Chapitre II
(Division et intitulé supprimés)
Articles 51 et 52
(Retirés)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble du projet de loi, je donne la parole à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme du débat, les sénateurs du groupe socialiste ressentent un profond malaise. Cela tient d'abord aux conditions dans lesquelles il s'est déroulé, c'est-à-dire dans une sorte d'indifférence, d'apathie même, de la droite, particulièrement de nos collègues de l'UMP, qui n'ont pas fait une seule intervention. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je les ai entendus dans la discussion générale. Et ils étaient très clairs !
M. Gilbert Chabroux. Vraiment ? Je n'ai rien entendu, et j'ai été présent d'un bout à l'autre des débats !
Le groupe de l'Union centriste a fait certaines tentatives, qui ont été vite étouffées, et les quelques amendements qu'il présentait ont été invariablement retirés. Nos collègues de droite n'étaient pas présents ou, s'ils étaient là, ils avaient l'esprit ailleurs. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.) On peut le comprendre, d'ailleurs : à l'Assemblée nationale, se déroulait le débat sur le voile, et l'actualité débordait des problèmes judiciaires de M. Alain Juppé. (Exclamations sur les mêmes travées.)
C'est vrai, mes chers collègues ! La preuve en est que, mardi dernier, la commission a interrompu ses travaux pour nous permettre d'aller suivre le journal télévisé !
Il convient, dans ce climat délétère, de souligner le rôle positif joué par les deux rapporteurs de la commission des affaires sociales. Mme Annick Bocandé a pu, grâce à ses amendements, votés par la commission, revenir à l'esprit et à la lettre de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003 pour ce qui concerne l'obligation de formation faite aux employeurs. C'était nécessaire.
M. Jean-Louis Lorrain. Très bien !
M. Gilbert Chabroux. M. Jean Chérioux a également accompli un réel effort, alors que le texte sur le dialogue social est aux antipodes du gaullisme social auquel il se réfère.
M. Jean Chérioux, rapporteur. Vous n'êtes pas dignes d'en juger !
M. Gilbert Chabroux. C'est sans doute l'un de ses derniers rapports, et nous assurons M. Jean Chérioux de toute notre estime et de toute notre sympathie.
Il n'y a donc eu que la gauche pour donner du relief au débat. (M. le président de la commission des affaires sociales rit.) Nos amendements se sont heurtés à un mur, mais les questions ont été posées, et elles ne cesseront pas de l'être.
Nous regrettons tout d'abord que les deux textes sur la formation professionnelle et le dialogue social n'aient pas été séparés : nous aurions voté le premier, en lui apportant quelques améliorations, car l'accord national interprofessionnel représente un socle de droits qu'il appartient au législateur d'enrichir.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous l'avons enrichi !
M. Gilbert Chabroux. En revanche, le texte sur le dialogue social nous choque profondément. D'abord, il s'inscrit dans une politique de destruction sociale dont nous mesurons chaque jour un peu plus les effets : je n'énumérerai pas les étapes du processus qui a consisté à détruire, les uns après les autres, tous les outils de la politique de l'emploi du gouvernement précédent.
Et, malheureusement, vous n'êtes pas au terme du processus. Le rapport de Virville, qui sera sans doute à la base de la prochaine loi de mobilisation pour l'emploi, préconise la rupture négociée du contrat de travail ; il est animé d'une volonté de détruire toutes les règles protectrices des travailleurs et de l'ordre social.
Vous avez pourtant déjà largement engagé cette oeuvre de destruction en vous attaquant aux normes sociales et démocratiques qui protègent les salariés de l'insécurité totale à laquelle les livre le tête-à-tête « libre » avec leur patron.
Ainsi, vous généralisez l'accord dérogatoire. L'accord d'entreprise devient pleinement autonome par rapport à l'accord de branche. C'en est fini du principe de faveur sur lequel le statut salarial reposait, dans le domaine du travail, depuis 1945. C'est tout simplement le mécanisme qui assurait la diffusion des acquis sociaux, des entreprises socialement les plus avancées vers les autres, qui est remis en cause. Désormais, la règle sera celle du dumping social, du nivellement par le bas, en premier lieu pour les salariés, mais aussi pour nombre de PME, qui subiront de fortes pressions sur le plan de la concurrence.
Nous déplorons les choix très politiques, idéologiques, même, que vous avez faits, en donnant satisfaction au MEDEF contre l'ensemble des organisations syndicales de salariés, unanimes.
Nous considérons que, sans élection de représentativité, sans la reconnaissance du principe majoritaire sur lequel se fonde la démocratie, sans le respect du principe de faveur, vous tournez le dos à une véritable rénovation de la démocratie sociale, et que de graves conséquences découleront de l'adoption de votre texte, qui marque une nouvelle étape dans la politique de régression sociale du Gouvernement.
Le groupe socialiste, vous l'avez compris, votera donc résolument contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Annie David.
Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous arrivons au terme de la discussion de ce projet de loi, et j'aimerais expliquer mon vote, qui doit intervenir, malheureusement, sur la totalité du texte, alors que j'aurais souhaité, moi aussi, un vote en deux parties.
Je voudrais donner le sentiment de mon groupe sur la partie concernant la formation professionnelle. Je regrette fortement qu'aucun de nos amendements n'ait été voté par la majorité sénatoriale UMP et UDF.
Si la création du concept de formation tout au long de la vie est un réel progrès et le droit individuel à la formation, le fameux DIF, un nouveau droit accordé aux salariés, je regrette profondément que le critère choisi pour animer le présent projet de loi soit non pas la personne humaine, c'est-à-dire le salarié, mais son contrat de travail.
Il s'agit bien, pourtant, avec le DIF, de permettre qu'à tout moment de sa vie professionnelle chaque salarié puisse faire droit à un besoin de formation qui lui assure une évolution de ses compétences, une promotion professionnelle et sociale, et aussi une reconnaissance tangible en termes de qualification, de classification, de rémunération et de conditions de travail, notamment.
Si la priorité doit rester à l'initiative du salarié, elle n'empêche pas ce dernier, bien au contraire, de revendiquer que son entreprise, donc son employeur, lui offre les conditions optimales pour la mise en oeuvre de son projet ; en cela, l'augmentation des cotisations des employeurs au titre de la formation va dans le bon sens.
Dans le même ordre d'idées, nous sommes, par principe, pour la formation prise sur le temps de travail, mais nous reconnaissons aux salariés le droit de la revendiquer aussi en dehors, s'ils y voient le moyen de s'émanciper de la tutelle patronale.
Cela reste cependant un luxe pour un grand nombre de salariés : les salariés en contrat précaire ou à temps partiel, formule qu'ils n'ont la plupart du temps pas choisie, sont discriminés par ce projet de loi qui confirme la formule du « pro rata temporis » et de la formation hors du temps de travail.
Je veux souligner une nouvelle fois la discrimination aggravée à l'encontre des femmes, pour qui le contrat à temps partiel n'est que peu souvent choisi. En outre, une fois le travail salarié terminé, à temps plein ou à temps partiel, d'ailleurs, et malgré l'évolution de notre société, les femmes s'investissent dans le travail inhérent à leur foyer, dans l'accompagnement scolaire auprès de leurs enfants, ou encore, quelquefois, auprès de leurs ascendants, lorsque ces derniers ont des problèmes de santé. Le droit à la formation suivie sur les heures consacrées à leur foyer leur est alors refusé de fait.
Par ailleurs, il n'est pas question des bénéficiaires du RMI ou du RMA.
J'en viens au contrat de professionnalisation, qui simplifie les multiples contrats existants et clarifie ainsi le sens de la formation professionnelle. Ce contrat profitera à des salariés plus âgés, en reconversion, à des femmes ayant interrompu leur carrière, à des salariés en activité, à des jeunes sortis du système éducatif sans qualification professionnelle, ce qui est positif.
Cependant, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, en faisant passer le plancher du temps passé en formation de 25 % à 15 %, sauf dérogation par accord de branche et pour certains publics, vous excluez tous les jeunes poursuivant actuellement leur formation - qui devrait être initiale, je le maintiens - en contrat par alternance. Il reste maintenant à offrir à ces jeunes la possibilité de poursuivre leurs études.
La future loi d'orientation de l'éducation nationale devra aborder toutes ces questions, ainsi que celle des passerelles envisagées entre les différentes filières de formation initiale et vers des orientations qualifiantes hors du système scolaire.
Mais il est primordial de donner à nos jeunes un socle généraliste solide fait de connaissances qui les propulsent plus facilement vers une qualification professionnelle satisfaisante.
Pour en revenir au texte, que va devenir l'AFPA, qui remplit une mission essentielle et dont la qualité des programmes et la compétence des formateurs sont reconnus par tous ?
Vous ne donnez aucune garantie concernant l'avenir de son personnel et de ses missions en faveur des publics à « bas niveau de qualifications ».
L'éclatement de cet organisme, programmé par le projet de loi de décentralisation, et le désengagement de l'Etat au fil des lois de finances successives renforcent nos inquiétudes.
Il est également question de « passeports formation » laissés à la libre appréciation des régions. Je vois un risque d'inégalité dans l'application de ce dispositif.
Il importe donc que l'Etat s'engage vraiment dans la formation professionnelle pour tous tout au long de la vie.
D'ailleurs, hormis le MEDEF, tous les partenaires sociaux ont réclamé un même droit pour tous à la formation professionnelle tout au long de la vie.
L'ANI, l'accord national interprofessionnel, est un texte plancher et, comme le rappelait M. Chabroux, le projet de loi aurait dû aller plus loin que cet accord, qui ne demandait qu'à être amélioré. Tel a été le sens de nos amendements.
Il revenait en effet légitimement aux parlementaires d'améliorer cet accord. Nous avons défendu une vision humaniste et pérenne de la formation tout au long de la vie consacrant un droit individuel attaché à la personne quel que soit son contrat de travail, garanti collectivement, transférable et opposable, en quelque sorte une sécurité sociale de la formation professionnelle.
Si un vote avait pu intervenir sur chacune des deux parties, le groupe communiste républicain et citoyen se serait sans doute abstenu sur la partie du texte concernant la formation professionnelle. Mais le vote étant global, nous ne pourrons que voter contre l'ensemble.
M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau.
M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la fin de nos débats, nous sommes toujours aussi inquiets quant à l'avenir des négociations collectives, décidément mises à mal. Notre rapporteur a tenté d'humaniser le texte. Malgré le talent dont il a fait preuve, cette tentative était vouée à l'échec.
Le « nec plus ultra » de la « démocratie participative », par une espèce d'inversion du sens dont vous être friand, monsieur le ministre, institue en fait la remise en cause de nombreuses protections des salariés contenues dans la loi, fruits de décennies de luttes et de pratiques de la négociation souvent acharnées face à l'intransigeance patronale.
Si les mots ont un sens, au lieu de « réforme du dialogue social », je préfère quand vous parlez « d'ajuster les relations sociales, le droit du travail, la protection sociale, à l'économie ouverte au monde », cela correspond mieux à la réalité. En clair, il s'agit de favoriser le développement de la mondialisation capitaliste en minant ce que vous nommez « la culture de la protestation sociale », qui serait le pire des freins à une évolution de la société, au dialogue social et porterait en elle « l'éclatement des liens sociaux ».
La contestation serait responsable de « l'extrémisme » et du « poujadisme » ! Décidément, nous aurons tout entendu dans cette enceinte !
Je préfère également - c'est plus clair - quand vous confirmez votre stratégie à moyen terme de casse du code du travail en vous référant explicitement au rapport de M. de Virville et quand vous évoquez les « nouveaux rôles entre l'Etat et les partenaires sociaux », en vous référant à ce qui s'est fait sur les retraites.
Au cours des débats, vous avez manié l'art de l'esquive et répété à l'envi vos présupposés, mais vous ne pouvez nier votre détermination - les dispositions de votre projet en atteste - à lever les deux obstacles majeurs s'opposant à la volonté et aux objectifs visés par le patronat français depuis vingt ans, à savoir la hiérarchie des normes - pas d'accord possible s'il contrevient à la loi et au code du travail, l'Etat garantissant l'ordre public social - et le principe de faveur - les accords d'entreprises ne peuvent déroger aux accords de branche ou interprofessionnels que s'ils sont plus favorables aux salariés.
Mais la protection des salariés n'est certainement pas le souci de la majorité UMP-UDF.
Tout ce qui empêche le « libre contrat » doit être aboli, surtout quand il s'agit de le conclure entre celui qui dispose d'un outil de travail et de tous les pouvoirs et celui qui n'a que sa force de travail à vendre.
De même, il est « hérétique », selon votre conception, d'obliger par la loi un patron d'appliquer au moins les accords de branche étendus !...
Vous dites ne vouloir que favoriser les accords d'entreprise.
Et pourtant, rien n'interdit - cela arrive tous les jours - qu'après un accord de branche des négociations s'ouvrent au niveau des entreprises de la branche, y compris sur des points non prévus dans l'accord, mais plus avantageux pour les salariés.
Vous exposez les salariés et les négociateurs syndicaux à voir disparaître ce qui existe aujourd'hui, c'est-à-dire que les accords de branche permettent également des négociations au niveau de l'entreprise, mais avec un « plus », avec la garantie de démarrer à partir d'un « socle » minimum existant, constitué dans la plupart des cas par les dispositions statutaires ou conventionnelles générales découlant des améliorations obtenues dans les accords professionnels de branche.
Lorsque l'on s'attaque ainsi à la hiérarchie des normes et au principe de faveur, on ne peut plus soutenir que l'on respecte les accords existants et qu'il n'y aura aucun effet rétroactif !
La future loi n'encadrant plus les négociations d'entreprise, tout sera renégociable, un jour, mais dans un sens défavorable aux salariés.
C'est cela qui, selon vous, serait moderne, alors qu'une situation où les salariés disent « non » à leur employeur est qualifiée « d'archaïque ».
Hiérarchie des normes et principe de faveur ont également des effets positifs dans la vie économique de notre pays : ils limitent le « dumping social », le nivellement par le bas, cher au MEDEF.
Avec votre loi, l'employeur qui négociera un contrat de travail plus défavorable aux salariés que celui de la branche va pouvoir servir de modèle aux autres ; grâce à vous, les contrats comportant des mesures sociales moins-disantes pourront être généralisés !
La concurrence s'effectuera non plus sur la qualité des produits fabriqués ou des services rendus, mais sur la faible valeur possible du travail.
Monsieur le ministre, vous avez souvent cité la loi sur les 35 heures, mais vous ne pouvez soutenir que cette loi n'a pas donné lieu à négociations, ni oublier les réactions des partenaires sociaux et l'adhésion massive des salariés.
Malgré le dogmatisme et la rigidité du MEDEF dans les entreprises, les 35 heures ont « boosté » le dialogue social. Ce n'est pas moi qui le dis ; nombre d'économistes l'ont souligné.
Même quand les accords de branche étaient signés, le baron Seillière, au nom du MEDEF, revendiquait que pendant cinq ans la loi ne s'applique pas !
Avec cette loi, le patronat était obligé de négocier à la baisse le nombre d'heures de travail légal et de payer en heures supplémentaires tout dépassement !
Comment nier l'antagonisme engendré par le comportement patronal prônant l'affrontement !
Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, quand le patronat a-t-il été à l'origine du moindre progrès social ?
En fait, selon que les dirigeants avaient le nez sur le cours des actions, intéressés non pas par le progrès social, mais par le rendement financier, alors que la PME considérée était plus ou moins sous-traitante, les salariés, derniers maillons de la chaîne, subissaient - ou non - les contre-coups.
Vous soutenez que, pour la première fois, vous proposez d'inscrire le principe majoritaire dans la loi. C'est faux et nous l'avons démontré !
L'un des plus importants points d'appui de la loi sur les 35 heures - pour les salariés s'entend - consistait dans le fait que, pour ouvrir droit aux allégements de cotisations, les accords signés dans les entreprises devaient recueillir l'aval des syndicats qui y sont majoritaires.
C'est ainsi que, en plus des accords de branche, des accords d'entreprises ont également été négociés, y compris dans les entreprises de moins de cinquante salariés.
C'est à cela que vous commencez à vous attaquer. Avec votre article 37, il n'y aura plus besoin d'accord de branche pour dépasser le contingent légal d'heures supplémentaires. On pourra augmenter le contingent par simple accord d'entreprise. C'est la mort, à coup sûr, des 35 heures !
M. le rapporteur a fait référence au rapport du BIT, le bureau international du travail, et à ses dispositions visant à « s'affranchir de la pauvreté au travail, à mobiliser le monde du travail pour faire reculer les situations d'exclusion ou indécentes, et vaincre la pauvreté », en soutenant que votre texte, monsieur le ministre, procédait de cette démarche !
Comment ne pas souscrire aux intentions du rapport du BIT comme à celles qui sont contenues dans un autre de ses rapports épinglant le travail des enfants et illustrant ces situations d'exclusion, ces situations indécentes dans le travail, que votre projet devrait contribuer à vaincre ?
En quoi de telles dispositions favorables au patronat pourraient-elles permettre d'éliminer le travail des enfants dans le monde, dont l'origine, chacun le sait, vient du système « Nike » : un siège social dans le pays d'origine, d'un côté ; la sous-traitance de la fabrication organisée dans les pays pauvres, sans législation sociale, de l'autre ?
Au lieu d'aller plus loin dans notre propre législation pour vaincre la pauvreté, l'exclusion du travail, au lieu d'avoir le souci permanent du progrès de l'humanité, vous rognez les droits des salariés, vous enlevez les aspérités du droit pouvant gêner l'exploitation, même abusive et indécente, organisée par quelques affamés de la rentabilité. (Murmures sur les travées de l'UMP.)
Je terminerai mon propos par une devinette à l'adresse de M. le rapporteur. Qui a prononcé la phrase suivante : « Il faut dénoncer les castes, les écarts excessifs de revenus, les préjugés à l'encontre des métiers techniques ou manuels, le trop faible taux de syndicalisation, mais aussi rappeler le besoin de respecter la dignité de chacun, d'améliorer les conditions et l'intérêt du travail, la nécessité de mettre en oeuvre des dispositions particulières pour le recyclage et le réemploi des travailleurs, d'instituer une solidarité plus active envers les plus défavorisés, de revaloriser les bas salaires, dans le privé et la fonction publique. » ?
Voilà un programme à fort contenu social, qui n'était pas dicté par le CNPF à l'époque, ce qui nous change beaucoup de votre texte, monsieur le ministre, où l'on peut déceler, sinon la plume, du moins l'esprit du MEDEF.
M. le rapporteur a cité Jacques Chaban-Delmas dans son rapport. Il aurait dû pousser plus loin son explication en s'appuyant sur la citation que je viens de faire. Il est vrai que cela n'aurait pas été à l'avantage du Gouvernement. Mais au moins cela aurait constitué une condamnation, non équivoque celle-ci, de l'UMP et de l'UDF. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Lardeux.
M. André Lardeux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les deux titres de ce projet de loi illustrent une même idée : en transposant dans la lettre et l'esprit deux accords signés par les partenaires sociaux, ils attestent du sens du dialogue et des responsabilités des organisations tant syndicales que patronales et dévoilent une conscience partagée des défis à relever, à savoir développer la formation afin de relever la qualification de tous les salariés, en particulier des plus vulnérables, et ainsi dynamiser l'emploi.
A propos de la première partie, le groupe UMP se félicite des avancées que permet la réforme de la formation tout au long de la vie, directement et fidèlement inspirée de l'accord professionnel du 20 septembre dernier, accord signé par l'ensemble des partenaires sociaux et qui constitue une victoire pour le dialogue social.
Ce projet de loi pose ainsi les fondements d'une évolution des mentalités afin de transformer la vision qu'ont les entreprises et les employés de la formation.
Les entreprises doivent considérer la formation non plus comme une charge dans leur compte d'exploitation, mais comme un investissement.
Parallèlement, les employés doivent s'emparer de ce nouveau droit et comprendre qu'il est une arme efficace en faveur de leur emploi et de leur éventuelle reconversion.
Ce texte devrait ainsi apporter des solutions concrètes aux difficultés que connaissent trop d'entreprises pour recruter des salariés dans certains secteurs faute de demandeurs d'emploi qualifiés.
La création d'un droit individuel à la formation est l'une des mesures les plus importantes de ce projet de loi. Ce droit permet à chaque salarié de se former tout au long de sa carrière professionnelle en complément de sa formation initiale et, de ce fait, de demeurer qualifié et opérationnel, y compris en cas de changement d'entreprise. Sa reconversion éventuelle devrait s'en trouver facilitée.
A l'occasion de la discussion, le Sénat a amélioré la rédaction de l'article relatif au contrat de professionnalisation en fixant la durée du temps de formation entre 15 % minimum et 25 %, cette formation ne pouvant dépasser 25 % du temps de travail que si un accord de branche ou interprofessionnel le prévoit pour certaines catégories sans qualification.
Nous avons également précisé qu'un tuteur serait placé auprès des jeunes embauchés sous contrat de professionnalisation dans l'entreprise.
Quant à la deuxième partie du projet de loi, elle s'inscrit dans la démarche du Gouvernement qui a souhaité, depuis le début de la législature, promouvoir le dialogue social. L'introduction de la règle majoritaire donnera une légitimité accrue aux accords signés, de même que l'assouplissement de la hiérarchie des normes. Ainsi, la possibilité de déroger aux accords de branche permettra de prendre en compte les spécificités de chaque entreprise au plus près du terrain.
Par ailleurs, ce texte devrait faciliter la négociation et la signature de futurs accords essentiels tel celui qui permettrait de mettre en place de nouvelles formes de régulation pour accompagner les mutations économiques.
Enfin, ce projet de loi est de nature à faire émerger des syndicats réformateurs et plus représentatifs, capables de proposer des solutions et d'accompagner les évolutions nécessaires.
Le Sénat a complété ce texte fort opportunément, sur l'initiative de notre excellent collègue rapporteur Jean Chérioux, par un volet sur la participation, en proposant de lever les obstacles législatifs qui entravent encore l'essor de la participation, notamment dans les petites entreprises.
Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera ce texte avec détermination. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Louis Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de l'examen de ce très important projet de loi - comment ne pas l'avouer ? -, je me trouve plongé dans l'embarras. En effet, ma satisfaction face au volet formation professionnelle tout au long de la vie n'a d'égal que mes réserves sur le volet dialogue social. Deux textes si différents en un, voilà qui, au moment du vote, est bien gênant !
En effet, je tiens à rappeler à quel point la partie relative à la formation professionnelle constitue à mes yeux une avancée remarquable. Le texte du projet de loi reste fidèle à la lettre et à l'esprit de l'accord national interprofessionnel du 20 septembre 2003, accord qui lui-même a une importance historique. Dans un contexte de lourdes incertitudes économiques, où le chômage continue de grimper, la formation professionnelle doit permettre une meilleure adéquation entre l'offre et la demande de travail au profit des chômeurs.
Ce projet de loi, très opportunément complété par l'excellent travail réalisé par notre collègue et amie Annick Bocandé, en tant que rapporteur de la commission des affaires sociales, donne aux partenaires sociaux les moyens d'atteindre ces objectifs ambitieux.
Ce texte fait de la formation professionnelle un droit véritable.
C'est particulièrement vrai pour le droit individuel à la formation, droit dont il est permis d'attendre beaucoup. Véritable droit, le droit à la formation professionnelle est dorénavant un droit simplifié, notamment en matière d'apprentissage. Ses modalités de financement sont à la fois consolidées et opportunément restructurées. Mais, surtout, le droit à la formation professionnelle sera, grâce à ce projet de loi, rendu effectivement accessible à tous. Il sera concrétisé et orienté en direction des publics qui en auront le plus besoin. L'apport de la commission des affaires sociales a été à cet égard déterminant.
Si la formation professionnelle avait fait l'objet, à elle seule, d'un projet de loi, c'est avec enthousiasme que je l'aurais voté. Oui, mais voilà, il y a le dialogue social !
Sur ce dernier volet, je suis au regret de vous faire part, monsieur le ministre, de mes grandes réserves.
Pour ce qui est du constat, nous ne divergeons aucunement : il faut reprendre le dialogue social. C'est vital pour la démocratie sociale, c'est vital pour l'économie, c'est vital pour l'emploi. C'est la raison pour laquelle l'impulsion des réformes en droit du travail doit le plus possible venir des partenaires sociaux eux-mêmes. En matière de dialogue social, une Position commune avait été déterminée le 16 juillet 2001. Bien sûr, cette Position commune n'est pas comparable à l'accord interprofessionnel signé en matière de formation professionnelle, ce qui prouve qu'il n'est pas aisé de dégager un consensus en ce domaine.
C'est pour cela que la Position commune devait être scrupuleusement respectée. Si elle n'est pas un accord solennel, elle a au moins le mérite de poser un cadre et des principes sur lesquels il a déjà été laborieux de s'entendre.
Or, comme je l'ai dit lors de la discussion générale, le texte qui nous a été présenté s'éloigne sensiblement de cette position arrêtée par les partenaires sociaux. Réinterprété en faveur de l'une des parties, le texte a été réécrit sur les deux points les plus fondamentaux. Ces deux points, nous les connaissons, je ne les rappellerai pas.
L'introduction des règles de l'accord majoritaire au niveau de la branche et de l'entreprise, outre qu'elle n'est pas conforme au souhait des partenaires sociaux, fait courir le risque d'une paralysie du dialogue social. Alors qu'il était question de le relancer, le législateur risque d'aboutir à l'effet inverse.
S'agissant de la nouvelle hiérarchie des normes mise en place par votre projet de loi, il est bien certain que la Position commune n'aurait jamais été signée si elle en avait, ne serait-ce qu'implicitement, dessiné les grandes lignes.
Permettre que, par principe, n'importe quel accord d'entreprise puisse déroger défavorablement à un accord de branche ou n'importe quel accord de branche à une convention interprofessionnelle revient à gommer les échelons supérieurs de négociation dont les partenaires sociaux ont pourtant cruellement besoin. Ici encore le mieux est l'ennemi du bien et de telles mesures pourraient conduire à scléroser le dialogue que vous cherchez à favoriser.
Face à ces deux contresens du législateur, le groupe de l'Union centriste a déposé une série d'amendements. Malheureusement, aucun d'entre eux n'a été retenu.
Devant cette situation paradoxale, je me sens bien incapable de voter pour ce projet de loi. Mais, souhaitant manifester mon approbation au volet formation professionnelle, il m'est difficile de voter contre. C'est pourquoi j'ai choisi de m'abstenir. Les membres du groupe de l'Union centriste se prononceront chacun en leur âme et conscience ; certains voteront pour le texte, d'autres s'abstiendront comme moi.
M. le président. La parole est à M. Jack Ralite.
M. Jack Ralite. Au moment où va intervenir le vote du projet de loi sur le « dialogue social », je veux constater qu'il n'y a pas eu au Sénat de dialogue politique à son propos ; je trouve que c'est grave.
Oui, l'examen du texte s'est déroulé quasiment sans débat. Ainsi, du côté de la majorité, ce fut le silence, accompagné d'une façon d'être avec l'opposition du genre : « Parlez toujours, vous ne m'intéressez pas ! » Du côté du Gouvernement et de la commission, ce fut une sorte de condescendance semblant dire : « A quoi bon discuter, nous avons la majorité ! ». Du côté de l'opposition, ce furent des amendements, des propos approfondis, légitimement protestataires. Mais tout cela ne constitue pas un travail parlementaire !
Un travail parlementaire, c'est, à partir du « bougé » des paysages sociaux et culturels, des actions revendicatives, à partir des contradictions du réel, à partir des tensions vibrantes entre différents points de vue, faire vivre le pluralisme pour déboucher sur des solutions.
Votre silence malmène le pluralisme. Ce n'est même pas la cohabitation : c'est l'ignorance de l'autre ! Rien n'est plus enrichissant que l'altérité. Mais ce qui s'est passé ici me fait penser à ce que disait ce philosophe italien qui fut maire de Venise, Massimo Cacciari : « Le pluralisme serait un malheur si chacune de ses composantes n'avait pas d'hospitalité pour l'autre. »
Or vous affirmez votre différence avec indifférence à l'égard des autres différences.
Retenez ce que disait Julien Sorel dans le Rouge et le noir de Stendhal : « Ma présomption s'est si souvent applaudie de ce que j'étais différent des autres paysans ! Eh bien, j'ai assez vécu pour voir que différence engendre haine. »
De votre silence de majorité institutionnelle naît et naîtra de plus en plus un déficit de pensée, une incapacité à « faire société ».
Vous avez une conception tronquée de l'autorité. L'autorité, c'est l'écoute de la société, c'est la prise en compte des mouvements sociaux, c'est la connaissance et la reconnaissance des différences. Quand il y a ignorance, le jugement prend le dessus sur la connaissance.
Cela vous portera tort. Cela risque aussi de nous porter tort à nous, parce que cela porte tort à la démocratie, ici au Sénat, et surtout à la démocratie en France, si nécessaire à nos concitoyens.
Depuis un certain temps, comme l'écrit Alain Supiot, professeur à l'université de Nantes, « la montée vertigineuse du chômage a conduit en France à opposer "droit du travail" et "droit au travail" et à s'engager dans une politique de "flexibilité" de la "ressource humaine" ».
Cette pensée est une pensée cul-de-sac. « La pensée, avant d'être oeuvre, est trajet », disait Michaux. Il ne faut pas avoir honte de devoir passer dans des lieux considérés comme fâcheux, nous pour vous et, souvent, comme une conséquence, vous pour nous.
Comment, alors, faire du nouveau ? Vous cassez ce qui existe. Nous nous arc-boutons naturellement sur ce qui existe. Le résultat, c'est que le savoir reste au mieux à mi-distance et, surtout, s'aligne sur la pensée du MEDEF, qui prône la « grande transformation » en tournant le dos à la pensée de l'auteur de cette espérance, l'économiste Karl Polanyi.
C'est ainsi que, sous vos coups de boutoir, silencieux et « satisfait », vous cassez le droit du travail de ceux qui ont encore un poste de travail permanent et créez des précaires sans droit du travail.
Nous, nous répétons inlassablement notre attachement absolu au droit du travail des contrats à durée indéterminée, qui sont de moins en moins nombreux, et nous ne proposons peut-être pas suffisamment de droits du travail pour les précaires, de plus en plus nombreux, et pas suffisamment non plus de nouveaux droits du travail plus ambitieux pour les CDI et les CDD.
Il est vrai que, quand nous le faisons, c'est toujours non ! Combien d'amendements de l'opposition ont-ils été acceptés ? Les doigts de la main suffissent pour les dénombrer, sur des centaines de propositions.
Il y a donc un déficit de pensée. La politique est moins un secteur particulier qu'une dimension transversale. La liberté politique ne peut se résumer au droit d'exercer sa volonté. Elle réside aussi dans le droit de maîtriser le processus de formation de cette volonté.
Pour ne citer que ma seule expérience dans ce débat, vous avez récusé mon intervention sur la maternité des femmes intermittentes. Elles manifestaient d'ailleurs ce matin à l'Assemblée nationale, et j'y étais.
Vous avez réagi par un silence que je qualifierai de hautain à mon propos sur la nécessité du nouveau droit du travail des salariés sous CDI et CDD reconnaissant leur place dans l'élaboration de la stratégie de l'entreprise.
Ces salariés sont des experts du quotidien. Ils ont une pensée et fournissent des connaissances en actes. Leurs actions se font exploratrices et, sans eux, vos experts, qui sont souvent les experts du MEDEF, boitent !
Allons donc ! Il y a besoin en France d'un nouvel « en-commun » sur le lieu de travail. Je veux avec vous vider d'autres querelles que celles qui se présentent au coin de la rue ou à la télé-réalité. Et si cela n'était qu'ici ! Encore que ce soit important, sauf à minorer le Parlement, ce qui a commencé quand le Président de la République, le 14 juillet dernier, a dit qu'il n'y aurait plus de loi sociale sans un accord préalable des acteurs sociaux. Où était-il, cet accord, en ce qui concerne la partie du projet de loi consacrée au « dialogue social » ?
Mais ce repliement sur vous, c'est une seule journée de négociation avec les syndicats, le 14 mai, sur le démeublement des retraites, le 15 mai. C'est encore la « démocratie » - entendez les guillemets ! - de trois syndicats ultraminoritaires établissant l'accord sur les intermittents du 26 juin, puis du 13 novembre, et vous savez que l'émotion perdure et continue de porter plainte. C'est enfin le recours aux ordonnances pour blesser profondément la sécurité sociale.
J'arrête là mon propos, sans amertume, mais avec inquiétude et avec une certaine colère. Je ne demande à personne de faire disparaître sa différence. Moi-même, j'aime la mienne, mais je veux la confronter. Je ne veux pas m'aligner ni me tranquilliser parce que je m'oppose.
Je veux inlassablement, avec mes camarades communistes républicains et citoyens, avec mes amis socialistes, avec toutes les individualités serviables que peut compter notre assemblée, je veux que, ici comme dans la cité, nous nous souvenions de l'avenir, peut-être devrais-je d'ailleurs dire : que nous nous souvenions du devenir.
Je veux émettre un espoir, c'est que chacune et chacun d'entre nous entrant dans l'hémicycle se dise : je ne reviens pas, je viens ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce texte est attendu, et attendu depuis longtemps.
Souvenons-nous : la réflexion sur la formation professionnelle allait cahotant, cheminait dans la douleur depuis plus de trois ans, les échecs succédant aux échecs. Le dialogue social était, à l'époque, totalement interrompu. J'ai en mémoire cette grande période où c'était un autre ministre des affaires sociales qui siégeait au banc du Gouvernement et où il n'y avait plus de dialogue social dans notre pays.
Ce texte de loi était donc attendu et nécessaire.
Il est fondé socialement, s'appuyant sur un accord de 1993, qualifié d'« historique » par les partenaires, et sur une position commune. Que demander de plus ?
C'est aussi un texte moderne parce que ouvert à la recherche d'un équilibre juste entre la démocratie sociale et la démocratie politique.
Je veux citer ici ce que disaient les syndicats lors de la table ronde et qui a été repris dans le rapport de Mme Annick Bocandé : « Aussi supérieure que puisse être la légitimité du législateur sur celle du négociateur, il ne faut pas qu'il décourage le négociateur. » C'est bien tout l'esprit de ce texte.
M. Gilbert Chabroux. Eh bien, c'est réussi !
M. Claude Estier. C'est mal parti !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Evidemment, cela vous gêne parce que cela, vous n'avez pas réussi à le faire pendant toutes les années où vous étiez en charge du dialogue social !
M. Claude Estier. Il n'y a jamais eu autant de négociations !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La mission qui incombe au législateur consiste, à travers ce texte, à définir un cadre, à tracer des contours.
Aux partenaires sociaux de le faire vivre ensuite, en remplissant le cadre, en dessinant les différents niveaux de la perspective, comme dans une peinture. Bien sûr, il n'est pas facile de faire jouer des règles différentes dans un cadre unique, mais je souhaite que les partenaires y parviennent.
Cela m'amène à une dernière réflexion sur ce texte. On pourrait considérer que nous avons manqué une occasion en ne remettant pas en cause la représentativité des syndicats. M. le ministre nous a fourni la réponse : on ne peut pas tout faire tout de suite. Il faut déjà réapprendre aux partenaires sociaux à travailler ensemble, ce qu'ils n'arrivaient plus à faire depuis longtemps.
Il fallait aussi les amener à discuter à nouveau avec le Gouvernement et avec la représentation nationale. Le grand débat qui a eu lieu prouve que nous y avons réussi. Nous avons eu, en particulier des échanges très intéressants en commission à l'occasion de toutes nos auditions. C'est nouveau : il fut une époque où il fallait réclamer la présence des ministres ! Aujourd'hui, nous discutons avec les ministres et avec les syndicats. Je pense que nous allons de l'avant et que c'est une garantie de réussite.
Nous attendons, monsieur le ministre, qu'un dernier pas soit accompli, peut-être dans quelques années, celui qui verra la remise en cause des modalités des élections et de la représentativité des syndicats.
Je me félicite, en tant que président de la commission, du travail qui a été accompli par nos rapporteurs.
Je me tournerai d'abord vers Jean Chérioux, dont ce sera sans doute le dernier rapport. Mais il n'est guère surprenant qu'il ait accepté de rapporter sur le dialogue social, lui qui a si longtemps oeuvré sur ce thème, tant à l'échelon de la ville de Paris qu'au Sénat, en particulier au sein de notre commission. Une fois de plus, il fait la preuve de toute sa passion et de tout son talent.
Je remercie aussi Annick Bocandé, dont chacun connaît l'attachement à la formation professionnelle.
Les deux rapports témoignent non seulement des qualités de leurs auteurs, mais aussi du sérieux qui imprègne les travaux de la commission et du dévouement de ses collaborateurs.
Je remercie également l'ensemble des sénateurs présents en commission - ils n'étaient pas toujours très nombreux - et en séance.
M. Gilbert Chabroux. Ils étaient encore moins nombreux ! (Sourires.)
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On pourrait effectivement souhaiter parfois qu'ils le soient plus ! (Nouveaux sourires.)
En tout cas, contrairement à ce que certains ont dit, ceux qui étaient présents ont permis de faire vivre le débat lors de la discussion générale, durant laquelle tous les groupes se sont exprimés et ont apporté leur pierre à la réflexion.
M. Claude Estier. Si nous n'avions pas été là, il n'y aurait pas eu de débat, c'est clair !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je sais d'ailleurs gré à l'opposition de ses amendements.
M. Gilbert Chabroux. Aucun n'a été accepté !
M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Certes, mais était-ce vraiment leur but ? Ils vous ont permis de faire valoir vos points de vue. Dans la mesure où nous défendions des thèses totalement opposées, vous ne pouviez guère vous attendre à être suivis.
Enfin, je remercie les présidents de séance successifs, qui ont su mener nos débats avec le sens de l'équilibre qui leur est coutumier.
Au total, soixante-dix-neuf amendements ont été adoptés. Compte tenu du travail effectué, je suis persuadé que la commission mixte paritaire qui se réunira le 25 février aura une issue positive. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Jean Chérioux, rapporteur.
M. Jean Chérioux, rapporteur. Rassurez-vous, mes chers collègues, je n'ai pas l'intention de relancer le débat. (Sourires.)
En cet instant, je souhaite simplement remercier mes collègues de la commission des affaires sociales et leur président d'avoir bien voulu me confier ce dernier rapport, qui m'a apporté beaucoup de bonheur.
Je remercie aussi les collaborateurs de la commission, qui ont travaillé avec acharnement et fait preuve d'une grande qualité pédagogique. Car c'est bien évidemment à eux que le rapport écrit doit une grande partie de sa clarté.
Je remercie également M. le ministre de sa bienveillance à mon égard. Il a notamment accepté de débattre avec moi lorsque nous avons examiné les quelques amendements qui traitaient de la participation. Mais je sais que lui-même partage ma passion pour cette vision gaulliste du statut des salariés. Je ne doute donc pas qu'il appuiera ces amendements dans la suite du processus parlementaire de manière qu'ils soient adoptés définitivement.
Je remercie, bien entendu, les membres de la majorité, et particulièrement les membres de mon groupe, de m'avoir soutenu par leurs votes et d'avoir bien voulu, dans leurs propos, s'associer à ma passion pour la participation. Mais comment pourrait-il en être autrement s'agissant du groupe UMP, du groupe gaulliste ?
Je remercie aussi les membres de l'opposition. Ils se sont quelquefois laissés aller, bien sûr, à des excès de langage, mais c'est la loi du genre et l'on ne peut pas s'en offusquer.
M. Claude Estier. Cela vous arrive aussi !
M. Jean Chérioux, rapporteur. Je leur sais gré d'avoir bien voulu, malgré cette espèce de fascination obsédante qu'exerce sur eux le MEDEF (Sourires),...
M. Claude Estier. Sur vous ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Chérioux, rapporteur. ... de temps en temps, découvrir ou redécouvrir les vertus du gaullisme !
M. Robert Bret. Il faut bien chercher !
M. Jean Chérioux, rapporteur. A plusieurs reprises, j'ai en effet senti leur coeur vibrer. Ils ont parfois eux-mêmes, d'ailleurs, fait référence au gaullisme !
M. Gilbert Chabroux. C'était pour mesurer la différence ! (Nouveaux sourires.)
M. Jean Chérioux, rapporteur. Cela m'a profondément touché et cela montre à l'évidence que le gaullisme est bien ce qu'a toujours souhaité le général de Gaulle, à savoir une vision qui transcende les partis politiques parce qu'elle ne se soucie que de l'intérêt général.
C'est peut-être cela que vous avez perçu dans le rapport que je vous ai présenté, parfois, il est vrai, en y mettant beaucoup de passion. Mais ne sommes-nous pas tous ici des passionnés ?
Enfin, je voudrais remercier le Sénat lui-même, qui, pendant près de vingt-sept ans, m'a permis d'assouvir mon goût fervent pour l'action législative, toujours dans le strict souci de l'intérêt général.
Mes chers collègues, monsieur le ministre, nous, les politiques, sommes parfois décriés. Eh bien, je plains ceux qui nourrissent des ressentiments à l'égard des politiques. Quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons, quelles que soient nos options, nous devons être fiers d'être ce que nous sommes et de ce que nous faisons. Nous sommes le législateur. Nous représentons la nation. Ce que nous faisons, nous le faisons au nom de la nation et pour la nation. Ne serait-ce que pour cela, je remercie le Sénat de m'avoir donné l'occasion de participer à ses travaux. (Applaudissements sur l'ensemble des travées.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, du groupe UMP, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du
scrutin n° 147
:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 299 |
Majorité absolue des suffrages | 150 |
Pour | 188 |
Contre | 111 |
Le Sénat a adopté.
La parole est à M. le ministre.
M. François Fillon, ministre. Je tiens à remercier M. About pour les mots qu'il vient de prononcer et, surtout, pour la manière extrêmement efficace dont il a conduit les travaux de la commission des affaires sociales.
Je veux aussi dire à Mme Bocandé combien j'ai apprécié la manière dont elle a abordé le rapport sur la formation professionnelle, avec à la fois une grande ouverture d'esprit et la rigueur qui la caractérise.
Vous me permettrez d'avoir un mot tout particulier pour Jean Chérioux : il a défendu et amélioré un texte qui se situe parfaitement dans l'esprit de la participation et de la synthèse économique et sociale qui caractérise le gaullisme, dont il est un interprète fidèle et constant.
Je remercie également la majorité, qui ne mérite pas les attaques blessantes et injustes de l'opposition. Par son soutien et sa confiance, elle rend possibles aujourd'hui deux avancées sociales considérables qui feront date. La première est la création d'un droit nouveau, le droit individuel à la formation professionnelle ; la seconde est la modernisation des règles du dialogue social, qui étaient figées depuis plus de trente ans.
Ce projet de loi est inspiré de la Position commune, et je redis sans animosité au porte-parole de l'UDF qu'il ne peut pas soutenir que les dispositions contenues dans ce texte seraient un contresens par rapport à ladite Position commune : je crois plutôt que ce sont les affirmations de certaines organisations syndicales, qu'il a relayées, qui sont un contresens par rapport à cette Position. Cette dernière a en effet expressément prévu la marche en avant vers le principe majoritaire et l'autonomie contrôlée des niveaux de négociation, ce qui conduit à donner à l'entreprise une nouvelle liberté dans ce domaine.
Ce texte ouvre le chemin de la généralisation des accords majoritaires, et la brillante rhétorique de M. Ralite ne suffira pas à expliquer comment un texte qui, pour la première fois, ouvre la voie aux accords majoritaires pourrait tourner le dos à la démocratie alors que, pendant des années, on s'est satisfait d'un dispositif dans lequel les accords reposaient, au contraire, sur des signatures minoritaires.
Grâce à ce texte, les partenaires sociaux pourront mettre en oeuvre des élections de représentativité.
Enfin, ce texte ouvre le chemin au développement du droit conventionnel et du dialogue dans l'entreprise. Ces deux réformes auraient pu être engagées par la gauche, qui avait à la fois le temps et l'occasion de les mettre en oeuvre puisque les deux négociations sociales sur lesquelles nous nous sommes appuyés ont commencé au moment où elle était au pouvoir. L'une, la Position commune, avait abouti, et il aurait été facile de la reprendre ; l'autre avait échoué, certes, mais peut-être était-ce parce que le gouvernement de l'époque ne s'était pas suffisamment engagé au côté des négociateurs, ce que nous avons fait pour notre part.
Quoi qu'il en soit, la réalité, c'est que c'est l'UMP et la majorité qui auront réalisé cette réforme. Naturellement, elle ne constitue, sur bien des aspects, qu'un début, et il faudra la prolonger. D'ailleurs, dès le mois d'avril prochain, je vous proposerai de poursuivre la réforme de la formation professionnelle par une réforme instituant une véritable deuxième chance pour ceux qui sont le plus exclus du marché du travail.
L'avenir montrera, mesdames, messieurs les sénateurs, que nous aurons aujourd'hui posé les bases solides d'un nouveau droit, favorable à la fois aux salariés et au développement de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP ainsi que sur certaines travées de l'Union centriste.)