SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. Bernard Angels
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Nomination des élèves administrateurs du Centre national de la fonction publique territoriale. - Adoption des conclusions du rapport d'une commission (ordre du jour réservé) (p. 2).
Discussion générale : MM. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois ; Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat.
Clôture de la discussion générale.
Article unique (p. 3)
MM. le rapporteur, Jean-Marc Todeschini.
Adoption de l'article unique de la proposition de loi.
3. Droits des mineurs et diverses dispositions relatives aux mines. - Adoption définitive d'une proposition de loi (ordre du jour réservé) (p. 4).
Discussion générale : Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie ; MM. Philippe Leroy, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Jean-Marie Vanlerenberghe, Gérard Longuet, Yves Coquelle, Jean-Pierre Masseret, Mme Evelyne Didier.
Mme la ministre déléguée.
Clôture de la discussion générale.
Article 1er (p. 5)
Amendement n° 1 de M. Daniel Eckenspieller. - MM. Daniel Eckenspieller, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 2 (p. 6)
Amendement n° 2 de M. Daniel Eckenspieller. - Retrait.
Amendement n° 3 de M. Yves Coquelle. - MM. Yves Coquelle, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Retrait.
Adoption de l'article.
Article 3 (p. 7)
M. Yves Coquelle.
Adoption de l'article.
Article 4 (p. 8)
Amendement n° 4 de M. Yves Coquelle. - MM. Yves Coquelle, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet.
Adoption de l'article.
Articles additionnels après l'article 4 (p. 9)
Amendements n°s 5 de M. Yves Coquelle et 8 de M. Jean-Pierre Masseret. - M. Yves Coquelle, Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet des deux amendements.
Articles 5 à 8. - Adoption (p. 10)
Articles additionnels avant l'article 9 (p. 11)
Amendements n°s 6 rectifié de M. Yves Coquelle et 9 rectifié de M. Jean-Pierre Masseret. - M. Yves Coquelle, Mme Gisèle Printz, M. le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet des deux amendements.
Articles 9 et 10. - Adoption (p. 12)
Article 11 (p. 13)
Mme Evelyne Didier.
Amendements n°s 10 de M. Jean-Pierre Masseret et 7 de M. Yves Coquelle. - MM. Jean-Marc Todeschini, le rapporteur, Mme la ministre déléguée, MM. Yves Coquelle, Gérard Longuet. - Rejet des deux amendements.
Adoption de l'article.
Articles 12 à 17. - Adoption (p. 14)
Article 18 (p. 15)
Mme Evelyne Didier, M. Jean-Pierre Masseret.
Adoption de l'article.
Articles 19 à 22. - Adoption (p. 16)
Articles additionnels après l'article 22 (p. 17)
Amendements n°s 11 à 13 de M. Jean-Pierre Masseret. - MM. Jean-Marc Todeschini, le rapporteur, Mme la ministre déléguée. - Rejet des trois amendements.
Division et articles additionnels après l'article 22 (p. 18)
Amendements n°s 14 à 20 de M. Jean-Pierre Masseret. - MM. Jean-Marc Todeschini, le rapporteur, Mmes la ministre déléguée, Marie-Claude Beaudeau, au nom de la commission des finances. - Irrecevabilité de l'amendement n° 17 ; rejet des amendements n°s 14 à 16 et 18 à 20.
Vote sur l'ensemble (p. 19)
MM. Jean-Pierre Masseret, Yves Coquelle.
Adoption définitive de la proposition de loi.
Suspension et reprise de la séance (p. 20)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
4. Demandes d'autorisation de missions d'information (p. 21).
5. Diffusion de la culture scientifique et technique. - Discussion d'une question orale avec débat (ordre du jour réservé) (p. 22).
MM. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, auteur de la question ; Lucien Lanier, Ivan Renar, Pierre Laffitte, Mme Marie-Christine Blandin, M. Christian Gaudin.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies.
Clôture du débat.
6. Politique nationale de lutte contre les drogues illicites. - Discussion d'une question orale avec débat (ordre du jour réservé) (p. 23).
MM. Bernard Plasait, auteur de la question ; Gilbert Chabroux, Mme Nelly Olin.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille.
Clôture du débat.
7. Communication relative à des commissions mixtes paritaires (p. 24).
8. Dépôt d'une proposition de loi organique (p. 25).
9. Dépôt de rapports (p. 26).
10. Ordre du jour (p. 27).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. BERNARD ANGELS
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures trente.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
NOMINATION DES ÉLÈVES
ADMINISTRATEURS DU CENTRE NATIONAL
DE LA FONCTION PUBLIQUE TERRITORIALE
Adoption des conclusions du rapport d'une commission
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 149, 2003-2004) de M. Jean-Jacques Hyest, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale sur sa proposition de loi (n° 130, 2003-2004) portant sur la nomination des élèves administrateurs du Centre national de la fonction publique territoriale (concours externe 2001).
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous sommes appelés à examiner les conclusions du rapport de notre commission sur une proposition de loi visant à permettre aux élèves administrateurs du Centre national de la fonction publique territoriale ayant été admis au concours externe de 2001 d'être inscrits sur la liste d'aptitude qui prendra effet le 1er mars 2004 et nommés administrateurs stagiaires à l'issue de leur scolarité. En effet, le Conseil d'Etat a annulé la délibération du jury de ce concours ayant arrêté la liste des candidats admis. Il faut, comme nous l'avons fait un certain nombre de fois dans des circonstances analogues pour d'autres concours, remédier aux conséquences pratiques engendrées par cette annulation pour les élèves administrateurs issus de ce concours. Je rappelle que vingt-quatre candidats inscrits sur la liste d'admission ont été nommés élèves administrateurs du Centre national de la fonction publique territoriale et poursuivent actuellement leur scolarité à l'Institut national des études territoriales. Ils achèveront leur formation à la fin du mois de février prochain.
Saisi d'une requête déposée par un candidat non admis à ce concours, le Conseil d'Etat a annulé, le 5 novembre 2003, la délibération du 4 mars 2002 du jury dudit concours. La haute juridiction a fondé sa décision sur le fait qu'il n'était pas justifié que le jury se soit divisé en deux groupes d'examinateurs, méconnaissant ainsi le principe d'égalité entre les candidats. Tel avait été le cas depuis le premier concours. Le Conseil d'Etat n'a pas remis fondamentalement en cause la validité du concours, il a considéré que, compte tenu du faible nombre de candidats - et de la nature de l'épreuve - il s'agissait d'une épreuve technique de finances publiques, et non du jury général d'admissibilité ou d'admission -, le jury, bien qu'il ait prévu la péréquation, n'aurait pas dû être divisé en deux groupes d'examinateurs. Le Centre national de la fonction publique territoriale devra désormais tenir compte de cet élément, qui ne met pas en cause la sincérité du jury.
Pour remédier aux difficultés pratiques engendrées par l'annulation de cette délibération, il vous est proposé de permettre aux intéressés d'être nommés administrateurs. Je rappelle qu'ils ont suivi une scolarité de dix-huit mois. Or en l'état actuel des choses, il leur faudrait tout recommencer. Une telle intervention législative a déjà été effectuée pour des agrégés de médecine et des agrégés de droit, après que la délibération de leur jury de concours a été annulée dans les mêmes conditions. Autre élément important, les collectivités locales ont absolument besoin de ces vingt-quatre administrateurs. Ils sont d'autant plus attendus que la fonction publique territoriale souffre d'ores et déjà d'un déficit de cadres supérieurs. En outre, le coût de scolarité d'un élève avoisine 100 000 euros. Le Centre national de la fonction publique territoriale n'a pas engagé une telle dépense pour des administrateurs qui ne pourraient pas être nommés.
C'est la raison pour laquelle la commission des lois, qui a estimé, à l'unanimité, qu'une mesure législative était indispensable, vous propose, mes chers collègues, d'adopter un article unique permettant aux élèves administrateurs ayant été admis au concours externe d'administrateur territorial de 2001 d'être nommés administrateur à l'issue de leur formation, sous réserve, bien sûr, de l'obtention du certificat d'aptitude, afin qu'ils puissent être recrutés immédiatement.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les conclusions de la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Henri Plagnol, secrétaire d'Etat à la réforme de l'Etat. Au nom du Gouvernement, je voudrais dire tout le bien que nous pensons de l'excellente proposition de loi de M. Hyest. Il vient, avec l'expertise et la compétence que chacun lui connaît, d'expliquer brillamment les motifs pour lesquels est tout à fait opportune une validation législative du concours des élèves administrateurs du Centre national de la fonction publique territoriale, annulé par une décision récente du Conseil d'Etat.
Il est à peine besoin d'insister sur le fait que les élèves administrateurs issus du concours externe et qui sont inscrits sur la liste d'aptitude sont attendus avec une grande impatience par les collectivités territoriales. Il serait aberrant d'empêcher cette promotion d'administrateurs territoriaux de pouvoir entrer rapidement en activité.
Vous avez évoqué, à juste titre, le coût important de la scolarité pour chacun de ces élèves, qui avoisine en effet 100 000 euros sur dix-huit mois, un tiers de ce montant étant relatif à la formation et les deux tiers aux rémunérations.
Concernant la décision du Conseil d'Etat - il n'appartient pas, bien sûr, au Gouvernement de la commenter -, c'est une jurisprudence importante qui sera publiée au Recueil Lebon. Le Conseil d'Etat a estimé qu'il était nécessaire qu'il y ait un seul jury pour examiner les épreuves des cinquante candidats concernés. Le Gouvernement, et je tiens à le dire, veillera à ce que, à l'avenir, le Centre national de la fonction publique territoriale applique cette jurisprudence du Conseil d'Etat et préserve, avec toute la rigueur nécessaire, s'agissant du recrutement de l'élite de la fonction publique territoriale, le principe d'égalité devant les concours.
Pour toutes ces raisons le Gouvernement soutient le texte proposé par la commission des lois.
M. le président. Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
Les élèves administrateurs du Centre national de la fonction publique territoriale, nommés en cette qualité le 24 août 2002, sont inscrits, à l'issue de leur scolarité à l'Institut national des études territoriales et sous réserve de l'obtention du certificat d'aptitude, sur la liste d'aptitude qui est établie par le président du Centre national de la fonction publique territoriale et prend effet le 1er mars 2004.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je rappelle simplement que ce texte a été adopté à l'unanimité par la commission des lois.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. Le groupe socialiste votera cette proposition de loi, car, sur le fond, il n'y a pas d'atteinte à l'égalité entre les candidats.
Permettez-moi d'évoquer deux points concernant la situation des administrateurs territoriaux. Tout d'abord, à l'image des fonctionnaires d'Etat qui servent auprès des collectivités territoriales, il nous semblerait souhaitable de développer et d'accentuer la possibilité pour les administrateurs territoriaux de servir dans les services de l'Etat. Ensuite, il nous paraît également nécessaire de permettre aux collectivités territoriales, aux communes en particulier, de pouvoir faire appel plus largement aux services des administrateurs territoriaux. Le texte relatif à la fonction publique territoriale, qui devrait nous être présenté prochainement, nous donnera l'occasion de revenir sur ces deux demandes.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions du rapport de la commission des lois sur la proposition de loi n° 130.
(La proposition de loi est adoptée à l'unanimité.)
M. le président. La commission des lois propose de rédiger comme suit l'intitulé de la proposition de loi : « Proposition de loi permettant l'inscription sur la liste d'aptitude des élèves administrateurs du Centre national de la fonction publique territoriale (concours externe 2001) ».
Il n'y a pas d'opposition ?...
L'intitulé de la proposition de loi est ainsi rédigé.
DROITS DES MINEURS ET DIVERSES
DISPOSITIONS RELATIVES AUX MINES
(Ordre du jour réservé)
Adoption définitive d'une proposition de loi
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 356, 2002-2003), adoptée par l'Assemblée nationale, portant création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et diverses dispositions relatives aux mines. [Rapport n° 147 (2003-2004).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques et du Plan, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je souhaiterais vous remercier d'avoir inscrit à votre ordre du jour, particulièrement chargé, l'examen de cette proposition de loi de MM. Mallié et Sordi, députés, adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture le 17 juin 2003.
Ce texte est en effet attendu depuis plus de trois ans par les mineurs et leurs représentants syndicaux. Il est assurément juste, à trois mois de la fermeture de la dernière mine de charbon française, que nous apportions collectivement aux mineurs une garantie quant à la pérennité de leurs droits sociaux.
Permettez-moi également de remercier les membres de la commission des affaires économiques et du Plan de la célérité avec laquelle ils ont examiné cette proposition de loi et en particulier le rapporteur, M. Leroy, de la qualité de la concertation qu'il a su organiser avec l'ensemble de la profession minière autour d'un texte dont il a pu, à cette occasion, mesurer l'urgence.
Nous nous apprêtons ainsi à parachever dans le domaine social ce que mon prédécesseur, M. Longuet, en tant que ministre de l'industrie, avait initié avec le pacte charbonnier, en 1994. Ce plan économique et social a en effet permis de gérer dans la durée la baisse progressive de l'exploitation minière et la reconversion concomitante des bassins concernés.
Alors que la fermeture définitive de l'exploitation se rapproche, il vous revient désormais de donner un statut législatif aux garanties par l'Etat des droits sociaux des anciens mineurs.
A ce propos, je veux souligner que la garantie de ces droits et, plus généralement, du statut minier n'est que la juste traduction de la dette que la nation a contractée à l'égard des mineurs au cours du siècle dernier.
Européenne convaincue et ministre chargée de l'industrie, je ne saurais oublier l'apport de cette industrie, et surtout de ces hommes, au redressement du pays dans l'immédiat après-guerre, puis à la naissance de l'Europe, à travers la Communauté européenne du charbon et de l'acier. Je sais ainsi pouvoir m'exprimer au nom du Gouvernement et de l'ensemble des parlementaires en faisant part de notre gratitude à la corporation minière pour sa contribution au rayonnement économique de notre pays, une contribution qu'elle a, hélas ! parfois payée d'un lourd tribut.
Le Gouvernement est donc favorable à une adoption rapide du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale, position que partage votre rapporteur. Ce texte permettra en effet d'adapter les structures actuelles à leurs nouvelles missions afin de gérer l'après-mine le plus efficacement possible, sur les plans tant social qu'environnemental et économique.
Ce texte prévoit ainsi, en premier lieu, la création d'un établissement public à caractère administratif, l'Agence nationale pour la garantie des droits sociaux des mineurs qui se substituera à l'association actuelle, l'Association nationale pour la garantie des droits des mineurs, l'ANGR, dont je tiens à saluer le travail.
L'Etat garantira ainsi, à travers cet établissement, l'ensemble des droits sociaux des mineurs, à l'exception, bien sûr, de ceux des mineurs qui relèvent déjà du régime spécial de sécurité sociale et qui continueront à être gérés par la Caisse nationale de sécurité sociale dans les mines.
Le bénéfice de cette garantie s'étendra à l'ensemble des agents des entreprises et filiales ardoisières et minières, quelle qu'en soit la substance, ainsi qu'aux ayants droit.
Les droits couverts par cette garantie seront précisés dans un décret d'application que je m'engage à prendre dans les meilleurs délais, une fois achevée la concertation en cours avec les organisations syndicales.
Par ailleurs, j'ai demandé à mes services d'examiner, en concertation avec les partenaires sociaux, les modalités pratiques de création et de fonctionnement de cette agence nationale qui s'appuiera sur les moyens humains et techniques existants.
La proposition de loi prévoit ensuite d'adapter l'organisation du groupe Charbonnages de France à ce qui constitue désormais, et pour les quatre années à venir, sa mission principale : la gestion technique de l'après-mine.
Conformément aux orientations du Gouvernement, Charbonnages de France aura, en effet, bientôt achevé la cession des filiales dont les activités, de par leur rentabilité propre, ont vocation à rester pérennes.
C'est le cas pour la SNET, qui devrait prochainement rejoindre les groupes Endesa et Gaz de France, et ainsi développer ses activités de deuxième pôle de production électrique français.
C'est le cas également pour la cokerie de Carling, qui sera reprise par l'entreprise sarroise ROGESA, filiale de sidérurgistes allemands bien connus. Cette cession, qui couronne les efforts de Charbonnages de France pour trouver un repreneur, permettra ainsi de maintenir plus de huit cents emplois industriels à la fois sur la plate-forme de Carling et chez les fournisseurs et les sous-traitants de Moselle Est. C'est évidemment une excellente nouvelle pour le bassin d'emploi de Freyming-Merlebach, dont je me réjouis.
Charbonnages de France, comme les Mines de potasse d'Alsace, d'ailleurs, peuvent donc et doivent désormais centrer leurs actions sur une gestion rapide et efficace de l'après-mine, afin de mettre en oeuvre une réhabilitation exemplaire, sur le plan environnemental, des bassins charbonnier et potassique. Il importe, en effet, que ces entreprises mènent rapidement à bien ces travaux tant qu'elles disposent de tous les moyens et des compétences pour le faire.
A cet effet, la loi a prévu une simplification des structures actuelles de Charbonnages de France, notamment la fusion des houillères en un seul établissement pour permettre une gestion plus rapide et plus efficace des procédures d'arrêt des travaux, de renonciation aux concessions, de mise en sécurité et de réhabilitation des anciens sites miniers. Cette évolution, très attendue et d'ores et déjà préparée par Charbonnages de France, sera mise en oeuvre sur les plans organisationnel, juridique et comptable dès l'adoption définitive de la loi.
C'est également pour mobiliser au mieux toutes les compétences que l'Assemblée nationale a souhaité fixer la date butoir de dissolution de Charbonnages de France à 2008.
Le Gouvernement est cependant tout à fait conscient qu'il devra être attentif à la gestion de l'« après-Charbonnages » et, plus généralement, de l'après-mine, bien au-delà de la dissolution des établissements actuels. J'ai donc demandé à l'Inspection générale des finances et au Conseil général des mines de recenser et d'évaluer les missions qui devront être poursuivies au-delà de 2008, et de formuler des propositions quant à l'organisation à mettre en oeuvre pour les assurer.
Ce rapport vient de m'être remis ; il est en cours d'analyse par les services. Je rendrai prochainement publiques les principales conclusions, mais j'en retiens déjà, à ce stade, deux.
La première, c'est la diversité des missions qui devront être assurées après 2008, et donc la multiplicité des acteurs qui devront hériter de ces tâches, qu'il s'agisse des directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement, de GEODERIS, du GISOS, de l'Agence pour la prévention des risques miniers et, le cas échéant, des collectivités locales, de Voies navigables de France ou des agences de l'eau.
La seconde, c'est la nécessité du maintien d'une compétence nationale pour gérer les tâches opérationnelles de l'après-mine, sur le bassin charbonnier comme sur le bassin potassique, mais aussi sur toute autre concession minière en cas de défaillance des exploitants, par exemple dans le bassin ferrifère. Cette mission pourrait être assurée, soit par un service à compétence nationale, soit par un établissement à créer ou existant, le BRGM, le bureau de recherches géologiques et minières, ou l'une de ses filiales.
Aucune décision n'est prise à ce stade et je souhaite évidemment que nous en débattions pour arrêter, si possible avant la fin de l'année, l'organisation à mettre en place d'ici à 2008.
C'est donc avec un grand plaisir que je répondrai favorablement à l'invitation de la Haute Assemblée de participer à un grand débat, au premier semestre 2004, sur ces sujets, ainsi que votre collègue M. Leroy l'a proposé.
M. Jean-Marc Todeschini. C'est un peu téléphoné !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. En conclusion, je souhaiterais souligner que le Gouvernement est également particulièrement attentif à la situation des personnes dont les biens ont subi des dommages d'origine minière ou ont été expropriées.
C'est d'ailleurs dans le souci d'améliorer la situation de certaines familles et de faciliter leur relogement que j'ai décidé, lors de ma visite en Lorraine, de leur allouer, sous certaines conditions, un complément d'indemnisation alors même qu'elles avaient déjà été légalement indemnisées.
Par ailleurs, comme vous le savez, le Gouvernement a tenu à mettre en place un nouveau dispositif d'indemnisation des dommages immobiliers d'origine minière. Prévu par l'article 19 de la loi du 30 juillet 2003 relative à la prévention des risques technologiques et naturels et à la réparation des dommages, ce dispositif présente trois avantages pour les personnes concernées : un interlocuteur unique - le fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages -, une harmonisation des méthodes d'indemnisation, des délais d'indemnistation raccourcis.
Cette nouvelle procédure permettra, dès la publication du décret d'application, dont le Conseil d'Etat a d'ores et déjà été saisi, de régler quelques situations difficiles, notamment à Roncourt, en Lorraine.
Mesdames, messieurs les sénateurs, il est des textes qui, par leur importance et leur urgence, demandent à être traités au-delà des enjeux de circonstance et des polémiques partisanes. Celui sur lequel vous êtes appelés à vous prononcer maintenant en fait partie.
Il est de notre devoir à tous de garantir rapidement aux mineurs leurs droits, et de permettre à Charbonnages de France de simplifier ses structures afin d'achever ses missions de la manière la plus efficace. C'est le meilleur hommage que nous puissions rendre aux mineurs. C'est pourquoi le Gouvernement sera très favorable, comme vous le demande M. le rapporteur, à ce que ce texte d'origine parlementaire puisse être adopté par votre assemblée dans sa forme actuelle et être ainsi mis en oeuvre dans les meilleurs délais. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Philippe Leroy, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, après Gardanne et Merlebach en 2003, nous allons assister, en 2004, à la fermeture de la dernière mine de charbon en France, celle de la Houve, à Creutzwald. Ainsi, l'exploitation de la houille aura vécu en France ! D'ailleurs, nos mines sont désormais pour l'essentiel en cours de fermeture ou fermées.
Je rappelle que l'activité minière a été à la base de notre richesse et à l'origine de pages glorieuses de l'histoire ouvrière : la dernière mine de fer a fermé en 1997, la dernière mine de potasse, en 2002, à la suite d'un accident, les Potasses d'Alsace ont en effet dû fermer prématurément.
Toutes ces fermetures ne manquent pas de susciter des interrogations d'ordre social. En effet, de nombreux mineurs retraités, en activité ou en dispense d'activité, et des ayants droit de mineurs s'interrogent sur l'avenir et sur la pérennité des prestations sociales qui leur étaient attribuées dans le cadre du statut du mineur.
Mais les élus locaux des zones minières s'interrogent également sur l'après-mine, charbonnier évidemment, et sur les nombreux autres après-mines. La diversité des situations nous invite à la prudence dans l'analyse des actions que nous devons conduire à l'avenir.
La fermeture des mines de charbon s'est opérée socialement de façon très satisfaisante, dans le cadre du pacte charbonnier que M. Gérard Longuet avait mis en place en 1994. Il s'agit ici de parfaire ce qui a été accompli alors, de façon que la juste rémunération des services rendus soit accordée aux mineurs et à leurs ayants droit.
Les préoccupations, notamment d'ordre social, que suscitent les après-mines tant au sein des associations de communes minières qu'à l'Assemblée nationale ont incité nos deux collègues députés, MM. Richard Mallié et Michel Sordi, à proposer des textes comportant des avancées qui permettaient de répondre aux inquiétudes des uns et des autres. Ces textes ont été refondus en une seule proposition de loi, celle que nous examinons aujourd'hui.
Comme l'a indiqué Mme la ministre, cette proposition de loi, bien qu'elle ne règle pas tous les problèmes de l'après-mine, constitue une avancée. Avec une conviction non téléguidée, cher Jean-Pierre Masseret, je pense du fond du coeur, comme tous les élus que j'ai reçus à l'occasion de l'étude de cette proposition de loi, que ce texte va dans le bon sens et qu'il ne faut pas retarder son adoption. C'est la raison pour laquelle j'ai proposé à la commission des affaires économiques de le voter conforme.
Le texte qui nous est proposé est assez composite puisqu'il cherche à répondre à des inquiétudes sociales comme à des inquiétudes plus techniques.
Le premier titre de la proposition de loi concerne la garantie des droits des mineurs et des anciens mineurs.
Je rappelle que, dans le secteur des mines, il existe un régime de sécurité sociale spécifique, géré par une caisse autonome. Nous n'évoquerons aujourd'hui que les prestations sociales qui ne sont pas réglées par cette caisse. Il s'agit essentiellement d'avantages en nature prévus par le code des mines : chauffage, logement. Plus de vingt régimes de prestations complémentaires sont concernés. Il s'agit de faire évoluer ce système de façon que, lorsque les exploitants miniers auront disparu, soit garanti aux mineurs retraités et aux ayants droit le service de ces prestations complémentaires en l'absence des systèmes mis en place par les exploitants eux-mêmes ; je pense à l'association nationale pour la gestion des retraités, l'ANGR, que la proposition de loi qui nous est soumise vise à tranformer en établissement public pérenne.
Sur ce plan des prestations sociales complémentaires, ce texte de loi est tout à fait rassurant. Bien entendu, les décrets d'application devront tenir compte de toutes les situations particulières, des différents régimes miniers, des multiples contrats de travail, de la complexité des structures d'exploitation des mines, de la complexité des structures des filiales qui entouraient les exploitants en matière commerciale.
Il faudra donner une interprétation généreuse de ces décrets de manière à n'oublier personne, ne serait-ce qu'une petite catégorie de mineurs ou d'anciens mineurs perdus dans une petite filiale. Peut-être faudra-t-il prévoir des décrets évolutifs qui se déclineront dans le temps, puisque ces mineurs et leurs ayants droit vont survivre au moins vingt-cinq à trente ans ; en tout cas, je le leur souhaite. Il nous faudra donc veiller à ce que ces garanties leur soient assurées pendant longtemps ; on doit bien cela aux mineurs !
En ce qui concerne l'évolution de Charbonnages de France, que traite le titre II de cette proposition de loi, il est sage aujourd'hui de prévoir une simplification des structures.
Alors que l'exploitation charbonnière va se terminer, nous ne pouvons pas garder des houillères de bassin en Lorraine, des houillères de bassin dans le Midi et un groupe Charbonnages de France.
L'idée de mettre fin à l'existence des houillères de bassin dans les mois qui suivront la promulgation de la loi est une bonne simplification. Le transfert des actifs et passifs des houillères de bassin sera fait au profit de Charbonnages de France. Cet établissement public est, quant à lui, appelé à disparaître dans un délai prévu.
Ce délai contraint est nécessaire pour obliger les ingénieurs chargés de conduire cette affaire d'agir avec célérité ; Les ingénieurs ont quelquefois pour habitude de traîner un peu...
Il faut toutefois préciser que la fermeture aura lieu seulement si le ménage minier-charbonnier aura été bien fait et après que le groupe Charbonnages de France aura transféré l'ensemble de ses responsabilités à un organisme responsable, afin que nous ne nous retrouvions pas dans une situation difficile, comme celle que nous avons connue pour les mines de fer.
La véritable hantise des élus locaux est de se retrouver sans interlocuteur sérieux autre que l'Etat pour régler les problèmes de l'après-mine. Or l'Etat, dans sa grandeur, est quelquefois insuffisamment opérationnel.
Madame la ministre, il faut dissiper cette inquiétude. Merci de l'avoir déjà fait en partie en déclarant que vous étiez prête, sur la base de l'étude que vous avez commandée, à amorcer le débat de l'après-mine avec le Sénat, de façon que nous ne soyons pas pris au dépourvu dans quatre ans, pour Charbonnages de France, mais aussi pour les mines de potasse d'Alsace, à propos desquelles s'inquiètent les populations concernées.
Il faut aborder toutes ces questions de façon à leur trouver des réponses diversifiées, des réponses qui satisfassent les élus. Madame la ministre, les élus sont en effet très concernés. Ils seront, avec les populations en cause et les ayants droit des mines, les vrais acteurs de l'après-mine si l'Etat ne se dégage pas et reste pleinement responsable, au moins financièrement, de toutes les évolutions.
Madame la ministre, vous avez également évoqué les quelques articles techniques du titre III de cette proposition de loi.
Ces articles techniques n'exigent pas que des décisions lourdes soient prises sur le plan politique, mais ils permettent de nettoyer l'aspect juridique. Ils visent à supprimer notamment la caisse de péréquation qui avait été mise en place pour le versement de certaines prestations sociales à certains régimes miniers en transférant les devoirs et actifs vers l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs nouvellement créée. Ainsi, les mineurs et leurs ayants droit auront-ils un interlocuteur unique.
En conclusion, madame la ministre, je vous remercierai d'avoir répondu par avance aux souhaits que je voulais exprimer dans mon rapport. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 51 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.
M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Avec cette proposition de loi, madame le ministre, nous tournons la dernière page d'une époque de près de deux siècles, celle de la mine en France.
En avril 2004 sera remontée la dernière berline du sous-sol de Lorraine. Il y a plus de dix ans déjà, le dernier chevalet de fosse - M. Gérard Longuet s'en souvient sans doute - s'arrêtait dans le Pas-de-Calais.
Les mineurs et la mine font partie maintenant de notre histoire, de la grande histoire du travail et des hommes : histoire tragique que celle de la mine et pas seulement celle de Germinal, celle de l'exploitation éhontée du labeur des hommes, des femmes et des enfants, mais aussi celle, plus proche de nous, de l'après-guerre, celle des « Trente glorieuses ».
Comment oublier, en effet, l'immense effort qu'ont fourni ces générations de mineurs pour alimenter la France en énergie, au prix de leur vie parfois, de leur santé souvent ?
Comment oublier les sirènes hurlantes annonçant les drames de la mine, ces traîtres coups de grisou qui ont endeuillé des milliers de familles ?
Courrières, Avion, Liévin et bien d'autres lieux de catastrophes résonnent dans nos mémoires pour tous les destins tragiques, qui sont restés à jamais anonymes.
Comment ne pas saluer aussi la fantastique solidarité du peuple de la mine ? Face à la montée de l'individualisme et de l'égoïsme, n'oublions pas la leçon de fraternité des corons.
Comment ne pas saluer également la leçon sociale qu'ont donnée les dirigeants des houillères et les syndicats de mineurs : des centaines de milliers d'emplois supprimés, sans licenciement et sans grève ?
Si, aujourd'hui, la page se tourne définitivement sur la mine, nous n'oublions pas les mineurs.
Comme vous l'avez excellemment souligné, monsieur le rapporteur, les mineurs, ont, par leur travail accompli dans des conditions particulièrement éprouvantes et dangereuses, contribué de façon décisive au développement industriel de la France. Ils ont donc acquis auprès de la nation et de leurs employeurs le droit à diverses prestations sociales spécifiques inaliénables, outre celles qu'ils perçoivent au titre de la sécurité sociale.
La disparition progressive des entreprises minières de toutes natures - houille, fer, potasse, etc. - pose donc la question de la pérennisation de ces droits et rend urgente l'élaboration d'un dispositif assurant aux quelques centaines de milliers de mineurs et à leurs ayants droit la garantie de ces prestations.
L'Association nationale pour la gestion des retraites des mineurs a certes accompli sa mission à la satisfaction générale, mais il est évident que son statut ne correspond plus aujourd'hui aux besoins et aux attentes.
Ce nouveau texte vise à créer un établissement public administratif gérant le volet social de la cessation de l'activité minière. Il instaure de façon louable à nos yeux une agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et prévoit les conditions de la fermeture de Charbonnages de France à la fin de l'année 2007.
Le groupe de l'Union centriste approuve la position de la commission des affaires économiques concernant ce texte très attendu de la part des mineurs, naturellement très soucieux de la préservation des droits qu'ils ont pu acquérir par leur travail. Nous voterons donc ce texte sans modification pour ne pas retarder sa mise en oeuvre.
Permettez cependant à un élu local du Pas-de-Calais de vous poser un certain nombre de questions, madame le ministre, car des inquiétudes se font jour à l'approche de cette échéance.
La fermeture des mines pose en effet un grand nombre de problèmes aux élus locaux, s'agissant de la restructuration et de la modernisation du patrimoine des bassins miniers et de leur incidence sur les logements des mineurs et de leurs ayants droit. De nombreuses incertitudes persistent aussi quant à la sécurisation des terrains et des quartiers construits au-dessus des anciennes exploitations minières ; je pense notamment aux risques d'affaissement des mines liés à l'envahissement des galeries minières par l'eau.
En effet, la mise en oeuvre des procédures d'arrêts de travaux et de renonciation des concessions minières mettent en évidence le besoin de maintenir des installations hydrauliques nécessaires à la sécurité ou des mesures et équipements de surveillance.
Ces missions sont, aujourd'hui, assurées par les exploitants mais elles seront, conformément au code minier, transférées à l'Etat. Aussi, je pense qu'il faut, dès aujourd'hui, et compte tenu des délais qui nous sont impartis, que l'Etat s'engage à mener une discussion sur le terrain. J'ai pris bonne note, madame le ministre, de l'engagement que vous avez pris de prévoir, avec les élus, un après-mine afin, sinon de régler tous les problèmes, au moins d'en définir les différents responsables. Il ne s'agirait pas, en effet, qu'à la fin de l'année 2007, lors de la dissolution de Charbonnages de France, nous n'ayons pas anticipé les conséquences de la fin de la période minière et pris en compte toutes les obligations qui en découlent.
Je partage d'ailleurs votre point de vue, madame le ministre : on pourrait envisager soit la création d'un autre établissement public pour gérer cet après-mine, soit l'élargissement des compétences d'un autre organisme afin d'assurer la continuité du devoir d'Etat ainsi que les compensations financières que ces charges nouvelles font peser sur les collectivités locales.
Pour conclure, je vous remercie, madame le ministre, d'avoir pris conscience de l'urgence des réponses à apporter aux mineurs et aux élus des communes minères et, bien entendu, je réitère l'avis favorable de l'Union centriste sur cette proposition de loi. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Longuet.
M. Gérard Longuet. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, en cet instant, je vais m'exprimer au nom du groupe de l'UMP, auquel j'appartiens et qui - ce ne sera pas une surprise - soutient cette proposition de loi, présentée à l'Assemblée nationale par nos collègues Richard Mallié et Michel Sordi, texte dont l'adoption, aujourd'hui, nous paraît d'une évidente nécessité.
Je m'exprimerai aussi en ma qualité de président du conseil régional de Lorraine, attaché doublement à cette expérience de l'après-mine que nous avons engagée dans le bassin ferrifère et sidérurgique et dont nous devons aujourd'hui organiser les modalités pour le bassin charbonnier.
Je le ferai avec la nostalgie d'une responsabilité qui a été la mienne, madame le ministre, et qui m'a permis de découvrir avec passion toute une communauté extraordinairement vivante.
Dans ce débat, il y a l'apparence. Et l'apparence, ce sont les 170 000 retraités de la mine, sous toutes les formes d'exploitation - charbonnière, ferrifère, potassique, métallique, de sel - ces retraités qui constituent une communauté vivante, enracinée dans des territoires qu'ils ont façonnés par leur travail, par leur culture, par leur passion.
Mais, au-delà de ces 170 000 retraités et de leurs ayants droit, ce sont des territoires entiers ayant vécu pendant des décennies au rythme de la mine qui s'interrogent, souvent avec beaucoup d'inquiétude, sur les séquelles de cette exploitation minière exercée en sous-sol sous l'autorité de l'Etat et dont l'arrêt provoque des conséquences parfois brutales et souvent doublement tragiques pour les populations directement concernées.
En effet, cet arrêt signifie, à la fois, la fin d'une activité à laquelle ces personnes ont consacré leur vie et la remise en cause - sans même parler de patrimoine, même si c'est important, un patrimoine accumulé tout au long d'une vie - de la fraternité de vie de ces cités ouvrières qui constituent des communautés extrêmement chaleureuses et que les dégâts du sous-sol peuvent brutalement disperser en plongeant chaque famille dans un isolement juridique et une solitude que seul l'esprit de solidarité - et, reconnaissons-le, le soutien des collectivités locales - a permis de surmonter.
Au-delà de cette réalité des 170 000 mineurs de ces territoires français marqués par la mine, il y a peut-être plus encore : je veux parler du respect de la parole donnée et de la solidarité entre les générations dont la République est redevable.
Cet aspect a été évoqué lors de la discussion de la loi de juillet 1994, au cours de laquelle, déjà sur une initiative parlementaire, il a été mis un terme aux clauses d'exonération qui pesaient sur les anciens mineurs comme une injustice. En effet, l'accès au logement dont ils se rendaient propriétaires grâce à leur effort personnel d'épargne était assorti de clauses d'exonération qui libéraient l'exploitant de toute obligation vis-à-vis d'eux.
C'est à travers cette continuité, madame le ministre, dont vous avez aujourd'hui la responsabilité, que la République s'honore de reconnaître l'apport de chaque génération de travailleurs à la richesse nationale, non pas simplement - même si cela n'est pas sans importance - par des reconnaissances honorifiques, mais aussi par des gestes de solidarité concrète, dont nous avons d'ailleurs bénéficié, y compris en Lorraine, par exemple avec le volet « après-mine » du contrat de plan.
Dans ce texte d'origine parlementaire, que vous défendez, madame le ministre, il y a deux dispositions, parmi les trois principales qu'il contient, qui retiennent essentiellement mon attention.
La première et la plus importante, c'est la transformation d'une association en un établissement public.
Est-il besoin de revenir sur la forte portée symbolique du statut d'établissement public, qui implique la personne morale de droit public, qui implique surtout la certitude pour les personnes concernées, pour leurs ayants droit, d'avoir durablement un interlocuteur ?
En effet, ce qu'ils craignent avant tout, comme les élus locaux des régions minières, c'est l'amnésie qui s'abat trop facilement sur un pays confronté à d'autres difficultés, c'est la tentation, à un moment où à un autre, de considérer que ce passé lointain appartient à un folklore que l'on peut parfois célébrer dans des émissions de télévision, mais à l'égard duquel on se garde bien d'entretenir la solidarité concrète.
L'établissement public, c'est la garantie, pour nos ayants droit de la mine, que l'Etat sera au rendez-vous dans la continuité.
Le même esprit sous-tend l'article 11. L'idée est de faire en sorte que, pour la partie charbonnière, CDF, Charbonnages de France, se réorganise, se restructure, devienne l'interlocuteur unique - c'est le bon sens -, mais surtout prolonge son activité quatre années après constatation que toutes ses missions de remise en ordre auront été atteintes. Toute la difficulté sera là : dans quelles conditions pourra-t-on donner en quelque sorte un quitus de remise en état des sols, du sous-sol, avec tout ce que cela entraîne ?
Il reste que cette proposition de loi apporte un immense progrès, et je remercie le Gouvernement de l'avoir acceptée. Je le mesure d'autant mieux que, s'agissant de l'exploitation ferrifère, importante en Lorraine, en Meurthe-et-Moselle et en Moselle, nous n'avons pas bénéficié de la même continuité en termes d'interlocuteur. Lormines a aujourd'hui disparu et, pour l'exploitant subsistant, filiale d'ARBED et donc du groupe Arcelor, nous avons la quasi-certitude qu'un jour viendra où l'interlocuteur ne sera plus là.
Avec cet article 11 sera apportée à l'ensemble des bassins miniers français, non pas la certitude de la continuité, mais une réponse qui a cruellement manqué dans d'autres secteurs d'activité, notamment dans l'exploitation ferrifère.
C'est la raison pour laquelle toutes les populations concernées ne peuvent que soutenir cette proposition de loi et en souhaiter l'adoption immédiate, ce qui entraînera, de la part de l'UMP une attitude très simple : nous voulons adopter ce texte non pas parce qu'il épuise le sujet, mais parce qu'il permet d'avancer utilement. Le génie est une longue patience ! Il n'est pas possible de prétendre tout régler d'un seul coup. Chaque année, chaque semestre doit être utile. Or cette proposition de loi sera utile pour régler l'après-mine, et nous ne pouvons pas manquer ce rendez-vous.
Cela ne signifie pas, tant s'en faut - Mme le ministre l'a parfaitement compris dans son action, et son intervention liminaire en témoigne -, que le dossier soit clos.
Madame le ministre, vous nous proposez un rendez-vous ; ce rendez-vous, nous le souhaitons ardemment, ainsi que Philippe Leroy l'a indiqué. Nous l'acceptons d'autant plus volontiers qu'il est fixé sur votre initiative et que votre parcours atteste votre bonne volonté.
Vous avez en effet hérité d'une situation qui a engendré la déception et, pourquoi ne pas le dire, l'amertume au sein des populations directement concernées. Pourquoi cette amertume ? Parce que des parlementaires de tous bords avaient soutenu, en 1999, la proposition de loi relative à la responsabilité en matière de dommages consécutifs à l'exploitation minière et à la prévention des risques miniers après la fin de l'exploitation. A l'Assemblée nationale, Jean-Yves Le Déaut, député de Meurthe-et-Moselle, et, ici-même, Jean-Marie Rausch, alors sénateur de la Moselle, avaient rapporté ce texte. Autant dire que deux parlementaires de la région, l'un de gauche, l'autre moins (Sourires), s'étaient fortement impliqués en faveur de ce texte. Hélas ! Ce fut un rendez-vous manqué, car il a fallu attendre quinze mois après l'adoption de ce texte avant que le décret d'application soit opérationnel.
En pratique, cela a eu pour effet de renvoyer devant les tribunaux, avec un terrible sentiment de solitude, les personnes directement sinistrées, par exemple du fait des effondrements. Au point que Jean-Yves Le Déaut, que je me fais un devoir de citer, déclarait en mars 2002 : « Force est de constater que l'application de la loi du 30 mars 1999 n'emporte pas la satifaction des sinistrés, c'est le moins que l'on puisse dire. L'intention du législateur était claire : permettre aux sinistrés de retrouver un logement équivalent à celui qui était le leur avant l'affaissement, sans qu'il y ait enrichissement, naturellement, mais sans qu'il y ait appauvrissement. Le compte n'y est pas. L'Etat ne montre pas l'exemple. Le décret trahit la volonté du législateur qui, elle, était claire. »
Je ne crois pas que tout puisse être réglé : il y a des valeurs, des situations qu'aucune indemnisation ne pourra restituer ni même compenser.
Cependant, madame le ministre, après ce rendez-vous manqué et cette amertume dont vous avez hérité, vous avez pris des initiatives claires.
Vous avez mis en oeuvre l'indemnisation complémentaire ; la loi vous permettait certes de le faire, mais votre action a été décisive.
Vous avez aussi, avec Mme Bachelot, fait adopter en août 2003 le texte relatif aux risques technologiques.
Vous avez instauré, à côté du code minier traditionnel, parfois lourd d'application, une formule beaucoup plus souple, beaucoup plus actuelle, permettant, à partir des dégâts constatés postérieurement au 1er septembre 1998, d'apporter une réponse immédiate par le système de l'annonce de garantie des risques et des avances. Le fonds de garantie se subrogeant dans les droits du sinistré, ce dernier, quels que soient les efforts de solidarité des associations, dont je salue l'activité utile, et des collectivités locales, qui ont presque toujours répondu « présentes », ne sera donc plus seul. Il faut savoir gré à ce gouvernement et à sa majorité d'avoir pris l'initiative de ce mécanisme d'assurance.
Je formule le voeu que la parution du décret d'applicaion ne se fasse pas attendre quinze mois, et tout ce que vous pourrez nous dire sur le calendrier de publication de ce décret sera, madame le ministre, bienvenu.
Certes, les collectivités locales ont assumé leurs responsabilités mais, là encore, soyons lucides : les sommes en jeu - M. Vanlerenberghe le sait, le Nord - Pas-de-Calais étant directement concerné - ne sont pas à la hauteur des moyens des collectivités locales.
Il faut savoir qu'en Lorraine il y a 40 000 kilomètres de galeries, 500 millions de mètres cubes d'excavations, qui peuvent à un moment ou à un autre, pour la partie ferrifère, déformer le sol en surface. L'arrêt du pompage dans le bassin nord aurait donc immédiatement des effets très dommageables.
Je vous remercie d'ailleurs d'avoir balayé l'idée même de l'arrêt de l'ennoyage : la poursuite du pompage nous donne ainsi le temps de réfléchir. C'était la responsabilité de l'Etat que de prendre cette décision et vous l'avez assumée. Je vous en remercie.
Quoi qu'il en soit, 40 000 kilomètres de galerie, 500 millions de mètres cubes d'excavations, 5 800 hectares concernés par l'ennoyage, 1 500 hectares directement concernés par les affaissements et 24 sites directement menacés, c'est important. Nous avons donc le devoir absolu de poursuivre l'effort.
Au-delà du débat que vous nous proposez et qui correspond à nos attentes, n'est-il pas possible d'envisager immédiatement quelques gestes très concrets, telle la sortie du décret ?
La publication au plus tôt du rapport qui donnera à l'article 11 toute sa portée serait la bienvenue. Ce rapport, je le rappelle, doit être établi conjointement par l'inspection générale des finances et le conseil général des Mines, deux corps parfaitement estimables, mais vous conviendrez qu'il a besoin d'être frotté aux réalités du terrain : les élus de proximité l'attendent donc avec impatience et l'examineront à la lumière de leur expérience, bien peu réussie, hélas ! s'agissant du bassin ferrifère.
La loi de 1999 prévoyait la mise en place de l'Agence de prévention des risques. Guy Vattier, son président y accomplit un travail passionné. C'est sans doute son mandat du Pays Haut qui explique cet engagement, mais tous les élus feraient preuve d'un engagement identique. Il souhaite que le conseil d'administration de l'agence puisse s'ouvrir aux représentants des populations directement concernées par les risques miniers. Cette contribution des mineurs et anciens mineurs permettra indiscutablement d'enrichir les travaux de l'agence.
Madame la ministre, telles sont nos demandes immédiates. Nous mesurons bien que cette proposition de loi n'épuise pas le sujet. Nous avons confiance dans votre démarche. Sans connaître le terrain de Freming-Merlebach...
M. Jean-Pierre Masseret. Et de Carling ! (Sourires.)
M. Gérard Longuet. ... et de Carling, vous l'avez épousé avec passion.
On ne peut pas rester indifférent à l'héritage minier. Avec votre sensibilité européenne, j'en suis convaincu, vous avez voulu rendre hommage à ce qui a été au coeur même de l'élan européen, qui en a constitué la première étape : la Communauté européenne du charbon et de l'acier.
Madame le ministre, continuez d'avoir la même attention, la même attitude de proximité et de compréhension. Il vous faut tenir les délais et faire en sorte que, dans les semestres à venir, les rendez-vous du décret d'application, de l'élargissement du conseil d'administration de l'Agence de prévention des risques et de la solution à la question difficile de l'ennoyage dans le bassin nord, pour ce qui concerne la Lorraine, puissent être honorés.
Nous, parlementaires, aurons à coeur de nous employer à ce que cette proposition de bon sens apporte la réponse qu'attendent les populations et constitue, sur le long chemin de la sortie dans la dignité de l'activité minière, une étape utile, car le génie est effectivement, je le répète, une longue patience. Nous n'en sommes pas dépourvus, mais nous n'avons pas le droit de manquer un seul de ces rendez-vous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes appelés à débattre aujourd'hui d'une proposition de loi visant à créer une agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et portant diverses dispositions relatives aux mines.
Nous ne pouvons aborder cette question sans émotion.
Il est en effet émouvant d'évoquer cette profession de mineur - un des métiers les plus durs qui soient - qui, au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, a tant donné à la France, tant contribué à son redressement économique et industriel.
Ces mineurs durs à la tâche ont su, par des luttes sociales, faire reconnaître leurs droits et ont obtenu d'importants acquis sociaux. Quoi de plus normal ? Leur travail était extrêmement pénible et à cette pénibilité s'ajoutait la terrible maladie qui, inexorablement, rongeait leurs poumons, la silicose. Rares étaient les mineurs qui dépassaient la cinquantaine !
A la Libération fut scellé, avec l'adoption du statut du mineur et la protection sociale minière, un contrat social élaboré dans la Résistance. Ce statut constituait une véritable reconnaissance de la nation à l'égard d'une vaillante corporation qui, durant la guerre, avait joué un rôle important et perdu beaucoup des siens dans les combats de la Résistance.
Les mineurs ont su rendre au pays cette reconnaissance : le statut du mineur et les acquis sociaux obtenus n'ont en rien entamé la compétitivité de l'industrie minière. Au contraire, ils l'ont stimulée. Chaque mineur s'est ainsi trouvé puissamment encouragé dans l'accomplissement de sa tâche.
Il est bon de rappeler cette éthique sociale au moment où les dogmes du libéralisme se présentent comme incontournables.
Aujourd'hui, la situation dans les régions minières est des plus difficiles. La disparition de l'industrie charbonnière n'a jamais été compensée. Le déficit d'emploi est énorme : les taux de chômage sont deux fois supérieurs à la moyenne nationale. Les veuves de mineurs se débattent avec des retraites de misère. Les communes dans lesquelles elles habitent sont parmi les plus pauvres de France, avec un potentiel fiscal parmi les plus bas : à strate de population égale, ce potentiel fiscal est parfois de cinq à dix fois inférieur à la moyenne nationale.
Les élus de ce secteur se battent pour le devenir économique de cette région, mais, quand ils créent cent emplois ici, mille disparaissent à côté.
Décrivant cette situation, je ne réécris pas une page de Zola ; je dévoile la triste réalité d'une région meurtrie.
C'est dans ce contexte que nous examinons cette proposition de loi, qui va concerner plus de cinq cents communes et quelque quatre millions de Français.
Les jours de l'ANGR sont comptés, Charbonnages de France est appelé à disparaître. Par conséquent, la création d'un établissement public à caractère administratif garantissant la pérennité de tous les droits des mineurs s'impose, et nous y sommes favorables.
A ce propos, nous souhaitons que les organisations syndicales représentantes de la corporation minière soient associées au conseil d'administration de cet établissement public, ainsi que les élus des communes minières, qui sont les plus à même de traiter ces questions.
La présente proposition de loi vise certes à garantir les droits des mineurs, mais nous craignons que le compte n'y soit pas.
Sommes-nous assurés que les veuves bénéficieront de la gratuité du logement jusqu'à la fin de leur vie ?
La sécurité sociale minière garantissant la gratuité des soins de qualité ne risque-t-elle pas d'être progressivement remise en cause ? C'est la crainte qu'expriment nos populations. Cette question préoccupe énormément les ayants droit, dont la moyenne d'âge est élevée et l'état de santé souvent précaire.
Les indemnités de chauffage seront-elles maintenues à leur niveau actuel ? Elles ne correspondent plus, nous le savons, au coût du chauffage en France.
Les retraites des veuves de mineur vont-elles enfin permettre à ces femmes qui, toute leur vie, ont peiné pour soutenir leur mari et élever leurs enfants, de profiter d'une retraite digne ? Ces retraites seront-elles revalorisées ?
Les installations sanitaires de la sécurité sociale minière seront-elles maintenues et ouvertes aux populations dans le cadre d'un service public de santé de qualité ?
La rénovation des cités minières va-t-elle pouvoir être menée à terme ? Sur les 75 000 logements concernés dans le Pas-de-Calais, il en reste 15 000 à rénover et à doter d'un minimum de confort, car ils ne disposent ni de toilettes, ni de salle d'eau, ni de chauffage central. A ce sujet, les dotations Girzom devront aller bien au-delà du contrat de plan si nous voulons que la rénovation soit achevée.
Va-t-on permettre aux communes minières, qui sont, je le répète, parmi les plus pauvres de France, avec les dépenses sociales dues au chômage parmi les plus élevées, d'assurer leur rôle, grâce à une meilleure répartition des dotations de l'Etat ?
J'en viens à la dernière question, et elle est de taille !
Les installations des houillères - carreaux de fosse, voies de chemin de fer, terrils - sont actuellement transférées dans de mauvaises conditions aux communes.
Le sous-sol est sapé par les affaissements miniers, les remontées d'eau menacent à terme les nappes phréatiques et risquent de multiplier les zones inondables si les stations de pompage ne peuvent plus remplir leur rôle faute de moyens. J'enregistre que l'Etat en assume la responsabilité pour le moment, mais je signale qu'il sera hors de question pour les communes de pouvoir le relayer demain. Il est certain que les collectivités locales ne pourront se substituer à Charbonnages de France pour prendre en charge le fonctionnement de ces stations.
Madame la ministre, même si ces questions ne sont pas directement liées à la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui, je peux vous dire, sans jeu de mots facile, que ce ne sont pas des questions mineures et qu'elles méritent d'être posées dans cet hémicycle.
Nous nous félicitons de votre proposition de faire en sorte que s'engage le plus tôt possible une véritable réflexion sur l'après-mine et sur la mise en place d'une structure susceptible de représenter l'Etat en lieu et place de Charbonnages de France, appelé à disparaître, sans que soient jamais perdus de vue les intérêts des populations et des communes minières.
Au cours du débat, nous déposerons un certain nombre d'amendements sur ce texte.
C'est des réponses concrètes à l'ensemble de ces questions que dépendra le vote final du groupe CRC. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne rappellerai pas le rôle économique et social important qu'ont tenu, pendant très longtemps, nos activités d'exploitation minière, charbonnière ou d'extraction de potasse dans le nord, le nord-est et le sud de la France. « Pages glorieuses », avez-vous dit, monsieur le rapporteur. Pages glorieuses, certes, mais aussi pages tragiques en certaines circonstances !
Les orateurs qui m'ont précédé à la tribune ont indiqué que ces activités ont très largement contribué à la vitalité de notre pays ; ces activités sont aujourd'hui en train de s'éteindre, à la suite d'un ensemble de circonstances sur lesquelles je ne reviendrai pas, mais qui sont extraordinairement lourdes pour nos régions minières, pour nos mineurs et leurs familles, pour l'ensemble des collectivités concernées.
Le débat peut être abordé de deux façons : celle de M. le rapporteur, soulevant les questions qui sont directement rattachées au texte, ou celle de notre collègue Gérard Longuet, mélangeant émotion, politique et réalisme, indiquant au passage ce qui pouvait être retenu au bénéfice du gouvernement actuel, et oubliant ce qui pourrait être mis au crédit du gouvernement précédent... Pour ma part, je choisirai la voie directe, madame la ministre.
La création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs est l'aboutissement d'un travail ancien qui avait pratiquement été conclu par l'ancien gouvernement. C'est donc enfin le moment de débattre de cette question.
Mais ma satisfaction, liée à la création de l'agence, s'accompagne de quelques observations. La création d'une structure publique permettant d'assurer aux salariés le versement de prestations sociales bénéficie, je le suppose, d'une unanimité de principe. Les organisations syndicales que nous avons reçues nous ont dit très clairement qu'elles étaient d'accord avec le titre Ier de la proposition de loi, et ont manifesté une impatience à le voir adopté conforme par le Sénat.
Néanmoins, des inquiétudes subsistent et des questions restent posées. Ainsi, les diverses organisations syndicales souhaitent être associées à la rédaction des décrets d'application de la future loi. Nous connaissons l'importance des décrets d'application. Nous savons toutes et tous que, parfois - trop souvent même -, l'intention du législateur n'est pas respectée par ces décrets. On peut donc craindre qu'il en aille de même s'agissant de ce texte, car Bercy veille au grain lorsqu'il s'agit de questions financières. On sait comment les décrets d'application peuvent « grignoter » les textes adoptés par le Parlement. Nous devons donc être extrêmement vigilants. Par conséquent, une participation véritable des organisations syndicales à la rédaction des décrets d'application serait probablement la meilleure garantie que l'intention du législateur se trouvera traduite dans la réalité.
Ensuite, il semble nécessaire à ces organisations syndicales d'établir les questions nécessitant la mise en place de commissions nationales : le droit au logement et au combustible, les oeuvres sociales, les bourses pour les jeunes, par exemple.
Il conviendra par la suite de préciser les périmètres de chaque commission et d'en définir concrètement le rôle. Nous sommes tous très attentifs au respect total de la notion d'ayant droit et à l'accès sans restriction à des logements de qualité en nombre suffisant.
Madame la ministre, allez-vous instituer une commission nationale qui veillera à l'application de l'ensemble des engagements en matière de logement, qu'ils soient d'ordre législatif, réglementaire, qu'ils relèvent d'usages ou de protocoles ?
Cette commission consolidera-t-elle les politiques immobilières locales pour que des logements de qualité et en nombre suffisant soient proposés aux mineurs, à leur famille, aux ayants droit ? Les commissions nationales, si elles sont créées, devront s'accompagner, me semble-t-il, de commissions locales chargées de suivre, sur le terrain, ce qui aura été débattu et décidé au niveau national.
D'autres soucis sont formulés par les mineurs et leur famille, comme le fait de pouvoir préserver intacte la gratuité des soins, avec une préoccupation de qualité, tant auprès du médecin des caisses qu'auprès d'un médecin privé.
Quel sera aussi le sort réservé aux personnels des caisses dans le cadre de la restructuration de l'agence ?
Quelles seront les conséquences, pour l'activité syndicale, de la création de l'agence et de la réunion, dans un établissement public unique, Charbonnages de France, des diverses entités de bassin ? Hier, ces organisations syndicales représentaient plusieurs entités. Mais demain, après le regroupement dans un seul établissement public, comment s'exercera la représentation syndicale ? Quels seront les moyens mis en oeuvre pour que ces organisations syndicales continuent à défendre les droits des mineurs et de leur famille ? Le Gouvernement est-il en mesure de rassurer les représentants des mineurs ?
Je souhaite également formuler des observations très sérieuses concernant les autres titres du texte en discussion, notamment les articles 11 et 12 du titre II.
L'article 11 porte sur deux points principaux.
Il prévoit d'abord la création de l'établissement public des Charbonnages de France, par absorption, et donc disparition, des Houillères du bassin de Lorraine, des Houillères du bassin du Centre et du Midi, et de Charbonnages de France Nord - Pas-de-Calais. Cette décision est objectivement nécessaire.
Ensuite, aux termes du dernier alinéa de cet article, il est prévu qu'« un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de la dissolution de cet établissement, qui interviendra au plus tard quatre ans après la fin de l'exploitation par celui-ci de sa dernière mine, à condition que cet établissement ait rempli toutes ses obligations liées à la fin des concessions minières ou que celles-ci aient été transférées à une autre personne morale chargée de les remplir ».
Cet alinéa appelle deux observations.
La première concerne le délai de quatre ans, qui se révèlera impossible à tenir.
La seconde vise le transfert des conditions d'obligation liées à la fin des concessions minières de l'établissement à une personne morale. Qu'est-ce que cela signifie ? Qu'est-ce que cela cache ? Pourquoi transfèrerait-on des obligations à une personne morale autre que celle qui est légalement instituée, alors que ces obligations sont déjà précisément assumées par l'établissement créé ? Il y a là quelque chose de très ambigu. J'espère, madame la ministre, que vous pourrez nous éclairer sur ce sujet et lever le voile sur cette interrogation.
L'article 12 appelle également des commentaires de ma part, dans la mesure où la grande question de l'après-mine, qui intéresse directement les collectivités territoriales, n'est pas traitée dans ce texte.
Je trouve la façon de procéder anormale. On fait passer dans le même texte des dispositions relatives à la création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, qui reçoivent un accord unanime, et des dispositions concernant l'après-mine, sans préciser ce qu'il en sera réellement. C'est quasiment une prise d'otage sur des questions essentielles, une manoeuvre que je veux condamner
L'article 12 prévoit que l'établissement public dénommé « Charbonnages de France » devra s'occuper de la mise en sécurité et de la réhabilitation des sites d'exploitation après l'arrêt des travaux miniers. Mais que couvre concrètement le terme « réhabilitation » ? Quid des problèmes des eaux d'exhaure ? Qui traitera les affaissements miniers ? Qui paiera ? Qui sera réellement responsable ? Quid du traitement des sols pollués, des nappes phréatiques, du désiamantage, de la remise aux normes des sites, des aménagements routiers et ferroviaires, du logement social ? Comment y seront associées les collectivités locales ? Comment, surtout, sera assuré le financement de tout ce qu'il sera nécessaire de mettre en oeuvre pour l'après-mine ?
Ces questions, madame la ministre, appellent de notre part le dépôt d'une série d'amendements, utiles, indispensables même, selon nous, pour que le Gouvernement précise ses intentions. J'ai bien compris que, d'ores et déjà, aucun de ces amendements ne recevrait un avis favorable de votre part, votre objectif étant a priori le vote conforme de cette proposition de loi puisque les organisations syndicales souhaitent qu'il en soit ainsi...
M. Gérard Longuet. Eh oui ! Il nous faut rattraper le temps que vous avez perdu ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Masseret. Monsieur Longuet, je vous répondrai tout à l'heure sur cette question, si vous le voulez bien.
Je trouve la manoeuvre un peu grossière. Néanmoins, et vous le verrez, madame la ministre, le Gouvernement ne sera pas quitte à l'issue de ce débat.
M. Gérard Longuet. Je suis d'accord !
M. Jean-Pierre Masseret. En effet, après ce vote, restera tout ce qui touche à l'après-mine. Et là, nous vous donnons rendez-vous. J'ai bien compris que le débat qui doit intervenir au premier semestre 2004 aura lieu après les échéances électorales du mois de mars. Cela va de soi ! D'ici là, vous n'avez ni la volonté politique ni les moyens financiers d'assumer réellement les responsabilités de l'après-mine. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.) C'est cela la réalité ! Le reste, c'est du pipeau, c'est de la discussion, ce sont des écrans de fumée, cher Gérard Longuet !
La réalité, elle est là : quelles sont les intentions réelles du Gouvernement ? Quels moyens financiers entend-il mettre en oeuvre tout de suite, avant les échéances électorales, de façon à ce que personne, dans le bassin minier lorrain notamment, ne soit trompé ?
M. Jean-Marc Todeschini. Voilà de vraies raisons !
M. Jean-Pierre Masseret. Madame la ministre, nous sommes tout à fait d'accord avec le titre Ier de cette proposition de loi. Toutefois, nous resterons très vigilants sur la suite, qu'il s'agisse du décret d'application pour la création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs ou des moyens financiers accordés pour l'après-mine, et cela au nom de toutes les communes, notamment celles de la Moselle ou du Nord lorrain. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier. Je crois que tout le monde l'a compris ici, ce débat passionne.
La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui permet de répondre à une attente semble-t-il partagée par les différents partenaires, en particulier les syndicats, qui souhaitent permettre le maintien des droits acquis par et pour les mineurs. C'est pourquoi nous ne nous opposerons pas à ce texte.
Mais ce n'est sans doute pas un hasard si, dans cet hémicycle aujourd'hui, on compte six Lorrains. Ils sont en effet les premiers à savoir de quoi il s'agit lorsque l'on parle de « l'après-mine ».
Je voudrais tout d'abord évoquer les dommages causés aux habitations.
En effet, je rappelle que des familles vivent encore actuellement dans des maisons aux murs fissurés, aux sols lézardés, parfois affectées par une forte déclivité pouvant atteindre jusqu'à trois centimètres par mètre.
Pourtant, la loi de 1999 prévoit que ces familles pourront être indemnisées dès lors que la cause des désordres est avérée.
Malheureusement, les indemnisations sont calculées sur la base de la valeur vénale de l'habitation, à partir d'une évaluation du service des domaines.
Autant dire que ces maisons sont invendables et que les familles ne peuvent pas, avec l'indemnité qui leur est proposée, retrouver un « logement de confort et de consistance équivalents », ce que prévoit pourtant la loi et ce que voulait le législateur. Quelqu'un parlait tout à l'heure des décrets d'application. Effectivement, entre la loi et le décret, il y a toute une histoire !
S'agit-il d'une lenteur de l'administration, de précautions excessives, de lacunes de la loi ? Les causes sont sans doute multiples.
Je voudrais également signaler que la société Lormines, pour le bassin ferrifère, avait été mise en place dans le but de régler, entre autres, l'ensemble de ces questions. Mais d'expertises en procédures judiciaires, ces familles désespèrent de retrouver un jour un toit accueillant.
Actuellement, l'Etat se préoccupe essentiellement de prévenir les affaissements brutaux en surveillant les galeries de mines qui, en s'effondrant, peuvent provoquer des drames. C'est bien, mais les affaissements progressifs peuvent être, en fin de compte, tout aussi destructeurs !
Peut-on raisonnablement demander à ces familles de vivre dans l'incertitude, dans l'attente d'un éventuel éboulement ? Non, c'est inacceptable.
Des solutions ponctuelles avec des indemnisations complémentaires ont été trouvées dans certains cas sur votre initiative, madame la ministre,...
M. Gérard Longuet. C'est exact !
Mme Evelyne Didier. ... et vous pourrez donc nous apporter des précisions.
Si c'est positif pour les bénéficiaires, cela ne règle toujours pas le problème de fond que je viens d'évoquer. Et je pense en particulier aux premières personnes touchées, habitant dans les secteurs de Piennes et de Landres.
Le deuxième point que je souhaite aborder est celui des règles d'urbanisme, actuellement imposées dans les communes concernées.
Les études de diagnostic du sous-sol sous les zones urbanisées ne sont pas encore achevées, bloquant ainsi toute prise de décision en matière urbanistique, pénalisant l'aménagement et le développement des communes.
Il faut savoir que les demandes de permis de construire, y compris celles qui visent à améliorer le confort d'une maison existante, sont bloquées.
Plus précisément, pour établir les plans de prévention, il faut établir un diagnostic. Sans diagnostic, on ne peut pas établir de plan de prévention, et sans plan de prévention, travaux et constructions ne peuvent être réalisés.
Les maires de ces communes ne demandent bien évidemment pas de pouvoir construire sur une zone d'effondrement possible. Ils sont responsables. Mais ils veulent en finir avec les atermoiements et les incertitudes.
Le collectif des communes minières de Lorraine vous a remis, madame la ministre, une pétition de 25 000 signatures recueillies dans les communes concernées par les affaissements, signe de la détermination des élus et de la population.
Madame la ministre, vous venez d'indiquer que le rapport de la mission d'évaluation de l'Inspection générale des finances et du Conseil général des mines chargée de réfléchir à un dispositif permettant de gérer les conséquences de l'après-mine vient de vous être remis. J'ai noté que vous avez parlé de « compétence nationale ». Pourriez-vous nous donner plus de précisions à ce sujet et nous dire quels seront, finalement, les territoires concernés ?
Enfin, je souhaiterais évoquer la question des eaux d'exhaure.
La décision d'arrêt du pompage des eaux stagnant dans les galeries a été prise pour deux bassins. Deux ans après, survenaient les effondrements de Moutiers et d'Auboué, en Meurthe-et-Moselle.
L'arrêt du pompage, nous le savons, a pour conséquences l'accélération et l'aggravation des effondrements, l'impossibilité de surveiller les galeries, l'assèchement des rivières, les transformant en égouts à ciel ouvert.
C'est pourquoi nous demandons le maintien du pompage dans le dernier bassin tant que les mesures conservatoires n'auront pas été prises.
Vous avez jusqu'ici décidé de poursuivre le pompage, madame la ministre ; mais quel terme lui fixez-vous ? Pouvez-vous nous donner des précisions en la matière ?
Ce texte de loi prévoit dans son titre II la simplification des structures de Charbonnages de France et la fin des charbonnages pour 2007.
Je considère, avec d'autres, que ce délai est trop court, eu égard aux difficultés qui ne manqueront pas d'apparaître. Il ne faudrait pas que les entreprises partent avant la fin, n'assumant pas complètement les conséquences de leurs activités.
Concernant plus spécifiquement le bassin houiller, le conseil économique et social de Lorraine, dans son rapport de septembre 2003, indique ceci : « Il s'agit, par le biais de ce nouvel établissement - en l'occurrence l'agence - de garantir, au nom de l'Etat, tout les droits sociaux des mineurs... »
Mais il précise un peu plus loin : « Restent les domaines techniques et environnementaux pour lesquels aucune solution n'est définie pour l'instant. »
Je m'arrêterai là, non sans avoir cité M. le rapporteur, Philippe Leroy, qui dit ceci : « Il serait irréaliste de prétendre régler avec ce texte l'ensemble des problèmes qui continuent de se poser dans le cadre de la gestion de l'après-mine. » Certes !
Vous évoquez un grand débat, mon cher collègue. Un de plus, suis-je tentée de dire.
Mais quand se décidera-t-on enfin à faire ce qui doit être fait pour que ni les salariés ni les territoires concernés ne subissent dans leur vie, dans leurs biens, dans leur santé, dans leurs impôts, les conséquences de l'activité économique ? Il y a encore - faut-il le rappeler ? - des mineurs victimes de l'amiante non reconnues. Nous attendons toujours des réponses.
Vous avez souhaité que ce texte soit adopté conforme, madame la ministre, c'est-à-dire dans la rédaction de l'Assemblée nationale, ce qui signifie que vous ne serez favorable à aucun amendement. Nous en prenons acte. C'est la raison pour laquelle je reprendrai la parole dans la discussion des articles, pour compléter cette intervention. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je veux remercier tous ceux qui se sont exprimés.
Je suis très heureuse de constater qu'au-delà des sensibilités politiques différentes de cette assemblée un très large consensus se dégage sur des points tout à fait essentiels, sur la contribution de la communauté minière au rayonnement économique de notre pays, sur la nécessité d'apporter aux mineurs la garantie de la pérennité de leurs droits sociaux par un statut législatif sur la nécessité de gérer « l'après-mines » dans les conditions les plus rapides, les plus efficaces, et de le faire ensemble, en étroite concertation avec les intéressés.
Monsieur le rapporteur, je suis tout à fait en phase avec le souhait que vous avez exprimé afin que, compte tenu de la complexité des situations, les décrets d'application soient pris - je l'ai bien noté - avec générosité. Je m'engage personnellement à suivre leur élaboration pour que les choses se fassent dans l'esprit que vous avez souhaité. Je veillerai également à ce qu'ils soient évolutifs et qu'ils puissent se décliner dans le temps, afin de ne pas figer les prestations, point sur lequel vous avez insisté, de même que d'autres intervenants. Tout cela correspond bien aux nécessités des situations.
Monsieur Longuet, je vous remercie de soutenir avec conviction la présente proposition de loi. Je suis d'accord avec vous, elle n'épuise pas le sujet, mais elle permet d'avancer.
C'est d'ailleurs dans cet état d'esprit que j'ai accepté l'invitation de M. le rapporteur à venir devant votre assemblée, pour que nous ayons ensemble ce large débat que nous abordons tous, je crois pouvoir le dire, dans le même esprit constructif.
Monsieur Longuet, vous avez insisté sur le calendrier de sortie du décret. Il est actuellement au Conseil d'Etat. Tout laisse donc à penser qu'il pourra être publié dans les meilleurs délais.
Pour répondre au souhait que vous avez exprimé s'agissant du rapport que je viens de recevoir, je m'engage à rendre très prochainement publiques ses conclusions qui pourront servir de base à notre réflexion et à nos discussions. A l'évidence, le débat qui aura lieu au Sénat au premier semestre de 2004 constituera un temps particulièrement fort.
M. Coquelle s'est interrogé sur la Caisse autonome nationale de sécurité sociale dans les mines. Je lui confirme que le Gouvernement, fidèle à sa méthode, a décidé de privilégier le dialogue social pour mener à bien les évolutions qui sont nécessaires. Je me réjouis, à cet égard, qu'une motion engageant ces dernières ait été signée par l'ensemble des partenaires sociaux de la caisse concernée, à l'exception, il est vrai, de la CGT. Il convient désormais de poursuivre les travaux.
S'agissant de la question des indemnisations qui a été évoquée par M. Longuet et Mme Didier, j'indique que, dès mon arrivée au ministère, j'ai souhaité adopter une approche concrète et résolue, comme je m'y étais engagée auprès des sinistrés que, comme vous le savez, j'ai rencontrés en Lorraine quelques mois après ma prise de fonction.
J'ai décidé un complément d'indemnisation pour certaines situations spécifiques qui a mis un terme à nombre de contentieux. (M. Todeschimi s'exclame.) D'ailleurs, il a été accompagné d'aides du conseil régional de Lorraine.
Par ailleurs, la création en juillet dernier d'un dispositif de fonds d'avance permet aux sinistrés d'être dorénavant indemnisés trois mois après la déclaration de sinistres, au travers d'un guichet unique. Le décret d'application sortira sous peu. J'ajoute qu'une application exceptionnelle de ce dispositif pour les sinistrés de Roncourt, qui attendaient leurs indemnisations depuis plus de trois ans, sera mise en oeuvre dès la publication du décret d'application.
Je souscris par ailleurs au souhait qui a été exprimé par M. Longuet de voir les représentants des sinistrés mieux associés à la problématique de l'« après-mine ». Ce débat sera l'occasion d'examiner les modalités de cette action.
Mme Didier a soulevé des questions relatives à l'urbanisation, qui sont cruciales, j'en suis consciente. A cet égard, j'ai publié en mai dernier une circulaire d'instruction aux préfets qui a permis d'assouplir les conditions de délivrance des permis de construire, y compris dans les zones comportant des risques. Simultanément, vingt-cinq plans de prévention des risques miniers ont été prescrits à ma demande dans le bassin lorrain. Ils permettront de mieux adapter et de proportionner les prescriptions d'urbanisme à la réalité des risques, sans excès de précaution injustifié.
Au sujet de l'ennoyage et des eaux d'exhaure dans les mines ferrifères, ma position est claire : la priorité est la sécurité des personnes. C'est pourquoi il est essentiel de mettre très rapidement en oeuvre les moyens de sauvegarde et de protection des populations sur la zone de Fontoy en Moselle.
M. Jean-Marc Todeschini. Qui paiera ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Je souhaite que les discussions en cours entre les collectivités territoriales, l'Etat et l'exploitant minier puissent aboutir rapidement à une solution négociée et adaptée à la réalité des risques, prenant en compte les exigences de sécurité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Marc Todeschini Et l'« après-mine » ? On n'en parle qu'après les élections !
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussions des articles.
TITRE Ier
GARANTIE DES DROITS DES MINEURS
ET ANCIENS MINEURS
Il est créé un établissement public de l'Etat à caractère administratif dénommé « Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs » qui a pour mission de garantir, au nom de l'Etat, en cas de cessation définitive d'activité d'une entreprise minière ou ardoisière, quelle que soit sa forme juridique, d'une part, l'application des droits sociaux des anciens agents de cette entreprise, des anciens agents de ses filiales relevant du régime spécial de la sécurité sociale dans les mines et de leurs ayants droit tels qu'ils résultent des lois, règlements, conventions et accords en vigueur au jour de la cessation définitive d'activité de l'entreprise et, d'autre part, l'évolution de ces droits.
L'agence peut, par voie conventionnelle, gérer les mêmes droits pour le compte d'entreprises minières et ardoisières en activité.
M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Eckenspieller, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : "de leurs ayants droit", insérer les mots : ", des anciens agents soumis au statut du personnel du Comptoir de vente en commun des sels de potasse et de leurs ayants droit". »
La parole est à M. Daniel Eckenspieller.
M. Daniel Eckenspieller. Je défendrai en même temps, monsieur le président, l'amendement n° 2 à l'article 2, puisque ces deux amendements sont complémentaires. Il serait redondant d'exposer les deux.
L'histoire du xxe siècle est, pour toute une partie de la plaine d'Alsace, aux portes nord de Mulhouse, intimement liée à l'exploitation de la potasse : cette activité a marqué d'une manière très forte, et sans doute pour longtemps encore, ce territoire.
L'exploitation a pris fin, définitivement, en 2002, soit deux années plus tôt qu'initialement prévu, et cela à la suite d'un incendie survenu dans un site de stockage de déchets à risques établi dans des couches de sel dans le cadre de la reconversion du bassin potassique.
Aussi, la proposition de loi qui nous vient de l'Assemblée nationale est-elle accueillie avec faveur par tous ceux et toutes celles qui avaient fait vivre cette activité aujourd'hui disparue ou qui en sont les ayants droit. Ce n'est d'ailleurs pas par hasard si la proposition de loi a été déposée conjointement par M. Richard Mallié et par M. Michel Sordi, député du Haut-Rhin.
Si donc nous nous réjouissons, d'une manière générale, des dispositions figurant dans le texte qui nous est soumis, nous pensons qu'il est indispensable de réparer une omission qui pourrait priver de leurs droits parfaitement reconnus dans le dispositif actuel une certaine catégorie de personnels de l'établissement minier.
En effet, depuis la création, en 1918, au sein de la société MDPA, les mines de potasse d'Alsace, d'une entité chargée de la commercialisation de la production, les salariés employés par cette filiale ont bénéficié d'un régime de retraite spécifique et des avantages en nature existant chez MDPA.
A l'occasion des différentes évolutions juridiques qui ont marqué l'histoire de cette entreprise, la pérennité des droits spécifiques du statut des mineurs au bénéfice des salariés de la Société commerciale des potasses et de l'azote, la SCPA, a chaque fois, été explicitement réaffirmée, notamment par un décret du 20 septembre 1967.
Aujourd'hui, les retraités de la SCPA sont attributaires d'une retraite principale qui leur est versée par la caisse régionale d'assurance vieillesse, donc par le régime général, et de certaines prestations complémentaires qui leur sont versées par l'ANGR, l'Association nationale pour la gestion des retraités.
Il importe donc qu'avec la disparition de l'ANGR et la création de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs, cette dernière prenne bien le relais de l'ANGR pour assurer aux retraités de la Société commerciale des potasses et de l'azote l'ensemble des prestations auxquelles ils ont droit.
Tel est l'objet des deux amendements que je soumets à l'appréciation du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Leroy, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Certes, nous partageons toutes les inquiétudes de notre collègue, mais le texte de loi devrait déjà les apaiser, et les décrets d'application les dissiper complètement. L'avis du Gouvernement nous éclairera à cet égard.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Je confirme ce que vient de dire M. le rapporteur. Le Gouvernement entend bien évidemment maintenir dans leur intégralité les droits des anciens agents de la SCPA. Nous souhaitons que l'agence continue, à la suite de l'ANGR, de verser aux intéressés les prestations correspondantes.
L'article 1er de la proposition de loi inclut bien les filiales des entreprises minières, ce qui satisfait d'ores et déjà votre demande. Je m'engage à ce que le décret d'application de la loi mentionne explicitement la SCPA.
Dans ces conditions, monsieur le sénateur, je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.
M. le président. Monsieur Eckenspieller, l'amendement n° 1 est-il maintenu ?
M. Daniel Eckenspieller. Je m'en voudrais d'encombrer inutilement un calendrier parlementaire déjà surchargé et, surtout, de retarder la promulgation d'un texte qui est réellement attendu avec impatience dans les différents territoires miniers de notre pays.
Compte tenu des assurances que vous avez bien voulu me donner, madame la ministre, je consens volontiers à retirer cet amendement. J'indique que je retire également l'amendement n° 2 que j'ai déposé à l'article 2.
J'ajoute cependant une observation : le projet de décret, dans son état actuel, mentionne bien la SCPA et énumère, d'une manière qui se veut exhaustive, les prestations prises en compte par la nouvelle agence nationale, notamment les prestations de chauffage et de logement en nature. Toutefois, il omet de faire état des pensions spécifiques de la caisse de retraite des employés statutaires, la CRES, qui sont actuellement versées aux anciens agents statutaires de la SCPA. Il me paraît impératif de remédier à cet oubli, afin d'éviter toute contestation ultérieure.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Tout à fait !
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
L'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs assume les obligations de l'employeur, en lieu et place des entreprises minières et ardoisières ayant définitivement cessé leur activité, envers leurs anciens agents et ceux de leurs filiales relevant du régime spécial de la sécurité sociale dans les mines en congé charbonnier de fin de carrière, en dispense ou en suspension d'activité, en garantie de ressources ou mis à disposition d'autres entreprises.
L'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs liquide, verse ou attribue l'ensemble des prestations dues aux anciens agents des entreprises minières et ardoisières ayant cessé définitivement leur activité, aux anciens agents de leurs filiales relevant du régime spécial de la sécurité sociale dans les mines et à leurs ayants droit à l'exception, d'une part, de celles prévues par le code de la sécurité sociale et les textes relatifs au régime spécial de la sécurité sociale dans les mines, et, d'autre part, de celles prévues conventionnellement qui peuvent leur être assimilées.
L'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs remplit, en outre, les autres obligations sociales des entreprises minières et ardoisières ayant cessé définitivement leur activité à l'exception de celles manifestement liées à une situation d'activité de ces entreprises.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Eckenspieller, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa de cet article, après les mots : "à leurs ayants droit", insérer les mots : ", aux anciens agents soumis au statut du personnel du Comptoir de vente en commun des sels de potasse et à leurs ayants droit". »
Cet amendement est retiré.
L'amendement n° 3, présenté par M. Coquelle, Mmes Didier et Beaufils, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter in fine le dernier alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée : "L'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs assurera un véritable statut juridique aux agents des mines placés, du fait de la disparition de Charbonnages de France, en dispense d'activité ou en congé charbonnier de fin de carrière". »
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Cet amendement a pour objet de faire en sorte qu'aucun mineur ne puisse être exclu du dispositif juridique garantissant les droits des agents des mines, en raison de la disparition de Charbonnages de France.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Leroy, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, dans la mesure où les intentions de ses auteurs sont déjà satisfaites par l'article 2 de la proposition de loi qui prévoit que les agents en dispense d'activité sont bien pris en compte.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Cet amendement est redondant avec les dispositions des articles 1er et 2 qui prévoient déjà, d'une part, que l'agence assume les obligations de l'employeur, notamment à l'égard des agents en dispense d'activité ou en congé charbonnier de fin de carrière après la disparition de Charbonnages de France, et, d'autre part, que tous les mineurs sont bien couverts par l'objet de l'Agence et voient donc bien leurs droits sociaux, ainsi que leur évolution, garantis.
Je suis donc défavorable à cet amendement.
M. le président. Monsieur Coquelle, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?
M. Yves Coquelle. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.
Je mets aux voix l'article 2.
(L'article 2 est adopté.)
Les entreprises dont le personnel relève du décret n° 46-1433 du 14 juin 1946 relatif au statut du personnel des exploitations minières et assimilées et qui n'ont pas cessé définitivement leur activité soit gèrent elles-mêmes les prestations de chauffage et de logement de leurs retraités et des conjoints survivants de leurs retraités, soit confient cette gestion à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, sur l'article.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'article 3 vise entre autres à clarifier les missions attribuées en matière de gestion des prestations de chauffage et de logement à la nouvelle Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs et à la Caisse autonome nationale de la sécurité sociale dans les mines, la CANSSM.
La CANSSM gère actuellement environ le dixième de ces prestations. Il est prévu que la future agence ait désormais la charge exclusive de la gestion de l'ensemble des missions sociales - prestations d'employeurs, congés charbonniers de fin de carrière, prestations de chauffage et de logement -, tandis que la CANSSM aurait pour mission de continuer à gérer les prestations de sécurité sociale.
Cette précision dans la répartition des rôles nous paraît logique, mais nous souhaitons soulever la question de l'exécution des missions de la CANSSM et, en particulier, de l'avenir de la gestion de la branche vieillesse et invalidité de la sécurité sociale minière.
Ma collègue Marie-Claude Beaudeau a interrogé par une question écrite M. le ministre des affaires sociales qui assure la tutelle de la CANSSM conjointement avec votre ministère.
Les directions de la CANSSM et de la Caisse des dépôts et consignations étudient un projet de transfert à la CDC de la branche vieillesse et invalidité de la CANSSM. Ce transfert serait lourd de conséquences pour les salariés de la CANSSM, comme pour les mineurs. Pour le moment, je vous rappelle que cette prestation est effectuée directement par les services de la CANSSM sur les sites de Paris et de Metz.
La CANSSM a servi 385 000 pensions en 2002, ce qui fait du régime minier l'un des plus importants régimes « spéciaux » de retraite, ce qu'il restera à moyen terme malgré la chute du nombre d'actifs dans la branche. A titre de comparaison, la CANSSM ne servait que 253 000 pensions en 1951, niveau que l'on ne devrait retrouver qu'à l'horizon 2015. L'extinction du régime minier n'est donc pas à l'ordre du jour et ne saurait servir de justification au projet.
Le niveau de compétence des personnels de la CANSSM et la qualité de leur travail au service des mineurs et des ayants droit sont largement reconnus. Ils résultent notamment de leur étroite connaissance du monde minier, de son histoire, de sa diversité. A ce titre, ils ne sont pas quantifiables sur un plan strictement statistique.
Le projet d'absorption de la plus grande partie de leurs activités par la CDC suscite un rejet massif, aussi bien des personnels de la CANSSM que des assurés.
Vous ne pouvez l'ignorer, madame la ministre, suite à la manifestation du 8 octobre dernier devant les locaux de la CANSSM à Paris, qui a rassemblé, à l'appel de leur organisation syndicale la plus représentative, près de 2 000 mineurs venus de toute la France, des mines de potasse d'Alsace, des ardoisières d'Anjou, des mines d'or de l'Aude, de Decazeville, de Gardanne, de Lorraine et bien sûr du Nord - Pas-de-Calais, des délégations se sont rendues aux ministères pour exprimer leur refus de ce scénario.
Pour les personnels de la CANSSM dont l'ensemble des autres activités seraient également déstabilisées, le projet menace non seulement leurs conditions de travail, la localisation de leurs postes de travail, mais aussi directement la pérennité même de leur emploi.
La CDC, qui ne s'est jamais engagée à reprendre les personnels de la CANSSM, ne cesse de mettre en avant sa capacité à abaisser de façon drastique les coûts de gestion, au risque de sacrifier la qualité des prestations, et affiche ses prétentions à devenir un acteur dominant du marché, qui pourrait être ouvert à court terme à la concurrence, de la gestion des caisses de retraite.
Ma collègue Marie-Claude Beaudeau vous a alertée à plusieurs reprises sur les dysfonctionnements graves, et fortement préjudiciables pour les ayants droit, de la gestion par la CDC des pensions de l'IRCANTEC résultant de l'inadéquation du nouveau système informatique et de sous-effectifs chroniques.
Pour leur part, les mineurs avec leur principale organisation syndicale dénoncent la perspective de dégradation du fonctionnement de la gestion de leurs retraites, mais aussi de démantèlement de tout leur régime particulier de protection sociale.
Madame la ministre, l'examen de cette proposition de loi relative aux droits des mineurs vous offre aussi l'occasion de couper court officiellement à ce projet néfaste. Je vous y invite.
Je vous demande aussi de nous donner des garanties sur l'avenir statutaire des personnels de la CANSSM, qui revendiquent légitimement leur « fonctionnarisation ».
Le maintien de l'autonomie totale de la CANSSM et de sa gestion de la branche retraite et invalidité de la sécurité sociale dans les mines est le gage du maintien de l'unité, de l'unicité, de la cohérence de l'ensemble du régime minier et de la protection sociale avancée, exemplaire, acquise après de grandes luttes, et accordée à ces ouvriers qui ont assuré le relèvement du pays. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
Mme Evelyne Didier. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 3.
(L'article 3 est adopté.)
L'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs est administrée par un conseil d'administration et dirigée par un directeur général.
Son conseil d'administration comprend, dans des conditions fixées par le décret prévu à l'article 9, des représentants de l'Etat, des représentants des anciens mineurs et ardoisiers désignés par leurs organisations syndicales représentatives et des personnes désignées en raison de leur compétence en matière économique ou sociale.
Le président du conseil d'administration et le directeur général sont nommés par décret.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Coquelle, Mmes Didier et Beaufils, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Compléter le deuxième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée : "Il comprend également des représentants des communes minières désignés par leurs associations représentatives ainsi que des représentants de chacune des organisations syndicales représentatives au plan national". »
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Par cet amendement, nous souhaitons compléter la composition du conseil d'administration de l'Agence nationale par des membres représentants des élus locaux des communes minières.
Il nous semble tout à fait nécessaire qu'une telle précision figure dans la présente proposition de loi. Les élus des communes des bassins miniers, ainsi que les associations représentatives des communes minières, doivent pouvoir participer à la rédaction des différents décrets. Ils sont en effet aptes à défendre les intérêts des habitants de ces communes.
L'Agence nationale aura en effet une mission en matière de logement des anciens agents des mines ou de leurs ayants droit.
Les collectivités locales disposent, dans ce domaine, d'une compétence indiscutable. C'est la raison pour laquelle les élus des communes ont toute leur place au sein du conseil d'administration de l'Agence nationale. Ils connaissent en effet très bien les problèmes et sont parfaitement à même d'oeuvrer pour la préservation des droits des agents des mines en matière de logement. Or, dans le texte actuel, rien ne garantit qu'il y aura des élus des communes minières parmi les personnalités qualifiées. Notre amendement vise à corriger cette insuffisance.
De même, les organisations syndicales représentatives à l'échelon national doivent avoir toute leur place au sein de cette nouvelle structure.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Leroy, rapporteur. La commission émet un avis défavorable. Satisfaction est, en effet, pratiquement donnée à notre collègue...
M. Yves Coquelle. Pratiquement !
M. Philippe Leroy, rapporteur. ... dans la mesure où, dans le collège des personnalités qualifiées prévu au conseil d'administration, les élus locaux des communes minières seront, je l'espère, profondément associés. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.).
M. Jean-Marc Todeschini. On se méfie des personnalités qualifiées !
M. Philippe Leroy, rapporteur. On ne peut pas dire que les élus locaux ne soient pas qualifiés !
M. Jean-Marc Todeschini. Je n'ai pas dit cela !
M. Philippe Leroy, rapporteur. Je pense qu'ils le sont, et ils le seront évidemment !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement pour les raisons que vient d'exprimer fort bien le rapporteur.
M. Jean-Marc Todeschini. Merci !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4.
(L'article 4 est adopté.)
Articles additionnels après l'article 4
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 5, présenté par M. Coquelle, Mmes Didier et Beaufils, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'Agence nationale peut conventionner avec des bailleurs sociaux pour le relogement des agents visés à l'article 2 et de leurs ayants droit, actifs, retraités, veuves, invalides, traditionnellement logés gratuitement, afin de répondre d'une part à leurs besoins spécifiques et d'autre part, à des besoins de restructuration urbaine. »
L'amendement n° 8, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul, Raoult et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 4, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« L'Agence nationale peut conventionner avec des bailleurs sociaux pour le relogement des agents visés à l'article 2 et de leurs ayants droit afin de répondre d'une part à leurs besoins spécifiques et d'autre part, à des besoins de restructuration urbaine. »
La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 5.
M. Yves Coquelle. Cet amendement est très important à nos yeux puisqu'il s'agit de donner de véritables garanties en matière de logement aux agents des mines, à leurs ayants droit, actifs, retraités, veuves ou invalides. Nous savons tous que ces derniers sont traditionnellement logés dans le parc immobilier qui appartenait aux anciens exploitants. La gratuité du logement permettait en effet de compenser la faiblesse des revenus des mineurs. Aujourd'hui encore, elle constitue une réponse à la faiblesse des salaires, des pensions et des retraites dans le secteur minier.
Or le patrimoine immobilier issu des anciennes entreprises minières est en cours de restructuration. Les procédures de convention devraient ainsi obliger l'Agence nationale à payer intégralement le montant du loyer exigé par le bailleur social, quel que soit son statut. Il ne faudrait pas, en effet, qu'au terme des modifications introduites par cette loi des ayants droit soient privés du processus d'indemnisation, ou que les indemnités de logement soient trop faibles pour cette catégorie sociale.
Nos craintes en ce domaine sont justifiées, vu la nécessité de reloger l'ancien personnel des mines. Il est aisé de comprendre qu'une indemnité de l'ordre de 90 euros pour un loyer de l'ordre de 300 à 450 euros serait largement insuffisante pour permettre à ces populations de se reloger dignement.
C'est la raison pour laquelle nous avons déposé cet amendement, qui permet d'apporter des garanties sur ce point à tous les ayants droit.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 8.
Mme Gisèle Printz. Cet amendement a pour objet de permettre des procédures de convention entre l'Agence nationale et les bailleurs sociaux, afin de répondre aux besoins des agents logés et aux besoins d'adaptation de l'ancien patrimoine des exploitants. En effet, les agents des mines ou leurs ayants droit sont traditionnellement logés dans un parc immobilier issu des anciennes exploitations.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Leroy, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements. Les inquiétudes qu'ils traduisent relèvent de la compétence du conseil d'administration de la future agence, qui étudiera la meilleure façon de régler l'évolution du parc immobilier.
Tout à l'heure, dans mon intervention, j'ai insisté sur cette nécessaire évolution, qui devra respecter les droits des mineurs retraités et de leurs ayants droit.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement partage l'avis exprimé par M. le rapporteur. Nous ne sommes pas du tout opposés à la conclusion de telles conventions, mais, à l'évidence, cela ne relève pas du domaine législatif.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. Malheureusement, dans les faits, il arrive fréquemment qu'on incite les veuves de mineurs à quitter les grands logements dans lesquelles elles vivent pour aller habiter de petites maisons, plus modernes, plus confortables, certes, mais moyennant le paiement d'un loyer. Elles perçoivent alors une aide personnalisée au logement, APL, c'est-à-dire une petite indemnisation qui est loin de couvrir la totalité du loyer, comme je le disais tout à l'heure. Il arrive même que des personnes âgées de soixante-dix ou soixante-quinze ans s'adressent au maire pour lui demander de leur trouver un autre logement.
Par conséquent, je pense qu'il faudrait faire figurer la garantie de la gratuité du logement pour les mineurs et le passage de conventions avec les bailleurs dans la proposition de loi.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Les ressources de l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs sont constituées par une subvention de l'Etat, des rémunérations pour services rendus et des dons et legs. - (Adopté.)
Article 6
Sous réserve de la dissolution, par délibération de son assemblée générale, de l'association dénommée « Association nationale de gestion des retraités des Charbonnages de France et des Houillères de bassin ainsi que de leurs ayants droit », les biens, droits et obligations de cette association sont transférés à l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs. Ce transfert est exonéré de tous droits ou taxes. - (Adopté.)
Article 7
Sous réserve de la dissolution, par délibération de son assemblée générale, de l'association dénommée « Association nationale de gestion des retraités des Charbonnages de France et des Houillères de bassin ainsi que de leurs ayants droit », l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs se substitue à cette association pour l'application des contrats de travail qu'elle a conclus avec ses agents. Ceux-ci demeurent soumis au code du travail, à la convention collective nationale du travail du personnel des institutions de retraites complémentaires et aux accords collectifs de travail conclus par cette association.
Les agents recrutés par l'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs bénéficient des mêmes droits et sont soumis aux mêmes obligations que les agents mentionnés à l'alinéa ci-dessus. - (Adopté.)
Article 8
L'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs peut être dissoute par un décret en Conseil d'Etat qui déterminera également les modalités selon lesquelles les droits définis aux articles 1er et 2 continuent d'être garantis à vie à leurs bénéficiaires. - (Adopté.)
Articles additionnels avant l'article 9
M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 6 rectifié, présenté par M. Coquelle, Mmes Didier et Beaufils, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« Les mineurs ayant liquidé leur retraite après 1987 bénéficient de trimestres supplémentaires pour le calcul de leur pension. Ces trimestres sont attribués à la concurrence du nombre de trimestres nécessaires au versement d'une pension équivalente à celle versée au titre d'une retraite liquidée avant 1987. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application de la présente disposition. »
L'amendement n° 9 rectifié, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul, Raoult et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Avant l'article 9, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les mineurs ayant liquidé leur retraite après 1987 bénéficient de trimestres supplémentaires pour le calcul de leur pension. Ces trimestres sont attribués à concurrence du nombre de trimestres nécessaires au versement d'une pension équivalente à celle versée au titre d'une retraite liquidée avant 1987. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application de la présente disposition.
« II. - Les pertes de recettes résultant du I ci-dessus sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts ».
La parole est à M. Yves Coquelle, pour présenter l'amendement n° 6 rectifié.
M. Yves Coquelle. Il existe une disparité de pension pouvant atteindre 15 %, selon que les mineurs ont pris leur retraite avant ou après 1987. C'est tout de même assez incroyable ! C'est la raison pour laquelle nous demandons que les mineurs ayant pris leur retraite avant 1987 puissent disposer des mêmes dispositions de réévaluation de leur retraite.
M. le président. La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 9 rectifié.
Mme Gisèle Printz. Il a le même objet que l'amendement n° 6 rectifié. Je suis d'accord avec les propos de M. Coquelle.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Leroy, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur ces amendements dans la mesure où ils portent sur des préoccupations qui sont absolument étrangères à la proposition de loi, en l'occurrence le régime de retraite des mineurs.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Comme vous le savez, les mesures de revalorisation des pensions minières ont fait l'objet d'un accord signé par la majorité des organisations syndicales, le 27 septembre 2001. Cet accord a permis de revaloriser fortement toutes les pensions liquidées entre 1987 et 2001, ainsi que toutes les pensions minières à hauteur de 2 %. Il s'agissait d'un accord juste, il n'y a pas de raison de le modifier.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement émet un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent titre. - (Adopté.)
TITRE II
SIMPLIFICATION DES STRUCTURES
DU GROUPE CHARBONNAGES DE FRANCE
Article 10
Les houillères de bassin créées par les décrets n° 46-1563 du 28 juin 1946 constituant les Houillères du bassin de Lorraine et n° 68-369 du 16 avril 1968 portant fusion des Houillères de bassin du Centre et du Midi et modification du décret du 4 septembre 1959 portant statut des Charbonnages de France et des houillères de bassin seront dissoutes dans un délai maximum de six mois à compter de la promulgation de la présente loi. Des arrêtés du ministre chargé des mines fixent les modalités de dissolution des houillères de bassin et prononcent le transfert de leurs activités, biens, droits et obligations à l'établissement public dénommé « Charbonnages de France ». Ce transfert est exonéré de tous droits ou taxes. - (Adopté.)
L'article 146 du code minier est ainsi rédigé :
« Art. 146. - Les concessions de combustibles minéraux solides, autres que la tourbe, nationalisées le 18 mai 1946 sont gérées conformément aux dispositions du présent code par un établissement public à caractère industriel et commercial dénommé "Charbonnages de France". Cet établissement est doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière.
« Un décret en Conseil d'Etat fixe les modalités de la dissolution de cet établissement, qui interviendra au plus tard quatre ans après la fin de l'exploitation par celui-ci de sa dernière mine, à condition que cet établissement ait rempli toutes ses obligations liées à la fin des concessions minières ou que celles-ci aient été transférées à une autre personne morale chargée de les remplir. »
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, sur l'article.
Mme Evelyne Didier. Je tiens de nouveau à souligner l'importance de la bonne exécution des obligations en matière d'arrêt des travaux miniers, de mise en sécurité et de réhabilitation des sites d'exploitation.
En effet, les sociétés minières n'ont pas toujours respecté ces obligations, exploitant parfois de manière irresponsable les concessions qui leur avaient été accordées. Pourtant, les services de l'Etat auraient dû contrôler leur travail. Aujourd'hui, ce sont les populations qui subissent les conséquences de cette gestion.
Pouvez-vous nous indiquer, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement compte prendre pour s'assurer que les questions liées à la gestion des eaux d'exhaure et des risques consécutifs à la fermeture des sites miniers, au devenir des biens immobiliers, à la dépollution des sites, à la réindustrialisation - j'en oublie sans doute - seront bien traitées jusqu'au bout dans une approche de développement durable ?
Notre collègue parlait tout à l'heure de quitus. Or nous n'avons pas la garantie qu'un interlocuteur fiable sera encore présent dans trente ans. Pouvez-vous, madame la ministre, nous apporter des précisions sur ce point ?
M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul, Raoult et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Dans le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 146 du code minier, remplacer les mots : "qui interviendra au plus tard quatre ans après la fin de l'exploitation par celui-ci de sa dernière mine" par les mots : "qui interviendra après l'expiration de son dernier titre minier". »
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. A notre sens, il ne faut pas fixer de date déterminée pour la disparition et la suppression de Charbonnages de France. Nous examinons aujourd'hui le quatrième grand texte traitant des problèmes miniers et nous nous sommes tous accordés à dire que ce n'était pas le dernier !
Il serait redoutable de faire disparaître Charbonnages de France en 2008, ou plus tard, parce que les capacités et le savoir-faire de cette entreprise doivent permettre de conduire la gestion de l'après-mine, qui n'a pas été évoquée par Mme la ministre et qui doit pourtant être menée dans des conditions optimales.
Je souligne à cet égard que, dans le Nord - Pas-de-Calais, on travaille sur la fin des concessions depuis presque quinze ans, afin qu'elles s'opèrent dans des conditions optimales et dans le respect du code minier. A défaut, les communes minières vont rester avec leurs problèmes sur les bras ! Or, rien n'est dit sur les interlocuteurs concernés et sur les moyens à mettre en place.
Nous souhaitons donc tout simplement que l'essentiel de ces problèmes soit réglé avant la disparition de Charbonnages de France. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Pierre Masseret. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Leroy, rapporteur. Je partage évidemment les inquiétudes de nos collègues.
M. Jean-Marc Todeschini. Après les élections !
M. Philippe Leroy, rapporteur. Techniquement, les problèmes liés à l'après-mine, en particulier hydrauliques, se régleront sur de longues années : il faudra ainsi continuer à pomper l'eau dans les cuvettes d'effondrement, et cela pour l'éternité ! (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
Il me semble par conséquent vain de vouloir conserver Charbonnages de France dans sa structure actuelle, d'autant plus que cet établissement ne s'intéresse qu'au charbon. Or les questions de l'après-mine concernent toutes les substances. Le débat que nous a promis Mme le ministre éclairera ce genre de question.
C'est en ce sens que la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Si je n'ai pas évoqué, dans ma réponse aux orateurs, les problèmes liés à l'après-mine, c'est parce que j'avais le sentiment de m'être déjà très largement exprimée sur le sujet dans mon propos liminaire. C'est dans cet esprit que j'ai accepté la proposition d'un grand débat sur l'après-mine.
M. Jean-Marc Todeschini. Après les élections régionales !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Je ne saurais bien évidemment préjuger des réflexions que votre Haute Assemblée apportera à l'occasion de ce débat.
Pour ce qui concerne les amendements qui vous sont soumis, le Gouvernement n'y est pas favorable, même s'il partage bien entendu la préoccupation de mener à bien la réhabilitation des sites miniers, qu'il s'agisse des mines de charbon, de potasse ou de métaux.
En effet, la meilleure solution pour atteindre ce but n'est pas de confier définitivement cette tâche à des établissements dont les effectifs vont décroître rapidement.
C'est la raison pour laquelle l'Assemblée nationale et le Gouvernement ont souhaité à la fois fixer un délai de quatre ans à Charbonnages de France pour qu'il remplisse au mieux ses obligations à la fin des concessions minières, et prévoir la possibilité d'un transfert des obligations résiduelles à un autre établissement qui pourrait exercer cette compétence à l'échelon national et pour l'ensemble des types de mines.
M. Jean-Marc Todeschini. Avec quels moyens ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. La nature et les missions de cet établissement doivent évidemment faire l'objet d'une large concertation, notamment d'un débat au sein de votre assemblée.
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle, pour explication de vote.
M. Yves Coquelle. L'amendement n° 7 du groupe CRC va exactement dans le même sens que l'amendement n° 10. C'est la raison pour laquelle je me permets d'intervenir maintenant.
Nous approuvons le fait qu'une structure gère l'après-mine qui, comme l'a lui-même indiqué M. le rapporteur, s'étendra sur des décennies. Des moyens considérables devront y être consacrés, si l'on considère l'inventaire des problèmes restant à régler : la remontée des eaux d'exhaure, les problèmes de grisou, de terrils, de friches, de stations de pompage, etc. A cet égard, vous savez que, dans le Nord - Pas-de-Calais, si l'on arrêtait les stations de pompage, une quinzaine de villes seraient totalement inondées, sous trois mètres d'eau ! Tels sont les problèmes considérables qui se posent à nous. Charbonnages de France doit donc prendre des engagements concernant les mines.
La fin des concessions soulève une autre question, madame la ministre. Actuellement, Charbonnages de France essaie d'obtenir des communes des sorties de concession au rabais. Celles-ci sont en effet prêtes à céder leur patrimoine - par exemple des terrils - pour un franc symbolique, mais il figure en toutes lettres dans la clause du contrat que la commune en prend l'entière responsabilité ! Il est donc impossible aux élus de signer ces sorties de concession. L'Etat, qui est tout de même le tuteur de Charbonnages de France, devrait être vigilant sur ce point.
Je ne suis pas du tout certain que le délai de quatre ans permettra de résoudre l'ensemble des problèmes. Par conséquent, au lieu de fixer une date de dissolution de Charbonnages de France que nous ne sommes pas sûrs de pouvoir respecter, prévoyons une structure autre pour la gestion de l'après-mine, quand la question de la sortie des concessions sera réglée.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Coquelle, Mmes Didier et Beaufils, M. Le Cam, Mme Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Après les mots : "concessions minières", supprimer la fin du second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 146 du code minier. »
Cet amendement a déjà été défendu.
La parole est à M. Gérard Longuet, pour explication de vote.
M. Gérard Longuet. Les questions qui ont été soulevées par cette batterie d'amendements, qu'il s'agisse du problème des logements, de celui des retraites ou de la continuité de Charbonnages de France au-delà d'une période de quatre ans, sont parfaitement pertinentes. Il serait malhonnête de dire que ces questions ne méritent pas d'être traitées, c'est justement pour cette raison...
M. Jean-Pierre Masseret. Vous plaisantez !
M. Gérard Longuet. ... qu'elles ne peuvent pas être traitées au détour d'un amendement,...
M. Jean-Pierre Masseret. Vous êtes un comique, monsieur Longuet !
M. Gérard Longuet. ... sans un débat approfondi dans l'ensemble des commissions concernées.
Je voudrais revenir plus précisément sur ces amendements auxquels je suis opposé. Le fait même qu'il y ait un délai de quatre ans - l'intervention de Mme la ministre nous en apporte la certitude - nous donne la garantie qu'à Charbonnages de France succédera un établissement public national « interprofessionnel », ce qui n'était pas le cas de Charbonnages de France. Ce dernier va conduire les missions qui sont les siennes que les exploitants ferrifères ont conduit avec moins de responsabilité, peut-être, et moins d'implication.
Nous avons donc la certitude que, au bout de quatre ans, il y aura un établissement public national inter-mines. J'attends, par conséquent, avec impatience cette période qui permettra de restituer un interlocuteur à des bassins qui, aujourd'hui, n'en ont plus.
M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, pour explication de vote.
M. Jean-Marc Todeschini. J'ai bien compris : tous nos amendements sont très convenables, mais ce n'est jamais le moment de les voter, que ce soit lors du débat sur les risques technologiques, ou aujourd'hui. Le moment, ce sera après les élections...
M. Gérard Longuet. Il y a toujours des élections !
M. Jean-Marc Todeschini. Nous savons bien qu'il se produira une coupure pendant trois ans à partir de l'été 2004. On veut bien débattre de toutes ces questions à la faveur d'un grand débat organisé au Sénat, mais c'est toujours plus tard ! En attendant, les populations ne savent pas exactement à quoi s'en tenir, les habitants de Fontoy, commune à laquelle Mme la ministre a fait allusion, et d'Ottange ne savent pas qui va payer le comblement des sous-sols et la mise en sécurité.
J'ai noté que nos amendements sont jugés très raisonnables, mais qu'ils ne seront pas adoptés aujourd'hui. Les délais sont tellement longs... Nous avons d'ailleurs rencontré les mêmes difficultés sous le gouvernement précédent, que pourtant je soutenais, avec les ministères de l'industrie et des finances. Ce n'est jamais le moment de payer ! Il n'en demeure pas moins que les pauvres sont de plus en plus pauvres.
Nous avons évoqué la question du logement des veuves et des ayants droit, mais il est clair que le parc qui va leur être affecté ne sera pas rénové. Ce n'est jamais le moment, mais ces personnes vivent dans des conditions déplorables. Je reviendrai ultérieurement sur les conditions de vie auxquelles Mme Didier a déjà fait allusion (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-Pierre Masseret. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 11.
(L'article 11 est adopté.)
L'établissement public dénommé « Charbonnages de France » a pour mission l'exécution des obligations des houillères dissoutes en matière d'arrêt des travaux miniers et de mise en sécurité et de réhabilitation des sites d'exploitation. Il contribue également à la reconversion économique des zones minières.
Il prend toutes dispositions qui se rattachent directement ou indirectement à cette mission ainsi que toutes initiatives propres à assurer la préparation de la dévolution de ses biens, droits et obligations. - (Adopté.)
TITRE III
Dispositions diverses
Article 13
A compter de la promulgation de la présente loi, aucun exercice de compensation ne peut plus être effectué sur le fonds de garantie et de compensation créé par la loi n° 51-347 du 20 mars 1951 instituant un fonds de garantie et de compensation pour le service des prestations de chauffage et de logement au personnel retraité des exploitations minières et assimilées.
Chaque exploitation minière ou ardoisière en activité assume la charge financière des prestations de chauffage et de logement de ses propres pensionnés et de leurs conjoints survivants, sauf en cas de décisions de financement de ces prestations par l'Etat.
L'Agence nationale pour la garantie des droits des mineurs verse ou attribue aux pensionnés et conjoints survivants de pensionnés des exploitations minières et ardoisières ayant cessé toute activité les prestations de chauffage et de logement qui leur sont dues et qui ont été mises à la charge du budget de l'Etat par le premier alinéa de l'article 24 de la loi de finances rectificative pour 1970 (n° 70-1283 du 31 décembre 1970). - (Adopté.)
Article 14
Sont abrogés la loi n° 51-347 du 20 mars 1951 précitée et le deuxième alinéa de l'article 24 de la loi de finances rectificative pour 1970 précitée. - (Adopté.)
Article 15
Au premier alinéa de l'article 11 de la loi de finances rectificative pour 1973 (n° 73-1128 du 21 décembre 1973), les mots : « des houillères de bassin » sont remplacés par les mots : « des Charbonnages de France et de leurs filiales ». - (Adopté.)
Article 16
Au septième alinéa (f) de l'article 119-1 du code minier, les mots : « des deuxième et troisième alinéas » sont supprimés. - (Adopté.)
Article 17
Au premier alinéa de l'article 132 du code minier, les mots : « Les ingénieurs et techniciens du service des mines, les ingénieurs du service de conservation des gisements d'hydrocarbures » sont remplacés par les mots : « Les ingénieurs et techniciens compétents en matière de police des mines, les ingénieurs placés auprès du ministre chargé des mines ». - (Adopté.)
L'article 147 du code minier est abrogé.
M. le président. La parole est à Mme Evelyne Didier, sur l'article.
Mme Evelyne Didier. L'article 18 abroge l'article 147 du code minier qui dispose : « Les exploitations de combustibles minéraux solides, autres que la tourbe, existant au 17 mai 1946 qui, en raison de leur intérêt secondaire, ont été exceptées de la nationalisation, sont soumises au contrôle des "Charbonnages de France". »
Selon M. Richard Mallié, rapporteur de ce texte à l'Assemblée nationale, « cette disposition ferait obstacle à toute exploitation future de ces gisements dont l'exploitation pourrait redevenir compétitive, compte tenu de l'évolution des techniques et de celles des marchés énergétiques ». Je m'inquiète !
Par ailleurs, aux termes de l'article 19, « Les gisements non attribués aux Charbonnages de France peuvent donner lieu à l'octroi de titres miniers dans les conditions prévues au livre Ier du présent code ».
S'agit-il ici de donner toute liberté à de futurs exploitants privés qui, demain, ne seraient plus obligés de garantir les droit des mineurs et ne seraient plus tenus par le code minier ? Vous imaginez bien que nous nous élevons d'ores et déjà contre cette éventualité. Quel serait alors le rôle de l'Etat ?
Nous pouvons légitimement nous demander dans quelles conditions ces futures concessions seraient attribuées et exploitées !
Je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir nous éclairer sur ce sujet.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Masseret.
M. Jean-Pierre Masseret. Je tiens à dire que je partage intégralement les propos que vient de tenir Mme Didier.
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. J'ai pris bonne note des préoccupations exprimées par la groupe CRC et le groupe socialiste et je leur promets de répondre à leurs questions.
M. Gérard Longuet. Très bien !
M. le président. Je mets aux voix l'article 18.
(L'article 18 est adopté.)
Le second alinéa de l'article 148 du code minier est ainsi rédigé :
« Les gisements non attribués aux Charbonnages de France peuvent donner lieu à l'octroi de titres miniers dans les conditions prévues au livre Ier du présent code. ». - (Adopté.)
Article 20
Dans le deuxième alinéa de l'article L. 515-7 du code de l'environnement, après les mots : « vingt-cinq ans au moins, », sont insérés les mots : « ou si l'apport de déchets a cessé depuis au moins un an, ». - (Adopté.)
Article 21
L'article 171 du code minier est ainsi rédigé :
« Art. 171. - Des décrets en Conseil d'Etat, pris sur rapport du ministre chargé des mines et du ministre de l'économie et des finances, déterminent les conditions d'application du présent titre, et notamment les statuts des Charbonnages de France et la réglementation applicable à la distribution et à la vente de combustibles minéraux en vue d'une meilleure utilisation de ces combustibles. ». - (Adopté.)
Article 22
La loi n° 81-1135 du 23 décembre 1981 sur l'exploration et l'exploitation des ressources minérales des grands fonds marins est abrogée. - (Adopté.)
Articles additionnels après l'article 22
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul, Raoult et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 22, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Dans la première phrase du dernier alinéa du paragraphe II de l'article 75-2 du code minier, le mot : "soudains" est supprimé. »
L'amendement n° 12, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 22, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Le II de l'article L. 421-17 du code des assurances est ainsi rédigé :
« II. _ L'indemnisation versée par le fonds assure la réparation intégrale des dommages visés au I. Lorsque l'ampleur des dégâts subis par l'immeuble rend impossible la réparation de ces dommages, l'indemnisation prend en compte la reconstruction à neuf de l'immeuble détruit. Si ces dommages font l'objet d'une couverture d'assurance, l'indemnisation versée par le fonds vient en complément de celle qui est due à ce titre. »
L'amendement n° 13, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 22, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article L. 421-17 du code des assurances, il est inséré un nouvel article ainsi rédigé :
« Art. L..... _ Lorsque les affaissements miniers résultant d'une activité minière, présente ou passée, ont pour effet de créer dans les pièces d'un immeuble une pente supérieure à 1 %, l'exploitant ou les personnes qui lui sont substituées financent intégralement les travaux nécessaires pour rétablir une pente inférieure à 1 %. »
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. L'amendement n° 11 tend à supprimer le mot « soudains ». En effet, la notion de soudaineté de l'accident ou de l'affaissement ne s'applique pas à tous les désordres miniers, qui, pour certains d'entre eux, se caractérisent par une cinétique lente, aux conséquences tout aussi désastreuses.
En ce qui concerne l'amendement n° 12, j'ai bien écouté Mme la ministre, qui parlait de sa venue en Lorraine pour rencontrer les sinistrés : elle a dit que ces sinistrés avaient obtenu une indemnisation légale. « Légal » ne veut pas dire « juste ». (Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée, s'exclame.) Elle a indiqué que d'autres indemnisations avaient été accordées. Le conseil régional où je siégeais à l'époque a également apporté sa contribution.
Le problème de la reconstruction à neuf de l'immeuble détruit se pose. Nous souhaitons donc que le code des assurances soit modifié, afin de prendre compte la reconstruction à neuf de l'immeuble.
L'amendement n° 13 concerne un problème de pente. Jusqu'à maintenant, l'exploitant ou les personnes qui lui sont substituées financent les travaux pour remettre à niveau les habitations, mais il faut que la pente ait atteint 3 %. Or, dans une chambre de quatre mètres de long, une pente de 3 % se traduit par une cale de douze centimètres sous le lit.
M. Gérard Longuet. A condition que le lit fasse quatre mètres, ce qui est rare ! Mais vous avez raison sur le fond ! (Sourires.)
M. Jean-Marc Todeschini. Je citerai la commune de Rosbruck, en Moselle ; vous en entendrez certainement parler au cours des futurs débats. Dans cette commune, presque tous les habitants sont obligés de fabriquer des cales pour le moindre appareil ménager, pour le moindre lit, pour la moindre armoire, afin d'essayer tout simplement de vivre droits. Je ne me lancerai pas dans des calculs sur la largeur ou la longueur de la cuisinière à gaz, mais si vous voulez cuisiner à l'horizontale, vous êtes obligés de fabriquer des cales. Cette situation est vraiment insupportable. Comme Evelyne Didier l'a indiqué tout à l'heure, les canalisations explosent, les murs se fissurent.
Il faut donc que l'exploitant, ou les personnes qui lui sont substituées, finance les travaux nécessaires pour rétablir une pente inférieure à 1 %. Ce serait beaucoup plus raisonnable.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Leroy, rapporteur. La commission est défavorable à ces trois amendements.
En effet, tout en partageant les préoccupations qui sont exprimées par leurs auteurs, il nous est difficile, au détour d'un texte qui est limité à un objet bien précis, de modifier à la fois l'ensemble du code minier et le code des assurances. (Mme Evelyne Didier s'exclame.)
Les débats à venir permettront de préciser ces questions. Si nous adoptions aujourd'hui des mesures à la hâte, nous ne ferions que du mauvais travail.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Le Gouvernement n'est pas favorable à ces trois amendements.
S'agissant de l'amendement n° 11, je m'engage à ce que l'interprétation du terme « soudains » ne soit pas prétexte à un désengagement de l'Etat lorsque le processus de ruine d'un immeuble est avéré. Cela doit être bien clair.
MM. Gérard Longuet et Jean-Marc Todeschini. Très bien !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. En ce qui concerne l'amendement n° 12, la réparation de tout le préjudice subi est un principe indemnitaire juste et équitable, qui est d'ailleurs également prévu, vous le savez bien, pour les victimes de catastrophes technologiques. Il est du reste conforme à celui qui est applicable en matière de responsabilité civile.
S'agissant de l'amendement n° 13, je ferai simplement observer qu'un très grand nombre de dossiers ont été réglés. Moins d'une dizaine de cas ont été portés devant les tribunaux et il ne nous paraît pas nécessaire, pour le moment, de légiférer sur ce point.
M. le président. Monsieur Todeschini, compte tenu de l'engagement de Mme la ministre, l'amendement n° 11 est-il maintenu ?
M. Jean-Marc Todeschini. Je le maintiens !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 12.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement n'est pas adopté.)
Division et articles additionnels
M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul, Raoult et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 22, ajouter une division additionnelle ainsi rédigée :
Titre IV.
Dispositions concernant la gestion des risques miniers ».
L'amendement n° 15, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul, Raoult et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 22, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - L'article 93 du code minier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« La gestion de ces installations est assurée par l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers. »
« II. - Après le deuxième alinéa de l'article 92 du même code, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« A défaut d'un transfert aux collectivités ou aux établissements publics de coopération intercommunale, les installations hydrauliques nécessaires à la sécurité sont transférées à l'Etat. L'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers peut en assurer la gestion. »
L'amendement n° 17, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul, Raoult et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 22, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 94 du code minier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les pertes de ressources fiscales consécutives à l'instauration d'un plan de prévention des risques miniers sont compensées aux communes par une dotation de l'Etat. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions d'application de cette disposition. »
L'amendement n° 18, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul, Raoult et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 22, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« L'article 94 du code minier est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Les propriétaires dont les biens immobiliers sont compris dans le périmètre d'un plan de prévention des risques miniers peuvent délaisser leurs biens. Le propriétaire percevra une indemnité calculée suivant les dispositions de l'article 75-3. Le droit de délaissement est financé par l'exploitant dont l'activité est la cause du risque et à défaut par l'Etat. »
L'amendement n° 19, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul, Raoult et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 22, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 94 du code minier, il est inséré un article ainsi rédigé :
« Art. 94-1. - Sur le territoire des communes où il est procédé au pompage des eaux d'exhaure, il ne peut en aucun cas être envisagé de mettre fin aux opérations de pompage avant approbation des plans de prévention des risques miniers. »
L'amendement n° 20, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul, Raoult et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 22, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« Après l'article 96 du code minier, il est inséré un article 97 ainsi rédigé :
« Art. 97. - Lorsque des désordres ou des risques importants susceptibles de mettre en cause la sécurité des biens ou des personnes ou la salubrité publique apparaissent après l'expiration du titre minier, l'autorité administrative peut prescrire au dernier titulaire du titre minier toute mesure pour faire cesser les désordres.
« S'il n'existe pas de mesures techniques raisonnablement envisageables permettant de prévenir ou de faire cesser les désordres, l'autorité administrative peut prescrire au dernier titulaire du titre minier les mesures qu'il estime devoir être réalisées.
« Les équipements nécessaires à la surveillance et à la prévention de ces risques sont transférés à l'Etat dans les mêmes conditions que l'article 93 du présent code.
« En cas de défaillance ou de disparition du dernier titulaire du titre minier, l'ensemble de ses droits et obligations est transféré à l'Etat. »
L'amendement n° 16, présenté par M. Masseret, Mme Printz, MM. Todeschini et Reiner, Mme San Vicente, MM. Sergent et Percheron, Mme Blandin, MM. Dauge, Raoul, Raoult et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :
« Après l'article 22, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - Les travaux que les collectivités territoriales doivent supporter du fait des dégâts miniers et qui ne sont pas éligibles au titre du volet après mines du contrat de plan Etat-région ou de financements européens ou pris en compte par des assurances, sont alors pris en charge à 100 % par l'Etat sous déduction du fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée.
« II. - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du I sont compensées à due concurrence par un relèvement des droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.
M. Jean-Marc Todeschini. La disparition programmée des exploitants nécessite d'assurer la mise en oeuvre des mesures de surveillance des risques miniers, ainsi que les conditions de mise en place des plans de prévention des risques miniers. Tel est l'objet de l'amendement n° 14.
En ce qui concerne l'amendement n° 15, la loi du 30 mars 1999 a créé une Agence de prévention et de surveillance des risques miniers. Cette agence a pour objet de recueillir les archives techniques de l'exploitation et de participer à la préparation des mesures de prévention des risques miniers.
La mise en oeuvre des procédures d'arrêt de travaux et de renonciation des concessions minières met en évidence le besoin de maintenir des installations hydrauliques nécessaires à la sécurité - station de relevage des eaux, par exemple - ou des mesures ou équipements de surveillance. Ces missions sont aujourd'hui assurées par les exploitants, mais, à terme, elles seront, selon le code minier, transférées à l'Etat.
Aussi, les missions de l'Agence de prévention et de surveillance des risques miniers pourraient être élargies à la gestion des équipements de surveillance des risques miniers prévus à l'article 93 du code minier et des installations hydrauliques nécessaires à la sécurité prévue à l'article 92 du code minier.
L'amendement n° 17 se justifie par son texte même.
L'amendement n° 18 traite du droit de délaissement institué par la loi relative aux risques technologiques pour les propriétés sinistrées dans le périmètre d'un plan de prévention des risques technologiques. Il a pour objet de transposer le droit de délaissement aux propriétés comprises dans le périmètre d'un plan de prévention des risques miniers.
S'agissant de l'amendement n° 19, si j'en crois les propos qu'a tenus M. Longuet tout à l'heure, il devrait être approuvé par le Gouvernement et adopté par le Sénat.
M. Longuet s'est félicité que Mme la ministre ait reporté l'ennoyage. Cette décision avait été prise par le gouvernement précédent de Lionel Jospin. Ces reports permettront en effet une mise en sécurité totale des populations.
Finalement, les sénateurs de toutes tendances peuvent voter cet amendement. Sinon, cela risque de n'être qu'un rideau de fumée.
Comme l'indiquait M. Masseret, il y aurait supercherie si une décision de report de plusieurs années de l'ennoyage n'était pas prise. C'est pourquoi nous souhaitons l'inscrire dans la loi.
Pour ce qui est de l'amendement n° 20, la police des mines fixe les compétences de l'Etat lorsque l'activité minière ou ses conséquences génèrent des désordres ou des risques portant atteinte à l'environnement, à la sécurité ou à la salubrité publique. En fin de concession, la police des mines cesse de s'appliquer définitivement. Or des désordres ou des risques peuvent survenir après l'expiration du titre minier. Cet amendement a pour objet de maintenir l'existence d'une police des mines après l'expiration du titre minier.
L'amendement n° 16 vise plus particulièrement les dégâts qui peuvent concerner, au-delà des habitations et des immeubles privés, les bâtiments communaux, les voiries et les réseaux d'assainissement.
Nous sommes face à des communes dont les ressources liées à l'exploitation minière ont beaucoup diminué et qui vont devoir supporter des programmes de travaux très importants. Par cet amendement, nous demandons que les travaux de réparation soient pris en charge pour partie par le contrat de plan Etat-région, les programmes européens ou les compagnies d'assurance, s'ils n'ont pas été couverts par d'autres dispositifs.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Leroy, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'ensemble de ces amendements, mais pour des raisons nuancées.
Les amendements n°s 15 et 17 devraient être retirés dans la mesure où ils n'ont plus lieu d'être en raison des assurances données par Mme la ministre. De surcroît, il ne s'agit pas aujourd'hui d'élaborer une loi sur les risques miniers.
Quant aux autres amendements, l'avis défavorable de la commission mériterait évidemment des argumentaires nuancés. Mais le débat que nous aurons ultérieurement permettra de revenir sur ces questions de manière approfondie.
Il est d'autant plus urgent d'émettre cet avis défavorable que les textes en question concernent la situation très particulière de la Lorraine. Je suis lorrain. Je porte donc tout ce qui a été dit par les différents intervenants et je partage la plupart de leurs inquiétudes. Mais nous ne pouvons pas légiférer au seul bénéfice de la Moselle ou de la Meurthe-et-Moselle. Nous devons mener une réflexion sur l'ensemble des substances minières.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Dans les avis qu'il donne sur les amendements qui sont proposés, le Gouvernement fait un choix. Il est évident qu'un vote non conforme retarderait la mise en vigueur de ce texte, attendu depuis plus de trois ans, d'au moins six mois.
M. Jean-Marc Todeschini. Si vous êtes d'accord, c'est dix jours !
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée. Dans ces conditions, et tout en reconnaissant que certains de ces amendements sont intéressants, le Gouvernement préfère que le texte soit voté conforme.
S'agissant de l'amendement n° 14, il ne nous paraît pas nécessaire d'ajouter une nouvelle division à cette proposition de loi, car cela retarderait d'autant plus son entrée en vigueur.
Pour ce qui est de l'amendement n° 15, il est prématuré de désigner l'Agence dès à présent. J'ai eu l'occasion de dire qu'un rapport venait de m'être remis. Une étude approfondie des propositions qu'il contient sera effectuée.
Je souhaite donc, comme vous l'a proposé M. le rapporteur, le retrait de ces deux amendements.
En ce qui concerne l'amendement n° 17, il pose un problème de recevabilité au titre de l'article 40 de la Constitution.
S'agissant de l'amendement n° 18, il n'est pas possible de prévoir les conséquences financières d'une telle mesure. Le financement de la situation des exploitants miniers ne pourrait être assuré que par l'Etat ou les collectivités locales. Je ne pense donc pas qu'il y ait lieu d'instaurer un droit de délaissement.
Pour ce qui est de l'amendement n° 20, il est de la responsabilité de l'Etat de prescrire toutes les mesures de mise en sécurité nécessaires préalables à l'arrêt des travaux miniers, et ce conformément à l'article 91 du code minier.
Enfin, l'amendement n° 16 me semble redondant, puisque les dispositions que vous souhaitez insérer dans la proposition de loi figurent d'ores et déjà dans le code minier. Elles permettent d'indemniser les dégâts miniers subis par les collectivités territoriales.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 14.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Mme la ministre a invoqué l'article 40 sur l'amendement n° 17. L'article 40 est-il applicable, madame Beaudeau ?
Mme Marie-Claude Beaudeau, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. A mon grand regret, il est applicable, monsieur le président.
M. le président. En conséquence, l'amendement n° 17 n'est pas recevable.
Je mets aux voix l'amendement n° 18.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Jean-Pierre Masseret, pour explication de vote.
M. Jean-Pierre Masseret. Je suis socialiste, vous le savez, et plutôt fier de l'être, car personne ne peut plus douter qu'il y a des différences claires entre la droite et la gauche.
Ces différences sont illustrées par la politique économique et sociale du Gouvernement : baisse des impôts pour quelques-uns, augmentation de nombreuses taxes pour tous, retraites grignotées, service public contesté, crédits de la recherche diminués, postes de l'éducation nationale supprimés, droit du travail contesté...
Mais, face à ce texte insuffisant à bien des égards, je veux en tant que socialiste privilégier en cet instant le droit immédiat des salariés, le droit des mineurs. Par respect et par reconnaissance pour ce qu'ils ont accompli, par respect et par reconnaissance pour ce qu'ils sont, nous voterons donc le texte tel qu'il nous est proposé.
Je constate cependant que l'après-mine fera peser sur les bassins concernés, sur les collectivités territoriales et sur les populations des charges énormes que le Gouvernement ne veut pas pendre en considération aujourd'hui. C'est la grande faiblesse de cette discussion, et nous protestons contre le rejet systématique de nos amendements. Nous prenons néanmoins nos responsabilités : nous allons à l'essentiel pour les mineurs. Mais que le Gouvernement sache bien que nous ne le « lâcherons » pas !
Le financement de l'après-mine est une bataille que nous continuerons à conduire aux côtés des communes et des populations, y compris après les prochaines échéances électorales, celles qui se présentent et celles qui sont à venir, quel que soit le résultat. Le combat en effet durera !
Ce n'est pas d'un débat dont nous avons besoin, et nos collègues présidents de conseil général ou de conseil régional, comme M. Longuet, président du conseil régional de Lorraine, le savent bien. Tous, nous savons ce qu'il convient de faire. Des rapports ont été établis ; ils sont sur nos bureaux ; nous les connaissons. Ce sont des décisions qu'il faut maintenant, c'est-à-dire de l'argent, mais il n'y en a plus dans les caisses de l'Etat puisque favoriser quelques-uns revient à déposséder le plus grand nombre ! (Applaudissements sur les travées socialistes.)
M. le président. La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle. Monsieur le président, madame la ministre, en introduction, j'annonçais que le vote du groupe communiste dépendrait du sort réservé à nos amendements, qui ne visaient qu'à border le texte et à faire en sorte que tous les ayants droit conservent leur statut actuel.
Nos amendements visaient à garantir la gratuité de leur logement, à leur permettre de se soigner gratuitement jusqu'à la fin de leur vie, à les faire bénéficier d'un environnement agréable. Aucun d'entre eux n'a été retenu.
D'ailleurs, en tant que récent parlementaire dans cette assemblée, je suis frappé de constater que tout ce qui vient de la gauche y est catégoriquement rejeté. Depuis deux ans et demi que je siège au Sénat, je ne pense pas avoir réussi à faire adopter un seul amendement. Ce n'est pas un signe de démocratie. Il faut prendre les bonnes idées partout, même quand elles viennent de la gauche, même quand elles viennent du parti communiste.
Comme mon collègue socialiste, je dois dire à Mme la ministre que nous serons vigilants. Dans la région Nord - Pas-de-Calais, les mineurs nous ont laissé, comme ailleurs en France, un capital important que nous devons à leurs luttes revendicatives. Ils ont conquis des acquis sociaux par leur travail et par leurs combats. Ce capital, nous ne laisserons pas le remettre en cause.
Les communes minières sont unies et rassemblées. Nous avons essayé d'évoquer les graves problèmes de l'après-mine qu'elles affrontent ; il nous a été répondu qu'un débat sur l'après-mine allait être organisé, après les prochaines élections, bien sûr, car le sujet est certainement très critique !
Il va falloir investir beaucoup d'argent pour garantir tous les droits évoqués ce matin. Nous attendrons de voir l'Etat à l'oeuvre. Sachez toutefois que les communes minières sont unies et déterminées et que, de toute manière, elles n'auront pas les moyens, financiers et autres, de faire face à la situation si l'Etat n'est pas derrière elles !
Pour l'heure, parce que nous ne voulons pas ralentir la mise en place de ce nouveau dispositif destiné aux ayants droit des mineurs, nous nous abstiendrons lors du vote. (Mme Marie-Claude Beaudeau applaudit.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
M. Yves Coquelle. Le groupe CRC s'abstient.
(La proposition de loi est adoptée.)
M. le président. Mes chers collègues, l'ordre du jour de ce matin étant épuisé, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à treize heures cinq, est reprise à quinze heures quinze, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
DEMANDES D'AUTORISATION
DE MISSIONS D'INFORMATION
M. le président. M. le président du Sénat a été saisi :
- par M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner une mission d'information afin de se rendre en Bulgarie et en Roumanie dans la perspective de l'examen de leur candidature à l'adhésion à l'Union européenne ;
- par M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, d'une demande tendant à obtenir du Sénat l'autorisation de désigner deux missions d'information afin de se rendre : en Chine, afin d'y étudier la situation économique et budgétaire ; en Allemagne et en Pologne, dans la perspective du futur élargissement de l'Union européenne.
Le Sénat sera appelé à statuer sur ces demandes dans les formes fixées par l'article 21 du règlement.
DIFFUSION DE LA CULTURE
SCIENTIFIQUE ET TECHNIQUE
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 22.
M. Jacques Valade attire l'attention de Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies sur la place croissante prise par les sciences et les techniques dans l'évolution du monde et de la société, comme le montrent les débats passionnés suscités par la procréation assistée, les organismes génétiquement modifiés, la thérapie génique, l'énergie nucléaire ou encore le rayonnement électromagnétique de la téléphonie mobile.
La commission des affaires culturelles a adopté, en juillet dernier, les conclusions de la mission d'information qu'elle avait constituée sur la diffusion de la culture scientifique, mission présidée par M. Pierre Laffitte, avec pour rapporteurs M. Ivan Renar et Mme Marie-Christine Blandin.
Dans le rapport qu'elle a publié, elle estime que la diffusion de la culture scientifique et technique doit être érigée en priorité nationale et toucher l'ensemble de la population. Elle invite les pouvoirs publics à mieux coordonner leurs politiques et à soutenir davantage les initiatives locales et régionales, de façon à assurer une diffusion par capillarité sur l'ensemble du territoire de ces connaissances qui sont devenues indispensables à la compréhension du monde d'aujourd'hui.
Il demande à Mme la ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies les suites que le Gouvernement envisage de réserver aux propositions formulées dans ce rapport pour améliorer la diffusion de la culture scientifique et technique.
La parole est à M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles et auteur de la question.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je me réjouis que nous ayons l'occasion de débattre aujourd'hui de la diffusion de la culture scientifique et technique et de poursuivre ensemble la réflexion qu'a lancée la commission des affaires culturelles quand, il y a un peu plus de deux ans, elle a décidé la création d'une mission d'information sur ce sujet.
Cette mission d'information, présidée par Pierre Laffitte et dont les rapporteurs étaient Ivan Renar et Marie-Christine Blandin, a rendu ses conclusions au mois de juillet dernier.
Le fait que le président de cette mission d'information et ses deux corapporteurs appartiennent respectivement à la majorité et à l'opposition de notre assemblée me paraît devoir être souligné : il montre que, sur des question fondamentales pour l'avenir de notre pays, des hommes et des femmes venus d'horizons politiques différents peuvent se retrouver sur des constats partagés et des recommandations communes.
Je n'entrerai pas dans le détail des conclusions que la mission d'information a présentées à la commission des affaires culturelles et que celle-ci a adoptées à l'unanimité : son président et ses deux rapporteurs, qui s'exprimeront dans la suite de notre débat, ne manqueront pas, j'en suis sûr, de vous les présenter avec la force d'une conviction qu'ils ont su nous faire partager.
Je me contenterai, pour ma part, de rappeler les considérations qui ont conduit la commission à réfléchir à la diffusion de la culture scientifique et technique, de résumer les constats auxquels nous sommes parvenus et de vous demander de nous préciser, madame la ministre, l'écho que nos recommandations ont trouvé auprès du Gouvernement.
Notre commission a toujours porté une attention vigilante à la diffusion du savoir, sous toutes ses formes, car elle y voit une condition essentielle du bon fonctionnement de notre démocratie. Ainsi, il y a une dizaine d'années, elle avait déjà, sous l'impulsion d'un de mes illustres prédécesseurs, Maurice Schumann, contribué à la création d'une mission commune d'information relative à l'accès au savoir par la télévision, présidée, déjà, par notre collègue Pierre Laffitte.
Nous sommes, en effet, convaincus que, dans un système de société démocratique où tout citoyen est appelé à participer à la définition des grands choix qui commandent l'avenir du pays, il est indispensable que chacun ait accès à ce corpus de connaissances partagées et d'outils intellectuels qui constituent ce que l'on appelle la « culture générale » et qui permettent de s'orienter dans le monde changeant et complexe qui est le nôtre.
Nous croyons que, sans citoyens éclairés, il n'y a pas de démocratie véritable.
Or nous avons très fortement le sentiment que les sciences et les techniques ne tiennent pas, dans la culture de nos concitoyens, une place à la mesure du rôle qu'elles ont pris dans le monde contemporain.
Aujourd'hui, en effet, les disciplines scientifiques et techniques sont au coeur des grandes problématiques auxquelles nous sommes confrontés. Il n'est pour s'en persuader que d'examiner le rôle qu'elles jouent dans la plupart des grands débats de société qui nous occupent, qu'il s'agisse du réchauffement climatique, de l'utilisation de l'énergie nucléaire, des organismes génétiquement modifiés, des biotechnologies, ou des nombreux bouleversements juridiques, économiques et sociaux induits par le développement de l'Internet et des technologies de l'information. La liste des grands problèmes politiques ou éthiques qui comportent une forte composante scientifique ou technique est longue et ne finit pas de s'allonger.
Mais, dans le même temps, nous constatons que les sciences et techniques continuent d'être considérées par beaucoup comme un champ de connaissances hermétiques, réservées par nature à quelques spécialistes, étrangères à l'homme cultivé et, a fortiori, au commun des mortels.
Cet écart entre le rôle croissant des sciences et la place marginale qui est faite à leur compréhension nous semble lourd de menaces. Une méconnaissance des méthodes, des avancées et des applications des sciences ne peut qu'alimenter, dans le public, des réactions passionnelles et émotionnelles à l'égard de la recherche scientifique et de ses applications technologiques.
Faute de références précises permettant de mieux évaluer les risques et les enjeux, l'opinion pourrait s'abandonner à une attitude de rejet systématique qui bloquerait toute innovation et tout progrès.
Les auditions et les recherches auxquelles a procédé la mission d'information nous ont confirmé que ces craintes étaient fondées. Beaucoup de chercheurs et de professionnels de la médiation scientifique ont le sentiment que les sciences ne sont plus perçues dans l'opinion de manière aussi positive que par le passé. Certains phénomènes concrets renforcent cette appréhension, notamment la diminution du nombre d'étudiants inscrits dans les filières scientifiques. Celle-ci reflète une diminution de l'intérêt des nouvelles générations pour les disciplines scientifiques, considérées comme plus difficiles au regard de filières apparemment plus accessibles.
C'est une tendance inquiétante pour notre appareil de recherche, qui devra remplacer de nombreux départs en retraite dans les prochaines années. Elle l'est aussi pour notre économie, dont le dynamisme repose plus que jamais sur l'innovation, dont les scientifiques et les techniciens sont les acteurs.
Elle l'est, enfin, pour notre société tout entière, qui ne peut, sans dommage, se détourner des sciences.
Ce constat nous a conduits, reprenant les conclusions de notre mission d'information, à recommander au Gouvernement d'ériger la culture scientifique et technique en priorité nationale et d'en assurer la diffusion sur l'ensemble du territoire.
Malgré les atouts sur lesquels elle peut s'appuyer, notre politique de diffusion de la culture scientifique nous a paru, dans sa conduite, très éclatée entre diverses administrations et, dans son application, excessivement concentrée sur Paris et la région parisienne.
Notre mission d'information a noté que les actions conduites par l'Etat en faveur de la culture scientifique relevaient actuellement, pour l'essentiel, de trois ministères : celui de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche, auquel se rattache votre département ministériel, madame la ministre, celui de la culture et de la communication et, enfin, celui de l'industrie.
L'entrée en vigueur de la nouvelle loi organique relative aux lois de finances pourrait, fort opportunément, fournir l'occasion d'une identification plus claire des actions conduites ou projetées par ces différentes administrations, des objectifs qui leur sont assignés, des moyens qui leur sont consacrés et des programmes dans lesquels ces actions ont vocation à s'inscrire. Cette clarification constituerait un préalable utile à la coordination de ces politiques et à la réduction de leur dispersion.
Il nous paraît en outre indispensable que le ministère de la culture ne limite pas son action en ce domaine au seul exercice de la tutelle, au demeurant partagée, qu'il exerce sur la Cité des sciences et de l'industrie. Nous souhaitons qu'il considère la culture scientifique, technique et industrielle comme l'une des composantes de la culture au sens large et qu'il intègre sa diffusion dans les actions qu'il conduit à l'échelon national et à l'échelon régional. Nous ne doutons pas que votre collègue M. Jean-Jacques Aillagon, qui fut l'initiateur de l'« Université de tous les savoirs », accueillera cette proposition avec un grand esprit d'ouverture.
La commission des affaires culturelles du Sénat regrette en outre que les efforts financiers, certes non négligeables, que l'Etat consacre à la culture scientifique ne profitent pour l'essentiel qu'à quelques grands établissements parisiens, dont l'action reste encore trop centrée sur la capitale.
Les travaux de la mission d'information du Sénat ont souligné l'existence d'un important déséquilibre géographique dans les financements de l'Etat. Nous avons, certes, relevé que les subventions versées par votre ministère étaient largement déconcentrées. Cependant, celles-ci représentent à peine le dixième de la subvention inscrite en faveur de la Cité des sciences au budget du ministère de la culture. Quant aux crédits provenant du ministère de l'enseignement supérieur, ils sont absorbés pour l'essentiel par le palais de la Découverte, le Musée des arts et métiers et le Muséum national d'histoire naturelle, certes de très haute qualité, mais parisiens.
Nous ne contestons pas l'intérêt pour la France de disposer dans sa capitale de grandes institutions prestigieuses, dépositaires d'une longue mémoire et de compétences reconnues. Nous souhaitons cependant rappeler que leur mission de diffusion de la culture scientifique est une mission de service public, qu'elle s'étend à l'ensemble du territoire et qu'elle ne saurait, en conséquence, se limiter à l'accueil du public dans l'enceinte de leurs locaux.
Les éléments recueillis par la mission d'information du Sénat ont, en effet, mis en lumière le très grand nombre d'organismes qui participent à l'échelle régionale ou locale à la médiation scientifique : centres de culture scientifique, technique et industrielle, musées d'histoire naturelle en région, mais aussi nombreuses structures associatives reposant, pour l'essentiel, sur le bénévolat et qui exercent, au plus près de la population et des réalités locales, une action en profondeur qui n'est pas suffisamment reconnue et soutenue.
Ces organismes constituent de précieux relais pour la diffusion de la culture scientifique sur l'ensemble du territoire et nous estimons, tout en respectant leur autonomie, que les grands établissements devraient les seconder davantage, en réalisant des expositions à la mesure de leurs capacités d'accueil et de financement, et en mettant à leur disposition, le cas échéant, les médiateurs scientifiques nécessaires.
Dans les recommandations à mi-parcours qu'elle avait adoptées en juin 2002, notre commission avait invité le Gouvernement à rappeler au président de la Cité des sciences, alors en cours de nomination, que la mission qui incombait à cet établissement de « rendre accessible à tous les publics le développement des sciences, des techniques et du savoir-faire industriel » devait s'étendre à tout le territoire et qu'à ce titre il devait participer effectivement à leur diffusion dans les régions. Cet appel n'est pas resté sans réponse de la part du Gouvernement. Nous avons relevé avec satisfaction que la lettre de mission adressée par M. Luc Ferry, M. Jean-Jacques Aillagon et vous-même au nouveau président de la Cité, Jean-François Hébert, le 10 octobre 2002, rappelait l'attachement des trois ministres de tutelle à ce que le rayonnement de l'établissement s'étende aux régions et l'invitait à formuler des propositions concrètes pour renforcer son action territoriale.
M. Jean-François Hébert, que nous avons rencontré lors d'une visite de la Cité des sciences, le 26 février 2003, nous a, depuis, confirmé sa détermination d'oeuvrer en ce sens.
Peut-être pourrez-vous, madame la ministre, nous exposer les premiers résultats de ces nouvelles orientations ?
La commission des affaires culturelles s'est également intéressée de près au rôle essentiel que peuvent jouer en ce domaine le système scolaire dans son ensemble, ainsi que les médias, en particulier la télévision. Même si ces sujets ne relèvent pas directement, je le sais, de votre département ministériel, j'aborderai rapidement les conclusions auxquelles nous sommes parvenus.
Le rôle du système scolaire nous a paru fondamental, car l'école touche, en France, la totalité de la population, quelles que soient ses orgines sociales ou géographiques. En outre, la capacité du système scolaire à susciter l'intérêt et à dispenser les connaissances de base nécessaires conditionne très largement les autres voies de diffusion de la culture scientifique et technique.
Notre mission d'information, s'appuyant sur une évaluation réalisée par l'OCDE - le programme PISA, programme international pour le suivi des actifs -, a relevé que le rendement du système éducatif français était plutôt honorable eu égard aux comparaisons internationales, et nous nous en réjouissons.
Elle s'est, en revanche, alarmée de la diminution relative de l'effectif des étudiants inscrits dans les filières scientifiques, phénomène qui touche non seulement la France mais aussi les autres pays industrialisés. Cette désaffection ne concerne pas l'enseignement secondaire, mais elle est sensible dans l'enseignement supérieur et se concentre sur les premiers cycles universitaires. Ceux-ci ont enregistré, en dix ans, une diminution moyenne de 8 % de leurs effectifs, plus marquée dans certaines filières, puisqu'elle est de 27 % en biologie et de 46 % en physique-chimie.
Il s'agit là d'une évolution extrêmement préoccupante à laquelle votre département ministériel et vous-même, en tant que scientifique, madame la ministre, ne pouvez rester insensibles.
Nous avons exploré différentes pistes possibles pour rendre plus attrayant l'enseignement des sciences à l'école : nous nous sommes intéressés à l'opération « La main à la pâte » défendue par notre prix Nobel, le professeur Charpak, et aux pédagogies qui, dès l'enseignement primaire, favorisent l'observation et l'expérimentation. Nous recommandons aussi une plus grande ouverture sur l'extérieur des établissements scolaires, car nous sommes convaincus du caractère stimulant pour les jeunes élèves, des visites de laboratoires de recherche ou de technopôles, l'expérience personnelle de Pierre Laffitte dans ce domaine illustre tout à fait ce propos.
Enfin, nous suggérons que la mise en place du nouveau système « licence-mastère-doctorat », le LMD, soit mise à profit pour réviser les cursus de l'enseignement supérieur, et en particulier pour les ouvrir à d'autres enseignements que les enseignements majeurs de la discipline considérée. Pourquoi ne pas dispenser des enseignements d'histoire des sciences et de philosophie des sciences aux étudiants des disciplines scientifiques ? En sens inverse, des éléments de culture scientifique ne seraient-ils pas aussi utiles aux étudiants des disciplines littéraires, juridiques ou économiques ?
Il s'agit là de points sur lesquels certains d'entre nous sont déjà intervenus lors du débat d'hier sur l'école, et peut-être pourrez-vous, madame la ministre, nous rappeler l'état de la réflexion du Gouvernement sur ce sujet.
Les médias ont également un rôle essentiel à jouer compte tenu de la place qu'ils tiennent dans l'information de l'opinion.
Malgré les qualités intrinsèques de la radio et de l'Internet, la télévision s'impose encore aujourd'hui comme le vecteur le plus universel. Notre commission a relevé que, d'après un récent sondage de la SOFRES, 62 % des Français interrogés jugeaient insuffisante l'information scientifique à la télévision. Certes, l'analyse des grilles de programme montre que les chaînes diffusent globalement un nombre non négligeable d'émissions scientifiques, mais celles-ci sont presque toujours reléguées sur des plages horaires peu favorables ; les différentes disciplines y sont très inégalement représentées ; enfin, le degré d'exigence de ces émissions est très variable.
Le succès très remarqué de L'Odyssée de l'espèce, réalisée avec l'appui du paléontologue Yves Coppens, montre qu'un documentaire sérieux et exigeant peut être un succès en termes d'audience et qu'il mérite d'être diffusé à une heure de grande écoute.
Il faut tirer les leçons de ce succès et inciter les chaînes de télévision à nouer plus souvent ce type de collaboration fructueuse avec les grands noms de la science ainsi qu'avec les laboratoires de recherche des établissements publics qui dépendent de votre ministère.
L'émergence de nouvelles chaînes thématiques devrait constituer un support de développement pour ces émissions.
C'est sur cette touche, qui se veut optimiste, que je terminerai mon intervention.
Le succès remporté par des initiatives comme l'« Université de tous les savoirs » montre qu'il existe dans notre pays un véritable appétit de connaissances. Il en va de même pour certaines expositions thématiques à base scientifique qui rassemblent enfants et parents, les premiers entraînant souvent les seconds. Nous devons répondre à ce besoin d'information scientifique que nous sentons dans le public et que nous confirment les enquêtes d'opinion.
La commission des affaires culturelles a voulu attirer l'attention du Gouvernement sur ce point. Nous souhaiterions, madame la ministre, que vous nous présentiez les actions que le Gouvernement envisage pour donner à la diffusion de la culture scientifique et technique, en France, la place qui doit aujourd'hui être la sienne.
Il est clair que la préoccupation exprimée à travers la question que j'ai posée au Gouvernement, dont je viens de préciser la motivation, compte tenu des travaux que la commission des affaires culturelles a pu effectuer et qui vont faire l'objet des interventions de mes collègues, s'inscrit dans le contexte plus général de la place de la recherche française dans la compétition internationale.
Madame la ministre, le présent débat a été suscité et organisé il y a plusieurs semaines. Comme vous, nous ne sommes naturellement pas indifférents aux préoccupations exprimées actuellement par les chercheurs français dans le cadre du mouvement « Sauvons la recherche ». La commission des affaires culturelles a pris l'initiative d'organiser des auditions publiques sur le sujet afin de préparer un débat au sein de la Haute Assemblée dans des formes qui seront ultérieurement précisées. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 51 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à M. Lucien Lanier.
M. Lucien Lanier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, dans sa grande sagesse, la commission des affaires culturelles du Sénat a voulu donner l'alerte sur le fait indéniable, et grave, de l'amoindrissement, depuis une dizaine d'années, de l'effort de recherche en France, voire d'une certaine désaffection pour la recherche.
Dès 1993, sous l'impulsion de nos collègues Pierre Laffitte et René Trégouët, une mission d'information réfléchissait sur l'accès au savoir, en particulier par les moyens audiovisuels.
Dans le même esprit, le président de la commission des affaires culturelles, Jacques Valade, a voulu, à bon escient, relancer l'information en l'élargissant aux thèmes, et donc aux problèmes, de la diffusion de la culture scientifique. La mission, présidée par Jacques Laffitte et dont nos collègues Marie-Christine Blandin et Ivan Renar ont été les rapporteurs, a déposé son très estimable et exhaustif rapport en juillet dernier.
Pour qu'il ne se fonde pas en un seul succès d'estime, notre collègue Jacques Valade a voulu relancer le débat par la question orale qui nous réunit aujourd'hui, et qui nous permet, d'une part, de clarifier dans toute sa mesure un constat qui n'est hélas ! que trop évident et, d'autre part, de réfléchir aux conclusions de la commission, qui restent toujours d'une parfaite actualité.
Les rapporteurs préconisent en effet que la diffusion de la culture scientifique et technique soit considérée comme une priorité nationale.
Est-il meilleure illustration de l'« ardente obligation » voulue en son temps par le général de Gaulle, et que vous êtes à même de comprendre mieux que quiconque, madame le ministre, parce que vous en avez bénéficié en tant que chercheur et que vous devez la rétablir en tant que ministre ?
Le constat de la commission est en effet sans fard. Elle décrit une situation aujourd'hui préoccupante, et qui sera demain pathétique si l'on n'y prend garde. Je cite en effet nos deux rapporteurs : « Notre appareil économique verra sa compétitivité compromise, car elle dépend de son aptitude à l'innovation technique... » Une nation se mesurera en nombre d'innovateurs, de brevets déposés, de chercheurs et, si possible, de trouveurs.
Voilà le problème posé clairement. La recherche d'une nation est source d'intelligence, par la réflexion, de morale, s'adressant à tous par les bienfaits de l'innovation, de développement économique, par ses applications dans leur diversité.
Et c'est pourquoi, madame le ministre, nous vous devons un premier remerciement, car vous avez su maintenir un juste équilibre entre ce qu'il est convenu d'appeler la recherche fondamentale et la recherche appliquée. L'une et l'autre sont indissociables ; la seconde est étroitement dépendante des découvertes de la première.
Une des premières tâches de l'éducation est de faire comprendre à tous que la production de brevets rentables n'a rien d'instantané ni de simple. « Eurêka » n'existe plus au fond d'une baignoire, mais implique un long processus qui exige modestie, solidarité et continuité de la recherche, dont les applications techniques iraient s'étiolant, si elles ne s'alimentaient à la recherche fondamentale. Moins spectaculaire, plus fermée, cette alternance d'espoirs et de déceptions est indispensable aussi, dans son essence, pour mûrir et offrir les fruits du développement.
Il faut faire comprendre également que, si les efforts financiers consentis pour la recherche n'aboutissent pas toujours à la création, ils ne sont pas perdus pour autant, car leurs éléments pourront servir dans l'avenir et se rassembler là où on ne les attendait pas dans l'immédiat.
Il convient donc de faire comprendre, et dès le plus jeune âge, la nature même de la recherche scientifique, organisme clef d'une nation, indispensable à son épanouissement et à son avenir. L'un de vos grands prédécesseurs, madame le ministre, Hubert Curien, avait ainsi poussé à l'organisation de la « fête de la Science ».
En effet, la diffusion efficace de la culture scientifique commence par une prise de conscience nationale, susceptible de faire comprendre la loi de l'effort mais aussi la joie d'un travail qui intensifie la personnalité et lui offre un avenir.
C'est en réalité les formes d'accès à la culture scientifique qu'il convient, semble-t-il, de rajeunir, d'adapter à son temps et dans toutes ses différentes étapes.
Cela est vrai pour tous les vecteurs de diffusion de la culture, et d'abord pour notre système scolaire et d'enseignement. Je ne puis, à cet égard, que considérer le bon sens du rapport qui nous meut : « améliorer la présentation des sciences à l'école, de façon à réfuter le sentiment suivant lequel ces matières seraient à la fois arides et difficiles, et à promouvoir la conviction que, si ces études requièrent effectivement une grande constance dans l'effort, elles débouchent sur une véritable joie de connaître et de comprendre ».
On ne saurait mieux dire que la diffusion de la culture scientifique commence par un enseignement adapté, attractif, engageant, mais surtout décloisonné et dont les acteurs sauraient s'ouvrir sur l'extérieur.
La science est par nature diversifiée et s'alimente des multiples apports qui peuvent vivifier des données souvent absconses.
Comme l'indique le rapport, la rénovation de l'enseignement des sciences exige non pas une réforme des programmes, mais plutôt une approche nouvelle pour les mieux faire comprendre et accepter, en les libérant d'un trop grand académisme scolastique.
Cela, bien entendu, ne doit pas nous empêcher de comprendre que toute formation serait vaine si elle ne reposait, dès le plus jeune âge, sur des bases élémentaires, solides fondements de toutes les compréhensions ultérieures, celles d'un enseignement supérieur progressivement plus diversifié et plus finement élaboré pour des étudiants motivés.
Mais l'effort consenti ne serait rien s'il ne reposait que sur la responsabilité des maîtres préposés à l'éducation. Le relais des entreprises privées, par le biais de leurs propres laboratoires de recherche et par la formation qu'ils peuvent dispenser, s'avère indispensable. Il convient de corriger le déséquilibre existant entre le public et le privé, marqué par une collaboration insuffisante, comme si l'Etat était seul responsable de la diffusion des connaissances et de la formation des scientifiques.
Certes, les exceptions encourageantes se multiplient, mais elles ne sont pas assez courageuses encore pour décloisonner des mentalités devenues de plus en plus anachroniques face à la mondialisation de la science et aux indispensables coopérations qu'elle suscite.
Car c'est bien des mentalités qu'il s'agit, et particulièrement de celles des jeunes, dont le divorce semble se confirmer avec les filières scientifiques : certaines ont perdu près de 46 % de leurs effectifs entre 1995 et 2002. Les viviers se dépeuplent au moment même où la relève, d'ici cinq ans, s'avère impérative.
Quelles sont les causes de cette désaffection ? Beaucoup cherchent à les discerner, car elles sont nombreuses. Je citerai, entre autres, les changements des mentalités, qui suivent les transformations de la société.
Consciente de ces évolutions, l'UNESCO envisage une enquête concertée des secteurs éducatifs et scientifiques afin de tenter d'élaborer des solutions ciblées à partir d'une analyse précise de la désaffection pour les études scientifiques, mal commun à plusieurs pays européens. La mise en oeuvre d'une telle résolution permettra en tout cas d'obtenir des données utiles à la recherche de possibles remèdes.
Vous vous engagez dès maintenant dans cette voie, madame le ministre, par un heureux choix des priorités. Ainsi, vos mesures en faveur des jeunes chercheurs, si elles sont encore modestes, marquent une heureuse orientation pour répondre à la crise des vocations.
Il convient d'accroître le nombre et la qualité des bourses offertes, mais surtout - voilà bien l'essentiel - l'attractivité de la condition des chercheurs, sans céder à la facilité des seules concessions matérielles, en recherchant plutôt de meilleures bases psychologiques, intellectuelles et morales.
Il faut faciliter le choix du chercheur, l'aider à trouver un centre de recherche adapté à sa discipline, un laboratoire conforme à sa vocation, où s'affirmera sa compétence, sa confiance, son goût d'un avenir souhaité. Il est indispensable d'éviter l'isolement, l'incertitude du chercheur en lui offrant un déroulement de carrière, en lui faisant partager l'idée que la recherche ne se compare pas à un métier et que, mises à part quelques splendides exceptions, elle n'occupe qu'un moment plus ou moins fécond de la vie d'un être, mais un moment qui permet bien des rebondissements.
Voilà pourquoi nous appelons de nos voeux ce « statut d'enseignant chercheur » à l'élaboration duquel vous vous consacrez, madame le ministre. Pourriez-vous nous dire où elle en est et faire également le point de la rénovation du DEUG scientifique ?
Peut-être, aussi, l'année 2004 verra-t-elle une nouvelle loi d'orientation de la recherche ? Votre action, en effet, qu'on le veuille ou non, est obligatoirement liée à la modernisation des structures qui ont, avec bonheur, fait leur temps, mais qui aujourd'hui, et surtout demain, n'épousent plus leur époque : ce qui, récemment encore, évoluait par période mesurée progresse aujourd'hui avec une rapidité révolutionnaire dans le seul moment de la vie d'un chercheur ou d'un mentor, qui doivent eux-mêmes se tenir à jour, à peine de perdre pied.
Evoluer fait partie de l'ardente obligation et prédispose à la curiosité du lendemain ainsi qu'à une vue d'ensemble et à moyen terme des perspectives de la recherche. Foin donc de l'immobilisme structurel, dont les inconvénients s'accroissent avec le temps ! Les situations acquises qui perdent leur allant quand elles ne sont plus justifiées, le refus du changement ou sa critique systématique, la crainte, surtout, de l'avenir, la peur d'en faire trop, ou pas assez, ou pas du tout, bref, d'être dépassé, méritent que l'on prenne soin de l'humain derrière le scientifique !
Tout entière tournée vers l'avenir, la recherche scientifique doit répondre aux exigences grandissantes de la science, à la complexité accrue des moyens qui lui sont attachés, à la mondialisation des effets qui en découlent.
Rester à niveau, c'est aussi l'espoir d'une solidarité scientifique européenne dont la cohésion accrue pourra tenter de répondre aux défis de demain.
Or, madame le ministre, vos efforts sont insérés dans l'étroitesse : la recherche civile est par essence interministérielle, ce qui entraîne un morcellement du dispositif de recherche ainsi qu'une prolifération des structures surimposées ou juxtaposées des organes de coordination. Tout cela absorbe une part importante de votre autorité et affaiblit l'élan d'une recherche trop disparate parce que trop éparse. Dans un milieu porté par essence à l'individualisme, c'est la solidarité qui en subit les conséquences.
Sans nuire d'aucune façon à l'autorité de chacun des départements ministériels, l'heure est venue de coordonner leurs actions de façon rationnelle. Ce pourrait être la mission d'un ministre de la recherche délégué auprès du Premier ministre capable de proposer les choix les plus urgents, puis les plus prometteurs ; capable de renouer avec la méthode des actions concertées entre les très différents acteurs de la recherche ; capable enfin de définir les voies d'orientation de la recherche en établissant la communauté de l'effort dans la compréhension mutuelle.
Madame le ministre, contrairement à ce qui est trop souvent répété, le problème de la recherche est à l'évidence un problème de moyens. Mais il me semble qu'il est aussi, et peut-être davantage, un problème de talents. La diffusion de la culture scientifique doit les susciter, l'organisation de la recherche peut les révéler.
Le groupe UMP souhaite de tout coeur vous aider dans cette tâche. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.
M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à remercier M. Valade d'avoir pris l'initiative, par sa question orale, de ce débat sur la culture scientifique.
Je voudrais aussi remercier Mme la ministre d'avoir accepté la proposition qui lui a été faite, même si je pense que, pour être totalement loyal, le débat aurait dû voir la participation du ministre de la culture et de la communication et du ministre de l'éducation nationale, qui doivent eux aussi avoir bien des choses à dire sur ce dossier.
M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Tout à fait !
M. Ivan Renar. Cela dit, tout étant dans tout et le reste dans Télémaque (Sourires), je suis persuadé que vous ne ferez pas rougir feu l'évêque de Cambrai, même si les responsabilités que vous allez devoir assumer sont plus collectives. C'est d'autant plus vrai que, sans vouloir tomber dans le mélodrame, la situation est grave. Ce débat tombe donc à point.
Je ferai une photographie rapide du paysage, bien que beaucoup de choses aient déjà été dites à l'instant par M. Valade ou sont formulées dans le rapport de la mission.
Les jeunes se détournent des filières scientifiques, et l'on peut même parler de désaffectation massive. Les chercheurs français se plaignent légitimement de l'insuffisance de leurs moyens. La fuite des cerveaux s'accélère.
Comment accepter de laisser l'éducation scientifique et technique en souffrance ? Sauf à dire que notre pays renonce au progrès, à la raison même et à l'avenir, une telle situation est non seulement préoccupante, mais inacceptable.
C'est pourquoi la commission des affaires culturelles du Sénat a accepté à l'unanimité le titre du rapport que j'ai eu l'honneur de présenter, avec Mme Marie-Christine Blandin, au nom de la mission d'information présidée par M. Pierre Laffitte : La culture scientifique et technique pour tous : une priorité nationale.
La science, la recherche : voilà l'audace de l'homme ! Comment renoncer à cette impétueuse audace alors qu'elle répond à des impératifs incontournables, que ceux-ci soient sociaux, économiques, ou même politiques ? Ce n'est pas seulement pour des raisons électorales que les Américains relancent actuellement un ambitieux plan de conquête de l'espace, générateur par incidence de découvertes qui dépassent le seul domaine spatial !
Dans ce monde lézardé par les sectarismes et la violence, la lutte contre l'illettrisme scientifique est un enjeu plus que jamais crucial pour peser sur les choix et sur les conséquences environnementales, éthiques et sociales qui résultent des avancées scientifiques elles-mêmes.
Dans notre société peuplée d'objets techniques et technologiques toujours plus nombreux, comment concevoir que la culture scientifique puisse être en recul ? N'est-ce pas là un archaïsme indigne d'un pays développé comme la France ?
Promouvoir la place et le rôle de la culture scientifique relève donc du principe de précaution. J'oserai dire que c'est une belle façon de préparer l'à-venir, car, sans mesure allant dans ce sens, le risque est grand d'un pays en régression, à la traîne des pays européens et des autres continents. Cette promotion est même indispensable si l'on examine les mutations techniques auxquelles nos sociétés sont confrontées, qui sont d'une ampleur et d'une force d'innovation parmi les plus grandes qu'ait connues l'histoire humaine.
Avec les autoroutes électroniques de l'information, la révolution numérique, le multimédia et les réalités virtuelles, « l'en-commun des hommes » est affecté dans toutes ses dimensions : mémoire, représentations du monde et imaginaire. L'esprit est touché par les mutations techniques comme le corps est bouleversé par les mutations biotechniques.
Tout cela se développe sous le signe de l'accélération, amenant certains à penser que l'humanité a trouvé son « Sésame ouvre-toi » - ce sont les technophiles - et d'autres à croire que l'humanité a rencontré son désastre - ce sont les technophobes.
Sans vouloir arbitrer un débat myope entre technophobes et technophiles, je ne saurais oublier que la technique pense quelquefois qu'elle peut se passer de la pensée, de même que certains technocrates pensent que la société peut se passer de la science, des savants, de la connaissance, de la culture, des artistes, et qu'un jour, certainement, des ordinateurs feront des films que, sans aucun doute, d'autres ordinateurs iront voir ! (Sourires.)
Au-delà de la boutade, face à ces innovations créées par l'homme, il est nécessaire et urgent de prendre le temps de la maîtrise éthique, esthétique et sociale de ces processus inédits et de dégager aussi, pourvu que l'homme soit au centre de tout, de nouvelles possibilités d'émancipation générale et de libération de chaque individu. Et moi qui suis de parti pris - je ne le cache jamais -, nourri de la tradition des Lumières, celle qui a fondé les principes de la République, je pense à Condorcet : « Il n'y a pas de liberté pour l'ignorant. » Ce grand mot phosphorescent de la République pourrait utilement rejoindre le tryptique « Liberté-Egalité-Fraternité » au fronton de nos établissements publics. Du pain, des livres et des nouvelles technologies, en quelque sorte... (Sourires.)
On nous dit trop souvent : cela coûte cher. Certains comptables supérieurs, arrogants et glacés, parlent toujours du coût de la culture - mais se gardent bien de se poser la question du coût de l'absence de culture !
Il faudra bien un jour que l'on sorte de cet aspect de la pensée unique selon lequel « il est fatal que la culture soit toujours traitée après » et la culture scientifique encore après, alors que l'on assiste à une demande croissante de culture scientifique de la part des citoyens, comme l'attestent le succès de la Science en fête et de l'Université de tous les savoirs ainsi que la fréquentation de nos établissements de culture scientifique.
En tant qu'élu, je le constate : si l'Etat hésite, on voit vite les collectivités bégayer. Les soustractions d'en haut encouragent les soustractions d'en bas.
Cela dit, unir dans un même souci le culturel, la connaissance, l'économique, le social, les savoirs comme les « savoir-faire », n'est-ce pas là une bonne façon, à notre époque, de considérer l'homme dans toute sa dimension ?
On nous pose parfois la question : cette démarche n'est-elle pas trop ambitieuse ? Mais pourquoi les habitants de notre pays n'auraient-ils pas droit au meilleur de ce qu'est capable de créer l'homme, dans le domaine des arts comme dans celui des sciences ou de la médecine ?
« Soyons élitaires pour tous », pour reprendre la belle expression d'Antoine Vitez. Notre problème est de répondre aux besoins non pas seulement matériels, mais aussi intellectuels et moraux de nos concitoyens : la culture scientifique n'est pas un supplément d'âme ni une décoration que l'on porte à la boutonnière.
Dès lors, comment ne pas dire un mot des coups portés à l'investissement en matière grise dans notre pays ? Après la baisse concomitante et inédite des budgets de la culture, de l'éducation et de la recherche, voilà qu'est remis en cause le régime des intermittents du spectacle, dans une logique destructrice de tout ce qui touche au développement des capacités humaines. En témoigne également l'absence d'ambition de la politique scientifique - malgré vos efforts, madame la ministre -, marquée par un recrutement encore en baisse des chercheurs et la confiscation des moyens. Que ceux-ci soient aussi loin d'être à la hauteur des enjeux de notre temps compromet gravement l'avenir de notre pays.
Or, on le sait bien, quand le service public recule, « c'est le marché sans conscience ni miséricorde qui avance », pour reprendre la belle formule d'Octavio Paz, prix Nobel de la paix.
Reconnaître le rôle irremplaçable de la culture et de la création dans la société reste un combat. L'utilité sociale, la fonction sociale de l'art, des artistes, des scientifiques, des chercheurs, voilà ce qui cogne à la vitre de notre pays.
La question qui, en fait, est fondamentale, cruciale, est de savoir si la société, en ce début de siècle, est prête à accueillir les avancées scientifiques, à se les approprier, à les transformer en force de réflexion. Car, sans idéaliser des lendemains numériques qui chanteraient, la culture, et par conséquent la culture scientifique, est bien au centre de la vie ; elle est aussi une réponse de civilisation et la condition même de notre civilisation.
Si j'avais un message à délivrer cet après-midi, je dirais : « N'ayons pas peur de la création, du neuf, de l'invention, de l'imagination ! Attention à la rouille historique : les savants et les artistes travaillent avec des mains d'avenir ! »
Nous avons besoin d'invention : « J'invente donc je suis. », a écrit le poète. Comment vivre avec son temps sans penser au futur et sans, pour autant, insulter le passé ? Etre un héritier au sens fort du terme, n'est-ce pas préserver et faire fructifier l'acquis, en faisant pour cela hardiment appel à l'innovation ? N'est-ce pas, en quelque sorte, se souvenir de l'avenir ?
Soit dit entre nous, la question : « Est-ce utile ? » n'est pas une vraie question, parce que le mot « utile », avec quelques lettres de plus, devient « utilitaire », « utilitariste », et aussi « utilisé ». Or c'est à une autre profondeur qu'intervient la fonction irremplaçable de la culture scientifique.
Ceux qui créent, inventent, découvrent et, par là même, nous interpellent, appartiennent à l'espèce des dérangeurs, des semeurs de désordre, comme disent nos amis physiciens, au sens thermodynamique du terme, rassurez-vous, madame la ministre ! (Sourires.)
L'histoire le prouve : l'art, la recherche et la vie progressent par dissonances, et bien imprudents seraient ceux qui bouderaient tous les apports de la création, d'où qu'elle vienne.
J'aime à relire André Malraux : « La création est un domaine de rigueur tout nourri d'aventure. Ayez pitié de nous qui vivons cette longue querelle de l'ordre et de l'aventure ! »
La culture scientifique s'impose en raison même de l'évolution en accéléré de la science. Sa démocratisation est plus que jamais un enjeu déterminant. Il importe de donner à tous et à chacun les clés nécessaires à l'appréhension de notre monde de plus en plus complexe. Il s'agit moins de « vulgariser » la science que, au contraire, de lui rendre ses lettres de noblesse, tout en la démythifiant et en la désacralisant.
En effet, chacun, fût-ce à son corps défendant, est concerné dans son quotidien et son mode de vie : « mal-bouffe », qualité de l'eau, écologie, santé, manipulations génétiques, réchauffement de la planète, etc. La science constitue d'ailleurs, à cet égard, un outil indispensable, y compris pour déjouer les méfaits de la science !
Cet outil est d'autant plus nécessaire que l'on assiste aussi, à notre époque, à une montée en puissance de l'irrationnel, liée paradoxalement aux évolutions rapides et inédites de la science même. Cette irrationalité engendre peurs, préjugés, prolifération des sectes... On est loin de souffrir d'un excès en matière de culture scientifique, bien au contraire, et il est toujours urgent et prioritaire de lutter contre les sophistes et autres gourous de tout poil !
On mesure toute la nécessité de démocratiser l'accès à la culture scientifique quand on prend conscience qu'elle est aussi un enjeu majeur pour la démocratie elle-même. Il n'y a pas de démocratie sans généralisation et partage des savoirs. Il s'agit ni plus ni moins de permettre que chaque citoyen puisse, en connaissance de cause, peser sur les choix scientifiques qui dessineront le monde de demain, savoir faire la différence entre les nouveaux scientifiques et les nouveaux sorciers de la société moderne. Vulgarisation et vulgarité ne sont pas une même chose.
La culture scientifique doit faire pleinement partie de la culture générale et devenir une priorité sur l'ensemble du territoire national, les crédits de la diffusion de la culture scientifique profitant pour l'essentiel, actuellement, à Paris et à sa région. Alors que l'on n'a jamais autant parlé qu'aujourd'hui de décentralisation, comment accepter une telle situation ? Certes, votre ministère, madame, est celui qui répartit le mieux ses crédits sur l'ensemble du territoire national, mais le problème tient, en ce qui le concerne, à l'insuffisance de ceux-ci.
En ce sens, développer la culture scientifique et, par conséquent, la compréhension de ses enjeux, c'est aussi développer la citoyenneté, au service d'une éthique à construire le plus largement possible. Il n'y aura jamais trop de sentinelles sur la ligne de front de l'obscurantisme ! Chaque avancée scientifique, sur le plan biotechnologique par exemple, apporte des réponses, mais soulève également de multiples questions en matière d'éthique, de philosophie, de rapport à la vie, à l'environnement, à l'autre.
Il s'agit de passer du petit cercle des connaisseurs au grand cercle des connaisseurs. En dehors de l'action des musées et centres de culture scientifique et des efforts de milliers de véritables militants de la culture scientifique, deux vecteurs me paraissent déterminants pour développer la culture scientifique : l'école et la télévision. Il n'est nul besoin de faire la démonstration que l'une comme l'autre pourraient engendrer une réelle appétence pour la science et susciter les vocations qui font défaut aujourd'hui. Parce que tout le monde regarde la télé, et ce de plus en plus longuement, il est indispensable de renforcer la place de la culture scientifique sur le petit écran.
Le succès de la fiction l'Odyssée de l'espèce, réalisée avec l'appui du paléontologue Yves Coppens, y invite. Produisons en masse des films de culture scientifique et diffusons-les à des heures de grande audience !
En ce qui concerne l'école, j'ai dit hier à M. Ferry ce que je pensais de la tristesse de la situation de marginalisation, pour ne pas dire de déshérence, non pas tant des enseignements que de la culture scientifique elle-même, s'agissant en particulier du contact vivifiant avec les savants et les chercheurs, trop souvent absents de l'école parce que l'on ne fait pas appel à eux.
Les arguments et les faits tirés de l'actualité ne manquent pourtant pas pour donner raison à toutes celles et à tous ceux qui sont déterminés à lutter contre l'illettrisme scientifique afin que chacun puisse peser les conséquences éthiques et morales qui découlent des avancées scientifiques. Autrement dit, il s'agit ici du droit de savoir pour disposer du pouvoir de décider : il faut « repolitiser la science » au meilleur sens du terme, afin qu'elle retrouve sa place au coeur de la cité, dans le débat civique et politique.
Cela est d'autant plus nécessaire que, à tort ou à raison, la science fait aujourd'hui de plus en plus peur et suscite la méfiance, alors même qu'elle a bénéficié, pendant plusieurs décennies, d'une aura très positive, étant étroitement liée au progrès de nos sociétés et, en quelque sorte, au bonheur.
C'est pourquoi il est urgent de promouvoir une science « nouvelle » qui cherche à « réenchanter » le monde. Les universités, les chercheurs, les étudiants, la collaboration et la coopération des centres et musées de culture scientifique, ainsi que de nombreuses structures associatives, ont vocation à susciter et à fédérer les actions dans ce sens.
Puisque l'homme a déjà été chassé du paradis, il ne court plus de risque à goûter toujours davantage aux fruits de l'arbre de la connaissance, qui permettent de construire un monde du meilleur, contre ceux qui prônent un monde du pire.
A cet égard, il s'agit bien de promouvoir une action en profondeur de sensibilisation à la science, mais aussi d'expérimentation du type « La Main à la pâte », au plus près des populations.
Comme le dit le proverbe chinois, « plutôt que de fulminer contre les ténèbres, il vaut mieux allumer une petite lumière », surtout si cette lumière est celle de la culture, en particulier scientifique, donc celle de la liberté. En effet, la culture, et donc la culture scientifique, nous rappelle en permanence que nous faisons partie d'une communauté qui se nomme l'humanité. C'est une question éminemment politique, au meilleur sens du terme : il s'agit bien ici de la politique qui fait que l'on assume son destin au lieu de le subir.
La science a sa place au coeur de la culture de notre temps. Comment prétendre aujourd'hui être « cultivé » si l'on ne possède pas un minimum de culture scientifique ?
Mais à tous, à commencer par vous, madame la ministre, je dis qu'il y a urgence, car, comme dit le poète : « Le temps d'apprendre à vivre, il est déjà trop tard. » (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.
M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, M. Jacques Valade, que je remercie d'avoir posé cette question orale avec débat, a déjà brillamment présenté la problématique sociale, culturelle et économique qui a été étudiée dans le rapport d'information du Sénat sur la diffusion de la culture scientifique. Mon collègue et ami Ivan Renar a évoqué les conclusions de ce dernier, qui se trouvent au coeur de notre débat. Je sais, madame la ministre, que vous-même et vos services en êtes convaincus.
Certaines des réflexions que nous avons formulées ont d'ailleurs d'ores et déjà produit quelques effets. Par exemple, avec l'aide d'Electricité de France, une exposition itinérante intitulée « Qu'y a-t-il derrière la prise ? » a été organisée par la Cité des sciences. Elle se trouve actuellement à la fondation Sophia-Antipolis, où nous sommes obligés de limiter le temps imparti aux classes des collèges qui la visitent l'une après l'autre. Nous faisons face, en effet, à un véritable embouteillage ! Les élèves se pressent pour comprendre les mystères de l'électricité. Ce constat confirme le grand « appétit » du public, en particulier des jeunes, pour la culture scientifique, technique et industrielle.
Je sais que vous réfléchissez, madame la ministre, à la mise en oeuvre des suggestions émanant du Sénat et de divers publics que vous avez désiré rencontrer, en particulier au Futuroscope de Poitiers, où nous étions ensemble, en attendant votre visite, très attendue, à Sophia-Antipolis ! A cette occasion, nous reparlerons, notamment, de la nécessité d'allier l'esprit de découverte à l'esprit d'innovation, ce qui correspond tout à fait aux objectifs que vous avez brillamment exposés avec votre collègue Nicole Fontaine lors d'une intervention relative au plan pour l'innovation.
Ces objectifs, vous les avez inscrits pour partie dans votre action à l'occasion de l'élaboration de la loi de finances de 2004, malgré les difficultés que chacun connaît. Nous espérons tous que vous les atteindrez dans une très large mesure, comme le laissent augurer la dernière initiative et le dernier discours du Président de la République sur ce sujet. Préparons-nous donc en vue de l'examen du projet de budget pour 2005, préparons-nous éventuellement à construire une loi de programmation pour la recherche pour la période 2005-2008, de façon que notre pays retrouve véritablement la dynamique qui avait été insufflée à la fin de la IVe République et, surtout, par le général de Gaulle, une dynamique de projets à long terme, lesquels sont indispensables dans le domaine scientifique et dans le contexte de mondialisation de l'économie que nous connaissons.
A cet égard, l'Europe ne pourra maintenir sa place dans le monde qu'au prix d'un effort massif en matière d'innovation. Vous savez, madame la ministre, que nous menons une croisade en vue d'obtenir que soit contracté un emprunt de 150 milliards d'euros par la Banque européenne d'investissement, à la mesure des objectifs arrêtés par les chefs d'Etat de l'Union européenne à Lisbonne, qu'il convient d'atteindre le plus rapidement possible.
Allier l'esprit de découverte, la joie de connaître, chantée par Pierre Ternier, ce jeune poète issu du corps des Mines, au plaisir de créer des richesses et des emplois par l'innovation, voilà ce qui me paraît tout à fait fondamental !
Il se trouve que les travaux au Grand Palais vont obliger le palais de la Découverte à procéder à quelques aménagements de ses activités. Le rapport de la mission d'information sur la diffusion de la culture scientifique a souligné la qualité des liens unissant les équipes du palais de la Découverte aux centres de diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle de province.
Peut-être est-ce l'occasion, pour une partie de ces équipes, de participer au projet de création d'une sorte de palais de la Découverte et de l'innovation près de Sophia-Antipolis, sous la forme d'un organisme mixte, à la fois public et privé, qui associerait des partenaires tant français qu'étrangers, tels que des instituts de recherche, des établissements d'enseignement supérieur, des associations, des fondations, à de jeunes entreprises innovantes, aux directions de la prospective et de la recherche de grands groupes.
La vocation d'un tel centre serait de présenter toute une série d'opérations, notamment « La Main à la pâte » et ses fameuses mallettes, ainsi qu'une rétrospective des publications de l'« Université de tous les savoirs », expérience copiée dans le monde entier. Des expositions, des cycles de formation à l'entreprenariat innovant et des présentations d'innovations réalisées ou en voie de réalisation y seraient également organisés.
En outre, avec éventuellement l'appui du Gouvernement, des collectivités, de la société civile et, bien sûr, des industriels, des prix annuels de l'innovation pourraient être décernés, à l'échelon non seulement national, mais aussi euroméditerranéen, Sophia-Antipolis étant, par structure, très internationale. Certes, ces prix n'auraient pas le prestige des prix Nobel, mais il faut un début à tout. Si nous ne nous engageons pas dans cette voie, notre pays ne se dotera jamais de l'équivalent de la célèbre académie suédoise. Pourquoi ne pas l'instituer dans cette partie de la France située à la charnière entre l'Europe et le monde méditerranéen ?
Par ailleurs, en s'impliquant dans une mise en réseau, notamment par voie de télévision interactive, sur l'Internet, de l'ensemble des centres de diffusion de la culture scientifique et technique, ce nouvel établissement pourrait alimenter une muséographie moderne dans ses domaines de spécialité et contribuer à la création d'une cinémathèque de l'innovation, avec la participation de France Télévision, plus particulièrement de La Cinq, dont c'est la vocation, ainsi que de divers organismes de télévision éducative.
Enfin, le palais de la Découverte et de l'innovation de Sophia-Antipolis pourrait s'associer aux cités des sciences de Tunis et de Naples, par exemple. Nous pourrions confronter les réalités françaises à celles de Munich ou de Barcelone. Le centre Nausicaa serait lui aussi susceptible de s'insérer dans ce maillage interactif, fortement uni par des réseaux de communication de grande capacité, partout maintenant accessibles. Il conviendrait également, bien entendu, de nouer des relations avec les musées d'Amérique ou d'Asie, qui, parfois, font preuve de dynamisme, bien que, pour l'heure, les institutions européennes me semblent disposer encore d'une certaine avance du point de vue pédagogique.
La mise en oeuvre d'un tel projet ferait bénéficier la recherche d'une meilleure compréhension par le public. Or notre société doit retrouver la confiance dans le progrès qu'elle a quelque peu perdue. Elle doit se tourner vers le progrès avec dynamisme, avoir la volonté d'assurer un développement durable grâce à lui. Seule une utilisation intelligente de la science permettra d'atteindre cet objectif, au profit de notre jeunesse et de notre population tout entière.
A cet égard, une démocratie qui aurait perdu l'espoir, qui n'aurait plus ni vitalité ni enthousiasme serait menacée. Certes, la création d'un palais de la découverte et de l'innovation ne peut suffire à résoudre tous les problèmes, mais lorsqu'il sera animé par l'ensemble des forces vives de notre pays, publiques ou privées, il sera un excellent outil, qui nous permettra de retrouver la dynamique que j'évoquais. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, lorsque M. Pierre Laffitte a pris l'initiative d'instituer une mission d'information en vue d'étudier la diffusion de la culture scientifique, il a répondu à une préoccupation des sénateurs de la commission des affaires culturelles et du président de celle-ci, M. Jacques Valade. Nous avons pu constater, sur ce sujet, l'existence de nombreux points de convergence en termes de diagnostic et d'aspirations.
De la lutte contre l'obscurantisme aux fondations de recherche-développement, de l'école à L'Odyssée de l'espèce, des centres de culture scientifique, technique et industrielle au Palais de la découverte, nos investigations ont révélé l'ampleur des enjeux, qui est encore plus grande que nous ne le soupçonnions.
Les orateurs qui m'ont précédée ont évoqué le secteur audiovisuel et, surtout, les dégâts, en matière de compétitivité, que nous ne manquerions pas de subir si nous persistions à laisser en friche le champ de la culture scientifique.
Pour ma part, je commencerai par établir un état des lieux.
Si quatre ministères au moins subventionnent des actions ou des institutions, un simple regard sur l'aménagement du territoire révèle une injustice scandaleuse. Pour avoir accès à un lieu équipé, à des médiateurs rémunérés, il vaut mieux vivre en Ile-de-France, et surtout à Paris. Pour les autres, des miettes, difficilement obtenues par des collectivités territoriales, âprement négociées en échange d'un financement local. Ce qui semble un dû dans la capitale reste un luxe ou un privilège ailleurs.
En ce qui concerne le ministère chargé de l'enseignement supérieur, ce sont environ 30 millions d'euros qui sont dépensés pour 11 millions de Franciliens, contre seulement 20 millions d'euros pour les 48 millions de Français qui vivent hors de l'Ile-de-France.
En ce qui concerne le ministère de la culture, quelque 86 millions d'euros sont affectés à la Cité des sciences ; les autres établissements sont négligés.
En ce qui concerne le ministère de la recherche, l'engagement financier est modeste. Néanmoins, une gestion déconcentrée permet de financer, à hauteur d'environ 8 millions d'euros, des actions de proximité harmonieusement réparties.
Il ne serait certes pas juste de refuser à une capitale des équipements dignes de son statut, et nous ne souhaitons pas fragiliser le travail exemplaire d'institutions historiques comme le Palais de la découverte, le Muséum d'histoire naturelle ou le Musée des arts et métiers. Nous en appelons simplement à la justice. Il ne peut y avoir deux vitesses dans l'accès au savoir, surtout quand l'argent de tous sert à financer les équipements de quelques-uns.
Les activités bien réparties, comme la Fête de la science, les projets d'action éducative, quelques actions en contrats de plan Etat-région ou les CCSTI - centres de culture scientifique, technique et industrielle - et des muséums qui tirent parfois le diable par la queue nous sont indispensables, mais ne nous suffisent pas.
Certes, un établissement comme la Cité des sciences et de l'industrie affiche encore 2,5 millions de visiteurs et une succession de brillantes expositions mises en scène grâce à un millier de salariés, mais quelle est l'accessibilité à ce savoir pour un jeune de Maubeuge ou d'Arles ?
Et comment ne pas s'étonner qu'avec tant d'argent l'exposition Climax ait encore besoin de Total, de Peugeot et du CEA, le Commissariat à l'énergie atomique, pour définir l'avenir de la planète. D'ailleurs, la première salle de cette exposition diffuse un étrange cocktail de données vérifiées - température, taux de CO2 - et de solutions techniques ubuesques, se refusant à parler de l'humanité, des plus vulnérables au Sud et de nos dégâts actuels, sinon pour les présenter comme anecdotiques et réversibles.
Mais revenons aux injustices : aller à Paris, fût-ce avec son lycée, payer l'entrée, fût-ce à tarif réduit, a un coût qui rend le déplacement exceptionnel et hors de portée d'une majorité d'élèves.
Or, pour l'instant, malgré une lettre de mission en ce sens, l'heure n'est pas encore à la production d'expositions modulables, qui seraient transportables et utilisables sur tout le territoire. L'appui aux petites structures, sans hégémonie, avec un véritable souci d'écoute de leurs besoins et la mise à disposition de moyens logistiques, voire humains, est une piste indispensable.
A l'injustice territoriale d'investissement correspond l'injustice territoriale de soutien à l'émergence et au fonctionnement.
J'ai vécu, comme présidente de la région Nord - Pas-de-Calais, l'enthousiasme de la naissance d'un forum des sciences, concrétisation du brillant travail d'une association, Alias. Je cite cet exemple, car beaucoup ont vécu des situations analogues dans d'autres régions.
Chacun s'engageait, la ville, la région et l'Etat, sur un projet ambitieux. Puis l'Etat n'a pas concrétisé. Et non content de nous mettre en difficulté, il a accumulé toutes les démarches sourcilleuses, faisant régner dans la structure un climat délétère : trésorier-payeur contestant le statut, DRAC - direction régionale des affaires culturelles - proposant de licencier pour boucler le budget, préfet peu zélé pour solliciter les fonds européens.
Nous en étions arrivés à une situation inacceptable : le budget amputé de la juste contribution de l'Etat permettait la vie de l'établissement, mais ni la création, ni la diffusion dans la région.
Et faute d'argent public, on voyait venir EDF pour le nucléaire ou Avantis pour les OGM, mais sans autre participation. Si les contributions, voire les positions militantes, des groupes privés ont toute leur place - les centres sont aussi de culture industrielle -, elles ne sauraient remplir l'espace par manque d'argent public, appauvrir la liberté par manque de diversité d'approche, confondre l'industrie et tous ses savoirs avec l'entreprise et ses intérêts particuliers, dont le premier est quand même de vendre.
Alors, les collectivités ont versé encore plus. Et ce n'est pas là notre conception de la décentralisation. Celle-ci ne saurait se résumer au non-respect des promesses de l'Etat et à son désengagement.
Non, la culture scientifique, loin de Paris, n'est pas une sinécure.
Pourtant, le talent existe : nous avons rencontré, par exemple, Nausicaa à Boulogne-sur-Mer.
Nous l'avons rencontré auprès des animateurs de CCSTI. Ils veulent être mieux épaulés, mieux reconnus, disposer de facilités d'accès aux lieux de diffusion, et de facilités pour leur mise en réseau.
Le colloque du 11 septembre 2002 a révélé l'incroyable foisonnement d'initiatives et de médiateurs passionnés et vertueux de la culture scientifique.
Il ne se passe d'ailleurs pas une semaine sans que telle ou telle structure aux actions innovantes et remarquables nous reproche de l'avoir oubliée dans les auditions ou dans les invitations, tant le fourmillement est méconnu.
M. Pierre Laffitte. C'est vrai !
Mme Marie-Christine Blandin. Ce débat lui-même sèmera des frustrations : citerai-je l'énergie des « Petits Débrouillards », le dévouement des maîtres d'école « Freinet », la modernité sur Internet de « Télé-savoirs », la convivialité du « Bar des sciences », l'engagement des « Foyers ruraux » ? J'en oublie forcément et je me fais, de nouveau, des ennemis ! (Sourires.)
Je voudrais vous faire partager la tristesse de ce bénévole astronome qui, après avoir fait briller les yeux de toute la salle en expliquant, lors du colloque, ce qu'il faisait, a conclu : « Dans les ministères, ils ne savent même pas que tout cela se fait, que cela draine des milliers de visiteurs et, quand cela s'arrêtera, quand je serai mort, ils ne s'en rendront même pas compte ! (Nouveaux sourires.)
Voilà, mesdames, messieurs, ce qui blesse et ce qui fâche, à savoir non seulement l'injustice territoriale en matière de moyens, mais le manque de reconnaissance pour tout ce savoir-faire ingénieux et enthousiaste au service du plaisir de comprendre et de l'intérêt public qui mériterait d'être mieux recensé.
Nous avons besoin d'une évaluation globale, et par ministère, de vos engagements. Il faut que vous identifiez ce qui se fait et les objectifs que vous vous fixez. J'y reviendrai, nous ne nous satisfaisons pas des limites que se donne le ministère de la culture en la matière.
On ne saurait oublier le lieu, par excellence, de la formation - dont la formation scientifique - qu'est l'école. Contrairement à certaines idées reçues, une étude internationale sur l'aptitude des jeunes à exploiter leurs connaissances face aux défis de la vie révèle une performance française un peu supérieure à la moyenne pour ce qui est des mathématiques, et une place honorable en matière de culture scientifique.
Mais les faits sont là : moins 27 % d'inscriptions en DEUG de biologie et moins 46 % en physique-chimie ! Ces chiffres datent d'il y a deux ans, mais la tendance ne s'est pas inversée.
Si le bac S ou les classes préparatoires attirent encore, les motivations sont plus de l'ordre de la sélection et de l'excellence que de l'amour des sciences.
La situation est si préoccupante que l'on prévoit une pénurie d'enseignants scientifiques dans les années à venir.
Les Français aiment leurs chercheurs, ils considèrent que ce métier est « attirant », « valorisant socialement », « ouvert sur le monde », mais quand on demande aux jeunes quel regard ils portent sur les études scientifiques, 67 % d'entre eux estiment que les cours sont « non attrayants » et 88 % pensent que les matières sont « trop difficiles ».
Après avoir dressé ce constat inquiétant du mépris des enjeux, mais qui n'est pas pessimiste, car le potentiel existe, tout comme existe la volonté sur le terrain, notre mission a choisi de qualifier la culture scientifique pour tous de nécessaire « priorité nationale ».
Il faut réveiller le désir de sciences à l'école et familiariser les enfants avec cette matière dès leur plus jeune âge. Pour que le toucher, l'observation, la question, la suggestion soient vraiment des instants agréables et féconds de l'apprentissage, les maîtres doivent être sensibilisés, aidés et outillés dès leur formation. Beaucoup viennent de filières littéraires et ont besoin d'appui dans les instituts universitaires de formation des maîtres, les IUFM. Tous ceux qui en ont bénéficié disent combien la classe en a profité, non seulement pour l'éveil à la science, mais aussi comme support motivant pour les autres matières.
Certains disent, sur le sujet, que le collège est ennuyeux et que le lycée est rébarbatif. La généralisation est abusive mais, avant de penser à réformer en profondeur les programmes, nous devons parler d'approches, de méthodes et de conditions de travail.
Nous préconisons les regards croisés et une transversalité accrue. L'histoire des sciences n'est pas une matière à part, elle est la science aussi. De même, nous prônons l'ouverture sur l'extérieur : des stages des enseignants en milieu de recherche, des visites de laboratoires par les élèves, la découverte des autres métiers de la sciences, tels les ingénieurs.
Arrivée à ce point des suggestions, je dois faire un plaidoyer en faveur des enseignants. Le carcan administratif et le poids des règles, des délais et des risques sont tels que le dynamisme d'un professeur n'a qu'une alternative : le renoncement ou la désobéissance.
M. Ivan Renar. Absolument !
Mme Marie-Christine Blandin. Imaginez un professeur de sciences et vie de la terre dans un collège ou dans un lycée. Il a environ dix classes ; deux sorties par an seraient un minimum, ridicule au regard de nos ambitions. Cela représente, pour l'enseignant, une sortie tous les quinze jours, anticipée de trois mois chacune pour avoir l'aval du conseil d'établissement, la collecte des autorisations, la négociation avec les collègues pour les perturbations de l'emploi du temps, la prise de risque, et la recherche de fonds.
M. Pierre Laffitte. C'est vrai !
Mme Marie-Christine Blandin. Dans le carcan rigidifié de nos moeurs scolaires, gageons qu'il passera vite pour un perturbateur.
Se repliera-t-il sur l'animation d'un club ? Là aussi, les contraintes horaires du ramassage scolaire priveront les enfants de milieu rural de tout accès à ce supplément d'âme. Nous appelons donc à un remaniement en profondeur de la méthode, et un regard renouvelé sur les suggestions de Célestin Freinet ne serait pas du luxe.
Le vide démographique qui s'annonce dans les rangs des étudiants se destinant à l'enseignement scientifique impose de prendre des mesures radicales et rapides : lever toutes les réticences féminines par des aides spécifiques, des bourses, des prix, la médiatisation des réussites, le dialogue ; annoncer, plusieurs années à l'avance, les postes disponibles aux concours, car un avenir ne se prépare pas à l'aveugle ; restaurer un système comparable aux IPES - indicateurs pour le pilotage des établissements secondaires - par des bourses de prérecrutement. Le financement des études après concours fut, dans ma région, un formidable ascenseur social, et une excellente occasion de mixité culturelle avec les jeunes issus de l'immigration polonaise. Au vu de cette réussite, et du besoin, toujours d'actualité, de mixité et d'insertion par la qualification, il nous faut rétablir ce système.
J'évoquerai les autres acteurs.
Si tout ce qui est rencontre, démarche d'échange, tentative d'aller au contact de publics non sensibilisés, doit être encouragé, encore faut-il que nos chercheurs, nos étudiants en thèse soient reconnus et valorisés quand ils consacrent un peu de leur temps à la pédagogie. Dire ce que l'on fait ne doit pas pénaliser une carrière.
Des initiatives comme l'Expérimentarium de l'université de Dijon, qui met de jeunes chercheurs en situation d'expliquer leur travail à des élèves d'école primaire, sont démystifiantes et stimulantes.
Chacun doit sortir de la facilité de faire pour soi. A la Cité des sciences le devoir de travailler pour le reste du pays. Aux CCSTI la mission d'essaimer et de partager les bonnes pratiques. A chacun de fabriquer des vecteurs mobiles pour toucher une population variée. Aux universités et centres de recherche la responsabilité d'affecter des moyens, et du temps de ressources humaines, à la diffusion. A ceux qui donnent statut aux métiers et cadre fiscal aux activités et billeteries le devoir d'être plus attentifs aux métiers de la médiation.
Je terminerai par une réflexion sur les causes plus profondes de la place étriquée donnée à la culture scientifique dans notre pays.
Un premier symptôme doit nous alerter : le ministère de la culture n'en a cure ! A lui les missions d'épanouissement de l'homme et de la femme - la musique, le théâtre, les lettres, les arts -, mais fi donc du droit de chacun à s'émanciper par la compréhension du monde où il vit et par le plaisir de savoir.
C'est très grave. Ce renoncement est lourd de sens et l'alibi de La Villette, artificiellement inscrit dans les lignes de la culture un jour de quête de 1 % budgétaire, ne fait pas illusion.
Un second symptôme est la diffusion persistante d'un mensonge : la science serait, à en croire certains, rébarbative. Au point que les grilles des programmes de télévision publique, au nom de l'Audimat, ne respectent pas leur cahier des charges - c'est l'avis du CSA -, sinon avec des artifices horaires qui éloignent des heures de grande écoute la culture scientifique. Interrogée, France 2 ne peut nous signaler que le Téléthon et la Nuit des étoiles ! Ce désert n'empêche pas les chaînes, lors de leurs informations télévisées, de dire tout et son contraire, d'évoquer, par exemple, le clonage médiatique dans une secte.
Pourtant, le savoir-faire et le plaisir du citoyen peuvent être au rendez-vous. Sur France 3, je pense à des émissions comme Thalassa, C'est pas sorcier ou l'Odyssée de l'espèce, que tout le monde a citées. A la radio, je songe à CO2 mon amour, qui interroge notre maltraitance de l'environnement, et aux chroniques de Marie-Odile Monchicourt, dans lesquelles le plaisir de se plonger dans les merveilles qui nous entourent fait vibrer les auditeurs.
C'est ce plaisir, ce désir que nous devons cultiver, et éveiller chez les plus jeunes. Voilà quelques décennies, cela passait par la lecture de Jules Verne. Aujourd'hui, beaucoup d'enseignants ou de médiateurs constatent que des milliers, des centaines de milliers de jeunes « n'accrochent » pas. Tout se passe comme si, entre eux et le plaisir de comprendre, il y avait un rideau de fumée, une frontière invisible, un bruit de fond qui rendrait inaudible la petite musique de la culture scientifique.
Interrogeons-nous sur ce bruit de fond qui fait écran. N'est-il pas lié, au moins pour partie, au vacarme de la fièvre consumériste : entre promotion des marques, publicités, hypermarchés, textos, logos et sons de la téléphonie mobile, CD et singles des créatures de Star Academy ou de PopStar, et toutes suggestions destinées à faire croire que le mal-être se résout dans l'apparence et la consommation, y a-t-il encore beaucoup de place pour les stimuli du savoir ? Et ce marché, qui aimerait vendre n'importe quoi aux gens et aliéner les habitants dans leurs choix, a-t-il intérêt à un public cultivé et émancipé, à un public affranchi qui doute et questionne ?
Interrogeons-nous aussi sur la posture élitiste que se sont donnée certains scientifiques enfermés dans leur tour d'ivoire, défendant jalousement le caractère forcément altruiste incontestable de leur découverte, et tenant les citoyens à l'écart de la compréhension. Cette espèce serait en voie de disparition. Tant mieux ! Mais l'environnement raréfié en argent public en a fait naître une autre : celle des laboratoires publics-privés, dans lesquels il devient difficile d'évaluer l'intérêt public.
Aujourd'hui ceux qui veulent vendre sans contrôle, ceux qui veulent s'enrichir sans scrupules ni bénéfice pour l'humanité ont tout intérêt à une société qui réfléchit peu, qui mange, qui consomme et croit n'importe quoi.
Une science hautaine et confisquée, des négligences ministérielles en matière de culture scientifique, une éducation à la science étriquée, des institutions accessibles aux seuls Parisiens leur rendent service et servent l'intérêt des charlatans.
M. Laffitte a vu, dans notre mission, un outil de lutte contre l'obscurantisme. Je partage ce souci devant la montée de l'irrationnel, de l'astrologie, des sectes.
Mais quand certains membres du conseil scientifique de l'Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques s'en prennent à Yves Coppens, au motif qu'il a introduit le principe de précaution dans la charte de l'environnement, ou quand certains qualifient d'ayatollahs ceux qui posent des questions sur les OGM et sur le nucléaire, je me dis qu'il y a peut-être, là aussi, un fond culturel savant qui n'a pas encore pris la mesure de la nécessité d'une « science citoyenne », c'est-à-dire d'une « culture scientifique partagée ».
Ceux qui refusent la culture scientifique pour tous, ceux qui contestent la pertinence du doute, ou de l'expertise d'usage, sont ceux qui nous affirmaient l'innocuité des éthers de glycol ou l'arrêt du nuage de Tchernobyl à la frontière. Contre ces obscurantismes-là, la science citoyenne est une urgence démocratique.
Nous sommes élus, et amenés à faire des choix publics. Pour être assistant de sénateur, il faut être bachelier. Pour être élu, aucun diplôme n'est requis, c'est la démocratie, un monde où chacun peut gouverner et être gouverné, et c'est bien ainsi.
Encore faut-il bien mesurer l'importance des choix qui vont être faits, surtout en matière de développement durable. Ce sont nos pratiques d'agriculture, votées et financièrement orientées, qui feront nos assiettes, nos nappes phréatiques et les sols de demain. C'est notre gourmandise en énergie qui assombrit l'avenir de la planète.
Nous aussi, comme tous les citoyens, nous avons besoin d'occasions de savoir et de la pédagogie des messages. Elle est fondamentale, sinon ce qui passe, c'est non pas le savoir, mais le charisme, et il n'est pas gage de vérité.
Les citoyens qui, dit-on, n'ont « pas le niveau » pour analyser l'ensemble du bilan énergétique, les impacts biologiques d'un accident ou le cycle du césium ont néanmoins le droit de choisir leur avenir. Pour ce faire, les conférences de citoyens reposent sur un travail exemplaire d'acquisition d'une base de savoirs requis, de formation au débat et de commande d'auditions contradictoires.
En Allemagne, un projet dénommé « Futur » s'est appuyé sur la demande citoyenne de recherche pour la détermination de ses objectifs. Les axes prioritaires qui en sont sortis ne feraient pas rougir nos chercheurs : comprendre la pensée, créer un accès ouvert aux mondes d'apprentissage de demain et jouir toute la vie d'une bonne santé grâce à la prévention.
Cela montre bien que le partage de la science et de la réflexion sur la science est fécond.
Nous avons, nous aussi, besoin d'une recherche libre. Or le foisonnement non productif de la recherche s'étiole. Il vaut mieux aujourd'hui se lancer dans le génome que dans la biodiversité des lichens. Aux uns, les plateaux ultramodernes et confidentialisés, aux autres, le vieux bec Bunsen et la galère. (Sourires.)
Les champs explorés sont les champs financés et les champs financés deviennent les champs rentables de suite. Il ne semble plus de mise de poser de « fausses » questions entre recherche publique et recherche privée, entre recherche fondamentale et recherche appliquée.
Néanmoins, comment le citoyen peut-il être rassuré, avec l'érosion des budgets de la recherche qui ne laisse plus place qu'à ces « élites » dociles qui, hier, nous affirmaient que l'amiante ne présentait aucun risque, que les faibles doses radioactives ne se cumulaient pas dans l'organisme ou encore que les OGM restaient bien sagement enfermés dans les champs expérimentaux ?
Oui, des citoyens s'interrogent quand l'Institut national de la recherche agronomique et les grands groupes semenciers mélangent leur argent, leurs chercheurs, leurs conclusions, pour dire aux ministres que les OGM ne nuiront jamais à la santé..., alors que, à Bruxelles, ces mêmes semenciers ont réussi à supprimer du texte de la Commission leur responsabilité financière éventuelle.
La société civile est en demande de changement dans les processus de décision politique.
La culture scientifique est une forme d'appropriation généraliste permettant d'aborder la complexité du monde qui nous entoure. Elle tourne le dos aux affirmations simplificatrices ; elle donne des outils au citoyen pour qu'il soit inclus dans la procédure participative, particulièrement dans les situations de forte incertitude.
Enfin, l'évaluation des politiques publiques, et donc des choix technologiques qu'elles ont favorisés, requiert aussi l'appétit, le désir de culture scientifique et technique de tous.
Les innovations techniques pénètrent la vie quotidienne ; leurs conséquences ne sont pas limitées dans le temps et l'espace ; leur choix répond à des objectifs et à des valeurs qui doivent être énoncés.
Nous ne réussirons pas sans les citoyens. Soyons vigilants : notre retard à permettre une société émancipée en matière de culture scientifique creuse le même fossé entre citoyens et science qu'entre citoyens et politique. La défiance, le rejet, l'abstention, l'indifférence sont des risques majeurs dans ces deux domaines déterminants pour l'avenir de la société comme pour l'avenir de l'humanité. Raison de plus pour faire de la diffusion de la culture scientifique une priorité nationale !
Madame la ministre, nous sommes ravis de votre présence. Vous avez entendu nos recommandations, et nos critiques, aussi. Cela étant, si la culture scientifique ne se développait pas, vous en seriez la première victime. Nous avons plus de colère contre vos collègues de la culture et de l'éducation, qui sont responsables en amont de la situation, que contre vous, qui avez su harmoniser les efforts de votre ministère sur tout le territoire. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à M. Christian Gaudin.
M. Christian Gaudin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la science et la technique sont de plus en plus présentes dans la vie moderne. Au travail, dans nos loisirs, dans les médias, l'évolution de la technologie tient une place prépondérante. Le grand public utilise ces techniques en constante évolution dans sa vie quotidienne : téléphones portables, voitures, ordinateurs, télévisions et appareils photos numériques. Il en apprécie notamment toute la portée dans le domaine médical. Or cette évolution suscite souvent des interrogations, voire de l'inquiétude.
La science et la technique bénéficiaient hier encore d'une image très positive, car elles se rattachaient, sans contrepartie, à la notion de progrès. Puis les innovations techniques se sont multipliées, l'image du progrès s'est brouillée. Le public a suivi les affaires du sang contaminé, les cas d'encéphalopathie spongiforme bovine, l'effet de serre, sans parler des OGM, des rayonnements des portables et des antennes relais.
La science est donc devenue l'objet de débats soumis à toutes les passions et traversés des craintes les plus irraisonnées.
Le fait que 61 % des personnes interrogées estiment que « la science change trop rapidement nos modes de vie » traduit ces nouvelles réticences. Or les mêmes enquêtes montrent que le public, français et européen, ne s'estime pas suffisamment informé des questions scientifiques.
Sachant que l'appréhension du public est d'autant plus aiguë que sa méconnaissance d'une technologie est grande, il importe de répondre à ces inquiétudes légitimes en prévoyant une large information scientifique.
C'est pourquoi nous ne pouvons que regretter la place réservée à la connaissance et à la diffusion de la culture scientifique et technique, qui est loin de correspondre à l'importance qu'ont prise dans notre vie moderne ces deux domaines.
Grâce à notre collègue président de la commission des affaires culturelles, M. Jacques Valade, nous pouvons aujourd'hui, madame la ministre, vous exprimer combien il est nécessaire et urgent d'améliorer et de diffuser la culture scientifique.
Etant membre de la commission des affaires économiques, et non pas des affaires culturelles, j'ai pris connaissance, à l'occasion de ce débat, de l'excellent travail accompli par M. Pierre Laffitte ainsi que par Mme Marie-Christine Blandin et M. Ivan Renar, dans le cadre de la mission d'information chargée d'étudier la diffusion de la culture scientifique dont ils ont été respectivement le président et les rapporteurs.
En tant qu'ancien universitaire et chercheur, je veux ici m'associer aux membres de cette mission, en demandant l'application des propositions visant à assurer une meilleure diffusion de la culture scientifique, technique et industrielle, sur l'ensemble du territoire.
Je n'ignore pas que de nombreuses actions destinées à tous les publics, de tous âges, ont vu le jour depuis quelques années. Certaines ont rencontré tout de suite un franc succès et un grand retentissement comme l'Université de tous les savoirs, la Fête de la science, la Nuit des étoiles. D'autres initiatives ont été prises, à la périphérie de l'école, reposant souvent sur le bénévolat, ce qui n'enlève rien à la démarche, bien au contraire. L'important est d'ouvrir les esprits, et cela le plus tôt possible. C'est ce qu'avait bien compris le professeur Georges Charpark avec l'opération La Main à la pâte.
Une culture scientifique, ce n'est pas seulement un ensemble de connaissances, c'est d'abord l'apprentissage d'un raisonnement. C'est poser des questions : Pourquoi ? Comment ? C'est éveiller la curiosité. C'est une attitude qui est tout sauf passive.
Or, dans une démocratie, la culture scientifique doit permettre de comprendre les évolutions scientifiques, techniques et industrielles, ne pas les craindre mais, surtout, ne pas les subir.
Les chercheurs sont de plus en plus nombreux à aller à la rencontre de la population pour mieux comprendre les appréhensions du public. Ils proposent de plus en plus aux scolaires et aux médias une présentation de leur travaux, la science sur le vif, en laboratoire, telle qu'ils l'expérimentent tous les jours.
Toutefois, comme pour les nouvelles technologies, il est nécessaire d'assurer la diffusion de la culture scientifique sur l'ensemble du territoire.
Pour diffuser leurs connaissances, les scientifiques ont besoin de structures de médiations tels les centres de cultures scientifiques, techniques et industriels, les CCSTI.
Dans mon département, la diffusion s'appuie sur un triptyque efficace : les chercheurs de l'école doctorale ou de l'INRA exposent leurs travaux aux élèves du primaire et du secondaire grâce au CCSTI, qui est un excellent vecteur d'information et de diffusion. En un an, il y a eu autant de visiteurs dans les trente CCSTI répartis sur l'ensemble du territoire français qu'à la Cité des sciences et de l'industrie, à Paris ! Il est néanmoins impératif que les musées nationaux des sciences et techniques accentuent leurs efforts vers la province en multipliant des expositions temporaires.
Enfin, je regrette, et je ne serai pas le seul, le nombre insuffisant d'émissions scientifiques à la télévision. Je relèverai pourtant deux émissions particulièrement intéressantes : C'est pas sorcier et Va savoir. Suscitons chez nos jeunes, par l'antenne, l'envie de découvrir plutôt que de les laisser subir devant l'écran des films de fiction, véhiculant souvent la violence.
Rappelons qu'il n'y a pas d'innovation sans diffusion de la culture scientifique. Si les travaux des chercheurs n'emportent pas l'adhésion du public faute de communication, la population rejette l'innovation.
Bien sûr, l'institution scolaire reste l'endroit privilégié pour l'apprentissage des sciences et des techniques. C'est pourquoi j'aborderai à présent, plus particulièrement, le cadre scolaire et les carences que l'on peut relever dans l'enseignement des sciences, dont l'une des plus importantes me paraît l'absence de l'histoire des sciences et des techniques. Si, adultes, on peut aborder facilement en société des sujets comme le Quattrocento ou les Encyclopédistes, c'est un silence qui suivra le rappel de grandes avancées scientifiques ou l'énoncé des noms de Galois, Hertz ou Planck.
Madame la ministre, j'en viens au point que je juge essentiel : la formation des chercheurs.
Je n'ignore pas que vous avez bien compris la nécessité d'augmenter l'effort national en faveur de la recherche. Nous avons déjà débattu de tout cela lors de l'examen de votre budget. J'ai apprécié, et je vous l'avais dit, l'orientation stratégique que vous avez proposée, notamment par l'incitation fiscale et le rapprochement de la recherche avec l'entreprise.
Mais les difficultés ne sont pas seulement financières. Le Conseil d'analyse économique vient de publier un rapport alarmant sur l'état de l'université française. M. Maurice Porchet a rédigé ces deux dernières années deux rapports sur la désaffection des jeunes envers la science. Constatant une forte désaffection des jeunes envers les études scientifiques depuis les années quatre-vingt-dix en Europe, il a précisément examiné quelles étaient les filières désertées.
La situation selon les filières scientifiques est en effet très contrastée. Si l'on peut noter une légère baisse des effectifs des classes préparatoires aux grandes écoles, celle-ci est compensée par les effectifs des classes préparatoires intégrées.
Les effectifs des IUT connaissent en revanche une hausse notable de 12 %. Cette hausse est de 14 % dans les sections de techniciens supérieurs, les STS. En fait, la baisse touche uniquement les sciences en université, où elle est, en moyenne, de 24 %.
Les étudiants, après un IUT ou une école d'ingénieurs, rejoignent en deuxième ou troisième cycle l'université, fort heureusement. Mais, là encore, on note une forte augmentation des DESS professionnalisants au détriment des DEA, orientés vers la recherche.
Les structures de l'enseignement supérieur demeurent trop cloisonnées. Le manque de moyens des universités comme la dualité université-classes préparatoires rendent peu lisible et peu attractif le système français à l'étranger.
Je souhaite que la réforme LMD, ou licence-master-doctorat, conduise à une refonte de ces structures, qui ne sont plus adaptées, compte tenu de l'harmonisation européenne, et qui ne répondent plus à l'attente des étudiants et au marché de l'emploi. Il faut intégrer les filières techniques et technologiques, STS et IUT, qui sont de plus en plus choisies par les jeunes, prévoir des formations complémentaires et des passerelles en offrant aux étudiants une parfaite lisibilité professionnelle, tout au long de leur parcours.
La crise aiguë que connaît la recherche aura, je l'espère, le mérite de conduire le Gouvernement à réfléchir sur les moyens et les réformes structurelles qui doivent être arrêtés de toute urgence. Je sais, madame la ministre, combien c'est aujourd'hui votre préoccupation.
La décennie qui s'amorce sera cruciale. En termes de créations d'emplois scientifiques - enseignants, chercheurs, ingénieurs, techniciens - on prévoit 20 % d'emplois nouveaux liés à l'innovation et 80 % d'emplois pour compenser les départs massifs à la retraite.
Or, dans un pays qui se désindustrialise dramatiquement, la recherche et l'innovation deviennent deux secteurs prioritaires, secteurs dont dépend tout simplement notre avenir.
L'élargissement de l'espace européen et la mondialisation de la recherche aboutissent à une concurrence aiguë entre les pays, avec une forte attractivité des meilleures zones de formation et des bassins d'emploi les plus novateurs.
La recherche est au coeur de cette compétition. La richesse d'une région ou d'une nation se mesurera à la qualité de la production de ses chercheurs et au nombre de brevets déposés, c'est-à-dire à sa capacité de former et d'innover.
En conclusion, si notre pays ne redresse pas très vite une situation alarmante, il met en jeu son avenir. A nous d'en prendre rapidement conscience ! (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Claudie Haigneré, ministre déléguée à la recherche et aux nouvelles technologies. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, vous savez à quel point je suis heureuse de pouvoir aborder aujourd'hui avec vous un sujet qui me tient particulièrement à coeur, la diffusion de la culture scientifique et technique, amorce d'un débat beaucoup plus large encore.
Toute politique de recherche doit se décliner sur différents plans et sur différents temps. Il s'agit - on en a beaucoup parlé ces derniers jours - d'assurer à notre pays les moyens adaptés pour qu'il maintienne sa place face à une concurrence internationale de plus en plus aguerrie, mais il faut aussi prévoir et assurer le renouvellement de notre potentiel de recherche sur le long terme, effectivement, monsieur Valade. Cela suppose tout autant d'assurer un certain nombre de réformes de structure - vous savez que nous y travaillons - que de veiller à renforcer la place de la science dans la société. Cette dernière dimension indique tout l'enjeu du débat d'aujourd'hui.
Pour ce qui est de l'évolution du cadre dans lequel doit s'inscrire notre politique de recherche, nous aurons l'occasion d'en débattre abondamment lors de la préparation de la loi d'orientation prévue pour la fin d'année.
Le constat a fait ici l'unanimité : nos concitoyens, à commencer par les plus jeunes d'entre eux, s'éloignent progressivement des connaissances scientifiques qui, il est vrai, sont de plus en plus difficiles à maîtriser et qui font peur parfois, peut-être parce qu'elles sont de moins en moins associées à ces valeurs que nous partageons de la découverte et de l'aventure scientifiques. Il s'agit, bien entendu, aujourd'hui de redresser la barre pour contrarier cette évolution : il y va de l'avenir de notre pays, mesdames, messieurs les sénateurs.
Permettez-moi de rappeler deux chiffres : les départs en retraite vont concerner chaque année environ 4 % des chercheurs et des enseignants - chercheurs, dont un tiers de femmes, pour 2003, l'évolution du nombre des étudiants inscrits dans les disciplines des sciences et structures de la matière fait apparaître une diminution de 4 % des effectifs.
Ces deux chiffres représentent les deux éléments d'une équation que nous ne pouvons plus accepter.
J'ai rencontré récemment les chercheurs inquiets, ceux qui ont signé la pétition Sauvons la recherche. Nous avons évoqué ensemble les différentes actions susceptibles d'être conduites à court terme et à long terme, et ils ont spontanément évoqué le groupe de travail « science et société » comme étant l'un des facteurs à prendre prioritairement en considération en ce sens.
Si je comprends tout à fait la sensibilité de la communauté scientifique quant au recrutement des chercheurs sur le court terme, je voudrais aussi exprimer mon inquiétude sur la situation à l'horizon de dix ou quinze ans.
Comment nous faut-il penser ensemble le renouvellement de nos chercheurs sur le temps long ? D'ici à dix ou à quinze ans, nous n'aurons probablement plus assez de docteurs en physique, de docteurs en chimie. Cette « chronique d'une catastrophe annoncée », aucun de ceux qui se trouvent réunis aujourd'hui ici ne l'accepte. Bien sûr, nous pourrions nous inscrire dans une logique de désaffection inéluctable des filières scientifiques : ce n'est pas mon choix. Ce n'est pas votre choix. Certes, il n'y a pas de remède miracle, mais ce n'est pas une raison pour ne rien tenter.
Eriger la diffusion de la culture scientifique et technique en priorité s'impose. Tel sera l'objet du plan national que nous présenterons, à la fin du mois de février, en conseil des ministres, conformément à ce qu'avait annoncé le Président de la République, dans son allocution du 6 janvier.
S'il est possible d'agir aujourd'hui concrètement et avec détermination, c'est parce qu'il existe une réflexion d'ensemble, déjà très riche, sur cette question qui, je le vois avec plaisir, rallie toutes les convictions et toutes les énergies. A cet égard, je veux souligner l'importance du rapport de la mission d'information sénatoriale que vous avez présidée, monsieur Laffitte, et à laquelle ont collaboré si intensément vos collègues, Mme Blandin et M. Renar. Ce document nous permet d'engager une action sur des bases solides. Si j'ai pris beaucoup d'intérêt à sa lecture, j'ai pris plus de plaisir encore à écouter aujourd'hui les interventions de très haut niveau que vous nous avez proposées, et dont je vous remercie, mesdames, messieurs les sénateurs.
Si je m'arrête sur ce rapport, c'est pour signifier qu'il est vraiment emblématique d'un travail mené en profondeur et en étroite concertation avec l'ensemble des acteurs intéressés, emblématique aussi de cette volonté de dépasser tout clivage partisan pour nous retrouver autour de cette thématique cruciale pour notre avenir commun. Il est emblématique, enfin, de la volonté de fournir tous les éléments d'une politique d'ensemble. Vous l'avez rappelé, madame Blandin, les enjeux sont d'une ampleur considérable et c'est effectivement en associant les différents éléments dont nous disposons déjà et ceux qui se dégageront de nos travaux que nous pourrons agir.
Il n'est évidemment pas dans mon intention de dévoiler aujourd'hui le contenu de la communication que je ferai en conseil des ministres à la fin du mois de février, mais je voudrais tout de même vous en présenter les quelques lignes directrices que vous avez vous-mêmes évoquées et qui répondent à certaines de vos interrogations.
J'insisterai d'abord sur la volonté du Gouvernement de mener une action d'ampleur prenant en compte l'ensemble des espaces d'intervention possibles : des écoles aux musées, des laboratoires de recherche aux bibliothèques. Pour cette raison, nous avons travaillé, Jean-Jacques Aillagon, Luc Ferry et moi-même, à décliner une gamme d'actions prenant en considération l'ensemble du mécanisme d'apprentissage des savoirs et l'envie d'apprendre, du plus jeune âge jusqu'aux forums de discussion ouverts au grand public.
Nous devons bien sûr dynamiser l'ensemble de l'offre de culture scientifique disponible, notamment en en permettant une meilleure accessibilité.
Il faut aussi prendre en considération l'ensemble des vecteurs de transmission : aussi bien les manuels scolaires que l'image sous toutes ses formes ou encore l'information scientifique et technique dans ses différents aspects.
Quelques actions ont déjà été entreprises en 2003 et devront être renforcées en ce qui concerne l'image ; MM. Ivan Renar et Christian Gaudin ont insisté sur ce point. Ainsi, nous créons une structure légère, le GISC, qui devra aider à la rédaction de scénarios scientifiques, lesquels seront ensuite proposés aux chaînes. Cette rédaction de scénarios de thèmes scientifiques est souvent accompagnée de lourdeurs et de difficultés ; c'est pourquoi nous souhaitons avancer ensemble dans ce domaine, ministère de la recherche, organismes de recherche et centre national de la cinématographie.
Cette action nous permettra également, je crois, de rassembler toutes les forces de proximité, dans les régions et les collectivités locales.
J'indique dès maintenant que les journées du patrimoine seront consacrées en 2004 au patrimoine scientifique, ce qui est une belle façon de mettre en valeur notre histoire et notre projection vers l'avenir.
Bien entendu, tout le monde doit être mobilisé et rien ne se fera sans la communauté scientifique.
A côté des missions de recherche et d'enseignement, la diffusion de la culture scientifique doit mieux être reconnue dans les parcours des chercheurs. Certes, les chercheurs acceptent déjà de plus en plus et avec beaucoup de talent de venir à la rencontre de leurs concitoyens et, si le seuil du million de visiteurs de la Fête de la science a été franchi, cela leur est largement dû.
Mais il reste encore beaucoup à faire, notamment pour sensibiliser les plus jeunes des enseignants-chercheurs - ceux qui vont avoir le plus à transmettre - à cet impératif de restitution sociale de ce qu'ils ont appris ou découvert.
L'école doit, bien entendu, être le creuset d'un apprentissage des pratiques scientifiques ouvert sur les défis de la recherche d'aujourd'hui, M. Lanier l'a souligné.
A l'enseignement supérieur doit être associée l'idée d'accentuer les passerelles, les échanges entre chercheurs et enseignants, entre grands noms de la science et jeunes élèves avides de découvrir, d'expérimenter, de rêver.
Nous avons des éléments tout à fait concrets pour mettre en oeuvre cette action dès 2004 : la formation des jeunes enseignants, des jeunes chercheurs, les modules de diffusion de la culture scientifique et technique dans les écoles doctorales, l'intégration de la science, de l'histoire des sciences dans la formation des maîtres au sein des IUFM.
Dans les activités des allocataires de recherche, il faut inclure la possibilité d'être tuteurs auprès des jeunes pour diffuser la culture scientifique, faire partager la passion de la recherche qui anime les chercheurs et qui doit être transmise tout en faisant connaître les métiers de la recherche. Voilà des éléments majeurs.
Je ne voudrais pas que l'on se méprenne sur mes propos. Je ne dis pas qu'il n'y avait rien auparavant et que nous allons tout faire maintenant. Bien évidemment, nombre d'initiatives stimulantes existent déjà. Le rapport de votre mission en a établi un inventaire très riche. Aujourd'hui, il s'agit de construire des bases pérennes d'action, mais également d'instituer une meilleure coordination afin d'assurer, vous l'avez tous mentionné, une irrigation plus réussie du territoire national.
L'ensemble des intervenants de la culture scientifique et technique, à commencer par les responsables des centres de culture scientifique et technique, dont M. Gaudin a loué l'action, ainsi que les multiples associations dont on parle peu, mais qui font un travail considérable et mènent une action de proximité tout à fait essentielle, doivent être mieux associés à un effort de portée nationale.
Cette mission locale, régionale, à côté d'actions de plus grosse envergure, est tout à fait essentielle à la fois pour prendre en compte tous les talents et pour les reconnaître. J'insiste particulièrement sur les actions associatives et les actions de proximité, qui n'ont pas été suffisamment soutenues jusqu'à présent.
Il faut ainsi innover pour assurer une diffusion pleinement réussie, en établissant des réseaux cohérents et bien distribués sur tout notre territoire. Il s'agit aussi de susciter, comme vous l'avez proposé, la mise en place de vecteurs itinérants. Cette idée des vecteurs itinérants est intéressante en ce sens qu'elle permettrait peut-être de vaincre certaines des lourdeurs du système.
Pour encourager toutes ces initiatives, pour leur donner un dynamisme fort, j'ai eu l'occasion depuis quelques mois d'affirmer mon soutien au lancement de nouveaux instruments comme des fondations de recherche.
Il s'agit en effet de créer une meilleure synergie entre partenaires publics et privés, entre scientifiques et journalistes, avec le soutien de toutes les personnes intéressées, qui ont envie de faire de la culture scientifique un bien commun et partagé par tous nos concitoyens.
Aussi, comme l'a suggéré le rapport de votre mission, je souhaite qu'une fondation de recherche destinée à la culture scientifique et technique soit très concrètement lancée en 2004.
Les premiers contacts sont pris. Grâce à cette fondation, nous devrions pouvoir élargir certaines des missions actuellement prises en charge par les pouvoirs publics pour dégager des modes d'interaction nouveaux.
Cette fondation devrait également favoriser la mise en place d'une réflexion approfondie sur les enjeux, notamment éthiques, de la culture scientifique et technique. Cette volonté de reflexion n'est pas strictement française. J'ai eu l'occasion, avec mes partenaires étrangers, de constater à quel point l'éthique scientifique, la déontologie sont des éléments importants dans la responsabilité des chercheurs. Ce sera donc l'occasion de renouveler les lieux de discusion ouverts à tous et d'engager de nouvelles formes d'échange.
La fondation permettra de renforcer le dispositif existant quand il satisfait aux missions qui sont les siennes et de susciter des initiatives nouvelles mieux à même de répondre aux attentes de la société, et ce dans la proximité. D'ailleurs, cette proximité, la fondation devrait, à mon sens, la favoriser à tous les niveaux.
Ce plan national en préparation suppose une action volontariste couvrant tout le champ des besoins. C'est pourquoi il était particulièrement important que nous puissions échanger nos idées aujourd'hui pour qu'ensuite nous inscrivions tout cela au coeur de notre politique.
Permettez-moi de citer quelques actions simples qui peuvent donner assez rapidement des résultats.
Voilà trois ans, l'Allemagne avait organisé une année de la physique, et l'année 2005 sera une année internationale de la physique.
Cette initiative a été pilotée, assez spontanément, par une société anonyme à responsabilité limitée, au sein de laquelle se retrouvent le monde de la recherche et celui de l'entreprise ; elle fut soutenue par le ministère fédéral allemand de la recherche. La Wissenschaft in Dialog a ainsi rapproché aussi bien les associations que les médias, les scientifiques tout autant que les journalistes. La physique a envahi les écrans comme les salles de conférences. Le succès a été au rendez-vous : un nombre énorme de spectateurs ont été intéressés, mais aussi et surtout presque un tiers d'étudiants en plus se sont inscrits dans la filière universitaire correspondante.
Ne désespérons donc pas, des choses peuvent être mises en place avec un réel succès ! Cet exemple prouve bien que, si nous nous en donnons les moyens, nous pourrons réussir tous ensemble à rapprocher la science de nos concitoyens et surtout de nos jeunes.
Quelqu'un a parlé à l'instant de « réenchanter » le monde, de « réenchanter » la science, de reprendre goût au rêve, de reprendre goût au défi avec audace, n'est-ce pas monsieur Renar ? Nous avons tous besoin de retrouver cette confiance en l'avenir, en ce rapport privilégié entre la science et le progrès qui s'est quelque peu délité, ce qui va au-delà du débat qui nous occupe aujourd'hui. M. Laffitte a évoqué cet aspect des choses.
M. Gaudin nous a demandé de faire attention au rejet de l'innovation par incompréhension, non-appropriation. Introduisons la référence à l'histoire pour faire progresser les éléments. Tout cela est vraiment essentiel.
La diffusion de la culture scientifique s'inscrit dans une volonté politique forte : celle de renforcer la cohésion sociale de notre nation.
Monsieur le président de la commission, vous l'avez rappelé dès le début de votre intervention, comme d'ailleurs M. Lanier, le Gouvernement a engagé une lutte résolue contre tous les clivages sociaux. Il s'agit de combattre toutes les formes d'intolérance.
M. le Premier ministre a encore rappelé tout récemment l'absolue nécessité de combattre les dérives sectaires, les formes d'exclusion telles que l'antisémitisme. Je suis heureuse de souligner que j'ai souhaité, sur ce thème particulier, que mon ministère soutienne les recherches engagées.
La compréhension de ces phénomènes passe par le dialogue, la discussion ; elle passe aussi par la recherche dans le domaine des sciences humaines et sociales qui nous aident à mieux appréhender les évolutions de la société et nous permettent de trouver une réponse adaptée à ses grands enjeux.
De même, l'accès à la culture constitue un véritable fondement de la démocratie, nous le reconnaissons tous. L'accès à la culture scientifique, pour chacun d'entre nous, est un impératif absolu. Il s'agit de multiplier les lieux de discussion ouverts à l'ensemble de nos concitoyens comme les espaces de partage des informations et des découvertes. Il s'agit également de donner tout son sens à une transmission large, efficace, des connaissances.
Je suis convaincue, et je sais que vous l'êtes tous aussi qu'en redonnant un tel souffle à la diffusion des savoirs, nous donnerons à notre pays les nécessaires ferments de sa cohésion sociale.
Plusieurs idéaux ont émaillé notre débat, comme ils ont émaillé les récents débats organisés autour de la recherche : je veux parler de l'idéal des Lumières, bien sûr, mais aussi de l'idéal qui a inspiré la politique du général de Gaulle en faveur de grands projets scientifiques, plus prosaïquement, de celui qui fut à l'origine du colloque de Caen, dont on reparle beaucoup ces derniers jours, ou de la création de la délégation générale à la recherche scientifique et technique. Tous ces modèles supposaient un large partage des avancées de la recherche. Nous devons nous resituer dans cette dynamique.
Je souhaite refaire de la diffusion de la culture scientifique et technique une priorité nationale. C'est cette ambition qui doit nous animer si nous voulons assurer à notre société un avenir harmonieux. (Applaudissements.)
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
POLITIQUE NATIONALE DE LUTTE
CONTRE LES DROGUES ILLICITES
Discussion d'une question orale avec débat
(Ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale avec débat n° 23.
M. Bernard Plasait attire l'attention de M. le ministre de la santé, de la famille et des personnes handicapées sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites. En effet, après avoir établi le constat, d'une part, de la consommation des drogues illicites dans notre pays, d'autre part, d'une production et d'un trafic multiforme en progression, la commission d'enquête du Sénat a conclu à l'impérieuse nécessité d'initier une nouvelle politique, ambitieuse et dotée de tous les moyens appropriés.
Avec, notamment, son record d'Europe pour la consommation de cannabis chez les adolescents, la France est confrontée à un très grave problème de santé publique. Aujourd'hui, la réponse à cette situation n'est plus adaptée : la prévention est pratiquement inexistante, la consommation de cannabis semble bénéficier d'une tolérance résignée, l'interdit est sans cesse transgressé, la sanction est exceptionnelle et la loi, désormais dépassée, est pratiquement inappliquée. Un jeune qui fume un joint n'est ni un malade ni un délinquant mais une personne en danger à qui on a laissé croire qu'elle pouvait s'y adonner sans risque. Les jeunes ont droit à une information objective et il y a grande urgence à endiguer ce fléau, cet autre cancer que constitue la drogue.
Il convient donc de mettre en oeuvre une politique ayant pour objectif de prémunir contre la drogue et d'aider à en sortir ceux qui vivent sous son emprise, une politique de prévention généralisée, de soins adaptés aux nouvelles toxicomanies et de sanctions proportionnées et personnalisées.
Par conséquent, il lui demande de bien vouloir lui indiquer le bilan qu'il fait de la politique de lutte contre les drogues et la toxicomanie conduite ces vingt dernières années, et quelles orientations il envisage de donner à la nouvelle politique.
Dans cet esprit, il souhaiterait savoir quels moyens matériels, financiers et humains il entend consacrer à la prévention.
Il lui demande également de bien vouloir lui préciser les types de sanctions qui lui paraissent adaptés et quelle politique de soins il entend développer.
Conscient de l'importance capitale de la mobilisation de tous les acteurs - parents, enseignants, médecins, personnels sociosanitaires, policiers et magistrats notamment - il l'interroge enfin sur l'organisation structurelle des intervenants publics qui lui paraît la mieux à même de répondre à cet objectif.
La parole est à M. Bernard Plasait, auteur de la question.
M. Bernard Plasait. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, si, d'aventure, l'envie nous prenait d'aller flâner dans le centre de Paris, aux abords du square des Innocents, nous pourrions assister à un spectacle vraiment étonnant : à deux pas d'un commissariat de police, à proximité des enfants et des mères de famille en promenade, nous verrions fonctionner en direct un petit marché de la drogue où des acheteurs peuvent comparer les produits, d'un vendeur à l'autre, et discuter les prix. Visiblement, tout ce petit monde n'est pas beaucoup gêné par les policiers qui passent pour dresser des contraventions aux voitures mal garées.
Ainsi, le marché est quasiment institutionnalisé ; la vente de drogue interdite par la loi est, en réalité, tolérée ! C'est une hypocrisie et un trouble permanent à l'ordre public qui exaspèrent à bon droit le citoyen. Cette situation se retrouve, hélas ! dans bien d'autres endroits de notre territoire.
Devant cette situation de non-droit, on est tenté de dire : « Mais que fait la police ? » Malheureusement, elle n'y peut pas grand-chose, tant la situation est devenue ingérable, en particulier parce que la loi de 1970 n'est plus appliquée. C'est une dépénalisation de fait, qui est un encouragement implicite à consommer des stupéfiants, une situation ambiguë et hypocrite, indigne de notre République.
Etrange paradoxe, c'est au « pays de l'art de vivre » que l'on consomme le plus de tranquillisants et les Français sont de plus en plus nombreux à consommer de plus en plus jeunes des produits de plus en plus dangereux. Ils sont champions d'Europe pour la consommation de cannabis chez les jeunes et, à dix-huit ans, un jeune Français sur deux a déjà fumé du « hasch ». Notre pays compte sans doute 300 000 à 400 000 consommateurs quotidiens, dont 5 à 10 % ont un usage problématique du cannabis.
Voilà l'état des lieux. Il est brutal et doit sonner l'alerte sur la santé et l'avenir de nos enfants puisque ce sont 500 000 à 600 000 nouveaux jeunes qui, chaque année, tirent sur leur premier « joint ».
Les parents ont quelque raison d'être désorientés et désemparés quand ils apprennent que treize ans est l'âge moyen du premier contact de leurs enfants avec le cannabis. Et ils sont proprement effrayés si l'on ajoute que ce contact se produit quelquefois dès neuf ans !
Comment pourrait-on ignorer les dégâts sanitaires et sociaux qui menacent ces « générations cannabis » ?
Mais tout cela n'est pas grave, nous disent quelques beaux esprits. La « fumette » est sans danger, le cannabis est une drogue « douce », moins dangereuse que l'alcool et le tabac. D'ailleurs, ajoutent-ils, la consommation largement banalisée du cannabis est devenu une pratique « culturelle » chez les jeunes et l'interdire serait attenter à leur liberté. Il n'y aurait plus rien à dire, sauf à être un « vieux ronchon » qui veut empêcher les jeunes de faire la fête.
Après tout, c'est vrai, le cannabis n'est pas l'enfer ! Mais il est bien loin d'être le paradis ! Il ne faut ni le diaboliser ni le banaliser : il faut, tout simplement, dire la vérité.
Tous les scientifiques, l'académie de médecine, l'académie de pharmacie, les experts en toxicologie, de multiples rapports français et étrangers disent et démontrent que le cannabis est tout sauf inoffensif.
Le cannabis est plus dangereux que l'alcool parce que ses effets sont comparables, mais durent plus longtemps.
Le cannabis est plus dangereux que le tabac, car il est beaucoup plus cancérigène et déclencherait des cancers beaucoup plus précoces.
Certes, la plupart des adolescents n'iront pas plus loin que quelques joints et n'en feront qu'un usage récréatif et convivial. Mais d'autres deviendront dépendants et en subiront les conséquences en termes d'échec scolaire, de désinsertion sociale et d'échecs professionnels.
Il y a donc un grave enjeu de santé publique.
Il faut d'ailleurs avoir conscience que, derrière le cannabis, il y a la menace immédiate du crack, de l'ecstasy et des autres drogues de synthèse. C'est pourquoi faiblir devant le cannabis serait faire céder une digue face aux drogues les plus meurtrières et, par conséquent, prendre un risque considérable au regard de la santé publique.
Il y a, en outre, un enjeu de sécurité extrêmement important : enjeu de sécurité quotidienne dans nos quartiers et nos banlieues, comme chacun sait, mais aussi enjeu de grande criminalité, voire de terrorisme.
Il y a même un enjeu de société, car, au-delà de la souffrance des individus, la drogue pose le problème du type de société que nous voulons préparer pour nos enfants. C'est l'évolution de la société dans les prochaines années qui est ici en cause.
Tels sont les défis que doivent relever les pouvoirs publics.
Drogues quasiment en vente libre, cannabis banalisé bien que dangereux, loi devenue inapplicable : il est urgent de mettre en place une nouvelle politique efficace de lutte contre les drogues, une politique globale de protection contre toutes les drogues, c'est-à-dire incluant l'alcool et le tabac à côté des drogues illicites, mais bien sûr avec une approche différenciée, tenant compte de la spécificité des produits et du parcours des individus.
Avant tout, il faut affirmer qu'il n'y a pas de fatalité de la drogue. Le cannabis est un phénomène de société, pas une pratique culturelle enracinée, en tout cas pas encore. A la « drôle de guerre » menée jusqu'à présent avec un esprit munichois, il faut substituer la volonté politique de gagner la bataille. Nous comptons sur vous, monsieur le ministre.
La permissivité n'est pas possible parce qu'elle relève au mieux de la non-assistance à personnes en danger et qu'elle pèse déjà un poids bien trop lourd de morts et de familles broyées.
Le devoir du politique est de trancher. La nouvelle politique doit être en rupture avec les complaisances du passé, s'appuyer sur une loi simple, de consensus national, qui réaffirme et justifie l'interdit.
A vrai dire, ce serait un étonnant paradoxe que de continuer à préconiser la dépénalisation du cannabis au moment où l'on envisage d'interdire le tabac.
Le premier devoir est de faire preuve de courage politique. Celui-ci consiste, en l'occurrence, à s'adresser aux jeunes moins avec le souci de leur plaire qu'avec celui de leur fournir des repères.
Il me semble évident qu'une bonne politique doit être inspirée par deux principes : l'humanisme et la responsabilité.
Au regard de l'humanisme, la première des questions à se poser est évidemment la suivante : se droguer est-il une liberté individuelle ? Ma conviction personnelle est que la drogue est l'ennemie de la liberté, qu'elle est un poison qui aliène la liberté et qui fait du drogué un véritable esclave.
C'est pourquoi je crois qu'il faut avoir le courage de choisir l'interdiction contre la libéralisation.
C'est d'ailleurs ce que souhaitent les Français, si l'on en croit l'enquête TNS-SOFRES publiée par le Figaro Magazine du 17 janvier, qui fait apparaître que 71 % d'entre eux sont hostiles à toute légalisation des « drogues douces ».
Mais il faut aussi chercher à comprendre pourquoi l'on se drogue, comprendre pour mieux agir, tenter d'élucider ce qui incite tant de nos contemporains à fuir la vie dans ces « paradis artificiels » qui sont plutôt de faux paradis.
« La drogue est un fléau, mais le vrai fléau, c'est l'ignorance », dit le Dr Curtet.
Il faut également se garder de stigmatiser l'usager de drogue, même si se droguer est interdit. Le criminel n'est pas celui qui fume du hasch, c'est celui qui affirme qu'on peut le faire sans danger. Le drogué n'est pas un marginal ou un pestiféré ; c'est une personne en danger qu'il faut aider à sortir de la dépendance.
Faut-il punir ou prévenir ? Les deux sont indispensables, solidairement. Pour reprendre la formule de notre collègue Jean-Claude Carle, « il faut mettre de la sanction dans l'éducation et de l'éducation dans la sanction ».
La difficulté réside dans la nécessité de concilier, d'une part, le respect des libertés individuelles et, d'autre part, la poursuite d'une politique de santé publique et d'une politique de sécurité efficaces.
La responsabilité s'impose tout autant que l'humanisme. Car, si la société a un devoir de solidarité à l'égard de tous ses enfants, et au premier chef les plus vulnérables, sa compréhension doit être sans faiblesse : la compassion n'est pas la complaisance.
L'humanisme ne saurait faire oublier ni la responsabilité individuelle ni les devoirs envers la collectivité. La présence de la loi symbolique est indispensable. L'interdit étant réaffirmé et expliqué, toute infraction doit recevoir une réponse systématique et appropriée.
En refusant l'utopie d'une société sans drogue autant que la fatalité d'un phénomène de société, la nouvelle politique devra se fixer un objectif réaliste : contenir le fléau, puis le faire reculer, c'est-à-dire avant tout protéger de la drogue et aider à en sortir ceux qui sont sous sa dépendance.
Il me semble donc évident qu'une politique humaniste et réaliste devrait s'appuyer sur trois piliers : prévention généralisée, soins adaptés et sanction éducative.
Premier pilier : la priorité à donner à une politique de prévention totale et systématique, ayant pour objectif de prémunir contre la drogue et ses dommages sanitaires et sociaux.
Cela signifie une information sur la nocivité des drogues, en particulier du cannabis, à l'adresse des enfants, mais aussi des parents, des enseignants, voire des médecins. L'école, dès le CM 2, doit être le fer de lance de cette politique de prévention. C'est d'abord la prévention primaire, pour les jeunes qui n'ont pas encore touché à la drogue et auxquels il faut apprendre à dire non. C'est ensuite la prévention secondaire, en direction des adolescents de treize-quatorze ans et plus, qu'il faut inciter à cesser l'usage de cannabis quand ils y ont goûté.
Il faut aussi établir un plan national pluriannuel prévoyant l'organisation, dans les lieux de vie éducatifs, professionnels et récréatifs, d'actions de prévention en matière de toxicomanie et de sensibilisation aux risques sanitaires et sociaux associés à l'usage de stupéfiants.
Il faut enfin assurer le dépistage des conduites à risques par des structures aisément et gratuitement accessibles, sur tout le territoire, à toute personne désirant bénéficier de soins, d'assistance ou de conseils en matière de toxicomanie. Ces structures devraient jouer le rôle d'un observatoire en permettant le repérage des conduites à risques.
La prévention doit utiliser toutes les compétences et toutes les bonnes volontés, notamment celles des associations. Or beaucoup d'associations de lutte contre les drogues souffrent de ne recevoir pratiquement aucune subvention en comparaison de ce que perçoivent celles qui sont engagées dans la réduction des risques.
Envisagez-vous, monsieur le ministre, un rééquilibrage de ces subventions, ce qui permettrait d'avoir une plus grande efficacité dans cette première action en faveur de la diminution des risques que constitue la prévention primaire ? Ne faut-il pas revoir, en outre, les conditions dans lesquelles sont délivrés les agréments aux associations ?
Le deuxième pilier est le développement d'une politique de soins plus efficace pour l'accueil, le sevrage, les post-cures, le traitement des effets des nouveaux produits, l'aide à la sortie de la toxicomanie et la préparation à la réinsertion.
La politique de réduction des risques, à laquelle on doit beaucoup de vies sauvées, doit être renforcée et bénéficier d'une base légale. Mais elle ne saurait être ni une fin en soi ni la politique unique de traitement de la toxicomanie. Elle doit donc être recentrée sur sa mission, mise à sa juste place au sein d'une politique globale.
Je me permets d'insister sur cette question, monsieur le ministre, pour éviter tout malentendu, et je souhaite évoquer deux points sensibles.
Tout d'abord, je crois que la réduction des risques ne doit pas être considérée comme le moyen de gérer « proprement » - c'est-à-dire sans dommages sanitaires, sans maladies opportunistes - une toxicomanie que l'on accepterait comme une fatalité ou même comme une liberté individuelle.
Dans la chaîne de protection de l'individu et de la société contre la drogue ennemie de la liberté, la réduction des risques est un maillon, précédé des actions de prévention et suivi par tous les efforts d'aide à la sortie de la dépendance et de la toxicomanie. La meilleure façon d'éviter qu'un toxicomane soit contaminé par le virus du sida, c'est encore de l'aider à ne plus être toxicomane !
Je crois important de dire que nous devons avoir le souci d'éviter ce qui serait un effet pervers de la réduction des risques si elle conduisait à entretenir la toxicomanie.
Ainsi, la délivrance de produits de substitution ne peut, me semble-t-il, s'envisager que limitée dans le temps. La méthadone ne peut être à l'héroïnomanie ce que l'insuline est au diabète, à savoir un produit délivré à vie pour traiter une maladie que l'on ne sait pas guérir. La substitution ne peut être qu'un moyen, une étape dans un processus de soins qui vise à la sortie de la dépendance.
A cet égard, j'aimerais savoir, monsieur le ministre, quelle place vous comptez donner au sevrage dans la politique de soins, notamment dans les centres de cure et de post-cure ou dans ce qu'il est convenu d'appeler les « communautés thérapeutiques ».
Je voudrais ajouter que ma crainte est de voir certains dérapages s'accentuer. On sait très bien que certains - qui occupent d'importants postes de responsabilité et ne sont donc pas sans influence - pensent à l'instauration de « salles d'injection ». Je dois vous dire, monsieur le ministre, que cette idée de « salle de shoot » me glace le sang ! Comment pourrait-on s'accommoder de codifier, d'organiser l'auto-empoisonnement des citoyens ? Verra-t-on un jour un label NF sur des poisons légaux, avec bientôt une taxe, comme sur l'alcool et le tabac ? Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, quelle est votre position sur cette question.
Par ailleurs, et c'est le second point, je voudrais vous interroger sur les structures d'accueil et d'accompagnement. On en comprend la nécessité pour la réduction des risques, mais on voit aussi quelles difficultés soulève leur implantation.
L'exemple des deux « boutiques » de la rue Philippe-de-Girard, dans le 18e arrondissement de Paris, illustre bien la difficulté à faire admettre le regroupement, autour de ces lieux dits « d'échange de seringues », non seulement des toxicomanes - ce que les riverains peuvent comprendre -, mais aussi des dealers - ce qui est insupportable, surtout à proximité des écoles - et à faire accepter la pollution de l'environnement par des centaines de seringues, voire des cachets de produits toxiques qui traînent dans la rue, quelquefois même dans les cours des écoles.
Monsieur le ministre, n'est-il pas naturel que ce soient les structures qui s'adaptent à la vie normale des citoyens plutôt que le contraire ?
Ne convient-il pas de faire précéder toute implantation d'une étude d'impact sérieuse, notamment pour éviter le périmètre des écoles ? Un projet, déjà largement engagé, soulève actuellement l'indignation des habitants du 2e arrondissement de Paris et fournit un bon exemple de ce qu'il ne faut pas faire.
Et lorsque la structure est réalisée, n'est-il pas indispensable de prendre toutes les mesures nécessaires pour réduire les nuisances, par exemple en imposant que ces lieux d'échange de seringues ne soient pas en réalité des centres de distribution, avec un retour quasi nul de seringues usagées ?
Y a-t-il suffisamment de contrôles de la part des DASS ou de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie ?
Enfin, puisqu'il s'agit de structures d'accueil et d'accompagnement, ne serait-il pas judicieux d'utiliser ces espaces pour délivrer aux toxicomanes, par voie d'affichage, de dépliants ou autres documents, des informations sur les soins, le sevrage, l'aide à la sortie de la dépendance ?
Le troisième pilier consiste dans l'application d'une sanction éducative, qui reste à instaurer, lorsque l'interdit est transgressé.
La sanction est nécessaire puisqu'il y a infraction, mais elle doit être comprise, acceptable et appliquée. En particulier, les jeunes ne doivent pas se sentir victimes d'une injustice. De ce point de vue, il est très important que la lutte contre les drogues soit perçue comme globale, c'est-à-dire menée avec la même vigueur contre le tabac, l'alcoolisme et le cannabis.
La loi actuelle est dépassée : il n'est pas sérieux de menacer d'emprisonnement un fumeur de joint. Il faut donc la modifier en ne faisant plus de l'usage un délit, au moins dans le cas des premières infractions, mais une contravention. L'amende est sans doute une solution, à condition toutefois qu'elle ne puisse pas être payée par un simple timbre amende, ce qui équivaudrait, ni plus ni moins, à la possibilité d'acheter un « droit à se droguer », synonyme d'une quasi-dépénalisation. On resterait dans l'hypocrisie alors que l'on a besoin de clarté.
Toutefois, supprimer la prison pour simple usage sans la remplacer par une réponse forte serait un feu vert donné aux jeunes.
Aussi la réponse doit-elle être judiciaire parce que la loi symbolique doit retrouver tout son sens, pour fournir les repères et la « règle du jeu ». Mais, surtout, elle doit être éducative et sanitaire puisqu'il s'agit de protéger contre les dangers des drogues tout autant que de punir.
Il faut donc que le juge dispose d'une palette très complète de mesures diversifiées, de manière à apporter une réponse personnalisée et graduée, qui ne doit pas traiter de la même façon le fumeur de cannabis et l'héroïnomane, l'usager occasionnel et le consommateur régulier, la première interpellation et la récidive, le mineur et le majeur.
C'est par un dispositif législatif judicieux, suffisamment souple pour s'adapter aux différents types de drogues et aux différentes formes de toxicomanies, que l'on pourra concrétiser ces distinctions importantes.
La réponse doit aussi être systématique, pour que la législation et le système de sanction éducative soient efficaces. Sans doute faut-il se rappeler ici la formule de Montesquieu : « La certitude d'être pris fait plus que la rigueur de la peine. » Ce qui est important, c'est de ne laisser aucune infraction sans réponse immédiate, c'est-à-dire de ne laisser passer aucune occasion d'informer et d'éduquer.
On pourrait ainsi imaginer un système dans lequel la première interpellation pour usage entraînerait : pour le majeur, une amende, assortie de la remise d'un document d'information sur la législation, l'explication de l'interdit et l'exposé des risques pour soi et pour autrui ; pour le mineur, une audition au commissariat, afin que cette première interpellation revête une certaine solennité, et surtout l'obligation d'effectuer un stage organisé par une structure socio-sanitaire, éventuellement en présence des parents, de façon à délivrer toutes les informations utiles, mais aussi à pouvoir dépister un éventuel comportement à risques.
Les récidives entraîneraient des réponses plus fortes, en termes d'amendes, de peines complémentaires et d'orientation vers des structures de prise en charge et de soins.
Après un certain nombre de récidives - on peut penser à quatre ou cinq dans un délai d'un an, par exemple -, le récidiviste tomberait dans le délit passible de la correctionnelle, avec le maintien de l'alternative d'obligation de soins.
Il faut encore ajouter que le système ne devrait surcharger ni la police ni les tribunaux, et que les procédures devraient être suffisamment simples, comme la composition pénale et l'ordonnance pénale, pour que la nouvelle loi soit appliquée systématiquement et rapidement. Rien ne serait pire que remplacer une loi inapplicable par une loi inappliquée.
Un quatrième pilier doit être évoqué pour mémoire : le renforcement de la répression du trafic. La répression devra être sans faiblesse pour toutes les formes de trafic et pour tous les profiteurs d'un système jusqu'ici trop relâché. En particulier, les petits dealers doivent être poursuivis, notamment dans le périmètre des écoles, sans qu'ils puissent s'abriter derrière une indulgence - irresponsable - pour le « simple » usager.
Il faut se montrer sans pitié pour les marchands de mort : « J'ai un regard très dur, même en tant que prêtre, pour ceux qui osent tuer à petit feu des vies humaines par la drogue », dit sans ambages le père Pierre de Parcevaux.
L'incitation à usage doit être également très sévèrement condamnée.
Je souhaiterais savoir, monsieur le ministre, si vous pensez qu'un tel dispositif permettrait de répondre au défi de la drogue, que nous mettons trop de temps à relever.
La situation actuelle n'est plus tolérable. Ambiguïté, hypocrisie, loi non appliquée, sont un déni de République. Aucune éducation n'est possible dans ces conditions. Bien sûr, une nouvelle loi ne fera pas de miracles. Cependant, en fournissant des repères et une règle du jeu claire, elle permettra la fédération des énergies de tous ceux qui, par métier ou par vocation, veulent lutter efficacement contre le fléau de toutes les drogues.
Monsieur le ministre, je vous pose donc une dernière question : le Gouvernement a-t-il l'intention de présenter et de faire voter rapidement une loi nouvelle pour lutter efficacement contre les drogues ?
Pour terminer, je rappellerai les paroles fortes de Jacques Chirac à l'ouverture, en mai dernier, de la conférence internationale sur les routes de la drogue : « La route de la drogue est un chemin de souffrance. Combien de vies brisées parce qu'un jeune, souvent un enfant, a croisé un jour le chemin d'un marchand de mort ? ».
Oui, nous avons le devoir de garantir aux jeunes Français le droit de vivre libres dans une société à l'abri de la drogue. Les seuls combats perdus d'avance sont ceux que l'on se refuse à livrer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gilbert Chabroux.
M. Gilbert Chabroux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, Bernard Plasait a brossé un tableau très sombre, catastrophiste même, de la toxicomanie dans notre pays. Il a fait état de données qui paraissent irréfutables. La commission d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites, dont il a été le rapporteur, a pu analyser ces données de manière approfondie. Cette commission, qui était présidée par notre collègue Mme Nelly Olin, a réalisé un travail important et celui-ci ne doit pas être remis en cause.
Il semble néanmoins nécessaire d'apporter un certain nombre de retouches à ce tableau, en vue de le rééquilibrer.
Tout d'abord, M. Plasait a beaucoup parlé du cannabis, presque exclusivement d'ailleurs, et de l'augmentation très forte de sa consommation au cours de ces dernières années dans notre pays. En fait, en reprenant les termes du professeur Claude Got, président du collège scientifique de l'Observatoire français des drogues et des toxicomanies, l'OFDT, il y a eu non pas explosion de la consommation au cours des dix dernières années, mais une augmentation régulière depuis trente ans. Le résultat est sans doute le même et la situation est tout aussi préoccupante, mais il est difficile d'accuser le gouvernement précédent et la MILDT, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, d'avoir banalisé le cannabis et de dénoncer ainsi une « idéologie permissive ».
Il conviendrait d'ailleurs de faire la comparaison avec les autres pays développés : tous les pays sont concernés. Il y a eu partout augmentation de la consommation de cannabis. Elle a été plus forte en France, car le niveau de consommation était moins élevé que dans des pays voisins. Ce qui est important à noter, c'est que, maintenant, on semble partout avoir atteint un palier.
Ce qui est important également pour le législateur, c'est que, selon des études de l'INSERM, l'Institut national de la santé et de la recherche médicale, et de l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, il n'y a pas de lien entre les politiques publiques conduites par les différents pays, que ces politiques soient libérales ou répressives, et les niveaux de consommation de cannabis dans ces pays. Les résultats semblent assez paradoxaux. Ainsi, aux Pays-Bas, le taux de consommateurs est plus faible qu'en France. Sur le plan international, malgré les programmes de lutte, l'offre et la demande restent stables. Ce sont là des résultats qui nous interpellent.
Mais, d'ailleurs, pourquoi parler du seul cannabis et pas de toutes les drogues, licites ou illicites ? Il y aurait, en France, selon l'OFDT, 350 000 consommateurs quotidiens de cannabis, alors que le nombre de consommateurs quotidiens s'élève à 2,4 millions pour les médicaments psychotropes et qu'il atteint 7,8 millions pour l'alcool et 11,9 millions pour le tabac. Et puisque vous avez beaucoup parlé des jeunes, on peut rappeler qu'à dix-sept ans, trois jeunes sur quatre ont expérimenté au moins deux produits parmi le tabac, l'alcool et le cannabis, que près d'un jeune sur deux est un consommateur quotidien de tabac et a déjà connu des ivresses, qu'à dix-huit ans, un jeune sur vingt a déjà consommé de l'ecstasy, et qu'à dix-huit ans, près d'une fille sur trois a déjà consommé des médicaments psychotropes.
Faut-il rappeler les ravages causés par le tabac - 60 000 morts - et par l'alcool - 45 000 morts -, et les nombreux drames, dont celui de l'alcool au volant ?
Le rapport Roques, qui compare la dangerosité des différents psychotropes, y compris le tabac et l'alcool, n'a pas été remis en question si l'on retient les trois critères qu'il prend en compte : la dangerosité neurologique et comportementale, la dangerosité à l'égard des autres - j'ai fait allusion aux accidents de la route sous l'emprise de l'alcool, mais je pourrais aussi bien parler, entre autres exemples, des violences conjugales - et la dangerosité plus générale concernant l'impact en terme de santé publique. Si l'on cumule ces trois critères, on aboutit à un classement qui place l'alcool dans la première catégorie - la plus dangereuse -, le cannabis dans la dernière, le tabac se situant entre les deux.
Ces conclusions font l'objet, selon les critères que j'ai rappelés, d'un consensus parmi les médecins et les scientifiques du monde entier.
Les Français ne s'y trompent pas. L'enquête EROPP 2002 - enquête sur les représentations, opinions et perceptions sur les psychotropes - de l'OFDT montre qu'ils sont devenus plus sévères sur les drogues « licites », alcool ou tabac : en effet, 62 % estiment que le tabac est plus dangereux pour la société que les drogues illicites et 70 % portent le même jugement sur l'abus d'alcool.
Dès lors, faut-il interdire aussi le tabac et l'alcool ? Les Français sont réalistes et considèrent, pour les trois quarts d'entre eux, qu'il s'agit là d'un rêve, d'un objectif inaccessible.
Quoi qu'il en soit, il est difficile pour la majorité de dénoncer le fléau du cannabis, alors qu'elle fait preuve d'une grande tolérance à l'égard du lobby alcoolier, même s'il y a eu quelques inflexions dans cette politique, quelques avancées qu'il faut saluer, lors du débat, au Sénat, sur le projet de loi relatif à la politique de santé publique.
Les taxes sur les boissons alcooliques se situent toujours autour de 20 % et celles sur le tabac dépassent les 80 %. Le débat sur la taxation de l'alcool qui avait été annoncé dans le cadre du projet de loi de finances ou du projet de loi de financement de la sécurité sociale n'a pas eu lieu ; il a été étouffé.
Certains disent que l'on ne peut pas toucher à l'alcool, et d'abord aux taxes qui lui sont appliquées, parce qu'il fait partie de notre culture. Quelle conception ont-ils de la culture ?
Que font-ils du concept d'addiction ? La Fédération française d'addictologie, la FFA, dénonce « l'absence de politique de santé en matière d'addiction ». Elle estime que « sur tous les fronts, que ce soit la prévention, les dispositifs de soins ou les mesures légales, le Gouvernement a repris les vieux réflexes de l'approche par produits et pris des mesures plus animées par des logiques économiques et sécuritaires que sanitaires ». Or, comme l'avait déclaré M. le ministre de la santé, Jean-François Mattei, devant la commission d'enquête, « plus qu'un problème de police, la drogue est aussi un problème de santé publique ».
Il avait également souligné les résultats en termes sanitaires de la politique de réduction des risques menée par la MILDT dans les années précédentes. Il semble bien que, dans la nouvelle politique qui se dessine, l'action sanitaire et sociale soit sacrifiée et que, en particulier, les associations qui agissent sur le terrain soient privées des moyens et des subventions qui leur sont indispensables pour poursuivre leur tâche.
Je n'oublie pas, toutefois, qu'un amendement qui donne enfin un cadre légal à la « réduction des risques » liés à l'usage de drogues a été adopté mercredi dernier par le Sénat. Cet amendement, présenté par M. Bernard Plasait, constitue une réelle avancée.
J'en reviens au cannabis, puisqu'il semble être le sujet quasi exclusif de cette question orale. Il n'est pas contestable que des études scientifiques récentes mettent en évidence les risques de l'usage intensif et prolongé du cannabis. Ces études mériteraient d'être confirmées et approfondies. La recherche, en France, dans le domaine des stupéfiants et, en général, des drogues est à un niveau très insuffisant. Or il n'y a pas de bonne législation, de bonne gestion du risque sans une connaissance approfondie. A tout le moins, il faut prendre en compte le principe de précaution et, manifestement - je rejoins M. Plasait -, il faut non seulement contenir la consommation de cannabis, mais également la réduire. Il faut poser des limites avant de se lancer dans le tout répressif. Pour reprendre les propos de Didier Jayle, président de la MILDT, il ne faut ni diaboliser ni banaliser le cannabis, mais trouver une réponse adaptée lorsque sa consommation est problématique. C'est ainsi qu'il faut pénaliser la conduite à risque, comme pour l'alcool.
La réponse adaptée peut être une amende. En aucun cas, même en cas de récidive ou de refus de soins, elle ne peut être la prison. Nous ne pouvons pas envisager un instant que la consommation, même problématique, de cannabis puisse conduire la société à mettre des jeunes en prison ou, ce qui revient presque au même, dans des « centres fermés de traitement de la toxicomanie », sur le modèle controversé des centres fermés pour jeunes délinquants. Cela ne constituera jamais une solution.
Nous divergeons totalement sur ce point de la position qui a été prise par la majorité dans le cadre de la commission d'enquête alors qu'un consensus devrait se dégager pour des sanctions qui seraient de l'ordre de la simple contravention. Le professeur Claude Got évoque des « sanctions légères pour être acceptables, crédibles, équitables, des sanctions financières qui seraient proportionnées aux revenus de la personne ou de sa famille ». Ce n'est pas facile à mettre en oeuvre, mais c'est la voie dans laquelle il conviendrait de s'engager.
Une autre réponse se situe au niveau de l'offre qui, malheureusement, ne faiblit pas. Il y a d'abord le problème de la production : la plus grande partie du cannabis vient du Maroc, l'héroïne de l'Afghanistan, qui est sous contrôle américain, la cocaïne de Colombie, et les drogues de synthèse de pays d'Europe.
Est-il impossible, sur le plan international, d'agir sur ces pays, lors de voyages au Maroc, par exemple, et sur quelques autres ? Une priorité de l'action internationale devrait bien être de tarir la source.
Il y a ensuite le trafic : il faut durcir la pénalisation et les sanctions pour les trafiquants, du simple deal au gros trafic, de façon proportionnée et graduelle.
Il faut intensifier la lutte contre le blanchiment de l'argent de la drogue. L'échange électronique des moyens de paiement est parfaitement traçable. Si nous exigions vraiment des pays qui sont les paradis fiscaux que nous connaissons tous une transparence absolue, nous bloquerions alors les trafics en partie. Il y a une incohérence : on ne peut pas vouloir l'absence de drogue et l'argent de celle-ci.
Mais au commencement de toutes les actions qui peuvent et qui doivent être menées - et elles sont nombreuses -, il y a l'éducation des jeunes, la nécessité de mettre en place une politique de prévention efficace. On peut s'étonner au passage qu'il n'y ait eu depuis le changement de majorité aucune campagne de prévention grand public spécifique au cannabis du type de la campagne spectaculaire, et certainement très efficace, qui se déroule actuellement sur le tabagisme.
L'école doit jouer un rôle de premier plan. Elle doit renforcer la prévention, la formation, l'éducation, améliorer la connaissance des dangers qui ne se limitent pas, je le redis, aux drogues illicites. Il faut faire en sorte que l'information et la sensibilisation des jeunes soit une véritable priorité à l'école primaire, au collège, au lycée. Je pense, comme la commission d'enquête, que l'éducation à la prévention des risques devrait intervenir le plus tôt possible dans la scolarité, si possible dès l'école primaire, peut-être même dès l'école maternelle, en tout cas à l'âge de neuf ou dix ans, c'est-à-dire celui des élèves de CM 1 et CM 2. C'est sans doute le moment le plus propice, car les enfants, alors passionnés par les sciences, par le fonctionnement du cerveau, par notre vie psychique, sont largement réceptifs aux conseils et aux mises en garde qui leur sont adressés.
Ces actions de prévention nécessitent bien sûr des moyens financiers à la hauteur des enjeux. Nous en sommes bien loin. Il faut surtout une volonté politique très forte pour mobiliser, et avant tout former, l'ensemble des intervenants, l'ensemble des professionnels chargés de mettre en oeuvre un programme de sensibilisation aux conduites à risques, un programme obligatoirement intégré au temps scolaire et étalé sur l'ensemble de la scolarité, de l'école primaire à l'université.
Monsieur le ministre, mes chers collègues, nous savons combien il est difficile de faire une bonne loi. Dans le domaine de la lutte contre les toxicomanies, c'est peut-être encore plus difficile. Une bonne loi est celle qui est bien comprise par les gens auxquels elle est censée s'appliquer. Une loi qui se lancerait dans le tout-répressif serait vouée à l'échec. Il faut insister sur la prévention, l'éducation ; il faut aussi proposer une réponse sanitaire et sociale. Les pays qui ont obtenu les meilleurs résultats dans la lutte contre les toxicomanies sont ceux qui, comme la Suède ou les Pays-Bas, ont construit leur politique sur une adhésion très forte de la population, quelles que soient les alternances politiques, et qui ont élaboré une politique cohérente à la fois en matière de prévention, de soins et de répression. Je souhaite donc que nous sachions tout autant que ces pays tenir compte de la population de notre pays et du rôle qu'elle doit jouer pour mener un combat efficace contre les toxicomanies. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. La parole est à Mme Nelly Olin.
Mme Nelly Olin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les travaux conduits en 2003 par la commission d'enquête sur la politique nationale de luttre contre les drogues illicites, que j'ai eu l'honneur de présider, ont abouti à un constat particulièrement préoccupant. Son excellent rapporteur, mon collègue Bernard Plasait, souligne dans sa question orale plusieurs points sur lesquels je souhaite revenir.
Même si la progression est partout constante, notre pays a le triste privilège de se classer en tête des pays de l'Europe élargie en termes de consommation de cannabis chez les jeunes. Il s'agit de la drogue illicite de loin la plus utilisée en France. Les chiffres sont inquiétants : plus de 9 millions d'expérimentateurs, plus de 3 millions d'usagers occasionnels, 1,7 million d'usagers répétés et environ 280 000 usagers réguliers.
Les témoignages des parents dont les enfants ont croisé le chemin de la drogue sont affligeants. Des familles entières se trouvent aujourd'hui désemparées, meurtries, et bien souvent impuissantes à sortir leurs enfants de l'enfer dans lequel ils vivent. On comprend leur colère et leur exaspération lorsqu'elles entendent l'éternel discours qui continue à faire la différence entre les drogues dures et les drogues douces.
En effet, pour bien des jeunes, de plus en plus jeunes, le cauchemar a débuté avec quelques joints qui, aux dires de certains, dans le monde politique, sportif, dans celui du spectacle et des médias, sont totalement inoffensifs.
De telles affirmations sont inconscientes et inacceptables, car le danger est réel. Le cannabis tue, il tue bel et bien. Les propos complaisants ont largement contribué à brouiller le discours officiel entendu au cours des dernières décennies. En résultent une banalisation du cannabis et l'idée sournoise qui a fait son chemin pendant un temps, à savoir sa possible dépénalisation. Les auditions auxquelles nous avons procédé ont pourtant clairement démontré sa dangerosité.
Le professeur Nordmann, de l'Académie nationale de médecine, a notamment déclaré ceci : « Lorsque le cannabis est fumé de façon répétitive ou intensive, il modifie la qualité de vie. Il démotive, il déconnecte et il peut désocialiser. Les premiers signes d'une consommation régulière ou intensive chez un jeune adolescent sont un désintéressement vis-à-vis de ses parents et une diminution des performances scolaires ou professionnelles un peu plus tard dans l'adolescence. (...) Il faut insister sur le fait qu'à long terme, des effets différents peuvent survenir. Le cannabis a une action cancérogène encore plus marquée que le tabac, sachant que, bien sûr, la consommation est plus faible que celle du tabac ; il a également une action discutée sur la reproduction, aussi bien chez l'homme que chez la femme ; il a été décrit comme favorisant la survenue d'infarctus du myocarde et, enfin, il semble contribuer à la diminution de l'immunité. »
A ces effets physiques et psychiques décrits par le professeur Nordmann, il faudrait ajouter les répercussions neuropsychiatriques du produit, notamment l'accroissement du risque de survenue de troubles schizophréniques, comme l'avait souligné une étude de l'INSERM.
Le docteur Patrick Mura, président de la société française de toxicologie analytique, a reconnu la dépendance au cannabis, indiscutable, même s'il n'y a pas de syndrome de sevrage sévère.
Le docteur Jean-Luc Saladin a, quant à lui, insisté sur la gravité de la situation, en faisant état d'une multiplication par quatre du nombre des consommateurs depuis dix ans et d'une initiation de plus en plus précoce au cannabis. Il citait une patiente qui avait commencé à en consommer à l'âge de douze ans ; à ce jour, âgée de seize ans, elle est totalement déscolarisée et désocialisée.
Ce problème de la désocialisation et, plus généralement, de la perte d'intérêt à tout, que l'on croyait réservé aux usagers de l'héroïne, atteint indiscutablement tous les fumeurs réguliers de cannabis, comme le souligne également le docteur Hovnanian.
Ce ne sont là que quelques exemples de remarques qui font aujourd'hui la quasi-unanimité dans le monde scientifique. Rares sont maintenant les personnalités de ce milieu qui se risquent désormais à dire que le cannabis est inoffensif, et c'est tant mieux.
L'usage du cannabis remonte, certes, au premier millénaire avant notre ère, mais le produit que l'on se procure actuellement sur le marché ou que l'on fabrique chez soi n'a plus rien à voir avec celui que l'on trouvait, même dans les années soixante-dix. Le taux de THC ; le tetrahydrocannabinol - qui ne dépassait jamais les 10 %, peut atteindre 40 % dans le cannabis cultivé aux Pays-Bas, au Maroc, voire en Afghanistan. Inutile de détailler les effets dévastateurs d'une telle substance, dont la toxicité n'est plus à démontrer.
Malheureusement, depuis les années quatre-vingt-dix, un autre fléau est venu frapper les jeunes : les drogues chimiques, facilement accessibles et concernant particulièrement les amateurs de fêtes techno. Il s'agit de l'ecstasy, du LSD, des amphétamines, des poppers ou du GHB, l'acide gamma hydrobutyrique, appelé la « drogue du violeur ». Comme pour le cannabis, l'accroissement de la consommation est particulièrement marqué chez les adolescents.
Or, ceux-ci sont bien souvent des polyconsommateurs, qui multiplient ainsi les risques. Je ne reviendrai pas sur les cas de morts durant des rave-parties, largement relayés par les média.
Par ailleurs, la consommation de cocaïne s'accroît, elle aussi, en raison de la baisse de son prix.
J'évoquerai rapidement un problème très récent, qui concerne particulièrement mon département. Le crack, dérivé de la cocaïne, bon marché, ne se rencontrait en métropole que dans une certaine catégorie de population et dans le 18e arrondissement de Paris. Ce n'est plus le cas aujourd'hui. Il se diffuse de manière inquiétante dans les banlieues, notamment dans le nord de Paris et plus particulièrement dans le Val-d'Oise, auprès de jeunes issus bien sûr de milieux défavorisés. Une association de Sarcelles qui accueille les toxicomanes compte parmi ses patients 15 % de consommateurs de crack, alors qu'elle n'en recensait aucun avant 2000. La situation est difficile, et même dramatique, car l'évolution est constante et il n'existe ni réponse médicale adaptée à la prise de ce produit destructeur ni prévention, puisqu'on le croyait cantonné dans les Antilles.
Compte tenu de la gravité de la situation et de l'enjeu pour la jeunesse de notre pays, il nous appartient à nous, politiques, de prendre les dispositions qui s'imposent. Nous n'avons que trop tardé.
D'une part, le programme de la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, comptait parmi ses priorités la prévention, mais sa mise en oeuvre peut être perçue comme ambiguë, dans la mesure où certaines drogues sont implicitement légitimées par une notion d'usage modéré et raisonné. Notre commission d'enquête est, par exemple, restée perplexe face à un livret de la MILDT destiné au grand public intitulé : « Savoir plus, risquer moins ».
D'autre part, la multiplicité et la diversité des structures et des intervenants en matière de prévention, ainsi que le manque de coordination entre eux, altèrent profondément leur efficacité.
Enfin, la politique de réduction des risques, louable, a toutefois été privilégiée au détriment d'un véritable programme d'information et de prévention, notamment en direction des jeunes.
Monsieur le ministre, il faut certes réprimer sévèrement un trafic de plus en plus répandu, de plus en plus juteux et de plus en plus aisé quand on songe à la facilité avec laquelle certaines substances peuvent être fabriquées. Il faut également développer la prise en charge sanitaire de ces nouvelles toxicomanies que sont la consommation de cannabis et de drogues chimiques qui concerne en premier lieu les adolescents dont les parents sont désemparés parce qu'ils ne savent pas où s'adresser, ou vers qui se tourner.
Cependant, il demeure primordial de mettre en place une véritable information et une prévention efficace, notamment dans les établissements scolaires, ce qui implique la formation des acteurs. Notre commission d'enquête n'a pu que constater les carences de l'éducation nationale en ce domaine par rapport à d'autres institutions publiques.
Sans aller jusqu'à dire qu'il faut commencer en maternelle, on peut toutefois citer l'exemple de la Suède, qui n'a que 2 % de fumeurs de cannabis et où la prévention débute dès le CM 2. Ce pays, qui menait voilà quelques années une politique rigoureuse de lutte contre la toxicomanie et qui avait obtenu des résultats spectaculaires, avait, à la suite de la crise économique, subi à nouveau une envolée de la consommation, aujourd'hui résorbée grâce à une prévention et une répression fortes.
Il est largement temps de réfléchir à la question, d'autant plus que le problème de l'augmentation de la consommation de drogue en milieu scolaire devient particulièrement alarmant. C'est à ces élèves en péril que nous devons apporter des réponses et des solutions.
Nous avons adopté la semaine dernière une mesure importante. L'article 18 ter du projet de loi relatif à la politique de santé publique, amendé par notre assemblée, prévoit en effet qu'une information soit délivrée sur les conséquences de la consommation de drogues sur la santé, notamment concernant les effets neuropsychiques et comportementaux du cannabis, dans les collèges et les lycées, à raison d'au moins une séance annuelle, par groupes d'âge homogène.
On ne peut que se réjouir de ce renforcement de la prévention auprès des jeunes, mais cela reste à mon avis très insuffisant pour les convaincre, les éduquer et leur faire comprendre qu'il faut renoncer à ces produits.
Monsieur le ministre, nous savons pouvoir compter sur vous. N'importe quel enfant, n'importe quelle famille est concernée. Les Français sont bien conscients que seule une véritable politique de prévention, globale, permettra de résoudre ce problème de santé publique, de préserver notre jeunesse de ce drame qu'est l'usage de la drogue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. Christian Jacob, ministre délégué à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens tout d'abord à vous présenter les excuses de Jean-François Mattei qui ne peut malheureusement pas être présent aujourd'hui au Sénat. Il m'a chargé de porter à votre connaissance les éléments de réponse qu'il aurait souhaité vous apporter lui-même.
Je me félicite de la grande qualité des travaux qui ont été réalisés par la commission d'enquête présidée par Mme Olin, et dont M. Plasait était le rapporteur. A l'évidence, la qualité de ces travaux inspirera le Gouvernement.
Pendant longtemps, la drogue a été perçue comme un problème concernant uniquement l'ordre public.
Le sida a, là comme ailleurs, profondément modifié notre perception à tous. Avant 1985, les échecs fréquents du sevrage chez les toxicomanes donnaient aux médecins un sentiment d'impuissance partagé par les pouvoirs publics. Le drame du sida nous a obligés à nous engager dans des actions de réduction des risques pour éviter l'hécatombe, à considérer les drogués non comme des coupables, mais comme des patients qui nécessitent de l'aide, de l'humanité et enfin, des traitements, qu'il s'agisse de traitements de substitution, de traitements de l'infection due au VIH ou, plus récemment, de traitements des hépatites C.
Dès lors, la drogue est devenue avant tout, ces dernières années, un problème de santé publique.
La France compte entre 170 000 et 190 000 toxicomanes dépendants des opiacés. La politique de santé en direction de ces usagers de drogues s'est articulée, ces dernières années, autour des deux grands axes : la réduction des risques infectieux liés à l'usage de drogues, les traitements de substitution.
Une décision courageuse de Michèle Barzach, alors ministre de la santé, a permis, dès 1987, la vente libre de seringues en pharmacie. A partir du milieu des années 1990, la politique de réduction des risques s'est aussi appuyée sur la diffusion de kits d'injection, sur la mise en place de nombreux programmes d'échanges de seringues et sur la création des centres de soins et d'accueil de premières urgences pour les usagers de drogues, particulièrement les plus démunis d'entre eux.
Actuellement, les deux tiers des usagers de drogues - soit environ 116 500 personnes - reçoivent un traitement de substitution. Plus des trois quarts d'entre eux sont traités par Subutex et suivis par un médecin généraliste.
Tout cela n'est possible que grâce à un effort financier important. Le ministère de la santé consacre en effet chaque année 14 millions d'euros à la réduction des risques. La mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie qui coordonne les différents champs de l'action publique de lutte contre la drogue, y consacre aussi une partie de son budget, qui s'élève à 40 millions d'euros. Le Subutex est, en termes de coût, au onzième rang des médicaments remboursés par l'assurance maladie, ce qui représente la somme importante de 112 millions d'euros en 2002. Le coût des centres spécialisés s'élève, quant à lui, à 134 millions d'euros.
La transmission du VIH parmi les toxicomanes s'est considérablement ralentie et les surdoses mortelles ont chuté de 80 % entre 1995 et 1999. Enfin, le nombre d'interpellations liées à l'usage d'opiacés a, lui aussi, chuté.
Le dispositif de prise en charge des usagers de drogues a été sécurisé en 2003 par le transfert du financement des centres de soins spécialisés pour toxicomanes, les CSST, à l'assurance-maladie, ce qui correspondait à une attente ancienne des professionnels.
Et sur proposition du sénateur Plasait, rejoignant celle du Gouvernement, le Sénat a voté à l'unanimité, voilà quelques jours, un amendement au projet de loi relatif à la politique de santé publique donnant une base légale à la politique de réduction des risques, tout en permettant de créer pour ces pratiques le cadre qu'elles appellent.
Les progrès accomplis dans les domaines des addictions les plus sévères, pour réduire les risques les plus urgents, ont peut-être masqué un constat qui s'impose aujourd'hui : la prévention primaire reste le maillon faible de notre système sanitaire.
Ne nous y trompons pas ! Réduire les dommages liés à la consommation de drogues, ce n'est pas prévenir la consommation elle-même !
Si le nombre de jeunes expérimentateurs d'héroïne s'est stabilisé en France à un niveau relativement bas depuis 1993 puisqu'il représente que 0,2 % des lycéens, au même moment, le cannabis amorçait une très forte poussée.
Aujourd'hui, plus de la moitié des jeunes de dix-huit ans expérimentent le cannabis et environ 10 % d'entre eux en font un usage très régulier, quasi quotidien. Les dernières enquêtes montrent que la hausse se poursuit entre 2000 et 2002. Vous le savez, la France possède le record d'Europe de la consommation de cannabis chez les jeunes. Triste record ! En 2002, l'expérimentation par les jeunes des drogues de synthèse augmente aussi, vous l'avez tous évoqué.
Bien sûr, le cannabis ne présente pas les même risques sanitaires que l'héroïne, les Français le savent bien. Mais plus de 50 % de ceux qui sont interrogés perçoivent l'expérimentation de cannabis comme déjà dangereuse en soi. Cette perception rejoint les données scientifiques les plus récentes, qui confirment l'existence d'effets nocifs du cannabis sur l'attention, la mémoire, les performances intellectuelles et l'adaptation sociale. Le rôle de la consommation régulière de cannabis dans le déclenchement ou l'aggravation de psychoses est de plus en plus solidement établi par la littérature scientifique. Le rôle cancérigène du cannabis pour les gros consommateurs est maintenant démontré.
Il est largement temps d'agir. La consommation des drogues n'est pas une fatalité. Elle n'est pas due à la prétendue inefficacité de la prévention ou des législations, comme certains l'affirment, mais bien à l'absence d'information claire, de programme d'ensemble cohérent et de volonté politique. Changer les comportements, c'est possible !
M. Bernard Plasait. Très bien !
M. Christian Jacob, ministre délégué. La lutte contre le sida, la guerre contre le tabac ou la violence routière, qui ont été menées avec succès, l'ont démontré !
Il nous faut lutter contre la consommation des drogues notamment du cannabis. Notre objectif est clair : il s'agit de prévenir l'expérimentation des jeunes et de tout faire pour éviter le passage à la consommation régulière de ceux qui ont déjà essayé.
Je n'évoquerai que brièvement les actions portant sur la répression du trafic.
Je rappellerai la création des GIR, les groupements d'intervention régionaux, rassemblant policiers, gendarmes et douaniers, le renforcement des services spécialisés de la police judiciaire contre les trafiquants de drogues, et les nouvelles collaborations mises en place avec nos partenaires européens ou les autorités de certains pays producteurs - je pense à la Colombie - par le ministre de l'intérieur, collaborations qui ont permis d'obtenir des résultats importants en matière de lutte contre le trafic tant dans les quartiers que sur le plan international.
Outre la répression du trafic, l'action du Gouvernement repose sur l'information du public et l'éducation, sur le repérage précoce et la prise en charge des jeunes consommateurs problématiques de cannabis ou des polyconsommateurs, et sur la réaffirmation de l'interdit.
Pour informer la population des méfaits liés à la consommation de cannabis, une campagne d'information nationale menée par l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé, l'INPES est en cours de préparation et sera diffusée en 2004.
Pour ce qui concerne la prévention, priorité du Gouvernement, l'effort portera sur les jeunes, leurs parents et sur l'école, lieu des acquisitions et des apprentissages. Le rôle du ministre délégué à l'enseignement scolaire est là tout à fait essentiel.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous venez de voter, dans le cadre du projet de loi relatif à la politique de santé publique, l'obligation d'une éducation sanitaire sur les dangers du cannabis dans le secondaire.
Les comités d'éducation à la santé et à la citoyenneté, les CESC, mis en place progressivement depuis 1998 et qui couvrent aujourd'hui 75 % des collèges et lycées, seront généralisés, leurs moyens d'action renforcés et leur action évaluée. A cet égard, les actions développées pour lutter contre le tabac auront une incidence non négligeable sur la consommation de cannabis qui lui est, le plus souvent, associée.
La formation des chefs d'établissement, des personnels éducatifs, sanitaires et sociaux et des enseignants et le développement de leurs savoirs et savoir-faire sur les questions des « drogues », tout comme la qualification des éducateurs à la santé font déjà partie des réflexions en cours.
La mise en place d'actions dans les autres lieux de vie des jeunes, les associations sportives notamment, sera également encouragée.
Les moyens nécessaires au développement de cette politique ambitieuse seront affectés progressivement au regard des résultats obtenus.
Pour aider les jeunes consommateurs problématiques de cannabis ou polyconsommateurs, nous allons développer sur tout le territoire des consultations de repérage précoce et d'orientation, qui rempliront un rôle de conseil d'évaluation, de dépistage et d'orientation vers le système de soins.
Nous disposons d'ores et déjà d'un réseau dense de structures pouvant être mobilisées à cette fin : 264 centres de soins spécialisés pour toxicomanes, les CSST, dont 16 en milieu carcéral, qui traitent de plus en plus de problèmes liés à la consommation de cannabis ; 287 centres de cure ambulatoire en alcoologie, dont plusieurs reçoivent des consommateurs de stupéfiants ; les équipes hospitalières spécialisées en addictologie ; enfin, les médecins libéraux qui participent aux 53 réseaux de toxicomanie ville-hôpital.
Certaines de ces structures seront spécifiquement agréées pour cette activité de consultation, d'orientation et de prévention.
La diversification des modes de prise en charge socio-sanitaire sera elle aussi encouragée avec notamment le développement des communautés thérapeutiques.
Le Gouvernement prépare la refonte du cadre législatif relatif à la lutte contre la toxicomanie qui est resté inchangé depuis 1970.
Vous le savez, la loi de 1970 sanctionne actuellement l'usage de stupéfiants d'une amende de 3 750 euros et d'une peine d'emprisonnement de un an. Elle vise également à favoriser l'entrée dans le soin des personnes interpellées.
Aujourd'hui, ce système n'apparaît plus adapté : la sanction de l'usage se révèle, dans les faits, peu appliquée ; une grande partie du contentieux est traitée par les juridictions par la voie de l'alternative aux poursuites, notamment par le rappel à la loi, une voie qui, tant pour les professionnels que pour l'opinion publique, manque de lisibilité et provoque le sentiment d'une certaine inefficacité dans la réponse judiciaire.
Les usages ont pourtant profondément évolué et l'existence de consommateurs de plus en plus jeunes et nombreux appelle une refonte de notre législation sur l'usage des stupéfiants.
Permettez-moi de citer le Président de la République s'exprimant lors de la conférence internationale sur les routes de la drogue à Paris, le 22 mai 2003 : « L'alternative entre l'emprisonnement et l'injonction thérapeutique ne correspond pas toujours ni à la gravité de la faute ni à l'ambition du meilleur soin. Nous devons améliorer tant l'efficacité des soins délivrés aux toxicomanes que celle des sanctions. »
Je vous le confirme : un projet de loi sera déposé au Parlement par Jean-François Mattei au cours de cette législature. Il s'appuiera sur le rapport demandé par le Premier ministre à la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, et qui a été remis le 15 septembre 2003. Ce travail est le fruit de la consultation des différents ministères concernés et en particulier, bien sûr, des ministères de la justice et de l'intérieur, mais également des acteurs de terrain et des experts.
L'interdit de l'usage et la nécessité de rendre plus efficient le dispositif réglementaire ainsi que l'amélioration de la prise en charge effective dans le système de soins seront réaffirmés.
L'évolution législative sur laquelle nous travaillons apportera une réponse pénale modernisée, mieux adaptées, plus lisible, plus systématique, plus homogène et, finalement, plus efficace. Le texte qui sera proposé au Parlement s'appuiera notamment sur quelques points prioritaires et consensuels : le maintien de l'interdit et de la pénalisation de l'usage de stupéfiants sans distinction de substances ; la mise en place d'un régime pénal progressif et adapté permettant une sanction différenciée des premiers usages, d'une part, et des usages réitérés ou commis dans des circonstances particulières, d'autre part ; le maintien d'une articulation entre système pénal et système sanitaire permettant tout à la fois une réponse pénale effective à l'usage illicite de stupéfiants et une orientation sociosanitaire pour les usagers relevant d'une telle prise en charge.
Le cadre juridique sera ainsi modifié. Comme je vous le disais tout à l'heure, nous serons là aussi très attentifs aux travaux et aux réflexions de la Haute Assemblée. Je ne peux vous donner le contour exact de ce cadre juridique, mais sont actuellement étudiés le maintien d'un délit avec la suppression de la peine d'emprisonnement, ainsi que la création d'une contravention d'usage.
Par cette réforme, la France s'inscrira dans la tendance européenne qui, selon les constats faits par l'Observatoire européen des drogues et des toxicomanies, l'OEDT, se caractérise par l'abandon de la prison, le recul de la sanction pénale au profit de l'approche sanitaire et sociale de l'usager et le développement de sanctions administratives ou de contraventions. Sur le plan stratégique, la mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, la MILDT, sur instruction du Premier ministre, finalise la proposition du prochain plan quinquennal de lutte contre la toxicomanie.
Comme vous l'avez souligné, monsieur Plasait, la lutte contre la drogue et la toxicomanie nécessite la mobilisation de nombreux acteurs : parents, enseignants, médecins, travailleurs sociaux, policiers, magistrats. Les principes fondateurs de la MILDT s'inspirent de cette nécessité.
Son rattachement au Premier ministre est garant de l'animation et de la coordination des réflexions et des actions sur l'ensemble des champs concernés.
Afin de développer une coordination interministérielle forte, le rôle de la MILDT sera renforcé dans le cadre des expérimentations de programmes innovants qui devront pouvoir être relayés, s'ils se révèlent efficaces, par les ministères en charge de ce volet d'action, ainsi que dans la mise à disposition d'outils d'information nécessaires à la conduite de leurs actions.
Parallèlement, l'organisation déconcentrée de la MILDT s'articule autour des chefs de projets territoriaux et de centres d'information et de ressources sur les drogues et les dépendances. Il est en effet nécessaire d'améliorer le pilotage local pour mieux faire exister l'interministérialité au niveau déconcentré.
En résumé, le Gouvernement a entamé un renforcement de grande ampleur de la lutte contre l'usage de la drogue : l'information claire du public sur les dangers de la drogue, la prévention auprès des jeunes relancée, la structuration du dispositif de repérage et de conseils, l'élaboration d'une législation plus efficace, l'accès rénové à la prise en charge et la réduction des risques assumée pour les plus vulnérables des usagers de drogues sécurisée. Voilà comment nous voulons répondre aux besoins et aux attentes de la société et de nos concitoyens.
Une nouvelle fois, je voudrais vous assurer de la détermination et de l'engagement de Jean-François Mattei pour défendre cette cause. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.
COMMUNICATION RELATIVE
À DES COMMISSIONS MIXTES PARITAIRES
M. le président. J'informe le Sénat que les commissions mixtes paritaires chargées de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion, d'une part, du projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française et, d'autre part, du projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française sont parvenues à l'adoption de textes communs.
DÉPÔT
D'UNE PROPOSITION DE LOI ORGANIQUE
M. le président. J'ai reçu de MM. Christian Cointat et Robert Del Picchia, Mme Paulette Brisepierre, MM. Jean-Pierre Cantegrit, Xavier de Villepin, Hubert Durand-Chastel, Louis Duvernois, André Ferrand et M. Michel Guerry une proposition de loi organique tendant à modifier le nombre de représentants des Français établis hors de France au Conseil économique et social.
La proposition de loi organique sera imprimée sous le n° 168, distribuée et renvoyée à la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu de M. Lucien Lanier, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 169 et distribué.
J'ai reçu de M. Lucien Lanier, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française.
Le rapport sera imprimé sous le numéro 170 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au vendredi 23 janvier 2004, à neuf heures trente et, éventuellement, à quinze heures :
Suite de la discussion en deuxième lecture du projet de loi (n° 90, 2003-2004), adopté avec modifications par l'Assemblée nationale en deuxième lecture, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.
Rapport (n° 148, 2003-2004) de M. François Zocchetto, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Le délai limite pour le dépôt des amendements est expiré.
Délai limite pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Projet de loi relatif à la régulation des activités postales (n° 410, 2002-2003).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 26 janvier 2004, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 26 janvier 2004, à dix-sept heures.
Deuxième lecture du projet de loi, modifié par l'Assemblée nationale, réformant le statut de certaines professions judiciaires ou juridiques, des experts judiciaires, des conseils en propriété industrielle et des experts en ventes aux enchères publiques (n° 141, 2003-2004).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 27 janvier 2004, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 27 janvier 2004, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à dix-huit heures vingt-cinq.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD