sommaire
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
2. Hommage aux soldats français tués en Côte d'Ivoire
MM. le président, Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
3. Organisme extraparlementaire
MM. Louis Le Pensec, le président.
5. Aéroports. - Discussion d'un projet de loi
Discussion générale : MM. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer ; Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Yvon Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances ; Michel Billout, Pierre Laffitte, Daniel Reiner, Roger Karoutchi, Daniel Soulage, Jean Desessard.
M. le ministre.
Clôture de la discussion générale.
Motion no 69 de Mme Hélène Luc. - Mme Hélène Luc, MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin public.
Suspension et reprise de la séance
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
6. Modification de l'ordre du jour
7. Aéroports. - Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
Motion no 11 rectifié de M. Michel Billout. - MM. Robert Hue, MM. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer. - Rejet par scrutin public.
Demande de renvoi à la commission
Motion no 33 de M. Daniel Reiner. - MM. Daniel Reiner, le rapporteur, le ministre. - Rejet par scrutin public.
Mme Hélène Luc.
Amendements identiques nos 12 de M. Michel Billout et 34 de M. Daniel Reiner ; amendement no 35 de M. Daniel Reiner. - MM. Michel Billout, Daniel Reiner, le rapporteur, le ministre. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 13 de M. Michel Billout et 36 de M. Daniel Reiner ; amendements nos 14 de M. Michel Billout et 37 à 39 de M. Daniel Reiner. - Mme Hélène Luc, MM. Jean Desessard, Michel Billout, Daniel Reiner, le rapporteur, le ministre. - Rejet des six amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 16 de M. Michel Billout et 40 de M. Daniel Reiner. - MM. Michel Billout, Daniel Reiner, le rapporteur, le ministre. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 17 de M. Michel Billout et 41 de M. Daniel Reiner ; amendement no 1 de la commission. - MM. Michel Billout, Jean Desessard, le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements nos 17 et 41 ; adoption de l'amendement no 1.
Adoption de l'article modifié.
Amendements identiques nos 18 de M. Michel Billout et 42 de M. Daniel Reiner ; amendement no 43 de M. Daniel Reiner. - MM. Michel Billout, Daniel Reiner, le rapporteur, le ministre. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 19 de M. Michel Billout et 44 de M. Daniel Reiner ; amendements nos 45, 46 de M. Daniel Reiner, 20 de M. Michel Billout, 2 de la commission et sous-amendements nos 62 rectifié de M. Daniel Soulage et 49 de M. Daniel Reiner ; amendements nos 47, 48, 50 de M. Daniel Reiner et 3 de la commission. - MM. Michel Billout, Daniel Reiner, Jean Desessard, Gérard Le Cam, le rapporteur, Daniel Soulage, le ministre. - Retrait de l'amendement no 47 ; rejet des amendements nos 19, 44, 45, 20, 46, du sous-amendement no 49 et de l'amendement no 48 ; adoption du sous-amendement no 62 rectifié et des amendements nos 2 modifié et 3, l'amendement no 50 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
M. Jacques Blanc.
Amendements nos 21 de M. Michel Billout, 66 rectifié de M. Pierre Laffitte, 4 (priorité) de la commission ; amendements identiques nos 22 de M. Michel Billout, 51 de M. Daniel Reiner et 63 de M. Daniel Soulage ; amendements nos 5 de la commission et 52 de M. Daniel Reiner. - MM. Robert Bret, Pierre Laffitte, le rapporteur, Michel Billout, Daniel Reiner, le ministre. - Rejet de l'amendement no 21 ; adoption, après une demande de priorité, de l'amendement no 4, les amendements nos 66 rectifié, 22 et 51 devenant sans objet ; adoption de l'amendement no 5 ; rejet de l'amendement no 52.
M. Jacques Blanc.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel avant l'article 8
Amendement no 6 rectifié de la commission et sous-amendement no 70 rectifié du Gouvernement. - MM. le rapporteur, Yvon Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances ; le ministre, Jean Desessard, Gérard César. - Adoption du sous-amendement et de l'amendement modifié insérant un article additionnel.
Amendements nos 23 de M. Michel Billout, 53 de M. Daniel Reiner ; amendements identiques nos 24 de M. Michel Billout, 55 de M. Daniel Reiner et 64 de M. Daniel Soulage ; amendements nos 65 de M. Daniel Soulage, 7, 8 de la commission, 67 rectifié de M. Pierre Laffitte, 56 et 54 de M. Daniel Reiner. - MM. Michel Billout, Jean Desessard, Daniel Soulage, le rapporteur, Pierre Laffitte, le rapporteur pour avis, le ministre. - Retrait des amendements nos 53 et 64 ; rejet des amendements nos 23, 24 et 54 à 56 ; adoption des amendements nos 65, 67 rectifié et 8, l'amendement no 7 devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Amendements nos 25 de M. Michel Billout, 58 et 57 de M. Daniel Reiner. - MM. Michel Billout, Daniel Reiner, le rapporteur, le ministre. - Rejet des trois amendements.
Adoption de l'article.
Amendement no 26 de M. Michel Billout. - MM. Michel Billout, le rapporteur, le ministre. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 27 de M. Michel Billout. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 28 de M. Michel Billout. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 29 de M. Michel Billout et 59 de M. Daniel Reiner ; amendement no 9 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements nos 29 et 59 ; adoption de l'amendement no 9 rédigeant l'article.
Amendement no 30 de M. Michel Billout. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendement no 31 de M. Michel Billout. - Rejet.
Adoption de l'article.
Amendements identiques nos 32 de M. Michel Billout et 60 de M. Daniel Reiner ; amendement no 10 de la commission. - MM. le rapporteur, le ministre. - Rejet des amendements nos 32 et 60 ; adoption de l'amendement no 10 rédigeant l'article.
MM. Daniel Reiner, Michel Billout, Gérard César, le rapporteur, le ministre.
Adoption du projet de loi.
8. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution
10. Ordre du jour
compte rendu intégral
PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin
vice-président
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
HOMMAGE AUX SOLDATS français tuéS EN CôTE D'IVOIRE
M. le président. Mes chers collègues, au nom du président et du Sénat tout entier, je souhaiterais rendre un hommage solennel aux neuf soldats français qui ont trouvé la mort samedi dernier en accomplissant leur devoir en Côte d'Ivoire, ainsi qu'aux trente-huit autres militaires français qui ont été blessés en même temps. Ils étaient tous des soldats de la paix.
En ce moment de deuil et de douleur, je voudrais assurer de notre sympathie attristée leurs familles, leurs proches et leurs compagnons d'armes.
Nos pensées vont également à nos nombreux compatriotes établis en Côte d'Ivoire, qui ont pu craindre ces derniers jours pour leur sécurité.
En notre nom à tous, je forme le voeu que la mission de paix exercée par la France sous l'égide des Nations unies puisse ramener très vite le calme et la sérénité dans un pays avec lequel nous avons tant de choses en commun.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, le Gouvernement s'associe pleinement à l'hommage que vous venez de rendre à ces soldats et partage le sentiment de compassion exprimé par le Sénat à l'égard de leurs familles et des blessés.
M. le président. En mémoire des disparus, je vous propose maintenant d'observer une minute de recueillement. (M. le ministre, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent et observent une minute de silence.)
3
ORGANISME extraparlementaire
M. le président. J'informe le Sénat que M. le Premier ministre a demandé à la Haute Assemblée de bien vouloir procéder à la désignation du sénateur appelé à siéger au sein du conseil d'administration de la société Réseau France Outre-mer, le mandat de M. Philippe Nogrix étant arrivé à échéance.
Conformément à l'article 9 du règlement, j'invite la commission des affaires culturelles à présenter une candidature.
La nomination au sein de cet organisme extraparlementaire aura lieu ultérieurement, dans les conditions prévues par l'article 9 du règlement du Sénat.
4
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à M. Louis Le Pensec, pour un rappel au règlement.
M. Louis Le Pensec. Monsieur le président, j'ai conscience d'évoquer une actualité moins dramatique que la situation en Côte d'Ivoire.
Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 75 bis relatif aux questions d'actualité.
Jeudi dernier, au Sénat, Mme la ministre de l'outre-mer m'a reproché de n'avoir pas, à deux circonstances, procédé à la dissolution de l'assemblée territoriale de Polynésie française lorsque j'étais en charge de l'outre-mer, de 1988 à 1993.
Je rappelle très brièvement les faits. Lorsque M. Léontieff est devenu président du gouvernement de la Polynésie en novembre 1987, à l'issue d'une motion de censure, le ministre en charge de ce dossier dans le gouvernement Chirac était M. Gaston Flosse, secrétaire d'Etat au Pacifique sud. C'est donc à lui que ce reproche devrait s'adresser.
Ayant été nommé ministre des départements et territoires d'outre mer en 1988, je n'ai eu à aucun moment à envisager une dissolution de l'assemblée territoriale. En effet, un dialogue républicain et serein prévalait encore à cette époque.
Curieusement, Mme la ministre a cru devoir préciser que M. Léontieff avait été condamné pour corruption, passant sous silence qu'il avait retrouvé depuis la confiance de M. Flosse, qui l'a nommé président d'un important établissement public de Polynésie.
Mme la ministre aurait-elle une connaissance aussi approximative de ses dossiers ?
Enfin, elle m'a reproché de n'avoir pas dissout l'assemblée territoriale en 1992 lorsque son président, M. Emile Vernaudon, en interdisait l'accès. Or il ne s'agissait là que d'une querelle au sein de la majorité du président Flosse, puisque M. Vernaudon était alors son allié. Une dissolution n'aurait donc eu aucun fondement. Mme Girardin ignorait-elle ces faits ?
Mme la ministre de l'outre-mer serait-elle à ce point acculée qu'elle n'ait recours qu'à de basses allusions et à de pitoyables mensonges ?
Si la Polynésie devait s'embraser, nous devons savoir qu'il y a, au ministère de l'outre-mer, une ministre boutefeu !
M. le président. Monsieur Le Pensec, je vous donne acte de votre rappel au règlement.
5
Aéroports
Discussion d'un projet de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 452, 2003-2004), relatif aux aéroports.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui constitue, pour les grands aéroports français, la première réforme législative d'importance depuis plus de cinquante ans.
Ce projet de loi a pour ambition de conforter les missions de service public confiées aux aéroports tout en les dotant de structures modernes comparables à celles des autres grands aéroports européens. Il s'agit de leur donner les moyens de leur développement sans méconnaître les spécificités historiques d'Aéroports de Paris, ADP, et des grands aéroports régionaux.
Ce texte représente une avancée déterminante pour le secteur des aéroports et du transport aérien. L'aviation commerciale joue en effet un rôle irremplaçable dans la compétitivité de l'économie nationale, dans l'attractivité de la France et dans l'aménagement de notre territoire. Les aéroports français, dans un cadre d'exploitation quasiment inchangé depuis la Seconde Guerre mondiale, ont assuré de manière performante le support de la très forte croissance dont a bénéficié ce mode de transport.
Depuis quinze ans, le secteur du transport aérien a connu de profondes mutations, accélérées par la crise profonde qu'il connaît depuis maintenant trois ans. Nombre de compagnies aériennes sont devenues privées et un mouvement de concentration s'amorce. Le plus bel exemple en est la fusion d'Air France et de KLM, intervenue au printemps dernier, qui a donné naissance au premier transporteur aérien mondial.
Les transporteurs aériens expriment aujourd'hui de nouveaux besoins s'agissant des grandes plateformes aéroportuaires, en termes d'efficacité, de réactivité et de qualité de service rendu au public et aux clients. Je partage pleinement cette préoccupation en tant que ministre des transports, mais aussi du tourisme.
J'en reviens aux compagnies. Air France-KLM met au coeur de sa stratégie sa plateforme de correspondances de Paris-Charles-de-Gaulle. L'exploitation des grands aéroports a, elle aussi, progressivement changé de nature. Elle est devenue une activité économique à part entière intégrant, aux côtés du service public, de nombreux métiers, comme les activités commerciales et immobilières ou l'ingénierie.
Les aéroports sont ainsi devenus des pôles d'emploi considérables dans les régions qu'ils desservent. Les grands aéroports, un peu partout en France, en Europe et dans le monde, voient donc logiquement leur mode de gestion évoluer et s'ouvrir notamment vers le secteur privé.
Ainsi, deux exploitants d'aéroports majeurs en Europe ont vu leur capital ouvert à des actionnaires privés : en 1997, BAA, le plus grand opérateur aéroportuaire en Europe, qui gère quatre aéroports londoniens et, en 2001, Fraport, qui gère l'aéroport de Francfort. Ce sera également le cas d'un troisième aéroport, Amsterdam-Schipol, prochainement.
II me paraît donc essentiel que, en France également, nous nous attachions à moderniser le statut de nos aéroports, en premier lieu celui d'Aéroports de Paris.
Cet établissement public, créé en 1945, gère les aéroports de l'Ile -de -France, notamment ceux de Roissy et d'Orly. II se positionne aujourd'hui comme l'un des premiers opérateurs aéroportuaires mondiaux, avec un trafic annuel de plus de 70 millions de passagers et près de 1,8 million de tonnes de fret.
Il réalise également un chiffre d'affaires de 1,7 milliard d'euros, emploie directement plus de 8 000 personnes et investit actuellement plus de 500 millions d'euros par an.
Or son statut actuel n'est plus adapté. Peu compatible avec l'exercice d'activités concurrentielles, il freine les possibilités de développement de l'entreprise, notamment à l'international, et sa capacité à nouer des partenariats.
Le statut d'Aéroports de Paris lui interdit de fait certaines voies de financement des investissements, alors qu'il doit faire face à un important programme d'amélioration de ses capacités d'accueil.
Le Gouvernement propose ainsi de passer du statut d'établissement public à celui de société anonyme, cohérent avec la nature d'entreprise d'Aéroports de Paris.
Ce changement permettra à Aéroports de Paris de mieux exercer ses missions, en progressant en matière de réactivité et de responsabilité vis-à-vis de des transporteurs aériens des passagers, des riverains - j'y insiste ! - et, évidemment, des pouvoirs publics.
De manière plus précise, la réforme prévoit la continuité de la personne morale Aéroports de Paris, ainsi que le maintien de son autorisation légale d'exploiter les aéroports franciliens.
Elle prévoit également la continuité du régime applicable aux personnels d'Aéroports de Paris, assujettis à un statut réglementaire.
S'agissant du régime de domanialité, le Gouvernement a choisi de proposer un régime de domanialité privée dans lequel l'ensemble des biens aéroportuaires serait la propriété de la société Aéroports de Paris. Je rappelle que la plus grande partie des emprises et la totalité des installations aéroportuaires sont aujourd'hui la propriété de l'établissement public, qui en a financé l'achat et la réalisation.
La solution de la domanialité privée préserve l'intégrité de l'entreprise, à laquelle les personnels sont légitimement attachés. Elle donne, en outre, à ADP une meilleure maîtrise du développement de ses activités.
L'autre solution, fondée sur la domanialité publique dans laquelle les biens restent propriété de l'Etat, aurait posé des difficultés de mise en oeuvre et aurait affecté l'intérêt de la réforme.
Cette évolution est naturellement assortie de nombreuses garanties qui confortent la bonne exécution des missions de service public et la protection des intérêts patrimoniaux de l'État.
Tout d'abord, sont exclus du déclassement, et reviennent dans le domaine public de l'Etat les biens nécessaires à l'accomplissement par l'Etat ou ses établissements publics de leurs missions, principalement, bien sûr, les installations de navigation aérienne.
Par ailleurs, l'affectation au service public des biens indispensables à l'exploitation aéroportuaire est garantie par un contrôle de l'Etat sur tout projet d'aliénation les concernant. Il s'agit, notamment, des pistes, des voies de circulation et des aires de stationnement destinées aux aéronefs, des aérogares de passagers, des installations de stockage de carburant, des différents réseaux, ainsi que des terrains d'assiette de ces installations.
Un cahier des charges détaillé, approuvé par décret, définira précisément les obligations de la société et les conditions d'exercice, par l'Etat, de ses propres missions sur les aéroports, notamment l'exercice du pouvoir de police.
L'entreprise sera, en outre, soumise à toutes les obligations générales applicables aux exploitants d'aéroports, notamment en matière de sécurité, de sûreté et de préservation de l'environnement.
L'Etat tient à garder la majorité du capital ; je le répète : l'Etat tient à garder la majorité du capital ! En effet, cette entreprise constitue, je l'ai dit, un élément stratégique de la politique de transport, comme de la politique d'aménagement et d'attractivité du territoire. Cela est clairement inscrit dans le projet de loi qui vous est soumis.
Pour faciliter la poursuite du développement d'ADP et le financement de l'important programme d'investissement engagé, le Gouvernement envisage, tout en restant majoritaire, une ouverture du capital une fois le processus de changement de statut achevé - j'ai bien parlé d'ouverture du capital !
Le projet qui vous est soumis concerne, en second lieu, le régime de gestion des grands aéroports régionaux, de métropole et d'outre-mer, qui resteront, aux termes de l'article 28 de la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, de la compétence de l'Etat, une fois le processus de décentralisation achevé.
Une douzaine d'aéroports sont concernés. Ils génèrent un chiffre d'affaires total de plus de 500 millions d'euros et ont traité globalement, en 2003, un trafic de 38 millions de passagers.
Chacun de ces aéroports est exploité, de très longue date, par la chambre de commerce et d'industrie territorialement compétente, dans le cadre d'une concession délivrée par l'Etat.
Le système actuel est peu incitatif pour les exploitants, qui sont, comme ADP, cantonnés dans leur statut d'établissement public de l'Etat.
Ils n'ont pas la libre disposition des bénéfices financiers tirés de l'exploitation aéroportuaire et ne disposent souvent que d'une visibilité limitée, compte tenu de la faible durée de leurs contrats de concession.
Le système est, par ailleurs, potentiellement porteur de risques financiers pour l'Etat, qui reste le garant ultime de l'endettement des sociétés.
Je voudrais souligner ici la bonne qualité de l'exploitation aéroportuaire réalisée jusqu'à présent par les chambres de commerce et d'industrie. Dans ce contexte, je pense qu'il convient d'éviter toute rupture susceptible d'être préjudiciable au fonctionnement de ces plateformes.
Le Gouvernement propose donc d'ouvrir la possibilité d'une transition souple et progressive s'appuyant sur les équipes en place.
Le projet de loi qui vous est soumis ouvre la possibilité d'un transfert de l'exploitation de chacun des aéroports en cours de concession à des sociétés, à capital entièrement public dans un premier temps,...
Mme Hélène Luc. Oui ! Dans un premier temps !
M. Gilles de Robien, ministre. ... dont l'Etat et la chambre de commerce et d'industrie. Si elles le souhaitent, des collectivités territoriales intéressées seraient actionnaires.
Je tiens à confirmer, s'il en était besoin, que chaque chambre de commerce demeurera libre de souscrire ou non à ce dispositif.
Dans un second temps, ces sociétés, devenues concessionnaires pour des durées accrues, pourront être ouvertes progressivement à l'initiative privée.
Enfin, cette réforme ne serait pas viable sans une modernisation du régime des redevances aéroportuaires et de leur régulation, en particulier pour Aéroports de Paris et les grands aéroports régionaux.
Les dispositions législatives proposées, dans ce domaine normalement régi par la voie réglementaire, visent à établir un cadre clair pour la détermination des redevances, un cadre juridiquement sûr. Il s'agit également d'offrir une souplesse indispensable aux entreprises aéroportuaires, tout en préservant les intérêts des utilisateurs de ce service, monopolistique par nature.
Je souhaite rappeler tout d'abord que le pivot de la régulation économique dans un tel secteur est la consultation des usagers, principalement les compagnies aériennes qui doivent exprimer des positions claires en matière d'investissements à effectuer et de niveau de redevance acceptable pour le développement de leurs activités.
Le rôle des commissions consultatives économiques des aéroports doit donc être affirmé et, même, conforté.
Allant au-delà de la jurisprudence actuelle, il est proposé de préciser que les redevances doivent pouvoir rémunérer les capitaux engagés par l'exploitant et permettre un préfinancement de certains investissements afin de lisser l'évolution des redevances.
Dans la mesure où le produit des redevances reste globalement plafonné par le coût des services rendus, il est également proposé d'ouvrir la possibilité de modulations pour motifs d'intérêt général.
Le régime de régulation envisagé pour les exploitants des grands aéroports comporte, par ailleurs, une forte incitation à la contractualisation pluriannuelle avec l'Etat.
Les contrats qui seront conclus dans ce cadre pourraient intégrer la dimension de la qualité du service public aéroportuaire et ont vocation à donner de la visibilité à l'ensemble des partenaires concernés.
Le Gouvernement prévoit, dans la mise en oeuvre détaillée de ces dispositions, de maintenir l'application du principe dit « de la caisse unique » dans lequel les recettes qui sont issues des activités aéroportuaires en dehors du service public mais qui sont liées au transport aérien, tels que commerces ou parkings, contribuent à maintenir les redevances aéroportuaires à un niveau raisonnable.
Ce principe, au demeurant internationalement reconnu, doit être pérennisé dans la gestion des aéroports nationaux.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, dans ses grandes lignes, l'économie du projet de loi que j'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui.
Je tiens enfin à remercier Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques, et Yvon Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances, pour la qualité du travail accompli sur ce texte. Je ne doute pas qu'elle marquera nos débats tout au long de cette journée. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le ministre, le discours que nous venons d'entendre précise l'environnement dans lequel s'inscrit ce projet de loi. Vous avez rappelé le contexte du transport aérien, ainsi que la situation de la compagnie Air France-KLM.
Je voudrais dire quelques mots, en complément de votre propos, pour resituer ce texte de loi. Si je ne pense pas que nos collègues, parfaitement avertis de la situation économique du transport aérien, aient besoin de cette mise au point, j'espère que la valeur pédagogique de la répétition nous évitera des excès ici, ou des insuffisances là.
On dit toujours que le trafic aérien croît deux fois plus vite que la croissance économique elle-même. Cette affirmation, qui reflète, certes, une réalité, n'en recouvre pas moins une situation paradoxale. En effet, dans le même temps, le transport aérien est un secteur économique extrêmement fragile, puisqu'il est particulièrement sensible aux aléas et aux événements extérieurs. En outre, il est lui-même soumis soit à des gestions parfois hasardeuses, soit à des dispositions ou des décisions qui ne sont pas toujours compréhensibles.
Je distinguerai trois éléments constitutifs du transport aérien. Premier élément, les compagnies aériennes, dont le fonctionnement interne obéit à plusieurs critères.
Elles ont, tout d'abord, besoin de capitaux importants, mais dont le taux de rentabilité est relativement faible, ce qui rend fragile et difficile leur gestion.
Elles sont, ensuite, je l'ai déjà dit, extrêmement sensibles aux événements extérieurs. Nous avons, bien sûr, encore en mémoire tout ce qui s'est passé, notamment les conséquences des attentats du 11 septembre, du SRAS, syndrome respiratoire aigu sévère, et, plus récemment, de l'évolution des prix du pétrole.
Les compagnies doivent également se plier au critère des coûts de production. Ils varient sensiblement d'une compagnie à l'autre, notamment depuis l'arrivée sur le marché de ce que l'on appelle les compagnies low cost. Ces compagnies à faible coût sont venues, sinon perturber, du moins quelque peu modifier les règles du jeu, en tout cas les équilibres précédemment acquis.
Pour avoir présidé - et vous m'avez à nouveau confié cette responsabilité, monsieur le ministre - le Conseil supérieur de l'aviation marchande, j'ai vu, au cours des deux ou trois dernières années, une centaine de compagnies low cost se créer à travers l'Europe, y compris l'Europe élargie.
Bon nombre d'entre elles n'ont pas encore décollé. D'autres sont revenues au sol. Il n'en reste pas moins que le tissu concurrentiel du transport aérien est extrêmement mouvant, voire - passez-moi l'expression ! - chahuté.
Aux précédents critères de fonctionnement viennent s'ajouter les distorsions de concurrence provoquées par certaines compagnies qui ne se comportent pas très bien, notamment en matière de paiement des redevances.
En prenant un peu à leur aise avec ce non-paiement, elles provoquent une distorsion de concurrence qui leur permet, par exemple, de proposer à des tours operators des tarifs inférieurs. En un mot, elles viennent contrarier et fausser le jeu normal de la concurrence par des pratiques qui ne sont pas admissibles. Sur ce tissu en cours de constitution autour des compagnies aériennes, les bons élèves se trouvent souvent pénalisés par des pratiques qui ne sont pas convenables.
Deuxième élément - très important - constitutif du transport aérien, les passagers. Conformément à la logique des milieux concurrentiels, ils sont de plus en plus exigeants et de moins en moins fidélisés.
Troisième élément constitutif du transport aérien, la situation des aéroports. Pour être un point de passage obligatoire, les aéroports eux-mêmes n'en subissent pas moins des contraintes. Contrainte en matière d'espace lorsqu'il faut s'agrandir. Contrainte, aussi - et Dieu sait si vos prédécesseurs, monsieur le ministre, en ont fait l'expérience ! - lorsqu'il s'agit d'envisager la création d'un troisième aéroport. On a vu les difficultés énormes que soulève ce sujet auprès des populations concernées.
A cette contrainte majeure qui s'impose aux aéroports vient s'en ajouter une autre, celle de l'environnement. Véritable goulet d'étranglement des aéroports, elle se décline en nuisances sonores, nuisances olfactives et nuisances de tous ordres.
J'avais déposé, il y a quelque temps, une proposition de loi portant création des communautés aéroportuaires. Aujourd'hui promulguée, cette loi est destinée, pour l'essentiel, non pas forcément à régler les conflits, mais à faire mieux se comprendre les acteurs entre eux.
J'en termine avec ces quelques brèves observations, qui ne sont nullement exhaustives.
Mme Hélène Luc. Oui ! C'est vrai !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je pourrais, il est vrai, rallonger la liste, mais je ne veux pas abuser du temps de la Haute Assemblée.
C'est dans cette situation, avec, en toile de fond, ce paysage des aéroports et du transport aérien qu'intervient le projet de loi que vous nous proposez, monsieur le ministre.
Le Gouvernement était parfaitement dans son rôle en déposant ce projet de loi sur le bureau du Parlement ; nous sommes tout à fait dans le nôtre en élaborant la loi - c'est notre fonction première - et en corrigeant ici une insuffisance, là un excès. Disant cela, nous ne prétendons pas que le Gouvernement aurait failli dans sa tâche, mais le triple objectif du Parlement doit être de rechercher l'équité, de tendre au pragmatisme et d'assurer la lisibilité du texte. C'est dans cet esprit, en parfaite cohérence et en harmonie de pensée avec le Gouvernement, que nous abordons l'examen de ce projet de loi.
Sur le texte lui-même, je serai relativement bref, car M. le ministre l'a déjà présenté. Je me bornerai à formuler quelques observations, qui seront développées au fur et à mesure de la discussion des articles.
Le projet de loi que nous examinons aujourd'hui comporte trois grands axes, trois points principaux.
En premier lieu, la transformation d'ADP en société commerciale fait l'objet des articles 1er à 6.
En deuxième lieu, la modernisation de la gestion des grands aéroports régionaux est traitée à l'article 7. Je suis sûr que certains de nos collègues seront très sensibles aux propos qui seront échangés sur ce thème, s'agissant notamment de l'aéroport de Marseille - c'est un exemple que je prends au hasard, monsieur le président ! (Sourires.) - ou de ceux de Nice, de Lyon et de Toulouse. Je vais me faire des ennemis dans cet hémicycle en arrêtant là mon énumération, mais il m'est impossible d'être exhaustif !
En troisième lieu, la question de la régulation économique des redevances aéroportuaires sera étudiée au travers des articles 8 à 12.
Quant aux articles 13 à 16, ils comportent des dispositions finales. L'article 16, en particulier, tend à fixer une date pour l'entrée en vigueur de la loi.
Mme Hélène Luc. Vous passez très vite sur les redevances et sur leurs conséquences !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est vous qui parlez trop vite, madame Luc ! J'ai simplement énoncé les trois grands axes du projet de loi, et je compte revenir sur chacun d'eux, avec votre permission, ou même sans !
En ce qui concerne tout d'abord la transformation d'Aéroports de Paris, établissement public, en société anonyme, je n'insisterai pas, monsieur le ministre, sur la raison de cette évolution, que vous avez indiquée : il est nécessaire de procéder à des investissements, et il faut donc pouvoir lever des capitaux. Le statut d'établissement public constituant une sorte de corset et ne pouvant être modifié, il convient de transformer ADP en société anonyme pour améliorer sa compétitivité, sa réactivité et lui ouvrir la possibilité de mobiliser des capitaux.
Mme Hélène Luc. Sur quelles bases améliorera-t-on la compétitivité ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. En 2002, la Cour des comptes avait d'ailleurs rappelé que, en tant qu'établissement public, ADP ne pouvait intervenir sur d'autres sites que les siens,...
Mme Hélène Luc. Précisément, il faut aller voir ce qui se passe ailleurs !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ... en d'autres points de la planète. Sa transformation en société anonyme permettra à ADP de procéder à des investissements, de vendre ses compétences technologiques, d'assurer une présence française dans un domaine où notre pays est déjà très engagé à l'échelon européen via EADS. En résumé, nous allons donner un peu de liberté d'action à ADP, et je crois que c'est une excellente chose. Nous ne pouvons que nous réjouir qu'ADP puisse, à l'avenir, affirmer sa présence dans le monde. Nous avons tout à y gagner.
Par ailleurs, au regard de nos préoccupations nationales, la transformation d'ADP en société anonyme permettra également de réaliser des investissements en vue de la modernisation de l'outil aéroportuaire. Nous savons très bien que la compétition est vive entre quelques grandes places aéroportuaires en Europe : Londres, avec les aéroports de Heathrow, de Gatwick, de Stansted et de Luton, les plateformes allemandes et les aéroports parisiens. Qu'il s'agisse d'Orly ou de Roissy, ces derniers représentent une véritable tête de pont internationale, et il importe qu'ils soient compétitifs. Or il convient de souligner que certains investissements sont absolument nécessaires : je n'évoquerai ici que le terminal 1 de Roissy, dont je dirai, par euphémisme, qu'il mériterait un léger toilettage... Il est quelque peu honteux de recevoir des voyageurs internationaux dans un tel lieu.
Enfin, la mutation d'ADP, vous y avez insisté, monsieur le ministre, laissera l'Etat majoritaire dans le capital de la nouvelle société.
Mme Hélène Luc. Pour combien de temps ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est un élément fondamental du projet de loi. En effet, il est normal que l'Etat garde la haute main sur un outil aussi stratégique. Nous reviendrons tout à l'heure sur cette disposition, puisqu'un certain nombre d'amendements la concernent.
J'évoquerai brièvement la situation des personnels. Leur régime juridique actuel reçoit une confirmation à l'article 1er, même si la convention en vigueur n'y est pas mentionnée. Il s'agit donc d'une garantie inscrite dans le marbre. Il est vrai que d'aucuns auraient préféré qu'il soit fait référence, au côté de la convention, à ce que l'on appelle communément le manuel, tendant à préciser, sur certains points, ladite convention. Que l'on me pardonne de m'exprimer en ces termes, mais il serait quelque peu stupide de figer dans la loi une situation qui, pour satisfaisante qu'elle soit aujourd'hui, sera peut-être obsolète demain. Il faudrait alors revenir devant le Parlement pour réécrire des dispositions relevant de la conciliation et de la concertation au sein de l'entreprise. Bref, il eût été excessif d'aller jusque-là.
S'agissant du contrôle de l'Etat, il s'opérera par trois moyens : la détention de la majorité du capital, le contrôle maintenu sur les terrains par le biais d'un droit d'opposition à leur vente et la définition d'un cahier des charges que devra respecter ADP. J'aurai tout à l'heure l'occasion de présenter des amendements affectant l'article 6 et concernant le cahier des charges, car il ne serait pas sain que la loi renvoie à un cahier des charges un certain nombre de dispositions. Pour simplifier les choses, je me suis permis, dans un amendement de la commission, de prévoir l'inscription dans la loi de ce qui relève du principe et le renvoi au cahier des charges de ce qui a trait à l'application de celui-ci.
En ce qui concerne maintenant la modernisation des grands aéroports régionaux, je serai plus bref, beaucoup de ce qui a été dit sur les plateformes aéroportuaires parisiennes valant également pour les plateformes régionales.
Je rappellerai simplement que le cadre juridique régissant les aéroports régionaux est très ancien. En effet, c'est une disposition de 1933 qui avait confié aux chambres de commerce et d'industrie la gestion des aérodromes, et c'est une loi de 1945 qui a créé l'établissement public ADP. Reconnaissons qu'il était donc nécessaire de revenir sur ces textes après quelque soixante années, afin de les « dépoussiérer », de les moderniser et de permettre aux acteurs d'exercer pleinement leurs compétences. Il faut également souligner que la plupart des conventions concernant les aéroports régionaux étaient arrivées à échéance. Il était donc indispensable de redéfinir le cadre juridique.
A cet égard, je vous remercie, monsieur le ministre, des propositions que vous avez formulées. J'y relève une reconnaissance de l'ensemble des acteurs, qu'il s'agisse des chambres de commerce et d'industrie, gestionnaires historiques des plateformes et qui ne seront pas évincées, qu'il s'agisse encore des investisseurs privés, qui ont un rôle à jouer dans cette affaire, qu'il s'agisse enfin, last but not least, des collectivités territoriales, départements et régions, qui pourront exercer leurs compétences en matière d'aménagement du territoire et mettre en oeuvre leur volonté d'assurer le développement régional, au travers d'un outil indispensable à celui-ci.
Je crois que tous les acteurs sont satisfaits des dispositions présentées. Toutefois, il est prévu de fixer à vingt ans la durée de la concession des aéroports régionaux, or le retour sur investissement est un peu moins rapide dans leur cas que dans celui des plateformes aéroportuaires parisiennes. Pour cette raison, je proposerai tout à l'heure d'accroître cette durée, pour la porter à quarante ans.
M. Pierre Laffitte. Très bien !
M. Jacques Peyrat. C'est ce qu'il faut faire !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Cela rendra l'avenir plus « lisible » pour les différents investisseurs, y compris les collectivités territoriales.
Enfin, s'agissant de la régulation des redevances, le cadre les régissant repose, pour l'essentiel, sur des décrets. Il risque de laisser face à face les compagnies aériennes et les gestionnaires des aéroports. Or si les compagnies ont bénéficié, dans le passé, sinon d'une situation protégée, du moins d'un statut de partenaire à part entière, elles vivent aujourd'hui dans un monde de plus en plus concurrentiel, à l'exemple d'Air France, qui a connu l'évolution que l'on sait et s'est associée à KLM. Dans ces conditions, le dialogue avec les gestionnaires des aéroports pourrait être parfois difficile, d'autant que la position de l'Etat est quelque peu ambiguë.
En effet, l'Etat détiendra la majorité du capital d'ADP tout en restant un actionnaire, fût-il de plus en plus minoritaire, d'Air France. En outre, l'Etat ne se désintéressera pas du devenir d'EADS ni de la commercialisation du nouvel Airbus A 380. Il va donc se trouver au centre d'un conflit tripartite, et il peut y avoir une certaine ambiguïté dans cette situation, ambiguïté que je vais vous aider, monsieur le ministre, à régler en créant une commission de conciliation aéroportuaire, où seront débattus les problèmes les plus importants, en particulier celui de la pertinence des investissements : un investissement sera-t-il fait dans l'intérêt du transport aérien ou dans un intérêt capitalistique ou mercantile, ce dernier mot n'ayant rien de péjoratif dans ma bouche ? Des conflits d'intérêts peuvent surgir, et il est souhaitable que les compagnies aériennes et ADP puissent s'en remettre à une commission de conciliation, dont je préciserai tout à l'heure la composition, de manière que des arbitrages puissent être rendus.
Tendre vers la conciliation me semble donc indispensable, et je voudrais illustrer ma préoccupation par une anecdote. Voilà quelques mois, me trouvant à Washington, j'ai entendu un responsable de l'organisation administrative américaine chargée des aéroports me dire, je cite, qu'un aéroport, c'est finalement une grande surface commerciale avec quelques pistes à côté. Il ne faudrait pas que nous allions dans cette direction, car ce serait contraire à l'intérêt du transport aérien. Comme on dit dans mon pays, une grande confiance - à l'égard de toutes les parties prenantes - n'exclut pas une petite méfiance ! C'est pourquoi la création d'une commission de conciliation serait sans doute bienvenue.
Enfin, je ne reviendrai pas sur la question de la caisse unique, que vous avez déjà évoquée, monsieur le ministre. Les recettes des parkings automobiles et celles des galeries marchandes pourront être intégrées au sein de la caisse unique, ce qui permettra de financer plus facilement les investissements. Cela me semble aller dans le bon sens, et il serait dommage, à mon sens, de se priver d'une telle possibilité.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les observations d'ordre général que je souhaitais formuler sur ce texte. Nous reviendrons sur ces différents points au cours de la discussion des quelque soixante-dix amendements déposés. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yvon Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi relatif aux aéroports que nous allons examiner est le premier texte présenté sur ce thème depuis une cinquantaine d'année : c'est dire à quel point les structures héritées de ce lointain passé méritaient d'être enfin modernisées.
Je rappelle que la commission des finances s'est saisie pour avis du projet de loi, qui est traité au fond par la commission des affaires économiques et notre collègue Jean-François Le Grand. Je tiens d'ailleurs à souligner l'excellent esprit qui a présidé à nos travaux communs.
A l'origine, ce texte ne devait concerner que la première société aéroportuaire française, Aéroports de Paris, dont le statut n'a pas évolué depuis 1945. Le Gouvernement a cependant profité de l'occasion pour y intégrer des dispositions concernant les grands aéroports régionaux. Nous avons toutefois choisi de ne nous saisir que des dispositions relatives à Aéroports de Paris, non par manque d'intérêt pour les autres, bien sûr, mais parce qu'elles relèvent plus directement de la compétence de la commission des finances.
Je vais donc débuter mon propos en précisant, dans un premier temps, les données relatives à Aéroports de Paris, dont découle finalement la nécessité de faire évoluer le statut de cet établissement, avant de présenter les principales innovations que comporte le texte. Comme vous le constaterez, mes chers collègues, elles visent à transformer l'établissement public ADP en une société de services et, corrélativement, à lui donner les moyens de son développement.
Le chiffre d'affaires d'Aéroports de Paris s'est élevé, en 2003, à environ 1,5 milliard d'euros. ADP a statutairement la responsabilité de la gestion des aéroports en Ile-de-France, ce qui lui confère le plus grand domaine aéroportuaire d'Europe, avec 6 600 hectares composés majoritairement des plateformes de Roissy, d'Orly et du Bourget. ADP emploie ainsi 8 000 salariés de droit privé, mais qui relèvent d'un statut particulier, et est chargé de missions de sécurité sur les aéroports, missions financées par une taxe spéciale.
Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'insister sur les enjeux cruciaux d'un aéroport de cette importance, non seulement pour l'Ile-de-France, mais également pour le pays en général. Plus de 70 millions de passagers transitent chaque année par Roissy ou Orly, contre 40 millions pour l'ensemble des autres aéroports. De plus, ADP est le hub d'Air France, c'est-à-dire le centre des activités de l'une des premières compagnies aériennes mondiale, en fait la première, depuis la fusion avec KLM, en termes de chiffre d'affaires.
Mes chers collègues, vous comprenez donc à quel point son changement de statut présente un intérêt évident.
Pourquoi est-il justement nécessaire de faire évoluer ce statut ? La réponse n'a rien à voir avec le droit communautaire, contrairement à ce qui se passe d'autres secteurs. Elle relève d'une raison beaucoup plus « triviale ».
Aujourd'hui, ADP doit faire face à de très lourds investissements : 700 millions d'euros en 2005. La société doit en effet impérativement se moderniser, améliorer ses procédures et son image - ceux qui connaissent le terminal 1 comprendront ce que je veux dire -, et, surtout, se mettre aux normes afin de recevoir l'A380, ce qui nécessitera des sommes très importantes, de l'ordre de 300 millions d'euros.
Il en va de la place de la plateforme aéroportuaire de Paris en Europe à l'heure où la concurrence, par exemple avec Heathrow à Londres, est devenue une réalité.
Or ADP est endetté. Le ratio d'endettement par rapport aux fonds propre dépasse 150 %, ce qui empêche tout financement futur par emprunt. En conséquence, ce serait à l'Etat de doter ADP des moyens nécessaires à son développement, mais l'Etat n'a pas 700 millions d'euros à mettre chaque année dans le capital de l'entreprise.
La solution est donc double, et passe de toute façon par un changement de statut.
D'une part, ADP doit conduire une politique productive et efficace afin de devenir une plateforme plus performante. Des efforts sont actuellement menés par son président, M. Pierre Graff, en concertation étroite avec les organisations syndicales. Cela dit, vous observerez que le statut des personnels n'est pas touché par le texte, l'article 1er - ce n'est sans doute pas un hasard - le précisant encore.
D'autre part, cela nous concerne plus directement, ADP doit se doter des moyens juridiques lui permettant de recevoir des capitaux privés, ce qui est réalisé par sa transformation en société anonyme. Mais il doit également s'efforcer de devenir un placement rentable pour les investisseurs. Cela résonne comme une évidence, mais il faut relever que la société est étroitement liée à des missions d'intérêt général et au développement économique du pays ; elle supporte donc, à ce titre, de nombreuses contraintes, comme d'ailleurs tous les aéroports du monde.
Un point reste cependant en suspens, sur lequel M. le ministre pourra sans doute nous éclairer. Compte tenu des investissements très lourds à réaliser, dans quel délai le projet de loi pourra-t-il être adopté ? Il serait en effet regrettable que ce projet ne trouvant pas de place dans le calendrier parlementaire, ADP soit contraint d'accroître encore un peu plus son endettement.
Pour en revenir à notre propos, comment le projet de loi répond-il à ces défis ?
Il réalise deux innovations principales : la première concerne la domanialité, la seconde le financement par redevances.
Le passage au statut de droit privé étant acquis, le Gouvernement avait la possibilité d'assurer le maintien du régime de la domanialité publique, ce qui aurait entraîné de facto la perte par ADP de terrains qui étaient jusqu'à présent sa propriété. Il semble que, sur ce point, les personnels de l'entreprise se soient montrés très attachés à l'intégrité de la société, qui aurait alors été compromise.
De plus, il convient de rappeler que la valeur d'un actif est égale au flux de trésorerie qu'il permet de générer dans le futur. Si l'Etat avait conservé la propriété des terrains, il aurait dû demander une redevance symbolique ou nulle, ce qui lui aurait été défavorable, puisque les terrains ne lui auraient alors rien rapporté pas plus qu'à la future société ; si l'Etat avait choisi de demander une redevance correspondant à la valeur des terrains, il aurait obligé ADP à augmenter ses propres ressources, ce qui se serait produit au détriment de ses clients et aurait diminué ses possibilités d'investissement.
C'est donc le passage à un régime de domanialité privée qui a été privilégié, mais en tenant compte des obligations du service public.
Le projet de loi encadre le passage à la domanialité privée par de nombreuses garanties, dont les principales sont fixées dans un cahier des charges qui sera approuvé par un décret en Conseil d'Etat. On peut remarquer qu'il n'y aura aucune perte pour l'Etat, qui est propriétaire de 100 % du capital de la société. Les investisseurs la valoriseront en prenant en considération les terrains dans son bilan.
En ce qui concerne les redevances, celles-ci représentent 29 % du chiffre d'affaires, soit un produit total de 489 millions d'euros. Elles correspondent aux différents services rendus par l'aéroport aux compagnies aériennes, qui acquittent donc une redevance pour chaque avion qui se pose, chaque passager qui débarque, etc. Actuellement, les redevances sont fixées par ADP, après concertation avec les compagnies aériennes ; l'Etat dispose d'un droit de veto.
Dans le passé, on a pu observer une certaine « sous-évaluation » des redevances. Ainsi, entre 1990 et 2000, elles ont à peu près progressé au même rythme que l'inflation, ce qui semblait correspondre à une volonté des différents gouvernements de ne pas pénaliser les compagnies aériennes, notamment Air France. Depuis 2001, elles augmentent d'environ 5,5 % par an, ce qui tient compte des besoins en investissement de la société.
Il me faut ici faire un point rapide sur le principe dit de la « caisse unique ». En effet, les redevances perçues par les aéroports ne couvrent pas l'ensemble des coûts.
Tous les aéroports du monde pratiquent le système dit de la « caisse unique », qui consiste à assurer leur équilibre économique par des recettes provenant des activités annexes, notamment les commerces implantés sur l'aéroport et les parkings. Il n'est pas question de remettre en cause ce principe, mais la tendance est à la « vérité des prix ». M. le ministre pourra d'ailleurs nous préciser ce point. C'est la raison pour laquelle le projet de loi prévoit, notamment, que les redevances pourront tenir compte de la rémunération des capitaux investis. Cette disposition paraît évidente, mais cela n'avait jamais été écrit.
Cependant, sur le plan procédural, une difficulté est apparue. A l'heure actuelle, il existe une large concertation pour la fixation des redevances. Demain, l'Etat sera régulateur, actionnaire d'ADP et actionnaire d'Air France. Cela fait beaucoup, ce qui nous a conduits à réfléchir sur l'opportunité de créer une autorité de régulation indépendante.
Toutefois, après analyse, on peut penser qu'une telle structure serait lourde à gérer et susceptible d'interférer avec la politique des transports et la politique d'aménagement du territoire, qui restent, cela ne nous a pas échappé, la prérogative du Gouvernement.
Il me semble donc que la formule, que notre collègue Jean-François Le Grand présentera au nom de la commission des affaires économiques, consistant à créer une « commission de conciliation aéroportuaire » indépendante qui adresserait au ministre des avis motivés sur le sujet, va dans le bons sens. Cette commission permettrait également de contrôler l'application du cahier des charges relatif à la gestion par ADP de son domaine public. M. le ministre pourrait d'ailleurs nous répondre sur le type de régulation qu'il envisage concrètement de mettre en oeuvre, et s'il estime que l'architecture choisie offre toutes les garanties.
Mes chers collègues, vous vous interrogez peut-être sur les exemples étrangers de régulation. En fait, il n'y a pas de « modèle » aéroportuaire. En Allemagne, la régulation est directement réalisée par les Länder, qui sont propriétaires des aéroports. En Grande-Bretagne, elle est réalisée par le Conseil de la concurrence.
En conséquence, dans ce domaine, il faut avant tout avoir présent à l'esprit que les intérêts des compagnies aériennes et de l'Etat actionnaire et régulateur sont convergents.
Il faut offrir à ADP les moyens financiers de se développer. Cela passera certainement par des hausses de redevances, mais ces dernières ne représentent, si j'ose dire, que 4 % du prix d'un billet d'avion. Je crois que les dirigeants d'ADP sont tout à fait conscients de leur responsabilité en la matière. Je compte donc soutenir M. le rapporteur de la commission des affaires économiques sur ce point. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur celles de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;
Groupe socialiste, 31 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 14 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;
Groupe du rassemblement démocratiqueet social européen, 9 minutes ;
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'actuel président d'Aéroports de Paris se félicitait, le 3 novembre dernier, dans le journal l'Hémicycle, du dépôt de ce projet de loi. Il le qualifiait « d'équilibré », et il ne souhaitait pas le voir amendé. On se satisfait certainement de ce que l'on a soi-même piloté en coulisse. De là à être exaucé, c'est une autre affaire !
Pourtant, on observe que la commission des affaires économiques, saisie au fond, ne propose en tout et pour tout que dix amendements dont la teneur, j'aurai l'occasion d'y revenir lors de la discussion des articles, est non seulement modeste, mais également de pur témoignage de l'existence du Parlement, devenu simple chambre d'enregistrement des projets du MEDEF - on l'a vu avec le projet de loi de cohésion sociale - ...
M. Roger Karoutchi. Oh !
M. Robert Hue. Absolument !
M. Michel Billout. ... ou simple lieu de relais des orientations définies par l'OMC ou par la Commission européenne. Ce projet de loi en est la parfaite illustration !
Quant à la commission des finances, saisie pour avis, notamment sur l'épineuse question des redevances, elle ne propose aucun amendement.
Ce texte, véritable passoire, renvoyant à des décrets des domaines extrêmement importants ayant trait à la fois à la liste des terrains et biens qui continueront à relever de la domanialité publique, au champ des obligations de service public, à la définition des statuts de la nouvelle société ADP, au bouleversement des règles de calcul et de modulation des redevances, ne devrait faire l'objet in fine que de modifications marginales. Et ce, malgré les incohérences du texte pointées d'ailleurs par MM. les rapporteurs ; il ne s'agit pas ici, entendons-nous bien, de remettre en cause la qualité remarquable de leur travail, que je tiens à souligner.
Ce qu'il convient de dénoncer, c'est bien l'omnipotence d'un exécutif qui tend de plus en plus à nier le rôle démocratique de nos institutions, en prenant appui sur le contexte actuel de domination de l'idéologie libérale s'érigeant en véritable dogme.
Pourquoi abandonner le système de la caisse unique - mais il se peut que je me trompe, monsieur le ministre -, qui, comme l'a souligné notre collègue Yvon Collin, est pratiqué par tous les aéroports du monde pour faire face à l'insuffisance des redevances tirées des seules activités aéroportuaires ?
Pourquoi remettre en cause le régime de la domanialité publique, ce qui est à contre-courant, là encore, de ce qui se pratique sur le plan mondial ?
Pourquoi abandonner le statut d'établissement public d'ADP au profit de celui de société anonyme, alors que, dans le contexte actuel, après la récente zone de turbulence sur fond de faillites de grandes compagnies aériennes, les résultats économiques et financiers d'ADP sont, somme toute, plutôt positifs ?
Dans un secteur fortement fragilisé et en pleine restructuration, ADP a su tirer son épingle du jeu. Il fait même plutôt figure d'exception au regard, dernièrement, de la hausse de son chiffre d'affaires et de son résultat net d'exploitation.
Ainsi, pour 2003, le chiffre d'affaires consolidé se situe aux alentours de 1,7 milliard d'euros, soit une progression de plus de 15 % par rapport à 2002.
C'est la démonstration de l'efficacité d'une politique de développement d'un pôle irriguant une large zone économique, qui a permis à ADP, comme à Air France d'ailleurs, de mieux résister aux perturbations conjoncturelles. C'est la démonstration de la réussite d'une politique volontariste de développement des infrastructures à même d'amortir les chocs externes.
C'est tout cela que vous voulez remettre en cause en choisissant de mettre en oeuvre la privatisation d'ADP et des grands aéroports régionaux, en abandonnant ce secteur aux logiques purement marchandes.
Une telle politique a nécessité de lourds investissements, qui impliquent un niveau d'endettement élevé de l'établissement public. Cependant, ce dernier n'aura pas demandé un centime au contribuable depuis plus de vingt ans. Il aura même anticipé le remboursement à l'Etat des emprunts contractés au cours des années quatre-vingt.
Qu'en sera-t-il demain quand la société sera privatisée ?
Contrairement aux arguments traditionnellement invoqués par les libéraux, je crains que ce choix de privatisation ne fragilise profondément l'entreprise pouvant aller jusqu'à remettre en cause sa pérennité. Plutôt que de recourir aux emprunts sur les marchés financiers pour faire face aux besoins de financement de l'établissement, une recapitalisation aurait dû être envisagée, mais celle-ci se heurte au dogmatisme libéral actuel, qui n'a de cesse de réduire le champ d'intervention de l'Etat.
On pouvait tout aussi bien envisager la mise en place d'un pôle bancaire et financier public pour répondre aux besoins futurs. Cela aurait l'avantage de ne pas fragiliser l'établissement, tout en préservant son statut d'établissement public. Mais le Gouvernement préfère ouvrir le capital.
Pour l'Etat, qui deviendrait le seul et unique détenteur du capital d'ADP, comme le prévoit le projet de loi, c'est une manne financière extrêmement importante, au vu de l'ensemble des actifs financiers, fonciers et immobiliers valorisables, qui viendra alimenter les caisses du budget pour réduire le déficit lors de la privatisation.
C'est autant d'argent qui ne sera pas réintroduit dans le circuit économique pour alimenter la croissance.
Je doute sérieusement que le changement de statut d'ADP en société anonyme réponde à de réelles contraintes économiques et financières, et l'on ne saurait nier, après les exemples d'Air France, de France Télécom, d'EDF et bientôt, sans doute, de la SNECMA, que ce texte prépare le terrain d'une future privatisation d'ADP. J'ai de bonnes raisons de craindre de lourdes conséquences pour la future société et l'ensemble de ses salariés.
En premier lieu, comme on a pu l'observer dans d'autres secteurs, l'arrivée des actionnaires privés, qui exigeront des taux de rémunération de capitaux élevés - j'entends parler de 7,5 % - prélevés sur la valeur ajoutée, pèsera finalement sur la situation financière de l'entreprise, et sur sa capacité à se développer dans l'avenir.
Cette ponction sur la richesse créée au profit des marchés financiers est, à terme, très préoccupante et peut remettre en cause l'entreprise.
En effet, le risque existe d'une fuite en avant pour assouvir les appétits des marchés financiers, par le biais de la recherche d'une diminution des coûts, d'un accroissement de la productivité, d'un développement de la sous-traitance et d'une précarisation du personnel.
A cela s'ajoute la perte de la garantie d'emprunt d'Etat, qui se traduira automatiquement par un accroissement des taux d'intérêt et un alourdissement de la charge de la dette:
En deuxième lieu, de par la volonté de diversifier les activités et le souci de répondre aux exigences d'une rentabilité financière immédiate, on risque d'assister au développement de la filialisation des activités, qui entraînerait autant de coupes dans le budget de la société ADP et fragiliserait fortement sa situation financière, et ce d'autant plus si certaines activités sont cédées à des intérêts privés. L'on connaît, par exemple, les appétits du groupe Vinci dans le domaine des activités aéroportuaires.
La recherche de la réduction des coûts se traduirait aussi par la poursuite de la réduction des emplois et de la masse salariale, y compris dans un contexte de reprise économique.
Ainsi, malgré la hausse d'activité, ADP a déjà externalisé certaines activités. La seule présence d'actionnaires privés accélèrera plus encore ce mouvement.
On comprend aisément dans ce contexte que le texte de loi n'apporte aucune véritable garantie au personnel, notamment en ce qu'il n'intègre pas les accords conventionnels.
En troisième lieu, et l'exposé des motifs de ce projet de loi est, de ce point de vue, très clair, il s'agit d'accroître au maximum la productivité en optimisant les capacités des plateformes aéroportuaires. Autrement dit, cela signifie un accroissement des flux et des mouvements, jusque-là encore réglementés, et la mise en concurrence des principaux aéroports du territoire national avec des pressions encore accrues des compagnies low cost.
En réalité, je crains que cet accroissement du trafic ne puisse se faire qu'au détriment de la qualité du service public et de la sécurité des usagers et des populations riveraines.
Je crains aussi que cela ne puisse se faire qu'au prix d'un accroissement des nuisances environnementales et notamment des nuisances sonores. Le développement du trafic aérien des aéroports d'Orly et de Roissy, mais aussi de nombreux aéroports et aérodromes régionaux soumettra de plus en plus de zones urbanisées aux nocivités aéroportuaires.
Mes collègues Hélène Luc et Robert Hue, particulièrement concernés, dans leurs circonscriptions, par ce problème essentiel qui concerne des milliers de citoyens, auront l'occasion d'y revenir au cours de leur intervention.
Avec les difficultés qu'a connues l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, il faudra bien apporter, monsieur le ministre, des moyens financiers nouveaux pour répondre aux besoins d'insonorisation des logements dans les zones soumises aux nuisances sonores, d'autant que ces zones risquent de s'étendre, mais vous me démentirez sans doute.
Finalement, le changement du régime de propriété foncière et le passage de la domanialité publique à la domanialité privée soulèvent de graves questions, dont plusieurs ont été déjà évoquées et seront développées au cours de la discussion des articles.
Je me contenterai d'insister plus particulièrement sur la question de la valorisation à tout prix des terrains faisant partie des zones aéroportuaires.
Des projets de création de complexes commerciaux, comme à Roissy - Charles de Gaulle, sont à l'ordre du jour. Certes, leur réalisation permettrait sûrement d'accroître les recettes commerciales - celles-ci représentaient, en 2003, plus de 14 % des recettes d'ADP - mais elle risquerait de renforcer les difficultés d'accès aux aéroports par la route ou par le rail.
En bref, les enjeux économiques et financiers liés à l'exploitation de la zone aéroportuaire sont énormes, notamment pour les villes situées dans les zones environnantes.
En effet, avec ce projet de loi, on risque d'assister non seulement à un fractionnement de l'espace national par la mise en concurrence des régions et, en l'occurrence, par la mise en concurrence des aéroports comme moyens d'attractivité territoriale, mais aussi à la mise en concurrence des villes au sein même des zones aéroportuaires par l'instauration des zones à exonérations fiscales et abattements de toutes sortes, qui sont autant de pertes de ressources pour les collectivités locales.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, nous ne pouvons que nous opposer à un tel projet de privatisation, qui fragilisera la santé économique et financière de l'actuel établissement public, remettra en cause l'ensemble des missions de service public aéroportuaires et tirera vers le bas l'ensemble des droits des salariés.
Les craintes exprimées par le président d'une grande compagnie aérienne comme Air France à l'égard de mesures très défavorable à cette compagnie, comme la possible remise en cause de son hub de Roissy, sont tout a fait justifiées par certaines dispositions de ce texte.
C'est une grande entreprise chargée de missions de service public qui va peut-être connaître des difficultés, alors que, jusqu'à maintenant, elle avait bien résisté à la crise du secteur aérien.
Monsieur le ministre, nous avions su nous doter d'un véritable outil industriel, par le biais d'établissements qui furent conçus, jusque dans leur statut même, pour répondre aux exigences de développement économique et social de la nation et à l'aménagement de notre territoire.
Par le biais des missions de service public, ces établissements constituèrent de formidables instruments correcteurs des inégalités sociales et territoriales, au coeur même de la problématique républicaine.
Pour ces mêmes raisons, on était allé jusqu'à exclure la possibilité que ces établissements soient mis en faillite. Qu'en sera-t-il demain, quand ces établissements seront abandonnés aux logiques purement marchandes ?
L'Etat, en cas de faillite devra-t-il intervenir comme « sauveur en dernier ressort », comme cela s'est vu en Grande-Bretagne dans ce secteur ?
Devra-t-il racheter les propriétés immobilières et foncières qu'il aura cédées à une société anonyme ?
Face à de telles craintes, le groupe communiste républicain et citoyen s'oppose à ce projet de loi et mes collègues et amis Hélène Luc et Robert Hue défendront tout à l'heure des motions tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité ainsi que la question préalable, significatives de notre détermination à préserver les services publics aéroportuaires, ainsi que les services publics du transport aérien. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je parlerai surtout des grands aéroports régionaux.
Ce terme de « régionaux », tout d'abord, est propre à la France. Dans d'autres pays, en effet, le plus grand aéroport est régional ; je pense notamment à l'Allemagne et à l'Italie, où l'aéroport de Milan vaut bien celui de Rome. Il y a donc là une anomalie.
Il a été remarquablement montré qu'ADP est stratégique pour l'aménagement du territoire. Cela vaut également pour un aéroport que je connais bien pour l'emprunter chaque semaine, parfois plusieurs fois, l'aéroport de Nice. Cet aéroport est le deuxième aéroport français et le troisième aéroport italien.
Il est d'autant plus stratégique que nous ne possédons pas cet atout dont disposent beaucoup d'autres grandes villes, je veux dire ce TGV qui nous mettrait à quelques heures de Paris. Songez, mes chers collègues, qu'il faut autant de temps pour aller de Nice à Marseille que de Marseille à Paris.
Nice est la cinquième ville de France. S'il est évident qu'un aéroport est très important pour Lyon ou Toulouse, il est plus stratégique encore pour Nice, puisque il constitue son seul lien avec l'extérieur, et ce pour des années encore, malheureusement.
De plus, si l'aéroport de Nice-Côte d'azur n'avait pas existé, Sophia Antipolis n'aurait pu se développer Or nous recevons chaque semaine à Sophia Antipolis quantité de visiteurs venus du monde entier grâce à cet aéroport, afin d'examiner comment ils pourraient s'inspirer de ce qui leur paraît être un incontournable modèle.
Je pourrais également mentionner l'activité touristique. Nice et la Côte d'azur constituent, après Paris, la plus importante source de richesse de l'industrie touristique française, la première au monde.
Cette activité continue de se développer, quelles que soient les difficultés, et continuera de se développer dans notre vieille Europe, de plus en plus visitée à l'avenir par de nouvelles populations riches - je pense aux Chinois et aux Indiens -, qui viendront en Europe, en France, et sur la Côte d'azur.
Je voudrais plaider ici pour que l'aéroport de Nice-Côte d'azur ait une sécurité à tout le moins analogue à celle d'ADP.
Il conviendrait que les garanties inscrites à juste titre dans la loi, que M. de Robien et les deux rapporteurs ont bien précisées, soient apportées pour l'aéroport de Nice-Côte d'azur comme pour ADP.
Il est en effet nécessaire que les collectivités publiques conservent une majorité dans les sociétés d'exploitation et non seulement, comme le prévoit le texte actuel, une majorité initiale.
Il convient, par ailleurs, que les chambres de commerce et d'industrie puissent voir les délais de concession portés, des vingt ans prévus, à quarante ans, parce que les investissements sont considérables, tout particulièrement pour la chambre de commerce de Nice -Côte d'azur.
Il faut enfin que les conditions de transparence fiscale au moment de la cession soient du même type.
Pour nous, pour notre département, pour la Côte d'azur, pour une partie même de l'Italie, ces problèmes sont fondamentaux, et je crois qu'il est important de prendre ces remarques en compte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Monsieur le ministre, pour la troisième fois cette année, après EDF-GDF et Air France, votre gouvernement présente un texte qui prépare à terme la privatisation d'une grande entreprise publique. Je vois dans les motivations du Gouvernement deux principales explications.
La première est d'ordre idéologique : l'Etat suit son inspiration libérale et considère que le transport aérien n'est pas, ou n'est plus, un secteur stratégique, ce que l'on avait pu mesurer lors des débats sur Air France.
La seconde est liée à l'actuelle dérive des finances publiques. L'Etat manque d'argent et cherche des moyens à court terme pour renflouer ses caisses, au prix de l'abandon de secteurs vitaux pour le pays. Il cherche aussi à financer les nécessaires investissements de ses entreprises publiques, en se soustrayant à ses devoirs d'actionnaire, par les marchés financiers, oubliant que ces marchés font payer chèrement en retour - notamment aux personnels - le prix de leur « aide ».
De l'aveu même de son président en commission, le fort endettement d'ADP et ses besoins d'investissement pour l'avenir, estimés à 600 millions d'euros par an, ne permettaient pas d'envisager un désendettement rapide. La seule solution, en dehors de l'apport de capitaux privés, était- je cite la formule reprise par le rapporteur pour avis de la commission des finances - « une recapitalisation par l'Etat, tout à fait hors d'atteinte dans le contexte actuel des finances publiques ». Tout est dit. Il faut donc créer une société anonyme, et augmenter ensuite son capital en l'ouvrant au secteur privé.
Nous estimons que le statut d'établissement public d'ADP n'est pas pénalisant, comme on voudrait le faire croire. Ainsi, ce statut n'avait pas gêné le développement d'EDF- GDF à l'étranger.
Le statut public d'ADP, inchangé depuis soixante ans, méritait sans doute un toilettage, mais sans aller jusqu'à une transformation en société anonyme. Après tout, de grands aéroports européens ne sont pas des sociétés anonymes.
De plus, nos engagements européens n'imposent nullement le changement de statut de l'entreprise. C'est faire preuve d'une certaine mauvaise foi que d'anticiper d'éventuelles pressions de Bruxelles. Je rappelle que, selon les traités, les Etats membres, qui restent libres de choisir la forme de leurs entreprises publiques, doivent uniquement éviter de fausser la concurrence par des subventions injustifiées.
Or, je le répète, le transport aérien est éminemment stratégique. La sécurité du territoire, la compétitivité économique, la sûreté de la navigation aérienne, la sûreté des passagers, les nuisances environnementales, l'aménagement du territoire sont autant de raisons qui justifieraient le maintien du transport aérien dans le giron de l'Etat. C'est d'ailleurs ainsi que l'opinion publique le comprend et c'est toujours vers l'Etat que l'on se tourne en cas d'incident ou d'accident.
Le texte pose certes que l'Etat restera majoritaire dans ADP, malgré l'ouverture annoncée du capital. Mais, d'une part, les mêmes promesses avaient été formulées en 1996 pour France Télécom - et l'on sait ce qu'il est advenu - et, d'autre part, un groupe privé pourra obtenir une minorité de blocage puisque aucun seuil n'a été fixé à terme pour la participation de l'Etat. Vous nous avez dit qu'il n'était pas question de déroger à la propriété publique, monsieur le ministre, mais comment le garantir ? Ce qu'un texte a fait, un autre le défait...
Quoi qu'il en soit, ce projet, outre les objections de forme que je formulerai pour justifier son renvoi en commission, pose de multiples questions. J'en retiendrai cinq.
La première concerne l'avenir des personnels. Rappelons que 8 000 personnes sont directement employées par ADP, sans compter les sous-traitants. Si le projet de loi semble leur donner des garanties à court terme, dans une formulation d'ailleurs peu lisible à l'article 1er, il est naturellement muet sur leur avenir à plus long terme.
Il est à craindre que l'arrivée progressive de capitaux privés dans le capital d'ADP n'incite le conseil d'administration à remettre en cause le statut actuel. Nous ne pouvons oublier qu'ADP fait appel à une foule d'entreprises sous-traitantes dont les personnels ne bénéficient pas du statut propre à ADP - je pense en particulier au transport des voyageurs en car.
Des actionnaires privés ne pousseront-ils pas à réduire les effectifs de l'entreprise et à pressurer les sous-traitants en période de crise du transport aérien ? Pour l'instant, le secteur semble amorcer une reprise à la suite des années noires qui ont été marquées par les conséquences des attentats du 11 septembre, des guerres, du terrorisme et des épidémies asiatiques. Mais la reprise est fragile et doit nous inciter à la plus grande prudence.
La deuxième question a trait à la domanialité publique des terrains.
Je note un premier paradoxe dans le texte : alors que les aéroports régionaux demeureront la propriété de l'Etat, pour les plus importants d'entre eux, et celle des collectivités territoriales pour les autres, comment expliquer que l'on transfère à une société dont une fraction du capital serait détenue par des actionnaires privés les deux principaux aéroports français, qui accueillent, rappelons-le, plus de 70 millions de passagers ? Aux Etats-Unis ou aux Pays-Bas, il a été décidé que les aéroports resteraient des propriétés publiques.
Après tout, si l'on veut faire un parallèle avec d'autres infrastructures de transport, la construction et l'exploitation des autoroutes ont été confiées à des sociétés dont le capital s'ouvre progressivement au privé, mais l'Etat reste le propriétaire et cela ne pose aucun problème !
Notre rapporteur semble avoir écarté l'idée qu'ADP devienne un concessionnaire de l'Etat bénéficiant d'une autorisation d'occupation temporaire du domaine public ; nous aurions aimé explorer plus avant cette hypothèse en commission.
Comment ne pas rappeler que ces installations sont stratégiques ? S'il venait à constater une mauvaise exécution des missions de service public sur un aéroport, par exemple en raison de difficultés financières de l'entreprise, comment l'Etat pourrait-il en reprendre l'exploitation ? En les rachetant, alors qu'il les a cédées gratuitement ? En expropriant ?
Sans jouer les Cassandre, que se passerait-il en cas de crise internationale ou d'attaque terroriste ? Le code de l'aviation civile prévoit expressément qu'en cas de crise l'Etat reprend le contrôle direct des aéroports de province. Pourquoi ne serait-ce point le cas des aéroports parisiens, qui sont naturellement des cibles plus prisées ?
La troisième question porte sur la modulation des redevances aéroportuaires.
Nous ne sommes pas opposés au principe de la modulation ; celle-ci pourrait se comprendre si les aéroports souhaitaient privilégier des compagnies sérieuses, menant des politiques de qualité, plus respectueuses en particulier de l'environnement. L'exercice est délicat, car il s'agit de trouver un équilibre entre la bonne santé économique des aéroports et l'intérêt des compagnies aériennes, notamment de la compagnie Air France.
Cependant, nous avons des craintes sur la façon dont cette modulation pourrait être appliquée. Ainsi, il faudra prendre garde à ne pas pénaliser les compagnies sérieuses qui utilisent les aérogares aux heures de pointe. Je pense tout particulièrement au hub de Roissy, qui est de loin le premier client d'ADP, avec plus de 50 % des mouvements d'avions.
Aéroports de Paris, pour accroître son bénéfice, pourrait être tenté d'augmenter les redevances à la pointe du trafic ; or le fonctionnement d'un hub est précisément fondé sur une succession de plages d'arrivées et de départs qui génèrent des alternances de pointes et de creux. La modulation, qui serait en apparence motivée par le souhait de lisser la charge de trafic et de réduire l'encombrement de l'aéroport, pèserait en fait sur la principale compagnie utilisatrice.
Par ailleurs, la modulation risquerait d'être utilisée comme un argument pour les compagnies aériennes afin de placer les aéroports régionaux en situation de concurrence - ce point a été peu évoqué jusqu'à présent - en liant leur venue ou leur maintien à des réductions substantielles. Une telle concurrence ne pourra s'effectuer qu'au détriment de ces aéroports, et plus largement de l'aménagement du territoire.
Il serait souhaitable, monsieur le ministre, que le Gouvernement nous expose sa politique aéroportuaire. Le troisième aéroport parisien est-il enterré ? Comment les dessertes régionales vont-elles s'organiser à l'avenir ? Quelle sera la politique de complémentarité entre l'avion et le train, et pour quel aménagement du territoire ?
Les redevances d'utilisation des différentes aérogares sont aujourd'hui identiques quels que soient leur date de mise en service et le niveau des prestations offertes ; ce système devrait être maintenu.
En effet, si ADP venait à moduler ses redevances selon les terminaux, on peut imaginer que les compagnies demanderaient à utiliser les installations les moins coûteuses, même si elles sont les moins luxueuses ; or, n'oublions pas que les aéroports parisiens sont les principales portes d'entrée en France et participent de notre prestige.
La quatrième question a pour objet la nécessité d'affirmer l'affectation de l'ensemble des ressources d'un aéroport dans une caisse unique
Nous exprimons la crainte, si ADP passe à moyen ou à long terme sous le contrôle d'intérêts privés, que les activités commerciales et industrielles prévalent sur la sécurité et la sûreté. Le président d'ADP a déjà fait part de son intention d'engager une valorisation immobilière de ses terrains et de développer le commerce dans les aéroports où cette activité serait en dessous du niveau atteint par de grands aéroports étrangers.
Or c'est avant tout le trafic aérien qui fait le succès et les recettes d'un aéroport. Il faut donc l'encourager et prévoir en conséquence que les excédents de ressources issues des activités extra-aéronautiques servent à réduire le niveau des redevances aéronautiques. Cela passe par l'affectation de l'ensemble des ressources de l'aéroport à la caisse unique, ce que pratiquent d'ailleurs aujourd'hui la plupart des grands aéroports internationaux. Le réaffirmer dans ce texte nous paraîtrait utile.
La cinquième question, enfin, porte sur l'évolution du statut des grands aéroports régionaux et sur l'aménagement du territoire
Selon notre rapporteur, les aéroports régionaux concernés sont, par ordre d'importance, Nice, Lyon, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Strasbourg, Nantes, Montpellier, Pointe-à-Pitre, Fort-de-France, Saint Denis et Cayenne. Leur importance est capitale en matière d'aménagement du territoire et justifie la pérennité de l'intervention publique.
En ouvrant la possibilité de créer des sociétés pour l'exploitation de ces aéroports, le Gouvernement invite clairement les collectivités territoriales « à passer à la caisse », alors même qu'elles se seront déjà vu transférer bon nombre d'équipements dans le cadre de la récente loi relative aux libertés et aux responsabilités locales et qu'elles n'ont pas fini d'en supporter les conséquences financières ! Le Gouvernement peut-il nous dire pourquoi il n'a pas choisi de retenir le statut des sociétés d'économie mixte ?
Dans le même temps, l'Etat abandonne le système de garantie dont bénéficiaient les chambres de commerce et d'industrie, et de grandes incertitudes pèsent sur les statuts des personnels au-delà de dix ans. On leur propose ni plus ni moins des contrats de travail « classiques », avec ce que cela suppose aujourd'hui en termes de précarisation.
Le Gouvernement reconnaît dans l'exposé des motifs que l'ouverture du capital de ces sociétés interviendra dans un second temps, sans préciser si les collectivités publiques devront rester majoritaires. On ouvre ainsi la voie, à terme, à la privatisation des aéroports les plus rentables !
En modifiant le statut d'ADP et en permettant la privatisation à terme des principaux aéroports régionaux, ce projet de loi participe à l'entreprise de démembrement du service public menée avec méthode par votre gouvernement, monsieur le ministre.
Depuis plus de deux ans, l'Etat abandonne à marche forcée ses prérogatives au nom d'une logique libérale et tourne le dos au modèle social et économique français des cinquante dernières années, fondé sur le service public et l'aménagement équilibré du territoire. Vous comprendrez que nous ne voulions pas vous suivre sur ce terrain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui aborde trois sujets : le statut juridique de l'établissement ADP, chargé d'aménager, d'exploiter et de développer les installations de transport aérien civil de la région d'Ile-de-France - c'est-à-dire essentiellement les plateformes Charles-de-Gaulle, Orly et Le Bourget -, le statut juridique des grands aéroports régionaux et la réforme des redevances aéroportuaires.
Alors que le secteur aérien connaît des changements substantiels, il nous faut naturellement veiller à moderniser et à améliorer la performance de nos infrastructures aéroportuaires,...
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Très bien !
M. Roger Karoutchi. ...éléments stratégiques pour tout le secteur des transports aériens.
Depuis plusieurs décennies, le trafic aérien a connu une très forte croissance, malgré la crise que traverse ce secteur depuis trois ans. Cela a exigé des compagnies qu'elles s'adaptent, notamment en constituant des alliances désormais structurées autour des hub. Le rapprochement Air France-KLM en est un exemple éloquent, donnant d'ailleurs naissance au premier transporteur aérien mondial, ce qui représente après tout un joli succès pour la France - je n'ai pas beaucoup entendu les orateurs précédents en féliciter le gouvernement français !
Mme Nicole Bricq. Vous êtes là pour cela !
M. Roger Karoutchi. Dans ce nouveau contexte de plus en plus internationalisé et concurrentiel, il fallait permettre l'essor des grands aéroports dans la durée, garantie préalable à la création de richesses et d'emplois au niveau tant régional que national. C'est l'objectif de ce projet de loi, qui inscrit le changement dans la continuité, pour reprendre une formule ancienne.
En effet, le statut d'ADP date de 1945 et n'est plus adapté aux contraintes actuelles. Le principe de spécialité, dépendant de l'établissement public, limite ses possibilités de développement. Or ADP doit réaliser des investissements importants dans les prochaines années qui ne pourront être financés par le seul recours à l'emprunt, au risque de voir l'établissement encore plus fortement - trop fortement - endetté.
En outre, la Commission européenne est « réservée » - et j'emploie un terme modéré - quant à la pertinence de la forme juridique de l'établissement public. Certains l'ont dit, même s'ils s'empressent de prétendre que cela n'a pas d'implication immédiate.
La transformation en société de services proposée dans ce projet de loi nous paraît adaptée dans la mesure où elle permettra de nouer des partenariats et d'accéder au marché financier. Elle nous permettra aussi de nous rapprocher d'un « modèle européen » - même si, là encore, il convient de rester prudent - puisque la majorité des aéroports de l'Union européenne fonctionne sous forme sociétaire, comme les aéroports de Londres ou de Francfort, qui sont les principaux concurrents d'ADP.
Ce changement de statut est d'autant mieux indiqué que toutes les garanties sont apportées. L'Etat garde la majorité du capital. Il ne s'agit donc pas d'une privatisation, avec tous les présupposés idéologiques que cela pourrait impliquer.
L'Etat jouera le rôle de régulateur qui doit être le sien. Aéroports de Paris conservera l'ensemble de ses missions et de son périmètre d'activité : 70 millions de passagers, 60 % du trafic français, plusieurs centaines de millions d'euros d'investissements chaque année - on parle de 700 millions d'euros en 2005. Les missions de service public et de sécurité de la société seront encadrées dans un cahier des charges, comme l'a très bien souligné notre rapporteur ; nous aurons l'occasion d'en débattre.
Aux termes de l'article 1er du projet de loi, le régime juridique des personnels demeure identique. Je rappelle qu'ADP emploie directement 8 000 personnes. Au total, ADP changera de statut, mais les modifications apportées préservent l'intégrité de l'entreprise.
En conséquence, la transformation d'ADP telle qu'elle est ici prévue me paraît répondre aux enjeux du secteur.
Monsieur le ministre, après ce soutien en bonne et due forme à la transformation d'ADP, l'élu francilien que je suis fera quelques observations sur ADP et l'Ile-de-France.
La transformation du statut d'ADP ne me pose pas de difficulté sur le fond ; ce qui me pose problème, mes chers collègues, ce sont les relations entre les élus, les collectivités, les riverains et ADP, qui, franchement, quelles que soient les travées sur lesquelles vous vous trouviez, vous le reconnaîtrez avec moi, n'ont pas toujours été facilitées par le statut d'établissement public d'ADP. Dans bien des cas, j'ai même eu le sentiment que ce statut les compliquait !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Absolument !
M. Roger Karoutchi. D'ailleurs, ces dernières années, un certain nombre de nos interventions auprès d'ADP n'ont abouti qu'à de maigres résultats.
Mme Nicole Bricq. C'est vrai !
M. Roger Karoutchi. La difficulté tient donc aux relations avec ADP sur un certain nombre de sujets que M. le ministre connaît parfaitement. Il en est ainsi des couloirs aériens, problème considérable en Ile-de-France qui est amplifié par la crainte de ceux qui pensent bientôt se trouver concernés. Il en est ainsi également de la pollution sonore, qui décidément reste difficile à maîtriser. Il en est enfin de même de l'ouverture éventuelle de nouvelles pistes à Roissy et, au-delà, de la nécessité de créer ou non un troisième aéroport. A cet égard, vous me permettrez de qualifier ce futur aéroport, qui devrait se situer en lisière de l'Ile-de-France, non pas de « parisien », comme certains l'ont fait, mais de « francilien ».
ADP, cela a souvent été rappelé, a une vocation stratégique nationale : ne faisons pas passer dans l'opinion publique le message de la création d'un troisième aéroport « parisien », car ce serait néfaste à l'idée que nous défendons.
La reprise du transport aérien, monsieur le ministre, ne manque évidemment pas d'inquiéter aujourd'hui les riverains et les élus quant à l'avenir de ce transport et à ses conséquences en Ile-de-France.
Je veux également dire un mot sur le problème des liaisons ferroviaires. Quid, monsieur le ministre, du projet Charles-de-Gaulle Express, pour lequel ADP envisage d'investir massivement, et qui laisse certains d'entre nous très perplexes ? Nous sommes nombreux, en effet, à préférer la rénovation et l'amélioration de la ligne du RER B. Quid des liaisons entre Orly et Roissy, qui posent également problème, du point de vue tant de la conformité que de la cohérence de notre ensemble aéroportuaire ? Et je passe sur le problème du maintien de certaines liaisons internationales sur la plateforme d'Orly et de leur essor.
Quoi qu'il en soit, monsieur le ministre, tout cela ne change pas notre position : pour nous, il est clair que la transformation de l'établissement public ADP en société anonyme est nécessaire à son développement.
Au-delà, cette transformation est peut-être également nécessaire à la normalisation des relations entre les élus des collectivités territoriales et ADP. Sincèrement, depuis plusieurs années, les relations avec un établissement public comme ADP sont compliquées, non du fait de la mauvaise volonté des dirigeants d'ADP, mais du fait des limites posées par son statut.
Parallèlement, monsieur le ministre, les grands aéroports régionaux, qui font l'objet du deuxième volet de ce texte, sont modernisés alors que de nombreuses concessions arrivent à échéance. On l'a dit à l'instant pour Nice ou pour un certain nombre d'autres aéroports régionaux : cette transformation est importante.
L'exploitation se fera désormais dans le cadre de concessions à une société majoritairement détenue par des personnes publiques, parmi lesquelles pourront figurer l'Etat, les collectivités territoriales, et, bien sûr, les chambres de commerce et d'industrie, lesquelles sont aujourd'hui, d'ailleurs, les principaux acteurs de la gestion de ces aéroports.
Enfin, le régime des redevances est réformé pour s'appuyer sur un système plus transparent et plus prévisible de contractualisation pluriannuelle, avec une possibilité de modulation, dans le cadre d'une enveloppe globale ; en d'autres termes, l'ensemble des redevances ne pourra excéder le coût des services rendus.
Monsieur le ministre, le texte que vous nous proposez me semble accompagner judicieusement les évolutions que connaissent les plateformes aéroportuaires françaises ; il s'inscrit dans la perspective de leur modernisation et de leur compétitivité accrue.
Le calendrier que vous nous proposez me semble également cohérent, monsieur le ministre. On s'est interrogé tout à l'heure sur l'échéancier : le vote de la loi en début d'année prochaine, puis la préparation des textes réglementaires dans des délais que nous souhaitons les plus brefs possibles peuvent nous faire espérer que toutes les dispositions seront effectives à la fin de l'année 2005, ce qui paraît un horizon acceptable.
Dans ces conditions, mon groupe apportera son entier soutien à ce texte ainsi qu'aux amendements déposés par notre collègue Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques, notamment sur l'article 6, au sujet du cahier des charges d'ADP, sur le passage de vingt ans à quarante ans de la durée des concessions pour les aéroports régionaux et sur la création d'une commission de conciliation aéroportuaire, dont nous aurons tous beaucoup besoin, en tout cas s' agissant d'ADP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous connaissons tous les enjeux du transport aérien, aussi bien sur le plan économique qu'en termes d'aménagement du territoire.
Dans ce secteur, le succès et l'attractivité des compagnies aériennes sont étroitement liés aux gestionnaires d'aéroports.
Air France-KLM, qui a choisi comme plateforme de correspondance l'aéroport Charles-de-Gaulle, ne pourra pas poursuivre son développement si ADP ne s'adapte pas aux nouvelles exigences du secteur et n'investit pas afin d'accroître la qualité du service rendu.
Il me semble important de souligner les enjeux, pour l'entreprise Air France, de la modification du statut d'un établissement public dont elle est la première cliente.
Air France-KLM, première compagnie aérienne mondiale par son chiffre d'affaires, est le premier client d'ADP, puisqu'elle représente à elle seule 53,4 % des mouvements d'avion, ce qui la place très loin devant la deuxième compagnie mondiale, Lufthansa, qui n'en représente que 3,3 %.
Air France et ADP sont donc deux entreprises largement dépendantes l'une de l'autre.
Tout en tenant compte des besoins d'ADP et des nécessaires adaptations de son statut, il ne faudrait pas que nous oubliions, dans ce débat, que la compétitivité d'Air France à l'échelon international dépend des prestations qui seront offertes pas ADP sur l'aéroport Charles-de-Gaulle, sa plateforme de correspondance.
Permettez-moi de regretter, à cette occasion, que la question de la concession de l'aéroport Charles-de-Gaulle 2 à Air France n'ait pas été abordée. Cela aurait évité les conflits d'intérêt que nous constatons aujourd'hui s'agissant des redevances aéroportuaires. C'est une pratique courante aux Etats-Unis, où les compagnies aériennes sont concessionnaires de leur hub.
Un certain nombre de dispositions de ce projet de loi sont relatives à la future société ADP. L'établissement public actuel, remarquable, possède aujourd'hui le plus grand domaine aéroportuaire d'Europe, étant rappelé qu'il en a acquis les deux tiers directement. Quelque 708 500 mouvements d'avions commerciaux en 2003 font de lui le sixième exploitant d'aéroport au monde. Par ailleurs, il dispose de 8 000 salariés, mais génère également, pour la seule plateforme de Roissy, près de 75 000 emplois directs.
Or son statut actuel ne permet pas à Aéroports de Paris un développement satisfaisant. Il limite ses possibilités d'expansion à l'international et entrave sa capacité à nouer des partenariats et à accéder aux marchés financiers pour financer ses investissements.
En effet, ADP va devoir faire face à un important besoin de financement, alors que l'établissement public est handicapé par un endettement nettement supérieur à celui des autres grands aéroports internationaux.
Le recours à l'endettement n'est plus envisageable dans la mesure où celui-ci a déjà progressé de 13,4 % en 2003. L'Etat ne pourra pas combler ces besoins financiers. Or, pour maintenir son rang, ADP doit mener à bien un important programme d'investissements concernant, notamment, la réfection des pistes en vue de l'accueil de l'A 380, la rénovation du terminal 2E et la construction du satellite S3. Ces projets représentent un investissement de 600 millions à 700 millions d'euros pour les deux années à venir.
L'ouverture du capital et la transformation de l'établissement public en société anonyme apparaissent donc indispensables.
En outre, en tant qu'établissement public, ADP est soumis au respect du principe de spécialité : il est principalement chargé d'aménager, d'exploiter et de développer les installations de transport civil en Ile-de-France, d'assurer un service de sauvetage contre les incendies et le péril aviaire, ainsi que l'embarquement, l'acheminement et le débarquement des voyageurs et des marchandises.
N'entrent pas dans ses compétences les activités de prestations de services ou la prise de participations sur des aéroports situés en dehors de l'Ile-de-France. Cette disposition ne lui permet donc ni de valoriser les compétences acquises dans l'exploitation des aéroports franciliens ni de se diversifier, ce qui deviendra possible dès lors qu'ADP sera une société anonyme.
En ce qui concerne les missions de la société Aéroports de Paris, je tiens à mettre l'accent sur le travail de M. Le Grand, qui propose de préciser l'article 6 du projet de loi.
Simplement, afin de conserver à l'Etat son pouvoir actuel, j'aimerais qu'il soit inscrit dans la loi que les décisions de répartition des transporteurs aériens entre les aérodromes seront soumises au contrôle de l'Etat et qu'elles constitueront des actes administratifs.
Le projet de loi prévoit également le déclassement des biens dont ADP assure la gestion et dont il a acquis directement les deux tiers.
L'Etat conservera dans son domaine les biens qui lui sont nécessaires pour l'exercice des missions de service public. Toutefois, comme l'a souligné M. Le Grand dans son rapport, il est nécessaire de préciser la liste des biens indispensables à l'exercice des missions de service public.
Au sujet de la prise en compte de la situation des personnels d'ADP, le projet de loi ne modifie en rien leur statut, qui reste défini par le conseil d'administration de l'entreprise, sous le contrôle des ministres chargés de l'aviation civile et de l'économie. Le groupe de l'Union centriste s'en félicite.
Le deuxième volet de ce projet de loi concerne la modification du statut des grands aéroports régionaux. Les douze aéroports concernés sont actuellement exploités par les chambres de commerce et d'industrie territorialement compétentes. Or de nombreuses concessions vont arriver à échéance entre 2005 et 2017. Le projet de loi prévoit de remplacer ces concessions par la création de sociétés de droit privé se substituant aux chambres de commerce et d'industrie.
A leur création, ces sociétés devront être majoritairement détenues par des personnes publiques, l'ouverture du capital étant envisagée dans un second temps.
Les dispositions relatives à la régulation économique des redevances constituent le dernier volet de ce projet de loi, mais non le moindre, puisqu'il s'agit du principal contentieux entre les compagnies aériennes, leurs groupements et ADP. Dans le projet de loi, de nouvelles modalités de calcul et de fixation des redevances aéronautiques sont envisagées.
Plusieurs modifications sont à souligner. Les redevances seront désormais inscrites dans un cadre quinquennal et non plus annuel. Les évolutions de tarifs seront par ailleurs adossées à un contrat liant l'Etat et les exploitants d'aéroports afin de favoriser l'investissement et d'améliorer aussi bien les services rendus aux usagers que les capacités aéroportuaires.
Enfin, le projet de loi introduit la possibilité de moduler le niveau des redevances pour des motifs d'intérêt général. Cette modulation a pour objet louable d'améliorer la qualité des services rendus et la protection de l'environnement.
Au-delà des précisions que propose d'apporter à ce dispositif nouveau le rapporteur de la commission des affaires économiques, le groupe de l'Union centriste souhaite que la liste des motifs d'intérêt général justifiant le mécanisme de modulation soit complète et exhaustive.
Le groupe de l'Union centriste est, par ailleurs, tout à fait favorable à la création d'une commission de conciliation aéroportuaire, comme le propose M. Le Grand. C'est une structure nécessaire pour que la société ADP, en situation de position dominante, et les compagnies aériennes, notamment Air France, puissent s'entendre.
Nous attendons également, comme M. le rapporteur, des engagements clairs de la part du Gouvernement sur la politique qu'il souhaite mener en termes de régulation économique.
Je défendrai en mon nom un amendement tendant à réaffirmer le principe de la caisse unique, qui, à mes yeux, intéresse surtout les grands aéroports. Il me semble logique et conforme aux intérêts de tous que les recettes nées des activités extra-aéronautiques servent également à financer les infrastructures aéroportuaires et la qualité des services rendus aux usagers dans leur ensemble, qu'il s'agisse des compagnies aériennes, des passagers ou des entreprises privées.
Monsieur le ministre, le groupe de l'Union centriste est donc favorable à ce texte et le votera. La nécessité d'adapter le statut d'ADP est indiscutable. Les contraintes économiques et budgétaires de l'heure ne permettent plus à l'Etat de financer un tel établissement public.
Pour autant, il ne faut pas que l'Etat se désengage de la régulation économique aéroportuaire. Il doit continuer à veiller à la qualité des services rendus aux usagers des aéroports de Paris et des grands aéroports régionaux.
Je salue le rapporteur du projet de loi, M. Le Grand, pour la qualité de son rapport et de ses propositions en vue de l'adoption d'un texte équilibré et conforme aux intérêts de tous. Je salue également le travail de M. Collin, rapporteur pour avis, ainsi que le travail des deux commissions saisies sur ce projet de loi.
Monsieur le ministre, je vous remercie d'avoir choisi le Sénat pour l'examen en première lecture d'un texte primordial pour l'organisation du transport aérien de notre pays, dans ses dimensions nationale et internationale.
Je tiens également à saluer l'action courageuse que vous menez à la tête de votre ministère, notamment en matière de sécurité routière, ainsi que les efforts que vous déployez en faveur du dialogue social afin d'obtenir un service minimum. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention s'inscrit dans le droit-fil de celle que vient de faire Daniel Reiner, au nom du groupe socialiste, groupe auquel nous sommes rattachés.
En effet, les sénatrices et les sénateurs Verts ne comprennent pas en quoi ce projet de loi, qui change le statut d'Aéroports de Paris pour en faire une société anonyme, serait opportun.
J'ai entendu trois types d'arguments à l'appui d'un tel changement : la diversification, les contraintes européennes et l'appel de capitaux pour l'investissement.
Le premier argument qui est mis en avant pour justifier le changement de statut est la nécessité pour ADP de pouvoir exercer ses activités hors du cadre national et au-delà de sa fonction première, qui est d'aménager et de gérer les aéroports d'Ile-de-France.
Monsieur le ministre, expliquez-vous. En effet, de deux choses l'une : soit ADP se situait dans le cadre de la loi en créant trois filiales, ADP Management, ADP Ingénierie, ADP Télécom, et alors on est en droit de s'interroger sur l'urgence qu'il y a à transformer l'entreprise publique en SA compte tenu de sa bonne santé financière et économique ; soit l'entreprise était dans l'illégalité lorsqu'elle a créé ses trois filiales et qu'elle est intervenue à l'étranger, notamment lors de la construction de l'opéra de Pékin. Si, dans cette dernière hypothèse, ADP a outrepassé son droit, nous pouvons nous interroger sur la fiabilité de l'arsenal juridique proposé aujourd'hui et sur les garde-fous. En effet, si l'entreprise est déjà sortie du cadre légal, pourquoi ne recommencerait-elle pas demain ?
Monsieur le ministre, où sont les garde-fous ?
Si, et je pense que c'est effectivement ce qui s'est produit, ADP se situait à la limite du droit, il était nécessaire de légiférer. Mais, alors, pourquoi avoir si rapidement balayé la possibilité d'attribuer à ADP un statut d'établissement public à vocation économique internationale, statut qui lui aurait permis de régulariser sa situation juridique tout en accompagnant l'activité des cadres de l'entreprise qui ont voulu promouvoir à l'étranger un savoir-faire hautement qualifié et qui l'ont utilisé dans l'exercice de missions relevant de leur compétence.
Le deuxième argument avancé pour étayer ce projet de loi s'appuie sur les contraintes européennes.
A ce sujet, comme l'a déjà souligné M. Reiner, de nombreux aéroports européens ont conservé un statut comparable à celui d'ADP aujourd'hui.
Mais, surtout, pourquoi vouloir à tout prix anticiper une situation alors que les règles ne sont pas encore clairement définies ? Ainsi, au niveau européen, il se pourrait qu'un jour de nouvelles directives soient promulguées interdisant à un Etat d'être majoritaire dans une société anonyme d'un secteur concurrentiel.
Cet argument repose pour le moins sur du flou ! Tant que les directives européennes n'ont pas clairement défini le rôle de l'Etat par rapport aux activités aéroportuaires, il est prématuré de vouloir en tenir compte sans en connaître les modalités exactes !
Le troisième argument avancé est d'ordre financier, il s'agit de l'appel à capitaux pour investissement.
L'argument est a priori recevable si l'on considère qu'il y a un investissement à réaliser pour l'installation de nouveaux terminaux. Mais cela ne relève-t-il pas du choix politique ?
Vous nous faites part des difficultés que le Gouvernement connaît actuellement pour investir et adapter l'établissement aux besoins du transport aérien. Si tel est le cas, nous avons du mal à comprendre la logique d'une baisse des impôts des plus fortunés de notre pays, baisse qui prive le Gouvernement de recettes fiscales importantes.
Mme Hélène Luc. Très bien dit !
M. Jean Desessard. Il nous aurait semblé plus cohérent d'amorcer une démarche à tous les niveaux de la société en demandant les mêmes efforts à tous.
Bien au contraire, nous avons l'impression que le Gouvernement renoue avec la même démarche libérale consistant à privatiser les entreprises publiques qui fonctionnent bien, celles qui secrètent des excédents, et à nationaliser les entreprises en déficit. C'est une logique pseudo-libérale, puisqu'il s'agit de privatiser les profits au bénéfice de quelques - uns et de socialiser les pertes et les déficits au détriment des contribuables.
Bref, même si l'Etat connaît des difficultés de trésorerie qui ne lui permettent pas d'investir dans ADP, il n'en demeure pas moins que la bonne santé financière d'ADP, les prévisions étant optimistes, lui aurait permis d'envisager sans trop de craintes le recours à l'emprunt. Certes, ce recours a un coût, celui des charges financières, mais la rémunération des actionnaires de la société anonyme aura, lui aussi, un coût. C'est pourquoi nous préférons, nous, que l'Etat participe aux investissements nécessaires à ADP.
Dans un quatrième temps, je souhaite revenir sur le transfert de domanialité. Nous ne comprenons pas pourquoi l'Etat ne reste pas propriétaire des terrains !
Mme Hélène Luc. C'est incompréhensible !
M. Jean Desessard. Dans l'hypothèse où ADP deviendrait une société anonyme, il ne serait pas incongru d'envisager de lui attribuer une licence d'exploitation et de permettre ainsi à l'Etat de rester propriétaire des terrains.
Quelle est la genèse de cette étrange proposition ? Tout découle du fait que l'Etat a demandé au président d'ADP d'établir lui-même un plan de changement de statut. Le texte du projet ayant été conçu par le président d'ADP, il est clair que celui-ci ne s'est rien refusé et qu'il a préféré un transfert de propriété au profit de la future société anonyme.
Quelle en est la nécessité ? A très court terme, si l'on part du principe qu'il a été envisagé d'ouvrir en priorité le capital à des collectivités territoriales comme la région d'Ile-de-France ou les départements franciliens, ainsi qu'aux compagnies aériennes utilisatrices, il semble évident que ce n'est pas le transfert du foncier qui motivera leur décision.
En revanche, si l'on envisage effectivement de faire appel à des sociétés privées capitalistiques, on comprend parfaitement quel serait pour elles l'intérêt d'un transfert du foncier à la nouvelle société anonyme.
Nous ne comprenons pas que l'Etat, responsable de l'aménagement du territoire, garant des missions de service public et du statut du personnel, se mette dans une position aussi périlleuse. En cas de situation économique difficile, M. Reiner l'a parfaitement démontré, l'Etat peut se trouver brusquement minoritaire ! Or il a une seule et unique garantie de garder le contrôle de cette infrastructure, c'est de conserver la propriété du foncier.
Dans la mesure où nous sommes déjà opposés au changement de statut, la perte du foncier nous semble encore plus inquiétante pour la mission de service public.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les différents arguments qui sont avancés pour justifier le changement de statut d'ADP ne nous ont pas convaincus.
Un seul mérite notre attention : donner la possibilité à une entreprise qui a un grand savoir-faire et des compétences reconnues, de pouvoir les exercer de façon diversifiée et à l'échelon international, puisque l'on sait très bien que ces compétences ne peuvent s'exercer de façon régulière et permanente sur les seuls aéroports franciliens. Mais, pour cela, comme nous vous l'avons dit, nous aurions préféré un amendement au projet de loi qui prévoie le statut d'établissement public à vocation économique.
Cependant, ce projet de loi souffre, aux yeux des Verts, d'une grande faille, puisque ses auteurs semblent considérer qu'ADP n'a de responsabilité que par rapport au développement de son activité aéroportuaire.
Je ne reviendrai pas sur les missions de service public qu'exerce un aéroport, M. Reiner les a clairement expliquées. J'insisterai sur trois points.
Premièrement, il n'est pas possible de concevoir l'activité d'un aéroport sous le seul angle de son efficacité commerciale. S'il doit, à l'évidence, répondre au besoin premier d'un transport des passagers et des marchandises facilité, le trafic doit être conçu en fonction des objectifs politiques de l'aménagement du territoire, ce qui signifie que le rôle de l'Etat est essentiel !
Deuxièmement, nous devons trouver l'équilibre entre ce qui doit obligatoirement relever du trafic aérien et ce qui peut être effectivement traité par d'autres moyens de transport plus écologiques et moins coûteux, en particulier le chemin de fer. C'est à l'Etat qu'il incombe de ne pas multiplier les liaisons aériennes et d'éviter de vaines concurrences entre le rail et l'avion. La recherche de la rentabilité maximum peut conduire, sous prétexte de bonne gestion, à multiplier les offres aériennes au détriment d'autres moyens de transport plus écologiques et bien souvent plus rationnels !
Troisièmement, dans le cadre de l'aménagement du territoire, il convient que l'Etat décide de la répartition du trafic entre les grands aéroports nationaux. S'engager dans une politique d'amplification du trafic à Roissy peut nuire à la mise en place de lignes internationales sur les grands aéroports régionaux. Mettre les différents aéroports en situation de concurrence, au lieu de choisir la voie d'un aménagement concerté, multiplie les nuisances aériennes pour les riverains de Roissy et d'Orly. Souhaitons-nous que la rentabilité économique d'ADP amène les aéroports à accueillir toujours plus de trafic, au détriment des populations riveraines d'Ile-de-France, comme c'est le cas dans les départements du Val-d'Oise, de la Seine-Saint-Denis, de la Seine-et-Marne, du Val-de-Marne, de l'Essonne ?
Un autre argument est avancé : Roissy devrait être compétitif par rapport aux autres grands aéroports d'Europe.
Cela m'amène à faire deux réflexions.
Tout d'abord, vouloir augmenter le trafic d'un aéroport parisien et assumer à ce titre la compétition avec d'autres, c'est peut-être rentable à court terme pour l'aéroport, mais cela promet, à long terme, de multiples nuisances pour la collectivité. Cela nécessitera de nouvelles infrastructures routières et de nouveaux aménagements collatéraux qui coûteront cher et qui porteront atteinte à l'environnement et à la qualité de vie. En outre, ces aménagements ne rentreront pas directement dans le calcul du prix du transport aérien. Pourra-t-on, alors, parler de rentabilité pour la collectivité ?
Ensuite, nous pouvons penser que l'aménagement du territoire ne se limite pas à une concertation à l'échelon national, mais concerne également le Parlement européen et la Commission européenne.
Les instances européennes se doivent d'élaborer un schéma directeur aéronautique et aéroportuaire à l'échelle de l'Europe dans son ensemble. L'Europe doit se construire avec une volonté politique commune, en particulier dans le domaine de l'aménagement des territoires entre les grandes métropoles européennes.
Vous l'aurez compris, la transformation d'ADP et des aéroports régionaux en SA nous inquiète, car, si le seul critère valable reste le développement économique de chaque structure indépendamment de ses responsabilités vis-à-vis de la collectivité, nous aboutirons à une concurrence qui sera fatale au développement harmonieux du territoire. Certaines collectivités ne pourront plus financer leurs infrastructures, d'autant qu'il n'est pas tenu compte, dans les prévisions, de l'augmentation inéluctable du prix du baril de pétrole.
Pour toutes ces raisons, les Verts sont opposés au changement de statut d'ADP.
Enfin, pour conclure cette première prise de parole devant la Haute Assemblée, je souhaite féliciter les membres de la commission des affaires économiques, son président et son rapporteur, pour l'excellent climat qui a présidé à nos travaux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. -M. le rapporteur applaudit également.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur le président, je me dois de répondre aux sénateurs qui tous, au sein de la commission des affaires économiques comme au sein de la commission des finances, ont beaucoup travaillé sur ce texte.
Tout d'abord, je souhaite remercier M. le rapporteur de la commission des affaires économiques de son excellent rapport. Vous l'avez très bien dit, ce projet de loi vise à « décorseter » ADP ; j'allais dire « oxygéner », mais cela revient à peu près à la même chose.
M. Robert Bret. Oh, non, certainement pas oxygéner !
Mme Hélène Luc. C'est plutôt l'asphyxier avec du gaz carbonique !
M. Gilles de Robien, ministre. Oxygénons ADP, donnons lui les moyens de devenir encore plus réactif, et donnons au service public les moyens de développer la dimension qualitative de son action.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Celles et ceux qui veulent garder ADP « corseté » sont indirectement contre la qualité du service public.
Il revient à ADP de consacrer les investissements qui lui sont absolument indispensables pour accroître son attractivité, c'est-à-dire l'attractivité de la France, auprès tant des entreprises que des touristes.
Je vous rappelle que, pour le seul « toilettage » du terminal 1, ADP doit investir 230 millions d'euros d'ici à 2008. Ce n'est donc pas le ministre chargé de l'aménagement du territoire et du tourisme qui vous contredira, au contraire.
Je ne reviens que pour mémoire sur le triple pouvoir de contrôle que conserve l'Etat et qui est inscrit dans le projet de loi, avec la détention majoritaire du capital, la domanialité et le cahier des charges.
J'ajoute, à l'attention de Mme Luc, qu'à la différence de mon prédécesseur, dont je reconnais d'ailleurs les grandes qualités en termes de relations humaines,...
M. Robert Hue. Et pour la défense du service public !
Mme Hélène Luc. Exactement, car c'est notre seul souci !
M. Gilles de Robien, ministre. Précisément, madame Luc, vous allez être surprise : lorsque c'est la volonté du Gouvernement de rester majoritaire dans une entreprise...
Mme Hélène Luc. Pour combien de temps ?
M. Robert Hue. Il vaut mieux que vous restiez majoritaire dans le pays !
M. Gilles de Robien, ministre. ...nous inscrivons, nous, cette volonté dans la loi !
Et vous voyez très bien à quoi je fais allusion. Prenez ASF ou Air France, par exemple. Vous avez laissé les choses se faire jusqu'à la privatisation, sans le dire. Au contraire, nous écrivons dans la loi ce que nous voulons pour ADP.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Le Grand, vous avez proposé la création d'une commission de conciliation. Il s'agit d'une question très importante qui doit donner lieu à un débat, de façon que nous trouvions une formule équilibrée qui tienne compte tout à la fois des intérêts du transport aérien, de l'autonomie des sociétés et du rôle de régulation de l'Etat. Le Gouvernement a l'intention de s'inscrire très positivement dans ce débat.
Monsieur Collin, je vous remercie également de la qualité de votre rapport.
En ce qui concerne le calendrier, le Gouvernement souhaite une adoption rapide de ce projet de loi, dont le Sénat a d'ailleurs été saisi avant l'Assemblée nationale. L'élaboration des textes d'application est déjà engagée, ce qui permettra d'accélérer d'autant la mise en oeuvre de la loi. Nous souhaitons que l'ensemble des dispositions législatives et réglementaires nécessaires à cette réforme soient opérationnelles au cours du premier semestre 2005.
Monsieur Billout, mes efforts de communication ont peut-être été insuffisants, car visiblement vous ne m'avez pas compris.
Premièrement, notre objectif, comme je pensais l'avoir dit du haut de cette tribune, n'est pas l'abandon de la caisse unique, c'est le contraire.
Le principe de la caisse unique, déjà appliqué de longue date, doit être clairement inscrit dans les textes d'application de la future loi, aussi bien pour ADP que pour les grands aéroports régionaux. Il n'y a aucune ambiguïté sur ce point.
M. Michel Billout. Vous m'en voyez satisfait !
M. Gilles de Robien, ministre. Deuxièmement, l'Etat reste majoritaire, ainsi que le prévoit le projet de loi, comme je l'ai dit à Mme Luc. Il est vrai que, de votre temps, cela n'était pas inscrit dans la loi.
Mme Hélène Luc. Et qu'y aura-t-il dans le décret ?
Mme Hélène Luc. On a vu ce que cela a donné pour d'autres lois !
M. Gilles de Robien, ministre. Aux termes de ce projet de loi, l'Etat reste majoritaire, et, par conséquent, à moins qu'un jour vous ne modifiiez la loi, l'Etat restera majoritaire. Lisez le texte !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Et ayez confiance en nous !
M. Gilles de Robien, ministre. Troisièmement, monsieur Billout, vous avez, selon moi, un peu injustement critiqué les compagnies à bas coûts. Réfléchissez au rôle qu'elles jouent : il est tout à fait complémentaire de celui des compagnies classiques. Par définition, ces compagnies forcent la concurrence à baisser ses prix. L'enjeu n'est autre que la démocratisation du voyage, la démocratisation des transports.
M. Jean Desessard. Et des nuisances !
M. Robert Bret. Sans oublier la sécurité !
M. Gilles de Robien, ministre. L'existence d'une offre de transport diversifiée avec des niveaux de services et des coûts différents permet au plus grand nombre de se déplacer dans le monde entier. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
J'entends certains ricaner, mais j'aimerais bien que ceux qui ont, en son temps, défendu le mur de Berlin soient aujourd'hui plus clairement favorables à la démocratisation des voyages, donc des échanges. C'est ce qui fait la beauté du monde d'aujourd'hui par rapport au monde cloisonné d'hier ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Mme Nicole Bricq. Et combien de millions de Français ne partent jamais en vacances ?
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Laffitte, votre intervention, remarquable de simplicité, témoigne de votre esprit pratique et de votre grande expérience en ce domaine.
Le capital des sociétés aéroportuaires sera, dans un premier temps, majoritairement détenus par les collectivités publiques. Cependant, s'agissant de concessions de services publics, les collectivités publiques n'ont pas vocation à rester majoritairement impliquées dans le capital du concessionnaire, même si les CCI peuvent, si elles le souhaitent, demeurer actionnaires de ces sociétés.
En tout cas, et il est très important de le préciser, l'Etat reste l'autorité concédante et fixe la stratégie.
Monsieur Reiner, comme vous, je suis très attaché au bon fonctionnement du hub, il est de l'intérêt d'ADP comme d'Air France, qui, sans la recapitalisation que nous avons opérée, n'existerait plus, je tiens à le souligner. La modulation limitée des redevances a pour objet de conforter l'intérêt général ; elle ne vise en aucun cas à pénaliser le hub, bien au contraire.
Sur le mythe de la création, dans vingt ans ou plus, d'un troisième aéroport « parisien », avez-vous dit - M. Karoutchi l'a qualifié de « francilien », à très juste raison, à mon sens -, je vous renvoie à la politique concrète que nous menons qui s'est traduite par une baisse de plus de 15 % des vols de nuit à Roissy. Voilà du concret !
Nous ne faisons pas miroiter la perspective, à vingt ans, de l'installation d'un troisième aéroport jusques et y compris sur les cimetières militaires de la Première Guerre mondiale, promesse purement électorale qui ne vise donc, la veille d'une élection, qu'à rallier les suffrages.
M. Jean-Louis Carrère. Les électeurs vous ont virés de partout !
M. le président. A tour de rôle ... (Sourires.)
M. Gilles de Robien, ministre. Nous ne fonctionnons pas ainsi ; nous, nous faisons du concret en obtenant, en deux ans, une réduction de 15 % du trafic nocturne.
M. Robert Hue. Vous n'habitez pas près des pistes ! Moi si !
Mme Nicole Bricq. Il en a fallu, des luttes, pour arriver à 15 % !
M. Gilles de Robien, ministre. Pour les aéroports régionaux, nous proposons un système plus souple et plus réaliste que la SEM, qui sera également mieux adapté aux particularités de chaque aéroport
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Très bien !
M. Gilles de Robien, ministre. S'agissant de la politique aéroportuaire, sujet sur lequel MM. Reiner et Karoutchi m'ont interrogé, le Gouvernement a entrepris un rééquilibrage au profit des régions, en s'appuyant sur le réseau des grands aéroports régionaux, qui participent aussi à l'aménagement du territoire et dont le développement résulte essentiellement des caractéristiques du marché et des stratégies des compagnies aériennes.
La priorité est donnée à l'amélioration de la desserte terrestre de ces aéroports, notamment en transport collectif, ferroviaire ou en site propre.
Le rééquilibrage de la desserte aéroportuaire passe également par le développement d'un troisième réseau de plateformes de taille moyenne, existantes ou à créer, comme à Notre-Dame-des-Landes, dans la région de Nantes. Chacun de ces réseaux comprendra des aéroports spécialisés, pour le charter, ou pour le fret, comme Châlon-Vatry ou Châteauroux-Déols, qui vont bénéficier de mesures instaurées pour limiter l'activité nocturne de l'aéroport de Roissy-Charles -de Gaulle.
Une concertation avec les opérateurs de fret, à laquelle je participe encore aujourd'hui même, est d'ores et déjà engagée dans ce sens.
Monsieur Karoutchi, je vous remercie pour votre intervention solidement argumentée.
Je partage votre intérêt pour les questions d'environnement, auxquelles je sais les Franciliens, et les Parisiens, très sensibles.
Mon objectif, et je m'y suis attelé avec beaucoup de volontarisme dès mon arrivée au Gouvernement, est d'améliorer le dialogue avec les élus, pour ce qui concerne tant les aéroports que la navigation aérienne. Il est vrai que la navigation aérienne dépend plus de la Direction générale de l'aviation civile que directement d'Aéroports de Paris.
Sur la desserte terrestre, le débat public sur le projet CDG Express est achevé. Réseau ferré de France, maître d'ouvrage, étudie actuellement les variantes de tracés et doit me rendre ses conclusions à la fin de l'année. Nous les examinerons ensemble si vous le voulez bien.
Mme Nicole Bricq. Qui va payer ?
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Desessard, vous appelez de vos voeux le développement du rail : ne soyez pas inquiet. Je me permets simplement de vous rappeler que notre gouvernement a trouvé, à son arrivée, 15 milliards d'euros de promesses non tenues, c'est-à-dire 15 milliards d'euros d'infrastructures annoncées.
M. Jean-Louis Carrère. Si vous saviez ce que nous avons trouvé, nous !
M. Gilles de Robien, ministre. Arrivant au poste qu'occupait mon excellent prédécesseur, j'ai découvert qu'il n'y avait pas trace du premier centime du premier million d'euros, sur une somme que l'on avait pourtant promise à grand renfort de déclarations au cours de multiples tours de France. Et 15 milliards d'euros de promesses non financées, cela fait mal !
Alors, qu'avons-nous fait ?
Mme Nicole Bricq. Vous avez diminué les subventions aux transports publics !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous avons été concrets et, voulant honorer la parole de l'Etat, nous avons créé l'agence de financement des infrastructures terrestres françaises, comme je l'avais annoncé au cours de l'excellent débat que nous avions eu, ici même, sur les infrastructures. Cette agence sera mise en place le 1er janvier 2005. Chose promise, chose due !
Annoncer de nouvelles infrastructures, c'est bien ; créer une agence pour le financement, c'est mieux ; dédier automatiquement à cette agence les dividendes des autoroutes non privatisées, c'est encore mieux.
ASF, qui a été privatisé,...
M. Jean-Louis Carrère. Vous n'êtes pas le mieux placé pour en parler !
M. Gilles de Robien, ministre. ... ou plutôt dont le capital a été élargi de votre temps, et Cofiroute, qui a été privatisé, représentent autant de recettes qui vont nous manquer pour l'agence de financement des infrastructures terrestres françaises.
C'est la raison pour laquelle, dans leur grande sagesse, le Gouvernement et le Premier ministre ont décidé, le 18 décembre 2003, de créer cette agence et d'y affecter automatiquement et directement l'ensemble des dividendes des autoroutes restantes.
M. Jean-Louis Carrère. De la musique !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Ce n'est pas de la musique, c'est de l'argent !
M. Gilles de Robien, ministre. Cela représentera 4 milliards d'euros d'ici à 2012, 30 milliards d'euros d'ici à 2030. L'agence disposera, comme vous le verrez à l'occasion de la discussion du budget, de 435 millions d'euros dès 2005, auxquels s'ajouteront 200 millions d'euros accords par Bercy. Par conséquent, nous avons les moyens, nous, de financer nos annonces ! (Exclamations dubitatives sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Cela rattrape la suppression, par la gauche, du FITTVN !
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Soulage, je vous remercie d'avoir bien compris l'intérêt du nouveau statut d'ADP et la souplesse qu'il permet.
Vous avec souhaité qu'une précision soit apportée à l'article 6 pour ce qui est des affectations aéroportuaires. Des amendements ont été déposés en ce sens, auxquels, nous le verrons au cours du débat, je suis favorable.
De même, je peux vous confirmer que la liste des biens nécessaires à l'exercice des missions de service public sera précisée dans un texte d'application.
Telles sont les quelques réponses que je suis en mesure d'apporter aux orateurs qui sont intervenus dans la discussion générale. Je serai évidemment à votre disposition, tout au long de ce débat, pour vous donner les précisions que vous êtes en droit d'attendre, mesdames, messieurs les sénateurs. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ? ...
La discussion générale est close.
Exception d'irrecevabilité
M. le président. Je suis saisi, par Mme Luc, M. Billout et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 69, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 2, du règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi relatif aux aéroports (n° 452, 2003-2004).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la motion.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec la discussion de ce projet de loi, nous assistons à la poursuite de l'application d'une certaine logique et d'une certaine méthode de changement de statut des entreprises publiques, dont la finalité ultime n'est rien d'autre que la privatisation de ces dernières.
Aujourd'hui, ce sont les aéroports qui en font les frais, tout comme, très récemment, France Télécom, EDF ou encore La Poste, pour ne citer que ces trois exemples.
Cette méthode, nous ne la connaissons que trop bien, ...
Mme Hélène Luc. ...les Françaises et les Français ne la connaissent que trop bien. Personne n'est dupe, monsieur le ministre, devant une pratique qui consiste à agir en deux temps. Dans un premier temps, vous ouvrez le capital des entreprises, ce qui permet d'engager, dans un second temps, la phase de remise en cause totale du statut de ces entreprises pour aboutir à une privatisation pure et simple.
Bien entendu, votre discours se veut de prime abord rassurant. Dans ces circonstances, il est ainsi de bon ton d'employer des formules telles que « l'Etat reste majoritaire », « les statuts sont préservés » ou bien encore « il ne s'agit que de simples ajustements pour mettre en adéquation la pratique de l'entreprise avec les réalités du marché ».
Malheureusement, ces paroles se traduisent très vite par une mise en oeuvre des réelles motivations gouvernementales, plus bassement financières et fondées sur la productivité et le profit, reléguant volet social et intérêt général dans les limbes et l'oubli.
C'est la raison pour laquelle le groupe communiste républicain et citoyen s'oppose systématiquement à des agissements qui consistent à laisser le marché seul maître d'oeuvre.
Je suis moi-même intervenue souvent, et depuis de nombreuses années, dans cette assemblée, soutenue en particulier par le président du conseil général du Val-de-Marne et de l'Essonne, pour protester contre de tels agissements et dénoncer toute décision préjudiciable en matière de transport aérien.
En effet, en ce domaine, les enjeux sont tels - je pense tout particulièrement à la sécurité - qu'il est dangereux pour tous, personnels, usagers et riverains, de laisser la seule loi du marché dicter les règles du fonctionnement aéroportuaire.
J'ouvrirai une petite parenthèse sur ce thème de la sécurité pour vous rappeler que le propre de l'activité du transport aérien - et nous avons vu ce qu'il en était à Roissy 2 - et de l'activité aéroportuaire est d'assurer la sécurité des citoyens.
Il importe par conséquent que cette activité relève du service public et qu'elle bénéficie de financements sûrs et pérennes, comme cela s'est fait jusqu'à maintenant avec bonheur.
Cette motion d'irrecevabilité est motivée par l'article 2 du présent projet de loi, qui prévoit le déclassement et la cession en pleine propriété à la société anonyme des biens du domaine public de l'établissement public ADP et ceux du domaine public de l'Etat.
Ma première observation concerne le travail de la commission des affaires économiques. Je parle ici sous le contrôle de mes collègues membres de la commission.
Dans son rapport, notre collègue Jean-François Le Grand estime que garder les biens dans le domaine public serait de nature à perturber durablement le bon fonctionnement de la société.
Nous sommes habitués : vous êtes un bon défenseur du libéralisme, monsieur le rapporteur !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Ce n'est pas faux, mais pas n'importe comment !
Mme Hélène Luc. M. Le Grand fonde ainsi sa réflexion sur les auditions qu'il a menées. Or il aurait été nécessaire, pour le bon déroulement des travaux du Sénat, qu'elles aient été réalisées en présence de tous les sénateurs membres de la commission et que tous aient eu l'occasion d'exposer leur point de vue à ce sujet.
M. Robert Hue. Absolument !
Mme Hélène Luc. Ma seconde observation tient à la nature d'ADP.
ADP représente aujourd'hui le plus vaste domaine aéroportuaire d'Europe et regroupe les deux plus grands aéroports français, Roissy et Orly.
Dans ce contexte, il est justifié de s'interroger sur la transformation en société anonyme de droit privée détenue pour partie par des actionnaires privés d'un pôle aéroportuaire constitué non seulement des deux plus grands aéroports français mais également de douze plateformes d'aviation légère en Ile-de-France, en particulier Le Bourget et l'héliport parisien d'Issy-les-Moulineaux.
De surcroît, ce changement de statut juridique ne sera applicable qu'à la seule entreprise ADP.
En effet, les aérodromes situés en province resteraient, conformément à l'article 7 du présent projet de loi, soit la propriété de l'Etat, soit la propriété des collectivités territoriales ou de leurs groupements, en application de l'article 28 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.
Mais que cache réellement ce projet de loi ?
Les propos tenus par le président d'ADP, largement soutenu par le Gouvernement,...
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est plutôt rassurant !
Mme Hélène Luc. ...nous renseignent sans doute possible sur ses futurs projets d'aménagement des sites.
Interviewé dans l'hebdomadaire l'Hémicycle, le président d'ADP définit les axes de son travail en vu du changement de statut. Ses propos sont sans ambiguïté : « Ma stratégie est claire : transformer ADP en véritable entreprise de service ».
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas ainsi que nous concevons le rôle d'ADP.
Le président d'ADP entend valoriser, je le cite, « des activités périphériques comme le commerce et l'immobilier aéroportuaire ».
Monsieur le ministre, est-ce là l'emploi qui sera fait du domaine public ? L'avenir d'ADP doit-il être incarné par le commerce et l'immobilier ?
Ce serait déjà, en soi, tout un programme !
Il me semblait pourtant que la mission d'ADP était de gérer, dans un but d'intérêt général, l'ensemble des aéroports et aérodromes ouverts à la navigation aérienne civile et situés dans un rayon de cinquante kilomètres autour de Paris.
Qu'il s'agisse de spéculation immobilière ou de spéculation commerciale, où est l'intérêt général ?
Le groupe communiste républicain et citoyen considère que cette conception purement commerciale est incompatible avec la domanialité et le service publics. L'Etat doit rester le garant d'une utilisation strictement légale de sa propriété et du respect rigoureux de l'intérêt général.
Par conséquent, c'est la notion même de propriété qui constitue la base de cette motion d'irrecevabilité.
L'inviolabilité de la propriété est consacrée précisément dans le préambule de la Constitution. Ce dernier se réfère à l'article XVII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 : « La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »
La décision du 21 juillet 1994 du Conseil constitutionnel vient préciser cette notion de propriété et étendre son champ à la propriété publique. Ce sont particulièrement les deuxième et troisième considérants qui sont ici importants.
Conformément au second considérant, « le législateur, lorsqu'il modifie les dispositions relatives au domaine public », ne doit pas « priver de garanties légales les exigences constitutionnelles qui résultent de l'existence et de la continuité des services publics auxquels il est affecté ».
Le troisième considérant précise, lui, que les dispositions de l'article XVII « ne concernent pas seulement la propriété privée des particuliers mais aussi, à un titre égal, la propriété de l'Etat et des autres personnes publiques ».
Maintenant, si l'on s'attache au seul texte du projet de loi, il est flagrant de remarquer l'absence de disposition envisageant la possibilité pour l'Etat de reprendre la propriété d'infrastructures indispensables pour assurer la bonne marche du service public.
Or cela peut se révéler nécessaire, notamment dans l'hypothèse d'un manquement flagrant à ses obligations par l'exploitant ou encore dans l'hypothèse de difficultés économiques sérieuses, que les actionnaires privés refuseraient de supporter.
Pour aller encore plus loin, la modification du statut d'ADP pourrait également jouer sur les principes de fonctionnement du service public eux-mêmes.
Un dernier argument vient motiver notre exception d'irrecevabilité. Il se rapporte à deux des lois de Roland définissant les règles prétoriennes du fonctionnement des services publics, à savoir l'égalité et la continuité de ces derniers.
Comme c'est déjà le cas avec la loi relative aux libertés et responsabilités locales, le principe d'égalité sera mis à mal avec le présent projet de loi, notamment en raison des redevances et taxes aéronautiques.
De fait, leur augmentation substantielle aura de graves conséquences, et ce de manière inégalitaire sur le territoire, d'une part, sur les usagers directs des aéroports, au premier rang desquels les compagnies aériennes, et, d'autre part, sur les usagers indirects, tels que les clients du transport aérien.
Le principe d'égalité est un corollaire du principe général d'égalité devant la loi, principe à valeur constitutionnelle inscrit dans la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789.
Le principe d'égalité des usagers des services publics en matière de tarification lui est lié. Cette notion a été circonscrite dans une décision du Conseil constitutionnel du 12 juillet 1979 et dans plusieurs arrêts du Conseil d'Etat, dont le célèbre arrêt Denoyez et Chorques du 10 mai 1974, bien connu des étudiants en droit.
Ce dernier arrêt prévoit justement la possibilité d'ajustements dans la fixation des tarifs, sous certaines conditions. Il s'agit notamment de l'existence, entre les usagers, de différences de situation appréciables ou imposées par un intérêt général.
Or, en l'espèce, il n'existe aucun impératif d'intérêt général dans l'augmentation des taxes. Celle-ci résulte simplement d'un impératif à visée purement et uniquement financière.
En matière de continuité, la mise en cause globale d'un service public essentiel pour le développement de notre pays, notamment pour un aménagement du territoire harmonieux, aura pour inévitable conséquence de mettre à mal ce principe à valeur constitutionnelle.
Dans tous les cas de figure, c'est la mission même de service public qui pâtira de ce projet de loi.
Dans ces conditions, vouloir déposséder la nation sans avoir la compétence de cette initiative et sans prévoir de garde-fous nous paraît contraire à la Constitution.
C'est la raison pour laquelle nous jugeons ce projet de loi irrecevable.
Souvenons-nous, mes chers collègues, de notre regretté Maurice Schumann, ou de l'amiral de Gaulle, qui ne siège plus parmi nous : ils savaient évoquer la qualité et l'intérêt du service public. Les malheureux accidents ferroviaires survenus à plusieurs reprises depuis la privatisation du rail britannique viennent nous rappeler son importance.
Les salariés, les usagers, savent, comme nous, qu'ADP a été créé - il est bon de le rappeler - le 25 octobre 1945, sous le gouvernement provisoire de la République française, par une ordonnance qu'ont signée le général de Gaulle, Charles Tillon, ministre de l'air, Alexandre Parodi, ministre du travail et de la sécurité sociale, René Pleven, ministre de l'économie nationale et des finances, Raoul Dautry, ministre de la reconstruction et de l'urbanisme, et Eugène Thomas, ministre des PTT. C'est dire si la création d'ADP avait un caractère rigoureusement public et constitutionnel.
Puissiez-vous, chers collègues qui vous réclamez de cette période, avoir le courage d'être fidèles à ces décisions prises à un moment crucial de l'histoire de notre pays au regard de son développement économique futur.
Aujourd'hui même, nous allons commémorer la séance inaugurale de l'Assemblée consultative provisoire. C'est tout à fait symbolique.
Pour toutes ces raisons, je vous appelle à voter notre motion d'irrecevabilité, qui, vous l'avez compris, se justifie amplement.
Ce serait une manière responsable, monsieur le rapporteur, d'ouvrir le débat que vous-même appelez de vos voeux. Je considère qu'il ne fait que s'ouvrir. Il est loin d'être clos. Car je ne crois pas qu'il sera terminé au terme de cette première lecture, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale.
M. Jean-François Le Grand. Nous ne le pensons pas non plus.
Mme Hélène Luc. Nous le continuerons avec les salariés...
Mme Hélène Luc. ... et avec les associations, très préoccupées par les problèmes d'environnement, et bien sûr aux côtés de tous les riverains des aéroports.
Je remarque que le groupe communiste républicain et citoyen est aujourd'hui proportionnellement plus présent dans cet hémicycle que tous les autres groupes ; c'est une preuve supplémentaire de notre attachement au statut d'Aéroports de Paris. Sachez que nous ferons tout pour le conserver, et nous avons bon espoir que le Conseil constitutionnel nous donnera raison ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Je demande un vote par scrutin public, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je répondrai à Mme Luc par quatre observations.
La première a trait à la question de fond, c'est-à-dire à la constitutionnalité du présent texte.
Je rappelle, tout d'abord, les termes du neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 : « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
Par ailleurs, vous avez certainement lu mon rapport.
Mme Hélène Luc. Très attentivement !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je vous en remercie et vous avez eu raison, encore que, visiblement, vous ne l'ayez pas forcément compris (Exclamations sur les travées du groupe CRC.), car j'y affirme le caractère de service public national d'ADP, ce qui prouve que, sur ce point, nous sommes tout à fait en phase.
En outre, aux termes du présent projet de loi, l'Etat reste propriétaire de la société Aéroports de Paris puisqu'il en sera l'actionnaire majoritaire.
En l'occurrence, les trois ingrédients de la constitutionnalité du texte sont réunis, sans aucune ambiguïté.
Je suis donc au regret de vous contredire, madame Luc, et heureux d'affirmer que la commission a jugé que le texte tel qu'il nous est soumis est constitutionnel.
Mme Hélène Luc. Dites-nous alors qu'Aéroports de Paris ne sera jamais privatisé !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je comprends vos inquiétudes, madame Luc, et elles m'amènent à ma deuxième observation.
C'est en effet en 1998, sur l'initiative de M. Gayssot, que la participation de l'Etat dans le capital d'Air France a été diminuée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.- Exclamations sur les travées du groupe CRC.)
M. Robert Hue. Et alors ?
Mme Hélène Luc. Cela n'a rien à voir !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Vous n'avez pas confiance en vous, chers collègues communistes, et je vous comprends. Mais vous auriez raison de nous faire confiance, parce que, s'agissant d'Aéroports de Paris, les mesures que nous prenons seront inscrites dans la loi.
M. Roger Karoutchi. Très bien !
M. Robert Hue. Pour combien de temps ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Seule la loi peut changer la loi. Si tel était le cas, il faudrait revenir devant la représentation nationale, afin d'y tenir le débat auquel vous faisiez allusion.
Ma troisième observation a trait à la défense du libéralisme. Effectivement, madame Luc, j'ai une certaine conception du libéralisme.
M. Yves Coquelle. On avait remarqué !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Et je dois dire, d'ailleurs, sans aucun orgueil, qu'elle est partagée.
Une métaphore me vient à l'esprit, celle du match de football. Dans votre conception très organisée du jeu, le joueur numéro six doit passer le ballon au joueur numéro sept, qui doit le passer au numéro neuf, qui lui-même doit le passer au numéro onze, lequel devra tenter de marquer le but.
Dans notre optique à nous, il faut faire confiance au talent des joueurs.
M. Michel Billout. On a vu pour France Télécom et La Poste !
M. Robert Hue. Vous méritez plutôt un carton rouge !
M. Robert Bret. Carton rouge !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Et cette confiance est possible à condition que les règles soient bien établies, que les limites du terrain soient clairement définies et que l'arbitre soit en possession d'un sifflet. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Robert Bret. Et les conséquences de l'argent sur le football !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Telle est notre conception du libéralisme. Elle n'a rien à voir avec celle, complètement délirante, que vous avez développée !
J'en viens à ma quatrième et dernière observation. Madame Luc, vous avez tellement fait référence au gaullisme et à ses valeurs que je me demande pourquoi vous ne franchissez pas le dernier pas ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mme Hélène Luc. Justement !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Quel talent, madame Luc ! J'ai toujours plaisir à vous entendre (Sourires.) Mais vous avez une façon de raisonner quelque peu particulière : vous partez d'une contre-vérité, et même d'un gros mensonge, ....
Mme Hélène Luc. Je ne vous permets pas, monsieur le ministre !
M. Gilles de Robien, ministre. Mais si, madame Luc, vous partez d'un vrai mensonge : vous dites que nous allons privatiser ADP. Mais c'est vous qui privatisez ! Si vous revenez au pouvoir un jour, à la faveur d'une alternance, vous pourrez privatiser, comme vous l'avez fait pour EADS Airbus.
M. Ambroise Dupont. Eh oui !
M. Gilles de Robien, ministre. Finalement, les ultra-libéraux sont peut-être aussi chez vous !
D'ailleurs, vous avez bien fait de privatiser EADS Airbus en 1999. Regardez aujourd'hui son succès dans le monde entier !
Mme Hélène Luc. Cela n'a rien à voir !
M. Gilles de Robien, ministre. Mais vous n'avez pas à rougir d'avoir privatisé EADS Airbus ! (Protestations sur les travées du groupe CRC.)
Il faut assumer cette privatisation, madame Luc, de même que votre décision d'élargissement du capital des Autoroutes du sud de la France. La mission de service public d' ASF est-elle amoindrie pour autant ? Non !
M. Robert Bret. Mais vous avez voté contre cette ouverture de capital !
M. Michel Billout. Pourquoi ne l'avez-vous pas votée, cette privatisation ?
M. Gilles de Robien, ministre. Sa mission de service public a-t-elle été restreinte pour autant ?
Assumez, madame Luc, mais ne tenez pas deux discours !
Aujourd'hui, nous nous contentons de procéder à l'ouverture du capital d'ADP.
Mme Hélène Luc. Vous ne répondez pas aux questions que je vous pose !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous affirmons dans la loi qu'ADP ne sera pas privatisé. Or vous, vous proclamez du haut de la tribune qu'il s'agit non d'une ouverture du capital mais d'une privatisation et, partant de cette erreur, de ce mensonge, parce que c'est un mensonge, ...
Mme Hélène Luc. Je vous laisse l'entière responsabilité du propos !
M. Gilles de Robien, ministre...vous en déduisez qu'ADP ne pourra plus assumer sa mission de service public.
Bien au contraire, je prétends que le présent projet de loi vise à moderniser le statut d'Aéroports de Paris, et à lui permettre d'exercer encore mieux sa mission de service public. L'arrivée de capitaux extérieurs lui donnera un style nouveau de management, lui permettra de rembourser une partie de sa dette et de se doter de moyens supplémentaires pour moderniser, non seulement les terminaux 1, 2, 3,...
M. Jean-Louis Carrère. Vous devriez privatiser les contrats de plan !
M. Gilles de Robien, ministre. ...mais, plus globalement, ce fantastique outil de développement.
Je vous rappelle, en outre, qu'un cahier des charges réglementaire encadrera les missions de service public. Vous devriez donc être totalement rassurée, madame Luc.
Mme Hélène Luc. Nous n'avons aucune garantie, aujourd'hui !
M. Gilles de Robien, ministre. Répondant également aux inquiétudes de M. Reiner, j'indique que l'Etat demeure le garant du respect des règles de sécurité et de sûreté par ADP, dont le cahier des charges formalisera les obligations. C'est l'article 6 du projet de loi.
En outre, le statut de la société anonyme est tout à fait compatible avec une stratégie mettant la sécurité au centre des préoccupations des aéroports.
Observez, monsieur Reiner, madame Luc, ce qui se passe dans les grands aéroports européens. En Allemagne, où, si je me souviens bien, le gouvernement est plutôt de gauche ou de centre gauche...
Mme Hélène Luc. Oh !
M. Michel Billout. Si peu !
M. Gilles de Robien, ministre. ...l'aéroport de Francfort a le statut que nous préconisons pour ADP, ce qui devrait finir de vous rassurer.
Mme Hélène Luc. Oh non !
M. Gilles de Robien, ministre. Enfin, s'agissant de la propriété des terrains d'ADP, nous avons opté dans la loi pour un régime de domanialité privée - seule solution vraiment opérationnelle en l'espèce - assortie néanmoins d'une détention majoritaire du capital de la société par l'Etat.
L'inscription dans la loi de tous les éléments qui précèdent constitue la meilleure des garanties que le Gouvernement puisse vous donner, madame Luc.
Mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les raisons pour lesquelles cette motion tendant à déclarer ce projet de loi irrecevable ne me paraît aucunement fondée. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour explication de vote.
Mme Hélène Luc. Je souhaite donner lecture des articles 1er et 2 de l'ordonnance du 24 octobre 1945 portant création de l'aéroport de Paris. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)
« Article 1er -. Il est institué, sous le nom d'aéroport de Paris, un établissement public doté de l'autonomie financière et placé sous l'autorité du ministre de l'air.
« Article 2 - L'aéroport de Paris est chargé d'aménager, d'exploiter et de développer l'ensemble des installations de transport civil aérien ayant leur centre dans la région parisienne et qui ont pour objet de faciliter l'arrivée et le départ des avions, de guider la navigation, d'assurer l'embarquement, le débarquement et l'acheminement à terre des voyageurs, des marchandises et du courrier transportés par air, ainsi que toutes installations annexes.
« Il se tient en liaison permanente avec les autres aérodromes, français et étrangers, auxquels il pourrait éventuellement demander ou prêter le concours qu'imposeraient les nécessités du trafic aérien. »
Voilà une extraordinaire définition des missions de service public d'ADP.
Or, aujourd'hui, pour toute réponse, le président d'ADP déclare : « Ma stratégie est claire : transformer ADP en véritable entreprise de services ».
M. Roger Karoutchi. Et alors ?
Mme Janine Rozier. Oui, et alors ?
Mme Hélène Luc. Je le redis et je ne le répéterai jamais assez, nous n'acceptons pas cette stratégie et nous ne sommes sûrement pas les seuls à la refuser, même au sein de cette assemblée, vous le verrez, monsieur le ministre !
M. Roger Karoutchi. Il n' y a plus de ministère de la guerre, au cas où vous ne l'auriez pas remarqué !
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Pour achever de vous tranquilliser, madame Luc, je vous demande de relire avec moi, à l'article 6 du projet de loi, le début du texte proposé pour l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile : « La société Aéroports de Paris est chargée d'aménager, d'exploiter et de développer les aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget ».
Vous le voyez, c'est le même objet que celui de l'ordonnance de 1945 !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 69, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 34 :
Nombre de votants | 329 |
Nombre de suffrages exprimés | 329 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 165 |
Pour l'adoption | 119 |
Contre | 210 |
Le Sénat n'a pas adopté. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
Mes chers collègues, avant de suspendre la séance, je vous rappelle que, à seize heures, dans cet hémicycle, se déroulera la commémoration de la séance inaugurale de l'Assemblée consultative provisoire du 9 novembre 1944, sous la présidence de M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Après l'allocution du président du Sénat, un représentant de chaque groupe politique prendra la parole, puis M. Alain Delon lira le discours prononcé, le 9 novembre 1944, par le général de Gaulle, président du Gouvernement provisoire de la République française.
La séance reprendra ce soir, à vingt et une heures trente, pour la suite de la discussion du projet de loi relatif aux aéroports.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
6
modification de l'ordre du jour
M. le président. M. le président du sénat a reçu de M. Henri Cuq, ministre délégué aux relations avec le Parlement, la lettre suivante :
« Monsieur le président,
« En application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement modifie comme suit l'ordre du jour de la séance du mercredi 10 novembre 2004 :
« mercredi 10 novembre, l'après-midi et, éventuellement, le soir :
« - déclaration du Gouvernement sur la situation en Côte-d'Ivoire ;
« - débat sur les prélèvements obligatoires ;
« - quatre conventions internationales ;
« - projet de loi portant règlement définitif du budget de 2003.
« Je vous prie d'agréer, monsieur le président, l'expression de mes sentiments fidèles et dévoués. »
« Signé : Henri Cuq »
Acte est donné de cette communication, et la séance du 10 novembre commencera par une déclaration du Gouvernement sur la situation en Côte-d'Ivoire.
Je vous rappelle qu'en application de l'article 39, alinéa 3, du règlement, cette déclaration ouvre, pour un seul sénateur par groupe, un droit de réponse n'excédant pas cinq minutes.
7
Aéroports
Suite de la discussion et adoption d'un projet de loi
M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi relatif aux aéroports.
Nous en sommes parvenus à la motion tendant à opposer la question préalable.
Question préalable
M. le président. Je suis saisi, par MM. Hue, Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, d'une motion n° 11 rectifié, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi relatif aux aéroports (n° 452, 2003-2004).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Robert Hue, auteur de la motion,...
Mme Hélène Luc. C'est son « baptême du feu » au Sénat, monsieur le président !
M. le président. ...à qui je suis en effet heureux de donner pour la première fois la parole dans cette enceinte.
M. Robert Hue. Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le ministre, la question préalable que nous opposons à ce projet de loi vise à démontrer à notre assemblée que ce texte dépasse très largement la seule question du changement de statut juridique de l'entreprise Aéroports de Paris.
En effet, au-delà de ce texte constitué d'articles aussi lapidaires qu'inquiétants, se cachent des enjeux très lourds de conséquences, non seulement pour les usagers et les salariés du transport aérien, mais aussi pour les habitants et les élus locaux riverains des plateformes aéroportuaires.
Il s'agit bien d'un projet de loi s'inscrivant dans le cadre de la déréglementation européenne des services publics de transport aérien.
Vous le savez, derrière la question du statut juridique d'Aéroports de Paris, se jouent d'autres questions : questions d'aménagement du territoire, de maîtrise foncière, d'environnement,...
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Robert Hue. ...d'avenir financier des collectivités locales riveraines, de protection et de sécurité, de transparence, de démocratie, et encore d'avenir pour ce qui concerne la compagnie Air France. Tout cela mérite bien mieux qu'un débat législatif et un projet de loi bâclés et engagés à la hussarde.
Nous ne sommes pas les seuls à regretter le manque de concertation évident qui a présidé à la préparation de ce texte et qui s'est traduit par une unique audition du président d'ADP, Pierre Graff.
Dans ce contexte, comment ne pas s'étonner des inquiétudes exprimées par nombre d'interlocuteurs, de professionnels et de représentants syndicaux de l'aviation civile, de l'aviation marchande et des compagnies aériennes qui tous regrettent cet état de fait alors qu'aucune urgence dans l'actualité ne rendait nécessaire l'adoption d'un tel calendrier ?
Le communiqué de la fédération nationale de l'aviation marchande est, à ce sujet, éloquent en même temps qu'il révèle la hauteur des enjeux de ce projet de loi.
Il commence ainsi : « La profession s'étonne et regrette vivement que les pouvoirs publics n'aient pas jugé utile de répondre à sa demande d'être consultée dans l'élaboration de ce projet ». Et la fédération nationale de l'aviation conclut : « Au-delà des intérêts propres, les enjeux économiques, sociaux et d'aménagement attachés à ce projet justifient qu'il fasse l'objet d'un large débat public. »
Nous ne disons pas autre chose.
Les élus locaux et les associations de riverains ont déjà subi les effets des visions technocratiques et du manque de transparence de cette entreprise dans ses décisions, qui concernent pourtant la vie quotidienne de dizaines de milliers de riverains des plateformes aéroportuaires. Nous pouvons donc aisément et légitimement nous inquiéter du comportement qui sera celui de l'entreprise ADP, lorsque celle-ci sera libérée de ce qu'elle appelle les « contraintes » que lui impose son statut actuel.
Si nous savons que nationalisation et étatisation ne riment pas systématiquement avec démocratie et transparence, vous savez que privatisation et libéralisation sont foncièrement antinomiques de ces notions. L'expérience le montre, ici et ailleurs...
Oui, ce texte de privatisation est gravissime et nous y sommes radicalement opposés.
Ainsi, quand l'exposé des motifs justifiant cette loi invoquent de nouveaux besoins en termes de capacité d'accueil et de réactivité des grandes plateformes aéroportuaires, la volonté de créer les conditions d'un nouveau développement du hub d'Air France à Roissy - Charles-de-Gaulle dans un contexte d'intensification de la concurrence et celle de se doter de modes de fonctionnement compétitifs, la transparence et la vie quotidienne des riverains, nous savons que tous ces éléments ne seront pas les priorités de l'entreprise gestionnaire.
Au contraire, monsieur le ministre, votre vision et votre perception d'un nouveau développement du transport aérien ne peuvent qu'alarmer davantage les salariés et les riverains de Roissy, les élus d'Ile-de-France et, plus particulièrement, vous le comprendrez, l'élu val-d'oisien que je suis.
Au-delà de la concentration des moyens sur les dessertes jugées rentables, laquelle crée de véritables disparités territoriales que le projet de loi va obligatoirement renforcer, nous entérinerions, si celui-ci était voté en l'état, une nouvelle escalade des nuisances, déjà considérables, subies par les riverains de Roissy - Charles-de-Gaulle.
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Robert Hue. Ces nuisances sont mêmes telles que, comme bien d'autres, l'ensemble des élus de mon département s'étaient, toutes sensibilités confondues, mobilisés en faveur de l'idée d'un troisième aéroport hors d'Ile-de-France et avaient applaudi, en son temps, cette décision d'un gouvernement de gauche.
Vous décidez, monsieur le ministre, de rompre cet engagement de l'Etat ; nombre de mes collègues val-d'oisiens appartenant à votre majorité - et, parmi eux, un ministre de votre gouvernement - se taisent, hélas ! aujourd'hui, mais que deviennent les promesses faites de plafonnement du nombre de mouvements journaliers dans le ciel de Roissy - Charles-de-Gaulle et d'interdiction - non pas seulement de diminution - des vols de nuit ?
On atteint déjà 700 000 mouvements annuels au lieu des 550 000 annoncés et la perspective d'un développement de 4,3 % par an de l'aviation civile nous amènera très rapidement à un million de mouvements sur Roissy.
Les conséquences pour les 400 000 riverains de l'aéroport qui subissent quotidiennement ces nuisances ne sont pas neutres, ce que démontre une enquête épidémiologique récente - d'ailleurs en partie financée par les collectivités territoriales, notamment par le conseil général du Val-d'Oise - qui met particulièrement l'accent sur la nocivité des vols de nuit, générateurs de stress, d'insomnie et d'accentuation des pathologies cardiovasculaires.
Une seconde enquête, diligentée au début de 2004 par AIRPARIF, fait quant à elle apparaître que les riverains de Roissy - Charles-de-Gaulle sont soumis à un niveau de pollution identique à celui que subissent les riverains du périphérique parisien.
Face à de tels problèmes de santé publique et à la perspective d'un doublement du volume de transport aérien d'ici à 2015, les motifs évoqués dans ce projet de loi pour dessaisir l'Etat et pour confier la gestion des plateformes aéroportuaires à un prestataire privé ne peuvent que nous inquiéter et recueillir notre opposition la plus radicale.
La volonté de confier à Aéroports de Paris la gestion de l'ensemble du foncier appartenant à l'Etat sur le périmètre des aéroports est également un choix extrêmement dangereux pour l'avenir.
De fait, ce projet de loi, qui fait suite à la mise en place des communautés aéroportuaires, entérine le fait que les élus locaux n'auront plus, dans l'avenir, leur mot à dire sur les questions essentielles d'aménagement du territoire.
Pour exemple, les ambitions dévoilées du P-DG d'ADP sur le développement débridé du commerce sur Roissy - Charles-de-Gaulle, sans réflexion ni concertation, sont révélatrices des dangers sous-jacents en la matière.
La presse régionale faisait justement état ce week-end du comportement unilatéral d'Aéroports de Paris dans ses projets commerciaux : elle relatait qu'autour d'un projet commercial de 50 000 mètres carrés ni les chambres consulaires ni les élus concernés n'avaient été consultés, prouvant ainsi que l'entreprise ne se sent nullement préoccupée des questions d'un développement harmonieux du territoire, sur lesquelles elle avait pourtant été bien souvent interpellée.
Quand l'on sait que ADP possède déjà d'énormes réserves foncières, allant bien au-delà des périmètres des plateformes actuelles, c'est une vraie question de démocratie, de maîtrise et d'avenir des territoires que nous vous soumettons au travers de cette motion.
Il n'est d'ailleurs pas inintéressant de noter que nos partenaires étrangers et leurs gouvernements concernés par la question de propriété des installations aéroportuaires ont consacré à celle-ci d'importants débats pour décider, comme aux Etats-Unis - que l'on ne peut soupçonner d'être le fer de lance du « tout public » -, que les aéroports demeureraient des propriétés publiques ou, comme à Amsterdam, que l'on travaillerait à un fonctionnement par bail sans pour autant dessaisir l'Etat de sa propriété.
Je voudrais également pointer, au travers de cette question préalable, le problème de la sécurité aérienne. Au moment où ce projet vise, selon le Gouvernement, à adapter notre pays à la concurrence exacerbée que connaît l'aviation civile, il est impératif de faire de la sécurité un élément incontournable sur lequel l'Etat français ne peut transiger.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si je dis cela, c'est bien parce qu'en l'état ce projet de loi ne peut nous rassurer et qu'il est nécessaire de clairement réaffirmer que la sécurité relève intégralement de l'Etat, au travers de la seule direction générale de l'aviation civile. Or le poids donné à Aéroports de Paris, qui devient propriétaire des installations destinées aussi à la sécurité et à l'entretien des équipements, ne clarifie pas mais au contraire complexifie davantage cette question essentielle.
C'est d'autant plus vrai que nous ne pouvons faire nôtres les conceptions de la Commission européenne quand elle affirme « qu'il ne fait aucun doute que la communication, la navigation, la surveillance, l'information aéronautique et le traitement des données de vol pourraient être fournis sur une base concurrentielle. Cela renforcerait aussi les relations entre les fournisseurs et leur clientèle en facilitant des compromis entre la qualité des services et des coûts ».
Cela fait froid dans le dos et renforce l'idée que la sécurité et le contrôle aériens doivent être impérativement exclus du champ concurrentiel afin qu'ils puissent être assurés en toute indépendance. Malheureusement, force est de constater que le texte proposé et les motifs évoqués ne garantissent pas cette nécessaire indépendance financière, technique, morale, matérielle et humaine.
Je souhaite enfin évoquer la relation entre ce projet de loi et l'avenir de l'entreprise Air France, principal utilisateur des aéroports français.
Il nous faut en effet mesurer que la mainmise d'Aéroports de Paris sur la gestion et l'organisation des plateformes d'Orly et Roissy sera sensible et importante sur ce qui a précisément fait le succès d'Air France à l'échelle internationale.
Air France a tiré sa force de l'organisation de son hub fondée sur la succession des créneaux de départs et d'arrivées modulables entre périodes creuses et périodes de pointe. Or la modulation proposée de la redevance et la mise en dépendance de la compagnie nationale vis-à-vis de l'exploitation de l'aéroport pénaliserait économiquement et de fait l'entreprise Air France.
Il y a là un véritable danger axé sur une double tentation : baisser les tarifs pour attirer les compagnies low cost et les augmenter aux heures de pointe. Ne nous y trompons pas ! Ce sont des risques non négligeables pour Air France.
Vous le constatez, monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, ce projet de loi, s'il était adopté en l'état, aurait des conséquences humaines, économiques, territoriales, démocratiques dépassant la question du statut juridique des plateformes aéroportuaires. C'est pourquoi il aurait mérité un tout autre traitement que la précipitation.
Il appelait un large débat public rassemblant tous les acteurs concernés : professionnels, riverains, salariés et élus.
Ce débat, comme vous le savez, n'a pas eu lieu. Voilà pourquoi nous opposons la question préalable à ce projet de loi qui est préjudiciable tant aux missions de service public aéroportuaire qu'au développement d'Aéroports de Paris et de l'ensemble des grands aéroports régionaux. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, je vais reprendre les mêmes arguments que ceux que j'ai utilisés contre la motion défendue par Mme Luc.
Je préciserai, toutefois, mon cher collègue, que la privatisation n'est pas à l'ordre du jour.
Que vous n'ayez pas confiance en vous,...
M. Robert Hue. C'est en vous que nous n'avons pas confiance !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ...je le comprends, mais ayez confiance en nous puisque nous l'avons inscrit dans la loi. Nous ne pouvons pas faire mieux !
Ensuite, je vous ferai observer, que ce n'est pas en pénalisant les mauvais élèves et notamment les compagnies polluantes que l'on risquera d'accroître les nuisances sonores, comme vous l'avez laissé entendre, puisque l'objet de la modulation des redevances est, au contraire, de les réduire.
Enfin, puisque vous dites souhaiter un débat, pourquoi le refusez-vous à la représentation nationale ?
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, de l'aménagement du territoire, du tourisme et de la mer. Je vous rappellerai, monsieur Hue, que l'objectif du projet de loi est de donner de l'oxygène à ADP, qui se trouve aujourd'hui, un peu étriqué, « corseté » pour reprendre le terme plus exact de M. le rapporteur. Or l'ouverture du capital se traduit forcément par une rentrée d'argent.
Je rappelle aussi que, quel que soit le cas de figure, le Gouvernement restera majoritaire : cette ligne de force du projet de loi ne doit pas être oubliée au profit de la rhétorique. C'est un point très important dont vous devez informer tous ceux qui pourraient être inquiets.
A chaque réforme, des inquiétudes se font jour, ce qui est bien compréhensible, mais il appartient aux membres du Gouvernement ainsi que, le cas échéant, aux parlementaires s'ils le jugent utile, d'expliciter le texte en discussion. En l'occurrence, je le répète, il n'y pas privatisation !
Par conséquent, en réponse à vos arguments auxquels je suis sensible, notamment quand ils ont trait à l'environnement, je dirai que, depuis bien des années, jamais autant de mesures n'ont été prises en vue de contenir les nuisances aériennes générées par Roissy et Orly que depuis deux ans.
Vous rappeliez les traumatismes nocturnes dus notamment au manque de sommeil : le Gouvernement a diminué de 15 % les vols nocturnes. Alors qu'il était délicat de demander à La Poste de trouver des créneaux horaires avant vingt-trois heures et après cinq heures du matin, cette dernière est parvenue, en Bretagne et ailleurs, à avancer de quelques heures tout son système de ramassage de courrier. Cela s'est fait au prix d'énormes efforts, mais il n'empêche que les avions les plus bruyants, dont certains appareils de La Poste, ne se posent plus de nuit à Roissy. Il fallait le faire, ce n'était pas facile et nous l'avons fait !
Votre deuxième argument est celui de la sécurité, mais il ne faut pas jouer sur les peurs. Ce n'est pas parce qu'une minorité du capital sera détenue par des gens compétents en matière de gestion, et alors même que la majorité du capital restera dans les mains de l'Etat, lequel conservera naturellement ses obligations d'assurer les principales missions de service public, au premier rang desquelles la sécurité, que l'on fera courir le moindre risque aux passagers. A cet égard, je vous rappelle que le Gouvernement a pris l'initiative, à la suite de l'accident de Charm el-Cheikh, dans lequel l'avion impliqué n'était pas français, d'augmenter encore les critères de sécurité en créant un label qui deviendra opérationnel en 2005. La France est un modèle en la matière et la Commission européenne est en train de reprendre ses idées pour les appliquer à l'ensemble de l'Europe.
Vos objections, monsieur le sénateur, me touchent réellement car nous nous sommes totalement mobilisés sur les questions de sécurité et d'environnement.
Vous avez déclaré que nous avons abandonné le projet de troisième aéroport. Vous savez parfaitement qu'il y a eu, non pas un projet de troisième aéroport, mais une simple annonce à la veille des élections, ce qui est différent.
Nous jouons, pour ce qui nous concerne, sur un troisième réseau d'aéroports. Comme, à ce propos, vous vous inquiétez de l'aménagement du territoire, je souligne que ce troisième réseau d'aéroports vient précisément aider les territoires dotés d'aéroports régionaux qui ne demandent qu'à amplifier leur trafic dans la mesure où celui-ci génère de la richesse. Avec ce troisième réseau d'aéroports, nous aménagerons mieux le territoire qu'en implantant un troisième aéroport mastodonte soit dans la région Centre, soit à l'emplacement du cimetière militaire des victimes de la Grande Guerre, dans la Somme.
Vos arguments seraient justifiés ou mériteraient d'être approfondis si l'Etat ne restait pas majoritaire. Puisque tel n'est pas le cas, après votre argumentation que j'ai écoutée avec beaucoup d'attention, j'estime qu'il n'y a pas lieu d'interrompre la discussion du projet de loi. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cette motion tendant à opposer la question préalable.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 11 rectifié, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 35 :
Nombre de votants | 322 |
Nombre de suffrages exprimés | 322 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 162 |
Pour l'adoption | 118 |
Contre | 204 |
Le Sénat n'a pas adopté.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 33, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
En application de l'article 44, alinéa 5, du Règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires économiques et du plan le projet de loi relatif aux aéroports (n° 452, 20032004).
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8 du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à M. Daniel Reiner, auteur de la motion.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous proposons par cette motion de renvoyer le projet de loi qui nous est soumis aujourd'hui devant la commission des affaires économiques et du plan. A nos yeux, trois raisons justifient ce renvoi, raisons que vous me permettrez de détailler en m'en tenant à la forme puisque, en ce qui concerne le fond, j'ai eu l'occasion de donner mon sentiment lors de la discussion générale.
Tout d'abord, ce texte n'a pas, selon nous, fait l'objet d'une concertation suffisante : seul le Président d'ADP- cela a déjà été souligné - a été auditionné par la commission. Nous n'avons pas, à notre grand regret, entendu M. le ministre sur le sujet.
De plus, il semblerait que le Gouvernement n'ait pas jugé utile de consulter de manière approfondie les transporteurs aériens dans la phase de rédaction de son texte. Les représentants de la Fédération nationale de l'aviation marchande l'ont d'ailleurs sérieusement déploré lors de la dernière réunion du Conseil supérieur de l'aviation marchande : monsieur le rapporteur, pour y avoir assisté tout comme moi, vous avez entendu ces propos qui étaient fort sévères. Ne pas associer les transporteurs aériens à un texte d'une telle importance pose véritablement un problème.
Ensuite, ce texte législatif, somme toute assez court, ne peut que nous choquer, nous parlementaires, indépendamment des travées sur lesquelles nous siégeons, dans la mesure où il ouvre une trop large voie à l'exercice du pouvoir réglementaire. Il prévoit de trop nombreux décrets en Conseil d'Etat : au moins sept, plus quelques décrets simples, soit quasiment un par article. Et aucun projet de décret, il faut le dire à la représentation nationale, n'a été porté à la connaissance des membres de la commission.
Or ces décrets ne sont pas de simples modalités techniques d'application : ils vont, de fait, régir l'organisation de tout le système aéroportuaire français. Et cette réorganisation devait être opérée, avez-vous dit, dans la mesure où elle n'avait pas eu lieu depuis 1945.
Ces décrets vont ainsi fixer la liste des biens du domaine public des aéroports qui sont nécessaires à l'exercice des missions de service public et qui ne seront pas déclassés, ce qui signifie en clair que l'élaboration de cette liste nous échappera. Cette question de la nature publique ou privée des biens est essentielle. En effet, s'agissant des biens déclassés, on sait pertinemment que les actionnaires privés auront une tendance, fâcheuse à nos yeux, à les valoriser sous la forme la plus rentable possible, en privilégiant sans doute les activités commerciales au détriment d'activités liées à la seule navigation aérienne. Or, à notre sens, la navigation aérienne doit rester la priorité de la future société.
Ces décrets fixeront également : les statuts initiaux de la société Aéroports de Paris, dont nous n'avons aucune connaissance ; la liste des aérodromes de la région d'Ile de France concernés par le changement de statut ; la liste des grands aéroports régionaux actuellement gérés par des chambres de commerce et d'industrie, CCI, et qui pourront changer de statut - certes, une liste circule, mais je note qu'un journal du soir évoque l'éventualité d'un aéroport supplémentaire, ce qui prouve qu'elle n'est pas définitivement arrêtée.
Ils fixeront aussi les conditions de détermination des bases annuelles des redevances aéroportuaires, en l'absence de contrats entre l'Etat et les sociétés gestionnaires, ainsi que les modalités d'application des redevances aéroportuaires et le seuil de trafic des aéroports sur lesquels seront exercées des activités d'assistance en escale.
Cette deuxième raison de demander le renvoi à la commission nous semble essentielle puisque les parlementaires se trouvent par là privés, en quelque sorte, d'une part de leurs pouvoirs législatifs.
Enfin, l'article 6, qui renvoie toute la gestion du système aéroportuaire parisien à un cahier des charges dont nous n'avons pas la moindre idée et qui sera approuvé par décret en Conseil d'Etat, nous semble à lui seul nécessiter une nouvelle étude ou à tout le moins le renvoi du texte en commission.
Le président de la commission des affaires économiques a d'ailleurs déclaré, le 13 octobre dernier, lors de la réunion de la commission, qu'il était indispensable que celle-ci obtienne quelques précisions sur le cahier des charges - le rapporteur nous a d'ailleurs indiqué qu'il ferait quelques efforts en ce sens, efforts qui, semble-t-il, n'ont pas abouti - dans la mesure où il ne pouvait être envisagé d'approuver des dispositions qui renvoyaient très largement audit cahier des charges.
Ainsi, ce cahier des charges organise la gestion des services publics par ADP : la police administrative - pour la prévention du péril aviaire, la lutte contre les incendies d'aéronefs par exemple -, ainsi que la répartition des transporteurs entre les aérodromes et les différentes aérogares. Il organise aussi la participation éventuelle aux services de navigation aérienne exercés par l'Etat, le contrôle technique, administratif et financier de l'Etat, le contrôle des contrats confiés par ADP à des tiers sur des missions de service public et le droit pour l'Etat de s'opposer à la cession de terrains ou d'ouvrages liés à des missions de service public.
Comment imaginer débattre de ce texte sans avoir au moins examiné en commission un avant-projet de ce cahier des charges ?
Je ne veux pas être plus royaliste que le roi, mais je remarque que, dans son rapport au nom de la commission des finances, M. le rapporteur pour avis a fait part de son dépit, notant que la rédaction de l'article 6 laissait dans l'ombre de nombreux points qui sont de fait renvoyés au cahier des charges. Il a regretté en particulier que des éléments aussi cruciaux que le principe de non-discrimination ou que la définition des obligations de service public ne soient pas inscrits formellement dans la loi.
Il s'est de plus inquiété que plusieurs logiques puissent s'affronter en ce qui concerne les biens transférés à ADP qui, en effet, peut être tenté de rentabiliser au mieux son patrimoine, ce qui est cohérent pour une société anonyme, mais est susceptible à terme d'entrer en conflit avec la mission de service public.
Il importe donc d'identifier très clairement dans le texte de loi les éléments qui devront impérativement figurer dans le cahier des charges et être le cas échéant portés à l'appréciation du juge. Je sais qu'un amendement relatif à l'article 6 apportera quelques précisions, mais pas toutes celles que nous avions souhaitées.
Nous nous interrogeons par ailleurs sur la précipitation du Gouvernement, précipitation que M. le rapporteur reconnaît puisqu'il nous proposera tout à l'heure un amendement en vue de repousser l'entrée en vigueur des dispositions relatives à ADP, les décrets d'application ne pouvant à l'évidence être prêts pour le 1er janvier prochain.
J'espère, mes chers collègues, par ces arguments raisonnables, qui portent essentiellement sur la forme puisqu'il s'agit d'une motion de renvoi, vous avoir montré que, compte tenu de l'importance du sujet, qui n'avait quasiment pas été évoqué depuis 1945, et qui pose à l'évidence de nombreuses questions en terme de sécurité, de sûreté, de protection de l'environnement, le Sénat devrait se donner les moyens d'élaborer un bon texte, d'en mesurer toutes les conséquences, sans nécessairement signer un chèque en blanc au Gouvernement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je voudrais d'abord saluer la modération des propos de notre collègue par rapport aux propos entendus lors de la défense des deux précédentes motions, sur lesquelles la commission s'est prononcée défavorablement.
Mon cher collègue, vous avez compris combien il était nécessaire de moderniser les outils économiques pour satisfaire les attentes de nos concitoyens. Je vous en remercie.
Cela dit, je rappellerai, que, selon la tradition qui a cours dans notre assemblée, j'ai auditionné largement. J'ai en effet procédé à une vingtaine d'auditions ; j'ai notamment consulté l'ensemble des acteurs du transport aérien.
Mme Hélène Luc. Cela n'a pas été assez approfondi !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est fort de ces consultations que je me suis permis de formuler un certain nombre d'observations et de proposer un certain nombre d'amendements sur les différents articles.
Il est dès lors un peu incohérent de me reprocher un manque de concertation et de souhaiter le renvoi en commission : la commission a bien auditionné - je m'en porte garant -, et je tiens à votre disposition, mon cher collègue, l'ensemble des procès verbaux.
Dans son travail d'examen, la commission a eu une double approche. Elle a désiré, d'une part, inscrire dans le texte un certain nombre de principes et, d'autre part, faire en sorte que le ministre nous précise un certain nombre de ses orientations.
Vous avez dit qu'il était regrettable de faire référence à un cahier des charges. Mais, mon cher collègue, justement l'amendement n° 2, adopté par la commission, vise à « rapatrier » « dans la loi les principes, laissant au règlement ce qui relève du caractère réglementaire. Nous nous battons suffisamment dans cette assemblée pour que la loi soit vraiment la loi et pour laisser au décret la place qui doit lui revenir.
La proposition qui nous était faite était effectivement insuffisante, et cela parce que le cahier des charges était lui-même en confection. Nous avions suggéré que ce cahier soit mis en annexe. Finalement, nous avons fait mieux : nous avons mis les principes dans la loi et laissé au règlement ce qui relève du règlement.
Non seulement, monsieur Reiner, vous avez satisfaction quant à votre souhait, mais en outre vous pouvez vous « auto- féliciter » puisque vous êtes membre de la commission et que celle-ci a bien travaillé.
M. Daniel Reiner. Ce fut laborieux.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Non, cela n'a pas été laborieux ; nous avons fait, au contraire, un travail très intéressant.
M. Daniel Reiner. C'est le plaidoyer qui est un peu laborieux.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Enfin, concernant le risque de dérapage d'une conception « transport aérien » vers une conception plus marchande, vous aurez satisfaction avec l'amendement n° 6, qui sera présenté avant l'article 8.
L'avis de la commission sur cette motion est donc défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Tout ce projet de loi est évidemment inspiré par le souci de l'intérêt des usagers ; c'est en tout cas ce qui a guidé notre démarche.
Les consultations ont été nombreuses ; elles se poursuivent d'ailleurs à un rythme soutenu pour ce qui concerne l'élaboration des textes réglementaires qui viendront parfaire le dispositif.
M. le rapporteur, dont j'ai souligné tout à l'heure le travail de qualité, a eu l'occasion d'auditionner de manière approfondie les représentants d'ADP, des transporteurs aériens, des chambres de commerce, des organisations syndicales et des ministères concernés. Il y a eu, je peux vous le dire, un formidable travail d'auditions.
Au cours de l'été dernier, les représentants des compagnies ont été informés des grandes lignes du projet de loi. Pour autant, le texte n'a pas été soumis à des tiers avant d'être communiqué aux parlementaires, parce que nous estimons qu'il y va du respect que le Gouvernement doit au Parlement.
Enfin, monsieur le sénateur, qu'une partie de la réforme soit renvoyée à des textes réglementaires me paraît répondre aux dispositions constitutionnelles : il y a le domaine de la loi et le domaine du règlement. A trop charger les textes de loi, on ne s'y retrouve plus. Le domaine de la loi me semble parfaitement respecté dans le texte qui vous est soumis.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement ne souhaite pas voir ce texte renvoyé en commission.
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 33, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 36 :
Nombre de votants | 321 |
Nombre de suffrages exprimés | 314 |
Majorité absolue des suffrages exprimés | 158 |
Pour l'adoption | 118 |
Contre | 196 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Titre IER
Dispositions relatives à la société Aéroports de Paris
Article 1er
L'établissement public Aéroports de Paris est transformé en société anonyme. Cette transformation n'emporte ni création d'une personne morale nouvelle ni conséquence sur le régime juridique auquel sont soumis les personnels.
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, sur l'article.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il est évident qu'un immense fossé sépare l'ordonnance du 24 octobre 1945, que j'évoquais ce matin, et le projet de loi que vous soumettez aujourd'hui à notre examen.
Cette ordonnance déterminait les éléments qui faisaient partie de l'ensemble constitué par l'aéroport et qui comprenaient : les aérodromes ouverts à la navigation aérienne civile, les voies d'accès aux aérodromes destinées au trafic des lignes aériennes mondiales, continentales et nationales, les routes aériennes réservées aux transports commerciaux, les dispositifs de protection de ces routes, les installations et dépendances rattachées à l'aéroport en vue de permettre son exploitation complète.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, tout était prévu et c'est pour cette raison que cela a fonctionné. Pourquoi changer ce qui marche ? Cela ne signifie pas pour autant qu'il ne faille pas apporter d'améliorations.
L'aéroport d'Orly, inauguré dans les années soixante, a été le monument le plus visité par les Parisiens, les Français en général et les touristes.
Roissy est devenu l'un des plus grands aéroports du monde.
Et je n'oublie pas Air France, notre compagnie nationale, que le monde entier nous envie pour son savoir-faire et son personnel si qualifié, et que, malheureusement, vous avez privatisée.
Dans un premier temps, lors du colloque « Transport avenir », il avait été envisagé de ne pas toucher au statut de Roissy, d'Orly et du Bourget. Mais le vent du libéralisme ? encore lui ! ? a soufflé si fort que vous avez cédé à cette tentation, comme votre Gouvernement cède à la pression du MEDEF.
Et voilà qu'aujourd'hui le président d'Aéroports de Paris énonce clairement son objectif : « Ma stratégie est claire : transformer ADP en véritable entreprise de services ».
Monsieur le ministre, mes chers collègues, qu'est devenue la volonté du législateur de 1945, représentant le peuple qui avait libéré la France, et qui voulait sa prospérité grâce à cet outil formidable du service public à la française, comme l'a rappelé tout à l'heure mon amie Nicole Borvo lors de la commémoration de la séance inaugurale de l'Assemblée consultative provisoire du 9 novembre 1944 ?
Que sont devenues les voies d'accès aux aérodromes ? Je citerai en particulier celles d'Orly, déjà saturées : aucune ligne de métro ne dessert l'aéroport, alors que les conseils généraux du Val-de-Marne et de l'Essonne le demandent depuis longtemps.
Croyez-vous que les habitants du Val-de-Marne attendent la création d'un centre commercial à Orly, par exemple, alors que le département de l'Essonne regorge déjà de tels centres ? Belle-Epine, Créteil, etc, ? entraînant la disparition des petits commerces qui rendent tant de services ? Il n'est pas utile de transformer le statut d'ADP pour ajouter encore des commerces ou autres projets !
Qui peut dire, si votre loi était appliquée ? malheureusement, je crains qu'elle ne soit votée ?, ce qu'il adviendrait d'Air France dans la guerre de concurrence entre les aéroports qui ne manquera pas de se produire ? Qu'on le veuille ou non, la sécurité des passagers et des riverains passerait au second plan.
Qu'adviendrait-il de la protection de l'environnement ? Le bruit et la pollution pourraient-ils être maîtrisés si, par exemple, les émirats arabes investissaient en force le ciel européen avec tous les avions gros porteurs qu'ils viennent d'acheter ? Se préoccuperaient-ils des riverains ? Il y a de quoi s'inquiéter, car on sait très bien qu'ils ne rendront de compte à personne.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, à Orly ou à Roissy, ce n'est pas un centre commercial qui résorbera le chômage !
Avec les conseils généraux du Val-de-Marne et de l'Essonne, nous avons des propositions à formuler pour créer des emplois autour du pôle Orly - Rungis. Or, monsieur le ministre, la table ronde que les présidents de ces deux conseils généraux vous réclament depuis deux ans n'a toujours pas eu lieu au ministère. Nous vous demandons de l'organiser instamment.
Il faut préserver l'environnement, voire l'améliorer, en réduisant le nombre de camions en circulation. Or, à Valenton, vous laissez fermer le centre national de containers, après que 100 millions de francs eurent été investis pour le ferroutage.
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, un débat au Parlement est nécessaire non seulement sur le transport aérien mais aussi sur toute la politique du transport.
Les Franciliens, les Marseillais, les Lillois et bien d'autres Français subissent des agressions dues à la pollution et au bruit, qu'il faudra bien faire diminuer. J'en parle en connaissance de cause puisque c'est le cas dans ma ville de Choisy-le-Roi. Et pourtant, vous avez supprimé la zone de protection pour l'environnement.
Disant tout cela, je ne m'éloigne pas du sujet, bien au contraire : je fais le lien entre toutes les mesures proposées par le Gouvernement et avalisées par la majorité parlementaire au Sénat et à l'Assemblée nationale.
Il s'agit de la suite logique de la modification de la Constitution qui a transformé la République Française une et indivisible en République décentralisée. Celle-ci est source d'inégalité entre les régions françaises, fait appel à la privatisation des services et aboutit pour le transport aérien à la privatisation annoncée d'Air France.
M. le président. Vous avez largement dépassé votre temps de parole, madame Luc !
Mme Hélène Luc. Je conclus, monsieur le président !
Nous allons nous battre d'arrache-pied, monsieur le ministre, bien qu'à armes inégales puisque ce projet arrive trop vite en discussion et que l'on ne permet pas au Parlement de mener la bataille qu'il souhaiterait conduire au côté des acteurs concernés !
Avec les salariés, nous allons alerter les usagers, les riverains et tous les Français concernés et, dès aujourd'hui, présenter nos amendements et les défendre.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 12 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
L'amendement n° 34 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout, pour défendre l'amendement n° 12.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous ne serez pas étonnés que, pour témoigner de notre totale opposition à ce projet de loi, nous ayons déposé des amendements de suppression sur chacun de ses seize articles.
Pour ne pas abuser du temps de notre assemblée, je défendrai plus particulièrement les amendements portant sur les principaux articles. S'agissant de l'article 1er, fondamental dans ce projet de loi, je m'en tiendrai à la problématique du statut des personnels.
Cet article tend à transformer l'établissement public ADP en société anonyme soumise au droit privé, tout en prétendant laisser inchangé le régime juridique actuel de ses personnels.
Je prétends, pour ma part, que faire croire au personnel que l'abandon du statut d'établissement public n'aura pas de conséquence à moyen terme sur leur statut constitue un véritable leurre.
Nous avons de bonnes raisons de croire a priori que la soumission d'ADP aux règles de droit privé et au droit commun de la concurrence se traduira par une dégradation des conditions de travail et par des pressions visant à tirer vers le bas l'ensemble des normes sociales issues de conventions collectives ou d'autres accords de la profession. L'entrée de capitaux privés soumettra de facto, avec la force de la loi, la gestion de l'entreprise aux critères du privé et aux normes de rentabilité financière immédiate fixées sur les marchés financiers.
Pour quelle raison les acquis sociaux et le statut réglementaire des salariés d'ADP, fortement inspiré de celui de la fonction publique, seraient-ils préservés, alors même que ce Gouvernement multiplie les attaques contre le code du travail et qu'il suffit d'un simple vote du conseil d'administration, entériné par le ministre, pour modifier le statut du personnel ?
Mais il y a plus grave encore : je crains que le niveau de l'emploi, variable d'ajustement privilégiée actuellement, ne soit fortement touché à terme par l'accélération du mouvement d'externalisation, de filialisation et de privatisation rapide d'activités encore intégrées à ADP. Plus de 8 000 emplois sont directement concernés.
Plus globalement, le poids économique et social d'ADP est considérable pour la région d'Ile de France et au-delà. Les nombreux emplois générés par les activités aéroportuaires participent à la cohésion sociale de notre pays, à l'heure où de nombreuses entreprises ferment ou délocalisent leur production.
Que se passerait-il si un vaste mouvement de précarisation se généralisait dans ce secteur ? Nous sommes loin d'être à l'abri d'un tel mouvement et les salariés ont raison d'être inquiets.
Comme le souligne notre rapporteur, Jean-François Legrand, les plates-formes aéroportuaires représentent 110 000 emplois directs, 100 000 emplois indirects et environ 100 000 emplois induits.
Autrement dit, ce sont de nombreux départements et villes qui bénéficient du rayonnement économique et des effets d'entraînement des pôles aéroportuaires. Ainsi, le pôle de Roissy représente un bassin exceptionnel d'emplois dont la zone d'influence touche deux régions, l'Ile-de-France et la Picardie.
L'ensemble des activités aéroportuaires générées par le secteur aérien en Ile-de-France représentent, à elles seules, 9 % du produit intérieur brut.
L'affaiblissement d'un tel pôle économique par le biais d'une précarisation accrue du travail, de la réduction d'emplois qualifiés et du développement de la sous-traitance sera lourd de conséquences en termes économique et social !
Ne faisons pas subir à nos activités de services ce que nous venons de faire subir à notre industrie. Dans le cadre de l'OMC et de l'AGCS, l'accord général sur le commerce des services, ce sont maintenant les services, notamment les services publics, qui sont visés par la libéralisation et la déréglementation tous azimuts.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous bénéficions aujourd'hui de l'expérience des différentes entreprises et établissements publics qui ont suivi le même processus, avec les mêmes étapes menant tout droit à la privatisation, la transformation en société anonyme étant un point de passage obligé. Or je ne peux m'empêcher de penser que ce projet de loi ne représente rien d'autre que la privatisation programmée d'ADP. C'est la raison pour laquelle je propose au Sénat de supprimer l'article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 34.
M. Daniel Reiner. L'article 1er est le coeur de ce projet de loi.
Rien ne justifie, je le redis, la transformation d'ADP en société anonyme. Le président de l'établissement public, que nous avons entendu en commission, n'était pas véritablement demandeur. C'est le Gouvernement qui lui a demandé de préparer cette privatisation. Il avait simplement souhaité, semble-t-il, une recapitalisation d'ADP pour faire face à de nouveaux investissements.
En outre, M. le rapporteur pour avis de la commission des finances avait indiqué très clairement que cette question n'avait rien à voir avec le droit communautaire. Pour une fois, la construction européenne n'est donc pas instrumentalisée pour justifier une privatisation.
Son rapport indique néanmoins, et c'est là une formulation assez surprenante, qu'ADP « ne peut rester durablement à l'écart de l'émergence d'un nouveau modèle européen d'aéroport ». Quel est donc ce modèle ? Existe-t-il un modèle ? A notre connaissance, il n'y en a pas. Tous les modes de gestion et de propriété coexistent. On peut même relever que, hormis en Grande-Bretagne, les grands aéroports demeurent propriétés publiques.
On nous dit ensuite qu'ADP manque de fonds propres pour financer son programme d'investissements aéroportuaires et qu'il faut donc faire appel à des capitaux privés. On écarte ainsi d'emblée le soutien financier normal de l'Etat, qui n'aurait pas les moyens de procéder aux dotations en capital nécessaires... Certes, les finances publiques ne sont pas au mieux de leur forme, mais à qui la faute ? Comment concevoir que l'Etat puisse se désengager de la sorte d'un secteur aussi stratégique pour le pays, au motif qu'il ne pourrait soutenir le financement des investissements ? Accepterait-on que l'on développe le même raisonnement s'agissant des forces armées, de la justice ou de la police ? Comment l'Etat peut-il accepter de se défaire de la propriété d'infrastructures de communication aussi essentielles à l'indépendance du pays ?
On nous rétorquera, car c'est une constante depuis le début de ce débat, que l'Etat sera l'actionnaire majoritaire et que nos craintes sont infondées. Pourtant, le retour d'expérience nous montre que, lorsqu'un établissement public chargé d'un service public est transformé en société anonyme, la privatisation de l'entreprise intervient quelques années plus tard. L'exemple de France Télécom est éclairant à cet égard, avec la transformation en société anonyme en 1996, puis la privatisation en 2003. Entre-temps, les consommateurs et les salariés ont payé la facture : hausse du coût des abonnements pour les premiers, dégradation des conditions de travail et départs à la retraite anticipés pour les seconds...Votre appétit de privatisation des entreprises stratégiques n'a pas de limite, chers collègues de la majorité.
Pour notre part, nous ne voyons que des inconvénients à la transformation d'ADP en société anonyme.
On nous dit que le principe de spécialité ne permet pas à ADP « de répondre de manière suffisamment performante aux attentes des compagnies aériennes, des passagers et des entreprises travaillant sur les plates-formes aéroportuaires ». Nous aimerions que cette affirmation soit un peu mieux étayée.
En tout état de cause, ce dont nous sommes certains, c'est du mécontentement des transporteurs aériens, au premier chef d'Air France, devant ce changement de statut. Les compagnies aériennes craignent toutes une hausse des redevances. Air France, qui est aujourd'hui une des rares compagnies aériennes à tirer son épingle du jeu, grâce à l'Etat, qui a joué son rôle d'actionnaire en versant plus de 3 milliards d'euros et en mettant en place le hub de Roissy, s'inquiète du fait que l'Etat ne sera plus propriétaire des terrains. Il ne faudrait pas compromettre le redressement d'Air France pour assurer les dividendes des nouveaux actionnaires d'Aéroports de Paris.
N'aurait-on pu élargir un peu l'objet social de l'établissement public pour lui permettre de diversifier ses activités sans pour autant mettre en péril son activité première, celle de gestionnaire d'aéroports ?
Vous savez fort bien que le principe de spécialité n'est pas intangible : il avait été assoupli pour EDF en 2001, et si le gouvernement de l'époque n'était pas allé aussi loin qu'il l'aurait pu, c'était pour éviter de déstabiliser le marché des petites entreprises d'électricité. Par un avis de juillet 1994, dont je tiens un extrait à votre disposition, le Conseil d'Etat reconnaît aux établissements publics une certaine marge légale de diversification dès lors que les activités annexes sont, techniquement et commercialement, le complément normal de la mission principale et que ces activités sont d'intérêt général et directement utiles à l'établissement.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas avoir réfléchi à d'autres modes de gestion que celui de la société commerciale ? N'aurait-on pu se contenter d'assouplir le statut d'établissement public d'Aéroports de Paris, d'élargir quelque peu son objet social ?
En allant chercher à l'extérieur les moyens nécessaires au développement d'ADP, vous risquez de susciter des conflits d'intérêts, entre l'intérêt des actionnaires privés - leur présence est prévue - qui est, stricto sensu, la rentabilité du capital, et l'intérêt général. La qualité du service rendu en pâtira et les salariés d'ADP en feront les frais.
La garantie apportée aux personnels quant à leur statut n'est qu'une garantie de façade. Pour assurer la rentabilité des capitaux investis, il faudra réaliser des gains de productivité. On nous l'annonce ! Ces gains seront obtenus par le biais d'une baisse des coûts salariaux, et il sera facile de modifier le statut ou de dénoncer les conventions. Sur ce point, monsieur le ministre, vous engagez-vous à ne pas donner votre aval à toute modification statutaire décidée par le conseil d'administration qui réduirait les droits des salariés ?
Avec ce projet de loi, c'est la banalisation du transport aérien qui se poursuit Ce dernier n'est pas considéré comme étant d'une importance stratégique par le Gouvernement. Le Premier ministre l'avait d'ailleurs clairement annoncé dans sa première déclaration de politique générale, pour justifier la privatisation à terme d'Air France.
En ce qui nous concerne, nous n'avons pas changé d'avis : nous avons refusé la privatisation du transporteur national Air France ; nous refusons le premier pas vers la privatisation de la première plate-forme aéroportuaire française, et c'est pourquoi nous demandons au Sénat d'adopter notre amendement de suppression de l'article 1er. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. L'amendement n° 35, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Dans l'article L. 2511 du code de l'aviation civile, après les mots : « L'aéroport de Paris » sont insérés les mots : «, service public national, ».
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Il s'agit d'un amendement de repli par rapport au précédent. Comme je pense que le Sénat va adopter ce dernier, il ne sera pas utile. (Sourires.)
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Vous pouvez le retirer, alors !
M. Daniel Reiner. Dans le doute, je vais tout de même le présenter ! (Nouveaux sourires.)
Il s'agit d'affirmer le caractère de service public national d'Aéroports de Paris. Par cet amendement, il est donc proposé d'inscrire dans la loi qu'ADP est un service public national, afin de se prémunir contre toute privatisation.
En effet, comme le relève M. Le Grand dans son rapport, « la privatisation d'ADP se heurterait à des obstacles juridiques de nature constitutionnelle et européenne ». Le neuvième alinéa du préambule de la Constitution du 27 octobre 1946 dispose ainsi que « tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait - tel est bien le cas en l'occurrence -, doit devenir la propriété de la collectivité ».
Notre collègue et estimé rapporteur ajoute que « le caractère de service public national d'ADP n'est guère contestable ». Aéroports de Paris est en effet un élément fondamental de l'infrastructure nationale de transport et un outil structurant pour l'aménagement du territoire national : c'est notamment l'instrument de la continuité territoriale avec l'outre-mer. C'est aussi un outil essentiel pour les échanges avec le monde. C'est, enfin, un établissement qui jouit d'un monopole de fait, aucun aéroport, tant en région parisienne qu'en province, ne pouvant jouer un rôle comparable.
En inscrivant dans la loi qu'Aéroports de Paris est un service public national, le législateur donnerait un signal fort à celles et à ceux qui, dans un avenir plus ou moins proche, voudraient privatiser cet établissement. Ce serait aussi un signal très fort adressé au juge constitutionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. S'agissant des amendements identiques nos 12 et 34, je dirai que leurs auteurs, s'ils veulent vraiment protéger les salariés, doivent retirer leurs amendements et voter en faveur de l'adoption de l'article 1er, car celui-ci constitue la meilleure des garanties possible.
Mme Hélène Luc. Sûrement pas !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je suis donc persuadé que vous voterez l'article 1er, mes chers collègues !
En ce qui concerne l'amendement n° 35, je ne reviendrai pas sur ce que j'ai dit en réponse à la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. A cette occasion, en effet, je me suis déjà longuement exprimé à la fois sur le neuvième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 et sur la notion de service public national, à propos de laquelle nous sommes tout à fait d'accord. Puisque, in fine, l'Etat restera majoritaire dans le capital d'ADP, vous avez satisfaction, monsieur Reiner.
En conclusion, la commission émet un avis défavorable sur les trois amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Je conseillerai d'abord à M. Billout de relire l'article 1er. Certes, celui-ci prévoit la transformation d'ADP en société anonyme, mais il protège les salariés. Par conséquent, vouloir supprimer cet article, c'est ne pas vouloir protéger les salariés ! Cela irait à l'encontre des bonnes intentions que vous avez affichées, messieurs.
Je rappelle que cet article a une portée majeure et tend à donner de la visibilité à Aéroports de Paris. Il en assurera l'évolution dans la continuité à la fois de la personne morale qu'est l'établissement et du statut des agents. L'article 1er se trouve donc au coeur du dispositif dont nous débattons aujourd'hui.
Par ailleurs, monsieur Reiner, je ne trouve pas bien que vous prêtiez au président d'ADP des opinions dont je sais, pour avoir souvent l'occasion de le rencontrer, qu'elles ne sont pas les siennes. En outre, vous avez affirmé que la direction d'Air France serait hostile à ce texte. Or je me trouvais tout à l'heure avec M. Spinetta, pour ne pas le nommer : ne lui faites pas dire le contraire des propos qu'il a tenus dans mon bureau ! Restons-en donc à la discussion du texte, sans faire parler les absents.
Evidemment, vous êtes contre la privatisation. Vous en avez le droit, mais il se trouve que ce projet de loi ne prévoit aucune privatisation. Par conséquent, vous allez pouvoir voter en faveur de son adoption.
En conclusion, le Gouvernement est défavorable aux trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos12 et 34.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Article 2
A l'exception de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'Etat, les biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et ceux du domaine public de l'Etat qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper sont déclassés à la date de sa transformation en société. Ils sont attribués à cette même date en pleine propriété à la société Aéroports de Paris. Une convention passée avec l'Etat détermine les sommes restant dues à Aéroports de Paris en conséquence des investissements engagés par l'établissement public sur les biens repris par l'Etat et fixe les modalités de leur remboursement.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 13 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 36 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 13.
Mme Hélène Luc. L'article 2 vise à organiser le déclassement et le transfert à la nouvelle société anonyme ADP de l'ensemble des biens du domaine public aéroportuaire, à savoir ceux qui sont déjà la propriété de l'établissement public ADP, et qui constituent environ les deux tiers du domaine public actuel, et ceux qui appartiennent à l'Etat.
On comprend aisément, eu égard à la valeur du patrimoine foncier et immobilier que l'ensemble de ces terrains, infrastructures et emprises aéroportuaires, représentent, l'énormité des enjeux liés à un tel transfert de droits de propriété !
Nous insistons sur les risques que ce transfert induit pour des compagnies aériennes nationales comme Air France. Nous éprouvons de réelles inquiétudes à cet égard.
Selon certaines estimations, la valeur de l'ensemble de ce patrimoine immobilier serait de 8 milliards d'euros, mais je pense qu'elles sont loin du compte. En réalité, nous ne disposons pas d'une connaissance précise de la totalité des biens et terrains concernés. Nous aimerions, monsieur le ministre, obtenir des précisions sur ce point d'ici à la lecture du texte à l'Assemblée nationale, tant les enjeux sont importants.
Par ailleurs, selon MM. les rapporteurs, le régime de la domanialité publique ne serait pas compatible avec la gestion d'une entreprise publique. Ces propos ne nous paraissent pas convaincants.
M. Yvon Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances, affirme que les exemples étrangers ne sont pas plus éclairants. Je le cite : « La notion de domaine public n'emporte pas les mêmes conséquences dans tous les pays ». C'est curieux !
Pour ma part, j'observe qu'en procédant de cette manière, on crée pratiquement une première en faisant de la France une exception. Si, comme le dit M. le rapporteur pour avis, il n'existe aucun modèle particulier pour les aéroports, nous sommes bien obligés d'admettre qu'il existe des raisons objectives à ce que la quasi-totalité des pays ait choisi le régime de la domanialité publique.
Le régime de la domanialité publique permettrait un contrôle public de la gestion des terrains, de leur caractère inconstructible ou inhabitable.
Qu'en sera-t-il si, demain, ces actifs sont cédés ? De quelle manière ces terrains seront-ils valorisés ? A qui seront-ils vendus ? Les collectivités locales riveraines des aéroports auront-elles un droit de regard sur leur exploitation ? C'est également sur ce point que l'article 3, qui vient compléter cet article, nous interpelle.
L'article 2 précise par ailleurs que les biens du domaine public nécessaires à l'exercice des missions de service public aéroportuaire par l'Etat ou ses établissements publics ne sont pas concernés par ce transfert. Ces dispositions soulèvent de nombreuses questions.
En premier lieu, on ne peut que regretter que soit renvoyée à un décret la liste des dites missions de service public.
En deuxième lieu, pour l'accomplissement de ces mêmes missions, il est fait référence à des établissements publics. Pourrions-nous avoir des informations sur ceux-ci ? S'agit-il des communautés aéroportuaires récemment créées sur l'initiative de M. le rapporteur Jean-François Legrand ?
En troisième lieu, en matière de contrôle aérien, nous avons de bonnes raisons d'être inquiets, comme le personnel, face à la volonté européenne d'ouvrir l'espace aérien à la concurrence, alors que la directive « ciel unique » est en discussion.
Dans ces conditions, quelles seront les conséquences du changement de statut d'ADP sur les activités de contrôle de la navigation aérienne, qui sont actuellement du ressort de la DGAC ? Le transfert de ces activités ne se traduira-t-il pas rapidement par leur privatisation, par anticipation de l'application de la directive « ciel unique » ?
Monsieur le ministre, 800 agents de la DGAC sont directement concernés. Selon les personnels, ce transfert devrait avoir lieu au 1er janvier 2005. Aura-t-il bien lieu à cette date ? Ce sont autant de questions qu'il faut éclaircir.
Vous l'aurez compris, je demeure, avec le groupe communiste républicain et citoyen, très inquiète des dispositions de cet article. Je crains que, à terme, elles ne se traduisent par une dégradation des missions de service public aéroportuaire et par une détérioration du niveau de sécurité pour l'ensemble des salariés travaillant sur les plates-formes aéroportuaires ainsi que pour les populations riveraines.
Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de supprimer cet article.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 36.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, il est proposé de s'opposer au déclassement des biens relevant aujourd'hui du domaine public et à leur transfert à ADP transformé en société anonyme.
Le préambule de la Constitution dispose que « Tout bien, toute entreprise, dont l'exploitation a ou acquiert les caractères d'un service public national ou d'un monopole de fait, doit devenir la propriété de la collectivité ».
M. le rapporteur reconnaît que « le caractère de service public national d'ADP n'est guère contestable ». L'Etat doit donc garder la pleine propriété des biens nécessaires à l'activité aéroportuaire, et pas seulement, comme le prévoit le projet de loi dans une rédaction bien peu précise, ceux qui sont nécessaires à l'exercice des missions de service public de l'Etat, d'autant que les mécanismes de contrôle de cessions d'actifs prévus à l'article 6 ne sont pas sans faille, comme le note M. le rapporteur pour avis, puisqu'ils dépendent essentiellement du contenu d'un cahier des charges.
Par ailleurs, alors que, selon l'article 7, les grands aérodromes de province demeureront la propriété de l'Etat, il serait incompréhensible que les deux premiers aéroports français deviennent la propriété d'une société de droit privé dont une fraction du capital serait détenue par des actionnaires privés.
Enfin, il est à noter que, à l'étranger, les grands aéroports sont, le plus souvent, restés la propriété des collectivités publiques.
La question de la domanialité publique est donc centrale. Maintenir cette domanialité est la condition sine qua non pour assurer la continuité du service public. Si l'Etat n'en a plus le contrôle, que se passera-t-il le jour où ADP ne pourra plus assurer ses missions de service public, à la suite de difficultés financières et si les actionnaires privés refusent de l'aider ? L'Etat rachètera-t-il les biens qui auront été apportés lors du changement de statut ? Procédera-t-il à des nationalisations ?
Même dans une situation moins grave que celle que je viens de décrire, comment l'Etat fera-t-il respecter le cahier des charges s'il ne dispose d'aucune arme - ni possibilité de remise en cause de la concession ni possibilité de reprise des terrains - pour la faire respecter ? Comment pourra-t-il durcir le contenu du cahier des charges ?
Par ailleurs, on nous dit que le cahier des charges devra délimiter avec précision les biens qui ne sauraient être dévolus à une activité annexe à l'activité aéroportuaire, tels les centres commerciaux ou les parkings. On nous dit également que, si un bien est nécessaire à la bonne exécution des missions de service public, l'Etat pourra s'opposer à sa cession.
Que se passera-t-il si le cahier des charges « oublie » de mentionner certains biens qui pourraient être utiles à l'activité aéroportuaire ? Que se passera-t-il si les représentants de l'Etat dans les conseils d'administration ne s'opposent pas à la cession d'un bien ? Que se passera-t-il si l'évolution des activités nécessite, dans quelques années, le recours à des biens jugés non utiles aujourd'hui ?
Le transfert de la domanialité publique prive l'Etat des moyens de faire respecter sa mission de service public. Sur ce point, monsieur le ministre, vous ne pourrez pas répondre qu'il n'y a pas transfert de biens fonciers à ADP, comme vous venez de le dire à M. Reiner. De même, vous ne pourrez pas objecter qu'Air France est favorable à ce transfert, puisque j'ai moi-même participé avec M. Reiner à une audition des dirigeants de la compagnie aérienne.
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
L'ensemble des biens et terrains relevant du domaine public de l'établissement public aéroport de Paris sont, à la date de transformation d'Aéroports de Paris en société anonyme, transférés au domaine public de l'Etat.
L'ensemble de ces biens et terrains ainsi que ceux du domaine public de l'Etat font l'objet d'une convention de concession conclue entre la société Aéroports de Paris et l'Etat, en vue de leur affectation à un service public, à une opération d'intérêt général ou à toute autre activité.
La durée minimale de la concession est de 40 ans.
En cas de manquement aux obligations de service public, la convention de concession peut être suspendue par décision ministérielle.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Il s'agit d'un amendement de repli, au cas où les amendements de suppression de l'article 2 ne seraient pas adoptés par la Haute Assemblée. Il concerne le problème du passage du régime de la domanialité publique à la domanialité privée.
Il existe une importante contradiction entre l'article 2 et l'article 7 du projet de loi.
L'article 7 dispose que les grands aéroports régionaux continueront de relever, pour la gestion et l'exploitation, du régime de la domanialité publique par le biais de contrats de concession. Dès lors, pourquoi ne pas procéder de la même manière pour ADP ?
Cette question majeure aurait nécessité un très large débat au-delà même de notre hémicycle, puisqu'elle concerne également les collectivités territoriales, les usagers et, bien entendu, les salariés de l'entreprise.
En commission des affaires économiques, à l'occasion de l'audition de l'actuel président d'ADP, un débat avait presque été amorcé sur cette question. M. Graff nous avait indiqué que les options étaient soit une licence sans limitation de durée, ce qui n'était pas compatible avec la domanialité publique, soit une concession à durée limitée sur le domaine public.
Il pensait que la solution intermédiaire, consistant en une licence sans limitation de durée sur le domaine public, constituerait une situation sans précédent sur le plan juridique qui imposerait de redéfinir l'ensemble du droit français de la domanialité, ce qui ne paraissait pas envisageable.
Enfin, il nous avait fait valoir que la préoccupation légitime des personnels d'ADP, quant à la pérennité de leur entreprise, interdisait absolument le choix d'un système de concession à durée limitée.
L'amendement n° 14, qui est un amendement d'appel, vise à mettre en place un système de concession préservant la domanialité publique.
Ainsi, l'ensemble des biens et terrains relevant du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris demeurerait, à la date de transformation d'ADP en société anonyme, sous le régime de la domanialité publique. L'ensemble de ces biens et terrains ainsi que ceux qui relevaient du domaine public de l'Etat feraient l'objet d'une convention de concession entre la société ADP et l'Etat, en vue de leur affectation à un service public, à une opération d'intérêt général ou à toute autre activité.
Afin de prévoir des investissements à long terme ainsi que leur rentabilisation, cet amendement propose de fixer la durée minimale de la concession à quarante ans.
M. le président. L'amendement n° 37, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Font partie du domaine public de l'Etat et sont mis gratuitement à disposition de la société Aéroports de Paris l'ensemble des emprises et des ouvrages des aéroports de Roissy-Charles-de-Gaulle, de Paris-Orly et de Paris-Le Bourget qui font actuellement partie du domaine public de l'Etat ou de celui de l'établissement public Aéroports de Paris. S'il est mis fin aux missions de service public confiées à la société dans les conditions prévues au dernier alinéa de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile, la mise à disposition de ces emprises et ouvrages cesse de plein droit.
Les autres biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et du domaine public de l'Etat qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper, à l'exception de ceux qui sont nécessaires à l'exercice par l'Etat ou ses établissements publics de leurs missions de service public concourant à l'activité aéroportuaire et dont la liste est déterminée par décret en Conseil d'Etat, sont déclassés à la date de sa transformation en société. Ils sont attribués à cette même date en pleine propriété à la société Aéroports de Paris. Une convention passée avec l'Etat détermine les sommes restant dues à Aéroports de Paris en conséquence des investissements engagés par l'établissement public sur les biens repris par l'Etat et fixe les modalités de leur remboursement.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Il s'agit également d'un amendement de repli.
Il vise à ce que demeure propriété de l'Etat et reste soumis à un régime de domanialité publique l'ensemble des emprises et des ouvrages des aéroports de Roissy - Charles-de-Gaulle, de Paris - Orly et de Paris - Le Bourget.
Plusieurs raisons justifient l'adoption d'une telle solution.
Premièrement - c'est le paradoxe que j'évoquais dans la discussion générale - les aérodromes de province demeureront propriété publique.
Deuxièmement, à l'étranger les grands aéroports sont le plus souvent restés la propriété des collectivités publiques. On a cité plusieurs exemples au cours du débat.
Troisièmement, il est parfaitement possible de confier à une société privée l'aménagement et l'exploitation de grands ouvrages d'importance nationale, tout en conservant à ceux-ci leur statut de propriété publique. J'ai évoqué la situation des autoroutes, les routes demeurant publiques.
M. le président. L'amendement n° 38, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Ne peuvent ni être déclassés, ni apportés en pleine propriété à la société Aéroport de Paris, les biens suivants ainsi que leurs terrains d'assiettes : les tours de contrôle et les bâtiments techniques associés; les radars ; les pistes, les voies de circulation et les aires de stationnement des aéronefs; les installations de stockage de carburant ; les réseaux d'eau, d'électricité, de télécommunications et de carburant pour aéronefs.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement apporte une précision utile.
Le projet de loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat le soin de déterminer les biens qui ne pourront pas être déclassés ou apportés en pleine propriété à la société Aéroports de Paris. Nous souhaitons préciser de manière claire quels seront ces biens.
Outre les tours de contrôle, les bâtiments techniques associés et les radars - dont MM. les rapporteurs indiquent qu'ils devraient être mentionnés dans le décret, alors que les pistes pourraient ne pas y figurer, ce qui paraît assez paradoxal pour un aéroport - nous proposons d'ajouter d'autres équipements : les voies de circulation, les aires de stationnement des aéronefs, les installations de stockage de carburant, les réseaux d'eau, d'électricité, de télécommunication et de carburant pour aéronefs.
Il s'agit simplement d'encadrer la rédaction du décret afin que certains biens ne soient pas oubliés.
M. le président. L'amendement n° 39, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
Les ouvrages appartenant à la société Aéroports de Paris et affectés au service public aéroportuaire ou à l'usage du public sont des ouvrages publics ; en cas de défaut d'entretien normal de ces ouvrages, leurs usagers peuvent rechercher la responsabilité de la société Aéroports de Paris devant le juge administratif.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet de préciser que les ouvrages aéroportuaires qui appartiennent à la société ADP conserveront leur qualification juridique d'ouvrages publics.
A l'heure actuelle, les installations aéroportuaires d'Aéroports de Paris, qu'il s'agisse des pistes ou des aérogares, constituent des ouvrages publics. En cas de défaut d'entretien normal de ces ouvrages, la responsabilité de l'établissement peut donc être engagée à l'égard des tiers devant le juge administratif. L'exemple récent de l'effondrement de la jetée du terminal 2 E de Roissy - Charles-de-Gaulle ou les risques d'accidents causés par un éventuel défaut d'entretien des pistes montrent l'importance pratique et économique de ce sujet.
Mais l'article 2 du projet de loi prévoit, d'une part, que les biens du domaine public de l'établissement public Aéroports de Paris et ceux du domaine public de l'Etat qui lui ont été remis en dotation ou qu'il est autorisé à occuper sont déclassés à la date de sa transformation en société et, d'autre part, que ces biens sont attribués en pleine propriété à la société Aéroports de Paris.
Or le Conseil d'Etat, s'agissant des ouvrages immobiliers appartenant à la société France Télécom, personne morale de droit privé, a jugé que, quelles que soient les dates auxquelles ces ouvrages ont été entrepris et achevés, ils n'ont plus le caractère d'ouvrages publics.
Il est donc vraisemblable que les biens qui, selon le projet de loi, seront la propriété de la société ADP ne conserveront pas leur qualité d'ouvrages publics, même s'ils demeurent affectés à un service public ou à l'usage du public.
Afin de lever toute incertitude, il est souhaitable que le projet de loi apporte une réponse à cette question. Il doit préciser que les ouvrages appartenant à la société ADP et affectés au service publics aéroportuaire ou à l'usage du public sont des ouvrages publics et que, en cas de défaut d'entretien normal de ces ouvrages, leurs usagers peuvent rechercher la responsabilité d'ADP devant le tribunal administratif.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. S'agissant des amendements nos13 et 36, dont l'objet est de supprimer cet article, la commission a émis un avis défavorable.
En ce qui concerne les amendements nos14 et 37, je répondrai d'abord sur la question de l'affectation des biens et terrains d'ADP au domaine public de l'Etat.
Ce serait un curieux processus que celui qui consisterait à spolier ADP de son bien, pour le transférer dans le domaine de l'Etat, alors que ce bien a été acquis grâce au travail d'ADP et de ses personnels. C'est ADP, en effet, qui a gagné ces biens, et vous voudriez les retirer à cet établissement pour les donner à l'Etat. La commission a préféré moderniser dans la continuité, plutôt que d'en revenir à une telle conception. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
J'en viens à la proposition de concession contenue dans l'amendement n° 14. Enfin, mes chers, collègues, une concession a, par définition, une durée limitée ! En adoptant une telle solution, on risquerait d'exposer ADP à se trouver en concurrence avec un autre opérateur.
Mme Hélène Luc. C'est pour cela que les aéroports doivent demeurer dans le domaine public !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Est-ce ainsi que vous pensez garantir la situation des personnels ? Ce n'est pas notre cas.
L'avis de la commission est donc défavorable.
A propos de l'amendement no38, qui vise à interdire le déclassement des terrains sur lesquels le projet de loi prévoit un droit de veto de l'Etat en cas de cession, vous pourrez sans doute préciser, monsieur le ministre, les conditions dans lesquelles s'exerceront d'éventuelles cessions, ainsi que les types de terrains sur lesquels s'appliquera le droit de veto. La commission, qui a connaissance de ces éléments, a émis un avis défavorable à l'amendement.
M. Daniel Reiner. Oui, mais nous, nous ne les connaissons pas !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Enfin, l'amendement n° 39 vise à modifier les voies de recours juridiques. S'il était adopté, serait ainsi créée une dérogation exorbitante du droit commun. Nous ne saurions vous suivre sur ce terrain.
La commission émet donc un avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Je rappelle tout d'abord que les deux tiers des terrains appartenant à ADP à l'heure actuelle ont été achetés par ADP. C'est le cas de Roissy tout entier. Je suppose que vous ne voudriez pas spolier ADP ! Vous prétendez défendre cet établissement : laissez-lui au moins le patrimoine qu'il a su acquérir et qui est nécessaire à son exploitation !
Par ailleurs, le changement de domanialité est bien encadré : l'Etat est là pour contrôler les cessions.
Vous voudriez que ces biens restent propriété de l'Etat. Permettez-moi de vous citer un exemple.
Une entreprise a récemment manifesté de l'intérêt pour le site de Roissy et a souhaité venir s'y implanter. Il lui a été répondu qu'elle ne pouvait avoir qu'une autorisation temporaire d'occupation du site. L'entreprise a déclaré que cela ne l'intéressait pas, qu'elle aurait souhaité avoir la certitude d'une présence à long terme sur le terrain, garantie par un bail emphytéotique ou par l'acquisition du terrain.
Elle ne s'est donc pas implantée. Nous avons manqué ainsi une occasion de création d'emplois, d'activités et de richesses.
Le gouvernement, lui, défend le développement de Roissy et donc l'emploi. Cet exemple démontre que la domanialité transférée à la société anonyme entraînera, à coup sûr, un surcroît d'activité autour d'ADP régénéré.
Enfin, la concession, comme l'a fait remarquer M. Le Grand, a une durée limitée. Le statut actuel d'ADP, établissement public, ne comporte aucune limitation, et l'on se dirige vers un statut de société anonyme sans limitation.
Si l'on suivait votre raisonnement, il me semble que les salariés, les premiers, seraient mécontents de la précarité que cela entraînerait.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Ils auraient raison !
M. Gilles de Robien, ministre. Nous ne voulons pas de cette précarité.
Vous demandez, monsieur Reiner, la liste des terrains et ouvrages qui resteront possessions de l'Etat. Cela est vraiment du domaine du décret et ne peut figurer dans une loi. Vous trouverez ces informations dans les textes règlementaires.
Monsieur le président, l'avis du gouvernement est donc défavorable sur ces trois amendements.
M. Daniel Reiner. Donnez-nous des informations !
Mme Hélène Luc. J'aurais aimé que vous répondiez au sujet du personnel de la direction générale de l'aviation civile !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 13 et 36.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Article 3
I. - La société Aéroports de Paris et l'Etat concluent une convention à l'effet de prévoir les conditions dans lesquelles, en cas de fermeture à la circulation aérienne de tout ou partie d'un aérodrome, Aéroports de Paris indemnise l'Etat en contrepartie de la valeur supplémentaire acquise par les immeubles qui lui ont été attribués en application des dispositions de l'article 2 de la présente loi.
La convention, conclue pour une durée de soixante-dix ans au moins, détermine les modalités de calcul et de versement de cette indemnité, qui ne peut être inférieure à 70 % de la différence existant entre la valeur de ces immeubles à la date de leur attribution à Aéroports de Paris, majorée des coûts liés à leur remise en état et à la fermeture des installations aéroportuaires, et leur valeur vénale, établie à la date de la fermeture à la circulation aérienne de l'aérodrome occupant les terrains.
Les dispositions de l'article L. 225-40 du code de commerce ne sont pas applicables à la convention qui est soumise à la seule approbation du conseil d'administration d'Aéroports de Paris.
II. - L'indemnité versée par Aéroports de Paris est déductible de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.
III - Les dispositions du II de l'article 7 de la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social ne peuvent être mises en oeuvre, le cas échéant, à l'égard de la société Aéroports de Paris, si la convention prévue au I du présent article n'a pas été conclue.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 16 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 40 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 16.
M. Michel Billout. Mon propos s'inscrit dans la continuité de l'argumentation que j'ai développée au sujet de l'article 2.
Les dispositions de ces articles sont très inquiétantes, à la fois quant à l'avenir de nos services aéroportuaires en Ile de France et quant à l'aménagement même de notre territoire.
Cet article 3, comme le souligne M. le rapporteur, tend à préserver les intérêts patrimoniaux de l'Etat. Il prévoit notamment que l'Etat soit indemnisé par ADP en cas de fermeture d'aérodrome et qu'il récupère 70% des éventuelles plus-values foncières.
On perçoit immédiatement les enjeux qui découlent directement de la valorisation patrimoniale des terrains qui verseront dans le domaine privé.
On comprend également quelle manne financière cela peut représenter pour l'Etat. Lorsque la société ADP sera privatisée, ce ne seront pas moins de 30% de cette plus-value foncière qu'elle pourra récupérer.
En matière d'aménagement du territoire, les enjeux sont également extrêmement importants. La gestion et la valorisation de certains terrains concernent nombre de communes riveraines des zones aéroportuaires. Cet élément est une source d'inquiétude pour les usagers et pour les élus de ces zones à la périphérie des aéroports.
Il ne faudrait pas que cela se traduise par une concurrence accrue sur le plan de l'attractivité du territoire ou par une mise en concurrence des villes qui cherchent à attirer des activités nouvelles.
La généralisation des zones franches, les exonérations de charges patronales qui se multiplient constituent autant d'éléments jouant sur la concurrence territoriale. Jusqu'où irons-nous dans cette dynamique qui vise à tout tirer vers le bas ?
A ce propos, j'ai été alerté par mon collègue et ami François Asensi sur des dispositions qui risquent de grever fortement les finances des collectivités locales des zones aéroportuaires.
Il semble en effet qu'une interprétation extensive d'une mesure d'abattement fiscal, prévue à l'article 1518 A du code général des impôts, fasse profiter des entreprises qui n'ont pas de lien direct avec les activités aéroportuaires - et qui pour cette raison ne devraient pas pouvoir en profiter - des abattements d'un tiers des valeurs locatives prévus à cet article 1518 A.
Cela constitue autant de pertes de ressources pour les collectivités locales, qui, dans le cadre de la décentralisation, ne cessent de voir leurs charges financières s'accroître. Il faut s'en inquiéter, monsieur le ministre.
L'Etat ne peut refuser de s'endetter et mener une politique d'orthodoxie budgétaire et de réduction du déficit d'une part, tout en réduisant d'autre part les ressources financières qui pourraient alimenter la croissance, en multipliant ce type de mesures d'exonération fiscale. Les collectivités locales ne peuvent voir leurs ressources fondre de cette manière.
Telles sont les raisons du dépôt de cet amendement, qui vise à la suppression de l'article 3.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement no40.
M. Daniel Reiner. Il parait surprenant que cet article 3 fasse clairement référence à la suppression d'aéroports. Quels sont les aéroports qui pourraient être concernés en Ile de France par une telle fermeture ? Qui décidera de la fermeture d'un aéroport ?
Il y a indemnisation de l'Etat en cas de vente du patrimoine immobilier, mais cette indemnisation n'est pas totale. Que signifie cette expression : « 70% de la différence existant entre la valeur de ces immeubles, à la date de leur attribution, majorée de coûts liés à leur remise en état à la fermeture des installations, et leur valeur vénale à la date de fermeture de la circulation » ? Avons-nous la garantie que les intérêts financiers de l'Etat seront réellement préservés ?
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Nous ne pouvons suivre les conclusions de M. Billout : l'article 3 étant indissociable du transfert de domanialité, nous ne saurions supprimer cet article.
Afin que les choses soient claires, je précise à M. Reiner qu'il n'y a aucun projet de fermeture d'aéroport. Si, un jour, la fermeture d'un aérodrome à la circulation aérienne publique était envisagée, cela relèverait, et cela relèvera toujours, de l'Etat.
M. Daniel Reiner. J'aime à vous l'entendre dire !
M. Gilles de Robien, ministre. En cas de fermeture, selon le dispositif prévu, s'il y avait vente des terrains, 70% du produit de la vente reviendrait à l'Etat et 30 % reviendrait à ADP. Or le capital d'ADP étant majoritairement détenu par l'Etat, l'Etat recevrait encore une partie de ce produit, qui serait proportionnelle à son capital.
Le gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 40.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
Article 4
Sous réserve des dispositions de l'article 2 de la présente loi, l'ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de l'établissement public Aéroports de Paris, en France et hors de France, sont attribués de plein droit et sans formalité à la société Aéroports de Paris sans qu'il en résulte de modification des contrats et des conventions en cours conclus par Aéroports de Paris, l'une de ses filiales ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l'objet. En particulier, les conventions temporaires d'occupation du domaine public restent soumises jusqu'à leur terme au régime précédemment applicable. La transformation en société anonyme n'affecte pas davantage les actes administratifs pris par Aéroports de Paris à l'égard des tiers.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 17 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 41 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Michel Billout. Cet article pose le principe de la continuité juridique de tous les contrats, droits et obligations de l'établissement public ADP avant sa transformation en société anonyme.
Tous les accords juridiques conclus avec des tiers sont donc garantis et transmis à la nouvelle société ADP.
Nous pouvons cependant avoir quelques doutes à ce sujet dans le cas d'une privatisation d'ADP. Je rappelle qu'un simple accord international, une fusion avec une autre entreprise suffiraient à diluer suffisamment le capital de la société pour que l'Etat devienne minoritaire.
Qu'en sera-t-il de cette continuité juridique lorsque de nouveaux intérêts privés seront entrés dans le capital d'ADP ? Une entreprise privée respectera-t-elle les engagements pris par une société publique ? La question mérite d'être posée.
Je continue de penser qu'une solution autre que celle qui consistait à ouvrir le capital de l'entreprise était possible.
Qu'une entreprise soit fortement endettée n'est finalement pas si choquant, surtout lorsque cet endettement correspond à de lourds investissements dans le cadre d'une stratégie industrielle fondée sur le long terme, ce qui fut le cas pour ADP. Cet établissement a su se doter d'infrastructures aéroportuaires qui ont permis l'aménagement de notre territoire et la mise en oeuvre de services de transports aériens de qualité.
Cet endettement est d'autant moins choquant que l'Etat lui-même refuse de participer, d'une manière directe ou indirecte, au financement des besoins d'aménagement de notre territoire.
La solution de la recapitalisation de l'établissement public étant écartée, le recours aux marchés financiers est-il l'ultime solution ? Je ne le crois pas.
Je reste convaincu que cette option pèsera sur les choix d'investissements futurs d'Aéroports de Paris. Elle fragilisera cet établissement plus qu'elle ne favorisera son développement.
Les marchés financiers sont particulièrement soumis au règne du court terme. On ne saurait négliger la contrainte qui en découle et qui impose aux investisseurs de se tourner vers une rentabilité immédiate.
En réponse aux besoins des populations, au développement des services publics de transport aérien, d'autres choix sont possibles.
Qu'est-ce qui nous interdit en effet de nous tourner vers nos propres institutions bancaires ? Créer un pôle public de crédit regroupant des banques, des institutions publiques ou semi-publiques qui, par le biais de taux d'intérêt non alignés sur les rendements actuellement exigés par les marchés financiers, permettrait sans doute de mieux répondre aux besoins des populations.
Un tel pôle public pourrait précisément permettre de réduire le taux d'endettement de l'établissement public ADP en lui apportant des capitaux nouveaux, avec des exigences moindres que s'il s'agissait de capitaux privés.
Telles sont les propositions que nous pouvons faire et qui éviteraient la privatisation d'un établissement qui, par le passé, a fait preuve de sa réussite.
Elles méritent en tout cas d'être débattues, plutôt que de considérer, de manière dogmatique et idéologique, qu'il n'y a pas d'autre solution que de changer le statut de nos entreprises publiques et de nos établissements publics pour ouvrir leur capital en vue de leur privatisation !
Il s'agit en réalité d'un choix politique en faveur d'un type de société qui réduit la place de nos services publics et les liens de solidarité qui en découlent.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 41.
M. Jean Desessard. Par cet amendement de coordination, il s'agit de s'opposer au transfert des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature à la société de droit privé ADP. Le transfert le plus inacceptable est celui des biens, notamment les infrastructures liées directement à l'activité aérienne, qui constituent les outils permettant l'accomplissement des missions de service public, en particulier les pistes.
M. le ministre n'ayant pas apporté de démenti concernant mon intervention précédente, j'indique que la société Air France émet de grandes réserves sur le transfert des biens à la société ADP.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
I. Dans la deuxième phrase de cet article, supprimer les mots :
En particulier
II. Dans la dernière phrase de cet article, supprimer le mot :
davantage
et remplacer les mots :
Aéroports de Paris
par les mots :
l'établissement public
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 17 et 41.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. L'amendement n° 1 est de nature rédactionnelle.
La commission a par ailleurs émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 17 et 41.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression de l'article 4. Leur adoption aurait pour conséquence de rendre tous les emplois précaires puisque l'on a justement besoin de transférer les droits, les obligations, les contrats, les conventions et les autorisations de toute nature pour assurer la continuité du service public et le fonctionnement d'ADP. Je n'ose pas imaginer que c'est ce que les auteurs de l'amendement souhaitent !
M. Billout a, en outre, évoqué l'hypothèse d'une fusion qui pourrait rendre l'Etat minoritaire. Ce n'est pas possible puisque ce projet de loi prévoit que l'Etat doit rester majoritaire dans tous les cas. Cela signifie donc qu'une fusion, si elle devait se produire un jour, serait limitée par la loi, l'Etat devant rester majoritaire.
Le Gouvernement est par ailleurs favorable à l'amendement n° 1.
Mme Hélène Luc. Vous avez votre cohérence ; nous avons la nôtre !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est une cohérence dans l'illogisme !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 41.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Article 5
I. - Les statuts de la société Aéroports de Paris sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Ils sont modifiés selon les règles applicables aux sociétés anonymes. Sauf stipulation contraire des statuts, la direction générale de la société est assurée par le président de son conseil d'administration.
II. - Le capital initial de la société est détenu intégralement par l'Etat. Les comptes du dernier exercice de l'établissement public Aéroports de Paris avant sa transformation résultant de l'article 1er de la présente loi sont approuvés dans les conditions de droit commun par l'assemblée générale de la société Aéroports de Paris.
III. - Nonobstant la transformation d'Aéroports de Paris en société anonyme, les administrateurs élus en application du 3° de l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public restent en fonctions jusqu'au terme normal de leur mandat et dans les conditions prévues par ladite loi. Jusqu'à cette date, l'effectif du conseil d'administration de la société Aéroports de Paris reste fixé à vingt et un membres et le nombre des représentants de chacune des catégories définies aux 1°, 2° et 3° de l'article 5 de la loi du 26 juillet 1983 précitée reste fixé à sept.
IV. - Les dispositions de l'article L. 225-24 du code de commerce s'appliquent en cas de vacance de postes d'administrateurs désignés par l'assemblée générale.
La transformation d'Aéroports de Paris en société n'affecte pas le mandat de ses commissaires aux comptes en cours à la date de ladite transformation.
Le premier alinéa de l'article L. 228-39 du code de commerce ne s'applique pas à la société Aéroports de Paris durant les exercices 2005 et 2006.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° 18 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 42 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Les dispositions de cet article visent à entériner la transformation juridique de la société ADP. Ainsi, les statuts de la nouvelle société seront fixés par décret en Conseil d'Etat et pourront être modifiés selon les règles applicables aux sociétés anonymes.
Il s'agit bien d'un basculement vers le droit commun des sociétés qui, il faut le répéter, constitue une première étape vers la privatisation d'ADP. Et, contrairement à ce que l'on pourrait penser, le fait que l'Etat récupère la totalité du capital d'ADP ne constitue aucune garantie contre la privatisation, bien au contraire, comme en témoignent plusieurs exemples.
C'est précisément parce que le secteur des transports aériens pouvait être considéré comme essentiel pour l'aménagement de notre territoire qu'ADP a été créé sous la forme d'un établissement public.
Avec l'abandon d'un tel statut, une mise en faillite devient possible. A-t-on clairement envisagé les conséquences d'une telle décision ? En refusant de mettre en place de nouveaux moyens de financement autour d'un pôle public bancaire et financier - point sur lequel je regrette l'absence de débat -, vous placez cette entreprise sous la coupe des marchés financiers et de la rentabilité immédiate.
Avec le statut d'établissement public, le pays avait fait le choix de se doter d'outils industriels pour mettre en oeuvre la politique d'aménagement du territoire, de développement des missions de service public, tout en préservant de la faillite un secteur vital pour l'économie.
Comme nous l'avons déjà dénoncé au cours de la discussion, les arguments traditionnellement invoqués pour justifier l'ouverture du capital ne sont pas convaincants et relèvent du dogmatisme libéral.
Lorsque la société sera privatisée...
Mme Hélène Luc. Ce n'est pas encore fait !
M. Michel Billout. ...- j'espère que ce ne sera pas le cas, mais j'en doute - les investissements industriels nécessaires au développement du service public aéroportuaire seront-ils maintenus ? Nous avons de bonnes raisons d'en douter face à l'intensification de la concurrence sur les plans européen et mondial.
Autant de questions qui auraient mérité un réel débat public avec les usagers et l'ensemble des citoyens !
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 42.
M. Daniel Reiner. L'article 5 a pour vocation d'être rassurant. J'ai déjà dit en défendant la motion de renvoi à la commission ce que je pensais des statuts initiaux fixés en Conseil d'Etat sans que l'on ait pu en discuter plus avant. Il rassurera essentiellement le personnel puisqu'il y est prévu que le capital initial de la société sera intégralement détenu par l'Etat. Le fait d'évoquer un « capital initial » suppose une phase ultérieure, puis une phase finale... Cette assurance est de toute façon éphémère, et la rédaction permet évidemment l'entrée des capitaux privés.
Une série de questions se pose donc : quand, avec qui, pour quoi faire ? Quelle part l'Etat entend-il conserver à terme ? Initialement, l'Etat détient la totalité du capital ; par la suite, jusqu'où irait-il : 51 %, 60 %, 70 % comme pour EDF ?
Autorisera-t-il la création de minorités de blocage ? Ce n'est tout de même pas dans le décret que l'on va répondre à ces questions !
La recapitalisation par l'Etat, qui détiendra intégralement les capitaux, est-elle envisagée ? Dans l'affirmative, à quelle hauteur ? En 2005, par exemple, des investissements de 700 millions d'euros ont été évoqués. Le désendettement justifierait dès maintenant une recapitalisation : sera-t-elle engagée, à quelle échéance ?
Les statuts seront fixés, dit-on, par décret. Quel sera l'objet social d'ADP ? Quelles activités de diversification seront autorisées ? Certaines d'entre elles seront-elles expressément interdites ? Inscrira-t-on dans les statuts que la raison sociale d'ADP est avant tout la réalisation des activités liées à l'exploitation des plates-formes aéroportuaires ?
Avouez que ces questions rejoignent le débat que nous avons eu à l'occasion de la discussion des motions de procédure. Laisser à un décret le soin de fixer tous ces points, c'est priver le législateur de l'essentiel de son rôle !
Mme Hélène Luc. Bonne question !
M. le président. L'amendement n° 43, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du II de cet article, supprimer le mot :
initial
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Il s'agit, chacun l'aura compris, d'un amendement de repli. En supprimant l'adjectif : « initial », nous assurons en quelque sorte la présence de l'Etat pour une période plus longue.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission est évidemment défavorable aux amendements nos 18 et 42.
Il est tout de même curieux que la mention dans la loi que l'Etat sera majoritaire ne soit pas une garantie pour M. Billout et ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen. Or la loi est l'expression de la représentation nationale et elle s'élabore ici !
Que vous n'ayez pas confiance en vous, je le comprends tout à fait - je suis même d'accord avec vous - mais faites confiance à la majorité !
La commission est également défavorable à l'amendement n° 43. Nous avons déjà eu l'occasion de débattre de ce point lors de l'examen des motions, comme l'a souligné M. Reiner. J'observerai cependant que l'adoption de cette disposition priverait ADP des capitaux des investisseurs privés qui pourraient contribuer à son développement. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons que nous y opposer.
Mme Hélène Luc. Cela aidera-t-il au développement ?
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. S'agissant des amendements nos 18 et 42, il convient de rappeler que la fixation des statuts initiaux d'ADP par décret en Conseil d'Etat traduit le contrôle par l'Etat sur le capital initial de la société et sa participation, au départ de 100 %. Vous n'allez tout de même pas nous le reprocher !
Monsieur Reiner, vous me demandez quelle part du capital l'Etat cédera après en avoir détenu 100 % par décret en Conseil d'Etat. Il n'en cédera certainement pas plus de 49 %, l'Etat devant rester majoritaire de façon qu'il n'y ait pas de privatisation, comme la loi l'y oblige.
Par conséquent, ayez confiance, sinon en vous-mêmes, comme dirait M. Le Grand, du moins dans la loi républicaine qui dispose qu'il n'y a pas de privatisation et que l'Etat sera toujours majoritaire dans le capital.
Mme Hélène Luc. Cela devait se passer comme cela aussi pour France Télécom !
M. Gilles de Robien, ministre. S'agissant de l'amendement n° 43, l'un des objectifs principaux du projet de loi est de permettre une ouverture minoritaire afin que l'Etat reste majoritaire dans le capital d'ADP. Si l'on supprime le mot « initial », l'Etat détiendra toujours 100 % du capital et ADP se privera de partenaires qui pourront l'aider à se développer, à créer des emplois et des richesses. Cela me semble intéressant pour la collectivité nationale. C'est le but recherché par ce changement de statut.
M. Daniel Reiner. Dans quels délais, monsieur le ministre ?
M. Gilles de Robien, ministre. Quand le marché le permettra !
Le Gouvernement est donc défavorable aux trois amendements.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 et 42.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5.
(L'article 5 est adopté.)
Article 6
Les articles L. 251-1 à L. 251-3 du code de l'aviation civile sont remplacés par les dispositions suivantes :
« Art. L. 251-1.- La société Aéroports de Paris est régie par le présent code, par les dispositions du titre Ier de la loi n° ... du ... relative aux aéroports et par les dispositions législatives non contraires applicables aux sociétés commerciales.
« La majorité de son capital est détenue par l'Etat ».
« Art. L. 251-2. - La société Aéroports de Paris est chargée d'aménager, d'exploiter et de développer les aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget, ainsi que les aérodromes civils situés dans la région Ile-de-France dont la liste est fixée par décret. Elle peut exercer toute autre activité, aéroportuaire ou non, dans les conditions prévues par ses statuts.
« Un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe, notamment, les conditions dans lesquelles la société Aéroports de Paris assure les services publics liés à l'exploitation des aérodromes mentionnés ci-dessus, assure, sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police, l'exécution de missions de police administrative, en particulier celles prévues par l'article L. 213-3 du présent code, et décide la répartition des transporteurs aériens entre les différents aérodromes qu'elle exploite et entre les aérogares d'un même aérodrome.
« Il fixe, le cas échéant, les modalités selon lesquelles la société apporte son concours à l'exercice des services de navigation aérienne assurés par l'Etat.
« Il détermine les modalités du contrôle par l'Etat du respect des obligations incombant à la société au titre de ses missions de service public et les conditions de l'accès des agents de l'Etat aux données comptables et financières de celle-ci.
« Il fixe les conditions dans lesquelles l'Etat, ses établissements publics ainsi que les personnes agissant pour leur compte bénéficient d'un accès à l'ensemble du domaine aéroportuaire, pour l'exercice de leurs missions comme pour l'exercice de leur pouvoir de contrôle sur Aéroports de Paris.
« Il fixe les conditions dans lesquelles l'Etat exerce son contrôle sur les contrats par lesquels Aéroports de Paris confie à des tiers l'exécution de certaines des missions mentionnées au deuxième alinéa du présent article.
« Il détermine les sanctions administratives susceptibles d'être infligées à Aéroports de Paris en cas de manquement aux obligations qu'il édicte.
L'autorité administrative peut, en particulier, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 0,1 % du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos d'Aéroports de Paris, porté à 0,2 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. »
« Art. L. 251-3. - Lorsqu'un ouvrage ou terrain appartenant à Aéroports de Paris et situé dans le domaine aéroportuaire est nécessaire à la bonne exécution par la société de ses missions de service public ou au développement de celles-ci, l'Etat s'oppose à sa cession, à son apport, sous quelque forme que ce soit, à la création d'une sûreté sur cet ouvrage ou terrain, ou subordonne la cession, la réalisation de l'apport ou la création de la sûreté à la condition qu'elle ne soit pas susceptible de porter préjudice à l'accomplissement desdites missions.
« Le cahier des charges d'Aéroports de Paris fixe les modalités d'application du premier alinéa, notamment les catégories de biens en cause.
« Est nul de plein droit tout acte de cession, apport ou création de sûreté réalisé sans que l'Etat ait été mis à même de s'y opposer, en violation de son opposition ou en méconnaissance des conditions fixées à la réalisation de l'opération.
« En outre, les biens mentionnés au deuxième alinéa ne peuvent faire l'objet d'aucune saisie et le régime des baux commerciaux ne leur est pas applicable. »
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 19 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 44 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Je m'attacherai plus particulièrement à la disposition de l'article 6 selon laquelle la majorité du capital d'ADP est détenue par l'Etat, répondant en cela aux remarques formulées par le rapporteur.
On invoque sans cesse le fait qu'une telle disposition serait un gage de non-privatisation, qu'elle apporterait des garanties en termes de statut du personnel ou de respect des obligations de service public.
Ainsi, l'on devrait admettre que l'ouverture du capital ne serait pas une privatisation. L'Etat resterait majoritaire et conserverait ainsi le pouvoir de décision, la possibilité d'orienter les choix en fonction du long terme et des exigences de sécurité et de service public.
Dans les faits, on constate que l'ouverture du capital se traduit rapidement par des objectifs de rentabilité, au détriment de tout autre choix.
On a pu le constater avec Air France et avec France Télécom, l'ouverture du capital n'est que la première étape vers la privatisation.
Par ailleurs, tout intérêt privé peut obtenir une minorité de blocage...
Mme Hélène Luc. Bien sûr !
M. Michel Billout. ...et contraindre ainsi les options et les choix de l'Etat en tant qu'actionnaire majoritaire.
Enfin, certaines dispositions suggèrent que ce projet de loi est bien une étape vers la privatisation totale d'ADP. Il ouvre la voie à une diversification tous azimuts des activités d'ADP, avec le développement prévisible de la sous-traitance et de l'externalisation d'activités n'appartenant pas à proprement parler à son coeur de métier.
Par ailleurs, la fixation du cahier des charges par décret en Conseil d'Etat constitue un véritable chèque en blanc !
Quant au montant des sanctions pécuniaires en cas d'infraction à ces obligations, elles ne sont guère très contraignantes, vous l'avouerez.
Telles sont les principales raisons pour lesquelles nous souhaitons la suppression de cet article.
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 44.
M. Daniel Reiner. L'article 6 du projet de loi est fondamental. En coordination avec ce que nous avons dit précédemment, il convient de le supprimer.
Cet article définit tout à la fois l'objet social d'ADP, les conditions de mise en oeuvre des missions de service public, par le biais de ce fameux cahier des charges, et les modalités de contrôle par l'Etat d'éventuelles cessions d'actif.
Il définit tout d'abord les missions d'Aéroports de Paris : l'exploitation et l'aménagement des aéroports parisiens font toujours partie de ses missions, mais paraissent banalisées. Il s'agit d'activités d'aéroport comme d'autres, puisqu'il est mis fin au principe de spécialité.
ADP devient une entreprise de services comme une autre. Malheureusement, on ne sait pas à quelles activités ADP sera autorisé à se livrer. C'est la question que j'ai posée au sujet des statuts et pour laquelle je n'ai pas obtenu de réponse.
Y aura-t-il une limite à la diversification ? Sera-t-elle accessoire ? Aura-t-elle un lien avec l'activité du transport aérien ou simplement profitera-t-elle des disponibilités immobilières ? Ne donnera-t-elle pas lieu à d'importants mouvements de filialisation ? Comment sera contrôlée cette diversification de l'activité ?
Chacun se pose ces questions, y compris le personnel d'ADP et parfois même celui des compagnies aériennes.
L'article 6 définit ensuite les conditions de mise oeuvre des missions de service public. Celles-ci seront renvoyées à un cahier des charges, ce qui est assez classique et tout à fait dans la logique du Gouvernement : c'est le choix qui avait été fait pour les télécommunications, l'énergie et qui bientôt, vraisemblablement, sera fait pour La Poste. Le Parlement est laissé à l'écart de la définition du contenu des missions, et les règles fixées par la loi deviennent d'un laconisme que je qualifierais d' « étourdissant » !
Les missions ne sont tout d'abord pas strictement énumérées, comme en témoigne le recours à l'adverbe « notamment ». Le pouvoir réglementaire a donc le loisir d'y mettre ce qu'il veut. C'est un véritable « chèque en blanc » qui lui est ainsi donné, et je ne suis pas sûr, monsieur le ministre, de vouloir placer mon argent dans pareille banque !
Dans quelles conditions ces missions seront-elles assurées ? On ne le sait pas. On ne retrouve pas la déclinaison des principes du service public : continuité, adaptabilité, universalité, neutralité, prix raisonnables.
On ne sait pas comment sera contrôlée l'exécution des missions confiées à ADP, selon quelle périodicité, ni quelles seront les sanctions qui pourraient être envisagées en cas de non-respect.
Quant à ces missions, je note des choses surprenantes. ADP est invité à participer au fonctionnement des services de navigation aérienne alors que ceux-ci relèvent de la responsabilité de l'Etat et sont déjà financés par la redevance de route et la redevance pour services terminaux, acquittées par les transporteurs aériens.
Est-ce à dire qu'il s'agit de mettre en place un double financement pour le fonctionnement des services de navigation aérienne ou que l'Etat externaliserait cette mission ?
Je note également qu'ADP décidera de la répartition des transporteurs aériens entre les aérodromes et les aérogares. L'Etat aura-t-il encore son mot à dire ? Le hub d'Air France pourra-t-il un jour être remis en cause, ce qui, naturellement, serait grave ? Comme cela ne va évidemment pas dans le sens de l'intérêt d'ADP, on peut supposer que ce ne sera pas sa première initiative.
Je note enfin une possible extension des compétences d'ADP en matière de police administrative, ce qui paraît pour le moins surprenant.
Permettez-moi de noter enfin, mes chers collègues, que les rapporteurs des deux commissions ont émis nombre de réserves dans leurs commentaires sur cet article, notamment au sujet de la procédure d'opposition au profit de l'Etat sur la vente de biens nécessaires au fonctionnement de service public.
La rédaction de l'article 6 laisse dans l'ombre de nombreux points qui sont, de facto, renvoyés au cahier des charges, comme je l'ai déjà dit en défendant la motion tendant au renvoi à la commission de ce projet de loi.
Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article, qui nous paraît dangereux pour le bon accomplissement des missions de service public.
M. le président. L'amendement n° 45, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2511 du code de l'aviation civile :
« La totalité de son capital est détenue par l'Etat ».
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, il est proposé de s'opposer à l'ouverture du capital de la nouvelle société.
L'expérience montre, en effet, que toute ouverture de capital conduit, à plus ou moins long terme, à une privatisation.
Cet amendement tend à éviter que les intérêts privés ne décident du devenir des biens nécessaires à l'activité aéroportuaire. Il se justifie par le fait qu'ADP est un service public national et que sont en jeu la sécurité, la sûreté du territoire, la continuité territoriale, la libre circulation des personnes et des marchandises, le développement économique et l'aménagement du territoire.
Je ferai quelques remarques sur les précisions apportées par M. le ministre.
Monsieur le ministre, si vous aviez voulu privatiser ADP, l'auriez-vous fait directement ou auriez-vous proposé de passer, comme aujourd'hui, par une phase qui, sans être encore une privatisation puisque l'Etat est majoritaire, constitue le premier pas vers elle ? Je ne vois pas comment vous auriez pu nous dire, alors qu'ADP fonctionne bien : on privatise et on vend à 100 %.
M. Jean Desessard. Vous êtes donc bien obligé d'en passer par la phase dans laquelle nous sommes !
Il est de plus évident que, pour une question d'ordre technique, une évaluation de l'actif était nécessaire : pour faire un appel de capitaux, il faut bien évaluer le coût des terrains, des installations, le prévisionnel de développement. Il faut donc également, pour cette raison, en passer par une étape transitoire.
Tout à l'heure, on nous a dit : faites-nous confiance. Bien, mais M. Le Grand a affirmé à l'instant qu'ADP n'appartenait pas à l'Etat et que ses terrains appartenaient non pas à l'Etat mais à l'établissement. Voilà une information intéressante, alors qu'on nous a reproché tout à l'heure de vouloir priver ADP de son travail ! Qu'en sera-t-il demain lorsque ADP sera partiellement privatisé ?
Jusqu'à présent, nous pouvions avoir confiance, mais là, véritablement, monsieur le ministre, nous commençons à nous inquiéter !
Mme Hélène Luc. Oui, monsieur le ministre, vous avez aggravé votre cas !
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2511 du code de l'aviation civile :
« L'Etat détient plus de 70% de son capital. »
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Cet amendement de repli vise à faire en sorte que l'Etat maintienne sa participation au capital d'ADP à hauteur de 70 %.
La propriété du capital d'une entreprise ayant des missions de service public doit demeurer publique, que ce caractère public soit le fait de l'Etat ou non.
ADP est un établissement chargé de l'aménagement du territoire national ; qu'en sera-t-il si des intérêts privés internationaux peuvent se constituer en minorité de blocage ?
Une telle question mérite d'être posée dans le contexte actuel de la déréglementation européenne et de l'accord général sur le commerce des services, qui remettent en cause l'ensemble des services publics.
Encore une fois, il n'y a aucune fatalité à ouvrir le capital à des intérêts privés, autrement dit à permettre la privatisation !
Même sur le plan européen, des accords avec d'autres entreprises de service public pourraient être trouvés pour répondre aux énormes besoins en matière d'infrastructures !
Cette question mérite d'être soulevée. Tel est le sens de cet amendement.
M. le président. L'amendement n° 46, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2512 du code de l'aviation civile :
Elle peut exercer toute autre activité dans les conditions prévues par ses statuts, sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à compromettre ou à entraver l'accomplissement actuel ou futur de ses missions de service public et l'utilisation des installations aéroportuaires par les transporteurs aériens et leurs passagers.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet d'encadrer l'objet social de la société ADP. Il n'apparaît pas souhaitable de faire d'ADP une société comme une autre, en faisant totalement disparaître le principe de spécialité.
Le développement économique d'Aéroports de Paris et celui de l'ensemble de la zone trouvent leur origine dans le trafic aérien. Il ne faudrait pas que l'activité liée à l'exploitation aéroportuaire devienne secondaire et que d'autres activités prennent le pas sur les missions premières d'ADP, au risque de remettre en cause le bon fonctionnement de ce service public.
Dans son rapport public de 2002, la Cour des comptes avait été très critique à l'égard de la politique de diversification menée par ADP. Cette critique était certes fondée sur le statut d'établissement public et sur une lecture très stricte, bien plus stricte que celle qui est faite par le Conseil d'Etat, du principe de spécialité.
Cette critique était aussi fondée sur les risques financiers encourus par ADP.
Les conclusions étaient sans appel : « Les activités exercées au-delà du périmètre statutaire, notamment à l'étranger, réduisent ainsi les ressources dans l'immédiat, avec des perspectives aléatoires de bénéfices futurs et dans des conditions juridiquement discutables »
La Cour des comptes écrivait par ailleurs : « Le bilan de ces interventions extérieures est sujet à caution de plusieurs points de vue. Financièrement, l'établissement public a engagé dans ces activités plus de 120 millions d'euros, en incluant les pertes subies, sans qu'aucune date puisse être avancée pour la récupération des sommes qui ne sont pas d'ores et déjà perdues [...] Ces prises de participations sont porteuses de risques financiers et mobilisatrices de capitaux ».
On ne peut pas être plus clair. Qu'ADP soit un établissement public ou une société anonyme ne change rien au fond : la diversification est source de risque.
Nous proposons donc de prévoir des garde-fous, car il ne faut pas fragiliser l'activité liée au transport aérien. Si ADP devient une société anonyme qui se diversifie et qu'elle rencontre des problèmes dans certains secteurs, c'est tout le transport aérien qui en pâtira, au détriment des missions de service public.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Remplacer les deuxième à sixième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 2512 du code de l'aviation civile par neuf alinéas rédigés comme suit :
« La société Aéroports de Paris fournit, à des standards de qualité, de régularité et de continuité appropriés, un service aéroportuaire adapté aux besoins des transporteurs aériens, des autres exploitants d'aéronefs, des passagers et du public. Elle assure de manière transparente et non discriminatoire l'accès des aéronefs, ainsi que des entreprises dont la présence est nécessaire aux activités de transport aérien, à ses installations aéroportuaires. Elle assure, sur chaque aérodrome qu'elle exploite, une coordination de l'action des différents intervenants, quelle qu'en soit la nature, de manière à garantir le meilleur fonctionnement du service.
"Un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles la société Aéroports de Paris assure les services publics liés à l'exploitation des aérodromes mentionnés au premier alinéa et exécute, sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police, les missions de police administrative qui lui incombent.
" Ce cahier des charges définit également les modalités :
"- de la répartition des transporteurs aériens entre les différents aérodromes et entre les aérogares d'un même aérodrome, conformément au deuxième alinéa du présent article ;
"- du concours d'Aéroports de Paris à l'exercice des services de navigation aérienne assurés par l'Etat ;
"- du contrôle par l'Etat du respect des obligations incombant à Aéroports de Paris au titre du deuxième alinéa du présent article ;
"- de l'accès des agents de l'Etat aux données comptables et financières d'Aéroports de Paris ;
"- de l'accès de l'Etat, de ses établissements publics et des personnes agissant pour leur compte à l'ensemble du domaine aéroportuaire pour l'exercice de leurs missions et de leur pouvoir de contrôle sur Aéroports de Paris ;
"- du contrôle de l'Etat sur les contrats par lesquels Aéroports de Paris confie à des tiers l'exécution de certaines des missions mentionnées au troisième alinéa du présent article. "
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Nous nous trouvons au coeur de l'un des deux problèmes majeurs que pose le projet de loi.
Je vous ai dit, mes chers collègues, dans la discussion générale, qu'il était souhaitable de pouvoir « rapatrier » les principes qu'il avait été dans un premier temps envisagé d'inscrire dans un cahier des charges.
Le premier alinéa de l'amendement n° 2 tend à préciser les principes auxquels l'activité d'ADP doit répondre, en insistant sur la transparence, le caractère non discriminatoire de l'accès des usagers aux installations aéroportuaires, etc.
Les alinéas suivants reprennent le cahier des charges prévu dans la rédaction initiale du projet de loi en y apportant des précisions rédactionnelles.
Je ne répéterai pas ce que j'ai déjà dit ce matin, ce serait quelque peu fastidieux. Je dirai simplement, mes chers collègues, que c'est bien là une de nos missions législatives : réécrire le texte en précisant dans la loi ce qui doit l'être.
J'ai déjà expliqué que cela n'avait pu être fait dans un premier temps dans la mesure où le cahier des charges lui-même était en cours d'élaboration.
Ainsi, Gouvernement, majorité et commission avons ensemble réécrit ce texte ; nous avons tous à y gagner.
M. le président. Le sous-amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Soulage, est ainsi libellé :
Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2, pour remplacer les deuxième à sixième alinéas de l'article L. 2512 du code de l'aviation civile, après les mots :
de manière transparente et non discriminatoire
insérer les mots :
par des décisions constituant des actes administratifs
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. Les décisions de répartition aéroportuaire des transporteurs aériens sont prises par la société ADP.
Ce sous-amendement tend à faire en sorte que ces décisions, compte tenu de leur importance, soient prisent sous le contrôle de l'Etat et qu'elles constituent des actes administratifs.
M. le président. Le sous-amendement n° 49, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I. - Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n°2 pour remplacer les deuxième à sixième alinéas de l'article L. 2512 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé :
« Les coûts de l'exécution de missions de police administrative et du concours à l'exercice des services de navigation aérienne supportés par la société Aéroports de Paris lui sont remboursés par l'Etat. »
II. - Pour compenser la perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus, compléter cet amendement par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :
... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du remboursement du coût des décisions de police administrative et du concours à l'exercice des services de navigation aérienne sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Je me pose un certain nombre de questions sur cet amendement intéressant de la commission, en particulier sur sa première phrase.
Que recouvre l'expression : « à des standards de qualité, de régularité et de continuité appropriés » ? S'agit-il d'une formule nouvelle ? Si elle ne l'est pas, à quoi fait-elle référence ?
Ce sous-amendement complète l'amendement n° 2 en prévoyant que les coûts de l'exécution des missions de police administrative et du concours à l'exercice des services de navigation aérienne qui pourraient être fournis par la société Aéroports de Paris sont remboursés par l'Etat, ce qui n'est pas précisé.
En effet, il serait logique que, si l'Etat souhaite que la société ADP apporte son concours à l'exercice de ces missions, le coût de cette contribution soit remboursé à ADP.
Telle est la solution qui avait été retenue dans le domaine des télécommunications, que ce soit pour les interceptions téléphoniques effectuées par les opérateurs ou pour l'entretien par France Télécom des réseaux et services nécessaires aux communications gouvernementales.
Nous voterions l'amendement n° 2 si cette hypothèque était levée.
M. le président. L'amendement n° 47, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2512 du code de l'aviation civile, supprimer les mots :
, en particulier celles
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement vise à supprimer les mots : «, en particulier celles » et a pour objet de limiter les missions de police administrative pouvant être assurées par ADP.
M. le président. L'amendement n° 48, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2512 du code de l'aviation civile.
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement a pour objet de limiter l'extension du champ d'intervention d'ADP dans le domaine de la navigation aérienne. On peut appliquer le même raisonnement aux missions de police administrative
A l'heure actuelle, l'établissement public est chargé, notamment en vertu de la rédaction en vigueur de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile, « de guider la navigation ». Par ailleurs, en vertu de l'article R. 252-19 du même code, le directeur général de l'établissement, agissant en tant qu'agent du pouvoir central, assure dans la zone de l'aéroport la direction des services de sécurité de la navigation aérienne.
L'article 6 du projet de loi ne prévoit plus que la société est chargée de guider la navigation aérienne. Il s'agit là en effet d'une mission régalienne. Puisque l'on sépare le rôle de l'Etat de celui de la société, l'Etat devra assurer cette mission sous sa responsabilité directe.
Toutefois, le troisième alinéa du nouvel article L. 251-2 du code de l'aviation civile prévoit que le cahier des charges de la société Aéroports de Paris pourra fixer les modalités selon lesquelles la société apporte son concours à l'exercice des services de navigation aérienne assurés par l'Etat.
Cette dernière disposition, si elle était adoptée, serait une source de confusion juridique et budgétaire. Il serait anormal que la société Aéroports de Paris puisse être obligée de participer au fonctionnement des services de navigation aérienne, alors que ceux-ci ne relèvent pas de sa propre responsabilité.
M. le président. L'amendement n° 50, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter in fine le texte proposé par cet article pour l'article L. 2512 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé :
« En cas de manquement grave de la société Aéroports de Paris à ses obligations ou pour un motif d'intérêt général, il peut être mis fin à ses missions de service public par un décret en Conseil d'Etat qui détermine notamment le montant de l'indemnisation éventuellement due à la société. »
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Le projet de loi n'envisage pas le cas de manquement grave de la société Aéroports de Paris à ses obligations. Cet amendement tend à préciser que, dans cette hypothèse, il pourrait être mis fin aux missions de service public de la société par un décret en Conseil d'Etat, lequel déterminerait le montant de l'indemnisation éventuellement due à cette société.
Le Conseil constitutionnel considère que « le législateur, lorsqu'il modifie les dispositions relatives au domaine public, ne doit pas priver de garanties légales les exigences constitutionnelles qui résultent de l'existence et de la continuité des services publics auxquels il est affecté ». On peut donc douter sérieusement de la constitutionnalité d'un projet de loi qui ne prévoirait pas que l'Etat, au cas où l'exploitant manquerait gravement à ses obligations, peut reprendre la propriété d'ouvrages qui sont des infrastructures essentielles et indispensables à la fourniture du service public.
L'omission dans le projet de loi d'une telle disposition serait d'autant plus surprenante que ses rédacteurs, apparemment conscients de cette exigence constitutionnelle, ont pris soin d'instituer des mécanismes de contrôle par l'Etat pour les actes courants de cession des biens de la société, mais n'ont rien prévu dans l'hypothèse, beaucoup plus lourde de conséquences, où l'Etat, pour assurer la continuité du service public, devrait reprendre la totale propriété des infrastructures.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Au début du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 251-3 du code de l'aviation civile, supprimer les mots :
En outre
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination, monsieur le président.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je ne comprends pas l'acharnement des membres du groupe CRC à vouloir supprimer les articles. En l'occurrence, pourquoi voulez-vous, mes chers collègues, supprimer cet article alors que vous obtenez satisfaction.
En effet, les membres du groupe CRC souhaitaient qu'un certain nombre de précisions ne soient pas laissées au seul cahier des charges. La commission a déposé un amendement n° 2 visant à fixer les principes dans la loi, et ils continuent néanmoins à vouloir supprimer l'article !
La commission est bien entendu défavorable aux amendements nos 19 et 44.
L'amendement n° 45 vise à interdire l'ouverture du capital d'ADP. Vous voulez donc, mes chers collègues, empêcher ADP de disposer des moyens nouveaux indispensables à son développement. Les besoins en capitaux se font sentir. Tout le monde connaît la situation d'ADP.
L'Etat et ADP constituent déjà deux personnes juridiques distinctes. La loi ne change rien à cette situation. La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 45.
Quant à l'amendement n° 20, il concerne le problème de la constitution d'une minorité de blocage qui ne correspond à rien puisque l'Etat est majoritaire, ainsi que M. le ministre l'a expliqué tout à l'heure de façon parfaitement claire. La commission partage son avis ; c'est pourquoi elle est défavorable à cet amendement.
Monsieur Le Cam, vous avez rappelé l'avis de la Cour des comptes auquel j'ai fait moi-même allusion ce matin, selon lequel ADP ne devait pas se disperser dans d'autres activités que celles qui sont inhérentes à sa situation d'établissement public. Là non plus, je ne comprends pas votre position : ce statut d'établissement public empêchait ADP de diversifier ses activités, et maintenant vous ne voulez pas que ce soit possible. La commission est donc défavorable à l'amendement n° 46.
Le sous-amendement n° 62 rectifié de M. Soulage poursuit l'effort entrepris par la commission afin de définir précisément les conditions d'action d'ADP. En conséquence, la commission émet un avis favorable.
Le sous-amendement n° 49, auquel la commission est défavorable, tend à prévoir le remboursement par l'Etat des coûts de l'exécution des missions de police administrative par ADP et des services de navigation aérienne. Cela relève de l'article L. 213-3 du code de l'aviation civile.
M. Gérard César. Bien connu ! (Sourires.)
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Cet article, qui n'avait paru choquant à personne, a été l'oeuvre du Gouvernement en fonction en 1998. A l'époque vous l'aviez accepté, aujourd'hui vous le contestez. Je vous laisse méditer ce fait.
L'amendement n° 47 vise à préciser le champ des missions de police administrative ; il est satisfait par l'amendement n° 2 de la commission.
Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 48 ainsi qu'à l'amendement n° 50. En cas de faillite totale du système, ce ne sera pas au Gouvernement de se prononcer, ce sera au Parlement.
M. Jacques Blanc. Très bien dit !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous avez confiance dans la loi républicaine, votez cette loi, ce sera la meilleure façon de préserver le caractère majoritaire de l'Etat. Vous serez certains qu'ADP ne sera pas privatisé.
Vous avez pris l'exemple d'Air France ; c'est un bon exemple. Je vous rappelle que c'est une loi de 1986 qui a prévu la privatisation d'une dizaine ou d'une quinzaine d'entreprises en France. Or vous avez été au pouvoir entre 1988 et 1993, si je ne me trompe, et vous n'avez pas modifié cette loi. De 1997 à 2002, vous ne l'avez pas modifiée davantage.
Aujourd'hui, nous proposons une loi de non-privatisation et vous ne voulez pas la voter ! Il faudrait quand même faire preuve d'une certaine logique !
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements nos 19 et 44.
Monsieur Reiner, vous avez demandé quelles activités pourrait pratiquer ADP. En ayant mis fin au principe de spécialité, nous permettrons à ADP de mettre en oeuvre toutes les initiatives qui pourront se développer. Grâce à ce développement, par le biais de la caisse unique, les redevances exigées des compagnies aériennes pourront être limitées et ADP pourra exporter son savoir-faire.
A chaque fois que je fais des déplacements, comme dernièrement en Chine ou dans les émirats, je me rends compte qu'ADP est une référence : il lui est proposé d'exploiter tel ou tel aéroport, celui d'Alger par exemple.
En contrepartie, ADP aura comme obligation d'aménager, d'exploiter, de développer les aérodromes, ce qui est son métier de base.
Monsieur Le Cam, vous proposez que l'Etat détienne 70 % du capital d'ADP. Si votre amendement n° 20 était adopté, la capacité d'ADP à procéder à une augmentation de capital d'un niveau adéquat pour financer son développement et pour exécuter ses missions de service public dans de bonnes conditions s'en trouverait limitée. Cet amendement va donc à l'encontre des objectifs que vise le Gouvernement.
L'amendement n° 46 tend à limiter les activités pouvant être exercées par la société. Mais, monsieur le sénateur, il ne faut pas les limiter, il faut les étendre et qu'ADP, grâce aux participations extérieures qui entreront dans son capital, acquiert un savoir-faire supplémentaire, éprouve un besoin d'entreprendre encore plus fort. La garantie, c'est la présence majoritaire de l'Etat au capital ainsi que le cahier des charges auquel sera soumise la société. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
En revanche, le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 62 rectifié de M. Soulage. En effet, il entendait insérer ces précisions au niveau réglementaire, mais il ne voit aucune objection à ce qu'elles figurent dans la loi.
Je suis également favorable à l'amendement n° 2, qui vise à inscrire dans la loi des dispositions que le Gouvernement comptait insérer par voie réglementaire. Ces précisions apportent de la clarté à la fois à la discussion et au texte législatif lui-même.
Je suis défavorable au sous-amendement n° 49, parce que, s'agissant des modalités de financement du concours à l'exercice des services de navigation aérienne, un dispositif de financement existe déjà pour ces missions puisque le produit de la taxe d'aéroport est et restera affecté à ADP.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 47, monsieur Reiner. En effet, compte tenu de la nature de sa mission de base, il est normal qu'ADP continue à participer à des missions de police administrative allant au-delà de celles qui sont prévues par l'article L. 213-3 du code de l'aviation civile ; cela restera le cas en matière de sécurité générale, par exemple.
Sur l'amendement n° 48, qui prévoit la suppression de la mention du concours qu'apportera ADP à l'exercice des services de navigation aérienne, l'avis du Gouvernement est également défavorable. Parallèlement à la promulgation de la loi, il sera procédé au retour à l'Etat de l'activité de navigation aérienne.
Je réponds par là à Mme Luc, qui m'interrogeait tout à l'heure sur le personnel. Compte tenu de la situation de départ, il est indispensable, dans l'intérêt commun de l'Etat et de la future société, de maintenir à titre transitoire une participation d'ADP à ces missions. Ce concours qui sera réalisé à titre onéreux n'aura donc aucun impact financier pour les transports aériens. Il sera procédé au retour à l'Etat de l'activité de navigation aérienne, ce qui veut dire que les agents de la DGAC, qui sont actuellement à la disposition d'ADP, reviendront naturellement à la DGAC.
L'amendement n° 50 traite de la possibilité d'un retrait de l'autorisation légale d'exploitation de la société ADP par voie réglementaire. L'Etat est majoritaire, il le restera. Cet amendement me paraît donc sans objet.
En tout cas, je précise que le cahier des charges d'ADP offrira aux pouvoirs publics la possibilité de prendre des mesures conservatoires en cas de manquement. On ne va pas donner la possibilité d'un retrait de l'autorisation légale d'exploitation de la société ADP par voie réglementaire. L'Etat restera majoritaire et exercera pleinement son autorité de sociétaire majoritaire.
Enfin, monsieur Le Grand, le Gouvernement est tout à fait favorable à l'amendement n° 3, qui est de nature rédactionnelle.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 44.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 45.
M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, nous vous avons posé un certain nombre de questions et vos réponses, loin d'apaiser toutes nos inquiétudes, les ont au contraire accentuées.
Vous nous dites qu'il faut être dynamique, qu'il faut donner de nouveaux moyens à ADP. Pourtant, depuis le début de cette discussion, tout le monde s'accorde à dire qu'ADP est un modèle formidable, que son développement, tant en termes d'excédent commercial que de trafic de voyageurs, est bon, que le personnel est satisfait. Tout va bien, mais l'on nous dit qu'il faut tout changer parce que cela pourrait aller mal.
Quels sont les moyens dont vous avez besoin ? Des moyens en capitaux, certes, vous l'avez dit. Mais pourquoi l'Etat ne serait-il pas capable d'investir ? Si ADP peut être rentable pour certains, pourquoi ne le serait-il pas pour l'Etat ?
On entend dire qu'il faut « décorseter ». Cette rigidité s'applique-t-elle au statut du personnel ? Mais vous nous dites que vous ne voulez pas le changer. Concerne-t-elle les modalités des appels d'offres publiques ? Qu'est-ce qui est vraiment si rigide ?
On comprend qu'il soit nécessaire de légiférer pour insuffler un certain dynamisme, pour diversifier dans le même secteur ou à l'étranger, en proposant un savoir-faire et des compétences. Mais la diversification n'aurait-elle pas pour objet de permettre dans tout autre domaine que l'aéroportuaire des opérations hasardeuses dont les pertes seraient couvertes par l'activité aéroportuaire d'Aéroports de Paris, qui est rentable ?
Il y aura donc une augmentation des coûts et une dégradation des conditions de travail. Nous serons dès lors obligés d'intervenir, parce que nous aurons misé sur une activité autre que l'activité première et qui se sera révélée déficitaire.
Mme Hélène Luc. Exactement !
M. Jean Desessard. Voilà ce que l'on reproche à la diversification. Ce n'est pas le fait que l'on puisse utiliser les compétences techniques des cadres d'Aéroports de Paris ; c'est le risque que cette diversification n'entraîne des déficits dans d'autres secteurs non contrôlés, déficits qu'ADP sera obligé de financer au détriment de sa mission de service public.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 62 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. Monsieur Reiner, l'amendement n° 47 est-il maintenu ?
M. Daniel Reiner. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 47 est retiré.
Je mets aux voix l'amendement n° 48.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 50 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
TITRE II
DISPOSITIONS RELATIVES AUX GRANDS AÉROPORTS RÉGIONAUX
Article 7
I. - Les dispositions du présent article sont applicables aux aérodromes civils de l'Etat d'intérêt national ou international, dont la gestion est concédée à une chambre de commerce et d'industrie et qui sont énumérés par un décret en Conseil d'Etat.
II. - L'autorité administrative peut autoriser la cession de la concession aéroportuaire dont est titulaire une chambre de commerce et d'industrie à une société dont le capital initial est détenu majoritairement par des personnes publiques, notamment, la chambre de commerce et d'industrie titulaire de la concession cédée et, par dérogation aux articles L. 2253-1, L. 3231-6 , L. 4211-1 et L. 5111-4 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements. Un avenant au contrat de concession fixe, le cas échéant, la nouvelle durée de la concession sans que la prolongation puisse excéder vingt ans, et met le contrat en conformité avec les dispositions d'un cahier des charges type approuvé par le décret prévu au I du présent article.
L'article 38 et les deuxième à quatrième alinéas de l'article 40 de la loi n° 93-122 du 29 janvier 1993 relative à la prévention de la corruption et à la transparence de la vie économique et des procédures publiques ne sont pas applicables aux opérations réalisées selon les dispositions du présent II.
III. - Les agents publics affectés à la concession transférée sont mis à la disposition de la société pour une durée de dix ans. Une convention conclue entre l'ancien et le nouvel exploitant détermine les conditions de cette mise à disposition et notamment celles de la prise en charge par ce dernier des coûts salariaux correspondants.
Pendant la durée de cette mise à disposition, chaque agent peut à tout moment demander que lui soit proposé par le nouvel exploitant un contrat de travail. La conclusion de ce contrat emporte alors radiation des cadres. A l'expiration de ce délai de dix ans, le nouvel exploitant propose à chacun des agents publics un contrat de travail, dont la conclusion emporte radiation des cadres.
La parole est à M. Jacques Blanc, sur l'article.
M. Jacques Blanc. Cet article 7 concerne les aéroports régionaux d'intérêt national ou international dont l'Etat gardera la propriété.
La liste des aérodromes visés, qui figure dans le très intéressant rapport de M. Le Grand, est indicative puisqu'elle doit être confirmée par un décret, qui est prévu par le présent projet de loi ainsi que par la loi de décentralisation instaurant ces catégories d'aéroports. Monsieur le ministre, pouvez-vous me confirmer, comme M. Le Grand le prévoit dans son rapport, que l'aéroport de Montpellier-Méditerranée figurera bien dans cette liste ?
Par ailleurs, le rôle actuel des chambres de commerce et d'industrie est essentiel. Ce projet de loi a pour objet non pas de les supprimer, mais de leur permettre d'intervenir à l'intérieur de sociétés auxquelles elles participeront.
Monsieur le ministre, je souhaite que le Gouvernement nous confirme la prééminence du rôle des chambres de commerce et d'industrie et qu'on ne leur impose pas des participations au capital de ces nouvelles sociétés dans des conditions qui seraient pour elles inaccepables. Selon les situations dans les régions et en fonction des aéroports, il serait au contraire souhaitable de prévoir une grande souplesse de manière qu'il soit tenu compte de la réalité des rapports entre les chambres de commerce et les collectivités plutôt que d'imposer de façon rigide des taux de participation.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Monsieur Blanc, je tiens à vous rassurer tout de suite : l'aéroport de Montpellier-Méditerranée figure bien sur la liste des aérodromes visés à l'article 7, et le décret va être publié incessamment.
M. Jacques Blanc. Je vous remercie, monsieur le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Par ailleurs, les CCI auront le choix : soit elles gardent leurs concessions, soit elles basculent vers le système des sociétés aéroportuaires.
M. Jacques Blanc. Dans lesquelles elles garderont un rôle important ?
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 21, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret. Cet article 7, qui concerne les grands aéroports régionaux, inquiète beaucoup l'ensemble du personnel des chambres de commerce et d'industrie qui sont actuellement les sociétés concessionnaires.
Ces salariés craignent que ce projet de loi ne soit finalement la première étape d'un processus de regroupement des gestionnaires d'aéroports qui, à terme, remettra en cause les missions de service public.
Ils ne sont pas les seuls puisque j'ai cru comprendre, monsieur le ministre, que ce projet de loi suscitait des inquiétudes auprès de certains directeurs de grands aéroports régionaux quant au devenir du service public et à la pérennité du statut du personnel.
Croire que ce projet apporte quelques garanties au personnel est en définitive un leurre, certains le reconnaissent aujourd'hui.
Certes, le projet de loi semble apporter certaines garanties au personnel puisqu'il prévoit que les agents publics affectés à la concession transférée aux nouvelles sociétés aéroportuaires seront mis à disposition de ces dernières pour une durée de dix ans. Mais qu'en sera-t-il exactement dans la pratique, monsieur le ministre ? Des pressions ne seront-elles pas exercées par le nouvel exploitant à l'encontre du personnel pour qu'il abandonne son statut ? Car c'est précisément ce que l'on a pu observer dans de grandes entreprises publiques récemment privatisées.
En outre, nous savons que le statut juridique des personnels des aéroports régionaux employés par les chambres de commerce et d'industrie n'est pas homogène : deux tiers de ces agents sont sous statut, 25 % sont titulaires de contrats de travail à durée indéterminée ou à durée déterminée et 10 % sont couverts par la convention collective des ports autonomes maritimes. C'est le cas, par exemple, de l'aéroport de Marseille-Provence.
Autrement dit, le point III de cet article 7, qui fait référence aux agents publics, ne correspond pas à la réalité du terrain.
L'ensemble des organisations syndicales de l'aéroport Marseille-Provence que j'ai eu l'occasion de rencontrer - CGT, CFE-CGC, FO et CFDT - craignent que la création de ces sociétés aéroportuaires et l'ouverture au capital privé ne soient qu'une étape vers la privatisation, avec le risque de conduire à des choix visant la seule rentabilité financière et pouvant entraîner de nombreuses fermetures de lignes pour ne maintenir que celles dont la rentabilité sera garantie.
Dans le cadre de la régionalisation européenne et de la mondialisation, on pourrait assister à une concentration de certaines lignes européennes et internationales sur quelques aéroports bien desservis par des liaisons ferroviaires nationales, provoquant ainsi la mutation des autres aéroports internationaux en aérodromes régionaux.
Autrement dit, certains aéroports régionaux pourraient être sacrifiés, ce qui aurait de lourdes conséquences économiques pour les régions concernées. Les secteurs du commerce, du tourisme et de l'industrie et, par voie de conséquence, l'emploi régional en subiraient directement les répercussions.
C'est donc une véritable concurrence entre les différents aéroports régionaux qui se dessine. L'aéroport de Lyon-Saint Exupéry, par exemple, ne tentera-t-il pas d'imposer sa dimension internationale au détriment de celui de Marseille-Provence ...
Mme Hélène Luc. Absolument !
M. Robert Bret. ... ou encore de celui de Nice-Côte d'Azur, qui n'est toujours pas reliée par la LGV ?
A terme, monsieur le ministre, combien de grands aéroports régionaux, sur la douzaine qui existe actuellement, résisteront ? Cinq ? Six ? Ce sera véritablement dramatique pour les économies locales et régionales touchées par ces éventuelles fermetures.
Ces nouvelles sociétés aéroportuaires qui auront à faire face à une forte concurrence du TGV risquent de faire pression sur la masse salariale et d'accroître le recours à la sous-traitance.
Elles chercheront à diversifier leur activité au détriment du coeur de leur métier et de leur vocation aéroportuaire.
En définitive, on ne peut que s'interroger sur ce véritable cadeau foncier fait à des sociétés privées qui vont pouvoir bénéficier gratuitement des infrastructures financées par l'argent public.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 66 rectifié, présenté par MM. Laffitte, Pelletier, A. Boyer, Fortassin, Marsin, Seillier et Mouly, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le premier alinéa du II de cet article :
Le ministre chargé de l'aviation civile autorise, à la demande de la chambre de commerce et d'industrie concessionnaire concernée, la cession de la concession aéroportuaire dont elle est titulaire à une société, créée à cet effet, majoritairement détenue par des personnes publiques, notamment la chambre de commerce et d'industrie titulaire de la concession à céder et, par dérogation aux articles L. 22531, L. 32316, L. 42111 et L. 51114 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements. Un avenant au contrat de concession fixe la nouvelle durée de la concession sans que la prolongation puisse excéder quarante ans, et met le contrat en conformité avec les dispositions d'un cahier des charges type approuvé par le décret prévu au I du présent article.
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. J'ai déjà exprimé ce matin mon intérêt pour les aéroports régionaux, tout particulièrement celui de Nice, que je connais bien. Ils sont vraiment un facteur structurant de l'économie régionale.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention les interventions de M. le ministre. Je considère que ce qui a été dit pour ADP vaut pour les aéroports régionaux, du moins pour les plus importants d'entre eux.
Je sais qu'il existe des structures du type Paris-Lyon-Marseille. Ne pourrait-on pas en concevoir une du même genre pour les aéroports ?
Si l'on considère les douze grands aéroports régionaux - pour Montpellier, notre collègue Jacques Blanc est rassuré -, à savoir Bordeaux, Nantes, Toulouse, Marseille, Nice, Lyon, Strasbourg, Montpellier, Lille, Saint-Denis de la Réunion, Fort-de-France et Pointe-à-Pitre, on constate que tous n'ont pas la même fonction, bien évidemment, mais que la plupart d'entre eux revêtent une grande importance pour le développement local.
L'aménagement du territoire mérite peut-être que la puissance publique puisse rester majoritaire dans leur capital.
C'est le premier objet de mon amendement.
Le second objet est identique à celui de l'amendement de la commission : il vise à faire passer de vingt à quarante ans la durée maximale de la concession de la gestion des aéroports aux collectivités auxquelles elle échoira.
Je pense que c'est un point important qu'il convient de considérer avec intérêt.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Remplacer la première phrase du premier alinéa du II de cet article par deux phrases ainsi rédigées :
L'autorité administrative peut autoriser la cession de la concession aéroportuaire à une société dont le capital initial est détenu majoritairement par des personnes publiques, dont la chambre de commerce et d'industrie titulaire de la concession cédée. Par dérogation aux articles L. 22531, L. 32316, L. 42111 et L. 51114 du code général des collectivités territoriales, les collectivités territoriales intéressées et leurs groupements peuvent prendre des participations dans cette société.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avec l'article 7, on aborde l'un des trois grands points d'intérêt, que je soulignais ce matin, de ce projet de loi : la question des aéroports régionaux.
Cet article est important car il modifiera fondamentalement la situation actuelle et permettra le développement de ces aéroports régionaux, qui est un peu limité aujourd'hui.
L'amendement n° 4, que l'on qualifiera de clarification rédactionnelle, va au-delà dans la mesure où il fait apparaître que les chambres de commerce et d'industrie, qui sont aujourd'hui concessionnaires, seront nécessairement actionnaires des sociétés auxquelles la concession sera cédée.
L'ensemble de ce dispositif a pour objectif de permettre aux chambres de commerce et d'industrie de continuer à être impliquées dans la gestion des grands aéroports régionaux.
J'aurai l'occasion de revenir au cours de la discussion sur ce que disait notre collègue Pierre Laffitte.
Il est important de ne pas détruire ce qui a fonctionné, de permettre des évolutions positives, en conférant aux chambres de commerce et d'industrie, qui sont les acteurs historiques, la capacité et la possibilité d'être actionnaires et de rester au centre du dispositif.
C'est ce à quoi vise l'amendement n° 4. Au-delà de la clarification rédactionnelle qu'il apporte, il est fondamental.
Je suis persuadé que si, d'aventure, certains représentants de l'union des chambres de commerce et établissements gestionnaires d'aéroport, l'UCCEGA, nous écoutaient aujourd'hui, ils ne manqueraient pas de relever l'intérêt de cet amendement.
M. Jacques Blanc. Très bien !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Monsieur le président, je demande que cet amendement soit mis aux voix par priorité, avant l'amendement n° 66 rectifié.
M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.
L'amendement n° 22 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 51 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Dans la première phrase du premier alinéa du II de cet article, après le mot :
capital
supprimer le mot :
initial
La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 22.
M. Michel Billout. L'article 7 a pour objet de transférer les concessions aéroportuaires dont sont actuellement titulaires les chambres de commerce et d'industrie à de nouvelles sociétés, dont il est précisé que le capital initial sera majoritairement détenu pas des personnes publiques.
Dans la logique des amendements que nous avons défendus, nous souhaitons que ces sociétés ne soient pas privatisées.
Cet amendement est donc un amendement de repli qui devrait permettre le maintien de capitaux publics au sein de ces nouvelles sociétés.
M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 51.
M. Daniel Reiner. Cet amendement vise lui aussi à supprimer le mot « initial », afin de préserver le caractère entièrement public des sociétés aéroportuaires.
La situation est un peu paradoxale.
Vous nous dites que la société ADP est une société publique dont le domaine est privé. Nous considérons pour notre part que, à terme, elle sera une société privée.
Concernant les aéroports régionaux, vous nous dites que leur domaine est public mais que leur exploitation, initialement publique, sera très rapidement privée.
Pourquoi ce traitement différencié ? Nous proposons que la majorité du capital des aéroports de province soit, elle aussi, publique.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Dans la seconde phrase du premier alinéa du II de cet article, remplacer le mot :
vingt
par le mot :
quarante
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Cet amendement est extrêmement simple dans son énoncé : il vise à accroître la durée de la concession en la faisant passer de vingt, comme initialement proposé dans le projet de loi, à quarante ans.
Je me suis expliqué ce matin au cours de la discussion générale. Je n'y reviendrai pas. Le temps de retour sur investissements dans un aéroport de province est sensiblement plus long que sur d'autres plateformes. Aussi est-il souhaitable, pour que les capitaux privés puissent rejoindre de telles structures, que la concession soit portée à quarante ans.
Cela va sans dire mais cela va mieux en le disant et en le précisant ainsi.
M. le président. L'amendement n° 52, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Dans la première phrase du III de cet article, supprimer le mot :
publics
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Cet amendement vise à apporter une précision au sujet des agents des chambres de commerce et d'industrie affectés auprès des concessions aéroportuaires.
Le rapport de la commission des affaires économiques précise très clairement que tous les agents des chambres de commerce et d'industrie qui travaillent à l'heure actuelle à l'exploitation seront concernés par cette disposition.
Au cours des consultations que le rapporteur a menées auprès d'elles, les organisations syndicales de ces personnels ont demandé que ce point soit précisé, dans la mesure où la notion d'agent public d'une chambre de commerce et d'industrie a fait l'objet, semble-t-il, de jurisprudences fluctuantes.
Le rapporteur a estimé qu'il convenait d'écarter l'interprétation restrictive de cette notion, qui ne viserait que le directeur de l'aéroport et l'agent comptable.
Sa proposition d'un amendement de précision rédactionnelle sur cet alinéa n'a pas connu de suite en commission. Aussi, je propose que cette précision apparaisse au cours de notre débat afin que nous définissions précisément qui sont les agents publics des chambres de commerce et d'industrie.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur l'amendement de suppression n° 21.
Je voudrais dire à M. Bret que, à bien les considérer, les dispositions prises à l'égard des salariés sont extrêmement simples.
Au bout de dix ans, la société est obligée de proposer à ces salariés un contrat de travail de droit commun. En cas de refus de leur part, ils rejoignent alors les chambres de commerce et d'industrie. Tout salarié peut anticiper ce terme de dix ans et solliciter un contrat de travail, s'il le souhaite.
Par conséquent, l'ensemble de ces dispositions sont convenables, ne prévoient pas de dérogations et ne placent pas les salariés dans des situations difficiles.
M. Robert Bret. Et les salariés des ports autonomes, par exemple ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Il est question ici des aéroports de province !
M. Robert Bret. Et moi je vous parle des ports autonomes !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Vous êtes défavorable à ces dispositions, ce qui est assez contradictoire avec vos intentions. Peut-être n'ai-je pas très bien compris ? Vous mettez en difficulté les salariés de ces entreprises.
M. Robert Bret. Mais non !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. J'ai demandé que l'amendement n° 66 rectifié soit mis aux voix après l'amendement n° 4. Si le Sénat adopte ce dernier, l'amendement n° 66 rectifié n'aura plus d'objet. Je voudrais cependant dire à notre collègue Pierre Laffitte que la seconde partie de son amendement est satisfaite puisqu'on la retrouve dans l'amendement n° 5 de la commission.
Le fait de porter la concession de vingt à quarante ans le satisfera totalement, si tant est, bien sûr, que l'amendement soit adopté. Nous le saurons dans quelques instants. Le suspense est insoutenable ; néanmoins, je nourris quelque espoir. (Sourires.)
L'amendement n° 22, défendu par M. Billout, vise à interdire la détention majoritairement privée des sociétés aéroportuaires régionales.
Mon cher collègue, par crainte d'une hypothèse de long terme, vous risquez d'obérer le court terme. Cette attitude et ce comportement me paraissent curieux.
Ce pari est trop risqué pour que nous le tentions. Aussi, j'émets un avis défavorable sur cet amendement.
M. Daniel Reiner. Ce n'est pas un argument, c'est un effet de manches !
M. Robert Bret. Ce n'est pas un argument de fond !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je m'exprime sincèrement en vous disant que le pari est effectivement risqué et que, par crainte d'une hypothèse de long terme, on obère le court terme.
Cela me paraît logique. Ce qui est dit est dit. Les mots sont ceux que j'utilise, même si, par ailleurs, vous ne les approuvez pas.
L'amendement n° 51 est paradoxal, sans doute dans la forme.
Vers quoi veut-on tendre ? On veut tendre vers une amélioration de la compétitivité et de la réactivité des sociétés ou organismes qui seront chargés de gérer les plateformes aéroportuaires.
Si, dans le cas de ADP, il s'agit de lui permettre de quitter son statut d'établissement public pour qu'il puisse mener d'autres actions afin de mobiliser des capitaux privés et d' assurer son développement,...
Mme Hélène Luc. On sort du rôle d'un aéroport !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. ... dans le cas des plateformes aéroportuaires régionales, il s'agit là encore de mobiliser des capitaux privés. On peut aller au-delà de la participation publique. La possession des domaines relève de l'Etat et le public peut aussi être représenté par les collectivités.
On rejoint - et vous le savez, puisque nous en avons parlé en commission - une capacité d'aménagement du territoire conférée par la loi aux collectivités et renforcée par les lois de décentralisation.
Nous sommes donc dans une logique d'amélioration de la réactivité et de la compétitivité. Que les effets soient croisés ou, en apparence, croisés, le résultat s'en trouve amélioré.
La commission a donc émis un avis défavorable sur l'amendement n° 51.
Sur l'amendement n° 52, je vous confirme, monsieur Reiner, que tous les agents publics sont concernés, puisque ce sont les dispositions du code du travail qui s'appliquent normalement aux agents de droit privé.
Je l'avais probablement mal écrit dans mon rapport. Vous avez eu raison de le souligner. Je vous en donne acte.
M. Daniel Reiner. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Sur l'amendement n° 21, je rappelle que certaines concessions ont aujourd'hui des durées extrêmement courtes, qui sont incompatibles avec le bon exercice de la mission de service public. L'article 7 permet aux chambres de commerce et d'industrie qui le souhaitent de sortir de la précarité et de participer à la création d'une société aéroportuaire. C'est un bon dispositif qu'il ne faut surtout pas supprimer. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n° 66 rectifié comporte de nombreux aspects très intéressants, comme l'a souligné M. le rapporteur.
Je précise toutefois qu'une CCI peut conserver, si elle le souhaite, une concession dont elle est titulaire jusqu'à l'expiration de son contrat, le projet de loi tel qui est rédigé ne l'obligeant pas à la céder avant cette date. La précision apportée par l'amendement ne paraît donc pas nécessaire.
Par ailleurs, la disposition concernant la détention du capital ne correspond pas au projet du Gouvernement qui prévoit que les sociétés concessionnaires des grands aéroports régionaux pourront, dans un second temps et en fonction des besoins, ouvrir leur capital au secteur privé, y compris de manière majoritaire, le cas échéant.
En revanche, le Gouvernement approuve la nécessité de prolonger la durée des concessions pour les rendre compatibles avec un bon exercice de service public. Ce point est toutefois repris par l'amendement n° 5.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 66 rectifié.
Il est favorable à l'amendement n° 4 de précision rédactionnelle, qui apporte une clarification utile.
L'amendement n° 22 a pour objet de maintenir une majorité d'actionnaires publics ad vitam aeternam dans le capital des sociétés aéroportuaires. J'ai déjà répondu sur ce point à l'occasion de l'amendement n° 66 rectifié et, pour les mêmes raisons, j'émets un avis défavorable sur cet amendement, ainsi que sur l'amendement identique n° 51.
S'agissant de l'amendement n° 52 visant à étendre le dispositif prévu pour les agents publics des CCI à tous les agents, il convient de rappeler que la situation des personnels aéroportuaires autres que les agents publics est déjà couverte par la disposition d'application générale de l'article L.122-12 du code du travail. J'ajoute que, contrairement à ce que vous indiquez, monsieur Reiner, sur certains aéroports, les agents publics sont nettement plus nombreux que les deux agents - le directeur de l'aéroport et l'agent comptable - qui vous citez dans l'objet de votre amendement.
M. Daniel Reiner. Ce n'est pas moi qui les ai cités. Ils figurent dans le rapport !
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
En revanche, il est favorable à l'amendement n° 5 et à l'allongement de la durée maximale de la prolongation des concessions des aéroports régionaux. Cette disposition permettra d'assurer la viabilité économique de plusieurs grands aéroports régionaux qui devront, bientôt ou dans la prochaine décennie, faire face à des investissements financiers lourds.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur la demande de priorité formulée par la commission pour l'amendement n° 4 ?
M. le président. La priorité est de droit.
Je mets donc aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement est adopté).
M. le président. En conséquence, les amendements nos66 rectifié, 22 et 51 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour explication de vote sur l'amendement n° 52.
M. Robert Bret. Monsieur le rapporteur, contrairement à ce que vous avez indiqué, chacun sait que le statut juridique des personnels des chambres de commerce et d'industrie n'est pas homogène.
Par exemple, les personnels de l'aéroport de Marseille- Provence disposent d'une convention collective - je peux vous la remettre si vous ne la connaissez pas -, celle des personnels des Ports autonomes maritimes et des chambres de commerce et d'industrie, concessionnaires dans les ports maritimes de commerce et de pêche. C'est une réalité. Ils représentent 10 % de l'ensemble des personnels couvert par la convention.
Plus généralement, chacun sait aussi que le statut juridique des personnels des CCI est fragile et comporte un certain nombre de lacunes.
Jusqu'en 1954, les règles de gestion des personnels reposaient sur des usages, formalisés ou non dans des règlements intérieurs.
Cette situation ayant posé de nombreux problèmes, le Conseil d'Etat, saisi, a considéré qu'il était opportun de rendre obligatoire, pour les agents des CCI, un statut qui pouvait s'inspirer des règles applicables aux fonctionnaires, mais qui devait être mis au point par une commission paritaire nationale.
Ce régime propre s'appliquait uniquement aux personnels administratifs, c'est-à-dire à ceux qui étaient affectés à des services publics administratifs, et non pas aux agents participant à l'exploitation des services à caractère industriel et commercial.
Dans le cadre de ce statut, de nouvelles dispositions, approuvées par arrêté du 23 juillet 1997, ont été mises en place, s'appliquant à l'ensemble des agents des CCI ayant la qualité d'agents du droit public.
Pour autant, la question n'est pas totalement résolue, puisque l'arrêt Berkani, en 1996, fait dépendre la qualification d'agent de droit public de la qualité de personne publique de l'employeur et du caractère administratif du service public dont relève l'agent, et non plus de la participation directe à l'exécution du service public administratif, et qu'il implique de déterminer le « caractère » du service public, ce qui est loin d'être simple.
Comme l'indiquait notre ami Daniel Reiner, la jurisprudence a tranché en opérant de subtiles distinctions : les personnels qui participent à l'exécution du service public administratif relèvent du statut des CCI, les autres, du droit privé.
Par conséquent, la complexité de la situation n'est pas prise en compte par le paragraphe III de l'article 7.
C'est pourquoi nous estimons qu'il est nécessaire de supprimer l'adjectif « publics » après le mot « agents », comme le proposent nos collègues du groupe socialiste, apparentés et rattachés.
Par ailleurs, s'agissant de l'aéroport Marseille -Provence, je confirme que la mise à disposition des agents publics ne concerne, de fait, que le directeur de l'aéroport et l'agent comptable. C'est une réalité.
Pour toutes ces raisons, nous soutenons l'amendement n° 52.
M. le président. La parole est à M. Jacques Blanc, pour explication de vote sur l'article 7.
M. Jacques Blanc. Je tiens à souligner l'apport très important des amendements de notre rapporteur, et je remercie le Gouvernement de les avoir acceptés, car ils permettent de consacrer dans le présent texte le rôle des chambres de commerce et d'industrie.
A elles de proposer la mise en place de sociétés, d'inviter les collectivités territoriales intéressées à y participer, mais elles conservent un rôle dominant. C'est un point du débat qui revêt une signification profonde.
Enfin, je remercie également M le ministre d'avoir confirmé que l'aéroport de Montpellier-Fréjorgues figurerait bien dans la liste des aéroports régionaux d'intérêt national, voire international. (Sourires.)
Mme Hélène Luc. On en reparlera !
M. Robert Bret. En attendant des regroupements !
M. le président. Je mets aux voix l'article 7, modifié.
(L'article 7 est adopté.)
TITRE III
DISPOSITIONS RELATIVES À L'ENSEMBLE DES AÉROPORTS
Article additionnel avant article 8
M. le président. L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Avant l'article 8, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Il est créé après le chapitre VII du titre II du livre II du code de l'aviation civile, un chapitre VIII ainsi rédigé :
" Chapitre VIII
" Commission de conciliation aéroportuaire
"Art. L. 2281. I. La Commission de conciliation aéroportuaire comprend sept membres nommés pour une durée de six ans par décret pris sur le rapport du ministre chargé de l'aviation civile.
"II. Elle se compose de :
"1° Trois membres ou anciens membres issus respectivement du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation, de la Cour des Comptes ;
"2° Deux personnalités choisies en raison de leur compétence en matière de transport aérien et d'aviation civile ;
"3° Un membre de l'Assemblée nationale ;
"4° Un membre du Sénat.
"III. Le président est nommé parmi les membres ou anciens membres du Conseil d'Etat, de la Cour de cassation ou de la Cour des Comptes.
"IV. Le mandat des membres de la Commission de conciliation aéroportuaire est renouvelable une fois.
"Art. L. 2282. Est déclaré démissionnaire d'office par le ministre tout membre qui n'a pas participé, sans motif valable, à trois séances consécutives. Tout membre de la commission doit informer le président des intérêts qu'il détient ou vient à acquérir dans le domaine du transport aérien et de l'aviation civile.
"En cas de partage égal des voix, la voix du président est prépondérante.
"Art. L. 2283. La Commission de conciliation aéroportuaire adresse au ministre de l'aviation civile des avis motivés relatifs à la conformité des décisions des exploitants des aérodromes mentionnés à l'article L. 2512 et à l'article 7 de la loi n° du relative aux aéroports aux objectifs définis à l'article L. 2284 et aux dispositions de l'article L. 2242.
"Elle est saisie à la même fin par les compagnies aériennes et leurs organisations, les organisations professionnelles et syndicales, les chambres de métiers ou les chambres de commerce et d'industrie de toute question relative à l'application du cahier des charges prévu à l'article L. 2512.
"Art. L. 2284. La Commission de conciliation aéroportuaire peut être saisie par les exploitants d'aérodromes en cas de non paiement ou de paiement insuffisant par un usager des redevances aéroportuaires. Après vérification de l'absence ou de l'insuffisance du paiement, elle en informe les exploitants des aérodromes, leurs usagers, les associations agrées de consommateurs, les organismes représentant les agences de tourisme. "
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Cet amendement tend à créer une commission de conciliation aéroportuaire. Il vise à insérer un nouveau chapitre et à introduire quatre articles supplémentaires dans le code de l'aviation civile.
Sans rentrer dans le détail de ces articles, qui figure dans le texte de l'amendement, j'indique simplement qu'ils tendent respectivement à prévoir la composition de la commission, à en préciser les règles de fonctionnement. L'article 228-3, qui est probablement l'élément principal du dispositif, confie à cette commission un rôle de médiation dans les litiges.
Quelle pourrait être la nature de ces litiges ? L'évolution des plateformes aéroportuaires peut conduire les compagnies aériennes à se retrouver dans un tête-à-tête avec les gestionnaires d'aéroports.
S'il y a fort à parier que, la plupart du temps, les choses se passent bien et que tout aille dans le bon sens, il pourrait néanmoins surgir des situations de conflit dues à une divergence d'appréciation sur les propositions concernant le montant de la redevance ou sur les orientations retenues en matière d'investissements dans les plateformes aéroportuaires, l'orientation marchande ou l'orientation « transport aérien ».
La commission a pensé qu'il était nécessaire que ce tête-à-tête puisse trouver une issue, par le haut, d'où sa proposition de création d'une commission de conciliation.
Elle constitue également un outil supplémentaire pour l'Etat. Il faut rappeler en effet que l'Etat est actionnaire majoritaire de ADP - et ce sera acté dans la loi si elle est votée -, qu'il est également actionnaire de Air France et de ADP. Etant actionnaire dans les trois acteurs présents dans le transport aérien, il se pourrait qu'il soit en conflit avec lui-même, autrement dit qu'il ne puisse trancher certains problèmes ou apporter un avis complètement désintéressé.
La commission de conciliation aurait une double mission. Elle serait chargée d'organiser la conciliation - nous y reviendrons tout à l'heure - et, en cas de réussite, il y aurait lieu de se féliciter de son aboutissement. Par ailleurs, elle pourrait être également saisie pour avis, ce qui représenterait un plus, en particulier lors de la négociation des contrats pluriannuels.
Je ne m'étendrai pas davantage sur ce point ; j'y reviendrai à l'occasion de l'examen du sous-amendement n° 70 rectifié du Gouvernement.
Je rappelle que la commission avait émis un avis plutôt défavorable sur le sous-amendement initial. Le Gouvernement l'a rectifié et il rejoint maintenant la philosophie de la commission.
Je suis persuadé, monsieur le ministre, que nous trouverons ensemble une issue commune, favorable et créative, pour doter le transport aérien d'un outil supplémentaire permettant à ce secteur d'être protégé dans toutes ses dimensions et ses orientations et aux plateformes aéroportuaires de continuer à envisager des projets d'investissements normaux et nécessaires. Ces dispositions me paraissent donc aller dans le bon sens.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yvon Collin, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je tiens à exprimer le soutien total que la commission des finances apporte à cet amendement.
Il nous paraît en effet tout à fait opportun d'instaurer une autorité de concertation qui, sans revenir sur la politique du Gouvernement, pourrait être saisie par les acteurs du transport aérien.
Je souligne, même si cela a été dit, que l'Etat se trouve tout à la fois régulateur, actionnaire de ADP et actionnaire de Air France. Il est évident que ces trois entités ont intérêt à ce que l'activité aéroportuaire se développe, mais des arbitrages délicats pourront s'avérer nécessaires. La commission de conciliation pourra utilement éclairer le Gouvernement.
En conséquence, elle constitue à l'évidence une avancée extrêmement positive et donne plus de lisibilité au système.
M. le président. Le sous-amendement n° 70 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le texte proposé par l'amendement n° 6 rectifié pour l'article L. 228-3 du code de l'aviation civile:
« Art. L. 2283. - La Commission de conciliation aéroportuaire adresse au ministre chargé de l'aviation civile des avis motivés sur les programmes d'investissement et sur les projets d'évolution pluriannuelle des redevances proposés par les exploitants des aérodromes mentionnés à l'article L. 2512 et à l'article 7 de la loi n° du relative aux aéroports, dans le cadre de la conclusion des contrats mentionnés au II de l'article L. 2242.
« Elle est saisie à la même fin par les exploitants d'aérodromes, les compagnies aériennes et leurs organisations professionnelles.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. Avant de présenter ce sous-amendement, permettez-moi, monsieur le président, de saluer l'initiative de la commission des affaires économiques visant à créer une commission de conciliation pour le travail exceptionnel qu'elle a accompli. sur le plan législatif
Par l'amendement n° 6 rectifié, la commission prévoit un dispositif qui doit apporter - et qui apportera - au Gouvernement un éclairage important sur la question essentielle des redevances. L'esprit de cette proposition me semble répondre à la logique du Gouvernement, qui consiste à engager une concertation sur l'évolution des redevances en amont de la conclusion des règles pluriannuelles.
Si le Gouvernement propose un sous-amendement, c'est tout simplement parce qu'il lui semble nécessaire de bien cibler le rôle de cette commission sur le sujet central : l'évolution pluriannuelle des redevances.
Tel est le travail très complémentaire qui a été réalisé par les commissions et par le Gouvernement, dont je me félicite.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur le sous-amendement n° 70 rectifié ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je veux tout d'abord remercier mon excellent collègue Yvon Collin du travail qu'il a accompli, au nom de la commission des finances, ainsi que du soutien qu'il a apporté à l'initiative de la commission des affaires économiques.
Monsieur le ministre, comme je l'ai laissé entendre tout à l'heure, le sous-amendement n° 70 rectifié améliore la rédaction de l'amendement n° 6 rectifié. De plus, il se situe dans le droit-fil de nos réflexions.
La commission des affaires économiques ne s'étant pas prononcée, c'est donc à titre personnel que j'exprime un avis favorable sur ce sous-amendement, qui vise à équilibrer l'amendement de la commission. Ce dernier doit bien entendu être créatif, mais il doit surtout être fonctionnel.
Nous avions été plutôt défavorables au sous-amendement tel qu'il avait été initialement présenté par le Gouvernement, mais la modification apportée me permet de dire qu'il aurait maintenant reçu un avis favorable.
A titre personnel, je vous invite donc à l'adopter, mes chers collègues.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur le sous-amendement n° 70 rectifié.
M. Jean Desessard. Je voudrais faire remarquer à M. le rapporteur que la commission des affaires économiques s'est réunie ce matin. Nous avons examiné ce sous-amendement gouvernemental, qui vise à remplacer une personnalité de la Cour de cassation par une autre personne.
La commission a, me semble-t-il, voté contre cette proposition, monsieur le rapporteur. Je ne comprends donc pas votre position.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Monsieur Desessard, nous avons examiné ce matin le sous-amendement initial déposé par le Gouvernement. J'ai bien dit tout à l'heure que la commission y avait été défavorable. Cela étant, la rectification apportée par le Gouvernement rejoint, je le répète, la philosophie d'ensemble de la commission.
M. le président. La parole est à M. Gérard César, pour explication de vote.
M. Gérard César. J'ai assisté ce matin à la réunion de la commission des affaires économiques et je confirme les propos de M. le rapporteur.
La commission a suivi toutes ses propositions et, dans sa majorité, elle le suivra en votant le sous-amendement n° 70 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 70 rectifié.
(Le sous-amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, avant l'article 8.
Article 8
Il est ajouté, après l'article L. 224-1 du code de l'aviation civile, un article L. 224-2 ainsi rédigé :
« Art. L. 224-2. - I. - Les services publics aéroportuaires donnent lieu à la perception de redevances pour services rendus fixées conformément aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 410-2 du code de commerce.
« Le montant des redevances tient compte de la rémunération des capitaux investis, ainsi que, le cas échéant, de dépenses, y compris futures, liées à la construction d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service.
« Il peut faire l'objet, pour des motifs d'intérêt général, de modulations limitées tendant notamment à réduire ou compenser les atteintes à l'environnement, améliorer l'utilisation des infrastructures ou diminuer leur encombrement.
« Le produit global des redevances ne peut excéder le coût des services rendus sur l'aéroport.
« II. - Pour la société Aéroports de Paris et pour les exploitants des aérodromes civils appartenant à l'Etat, les conditions de l'évolution des tarifs des redevances aéroportuaires sont déterminées par des contrats pluriannuels d'une durée maximale de cinq ans, conclus avec l'Etat, qui fixent pour la période considérée une évolution maximale en tenant compte notamment des prévisions de coûts, de recettes, d'investissements ainsi que d'objectifs de qualité des services publics rendus par l'exploitant d'aérodrome. Ces contrats s'incorporent, le cas échéant, aux contrats de concession d'aérodrome conclus par l'Etat.
« Faute pour un tel contrat d'être conclu, les tarifs des redevances aéroportuaires sont déterminés sur une base annuelle dans des conditions fixées par décret.
« III. - Un décret en Conseil d'Etat arrête les modalités d'application du présent article, notamment les catégories d'aérodromes qui en relèvent, les règles relatives au champ, à l'assiette et aux modulations des redevances, les principes et les modalités de fixation de leurs tarifs, ainsi que les sanctions administratives susceptibles d'être infligées à l'exploitant en cas de manquement à ses obligations en la matière.
L'autorité administrative peut, en particulier, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 1 % du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos de l'exploitant. »
M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 23, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. L'article 8 vise à introduire la possibilité de moduler les redevances versées par ADP et les aéroports régionaux en contrepartie des services aéroportuaires rendus, et ce sans l'accord de l'Etat et sans consultation préalable des usagers.
Il s'agit là d'une remise en cause des fonctions régaliennes de l'Etat, à savoir répartir les fonds publics perçus par le biais d'une redevance au regard des services d'intérêt général qu'il rend.
Dans le second alinéa, l'article 8 introduit une nouveauté puisqu'il permet d'intégrer dans le calcul de la redevance la rémunération des capitaux investis. Il s'agit encore une fois de satisfaire à l'impératif de rentabilité des investissements qui seront réalisés par une entreprise privée, alors même que le fondement de cette redevance reste l'exécution de missions de service public. Comment peut-on confier à une entreprise privée la mise en oeuvre de l'intérêt général ?
Ces modulations, précise-t-on dans le troisième alinéa, ne seront acceptées que si elles tiennent à un motif d'intérêt général, comme la préservation de l'environnement, l'amélioration de l'utilisation des infrastructures et la diminution de leur encombrement. Autant dire que ces motivations n'auront pas besoin d'une grande précision.
Nous pouvons craindre que cet article, qui modifie substantiellement le régime des redevances aéroportuaires, ne soit la porte ouverte à de nouvelles pratiques, au détriment de la qualité du service rendu aux usagers.
En effet, cette mesure permet au Gouvernement de se soustraire non seulement au principe d'égalité devant les charges publiques, principe énoncé à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais aussi au principe d'égalité de traitement des usagers du service public, notamment pour ce qui concerne l'utilisation du domaine public.
De plus, pour accroître leur bénéfice, et ainsi satisfaire leurs actionnaires, les gestionnaires d'aéroports pourraient être tentés de fixer les redevances à un niveau plus élevé pendant les périodes de pointe du trafic. A l'aéroport Charles-de-Gaulle, une telle pratique pénaliserait fortement l'entreprise d'intérêt national Air France, qui possède un hub et propose des vols, tant en heures creuses qu'en heures de pointe, pour répondre à l'ensemble des besoins et donc remplir ses missions de service public.
Cette nouvelle mesure va aussi tendre à accroître la concurrence entre les compagnies aériennes pour obtenir les aérogares les plus économiques. Quels seront alors les critères d'attribution ?
De plus, les risques de mise en place de traitements différents sont élevés. Ainsi, on pourrait faire payer plus les compagnies « traditionnelles » comme Air France et diminuer les tarifs pour les compagnies low cost qui offrent un service moindre.
Cette mesure pourrait se traduire par la mise en oeuvre d'une activité aéroportuaire à deux vitesses en fonction des revenus des usagers et risquerait aussi de porter atteinte aux normes de sécurité.
Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous reteniez le système de caisse unique ; nous nous en félicitons et nous espérons que vous tiendrez ces engagements.
Par ailleurs, les exigences de rentabilité immédiate et de réduction des coûts font peser de lourdes inquiétudes quant aux conditions d'accueil des usagers et à la sécurité des locaux.
Enfin, toutes les dispositions relatives aux modalités d'application de cet article - catégorie des aérodromes, assiette et taux de modulation des redevances, modalité de fixation des tarifs - sont renvoyées, une fois de plus, à un décret en Conseil d'Etat, ce qui constitue un véritable chèque en blanc donné à l'exécutif.
Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 8.
M. le président. L'amendement n° 53, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit le deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile :
« Le montant des redevances tient compte le cas échéant, de dépenses, y compris futures, liées à la construction sur le même aéroport d'infrastructures ou d'installations nouvelles avant leur mise en service.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Nous retirons cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 53 est retiré.
Je suis saisi de trois amendements identiques.
L'amendement n° 24 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 55 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
L'amendement n° 64 est présenté par M. Soulage.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Compléter le deuxième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile par une phrase ainsi rédigée :
« Ce montant tient compte en outre de l'excédent des recettes procurées à l'exploitant de l'aéroport par les activités non aéronautiques, y compris les plus-values foncières constatées lors de cession de terrains.
La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 24.
M. Michel Billout. L'article 8 suscite de nombreuses inquiétudes, qu'elles émanent d'une grande compagnie aérienne comme Air France - son président a écrit à M. le ministre -, qui craint de voir ses propres redevances fortement augmenter, ou des usagers et des collectivités locales riveraines des aéroports, qui craignent de subir les effets négatifs liés à l'introduction du dispositif de modulation.
Jusqu'à présent la compagnie Air France a su tirer son épingle du jeu concurrentiel, et ce sur fond de faillite d'autres grandes compagnies aériennes. Mais qu'en sera-t-il, à terme, avec l'intensification de la concurrence des compagnies low cost qui se satisfont de structures d'accueil a minima et qui tirent vers le bas l'ensemble des coûts des services aéroportuaires ?
Quelle politique de modulation sera mise en place par l'exploitant face à ces deux catégories d'usagers ?
Ce sont autant de questions qui méritent une réponse.
Monsieur le rapporteur, vous affirmez que « la modulation ne constitue donc pas une source d'accroissement des ressources de l'exploitant, mais une incitation à une répartition des redevances plus profitable à la collectivité ». Permettez-moi d'avoir des doutes.
A partir du moment où l'exploitant est privé, l'introduction de cette modulation devient pour le moins périlleuse, et je redoute que le dispositif tel qu'il est conçu n'apporte aucune garantie. On peut dès lors légitimement craindre, dans le contexte actuel de mise en concurrence des aéroports, que la modulation ne soit utilisée comme un avantage concurrentiel visant à intensifier le trafic.
Cela étant, l'amendement n° 24 a pour objet de réaffirmer le principe selon lequel l'ensemble des ressources générées par un aéroport doivent être affectées à une caisse unique.
Dans le cas contraire, les services aéroportuaires seraient rapidement privés des ressources nécessaires non seulement à leur équilibre financier, mais également au financement de leur développement.
Cet amendement de repli vise donc à ce que les activités commerciales, immobilières et autres permettent de réduire le niveau des redevances.
M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 55.
M. Jean Desessard. Le principe selon lequel l'ensemble des ressources d'un aéroport doit être affecté dans une caisse unique doit être affirmé par le législateur.
En effet, le développement d'un aéroport et l'ensemble des recettes qu'il perçoit trouvent leur origine dans le trafic aérien. Il en résulte que l'excédent des ressources nées des activités extra-aéronautiques, c'est-à-dire des activités commerciales, hôtelières, logistiques ou immobilières, doit permettre de réduire le niveau des redevances aéronautiques.
Selon la théorie économique, ce principe de la caisse unique est fondé sur l'existence d'une complémentarité entre les demandes satisfaites par les activités commerciales et celles portant sur les services aéronautiques.
Dans la pratique, ce principe est aujourd'hui respecté par la plupart des grands aéroports internationaux. Il est appliqué notamment au Royaume-Uni, en particulier dans les aéroports londoniens. Il est, en outre, préconisé par l'Organisation de l'aviation civile internationale.
Afin de donner une traduction législative à ce principe, il convient de mentionner que le montant des redevances dues par les transporteurs aériens pour les services aéroportuaires qui leur sont rendus tient compte de l'excédent des recettes procurées à l'exploitant de l'aéroport par toutes les activités qui ne sont pas aéronautiques, y compris le produit des éventuelles plus-values foncières dégagées par l'aéroport lors de la cession de terrains.
M. le ministre a bien confirmé le principe de la caisse unique, mais M. le rapporteur pour avis de la commission des finances indique que le dispositif proposé n'est pas, à strictement parler, une caisse unique. Lorsqu'il évoque la position d'ADP, il qualifie, à la page 44 de son rapport, cette caisse de « caisse unique aménagée ».
En clair, il semblerait que ADP veuille diminuer les redevances sur les commerces pour que celles-ci subventionnent moins, de fait, les activités aéronautiques.
Nous aimerions avoir des éclaircissements sur ce point, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. Daniel Soulage, pour présenter l'amendement n° 64.
M. Daniel Soulage. Par cet amendement, je réaffirme le principe selon lequel l'ensemble des ressources d'un aéroport doit être affecté dans une caisse unique.
J'ai déjà abordé le problème ce matin lors de la discussion générale. M. le ministre a répondu à deux reprises à mes interrogations. Ses explications me convenant parfaitement, je retire cet amendement, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 64 est retiré.
L'amendement n° 65, présenté par M. Soulage et les membres du groupe de l'Union Centriste, est ainsi libellé :
Après le mot :
tendant
rédiger comme suit la fin du troisième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile :
à réduire ou compenser les atteintes à l'environnement, améliorer l'utilisation des infrastructures, diminuer leur encombrement, favoriser la création de nouvelles liaisons ou répondre à des impératifs de continuité et d'aménagement du territoire.
La parole est à M. Daniel Soulage.
M. Daniel Soulage. L'amendement n° 65 vise à préciser exactement le champ de la modulation. Le législateur ne peut pas ouvrir sans limitations ni précisions ce champ.
Nous proposons donc de compléter le texte du Gouvernement en prévoyant des modulations visant à favoriser le développement de nouvelles liaisons ou à promouvoir certaines activités ayant des retombées socioéconomiques particulières sur un aéroport donné.
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Au troisième alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile, supprimer le mot :
notamment
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Il s'agit de préciser le champ de la modulation. Il est, en effet, nécessaire de ne pas ouvrir sans limitations ni précisions ce champ.
M. le président. L'amendement n° 67 rectifié, présenté par MM. Laffitte, Pelletier, Barbier, A. Boyer, Fortassin, Marsin, Seillier et Mouly, est ainsi libellé :
Dans le dernier alinéa du I du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile, remplacer les mots :
des redevances
par les mots :
de ces redevances
La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Il s'agit d'un amendement de précision.
M. le président. L'amendement n° 56, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
I - Compléter in fine le I du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé :
« Le montant des redevances, leurs modulations éventuelles, leur produit global et leurs évolutions annuelles et pluriannuelles sont fixés à l'issue d'une concertation organisée entre l'exploitant de chaque aéroport et ses usagers ».
II - En conséquence, dans le premier alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile, après les mots :
les principes et les modalités de fixation de leurs tarifs
insérer les mots :
, les modalités de la concertation organisée entre l'exploitant de chaque aéroport et ses usagers
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. La fixation du montant des redevances aéroportuaires fait actuellement l'objet, dans le cadre des commissions consultatives économiques prévues par les articles R. 224-2 et D. 252-1 du code de l'aviation civile, d'une consultation préalable des usagers.
En contrepartie de la plus grande liberté accordée par le projet de loi aux exploitants des aéroports pour fixer le tarif des redevances, il est indispensable que le principe de concertation préalable entre l'exploitant et les usagers soit affirmé par la loi.
Lorsque l'aéroport conclut un contrat pluriannuel pour déterminer les conditions d'évolution des redevances, cette concertation doit intervenir avant la conclusion du contrat, puis chaque année pendant son exécution.
Pour les aéroports qui n'ont pas conclu un tel contrat, la concertation doit être organisée annuellement.
A la différence de la proposition de M. le rapporteur, la nôtre consiste non pas à instaurer une régulation en aval, mais à maintenir un dispositif de concertation en amont, du type de celui qui existe aujourd'hui, organisé autour de la commission consultative économique. Nous estimons indispensable que tous les acteurs soient autour de la table, car les décisions ne doivent pas être prises par les seuls aéroports. En effet, toute modification du niveau des redevances peut avoir un impact sur la situation des compagnies aériennes.
M. le président. L'amendement n° 54, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter in fine le premier alinéa du II du texte proposé par cet article pour l'article L. 2242 du code de l'aviation civile par une phrase ainsi rédigée :
Si le bon accomplissement des missions de service public l'exige, ces contrats peuvent être renégociés avant leur terme.
La parole est à M. Jean Desessard.
M. Jean Desessard. Par cet amendement, il est proposé d'inclure une clause de révision des contrats quinquennaux fixant le montant des redevances si le bon accomplissement des missions de service public l'exige.
Nous souhaiterions savoir, monsieur le ministre, si ce genre de clause figurera dans les contrats.
M. le président. L'amendement n° 8, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Au second alinéa du III du texte proposé par cet article pour l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile, supprimer les mots :
en particulier
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter cet amendement et pour donner l'avis de la commission sur les amendements affectant l'article 8.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Par l'amendement n° 8, nous souhaitons préciser dans la loi qu'il n'y a pas de sanctions administratives autres que les sanctions pécuniaires, en supprimant les mots « en particulier ».
La commission est favorable à l'amendement n° 23.
S'agissant des amendements nos 24 et 55, je demande à leurs auteurs de bien vouloir suivre M. Soulage, qui a retiré l'amendement n° 64 ; les explications que M. le ministre a données sur ce sujet sont totalement satisfaisantes, et ces amendements n'ont plus lieu d'être. J'émettrai, sinon, un avis défavorable.
Avec l'amendement n° 65, M. Soulage propose d'améliorer encore la rédaction de l'amendement n° 7 de la commission ; j'émets donc un avis favorable, et je remercie notre collègue de sa contribution.
Sur l'amendement n° 67 rectifié, l'avis de la commission est favorable : cet amendement rédactionnel a son importance.
L'amendement n° 56 est satisfait, puisque l'amendement n° 6 vis à créer une commission de conciliation aéroportuaire, qui sera saisie pour avis lors de l'élaboration des contrats pluriannuels. Sera-ce en aval ou en amont ? Ce sera en tout cas au bon moment, just at time, comme on dit en bon français. (Sourires.) Il ne s'agit, de ma part, ni d'une astuce ni d'un effet de manche. J'estime sincèrement que nos collègues sont satisfaits, et je leur suggère donc de retirer cet amendement.
Sur l'amendement n° 54, mon avis est le même, puisqu'il s'agit de permettre la renégociation des contrats quinquennaux. Or un contrat est un accord libre entre deux parties, qui peuvent toujours, à tout moment, choisir de le renégocier. Cela allant sans dire, ce n'est pas la peine de l'écrire !
M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Yvon Collin, rapporteur pour avis. Je tiens à répondre à la question de M. Desessard concernant le principe de la caisse unique et le renvoyer à la page 41 de mon rapport : il y lira que je suis non pas en faveur d'une double caisse, mais simplement d'une plus grande vérité des prix : « Une telle logique, si elle était appliquée, pourrait se traduire par des hausses considérables des redevances, ce qui se ferait à l'évidence au détriment des compagnies aériennes et, in fine, de l'aéroport, puisque, le prix des billets augmentant, il est probable que moins de passagers utiliseraient les services d'ADP. »
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. S'agissant de l'amendement n° 23, d'une part, il est, pour moi, nécessaire de prévoir des bases solides pour garantir les ressources qui financent le service public ; d'autre part, il ne faut pas confondre les modulations de redevances et les redevances à bas prix : ces dernières sont adaptées à des services à bas prix, ce qui est légal et ne fait pas l'objet de notre débat.
Je rappelle que l'article 8 est absolument nécessaire, la réforme proposée visant à conforter et à renforcer la sécurité juridique des ressources du service public aéroportuaire et n'induisant pas la mise en place d'un système de double caisse.
Je confirme mon attachement au système de la caisse unique, comme je l'ai déjà indiqué ce matin.
Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 23.
Sur l'amendement n° 24, l'avis du Gouvernement est également défavorable, puisque je tiens au principe de la caisse unique.
Par ailleurs, cet amendement couvre imparfaitement le principe de la caisse unique, que le Gouvernement s'engage clairement à maintenir au niveau réglementaire pour les aéroports relevant de sa compétence.
Par ailleurs, la mesure proposée irait à l'encontre du principe de la libre administration des collectivités territoriales, qui doivent prendre en charge les aéroports à vocation régionale ou locale en application de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et aux responsabilités locales.
Sur l'amendement n° 55, le Gouvernement a également émis un avis défavorable, pour les mêmes raisons.
J'ajoute qu'il n'y aucune volonté, de la part du Gouvernement, de diminuer les recettes qui proviennent des commerces. La notion de caisse unique aménagée, visée par MM. les rapporteurs, vise à exclure de cette caisse les activités à risques que pourrait développer la société ADP.
Je suis également défavorable à l'amendement n° 55, pour les mêmes raisons.
En revanche, je suis favorable l'amendement n° 65, car il vis à compléter la liste des motifs d'intérêt général susceptibles de justifier des modulations de redevances.
Je suis favorable à l'amendement n° 7, dans la mesure où je le suis à l'amendement n° 65.
Il en est de même pour l'amendement n° 67 rectifié, qui est un amendement rédactionnel tout à fait intéressant.
Le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 56 : ce sujet a été traité de manière plus approfondie et avec plus de rigueur dans l'amendement n° 6.
Je suis défavorable à l'amendement n° 54, la disposition proposée ne relevant pas du domaine législatif.
Enfin, je suis favorable à l'amendement n° 8, car il s'agit d'un amendement rédactionnel tout à fait intéressant.
M. le président. Monsieur Desessard, l'amendement n° 55 est-il maintenu ?
M. Jean Desessard. M. le rapporteur nous a demandé de le retirer, au prétexte que ce que nous proposions figurait déjà dans le texte de loi.
Puisqu'il est d'accord avec nous, qu'il nous donne entièrement satisfaction et qu'il vote avec nous cet amendement ! Les choses seront plus claires !
M. le président. Monsieur Billout, l'amendement n° 24 est-il maintenu ?
M. Michel Billout. Je le maintiens !
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 24 et 55.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 7 n'a plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° 67 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 8, modifié.
(L'article 8 est adopté.)
Article 9
Il est ajouté, après l'article L. 224-2 du code de l'aviation civile, un article L. 224-3 ainsi rédigé :
« Art. L. 224-3. - Sous réserve, pour ceux des aérodromes n'appartenant pas à l'Etat, de l'accord du signataire de la convention prévue à l'article L. 221-1 du code de l'aviation civile, l'exploitant d'un aérodrome établi sur le domaine public peut percevoir des redevances domaniales auprès des tiers autorisés à occuper ou utiliser le domaine considéré au-delà des limites des services publics aéroportuaires mentionnés à l'article L. 224-2 et du droit d'usage qui appartient à tous. Ces redevances peuvent tenir compte des avantages de toute nature procurés à l'occupant ou au bénéficiaire du domaine. Les taux de ces redevances peuvent être fixés par l'exploitant d'aérodrome, sous réserve, pour les aérodromes n'appartenant pas à l'Etat, de l'accord du signataire de la convention susmentionnée. »
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 25, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Aux termes de cet article, l'exploitant d'un aérodrome appartenant à une société privée gestionnaire mais établi sur le domaine public peut percevoir des redevances domaniales de la part de compagnies aériennes.
Il s'agit de l'application particulière des principes retenus pour les aérodromes régionaux situés sur les terrains appartenant aux collectivités territoriales. Ainsi, des sociétés privées pourraient recouvrer des redevances pour l'occupation du domaine public, domaine dont les aéroports régionaux ne sont pas propriétaires.
Tout cela signifie, finalement, que serait reconnu un droit de sous-location au profit de sociétés privées exploitantes de l'aérodrome.
Quelles conséquences cela aurait-il en ce qui concerne le droit de regard des collectivités locales sur l'aménagement de leur territoire ? Quelles conséquences cela aurait-il sur leurs ressources ?
Ce sont là autant de zones d'ombre qui méritent des précisions de la part du Gouvernement.
La décentralisation a déjà lourdement pénalisé les collectivités locales. Il ne faudrait pas encore aggraver leurs difficultés à trouver des ressources suffisantes pour la mise en oeuvre des services de plus en plus nombreux dont elles ont la charge.
Enfin, il faut veiller à ce que l'ensemble des ressources issues de ces redevances, quelle qu'en soit l'origine, soient bien affectées à l'unique mise en oeuvre de services aéroportuaires.
Pour ces raisons, nous proposons la suppression de cet article.
M. le président. L'amendement n° 58, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter la deuxième phrase du texte proposé par cet article pour l'article L. 2243 du code de l'aviation civile par les mots :
, sans que leur montant ne puisse porter atteinte au bon accomplissement des missions de service public
L'amendement n° 57, présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :
Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 2243 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, doit être approprié aux services rendus le montant des redevances dues par les entreprises dont l'activité est directement liée au transport aérien et qui sont autorisées à occuper ou à utiliser, au-delà des limites des services publics aéroportuaires mentionnés à l'article L. 2242 et du droit d'usage qui appartient à tous, soit le domaine public des aéroports, soit les terrains, ouvrages et installations aéroportuaires appartenant la société Aéroports de Paris ».
La parole est à M. Daniel Reiner.
M. Daniel Reiner. Nous souhaitons limiter la portée de l'article 9. En effet, il s'applique aux titulaires de baux qui exercent des activités commerciales, mais aussi aux transporteurs aériens.
Il ne faudrait pas que le montant fixé pour les activités de l'aéroport directement liées au transport aérien le soit à un niveau que l'on pourrait qualifier de prohibitif. Il faut en effet garantir le bon accomplissement des missions de service public. Il convient donc de faire la différence entre les activités qui sont liées directement au transport aérien et celles qui n'y sont pas liées.
Si l'aéroport a été choisi par telle ou telle activité, c'est parce que c'est un lieu où l'on peut toucher beaucoup de monde, mais la prestation fournie n'est pas forcément directement liée au transport proprement dit.
Cette modification pourrait conduire à un alourdissement des charges pesant sur les compagnies aériennes et sur les entreprises, notamment sur les prestataires d'assistance en escale, dont l'activité est directement liée au transport aérien.
Les compagnies aériennes sont la source même du développement de l'activité aéroportuaire et, contrairement aux commerces qui sont installés dans les aérogares, les entreprises dont l'activité est directement liée au transport aérien n'ont pas d'autre choix que d'occuper ou d'utiliser les locaux mis à leur disposition par les exploitants des aérodromes.
Par ailleurs, cet article 9 n'est pas applicable aux redevances qui seront payées à la société Aéroports de Paris, puisque l'essentiel des terrains et des ouvrages lui sont attribués en pleine propriété.
Là encore, il convient de prévoir que, pour les entreprises dont l'activité est directement liée au transport aérien, le montant des redevances dues en raison de l'occupation ou de l'utilisation des terrains, ouvrages et installations aéroportuaires appartenant à la société Aéroports de Paris doit continuer à être approprié aux services rendus.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 25.
Je voudrais saluer l'esprit constructif dont ont fait preuve Daniel Reiner et ses collègues à travers les amendements qu'ils ont déposés, en dépit des divergences qui nous ont opposés.
Pour autant, les amendements nos 58 et 57 me laissent quelque peu perplexe.
Ainsi, avec l'amendement n° 58, nous sommes dans le cas d'une redevance domaniale et non pas dans celui de l'exécution d'un service public. Je suis donc défavorable à cet amendement, même si je comprends le souci qui vous anime, monsieur Reiner.
M. Daniel Reiner. Cela reste un problème !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Vous avez raison de le souligner.
L'amendement n° 57 tend, quant à lui, à établir un lien entre une perception de redevance aéroportuaire justifiée par les services rendus et le montant des redevances domaniales dues pour l'occupation ou l'utilisation du domaine public. Il me paraît difficile d'ajuster ces deux paramètres et d'établir un lien logique entre ces deux catégories. Par conséquent, la commission émet également un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement ne peut qu'être défavorable à l'amendement de suppression n° 25. En effet, l'article 9 permettra de sécuriser et de maintenir les redevances domaniales.
Cette sécurisation des ressources domaniales concerne l'occupation du domaine public pour des activités autres que celles qui relèvent du service public aéroportuaire. Les redevances appliquées aux transporteurs aériens pour leurs locaux d'exploitation n'entrent donc pas dans le champ de cet article. C'est pourquoi l'amendement n° 58 n'a aucune portée. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Par ailleurs, rien ne justifie que certaines entreprises bénéficient de conditions plus avantageuses que d'autres occupants. Ce serait pourtant le cas si l'amendement n° 57 était adopté. C'est la raison pour laquelle le Gouvernement y est également défavorable.
M. le président. Je mets aux voix l'article 9.
(L'article 9 est adopté.)
Article 10
Il est ajouté au code de l'aviation civile, après l'article L. 123-3, un article L. 123-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 123-4. - En cas de non-paiement ou de paiement insuffisant des redevances aéroportuaires, de la redevance de route ou de la redevance pour services terminaux de la circulation aérienne, l'exploitant d'aérodrome ou l'autorité administrative de l'Etat compétente peuvent, après avoir mis le redevable en demeure de régulariser sa situation, requérir la saisie conservatoire d'un aéronef exploité par le redevable ou lui appartenant auprès du juge du lieu d'exécution de la mesure.
« L'ordonnance du juge de l'exécution est transmise aux autorités responsables de la circulation aérienne de l'aérodrome aux fins d'immobilisation de l'aéronef. L'ordonnance est notifiée au redevable et au propriétaire de l'aéronef lorsque le redevable est l'exploitant.
« Les frais entraînés par la saisie conservatoire sont à la charge du redevable.
« Le paiement des sommes dues entraîne la mainlevée de la saisie conservatoire. »
M. le président. L'amendement n° 26, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Il s'agit d'un amendement de conséquence. Il en ira de même pour tous les amendements de notre groupe restant en discussion. Je considère par conséquent que tous ont été défendus.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. .
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien, ministre. Quel que soit le statut d'Aéroports de Paris, cet article est nécessaire. Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Article 11
Il est ajouté au code de l'aviation civile, après l'article L. 213-2, un article L. 213-2-1 rédigé comme suit :
« Art. L. 213-2-1. - Les agents civils et militaires de l'Etat, ainsi que les personnels des entreprises agissant pour le compte et sous le contrôle de l'administration et habilités à cet effet par l'autorité administrative, vérifient que les entreprises ou organismes installés sur les aérodromes respectent les mesures de prévention en matière de sécurité du transport aérien et de sûreté. A cet effet, ils ont accès à tout moment aux locaux et terrains à usage professionnel. »
M. le président. L'amendement n° 27, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
Article 12
Il est ajouté au titre Ier du livre II du code de l'aviation civile un chapitre VI ainsi rédigé :
« CHAPITRE VI
« SERVICES D'ASSISTANCE EN ESCALE
« Art. L. 216-1. - Sur les aérodromes dont le trafic excède un seuil fixé par décret en Conseil d'Etat, les activités d'assistance en escale sont exercées par les transporteurs aériens, les exploitants d'aérodromes et les entreprises agréés à cet effet. Le même décret précise les conditions qui leur sont imposées, ainsi que les conditions dans lesquelles l'administration peut limiter leur nombre. »
M. le président. L'amendement n° 28, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 12.
(L'article 12 est adopté.)
TITRE IV
DISPOSITIONS FINALES
Article 13
Les articles L. 251-4, L. 251-5, L. 251-6 et L. 252-1, le deuxième alinéa de l'article L. 282-6 et le deuxième alinéa de l'article L. 282-7 du code de l'aviation civile sont abrogés.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 29 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 59 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 29 a été défendu.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 59.
M. Daniel Reiner. Amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger cet article comme suit :
Les articles L. 251-4 à L. 251-6 et l'article L. 252-1 du code de l'aviation civile sont abrogés. Le deuxième alinéa de l'article L. 282-6 et le deuxième alinéa de l'article L. 282-7 du même code sont supprimés.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 29 et 59 ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Gilles de Robien, ministre. Avis défavorable sur les amendements identiques nos 29 et 59.
Avis favorable sur l'amendement n° 9.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29 et 59.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. En conséquence, l'article 13 est ainsi rédigé.
Article 14
Sous réserve des décisions de justice passées en force de chose jugée, sont validés les actes réglementaires, décisions, accords, contrats et marchés passés par l'établissement public Aéroports de Paris avant le 1er janvier 2003, en tant qu'ils seraient contestés par le moyen qu'ils auraient été pris ou conclus sans que leur signataire ait bénéficié d'une délégation régulièrement donnée et publiée.
M. le président. L'amendement n° 30, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 14.
(L'article 14 est adopté.)
Article 15
L'ensemble des opérations résultant de l'application du titre Ier de la présente loi est, sous réserve des dispositions de son article 2 et de son article 3, réalisé à titre gratuit et ne donne lieu au paiement d'aucun impôt, rémunération, salaire ou honoraire au profit de l'Etat, de ses agents ou de toute autre personne publique.
M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
Cet amendement a été défendu.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. le président. Je mets aux voix l'article 15.
(L'article 15 est adopté.)
Article 16
Les dispositions du titre Ier et des articles 13 et 15 de la présente loi entrent en vigueur le 1er janvier 2005, ainsi que celles du titre III en tant qu'elles visent la société Aéroports de Paris.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° 32 est présenté par MM. Billout et Coquelle, Mmes Demessine et Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.
L'amendement n° 60 est présenté par MM. Reiner, Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Supprimer cet article.
L'amendement n° 32 a été défendu.
La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 60.
M. Daniel Reiner. Amendement de coordination.
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :
Rédiger comme suit cet article :
Les dispositions du titre Ier, des articles 13 et 15, ainsi que celles du titre III en tant qu'elles visent la société Aéroports de Paris, entrent en vigueur à la date de publication du décret en Conseil d'Etat prévu au I de l'article 5.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Le calendrier d'examen du projet de loi ne permet pas d'envisager son entrée en vigueur au 1er janvier 2005. Il s'agit donc de rédiger l'article 16 en conséquence.
M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 32 et 60 ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis défavorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur l'ensemble de ces amendements ?
M. Gilles de Robien, ministre. Avis défavorable sur les amendements identiques nos 32 et 60.
La proposition contenu dans l'amendement n° 10 est vraiment réaliste au regard du calendrier probable d'examen du projet de loi malgré la rigueur et la rapidité du débat. Le Gouvernement y est donc favorable.
M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 32 et 60.
(Les amendements ne sont pas adoptés.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Daniel Reiner, pour explication de vote.
M. Daniel Reiner. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous ne pouvons être satisfaits dans la mesure où aucun de nos amendements n'a été retenu. Il s'agissait pourtant d'amendements de fond de grande valeur. Je vois d'ailleurs une preuve de leur qualité dans leur non-adoption ! (Rires.)
Nous avons déjà témoigné de notre opposition globale à ce projet de loi, et ce tant sur la forme que sur le fond.
Je maintiens notre opposition sur la forme tout en espérant, monsieur le ministre, que, dans l'élaboration des décrets vous serez attentif aux différents intéressés.
Nous retiendrons de ce débat votre engagement à maintenir une participation majoritaire publique dans Aéroports de Paris, même si nous aurions souhaité que ce soit inscrit plus fermement dans le projet de loi.
Cela étant, ce projet de loi présente la bizarrerie d'établir une distinction assez injuste entre les aérodromes de province et les aérodromes parisiens : les premiers demeurent la propriété de personnes publiques alors que les seconds ouvrent leur capital et vendent leurs terrains à des actionnaires privés.
Certes, nous ne nous sommes pas attardés sur la situation des aérodromes de province, car nous avons compris que les chambres de commerce et les collectivités territoriales étaient d'accord pour entrer dans leur capital. En effet, toutes considèrent sans doute que ces aéroports sont des outils de développement économique qu'il est intéressant de maîtriser en partie, et ce dans leur propre intérêt.
Pour autant, le Gouvernement se défausse clairement sur les collectivités locales. Depuis la loi relative aux libertés et aux responsabilités locales, il en est déjà ainsi pour les petits aéroports. Pour les grands, dès lors que le Gouvernement n'assurera plus la garantie due aux chambres de commerce, ce sont les collectivités territoriales qui supporteront ce transfert financier. C'est dans l'ordre actuel des choses.
Or, en vendant les terrains des pistes et des aérogares des aéroports de Roissy - Charles-de-Gaulle et de Paris - Orly, votre Gouvernement, monsieur le ministre, va à rebours de toutes les politiques d'infrastructure qui sont menées par nos partenaires. Nous l'avons répété, les plus libéraux reconnaissent l'inefficacité d'une telle mesure : les Etats-Unis eux-mêmes ont décidé que les aéroports demeureraient des propriétés publiques.
Mme Hélène Luc. Eh oui !
M. Daniel Reiner. Vous avez pris l'exemple de l'aéroport d'Amsterdam, mais le gouvernement hollandais revient en quelque sorte sur la position qu'il avait prise initialement et cherche à ce que l'Etat soit présent...
M. Daniel Reiner. C'est exact, mais ce dernier relève de l'autorité d'un Land et la France n'est pas, à ma connaissance, une République fédérale. La situation est tout de même un peu différente.
Il est clair que l'Etat perdra une partie de sa capacité à faire respecter le cahier qu'il s'imposait en termes d'obligation de service public et de cohésion territoriale.
Bref, ce projet de loi s'inscrit dans le droit-fil de l'action du Gouvernement. Nous craignons fort, d'une part, que cela n'accentue les inégalités d'accès en matière de transports en octroyant aux sociétés exploitantes la capacité de décider seules d'une augmentation de redevance, même dans le cadre d'un plan quinquennal, d'autre part, que cela n'ouvre la voie à une hausse des tarifs au seul bénéfice des actionnaires des compagnies.
Une telle hausse des coûts peut pourtant pénaliser les utilisateurs, non seulement les usagers du transport aérien, mais également les compagnies aériennes - vous devinez sans doute à laquelle je pense tout particulièrement - au risque de fragiliser ces dernières.
Par ailleurs, ce projet de loi amplifiera une sorte de « spirale baissière » entre les aérodromes de province. Le risque est grand que ces derniers ne se lancent dans une concurrence acharnée et que certains d'entre eux, à terme, ne disparaissent, et ce au détriment de l'aménagement du territoire.
Telles sont les raisons qui nous conduisent, monsieur le ministre, vous l'aviez compris depuis le début de ce débat, à nous opposer à ce projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Michel Billout.
M. Michel Billout. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une page décisive de notre histoire est en train de se tourner. Quelques heures de débat auront suffi pour que soit engagé le processus d'ouverture de capital, puis de privatisation d'Aéroports de Paris et pour que nous perdions, à terme, la maîtrise publique de nos grands aéroports régionaux.
En effet, c'est bien de cela qu'il s'agit ! Vos démentis sur les privatisations à venir ne sont guère convaincantes et ne résistent pas à l'analyse des faits, monsieur le ministre.
Vous continuez d'affirmer que, malgré l'ouverture du capital d'ADP, le fait d'inscrire dans le projet de loi que l'Etat restera majoritaire serait la preuve qu'il n'y a aucune volonté de privatiser. Dont acte. Nous prenons rendez-vous. Je vous rappelle toutefois qu'une simple fusion entre Air France et KLM aura suffi à diluer le capital de l'Etat pour le faire passer sous la barre des 51 %.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'était prévu dans la loi de 1993 !
M. Michel Billout. Une loi a ensuite permis d'entériner cet accord de fusion et la privatisation de fait d'Air France !
Aéroports de Paris, dont le patrimoine extrêmement important offre d'alléchantes perspectives de rendement, ne sera-t-il pas rapidement convoité par des intérêts, nécessairement internationaux, du moins européens, dans la perspective de la réalisation d'un espace aérien européen ?
Dans un tel cas de figure, les garanties que ce texte apporterait aux personnels d'ADP, soit près de 8 200 salariés, voleraient vite en éclat et seraient, de fait, caduques.
Vous affirmez que la modernisation des grands aéroports régionaux n'entraînera pas un désengagement de l'Etat, alors que ce projet de loi prévoit l'ouverture du capital des nouvelles sociétés gestionnaires. La recherche de la rentabilité les conduira à sacrifier des aéroports. On doit s'attendre à ce que des regroupements d'aéroports régionaux conduisent, à terme, au maintien de seulement cinq grandes unités aéroportuaires régionales. Ce sera, pour nos régions, un désastre économique et social et, d'une manière générale, une atteinte à l'aménagement de notre territoire.
Modification du régime des redevances, abandon de la domanialité publique : voilà deux dispositions phares de ce texte qui sont objectivement fort contestables et qui risquent de remettre en cause l'avenir de l'entreprise Air France.
Avec de telles dispositions, c'est le hub d'Air France qui est en effet menacé, alors que cette compagnie a su jusqu'à maintenant traverser sans trop d'encombres les turbulences qu'a connues le secteur aérien ces dernières années. Jusqu'où irons-nous dans la casse de notre outil industriel et de nos services publics ?
Tout au long du débat, nous avons tenté de vous démontrer que ce que nous défendions à travers le maintien du statut d'établissement public mis en place en 1945, c'étaient, avant tout, les valeurs démocratiques qui privilégient l'intérêt national, mais aussi des principes économiques qui ont prouvé leur pertinence.
Le choix d'un établissement public permettait précisément de soustraire aux logiques purement marchandes un secteur essentiel à notre pays, en l'espèce celui des service publics aéroportuaires.
Monsieur le ministre, votre politique est celle du renoncement face à l'idéologie libérale dominante, qui impose, dans le cadre de la déréglementation européenne et de l'AGCS, que le secteur public se réduise comme peau de chagrin, remettant en cause nos services publics essentiels à la cohésion même de notre société.
Le groupe communiste républicain et citoyen refuse d'entériner un tel choix de société, qui lamine nos services publics. C'est la raison pour laquelle il s'est opposé, au cours de ce débat, à la déréglementation d'un secteur aussi vital pour nos économies nationales et régionales et il votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Gérard César.
M. Gérard César. L'heure n'est plus ni aux a priori idéologiques ni aux atermoiements de circonstance. Le temps de l'immobilisme est révolu, contrairement à ce que pense l'opposition.
A ce titre, monsieur le ministre, nous tenons à saluer votre pragmatisme, de même que celui qu'a manifesté le Gouvernement à travers les choix qu'il fait pour nos grands établissements publics.
Ainsi, dans un contexte économique qui change, tant à l'échelon européen qu'au niveau mondial, vous nous avez chaque fois proposé des solutions spécifiques, adaptées au secteur concerné, à la situation particulière de l'entreprise, à ses perspectives d'évolution. J'en veux pour preuve les choix que vous avez effectués pour les sociétés d'autoroutes ainsi que nos récents débats relatifs à Air France, à EDF et à GDF ; il en va de même, aujourd'hui, pour ADP et les grands aéroports régionaux.
En effet, pour que nos opérateurs historiques puissent se développer, il est indispensable de faire évoluer leur statut. Au nom de la commission des affaires économiques, Jean-François Legrand l'a démontré avec clarté, grâce à sa compétence habituelle, doublée d'un grand talent.
Le texte que vous nous soumettez, monsieur le ministre, enrichi par les amendements que nous avons adoptés, nous semble prévoir les modalités adéquates pour atteindre cet objectif. Sans rupture avec le passé, les principaux intervenants en matière d'infrastructures aéroportuaires se voient dotés des moyens juridiques assurant leur développement économique, source d'attractivité, de richesse et d'emploi.
C'est pourquoi le groupe UMP vous accorde son entier soutien et votera le présent texte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Monsieur Billout, il n'est pas intellectuellement honnête de comparer Air France et ADP. La société Air France était inscrite dans la loi de privatisation de 1993. Vous avez soutenu un gouvernement qui, pendant cinq ans, n'a jamais remis en cause la loi en question ni la privatisation d'Air France. C'est même un ministre issu de vos rangs qui a diminué la part de l'Etat dans le capital d'Air France !
Mme Hélène Luc. Non !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Cela étant dit, je tiens à adresser des remerciements tout d'abord à la commission des finances et à son rapporteur, M. Collin. Je souligne une fois de plus, pour m'en féliciter, les excellentes relations qu'entretiennent nos deux commissions. Leurs contributions réciproques à l'élaboration de ce projet de loi doivent être saluées.
Je remercie également nos collègues, notamment ceux qui déposé des amendements, y compris ceux dont les amendements étaient d'une trop grande qualité pour être retenus. (Sourires.) Cette boutade reflète d'ailleurs parfaitement l'esprit qui règne au sein de la commission des affaires économiques : nos divergences sur certains sujets ne retire rien à notre capacité d'humour et de travail en commun.
Je remercie aussi tous nos collaborateurs, qui ont fait, comme d'habitude, un excellent travail.
Monsieur le ministre, je m'associe, à titre personnel, aux propos qu'a tenus M. Gérard César à votre égard et au sujet du travail du Gouvernement.
Je vous remercie d'avoir choisi de déposer en première lecture devant le Sénat ce texte si important pour le transport aérien et les aéroports, le troisième dans notre histoire législative de l'aviation, après la loi de 1933 et celle de 1945. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien, ministre. J'ai encore en mémoire l'excellent débat relatif aux infrastructures que nous avons eu dans cette enceinte. Je sais combien les sénateurs sont attachés aux territoires et à leur desserte. Ce débat laissait présager la qualité de celui de ce soir.
Je remercie les commissions du travail très positif qu'elles ont réalisé avec le Gouvernement. Ce n'est pas parce qu'on est le gouvernement qu'on a la science infuse et qu'on élabore un texte parfait ! Le présent projet de loi, précisément, a été amélioré par le travail qui a été mené avec les parlementaires.
J'ai retenu les arguments avancés par les membres de l'opposition qui ont voulu établir une comparaison avec Air France. Cependant, mesdames, messieurs les sénateurs de l'opposition, lorsque nous avons examiné le projet de loi relatif à Air France, vous souteniez que les mesures proposées reviendraient à faire baisser le cours de l'action. Ce cours, qui s'établissait alors à 7 euros, atteint ces jours-ci 14 euros ! Ce chiffre montre qu'Air France se porte très bien.
Dans la conjoncture très difficile que connaît l'ensemble du secteur aérien, grâce à la loi adoptée, Air France a pu réaliser la fusion avec KLM : le groupe Air France-KLM est devenu la première compagnie mondiale et il est, de surcroît, bénéficiaire, ce qui n'est pas négligeable. Cette situation résulte des initiatives qui ont été prises, du talent des agents et de la direction d'Air France, mais aussi du statut de la société.
Je remercie chaleureusement la majorité de bien vouloir voter ce projet de loi et je suis persuadé que, dans quelques mois, dans quelques années, nous aurons l'occasion de nous féliciter des dispositions adoptées, de la bonne santé d'ADP, du développement de l'emploi autour de ses plateformes, de la présence, en France, de touristes plus nombreux. Nous pourrons aussi constater, dans les régions, un certain développement autour des aéroports régionaux, avec des effets évidemment positifs en termes d'emploi. Tout cela permettra à la France de conserver sa place de pays non seulement d'accueil mais aussi de transit, même si elle est située dans la partie occidentale d'une Europe qui s'élargit à l'est.
La vocation de la France est, en effet, de rester la première destination touristique et, en même temps, d'être un pays à travers lequel on peut circuler vite et bien.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère que vous êtes définitivement rassurés puisque le projet de loi prévoit que l'Etat restera majoritaire. On parle, non plus de privatisation, mais d'un nouveau statut sous forme de société anonyme. Gageons que, avec le travail effectué ce soir, nous n'aurons qu'à nous louer des décisions que nous aurons prises.(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
Mme Hélène Luc. On en reparlera d'ici peu !
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
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TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4 DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
Budget de Sisnet pour l'année 2005.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2745 et distribué.
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DÉPÔT D'UN RAPPORT
M. le président. J'ai reçu de M. Didier Boulaud un rapport fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti (n° 15, 2004-2005).
Le rapport sera imprimé sous le n° 56 et distribué.
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ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd'hui, mercredi 10 novembre 2004, à quinze heures et éventuellement le soir :
1. Déclaration du Gouvernement sur la situation en Côte-d'Ivoire.
2. Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les prélèvements obligatoires et leur évolution (Rapport déposé en application de l'article 52 de la loi organique n° 2001 692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances).
Le délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat est expiré.
3. Discussion du projet de loi (n° 241, 2003-2004) autorisant l'approbation de la convention internationale pour la protection des végétaux (ensemble une annexe), telle qu'elle résulte des amendements adoptés à Rome par la vingt-neuvième session de la conférence de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture.
Rapport (n° 44, 2004-2005) de M. Jean Puech, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
4. Discussion du projet de loi (n° 250, 2003-2004) autorisant l'approbation du traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculture, (ensemble deux annexes).
Rapport (n° 18, 2004-2005) de M. Robert Del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
5. Discussion du projet de loi (n° 277, 2003-2004) autorisant l'approbation de l'accord international de 2001 sur le café (ensemble une annexe).
Rapport (n° 19, 2004-2005) de M. Robert Del Picchia, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
6. Discussion du projet de loi (n° 15, 2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Djibouti relative à la situation financière et fiscale des forces françaises présentes sur le territoire de la République de Djibouti.
Rapport (n° 56, 2004-2005) de M. Didier Boulaud, fait au nom de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées.
7. Discussion du projet de loi (n° 2, 2004-2005), adopté par l'Assemblée nationale, portant règlement définitif du budget de 2003.
Rapport (n° 48, 2004-2005) de M. Philippe Marini, fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Scrutin public de droit sur l'ensemble du texte.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le mercredi 10 novembre 2004, à une heure quarante.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD