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Modification de l'ordre du jour
M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Je demande la parole.
M. le président . La parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué. Monsieur le président, je crains que l'heure déjà tardive ne nous permette pas d'examiner l'ensemble des projets de loi autorisant l'approbation de divers accords internationaux qui sont inscrits à l'ordre du jour de la séance de ce matin.
Je demande donc la discussion en priorité du projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil relative à la modification des statuts du Système européen de banques centrales et à la Banque centrale européenne et, si nous en avons le temps, du projet de loi relatif à l'accord concernant le Rwanda.
M. le président. Il en est ainsi décidé.
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Décision du Conseil relative au Système européen des banques centrales et à la Banque centrale européenne
Adoption d'un projet de loi
M. le président . L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification de la décision du Conseil réuni au niveau des chefs d'Etat ou de gouvernement du 21 mars 2003 relative à une modification de l'article 10-2 des statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne (nos 240, 247).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre délégué.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le 21 mars dernier, le Conseil de l'Union européenne, réuni au niveau des chefs d'Etat et de gouvernement, a adopté une décision modifiant les statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne.
Cette décision vise à adapter les modalités de vote au sein du Conseil des gouverneurs de banques centrales européennes pour tenir compte de l'entrée de dix nouveaux membres dans l'Union européenne le 1er mai 2004 et, ultérieurement, de l'adhésion probable de la majorité d'entre eux à la zone euro.
Elle a vocation à faire partie de l'acquis communautaire, c'est-à-dire du socle de la législation européenne qui s'imposera pleinement aux nouveaux Etats membres. Elle permettra de préserver la capacité du Conseil des gouverneurs à prendre des décisions de manière efficace et en temps opportun dans une zone euro élargie, quel que soit le nombre d'Etats membres ayant adopté l'euro, sans modifier le fonctionnement actuel du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne.
En revanche, à partir du moment où la zone euro comportera quinze membres ou plus, l'accord prévoit la répartition des gouverneurs des banques centrales nationales entre deux, puis trois groupes composés en fonction de l'importance de l'économie de chaque pays au sein de la zone euro. Chacun des groupes se verra attribuer un nombre défini de droits de vote, dont le total est limité à quinze. Le directeur de la Banque conservera par ailleurs ses six voix.
Un système de rotation entre les gouverneurs des banques centrales nationales sera alors instauré au sein de chaque groupe. Ce système de rotation des droits de vote garantit une réelle efficacité des travaux au sein du Conseil des gouverneurs tout en assurant une procédure équitable. Il convient de souligner que cette réforme préserve les conditions satisfaisantes de la représentation de notre pays au sein de la BCE.
Les procédures de ratification devraient être achevées dans les quinze Etats membres de l'Union européenne d'ici au 1er mai 2004 - ce qui explique mon insistance pour que ce projet de loi soit examiné aujourd'hui.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle la décision du Conseil de l'Union européenne qui fait l'objet du projet de loi qui vous est aujourd'hui soumis.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Robert Del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les nouvelles modalités de vote que le Conseil de l'Union européenne propose d'instaurer au sein du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne doivent permettre à cette dernière, on vient de l'entendre, de prendre ses décisions d'ordre monétaire dans des conditions d'efficacité et de crédibilité équivalentes à celles que nous connaissons aujourd'hui, et ce même lorsque la zone euro passera des douze pays actuels à un nombre beaucoup plus important, à vingt-cinq ou vingt-sept pays.
Sans remettre en cause la participation de tous les gouverneurs des banques centrales nationales au Conseil des gouverneurs, le nouveau système permet de respecter l'équilibre initial entre le directoire et les banques centrales nationales. L'exercice du droit de vote par rotation reposera sur des règles transparentes et stables, adaptées à l'élargissement progressif de la zone euro.
Tous les pays membres ont accepté ce nouveau système, qui, sur la base de critères objectifs, prend en compte les réalités économiques et financières. Il est assez complexe, certes, mais vous en trouverez la définition et l'explication dans mon rapport.
Aucune modification ne sera apportée à la composition du Conseil des gouverneurs ; ce point est très important. L'exercice du droit de vote sera dissocié de la participation au Conseil des gouverneurs, et le nombre de droits de vote accordés aux gouverneurs de banques centrales nationales sera plafonné à quinze, les gouverneurs exerçant ce droit à tour de rôle selon un système de rotation. Enfin, le système de rotation sera différencié : le tour reviendra plus fréquemment pour certains pays que pour d'autres, les critères étant bien entendu économiques et financiers.
Je vous rappelle, comme l'a fait M. le ministre, que ces modalités de vote feront partie de l'acquis communautaire et s'appliqueront automatiquement aux nouveaux membres de l'Union européenne. Leurs perspectives d'application concrètes ne sont donc pas immédiates. Si l'on met de côté le cas de la Grande-Bretagne, du Danemark et de la Suède, l'élargissement de la zone euro s'effectuera très progressivement et, en tout état de cause, ne commencera pas avant le 1er janvier 2007.
Bien qu'assez complexe, donc, le mécanisme proposé a recueilli un consensus au sein des Quinze, qui le jugent de nature à éviter - et cela me paraît très important - que la crédibilité des prises de décision ne soit mise en doute dans une zone euro élargie.
L'élargissement interviendra donc au plus tôt en 2007. Il est cependant important d'arrêter le mode de fonctionnement futur de la Banque centrale européenne avant que dix nouveaux Etats membres ne fassent leur entrée dans l'Union, ainsi que le soulignait M. le ministre.
Pour cette raison, la commission des affaires étrangères vous demande, mes chers collègues, d'adopter le présent projet de loi.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi qui est aujourd'hui soumis à notre approbation est un texte apparemment technique. Il s'agit concrètement de rassurer les acteurs de marché, confrontés à l'intégration dans l'euro des économies, aux situations fort diverses, des dix nouveaux adhérents de l'Union.
Parce que le passage de l'Union à vingt-cinq puis à vingt-sept membres a a priori une influence sur le maintien de la cohérence de la politique monétaire, le présent projet de loi, reprenant une décision intergouvernementale, nous invite en fait à admettre la répartition des Etats membres en trois groupes de pays, disposant d'un nombre de voix donné au sein des instances de la BCE.
Ce texte constitue donc un ajustement technique ou plutôt un alignement de la politique monétaire sur les seuls impératifs de la lisibilité des marchés, avec tout ce que cela implique, notamment en matière de politiques publiques, d'organisation du marché, de libéralisation et de privatisation des services publics ?
Au nom de mon groupe, je ne peux donc que me permettre de formuler quelques observations sur la mécanique que l'on nous demande, avec ce texte, de mettre en oeuvre.
Je m'exprimerai, tout d'abord, sur la répartition des Etats membres entre les trois groupes.
Viendrait en tête l'ensemble constitué par les cinq pays les plus puissants de l'Union, c'est-à-dire les quatre grands que sont l'Allemagne, la France, le Royaume-Uni - à la condition qu'il adhère à l'UEM - et l'Italie, plus l'Espagne. Ce groupe disposerait de quatre voix, quoi qu'il arrive dans le collège des gouverneurs, et est donc assuré d'une représentation significative.
Ensuite, apparaît un deuxième groupe, constitué de l'essentiel des anciens membres de l'union à 15, plus quelques nouveaux pays.
Enfin, la troisième division européenne rassemblerait les pays les moins riches de l'Union, tous nouveaux adhérents.
Etrange conception, nous l'avons dit, de la construction européenne, qui, désormais, n'assure plus, sur ce chapitre de la politique monétaire, une représentation équitable de chaque pays membre.
Tout cela conduit à s'interroger également sur la portée de ces mesures, liée notamment au rôle joué par la BCE.
Selon la lettre du traité de l'Union, le Système européen de banques centrales, dont la BCE est partie prenante, vise, en tant qu'objectif principal, « à maintenir la stabilité des prix ».
C'est donc, au-delà de toutes autres considérations, une pure extension du champ d'atteinte de cet objectif qui est recherchée dans le projet de loi dont nous discutons.
Cette orientation trouve des traductions pour le moins diverses, dont la moindre n'est pas la manifeste limitation de la création monétaire qui découle des choix économiques et politiques guidés par la poursuite des objectifs du SEBC et les missions de la BCE dans ce cadre.
Cela a évidemment des conséquences pour les relations que l'euro entretient avec les autres monnaies sur les marchés des changes. On pense bien évidemment à la relation spécifique que l'euro entretient ave le dollar, vis-à-vis duquel il s'est singulièrement distingué dans la dernière période, alors même qu'il ne parvenait à le supplanter comme monnaie commerciale internationale en bien des domaines.
Comme chacun le sait, la croissance des pays adhérents de l'Union économique européenne est paradoxalement plus faible, malgré une monnaie forte, que celle des pays non membres de l'UEM, et a fortiori des Etats-Unis, qui ont, depuis longtemps, laissé de côté la question de leur déficit pour préférer celle de la croissance à tout prix.
L'exemple est près de nous.
Comment ne pas relever notamment, malgré la mise en oeuvre de politiques répondant aux critères et aux concepts fondamentaux de l'Union économique et monétaire, que notre pays a connu en 2003 un véritable effondrement de la croissance de son produit intérieur brut, conduisant à l'aggravation des déficits publics, qu'il s'agisse de l'Etat ou des comptes sociaux, et à une terrible détérioration de la situation sociale et singulièrement de l'emploi ?
Cette politique de soutien à la parité de l'euro vis-à-vis du dollar est la source de quelques-unes des difficultés majeures que nous rencontrons en matière de commerce extérieur, ce qui nuit à l'état de notre balance commerciale et permet aux produits « états-uniens » de reconquérir des positions dans certains domaines où nous les concurrencions sérieusement.
La parité de l'euro, produit de la politique monétaire menée par la Banque centrale européenne, pèse dans la définition des politiques économiques des Etats adhérents de l'UEM.
Puisqu'il s'agit de faire en sorte d'assurer la stabilité des prix, quels choix sont ainsi opérés ?
Ici, c'est la modération salariale, qui commence d'ailleurs bien souvent par le gel des rémunérations ou des emplois publics, puis relayée par les stratégies des grands groupes industriels, commerciaux et de services.
Là, c'est la flexibilité de l'emploi, remettant en question les garanties collectives des salariés, favorisant les contrats dérogatoires du droit commun, permettant le développement de la précarité sur la plupart des nouveaux gisements d'emplois générés par la mutation des circuits et des processus de production.
Là encore, ce sont des politiques de restriction des droits sociaux collectifs, sous couvert de leur préservation, associées, soit dit en passant, à des politiques de défiscalisation massive des investissements privés et de réduction relative et globale des prélèvements sur les plus hauts revenus et les résultats des entreprises.
Précarisation de l'emploi, rigueur salariale, réduction de la dépense publique, allégement de la fiscalité pour les plus fortunés - au motif de leur redonner le goût et la liberté d'entreprendre -, remise en cause des modes de solidarité issus notamment de la dernière guerre mondiale, voilà les politiques qui accompagnent la politique monétaire décidée et mise en oeuvre par la BCE et son conseil des gouverneurs.
Le tout se fait dans le respect du principe d'indépendance de la BCE vis-à-vis des gouvernements associés dans l'Union et dans le suivisme le plus intégral de la réaction des acteurs de marchés.
Ces politiques créent de nouveaux déficits publics et ne font pas recette auprès des populations, si l'on regarde les comportements électoraux.
Les salariés et les retraités de France, d'Autriche ou d'Italie ont ainsi pu manifester leur profond désaccord devant certaines des orientations qui ont ainsi pu être imprimées par leurs gouvernements respectifs. Je pourrais aussi parler de la réforme de l'assurance maladie.
Tout cela est négatif et la volonté de poursuivre dans cette voie, affirmée lors de la déclaration de politique générale comme lors de la récente intervention de M. le Président de la République, illustre à la vérité la soumission de notre pays aux règles du jeu telles qu'elles sont pensées par la BCE, dans le cadre de ses objectifs fondamentaux.
La construction européenne ne peut plus, ne doit plus se faire contre les intérêts mêmes des peuples, et doit cesser de ne prendre en compte que les soucis et les préoccupations des acteurs des marchés.
L'enjeu de la démocratisation des institutions de l'Union européenne est donc directement posé dans le cadre du projet de loi que nous examinons.
Comment considérer dès lors la clé de répartition des voix du conseil des gouverneurs qu'il nous est proposé de valider ?
Dans un premier temps, il s'agit de valider une construction européenne à géométrie variable mettant en avant une sorte de groupe moteur de l'Union, constitué des plus grands pays, ceux dont la part du PIB global dans l'Union est la plus importante, et qui jouiraient, à coup à peu près sûr, de la possibilité d'influer sur les orientations de la BCE.
Ensuite, nous aurions un groupe de pays moyens, dont le rôle dans l'Union serait de regarder faire les gros.
Et puis il y aurait une sorte de purgatoire ou de troisième division européenne, constituée des huit pays les plus faibles économiquement, pour certains réservoirs de main-d'oeuvre à bon marché et lieux de délocalisation très compétitifs, tous nouveaux arrivants et destinés à ne jouer qu'un rôle subalterne, au mieux celui de vase d'expansion des débouchés des entreprises des autres pays.
Cela, ce serait pour la politique monétaire, telle qu'elle serait définie dans le cadre du nouveau SEBC élargi.
Mais n'en sera-t-il pas de même pour les autres segments de la construction européenne, qu'il s'agisse de la politique étrangère et de défense, de la politique agricole commune ou encore de la faculté d'interférer dans la conception et la mise en oeuvre du droit et de la législation communautaires ?
Le tour de rôle ainsi mis en place, c'est l'annonce plus ou moins imminente de l'abandon du principe d'unanimité, c'est la porte ouverte à une Europe fédérale où seuls les plus forts feraient la loi.
La réorientation de la construction européenne passe donc clairement aussi, de notre point de vue, par la remise en question de l'équilibre issu des traités de Maastricht et de Nice, en matière de définition de la politique monétaire.
Il est à notre avis indispensable de procéder à cette remise en question, sous peine de voir perdurer une conception étroitement libérale de cette politique, tournant le dos au nécessaire soutien à la croissance et au développement de l'emploi, seuls véritables outils, soit dit en passant, de « confortement » de la parité et de la valeur de la monnaie commune.
On ne peut pas ni théoriquement ni pratiquement prétendre parvenir aux objectifs de bien-être social contenus dans le traité de l'Union si l'on persévère dans la conception étroitement monétariste et libérale qui préside, plus sûrement encore que le Conseil des gouverneurs, à la Banque Centrale Européenne.
Prétendre cela, c'est comme si l'on pouvait demander à un athlète de courir plus vite tout en lestant de plomb toujours plus dense la semelle de ses chaussures...
C'est évidemment pour l'ensemble de ces raisons, sur une question importante pour le groupe communiste républicain et citoyen, que nous ne pouvons adopter ce projet de loi apparemment technique, mais ô combien illustratif du sens que certains continuent de donner à la construction européenne, grande oeuvre pourtant si estimable et estimée par les peuples.
Nous ne voterons donc pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Article unique
Est autorisée la ratification de la décision du Conseil réuni au niveau des chefs d'État ou de Gouvernement du 21 mars 2003 relative à une modification de l'article 10.2 des statuts du Système européen de banques centrales et de la Banque centrale européenne et dont le texte est annexé à la présente loi.
M. le président. Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
8
Retrait de textes de l'ordre du jour
M. le président. Monsieur le ministre, compte tenu de l'heure, il serait souhaitable de reporter les autres textes restant en discussion.
M. Xavier Darcos, ministre délégué à la coopération, au développement et à la francophonie. Je regrette, monsieur le président, que le projet de loi portant sur le tribunal pénal international pour le Rwanda ne puisse pas être examiné, au moment où nous célébrons le dixième anniversaire du génocide.
Cependant, je comprends très bien les contraintes de votre assemblée, et nous trouverons une autre niche parlementaire le plus tôt possible.
M. le président. Les textes restant en discussion sont donc retirés.
9
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au mercredi 7 avril, à seize heures trente :
Demande d'approbation d'une déclaration de politique générale du Gouvernement, suivie d'un débat et d'un vote sur cette demande, en application de l'article 49, quatrième alinéa, de la Constitution.
Aucune inscription de parole dans le débat n'est plus recevable.
Scrutin public à la tribune de droit.
Délai limite pour les inscriptions de parole et pour le dépôt des amendements
Question orale avec débat n° 25 de M. René Trégouët à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies sur l'avenir de la recherche.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 7 avril 2004, à dix-sept heures
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à douze heures quarante-cinq.)
La Directrice
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD