces dispositions ne vous conviendraient toujours pas, nous avons prévu une autre solution, par le biais de l'amendement n° 49 rectifié. La composition de la Haute autorité serait quasiment identique à celle que vise à prévoir l'amendement n° 48, mis à part les deux maires désignés par l'Association des maires de France dans le respect du pluralisme.

Cette solution pourrait retenir l'attention du Sénat, très attaché à ce que les collectivités locales, notamment les communes, puissent intervenir.

Nous avons également déposé quelques amendements de repli, au cas où aucune de nos propositions antérieures ne séduirait le Sénat.

Par l'amendement n° 41, nous prévoyons que six membres seraient désignés par l'Assemblée nationale à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres, et que cinq membres seraient désignés par le Sénat à la majorité des quatre cinquièmes de ses membres.

Le raisonnement que j'ai exposé précédemment s'appliquant parfaitement à cet amendement, je ne le reprendrai pas. Il s'applique tout autant à l'amendement de repli n° 42 - c'est le repli dans le repli, en quelque sorte -, ainsi qu'à l'amendement n° 43 : six membres seraient désignés par l'Assemblée nationale à la majorité des trois quarts de ses membres ou au scrutin proportionnel, cinq membres le seraient par le Sénat à la majorité des trois quarts de ses membres ou au scrutin proportionnel.

En présentant ces amendements, nous espérons avoir démontré qu'il est tout à fait possible de fonder l'indépendance de la Haute autorité sur le pluralisme et de mettre en oeuvre celui-ci. Nous serions extrêmement déçus si aucune de nos propositions n'était retenue par la Haute Assemblée.

M. Jean-Claude Gaudin. C'est très clair. Il y aurait deux représentants pour les socialistes ! (Sourires.)

M. le président. S'il vous plaît, ne vous dissipez pas !

M. Charles Pasqua. Monsieur le président, laissez-nous débattre un peu !

M. le président. Pas trop ! (Nouveaux sourires.)

L'amendement n° 51, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :

, dont le président,

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Ce projet de loi prévoit que le Président de la République choisit deux des membres qui constitueront le collège, ainsi que le président.

Il serait plus démocratique, nous semble-t-il, que ce soit le collège qui élise en son sein le président. Ce serait également un gage d'indépendance à l'égard du pouvoir. Cela répond d'ailleurs à une recommandation de la commission nationale consultative des droits de l'homme.

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mme Dini et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

A la fin du cinquième alinéa de cet article, remplacer les mots :

Premier ministre

par les mots :

ministre en charge de la politique de lutte contre les discriminations

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. De manière générale, les autorités administratives indépendantes sont créées pour justifier l'intervention d'experts indépendants et impartiaux dans des domaines spécifiques.

Or la désignation d'une grande partie des membres du collège de la Haute autorité est faite par les plus hautes instances politiques de l'Etat.

Par ailleurs, la nomination par le Premier ministre est une pratique peu courante.

C'est pourquoi nous proposons de substituer le ministre en charge de la lutte contre les discriminations au Premier ministre pour la nomination de deux des membres du collège de la Haute autorité. Nous considérons en effet qu'il est préférable de donner ce pouvoir au ministre qui a une connaissance particulière du sujet et qui est amené à rencontrer les personnes spécialisées en la matière.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 30, car il ne fixe pas le nombre de membres du collège. De toute façon, il aurait bien du mal à le faire puisque ce collège serait composé de représentants d'associations représentatives pour chaque critère de discrimination, de représentants d'organisations non gouvernementales, de syndicats, de personnalités qualifiées, de parlementaires, d'experts, de représentants du Gouvernement, etc. Il va de soi qu'il s'agirait d'une instance pléthorique qui aurait plus une mission de forum qu'un rôle de Haute autorité.

Le dispositif prévu par le projet de loi, avec adjonction d'un comité consultatif auprès de la Haute autorité, nous paraît plus équilibré et plus opérationnel.

Monsieur le président, je donnerai un avis identique sur l'ensemble des amendements de M. Sueur. Ceux-ci énoncent un panel tout à fait intéressant de solutions qui nous ont été proposées afin que les différentes autorités susceptibles de désigner les membres de la Haute autorité s'attachent à donner à cette instance une composition pluraliste. Nous sommes tous d'accord sur ce point. D'ailleurs, l'amendement n° 1 de la commission rappellera cette ardente obligation.

Cette mention du pluralisme constituera une innovation dans le statut d'une autorité administrative indépendante. Son respect sera d'autant plus nécessaire qu'il permettra à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité de devenir plus facilement une autorité morale.

En revanche, la désignation des membres par les assemblées risquerait d'entraîner des délais de nomination extrêmement longs, a fortiori sur des majorités de trois quarts ou de quatre cinquièmes.

Surtout, la Haute autorité a vocation à être non pas une assemblée représentative, mais une autorité administrative à la composition à la fois pluridisciplinaire et pluraliste.

Je me permets d'ajouter que la désignation par les assemblées serait la meilleure façon de politiser de manière importante la Haute autorité, ce que nous ne souhaitons ni les uns ni les autres.

Pour l'ensemble de ces raisons, la commission émet un avis défavorable sur les amendements présentés par M. Sueur.

Sur l'amendement n° 51, la commission émet également un avis défavorable.

La désignation, par le Président de la République, du président de l'autorité administrative indépendante ne constitue pas une exception parmi ces différentes autorités. Je citerai, par exemple, le cas du président de la commission nationale de déontologie, créée en 2000 par un gouvernement de gauche. Il en va de même de la commission consultative du secret de la défense nationale, créée en 1998. A deux reprises, la gauche a donc accordé au Président de la République la présidence de ces autorités administratives indépendantes, sans s'en émouvoir. C'est une formule qui nous paraît tout à fait intéressante et opérationnelle.

En ce qui concerne l'amendement n° 25, la commission estime que la position institutionnelle du Premier ministre lui confère une plus grande légitimité qu'au ministre en charge de la politique de lutte contre les discriminations pour désigner deux membres de la Haute autorité. En outre, chacun sait que les aléas des nominations gouvernementales pourraient aussi faire évoluer les responsables de cette nomination. La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Pour une raison de fond qui apparaît à la lecture même de l'amendement n° 30, le Gouvernement ne peut être favorable à cette proposition. Il n'est en effet pas possible, à travers un collège de onze personnes, de prétendre représenter l'ensemble des organismes, services et institutions qui se sont engagés dans la lutte contre les discriminations.

D'une part, en effet, les organismes et institutions sont nombreux dans notre pays. D'autre part, le champ de compétences de la Haute autorité est particulièrement vaste puisqu'il s'agit de toute forme de discrimination prohibée par la loi.

C'est pourquoi le parti retenu par le Gouvernement a été de confier la responsabilité de désigner les personnalités du collège à un certain nombre d'autorités particulièrement éminentes qui ne manqueront pas de porter leur choix sur des personnalités reconnues en fonction de leur engagement et de leur parcours. Ces dernières pourront bien sûr appartenir aux catégories énumérées par l'amendement.

Mais nous ne pouvons pas nous enfermer dans le piège d'une énumération prétendument exhaustive, car une telle liste ne sera jamais complète.

Chacun voit bien, par ailleurs, ce qui peut différencier la Haute autorité, qui est dotée de pouvoirs, de la Commission nationale consultative des droits de l'homme, qui, comme son nom l'indique, n'est que consultative !

L'amendement n°44 vise à remettre complètement en cause un système de désignation reposant sur un certain nombre d'autorités particulièrement éminentes, que personne ne conteste, du reste, et que l'on retrouve, d'une manière assez classique, dans les textes constitutifs d'autorités administratives indépendantes. Ces autorités sont elles-mêmes suffisamment diverses pour écarter tout risque de voir apparaître, à l'issue du processus de nomination, ce que certains appellent un organisme partisan. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

En ce qui concerne les amendements nos 45, 46, 47, 48 rectifié, 49 rectifié, 41, 42 et 43, le Gouvernement émet également un avis défavorable pour les mêmes raisons.

S'agissant de l'amendement n° 51, le Gouvernement émet un avis défavorable pour des motifs évidents sur lesquels je ne reviendrai pas.

L'amendement n° 25 ne me semble pas opportun, car le Premier ministre, dans l'exercice de son pouvoir de désignation, ne manquera pas de consulter le ou la ministre en charge de la politique de lutte contre les discriminations. J'apprécierais donc que vous retiriez cet amendement, madame la sénateur.

M. le président. Madame Dini, l'amendement n° 25 est-il maintenu ?

Mme Muguette Dini. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 25 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur l'amendement n° 44.

M. Jean-Pierre Sueur. Je suis quelque peu déçu par les justifications qui ont été données afin de ne pas retenir l'un ou l'autre des amendements que nous avons présentés.

Monsieur le rapporteur, vous nous avez expliqué que la nomination d'une partie des membres de la Haute autorité par l'Assemblée nationale ou le Sénat risquerait peut-être de la politiser. Ne soyons pas hypocrites ! Le président du Sénat, celui de l'Assemblée nationale et le Premier ministre ne sont pas sans rapport avec la politique : ce sont des élus qui appartiennent à des formations politiques. C'est bien normal : c'est la démocratie !

Un certain nombre de nominations - par exemple celles des membres du Conseil supérieur de l'audiovisuel ou même du Conseil constitutionnel - sont interprétées comme étant liées au contexte politique. D'ailleurs, certaines personnes qui ont eu, pendant des décennies, des engagements politiques peuvent difficilement, au moment où elles sont nommées, apparaître comme des êtres apolitiques. (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

Nous aurions mauvaise grâce, les uns et les autres, à dire que la Haute autorité va être politisée ! » Nous faisons tous de la politique.

M. le président. De la bonne politique !

M. Jean-Pierre Sueur. Chacun pense que la sienne est la meilleure !

Le pluralisme dans le processus de nomination est précisément la seule façon d'en sortir. Certains poussent des cris d'orfraie devant cette mesure extraordinairement novatrice : demander au Sénat de désigner trois ou quatre personnes. Mais le Sénat est déjà représenté dans des dizaines d'organismes !

Nous aimerions que l'on veillât davantage au respect du pluralisme. Tout à l'heure, j'ai salué l'avancée proposée par M. le rapporteur : le Président de la République, le Premier ministre, le président du Sénat et celui de l'Assemblée nationale nomment deux membres dans le respect du pluralisme. Peut-être chacun nommera-t-il un membre de droite et un membre de gauche ! M. le rapporteur dira alors qu'il y a politisation.

On n'échappe pas à la réalité ! Par conséquent, honorons-nous de mettre en oeuvre des processus qui aboutissent véritablement au pluralisme, gage de l'indépendance.

C'est ce que nous espérions en présentant ces amendements. Nous regrettons, monsieur le président, que notre espérance soit déçue.

M. le président. Je m'honore d'être toujours impartial dans les désignations.

Je mets aux voix l'amendement n° 44.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 47.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 48 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 49 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 41.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 42.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le neuvième alinéa de cet article :

Les désignations du Président de la République, du Président du Sénat, du Président de l'Assemblée nationale et du Premier ministre concourent à une représentation équilibrée entre les femmes et les hommes et au respect du pluralisme.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement vise à modifier le dispositif adopté par l'Assemblée nationale pour appliquer le principe de parité entre les hommes et les femmes au sein de la Haute autorité.

L'Assemblée nationale a prévu que le Président de la République, le président de chaque assemblée et le Premier ministre désignent, chacun, des membres de sexe différent. La rédaction proposée nous paraît contraire à l'article 3 de la Constitution, comme l'avait d'ailleurs souligné M. Clément, président de la commission des lois et rapporteur de ce projet de loi lors des débats à l'Assemblée nationale. Il est difficile de se satisfaire de l'espoir que le Conseil constitutionnel ne sera pas saisi pour censurer.

La formulation que nous vous proposons reprend celle qui a été validée par le Conseil constitutionnel s'agissant de la composition des jurys chargés de valider les acquis de l'expérience créés par la loi de modernisation sociale.

L'objectif de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes serait ainsi appliqué aux désignations des autorités politiques. A l'instar de l'Assemblée nationale, le dispositif vise huit membres du collège sur onze. De la sorte, les autorités politiques seront amenées à se concerter pour parvenir à un équilibre. Cette concertation leur permettra également de veiller à la pluridisciplinarité et aux compétences des personnes qu'elles désigneront.

Enfin, l'amendement tend à inciter ces autorités à respecter un objectif de pluralisme. Cet objectif, consacré comme un fondement de la démocratie par la jurisprudence du Conseil constitutionnel, correspond en effet aux attentes des associations de lutte contre les discriminations et, surtout, à la nature particulière de la mission de la HALDE, qui traitera directement du respect des droits fondamentaux.

Je citerai un exemple : si un parlementaire était désigné parmi les représentants de la Haute autorité, ce qui d'ailleurs ne serait pas nécessairement une bonne chose, ce pourrait être un parlementaire de la majorité ou un parlementaire de l'opposition. Mais cela n'interdit nullement que soient exclusivement désignées, au sein de la Haute autorité, des personnalités apolitiques ou dont nul ne connaît l'opinion politique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Tout à l'heure, j'ai dit que nous étions sensibles à l'effort accompli par M. le rapporteur. C'est pourquoi nous voterons le présent amendement, qui prévoit que les membres du collège seront nommés dans le respect de la parité et du pluralisme.

Pour notre part, nous pensions qu'il fallait dépasser ce cadre de quatre personnes nommant chacune deux personnes et que chacune des assemblées devait pouvoir s'exprimer. Il n'empêche que M. le rapporteur a fait un pas que nous considérons comme positif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 53, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le neuvième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le Président de la Haute autorité est élu par le collège ainsi constitué, il a voix prépondérante en cas d'égalité des voix.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il s'agit d'un amendement de coordination avec notre amendement précédent. Celui-ci avait pour objet de faire désigner le président de la HALDE par le collège et non pas par le Président de la République.

Le présent amendement prévoit que le président de la Haute autorité, élu par le collège ainsi constitué, a voix prépondérante en cas d'égalité des voix.

M. le président. L'amendement n° 18, présenté par M. Türk, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

En cas de partage égal des voix, celle du Président de la haute autorité est prépondérante.

La parole est à M. Alex Türk.

M. Alex Türk. Ce matin, lors de la discussion générale, j'indiquais à propos des autorités administratives indépendantes qu'il convenait de faire en sorte que le législateur traite de l'essentiel des questions statutaires, le décret d'application ne devant intervenir que pour une faible part sur ces sujets.

C'est pourquoi le présent amendement vise à préciser qu'en cas de partage égal des voix celle du président de la Haute autorité est prépondérante.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 53.

L'amendement n° 18 tend à insérer une disposition qui devait figurer dans le décret. Toutefois, nous comprenons parfaitement le sentiment de notre collègue Alex Türk. : la voix prépondérante du président est une mesure traditionnelle dans le fonctionnement des autorités administratives indépendantes. La commission émet donc un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Sur l'amendement n° 53, le Gouvernement émet un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 18, il s'agit d'une disposition d'ordre règlementaire, qui aurait donc davantage sa place dans le décret d'application. Par conséquent, le Gouvernement émet un avis de sagesse.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le onzième alinéa de cet article.

 

La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Il s'agit d'un amendement de coordination avec l'ensemble de ceux que j'ai déjà défendus.

En effet, il nous est apparu que, compte tenu des processus que nous proposions, il ne pouvait y avoir de renouvellement tous les trente mois de la moitié des membres.

Or, étant donné que ces amendements n'ont pas connu le succès escompté, fort logiquement nous retirons celui-ci.

M. le président. L'amendement n° 50 est retiré.

L'amendement n° 2, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans l'antépénultième alinéa de cet article, remplacer les mots :

décide la création auprès d'elle de tout organisme consultatif

par les mots :

crée auprès d'elle un comité consultatif

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision.

A partir du moment où l'Assemblée nationale a rendu obligatoire la création d'un organisme consultatif auprès de la Haute autorité de lutte contre les discriminations, organisme qui, dans le projet de loi, était simplement facultatif, il convient, semble-t-il, d'en préciser la nature en le qualifiant de comité consultatif.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable, car cet amendement apporte une précision utile.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 78 rectifié, présenté par MM. Pelletier,  Seillier,  de Montesquiou et  A. Boyer, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi l'avant-dernier alinéa de cet article :

La haute autorité est dotée de services centraux et régionaux, placés sous l'autorité de son président, pour lesquels elle peut recruter des agents contractuels. Elle dispose d'un réseau de délégués territoriaux.

La parole est à M. Aymeri de Montesquiou.

M. Aymeri de Montesquiou. Pour une meilleure information de chacun et pour une meilleure efficacité dans la lutte contre les discriminations, la Haute autorité doit pouvoir bénéficier d'un réseau de délégués territoriaux.

Une grande majorité des interlocuteurs de la commission présidée par M. Bernard Stasi, y compris au sein des administrations, est favorable à la présence de délégués territoriaux. Les organismes étrangers similaires ont créé des antennes ou des bureaux locaux : c'est le cas en Belgique, au Royaume-Uni ou encore au Québec.

La création d'un réseau de délégués paraît indispensable, afin de tenir compte des réalités de terrain et de rapprocher, selon une logique de proximité, la Haute autorité des victimes de discriminations, mais aussi< d'assurer la mise en oeuvre effective de ses actions et de sa politique de communication sur l'ensemble du territoire.

De plus, ces délégués favoriseraient une collaboration effective entre les acteurs locaux, notamment associatifs, et la justice. Ils pourraient, en outre, décharger la structure centrale de certaines tâches opérationnelles. La mission Stasi a d'ailleurs prévu d'installer cinq délégations « pilote » au cours de la première année - quatre en métropole et une outre-mer -, dans la perspective, à plus long terme, de disposer de vingt-six délégations.

Aussi, afin d'assurer la sécurité juridique et financière de la décentralisation de la Haute autorité, il semble préférable d'y faire référence dans la loi.

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans l'avant dernier alinéa de cet article, après les mots :

Elle dispose de services

insérer les mots :

centraux ou départementaux

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. En vue d'une forte mobilisation contre les discriminations, il n'est pas raisonnable de cantonner la Haute autorité à un rôle national et centralisé.

En effet, le combat contre les discriminations se gagne sur l'ensemble du territoire et en proximité avec ceux qui s'y trouvent investis.

C'est pourquoi il est indispensable de disposer d'une autorité qui soit liée à un maillage départemental coordonné au plan régional sous l'égide d'autorités publiques clairement identifiées.

Comme le préconisait la commission Stasi, nous sommes favorables à la présence de délégués territoriaux de la Haute autorité. Tous les organismes étrangers similaires ont ressenti la nécessité de créer des antennes ou des bureaux locaux ; c'est le cas en Belgique et au Royaume-Uni, ainsi que cela vient d'être dit.

La création d'un réseau de délégués semble effectivement nécessaire, afin de tenir compte des réalités de terrain et de rapprocher, selon une logique de proximité, la Haute autorité des victimes de discriminations et d'assurer la mise en oeuvre effective de ses actions et de sa politique de communication sur l'ensemble du territoire.

Ces délégués locaux favoriseront la collaboration effective entre les acteurs locaux, notamment associatifs et syndicaux, et exerceront également leur mission en relation étroite avec les dispositifs de justice de proximité, tels que les commissions départementales d'accès au droit - qui, peut-être, disparaîtront demain - et les maisons de la justice et du droit.

Nous proposons donc que soit inscrite dans la loi la présence de délégations territoriales qui pourraient être départementales.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission partage le souci exprimé tant dans l'amendement n° 78 rectifié que dans l'amendement n° 54.

En revanche, d'un point de vue rédactionnel, il lui semble que l'amendement n° 32, tendant à insérer un article additionnel après l'article 3, et émanant du groupe CRC, est plus adéquat.

C'est la raison pour laquelle je demande aux auteurs des amendements nos 78 rectifié et 54 de bien vouloir retirer ces derniers, étant entendu que la commission émettra un avis favorable sur l'amendement n° 32 dont l'objet est identique.

M. le président. Votre amendement est-il maintenu, monsieur de Montesquiou ?

M. Aymeri de Montesquiou. Non, monsieur le président, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 78 rectifié est retiré.

Maintenez-vous votre amendement n° 54, madame Boumediene-Thiery ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cet amendement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le collège ainsi constitué statue publiquement.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Les amendements que nous venons de défendre montrent que nous aurions souhaité que la composition de la Haute autorité, d'une part, assure de façon plus forte l'indépendance de cette instance à l'égard de la hiérarchie administrative et gouvernementale et, d'autre part, soit plus représentative du paysage politique de notre pays. Or le Sénat n'a pas retenu nos propositions, ce qui est bien dommage !

Certes, la Haute autorité créera auprès d'elle un comité consultatif permettant d'associer à ses travaux des personnalités qualifiées, parmi lesquelles des représentants des associations, des syndicats, des organisations professionnelles et toute autre personne exerçant une activité dans le domaine de la lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Toutefois, il est bien évident que tous ces acteurs ne pourront être représentés. C'est la raison pour laquelle il nous parait souhaitable que le collège statue publiquement, comme c'est d'ailleurs le cas au Parlement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. S'il importe que le résultat des délibérations de la Haute autorité soit, bien sûr, rendu public, en revanche, le contenu des discussions et la répartition des votes doivent rester secrets, et ce afin d'assurer l'indépendance de l'institution.

De surcroît, la Haute autorité n'est pas une juridiction, mais constitue un organisme administratif soumis éventuellement au contrôle du Conseil d'Etat.

Telles sont les raisons pour lesquelles la commission est défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)

.M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)

(M. Jean-Claude Gaudin remplace M. Christian Poncelet au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

Art. 2
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Art. 3

Article additionnel après l'article 2

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. Aucun membre de la haute autorité ne peut :

- participer à une délibération ou procéder à des investigations relatives à un organisme au sein duquel il détient un intérêt, direct ou indirect, exerce des fonctions ou détient un mandat ;

- participer à une délibération ou procéder à des investigations relatives à un organisme au sein duquel il a, au cours des trois années précédant la délibération ou les vérifications, détenu un intérêt direct ou indirect, exercé des fonctions ou détenu un mandat.

II. Tout membre de la haute autorité doit informer le président des intérêts directs ou indirects qu'il détient ou vient à détenir, des fonctions qu'il exerce ou vient à exercer et de tout mandat qu'il détient ou vient à détenir au sein d'une personne morale. Ces informations, ainsi que celles concernant le président, sont tenues à la disposition des membres de la haute autorité.

Le président de la haute autorité prend les mesures appropriées pour assurer le respect des obligations résultant du présent article.

 

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a pour objet de renforcer l'indépendance du collège de la Haute autorité en excluant la participation à ses délibérations et à ses investigations des membres qui seraient confrontés à des conflits d'intérêt.

Les membres du collège de la Haute autorité seraient ainsi soumis à une obligation de déport, comme le sont ceux d'autres autorités collégiales, telle, par exemple, la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

Le décret d'application de la loi pourrait, en outre, prévoir, si vous en êtes d'accord, madame la ministre, la même obligation à l'égard des agents de la Haute autorité qui procéderont à des vérifications sur place ou à des médiations.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

Art. additionnel après l'art. 2
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Art. additionnel après l'art. 3

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 2.

Article 3

Toute personne qui s'estime victime de discrimination peut saisir la haute autorité, dans des conditions précisées par décret en Conseil d'Etat.

La haute autorité peut aussi se saisir d'office des cas de discrimination directe ou indirecte dont elle a connaissance, sous réserve que la victime, lorsqu'elle est identifiée, ait été avertie et qu'elle ne s'y soit pas opposée.

La saisine de la haute autorité n'interrompt ni ne suspend les délais relatifs à la prescription des actions en matière civile et pénale et aux recours administratifs et contentieux.

M. le président. L'amendement n° 55, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :

Toute personne qui s'estime victime de discrimination peut saisir la haute autorité qui en accuse réception. Elle peut être accompagnée dans sa saisine par une association ou toute personne de son choix.

 

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le Gouvernement, dans ce projet de loi, a fait le choix de la saisine directe par toute personne qui s'estime victime de discriminations, choix dont nous félicitons, car il est particulièrement justifié en matière de lutte contre les discriminations.

Quel que le soit le mode de saisine qui sera retenu par le décret en Conseil d'Etat, nous souhaitons préciser que la Haute autorité devra accuser réception à l'intéressé.

Par ailleurs, cet amendement vise à prévoir expressément que la victime pourra être accompagnée dans sa saisine par une association ou par toute personne de son choix : avocat, conseil, représentant d'une ONG, d'un syndicat. En effet, certaines personnes peuvent ne pas être en mesure d'entamer, seules, une action, soit par crainte, par manque d'assurance, de confiance, soit à cause de difficultés particulières, ne serait-ce que pour s'exprimer en français.

Il semble donc souhaitable qu'elles puissent être accompagnées dans leurs démarches et que cette possibilité soit inscrite dans la loi, comme cela est d'ailleurs préconisé par la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement sera partiellement satisfait par l'amendement n° 4 de la commission, que nous examinerons ultérieurement.

C'est la raison pour laquelle je demande à Mme Boumediene-Thiery de bien vouloir retirer le sien, faute de quoi je me verrai contraint d'émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Je demande également à Mme Boumediene-Thiery de bien vouloir retirer son amendement, et ce non pas pour des motifs de fond, tant j'estime utile et justifié de mentionner le rôle des associations dans la saisine de la Haute Autorité, mais parce que la rédaction de l'amendement de la commission qui a le même objet me paraît meilleure ; à défaut, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Maintenez-vous votre amendement, Mme Boumediene-Thiery ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Oui, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 55.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 26, présenté par Mme Dini et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Un parlementaire peut saisir la Haute autorité de tout acte de discrimination dont il a connaissance.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Il arrive très fréquemment que les parlementaires soient les destinataires de plaintes et de témoignages de personnes victimes de discriminations et, plus généralement, de demandes d'interventions particulières.

Cet amendement vise donc à permettre aux parlementaires de saisir la Haute autorité lorsqu'ils ont connaissance de cas de discriminations.

En effet, il peut arriver que des personnes particulièrement vulnérables ne sachent quelle procédure suivre pour se défendre lorsqu'elles se trouvent victimes de discriminations.

En fait, il s'agit principalement de faire des parlementaires des relais de proximité efficaces dans le cadre de ce nouveau schéma institutionnel de lutte contre les discriminations.

M. le président. L'amendement n° 56, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Tout parlementaire peut saisir la Haute autorité.

 

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Nous proposons également, à travers cet amendement, que la Haute autorité puisse être saisie par l'intermédiaire d'un parlementaire, comme c'est le cas pour le médiateur de la République ou encore pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

M. le président. L'amendement n° 79 rectifié, présenté par MM. de Montesquiou,  Seillier,  Pelletier et  Thiollière, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les députés, les sénateurs et les représentants français au Parlement européen peuvent saisir, de leur propre chef et par écrit, la haute autorité de tout cas de discrimination directe ou indirecte dont ils ont connaissance. Dans ce cas, lorsqu'elle est identifiée, la victime est avertie par la haute autorité. Puis, si la victime n'y est pas opposée, la haute autorité entame ses investigations et décide des suites à donner à la procédure.

La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. L'amendement n° 79 rectifié a le même objet que les précédents, tout en précisant les modalités de saisine de la Haute autorité. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. L'amendement n° 80 rectifié, présenté par MM. de Montesquiou,  Seillier,  Pelletier et  Thiollière, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les victimes de discrimination peuvent également saisir la Haute Autorité par l'intermédiaire d'un député, d'un sénateur ou d'un représentant français au Parlement européen.

La parole est à M. Bernard Seillier.

M. Bernard Seillier. Dans cet amendement, qui concerne les modalités en cas de saisine directe à l'initiative d'un parlementaire, le consentement des victimes est, cette fois, considéré a priori comme acquis, puisque ce sont elles qui interviennent pas l'intermédiaire des parlementaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le président, la commission est favorable à l'amendement n° 80 rectifié, car il s'inscrit dans la même logique que son amendement n° 4, ouvrant la saisine de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité aux associations, conjointement avec les victimes.

Elle souhaite donc le retrait des trois autres amendements qui ont été déposés sur cet article et qui sont quasiment satisfaits.

Par ailleurs, je demande que l'amendement n° 80 rectifié soit mis aux voix par priorité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les quatre amendements ainsi que sur la demande de priorité formulée par la commission.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Le Gouvernement, qui partage l'avis de la commission sur l'ensemble de ces amendements, est favorable à la demande de vote par priorité de l'amendement n° 80 rectifié.

M. le président. La priorité est de droit.

Je mets aux voix l'amendement n° 80 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 26, 56 et 79 rectifié n'ont plus d'objet.

Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

 

Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d'assister les victimes de discrimination, peut saisir la haute autorité conjointement avec toute personne qui s'estime victime de discrimination.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre aux associations de saisir la Haute autorité, selon les modalités qui ont été prévues pour les parlementaires voilà un instant, conjointement avec les victimes de discrimination.

Les associations se proposant, par leur statut, de lutter contre les discriminations pourront ainsi soutenir les personnes qui ne sont pas en mesure de procéder seules à une telle saisine.

Le critère d'une durée d'existence depuis au moins cinq ans à la date des faits devrait garantir le sérieux des saisines émanant d'associations.

La saisine conjointe permettra de responsabiliser la victime tout en assurant la Haute autorité de l'accord de ladite victime pour accomplir cette démarche.

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par Mmes Assassi,  Borvo,  Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Toute association régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant par ses statuts de combattre les discriminations ou d'assister les victimes de discrimination, peut saisir la Haute autorité dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

 

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Cet amendement ayant le même objet que celui de la commission des lois, j'espère qu'il recevra un avis favorable du Gouvernement et qu'il sera adopté à l'unanimité.

M. le président. L'amendement n° 76, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

La haute autorité peut être directement saisie par les associations reconnues d'utilité publique qui luttent contre les discriminations énoncées à l'article 2251 du code pénal  et par les syndicats.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Comme le prévoit la loi instituant le défenseur des enfants, cet amendement vise à donner aux associations mais aussi aux syndicats la possibilité de saisir la Haute autorité.

Trop souvent isolées, les victimes ne savent pas quoi faire ni vers qui se tourner. Même ensuite, lorsqu'elles ont compris l'importance de porter plainte ou de poursuivre l'auteur d'une discrimination, elles ont peur des représailles, des pressions, voire des harcèlements.

Il convient donc de prévoir une véritable aide qui leur redonne confiance, qui rende possible une saisine de la Haute autorité par des associations luttant contre les discriminations assistant les victimes. Les associations régulièrement déclarées pourraient aussi se porter partie civile pour défendre et accompagner les victimes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°s 31 et 76 ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le président, la commission des lois a longuement discuté des modalités de saisine de la Haute autorité par les associations. A l'issue de ce débat, elle a retenu, à la quasi-unanimité, l'hypothèse de la saisine conjointe.

Sauf erreur de ma part, l'amendement n° 31 n'y fait pas référence. La commission y est donc défavorable.

Quant à l'amendement n° 76, il est partiellement satisfait - mais partiellement seulement, je le reconnais - par l'amendement n° 4. La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 4.

Il considère, par ailleurs, que l'amendement n° 31 est satisfait par l'amendement n° 4. J'invite donc Mme Mathon à le retirer. Vous acceptez ?

Mme Josiane Mathon. Oui et je retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° 31 est retiré.

Veuillez poursuive, madame la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Quant à l'amendement n° 76, comme l'a indiqué M. le rapporteur, il est en grande partie satisfait, lui aussi, par l'amendement n° 4, même si les syndicats ne sont pas mentionnés.

Sur ce point, j'estime, avec M. le rapporteur, qu'il n'est pas infondé de distinguer les associations, qui peuvent avoir directement pour objet de lutter contre les discriminations, et les syndicats, dont ce n'est pas directement l'objet même si, bien entendu, ils peuvent prendre part à ce combat. Je préfère donc m'en tenir à l'amendement que nous avons adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 76 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'article 3, modifié.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. 4

Article additionnel après l'article 3

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par Mmes Assassi,  Borvo,  Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après l'article 3, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La Haute autorité dispose, sur l'ensemble du territoire, de délégués qu'elle désigne dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

Les délégués apportent aux personnes visées au premier alinéa de l'article 3 les informations et l'assistance nécessaires au traitement des réclamations.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Par souci d'efficacité et par nécessité d'être au plus près des problèmes, il conviendrait que l'autorité administrative puisse disposer de relais locaux sur l'ensemble du territoire.

L'autorité doit, en effet, pouvoir s'appuyer sur des délégations régionales à l'image de ce qui existe pour le Médiateur de la République.

A cet égard, M. Stasi affirme lui-même la nécessité pour l'autorité de disposer d'un réseau de délégués territoriaux et évoque l'installation de cinq délégations pilotes au cours de la première année - dont une en outre-mer - dans la perspective à plus long terme de la mise en place de vingt-six délégations régionales.

L'implantation d'une délégation au sein de chaque région est, en effet, un objectif incontournable. Un tel dispositif aurait notamment le mérite d'éviter l'encombrement de la Haute autorité d'une part et le risque de paralysie de son fonctionnement d'autre part.

Bien évidemment, ces délégations devraient avoir un rôle majeur et ne pas se limiter à la seule information. Elles devraient ainsi animer et coordonner le réseau local des acteurs de lutte contre les discriminations, mais aussi et surtout avoir une fonction d'assistance aux personnes.

Il est vrai qu'un tel dispositif nécessitera des moyens humains et matériels supplémentaires, mais n'est-ce pas à ce prix que la Haute autorité atteindra ses objectifs ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 3.

Art. additionnel après l'art. 3
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Art. additionnel après l'art. 4

Article 4

La haute autorité recueille toute information sur les faits portés à sa connaissance.

A cet effet, elle peut demander des explications à toute personne privée mise en cause devant elle. Elle peut aussi demander communication d'informations et de documents quel qu'en soit le support et entendre toute personne dont le concours lui paraît utile.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 57, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, remplacer les mots :

personne privée

par les mots :

personnes physique ou morale

 

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Le projet de loi dispose que la Haute autorité recueille toute information sur les faits portés à sa connaissance. A cet effet, le texte prévoit qu'elle peut demander des explications à toute personne privée mise en cause devant elle.

Pourquoi se limiter aux seules personnes privées alors que les discriminations émanent souvent d'entreprises, d'organismes ainsi que de services publics, donc de personnes morales. En effet, c'est souvent dans le cadre des emplois de l'accès au logement, aux loisirs que les discriminations sont les plus courantes.

Nous proposons donc d'étendre le pouvoir de recueillir des informations aux personnes physiques et morales. Le limiter aux personnes privées constituerait une discrimination et viderait de son contenu la création de cette autorité, l'empêchant d'exercer efficacement sa mission.

M. le président. L'amendement n° 5 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du second alinéa de cet article, remplacer le mot :

privée

par les mots :

physique ou à toute personne morale de droit privé

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement et pour donner l'avis de la commission sur l'amendement n° 57.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 5 rectifié est un amendement de précision, dont l'objet est très proche de celui de l'amendement n° 57. Peut-être d'ailleurs n'était-il pas indispensable, mais ce qui va sans dire va parfois mieux en le disant.

La Haute autorité pourra demander des explications ou la communication d'informations et de documents, non seulement aux personnes physiques, mais aussi aux personnes morales de droit privé.

Il paraît en effet indispensable que les dirigeants des personnes morales privées soient également soumis à cette obligation afin, le cas échéant, de prendre toute la mesure des comportements discriminatoires et d'éviter d'éventuels obstacles hiérarchiques aux investigations de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 5 rectifié.

Il aurait également pu émettre un avis favorable sur l'amendement n° 57. Toutefois, dans la mesure où il préfère la rédaction de l'amendement n° 5 rectifié, il y est opposé.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 57.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

 

Les personnes auxquelles la haute autorité demande des explications en application de l'alinéa précédent peuvent se faire assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de l'audition est dressé et remis à la personne entendue.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a pour objet de mieux assurer le respect des droits de la défense à l'égard des personnes privées mises en cause devant la Haute autorité et auxquelles celle-ci demande des explications.

Il convient en effet de prévoir que ces personnes peuvent se faire assister du conseil de leur choix et qu'un procès-verbal contradictoire de leur audition est dressé et leur est remis. Le respect du principe du contradictoire serait ainsi garanti devant la Haute autorité, comme il l'est, par exemple, devant la Commission nationale de déontologie de la sécurité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
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Art. 5

Article additionnel après l'article 4

M. le président. L'amendement n° 77, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Devant les juridictions civiles et administratives ainsi que devant les autres instances compétentes, lorsqu'une personne lésée par le non-respect de son principe d'égalité de traitement établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte, il incombe à la partie défenderesse de prouver qu'il n'y a pas eu violation du principe de l'égalité de traitement.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement porte sur l'aménagement de la charge de la preuve, en application de l'article 8 de la directive du Conseil du 29 juin 2000 relative à la mise en oeuvre du principe d'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique.

Il s'agit là d'une idée force de la directive européenne concernant la charge de la preuve qui, pour une victime de discrimination, est souvent la plus difficile à établir.

En affirmant que la victime devra simplement établir les faits, à charge pour la partie adverse de prouver que ces faits ne résultent pas d'une discrimination, nous aiderons les personnes victimes de discrimination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le président, la commission demande le retrait de cet amendement, dans la mesure où il est satisfait par l'article 17 du projet de loi, tel qu'il sera amendé par la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement, qui s'insère mal dans la trame du texte et qui n'a pas véritablement de rapport avec les articles dont nous discutons.

En outre, il traite de l'aménagement de la charge de la preuve en application de la directive européenne. Or, comme vient de le rappeler M. le rapporteur, cette question est traitée dans un autre article du projet de loi.

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat, pour explication de vote.

M. Pierre-Yves Collombat. Il me semble extrêmement délicat de modifier la règle en matière de preuve de culpabilité, car il s'agit d'une des règles fondamentales d'un système libéral, ou de liberté,...

M. le président. C'est mieux !

M. Pierre-Yves Collombat. Je disais « libéral » au sens classique du terme, monsieur le président !

M. le président. D'ordinaire, ce mot vous fait bondir !

M. Pierre-Yves Collombat. Certains libéraux ont fait de bonnes choses !

S'il faut revenir sur la charge de la preuve, il convient de le faire avec délicatesse et non pas au détour du présent projet de loi.

A titre personnel, je ne voterai pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote.

M. Robert Badinter. Comme M. Collombat vient de le rappeler, il s'agit d'une question fondamentale. Or, je considère que l'on ne respecte pas comme il convient le fait que la charge de la preuve incombe au demandeur. Son renversement, même sous cette forme, ne se justifie pas. En conséquence, je ne voterai pas cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 77.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 4
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Art. 6

Article 5

Les autorités publiques et les organismes chargés d'une mission de service public sont tenus d'autoriser les agents placés sous leur autorité à répondre à toute demande de la haute autorité. Ces agents sont tenus de déférer à cette demande.

La haute autorité peut, pour ce qui relève de sa compétence, demander aux autorités publiques de faire procéder à toute vérification ou enquête par les organismes ou corps de contrôle placés sous leur autorité. En ce cas, ces autorités sont tenues d'y donner suite.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Remplacer le second alinéa de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :

Les agents mis en cause devant la haute autorité et entendus par elle en application du premier alinéa peuvent se faire assister du conseil de leur choix. Un procès-verbal contradictoire de l'audition est dressé et remis à la personne entendue.

Les autorités publiques doivent prendre toutes mesures pour faciliter la tâche de la haute autorité. Elles communiquent à celle-ci, sur sa demande motivée, toutes informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission telle qu'elle est définie à l'article 1er.

La haute autorité peut demander dans les mêmes conditions aux ministres compétents de saisir les corps de contrôle en vue de faire des études, des vérifications ou des enquêtes relevant de leurs attributions. Les ministres informent la haute autorité des suites données à ces demandes.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a pour objet, d'une part, d'offrir aux agents publics qui seraient entendus par la Haute autorité les mêmes garanties procédurales qu'aux personnes privées et, d'autre part, de préciser les modalités du concours des autorités publiques aux investigations de la HALDE.

S'inspirant du dispositif en vigueur pour la Commission nationale de déontologie de la sécurité, il prévoit que les autorités publiques doivent communiquer à la Haute autorité les informations et pièces utiles à l'exercice de sa mission, et que la Haute autorité peut demander aux ministres de saisir les corps de contrôle, essentiellement les inspections générales, en vue de faire des études, des vérifications et des enquêtes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.

(L'article 5 est adopté.)

Art. 5
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Art. 7

Article 6

La haute autorité peut procéder ou faire procéder à la résolution amiable des différends portés à sa connaissance, par voie de médiation.

Lorsqu'il est procédé à cette médiation, les constatations et les déclarations recueillies au cours de celle-ci ne peuvent être ni produites ni invoquées ultérieurement dans les instances civiles ou administratives, sans l'accord des personnes intéressées.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 58 rectifié, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Khiari, MM. Assouline, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant le premier alinéa de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

La haute autorité assiste la victime de discrimination dans la constitution de son dossier. Elle aide la victime à identifier les procédures adaptées à son cas.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Les directives communautaires disposent que les organismes de lutte contre les discriminations doivent apporter aux victimes « une aide indépendante pour engager une procédure pour discrimination ».

En effet, le problème des victimes de discrimination tient à la difficulté qu'elles ont à constituer un dossier et à apporter la preuve de la discrimination.

Comme le préconisait M. Bernard Stasi dans son rapport, nous souhaitons que les services de l'autorité aident les plaignants à constituer leur dossier et à rassembler les éléments circonstanciés pertinents pour le règlement du litige, en s'efforçant d'identifier, puis de proposer les procédures adaptées à leur cas : médiation ou recours pénal, civil ou administratif. L'objectif est que le service chargé du traitement des réclamations puisse offrir une expertise juridique et technique afin d'aider à la constitution des dossiers de discrimination et, le cas échéant, à l'administration de la preuve.

Cette aide nous paraît essentielle. C'est la raison pour laquelle nous proposons qu'elle soit inscrite dans la loi.

M. le président. L'amendement n° 33, présenté par Mmes Assassi, Borvo, Mathon et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

La Haute Autorité assiste la victime de discrimination dans la constitution de son dossier et le rassemblement des éléments permettant le règlement du litige. Elle aide la victime à identifier les procédures adaptées à son cas : recours devant une juridiction ou médiation.

La parole est à Mme Nicole Borvo.

Mme Nicole Borvo. Cet amendement a le même objet que celui que vient d'exposer Mme  Boumediene-Thiery : nous souhaitons renforcer les missions de la Haute autorité, en particulier dans le domaine de l'assistance aux victimes de discrimination.

On le sait, et c'est ce que montre le besoin que nous éprouvons de disposer de telles instances, il est la plupart du temps très difficile aux victimes de constituer elles-mêmes le dossier et de rassembler les éléments d'information, d'appréciation ou de preuve aux fins d'établir la réalité des faits, car elles sont souvent seules, démunies et en difficulté du fait même des discriminations qu'elles subissent.

Madame la ministre, vous avez rappelé que les associations étaient déjà actives dans ce domaine. Il me semble que, bien évidemment sans les « coiffer », sans non plus, j'y tiens beaucoup, se substituer à la justice, l'instance que nous sommes en train de créer, dans la mesure où elle a une certaine autorité, doit jouer un rôle dans l'aide à la médiation et au recours en justice, qui ne va pas du tout de soi.

Peut-être est-ce sous-entendu, mais cela ira mieux en le disant !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission était favorable à l'esprit des deux amendements, mais, pour des raisons de cohérence formelle, souhaitait qu'ils soient rectifiés sur quelques points.

Ces rectifications ayant été apportées par Mme Boumediene-Thiery, la commission est favorable à l'amendement n° 58 rectifié et souhaite le retrait de l'amendement n° 33, qui se trouvera satisfait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

M. le président. Madame Borvo, l'amendement n° 33 est-il maintenu ?

Mme Nicole Borvo. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 33 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 58 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
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Art. 8

Article 7

La haute autorité peut, après avis adressé aux personnes intéressées et avec leur accord, procéder à des vérifications sur place, dans les locaux administratifs, ainsi que dans les lieux, locaux, moyens de transport accessibles au public et dans les locaux professionnels, à condition que ces derniers soient exclusivement consacrés à cet usage.

Lors de ses vérifications sur place, elle peut entendre toute personne susceptible de fournir des informations.

Les agents de la haute autorité qui sont autorisés à procéder à des vérifications sur place en application du présent article reçoivent une habilitation spécifique donnée par le procureur général près la cour d'appel du domicile de l'agent dans des conditions et selon des modalités fixées par décret en Conseil d'Etat.

M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, avant le mot :

procéder

insérer les mots :

charger un ou plusieurs de ses membres ou de ses agents de

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a pour objet de préciser que les vérifications sur place peuvent être confiées par la Haute autorité à ses membres aussi bien qu'à ses agents. Les membres de la Haute autorité jouiraient ainsi des mêmes prérogatives que ceux de la CNIL ou de la CNDS.

En tant que membres, ils ne seraient pas tenus d'obtenir une habilitation du procureur général de la cour d'appel de leur domicile, à la différence des agents qui les accompagneront et dresseront ensuite le procès-verbal de la vérification.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. L'avis est favorable, car le Gouvernement estime comme le rapporteur que, conjointement avec les agents habilités des services de la Haute autorité, pour lesquels cela est prévu à l'article 7, les membres du collège doivent pouvoir procéder aux vérifications sur place.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 20 rectifié, présenté par M. Türk, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

En cas d'opposition du responsable des lieux, le Président de la haute autorité peut saisir le juge des référés d'une demande motivée afin qu'il autorise les vérifications sur place.

La parole est à M. Alex Türk.

M. Alex Türk. Monsieur le président, je rappelais ce matin que l'élément déterminant du fonctionnement d'une autorité administrative indépendante réside évidemment dans le mécanisme de contrôle et des investigations sur place. Or, en l'état actuel des choses, l'accord des personnes intéressées est nécessaire.

Mon amendement vise donc d'abord à préciser que les personnes intéressées sont, en l'occurrence, les responsables des lieux. Il tend ensuite à prévoir la possibilité de passer outre au défaut d'accord, évidemment sous le contrôle du juge. Sinon, il suffirait de s'opposer à un contrôle pour que celui-ci n'ait pas lieu : autant fermer boutique tout de suite !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a donné un avis favorable, car elle estime que l'amendement renforce utilement les pouvoirs d'investigation de la HALDE.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. J'aurais souhaité que, après avoir entendu les explications que je vais lui apporter, M. le sénateur puisse retirer cet amendement.

Dans le cas visé à l'article 7, où des vérifications sur place sont envisagées, le texte prévoit que ces vérifications ont lieu avec l'accord des personnes intéressées, ce qui donne à celles-ci la possibilité de les refuser. Il n'est donc pas tout à fait cohérent avec ce système de prévoir explicitement une intervention du juge des référés pour réduire le désaccord et autoriser directement l'entrée dans les lieux.

Pour autant, la rédaction actuelle de l'article 8, qui a trait à l'intervention du juge des référés, est de portée tellement générale qu'elle n'exclut pas, à mon sens, la saisine de ce juge dans le cadre de la mise en oeuvre par la HALDE des pouvoirs que lui confère l'article 7. Je pense cependant qu'il faut laisser ouverte cette possibilité sans dicter sa conduite au juge des référés, qui pourra prendre, s'il est saisi, toutes mesures utiles.

M. le président. Monsieur Türk, l'amendement n° 20 rectifié est-il maintenu ?

M. Alex Türk. Je suis très préoccupé, car j'ai beaucoup de mal, madame la ministre, à vous rejoindre sur ce point.

Le texte est tout à fait explicite : s'il n'y a pas d'accord, la procédure s'arrête ! Dans quelque sens que l'on prenne le problème, je ne vois pas comment on peut échapper au recours au juge des référés.

Je ne suis pas en mesure de retirer cet amendement, qui me paraît au contraire très clair et qui, je le rappelle, porte sur un point extrêmement important. Ce serait d'ailleurs la seule hypothèse que l'on puisse connaître en la matière ! Par définition, il faut que le contrôle et les investigations aient lieu et qu'aucune entrave ne soit possible.

J'avais envisagé de déposer un amendement visant à réintroduire le délit d'entrave. Je ne l'ai pas fait, parce qu'il me paraissait suffisant de préciser que l'on pouvait passer outre à l'opposition. Mais sans délit d'entrave et sans possibilité de passer outre à l'opposition, très sincèrement, le dispositif perd pratiquement tout son effet !

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je tiens à préciser que la commission, ce matin, a longuement examiné cet amendement avant de lui donner un avis favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.

(L'article 7 est adopté.)

Art. 7
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Art. 9

Article 8

Lorsque ses demandes ne sont pas suivies d'effet, la haute autorité peut mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre dans un délai qu'elle fixe.

En cas de refus, le président de la haute autorité peut saisir le juge des référés d'une demande motivée aux fins d'ordonner toute mesure d'instruction que ce dernier juge utile.

M. le président. L'amendement n° 21 rectifié, présenté par M. Türk, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

ses demandes

insérer les mots :

formulées en vertu des articles 4 et 5

La parole est à M. Alex Türk.

M. Alex Türk. Cet amendement vise à préciser le cadre juridique de la mise en demeure.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a émis un avis favorable.

Même si la rédaction de l'article 8 ne lui paraissait pas par trop ambiguë, elle pense que la modification proposée, sans rien changer à ce qui était initialement prévu, rendra malgré tout le texte un peu plus clair.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Je suis désolée, monsieur Türk, mais il ne nous paraît pas souhaitable de limiter la portée de l'article 8 à la mise en oeuvre des pouvoirs que confère à la Haute autorité le seul article 4, qui est relatif à ses relations avec les personnes privées, et d'exclure de son champ la mise en oeuvre des pouvoirs de la HALDE à l'égard des organismes de la sphère publique, qui sont eux-mêmes visés à l'article 5.

Certes, il ne s'agira sans doute pas du même juge des référés dans les deux cas, puisque ce sera le juge des référés civil dans le cadre de l'article 4 et le juge des référés administratif dans le cadre de l'article 5.

Il est donc vrai que, à l'article 8, la notion de juge des référés comporte une certaine ambiguïté, mais cela ouvre deux possibilités, et il ne me paraît pas souhaitable de nous priver de l'une d'entre elles.

Monsieur le sénateur, n'y voyez pas de ma part un quelconque acharnement, mais j'apprécierais vraiment que vous acceptiez de retirer cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je rappelle que l'amendement n° 21 a été rectifié et que la version que nous examinons vise également l'article 5. Peut-être cette précision vous permettra-t-elle, madame le ministre, de faire évoluer votre position.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. En effet, monsieur le rapporteur : dans ces conditions, le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 21 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 59, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Khiari, MM. Assouline, Collombat, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

peut mettre

par le mot :

met

Dans le second alinéa de cet article, remplacer les mots :

peut saisir

par le mot :

saisit

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à donner à la Haute autorité le pouvoir de contraindre de déférer à l'une de ses demandes.

Le dispositif prévoit une procédure en deux temps. Lorsqu'une de ses demandes n'est pas suivie d'effet, la HALDE aura la possibilité de mettre en demeure la personne intéressée de lui répondre dans un délai donné. En cas d'échec de la mise en demeure, le président de la HALDE pourra saisir le juge des référés d'une demande motivée aux fins d'ordonner toute mesure d'instruction que ce dernier juge utile.

Je rappelle que la mission Stasi préconisait une mesure plus coercitive consistant à faire du refus de déférer aux demandes de la HALDE une infraction sanctionnée par le code pénal selon un dispositif proche de celui qui est prévu pour la CNIL.

Nous proposons, quant à nous, de faire obligation à la Haute autorité de mettre les personnes intéressées en demeure de lui répondre et, en cas de refus de leur part, de lui faire obligation de saisir le juge des référés.

Si nous voulons optimiser l'efficacité de cette instance, il faut lui donner les moyens nécessaires : nous ne pouvons nous contenter, pour lutter contre la discrimination, d'un discours qui, tout en énonçant de bonnes intentions, laisserait en réalité à toute procédure un caractère facultatif.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a estimé dans sa majorité qu'il convenait sur ce point de laisser une marge d'appréciation à la Haute autorité. Elle a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. L'avis est également défavorable, car cet amendement ne nous paraît pas utile.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 22, présenté par M. Türk, est ainsi libellé :

Au début du second alinéa de cet article, remplacer les mots :

En cas de refus

par les mots :

Lorsque la mise en demeure n'est pas suivie d'effet.

La parole est à M. Alex Türk.

M. Alex Türk. Cet amendement tend à préciser la condition préalable à la saisie du juge des référés.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 22.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.

(L'article 8 est adopté.)

Art. 8
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Art. 10

Article 9

Les personnes astreintes au secret professionnel ne peuvent être poursuivies en application des dispositions de l'article 226-13 du code pénal pour les informations à caractère secret qu'elles auront pu révéler à la haute autorité, dès lors que ces informations entrent dans le champ de compétence de la haute autorité tel que prévu à l'article 1er de la présente loi.

Les membres et les agents de la haute autorité ainsi que les personnalités qualifiées auxquelles il est fait appel sont astreints au secret professionnel pour les faits, actes ou renseignements dont ils ont pu avoir connaissance en raison de leurs fonctions, sous réserve des éléments nécessaires à l'établissement des avis, des recommandations et des rapports.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 28 rectifié est présenté par MM. de Richemont, Cambon, Béteille, Gélard et Guené, Mme Michaux-Chevry et M. Peyrat.

L'amendement n° 60 rectifié est présenté par M. Dreyfus-Schmidt, Mmes Boumediene-Thiery et Khiari, MM. Assouline, Collombat, C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa de cet article, après les mots :

haute autorité

insérer les mots :

, à l'exception de celles visées à l'article 66-5 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques

La parole est à M. Christian Cambon, pour présenter l'amendement n° 28 rectifié.

M. Christian Cambon. Cet amendement a trait à la protection de la profession d'avocat en matière de secret professionnel.

L'article 9 du projet de loi prévoit notamment que les personnes astreintes au secret professionnel ne pourront être poursuivies en application des dispositions de l'article 226-13 du code pénal pour les informations à caractère secret qu'elles auront pu révéler à la Haute autorité, dès lors que ces informations entrent dans le champ de compétence de la Haute autorité tel qu'il est prévu à l'article 1er du présent projet de loi.

Je rappelle que l'article 226-13 prévoit une peine d'un an d'emprisonnement et de 15 000 euros d'amende, ce qui n'est pas négligeable.

Si nous comprenons bien que l'objet de cette disposition n'est en aucun cas d'obliger une personne à enfreindre le secret professionnel, mais qu'il est seulement de la soustraire à des poursuites pénales, on peut néanmoins s'interroger sur la dimension de la fenêtre ouverte en matière de secret professionnel au détour de ce texte.

En effet, à ce jour, les exceptions en matière de poursuites pour atteinte au secret professionnel sont limitées à des cas extrêmement graves, dans lesquels l'absence de divulgation des informations conduit à la perpétuation des faits. Ces cas sont exhaustivement prévus à l'article 226-14 du code pénal, qui distingue trois types de situations - seul le premier concerne les avocats. Ne peut être poursuivi pour atteinte au secret professionnel « celui qui informe les autorités judiciaires, médicales ou administratives de privations ou de sévices, y compris lorsqu'il s'agit d'atteintes sexuelles, (...) infligées à un mineur ou à une personne qui n'est pas en mesure de se protéger en raison de son âge ou de son incapacité physique ou psychique ».

Dès lors, il semble qu'il y ait une disproportion entre l'atteinte au secret professionnel que permet cet article et les conditions impératives qui justifient l'exception mentionnée précédemment. Il semble donc utile de rappeler que le secret professionnel de l'avocat est d'ordre public, qu'il est général, absolu et illimité dans le temps.

L'avocat doit pouvoir demeurer le confident nécessaire de son client et ce en toute quiétude, parce que ce secret est établi dans l'intérêt public. L'avocat ne doit pouvoir en être relevé par quelque autorité que ce soit.

Afin qu'il ne soit pas porté atteinte à ces principes et que la profession d'avocat et ses spécificités soient protégées, il conviendrait donc de modifier le premier alinéa de l'article 9 du projet de loi.

L'amendement que nous vous proposons d'adopter tend à sortir du champ de l'ouverture du secret professionnel les informations visées à l'article 66-5 de la loi 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, à savoir « les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, en toute matière, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses confrères, à l'exception pour ces dernières de celles portant la mention "officielle", les notes d'entretien et, plus généralement, toutes les pièces du dossier ».

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter l'amendement n° 60 rectifié.

M. Robert Badinter. L'objet de cet amendement est identique à celui que vient de présenter M. Cambon à l'instant et se justifie par les mêmes motifs, sur lesquels je tiens à attirer l'attention de la Haute Assemblée.

Le secret professionnel de l'avocat n'a pas été instauré pour la commodité de celui-ci. Dans un Etat de droit, il est nécessaire que les confidences, les pièces et les correspondances échangées entre l'avocat et son client ne puissent être ensuite utilisées contre ce dernier. Le secret professionnel de l'avocat est l'un des principaux fondements de la liberté dans les Etats de droit.

On peut à l'extrême rigueur concevoir que l'on puisse y déroger dans des cas tout à fait extraordinaires. Un exemple a été cité, on pourrait s'interroger sur d'autres cas, mais ils doivent absolument demeurer exceptionnels et constituer des raretés dans notre droit. Dans le cas contraire, il s'agirait purement et simplement d'une atteinte aux droits des justiciables et, au-delà, aux libertés elles-mêmes.

Par conséquent, dans le cas précis, l'exception au secret professionnel ne se justifie pas. Il est donc nécessaire de soustraire les avocats à l'obligation prévue par l'article 9.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission est parfaitement consciente qu'il s'agit ici d'un problème de conciliation entre, d'une part, le respect du secret professionnel, pas exclusivement celui de l'avocat d'ailleurs, et, d'autre part, la révélation nécessaire des discriminations.

Sur ce point, la commission estime que l'évolution résultant des amendements proposés va effectivement dans le bon sens. Elle émet donc un avis favorable sur ces deux amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Avis favorable sur les deux amendements.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Je partage tout à fait le point de vue de notre collègue M. Badinter. Je suis donc favorable à ces deux amendements identiques.

Je suis toutefois inquiet. En effet, le secret professionnel n'a pas été créé pour satisfaire les uns ou les autres. Il a été créé dans l'intérêt de la société, voire dans celui de l'Etat. Dans certains cas, l'Etat est concerné au plus haut niveau par le secret professionnel ; je fais allusion au secret défense.

L'article 9 ne risque-t-il pas d'occasionner des dérapages et de remettre en cause l'ensemble du dispositif relatif au secret professionnel ?

Il faudra en effet prendre des mesures, notamment dans le cadre de la lutte contre le terrorisme ou de certaines opérations militaires. De plus, si les membres de la Haute autorité eux-mêmes sont liés par le secret professionnel, certaines précautions devront être prises, un secret risquant moins d'être diffusé lorsqu'il est détenu par une, deux ou trois personnes que lorsqu'il l'est par onze personnes ou plus, ou que les services eux-mêmes en sont informés.

Madame la ministre, pourriez-vous apaiser mes inquiétudes, afin que je puisse allégrement voter ces amendements ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, il est évident que je partage tout à fait votre point de vue sur ce sujet. Je suis en mesure d'apaiser vos inquiétudes. : le secret professionnel existe, et, comme l'a dit M. Badinter, il n'a pas été instauré pour faire plaisir. Il s'impose dans certaines affaires.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 28 rectifié et 60 rectifié.

(Les amendements sont adoptés à l'unanimité.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.

(L'article 9 est adopté.)

(M. Guy Fischer remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

Art. 9
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Art. 11

Article 10

La haute autorité peut formuler des recommandations tendant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu'elle estime être discriminatoire, ou à en prévenir le renouvellement.

Les autorités ou personnes intéressées sont tenues, dans un délai fixé par la haute autorité, de rendre compte à celle-ci de la suite donnée à ces recommandations. La haute autorité peut rendre ses recommandations publiques dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat.

M. le président. L'amendement n° 61, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Dans le premier alinéa de cet article, remplacer le mot :

peut

par le mot :

doit

II - Dans la seconde phrase du second alinéa de cet article, remplacer les mots :

peut rendre

par le mot :

rend

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L'article 10 dote la Haute autorité d'un pouvoir de recommandation visant à remédier à tout fait ou à toute pratique qu'elle estime discriminatoires ou à en prévenir le renouvellement.

Les autorités ou personnes concernées seront tenues de rendre compte des suites données à ces recommandations, qui pourront être rendues publiques.

Comme nous l'avons proposé à l'article 8, nous souhaitons que la Haute autorité ait l'obligation de formuler des recommandations et que ces dernières soient impérativement rendues publiques.

C'est, en effet, en étant connues et médiatisées que ces recommandations donneront de la force à cette instance et que, la réflexion s'installant, les mentalités évolueront. La publicité est dissuasive dans ce domaine.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime qu'il convient de laisser à la Haute autorité une plus grande autonomie s'agissant de la publication de ses recommandations. Elle émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

En l'absence de compte rendu des personnes intéressées ou si elle estime, au vu du compte rendu qui lui est communiqué, que sa recommandation n'a pas été suivie d'effet, la haute autorité peut établir un rapport spécial qui est publié au Journal officiel de la République française.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a pour objet de renforcer la pression que pourra exercer la Haute autorité auprès des organismes et des personnes auteurs de discriminations, en lui permettant de publier au Journal officiel un rapport spécial, lorsque ses recommandations ne seront pas suivies.

Cet amendement permet également de donner partiellement satisfaction aux auteurs de l'amendement n° 61.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 10, modifié.

(L'article 10 est adopté.)

Art. 10
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Art. 12

Article 11

Lorsqu'il apparaît à la haute autorité que les faits portés à sa connaissance sont constitutifs d'un crime ou d'un délit, elle en informe le procureur de la République. Elle lui fait savoir, le cas échéant, qu'une mission de médiation est en cours ou a déjà eu lieu en application des dispositions de l'article 6.

Le procureur de la République informe la haute autorité des suites données à ses transmissions.

Si la haute autorité est saisie de faits donnant lieu à enquête pénale ou pour lesquels une information judiciaire est ouverte ou des poursuites judiciaires sont en cours, elle doit recueillir l'accord préalable des juridictions pénales saisies ou du procureur de la République pour la mise en oeuvre des dispositions des articles 4 à 8.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

est en cours ou a déjà eu lieu

par les mots :

a été initiée

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Dans sa rédaction actuelle, l'article 11 du projet de loi prévoit que la Haute autorité, lorsqu'elle a connaissance de faits constitutifs de crimes ou de délits, fait savoir au procureur de la République, le cas échéant, qu'une mission de médiation est en cours ou a déjà eu lieu.

Cet amendement a pour effet d'assurer l'information du procureur de la République de toute médiation dès qu'elle a été engagée, lorsque la Haute autorité a connaissance d'infractions pénales.

Il convient en effet d'informer dans ce cas le procureur de la République avant que la médiation ne soit achevée, afin de respecter les compétences que lui donne l'article 41-1 du code de procédure pénale de faire procéder à une mission de médiation s'il lui apparaît qu'une telle mesure est susceptible d'assurer la réparation du dommage causé à la victime, de mettre fin au trouble résultant de l'infraction ou de contribuer au reclassement de l'auteur des faits.

La rédaction proposée préserve la possibilité pour la Haute autorité d'informer le procureur de la République lorsqu'elle a connaissance d'infractions pénales après la réalisation d'une médiation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 11, modifié.

(L'article 11 est adopté.)

Art. 11
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Art. 13

Article 12

Les juridictions civiles, pénales ou administratives peuvent, lorsqu'elles sont saisies de faits relatifs à des discriminations, d'office ou à la demande des parties, inviter la haute autorité ou son représentant à présenter des observations. Dans les mêmes conditions, les juridictions pénales peuvent, à la demande de la haute autorité, l'inviter à présenter des observations, y compris à les développer oralement au cours de l'audience.

M. le président. L'amendement n° 62, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Khiari, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase de cet article :

La haute autorité peut elle-même demander à être entendue par ces juridictions qui ne peuvent lui opposer un refus.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. L'article 12 offre à la Haute autorité la possibilité de présenter ses observations devant les juridictions. Elle bénéficie ainsi d'un accès à l'audience. Préconisée par la commission Stasi, cette prérogative n'est en l'état actuel du droit ouverte à aucune autorité chargée d'une mission d'aide aux victimes de comportements illicites.

Nous souhaitons compléter ce dispositif afin de permettre à la Haute autorité de demander à être entendue par les juridictions civiles, pénales et administratives sans qu'un refus puisse lui être opposé.

En effet, la Haute autorité pourrait vouloir apporter un éclairage que les tribunaux n'auraient peut-être pas perçu. Il faut donc qu'elle puisse être entendue.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'apport essentiel de l'article 12 est de permettre aux juridictions d'inviter la Haute autorité à présenter des observations.

L'article 12 permet par ailleurs à la Haute autorité d'être entendue à sa demande par le juge pénal. Cette possibilité constitue en quelque sorte le corollaire des pouvoirs d'enquête de la Haute autorité et de ses obligations, en application de l'article 40 du code de procédure pénale. Elle existe déjà pour les inspecteurs du travail et la direction générale de la consommation, du contrôle et de la répression des fraudes.

En revanche, cette audition n'est pas possible, selon la commission, devant le juge civil, puisque ce sont alors les parties qui conduisent l'instance, comme le prévoit l'article 2 du nouveau code de procédure civile. Le juge civil écarte donc toutes les observations qui ne viennent pas des parties. Celles-ci pourraient néanmoins inviter la Haute autorité à intervenir.

Devant le juge administratif, une intervention n'est recevable que si son auteur s'associe soit aux conclusions du demandeur, soit à celles du défendeur. Cette éventualité est prévue dans le premier alinéa de l'article 12.

Juridiquement, la commission ne peut donc émettre qu'un avis défavorable sur l'amendement n° 62.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Même avis défavorable que la commission.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 62.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 12.

(L'article 12 est adopté.)

Art. 12
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Art. 14

Article 13

La haute autorité peut porter à la connaissance des autorités ou personnes publiques investies du pouvoir disciplinaire les faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires. La personne mise en cause en est tenue informée. La haute autorité est informée des suites données à ses transmissions.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots :

peut porter

par le mot :

porte

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a pour objet de rendre automatique la transmission, par la Haute autorité aux autorités publiques investies du pouvoir disciplinaire, des informations relatives à des faits de nature à entraîner des poursuites disciplinaires. A l'autorité disciplinaire, ensuite, de faire son travail.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 13, modifié.

(L'article 13 est adopté.)

Art. 13
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Art. additionnels après l'art. 14

Article 14

La haute autorité mène des actions de communication et d'information propres à assurer la promotion de l'égalité. Elle favorise la mise en oeuvre de programmes de formation.

Elle conduit et coordonne des travaux d'études et de recherches relevant de sa compétence et suscite et soutient les initiatives de tous organismes publics ou privés en ce qui concerne l'élaboration et l'adoption d'engagements visant à la promotion de l'égalité.

Elle identifie et reconnaît toute bonne pratique en matière d'égalité des chances et de traitement.

Elle peut recommander toute modification législative ou réglementaire et être consultée par le Gouvernement sur tout texte ou toute question relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité.

M. le président. L'amendement n° 63, présenté par Mmes Khiari et  Boumediene-Thiery, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase du premier alinéa de cet article par les mots :

des chances.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement vise à préciser qu'il faut entendre par égalité non seulement l'égalité en termes de dignité, mais aussi l'égalité des chances.

Afin que l'égalité ne soit pas réduite à un simple slogan, nous devons obtenir des résultats. Le Gouvernement a su engager avec volontarisme la lutte contre la délinquance routière, il s'en est donné les moyens. Il nous faut aujourd'hui nous donner la chance de combattre cette autre forme de violence, la discrimination, qui est une mort sociale programmée pour ses victimes.

La mention de l'égalité des chances dans cet article engagerait notre pays dans une politique de rééquilibrage républicain, politique dont il a de toute urgence cruellement besoin.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cette précision est apparue à la commission comme restreignant le champ dans lequel la HALDE mènera des actions de communication et d'information.

L'égalité devant la loi, qui est mentionnée dans la Constitution, nous semble beaucoup plus générale que l'égalité des chances.

La commission a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. L'avis du Gouvernement est également défavorable.

Cet amendement est inutile non seulement pour une raison grammaticale - la notion d'égalité n'a vraiment pas besoin d'être qualifiée pour produire du sens dans un texte -, mais aussi, au-delà, pour une raison de fond, car pourquoi vouloir charger à tout prix cette belle notion d'égalité qui figure au fronton de nos bâtiments publics d'un appendice qui ne lui apporte rien et la limite même probablement ?

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 63.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 27 rectifié, présenté par Mme Dini et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :

Après le premier alinéa de et article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Les commissions pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté veillent à appliquer les instructions de la haute autorité et mettent en oeuvre ses actions de communication et d'information.

La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Actuellement, un nombre significatif d'organismes de lutte contre les discriminations existent. Pour ne citer qu'eux, la Commission nationale consultative des droits de l'homme, le Haut conseil à l'intégration, le groupe d'étude et de lutte contre les discriminations et l'Observatoire de la parité entre les femmes et les hommes mènent des travaux d'études et émettent des avis et des recommandations.

Participent également à la lutte contre les discriminations : la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle, le service des droits des femmes et de l'égalité, la délégation interministérielle aux personnes handicapées, la direction générale de l'action sociale, le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations.

Selon nous, le gage de réussite de notre politique de lutte contre les discriminations tient en grande partie à l'organisation d'une coopération et d'une cohérence d'action entre toutes ces structures.

Tel est l'objet de cet amendement, qui donne une base législative à la coopération entre les COPEC, les commissions pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté - les anciennes CODAC, ou commissions d'accès à la citoyenneté -, et la Haute autorité.

Une circulaire de février 2004 étend les champs d'intervention des CODAC à toute forme de discrimination, définit de nouvelles priorités ainsi que le cadre de méthodologie d'action en matière d'égalité des chances et de lutte contre le racisme. Cette circulaire permet à la fois de donner une seconde chance à ces institutions, désormais appelées COPEC, qui avaient un bilan contrasté et de relancer la politique de lutte contre les discriminations.

Or, les missions et les actions de la Haute autorité et des COPEC sont à l'évidence parfaitement complémentaires. Il serait regrettable de ne pas prévoir, dans le cadre de ce projet de loi, un lien entre ces deux autorités.

Cet amendement vise donc à identifier clairement la place et le rôle des commissions aux côtés de la Haute autorité. Il s'agit de faire des commissions les véritables relais locaux de la Haute autorité pour que la politique de lutte contre les discriminations soit au plus près des citoyens.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il est défavorable dans la mesure où les commissions pour la promotion de l'égalité des chances et la citoyenneté, qui se substituent aux anciennes CODAC, seront notamment chargées de définir des actions de prévention des discriminations sous l'autorité des préfets.

La HALDE étant une autorité administrative indépendante, elle ne pourra adresser d'instructions aux COPEC. En revanche, elle pourra conduire des actions auprès des entreprises privées et publiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. L'avis du Gouvernement est également défavorable.

M. le président. Madame Dini, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Muguette Dini. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 27 rectifié est retiré.

L'amendement n° 64, présenté par Mmes Khiari et  Boumediene-Thiery, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. Dans le deuxième alinéa de cet article, supprimer les mots :

relevant de sa compétence

II. Compléter le deuxième alinéa de cet article par les mots :

des chances.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Nous sommes là dans le champ des études que pourra entreprendre la Haute autorité.

Il nous semble que la nouvelle rédaction que nous proposons permettrait à la HALDE de mener des études concernant les discriminations dites légales et les discriminations émergentes.

Si la HALDE ne peut intervenir que dans le cadre de ses compétences définies à l'article 1er, son périmètre d'étude, d'analyse et de proposition ne concernera que les discriminations directes ou indirectes prohibées par la loi. Or il existe, dans notre pays, des discriminations dites légales : les emplois réservés.

Ces emplois fermés aux étrangers représentent plus de 6 millions de postes, en grande partie dans la fonction publique, mais aussi dans les entreprises qui ont une délégation de service public. On invoque, pour expliquer cette fermeture des emplois, la sûreté de l'Etat. Cette justification tient sans doute pour les emplois liés à la défense ou à l'intérieur, mais sur quoi repose-t-elle pour d'autres emplois publics, par exemple ceux de géomètre ou de sage-femme ?

La question mérite d'autant plus d'être posée que les administrations de l'Etat n'hésitent pas à recruter, pour les mêmes fonctions, des contractuels moins bien payés et au statut précaire. Faut-il rappeler ici le scandale des médecins à diplôme étranger, qui exercent dans nos hôpitaux pour des salaires nettement inférieurs et avec des conditions de travail difficiles ?

C'est pourquoi je suis d'avis que la Haute autorité doit pouvoir se saisir de ces questions en matière d'études, de recommandations et de sensibilisation.

Le GELD, le groupe d'étude et de lutte contre les discriminations, qui va être intégré dans la Haute autorité, avait compétence pour produire des rapports sur les discriminations dites légales. Je crains que la rédaction actuelle de l'article 14 ne permette pas à la Haute autorité de faire des recommandations, notamment législatives, sur ces discriminations, qui, je l'ai déjà dit ce matin, pour ne pas être illégales, n'en sont pas moins intolérables.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. J'ai quelque difficulté à percevoir le rapport entre les propos de notre collègue, auxquels on peut parfaitement adhérer, et le contenu de l'amendement tel qu'il a été rédigé.

La commission a estimé que la précision proposée n'était pas souhaitable. La rédaction du projet de loi est plus large puisqu'elle renvoie au champ de compétences de la HALDE, soit à toutes les discriminations.

Elle a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Il est également défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 64.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mmes Assassi,  Borvo,  Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Ces organismes publics ou privés, dans le cadre des études, recherches ou initiatives qu'ils seront amenés à effectuer, devront éditer des statistiques sexuées, quel que soit leur domaine d'intervention.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Cet amendement tend à introduire dans la loi l'obligation d'éditer des statistiques sexuées dans le souci de lutter véritablement contre les inégalités entre les hommes et les femmes.

Il est en effet pour le moins étonnant que, dans un projet de loi qui traite de la promotion de l'égalité, on oublie de prendre en considération des outils nécessaires au combat en faveur de l'égalité entre les hommes et les femmes.

Pour être pertinentes, les études en ce domaine devraient distinguer le sexe des victimes. Mieux repérer les inégalités entre les hommes et les femmes ne pourra que contribuer à la disparition de ces inégalités.

A titre d'exemple, le ministère de l'intérieur n'édite pas de statistiques sexuées concernant les violences spécifiques faites aux femmes. Ces violences passeraient totalement inaperçues parmi l'ensemble des crimes et délits si les associations n'alertaient pas les pouvoirs publics et l'opinion publique sur le sujet.

La Haute autorité doit avoir une action déterminante afin de mieux détecter les diverses inégalités entre les hommes et les femmes et afin de pouvoir lutter efficacement contre elles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La compétence de la HALDE sera étendue à toutes les discriminations. Il convient de préserver son autonomie dans la coordination de travaux d'études et de recherches.

Je me permets d'ajouter que c'est certainement dans le cadre des statistiques sexuées que les progrès les plus importants ont, jusqu'à présent, été réalisés.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Madame Mathon, cet amendement n'est pas de nature législative et je ne peux donc qu'y être défavorable, mais j'ai précisé ce matin, en répondant aux interrogations sur les statistiques de M. le rapporteur et de Mme Assassi, que, comme le prévoit l'article 14 du projet de loi, la HALDE conduit et coordonne tous travaux d'études et de recherches relevant de sa compétence.

Dans ce cadre, il paraît en effet souhaitable qu'elle engage, en liaison avec la CNIL et les institutions chargées de la statistique publique, mais aussi avec le concours d'experts nationaux et internationaux, une réflexion approfondie sur ce que M. le rapporteur a nommé la lisibilité statistique des discriminations.

M. le président. Madame Mathon, l'amendement est-il maintenu ?

Mme Josiane Mathon. L'explication que vient de donner Mme la ministre laisse entendre qu'il est satisfait. (Mme la ministre déléguée opine.)

Dans ces conditions, je le retire.

M. le président. L'amendement n° 34 est retiré.

L'amendement n° 65, présenté par Mmes Khiari et  Boumediene-Thiery, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste; apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans l'avant dernier alinéa de cet article, remplacer le mot :

reconnaît

par le mot :

promeut

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. La HALDE ne peut se contenter d'identifier et de reconnaître les bonnes pratiques : elle doit également les promouvoir. C'est dans cet esprit que l'amendement a été déposé.

La HALDE pourrait ainsi définir, en partenariat avec les syndicats et les associations, des critères à partir desquels seraient élaborés des labels ou des agréments qu'elle pourrait utilement délivrer aux entreprises engagées dans la lutte contre les discriminations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La Haute autorité devra, aux termes du premier alinéa de l'article 14, promouvoir l'égalité. Elle devra par ailleurs reconnaître les bonnes pratiques, ce qui paraît correspondre à une forme de labellisation. Le verbe « promouvoir » paraît, dans ce contexte, plus pertinent que le verbe « reconnaître ».

L'avis de la commission est donc favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 65.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. L'amendement n° 66, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et  Boumediene-Thiery, MM. Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Elle invite les chefs d'établissement publics ou privé, qui ont connaissance de discriminations au sein de ces établissements, à s'en saisir afin d'y mettre un terme.

 

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Notre collègue David Assouline, premier signataire de cet amendement qui se justifie par son texte même, vise les discriminations dans les écoles.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission a estimé qu'il s'agissait d'une précision inutile et a donc émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Cet amendement ne se situe pas sur le même plan que l'ensemble des autres dispositions de l'article 14. Il ne concerne pas véritablement la Haute autorité.

Sa portée est par ailleurs difficile à apprécier, car on ne sait vraiment pas quels sont ces « établissements publics ou privés ». S'agit-il d'établissements d'enseignement ?

En tout état de cause, cette disposition n'a sa place ni dans cet article ni dans le projet de loi, et le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 66.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 12, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

 

Elle peut recommander toute modification législative ou réglementaire. Elle est consultée par le Gouvernement sur tout projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité. Elle peut également être consultée par le Gouvernement sur toute question relative à ces domaines.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à rendre obligatoire la consultation de la Haute autorité par le Gouvernement sur tout projet de loi relatif à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité. C'est d'ailleurs aussi l'intérêt du Parlement qui l'a inspiré.

Afin d'éviter une multiplication des consultations, il est en revanche proposé de laisser à l'appréciation du Gouvernement la consultation de la HALDE sur les questions relatives à ces domaines, qu'il s'agisse de l'élaboration de textes réglementaires ou de questions apparues dans le fonctionnement des administrations.

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mmes Assassi,  Borvo,  Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :

Elle recommande toute modification législative ou réglementaire et est consultée par le Gouvernement sur tout texte ou toute question relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité.

La parole est à Mme Josiane Mathon.

Mme Josiane Mathon. Cet amendement, dont l'esprit rejoint celui de l'amendement de la commission, tend à renforcer le rôle de la Haute autorité en rendant obligatoire, et non plus facultative, la consultation de celle-ci par le Gouvernement sur toutes les questions et sur tous les textes gouvernementaux, notamment les projets de loi, relatifs à la lutte contre les discriminations et à la promotion de l'égalité.

Cette consultation systématique n'aura toutefois de signification que si la Haute autorité dispose d'une légitimité suffisante à cet effet. Cette légitimité ne peut être atteinte qu'à la triple condition que la composition de la Haute autorité garantisse le pluralisme, l'indépendance et l'impartialité, que son action soit efficace et, enfin, que ses moyens soient adaptés à ses besoins.

C'est, en tout état de cause, le sens que nous avons voulu donner à l'ensemble des amendements que nous avons présentés sur ce texte.

M. le président. L'amendement n° 67, présenté par Mmes Khiari et  Boumediene-Thiery, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le dernier alinéa de cet article, après les mots :

ou réglementaire

insérer les mots :

et en particulier par le recours à l'anonymat des curriculum vitae avant le premier entretien en vue d'embauche.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. J'espère que la commission et le Gouvernement seront sensibles à cet ajout, le jour où M. Bébéar remet au Premier ministre un rapport préconisant la même mesure.

L'anonymat des curriculum vitae permettrait aux « minorités visibles », aux habitants des quartiers défavorisés, d'avoir les mêmes chances que les autres d'être convoqués au premier entretien d'embauche.

Dans notre esprit, cette mesure est une étape indispensable pour enrayer les phénomènes de « plafonds de verre » que Yamina Benguigui décrit avec talent dans son dernier documentaire que je vous encourage à regarder.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements n°S 35 et 67 ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. L'amendement n° 35, outre qu'il est partiellement satisfait, est incompatible avec celui de la commission. J'en demande donc le retrait, faute de quoi j'émettrai un avis défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 67, l'anonymat du curriculum vitae est une question de grande actualité qui donne lieu, comme il arrive parfois, à des accords un peu surprenants. La HALDE, qui pourra l'étudier, présentera, le cas échéant des propositions de réforme. Toutefois, il ne paraît pas pertinent d'inscrire cette précision dans le statut de cette nouvelle instance et la commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Le Gouvernement est favorable à l'amendement n° 12 et partage l'avis de la commission sur les amendements n°s 35 et 67.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 35 et 67 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 13, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Elle contribue, à la demande du Premier ministre, à la préparation et à la définition de la position française dans les négociations internationales dans le domaine de la lutte contre les discriminations. Elle peut participer, à la demande du Premier ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires compétentes en ce domaine.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a pour objet de permettre à la Haute autorité de contribuer, à la demande du Premier ministre, à la préparation de la position française dans les négociations internationales, dans le domaine de la lutte contre les discriminations.

La Haute autorité pourrait également, dans ce domaine, participer, toujours à la demande du Premier ministre, à la représentation française dans les organisations internationales et communautaires.

Cette disposition s'inspire de ce qui est prévu notamment pour la CNIL et vise à prendre en compte l'importance du droit international et de l'action communautaire dans la lutte contre les discriminations. Il semble utile de permettre d'y associer l'instance compétente.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 14, modifié.

(L'article 14 est adopté.)

Art. 14
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Art. 15

Articles additionnels après l'article 14

M. le président. L'amendement n° 68, présenté par Mmes Khiari et  Boumediene-Thiery, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les entreprises de plus de cinquante salariés doivent insérer dans leur bilan social un chapitre relatif à leur politique en matière de lutte contre les discriminations.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement concerne les entreprises de plus de 50 salariés qui présentent un bilan social à leur comité d'entreprise.

Les entreprises ont su s'emparer du thème du développement durable. La plupart d'entre elles accordent à ce thème une place prépondérante dans leur communication. Il faut, pensons-nous, que la promotion de la diversité dans l'entreprise bénéficie de la même publicité.

Puisque les statistiques en fonction de l'origine, de la religion ne sont pas autorisées, je préconise que les entreprises publient, à l'occasion de leur bilan social, un certain nombre d'indications qui leur permettraient de montrer à leurs propres salariés qu'elles travaillent à lutter contre les discriminations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il va de soi que la Haute autorité pourra, en cette matière, promouvoir de bonnes pratiques et soutenir l'adoption de chartes telles que la charte de la diversité initiée par l'institut Montaigne, par exemple.

Toutefois, la commission estime que cette précision n'a pas sa place dans le texte et émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l'avis de la commission, car ce n'est pas l'objet du texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 68.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 74, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 14, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La haute autorité formule des recommandations afin que les salariés licenciés d'une entreprise susceptible de les avoir contaminés ou d'avoir altéré leur santé, soient protégés contre toute discrimination à une nouvelle embauche.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à insérer un article additionnel permettant à la Haute autorité de formuler des recommandations afin que les salariés licenciés ayant souffert d'une contamination ou d'un problème de santé dû à leur travail soient protégés contre toute discrimination.

Aujourd'hui, des sites ferment, qui se sont rendus célèbres non seulement par la brutalité des licenciements, mais encore par la révélation de l'état de santé de leurs salariés qui, contaminés, présentent des pathologies liées au contact de l'amiante, du plomb, etc.

Ces personnes sont souvent tenues à l'écart d'emplois disponibles, le nouvel employeur craignant de devoir assumer d'éventuelles conséquences de leur état de santé.

Nous souhaitons donc préciser que, seul, le médecin du travail est compétent pour définir l'aptitude à un emploi. En aucun cas le passé d'un salarié licencié ne peut aggraver sa situation de demandeur d'emploi : qu'en serait-il en effet de l'égalité de traitement, dès lors que l'état de santé constituerait un obstacle à l'embauche ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le président, les articles L.122-45 du code du travail et 225-2 du code pénal prohibent d'ores et déjà toute discrimination en raison de l'état de santé.

Il va de soi que la Haute autorité pourra soutenir, le cas échéant, les victimes de telles discriminations, mais la commission ne juge pas opportun d'inscrire dans ses statuts la liste des domaines dans lesquels elle pourrait établir des recommandations.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Pour les mêmes motifs, le Gouvernement émet un avis défavorable. C'est moins la Haute autorité qui est ici en cause que les dispositions proposées : elles ne sont pas de même nature que celles qui sont contenues dans le texte et n'y ont pas leur place.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°74.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels après l'art. 14
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Art. 16

Article 15

La haute autorité remet chaque année au Président de la République et au Parlement un rapport rendant compte de l'exécution de ses missions. Ce rapport est rendu public.

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par M. Türk, est ainsi libellé :

Dans la première phrase de cet article, remplacer les mots :

et au Parlement

par les mots :

, au Parlement et au Premier ministre

La parole est à M. Alex Türk.

M. Alex Türk. Cet amendement vise tout simplement à faire en sorte que le Premier ministre soit également destinataire du rapport annuel.

Le rapport de la Commission nationale de l'informatique et des libertés, alors qu'il avait été omis d'apporter cette précision en 1978, a pourtant, pendant vingt-cinq ans, été présenté au Premier ministre. C'est la raison pour laquelle, au mois d'août dernier, notre assemblée a décidé très légitimement de procéder à cet ajout.

Pour éviter un autre oubli de vingt-cinq ans, je propose, de faire de même sans plus attendre.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. On pourrait objecter que ni le Médiateur de la République, ni le Défenseur des enfants, ni la Commission nationale de la déontologie de la sécurité ne remettent leur rapport au Premier ministre. Mais, dans la mesure où celui-ci figure au nombre des autorités désignant deux membres de la Haute autorité, il paraît pertinent de prévoir qu'elle lui remettra son rapport.

C'est pourquoi la commission a émis un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté à l'unanimité.)

M. le président. L'amendement n° 69, présenté par Mmes Khiari et  Boumediene-Thiery, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter la première phrase de cet article par les mots :

et énumère les discriminations, portées à sa connaissance.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement a pour objet de faire obligation à la Haute autorité de rendre compte, dans le rapport qu'elle remet chaque année au Président de la République et au Parlement, de toutes les discriminations portées à sa connaissance.

A côté des discriminations que nous connaissons, il existe des discriminations émergentes : nous souhaitons élargir l'obligation à toutes les discriminations dont la Haute autorité aura eu à connaître.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime qu'il faut laisser à une autorité administrative indépendante le soin de décider du contenu de son rapport. Elle émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Avis également défavorable dans la mesure où l'amendement n'apporte rien au texte.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 69.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 15, modifié.

(L'article 15 est adopté.)

Art. 15
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Art. 16 bis

Article 16

Les crédits nécessaires à la haute autorité pour l'accomplissement de sa mission sont inscrits au budget du ministère chargé des affaires sociales. Son président est ordonnateur des recettes et des dépenses.

Les comptes de la haute autorité sont présentés au contrôle de la Cour des comptes.

Les dispositions de la loi du 10 août 1922 relative à l'organisation du contrôle des dépenses engagées ne sont pas applicables.

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par M. Türk, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa de cet article :

La haute autorité est soumise au contrôle de la Cour des Comptes

La parole est à M. Alex Türk.

M. Alex Türk. Cet amendement touche au problème du contrôle de la Cour des comptes.

Nous proposons de substituer une rédaction plus classique à la formulation actuelle qui semble signifier que les comptes sont présentés à la Cour de manière systématique et automatique. C'est assez curieux, surtout s'agissant d'une autorité administrative qui doit disposer d'une indépendance, laquelle est conditionnée par cet aspect des choses

Il s'agit non pas de faire échapper cette instance au contrôle de la Cour des comptes, mais de l'y soumettre, conformément au régime classique.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Je suis désolée, mais j'émettrai un avis défavorable.

Je considère, en effet, que cet amendement affaiblit la portée du contrôle exercé par la Cour des comptes dans des conditions qui, telles que les prévoit le texte, nous paraissent justifiées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16, modifié.

(L'article 16 est adopté.)

Art. 16
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Titre II

Article 16 bis

Les personnels employés par le groupement d'intérêt public « Groupe d'étude et de lutte contre les discriminations » peuvent, à leur demande, bénéficier d'un contrat de droit public conclu avec la haute autorité.

Les dispositions des articles L. 122-6, L. 122-9 et L. 122-10 du code du travail ne sont pas applicables aux personnels recrutés dans les conditions prévues à l'alinéa précédent.

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mmes Assassi,  Borvo,  Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Tous les contrats des personnels employés par le groupement d'intérêt public « groupe d'étude et de lutte contre les discriminations » subsistent auprès de la Haute Autorité.

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. L'article 16 bis, introduit par l'Assemblée nationale en première lecture, concerne la situation des agents du groupement d'intérêt public «  groupe d'étude et de lutte contre les discrimination, le GIP GELD.

D'abord oubliés dans la version initiale du texte, ses personnels ont eu droit à une « session de rattrapage » grâce à un amendement du rapporteur. Or, cet amendement n'évoque que la possibilité de bénéficier d'un contrat de droit public conclu avec la Haute autorité et ne parle ni d'intégration ni de transfert du personnel vers la Haute autorité.

D'un système qui aurait pu être automatique, on passe à une procédure de demande qui n'est pas sans soulever plusieurs questions. En effet, qui dit demande dit réponse, ce qui peut signifier acceptation ou refus.

Dans le cas où la demande serait refusée par la Haute autorité, quel serait le sort des agents concernés ?

Par ailleurs, l'agent qui demandera à bénéficier d'un contrat de droit public conclu avec la Haute autorité sera-t-il titulaire d'un nouveau contrat avec une nouvelle période d'essai, un nouveau salaire, une nouvelle ancienneté ?

Selon nous, il ne doit pas y avoir interruption des contrats de travail des personnels du groupement d'intérêt public GELD, en application de l'article L. 122-12, alinéa 2 du code du travail.

Aussi, et compte tenu des questions soulevées par la rédaction de cet article 16 bis, nous proposons une formulation plus claire et moins ambiguë.

Quant au second alinéa de ce même article, il pose aussi problème, puisqu'il risque de créer à terme deux catégories d'agents : ceux provenant de l'ancien GIP GELD et ceux qui seront embauchés directement par la future Haute autorité.

Je vous remercie, madame la ministre, de bien vouloir apporter des réponses à mes interrogations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission, qui a émis un avis défavorable sur cet amendement, considère que, si Mme le ministre pouvait apporter quelques précisions sur le maintien des droits à ancienneté des personnels concernés, il pourrait être retiré.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Vous avez raison, madame, de soulever le problème des salariés du GIP GELD. Je peux au moins vous donner l'assurance qu'ils seront repris, sur la base du volontariat.

En tout état de cause, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 16 bis.

(L'article 16 bis est adopté.)

Titre II

MISE EN ?UVRE DU PRINCIPE DE L'EGALITE DE TRAITEMENT ENTRE LES PERSONNES SANS DISTINCTION D'ORIGINE ETHNIQUE ET PORTANT TRANSPOSITION DE LA DIRECTIVE N° 2000/43/CE DU 29 JUIN 2000

Art. 16 bis
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Art. additionnel avant l'art. 17

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans l'intitulé du titre II, supprimer les mots :

sans distinction d'origine ethnique

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement de conséquence vise à adapter l'intitulé du titre II à l'extension de la transposition de la directive du 29 juin 2000 à tous les critères de discrimination prévue par l'amendement ultérieur n° 15 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. L'avis est favorable, monsieur le président.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'intitulé du titre II est ainsi modifié.

La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Monsieur le président, je demande une brève suspension de séance.

M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, madame la ministre.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à dix-neuf heures vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Titre II
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Art. 17

Article additionnel avant l'article 17

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par Mmes Assassi,  Borvo,  Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Un enseignement obligatoire et régulier sur le racisme, le sexisme, l'homophobie et, de manière générale, sur toutes les formes de discriminations, est dispensé dès l'école primaire par l'Education nationale.

II. - En second cycle, cet enseignement devient un module obligatoire dans le cadre des cours d'éducation civique.

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. Notre souci est de ne pas laisser à la Haute autorité le monopole des actions d'information et de sensibilisation contre les discriminations et pour l'égalité.

Ainsi, cet amendement vise à rendre obligatoire et régulier, dès l'école primaire, l'enseignement sur des sujets tels que le racisme, le sexisme, l'homophobie et, de manière plus générale, toutes les formes de discrimination. Dans le second cycle, cet enseignement deviendrait un module obligatoire dans le cadre des cours d'éducation civique.

Certes, cet enseignement existe déjà dans certains collèges, mais l'idée est de le rendre systématique. Il faut en effet permettre aux enseignants de répondre à toutes les interrogations que peuvent avoir les enfants, et ce dès leur plus jeune âge.

Parce que nous considérons que l'éducation nationale est un acteur primordial dans la lutte contre les discriminations, nous vous proposons d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Il convient, certes, de laisser la Haute autorité conduire des actions, le cas échéant en partenariat avec l'éducation nationale ; en revanche, la mise en place d'enseignements spécifiques mériterait, selon la commission, davantage de préparation.

L'avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel avant l'art. 17
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Art. additionnel après l'art. 17

Article 17

En matière de protection sociale, de santé, d'avantages sociaux, d'éducation, d'accès aux biens et services, de fournitures de biens et services, d'affiliation et d'engagement dans une organisation syndicale ou professionnelle, y compris d'avantages procurés par elle, ainsi que d'accès à l'emploi, d'emploi et de travail indépendants ou non salariés, chacun a droit à un traitement égal, quelles que soient son origine nationale, son appartenance ou sa non-appartenance vraie ou supposée à une ethnie ou une race.

Toute personne qui s'estime victime d'une discrimination directe ou indirecte en ces domaines établit devant la juridiction compétente les faits qui permettent d'en présumer l'existence. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que la mesure en cause est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.

Le précédent alinéa ne s'applique pas devant les juridictions pénales.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 71 rectifié, présenté par Mmes Khiari et  Boumediene-Thiery, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après les mots :

traitement égal,

Rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :

quelle que soit son origine, son sexe, sa situation de famille, son apparence physique, son patronyme, son état de santé, son handicap, ses caractéristiques génétiques, ses moeurs, son orientation sexuelle, son âge, ses opinions politiques, son activité syndicale, son appartenance ou sa non appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. L'article 17 est censé étendre le principe général d'égalité de traitement à tous les domaines visés par la directive européenne du 29 juin 2000.

Or, la liste proposée par le projet de loi n'est pas exhaustive et nous préférons donc reprendre celle qui figure à l'article 225-1 du code pénal, qui définit les discriminations.

M. le président. L'amendement n° 15 rectifié, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après les mots :

droit à un traitement égal,

rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :

quels que soient son origine, son sexe, ses moeurs, son orientation sexuelle, son âge, sa situation de famille, son appartenance ou sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, ses opinions politiques, ses activités syndicales ou mutualistes, ses convictions religieuses, son apparence physique, son patronyme ou, sauf inaptitude constatée par le médecin du travail dans le cadre du titre IV du livre II du code du travail, son état de santé ou son handicap.

 

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement important, proposé par la commission des lois, rejoint, de par son contenu, l'amendement précédent.

Il a pour objet d'étendre à toutes les discriminations, et non aux seules discriminations raciales ou ethniques, le droit à un traitement égal dans les matières visées par la directive du 29 juin 2000 : protection sociale, santé, avantages sociaux, éducation, accès aux biens et services, accès à l'emploi salarié, l'emploi indépendant ou non salarié.

L'aménagement de la charge de la preuve devant les juridictions civiles et administratives, prévu par les alinéas suivants de l'article 17, serait ainsi valable dans ces matières pour toutes les discriminations.

Cet amendement rétablit donc la cohérence entre le projet de loi et les dispositions de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations qui prévoient un aménagement de la charge de la preuve pour toutes les victimes de discrimination en matière de recrutement, de rémunération ou de formation.

Il se situe également dans la logique qui conduit à attribuer à la Haute autorité une compétence pour toutes les discriminations prohibées par la loi et les traités et il va, bien évidemment, au-delà de la simple transposition de la directive du 29 juin 2000.

M. le président. L'amendement n° 38, présenté par Mmes Assassi,  Borvo,  Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après les mots :

quelles que soient

rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article :

son origine, son sexe, sa situation de famille, son apparence physique, son patronyme, son état de santé, son handicap, ses caractéristiques génétiques, ses moeurs, son orientation sexuelle, son âge, ses opinions politiques, ses activités syndicales, son appartenance ou sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée.

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. Cet amendement est similaire à celui qui vient d'être présenté par Mme Khiari.

Il nous semble important que l'aménagement de la charge de la preuve devant les juridictions civiles et administratives soit appliqué de façon homogène, en offrant à nos concitoyens les mêmes garanties, quel que soit le critère de discrimination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 71 rectifié et 38 ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission estime que ces amendements sont satisfaits par l'amendement qu'elle a déposé et souhaite donc leur retrait.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Le Gouvernement demande, comme la commission, le retrait des amendements nos 71 rectifié et 38 ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Il est, par ailleurs favorable à l'amendement n° 15 rectifié.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 71 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote sur l'amendement n° 15 rectifié.

M. Gérard Longuet. Pourquoi l'amendement n° 15 rectifié me pose-t-il problème ? Parce qu'il élargit la notion de discrimination à des comportements, des appartenances, des engagements de nature extrêmement différente.

Nous sommes tous ici des républicains rassemblés contre les discriminations raciales et, parce que nous sommes des républicains français, contre les discriminations sexistes, même si la longue marche vers l'émancipation complète de la femme dans notre pays n'est sans doute pas totalement achevée. A cet égard, la présence, ce soir, de Mme Ameline nous rassure.

M. Josselin de Rohan. On poursuivra !

M. Gérard Longuet. Oui, on poursuivra ce travail.

Mais, à vouloir trop embrasser, on risque de mal étreindre, et à vouloir dans un même ensemble traiter de toutes les discriminations, l'auteur de l'amendement, mes chers collègues, prend le risque d'affaiblir les luttes les plus essentielles contre les discriminations.

Notre pays, pays moderne, est une terre d'accueil. Notre tradition républicaine repose sur l'égalité de droits et de devoirs et, si la France n'a pas inventé l'habeas corpus, nous avons posé, par la Déclaration universelle des droits de l'homme du 26 août 1789, un certain nombre de jalons qui ont contribué, tout au long des XIXe et XXe siècles, à un respect croissant de l'individu qui, malheureusement, n'est pas universel.

Nous n'avons sans doute pas été nous-mêmes exempts de faiblesse au regard de ce principe, mais nous avons eu la volonté de lutter contre des discriminations qui résultent non pas d'un choix ou d'un engagement volontaire, mais d'un héritage que certains condamnent, au nom de la race par exemple, au nom du sexe, alors que le respect de l'autre est au centre des valeurs républicaines.

Cette volonté n'est pas surprenante dans un pays où l'héritage chrétien, pour ceux qui le partagent, fait de la fraternité, de l'égalité de condition, un principe absolu, même si l'église catholique a mis du temps à reconnaître ces valeurs égalitaires.

Telle n'est pas la situation d'engagement volontaire qui résulte d'un libre choix et dont nous parlerons tout à l'heure après l'article 17.

En revanche, l'amendement n° 15 rectifié, à l'article 17, me pose un problème s'agissant des convictions religieuses, des apparences physiques et des opinions politiques.

Nous avons nous-mêmes, au sein de cette assemblée, voté des textes reconnaissant que les convictions religieuses doivent se soumettre à des disciplines, concernant notamment l'apparence physique - je pense à l'affaire du voile.

Par ailleurs, en matière de discriminations professionnelles, nous savons que les apparences physiques peuvent être à juste titre prises en considération, selon la nature du métier que l'on exerce.

Quant aux opinions politiques, s'il convient naturellement de les respecter toutes, toutes ne sont cependant pas respectables.

Par conséquent, l'adoption de cet amendement élargissant le droit au traitement égal à des catégories qui résultent non pas d'une discrimination, mais d'une différence liée à des engagements volontaires de femmes et d'hommes libres de leurs choix, mais dont ces derniers peuvent cependant les égarer et les éloigner des comportements républicains, risquerait de nous mettre dans une situation paradoxale : au nom de cette disposition, nous devrions accepter des comportements que la République récuse.

C'est pourquoi, à moins d'avoir mal compris le sens de votre amendement, monsieur le rapporteur - c'est possible, mon intelligence n'étant pas universelle -, je considère que l'élargissement des discriminations à l'ensemble des différences, qu'elles soient héritées ou voulues, poserait un problème d'application.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je comprends les réticences exprimées par notre collègue Gérard Longuet, mais j'estime que l'objet de cet amendement est simplement de mettre en cohérence le projet de loi avec notre système juridique, notamment avec les dispositions de la loi du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, lesquelles figurent d'ailleurs aujourd'hui dans le code du travail.

Pour le reste, l'extension de l'obligation de non-discrimination qu'introduirait cet amendement, s'il était adopté, concerne fondamentalement l'accès à l'emploi et les domaines qui sont liés, d'une manière ou d'une autre, à l'exercice d'un emploi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 38 n'a plus d'objet.

L'amendement n° 73, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article, après les mots :

discrimination directe ou indirecte

insérer les mots :

, prohibée ou non  par la loi ou par un engagement international auquel la France est partie prenante,

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Par cet amendement, nous demandons que la Haute autorité soit compétente pour tous types de discriminations, y compris ceux qui ne seraient pas prohibés par la loi.

Pour rassurer ceux de nos collègues qui pensent qu'il s'agit d'un cheval de Troie, je prendrai trois exemples :

Une personne célibataire, de sexe masculin ou féminin, fût-elle homosexuelle, a le droit d'adopter un enfant. En réalité, il existe 99 % de risques sur 100 pour que cette adoption lui soit refusée. Pourtant, aucune disposition du code civil ne stipule qu'elle a le droit, ou qu'elle n'a pas le droit, d'adopter un enfant.

Si de nombreux motifs de discriminations à l'emploi, notamment le quartier d'habitation, l'apparence physique - je pense en particulier à l'obésité -, ne sont pas visés par la loi qui est forcément en retard sur la réalité, ils n'en sont pas moins à l'origine de discriminations vécues. Il importe que la Haute autorité puisse être saisie dans de tels cas, sans attendre que la législation rattrape la réalité.

A cela s'ajoutent les discriminations spécifiques à l'égard des étrangers, qui sont légales, en raison de leur nationalité, et donc non prohibées par la loi, et qui excluent les réfugiés temporaires et les demandeurs d'asile subsidiaires des emplois réservés aux Français, du droit de vivre en famille ou qui les soumettent au régime de la double peine.

Si la Haute autorité a vraiment une portée universelle, on ne voit pas de raison d'opérer un choix entre les discriminations, encore moins de les hiérarchiser. La Haute autorité doit pouvoir se saisir de toutes celles qui existent, même de celles qui ne sont pas encore répertoriées dans l'article 225 du code pénal, lequel, pour être riche - et nous avons contribué à l'enrichir -, n'est pas complet pour autant.

Je rappelle que, en matière de discrimination, les dispositions internationales, telles que la Déclaration universelle des droits de l'homme de 1948, la Convention européenne des droits de l'homme de 1950 incluant la liberté de conscience, la Convention internationale des droits de l'enfant adoptée le 20 novembre 1989 par l'assemblée générale des Nations unies concernant notamment le droit à l'éducation, s'imposent au droit national.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Je répéterai ce que j'ai dit à propos d'un amendement précédent, à savoir que le législateur a toute possibilité de prévoir de nouvelles discriminations et que, lorsqu'il les aura prévues, la Haute autorité en prendra acte.

J'ajoute que l'amendement n° 15 rectifié de la commission, que le Sénat vient d'adopter, vise à étendre le champ de la transposition de la directive à tous les critères qui sont visés par notre droit interne.

Le deuxième alinéa de l'article 17 concerne l'aménagement de la charge de la preuve appliqué aux domaines et critères visés au premier alinéa.

Cet ensemble donne à l'article une cohérence qui serait, à mon sens, affaiblie par cet amendement, lequel établirait deux champs différents, l'un pour l'égalité de traitement et l'autre pour l'aménagement de la charge de la preuve.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Pour les mêmes raisons que celles qui viennent d'être exposées par M. le rapporteur, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Après en avoir débattu, le groupe socialiste s'est prononcé contre cet amendement, qui risquerait, s'il était adopté, de porter atteinte à la loi sur la laïcité à laquelle notre groupe est attaché.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 73.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 70, présenté par M. Assouline, Mmes Khiari et  Boumediene-Thiery, MM. Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

Dans les premier et deuxième alinéas de l'article 225-1 du code pénal, les mots : «, une race » sont supprimés.

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. M. Assouline souhaitait la suppression du terme « race » dans le présent projet de loi ; néanmoins, dans la mesure où une proposition de loi tendant à supprimer ce mot « race » dans l'article 1er de la Constitution sera examiné par l'Assemblée nationale, nous retirons cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 70 est retiré.

Je mets aux voix l'article 17, modifié.

(L'article 17 est adopté.)

Art. 17
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Division et art. additionnels après l'art. 17

Article additionnel après l'article 17

M. le président. L'amendement n° 75, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après l'article 17 insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article 225-1 du code pénal est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Une discrimination indirecte est constituée lorsqu'une disposition, un critère ou une pratique apparemment neutre est susceptible d'entraîner un désavantage particulier pour des personnes à raison de son origine, son sexe, sa situation de famille, son apparence physique, son patronyme, son état de santé, son handicap, ses caractéristiques génétiques, ses moeurs, son orientation sexuelle, son identité de genre, son âge, ses opinions politiques, son activité syndicale, son appartenance ou sa non appartenance, vraie ou supposée à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée. ».

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement s'inspire des termes de la directive européenne, que la France n'a pas intégralement transposée malgré toutes ses obligations pourtant arrivées à échéance depuis le 2 décembre 2003.

Il convient d'ajouter à la définition de la discrimination directe dans le code pénal celle de la discrimination indirecte. Cette dernière est d'ailleurs déjà citée dans le code du travail sans être vraiment définie. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité doit être compétente pour tout type de discrimination, directe ou indirecte, qui serait le fruit manifeste d'une inégalité de droit.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à inscrire dans le code pénal une définition de la discrimination indirecte.

L'article 225-1 du code pénal ne fait actuellement pas de distinction entre discrimination directe et indirecte, et il n'apparaît pas certain à la commission que cette précision soit pertinente. Une telle modification du code pénal lui semble en effet mériter une réflexion plus approfondie. Ce texte n'en est, selon elle, pas le lieu.

Cependant, avant de se prononcer, la commission souhaite entendre le Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Défavorable.

M. le président. Quel est maintenant l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 75.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel après l'art. 17
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Art. 18

Division et articles additionnels après l'article 17

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je demande la réserve de l'amendement n° 82, qui tend à créer une division additionnelle après l'article 17, jusqu'après le vote sur l'amendement n° 85.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de réserve ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Favorable.

M. le président. La réserve est ordonnée.

Nous allons donc examiner les trois amendements tendant à insérer des articles additionnels après l'article 17.

L'amendement n° 83, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Il est inséré, après le huitième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, un alinéa ainsi rédigé :

« Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal. »

Le sous-amendement n° 87, présenté par Mmes Khiari et  Boumediene-Thiery, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par l'amendement n° 83 pour insérer un alinéa après le huitième alinéa de l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881, après les mots :

orientation sexuelle

insérer les mots :

ainsi qu'à raison des autres motifs mentionnés à l'article 225-1 du code pénal

L'amendement n° 84, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée:

1° Après le deuxième alinéa de l'article 32, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent la diffamation commise par les mêmes moyens envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. »;

2° Après le troisième alinéa de l'article 33, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Sera punie des peines prévues à l'alinéa précédent l'injure commise dans les mêmes conditions envers une personne ou un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. »

Le sous-amendement n° 88, présenté par Mmes Khiari et  Boumediene-Thiery, MM. Assouline,  Collombat,  Dreyfus-Schmidt,  C. Gautier,  Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I - Compléter le texte proposé par le I de l'amendement n° 84 pour insérer un alinéa après le deuxième alinéa de l'article 32 de la loi du 29 juillet 1881 par les mots :

ainsi qu'à raison des autres motifs mentionnés à l'article 225-1 du code pénal.

II - Compléter le texte proposé par le II de l'amendement n° 84 pour insérer un alinéa après le troisième alinéa de l'article 33 de la loi du 29 juillet 1881 par les mots :

ainsi qu'à raison des autres motifs mentionnés à l'article 225-1 du code pénal.

L'amendement n° 85, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 17, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse est ainsi modifiée:

1° La deuxième phrase du 6° de l'article 48 est ainsi rédigée :

« Toutefois, la poursuite pourra être exercée d'office par le ministère public dans les cas prévus par le deuxième et le troisième alinéas de l'article 32 et par le troisième et le quatrième alinéas de l'article 33. »;

2° Après l'article 48-3, sont insérés deux articles 48-4 et 48-5 ainsi rédigés:

« Art. 48-4.- Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de combattre les discriminations fondées sur l'orientation sexuelle ou d'assister les victimes de ces discriminations peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits prévus par le neuvième alinéa de l'article 24, le troisième alinéa de l'article 32 et le quatrième alinéa de l'article 33.

« Toutefois, quand l'infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de ces personnes.

« Art. 48-5.- Toute association, régulièrement déclarée depuis au moins cinq ans à la date des faits, se proposant, par ses statuts, de combattre les violences ou les discriminations fondées sur le sexe ou d'assister les victimes de ces discriminations peut exercer les droits reconnus à la partie civile en ce qui concerne les délits prévus par le neuvième alinéa de l'article 24, le troisième alinéa de l'article 32 et le quatrième alinéa de l'article 33.

« Toutefois, quand l'infraction aura été commise envers des personnes considérées individuellement, l'association ne sera recevable dans son action que si elle justifie avoir reçu l'accord de ces personnes. »;

3° Au neuvième alinéa de l'article 24, au troisième alinéa de l'article 32 et au quatrième alinéa de l'article 33, les mots : « par l'alinéa précédent » sont remplacés par les mots : « par les deux alinéas précédents »;

4° Au premier alinéa de l'article 63, les mots : « alinéa 5 », « alinéa 2 »  et « alinéa 3 » sont respectivement remplacés par les mots : « alinéas 8 et 9 », « alinéas 2 et 3 » et « alinéas 3 et 4 ».

La parole est à M. le garde des sceaux, pour défendre les amendements nos 83, 84 et 85.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Les trois amendements déposés par le Gouvernement représentent évidemment un tout.

Je rappellerai que, en juin dernier, j'ai été amené à proposer au Gouvernement un projet de loi relatif à la lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe. En effet, il était apparu indispensable de réagir au fait qu'un certain nombre de propos de ce type pouvaient constituer une des origines des actes de violence dont l'actualité récente nous a malheureusement montré la réalité.

Ces dispositions tendaient à modifier la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, afin de réprimer les provocations à la discrimination, à la haine, à la violence homophobe ou sexiste, ainsi que les diffamations et les injures homophobes, dans des conditions similaires à celles qui existent en matière de racisme.

Ce projet de loi a suscité un certain nombre de réflexions, de réactions, de critiques et d'interrogations. L'avis rendu jeudi dernier par la Commission nationale consultative des droits de l'homme tenant compte des points de vue exprimés par les différentes associations et organisations consultées, notamment religieuses, a conduit le Gouvernement à souhaiter modifier le dispositif législatif qu'il proposait.

Tout d'abord, dans la forme, il lui est apparu opportun d'adjoindre au présent projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, par amendements, des dispositifs susceptibles de lutter contre l'homophobie et le sexisme.

Ensuite, sur le fond, il lui est apparu nécessaire d'introduire trois modifications par rapport à ce projet de loi.

La première modification, dont Mme Ameline dira quelques mots tout à l'heure, consiste à aligner les dispositifs concernant le sexisme sur ceux qui sont relatifs à l'homophobie. Cet alignement était souhaité par beaucoup, et, pour avoir rencontré ce matin, avec Nicole Ameline, l'ensemble des associations représentatives des mouvements féministes ou antisexistes, je peux vous indiquer que ces dernières sont extrêmement satisfaites de cette modification du dispositif législatif proposé.

Par ailleurs, le Gouvernement a jugé indispensable d'apporter par amendements deux modifications au présent projet de loi pour répondre aux interrogations de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

D'une part, il vous est proposé que les propos discriminatoires passibles de poursuites soient uniquement ceux qui sont aujourd'hui listés par le code pénal et qui constituent d'ores et déjà des infractions.

Cette modification essentielle permet de lever les interrogations qui se sont exprimées sur les risques qu'une jurisprudence trop ample pouvait faire courir à la fois aux organes de presse et à des personnes participant à un débat légitime sur ces sujets.

Le fait d'en revenir aux discriminations pointées par le code pénal, telles que, par exemple, les discriminations au logement, à l'embauche, à la promotion professionnelle, permet d'éviter ce risque de dérives jurisprudentielles.

D'autre part, il vous est proposé de revenir au délai de prescription de droit commun en matière de presse, c'est-à-dire trois mois, et de ne pas retenir la prescription d'un an que vous avez adoptée, voilà quelques mois, s'agissant du racisme.

Tel est le dispositif équilibré, me semble-t-il, qui vous est aujourd'hui proposé, mesdames, messieurs les sénateurs.

Je puis indiquer à la Haute Assemblée que j'ai contacté aujourd'hui l'ensemble de celles et ceux qui ont vocation à s'exprimer sur ces sujets - les associations féminines, les associations homosexuelles - ainsi que les responsables religieux et les responsables d'associations de presse qui étaient intervenus sur ce sujet.

Sans révéler la teneur des discussions que j'ai conduites dans le cadre de cette concertation, je puis affirmer que le dispositif qui vous est proposé est considéré par les uns et par les autres comme équilibré. Il ne risque pas de créer une jurisprudence trop ample -  c'est une critique que j'ai évoquée tout à l'heure - et, pour autant, il nous permettra de lutter avec efficacité contre un certain nombre d'abominations, dont les faits divers ont malheureusement révélé la réalité voilà quelques mois.

Tel est, mesdames, messieurs les sénateurs, le contenu général de ces trois amendements. Permettez-moi maintenant de préciser leur teneur.

L'amendement n° 83 tend à permettre la répression des provocations à la discrimination, à la haine, ou à la violence homophobes ou sexistes.

Toutefois, afin d'éviter une interprétation trop large de ces dispositions qui serait contraire aux exigences de la liberté d'expression, seules sont réprimées - c'est essentiel - les provocations aux discriminations qui tombent sous le coup des articles 225-2 et 432-7 du code pénal. Réduire le champ des dispositions prévues me semble être une mesure de prudence.

L'amendement n° 84 tient compte de l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Il prévoit la répression des diffamations et des injures commises en raison du sexe de la victime. Ainsi, les propos sexistes et homophobes seront réprimés de la même façon. Comme je l'ai précisé tout à l'heure - c'est un point particulièrement important -, on aligne les dispositions relatives au sexisme sur celles qui sont relatives à l'homophobie.

Quant à l'amendement n° 85, il permet de revenir à la prescription de droit commun en matière de presse, c'est-à-dire un délai de trois mois.

Tel est le sens de ces trois amendements que j'espère voir adopter par le Sénat et qui constituent - je le dis très sincèrement et avec beaucoup de conviction - un point d'équilibre satisfaisant tant pour moi que pour les personnes que j'ai personnellement contactées aujourd'hui.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nicole Ameline, ministre de la parité et de l'égalité professionnelle. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les discriminations, qu'elles soient liées à la race, au sexe ou à l'orientation sexuelle, ne sont en rien des formes atténuées de violence. Elles en sont au contraire et malheureusement trop souvent l'expression ordinaire. C'est dire l'importance de ces amendements qui visent aujourd'hui à réaffirmer, avec la force du droit, les valeurs fondamentales de respect, de dignité auxquelles nous sommes particulièrement attachés.

La lutte contre les violences est une responsabilité collective, et il fallait réussir ce que, depuis vingt ans, les femmes de France et les associations attendaient particulièrement, c'est-à-dire refonder la société sur les valeurs fondamentales.

Alors que se crée aujourd'hui la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, l'extension à l'homophobie et au sexisme des dispositions relatives au racisme constitue donc une étape particulièrement décisive, essentielle, dans la lutte contre les discriminations et dans l'affirmation des valeurs de respect et de dignité.

Ce projet de loi, qui a été enrichi grâce au dialogue souhaité et entretenu par M. le garde des sceaux et moi-même, constitue une avancée considérable parce qu'il comble aussi un vide juridique. Les propos incitatifs à la discrimination, à la haine et à la violence à raison de l'orientation sexuelle ou du sexe sont restés jusqu'à présent impunis. Peut-on raisonnablement concevoir qu'au XXIe siècle, en 2004, nous puissions encore accepter de voir évoquer la lapidation des femmes en France ? C'est probablement là que se situe l'avancée principale de ce texte, qui réprime les propos les plus dangereux, les plus outranciers, puisqu'ils peuvent eux-mêmes induire des comportements violents, y compris des agressions physiques.

En faisant le choix d'aligner les dispositions relatives à l'injure et à la diffamation sur celles qui sont relatives à l'homophobie, le Gouvernement répond à la demande qui a été très largement formulée non seulement par les associations, mais également par un certain nombre d'élus, et qui est conforme à l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Ainsi, les associations qui portent la défense des droits des femmes et la lutte contre les violences pourront désormais ester en justice. C'est une avancée majeure qui permettra au corps social d'exprimer ce qui lui semble constituer une atteinte caractérisée et intolérable au respect de la dignité des personnes.

Toutefois, il importait de conserver un équilibre entre les principes constitutionnels de la liberté de la presse et du respect de la dignité de la personne humaine. La délimitation stricte, qui a été effectivement évoquée, de la notion de discrimination par le renvoi à la définition qu'en donne l'article 225-2 du code pénal répond à cet objectif.

J'ajoute que la prise en compte de la déontologie professionnelle permet des progrès tout à fait significatifs. Je pense en particulier au BVP, le bureau de vérification de la publicité, qui a conclu une convention avec le ministère chargé de la parité et de l'égalité professionnelle sur la prise en compte de la dignité de la personne dans les messages et les concepts publicitaires. Cette notion est donc préservée.

La France tient enfin aujourd'hui, aux côtés d'autres pays, telle l'Espagne, à fonder sa société sur les valeurs fondamentales de respect et de dignité et à adopter une attitude exemplaire à cet égard en Europe et dans le monde ; c'est donc avec fierté, mesdames, messieurs les sénateurs, que je vous présente ces dispositions, qui me semblent vraiment traduire, en matière d'égalité, un engagement de la France tout entière sur le plan tant intérieur qu'extérieur. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour défendre les sous-amendements nos 87 et 88.

M. Robert Badinter. Ce n'est pas un mince sujet que celui qui nous réunit ce soir. La lutte contre le sexisme est à coup sûr importante. Je puis dire que, dans ma famille, nous y sommes particulièrement attachés. Mais je voudrais plus précisément parler de l'homophobie.

La persécution, la haine contre les homosexuels n'a pas disparu de notre monde. Vu mon âge, elle est pour moi un vieil adversaire, que j'ai combattu partout.

Dans certains Etats du monde, subsiste la forme la plus odieuse de l'homophobie, celle qui réprime de la façon la plus cruelle, voire la plus barbare, l'homosexualité. Je rappelle que, dans certains pays, l'homosexualité est aujourd'hui encore punie de la peine de mort, laquelle est effectivement appliquée. A cet égard, je vous renvoie, mes chers collègues, au dernier rapport d'Amnesty international.

Au-delà de la persécution légale, il y a l'homophobie la plus brutale, la plus violente, celle qui se nourrit des préjugés les plus profondément enracinés. On y retrouve là une autre forme de racisme, qui va parfois jusqu'à la violence mortelle, qui caractérise « la chasse à l'homo » que l'on a pratiquée, que l'on pratique encore hélas ! et qui procède de la même inspiration inhumaine que celle des ratonnades ou des violences racistes. A cet égard, j'ai des souvenirs professionnels terribles, ayant défendu des victimes ou des parents de victimes de telles chasses.

Mais il existe des formes de racisme plus insidieuses, qui nourrissent ces formes extrêmes. Outre les provocations, les différentes formes d'injures, de diffamation, il y a la discrimination. En la matière, vous déposez un texte, monsieur le garde des sceaux, mais il est bien tard !

Si j'ai tenu à intervenir ce soir, c'est parce que je souhaitais rappeler que notre regrettée collègue Dinah Derycke et moi-même avions déposé dès l'an 2000 une proposition de loi tendant à faire inscrire dans le droit de la presse, au même titre que les autres formes de provocation à la haine et à la discrimination, l'appel à la discrimination ou aux diverses formes de discrimination contre les homosexuels.

Ce texte n'a pas été inscrit à l'ordre du jour du Parlement. Notre ami Michel Dreyfus-Schmidt l'a repris en y apportant quelques légers compléments de forme. A l'Assemblée nationale, M. Bloch et d'autres députés ont déposé une proposition de loi qui, elle non plus, n'est pas allée jusqu'à son terme.

Monsieur le garde des sceaux, ici même, lors de la discussion du projet de loi Perben II, nous avions, un matin, examiné sur notre initiative des amendements dont l'objet était précisément identique à celui d'aujourd'hui. Vous nous aviez alors rétorqué que l'examen de tels amendements était prématuré - on pouvait s'étonner du fait que ce fût trop tôt, après toutes ces années écoulées, alors même que tout le monde était d'accord sur le sujet - et que le Gouvernement entendait déposer un grand projet de loi pour lutter contre toutes les formes d'homophobie ; pour cette raison, vous aviez donc demandé d'écarter ces amendements afin que soit ouverte la voie au processus royal, dirai-je, d'un projet de loi traitant de toutes les formes de lutte contre l'homophobie.

Or, aujourd'hui, monsieur le garde des sceaux, c'est par amendements, à l'occasion de la création d'une haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, que vous présentez des dispositions que nous avions déjà proposées ! Du temps a donc été perdu pour rien !

Cela va de soi, nous voterons en faveur des dispositions relatives à la lutte contre l'homophobie, mais nous avons déposé un sous-amendement à l'amendement n° 83.

Je quitte là l'essentiel du sujet, c'est-à-dire le rappel de ce que porte d'infâme, d'insupportable, l'homophobie, pour en revenir au problème plus général du rapport entre le droit de la presse et la discrimination.

Dans notre droit, il y a à cet égard une sorte de contradiction, ou du moins de déséquilibre.

Des dispositions de la loi relative à la lutte contre les discriminations ont été intégrées au code pénal. L'article 225-1 du code pénal énonce un certain nombre de discriminations, qui sont, à juste titre, punies par le législateur pénal. Elles sont très nombreuses et sont incompatibles avec la notion même d'égalité républicaine. On y trouve la discrimination tenant à l'âge, à l'état de santé, indépendamment d'autres discriminations plus saisissantes que nous avons évoquées tout à l'heure.

Puis, nous avons un texte qui est relatif au droit de la presse. La loi de 1881 punit, à juste titre, la provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence. Mais, dans ce texte qui vise à interdire la provocation à la discrimination, ne sont pas visées les mêmes discriminations que celles qui font l'objet de la disposition générale du code pénal, ce qui constitue en soi une rupture qu'il est difficile de justifier.

Comme il est souhaitable de réprimer la provocation, nous ne pouvons pas nous en tenir là, s'agissant, par exemple, de la discrimination contre les homosexuels ou les discriminations sexistes.

Nous n'avons aucune raison de discriminer entre les discriminations. Au nom de quoi réprimerions-nous la provocation et l'incitation à la discrimination s'agissant par exemple de l'homosexualité, mais ne le ferions-nous pas s'agissant des malades du sida alors que nous savons que des propos honteux et infâmes ont été tenus concernant ceux que l'on appelait « les sidaïques » et pour lesquels on voulait des dispositions discriminatoires en matière de santé publique ? J'ai presque honte à rappeler ces choses dans un hémicycle de la République.

Mais ce type d'incitations à la discrimination existe s'agissant aussi bien de la santé que de l'âge ; je n'irai pas plus loin.

Le sous-amendement n° 87 vise donc, tant pour des raisons d'harmonisation juridique que pour des raisons morales, à ce que l'on se réfère aux discriminations réprimées par le code pénal.

Il n'y a en effet aucune raison de faire une différence entre les discriminations ; à partir du moment où nous réprimons l'incitation à la haine, à la violence et à la discrimination à l'égard de certains, s'agissant de la discrimination, nous devons reprendre l'énoncé du code pénal.

Quant au sous-amendement n° 88, c'est un texte de coordination.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Monsieur le président, je ne présenterai la position de la commission que sur les amendements, les sous-amendements n'ayant pas été soumis à cette dernière.

L'amendement n° 83 paraît l'élément essentiel du dispositif introduit par le Gouvernement dans la mesure où il comble une lacune de notre droit en permettant la répression des provocations à la discrimination, à la haine ou à la violence homophobes ou sexistes.

Par ailleurs, la rédaction proposée par le Gouvernement semble préférable à celle qui figure dans le projet de loi de lutte contre les propos discriminatoires à caractère sexiste ou homophobe. Elle précise en effet, par référence aux articles 225-2 et 432-7 du code pénal, les types de discrimination qu'il est prohibé de promouvoir par les moyens visés par la loi de 1881 ; le champ couvert par ces dispositions est très large, mais exclut clairement l'expression des convictions et opinions politiques, religieuses ou autres.

La liberté d'expression sur les grands sujets de société est ainsi garantie. La qualification par le juge de provocation à la discrimination pour des propos sur de tels sujets est certes douteuse, mais les précisions introduites par cet amendement devraient permettre de dissuader des recours abusifs qui nuiraient à la cause même de la lutte contre les discriminations.

C'est pourquoi la commission émet un avis favorable sur l'amendement n° 83.

La commission, je le rappelle, ne s'est pas prononcée sur le sous-amendement n° 87. A titre personnel, j'observe que ce texte rejoint les préoccupations exprimées par notre commission lors de l'examen de la loi dite « loi Perben II ». Cependant, à la lumière du débat qui s'est engagé sur le projet de loi déposé à l'Assemblée nationale, ma crainte est que ce sous-amendement ne remette en cause l'équilibre difficile entre la lutte contre les discriminations et le respect de la liberté d'expression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est tout à fait défavorable au sous-amendement n° 87. Monsieur Badinter, je ne vous ferai pas l'injure de vous rappeler la différence substantielle existant entre l'article 225-1 et l'article 225-2 du code pénal.

En effet, l'article 225-2 qui est visé dans l'amendement n° 83 dispose que la discrimination définie à l'article précédent - l'article 225-1 -, « commise à l'égard d'une personne physique ou morale, est punie de trois ans d'emprisonnement », et il y a là une liste limitative, alors que l'article que vous souhaitez viser par le sous-amendement n° 87 est extraordinairement large. Je citerai pour exemple les opinions politiques et les activités syndicales. Très franchement, viser l'article 225-1 au lieu de l'article 225-2, c'est modifier complètement l'équilibre du texte, et c'est même aller beaucoup plus loin que les intentions initiales du projet de loi du mois de juin dont nous avons déjà parlé

J'ajoute que cela constituerait un changement considérable de la loi sur la presse ; j'ai d'ailleurs été étonné, monsieur Badinter, que vous défendiez vous-même cet amendement. Je pense en effet que l'on poserait aux organes de presse une difficulté considérable en visant cet article du code pénal.

En visant l'article 225-2, on limite le champ et on va à l'essentiel, puisqu'il s'agit de la fourniture d'un bien, de l'exercice de l'activité économique, de l'embauche - ce que j'évoquais tout à l'heure -, alors que l'article 225-1 fait une liste de toutes les discriminations qui peuvent exister ; par conséquent, viser ces discriminations dans leur diversité serait restreindre considérablement les possibilités en termes de liberté d'expression.

C'est la raison pour laquelle, monsieur Badinter, je me permets de vous suggérer de retirer le sous-amendement n° 87 ; s'il n'en allait pas ainsi, je demanderai au Sénat de ne pas l'adopter.

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 87.

M. Robert Badinter. Monsieur le ministre, s'agissant de l'article 225-2 du code pénal, la discrimination définie à l'article 225-1 commise à l'égard d'une personne physique et reprise ensuite ne vise que des cas de discriminations d'ordre économique ou relatives au travail : refuser la fourniture d'un bien, entraver l'exercice normal d'une activité économique, refuser d'embaucher...

Que vous considériez que l'article 225-1 ouvre la voie à trop de répressions et de discriminations, je ne le pense pas. Je ne pense pas, en effet, que vous considériez que les discriminations mentionnées ne devraient pas être pénalement sanctionnées. Dès lors, si nous estimons que la provocation à la discrimination constitue en soi un délit, nous devons en tenir compte.

Une discrimination à raison de l'état de santé ou du handicap est parfaitement odieuse. Vous me direz que la discrimination à raison de l'âge ou des opinions politiques l'est peut-être moins. Mais nous ne pouvons pas entrer dans cette analyse. Ou bien nous adoptons la position consistant à dire, comme cela se fait dans certains pays - je pense en particulier à certains arrêts de la Cour suprême des Etats-Unis -, que, au nom de la liberté d'expression, toutes les formes de liberté, y compris de discrimination, sont admises - nous savons jusqu'où cela peut aller, notamment en ce qui concerne par exemple la propagande en faveur du nazisme -, ou nous continuons à consacrer la répression de la discrimination - et la liste est longue - parce qu'elle est contraire à l'égalité et qu'elle se fonde sur des critères que nous ne pouvons pas admettre, comme l'âge ou la santé - j'ai cité exprès l'exemple du sida.

Par conséquent, monsieur le ministre, loin de retirer mon sous-amendement, je vous invite à la réflexion et vous demande de prendre en considération ce qui est une exigence : il n'est pas possible de faire une distinction en ce qui concerne les discriminations.

Nous sanctionnons à juste titre la discrimination contre l'homosexualité, et ce doit être la même chose pour l'état de santé ou le handicap physique, cela va de soi. Nous n'avons pas à admettre la provocation à la discrimination à raison de l'âge ou à raison de l'état de santé. C'est une discussion que nous pouvons poursuivre très longtemps, mais je tiendrai ferme !

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. La question qui nous est posée aujourd'hui est de savoir ce que doit être une loi sur la presse et ce qu'elle ne doit pas être. En effet, ne confondons pas - mais je sais que vous ne le faites pas, monsieur Badinter - les discriminations de comportements et les discriminations portées par des propos véhiculés par la presse. Il est normal que le champ soit moins large s'agissant de ce dernier cas. C'est là la question fondamentale, car elle porte en elle le débat sur ce que peut faire la presse et sur ce qu'elle ne peut pas faire.

Ce point très important préoccupe les organes de presse français, qui se comparent d'ailleurs bien souvent aux organes de presse des autres pays européens démocratiques et qui sont très attentifs à ce que leurs rédacteurs puissent s'exprimer librement.

Par ailleurs, l'article 225-2 du code pénal comporte la liste des infractions qui sont punissables et prévoit des peines. C'est donc cette liste-là que je vous propose de prendre comme référence pour le texte de l'amendement n° 83 et non pas celle de l'article 225-1, qui est effectivement une liste exhaustive mais qui comporte des motifs de discrimination de natures très différentes les uns des autres. En pensant à la liberté de la presse, nous devons être très attentifs et en rester à la référence de l'article 225-2 du code pénal.

M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche, pour explication de vote.

M. Philippe Darniche. Avant de développer mon propos, je voudrais rappeler combien je suis naturellement tout à fait opposé aux comportements sexistes et homophobes, qu'il faut bien sûr réprimer.

Pour autant, je m'élève contre la méthode et contre ce que j'appellerai un coup de force qui consiste à reprendre « à la sauvette » le texte d'un projet de loi sur l'homophobie sur lequel la Commission nationale consultative des droits de l'homme s'est prononcée défavorablement, au nom de la liberté d'expression.

Les principaux reproches de la Commission nationale consultative des droits de l'homme portaient tout simplement sur le fait que le texte présenté tentait de traiter des discriminations des personnes par catégories en segmentant les populations. Ce sujet est extrêmement sensible et ouvre la voie au communautarisme, on le sait. Il ne peut être traité dans des délais aussi brefs et avec précipitation, aux seuls motifs de satisfaire rapidement des lobbies.

Le débat qui vient de se dérouler devant nous prouve à l'évidence qu'il aurait fallu consacrer plus de temps à ce sujet et travailler ce dernier au fond.

Je trouve anormal que le Gouvernement cherche, par cette procédure du fait accompli et en se passant des travaux que la Haute Assemblée aurait pu mener dans un débat serein si elle en avait eu le temps, à contourner notre volonté d'expression.

Je suis donc hostile à ces procédés qui sont contraires pour moi à la liberté d'expression et qui vont conduire à empêcher tout débat.

C'est la raison pour laquelle, comme mon collègue Bruno Retailleau, je ne voterai pas l'ensemble de ces amendements présentés par le Gouvernement.

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, pour explication de vote.

M. Patrice Gélard. Monsieur le président, je m'exprimerai en fait sur l'ensemble des amendements.

Je formulerai, tout d'abord, une remarque sur la forme, qui rejoint les propos de M. Darniche à l'instant et ceux de M. Bel, en début de séance, propos qui ont recueilli, m'a-t-il semblé, l'assentiment de M. le président Poncelet lui-même : le Gouvernement ne saurait utiliser plus longtemps la technique consistant à déposer en permanence des amendements gouvernementaux à la dernière minute. Ce n'est pas une bonne méthode ! (Très bien ! sur les travées du groupe socialiste.)

Sur le fond, à présent, je tiens à dire que je ne suis pas du tout choqué par les trois amendements déposés par le Gouvernement. En effet, ces textes visent à combler une lacune de notre droit.

Nous pourrions, certes, considérer que les dispositions actuelles du code pénal ou de la loi sur la presse de 1881 englobent le sexisme et l'homophobie. En effet, le racisme a de multiples formes : il peut s'agir, notamment, de racisme sexuel, de racisme en fonction de la taille ou de la couleur des cheveux. Le terme de « race » n'a d'ailleurs aucune signification, comme chacun le sait : nous sommes tous de la même race, la race humaine ; il n'empêche qu'il existe des différences et que, en fin de compte, la condamnation du racisme, c'est la condamnation du refus des différences.

Par ailleurs, il est, dans le catalogue de nos droits et libertés, un manque, que nous comblons, dans le code pénal, par des dispositions existant d'ailleurs dans un certain nombre de déclarations de droits de pays étrangers : je veux parler du droit à la dignité, qui est justement la contrepartie logique de ce respect du droit à la différence.

C'est la raison pour laquelle les trois amendements que propose le Gouvernement sont, selon moi, des amendements mesurés, sages et non révolutionnaires.

Ils ne révolutionnent ni notre droit pénal ni notre droit de la presse. Nul n'ignore, d'ailleurs, qu'il est extrêmement difficile, pour ne pas dire impossible, de toucher à la loi de 1881, au point que l'on peut même se demander si elle n'a pas une valeur supralégislative, du moins aux yeux de certains.

Dans ce domaine, qui touche profondément aux libertés publiques, agir trop rapidement n'est pas possible. C'est ce que je répondrais à ceux qui s'étonneraient que rien n'ait été fait entre 2000 et 2002 et qu'il ait fallu attendre 2004.

Le texte déposé sur le bureau de l'Assemblée nationale a suscité de vives réactions des associations, de la presse, des églises, d'un certain nombre de partenaires institutionnels, de l'Etat et, bien sûr, de la Commission nationale consultative des droits de l'homme.

Le Gouvernement en a tenu compte ; il a retiré ce texte critiquable, mais qui, dans une certaine mesure, reprenait les propositions de loi socialistes antérieures et répondait tout de même à un objectif qui, lui, était défendable et devait être défendu : lutter contre les comportements scandaleux que la définition trop étroite du racisme ne permettait pas, visiblement, de focaliser pour l'ensemble du grand public, et les condamner. M. Badinter l'a très bien expliqué tout à l'heure.

Je félicite Mme Ameline d'avoir souligné l'absolue nécessité de condamner tout comportement sexiste et, par conséquent, le sexisme et l'homophobie, deux formes de racisme qu'il fallait préciser en tant que telles, au sein de la loi sur la liberté de la presse.

L'amendement n° 83 vise donc à créer non pas un délit nouveau, car le délit de racisme existait déjà, mais simplement un mécanisme permettant d'élargir un peu le délit de racisme au sexisme et à l'homophobie.

L'amendement n° 84 est la suite logique de l'amendement n° 83 : il a pour objet de permettre la répression des diffamations et des injures homophobes et sexistes, alors que le texte en vigueur ne visait les diffamations et les injures que lorsqu'elles revêtaient un caractère raciste, dans sa forme la plus classique.

S'agissant de l'amendement n° 85, j'ai noté un petit oubli de votre part, monsieur le garde des sceaux : les associations auront le droit de saisir les tribunaux, à la condition, toutefois, que l'injure ou la diffamation touche une catégorie tout entière, c'est-à-dire, par exemple, l'ensemble des femmes ou l'ensemble des homosexuels. C'est simplement la reprise de dispositions existant déjà en matière de racisme :

Je rappelle que les associations ont déjà le droit d'agir dans tous les autres domaines de la même façon. Lorsque le MRAP, le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples, ou la LICRA, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, interviennent, c'est, justement, en réponse à une attaque globale.

En cas d'attaques individuelles, d'injures individuelles ou de diffamations individuelles, l'association ne peut intervenir que si la victime est consentante.

Il s'agit là d'un élément tout à fait capital que je tenais à souligner et à rappeler.

En d'autres termes, que ceux qui sont timides, qui ont peur que cette loi ne bouleverse le mariage, l'adoption, ou encore le droit d'expression, soient rassurés : ces amendements sont dans la logique normale des dispositions pénales en vigueur en matière de discrimination et de celles qui concernent la presse.

C'est la raison pour laquelle, loin de constituer des cavaliers, ils ont toute leur place dans le texte que nous examinons aujourd'hui, puisque, depuis ce matin, nous débattons de la lutte contre les discriminations.

Le journal télévisé rapportant, chaque soir, un nombre sans cesse croissant de scandales intervenus dans la vie quotidienne, qui sont autant d'atteintes à la dignité de l'être humain et qui touchent soit des femmes, soit des homosexuels, des personnes soit trop petites, soit trop grandes, il est de notre devoir d'élus de faire en sorte que ces discriminations cessent et que, grâce à un projet de loi mieux rédigé que les textes en vigueur, qui définissaient de façon trop étroite le racisme, toutes ces atteintes soient plus fermement condamnées.

C'est la raison pour laquelle, avec un nombre non négligeable de membres de ma formation,...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. La grande majorité !

M. Patrice Gélard. ... je voterai les amendements nos 83, 84 et 85.

M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.

M. Gérard Longuet. La démonstration de M. Gélard nous montre que, en effet, ces débats importants se sont sans doute déroulés un peu à la hâte.

Si, monsieur le garde des sceaux, votre but n'est que de condamner ce qui était déjà condamnable, pourquoi diable, alors, ces amendements ?

M. Gélard regrette le caractère expéditif de la procédure et conclut sa brillante démonstration sur le fait que, si les textes en vigueur permettaient déjà d'engager des poursuites, la certitude sera désormais donnée de pouvoir mieux le faire.

Madame Ameline, j'ai, en vous écoutant, été pris d'une sorte de malaise, bien que vos propos ne provoquent pas chez moi, d'ordinaire, une telle réaction : vous avez, en effet, mobilisé au secours de ce texte des faits qui nous sont très largement extérieurs et que la République française, en particulier notre assemblée, a coutume de combattre avec énergie, comme elle l'a montré récemment encore.

Monsieur le garde des sceaux, il est, certes, des pays où des femmes sont lapidées, comme M. Badinter l'a évoqué. Des images brutales, à la télévision, nous l'ont rappelé : le temps des Talibans n'est pas si loin, et, en Arabie Saoudite et au Soudan, ces pratiques sont encore d'actualité. Récemment, un ancien Premier ministre de Malaisie, M. Anwar Ibrahim, a été condamné pour homosexualité. Il est toujours en prison. Ce sont de tels actes que nous combattons.

J'évoquais tout à l'heure, à l'occasion de l'examen de l'amendement n° 15 rectifié, déposé par la commission, le fait que toutes les discriminations sont condamnables mais que la République ne peut rester indifférente aux convictions politiques et aux convictions religieuses ; ainsi, certaines convictions religieuses sont parfaitement antinomiques par rapport à la Déclaration des droits de l'homme, charte très largement partagée non seulement en France mais aussi dans l'Europe tout entière.

Vous mobilisez au secours de ce texte des événements d'actualité extrêmement violents que nous condamnons et dont nous essayons même de combattre des émules, heureusement contenus et marginaux, qui seraient des intégristes souhaitant, par exemple, que la charia soit appliquée dans des pays musulmans où elle n'est pas en vigueur ou désirant la faire connaître dans des pays qui ne sont pas de culture musulmane.

Je n'ouvrirai pas ce débat ici en cet instant, mais son existence même montre bien qu'il méritait peut-être que nous ne nous bornions pas à l'évoquer lors d'une discussion sur la lutte contre les discriminations en général.

En ce qui concerne l'homophobie, quelle est mon inquiétude ? Que la liberté de penser ne puisse s'exprimer.

M. le ministre d'Etat, alors ministre de l'intérieur, le rappelait : il existe des discriminations positives nécessaires, et je partage son avis.

En France, s'élever dans l'échelle sociale n'est pas toujours facile pour un fils d'immigré. Certaines actions visant à des discriminations positives, menées aux fins d'amener à l'université des lycéens issus de zones d'éducation prioritaires, prêtèrent à sourire et furent condamnées par des esprits éminents. Or, cinq ans après, l'expérience prouve que ces discriminations positives ont porté leurs fruits.

C'est justement parce que nous, Républicains, refusons le système communautaire et avons l'ambition de faire partager les mêmes valeurs à l'ensemble de nos compatriotes que nous souhaitons afficher nos convictions et voulons que le débat ne souffre d'aucune censure.

Parce que la France s'interroge sur sa démographie, sur son vieillissement et sur la façon d'assurer le renouveau, la politique en faveur de la famille est une politique de discrimination positive, comme il doit y en avoir pour ceux de nos compatriotes qui n'ont pas de facilités d'intégration.

Cette discrimination positive serait-elle condamnée demain, au titre de prises de position qui s'apparenteraient à des réserves émises à l'égard de telle ou telle « orientation sexuelle », comme vous le dites pudiquement?

Appelons un chat un chat ! Toutes les orientations sexuelles ne sont pas également acceptables. Ainsi, dans notre droit pénal, la pédophilie est condamnée, ce qui me paraît assez évident.

Si convoiter la femme du voisin n'est, certes, pas de bon ton, le mal n'est cependant pas si grand que l'on ne puisse s'en accommoder, et ce genre de situation a fait le succès du théâtre de boulevard. En revanche, certains comportements doivent être condamnés, et il faut avoir le courage de le rappeler.

Aucune communauté ne saurait fonctionner sans valeurs partagées. La famille est l'une d'elles et mérite, parfois, des discriminations positives.

Monsieur le garde des sceaux, je souhaite avoir la certitude que l'application stricte de ce texte n'aboutira pas à ce que l'on nous oppose, pour telle ou telle mesure, le fait qu'il s'agit d'une discrimination positive, c'est-à-dire d'une discrimination négative au détriment de ceux qui ont fait librement le choix d'un autre mode de vie.

Je répète avec fermeté ce que je disais tout à l'heure : certaines discriminations ne sont pas le fruit de la liberté.

Si M. Gélard rappelait avec humour qu'en effet nous avons des différences, c'est avec gravité que, pour ma part, je le dis. Qu'il me soit permis de citer l'exemple de la Lorraine :  cette région se trouve enrichie par le fait que 20 % environ de sa population est d'origine italienne, polonaise, marocaine, tunisienne ou algérienne ; cette richesse, nous souhaitons l'intégrer, mais c'est une discrimination qui, permettez-moi de le dire, n'a pas été choisie ; nous avons à en tenir compte et à la respecter.

Certaines discriminations sont librement choisies. Entraînent-elles, au regard des valeurs communes, les mêmes comportements ?

Je ne demande qu'une chose : que, toujours, il soit possible d'en parler librement sans que la censure de la pensée unique s'abatte sur ceux qui pensent, par exemple, que l'un des problèmes, dans notre pays, est la faiblesse de la démographie et que la famille hétérosexuelle présente, à cet égard, des avantages qui, sur ce point, n'ont jamais été concurrencés. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. André Lardeux, pour explication de vote.

M. André Lardeux. Le sujet dont nous débattons est très complexe. Je fais sans doute partie des timides dont a parlé M. Gélard voilà quelques instants. J'exprimerai rapidement les raisons pour lesquelles je ne voterai pas les quatre amendements que le Gouvernement a déposés, pas plus que je ne voterai, par cohérence, l'ensemble du projet de loi qui nous est soumis.

N'ayant pas la compétence juridique de MM. Hyest ou Gélard dans ce domaine, je ne me placerai pas sur le terrain du droit, mais sur celui des convictions. Bien sûr, personne n'est obligé de les approuver ou de les partager, mais c'est ma façon de souhaiter une discrimination, dont chacun jugera si elle est positive ou négative.

Je partage tout à fait les propos de Mme Nicole Ameline sur le sexisme. Madame la ministre, nous avons encore beaucoup à faire pour appliquer les textes actuels. Il n'est qu'à voir les images dégradantes des femmes sur les abribus, sur les murs ou à la télévision aux heures de grande écoute.

Mme Nicole Borvo. Et la prostitution !

M. André Lardeux. Il nous faudrait être cohérents : il s'agit de véritables incitations aux délits, voire aux crimes de la part des auteurs de ces affiches ou de ces spots publicitaires !

Toute personne mérite le respect ; toute insulte, injure, incitation à la haine, envers qui que ce soit, doit être réprimée. Pourtant, et je rejoins là ce que vient de dire Gérard Longuet, l'arsenal juridique français est déjà l'un des plus importants du monde. Notre système est l'un des plus répressifs qui existent au sein des démocraties.

L'avenir dira si j'ai tort, et je l'espère, mais, même si, sur le plan juridique, je ne conteste pas les explications que vous avez données, monsieur le ministre, je crains que la rédaction du texte n'ouvre la voie à des dérives qui nous conduisent, un jour ou l'autre, au délit d'opinion et ne permettent à certains d'aller dans des directions que personne ici ne souhaite. Mon passé catholique m'incite à penser que l'enfer est pavé de bonnes intentions !

Enfin, avec les amendements du Gouvernement, nous nous acheminons vers une dérive que tout le monde pourtant s'accorde à condamner. Nous sommes en train de recréer les communautés : il ne faudra pas s'en prendre à tel ou tel individu sous tel ou tel prétexte. Où commence, où s'arrête la répression des provocations aux discriminations ?

Pour toutes ces raisons, je ne voterai pas ce projet de loi, même si je reconnais qu'entre le projet de loi tel qu'il nous est présenté aujourd'hui et sa rédaction initiale, nous sommes passés du pire au moins mal.

M. le président. La parole est à M. Christian Cointat, pour explication de vote.

M. Christian Cointat. Ma position sera équilibrée : je voterai deux des quatre amendements du Gouvernement.

Je voterai l'amendement n° 83, car je suis farouchement contre toute forme de haine, d'intolérance et de discrimination. Par conséquent, je voterai également l'amendement n° 82, qui tend à insérer une division additionnelle après l'article 17.

En revanche, je suis beaucoup plus réservé - c'est le moins que l'on puisse dire ! - sur les amendements nos 84 et 85. Certes, leur objectif est honorable : ces amendements sont guidés par des sentiments louables, que je peux intellectuellement accepter. Pourtant j'attire votre attention sur le fait qu'ils risquent d'être, sur un plan pratique, extrêmement dangereux en permettant des dérives que ni vous ni moi ni personne ici ne souhaite.

En effet, qu'on le veuille ou non, ces amendements portent atteinte à la liberté d'expression. L'amendement n° 85, ainsi que le précise son objet, aurait été élaboré en tenant compte de l'avis de la Commission nationale consultative des droits de l'homme. Cela me laisse perplexe. Car, dans cet avis, la Commission souligne que « légiférer afin de protéger une catégorie de personnes, risque de se faire au détriment des autres, et à terme, de porter atteinte à l'égalité des droits », donc à la liberté d'expression. Par ailleurs, elle reconnaît que « les notions de diffamation et d'injure à raison de l'orientation sexuelle constituent un délit extrêmement flou ». En effet, c'est la liberté d'expression, symbole de toute démocratie, qui est au coeur du problème dont nous parlons.

De ce point de vue, les amendements nos 84 et 85 soulèvent des difficultés. Si les intentions qui vous animent sont respectables, monsieur le garde des sceaux, le chemin qu'elles ouvrent ne va pas dans la bonne direction.

J'attire votre attention sur le décalage préoccupant qui existe aujourd'hui entre les propos selon qu'ils sont tenus en public ou en privé. Quand une telle différence apparaît dans une démocratie, cette dernière doit s'interroger, car cela peut être grave. J'entends dans les milieux privés, quelles que soient la région ou l'origine culturelle, sociale ou autre, des propos qui font frémir d'horreur. C'est le phénomène du balancier ! Lorsque l'on va trop loin d'un côté, on va ensuite trop loin de l'autre. Je ne vous cache pas que j'en suis extrêmement inquiet. Beaucoup de citoyens ne supportent plus le « politiquement correct » lénifiant et étouffant qui bride de plus en plus l'expression des idées.

Il ne sera bientôt plus possible de parler sans avocat ; cela fera peut-être la richesse de cette profession, mais certainement pas celle de la démocratie ! Prenons garde à ne pas transformer la lutte contre les discriminations qui frappent ceux qui sont différents en discrimination contre ceux qui pensent différemment.

Je prendrai l'exemple de l'homophobie. Certaines personnes, sans penser à mal, n'hésiteront pas à utiliser l'expression de « couple normal » pour parler d'un couple hétérosexuel. Je suis persuadé qu'il se trouvera une association pour estimer cette expression injurieuse à l'égard des couples homosexuels, puisque cela suppose en creux que ceux-ci sont anormaux. Cela risque de donner lieu à un procès. Les problèmes posés sont sérieux.

Dans le même ordre d'idées, il existe une pratique, bien ancrée dans nos moeurs, qui consiste à affubler à tout bout de champ les personnes qui ne le méritent pas d'un mot de trois lettres qui commence par un « c ». Or ce terme étant sexiste, nous ne pourrons bientôt plus le prononcer librement.

A force d'interdire, nous ne pourrons plus autoriser. Voilà une trentaine d'années, il était interdit d'interdire. Désormais, il sera interdit d'autoriser. Une telle évolution est embarrassante !

De grâce, ne jouons pas aux apprentis sorciers en dépassant les limites. D'ailleurs, la Commission nationale consultative des droits de l'homme précise que, aujourd'hui, « personne ne peut se soustraire à sa responsabilité pénale en cas d'atteinte à la réputation ou aux droits d'autrui » et que « la législation actuelle et l'autorégulation permettent un équilibre satisfaisant entre le respect de l'intérêt des personnes, des groupes de personnes ou des institutions et la liberté d'expression ».

Ne perturbons pas ce fragile équilibre, sur le point de rompre. L'article 2-6 du code de procédure pénale est déjà très coercitif.

Monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, n'oubliez pas que la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme se fonde davantage sur la liberté d'expression que sur les restrictions apportées à ce principe. Or ces deux amendements tendent à restreindre davantage ce principe.

Voltaire disait : « Je n'ai pas vos idées, mais je me battrai pour que vous puissiez les exprimer et les défendre. » C'est ce que nous devons faire : nous battre pour que chacun puisse exprimer ses idées, mais sans troubler l'ordre public, sans appeler à la haine, aux discriminations ou à la violence.

Pour défendre cette liberté d'expression à laquelle je suis très attaché, j'opposerai aux amendements nos 84 et 85 un autre mot, correct cette fois, de trois lettres, avec un « o » au milieu : non !

Monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, ce « non » peut évoluer, pas jusqu'au « oui », mais peut-être jusqu'à une abstention amicale, à condition que vous nous apportiez de façon claire et précise la garantie que l'adoption de ces amendements ne mettra nullement en cause le droit de chacun de formuler une opinion éthique sur l'homosexualité et le mariage homosexuel afin de manifester son approbation ou sa désapprobation vis-à-vis de l'homosexualité et du mariage homosexuel.

De telles assurances me paraissent essentielles, compte tenu de l'interprétation que les juges seront appelés à faire en cas de différend. Si vous ne voulez pas de dérive, monsieur le garde des sceaux, madame la ministre, apportez-nous ces garanties : ce sera la meilleure façon de faire progresser réellement le droit. (MM. Gérard Longuet, André Lardeux et Philippe Darniche applaudissent.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. Sur la forme, nous ne pouvons que regretter d'être saisis sur ce sujet presque en catimini à l'occasion de la discussion du projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Nous le regrettons d'autant plus que ce n'est pas la première fois que nous est donnée l'occasion d'avoir ce débat. Le groupe communiste républicain et citoyen, à l'instar du groupe socialiste, a en effet déposé, ici comme à l'Assemblée nationale, des propositions de loi sur les questions de discrimination et d'homophobie. Bien entendu, ces propositions de loi n'ont jamais été examinées.

Toutefois, et certains d'entre vous se le rappellent ici, lors de l'examen du projet de loi Perben II, nous avions eu un vrai débat sur ce sujet à propos des amendements que nous avions déposés les uns et les autres. Evidemment, nous nous sommes heurtés au refus du Gouvernement de prendre en compte ces amendements au motif que le Premier ministre recevait à l'époque des associations avec lesquelles il menait des discussions et s'engagerait lui-même très prochainement sur ce sujet. Le temps a passé. Son engagement n'a pas été assez rapide, ce qui lui a d'ailleurs valu quelques soucis dans les rangs de sa propre majorité : M. Romero, qui s'était fortement impliqué, a connu quelque dépit.

Le projet de loi qui est finalement retiré aujourd'hui était l'aboutissement de ces longues discussions au sein de la majorité. En outre, même si elle n'avançait pas de propositions absolument identiques, l'opposition approuvait le fait qu'il fallait, comme l'a dit Patrice Gélard, compléter notre arsenal juridique pour viser les auteurs de propos racistes et les incitations à la discrimination fondée, mes chers collègues, non pas sur une catégorie, mais sur l'atteinte à la dignité humaine.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait.

Mme Nicole Borvo. Le communautarisme est différent en cela qu'il est prôné par des personnes qui considèrent que leur appartenance à une catégorie prévaut sur la qualité humaine.

Cette distinction ne fait pas l'unanimité, pour autant que je sache, au sein des associations qui, depuis longtemps essaient de faire compléter la législation pour condamner l'homophobie, comme c'est déjà le cas du racisme, des racismes, à l'égard des personnes. On ne peut donc pas s'opposer à ce type de textes sous prétexte que cela favorise le communautarisme. Permettez-moi de le dire : c'est de la mauvaise foi.

La forme qui a été retenue n'est donc pas très agréable, c'est le moins que l'on puisse dire. Elle l'est d'autant moins qu'elle correspond à une pratique assez courante employée par ce gouvernement, et il n'est sans doute pas le seul. Quoi qu'il en soit, récemment encore, lors de l'examen du texte relatif à la cohésion sociale - texte dont les amendements ne reflétaient aucune cohésion sociale - nous avons malheureusement dû déplorer le dépôt subit d'amendements.

Evidemment, une telle pratique ne plaît pas aux membres du groupe communiste républicain et citoyen. Tout à coup, elle ne convient pas non plus à nos collègues de la majorité : c'est bien la première fois.

J'en viens maintenant au fond.

On peut avoir honte que des atteintes graves à la dignité humaine aient lieu en France.

Dans notre pays, l'année dernière, un homme a été grièvement brûlé parce que des personnes se sont permises de considérer qu'elles pouvaient non seulement saccager ses biens, mais aussi le tuer en raison de son appartenance à la communauté homosexuelle.

Dans notre pays, un imam qui se réclamait de son appartenance à notre communauté nationale s'est permis de justifier le fait de battre les femmes, voire de les lapider.

Ne faisons pas d'assimilations diverses et variées. Nous avons un bien commun. Ainsi, le droit pénal considère la pédophilie comme un crime. Mais l'orientation sexuelle, c'est autre chose. Evitons de procéder à des rapprochements hâtifs.

Cependant, il est logique de compléter notre arsenal juridique parce qu'il n'est pas assez précis. Si nous pouvons à cette occasion donner un sens réel à notre refus d'accepter les discriminations ou les incitations à la discrimination, nous ferons oeuvre utile. Nous le savons, la loi Gayssot relative au racisme a prouvé son utilité. Elle a suscité un débat lors de son examen. Mais, concernant l'homosexualité, pourra-t-on donner son avis, émettre des opinions sur le mariage homosexuel ? Quelle considération avons-nous pour la justice et pour les juges ? On sait bien qu'il ne s'agit pas de cela.

Personnellement, même si je n'aime pas la méthode utilisée, même si j'aurais souhaité que ce débat ait pu avoir lieu voilà plus d'un an sans que l'on nous dise qu'il fallait laisser le Gouvernement peaufiner ses textes, même si je pense que notre législation aurait dû être modifiée depuis longtemps, je crois qu'il faut adopter les amendements et sous-amendements que nous examinons.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. A l'issue d'un très long débat, qui était sans doute justifié puisqu'il avait lieu dans la presse depuis six mois, je dois avouer que j'ai été surpris par certains propos. Sans doute est-ce une faiblesse mais, lorsque je vote un texte, j'essaie de voter sur lui et lui seul, et pas sur autre chose. Nous aurons l'occasion de débattre de ces sujets de société.

Je constate que certains s'ingénient à fausser le débat. Il y a beaucoup de non-dits. Certains collègues qui ne veulent pas voter pour être politiquement corrects trouvent autre chose.

Le texte du Gouvernement prévoit que toutes les provocations à la haine ou à la violence, quelles qu'elles soient, doivent être réprimées. Jusqu'à présent, notre arsenal législatif réprimait mal les actes de haine ou de violence commis contre des personnes en raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle. Quelqu'un peut-il dire qu'il n'est pas d'accord avec cela ? Il s'agit de la dignité de chacun.

On a parlé de la charia, de la lapidation. Savez-vous que le code pénal réprime plus sévèrement un crime ou un délit commis contre une personne parce qu'elle est différente ou qu'elle se trouve dans une situation de faiblesse ?

Je comprends bien l'inquiétude qui s'est manifestée en ce qui concerne la liberté d'expression. Souvent, il est proposé de modifier la loi de 1881. Il est vrai que le projet de loi initial, qui ne réservait pas le même traitement à toutes les catégories et prévoyait l'allongement des délais de prescription dans un cas particulier, ce qui tendait à instituer une discrimination, pouvait être considéré comme dangereux pour la liberté d'expression.

En revanche, étendre l'injure, la diffamation, au sens du code pénal et de la jurisprudence, semble opportun. Dire qu'on est opposé au mariage homosexuel ou à l'adoption par un couple homosexuel n'est ni une injure ni une diffamation, mais relève du débat démocratique. Il n'est pas question non plus d'interdire d'écrire dans un livre son sentiment sur l'orientation sexuelle. Si tel était le cas, nombre de livres devraient être brûlés et d'éminents auteurs pourraient être censurés. Combien de grands auteurs dans le passé n'étaient pas antisémites ? Mais l'injure ou la diffamation sont des notions différentes.

Autant le texte initial était dangereux pour la liberté d'expression, autant le texte qui nous est présenté aujourd'hui met fin à une fausse polémique et permet de lutter contre les discriminations en raison de l'orientation sexuelle, du sexe et surtout d'éviter que certains n'utilisent la liberté d'expression pour stigmatiser une catégorie ou une autre. Il fut des périodes où des personnes ont été stigmatisées en raison de leur différence. Alors faisons attention. Nous avons le devoir de respecter les personnes, leur liberté, leur indépendance. De ce point de vue, le texte va dans le bon sens.

Mes chers collègues, si vous ne votez pas le texte, c'est parce que vous avez d'autres motifs. Alors, je vous en supplie, votez le texte ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je voudrais répondre aussi précisément que possible à la question que M. Cointat m'a posée tout à l'heure, même si M. Hyest y a répondu.

Je relis l'amendement n° 83, qui est clair : « Seront punis des peines prévues à l'alinéa précédent ceux qui, par ces mêmes moyens, auront provoqué à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur sexe ou de leur orientation sexuelle ou auront provoqué, à l'égard des mêmes personnes, aux discriminations prévues par les articles 225-2 et 432-7 du code pénal. » En introduisant cette dernière précision, le Gouvernement prévoit les cas dans lesquels l'incitation à une discrimination entraîne une sanction. Il s'agit des hypothèses que j'évoquais tout à l'heure, en particulier la discrimination pratiquée au moment de l'embauche, de l'attribution d'un logement, etc.

Sur la première partie de la phrase, vous m'avez indiqué votre accord. Quant à la seconde, le risque que vous évoquiez n'existe plus dans cette rédaction. C'est la raison pour laquelle je serais satisfait si vous vous absteniez.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 87.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 83.

M. Robert Badinter. Je regrette la distinction, que je ne comprends pas, entre la discrimination à l'encontre des homosexuels ou de personnes à raison de leur sexe et la discrimination à l'encontre des handicapés et des malades.

Nous avons, les premiers, demandé, et nous n'avons jamais cessé de le réclamer, que le sexisme et l'homophobie fassent l'objet d'incriminations et de pénalités. On nous opposait alors des arguments dilatoires, voire des arguties. C'est une étape importante que l'on franchit. Voilà pourquoi, tout en regrettant que nous n'ayons pas été suivis sur le sous-amendement n° 87, nous voterons l'amendement n° 83.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 43 :

Nombre de votants 326
Nombre de suffrages exprimés 324
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l'adoption 312
Contre 12

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 84 et sur le sous-amendement n° 88 ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. La commission n'a pas examiné le sous-amendement n° 88.

Sur l'amendement n° 84, comme d'ailleurs sur l'amendement n° 85, elle émet un avis favorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur le sous-amendement n° 88 ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 88.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 44 :

Nombre de votants 325
Nombre de suffrages exprimés 320
Majorité absolue des suffrages exprimés 161
Pour l'adoption 310
Contre 10

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.

Je mets aux voix l'amendement n° 85.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 45 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 322
Majorité absolue des suffrages exprimés 162
Pour l'adoption 312
Contre 10

Le Sénat a adopté.

En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17.

Nous en revenons à l'amendement n° 82, qui avait été précédemment réservé.

L'amendement n° 82, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Après l'article 17, insérer la division additionnelle suivante :

TITRE II BIS

Renforcement de la lutte contre les propos discriminatoires

à caractère sexiste ou homophobe

La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Cet amendement se justifie par son texte même.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, une division additionnelle ainsi intitulée est insérée dans le projet de loi, après l'article 17.

TITRE III

DISPOSITIONS TRANSITOIRES ET FINALES

Division et art. additionnels après l'art. 17
Dossier législatif : projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité
Art. 19

Article 18

Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du titre Ier de la présente loi dont les dispositions entreront en vigueur à compter du premier jour du premier mois suivant sa publication.

Il fixe les dispositions temporaires concernant la durée du mandat des membres de la haute autorité nommés lors de sa création et les conditions transitoires dans lesquelles elle peut être saisie pendant une période de six mois suivant cette entrée en vigueur.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Lecerf, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

du premier mois

par les mots :

du deuxième mois

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement a pour objet de reporter d'un mois l'entrée en vigueur du titre Ier relatif à la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité afin de permettre au Gouvernement de prendre le décret d'application nécessaire à l'installation de la HALDE.

En effet, les délais initialement prévus par le projet de loi semblent peu réalistes.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Favorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 18, modifié.

(L'article 18 est adopté.)

Art. 18
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Art. 20

Article 19

L'article 9 de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :

« Un service d'accueil téléphonique gratuit concourt à la mission de prévention et de lutte contre les discriminations. Ce service a pour objet de recueillir les appels des personnes estimant avoir été victimes de discriminations. Il répond aux demandes d'information et de conseil sur les discriminations et sur les conditions de saisine de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Le cas échéant, il réoriente les appelants vers les autres organismes ou services compétents. » ;

2° Les deuxième, troisième et avant-dernier alinéas sont supprimés.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 17 est présenté par M. Lecerf, au nom de la commission.

L'amendement n° 81 est présenté par MM. Pelletier,  Seillier et  de Montesquiou.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans la première phrase du texte proposé par le 1° de cet article pour le premier alinéa de l'article 9 de la loi n° 2001-1066 du 16 novembre 2001 relative à la lutte contre les discriminations, supprimer le mot :

gratuit

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 17.

M. Jean-René Lecerf, rapporteur. Cet amendement tend à supprimer la gratuité du service d'accueil téléphonique de la Haute autorité, comme le proposait le rapport de la mission de préfiguration dirigée par M. Bernard Stasi.

En effet, le 114, numéro d'appel gratuit, a dû faire face à 98 % d'appels fantaisistes.

De surcroît, le maintien de la gratuité obligerait la future Haute autorité à affecter un personnel nombreux à l'accueil téléphonique, alors qu'une telle dépense n'a pas été prévue dans son budget.

Enfin, et surtout, il existe des possibilités de numéro à tarif réduit qui permettront de laisser très accessible ce service téléphonique, tout en ayant un effet dissuasif sur les appels sans rapport avec l'objet de la HALDE.

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier, pour présenter l'amendement n° 81.

M. Jacques Pelletier. Cet amendement, qui a le même objectif, prévoit une disposition sage.

Si nous ne votions pas ces amendements identiques, il nous faudrait nous engager à voter des crédits très importants pour la Haute autorité, ce que nous ne sommes pas prêts à faire aujourd'hui, me semble-t-il.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Le Gouvernement ne peut être que favorable à ces amendements, surtout quand on sait que le numéro d'appel 114 a fait l'objet de 98 % d'appels fantaisistes !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 81.

Mme Bariza Khiari. Le groupe socialiste s'abstient.

Mme Eliane Assassi. Le groupe CRC également.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié.

(L'article 19 est adopté.)

Art. 19
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Explications de vote sur l'ensemble (début)

Article 20

La présente loi est applicable à Mayotte, dans les îles Wallis et Futuna, dans les Terres australes et antarctiques françaises, en Polynésie française et en Nouvelle-Calédonie.  - (Adopté.)

Vote sur l'ensemble

Art. 20
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Explications de vote sur l'ensemble (fin)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Jacques Pelletier, pour explication de vote.

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, avec ce projet de loi, nous faisons un grand pas dans la lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

En effet, toute personne qui s'estimera victime d'une discrimination, que celle-ci provienne du racisme, de l'intolérance religieuse, du sexisme, de l'homophobie ou du rejet du handicap, pourra saisir la Haute autorité, laquelle pourra également se saisir d'office des cas de discriminations directes ou indirectes dont elle aura eu connaissance.

La Haute autorité aura la possibilité de mettre en demeure les personnes intéressées de lui répondre et, en cas de refus, de saisir le juge des référés aux fins d'ordonner toute mesure d'instruction.

Par ailleurs, elle favorisera la résolution amiable des différends portés à sa connaissance - et je reconnais là la griffe de l'ancien Médiateur de la République M. Bernard Stasi -, et sera en mesure de formuler des recommandations tendant à remédier à toutes pratiques discriminatoires ou à en prévenir le renouvellement.

Elle pourra être invitée à présenter des observations devant les juridictions saisies de faits relatifs à des discriminations.

Enfin, la Haute autorité assurera la promotion de l'égalité par un certain nombre d'actions, et c'est important : actions de communication et d'information, programmes de formation, travaux d'études et de recherches, reconnaissance des bonnes pratiques professionnelles.

Pour toutes ces raisons, le groupe du RDSE votera ce projet de loi.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. Comme beaucoup de mes collègues, je regrette, inutile de vous le dire, que le Gouvernement ait choisi de transformer le projet de loi relatif aux propos sexistes et homophobes en amendements, cela à la faveur de ce projet de loi portant création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Ce procédé, qui a fait l'objet d'un rappel au règlement de M. Jean-Pierre Bel, a été largement souligné par nos collègues. Nous regrettons d'autant plus qu'il ait été utilisé que la discussion d'un projet de loi est l'objet de débats au-delà des assemblées - le thème le méritait - et que la loi qui en résulte a toujours une charge symbolique forte.

Les propos homophobes et sexistes sont des atteintes à la dignité de l'homme ; cela a été rappelé. Inutile d'en appeler à des pays arriérés : Sébastien Nouchet a été brûlé, en France ! Il nous semblait donc raisonnable, sur cette question, de ne pas accorder du temps au temps.

Toutefois, pour voter ces amendements qui nous semblaient très importants, nous avons dû passer sur la forme, que nous désapprouvons, pour nous attacher au fond.

S'agissant de la création de la Haute autorité, si le texte est incontestablement porteur d'un message positif de la République en direction des personnes victimes de discriminations ou susceptibles de l'être, il manque, selon nous, le souffle nécessaire pour casser la dynamique de l'impunité sur ces questions et pour que la peur change de camp.

En effet, on n'y trouve aucune garantie réelle sur le pluralisme, donc l'indépendance, ni aucune garantie réelle sur l'organisation territoriale. Il ne comporte pas non plus d'étendue de l'égalité des chances dans le champ des études ni aucune garantie sur des moyens stables. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste s'abstiendra sur ce projet de loi portant création de la HALDE.

M. le président. La parole est à Mme Eliane Assassi, pour explication de vote.

Mme Eliane Assassi. Nous voici arrivés au terme de l'examen du texte portant création d'une Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité. Certaines améliorations y ont été apportées par rapport au projet de loi initial, voire à la rédaction issue des travaux de l'Assemblée nationale. Pour autant, les questions de fond demeurent.

En effet, qu'il s'agisse de sa composition, de ses pouvoirs ou de ses moyens, cette Haute autorité reste, hélas ! en deçà de ce que nous aurions voulu qu'elle fût, à savoir une autorité réellement indépendante, pluraliste, impartiale, dotée de véritables pouvoirs d'investigation et d'enquête, et disposant de moyens humains et matériels dignes de ce nom.

En l'état, j'émets donc des doutes sur le fait que cette instance soit en état de fonctionner de manière efficace. J'espère toutefois que l'avenir les dissipera.

La lutte contre les discriminations, alors que des discriminations de toutes sortes sévissent dans notre pays, est une question trop importante. Cela suppose des moyens inédits.

Peut-être aurait-il fallu s'inspirer davantage de certaines expériences européennes déjà mises en oeuvre, en Belgique ou en Grande-Bretagne, pour en retenir les éléments qui ont démontré leur efficience ?

Malgré des amendements pertinents qui ont été retenus aujourd'hui, comme je l'ai dit en préambule, les questions de fond demeurent.

Toutefois, je précise que notre réserve porte essentiellement sur le fonctionnement de la future autorité telle qu'elle est conçue par le présent texte, et non sur l'opportunité même de cette création, qui pour nous était essentielle, attendue et urgente.

Notre réserve ne porte pas non plus, comme l'ont dit d'autres collègues et comme l'a précisé Mme Nicole Borvo, sur les amendements du Gouvernement qui visent à lutter contre les discriminations à caractère sexiste ou homophobe et que nous avons approuvés. Mais nous regrettons la méthode qui a prévalu pour leur dépôt et leur examen.

Le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra sur ce projet de loi.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

(Le projet de loi est adopté.)

M. Patrice Gélard. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Nelly Olin, ministre déléguée. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à remercier M. le président de la commission des lois ainsi que M. le rapporteur pour l'excellent travail qui a été accompli sur ce texte.

Je vous remercie également, mesdames, messieurs les sénateurs, pour votre écoute tout au long de cette journée, pour la grande qualité du débat et pour les améliorations que vous avez apportées, les uns et les autres, à ce texte.

Je suis très fière d'avoir porté ce projet de loi relatif à la création de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, d'autant que vos propositions ont été extrêmement positives. De plus, vous l'avez rappelé vous-même, madame Assassi, cette Haute autorité était souhaitée et sa création très attendue. Elle va enfin permettre de répondre aux trop nombreuses victimes qui, aujourd'hui, n'ont pas toujours trouvé une écoute ni des solutions. (Applaudissements.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
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8

COMMUNICATION DE L'ADOPTION DÉFINITIVE DE TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 22 novembre 2004, l'informant de l'adoption définitive des textes soumis en application de l'article 88-4 de la Constitution suivants :

E2722 - COM (2004) 663 final : proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 798/2004 renouvelant les mesures restrictives instituées à l'encontre de la Birmanie / du Myanmar en ce qui concerne le financement de certaines entreprises.

Adoptée le 25 octobre 2004.

E2698 - SN 3029/04 : projet de règlement du Conseil abrogeant le règlement (CE) n° 3274/93 du Conseil empêchant la fourniture de certains biens et services à la Libye.

Adoptée le 14 octobre 2004.

E2689 - COM (2004) 568 final : proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires en vue de l'ouverture d'un contingent tarifaire communautaire pour l'importation de bovins vivants originaires de Suisse.

Adoptée le 25 octobre 2004.

E2686 - COM (2004) 558 final : proposition de règlement du Conseil établissant pour la Confédération suisse certaines concessions sous forme de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles transformés.

Adoptée le 25 octobre 2004.

E2646 - COM (2004) 463 final : proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CEE) nº 3030/93 relatif au régime commun applicable aux importations de certains produits textiles originaires des pays tiers. [adaptation des limites quantitative du Viêt Nam (Vietnam) pour tenir compte de l'Adhésion PECO, Baltes, Chypre, Malte]

Adoptée le 13 septembre 2004.

E2642 - COM (2004) 485 final : proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et l'Inde conformément à l'article XXVIII du GATT 1994 relatif à la modification des concessions prévues, en ce qui concerne le riz, dans la liste CXL annexée au GATT 1994.

Proposition de décision du Conseil concernant la conclusion d'un accord sous forme d'échange de lettres entre la Communauté européenne et le Pakistan conformément à l'article XXVIII du GATT 1994 relatif à la modification des concessions prévues, en ce qui concerne le riz, dans la liste CXL annexée au GATT 1994.

Adoptée le 11 août 2004.

E2641 - COM (2004) 484 final : proposition de décision du Conseil modifiant le régime d'importation communautaire en ce qui concerne le riz.

Adoptée le 11 août 2004.

E2640 - SG (2004) D/5746 : lettre de la Commission européenne du 5 juillet 2004 relative à une demande de dérogation présentée par le Royaume-Uni de Grande Bretagne et d'Irlande du Nord conformément à l'article 27 de la sixième directive du Conseil (77/388/CEE) du Conseil du 17 mai 1977, en matière de taxes sur le chiffre d'affaires. Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme.

Adoptée le 21 octobre 2004.

E2628 - COM (2004) 434 final : proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 499/96 du Conseil, portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires pour certains produits de la pêche ainsi que pour des chevaux vivants, originaires d'Islande.

Adoptée le 25 octobre 2004.

E2627 - COM (2004) 433 final : proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) no 992/95, portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires pour certains produits agricoles et de la pêche, originaires de Norvège.

Adoptée le 25 octobre 2004.

E2615 - COM (2004) 411 final : proposition de décision du Conseil relative au respect des conditions fixées à l'article 3 du protocole additionnel à l'accord européen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la Bulgarie, d'autre part, en ce qui concerne une prorogation de la période prévue à l'article 9, paragraphe 4, du protocole n° 2 de l'accord européen.

Adoptée le 18 octobre 2004.

E2613 - COM (2004) 339 final : proposition de règlement du Conseil portant modification et mise à jour du règlement (CE) n° 1334/2000 instituant un régime communautaire de contrôles des exportations de biens et technologies à double usage.

Adoptée le 19 juillet 2004.

E2612 - SG (2004) D/4754 : lettre de la Commission européenne du 28 mai 2004 relative à une demande de dérogation présentée par la République italienne en application de l'article 27 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, relative aux taxes sur le chiffre d'affaires. Système commun de taxe sur la valeur ajoutée, assiette uniforme.

Adoptée le 21 octobre 2004.

E2611 - SG (2004) D/2819 : lettre de la Commission européenne du 26 mars 2004 relative à une demande de dérogation présentée par la République portugaise en application de l'article 27 de la sixième directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977, relative aux taxes sur le chiffre d'affaires. Système commun de taxe sur la valeur ajoutée, assiette uniforme.

Adoptée le 21 octobre 2004.

E2604 - COM (2004) 381 final : proposition de décision du Conseil décrivant l'approche générale en matière de redistribution des ressources en vertu du règlement (CE) N° 1267/1999 établissant un instrument structurel de préadhésion.

Adoptée le 21 octobre 2004.

E2603 - COM (2004) 348 final : proposition de règlement du Conseil instituant certaines mesures restrictives à l'appui d'une mise en oeuvre effective du mandat du Tribunal pénal international de l'ex-Yougoslavie (TPIY).

Adoptée le 11 octobre 2004.

E2602 - COM (2004) 329 final : proposition de décision du Conseil adaptant la décision 2004/246/CE du Conseil en raison de l'adhésion de la République tchèque, de l'Estonie, de Chypre, de la Lettonie, de la Lituanie, de la Hongrie, de Malte, de la Pologne, de la Slovénie et de la Slovaquie.

Adoptée le 24 septembre 2004.

E2591 - COM (2004) 285 final : proposition de règlement du Conseil arrêtant des mesures autonomes et transitoires concernant l'importation de certains produits agricoles transformés originaires de Bulgarie et l'exportation de certains produits agricoles transformés vers la Bulgarie.

Adoptée le 24 septembre 2004.

E2581 - COM (2004) 239 final : proposition de décision du Conseil concernant des lignes directrices pour les politiques de l'emploi des Etats membres

Adoptée le 4 octobre 2004.

E2551 - COM (2004) 186 final : proposition de décision du Conseil relative à la signature au nom de la Communauté européenne, et à l'application provisoire de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République du Cap Vert concernant la pêche au large du Cap Vert pour la période allant du 1er juillet 2004 au 30 juin 2005.

Adoptée le 21 octobre 2004.

E2550 - COM (2004) 183 final : proposition de règlement du Conseil relatif à la conclusion de l'accord sous forme d'échange de lettres relatif à la prorogation du protocole fixant les possibilités de pêche et la contrepartie financière prévues dans l'accord entre la Communauté économique européenne et la République du Cap Vert concernant la pêche au large du Cap Vert pour la période allant du 1er juillet 2004 au 30 juin 2005.

Adoptée le 21 octobre 2004.

E2548 - COM (2004) 155 final : proposition de règlement du Conseil modifiant les règlements (CE) n° 1452/2001, (CE) n° 1453/2001 et (CE) n° 1454/2001 en ce qui concerne les conditions de réexportation et de réexpédition de produits ayant bénéficié du régime spécifique d'approvisionnement.

Adoptée le 24 septembre 2004.

E2508 - COM (2003) 856 final : proposition de décision du Conseil relative à la conclusion de l'accord de coopération et d'assistance administrative mutuelle en matière douanière entre la Communauté européenne et la République de l'Inde.

Adoptée le 30 mars 2004.

E2505 - COM (2004) 36 final : proposition de décision du Conseil relative à la signature et à la conclusion de l'accord entre la Communauté européenne et les Etats-Unis d'Amérique intensifiant et élargissant le champ d'application de l'accord de coopération douanière et d'assistance mutuelle en matière douanière du 28 mai 1997 afin d'y inclure la coopération relative à la sécurité des conteneurs et aux questions connexes.

Adoptée le 30 mars 2004.

E2476 - COM (2003) 792 final : proposition de décision du Conseil relative au régime de l'octroi de mer dans les départements français d'outre-mer et prorogeant la décision 89/688/CEE.

Adoptée le 10 février 2004.

E2449 - COM (2003) 667 final : proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1655/2000 concernant un instrument financier pour l'environnement (LIFE).

Adoptée le 15 septembre 2004.

E2397 - COM (2003) 555 final : proposition de décision du Conseil concernant la conclusion par la Communauté européenne du Protocole d'adhésion de la Communauté européenne à l'Organisation européenne pour la sécurité de la navigation aérienne (Eurocontrol).

Adoptée le 29 avril 2004.

E2332 : projet d'acte du Conseil modifiant le règlement financier d'Europol.

Adoptée le 29 avril 2004.

E2189 - COM (2002) 769 final : proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les exigences de sécurité minimales applicables aux tunnels du réseau routier transeuropéen.

Adoptée le 29 avril 2004.

E2056 - COM (2002) 336 final : proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant certains aspects de l'aménagement du temps de travail.

Adoptée le 4 novembre 2004.

E2035 : proposition de règlement du Conseil concernant l'attribution de certaines fonctions nouvelles au Système d'information Schengen, en particulier, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

Adoptée le 29 avril 2004.

E1985 - COM (2002) 110 final : proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil concernant la protection contre les subventions et les pratiques tarifaires déloyales dans le cadre de la fourniture de services de transport aérien par des pays non-membres de la Communauté européenne.

Adoptée le 21 avril 2004.

E1925 - COM (2002) 10 final : communication de la Commission au Parlement européen et au Conseil sur l'opportunité de poursuivre un programme d'action visant à améliorer les systèmes fiscaux du marché intérieur ; proposition de décision du Parlement européen et du Conseil portant adoption d'un programme communautaire pour améliorer le fonctionnement des systèmes d'imposition sur le marché intérieur (programme Fiscalis 2007).

Adoptée le 17 décembre 2002.

E1875 - 13187/01 : initiative de la République fédérale d'Allemagne, du Royaume de Belgique et de la République française en vue de l'adoption de l'acte du Conseil établissant le protocole modifiant la convention sur l'emploi de l'informatique dans le domaine des douanes en ce qui concerne la création d'un fichier d'identification des dossiers d'enquêtes douanières.

Adoptée le 13 juin 2003.

E1870 - COM (2001) 510 final : proposition de directive concernant les normes minimales relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers et les apatrides pour pouvoir prétendre au statut de réfugié ou de personne qui, pour d'autres raisons, a besoin d'une protection internationale, et relatives au contenu de ces statuts.

Adoptée le 29 avril 2004.

E1779 - COM (2001) 371 final : proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres et la République de Croatie ; proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion de l'accord de stabilisation et d'association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République de Croatie, d'autre part.

Adoptée le 29 octobre 2001.

E1773 - COM (2001) 259 final : proposition de décision-cadre du Conseil concernant l'établissement des dispositions minimales relatives aux éléments constitutifs des infractions pénales et des sanctions applicables dans le domaine du trafic de drogue.

Adoptée le 25 octobre 2004.

E1727 - COM (2001) 184 final : proposition de décision du Conseil concernant la signature, au nom de la Communauté européenne, d'un accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres et la République arabe d'Egypte ; proposition de décision du Conseil et de la Commission concernant la conclusion d'un accord euro-méditerranéen établissant une association entre les Communautés européennes et leurs Etats membres, d'une part, et la République arabe d'Egypte, d'autre part.

Adoptée le 21 avril 2004.

E1630 : proposition de directive de la Commission relative à la concurrence dans les marchés des services de communication électroniques.

Adoptée le 16 septembre 2002.

E1612 - COM (2000) 507 final : proposition de directive du Parlement européen et du Conseil concernant les activités des institutions de retraite professionnelle.

Adoptée le 3 juin 2003.

9

Communication de la caducité de TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre une communication, en date du 22 novembre 2004, l'informant de la caducité des textes soumis en application de l'article 88 4 de la Constitution suivants :

E2401 - COM (2003) 581 final : proposition de règlement du Conseil abrogeant le règlement (CE) n°  3274/93 empêchant la fourniture de certains biens et services à la Libye.

E1873 - COM (2001) 617 final : proposition de règlement du Conseil concernant la conservation, la caractérisation, la collecte et l'utilisation des ressources génétiques en agriculture et modifiant le règlement (CE) n° 1258/1999.

10

TRANSMISSION D'UN PROJET DE LOI organique

M. le président. J'ai reçu, transmis par M. le Premier ministre, un projet de loi organique, adopté par l'Assemblée nationale, modifiant la loi organique n° 2001 692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances.

Le projet de loi organique sera imprimé sous le n° 69, distribué et renvoyé à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

11

DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI

M. le président. J'ai reçu de M. Hubert Haenel une proposition de loi tendant à améliorer les retraites des maîtres de l'enseignement privé sous contrat.

La proposition de loi sera imprimée sous le n° 68, distribuée et renvoyée à la commission des affaires culturelles, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.

12

TEXTES SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION

M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 2505/96 portant ouverture et mode de gestion de contingents tarifaires communautaires autonomes pour certains produits agricoles et industriels.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2768 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de décision du Conseil sur le commerce de certains produits sidérurgiques entre la Communauté européenne et la République du Kazakhstan.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2769 et distribué.

J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :

- Proposition de règlement du Conseil modifiant le règlement (CE) n° 1255/96 portant suspension temporaire des droits autonomes du tarif douanier commun sur certains produits industriels, agricoles et de la pêche.

Ce texte sera imprimé sous le n° E-2770 et distribué.

13

DÉPÔT D'UN RAPPORT D'INFORMATION

M. le président. J'ai reçu de M. Joël Bourdin un rapport d'information, fait au nom de la délégation du Sénat pour la planification, sur les perspectives macroéconomiques et des finances publiques à moyen terme (2005-2009).

Le rapport d'information sera imprimé sous le n° 70 et distribué.

14

ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 23 novembre 2004, à quinze heures et le soir :

1. Discussion de la question orale avec débat n° 7 de M. Philippe Leroy à M. le ministre délégué à l'industrie sur la gestion de « l'après-mines ».

M. Philippe Leroy demande à M. le ministre délégué à l'industrie quelles sont les orientations du Gouvernement dans le domaine de la gestion de « l'après-mines ». Il souhaite en particulier savoir où en sont les réflexions relatives à la création, dans la perspective de la disparition programmée des exploitants miniers, d'une entité chargée des fonctions opérationnelles de « l'après-mines ». En outre, il attend des éclaircissements sur l'indemnisation des victimes de sinistres miniers et sur l'archivage des documents techniques miniers. De plus, il s'interroge sur les délais d'installation de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs.

Enfin, il désire obtenir des précisions sur les dernières actions mises en oeuvre par les pouvoirs publics pour permettre la reconversion économique et sociale des bassins touchés par la cessation des activités minières.

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat est expiré.

2. Discussion des conclusions du rapport (n° 66, 2004-2005) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur la proposition de loi (n° 41, 2004-2005) de MM. Jean-Jacques Hyest, Christian Cointat et François Zocchetto relative aux compétences du tribunal d'instance, de la juridiction de proximité et du tribunal de grande instance.

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale est expiré.

Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.

3. Discussion de la proposition de loi (n° 29, 2004-2005), adoptée par l'Assemblée nationale, portant diverses dispositions relatives au sport professionnel.

Rapport (n° 67, 2004-2005) fait par M. Jean-François Humbert, au nom de la commission des affaires culturelles.

Le délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale est expiré.

Délai limite pour le dépôt des amendements : ouverture de la discussion générale.

Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements

Sous réserve de sa transmission, projet de loi de finances pour 2005 (A.N., n° 1800) ;

Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mercredi 24 novembre 2004, à dix-sept heures ;

Délai limite pour le dépôt des amendements aux articles de la première partie : jeudi 25 novembre 2004, à dix heures trente.

Personne ne demande la parole ?...

La séance est levée.

(La séance est levée à vingt et une heures vingt-cinq.)

La Directrice

du service du compte rendu intégral,

MONIQUE MUYARD