SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron
1. Procès-verbal (p. 1).
2. Création des communautés aéroportuaires. - Discussion des conclusions du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.) (p. 2).
Discussion générale : MM. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Michel Sergent, Yves Détraigne, Gérard Larcher, Mme Odette Terrade.
Suspension et reprise de la séance (p. 3)
PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer
3. Rappel au règlement. - Mme Hélène Luc, MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; le président. (p. 4).
4. Création des communautés aéroportuaires. - Suite de la discussion et adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.) (p. 5).
Discussion générale (suite) : M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
Clôture de la discussion générale.
Demande de renvoi à la commission (p. 6)
Motion n° 12 de Mme Marie-France Beaufils. - Mme Marie-France Beaufils, MM. Jean-Philippe Lachenaud, Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques ; le secrétaire d'Etat. - Rejet par scrutin public.
Article 1er (p. 7)
MM. Jean-Philippe Lachenaud, Jean-Pierre Plancade.
Amendement n° 5 de M. Gérard Larcher. - MM. Gérard Larcher, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Yves Détraigne. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 2 (p. 8)
Amendements n°s 9 de M. Bernard Angels, 16 du Gouvernement et 1 de M. Jean-Philippe Lachenaud. - MM. Michel Sergent, le secrétaire d'Etat, Jean-Philippe Lachenaud. - Retrait de l'amendement n° 1 ; rejet de l'amendement n° 9 ; adoption de l'amendement n° 16.
Amendements n°s 2 rectifié bis de M. Jean-Philippe Lachenaud, 17 du Gouvernement et 10 de M. Bernard Angels. - MM. Jean-Philippe Lachenaud, le secrétaire d'Etat, Bernard Angels, le rapporteur. - Adoption de l'amendement n° 2 rectifié bis, les autres amendements devenant sans objet.
Adoption de l'article modifié.
Article 3 (p. 9)
Amendements n°s 18 à 20 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption des trois amendements.
Adoption de l'article modifié.
Article 4 (p. 10)
Amendement n° 3 de M. Jean-Philippe Lachenaud. - MM. Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 11 rectifié de M. Bernard Angels. - MM. Bernard Angels, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Amendement n° 21 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur, Jean-Philippe Lachenaud. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 5 (p. 11)
Amendements n°s 13 de M. Bernard Angels, 6 et 7 de M. Jean-Philippe Lachenaud. - MM. Bernard Angels, Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet de l'amendement n° 13 ; adoption des amendements n°s 6 et 7.
Adoption de l'article modifié.
Article additionnel après l'article 5 (p. 12)
Amendement n° 8 rectifié de M. Jean-Philippe Lachenaud. - MM. Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption de l'amendement insérant un article additionnel.
Article 6 (p. 13)
Amendements n°s 14 de M. Bernard Angels et 4 de M. Jean-Philippe Lachenaud. - MM. Bernard Angels, Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Retrait de l'amendement n° 14 ; adoption de l'amendement n° 4.
Amendement n° 15 de M. Bernard Angels. - MM. Bernard Angels, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Adoption de l'article modifié.
Article 7. - Adoption (p. 14)
Vote sur l'ensemble (p. 15)
Mme Marie-France Beaufils, MM. Bernard Angels, Jean-Philippe Lachenaud, le rapporteur, le secrétaire d'Etat.
Adoption de la proposition de loi.
5. Création du registre international français. - Adoption des conclusions modifiées du rapport d'une commission. (Ordre du jour réservé.) (p. 16).
Discussion générale : MM. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des affaires économiques ; Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques ; Pierre Fauchon, Gérard Le Cam, Michel Sergent.
MM. le président de la commission, Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
Clôture de la discussion générale.
Question préalable (p. 17)
Motion n° 12 de M. Gérard Le Cam. - MM. Thierry Foucaud, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Rejet.
Article 1er (p. 18)
MM. Gérard Le Cam, le rapporteur.
Adoption de l'article.
Article 2 (p. 19)
Amendement n° 1 rectifié bis de M. Jacques Oudin. - MM. Victor Reux, le rapporteur, le secrétaire d'Etat, Gérard Le Cam. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 3. - Adoption (p. 20)
Article 4 (p. 21)
Amendement n° 4 rectifié de M. Victor Reux. - MM. Victor Reux, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 5 à 8. - Adoption (p. 22)
Article 9 (p. 23)
Amendement n° 5 de M. Victor Reux. - MM. Victor Reux, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 10 (p. 24)
MM. Gérard Le Cam, le rapporteur.
Adoption de l'article.
Articles 11 à 18. - Adoption (p. 25)
Article 19 (p. 26)
Amendement n° 10 rectifié de M. Josselin de Rohan. - MM. Dominique Braye, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 20 à 22. - Adoption (p. 27)
Article 23 (p. 28)
Amendement n° 2 du Gouvernement. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 24 (p. 29)
Amendement n° 7 rectifié de M. Josselin de Rohan. - MM. Dominique Braye, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Articles 25 et 26. - Adoption (p. 30)
Article 27 (p. 31)
Amendement n° 6 de M. Victor Reux. - MM. Victor Reux, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 28. - Adoption (p. 32)
Article 29 (p. 33)
M. Gérard Le Cam.
Amendement n° 13 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 30 (p. 34)
M. le rapporteur.
Amendement n° 11 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.
Amendement n° 8 rectifié de M. Josselin de Rohan. - MM. Dominique Braye, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 31 (p. 35)
Amendement n° 9 rectifié de M. Josselin de Rohan. - MM. Dominique Braye, le rapporteur, le secrétaire d'Etat. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 32. - Adoption (p. 36)
Article 33 (p. 37)
Amendement n° 3 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption de l'amendement supprimant l'article.
Article 34. - Adoption (p. 38)
Seconde délibération (p. 39)
Demande d'une seconde délibération. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.
Suspension et reprise de la séance (p. 40)
Article 2 (p. 41)
Amendement n° A-1 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Article 9 (p. 42)
Amendement n° A-2 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur, Victor Reux. - Adoption.
Adoption de l'article modifié.
Vote sur l'ensemble (p. 43)
MM. Michel Sergent, Gérard Le Cam, Pierre Fauchon, Dominique Braye, le rapporteur, le secrétaire d'Etat.
Adoption de la proposition de loi.
6. Décision du Conseil constitutionnel (p. 44).
7. Communication relative à une commission mixte paritaire (p. 45).
8. Projet d'accord d'entraide judiciaire en matière pénale avec l'Islande et la Norvège. - Adoption d'une proposition de résolution. (Ordre du jour réservé.) (p. 46).
Discussion générale : MM. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois ; Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne ; Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice.
Clôture de la discussion générale.
Adoption de la proposition de résolution.
9. Dépôt d'une proposition de loi (p. 47).
10. Transmission d'une proposition de loi (p. 48).
11. Texte soumis au Sénat en application de l'article 88-4 de la Constitution (p. 49).
12. Dépôt de rapports (p. 50).
13. Ordre du jour (p. 51).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à douze heures.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
CRÉATION DES COMMUNAUTÉS
AÉROPORTUAIRES
Discussion des conclusions du rapport
d'une commission
(ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 91, 2003-2004) de M. Jean-François Le Grand, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur sa proposition de loi (n° 83, 2003-2004) portant création des communautés aéroportuaires.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, pour introduire la présentation de cette proposition de loi tendant à créer une nouvelle catégorie d'établissement public administratif, la communauté aéroportuaire, permettez-moi de la resituer dans son contexte historique, notamment en considération de l'évolution du transport aérien. Vous connaissez tous, sur le fond, les problèmes du transport aérien, mais, pour mieux comprendre la logique de la création de la communauté aéroportuaire, ce bref rappel historique s'impose.
Il y a cent ans, les frères Wright volaient pour la première fois avec une machine plus lourde que l'air. On mesure l'évolution qui s'est faite depuis, et qui a été magnifiquement rappelée à l'occasion d'une récente émission de télévision retraçant l'épopée de l'aviation civile et du transport aérien.
L'aviation a donc suscité d'abord un fort sentiment de sympathie, doublé d'un non moins fort sentiment de curiosité. Même les poètes l'ont chantée, comme Gilbert Bécaud, il y a quelques années, avec son « Dimanche à Orly » ! Cela étant, je ne suis pas sûr qu'aujourd'hui Orly attire encore au point que l'on en fasse une chanson ou un lieu de promenade. En revanche, l'évolution des transports aériens s'est accompagnée de la multiplication des conflits d'usage.
Ainsi donc, en entrant de plain-pied dans la catégorie des grandes activités économiques, le transport aérien a perdu de sa poésie et rencontré des difficultés croissantes.
Avant d'évoquer la montée en puissance de ces difficultés, il convient de rappeler, en quelques chiffres, la réalité économique du transport aérien.
De 1970 à 2000, l'activité du transport aérien a connu un taux de croissance annuel de 6,5 %, passant de 460 millions de passagers transportés en 1970 à plus de 3 milliards de passagers en 2000. Pour la France, cela représente une progression quasiment du double de celle du produit intérieur brut.
Voilà pour l'intérêt économique du transport aérien, son évolution extraordinaire, et les difficultés qu'elle n'a pas manqué de susciter.
En ce qui concerne l'impact économique proprement dit - je m'adresse essentiellement à ceux de nos collègues qui sont franciliens - je précise que 1 million de passagers, ce sont 1 100 emplois directs, 1 100 emplois indirects et 1 800 emplois par effet induit ou par « effet catalyseur ». C'est énorme en termes de création d'emploi. Pour l'Ile-de-France, le transport aérien représente un chiffre d'affaires de 35 milliards d'euros, soit 11 % du PIB régional ! C'est dire son importance sur l'économie locale.
Si l'on veut affiner l'analyse de ces 35 milliards d'euros, on voit qu'ils sont constitués ; pour 10 milliards d'euros ; de retombées directes, pour 10 milliards ; d'euros de retombées indirectes, et ; pour 15 milliards d'euros ; d'effets induits. Ce n'est pas peu, et cela mérite considération.
Pour les entreprises qui travaillent sur les plates-formes franciliennes, le transport aérien représente, chaque année, 16,7 milliards d'euros de chiffre d'affaires, 2 milliards d'euros d'investissements, et 321 millions d'euros de taxes locales. Charles-de-Gaulle représente, à lui seul, 100 millions d'euros de fiscalité locale, et Aéroports de Paris emploie à peu près 100 000 personnes, ce qui représente 2 % de l'emploi total en Ile-de-France !
J'ai volontairement insisté sur cet aspect économique du transport aérien, car il est plutôt de tradition de mettre en avant ses nuisances, et d'omettre de préciser ce que rapportent les aéroports. Il fallait donc replacer tout cela dans son contexte pour que la lecture soit claire, saine et sans ambiguïtés.
En même temps que croissait l'activité du transport aérien, augmentait le nombre des zones de conflits.
C'est le conflit entre les compagnies et les gestionnaires d'aéroport : la compagnie veut plus de mouvements, veut plus d'avions ; le gestionnaire d'aéroport est, lui, contraint physiquement, techniquement, pour ce qui est des capacités d'accueil des aéronefs, donc des mouvements.
C'est le conflit entre le transport aérien et l'environnement, la notion de développement durable étant devenue un mode de vie et un mode de pensée. Mais on risque la schizophrénie. On veut prendre l'avion ; on veut pouvoir aller très vite et très loin sans que cela coûte trop cher et, dans le même temps, on refuse le bruit chez soi. C'est le syndrome du NIMBY - not in my back yard -, autrement dit : chez les autres, mais pas chez moi !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Très bien !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Cette schizophrénie permanente implique de toujours conjuguer ce que l'on désire avec ce que l'on refuse. Le traitement relève peut-être de la médecine vétérinaire, et c'est ce que je suis (Mme Odette Terrade s'esclaffe.) Vétérinaire, je le suis, pas schizophrène, madame Terrade ! (Sourires.) Mais cette schizophrénie relève aussi, d'une certaine manière, d'un traitement législatif. Et c'est la raison pour laquelle je vous soumets cette proposition de loi.
Pour compléter ce rappel historique, et sans remonter trop loin dans le temps, j'évoquerai, sous le contrôle de M. Gérard Larcher, qui oeuvrait, déjà à l'époque, au sein de la commission des affaires économiques, la création de l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA. Cette autorité a procédé à un premier travail d'estimation de la réalité de la nuisance sonore, notamment en édictant une nouvelle norme, la LDEN - level day evening and night - qui est, en fait, un ajustement de la mesure du bruit en fonction des différentes périodes de la journée.
C'est que le bruit est à la fois réel et subjectif. Il convenait donc de disposer d'une norme de mesure acceptable par tous et qui ne soit surtout pas sans arrêt remise en cause par d'autres calculs de la nuisance sonore.
Je citerai aussi la création des commissions consultatives de l'environnement, puis des commissions consultatives d'aide aux riverains.
Je m'arrêterai quelques instants sur un concept issu des travaux de la trente-troisième assemblée générale de l'organisation de l'aviation civile internationale, l'OACI, celui d'« approche équilibrée du bruit ».
Ce concept, repris à l'échelon européen, a fait l'objet d'une directive européenne - la directive n° 2002-30 du 26 mars 2002 - et a été, monsieur le secrétaire d'Etat, tout récemment repris par vous-même et par votre collègue M. de Robien, dans le plan de développement durable pour les aéroports parisiens qui est, sinon un code de la route, ce qui pourrait faire sourire s'agissant du secteur aérien, du moins une charte de comportement pour l'évolution des plates-formes aéroportuaires.
Permettez-moi, à cet instant, de remercier notre collègue M. Jean-Philippe Lachenaud du travail qu'il a effectué, il y a quelques années à peine, sur ce même sujet. Ce sont toutes ses réflexions que j'ai eu l'honneur, le plaisir et l'avantage de compiler et de faire miennes pour essayer d'avancer, à mon tour, un certain nombre de solutions.
M. Jean-Philippe Lachenaud avait déjà abordé le problème sous l'angle de la capacité à gérer les difficultés. Or cette capacité dépend bien évidemment des actions de terrain, qui vont pouvoir corriger les nuisances et en même temps exacerber les effets positifs. Elle se traduisait par la création d'un fonds, déjà assorti d'un comité de gestion : le président Gérard Larcher avait, à l'époque, suivi cette affaire de très près.
M'inspirant beaucoup des travaux de M. Jean- Philippe Lachenaud, j'ai pu, conformément à la mission dont j'avais été chargé par le Premier ministre, par vous-même et par M. Gilles de Robien, ministre des transports, élaborer un rapport. Je tiens, à cette occasion, à rendre hommage à Mme Adoléhoumé, M. Catalàa, M. Coste et M. Gazay, qui, à mes côtés, ont contribué à la qualité de ce document, que j'ai présenté le 19 novembre dernier. C'est à la suite de ce rapport que vous m'avez vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, ainsi que le Premier ministre, sollicité pour élaborer la proposition de loi dont nous débattons aujourd'hui.
L'enjeu ici est triple.
Il s'agit, tout d'abord, de savoir comment concilier l'afflux de retombées économiques positives et les nuisances ressenties comme croissantes par les riverains, alors même que, par exemple, il y a un plafonnement effectif de l'énergie sonore. Le bruit est donc très subjectif, et difficilement quantifiable ; on sent bien que c'est sous cet angle-là aussi que les problèmes doivent être abordés.
Ensuite, comment concilier enjeux économiques et enjeux environnementaux ?
Enfin, comment faire en sorte que les compétiteurs éprouvent un sentiment d'appartenance à un même territoire ?
Sur ce dernier point, il est frappant, en effet, de constater combien chacun dans sa tour d'ivoire ou dans son pré carré oublie que l'autre existe. Cette absence de communication est dommageable, les actions des uns et des autres manquant souvent de cohérence entre elles, et c'est une litote !
La réponse à ces trois questions est assez simple : elle relève de la mise en oeuvre d'une meilleure gouvernance du territoire d'influence de l'aéroport.
Dans le souci de permettre cette meilleure gouvernance du territoire sous influence, j'ai l'honneur de vous proposer la création d'une nouvelle catégorie d'établissement public administratif : la communauté aéroportuaire.
Economiquement et sociologiquement, on l'a vu, la communauté aéroportuaire existe déjà, mais juridiquement elle reste à créer.
Il s'agit tout à la fois de constituer une instance paritaire de dialogue entre les différents compétiteurs et de prévenir, si possible, les litiges en amont. C'est toujours possible dès lors que l'on veut s'en donner les moyens et, surtout, quand on a la volonté de résoudre précocement les litiges. En aval, c'est toujours coûteux, toujours trop tard et, le plus souvent, inefficace.
La communauté aéroportuaire, telle que je vous la propose, est ainsi définie comme un organe de gouvernance territoriale qui aurait cinq grands domaines d'actions : l'environnement, l'urbanisme, les transports, l'emploi et l'information.
La gestion de l'environnement se fait non pas par une évaluation de la ressource affectée par le biais de la taxe générale sur les activités polluantes - demain, la taxe sur les nuisances sonores aériennes, ou TNSA -, mais par la gestion de la ressource accumulée quand bien même cette ressource serait affectée à Aéroports de Paris.
Quant à l'urbanisme, il faudra tout de même un jour trouver le moyen de conjuguer la prospective de développement et l'évolution de l'urbanisme. Le meilleur moyen de protéger les riverains du bruit, c'est de ne pas les y exposer ! (Mme Terrade s'étonne.) Nous sommes d'accord sur ce point, encore que nous y reviendrons tout à l'heure ; madame Terrade les vertus affichées ne sont pas nécessairement celles qui sont votées !
M. Jean-Jacques Hyest. Certes !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. En attendant, nous pourrons peut-être confier ensemble à la communauté aéroportuaire la mission de conjuguer ces deux aspects.
S'agissant des transports, et des transports urbains en particulier, il faut bien considérer qu'il n'y a pas que le transport du passager, il faut aussi penser à celles et ceux qui travaillent sur les plates-formes et qui sont parfois contraints à des trajets absolument ahurissants pour rejoindre leur lieu de travail, ce qui n'est ni convenable ni tolérable.
En matière d'emploi, maintenant, il faut qu'il y ait adéquation de l'offre et de la demande. Réagissons et agissons comme si l'aéroport était une technopole. Ayons une démarche technopolitaine, ce qui permettra d'adapter l'offre d'emploi au demandeur, soit par la formation, soit par d'autres moyens qu'il conviendra de déterminer. Ce sera l'une des fonctions majeures et fondamentales de la communauté aéroportuaire.
Enfin, je dirai quelques mots de l'information. Plus personne ne croit personne. Il faut donc que nous nous réapproprions ensemble le souci d'une information transparente, vraie et sincère.
Lorsque la compagnie Air France prend pour slogan publicitaire « Faisons du ciel le plus bel endroit de la terre », les riverains ont envie de lui répondre : mais commencez par faire de la terre le meilleur endroit du ciel ! (Sourires.)
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. C'est une vision christique de la terre !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Et lorsque Aéroports de Paris va communiquer, il ne sera pas forcément cru. Lorsque les collectivités se rebiffent, ou se rebellent, contre certaines opérations d'Aéroports de Paris, elles n'ont pas forcément tort. Bref, reprenons ensemble cette information. Essayons de faire en sorte qu'elle soit crédible, qu'elle soit transparente, qu'elle soit sincère et véridique, et je suis persuadé que nos concitoyens, dès lors qu'on ne les leurrera pas, comprendront aussi tout l'intérêt du développement de leur secteur.
Telle est, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la philosophie de cette proposition de loi. Les sept articles qui vont maintenant être débattus sont la traduction législative, donc juridique, de ces ambitions.
L'article 1er institue la nouvelle catégorie d'établissement public administratif.
L'article 2 précise le rôle dévolu à la nouvelle communauté aéroportuaire et définit son périmètre d'intervention. Il s'agit de favoriser l'insertion de l'aéroport dans son environnement ; et de favoriser la meilleure compréhension par les collectivités locales de l'intérêt de l'aéroport.
La définition du périmètre est un point important, puisque la communauté aéroportuaire n'a pas vocation à recouvrir l'ensemble du territoire national : même si les entreprises travaillant dans le sud de la France sont intéressées par le développement de Roissy ou d'Orly, il est évident qu'il faut limiter la zone d'influence.
Pour ma part, je propose une sorte de combinaison entre le plan de gêne sonore et la zone d'influence économique. La solution est dans ce sens. Je propose également que cela se fasse par voie réglementaire ; nous aurons donc peut-être un autre débat à ce sujet.
L'article 3 prévoit les modalités de la création de la communauté aéroportuaire. Sortons de ce débat un peu suranné, qui oppose la région et le département. C'est un souci de cohérence avec les lois de décentralisation qui dicte la proposition que je vous soumets de confier au président du conseil régional la communauté aéroportuaire, dans le respect de la légitime représentation des autres collectivités territoriales.
Les lois de décentralisation permettront de transférer de plus en plus de compétences économiques aux régions. Il serait donc aberrant que cette loi contrarie cet effort de cohérence et d'équilibre. C'est aussi un gage de réussite pour la vie des communautés aéroportuaires.
L'article 4 traite de la composition du conseil d'administration. J'ai suffisamment évoqué pour ne pas y revenir les effets négatifs d'une situation dans laquelle les compétiteurs ne se parlent pas et ne se comprennent pas. Le règlement d'un conflit d'usage passe toujours par l'organisation d'une entité qui leur permet de se retrouver : la commmunauté aéroportuaire sera cette entité.
Il convient que soient représentés à parité deux collèges : un collège d'élus et un collège des entreprises, au sens large du terme, qu'il s'agisse du gestionnaire d'aéroport, des compagnies ou des entreprises travaillant sur le site ou hors site.
L'article 4 fera probablement l'objet d'un débat sur le fond, débat qui est intéressant. Grâce aux amendements du Gouvernement, grâce à un certain nombre d'observations qui ont été formulées, nous arriverons sans doute très vite à trouver le terrain d'entente qui convient.
L'article 5 concerne la définition de la ressource, au sujet de laquelle se sont exprimées certaines craintes. Dans le rapport que j'ai présenté à M. le Premier ministre, j'ai proposé un certain nombre de ressources potentielles. C'était en quelque sorte une boîte à outils. Mon devoir était d'avancer des propositions qui soient les plus larges possible.
En revanche, dans la proposition de loi, je suis revenu sur certains points ; car je tenais à éviter toute taxation supplémentaire : aucune taxe supplémentaire ne sera prélevée, sauf une, celle qui, encadrée par un arrêté, contribuera à l'alimentation du fonds de compensation des nuisances aériennes : la contribution « volontaire » d'Aéroports de Paris.
Si la communauté aéroportuaire n'avait pas de ressources à gérer, elle ne serait qu'un gadget, un organisme un peu inutile et, en tout cas, dénué de moyens.
En revanche, un certain nombre de possibilités sont offertes, aux termes de l'article 5, sans que quiconque soit contraint de subir de prélèvement supplémentaire. Vous remarquerez d'ailleurs que j'ai pris la précaution d'utiliser l'expression de « contribution volontaire ». Le volontariat veut bien dire ce qu'il veut dire : il n'y aura pas de « volontaire désigné ». Nous détaillerons ces différents points lors de la discussion de l'article.
L'article 6 est le guide de fonctionnement de la communauté aéroportuaire, puisqu'il précise les projets éligibles au financement et les domaines d'activité ; je les ai évoqués tout à l'heure. Nous reviendrons dans le cours du débat sur les modalités de l'éligibilité : c'est très important puisque la ressource affectée que gérera la communauté aéroportuaire doit agir non pas comme un substitut d'investissement, mais bien comme un levier pour accélérer les différentes actions. C'est donc un rôle de facilitateur et de développeur qui lui échoit.
L'article 7, enfin, introduit la notion de contrat de développement durable en énonçant que l'aide financière de la communauté sur un projet interviendra dans ce type de contrats avec les maîtres d'ouvrage concernés. Il est important de réintroduire chaque fois cette notion de développement durable.
Avant de conclure, je veux remercier le Gouvernement de la confiance qu'il m'a témoignée en me chargeant de cette mission, remercier celles et ceux qui m'ont accompagné ; je les ai cités tout à l'heure, je les salue à nouveau. Certains sont dans les tribunes, d'autres sont commissaires du Gouvernement.
Je veux remercier également les collaborateurs de la commission des affaires économiques, mais d'abord son président, pour l'aide qui m'a été apportée dans l'élaboration en un temps relativement bref de cette proposition de loi. Ce travail est venu s'ajouter à celui de la commission en période budgétaire. Ce ne fut pas tâche aisée.
En conclusion, je soulignerai que, en l'absence de dialogue et de concertation, aucune solution ne pourra être trouvée. Si cette proposition de loi a un mérite, ce sera celui d'organiser le dialogue et la concertation.
Vouloir concilier des sujets aussi antinomiques peut s'apparenter à la résolution de la quadrature du cercle. Mais c'est ma conviction gaulliste qui l'emporte : il n'y a jamais de fatalité, il n'y a que des renoncements. En nous dotant de cet outil, nous pourrons jeter aux orties la fatalité. Quant aux renoncements, ils ne pourraient résulter que de comportements individuels. Tel n'est pas, j'en suis certain, celui qu'adopteront les élus. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 36 minutes ;
Groupe socialiste, 21 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 9 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce matin a pour objet de mettre en place une nouvelle catégorie d'établissement public administratif appelée « communauté aéroportuaire », en vue de créer, en quelque sorte, un lieu de dialogue entre les différents acteurs de territoires qui sont sous l'influence d'un même aéroport. Il s'agit, comme l'écrit M. le rapporteur, auteur de ce texte, de « rechercher des solutions consensuelles » malgré des intérêts souvent divergents et de faire ainsi émerger « une communauté d'intérêts » sur ces territoires. Qui ne pourrait souscrire à de tels objectifs ?
Cet établissement n'est cependant pas seulement un « lieu de parole » ; c'est aussi une instance qui devrait disposer de moyens financiers et d'un pouvoir de décision dans des domaines aussi divers et stratégiques pour les communes et les habitants de ces zones que l'environnement, l'urbanisme, les transports, l'emploi et l'information.
Cette proposition de loi, qui traite donc de sujets très sensibles pour ces territoires - je pense surtout aux riverains qui ont à supporter les bruits des avions -, aurait mérité un examen un peu plus approfondi que ce que les délais arrêtés par la majorité sénatoriale nous permettent de faire. A peine déposée, elle est inscrite à l'ordre du jour. C'est un peu rapide ! J'avoue ne pas comprendre cette célérité. Je ne sais quel sera le devenir de ce texte, mais légiférer ainsi, dans la précipitation, alors que plusieurs textes traitant des questions aéroportuaires sont en cours d'examen devant le Parlement, ne permet pas de faire du bon travail, surtout quand ces différents textes ne vont pas dans le même sens !
Car tel est bien le cas. La législation relative aux aéroports est en cours de modification par le biais de deux textes, trois si on ajoute celui qui nous occupe aujourd'hui, et tous ne disent pas la même chose, je viens de le rappeler.
Il y a tout d'abord le projet de loi relatif aux responsabilités locales, qui transfère aux collectivités territoriales - sans préciser lesquelles - une centaine d'aéroports, à l'exception des aéroports parisiens, et qui prévoit de modifier par ordonnance, donc sans le contrôle du Parlement, les règles relatives à la sûreté des vols et à la sécurité de l'exploitation des aérodromes, ce qui est tout à fait contestable.
Il y a aussi l'article 16 du projet de loi de finances rectificative pour 2003, qui vise à remplacer à compter du 1er janvier 2005 le volet « bruit aérien » de la taxe générale sur les activités polluantes, la TGAP, destiné au financement des travaux d'insonorisation des logements des riverains des aéroports par le biais d'une taxe affectée, et à en confier la gestion non plus à l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, mais aux gestionnaires d'aérodromes.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Et alors, où est le problème ?
M. Michel Sergent. Quelques questions demeurent. La proposition de loi donne compétence à la région pour créer la communauté aéroportuaire. Monsieur le rapporteur, comment justifiez-vous ce choix ? Avez-vous consulté les régions, et plus spécifiquement la région d'Ile-de-France, concernée au premier chef ? Je ne le crois pas.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je l'ai fait : elle n'a jamais répondu.
M. Michel Sergent. Par ailleurs, ne croyez-vous pas qu'il y ait une contradiction entre votre proposition de loi, qui fait le choix du niveau régional, et le projet de loi relatif à la décentralisation, qui ne tranche pas, s'agissant du transfert de compétence pour la gestion des aéroports, entre les différents niveaux territoriaux ? Ne craignez-vous pas le risque de tutelle d'une collectivité sur une autre, ce que nous prohibons tous ? Je crois vraiment qu'il aurait été préférable de traiter la question des communautés aéroportuaires dans le projet de loi relatif aux responsabilités locales !
Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour interpeller le Gouvernement et lui rappeler les inquiétudes des associations de riverains, qui ne voient pas d'un très bon oeil le désengagement de l'Etat de la lutte contre les nuisances sonores aériennes, pas plus que le nouveau rôle confié aux gestionnaires d'aéroports, qu'ils estiment être, sans doute à juste titre, tout à la fois juge et partie.
J'ajoute qu'il demeure un problème de fond : la question du financement des projets de la communauté aéroportuaire. Le manque de moyens risque de lui faire perdre toute crédibilité. Je note que ses ressources seront composées du produit des sanctions prononcées par l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA. C'est une bonne chose. Mais pouvez-vous indiquer quelle somme cela représente ? J'imagine que ce sera assez dérisoire !
Je note surtout que nombreuses sont les ressources virtuelles, puisque désormais aucune n'est obligatoire, qu'il s'agisse des versements des gestionnaires d'aéroports - ADP pour Paris, les chambres de commerce ailleurs -, des contributions des entreprises bénéficiant de l'activité des aéroports, ou de celles qui proviennent du budget de l'Etat.
Seules les collectivités locales sont tenues de financer les projets de la communauté aéroportuaire par l'intermédiaire des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle ! C'est un comble !
Je regrette par ailleurs que vous n'ayez pas dégagé de priorités dans les projets à financer et que ceux-ci ne soient pas plus clairement définis. Cinq domaines d'action sont prévus : l'environnement, l'urbanisme, les transports, l'emploi et l'information. Il faut se reporter aux explications qui figurent dans votre rapport pour connaître plus précisément les actions qui peuvent être financées : elles vont de l'insonorisation de pièces à l'achat de terrains ou au rachat de maisons trop exposées au bruit, en passant par le renforcement des transports collectifs, la politique de communication et j'en passe. Toutes ces actions sont justifiées, mais elles nécessitent des moyens importants qui font défaut. Dès lors, à quoi va servir la communauté aéroportuaire ?
Par ailleurs, les modalités d'association des riverains sont-elles suffisantes, sachant qu'ils n'ont qu'une voix consultative ? Comment, monsieur le rapporteur, envisagez-vous le dialogue avec les instances existantes, l'ACNUSA ou les commissions consultatives, par exemple ?
En fin de compte, le problème de fond est celui du troisième aéroport. Le Gouvernement a fait le choix d'en abandonner la création et de poursuivre le développement du trafic à Orly et à Roissy. Le mécontentement et l'incompréhension des riverains grandissent. Vous cherchez une issue, et vous pensez l'avoir trouvée dans la communauté aéroportuaire. Est-ce suffisant ? Je ne le crois pas !
Vous comprendrez que, dans ces conditions, le groupe socialiste ne votera pas ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Il a tort ! Mais personne n'est parfait !
M. Michel Sergent. Surtout pas les socialistes, n'est-ce-pas, monsieur le rapporteur ?
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.
M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Jean-François Le Grand constitue un élément majeur d'accompagnement du développement des plates-formes aéroportuaires dans notre pays.
L'essor du trafic aérien, en raison de l'internationalisation de notre économie, est inéluctable - nous en sommes tous conscients -, qu'il s'agisse du transport de passagers ou du transport de fret. Je ne rappellerai pas les chiffres qu'a cités le rapporteur, mais vous aurez noté qu'ils sont supérieurs au taux de croissance de la richesse mondiale.
La France n'y échappera pas.
Si un certain nombre de mesures ont déjà été prises pour gérer au mieux l'augmentation du trafic sur les plates-formes existantes, notamment sur les plates-formes parisiennes, il faut désormais prendre en compte plus en amont les questions d'environnement, de qualité de vie, d'impact économique, de transport et d'urbanisme. Elles ne manqueront pas non plus de se poser aux autres aéroports, qu'il s'agisse des grands aéroports de province, tels que ceux de Nice ou de Lyon, ou qu'il s'agisse du troisième réseau aéroportuaire, au sein duquel la plate-forme de Vatry a un rôle important à jouer. Je ne souhaite pas que ce réseau soit oublié dans ce texte, quitte à ce que la loi soit ultérieurement complétée pour faciliter le développement de ces nouvelles plates-formes. Car celui-ci est attendu non seulement par les collectivités qui promeuvent ce troisième réseau, mais aussi par les riverains des aéroports parisiens, concernés au premier chef.
C'est précisément l'objet des communautés aéroportuaires que de permettre la prise en compte de ces questions importantes en réunissant autour du gestionnaire de l'aéroport les entreprises bénéficiant de son activité, les compagnies aériennes et les collectivités territoriales directement concernées par l'infrastructure. Il conviendra évidemment - et c'est, je crois, une condition nécessaire pour que l'outil soit véritablement efficace - de veiller à ce que toutes les collectivités locales parties prenantes dans ce nouvel établissement public soient placées sur un pied d'égalité.
Je vous rassure, monsieur le rapporteur, il ne s'agit pas d'ouvrir une nouvelle fois le débat suranné sur la place de la région par rapport au département ; mais, pour reprendre le cas que je connais bien du département de la Marne, je rappelle que l'aéroport de Vatry a été créé sur l'initiative du seul conseil général, et non de la région. Une nécessaire égalité devra être établie au sein de la communauté aéroportuaire, même si celle-ci doit être créée sur proposition du conseil régional.
A l'instar des commissions locales d'information et de surveillance, les CLIS, qui existent autour de certaines activités industrielles, les communautés aéroportuaires - vous l'avez souligné, monsieur le rapporteur - devraient être un espace de dialogue où soit assurée l'information sur les besoins et les contraintes de tous les partenaires, ainsi qu'un outil de prévention permettant de désamorcer les conflits potentiels dans les relations entre l'aéroport et son voisinage immédiat. En assurant la transparence sur un sujet aussi sensible que la cohabitation entre un aéroport et la population locale, les communautés aéroportuaires permettront d'anticiper et d'éviter certains problèmes, parfois paralysants pour l'économie d'une région.
Paradoxalement, la population qui bénéficie des retombées économiques positives de l'activité directe et indirecte générée par le trafic aérien supporte aussi de plus en plus mal les nuisances qui en découlent, malgré les mesures mises en oeuvre pour en réduire les effets, telles que l'instauration du couvre-feu ou l'interdiction de certains types d'avions.
En réunissant tous les acteurs dans une dynamique commune et en prenant en considération tous les aspects liés à l'activité du site, les nouvelles communautés devraient faciliter l'intégration des aéroports au sein de leur territoire.
Je note également avec intérêt que les communautés aéroportuaires seront dotées de la personnalité morale et disposeront de ressources propres. Ainsi devraient être conférés à ces nouveaux établissements publics de véritables moyens, à la fois juridiques et matériels, pour que leurs travaux ne se résument pas à de simples déclarations d'intention sans effet concret. Rien ne serait pire, en effet, que de faire naître chez les riverains des espoirs qui seraient malheureusement vite déçus, faute de moyens pour en imposer la concrétisation. La proposition de loi qui nous est soumise évite cet écueil et me paraît donc compléter utilement les dispositions qui ont déjà été prises, telle la création, en 1999, de l'ACNUSA, dont les compétences pourraient sans doute être élargies.
Vous l'aurez donc compris, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le groupe de l'Union centriste votera cette proposition de loi, en émettant le voeu que les communautés aéroportuaires prennent rapidement toute leur place et que la législation soit, le cas échéant, adaptée pour accompagner le développement des plates-formes, qui ont peut-être été oubliées pour l'instant. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, voilà un an presque jour pour jour, nous débattions ici même de la réorganisation des couloirs aériens en Ile-de-France et, plus généralement, du problème des nuisances sonores liées à l'activité aérienne et aéroportuaire.
La proposition de loi, déposée par notre collègue Jean-François Le Grand, que nous examinons ce matin est un élément de réponse à cette préoccupation particulièrement vive en Ile-de-France, mais pas uniquement dans cette région. Huit plates-formes sur dix ne se situent-elles pas dans les régions ?
La proposition de loi rappelle l'attention que la commission des affaires économiques porte à ce dossier et la sensibilité des collectivités territoriales voisines des aéroports aux nuisances aériennes, en raison des gênes occasionnées à leurs habitants.
En réalité, ce dossier n'a cessé d'être présent à l'esprit de bon nombre d'entre nous, tant il occupe l'espace de débat à l'échelon du territoire.
A ce titre, j'ai interrogé M. le ministre de l'équipement, du transport, du logement, du tourisme et de la mer sur les perspectives d'amélioration de la situation en Ile-de-France. Je lui ai adressé à cette fin une question écrite.
Sans m'attarder, je rappellerai simplement, en pensant aux territoires survolés, que 30 % des vols à l'atterrissage par vent d'ouest à Orly continuent d'intercepter l'axe de la piste à 3 000 pieds, contrairement à ce qui était prévu dans le nouveau dispositif de circulation aérienne.
J'ai également déjà exprimé ma préoccupation devant la trajectoire d'approche de Roissy pour les avions en provenance du sud-ouest par vent d'est : il s'agit de la boucle au nord du département des Yvelines et au sud du département des Hauts-de-Seine, qui amène les avions à commencer leur descente au-dessus, par exemple, de Saint-Léger-en-Yvelines avant d'entamer un long palier au-dessus de Thoiry et de Villiers-le-Mayeux à 4 000 pieds d'altitude seulement.
Je citerai le cas de Saint-Arnoult-en-Yvelines, devenu un carrefour aérien, et soumis en particulier à l'impact sonore des 747-200 qui décollent d'Orly. Ce point est exemplaire, car il serait possible, pour les quelques années pendant lesquelles les appareils de ce type voleront encore, de modifier les trajectoires de décollage afin de soulager les moteurs et donc de diminuer la nuisance sonore.
Je voudrais réaffirmer ici ma conviction que, dans le droit-fil des principes qui inspirent les orientations de la proposition de loi que nous examinons, nous pourrions, collectivement et dans la transparence, comme le disait M. le rapporteur, réduire les nuisances sonores aéroportuaires en utilisant tous les moyens que nous offrent les techniques aéronautiques modernes.
Bien entendu, cela commence avec la modernisation des flottes et l'utilisation d'appareils moins bruyants.
Le deuxième axe de progrès, qui est lié au premier, concerne la redéfinition des trajectoires d'approche. Je prendrai un exemple classique et bien connu de la plupart d'entre nous : les biréacteurs, qui sont conçus pour pouvoir effectuer leur décollage avec un seul moteur en cas d'avarie, ont la capacité technique d'effectuer à plein régime des ascensions beaucoup plus rapides que les appareils plus anciens. On pourrait donc, à l'avenir, imaginer que les trajectoires de décollage emmènent beaucoup plus rapidement les avions à des altitudes auxquelles les nuisances sont marginales.
L'autre aspect important du progrès technique repose sur la modernisation des outils de navigation aérienne. Beaucoup reste à faire dans ce domaine. J'ai noté, monsieur le secrétaire d'Etat, que les modifications des trajectoires d'approche étaient complexes, ce qui fait que certains services techniques sont parfois réticents à les envisager. C'est ainsi que les services de M. de Robien m'ont indiqué que la réglementation internationale imposait que les avions se positionnent sur l'axe de la piste à une distance d'au moins vingt kilomètres, ce qui entraîne, par exemple, le survol à basse altitude des communes de Bonnelles, de Bullion et de Rochefort-en-Yvelines lors des atterrissages à Orly par vent d'est.
Il existe pourtant des solutions qui méritent pour le moins d'être examinées, et je souhaite que vous écoutiez les élus et leurs associations à cet égard. Ainsi, le passage du système de guidage ILS au système MLS permet des approches en virage qui évitent de concentrer tous les avions des dizaines de kilomètres à l'avance sur le même axe.
Naturellement, cela suppose un important effort de formation des contrôleurs aériens.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Tout à fait !
M. Gérard Larcher. Vous pourrez peut-être, monsieur le secrétaire d'Etat, nous préciser quelles sont les perspectives de mise en place du système MLS.
Toutefois, et j'en viens plus strictement au texte qui nous est soumis aujourd'hui, tout ne peut pas être fait par le recours aux solutions techniques, et nous en sommes bien conscients. Toute activité économique, et le transport en particulier, génère par nécessité, et loin de moi la volonté de le nier, une certaine quantité de nuisances.
Je dois saluer ici la clairvoyance de notre collègue Jean-François Le Grand,...
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. La grande clairvoyance !
M. Gérard Larcher. ... qui, depuis des années, réfléchit, notamment dans le cadre des travaux de la commission des affaires économiques du Sénat, aux moyens de mieux répartir le poids des nuisances et de les compenser dans la mesure du possible.
La proposition de loi que nous examinons prévoit enfin des solutions simples et concrètes pour faire bénéficier les riverains de l'activité économique à la source des nuisances qu'ils subissent. N'est-ce pas en définitive naturel que ces populations tirent profit de la présence de l'équipement structurant que constitue un grand aéroport ?
Je vous proposerai d'ailleurs tout à l'heure un amendement précisant bien que ce dispositif s'applique aux principaux aéroports de notre pays. Je vous interrogerai aussi, comme notre collègue Yves Détraigne, sur la possibilité que cette liste ne soit pas, à l'avenir, restrictive, notamment si un troisième réseau devait apparaître.
Je crois qu'il faut saluer toutes les démarches qui, comme celle de notre collègue, visent à mettre au clair les enjeux économiques, sociaux et environnementaux du développement du transport aérien.
Il me semble que les aspects liés à la concertation et à l'information des riverains sont particulièrement importants dans le dispositif proposé. Je pense, en effet, que nombre des difficultés que nous rencontrons aujourd'hui dans le dossier des nuisances sonores aéroportuaires s'expliquent par l'absence ou l'insuffisance de concertation, ce qui fut la règle pendant de trop longues années.
En conclusion, je voudrais redire ma conviction de la nécessité pour le Parlement de se saisir de ce dossier. C'est une raison supplémentaire pour moi de me féliciter de l'inscription de cette proposition de loi à l'ordre du jour de notre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je suis pour le moins étonnée de la précipitation avec laquelle notre assemblée est amenée à examiner ce texte de notre collègue Jean-François Le Grand alors que la loi relative aux responsabilités locales, discutée, ici même, il y a moins d'un mois et actuellement en navette, excluait expressément du champ de la décentralisation ces aéroports, « qui avaient vocation à rester de la compétence nationale ».
Pourquoi aujourd'hui un texte particulier et précipité sans prendre le temps de la concertation avec l'ensemble des parties concernées ?
Certes, face au constat que chacun fait de la nécessité d'une véritable coordination des acteurs de la sphère aéroportuaire, qu'il s'agisse des collectivités territoriales, des riverains et des entreprises, ainsi que d'une politique durable et d'envergure de maîtrise des nuisances environnementales, de l'activité économique, de l'emploi et de l'intermodalités des infrastructures de transports, il est important de répondre à des préoccupations exprimées, pour certaines, depuis de nombreuses années.
Pour autant, est-ce la mise en place d'une nouvelle catégorie d'établissement public à caractère administratif qui suffira à résoudre les atteintes aéroportuaires à l'environnement et à la qualité de vie urbaine et rurale, les difficultés d'accès des riverains aux emplois et aux équipements collectifs, ainsi que l'information des populations ? Pour notre part, nous le pensons pas !
Comment être confiants quand les termes de cette proposition de loi s'articulent principalement autour des nouvelles modalités de financement des indemnisations des nuisances sonores des aéroports en intégrant les entreprises à parité avec les collectivités territoriales ?
Faut-il rappeler que cette aide aux riverains, instituée par la loi du 31 décembre 1992, avait été, dans un premier temps, confiée à Aéroports de Paris, mais que, devant son peu d'empressement à gérer les dossiers en souffrance, c'est l'ADEME qui avait hérité de cette mission ?
Sont concernés 180 000 logements, habités par 450 000 personnes vivant dans trois zones de gêne sonore très forte.
Si aujourd'hui les délais d'attente d'indemnisation sont d'au moins trois ans et que toutes les indemnisations des riverains sont arrêtées, ce n'est pas que l'ADEME a failli à ses missions, c'est faute de budget !
Les crédits d'indemnisation sont en baisse constante depuis bientôt deux ans : moins 12,5 % pour le budget de 2003 par rapport au budget de 2002.
Pour 2003, l'augmentation de 20 millions d'euros annoncée, indispensable pour traiter les dossiers en attente, s'est réduite à 8 millions d'euros, soit 40 % seulement de ce qu'il aurait fallu, et alors même que le dernier rapport de l'ACNUSA chiffre à 1,1 milliard le montant des besoins !
Vous le voyez, mes chers collègues, l'état actuel d'indemnisation des riverains est désastreux et c'est extrêmement grave. On comprend pourquoi les plus récentes commissions d'attribution des aides concernées ont purement et simplement été annulées, faute de financement pour répondre aux demandes des riverains !
Pour 2004, la dotation budgétaire versée à l'ADEME sur le chapitre isolation phonique a été réduite, dans le cadre de la loi de finances, à la consommation des autorisations de programme déjà ouvertes et à l'achèvement des opérations en cours.
En clair, ce n'est plus l'ADEME qui procédera demain à l'instruction des dossiers.
Confier demain, de manière directe, la perception et l'utilisation du produit de la future taxe sur les nuisances sonores aériennes aux établissements gestionnaires des infrastructures n'est pas nécessairement la garantie d'une utilisation à bonne fin des sommes prévues pour l'indemnisation des riverains des grands aéroports, pas plus d'ailleurs que de confier l'éventuelle gestion de ces fonds aux futures communautés aéroportuaires. Ma collègue et amie Marie-France Beaufils reviendra plus en détail sur ce point dans son intervention sur la motion de renvoi en commission.
La création de communautés aéroportuaires repose donc sur l'idée de l'institution d'établissements publics administratifs réunissant à parité les entreprises des activités aéroportuaires et les collectivités territoriales.
Pourquoi n'avoir pas associé dans ces communautés aéroportuaires, à même hauteur que les entreprises et les collectivités territoriales, les riverains, les salariés et les usagers, dont l'avis peut être éclairé et utile sur l'ensemble des questions environnementales ?
Ainsi, alors qu'une concertation et un débat auraient été nécessaires, les couloirs aériens de Roissy ont été changés sans concertation avec les riverains.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Par M. Gayssot !
Mme Odette Terrade. Les nuisances sonores des appareils sont souvent évoquées par les syndicats de salariés, qui dénoncent la stratégie des constructeurs aéronautiques, lesquels, pour des raisons de coût, ne développent pas de moteurs « propres », moins sonores et moins polluants. Leur présence dans ces communautés aéroportuaires pourrait être précieuse.
La limitation à un représentant des riverains et à un représentant des associations de protection de l'environnement avec seulement voix consultative nous semble par trop frileuse, même si le rapporteur prétend avoir voulu laisser la primauté au politique. Nous notons d'ailleurs que les entreprises sont, elles, représentées à parité avec les collectivités territoriales !
En outre, aucune référence n'est faite dans le texte au devenir des commissions consultatives de l'environnement - les CCE - ou des commission consultatives d'aide aux riverains - les CCAR -, qui sont pourtant aujourd'hui des outils appréciés.
De même, quelles seront les relations de cette nouvelle structure avec Aéroports de Paris, gestionnaire des aéroports parisiens ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Les meilleures !
Mme Odette Terrade. J'aimerais le croire...
Concernant les ressources de la communauté aéroportuaire, nous émettons les plus grandes réserves sur la création d'un fonds spécial de solidarité alimenté notamment par une contribution volontaire, donc facultative, des entreprises bénéficiant de l'activité aéroportuaire, qu'elles soient ou non situées sur l'emprise de l'aéroport, à l'exception des compagnies aériennes.
En réalité, nous savons déjà à quoi nous attendre à la lumière des déclarations d'entreprises concernées qui repoussent l'idée de mettre la main à la caisse, arguant qu'elles ne sont pas responsables de la pollution, comme l'a déclaré M. Jean-Claude Lambert, président de l'Association des concessionnaires d'Aéroports de Paris, qui représente 220 boutiques, 170 points de services et neuf hôtels.
Au-delà de l'indemnisation des riverains, les autres missions prévues dans la proposition de loi - promotion des activités économiques et aéroportuaires par l'encouragement à l'emploi, et communication en direction des riverains - me paraissent être une sorte d'habillage.
Ainsi, concernant l'emploi, alors que les aéroports parisiens représentent un bassin de 15 000 emplois et 11 % du PIB de la région, la réalité est toute différente : les riverains des quartiers défavorisés n'ont que peu accès aux emplois des plates-formes aéroportuaires parisiennes...
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. CQFD !
Mme Odette Terrade. ... mais ce n'est pas simplement affaire de communication.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Non, en effet.
Mme Odette Terrade. Des expériences ont été menées en Seine-Saint-Denis qui devaient réserver 20 % des emplois proposés à des personnes issues des communes riveraines, mais l'état des niveaux de qualification se traduit par un chiffre beaucoup plus faible.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. On est bien d'accord !
Mme Odette Terrade. C'est donc un travail d'aide éducative qui est prioritaire.
Par ailleurs, on laisse six mois seulement au conseil régional pour décider de prendre en charge la création de la communauté aéroportuaire. Ce délai est-il suffisant pour se donner les moyens d'une réelle concertation avec les collectivités territoriales, les riverains et les entreprises ?
De plus, quel réel pouvoir cet « organe de gouvernance territoriale », comme le définit le rapporteur, aura-t-il pour choisir les projets éligibles dans les domaines de l'environnement, de l'urbanisme, des transports, de l'emploi et de l'information ? S'il s'agit simplement de se parler, était-il nécessaire de créer un nouvel établissement public administratif ? Que deviendront les structures de concertations existantes ?
Dans sa forme et, pour une part, dans son contenu, une telle proposition de loi peut apparaître à certains de ceux qui ne sont pas concernés par le problème comme allant dans le sens de la qualité et du progrès environnemental. En fait, cette proposition de loi est une véritable aberration, car elle prévoit de donner le pouvoir aux entreprises, tout en donnant au conseil régional et aux départements concernés la charge de gérer les conséquences de l'exploitation des aéroports, conséquences qu'ils ne maîtriseront pourtant pas parce que tout sera décidé par l'Etat.
De plus, il nous semble que les arguments avancés à l'appui de cette proposition de loi « collent » étrangement aux attentes des compagnies au rabais, dites low costs, qui pourraient, au travers de cette structure, revendiquer des aides déguisées, ce qu'elles font déjà en exigeant des chambres de commerce et d'industrie des contreparties à la promotion des régions dans lesquelles leurs avions atterrissent.
Devons-nous interpréter la mise à parité des collectivités avec les entreprises comme un alignement supplémentaire sur la politique européenne qui, sur le modèle économique ultralibéral, a pour objectif « le ciel unique européen », c'est-à-dire la déréglementation intégrale de toutes activités des services publics aériens, en mettant entre les mains des entreprises la gestion intégrale du secteur d'activité de l'aéroportuaire, avec une distribution des rôles ?
Cette proposition de loi préfigure le désengagement total de l'Etat de son rôle de garant de l'aménagement du territoire et du développement durable dans le domaine des transports.
Considérant qu'elle n'atteindra pas les objectifs fixés par ses auteurs, le groupe communiste républicain et citoyen refusera de la voter.
M. Gérard Larcher, président de la commission. C'est dommage !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Et contradictoire avec une partie de votre argumentaire, mais je ne désespère pas de vous convaincre !
M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures cinquante-cinq, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président. La séance est reprise.
RAPPEL AU RÈGLEMENT
M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour un rappel au règlement.
Mme Hélène Luc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon intervention portera sur la situation des populations roms venues de Roumanie. Nous venons de débattre au Sénat de l'élargissement de l'Union européenne. Bien que la Roumanie ne soit pas au nombre des dix nouveaux Etats membres, son intégration à l'Union européenne est imminente. Malgré cela, nous constatons encore et toujours un refus de régler en profondeur la question des Roms.
La présence des populations roms en France est un sujet douloureux et sensible qu'il convient de traiter avec la plus grande attention. Régulièrement, des communes sont confrontées à des difficultés liées à cette présence.
Je tiens, à cet égard, à saluer tout particulièrement le courage des maires. Ils se battent pour que des solutions humaines soient trouvées, tout en tenant compte des exigences de leurs concitoyens et des impératifs posés par le fonctionnement de leurs villes. Cependant, ils sont bien souvent impuissants.
Ainsi, dans le Val-de-Marne, le maire de Choisy-le-Roi a appris, voilà deux jours, que le préfet avait décidé de reloger quarante-cinq personnes dans un foyer insalubre de l'avenue de Villeneuve-Saint-Georges, voué à une prochaine destruction, le terrain devant être utilisé pour l'édification de logements sociaux. Un bidonville existait pourtant depuis deux ans, sans que rien n'ait été fait plus tôt. Une fois encore, une commune se trouve désemparée devant une décision préfectorale qui lui est imposée. Les villes de Créteil, de Limeil-Brévannes mais aussi de Vitry-sur-Seine, où soixante personnes vivent dans des conditions épouvantables dans un bidonville, connaissent des situations similaires.
C'est pourquoi il faut traiter le problème au fond et cesser de renvoyer d'un maire à l'autre des personnes, des familles, des enfants en plein désarroi. L'esprit de solidarité doit sous-tendre le traitement de cette question, qui est du ressort exclusif de l'Etat et de l'Union européenne !
J'y insiste, l'Etat doit enfin prendre ses responsabilités, et ce dès à présent. Il doit cesser de se défausser sur les communes.
En outre, il est intolérable que seul l'aspect sécuritaire prévale. Rappelons-nous les effets d'annonce et les mesures legislatives du ministre de l'intérieur, M. Sarkozy, qui, par le biais d'un amalgame fallacieux entre gens du voyage et Roms, a diabolisé une population qui demande au contraire à être écoutée et aidée. D'autres ministères doivent être saisis immédiatement du dossier : celui des affaires étrangères, notamment, au regard de la dimension européenne du phénomène ; celui des affaires sociales, du travail et de la solidarité, également, en vue d'un règlement social, sanitaire et humanitaire de cette question.
Les Roms constituent dans leur pays d'origine une minorité sédentaire persécutée. Ils n'ont d'autre recours que de fuir les conditions intolérables dans lesquelles ils vivent. Il faudra bien que cela change ! Il n'en reste pas moins qu'ils sont accueillis en France dans des conditions épouvantables, indignes d'un pays civilisé. L'Etat ne prend aucune mesure véritable et l'approche d'un hiver rigoureux me fait craindre le pire.
La sphère européenne, dans sa globalité, est, elle aussi, pleinement responsable.
Je demande donc que la France et l'Europe cessent de se désintéresser de cette situation et engagent de véritables actions pour permettre à des personnes qui ont quitté leur pays de vivre dans les conditions de dignité et d'humanité auxquelles elles ont droit.
Parallèlement, je demande que la France et l'Europe collaborent activement pour permettre aux Roms de vivre paisiblement dans leur pays d'origine. Elles doivent aider la Roumanie à oeuvrer dans ce sens. A l'heure de l'ouverture aux autres, une telle entraide est essentielle. Je lance un appel pour que toutes les associations et organisations non gouvernementales constituent un front uni pour participer à un élan de solidarité aux côtés de l'autorité publique.
Je demande, enfin, la création d'un fonds de solidarité en France, car il s'agit d'une situation d'extrême urgence.
Mme Marie-France Beaufils. Très bien !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. J'ai pris bonne note des remarques que vous avez formulées, madame Luc. Il s'agit là d'un problème difficile, auquel nombre de départements et de collectivités, en Ile-de-France et ailleurs, sont confrontés. M. Gérard Larcher, en particulier, connaît bien la question en tant qu'élu des Yvelines.
Madame le sénateur, dès la fin de cette séance, je communiquerai la teneur de votre intervention à mon collègue le ministre de l'intérieur, M. Nicolas Sarkozy.
Mme Hélène Luc. Et au ministre chargé des affaires sociales ! Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. le président. Je vous donne acte de votre rappel au règlement, madame Luc.
CRÉATION DES COMMUNAUTÉS
AÉROPORTUAIRES
Suite de la discussion
et adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(ordre du jour réservé)
M. le président. Nous reprenons la discussion des conclusions du rapport (n° 91, 2003-2004) de M. Jean-François Le Grand, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur sa proposition de loi (n° 83, 2003-2004) portant création des communautés aéroportuaires.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais tout d'abord remercier M. Gérard Larcher du travail accompli par la commission qu'il préside. En particulier, M. Jean-François Le Grand, par ailleurs président du Conseil supérieur de l'aviation marchande, a montré quelle pouvait être l'utilité, au regard tant de l'enrichissement du débat que de la définition de l'action des pouvoirs publics, d'un parlementaire en mission dans une démocratie bien organisée, quand il a ses capacités et sa compétence.
J'observe d'ailleurs que les travaux des différents sénateurs s'étant vu confier par M. le Premier ministre une mission auprès du ministre chargé des transports, qu'il s'agisse de M. Gerbaud et de M. Haenel pour le fret ferroviaire, de M. Joly pour les TGV et l'aménagement du territoire, de M. de Richemont ou de M. Le Grand, ont tous débouché sur des débats, sur l'élaboration de propositions de loi ou sur des inflexions apportées à la politique gouvernementale.
La situation à laquelle nous sommes confrontés est claire : d'un côté, le secteur du transport aérien est extraordinairement dynamique et représente un atout économique majeur pour notre pays, avec une compagnie, Air France, qui compte parmi les premières à l'échelon mondial depuis son alliance avec KLM ; de l'autre, le transport aérien constitue une contrainte pour l'environnement et la qualité de vie des populations riveraines des aéroports.
Nos concitoyens expriment donc des exigences concernant la réduction des nuisances sonores au voisinage des aéroports, qui sont bien sûr tout à fait légitimes. Nous affrontons un problème qui se pose fréquemment en matière d'action publique : comment concilier au mieux les objectifs économiques et les objectifs environnementaux, s'agissant en l'occurrence du transport aérien ?
A cet égard, j'indique à Mme Terrade et à M. Sergent que, dans cette affaire, on ne peut reprocher au Sénat ou au Gouvernement, qui soutient la proposition de loi de M. Le Grand, d'aller trop vite. En effet, pour les riverains des aéroports, qui attendent depuis des années que l'on progresse dans l'élaboration des solutions, la célérité pose problème au regard non pas du déroulement des travaux parlementaires, au contraire, mais des nuisances qu'ils subissent nuit et jour. Par conséquent, plus vite nous pourrons améliorer leur situation, mieux nous répondrons à leurs aspirations. Dans ce domaine, faire preuve de célérité est une nécessité, et non une source de problèmes, et je tiens à remercier encore une fois M. Le Grand d'avoir agi rapidement, avec le concours du président Gérard Larcher, pour nous permettre de débattre aujourd'hui de sa proposition de loi portant création des communautés aéroportuaires.
S'agissant des retombées économiques liées aux activités aéroportuaires, le transport aérien est source d'un nombre considérable d'emplois. Mme Luc le sait bien, avec qui j'évoque souvent l'aéroport d'Orly, qui lui est cher.
Ainsi, en Ile-de-France, c'est autour de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle que l'on a enregistré, depuis dix ans, le plus grand nombre de créations d'emplois. Le transport aérien, par l'activité qui lui est directement liée, mais aussi par les conséquences indirectes de l'exploitation des aéroports, en matière d'hôtellerie, de logistique, etc., ou par le rôle de catalyseur de ces derniers, qui attirent des activités économiques dans leurs environs, revêt une importance essentielle. C'est une banalité que de dire cela.
Toutefois, et ce point est capital, les populations riveraines ne sont pas les premières à bénéficier de ces retombées économiques. Ce problème, s'il se pose sur l'ensemble du territoire, y compris outre-mer, est particulièrement sensible en Ile-de-France.
Je voudrais rappeler, à cet égard, que le Gouvernement, depuis son installation, inscrit son action en matière de transports dans une logique de développement durable, pour reprendre une expression à la mode. Ainsi, la réduction des nuisances sonores, d'une part, l'aménagement et la gestion des territoires environnants, d'autre part, sont les deux volets indissociables de notre politique aéroportuaire.
Contrairement à ce qu'a affirmé M. Sergent, l'Etat ne se désengage nullement du traitement des problèmes suscités par les nuisances sonores. En effet, nous avons développé une politique très cohérente dans ce domaine, ce que n'avait pas fait le gouvernement précédent. Dès la semaine prochaine, M. Gilles de Robien fera d'ailleurs une communication en conseil des ministres sur la politique aéroportuaire. La proposition de loi que nous examinons ensemble sera naturellement largement évoquée à cette occasion.
En outre, dès le mois de juillet 2002, c'est-à-dire quelques semaines à peine après l'entrée en fonctions du Gouvernement, M. Gilles de Robien avait annoncé un ensemble d'orientations visant à promouvoir un développement durable autour des aéroports, après avoir amplement consulté, en particulier, les parlementaires franciliens, afin de limiter la gêne sonore globale, de réduire les nuisances la nuit, de garantir la transparence et de mieux répartir les retombées économiques liées aux activités aéroportuaires.
Les trois premiers de ces quatre objectifs ont donné lieu à des décisions de portée concrète, que je vais maintenant rappeler.
Tout d'abord, les avions les plus bruyants, relevant de ce que l'on appelle le « chapitre 3 », sont progressivement retirés de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle. Il s'agit d'une première en Europe, aucun autre aéroport ne faisant l'objet d'une restriction de ce type.
Ensuite, une réduction du trafic nocturne est mise en oeuvre pour l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle. Air France a ainsi supprimé la quasi-totalité de ses vols donnant lieu à un décollage ou à un atterrissage nocturne. Les quelques exceptions à cette règle concernent des vols particuliers, tels que celui de quatre heures du matin en provenance de Tokyo. Il ne pouvait en être autrement : l'avion décolle de Tokyo juste avant la fermeture de l'aéroport et, en raison du décalage horaire, bien que réduisant fortement sa vitesse en fin de parcours, il arrive très tôt le matin à Roissy. C'est d'ailleurs ce vol qui assure la liaison avec la métropole pour nos compatriotes de Nouvelle-Calédonie.
En outre, La Poste a réduit de 25 % le nombre de ses vols entre minuit et cinq heures, ce qui n'est d'ailleurs pas sans poser des problèmes.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Bien sûr !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. En effet, en tant qu'élu local de Charente-Maritime, j'ai été interpellé par les maires et les chefs d'entreprise de mon département parce que le courrier part beaucoup plus tôt qu'auparavant, ce qui gêne l'activité économique. Cela étant, nous avons pris cette mesure au nom de l'intérêt général.
Enfin, des volumes de protection environnementale ont été définis pour les aéroports de Paris-Charles-de-Gaulle et de Paris-Orly, afin de s'assurer que les trajectoires et les procédures prescrites sont bien respectées, au départ et à l'arrivée de ces aéroports.
Il restait le quatrième objectif : permettre une meilleure répartition des retombées économiques liées aux activités aéroportuaires.
A cette fin, le Gouvernement a confié une mission de réflexion à M. Jean-François Le Grand. De cette mission, accomplie avec talent, est issue la proposition de loi que nous étudions aujourd'hui.
Il s'agit là d'un sujet difficile sur lequel M. Jean-Philippe Lachenaud, qui a d'ailleurs déposé des amendements sur ce texte, avait déjà travaillé en 1997. Il avait alors rédigé un premier rapport contenant des propositions concrètes, qui avaient abouti, pour les plates-formes franciliennes, à la création de deux fonds de compensation des nuisances aéroportuaires.
Sur la proposition de loi, je dirai d'abord que l'amplification des retombées socioéconomiques liées aux aéroports pour les communes et les populations riveraines s'impose au regard de constats évidents.
En premier lieu, les taux de chômage observés dans les communes riveraines de l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle sont supérieurs à la moyenne nationale, malgré le vivier d'emplois, que représente ce dernier. De fait, l'accès à ces emplois, souvent qualifiés, est plus aisé pour les populations résidant au coeur de Paris ou dans la petite couronne pour celles des communes riveraines de la plate-forme, ce qui est, on l'avouera, paradoxal.
En second lieu, les collectivités territoriales ayant engagé des opérations d'urbanisme se trouvent dans l'impossibilité de les mener à bien lorsque l'extension des plans d'exposition au bruit vient compromettre l'équilibre financier de ces programmes, par des limitations du droit à construire. La volonté de réviser les plans d'exposition au bruit doit être réaffirmée, afin d'éviter que de nouvelles populations ne viennent s'installer dans les zones exposées et que l'on voie certains élus défiler avec leur écharpe l'après-midi pour protester contre les nuisances, après avoir délivré, le matin, des permis de construire.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Cependant, il convient aussi d'éviter que les dispositions prises dans ce cadre ne conduisent à une dégradation des espaces ruraux et urbains concernés.
La proposition de loi vise clairement à remédier à ces situations en ouvrant de nouvelles possibilités d'action et d'intervention en faveur du développement socioéconomique des territoires riverains de l'aéroport. Elle constitue donc une avancée très concrète dans un domaine cher au Sénat : celui de l'aménagement et de la gestion des territoires.
Cette proposition de loi répond aussi au besoin accru de « gouvernance » pour les territoires concernés, où les problèmes posés relèvent clairement de la compétence des élus des collectivités locales, mais aussi de celle des acteurs économiques impliqués au premier plan dans l'activité aéroportuaire. La création d'une structure formalisée, bien identifiée, investie d'une telle mission de gouvernance territoriale nous paraît donc apporter une réponse adaptée.
La création des « communautés aéroportuaires » favorisera en outre un dialogue constructif entre toutes les parties prenantes. Ces établissements pourront ainsi devenir le creuset de politiques de développement socioéconomique des territoires d'influence des aéroports. Des actions, définies à l'échelon local, qui permettront d'améliorer concrètement et visiblement les conditions de vie des populations riveraines alors pourront émerger.
Mme Terrade et M. Sergent nous ont fait part de leurs interrogations quant à la place qui sera faite aux riverains et à leurs associations dans ce dispositif.
Il n'est pas dans les intentions de M. le rapporteur, me semble-t-il, de marginaliser les riverains. Ils seront au contraire au coeur des préoccupations des communautés aéroportuaires, puisque les actions menées le seront d'abord en leur faveur. Ces communautés pourront d'ailleurs les consulter et les associer au travers d'instances de concertation. Plusieurs amendements ont été déposés sur ce sujet. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous propose que nous revenions sur ce point, qui a été, à juste titre, soulevé par Mme Terrade et M. Sergent, lors de l'examen des articles de la proposition de loi.
Je voudrais également indiquer, à la suite de la remarque importante de M. Gérard Larcher, que les modifications de trajectoires significatives qui auront lieu sous le plafond des 2 000 mètres feront désormais l'objet d'enquêtes d'utilité publique...
M. Gérard Larcher, président de la commission. Très bien !
M. Gérard Larcher, président de la commission. C'est important ! M. Braye partage ce sentiment !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... et que les riverains pourront donc s'exprimer sur ce sujet. La mobilisation des moyens financiers, par voie contractuelle, prévue dans le texte, est, pour nous, un gage d'efficacité des établissements publics à créer. Au-delà d'une péréquation, c'est un véritable effet de levier qui est confié à ces établissements.
M. Sergent a posé la question, également intéressante, du montant des amendes administratives, pour connaître les ressources potentielles des communautés aéroportuaires. Je l'estime, pour l'année qui se termine, à 800 000 euros pour l'aéroport Charles-de-Gaulle et à 500 000 euros pour l'aéroport d'Orly.
Ces communautés aéroportuaires vont faciliter la recherche de solutions consensuelles, parce que toutes les parties en présence par tagent un intérêt commun. Il s'agit d'un lieu où émergera la solidarité.
Avant de conclure mon propos, je voudrais replacer la création des « communautés Le Grand » (Sourires), les communautés aéroportuaires, dans le cadre d'une politique aéroportuaire plus globale et, à cet égard, je me permets de rappler au Sénat les orientations du Gouvernement.
D'abord, on doit parler aujourd'hui en termes d'intermodalité et le développement des lignes à grande vitesse, qui sera réaffirmé le 18 décembre prochain lors du comité interministériel pour l'aménagement et le développement du territoire, représente un atout considérable. Nous avons la chance, à Roissy comme à Lyon, d'avoir des gares d'interconnexion. Nous entendons donc donner des impulsions pour favoriser, quand cela est nécessaire, la substitution d'une offre ferroviaire au transport aérien. Actuellement, il n'y a déjà quasiment plus d'avions entre Paris et Bruxelles. Le trafic ferroviaire a pris la part la plus importante du marché entre Paris et Lyon. Même pour Bordeaux, où la ligne nouvelle de TGV s'arrête au sud de Tours, l'avion ne représente plus que 40 % des déplacements, hors voiture individuelle. Ce sont des modes de transport concurrents, mais aussi complémentaires. Les passagers vont, et on le verra avec Roissy et Schiphol dans le cadre de l'alliance Air France-KLM, combiner de plus en plus du train et de l'avion. Cela permettra, par ailleurs, de dégager les créneaux pour les vols à longue distance, puisque, sur les vols à courte distance le train, notamment le TGV, représente une alternative très intéressante.
Le Gouvernement - vous m'avez également interrogé sur ce point, monsieur Larcher - entend développer une desserte équilibrée du territoire s'appuyant bien entendu sur les plates-formes franciliennes mais également, à titre complémentaire, sur les grands aéroports régionaux. Je pense notamment à Lyon-Saint-Exupéry l'aéroport de Nice connaît actuellement une situation de congestion plus difficile, et dans quelques années, à l'aéroport de Notre-Dame-des-Landes - les parlementaires de l'Ouest le savent bien -, à proximité de Nantes et de Rennes. Cette desserte équilibrée du territoire s'appuyera aussi sur un troisième réseau de plates-formes de taille raisonnable existants ou à créer, monsieur Larcher.
Cela doit permettre d'utiliser au mieux l'ensemble des aéroports du territoire national, d'éviter cette espèce de trombose francilienne, le faux débat créé par M. Gayssot sur le troisième aéroport ayant caché les enjeux.
La province, les régions et Paris doivent, ensemble, absorber la croissance du trafic aérien national dans les prochaines années. Cela doit également permettre, bien sûr, d'alléger les nuisances autour de l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, sujet qui est cher à tous les parlementaires de la région parisienne. Je tiens à dire au sénateur de la Marne qui est intervenu ce matin que Vatry a, bien sûr, un rôle essentiel à jouer dans ce domaine. Par ailleurs, je le dis, M. Gerbaud, pour l'aéroport de Châteauroux-Déols a aussi tout son intérêt pour le trafic du fret.
Je réaffirme ce que le Gouvernement a déjà indiqué à la suite de l'excellent rapport de M. François-Michel Gonnot, à savoir que nous n'avons pas l'intention de faire évoluer la configuration des pistes de Roissy et que nous excluons la création d'une cinquième piste sur la plate-forme de Roissy.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Merci, monsieur Lachenaud. C'est également une position que vous avez largement défendue, avec beaucoup de talent.
Monsieur Larcher, vous avez mentionné toute une série de voies pour minimiser l'effet des nuisances sonores.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Oui !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Les avions plus modernes sont naturellement moins bruyants. Les A 380, quand ils seront en configuration trois classes et transporteront 800 personnes, remplaceront plusieurs Airbus plus anciens et plus bruyants. En outre, il n'y aura qu'une seule trace sonore. Mais nous pensons également à de nouveaux moyens de guidage fondés sur des techniques satellitaires. A cet égard, j'ai demandé à la direction générale de l'aviation civile d'évaluer toutes les possibilités offertes par ces procédures. Je pense en particulier aux procédures de descente continue, l'avion descendant sans palier long au-dessus des populations.
Cela a été essayé en trafic nocturne à Amsterdam et à Londres. Cette procédure a été mise en place sur d'autres aéroports. Je l'ai constaté la semaine dernière sur l'aéroport de Montréal. Je pense également aux profils de vol de moindre bruit, qui permettent d'éviter les longs paliers pénalisants.
Dès notre arrivée, M. Gilles de Robien et moi-même avons demandé à la direction générale de l'aviation civile de toujours privilégier la première de ses missions en matière de contrôle aérien, à savoir, bien sûr, la sécurité des vols, et la seconde de ses missions, qui est d'éviter la congestion et donc d'assurer la bonne gestion du trafic aérien. Mais nous lui avons demandé également que, dans l'exercice de leur mission, les contrôleurs aériens aient en permanence à l'esprit la nécessité de gérer la trajectoire au mieux afin de réduire les nuisances sonores, en particulier en période nocturne.
Très récemment, dans la nuit du 9 au 10 décembre, une conciliation, qui a eu lieu à Bruxelles, a abouti à un accord satisfaisant pour la France sur le règlement Ciel unique européen. Nous y avons défendu l'idée de blocs fonctionnels afin d'éviter le partage entre contrôles nationaux tout en permettant aux Etats de maintenir leur système de sécurité aérienne et, dans le cas de la France, de le maintenir sous la tutelle de la puissance publique. Cet accord permettra une harmonisation technique et réglementaire, qui accroîtra la sécurité et la fluidité du trafic aérien tout en permettant de réduire les nuisances sonores que celui-ci occasionne.
Pour toutes ces raisons, le Gouvernement est favorable à cette proposition de loi. Il engage, bien sûr, le Sénat à l'adopter, après qu'auront été examinés les amendements indispensables que les uns et les autres souhaitent y apporter. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Demande de renvoi à la commission
M. le président. Je suis saisi, par Mmes Beaufils, Terrade, Beaudeau et Didier, MM. Le Cam, Coquelle et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 12, tendant au renvoi à la commission.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 5, du règlement, le Sénat décide qu'il y a lieu de renvoyer à la commission des affaires économiques la proposition de loi portant création des communautés aéroportuaires (n° 83, 2003-2004). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
Aucune explication de vote n'est admise.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, auteur de la motion.
Mme Marie-France Beaufils. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les nuisances sonores font partie des nuisances que la population place en premier. Parmi celles-ci, les nuisances aériennes n'ont rien à envier aux nuisances routières.
Compte tenu du développement du trafic aérien des aéroports d'Orly et de Roissy avec un doublement estimé d'ici à 2015, ainsi que de l'augmentation du trafic aérien dans de nombreux aérodromes de province, les surfaces urbanisées soumises aux nuisances aéroportuaires sont de plus en plus importantes.
C'est ainsi que, dans son rapport d'activité 2002, l'Autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, en se fondant sur les chiffres fournis par l'administration de l'aviation civile, comptabilise près de 450 000 personnes et de 180 000 logements concernés par le bruit des avions.
Cette autorité rappelle également qu'entre 1995 et 2001, avec le dispositif mis en place, 12 027 logements ont été insonorisés, pour plus de 75,8 millions d'euros.
Elle constate d'ailleurs que, pour y faire face l'ADEME, l'Agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, finance au-delà du produit de la taxe versée par l'Etat.
Cette année, l'insuffisance des moyens s'est traduite par la suppression des réunions des commissions consultatives d'aide aux riverains. Les promesses faites n'ont pas été tenues : l'augmentation de la TGAP, la taxe générale sur les activités polluantes, n'a pas été mise en oeuvre comme prévu pour 2003. On peut d'ailleurs être inquiet pour 2004 puisque, si les recettes ont bien été estimées à 58 millions d'euros, elles sont inscrites à l'article 24 du projet de loi de finances sans affectation. En ces périodes de recherche de fonds pour équilibrer le budget de l'Etat, comprenez que nous soyons inquiets.
Mme Odette Terrade. Absolument !
Mme Marie-France Beaufils. Aujourd'hui, les communes situées dans les zones soumises aux nuisances sonores ont bien besoin d'être accompagnées pour y faire face.
Même s'ils ont perdu beaucoup de leur valeur foncière, les logements sont encore habités, ou habitables si les travaux indispensables pour une bonne isolation acoustique sont effectués. C'est important pour maintenir une certaine qualité de vie, éviter les squats et les ghettos.
Des avis autorisés des membres des commissions consultatives confirment qu'une somme minimale de 15 000 euros par logement est indispensable pour une réponse adaptée à la réduction de la nuisance.
Parallèlement, si des familles vivent dans ces lieux, elles ont besoin de services publics également de qualité. Les équipements publics nécessaires à leur vie sociale doivent, eux aussi, être traités. Comment, par exemple, les enseignants peuvent-ils jouer leur rôle éducatif si les établissements dans lesquels ils travaillent ne sont pas insonorisés ? Cela permettrait peut-être que dans ces communes, le niveau de qualification soit plus en rapport avec les emplois créés par les entreprises installées dans ces secteurs très attractifs.
Cela suppose des moyens importants, que les communes concernées ne possèdent pas toujours. Elles ne sont pas obligatoirement le lieu où la taxe professionnelle liée aux activités aéroportuaires est perçue.
Je pourrais dire la même chose pour d'autres équipements comme les crèches, les haltes-garderies, les équipements sportifs et culturels, les hôpitaux, les maisons de retraite, pour ne citer que les plus marquants.
La dégradation de la vie subie par un être humain soumis de façon permanente aux nuisances sonores est possible à apprécier. Elle mérite que l'Etat s'intéresse donc aux conséquences de sa politique de développement du trafic aérien, surtout au moment où il envisage de ne pas tenir les engagements pris précédemment avec ces mêmes riverains en Ile-de-France.
Face à ces nuisances qui s'étendent, des communes ont été dans l'obligation de modifier leurs opérations d'aménagement, ce qui les a entraînées dans des déficits difficiles à supporter.
L'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires, l'ACNUSA préconisait dans son rapport que durant dix ans une part de la taxe d'aéroport soit affectée aux opérations d'insonorisation. Elle suggérait également la création d'un fonds qui permettrait, par convention, de garantir au riverain l'achat de son logement au prix d'acquisition actualisé. Cela donnerait des moyens de tenir compte des périmètres retenus dans les dix plans de gêne sonore qui auraient dû être révisés au 31 décembre 2003.
Il ressort de ces réflexions, ainsi que de celles du rapport Gonnot-Favennec, qu'il faut se donner les moyens financiers à la hauteur des besoins, des exigences.
Or, aujourd'hui, vous nous présentez, monsieur le secrétaire d'Etat, un texte créant des communautés aéroportuaires sans capacités nouvelles d'intervention.
Vous proposez que les communautés soient créées par délibération du conseil régional concerné. Un amendement a été déposé ce matin. Le projet de loi relatif aux responsabilités locales que nous avons examiné prévoit à l'article 22 que la gestion des aérodromes puisse devenir une compétence des conseils régionaux, s'ils le souhaitent, sauf pour les dix plus importants qui resteraient de la compétence de l'Etat.
Or cette proposition de création de communautés aéroportuaires régionales donne une « responsabilité » nouvelle aux conseils régionaux dans la gestion de l'impact des aéroports sur leur territoire.
S'agit-il d'une façon d'élargir la loi relative aux responsabilités locales pour préparer une deuxième lecture ? Pourquoi la commission des lois n'a-t-elle pas été saisie pour avis, alors qu'elle a été saisie au fond du projet de loi relatif aux responsabilités locales ?
Dans le cadre des établissements publics de coopération intercommunale, les EPCI, la lutte contre le bruit, pour la qualité de l'air, fait partie des compétences que les communes membres peuvent transférer à l'EPCI.
Pourquoi doit-on créer un nouvel outil ?
Pourquoi au moment du débat sur le projet de loi relatif aux responsabilités locales, le Gouvernement n'a-t-il pas soumis ces questions à la réflexion, d'autant qu'il touche à une recette non négligeable, les fonds départementaux de péréquation de taxe professionnelle.
Lors des rencontres en région qui, selon vous, préparaient le texte sur les responsabilités locales, cette question n'a pas été débattue.
Ainsi, sur un texte d'une telle importance qui concerne une dizaine d'aéroports, aucun échange n'a eu lieu avec les collectivités territoriales situées dans leur aire d'influence.
Que deviennent, dans ce nouveau cadre, les commissions consultatives d'aide aux riverains ? Vous avez vous-même proposé un amendement ce matin, ce qui montre bien que c'est un texte fait dans la précipitation, un texte de circonstance.
Ce projet concerne les finances, puisque, d'ailleurs, le projet de loi de finances rectificative pour 2003 présentera, dans son article 16, la création d'une taxe sur les nuisances sonores aériennes pour les aérodromes de Charles-de-Gaulle, Orly, Toulouse, Bordeaux, Lyon, Marseille, Nantes, Nice et Strasbourg. L'aéroport de Bâle-Mulhouse, cité par M. Gérard Larcher dans son amendement à l'article 1er, ne serait pas concerné par la création de cette nouvelle fiscalité.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Effectivement, car il est international !
Mme Marie-France Beaufils. Je crois que la question posée ce matin en commission montre qu'il est nécessaire de compléter la réflexion.
Dans l'exposé des motifs de cet article 16, le Gouvernement propose que la taxe soit recouvrée par les services de l'aviation civile et reversée aux exploitants d'aérodrome.
L'objectif affirmé également est de « confier aux gestionnaires d'aérodromes la gestion du dispositif d'aide aux riverains, afin d'améliorer l'efficacité par une plus grande proximité des différents partenaires ».
Or si cette année les dossiers de demandes d'aide n'ont pas abouti, ce n'est pas que les commissions consultatives d'aide aux riverains n'ont pas fonctionné, ce n'est pas par manque de proximité, ce n'est pas parce que l'ADEME n'est pas en capacité de gérer, c'est bien parce que les financements sont restés à 17 millions d'euros, donc très inférieurs aux besoins estimés, mais aussi aux promesses faites, puisque ce sont 55 millions d'euros qui étaient attendus, ce qui, apparemment, ne sera effectif qu'avec l'article 16 de la loi de finances rectificative, mais à partir du 1er janvier 2005.
Pourquoi donc vouloir créer une nouvelle structure de gestion ?
Pourquoi l'ADEME ne pourrait-elle pas continuer à gérer cette ressource alors que la démarche est bien de traiter un problème environnemental ?
Vous introduisez dans ces nouvelles structures « les entreprises bénéficiant de l'activité aéroportuaire » et vous ajoutez « entreprises situées ou non sur l'emprise de l'aéroport ». Dans quel but ? Est-ce pour qu'elles bénéficient d'aides à la réduction des nuisances sonores ? S'agit-il de leur permettre d'émarger aux aides à la création d'emplois ?
Le texte qui nous est présenté aujourd'hui prévoit des financements qui n'ont pas été soumis à l'avis de la commission des finances.
Ces fonds viennent à la fois des sanctions prononcées par l'ACNUSA, des ressources des collectivités territoriales et, le cas échéant, de financements inscrits chaque année dans la loi de finances.
Pour les partenaires proposés au conseil d'administration de la nouvelle structure, ayant pourtant voix délibérative, c'est seulement une contribution volontaire qui est proposée et donc très aléatoire, si j'en crois les déclarations parues dans la presse, en particulier dans Les Echos, le 2 décembre dernier.
Au vu de l'ensemble de ces textes soumis au Parlement, il nous semble que ce projet de création des communautés aéroportuaires doive faire l'objet d'un renvoi en commission. La discussion engagée ce matin en commission sur les derniers amendements présentés l'a d'ailleurs bien confirmé. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, contre la motion.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais tout d'abord vous présenter mes excuses pour n'avoir pu participer à la discussion générale, étant retenu par une réunion qui avait lieu entre Roissy et Saint-Claire-sur-Epte près de la Normandie, mais bien loin de Paris. (Sourires.)
Si j'avais pu être présent ici, j'aurais adhéré à l'objectif fixé par le Gouvernement et par le rapporteur M. Jean-François Le Grand d'un meilleur développement économique et fiscal en faveur de l' emploi et de l'environnement. J'aurais approuvé le dispositif institutionnel. J'aurais expliqué, s'agissant de la procédure de création des communautés aéroportuaires et de la définition du périmètre, qu'un certain nombre d'options devraient être prises. J'aurais plaidé pour un renforcement des ressources financières de ces communautés aéroportuaires.
Mais notre discussion actuelle porte sur une motion de renvoi en commission. Je vais donc plaider contre cette motion.
Mes chers collègues, vous allez observer une différence de discours entre des élus du secteur d'Orly et des élus du secteur du Val-d'Oise. Cette différence pourrait paraître surprenante, notamment aux yeux de provinciaux, mais il faut savoir qu'il n'y a pas de trafic de nuit à Orly et que des décisions importantes quant au plafonnement des mouvements ont été prises en 1994 alors que ce n'est pas le cas à Roissy, qui subit des contraintes et des nuisances très importantes.
Renvoyer le dossier en commission, c'est faire fi du travail que j'ai eu l'honneur de mener à la demande de M. Alain Juppé, puis de M. Jean-Claude Gayssot.
Mme Hélène Luc. Nous n'avons même pas eu le temps de consulter les riverains !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Dans le rapport que la mission a rendu, nous avions opté pour un dispositif prévoyant notamment des investissements dans les secteurs des transports et du développement économique.
Mais ce dispositif a été affadi lorsqu'a été créé, en 1999, le fonds de compensation des nuisances aériennes.
Je constate aujourd'hui que les élus socialistes et communistes du Val-d'Oise, ne tiennent pas le même discours que Mme Beaufils.
Mme Hélène Luc. Les élus communistes souhaitent connaître l'avis des riverains.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Atterrissez, madame Luc !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Pas de nuisances sonores !
M. Jean-Philippe Lachenaud. La première volonté est de renforcer le dispositif de 1999, de l'asseoir institutionnellement avec la création des communautés aéroportuaires. La seconde est de confier à celles-ci non pas l'instruction technique des dossiers, - que cela soit fait par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie, l'ADEME, ou par la société des Aéroports de Paris, ADP, cela ne pose pas vraiment de problème - mais la maîtrise d'ouvrage politique des décisions d'insonorisation.
Pour notre part, nous avons plaidé, lors de la discussion budgétaire, devant M. le secrétaire d'Etat aux transports et Mme la ministre chargée de l'environnement, pour que la gestion des crédits soit le fait du conseil d'administration de la communauté aéroportuaire.
Mme Odette Terrade. Et les riverains ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Il est par ailleurs tout à fait inexact d'affirmer, comme l'a fait Mme Beaufils, que ces crédits ne progressent pas. Le produit de la taxe sur les nuisances sonores pour l'ensemble des aéroports devrait en effet atteindre 55 millions d'euros, ce qui représente une perspective extrêmement positive !
Il est inutile de tergiverser, de renvoyer le texte à la commission, le moment est venu de donner à la communauté aéroportuaire la responsabilité politique de la gestion financière des crédits d'insonorisation.
Toutes ces raisons forment mon plaidoyer convaincu contre la motion présentée par Mme Beaufils. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. Gérard Larcher, président de la commission. M. Lachenaud a raison.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. M. Jean-Philippe Lachenaud a terminé son intervention en disant qu'il était convaincu. J'ajouterai qu'il était également convaincant.
Je le remercie une fois de plus de la qualité de son travail qui a nourri ma propre réflexion lors de la mission qui m'a été confiée par le Gouvernement.
Les arguments qu'il a utilisés sont excellents, je n'en ajoute aucun, je n'en retire aucun et je le remercie d'être intervenu.
Madame Luc, n'ayons pas peur de la démocratie ! Donnons aux élus les responsabilités qui sont les leurs. (Exclamations sur les travées du groupe CRC) Ne prenons pas de faux prétextes pour essayer de reporter à plus tard une décision qui, de toute façon, s'impose et nous honore. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. En premier lieu, madame Beaufils, le projet de loi de décentralisation, que le Sénat a voté, a été élaboré après concertation, avec les régions ou les départements, sur l'avenir des aéroports qui vont être transférés. Un travail de fond a été mené pendant des années par l'Union des chambres de commerce et établissements gestionnaires d'aéroport, l'UCCEGA, que vous connaissez. Nous assisterons même, dans certains cas, à une compétition, saine et démocratique d'ailleurs, entre des départements et des régions qui souhaitent exploiter la même plate-forme.
Ne pensez pas que la décision de transférer les aéroports régionaux aux collectivités locales ait été prise sans concertation et que ce transfert n'intéresse pas les collectivités.
Prenons un exemple que vous connaissez bien, celui de l'aéroport de Tours-Saint-Symphorien. Il fera l'objet d'un accord entre les collectivités concernées, le département, la région, la communauté de Tours et la communauté d'agglomération, dont votre ville fait partie, pour gérer cet aéroport. Ce sujet-là a donc été traité.
En deuxième lieu, dans notre pays, on reproche toujours au pouvoir politique, c'est-à-dire au Gouvernement et au Parlement, de ne pas répondre assez rapidement aux préoccupations des citoyens. Vous avez la chance qu'un de vos collègues fasse un très bon travail, présente une proposition de loi, que celle-ci soit examinée et adoptée en commission et que le Gouvernement accepte qu'elle soit inscrite à l'ordre du jour du Sénat.
Contrairement à ce que vous pensez, madame Beaufils, c'est de la bonne gouvernance, c'est une réaction rapide à un problème auquel on apporte des solutions. Peut-être seront-elles modifiées un jour ! Peut-être y aura-t-il une proposition Le Grand II, puis une proposition Le Grand III ! (Sourires.) Tout dépendra de la manière dont fonctionnera le dispositif que nous allons mettre en place.
En troisième lieu, je précise que, pour l'aéroport de Bâle-Mulhouse, qui a un statut particulier, puisqu'il s'agit d'un aéroport binational - franco-suisse - il faudra utiliser une autre procédure.
Le conseil d'administration de cet établissement se prononcera et il pourra adapter la procédure « Le Grand ». Cela dit, son cas ne peut être traité immédiatement, à l'occasion de cette proposition de loi.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. Madame Luc, je ne peux pas vous la donner !
Mme Hélène Luc. Vous ne savez pas pourquoi je la demande !
M. Dominique Braye. Madame Luc, respectez le président !
M. le président. Je rappelle au Sénat qu'en vertu du dernier alinéa de l'article 44 du règlement ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement. Par ailleurs, aucune explication de vote n'est admise.
Mme Hélène Luc. Je voulais répondre à M. le rapporteur !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 12, tendant au renvoi à la commission.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin
n° 110
:
Nombre de votants | 319 |
Nombre de suffrages exprimés | 311 |
Pour | 106 |
Contre | 205 |
Mme Hélène Luc. C'est bien dommage !
M. Jean Chérioux. C'est la voix de la démocratie !
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Il est créé, sous le nom de « communauté aéroportuaire », une nouvelle catégorie d'établissement public à caractère administratif doté de la personnalité morale et de l'autonomie financière.
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, sur l'article.
M. Jean-Philippe Lachenaud. L'article 1er crée une nouvelle catégorie d'établissements publics. Ce n'est ni une collectivité territoriale ni un fonds, solution tout à fait imparfaite qui fonctionnait jusqu'ici. La création de cette catégorie d'établissements publics est un bon choix, mais elle devra être entourée de toutes les garanties législatives et réglementaires. En effet, tout nouvel établissement public est mis sous surveillance par le Conseil d'Etat qui va regarder de très près l'ensemble des dispositions administratives, financières concernant cet établissement.
L'adjonction de cette nouvelle catégorie de collectivité, montrant que le dispositif pourra s'appliquer à tous les aéroports concernés, me convenait tout à fait. Mais, avec l'amendement n° 5, M. Larcher propose d'anticiper sur le dispositif de l'article 2 en précisant que les aéroports concernés sont ceux où les aéronefs paient la taxe sur les nuisances aériennes.
Je souhaiterais donc que M. le président de la commission indique que cette précision n'interdit pas de créer une communauté aéroportuaire pour un ensemble de deux aéroports, Roissy et Le Bourget par exemple.
Roissy et Le Bourget forment un ensemble qui comprend, un aéroport pour lequel s'applique l'article 266 septies du code des douanes. Bien entendu, les populations alentour subissent l'ensemble des nuisances, notamment à Gonesse, Goussainville et Garges-lès-Gonesse. Cette dernière est administrée par notre collègue Nelly Olin, qui n'a pas pu participer au débat, mais qui m'a demandé de faire expressément état de la situation dramatique causée par les nuisances sur le territoire de sa commune.
Je souhaite donc qu'il soit bien précisé que la référence à l'article 266 septies du code des douanes n'exclut pas évidemment de faire une seule communauté aéroportuaire, autour de Roissy, englobant les communes concernées par les nuisances du Bourget.
M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.
M. Jean-Pierre Plancade. L'ensemble de ce dossier est géré par une gouvernance étrange. On a un secrétaire d'Etat aux transports qui connaît parfaitement son dossier.
M. Henri de Raincourt. C'est vrai !
M. Jean Chérioux. Il est plein de talents !
M. Christian Cointat. Il est excellent !
M. Jean-Pierre Plancade. Mais oui ! Je l'ai souvent entendu parler intelligemment de la problématique des déplacements.
Mais attention : in cauda venenum, il a accepté de supprimer une ligne de crédits en faveur des collectivités locales, destinée à favoriser le développement des transports en commun.
On a un rapporteur, M. Jean-François Le Grand,...
M. Henri de Raincourt. Qui est excellent !
M. Jean-Pierre Plancade. ... qui connaît tout aussi parfaitement ce dossier...
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. On s'arrête là ! (Sourires.)
M. Jean Chérioux. C'est la distribution des prix !
M. Jean-Pierre Plancade. ... et qui nous propose un projet que l'on ne peut pas contester, c'est-à-dire mettre autour de la même table des partenaires et tous ceux qui ont un intérêt du point de vue économique ou environnemental, avec l'idée de créer un établissement autonome va se superposer à d'autres, et je ne vois pas très bien comment cela va fonctionner.
J'ai écouté avec beaucoup d'attention la réponse de M. le secrétaire d'Etat et l'intervention de M. Lachenaud. Au fond, personne ne peut s'approprier les problèmes des nuisances sonores. Nous avons connu les expériences de MM. Juppé et Gayssot. Tous les élus, de droite comme de gauche, sont sensibles au problème de l'environnement.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est un bruit de fond !
M. Jean-Pierre Plancade. L'ACNUSA est une bonne chose même si l'on n'est pas allé assez loin, comme le soulignait d'ailleurs M. Le Grand dans son rapport, ce dont je le remercie.
Ce rapport dégage un sentiment d'incertitude générale : incertitude de financement, génératrice d'inégalités puisqu'il y aurait, d'un côté, des contributions volontaires pour les entreprises et, d'un autre côté, des contributions obligatoires pour les collectivités locales, incertitude quant à la composition du conseil d'administration et incertitude quant aux compétences qui lui seront attribuées.
Je crains que cet établissement ne crée un nouveau champ institutionnel qui échappe aux directives des collectivités locales. A la lecture du texte, on s'aperçoit que les entreprises exprimeront leur point de vue, ce qui est normal et légitime - je ne le conteste en aucune façon - et que les collectivités locales pourront représenter les riverains.
Je ne suis pas d'accord sur ce point. Les collectivités locales n'ont pas pour vocation unique de représenter les riverains. Elles partagent cette vocation avec des associations, au demeurant très actives, que nous connaissons tous. En outre, les collectivités locales exercent des compétences économiques qui risquent de leur échapper, même si le président du conseil régional préside cette institution paritaire, financée de manière inégalitaire.
Si l'idée qui sous-tend ce texte est bonne, il faut la retravailler. Le groupe socialiste sera donc très attentif à la manière dont seront traités les amendements qu'il a déposés sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Larcher, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Une communauté aéroportuaire peut être créée pour tout aérodrome mentionné au 3 de l'article 266 septies du code des douanes. »
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Au cours des débats préparatoires à l'élaboration de cette proposition de loi, il est apparu souhaitable de circonscrire la création d'une communauté aéroportuaire aux aéroports sur lesquels un dispositif d'aide à l'insonorisation des logements des riverains a été mis en oeuvre.
Entre parenthèses, je rassure tout de suite M. Lachenaud, avec l'accord de M. le rapporteur, Le Bourget est bien compris à l'intérieur de la future communauté aéroportuaire.
Ces aéroports sont actuellement visés au 3 de l'article 266 septies du code des douanes. Il s'agit, outre Orly et Roissy, de Strasbourg, Lyon, Nice, Marseille, Toulouse, Bordeaux, Nantes et Bâle-Mulhouse.
Comme le nom de Bâle-Mulhouse a été évoqué, j'apporte quelques précisions à son sujet.
L'aéroport international de Bâle-Mulhouse fait l'objet de dispositions particulières. Il n'est pas cité à l'article 16 du collectif pour 2003, d'où l'erreur possible, mais il est cité au paragraphe IV du décret du 17 juin 1999, pris en application de la loi de finances pour 1999 instituant la TGAP.
Il fait donc bien partie des dix aéroports qui se trouvent dans le champ de la taxe bruit et du plan de gêne sonore.
Mme Marie-France Beaufils. Mais il n'était pas dans l'article 16.
M. Gérard Larcher. C'est ce que j'ai dit !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission est tout à fait favorable à l'amendement de M. Larcher, d'autant qu'il fait suite à un débat qui a eu lieu en commission et qu'il est préférable de dire ce qui pour certains pouvait aller sans dire.
Monsieur Lachenaud, tout à l'heure, vous avez soulevé le problème du Bourget. En fait, s'il n'y a pas de plan de gêne sonore autour du Bourget, les communes concernées sont incluses dans le périmètre de gêne sonore de Roissy.
Nous sommes donc devant un cas de figure qui se trouve réglé par la force géographique des choses alors qu'il n'est pas réglé par la force législative des choses.
A M. Plancade, je dirai que son discours était excellent quand il a dit du bien du secrétaire d'Etat, qu'il était encore meilleur quand il a dit du bien de votre serviteur, mais qu'il est dommage qu'il ait dérapé sur la fin. (Rires et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaiterais que vous nous précisiez que tout n'est pas fermé pour le futur. Tout à l'heure, reprenant les propos qu'a tenus M. Détraigne dans la discussion générale, j'ai posé la question de savoir, à propos de Vatry, s'il serait possible dans l'avenir d'introduire d'autres communautés aéroportuaires dans le dispositif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est favorable à cet amendement et il souscrit aux explications données par M. Larcher et par M. le rapporteur.
Naturellement, monsieur Larcher, si les « communautés Le Grand » fonctionnent, ce que nous souhaitons tous, des demandes s'exprimeront pour d'autres plates-formes et nous pourrons à tout moment, par la voie législative, augmenter le nombre de ces communautés...
M. Gérard Larcher. Il y aurait une communauté Détraigne !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. ... une communauté Détraigne, une communauté Larcher à Rambouillet, et bien d'autres encore !
M. Gérard Larcher. A Rambouillet, nous ne sommes pas demandeurs ! (Sourires.)
M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne, pour explication de vote.
M. Yves Détraigne. J'approuve tout à fait l'esprit de l'amendement présenté par M. Larcher. En effet, si on laissait les communautés aéroportuaires se développer sur tous les aéroports qui sont dotés d'un plan d'exposition au bruit, il pourrait y avoir deux cents communautés aéroportuaires : en l'occurrence, on ferait plus preuve de démagogie que d'efficacité.
Or c'est l'efficacité qu'il faut viser ; tel est d'ailleurs l'objet de la proposition de loi de notre collègue Jean-François Le Grand. Il est bon de circonscrire le nombre des aéroports où des communautés aéroportuaires pourront être mises en place.
Au demeurant, je tiens à remercier M. le secrétaire d'Etat de la précision qu'il a apportée. En effet, il ne faudrait pas que, pour les aéroports qui sont appelés à connaître un développement d'une certaine importance, on attende que les problèmes soient là pour commencer à envisager la mise en place d'une communauté aéroportuaire.
Il faudra savoir, le moment venu, anticiper et mettre en place les instances voulues pour accompagner le développement important que l'on attend d'un certain nombre de nouvelles plates-formes ; je pense notamment à celle du troisième réseau aéroportuaire qui a été cité tout à l'heure.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.
(L'article 1er est adopté.)
La communauté aéroportuaire est chargée de favoriser la correction des atteintes aéroportuaires à l'environnement et à la qualité de vie urbaine et rurale, l'accès des riverains aux emplois et aux équipements collectifs et l'information relative aux impacts de l'aéroport sur son territoire et aux actions menées pour en corriger les effets.
Le périmètre d'intervention de la communauté aéroportuaire est défini, par voie réglementaire, lors de la création de chaque établissement. Il peut être étendu sur proposition de la communauté aéroportuaire.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 9, présenté par MM. Angels et Sergent, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le premier alinéa de cet article :
« La communauté aéroportuaire est chargée de mettre en oeuvre une politique de développement durable du transport aérien qui concilie pour chaque aéroport l'exigence économique et les contraintes environnementales. Par ailleurs, elle a pour mission de favoriser une plus juste répartition des retombées économiques et une desserte terrestre plus performante pour les populations riveraines de l'aéroport. Enfin, elle doit veiller à une plus grande transparence de l'information relative aux impacts de l'aéroport sur son territoire et aux actions menées pour en corriger les effets. »
L'amendement n° 16, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de cet article, après le mot : "chargée", insérer les mots : "de soutenir des actions territoriales et des projets permettant". »
L'amendement n° 1, présenté par M. Lachenaud, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots : "de l'aéroport sur son territoire" par les mots : "du ou des aéroports sur son territoire". »
La parole est à M. Sergent, pour présenter l'amendement n° 9.
M. Michel Sergent. Cet amendement vise à modifier la rédaction du premier alinéa de l'article 2 afin, d'une part, de recentrer les missions de la communauté aéroportuaire et de faire apparaître des priorités et, d'autre part, à inscrire clairement le concept de développement durable au titre des missions principales défendues par la communauté aéroportuaire.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour présenter l'amendement n° 16.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Cet amendement vise à renforcer le rôle d'impulsion très concret que doit jouer la communauté aéroportuaire et à lever toute ambiguïté par rapport aux champs de compétences des commissions consultatives de l'environnement et de l'ACNUSA.
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, pour présenter l'amendement n° 1.
M. Jean-Philippe Lachenaud. La présentation de cet amendement risque d'être un peu complexe parce que je souhaite livrer quelques réflexions.
Qu'est-ce qu'un périmètre d'intervention du point de vue des compétences d'un établissement public ? Ce n'est pas un territoire au sens des collectivités locales. C'est un périmètre qui est défini habituellement par une voie règlementaire et dans lequel l'établissement public a compétence pour exercer ses missions fonctionnelles, les établissements publics constituant une forme de décentralisation fonctionnelle. Ainsi, des définitions de périmètres ont eu lieu à propos d'établissements publics qui avaient compétence pour l'aménagement des villes nouvelles.
De même, des périmètres d'intervention ont été définis pour les établissements publics qui avaient une compétence en matière foncière, en Normandie par exemple.
Il est important d'analyser avec précision et de mesurer exactement la portée de l'expression « périmètre d'intervention ».
Personnellement, j'aurais peut-être préféré l'expression : « zone d'attribution de compétences » ou celle de « zone d'exercice des compétences », qui me semblent correspondant davantage à la nature juridique des établissements publics.
Le deuxième problème que je soulèverai à propos des périmètres d'intervention concerne évidemment la procédure suivant laquelle le périmètre est défini. Cela fait l'objet d'un autre de mes amendements, que je vais défendre dès maintenant.
Pour ma part, je propose une procédure à caractère réglementaire, prévoyant une compétence à l'échelon ministériel, mais impliquant la consultation de toutes les collectivités territoriales concernées, notamment les communes, les établissements publics de coopération intercommunale, les conseils généraux et le ou les conseils régionaux concernés.
Prenons l'hypothèse de Roissy. C'est un sujet que je connais bien, aussi m'arrivera-t-il peut-être d'en parler plus que nécessaire !
Lorsqu'en 1997, nous avons étudié le périmètre d'action, de compétences, mais aussi de ressources économiques et fiscales autour de Roissy, nous avions constaté, d'une part, que les nuisances touchaient le département de l'Oise, des décollages pouvant avoir lieu, au gré du vent, vers l'est, et d'autre part, que les retombées économiques et fiscales de la plate-forme aéroportuaire de Roissy s'étendaient à la fois à la Seine-Saint-Denis et au Val-d'Oise, mais aussi à l'Oise.
A l'époque, les représentants de l'Oise avaient beaucoup insisté pour que l'on intègre leur département dans notre étude et dans notre réflexion ! Il n'est donc pas totalement exclu que, s'agissant de Roissy ou d'ailleurs, il soit nécessaire de consulter deux conseils régionaux et de désigner l'un de ces conseils régionaux comme chef de file de l'opération. En l'occurrence, s'agissant de Roissy, cela devrait être évidemmment le conseil régional d'Ile-de-France.
Bien évidemment, au moment voulu, le problème du Bourget étant considéré comme résolu, je retirerai mon amendement visant à préciser « du ou des » aéroports.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 9 dans la mesure où elle préfère sa rédaction modifiée par l'amendement n° 16 du Gouvernement, qui apporte une précision opportune.
M. Lachenaud ayant prévu de retirer son amendement, je n'en parlerai pas. Je dirai simplement que son propos était extrêmement pertinent, s'agissant notamment de la définition du périmètre d'intervention.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez parlé des « communautés Le Grand » - j'en suis très flatté - en évoquant « Le Grand I », « Le Grand II », « Le Grand III ». Je ne connais que deux grandes catégories de noms qui sont affectés de numéros : ceux des papes et des rois ; aussi, paraphrasant la devise des Rohan, je dirai : Pape ne puis, roi ne daigne, Le Grand suis ! (Sourires.)
M. le président. Monsieur Lachenaud, confirmez-vous que vous retirez votre amendement ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Oui, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 9 ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Après la conclusion brillante de M. Le Grand, je dirai simplement que le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement pour les raisons qu'a exprimées M. le rapporteur.
Par ailleurs, je remercie M. Lachenaud d'avoir retiré le sien.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 16.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 2, présenté par M. Jean-Philippe Lachenaud, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :
« Le périmètre d'intervention de la communauté aéroportuaire est défini, par arrêté ministériel, après consultation des conseils généraux, du ou des conseils régionaux, des établissements publics de coopération intercommunale et des conseils municipaux concernés. Il peut être étendu ultérieurement dans les mêmes formes. »
L'amendement n° 17, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer les mots : "voie réglementaire" par les mots : "arrêté du représentant de l'Etat dans la région, après consultation des collectivités locales intéressées".
« II. - Dans le même alinéa, après le mot : "étendu", insérer les mots : "dans les mêmes formes". »
L'amendement n° 10, présenté par MM. Angels et Sergent, est ainsi libellé :
« Après les mots : "chaque établissement", rédiger comme suit la fin du second alinéa de cet article : ", à partir du plan de gêne sonore et du plan d'exposition au bruit lorsqu'ils existent. Il pourra être étendu sur délibération de la communauté aéroportuaire". »
La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, pour défendre l'amendement n° 2.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je ne reviendrai pas sur les réflexions que je vous ai livrées sur la signification du périmètre. J'évoquerai un autre problème qu'ont soulevé certains orateurs, il s'agit de la coïncidence entre le périmètre d'intervention des communautés aéroportuaires et les périmètres dits de PEB, plan d'exposition bruit, et de PGS, plan de gêne sonore.
Il s'agit maintenant de savoir quelle sera l'étendue du périmètre. A Roissy, par exemple, comportera-t-il quatre, cinq, six, sept, huit communes ou bien dix ou douze ?
Ainsi, au moment de définir le périmètre des communautés d'aéroport, il faut avoir présents à l'esprit les préoccupations à prendre en compte et les objectifs à viser.
Pour ma part, je pense qu'il faut dépasser la prise en compte de la lutte contre les nuisances sonores pour intégrer aussi les préoccupations d'emploi, d'économie, de transport de ceux qui travaillent sur la plate-forme aéroportuaire et essayer d'assurer une meilleure répartition des activités économiques et, partant, une meilleure équité.
Dans cette perspective, il me paraît souhaitable que la décision qui s'impose à une région, voire à deux régions, relève de l'arrêté ministériel.
Par ailleurs, je souhaiterais que l'ensemble des collectivités locales soient associées au débat, à la délibération, sans oublier les EPCI, qui ont dans leurs compétences des responsabilités en matière de transports, de développement économique, d'urbanisme et d'environnement.
Il me paraît donc indispensable, surtout s'agissant des communautés d'agglomération, qui sont en voie de développement, de confirmer le rôle futur de ces établissements publics en tant que maître d'ouvrage dans les opérations sur lesquelles le financement de la communauté aéroportuaire pourra intervenir.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat, pour défendre l'amendement n° 17.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. En quelque sorte, cet amendement répond à la préoccupation exprimée par M. Lachenaud, que nous comprenons parfaitement.
Il vise, en effet, à marquer la volonté de déconcentration et de simplification administrative de l'Etat. Le Gouvernement, pour sa part, propose que ce soit le préfet qui anime les concertations préalables à la création des communautés aéroportuaires et qu'il ait la responsabilité de l'acte administratif qui précisera le périmètre des communautés aéroportuaires.
Il s'agit en fait de choisir entre le ministre et le préfet ; le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.
M. le président. La parole est à M. Bernard Angels, pour présenter l'amendement n° 10.
M. Bernard Angels. L'existence de l'amendement de M. Lachenaud et de celui du Gouvernement prouve bien qu'il y a un petit problème...
Mme Odette Terrade. Eh oui !
M. Bernard Angels. ... je ne dirai pas un grand, car je suis modéré cet après-midi. (Sourires.)
Lorsqu'on légifère, il faut être précis. Il ne faut pas laisser au pouvoir exécutif le soin d'interpréter les textes élaborés par le Parlement. C'est pourquoi j'ai déposé cet amendement, qui vise à définir de façon moins floue la notion de périmètre d'intervention de la communauté aéroportuaire.
Je propose donc que soient pris en compte le plan de gêne sonore et le plan d'exposition au bruit, lorsqu'ils existent, bien entendu. C'est un minimum. Sans cela, on laisse toute latitude au pouvoir exécutif pour définir ces périmètres.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je dirai d'emblée à notre excellent collègue M. Angels que son amendement est satisfait puisque, en adoptant tout à l'heure l'amendement n° 5, nous avons précisé quelle catégorie d'aéroports était concernée par les communautés aéroportuaires. Son souhait concernant le plan de gêne sonore et le plan d'exposition au bruit est donc d'ores et déjà pris en compte.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Bien sûr !
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Sur l'amendement de Jean-Philippe Lachenaud, la commission a donné un avis défavorable pour les raisons qui ont d'ailleurs été excellemment rappelées à l'instant par M. le secrétaire d'Etat. Il y a en effet une question de cohérence entre la région et les compétences qui lui sont transférées, d'une part, et l'intérêt manifestement régional de la communauté aéroportuaire d'autre part.
Dans le rapport que j'ai eu l'honneur de présenter, le périmètre tenait compte à la fois de la zone couverte par le plan de gêne sonore et de la zone d'impact économique, c'est-à-dire le « territoire sous influence », étant entendu que cette dernière notion est suffisamment souple pour donner toute sa légitimité à une décision de proximité faisant prévaloir le bon sens.
M. le secrétaire d'Etat s'en est remis à la sagesse. Il appartiendra à nos collègues de juger en leur âme et conscience.
Quant à l'amendement n° 17 du Gouvernement, il a recueilli un avis favorable de la commission.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Sur l'amendement n° 2, le Gouvernement considère que le problème est réglé par l'amendement n° 17, mais il s'en remet à la sagesse du Sénat.
Sur l'amendement n° 10, étant avant tout des décentralisateurs, nous pensons qu'il convient de laisser toute latitude aux acteurs concernés pour délimiter le champ d'action de l'établissement public. Pour cette raison, monsieur Angels, nous ne sommes pas favorables à votre amendement tout en comprenant parfaitement le sens de votre proposition.
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, pour explication de vote sur l'amendement n° 2.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je trouve un peu surprenant que l'on ne m'ait pas demandé de retirer mon amendement.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'était une invitation implicite mais forte !
M. Jean-Philippe Lachenaud. En vérité, cela tombe bien, car je n'ai pas l'intention de le retirer. (Sourires). En effet, je le dis sans aucune vanité, mon amendement paraît bien meilleur que l'amendement n° 17, et je vais même proposer, puisque l'on fait appel à la sagesse et à la réflexion de notre assemblée, de l'améliorer encore.
Monsieur le président, je me range à l'argument de M. le secrétaire d'Etat lorsqu'il dit qu'il vaut mieux déconcentrer et je rectifie mon amendement en remplaçant l'arrêté ministériel par un arrêté du réprésentant de l'Etat dans la région.
Pour le reste, je ne comprendrais vraiment pas que, ici, au Sénat, on n'accepte pas de voir les EPCI consultés sur la définition du périmètre. Tous ceux qui connaissent les territoires dans lesquels se situent ces aéroports savent bien que les problèmes doivent être réglés en commun !
M. Dominique Braye. C'est vrai, il a raison !
M. Jean-Philippe Lachenaud. Si vraiment je devrais être battu sur cette partie de mon amendement, je ne comprendrais plus grand-chose ni à la philosophie, ni aux convictions, ni à la sagesse du Sénat !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Lachenaud et ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :
« Le périmètre d'intervention de la communauté aéroportuaire est défini par arrêté du représentant de l'Etat dans la région, après consultation des conseils généraux, du ou des conseils régionaux, des établissements publics de coopération intercommunale et des conseils municipaux concernés. Il peut être étendu ultérieurement dans les mêmes formes. »
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je remercie notre collègue M. Lachenaud de cette avancée dans la rédaction de son amendement.
Au prix d'une rectification supplémentaire, cet amendement pourrait recueillir un « oui franc et massif », comme disait quelqu'un, de la part de la commission. Il s'agirait tout simplement de mettre en facteur commun les collectivités locales intéressées et les établissements publics de coopération intercommunale.
Il faut savoir que les collectivités locales ont parfois transféré la compétence à l'EPCI. C'est pourquoi il est indispensable que celui-ci puisse s'exprimer.
M. le président. M. Lachenaud, acceptez-vous cettenouvelle rectification proposée par M. le rapporteur ?
M. Jean-Philippe Lachenaud. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 2 rectifié bis, ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le second alinéa de cet article :
« Le périmètre d'intervention de la communauté aéroportuaire est défini par arrêté du représentant de l'Etat dans la région, après consultation des collectivités locales intéressées et des établissements publics de coopération intercommunale concernés. Il peut être étendu ultérieurement dans les mêmes formes. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s 17 et 10 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
La communauté aéroportuaire est créée sur délibération du conseil régional.
En l'absence de délibération du conseil régional, le représentant de l'Etat dans la région peut, à l'expiration d'un délai de six mois après notification au conseil régional, créer la communauté aéroportuaire.
Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat.
M. le président. L'amendement n° 18, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots : "sur délibération du conseil régional" par les mots : "par le représentant de l'Etat dans la région, sur proposition du conseil régional". »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. C'est un amendement de coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 19, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa de cet article, remplacer le mot : "délibération" par le mot : "proposition". »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 20, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Supprimer le dernier alinéa de cet article. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Coordination.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 3, modifié.
(L'article 3 est adopté.)
Le conseil d'administration de la communauté aéroportuaire comprend, à parité, deux collèges :
- le collège des collectivités territoriales, représentant les collectivités dont le territoire est compris en tout ou partie dans le périmètre d'intervention de la communauté aéroportuaire ;
- le collège des entreprises, représentant les entreprises bénéficiant de l'activité aéroportuaire, composé du gestionnaire d'aéroport, des compagnies aériennes et des autres entreprises situées ou non sur l'emprise de l'aéroport.
Le conseil d'administration est présidé par le président du conseil régional ou son représentant qui dispose d'une voix prépondérante en cas de partage des voix.
La communauté aéroportuaire, sur proposition du président du conseil régional ou de son représentant, désigne un représentant des riverains et un représentant des associations de protection de l'environnement qui ont voix consultative.
Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'Etat.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Lachenaud, est ainsi libellé :
« Dans le deuxième alinéa de cet article, après les mots : "représentant les collectivités", insérer les mots : "et les établissements publics de coopération intercommunale". »
La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Comme tout à l'heure, il s'agit de faire en sorte que les établissements publics de coopération intercommunale soient associés à l'action de la communauté aéroportuaire, ici en étant eux aussi représentés au conseil d'administration.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Angels et Sergent, est ainsi libellé :
« Dans l'avant-dernier alinéa de cet article, remplacer les mots : "un représentant des riverains et un représentant des associations de protection de l'environnement" par les mots : "trois représentants d'associations de riverains choisis parmi les membres de la commission consultative de l'environnement de chaque aéroport,". »
La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Cet amendement de précision vise à garantir, dans un souci de transparence, la représentativité des riverains appelés à être consultés.
Il permet en même temps de couper court à l'idée selon laquelle des personnes pourraient être désignées de manière arbitraire par le président du conseil régional, quel qu'il soit. Il vaut mieux que soient désignés des gens qui exercent déjà des responsabilités et qui sont connus pour leur activité.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Cet amendement a laissé la commission perplexe, et elle souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement avant de se prononcer. J'attire tout de même l'attention de M. Angels sur le fait que, tel qu'il est libellé, son amendement paraît exclure les associations de protection de l'environnement en tant que telles. Or je ne pense pas que tel soit son objectif.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. J'indique tout de suite que, sur cet amendement, le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat. Il paraît en effet opportun de limiter le nombre des représentants des riverains dans la mesure où l'effectif du conseil d'administration de l'établissement public n'est pas connu à l'avance.
Cela étant, il serait souhaitable que l'amendement vise également les associations de protection de l'environnement, car la loi qui définit la composition des commissions consultatives distingue associations de riverains et associations de protection de l'environnement.
Je me permets donc de suggérer à M. Angels de rectifier son amendement de telle manière que le membre de phrase proposé soit le suivant : « trois représentants d'associations de riverains ou de protection de l'environnement choisis parmi les membres de la commission consultative de l'environnement de chaque aéroport ». Cela permettrait de lever la difficulté que j'ai évoquée et qu'avait également signalée le rapporteur.
M. le président. Monsieur Angels, acceptez-vous de rectifier l'amendement comme l'a proposé M. le secrétaire d'Etat ?
M. Bernard Angels. Oui, monsieur le président.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 11 rectifié, présenté par MM. Angels et Sergent, et ainsi libellé :
« Dans l'avant-dernier alinéa de cet article, remplacer les mots : "un représentant des riverains et un représentant des associations de protection de l'environnement" par les mots : "trois représentants d'associations de riverains ou de protection de l'environnement choisis parmi les membres de la commission consultative de l'environnement de chaque aéroport,". »
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11 rectifié.
(L'amendement est adopté à l'unanimité.)
M. le président. L'amendement n° 21, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après l'avant-dernier alinéa de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :
« Le représentant de l'Etat dans la région ou son représentant assiste au conseil d'administration de la communauté aéroportuaire avec voix consultative. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Cet amendement vise à préciser les conditions de représentation de l'Etat au sein du conseil d'administration de l'établissement public concerné. En effet, il nous paraît important que le préfet de région puisse assister aux réunions, car il est impliqué dans tous les dossiers concernant l'environnement. Il le sera encore davantage avec la réorganisation des services de l'Etat en région.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je ne peux penser que du bien de cet amendement, monsieur le président, puisqu'il reprend, l'une des dispositions que j'avais envisagées dans le rapport que j'avais présenté à M. le Premier ministre !
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, pour explication de vote.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Se pose en fait ici toute la question du statut des futures communautés aéroportuaires. En effet, la création administrative d'une nouvelle catégorie d'établissements publics est suivie de la prise d'un décret énonçant les principes généraux qui devront être observés dans les statuts des futurs établissements public. Ce décret définit en quelque sorte un statut type.
L'amendement n° 2 vise, en l'occurrence, les modalités de représentation de l'Etat dans les communautés aéroportuaires. Mais d'autres questions devront être réglées, monsieur le secrétaire d'Etat : est-ce que, par exemple, il y aura un agent comptable - vraisemblablement, la réponse est oui - un représentant du ministre des finances - nous souhaitons que la réponse soit non -, et aussi quel sera le statut des différents personnels de l'établissement public.
Ces réponses, parmi d'autres, devront donc être apportées dans le futur décret portant statut type des communautés aéroportuaires.
En fait, monsieur le secrétaire d'Etat, je veux vous inciter, à travers les exemples que je viens de citer, à veiller à ce que ce statut type ne soit pas trop centralisateur ni trop paralysant, de manière à garantir aux futures communauté aéroportuaires une certaine souplesse d'action.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 21.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Les ressources de la communauté aéroportuaire sont :
- le produit des sanctions administratives prononcées par l'autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires à la suite de manquements constatés sur l'aérodrome concerné ;
- les contributions volontaires des entreprises bénéficiant de l'activité aéroportuaire ;
- les contributions volontaires des gestionnaires d'aéroport ;
- les contributions des collectivités territoriales ou de leurs groupements, notamment par l'intermédiaire des fonds départementaux de péréquation de la taxe professionnelle ou, s'agissant des aéroports parisiens, dans le cadre du fonds de compensation des nuisances aéroportuaires relatif à l'aéroport concerné ;
- le cas échéant, les ressources affectées par les lois de finances.
La communauté aéroportuaire arrête les programmes d'aide financière prévus à l'article L. 571-14 du code de l'environnement aux riverains de l'aérodrome concerné.
M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 13, présenté par MM. Angels et Sergent, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit cet article :
« Il est institué un fonds d'investissement et de services de la communauté aéroportuaire (FISCA), géré par le conseil d'aministration de la communauté aéroportuaire.
« Ce fonds sert à financer des projets entrant dans les domaines d'action de la communauté aéroportuaire tels que définis à l'article 7.
« Il sert également à financer des études destinées à améliorer la connaissance de la situation environnementale et socio-économique autour de l'aéroport, des interventions limitées en montant et en durée sur des déficits d'exploitation, ainsi que des dépenses de communication. »
L'amendement n° 6, présenté par MM. Lachenaud et Le Grand, est ainsi libellé :
« Remplacer le cinquième alinéa de cet article par deux alinéas ainsi rédigés :
« - les contributions volontaires des collectivités territoriales ou de leurs groupements ;
« - les attributions et les contributions versées au titre du Fonds de compensation des nuisances aéroportuaires des communes riveraines de l'aéroport concerné, dans les conditions fixées par l'article 1648 AC du code général des impôts. »
L'amendement n° 7, présenté par MM. Lachenaud et Le Grand, est ainsi libellé :
« Compléter le dernier alinéa de cet article par les mots : ", après avoir recueilli l'avis de la commission instituée pour l'aérodrome concerné, conformément à l'article L. 571-16 du code de l'environnement." »
La parole est à M. Bernard Angels, pour présenter l'amendement n° 13.
M. Bernard Angels. Je souhaite simplement revenir à la rédaction initialement proposée par M. Le Grand pour l'article 5, qui nous paraissait tout à fait satisfaisante. Je suis évidemment surpris que, en tant que rapporteur, il ne l'ait pas retenue et qu'il en propose une autre.
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud pour présenter les amendements n°s 6 et 7.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Cher Bernard Angels, je ne vais pas prendre le même chemin que vous.
Pour avoir été à l'origine de la création du fonds de compensation des nuisances aéroportuaires, je peux dire que c'est en toute conscience que le choix a été fait en 1999, de ne pas instituer un nouvel établissement public, eu égard à la différence de nature juridique entre un fonds et un établissement public.
Le fonds, aujourd'hui, a montré ses limites. Il n'y pas assez de structures institutionnelles, il n'y pas assez de pouvoirs organisés, et il y a un problème de décision en ce qui concerne les modes d'intervention financière.
Par ailleurs - et c'est un aspect positif de votre amendement, mon cher collègue -, vous réintroduisez la notion d'investissement dans les actions de la communauté aéroportuaire. C'est un point fondamental. Mais, comme le reste de l'article 5 a levé toutes les ambiguïtés à cet égard, nous sommes d'ores et déjà rassurés.
Un des affadissements du dispositif de 1999 tient au fait qu'on a évoqué la « compensation des nuisances ». Or nous estimons que des nuisances ne peuvent pas être véritablement compensées.
Ce qui existe, c'est un dispositif d'investissement permettant de rendre les retombées économiques plus équitables et d'accélérer les procédures d'insonorisation. Une erreur grave du mécanisme de 1999 était justement d'avoir mis l'accent sur des subventions de fonctionnement banalisées aux communes. Cela avait été fait sous l'influence d'un certain nombre de responsables politiques du secteur de l'aéroport de Roissy-Charles-de-Gaulle.
Nous pensons qu'il est plus clair, du point de vue de la décision politique, que le budget même de la communauté aéroportuaire distingue les actions de fonctionnement, notamment en matière de transports ou d'information, et les actions d'investissement, dans le domaine économique, des transports ou de la formation professionnelle.
C'est pourquoi nous souhaitons la suppression de la notion de fonds et le rétablissement, dans toute sa pureté et sa force, de la notion de budget d'établissement public.
S'agissant de l'amendement n° 6, j'indique qu'il émane de M. le rapporteur.
Avec cet amendement, nous avons voulu prévoir une alimentation automatique en ressources, car dans un budget, il est toujours facile d'envisager les dépenses, mais il importe de prévoir aussi les recettes. Or, à la lecture de la première rédaction de ce texte, nous avons été quelque peu attristés de constater que seules des cotisations volontaires avaient été prévues. Quand on fait appel aux cotisations volontaires, on risque de ne rien retrouver !
Cet amendement prévoit donc non seulement des contributions volontaires des collectivités locales, mais il effectue aussi le transfert du fonds de compensation des nuisances aéroportuaires. L'article 5 constituera donc à lui seul un tout dans le cadre de la gestion budgétaire de la communauté aéroportuaire.
L'amendement n° 7 se justifie par son texte même.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission est défavorable à l'amendement n° 13. Je faisais allusion ce matin à la schizophrénie qui nous habite parfois. C'est mon cas en ce moment, puisque j'ai proposé dans un rapport la création d'un fonds, que je supprime maintenant. Mais rassurez-vous, je vais très bien ! (Sourires.) M. Lachenaud a été un avocat brillant de la cause.
En outre, je ferai observer que la loi organique relative aux lois de finances d'août 2001 a parfaitement éclairé le système. Une loi de finances est nécessaire pour créer un fonds. Compte tenu de cette difficulté, puisqu'on peut considérer que cela en est une, j'approuve totalement les propos tenus par M. Lachenaud.
Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 13 et un avis favorable sur l'amendement n° 6, d'autant plus que je l'ai cosigné, ainsi que sur l'amendement n° 7.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement partage l'avis de M. le rapporteur sur la nouvelle rédaction de l'article 5 résultant des travaux de la commission. Il est donc défavorable à l'amendement n° 13 et, pour les raisons qui ont été très bien exprimées par M. Lachenaud et par M. le rapporteur, il est favorable aux amendements n°s 6 et 7.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 5, modifié.
(L'article 5 est adopté.)
Article additionnel après l'article 5
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. Lachenaud et Le Grand, est ainsi libellé :
« Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :
« I. - A compter de la création de la communauté aéroportuaire de Paris - Charles-de-Gaulle, le premier alinéa du III de l'article 1648 AC du code général des impôts est ainsi rédigé :
« III. - Les ressources du Fonds de compensation des nuisances aéroportuaires des communes riveraines de l'aéroport de Paris - Charles-de-Gaulle sont attribuées aux communes ou groupements de communes membres de la communauté aéroportuaire de l'aéroport de Paris - Charles-de-Gaulle, créée en application de la loi n° du portant création des communautés aéroportuaires. »
« II. - A compter de la création de la communauté aéroportuaire de Paris-Orly, le deuxième alinéa du III de l'article 1648 AC du code général des impôts est ainsi rédigé :
« Les ressources du Fonds de compensation des nuisances aéroportuaires des communes riveraines de l'aéroport de Paris-Orly sont attribuées aux communes ou groupements de communes membres de la communauté aéroportuaire de l'aéroport de Paris-Orly, créée en application de la loi n° du portant création des communautés aéroportuaires. »
« III. - Le IV de l'article 1648 AC du code général des impôts est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Toutefois, lorsqu'une communauté aéroportuaire a été créée, le conseil d'administration de la communauté aéroportuaire fixe par délibération les critères de répartition du fonds de compensation des nuisances aéroportuaires. Les ressources de ce fonds sont réparties chaque année entre les communes ou groupements de communes éligibles, par arrêté du président de la communauté aéroportuaire, après avis du conseil d'administration. »
La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. La procédure de la discussion parlementaire nous conduit à prévoir un article additionnel qui est la conséquence logique de la mise en place des communautés aéroportuaires assurant la responsabilité de la gestion du fonds de compensation des nuisances aéroportuaires.
Tel est l'objet de l'amendement n° 8 rectifié, et c'est la raison pour laquelle il comporte deux paragraphes, l'un concernant Roissy, l'autre, Orly.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Avis favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement émet également un avis favorable sur cet amendement, qui donne de la liberté aux communautés aéroportuaires pour disposer des ressources du fonds et les répartir. Cette disposition correspond, monsieur Lachenaud, monsieur le rapporteur, à la volonté de décentralisation du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans la proposition de loi, après l'article 5.
Les projets éligibles au financement de la part de la communauté aéroportuaire sont présentés par les collectivités locales, les riverains, les entreprises bénéficiaires de l'activité aéroportuaire ou l'Etat, dans l'un ou plusieurs des domaines d'action suivants :
- l'environnement ;
- l'urbanisme ;
- les transports ;
- l'emploi ;
- l'information.
Le financement des projets concerne principalement l'investissement et, accessoirement, la prise en charge de subventions d'exploitation de service ou d'études qui s'avéreraient nécessaires.
M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 14, présenté par MM. Angels et Sergent, est ainsi libellé :
« Remplacer les six premiers alinéas de cet article par trois alinéas ainsi rédigés :
« Dans le cas des aéroports parisiens, le fonds de compensation des nuisances aéroportuaires relatif à l'aéroport concerné aurait deux destinations :
« 1. une compensation versée aux communes incluses dans le plan de gêne sonore en vigueur ;
« 2. une contribution aux projets éligibles financés par le Fonds d'investissement et de services de la communauté aéroportuaire (FISCA) et prévus à l'article 7. »
L'amendement n° 4, présenté par M. Lachenaud, est ainsi libellé :
« Après les mots : "sont présentés par", rédiger comme suit la fin du premier alinéa de cet article : "les différentes catégories de maîtres d'ouvrage se proposant de les mettre en oeuvre dans l'un ou plusieurs des domaines d'action suivant". »
La parole est à M. Bernard Angels, pour présenter l'amendement n° 14.
M. Bernard Angels. Par cet amendement les aides financées par la communauté aéroportuaire bénéficient directement aux communes incluses dans le plan de gêne sonore en vigueur. Cette disposition ayant fait ses preuves depuis cinq ans, il faut à tout prix la maintenir.
Ces fonds ne doivent pas être utilisés pour d'autres missions que celle-ci.
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud, pour présenter l'amendement n° 4.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Cet amendement n'a pas de portée sur les ressources, mais sur les actions des communautés aéroportuaires.
Nous ne pensons pas qu'un établissement public puisse travailler efficacement à partir d'une proposition de simple opportunité formulée au cours d'une réunion par le représentant de telle ou telle association ou collectivité, qui déclarerait avoir des idées géniales sur ce qu'il faudrait faire en matière de transports, de développement urbain ou économique.
Pour notre part, nous croyons à la responsabilité, à la maîtrise d'ouvrage. Tous les projets qui seront financés par les communautés aéroportuaires envisageront des opérations complexes, qui auront nécessité des études souvent longues. Ils devront être portés par une volonté, une continuité et une force institutionnelle.
Ils exigeront aussi des financements multiples. En effet, personne n'est favorable aux cofinancements, mais, en réalité, seuls les projets cofinancés peuvent aboutir.
Mon expérience de la vie locale me conduit à dire que les projets doivent être présentés par les différentes catégories de maîtres d'ouvrage, aussi bien privés que publics.
Pour citer un exemple précis, en matière de formation professionnelle, la chambre de commerce ou la chambre des métiers fait une proposition qui est d'abord examinée par la communauté aéroportuaire, avant d'être financée.
C'est afin de rendre la communauté aéroportuaire plus opérationnelle et plus efficace que je propose cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 14, il a déjà été prévu qu'il s'agissait des aéroports bénéficiant d'un plan de gêne sonore. En outre, j'indique que le fonds d'investissement et de services de la communauté aéroportuaire a été éliminé. Par conséquent, l'amendement n° 14 n'a plus d'objet.
Sur l'amendement n° 4, la commission émet un avis favorable.
M. le président. Monsieur Angels, l'amendement n° 14 est-il maintenu ?
M. Bernard Angels. Non, monsieur le président, je le retire.
M. le président. L'amendement n° 14 est retiré.
Quel est l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 4 ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 15, présenté par MM. Angels et Sergent, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le dernier alinéa de cet article :
« Le financement des projets soumis concerne principalement l'investissement et, accessoirement, la prise en charge des subventions d'exploitation de service ou de déficit d'opérations d'aménagement. »
La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Il s'agit d'un amendement de précision, qui nous permet de débattre de cette question. Il vise à autoriser ponctuellement des opérations d'aménagement à caractère limité qui seraient jugées essentielles à l'équilibre des communes concernées.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable.
En effet, si l'on acceptait de s'engager aussi loin que ce qui est proposé, l'ensemble des ressources affectées à la communauté aéroportuaire risquerait de combler un déficit, alors que l'objectif recherché est d'avoir un levier positif pour essayer de développer l'ensemble des actions menées selon les cinq grandes directions qui ont été présentées lors de la discussion générale.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. L'idée que sous-tend cet amendement est intéressante, mais les arguments que M. le rapporteur a parfaitement défendus sont convaincants.
Donc, pour les mêmes raisons, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 15.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.
(L'article 6 est adopté.)
L'intervention financière de la communauté aéroportuaire sur un projet s'inscrit dans le cadre d'un contrat de développement durable signé avec le maître d'ouvrage et, le cas échéant, les autres contributeurs. - (Adopté.)
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils. J'ai développé tout à l'heure les raisons pour lesquelles nous avons déposé une motion tendant au renvoi de ce texte.
J'ajoute que les communautés aéroportuaires auront un financement très aléatoire, puisqu'il sera constitué d'une part importante d'apports volontaires de partenaires qui auront voix au chapitre dans la même proportion que les collectivités territoriales, alors qu'il nous a été dit qu'elles devaient avoir un poids prépondérant dans les décisions. Il y a donc une différence entre le discours et la réalité du texte.
La part la plus sûre du financement est prévue par les textes pour réduire les nuisances aériennes.
A la suite des interventions et des modifications qui ont été apportées par voie d'amendements, il semble que les financements qui seront mis à la disposition des communautés aéroportuaires iront au-delà du financement des projets de réduction des nuisances. Cela accroît mes inquiétudes sur les moyens qui resteront pour répondre véritablement aux besoins. Je rappelle que l'ACNUSA les avait estimés à 1,1 milliard d'euros.
Pour toutes ces raisons, nous confirmons notre souhait de renvoyer cette proposition de loi à la commission des affaires économiques et, par conséquent, nous ne participerons pas au vote de ce texte.
M. le président. La parole est à M. Bernard Angels.
M. Bernard Angels. Je serai bref, mon ami Michel Sergent étant largement intervenu tout à l'heure sur ce texte.
Il est bien dommage que nous n'ayons pas pu mener une réflexion approfondie en commission sur ce projet, même si nous avons essayé de le faire en séance publique, car je suis persuadé que le travail réalisé par Jean-François Le Grand aurait pu nous conduire à de plus grandes convergences. Le sujet méritait mieux.
Quelques améliorations ont été apportées à ce texte, mais le compte n'y est pas. En particulier, et je partage l'idée que vient d'exprimer ma collègue, il ressort de ce débat que, malheureusement, le fonds que l'on voulait mettre en place ne sera pas à la hauteur des espérances des riverains.
Pour ces raisons, le groupe socialiste s'abstiendra.
M. le président. La parole est à M. Jean-Philippe Lachenaud.
M. Jean-Philippe Lachenaud. Je veux tout d'abord rendre hommage à la qualité du dialogue qui s'est engagé entre notre assemblée et vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, et qui a permis d'améliorer le texte et de le faire aboutir.
Je remercie également le rapporteur de cette proposition de loi. Elle constitue un élément important pour tous, riverains et acteurs, qui souhaitent que les conditions d'un développement durable des aéroports de France soient établies.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je ne peux pas conclure sans vous dire que, pour nous, ce texte représente l'un des volets d'un plan d'ensemble. Nous fondons en effet beaucoup d'espoirs sur la communication qui sera prochainement présentée en Conseil des ministres et qui devrait tracer les perspectives d'un développement en réseau des aéroports situés à quelque 100 ou 200 kilomètres de Paris.
Nous comptons aussi sur la réduction des nuisances sonores, notamment à court terme et à moyen terme, en particulier des vols de nuit.
Constatant que le dialogue a été bien engagé, c'est dans cet esprit et avec cet espoir que nous voterons ce texte.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je souhaite, d'abord, réparer une omission. J'ai eu l'occasion, ce matin, de saluer toutes celles et ceux qui ont travaillé à mes côtés, tant à la confection du rapport, qu'à la rédaction de la proposition de loi. J'ai omis, monsieur le secrétaire d'Etat, de saluer la disponibilité de vos collaborateurs et l'excellence de leurs réflexions qui ont permis d'améliorer le texte.
Je veux aussi dire que, contrairement aux apparences et aux différences qui se sont fait jour, je vois, personnellement, une forme de consensus tout à fait intéressante.
Je remercie M. Lachenaud d'avoir souligné que ce texte constitue une avancée. Nous avons attendu, tergiversé, réfléchi et, aujourd'hui, nous commençons à aboutir. Le texte sera à coup sûr perfectible. Le fonctionnement des communautés aéroportuaires devra, au fur et à mesure du temps, être amélioré.
Je remercie les groupes de la majorité sénatoriale d'avoir soutenu la proposition de loi que j'ai eu l'honneur de défendre devant le Sénat.
Je souhaite dire à M. Angels que je considère son abstention comme un élément positif, une incitation à mieux faire. Il reste encore sans doute des points à affiner mais c'est en marchant que l'on démontre le mouvement !
Quant à Mme Beaufils et à ses collègues du groupe CRC, je souligne à leur intention qu'il n'y a pas d'écart entre les discours et la réalité du texte qui va être voté. Il reviendra à l'Etat d'assumer ses devoirs régaliens, aux autorités compétentes de remplir leurs fonctions et aux élus de prendre toutes leurs responsabilités. En effet, il ne faut pas avoir peur d'aller au devant de nos responsabilités ; nous avons été élus pour cela. Loin de moi l'idée de dire que c'est la peur qui vous a amenés à cette position. Nous ne devons pas être en retrait d'un texte qui est attendu par nos concitoyens.
En conclusion, je vous remercie les uns et les autres de l'attitude que vous avez eue à l'égard d'un texte que j'ai eu beaucoup de plaisir à rédiger.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je remercie toutes celles et tous ceux qui ont travaillé sur ce texte, ainsi que vous tous, mesdames, messieurs les sénateurs, de la qualité du travail accompli.
Beaucoup dépendra, une fois que ce texte aura été adopté définitivement, de la manière dont les élus, sur le terrain, donneront vie à ces communautés aéroportuaires. J'espère qu'ils le feront avec la même sagesse que celle qui s'est exprimée. Si l'on s'aperçoit à l'avenir qu'il faut améliorer ce texte, nous avons d'ores et déjà ouvert toutes les portes. Ce texte est un début et l'on pourra l'enrichir au fil des années au vu de l'expérience.
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?
Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques et du Plan sur la proposition de loi n° 83.
M. Michel Sergent. Le groupe socialiste s'abstient.
Mme Odette Terrade. Le groupe CRC également.
(La proposition de loi est adoptée.)
CRÉATION DU REGISTRE
INTERNATIONAL FRANÇAIS
Adoption des conclusions modifiées
du rapport d'une commission
(ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 92, 2003-2004) de M. Henri de Richemont, fait au nom de la commission des affaires économiques et du Plan, sur la proposition de loi (n° 47, 2003-2004) de MM. Henri de Richemont, Josselin de Rohan, Jacques Oudin, Patrice Gélard, Lucien Lanier et Yannick Texier, relative à la création du registre international français.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il me revient l'honneur de vous présenter la proposition de loi que j'ai déposée avec d'autres collègues de cette assemblée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à la fin de l'année dernière, le Premier ministre m'a confié une mission qui m'a permis d'examiner deux sujets : la réforme du pavillon français, et la manière de rendre crédible le cabotage.
Pendant six mois, après avoir beaucoup écouté et beaucoup voyagé, j'ai pu faire un certain nombre de constats. En 1962, la France possédait 762 navires marchands. Aujourd'hui, nous n'en possédons plus que 200 environ. La France représente 0,5 % du tonnage mondial. Nous sommes au vingt-neuvième rang des puissances maritimes, alors que nous représentons la cinquième puissance économique.
Parallèlement à cela, les pavillons de libre immatriculation, ou pavillons de complaisance, se sont développés. J'ai constaté également que nous n'étions pas les seuls à avoir subi ce dépavillonnement. Ce problème a été commun à tous les autres Etats européens.
Ceux-ci, mes chers collègues, ont réagi rapidement puisque, dès 1987, la Norvège, le Danemark et d'autres pays de tradition maritime ont créé un second registre, dit registre international ou registre bis. Ils ont été suivis par d'autres pays comme l'Italie, l'Allemagne et, l'an dernier, la Belgique.
Les mesures prises dans le cadre de ce second registre étaient relativement classiques. Il s'agissait de mettre en oeuvre les mesures préconisées par Bruxelles afin de soutenir la flotte de commerce, c'est-à-dire la défiscalisation du salaire des marins.
En effet, comme l'a dit le président de Maersk, on ne peut rien comprendre au transport maritime si l'on ne saisit pas que, pour lutter contre les pavillons de complaisance, il faut que cela soit tax free.
Une autre disposition de ce second registre prévoyait que seul le commandant devait être de la nationalité du pavillon, et elle permettait le recours à des entreprises de travail maritime qui recrutaient des marins étrangers pour les mettre à la disposition des armateurs nationaux.
Grâce à ces mesures, le Danemark a rapatrié 62 % des navires qui avaient quitté le pavillon et le nombre de leurs navigants a augmenté de 35 %.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Ce n'est pas rien !
M. Henri de Richemont, rapporteur. J'attire votre attention sur le fait que, même si le second registre danois prévoit que seul le commandant doit être danois, 70 % des marins à bord des navires danois ont cette nationalité.
Les Pays-Bas ont vu leur flotte augmenter de 37 %. Le cas de la Belgique est intéressant. En effet, ce pays avait un registre très rigide qui avait entraîné la fuite de la totalité de la flotte belge vers le Luxembourg qui avait créé un registre luxembourgeois.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Grande puissance maritime !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Le Luxembourg - grande puissance maritime ! - a finalement réussi à regrouper sous son registre plus de navires que la France sous le sien. La Belgique a réagi l'année dernière en créant un deuxième registre et a réussi à récupérer cinquante navires en un an.
La question est fondamentale. En effet, il n'est pas possible de se déclarer contre les navires poubelles et contre les pavillons de complaisance si l'on ne fait rien pour attirer vers un pavillon national européen les navires qui sont allés ailleurs.
M. Dominique Braye. Absolument !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Nous avons eu conscience du problème, et c'est la raison pour laquelle, au moment même où nos partenaires européens et la Norvège créaient un second registre, nous avons créé le régime des terres australes et antarctiques françaises, le TAAF, ou « registre Kerguelen », en 1987. Ce registre a été annulé par un décret en Conseil d'Etat, et c'est l'article 26 de la loi du 26 janvier 1996 relative aux transports qui lui a finalement donné une base légale. Cet article dispose simplement que le commandant et son substitué à bord des navires immatriculés aux Kerguelen doivent être français, et il renvoie à un décret d'application en ce qui concerne un quorum supplémentaire. Le décret n'a jamais été pris.
Malgré cela, les armateurs ont, dans l'ensemble, continué à respecter le quota de 35 % de marins français figurant dans le décret de 1987.
De plus, le registre Kerguelen renvoyait, pour le droit social applicable, au code du travail d'outre-mer, code qui n'existe pas.
En conséquence, les marins français qui travaillaient à bord de ces navires immatriculés aux Kerguelen bénéficiaient de la protection du code du travail français tandis que les marins étrangers employés à bord de ces mêmes navires ne bénéficiaient d'aucune protection juridique. Nous nous trouvons face à un vide juridique total depuis 1996 qu'aucun parlement n'a, à ce jour, essayé de corriger, laissant les marins étrangers à bord de navires battant pavillon français sans aucune protection juridique de quelque nature que ce soit.
L'autre problème du registre Kerguelen, c'est qu'il ne s'agit pas d'un pavillon communautaire, et c'est pourquoi certains Etats de l'Union européenne ont refusé aux navires battant pavillon français, mais immatriculés aux Kerguelen, l'accès aux eaux communautaires.
Enfin, ce registre Kerguelen, qui comprend 94 navires, représentant 90 % du tonnage de la flotte de commerce française, repose sur deux artifices : le système du GIE fiscal, et l'obligation que la loi du 31 décembre 1992 fait peser sur les sociétés pétrolières d'avoir 5,5 % de leur capacité de transport maritime sous pavillon français.
Pour contourner cette loi, les compagnies pétrolières ont affrété des supertankers de 300 000 tonnes « VLCC » qui leur permettent, en un seul voyage, de remplir leur obligation légale. Certains de ces navires qui battent pavillon français ne mettent jamais les pieds (sourires) dans les eaux françaises, puisqu'ils naviguent essentiellement entre le golfe persique et l'Asie.
En revanche, les navires qui approvisionnent nos raffineries et qui viennent d'Europe du Nord ou de la côte ouest de l'Afrique battent tous pavillon de complaisance, parce que les sociétés pétrolières, avec un seul navire, ont rempli leur obligation légale. Si, demain, on supprime le GIE fiscal ou la loi de 1992, il n'y aura plus un seul navire pétrolier sous pavillon français.
Si le registre Kerguelen a échoué, c'est parce qu'il est 35 % plus cher que les autres registres européens. La Commission européenne a récemment indiqué que le pavillon français était le plus cher d'Europe, le plus rigide, donc le moins attractif, ce qui explique qu'en ce domaine nous soyons les derniers de la classe européenne, mes chers collègues.
Dans le rapport que j'ai remis à M. le Premier ministre, j'ai écrit, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il était fondamental, pour que la France redevienne une grande puissance maritime, qu'elle fasse aussi bien, sinon mieux, que ses partenaires et qu'elle puisse créer un second registre français.
A un moment, j'ai pensé qu'il était préférable de n'avoir qu'un seul registre à partir duquel il y aurait plusieurs déclinaisons selon les activités des navires. J'ai finalement proposé que soit conservé le registre métropolitain pour tous les ferries, les remorqueurs et navires de service portuaire et que soit créé un second registre pour les navires de commerce au long cours, les navires de croisière et les yatchs de grande plaisance de plus de vingt-quatre mètres. Ce régime spécifique m'est apparu compétitif et attractif.
Je vous remercie, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir accepté les propositions figurant dans mon rapport et de vous être engagé à ce qu'elles prennent force de loi.
C'est compte tenu de votre engagement qu'avec certains de mes collègues j'ai déposé cette proposition de loi.
Elle a pour objet de permettre de rapatrier des navires sous pavillon français et, donc, de renforcer la sécurité : en effet, plus de navires sous registre national européen, cela signifie moins de navires sous pavillon de complaisance. Surtout, cela permettra à la France de redevenir une puissance maritime internationale crédible qui pourra faire entendre sa voix au sein de l'OMI, l'Organisation maritime internationale, notamment, et de l'Union européenne, car, dans ces instances internationales, le poids d'un pays tient non pas à la longueur de ses côtes mais à l'importance de sa flotte. Sur toutes les questions relevant de la lutte contre la pollution, de la protection de l'environnement et de la sécurité, à propos desquelles la France doit être écoutée, nous ne pourrons peser que si nous avons une flotte importante.
J'ai donc proposé un registre qui soit garant de la sécurité. Il est précisé, dans le texte soumis à votre appréciation, que les règles de sécurité et de formation seront les règles françaises et internationales appliquées par l'administration française. Il n'y a qu'un seul pavillon et deux registres ; c'est l'administration française qui appliquera et fera respecter les normes nationales et internationales.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Monsieur le secrétaire d'Etat, à ce sujet, je me permets d'attirer votre attention sur le fait que, si les normes de l'OMI sont applicables par tout le monde, elles ne sont en revanche malheureusement pas appliquées de la même façon par tous les Etats européens ! Certains, dont nous sommes, les appliquent de manière contraignante et rigoureuse, d'autres de façon plus laxiste. C'est la raison pour laquelle je souhaite particulièrement que, demain, l'Agence de sécurité européenne rende possible une application uniforme des normes de sécurité. Dans le cas contraire, il y aurait, là encore, une concurrence déloyale que nous ne pouvons pas accepter !
Il faut donc un registre pour la sécurité, mais qui soit conforme au droit européen.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, dans le texte qui vous est soumis, je propose qu'à bord des navires immatriculés au registe international français, le RIF, seuls le commandant et son substitué soient français. Je vous rappelle que cette mesure figurait déjà dans la loi de janvier 1996, qui est donc déjà la loi actuelle, compte tenu du fait qu'il n'y a jamais eu de décret d'application.
J'attire votre attention sur le fait que seule cette mesure peut être conforme au droit européen. La Cour de justice de Luxembourg, dans un arrêt du 30 septembre 2003, a indiqué qu'un pays peut exiger que le commandant et son substitué soient français à partir du moment où ceux-ci exercent d'une manière permanente une prérogative de puissance publique. On peut regretter que la Cour de justice n'ait pas fait la différence entre les actions ponctuelles et une prérogative de puissance publique qui s'exerce d'une manière permanente. C'est la raison pour laquelle j'ai précisé dans la présente proposition de loi que le commandant et son substitué sont garants de la sécurité du navire, de son équipage et de la protection de l'environnement ainsi que de la sûreté.
Demain, l'OMI sera saisie, à la demande des Etats-Unis d'Amérique, d'une proposition imposant la présence, à bord de chaque navire, d'un officier de sécurité, qui ne pourra être que le commandant, ce dernier ayant donc, à titre permanent, une délégation de puissance publique.
Par conséquent, l'exigence de nationalité française pour le commandant et son substitué, qui est prévue dans ma proposition de loi, est conforme au droit européen. Aller au-delà serait non seulement contraire au droit européen mais également inutile. Nous sommes en effet l'un des seuls pays en Europe à demander la nationalité française pour le commandant et son substitué, certains ne l'exigeant que pour le commandant. A l'évidence, si nous renforçons encore les contraintes, nous irons à l'encontre du but visé. Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la contrainte tue, la souplesse et la confiance attirent.
Par ailleurs, le registre est conforme non seulement au droit européen mais également aux normes de l'OIT, l'Organisation internationale du travail. Monsieur le secrétaire d'Etat, je remercie le Gouvernement d'avoir déposé devant l'Assemblée nationale une proposition de ratification de la convention de l'OIT de 1996, qui organise et encadre l'activité des entreprises de travail maritime.
C'est la raison pour laquelle, dans la présente proposition de loi, je propose que l'on se réfère totalement à la convention de l'OIT de 1996, qui encadre les entreprises de travail maritime, en leur permettant de recruter des navigants étrangers pour les mettre à la disposition des armateurs français.
C'est la raison pour laquelle je propose deux règles : d'une part, ces entreprises devront avoir reçu l'agrément du pays dans lequel elles résident ; d'autre part, un contrat écrit de mise à disposition entre l'armateur et l'entreprise, et un contrat d'engagement entre l'entreprise et le marin français devront être établis.
Aujourd'hui, même si des armateurs utilisent des entreprises de travail maritime, lorsqu'ils sont inscrits au registre TAAF, il n'y a aucun encadrement, aucune réglementation. Ce texte vise donc à encadrer et à réglementer, afin d'assurer une meilleure protection des personnels employés sur ces navires.
C'est un registre pour la sécurité, conforme au droit européen et à l'OIT, mais également, monsieur le secrétaire d'Etat, un registre social. Ayant à coeur le sort des marins étrangers à bord de nos navires, je propose que l'armateur se substitue automatiquement à l'entreprise de travail, en cas de défaillance de cette dernière, pour payer les salaires ou les cotisations sociales.
Bien entendu, il est exclu de modifier la situation actuelle. Les navigants français à bord de ces navires resteront soumis au code du travail français. Les conventions collectives qui sont en vigueur ne peuvent évidemment pas être modifiées par la loi. Mais, conformément à la convention de Rome et à l'instar du registre allemand qui a été entériné par la Cour suprême de Karlsruhe, la loi du contrat s'appliquera aux marins étrangers engagés par des entreprises de travail maritime. Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au vide juridique actuel, je substitue donc un statut et une protection sociale du marin étranger.
S'agissant des autres registres internationaux, les armateurs et les syndicats des pays concernés se rendent tous les ans aux Philippines, en Inde ou en Roumanie pour négocier des conventions tripartites afin de déterminer le salaire et la protection sociale des marins. C'est donc la négociation et le dialogue social qui protègent.
Nous n'avons malheureusement pas une telle tradition. C'est pourquoi, afin d'accorder aux marins étrangers à bord de nos navires la protection dont ils ne bénéficient pas à l'heure actuelle, j'ai voulu que soient déterminées par la loi des normes de salaire et de protection sociale.
Monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les normes de protection sociale qui figurent dans ce texte sont celles de l'ITF, ou International transport workers' federation, syndicat international auquel adhère la CFDT et auquel la CGT a demandé à adhérer. Les syndicats français adhèrent donc à l'ITF qui pose des normes sociales que je me propose de reprendre dans la présente proposition de loi. Cette dernière est donc un texte d'avancée sociale.
M. Gérard Larcher, président de la commission. C'est exact !
M. Henri de Richemont, rapporteur. C'est aussi - je pense l'avoir démontré - un texte attractif qui va nous permettre de « récupérer » des navires, pour une plus grande sécurité.
Ce texte vise ainsi à permettre à la France de redevenir une puissance maritime, d'être davantage entendue, afin d'assurer une meilleure sécurité. En outre, plus de navires sous registre français, ce sont plus de marins français, donc plus d'emploi et, comme notre pavillon est en cause, plus de France ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, lors de l'examen de cette proposition de loi, la commission des affaires économiques a largement approuvé l'initiative de notre collègue Henri de Richemont, expert reconnu du droit maritime dans cette assemblée. J'interviens pour lui renouveler, au nom de la commission, ce soutien dans l'entreprise de redressement du pavillon national qu'il a courageusement - j'y insiste -...
M. Philippe François. Sabre au clair !
M. Gérard Larcher, président de la commission. ... choisi de mener à bon port. Si nous voulons encore avoir une flotte de commerce dans dix ans - nous sommes déjà au trentième rang -, il y a en effet urgence à agir.
Notre flotte de commerce a été jusqu'à récemment, il faut bien le dire, très oubliée par la politique économique en général et par celle des transports en particulier. On n'a sans doute pas assez souligné dans le passé son importance en termes non seulement de retombées pour l'emploi et les services, mais aussi d'influence sur les réglementations des mers et d'impact environnemental. Il est à l'honneur du Premier ministre, M. Jean-Pierre Raffarin, et de vous-même, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir manifesté votre volonté d'inverser la tendance, notamment en confiant dès le mois de septembre 2002 une mission à notre collègue Henri de Richemont, mission qui a conduit logiquement à l'élaboration du texte dont nous discutons aujourd'hui.
Ce texte vise en définitive à satisfaire trois objectifs auxquels la commission des affaires économiques est très attachée : tout d'abord, la protection de l'environnement, qui passe par un renforcement de la sécurité maritime, ensuite, l'amélioration de la protection sociale des marins et, enfin, le développement économique de notre pays.
La protection de l'environnement littoral, nous n'en entendons, hélas ! parler que lorsque surviennent des crises aussi dramatiques que celles de L'Erika ou du Prestige. Or, comme l'a très bien dit Henri de Richemont, si notre pavillon était plus puissant, nous pourrions peser d'un poids diplomatique plus grand, influer davantage sur les règles de sécurité maritime et contrôler plus efficacement les navires.
Les navires inscrits au RIF seront en effet soumis à l'ensemble des règles internationales, communautaires et nationales applicables en matière de sécurité, et dont le respect sera contrôlé par la France. C'est donc un texte de prévention qui vous est soumis.
En matière de protection sociale des marins, cette proposition comble un vide juridique majeur en donnant un statut aux navigants non résidents en France qui n'en disposent pas actuellement lorsqu'ils naviguent sur des navires immatriculés au TAAF.
La commission est particulièrement soucieuse de voir cette situation socialement inacceptable prendre fin. C'est pourquoi elle soutient pleinement le volet qui concerne la protection sociale, le droit du travail et le droit syndical, qui sont désormais clairement reconnus par la loi.
M. Dominique Braye. Il était temps !
M. Gérard Larcher, président de la commission. J'en viens au volet économique, qui constitue notre troisième objectif. Notre pays, le cinquième exportateur du monde, laisse à d'autres le soin de transporter les marchandises qu'il importe et qu'il produit. C'est pourquoi il enregistre un déficit de sa balance des paiements de près de cinq milliards d'euros.
Nous oublions trop souvent en France que le transport par mer est un formidable vecteur de richesses. J'observe d'ailleurs en la matière une analogie entre le transport postal et le transport maritime : nous ne nous attachons pas assez à extraire toute la valeur ajoutée dont ils sont la source, à la différence des pays de tradition commerçante d'Europe du Nord tels que les Pays-Bas, l'Allemagne, le Danemark et la Norvège.
Au total, ce texte m'apparaît, dans sa version révisée, comme un véritable enrichissement de la « plate-forme » de travail que constituait la proposition de loi initiale d'Henri de Richemont et de plusieurs de nos collègues. Il en précise plusieurs dispositions, pour respecter aussi bien les droits des salariés que les aspirations des armateurs qui souhaiteraient naviguer sous le pavillon tricolore.
Je sais que, aujourd'hui, les personnels de la branche du transport maritime manifestent leur opposition à la première version du texte qui a été soumise au Conseil supérieur de la marine marchande au mois de novembre dernier. Je tiens à dire solennellement que la commission a entendu leurs préoccupations : la meilleure preuve en est que le statut des marins français est totalement préservé, de même que la pérennité de la filière est assurée par cette version « révisée » qui est soumise à la discussion du Sénat. La plus grande partie des marins qui ont cru bon de faire grève n'est paradoxalement pas concernée par la proposition de loi.
M. Philippe François. Absolument ! C'est comme pour les cheminots !
M. Dominique Braye. C'est la règle dans notre pays !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Pour ceux qui sont concernés, cette proposition constitue une réelle avancée sociale.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Gérard Larcher, président de la commission. La commission des affaires économiques, dans sa majorité, considère que ce serait faire un mauvais procès à notre rapporteur Henri de Richemont que de souligner les lacunes d'un premier texte qui n'a été déposé qu'à titre de « pierre d'attente » et qui a été largement modifié par ses soins pour aboutir à la version qui vous est soumise aujourd'hui. Comme il l'a expliqué, il n'avait pas d'autre choix que le dépôt en urgence d'un texte d'appel pour obtenir la discussion de la proposition de loi avant la fin de l'année devant la Haute Assemblée.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Très bien !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Que l'on ne voie donc pas ici la volonté d'un examen à la sauvette ou d'une discussion précipitée. Le Gouvernement n'a pas déclaré l'urgence sur ce texte et, naturellement, le Parlement ne le souhaiterait pas. Il peut donc faire l'objet de quatre lectures devant les assemblées parlementaires, ce qui permettra au rapporteur, soutenu en cela par la commission, de s'entretenir avec l'ensemble des partenaires sociaux, s'ils le souhaitent.
A cet égard, M. le rapporteur et moi-même avons toujours affirmé notre disponibilité depuis l'inscription de ce texte à l'ordre du jour.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Vous aurez pu l'observer en lisant le rapport de notre collègue, les partenaires sociaux ont décliné son invitation à le rencontrer afin de manifester leur opposition au texte qu'il avait déposé dans les conditions et pour les motifs que je viens de décrire.
Le temps est maintenant venu du débat, devant le Sénat puis devant l'Assemblée nationale, et, je le souhaite, de la reprise d'un dialogue avec toutes les organisations représentatives concernées.
La proposition de loi qui vous est soumise marque un grand pas en avant dans l'éveil de la conscience des Français à l'importance de l'espace maritime. Les Français doivent apprendre à le considérer comme un espace commercial sur lequel des hommes et des femmes travaillent chaque jour.
A ce propos, permettez-moi d'évoquer mon expérience à l'occasion de la préparation du rapport d'information de la commission des affaires économiques sur les espaces périurbains. J'avais constaté combien le regard porté par les citadins sur l'espace rural était détaché de toute considération économique, alors même que celui-ci constitue un outil de travail, notamment pour les agriculteurs. De même, la mer est l'outil de travail des marins et des navigants et, indirectement, de l'ensemble de ceux qui, à terre, travaillent dans les chantiers navals, les ports et toute la filière maritime.
Toutes choses égales par ailleurs, c'est le même regard, si étranger à la réalité, que portent encore trop souvent la plupart de nos compatriotes sur l'espace maritime.
Or, et notre collègue Henri de Richemont y insiste à raison dans son rapport, la mer et l'océan ne sont pas destinés uniquement aux loisirs, à la navigation de plaisance et aux activités piscicoles ou conchylicoles. Des hommes y vivent et y travaillent, et notre pays, bordé par plusieurs mers, dont l'une des principales artères maritimes du monde, pècherait gravement en méconnaissant cette réalité.
M. Dominique Braye. Très bien !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Il vous faut donc aider les Français à « changer de jumelles » lorsqu'ils considèrent la mer et l'espace maritime. C'est précisément ce que nous suggère Henri de Richemont, y compris au terrien que je suis, dans la proposition de loi dont la commission des affaires économiques vous demande l'adoption.
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, je tiens à vous remercier pour le travail fructueux que vous avez engagé avec notre assemblée. En effet, les amendements du Gouvernement, à l'exception d'un seul, ont été déposés dans des délais qui ont permis à la commission des affaires économiques de les examiner ; c'est suffisamment rare pour que je le souligne. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes.
Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Si vous permettez à un homme sujet au mal de mer de s'exprimer sur un tel sujet, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je tiens tout d'abord à rappeler le contexte particulier dans lequel s'inscrit cette proposition de loi. En effet, une réforme du pavillon français semblait plus que nécessaire, comme en témoignent les chiffres véritablement épouvantables qui viennent d'être rappelés.
Ce que l'on attend de ce nouveau registre peut se résumer en deux points : d'une part, rendre à la France une vraie place sur la scène internationale en tant que nation maritime de poids, en particulier sur le marché européen ; d'autre part, protéger le mieux possible les personnes qui travaillent à bord des bateaux français.
Le texte prend en compte ces deux objectifs, même si l'on peut, ici ou là, émettre quelques interrogations.
Nous ne pouvons en effet que nous satisfaire de la volonté de M. de Richemont de moderniser un pavillon français archaïque et de le rendre plus compétitif, en particulier financièrement. Rappelons aussi que cette réforme a comme objectif de développer la filière de l'emploi maritime française, mais aussi de redresser le déficit de la balance des paiements française au titre des services de transport maritime. Dans cette perspective, il est infiniment souhaitable que la France, à l'instar des autres pays européens - il est grand temps de nous y mettre -, crée un registre international dont l'efficacité a été prouvée avec la pratique, afin de limiter le recours aux pavillons de complaisance pour ses exportations.
Dans ce domaine, les mesures proposées par le registre me semblent convenables : je pense en particulier à l'exonération totale d'impôt sur le revenu pour les personnels navigants, à propos desquels le texte donne une nouvelle définition, ou encore à l'abaissement des coûts d'immatriculation des navires.
En ce qui concerne le second objectif du texte, notons que de nombreux efforts sont faits afin de définir le statut et les garanties permettant de protéger tous les navigants. La proposition de loi prévoit l'application du droit français à tous les navigants résidant en France et le droit de l'Etat de résidence pour les autres. Cependant, elle offre aussi des garanties minimales, en créant et en définissant un statut pour tous les navigants non résidents, quelle que soit leur nationalité, leur garantissant les dispositions internationales en matière de droit du travail et de protection sociale de l'Organisation internationale du travail.
La définition et l'encadrement de l'agrément des entreprises de travail maritime prévus par le texte sont appréciables, tout comme l'est la disposition prévoyant qu'en cas de défaillance des entreprises de travail les armateurs restent responsables financièrement. Au sujet des agréments, je tiens à exprimer mes craintes, connaissant le fonctionnement de certains Etats, que des certifications ne soient données de façon complaisante ou ne soient respectées du fait de la faiblesse du montant des amendes prévues dans de pareils cas. Aurons-nous aussi l'assurance de l'efficacité du contrôle effectué par les services français ?
C'est une question qu'il est permis de se poser.
La valeur de ce texte dépendra évidemment très largement de la qualité de son application et de sa mise en oeuvre, monsieur le secrétaire d'Etat. Il nous faudra en particulier être attentifs à ce que les entreprises de travail maritime, à l'instar des bureaux de contrôle et de certification des navires, ne puissent pas bénéficier d'agréments de complaisance.
Pour conclure, je voudrais simplement revenir sur l'importance du texte, compte tenu de la nécessité d'assurer la sécurité des équipages et des bateaux au regard des dernières catastrophes maritimes et de la quasi-absence de la France sur le marché maritime, ce qui est proprement scandaleux, mes chers collègues, si l'on veut bien se souvenir de notre géographie, de nos côtes - dans trois directions - et de notre tradition, qui remonte à tout le moins à Richelieu.
Tel est l'esprit dans lequel nous apportons notre entier soutien à notre collègue Henri de Richemont, que nous félicitons vivement et amicalement pour cette excellente initiative. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, avec une telle proposition de loi, la France ne se grandit pas sur la scène internationale.
Elle renonce à opter pour une attitude offensive face à la dérive libérale qui tire l'ensemble des conditions de travail et des rémunérations vers le bas. Pire - et les projets du Gouvernement en témoignent -, elle s'engage dans la voie de la régression sociale...
M. Dominique Braye. Il n'a rien à dire !
M. Gérard Le Cam. ... en préférant, elle aussi, entrer dans le jeu égoïste de la déflation compétitive qui consiste pour chaque nation à réduire l'ensemble des coûts de production, au premier rang desquels les salaires. Elle « baisse les bras » en acceptant de considérer que l'emploi, et plus globalement le social, constitue la première variable d'ajustement.
Dans un passé plus récent, la France avait su faire valoir une autre position en défendant des valeurs de progrès social, en soutenant l'idée que le social ne constitue pas une distorsion de concurrence et que le salaire doit être envisagé non pas seulement comme un coût mais aussi comme un débouché propre à créér de la croissance. Cette croissance vous manque cruellement en ces temps de vaches maigres et vous en accentuez encore la fragilité par vos décisions fiscales et budgétaires !
Le précédent gouvernement, considérant à raison que des conditions de travail et de rémunérations dignes constituaient l'un des facteurs essentiels de la sécurité maritime, s'était battu, dans le cadre des paquets Erika 1 et 2, contre la généralisation des pratiques de dumping social à l'échelle européenne en cherchant à promouvoir des valeurs de progrès social et en tirant vers le haut les normes sociales. Les députés européens s'étaient associés à l'initiative européenne des syndicats qui proposaient de traiter du social comme l'une des variables fondamentale de la sécurité maritime.
Cette proposition de loi s'inscrit en porte-à-faux par rapport à toute cette démarche progressiste, puisqu'elle fait régresser la réglementation sociale à bord des navires immatriculés au RIF en l'alignant sur les normes européennes et internationales réputées pour leur insuffisance.
Il s'agit là d'un véritable recul, qui fixe le social au niveau le plus bas en laissant à la négociation collective à bord du navire le soin d'apporter d'éventuelles améliorations.
Dans une certaine mesure, ce texte tend aussi à rendre caduc notre droit du travail, à bafouer l'ensemble des conventions collectives de la branche et, consécutivement, à porter atteinte aux libertés et aux droits syndicaux fondamentaux.
Ainsi, la légalisation du recours aux entreprises de travail maritime, ces véritables « marchands d'hommes », notamment implantés en Inde ou aux Philippines, permet de faire appel à une main-d'oeuvre peu coûteuse et dont le niveau de protection sociale est quasi inexistant. En ce qui concerne les navigants résidant hors de France, les régimes d'emploi et de protection sociale à bord des navires battant pavillon RIF seront donc a minima, alignés sur les conventions internationales de l'OIT et de l'OMI, qui sont largement en deçà de notre propre législation. Il en va de même pour le régime des congés payés et celui de l'organisation du temps de travail, qui sont largement assouplis.
Quant au contrat d'embarquement, la profession estime que la durée maximale que l'on puisse exiger s'établit à six mois, au terme de laquelle tout marin souhaite rentrer chez lui. Dans la pratique, certains navires, comme ceux de la CMA-CGM, semblent la limiter à trois mois.
Or nous observons que vous avez accordé de faibles concessions en ce domaine par rapport à la version initiale de votre texte. Nous craignons, par ailleurs, que les modifications apportées ou, devrait-on dire, concédées n'aient pas de réelle portée.
Car si vous ramenez la durée maximale d'embarquement de neuf mois à six mois, c'est pour immédiatement ajouter - il s'agit de l'article 17 - que cette durée « peut être portée à neuf mois dans le cadre d'un accord collectif et, dans les deux cas, prolongée ou réduite d'un mois au plus pour des motifs liés à l'exploitation du navire ».
Vous fixez ici, dans la loi, de manière précise, ce qui devrait faire l'objet d'une négociation collective. Cela est d'autant plus pernicieux lorsqu'on connaît le rapport de force qui existe à bord de certains navires. Vous n'êtes pas sans savoir, monsieur le sénateur, que les marins philippins recrutés par les sociétés de marchandage sont, dans la plupart des cas, dans une situation de détresse sociale telle qu'ils sont obligés de signer des reconnaissances de dettes équivalant à plusieurs mois de salaires pour pouvoir embarquer.
Dans de telles conditions, les armateurs disposent de véritables moyens de pression et, en l'absence de réels droits syndicaux, quel peut être le contenu d'une telle négociation collective ? La question mérite sans aucun doute d'être posée.
Un marin français me disait qu'il y a quarante ans on embarquait pour neuf mois en disposant, en moyenne, de deux à trois jours de congés par mois. Aujourd'hui, les marins français embarquent pour deux mois en bénéficiant de deux mois de congé. On mesure le parcours à rebours que votre proposition de loi nous propose d'effectuer.
On le mesure d'autant plus que vous restez silencieux sur la nature et la durée globale du contrat de travail. Votre contrat ressemble davantage à un contrat de travail à durée déterminée de neuf à dix mois maximum qui peut être renouvelé, ce qui, par ailleurs, exclut le licenciement et les droits y afférents. Un tel contrat d'embarquement n'assure aucune continuité de la relation de travail et place les marins dans une situation de précarité permanente.
Doit-on encore ajouter que la rupture du contrat d'engagement semble pouvoir être prise par simple décision de l'armateur en cas de débarquement du navigant pour cause de maladie ou de blessure ? Après guérison, y a-t-il rembarquement du marin, ainsi que cela devrait se faire s'il s'agissait, comme dans la plupart des cas relatifs à ce genre de situation, d'une suspension de travail pour cause de maladie ?
Enfin, comment ne pas signaler également que vous fixez la durée des congés payés à trois jours par mois de travail effectif, alors que tout milite en faveur de la prise en compte du travail que l'on peut qualifier d'« embarqué ».
Quant aux rémunérations, le texte précise qu'elles ne pourront être inférieures au salaire minimum de référence, accepté au niveau mondial et fixé par le Bureau international du travail. Aligner ainsi, dans un secteur des transports, les salaires sur des normes internationales qui ne doivent leur existence a priori que parce qu'elles constituent des barrière minimales en dessous desquelles il n'est pas décent de descendre, c'est ouvrir la porte à une spirale de réduction des coûts tout au long de la chaîne de transport. C'est, en même temps, dans une certaine mesure, faire fi des négociations qui ont eu lieu entre partenaires sociaux ou qui pourraient avoir lieu.
On comprend dès lors que, dans un tel contexte, les marins français puissent avoir de réelles craintes sur leur système de retraite, alors qu'ils avaient eu l'assurance qu'il ne serait pas touché par la réforme. L'article 25, qui prévoit pour les navigants extra-communautaires un régime de retraite nettement moins avantageux que celui dont bénéficient actuellement les marins français, suscite leurs craintes.
Faut-il encore rappeler que cette profession est considérée comme une profession à risque et que, pour cette raison, le marin peut toucher, à cinquante-cinq ans, une pension de retraite équivalent à 75 % du salaire forfaitaire ?
Leurs craintes sont d'autant plus justifiées que le nombre de cotisants risque de se réduire et que l'on ne semble pas prêt à mobiliser, dans le contexte actuel de restriction budgétaire, la solidarité nationale au bénéfice des caisses susceptibles de se retrouver en difficulté.
Or comment nier que la réduction du nombre des marins français est la conséquence de l'acceptation d'une concurrence déloyale qui a permis, par exemple, aux compagnies Kerguelen d'embaucher de la main-d'oeuvre extra-communautaire ?
A ce propos, votre proposition de loi, qui prévoit que le capitaine et son suppléant devront être de nationalité française, condamne à terme tous les postes de marins autres que ceux d'officiers, tels les postes de matelots, de maîtres d'équipage, d'ouvriers mécaniciens, ou encore de lieutenants.
C'est donc aussi les filières de formation dispensée par les écoles nationales de la marine marchande qui sont condamnées et, avec elles, le savoir français et la formation de haut niveau pour les métiers de la mer.
Jusqu'à aujourd'hui, les effectifs français à bord des navires TAAF sont globalement restés stables - environ 35 %, voire au-delà -, sans aucun doute pour des raisons de sécurité. Les armateurs français, unanimement favorables au RIF, se sont engagés à ce que soit maintenue la filière française d'emploi maritime.
Pour autant, nous avons de bonnes raisons de croire qu'à terme le RIF se traduira par la disparition des emplois français. Vous avez souligné dans votre rapport, monsieur de Richemont, que la Norvège, qui avait dès 1987 eu recours à ce type de registre bis, constituait une véritable réussite.
Je tiens à vous signaler que le Hoo Mapple, navire battant pavillon norvégien, donc équivalent du RIF, et qui était cette semaine en escale à Cherbourg, n'avait à son bord aucun Norvégien ! (M. Jean-Pierre Godefroy applaudit.)
Avec votre proposition de loi, il paraît acquis que le principal obstacle au développement du pavillon français serait son coût lié essentiellement aux rigidités dans l'organisation du travail et au niveau des salaires. Vous affirmez que « ce n'est pas le marin français qui est cher, mais le poste de marin français ».
J'affirme, quant à moi, que son coût, lié à du personnel formé et disposant de conditions de travail dignes, est aussi l'élément clé de la sécurité de nos mers. Nous devons, au même titre que d'autres coûts, internaliser ce coût correspondant à la dimension dite sociale de l'emploi, au risque, a contrario, de devoir faire supporter à la collectivité les conséquences autrement plus coûteuses des catastrophes maritimes d'un Erika, d'un Ievoli Sun ou encore d'un Prestige.
Je tiens aussi à signaler que les armateurs français disposent déjà d'avantages financiers considérables, sous forme d'exonérations des charges sociales et fiscales par le biais du GIE fiscal ou de la récente taxe calculée sur le tonnage.
Avec votre proposition de loi, nous nous enfonçons un peu plus encore dans la spirale déflationiste en nous attaquant au statut social des marins. Dans le même temps, vous permettez que les armateurs soient en quelque sorte dédouanés de leurs responsabilités en cas, par exemple, d'immobilisation contrainte du navire. Les responsabilités seront-elles assumées par ces sociétés de travail maritime implantées dans des contrées lointaines ?
Les sociétés d'assurance accepteront-elles, vu le risque élevé, d'assurer les armateurs en cas de défaillance de ces sociétés de marchands d'hommes ? La dernière version de votre proposition de loi ne prévoit d'ailleurs aucune obligation en la matière.
Certains de nos ports ont eu à subir, ces dernières années, la présence de navires abandonnés, avec, à bord, des marins étrangers engagés sous pavillon de complaisance, impayés depuis des mois.
Je reste convaincu que la réponse que vous proposez est inappropriée.
Vous nous expliquez, dans votre rapport, que si la France disposait d'une flotte de commerce importante, elle aurait d'autant plus de poids pour influencer dans un sens positif les normes internationales qui se négocient dans le cadre de l'OIT et de l'OMI. J'avoue avoir beaucoup de mal à comprendre comment la France, en déréglementant son propre droit du travail, serait mieux à même, d'améliorer le contenu des conventions internationales !
Votre proposition de loi permettra sans doute d'enrayer le déclin du pavillon français, mais à quel prix si ces mesures attirent des « voyous de la mer », désormais protégés par la respectabilité traditionnellement attachée au drapeau français ?
Qui plus est, et selon l'avis de juristes patentés, votre proposition de loi accentue encore l'illisibilité du droit maritime. L'ambiguïté même de ce texte, qui laisse la porte ouverte à de multiples interprétations, permet les abus de tout genre.
Enfin, si dans la seconde version de votre texte le champ d'application de la loi est plus précis, excluant nommément un certain nombre de navires, il n'en demeure pas moins que rien n'empêchera, par exemple, que l'on applique le dispositif du RIF aux navires effectuant du cabotage consécutif assurant des liaisons nationales, puis internationales, extra-communautaires, par exemple une liaison Marseille-Bastia, puis Bastia-Tunis.
N'est-ce pas, au fond, votre intention, monsieur de Richemont, que de vouloir développer le cabotage immatriculé au RIF ? Certains n'hésitent pas, en tout cas, à aller dans ce sens. Le débat qui a eu lieu ce matin en commission laisse prévoir que l'on va très rapidement déraper dans cette direction.
Je comprends les motivations qui sont les vôtres, monsieur de Richemont. Certaines sont, certes, louables. Il n'en demeure pas moins que notre groupe s'oppose radicalement à ce texte, qui banalise les pratiques d'un autre siècle.
Nous soutenons pleinement tous les marins, qui sont en grève aujourd'hui, contre la régression sociale. Nous sommes aux côtés de l'intersyndicale, qui s'est prononcée à l'unanimité contre votre proposition de loi. Les craintes d'une extension de l'immatriculation au RIF à d'autres types de navires semblent bien se confirmer.
Pour toutes ces raisons, nous n'avons déposé aucun amendement. Ce texte a du reste été jugé non amendable par l'ensemble des syndicats. Nous refusons de prendre part à l'examen d'une proposition de loi particulièrement régressive sur le plan social et qui contribue à tirer vers le bas les normes de sécurité maritime. Nous voterons donc contre ce texte.
M. Dominique Braye. Quel silence !
M. le président. La parole est à M. Michel Sergent.
M. Michel Sergent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, chacun d'entre nous dans cet hémicycle en conviendra : traiter d'un sujet maritime a un caractère exceptionnel tant les occasions sont relativement rares, pour la représentation nationale, de manifester son souci de défendre les intérêts de notre pavillon et de cette profession bien particulière.
Mais le constat que nous pouvons faire, mes chers collègues, est douloureux et surprenant à la fois. La France, pays terrien ouvert sur la mer, a oublié sa vocation maritime. Dans les périodes qui ont fait sa gloire, la France était un pays qui faisait du commerce avec ses ports, avec ses navires, avec ses marins. Nous l'avons oublié !
Il y a encore quelques dizaines d'années, le commerce maritime français pouvait faire des jaloux. Notre flotte de commerce était capable de concurrencer les grandes nations maritimes. Mais ce temps est bien révolu.
Le propos que je vais tenir aujourd'hui sera non pas celui d'un nostalgique, mais celui d'un élu du littoral qui veut encore croire en l'avenir d'une économie maritime ayant toute sa place dans l'économie générale du pays. Penser autrement ce serait nier une évidence : la formidable puissance que constitue l'un des leviers de notre commerce national, une force que nous pourrions amplifier pour dynamiser notre commerce extérieur.
Et si le rôle des ports maritimes était considéré avec toute l'importance à laquelle les concessionnaires ne cessent jamais de nous sensibiliser ? Que ce soit les collectivités locales, les chambres de commerce ou les autorités portuaires, toutes reconnaissent le caractère vital de cette économie portuaire. Toutefois, pour que cette activité portuaire existe, encore faut-il qu'il y ait des navires et des marins.
Certes, une flotte peut battre pavillon étranger, les équipages peuvent être constitués de toutes les nationalités, et il y aurait du bon sens à penser que la France peut donner les moyens à ses armateurs de faire prospérer leurs entreprises : des moyens matériels, financiers et fiscaux. Comment pourrait-il en être autrement ? Nous l'avons déjà fait ! Mais il y aurait également du bon sens à former et à embaucher des équipages français.
Chers collègues, le texte que nous examinons cet après-midi nous invite à réfléchir avec raison, mais aussi avec passion.
S'agissant d'abord de la passion, il nous faut défendre une profession qui mérite de la représentation nationale reconnaissance et opiniâtreté. La mer n'est pas simplement un lieu de loisirs et de distractions ; c'est aussi un lieu de travail dur, risqué, et très différent de tout ce que nous pouvons connaître à terre. La mer est un lieu d'isolement, de promiscuité, un lieu où règne une solidarité à toute épreuve.
Pour ce qui est ensuite de la raison, sauf à vouloir laisser à l'abandon une profession qui espère beaucoup du législateur, il nous faut construire un cadre réglementaire novateur, dynamique et juste.
Je ne puis que me réjouir d'intervenir sur un texte qui a été largement modifié et enrichi par la commission des affaires économiques. Je veux, ici, avec beaucoup de sympathie, remercier celles et ceux qui, au sein de cette commission, ont su faire montre non pas de générosité, mais d'une justice sociale affirmée, certes, mais insuffisamment.
Ce travail a ses limites, tant l'habillage social n'est que pure forme. En effet, pour avoir suivi le cours des événements, force est de constater que la première mouture de la proposition de loi relative à la création du registre international français était un texte d'une extrême dureté en matière sociale.
M. de Richemont et les cosignataires de cette proposition de loi nous proposaient un texte que d'aucuns qualifient déjà d'« ultra-libéral ». Les organisations syndicales se préparaient à un mouvement de grève, une perspective qui ne s'éloigne pas, bien au contraire ; nous en avons la preuve aujourd'hui.
Je ne voudrais pas m'étendre sur le sujet, mais la méthode utilisée, sans véritable négociation avec les salariés, les hommes d'équipages, aboutit bien à une logique du travail au meilleur coût, à la rentabilité la meilleure et à la productivité la plus forte. Quid des conditions sociales et des conditions de travail pour ceux qui pourraient encore en bénéficier ?
A vrai dire, la proposition qui nous était faite était celle d'un navire dont le propriétaire ou l'armateur faisait les plus grands profits et où l'équipage était constitué d'une main-d'oeuvre la plus rentable possible, c'est-à-dire des marins étrangers issus des pays les plus pauvres au monde, à la qualification douteuse ou pour le moins insatisfaisante au regard du droit du travail international.
La nouvelle rédaction n'est pas très différente du texte initial. Dans leur grande bonté, les législateurs porteurs de ce texte donnent aux armateurs employeurs le droit d'embaucher deux officiers français, un capitaine et son suppléant. Allons au fond des choses dès maintenant et disons franchement que ce procédé découle directement d'une logique qui consiste à embaucher un officier fantôme, dont l'unique rôle effectif est celui d'assurer une présence à bord à la seule fin de faire valoir un prétendu droit national ; j'y reviendrai dans quelques instants.
Chers collègues, la discussion que nous avons sur le registre international français doit permettre à la France, a priori, de se doter d'un instrument juridique capable de donner à notre pays les moyens de disposer d'une flotte compétitive. Mais à partir du moment où la loi ouvre droit à des mesures spécifiques visant à conforter l'assise économique et financière de l'entreprise, donc celle de l'armateur, il convient d'établir des règles d'équité sociale. Malheureusement, nous en sommes loin, très loin.
Plus précisément, le manque de compétitivité du pavillon français pose le problème de l'impuissance des armateurs français à être concurrentiels face à des Etats membres de l'Union européenne qui se sont dotés de pavillons nationaux bis. Cette impuissance des armateurs français vaut également face aux pavillons de complaisance qui sévissent en dehors des frontières communautaires. La France est victime de la globalisation, mais aussi et surtout du libéralisme exacerbé qui fracasse les couvertures sociales, qui empêche les Etats providence de donner à leurs ressortissants un emploi convenable et durable.
Tout le monde s'accorde à dire que la France ne peut peser efficacement sur l'Organisation maritime internationale qu'à partir du moment où elle aura recouvré les moyens de sa politique maritime. Celle-ci se vérifiera avec sa capacité à armer des navires, mais pas seulement. Jusqu'à preuve du contraire, la France est membre permanent du Conseil de sécurité de l'ONU, mais elle ne possède pas l'armée la plus nombreuse. Un géant est reconnu non pas simplement pour sa taille, mais par l'impression qu'il donne. La dissuasion, quelle qu'elle soit, est aussi l'art de faire impression sur son adversaire. Armons donc des navires, mais sachons également les équiper de marins formés, hautement qualifiés, et si possible français. La marine marchande française sera également reconnue pour la qualité intrinsèque et la sûreté de ses navires, ce en quoi nous pouvons agir efficacement.
Par ailleurs, l'argument qui est celui de faire travailler des étrangers n'est pas condamnable en soi. Nous pouvons tous convenir qu'en raison de la désaffection pour un métier où il est devenu impossible de recruter à l'intérieur d'une frontière, il est économiquement indispensable de recourir à une main-d'oeuvre non nationale. Mais le scandale se vérifie lorsque des hommes qui ont la vocation pour les métiers de la mer et qui sont formés à la tâche ne peuvent trouver ou ne pourront trouver un emploi au seul motif que les employeurs préfèrent ou préfèreront embaucher une main-d'oeuvre étrangère peu chère et, surtout, insuffisamment qualifiée.
Chers collègues, ce qui vaudrait dans ce cas de figure, nous serions capables de l'accepter pour d'autres activités professionnelles. Les défenseurs de cette vision politique et économique pourraient aller à l'encontre de leur souhait, que j'espère être celui du dynamisme économique de nos entreprises.
Imaginez un monde dans lequel nos entreprises seraient tenues par des gérants ou des directeurs français avec des employés uniquement étrangers ! La France serait devenue un pays de cadres sans ouvriers. Serait-ce le rêve d'une majorité d'entre nous ? Serait-ce le rêve du Gouvernement ? Je pense surtout que c'est le rêve d'un certain patronat.
Je me rassure : il ne s'agit pas d'une volonté de la majorité des chefs d'entreprise qui souhaitent travailler avec du personnel responsable, qualifié, motivé et rémunéré correctement. Ces personnels, nous les trouvons dans un pays qui est connu et reconnu pour ses acquis sociaux, je veux parler de la France, un pays qui a su associer la valeur du travail avec celle de la protection sociale que lui assure l'emploi.
Si, pour des raisons juridiques et d'opportunisme commercial, nous avons su ajuster l'immatriculation de nos navires à partir d'un registre bis - le Kerguelen, pour être précis -, celui-ci, insuffisant peut-être, a eu au moins le mérite de nous permettre, en partie, de faire jouer une certaine concurrence. Ainsi, 90 % du tonnage des navires de commerce sous pavillon français sont-ils enregistrés « Kerguelen ».
On pourra toujours nous dire que ce registre n'a pas permis de freiner le « dépavillonnement », mais, reconnaissons-le, le Kerguelen n'avait pas vocation à immatriculer des navires devant travailler en dehors du périmètre des Terres australes et antarctiques françaises.
En ce sens, les dispositions européennes relatives à la concurrence, mais aussi à la protection commerciale du pavillon ne pouvaient être applicables.
Je précise, en outre, que la création des pavillons de complaisance, encore faussement appelés « de libre immatriculation », constitue une violation de l'article 91 de la convention de 1982 sur le droit de la mer, qui exige un lien substantiel entre l'Etat du pavillon et le navire. Le droit international a été bafoué par toutes les nations, et la France, après bien d'autres, a dû se résigner à procéder de la même manière.
Alors, s'il faut travailler l'idée d'un nouveau dispositif juridique, il me paraît nécessaire de rétablir au préalable le dialogue avec les organisations syndicales.
Une autre réflexion est à prendre en considération : pourquoi créer un registre international français, alors que c'est l'ensemble du registre national qui doit être examiné et aidé ? Nous ne sommes pas certains qu'il faille nécessairement un nouveau registre maritime pour fixer de nouvelles dispositions fiscales et sociales tant dans le code général des impôts que dans le code du travail maritime.
Le texte qui nous est présenté exclut de son champ d'intervention un certain nombre d'activités maritimes - le cabotage national et intracommunautaire, les navires d'assistance portuaire, les navires de pêches professionnelles - mais pour combien de temps ? N'est-ce pas là un dispositif qui a vocation à se généraliser ? Si tel devait être le cas, nous pouvons être inquiets pour l'avenir et la pérennité de l'ensemble de la filière du transport maritime.
Je prends un exemple pour montrer la complexité du problème, mais aussi pour mettre en avant la fragilité du dispositif et les interprétations possibles : comment, à partir du RIF, peut-on concevoir une liaison qui nécessite à la fois du cabotage intracommunautaire et du cabotage extracommunautaire ? Très concrètement, la question se pose pour les transbordeurs de la SNCM.
Au-delà de cet aspect à la fois technique et juridique, c'est également toute la chaîne de la formation professionnelle maritime qui serait condamnée, car les offres d'emplois se réduiraient du même coup comme peau de chagrin. Les quelques postes d'officiers qui seraient offerts pourraient être pourvus, si nous devions extrapoler, par des marins ayant reçu une formation en dehors de nos frontières.
Nous voyons bien que ce raisonnement n'est pas simplement hypothétique, il s'appuie sur l'uniformisation des diplômes et des formations qualifiantes en cours dans l'Union européenne. Le risque est bien celui de ne plus pouvoir former les jeunes marins et de ne pas pouvoir leur proposer non seulement une perspective de carrière professionnellement et socialement attractive, mais tout simplement un métier de marin.
J'ajouterai, non sans malice, qu'avant d'être commandant il faut être second et auparavant lieutenant. Il en est de même pour le personnel d'exécution : on ne devient pas maître ou chef mécanicien du jour au lendemain.
En définitive, ce texte supprime toute possibilité de formation professionnelle continue, à bord comme à terre, et raye d'un trait de plume toute perspective d'embauche pour un marin français qui souhaite faire partie du personnel d'exécution.
Aussi, point de marins sans formations, point de formation sans marins ! Ouvrir la boîte de Pandore et donner la possibilité d'embaucher sans déterminer une norme acceptable dans ce qui constitue un droit national au travail est inadmissible pour celles et pour ceux qui veulent naviguer et travailler.
A ce que j'ai cru comprendre, Armateurs de France est favorable au texte que nous examinons. Je dis bien « Armateurs de France », l'organisation patronale ; je ne suis d'ailleurs pas persuadé que tous les armateurs français approuvent totalement et sereinement le nouveau dispositif que l'on nous soumet aujourd'hui.
D'un autre côté, les marins sont farouchement opposés à ce texte. Prenons le temps de les comprendre et examinons les raisons de cette opposition.
Tout d'abord, la méthode qui a été utilisée n'est sûrement pas la meilleure. Le dialogue ne peut se résumer à une simple audition des représentants syndicaux. La concertation est aussi un instrument positif pour faire avancer un dossier. Dans le cas présent, point de travail en commun, point de considération pour les principaux arguments soulevés par les marins eux-mêmes. Comment, de la sorte, pourrions-nous trouver une véritable prise en compte des aspects sociaux et des conditions de vie acceptables à bord ?
Avec une manipulation des principales dispositions du droit international maritime, se profile une opération insidieuse qui n'est autre qu'une régression sociale au profit d'un capitalisme pur et dur. En effet, certains articles du texte que nous examinons relèvent du droit international et très souvent, je remarque la confusion que font les initiateurs du RIF entre Bureau international du travail et Organisation internationale du travail. C'est d'autant plus dommageable que, voté de la sorte, le texte ferait l'objet instantanément d'une mise en échec pour non-conformité aux règles et à la jurisprudence internationales.
Destiné à être étendu en quelques années à la quasi-totalité de la flotte, le régime d'emploi prévu par le RIF vise d'abord à généraliser un système de sous-traitance. Sachons que le recours aux officines de main-d'oeuvre internationale, les trop célèbres sociétés de manning, vise à mettre fin aux conventions collectives et à revenir à la pratique du contrat individuel.
Consacrant en outre un régime de protection sociale le plus souvent illusoire, faute d'existence dans la plupart des pays pourvoyeurs de main-d'oeuvre, le RIF prend des libertés dangereuses avec les droits sociaux élémentaires tels que celui de se syndiquer, de faire grève, ou encore d'être malade.
En ce sens, et compte tenu des conditions d'embauche au travers de sociétés-écrans ou pour le moins tampons, les droits sociaux supposés inscrits risquent fort de n'être que des droits fantômes. En effet, de par la création même du RIF et du fait d'une rédaction précise de certains articles, le nouveau registre échappe complètement au code du travail maritime. De la sorte, c'est bien un nivellement par le bas qui est imposé aux marins, puisque très souvent, les normes internationales en droit maritime sont, c'est le moins que l'on puisse dire, minimalistes au regard du droit maritime français.
Monsieur le rapporteur, vous prétendez que l'emploi est au coeur de votre proposition de loi. Mais les impératifs de compétitivité et de concurrence toujours plus difficile ne peuvent nous obliger à faire n'importe quoi. Nous ne sommes pas dupes ! La perspective de la création d'emplois d'officiers par rapatriement sous pavillon français, à des conditions plus ou moins suspectes, d'une centaine de navires aujourd'hui sous immatriculation de complaisance, est un leurre.
Incontestablement, ce texte est d'essence libérale. Je prendrai un autre exemple pour illustrer mon propos. Cette volonté affichée qui est la vôtre de donner aux armateurs la possibilité de cumuler de nouvelles économies d'équipage par le recours généralisé aux marins sous-payés du tiers monde est un fait que nous pouvons décrypter dans le RIF.
Dans ce texte, en effet, aucune disposition particulière n'oblige les armateurs à recourir à de la main-d'oeuvre communautaire, si ce n'est pour pourvoir les postes de capitaine et de son second, qui seront donc tenus par des Français. Si l'argument principal retenu est celui de la rentabilité, la société qui embauchera les hommes d'équipage aura le réflexe de se tourner tout naturellement vers la main-d'oeuvre la moins coûteuse, une main-d'oeuvre facilement exploitable pour qui le travail sécurisé socialement n'est même pas un concept !
A l'heure où les catastrophes du Prestige et de l'Erika sont encore dans toutes les mémoires, souvenons-nous que les « voyous des mers » décriés par le Président de la République restent encore à être mis sous les verrous. Seront-ils seulement un jour arrêtés et condamnés ? La transparence dans le milieu des affaires peut être clamée, mais la méthode qui consiste à croiser les responsabilités et à ajouter un niveau de décision et de responsabilité entre l'armateur et le marin ne permettra en aucun cas d'identifier avec précision le donneur d'ordre.
Une fois encore, c'est le salarié, en l'occurrence, le navigant, qui fera les frais du non-respect du contrat d'engagement.
Or vous mettez en avant ce contrat d'engagement, monsieur le rapporteur. Mais êtes-vous bien en phase avec ce qui se fait régulièrement pour les navires battant pavillon de complaisance ? Très souvent, les sociétés de manning utilisent le subterfuge des faux brevets professionnels - l'usage est courant -, tout comme celui du dépôt à bord de contrats factices des personnels étrangers engagés.
Voilà la vérité, voilà la triste réalité des pavillons de complaisance que l'on veut nous imposer.
Pour ce qui est des avantages financiers accordés ces dernières années par l'Etat aux armateurs, faut-il rappeler qu'ils furent encore renforcés l'an dernier pour compenser le surcoût, somme toute relatif, du pavillon français ? Faut-il rappeler également qu'à défaut de subventions désormais étroitement contrôlées par Bruxelles les armateurs français bénéficient de dispositions financières très favorables ? La France n'offre-t-elle pas des exonérations de charges sociales et, surtout, fiscales pour l'achat de navires à hauteur de 20 % du montant - contre 10 % au Royaume-Uni -, par le biais du système de GIE fiscal ? N'offre-t-elle pas des dispositifs de neutralisation fiscale des plus-values réalisées sur les ventes de navires ainsi que de l'impôt sur les bénéfices des compagnies, désormais remplacé par un taxe réduite calculée sur le tonnage ?
Plutôt que d'agir au pas de charge, monsieur le rapporteur, il serait préférable, il serait sage, avant d'aller plus en profondeur dans ce travail législatif, de mettre à plat l'ensemble des aides dont bénéficie l'armement maritime. Ce travail d'une nouvelle définition de notre politique maritime permettrait également de considérer autrement et plus favorablement le volet social et « humain », d'un texte partiel que je qualifierais volontiers de partial. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
M. le président. La parole est à M. le président de la commission.
M. Gérard Larcher, président de la commission. Notre collègue Michel Sergent disait à l'instant que le texte soumis au Sénat était, somme toute, très peu différent du texte initial. Je lui précise que, sur les trente-quatre articles qu'il comporte, vingt-trois ont été réécrits, et sept sont totalement nouveaux. C'est donc un texte original qui est issu des travaux de la commission. Mais peut-être notre collègue pourrait-il en prendre connaissance d'ici à la fin de nos débats, pour bien mesurer ce qu'il en est.
M. Dominique Braye. Il ne l'a peut-être pas lu !
M. Jean-Pierre Schosteck. Sans doute pas !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Ainsi, je le souligne, le statut social minimal n'existait pas dans le texte initial, ni la reconnaissance du droit syndical. Ce n'est pas rien !
M. Dominique Braye. Il a rédigé son discours avant !
M. Gérard Larcher, président de la commission. Mes chers collègues, il m'apparaissait important de recadrer le fruit du travail du rapporteur et de la commission. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer. Monsieur le président, je me réjouis, au nom du Gouvernement, de venir aujourd'hui pour la deuxième fois débattre d'une proposition de loi d'origine sénatoriale faisant suite au travail d'un parlementaire en mission auprès du Premier ministre, en l'occurrence M. Henri de Richemont, après M. Jean-François Le Grand, ce matin. Cette méthode a inspiré le Gouvernement également pour la relance du fret ferroviaire, après les travaux de vos collègues MM. Gerbaud et Haenel, ainsi que ceux de M. Joly, qui vont également inspirer les travaux du CIADT du 18 décembre.
Cela montre, monsieur Larcher, en quelle estime le Gouvernement tient, à juste titre, le Sénat. Que les propositions d'un parlementaire en mission débouchent sur un texte est de bonne méthode pour associer le Parlement à l'action de l'exécutif.
En effet, un grand projet nous rassemble, mesdames, messieurs les sénateurs : il s'agit de relancer le pavillon français. Cette volonté politique tant du Président de la République que du Gouvernement s'exprime depuis dix-huit mois et se traduit par une action énergique en faveur de notre marine marchande, avec la confirmation, monsieur Sergent, des GIE fiscaux, que le gouvernement précédent avait à juste titre créés, par la mise en place de la taxation au tonnage, qui est une mesure de simplification, par la mise en place d'un dégrèvement de la taxe professionnelle et par un effort financier significatif sur le remboursement des charges sociales ENIM et non-ENIM.
La proposition de loi de M. Henri de Richemont découle des orientations de son rapport au Premier ministre, d'ores et déjà retenues par le comité interministériel de la mer du 29 avril 2003. Au passage, il n'y avait pas eu de comité interministériel de la mer depuis plusieurs années. C'était donc la première fois que l'ensemble des ministres se réunissaient à Matignon sur ce sujet.
A cette occasion, le Gouvernement avait confirmé, par la voix du Premier ministre, son accord sur le principe du RIF, et souhaité sa mise en oeuvre pour le début de l'année 2004. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous y sommes !
Comme l'a excellemment rappelé le président Gérard Larcher, un processus de consultation approfondie a permis au Sénat d'entendre experts, professionnels, élus et représentants des salariés. Nous sommes donc arrivés aujourd'hui à la phase finale d'un projet porté depuis le départ avec beaucoup de conviction par M. Henri de Richemont. Je tiens à rendre hommage ici à son talent, à sa grande connaissance du dossier et à son investissement personnel, ainsi qu'à l'enthousiasme que chacune et chacun lui connaît. M. de Richemont a bénéficié du soutien total du Gouvernement. Je remercie M. Larcher d'avoir fait en sorte que la commission des affaires économiques soit aux côtés de son rapporteur pour faire avancer l'ensemble de ses propositions.
Si vous ne deviez retenir que deux idées de mon intervention, ce seraient les suivantes.
Premièrement, ce nouveau registre est un projet équilibré. Il n'est conçu, monsieur Sergent, en faveur d'aucun groupe professionnel au détriment d'un autre. Il profitera à toutes les composantes du monde maritime français.
Deuxièmement, ce texte vise à créer une nouvelle dynamique en faveur du pavillon français et de l'emploi d'officiers et de marins français.
Pourquoi un nouveau registre ? Notre flotte de commerce a besoin d'être relancée. Nous ne pouvons nous résigner à figurer à la vingt-neuvième place mondiale, alors que nous étions la quatrième flotte mondiale en 1970, d'autant moins que la France est le cinquième exportateur mondial. Il y a là une dichotomie tout à fait accablante.
Il faut donc proposer une voie d'avenir à la place du registre TAAF. Je me souviens, j'étais alors jeune député, quand, en 1987, on a parlé avec M. Ambroise Guellec du TAAF : ce registre a eu son utilité. Mais, aujourd'hui, il souffre d'un véritable déficit de compétitivité, comme l'a montré un récent rapport de la Commission européenne sur l'application du règlement sur le cabotage dans les Etats membres de la Communauté. Comme l'a très bien dit Henri de Richemont, ce registre présente également des fragilités juridiques : les exigences d'effectif français et le rattachement au code du travail de l'outre-mer, qui n'existe pas vraiment, sont des fictions.
Enfin, il pâtit d'un déficit social inacceptable pour la France, qui préside le groupe de travail de haut niveau « pour un travail décent des marins ».
Par ailleurs, quelle que soit l'affection que nous avons pour Crozet, la terre Adélie, Saint-Pierre-et-Miquelon, Kerguelen, le rattachement du registre TAAF à un territoire considéré comme non communautaire le prive du droit d'effectuer des opérations de cabotage dans les autres Etats membres de l'Union.
Tout le monde s'accordait, jusqu'ici, pour vivre dans le flou, sans base légale ou réglementaire. Ce gouvernement, lui, propose de légaliser, de mettre des bornes et de contrôler ce qui se passe pour garantir la transparence pour tous.
Qu'observons-nous ailleurs ? A partir de la fin des années quatre-vingt, plusieurs Etats européens, et non des moindres - les Pays-Bas, le Danemark, l'Allemagne, la Norvège, ou, plus récemment, le Royaume-Uni -, ont su, pour leur part, relancer leur flotte, ce que nous n'avons pas fait, par des dispositifs financiers incitatifs, par la création de seconds registres ou par la réforme des premiers registres. Ce furent des succès pour les armateurs comme pour les marins. Il n'est que de voir l'exemple du Danemark, où les deux tiers des marins sont danois et où l'emploi des Danois a progressé avec leur registre international. M. Henri de Richemont nous propose de nous en inspirer.
Il est enfin nécessaire, indispensable même, de définir un statut social novateur pour les marins étrangers, dans l'esprit de ce que la France préconise au sein de l'Organisation internationale du travail. La proposition de loi retient un ensemble de prescriptions applicables à tous les marins employés à bord, quel que soit leur contrat, afin de leur garantir un niveau de protection sociale reconnu, et de satisfaire ainsi aux engagements internationaux et communautaires de la France, ce que M. Gérard Larcher a relevé au nom de la commission des affaires économiques.
Quelles sont les bases du dispositif envisagé ? Il ne s'agit pas d'un « habillage » de pure forme, monsieur Sergent.
Le projet de registre international français s'appuie sur trois composantes, en faveur du pavillon, au profit du métier de marin, et au bénéfice des marins eux-mêmes.
Il s'agit d'abord de rendre attractif le pavillon français aux yeux des armateurs français et étrangers. Le texte de la proposition de loi de M. Henri de Richemont introduit, à cet égard, plusieurs nouveautés.
Premièrement, le RIF prévoit l'obligation minimale de deux marins français, le commandant et son adjoint. Je tiens de nouveau à préciser, après M. Henri de Richemont, que ce seuil de deux marins français est un minimum qui existait déjà dans la loi du 26 février 1996, laquelle avait modifié l'article 3 du code du travail maritime. La différence porte sur la nationalité des autres membres de l'équipage, pour laquelle il n'est plus imposé, pour ce nouveau registre, de proportion minimale de marins français ou communautaires.
Au-delà des dispositions légales, il est certain qu'il pourra y avoir plus de deux marins français à bord de certains types de navires, en fonction du choix des armateurs.
Il y aura obligatoirement, et nous y veillerons, trois marins français en cas d'utilisation de GIE fiscal pour la construction de navires, et davantage de marins français encore en fonction des types de navire et des accords signés par les armateurs avec leurs personnels.
Je rappelle également, et c'est important, que le RIF ne s'applique qu'au commerce des marchandises, et pas au transport des passagers, qui reste sous registre national, - 100 % de marins français -, ni aux activités de services portuaires ou à la pêche. J'y insiste, parce que les marins qui se sont mis aujourd'hui en grève craignent une extension du RIF aux ferries. Il n'en est rien !
Deuxièmement, le RIF offre la possibilité de passer par des entreprises de travail maritime pour la constitution de l'équipage du navire, pratique dite du « manning ».
Les marins à bord des navires du RIF pourront être mis à disposition de l'armateur par des entreprises de travail maritime dans des conditions strictement encadrées par le texte de M. Henri de Richemont.
J'ai entendu des expressions qui font peur : « marchands d'hommes », « registre honteux »... Ce que nous voulons, et ce que vous souhaitez, monsieur le rapporteur, n'a rien à voir avec cette vision caricaturale : la proposition de loi vise à légaliser une pratique généralisée dans le milieu maritime, tout en l'encadrant et en édictant des règles du jeu sûres pour les navigants et pour leurs employeurs.
Comme l'a indiqué M. Henri de Richemont tout à l'heure, ces entreprises de travail maritime devront faire l'objet d'un agrément en cas d'installation sur le territoire national et présenter des garanties professionnelles et financières.
Troisièmement, ce texte offre la possibilité, non négligeable pour le pavillon français, d'ouvrir des casinos à bord des navires de croisière, comme la profession le demande depuis longtemps.
Bien entendu, le passage du registre TAAF au RIF se fera sans restriction particulière du champ d'application pour les navires qui étaient précédemment sous le registre TAAF.
Après le pavillon, les hommes.
Le RIF comporte des éléments favorables au métier de marin, avec, d'abord, la défiscalisation des revenus des marins qui passent hors de France plus de 183 jours par an, par assimilation au régime existant déjà pour la prospection pétrolière et pour les chantiers de génie civil à l'exportation. Ce n'est pas rien : cela signifie que les sujétions de la navigation au grand large sont reconnues.
En outre, monsieur Sergent, le RIF comporte un élément en faveur du métier de marin grâce au maintien de la filière de formation des marins. L'article 5 de la proposition de loi y fait expressément référence.
Il faut surtout relever un élément au bénéfice des marins eux-mêmes, puisque les règles touchant au travail et à la protection sociale sont mieux définies.
J'évoquerai d'abord la clarification du contenu des contrats de travail sous registre RIF.
Les conditions d'engagement des navigants de certains pays fournisseurs de main-d'oeuvre sont souvent en deçà des normes internationales approuvées par l'OIT. La proposition de loi vise à améliorer les garanties offertes à ces navigants. Cependant, la plupart des principaux pays fournisseurs, par exemple les Philippines, disposent déjà de conventions collectives qui, si elles ne sont pas extraordinaires, sont plus favorables que ces garanties minimales et, bien entendu, demeurent applicables.
Vient ensuite la définition du régime de travail à bord de la flotte RIF : durée du travail, congés payés, etc.
Enfin, je rappelle l'affirmation d'un niveau de protection sociale au moins équivalent à celui des normes définies et promues par la France au niveau international, dans le cadre de l'Organisation internationale du travail, où notre pays, je le répète, joue un rôle moteur en faveur d'un statut des marins conforme aux normes dites « ITF ». Je signale à cet égard à M. Le Cam que la France s'honore d'être l'un des premiers pays à avoir ratifié les conventions de l'OIT.
Les droits constitutionnels français et les principes fondamentaux du droit du travail s'appliqueront à tout salarié employé à bord des navires immatriculés au RIF, et le Gouvernement y veillera : adhésion possible à un syndicat, droit de grève, désignation d'un représentant à bord du navire...
Par identité avec le premier registre, la proposition de loi maintient la couverture sociale du pavillon français pour les nationaux et pour les étrangers résidant légalement sur le territoire français, qui bénéficient donc de l'égalité de traitement.
Le RIF fixe également la couverture sociale des marins étrangers relevant de l'application des règlements communautaires et des conventions bilatérales de sécurité sociale.
Les ressortissants d'Etats ne relevant pas des dispositions communautaires ou d'Etats liés à la France par des conventions de sécurité sociale - ce sont les grands perdants dans la situation actuelle - bénéficieront également d'une couverture sociale satisfaisante compatible avec les engagements internationaux de la France, grâce à la définition dans la loi d'un niveau plancher.
Monsieur Le Cam, je tiens ici à affirmer que, loin de reculer dans le domaine social, nous réalisons de grandes avancées.
Je terminerai, mesdames, messieurs les sénateurs, en indiquant quelles sont les attentes du Gouvernement à l'égard du RIF.
Nous en attendons un changement réel et rapide.
Nous attendons un retour sous pavillon français d'un nombre significatif de navires exploités aujourd'hui par des armateurs français sous pavillons étrangers, dont certains de complaisance. Naturellement, nous attendons des armateurs qu'ils jouent le jeu, et je le dis de manière très solennelle à cette tribune.
Ce nouveau registre n'a rien, absolument rien à voir avec un pavillon de complaisance.
En effet, qu'est-ce qu'un pavillon de complaisance ? C'est un Etat qui est complaisant en matière de sécurité. Or la France, en tant qu'Etat du pavillon, a la réputation, justifiée, d'appliquer rigoureusement les règles de l'Organisation maritime internationale.
L'Agence européenne de sécurité maritime - que nous soutenons, dont le Président de la République souhaite l'installation sur notre territoire et dont le vice-président est français - nous fournira une lecture plus souple et plus harmonisée, mais sans laxisme. Nous nous y conformerons.
Qu'est-ce, encore, qu'un pavillon de complaisance ? C'est un paradis fiscal. Or la France applique - tout comme les autres Etats membres de l'Union européenne, d'ailleurs - des mesures acceptées par la Commission européenne en matière de taxation au tonnage ou en matière de défiscalisation.
Un pavillon de complaisance, ce sont aussi des normes sociales inexistantes. Au contraire, si le RIF repose effectivement sur le principe du contrat entre l'armateur et le marin, ou entre l'armateur et l'entreprise de travail maritime, il comporte un socle social, que j'ai décrit précédemment, équivalent ou supérieur aux normes internationales négociées entre les armateurs mondiaux et les représentants des syndicats. Le RIF instaure donc un régime qui comporte des avancées sociales pour les marins étrangers.
Ce n'est donc pas un « pavillon de complaisance », c'est un « contrat de confiance et de progrès » entre l'ensemble des partenaires.
Monsieur de Richemont, nous croyons à la mise en place, grâce au texte que vous présentez, d'une dynamique en faveur de l'emploi français dans un périmètre professionnel élargi : j'ai cité l'exemple du Danemark, où l'emploi des marins a progressé de 35 % depuis l'application d'un registre international et où les équipages comptent 70 % de Danois, alors que la loi n'en exige que deux.
Enfin, nous attendons du RIF l'arrivée à moyen terme sous pavillon français d'un nombre substantiel de navires.
Non, le RIF ne marque pas une « régression sociale » : c'est un pari sur le dynamisme des professionnels français.
Pourquoi le Gouvernement soutient-il le RIF ? Pour une raison très simple, très politique. Nous sommes partis d'un constat, après l'excellent travail d'Henri de Richemont : toutes les tentatives de relance de notre pavillon par la réglementation excessive, par le repli sur soi, ont échoué. Nous choisissons donc une autre voie, la voie de la confiance, la voie de l'ouverture, du dynamisme et de l'initiative.
Qu'avons-nous à craindre ? Nos formations sont reconnues comme excellentes. Nos marins sont considérés comme de grands professionnels. L'âge moyen de nos navires fait actuellement de notre flotte l'une des plus jeunes et des plus sûres au monde.
J'ai la conviction que le registre RIF - que l'histoire retiendra peut-être un jour comme le « registre Richemont » - permettra le rebond que nous attendons tous depuis des décennies.
Le Gouvernement demande donc au Sénat de faire avec lui le choix d'un nouveau départ pour la politique maritime de notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
M. le président. Je suis saisi, par M. Le Cam, Mme Beaufils, M. Coquelle, Mmes Didier, Terrade et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 12, tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur les conclusions de la commission des affaires économiques sur la proposition de loi relative à la création du registre international français (n° 92, 2003-2004). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Thierry Foucaud, auteur de la motion.
M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'évoquerai tout d'abord les dépêches qui nous parviennent aujourd'hui. Je ne parlerai pas, bien sûr, de celle de la commission des affaires économiques, qui méprise les marins et leurs organisations syndicales en refusant de les écouter et en en restant à sa philosophie initiale.
Je lis certaines des dépêches qui nous sont parvenues ce jour : « Saint-Malo, 11 décembre : trafic des ferries paralysé en raison d'une grève du personnel navigant, officiers et marins. »
M. Dominique Braye. Ils ne sont pas concernés !
M. Thierry Foucaud. Puisque nous parlons de la mer, vous n'êtes pas sans savoir que, hier, un grand nombre de bateaux obstruaient les ports en raison de la colère des marins envers votre politique, sur laquelle nous pourrions largement épiloguer aujourd'hui, monsieur Braye !
M. Dominique Braye. Nous ne sommes pas à la Mutualité, nous sommes au Sénat !
M. le président. Monsieur Braye, s'il vous plaît !
M. Thierry Foucaud. L'une de ces dépêches mentionnait que quelque trois cents marins et officiers, dont une centaine d'élèves de l'école de la Marine de Saint-Malo, ont manifesté dans la ville pour dénoncer ce nouveau registre international français. A Calais, le personnel navigant de SEA-France répondait à l'appel à la grève de six fédérations syndicales - mais elles sont toutes inintelligentes à vos yeux, monsieur Braye ! -, la CGT, la CFDT, la CFTC, Force ouvrière, la CGC et les autonomes, qui ont manifesté contre le projet de RIF dont nous sommes en train de débattre...
M. Philippe François. Vous avez fait crever la marine française !
M. Thierry Foucaud. ... et qui, selon les syndicats, menace l'emploi et la sécurité.
M. Dominique Braye. Il n'y a plus d'emploi ! Alors... !
M. Thierry Foucaud. Ce matin, dans un département que je connais bien, la Seine-Maritime, plusieurs centaines de marins et officiers et d'élèves de l'Ecole des officiers de la marine marchande ont manifesté au Havre contre le RIF.
M. Dominique Braye. Ils ne sont pas concernés !
M. Thierry Foucaud. Toutes les fédérations syndicales de la marine marchande,...
M. Dominique Braye. Il n'y en a plus ! Vous avez fait crever la marine française !
M. Thierry Foucaud. ... y compris, d'après ce que je sais, l'Association des capitaines de navires,...
M. Philippe François. ... qui a fait crever le France !
M. Dominique Braye. Vous avez fait crever la marine !
M. Thierry Foucaud. Messieurs de la majorité nationale, il faut écouter les marins et les officiers marins, car nul n'ignore que la proposition de créer un registre international français pour la marine marchande est rejetée par toutes leurs organisations syndicales...
M. Dominique Braye. Ils ne sont pas concernés !
M. Gérard Le Cam. Mais si !
M. Thierry Foucaud. ... et soulève les plus grandes réserves de la part de l'Association française des capitaines de navires.
Mais, comme tout le monde l'a compris, M. Braye est la seule personne dans cette assemblée à détenir la vérité !
M. Dominique Braye. Merci de le reconnaître !
M. le président. Ne dialoguez pas, messieurs !
M. Thierry Foucaud. Je suis de ceux qui pensent que nous détenons tous une part de la vérité. C'est pour cette raison que les membres de mon groupe et moi-même croyons aux vertus du dialogue.
Instruits par l'expérience du registre des Terres australes et antarctiques françaises, les syndicats stigmatisent cette nouvelle étape, qui conduira à terme à l'option zéro. Cette fuite en avant s'inscrit dans l'objectif central du MEDEF et des armateurs de faire tomber un peu plus la part de rémunération du travail dans les richesses créées. Faut-il rappeler que, déjà, la masse salariale, qui représentait 69 % de la valeur ajoutée en 1980, est passée à 57 % en 2002 ? Y a-t-il meilleure démonstration ?
Cette proposition de loi vise donc à inscrire pleinement notre pays dans le vent du libéralisme, c'est-à-dire d'un capitalisme adapté à notre temps, vent qui souffle tant sur l'organisation mondiale du commerce et l'Organisation maritime internationale que sur la Communauté européenne.
L'exposé des motifs de la proposition de loi qui nous est soumise confirme pleinement cette orientation européenne en appelant de ses voeux une règle communautaire qui constituerait le socle d'une politique partagée et dévalorisante pour la marine marchande.
Il s'agit d'un véritable alignement par le bas, comme le rappelait tout à l'heure M. Le Cam, alors que c'est le « plus » en matière sociale qui devrait être la ligne directrice de la politique de l'Union européenne. Elle devrait donc prendre des initiatives à l'échelon international pour restaurer la dignité des métiers maritimes, pour élever les qualifications, pour garantir la sécurité et pour préserver l'environnement.
En l'affaire, ce sont les travailleurs de la mer qui, en défendant leur niveau de vie et leur statut, sont les véritables porteurs de l'intérêt national et d'une politique européenne dynamique et nouvelle.
Avec le registre international français, notre pavillon national, loin de se redresser, se ternirait. Les navigants français seraient encore moins nombreux sur chaque navire qu'avec le registre des TAAF : deux personnes seulement ! Ce serait aussi pour les officiers de notre marine marchande l'incitation à s'expatrier sous des pavillons de complaisance, avec toutes les conséquences humaines et sociales qui en découleraient.
Avec le RIF, si l'on en croit les promoteurs du projet, notre pavillon national serait taillé dans un drap très honorable, puisqu'il est fait référence, dans la proposition de loi, à la convention n° 179 de l'Organisation internationale du travail.
Précisons tout d'abord que, si les instruments de ratification de cette convention sont effectivement déposés sur le bureau de l'Assemblée nationale depuis un an, ils n'ont toujours pas été inscrits à son ordre du jour. Cette procédure ne débouchera donc pas en 2003.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. C'est inscrit à l'ordre du jour du 7 janvier 2004 !
M. Thierry Foucaud. Mais, allons au fond du texte.
M. Dominique Braye. Allons au fond, c'est le cas de le dire ! (Rires sur les travées du l'UMP.)
M. Thierry Foucaud. Que trouve-t-on dans cette convention n° 179, dont l'objet est « le recrutement et le placement des gens de mer » ? Elle prétend, selon l'exposé des motifs du Gouvernement, « limiter le démembrement de la fonction d'armateur qui contribuerait à rendre opaque la chaîne du transport maritime et à diluer les responsabilités ». On y apprend que les services de recrutement et de placement devront disposer - c'est pourtant la moindre des choses ! - d'un agrément de l'Etat où ils ont leur siège. Mais nous avons là affaire à des territoires nationaux parfois minuscules qui ont fait de la complaisance un commerce fructueux pour les armateurs internationaux. D'ailleurs, nous sommes invités à ne nous faire aucune illusion, car l'article 2 de la convention précise : « La prolifération excessive de ces services de recrutement et de placement privés ne devra pas être encouragée. » Et puis, il y a l'article 4, qui indique qu'il faut obliger « les services de recrutement et de placement à prendre des dispositions pour s'assurer, dans la mesure où cela est réalisable », - j'attire votre attention sur cette expression - « que l'employeur a les moyens d'éviter que les gens de mer ne soient abandonnés dans un port étranger ».
Il existe maintenant des officines, localisées dans des Etats complaisants, qui fournissent des équipages « clé en main ». Alors, quel crédit accorder à l'article 8 de la proposition de loi, aux termes duquel il est prévu qu'une entreprise de travail maritime doit être agréée par l'Etat où elle est établie ? Cela fait partie du démembrement de la fonction armatoriale que j'ai évoqué, un démembrement synonyme de dégradation ; et c'est aussi l'un des engagements internationaux de la France auxquels la proposition de loi ne manque pas de faire référence !
Dans ces conditions, peut-on parler de contrat d'engagement pour les navigants, qui supposerait un partenariat équilibré, lorsque d'un côté se trouvent les marchands d'esclaves des temps modernes, insaisissables, et, de l'autre, des populations souvent démunies, dans l'incapacité de s'organiser collectivement pour défendre leurs droits essentiels et, bien des fois, sous la férule d'Etats bafouant quotidiennement la démocratie ?
Par ailleurs, l'article 11 précise que ces rémunérations ne pourraient être inférieures aux montants approuvés à l'échelon international. Or, il est significatif qu'une autre convention internationale - la convention n° 180 -, appelée elle aussi à être ratifiée par le Parlement français et qui porte sur « la durée du travail des gens de mer et les effectifs des navires », modifie une précédente convention de 1958 qui, elle, traitait également des salaires. Ce dernier point a disparu. Il n'est repris dans aucune autre convention internationale récente ! Voilà qui ouvre la possibilité, dans un contexte international où des peuples entiers s'enfoncent dans la misère, de tirer les rémunérations de tous vers le bas. (M. Dominique Braye s'esclaffe.)
Non ! Tout cela est indigne de notre pays et ne laisse en rien présager un rebond pour notre marine marchande.
M. Dominique Braye. On fait sombrer la marine !
M. Thierry Foucaud. Prenez garde, chers collègues, si une majorité devait se dessiner, au terme du marathon parlementaire, pour adopter cette proposition de loi,...
M. Dominique Braye. Le registre marxiste, c'est ringard !
M. Thierry Foucaud. ... prenez garde de soulever la tempête que nous annoncent les vents contraires dont j'ai fait état au début de mon intervention. On ne s'attaque pas impunément à des droits essentiels !
M. Dominique Braye. Ringard !
M. Thierry Foucaud. Les dockers et les travailleurs portuaires viennent de vous le rappeler en mettant en échec le projet de directive portuaire qui introduisait la déréglementation et le moins-disant social.
Les ringards, ce sont ceux qui sont incapables de tracer pour un peuple des perspectives d'avenir. En ce sens, vous êtes des champions, mes chers collègues !
M. Dominique Braye. Vous avez vu à quel niveau vous en êtes ? Vous êtes au même stade que la marine marchande !
M. Thierry Foucaud. Le Sénat français s'honorerait, au contraire, en invitant le Gouvernement à prendre, à l'échelon européen, l'initiative d'une tout autre politique maritime.
Le monde se globalise de plus en plus. Les échanges maritimes sont l'un des fondements de l'avenir de l'humanité. L'Europe pourrait promouvoir une vie maritime faite de coopérations dans laquelle les pays pauvres ou émergeants trouveraient des facteurs réels de développement et où les conditions sociales seraient tirées vers le haut.
Pour toutes ces raisons, le groupe communiste républicain et citoyen est opposé à ce texte et vous demande, mes chers collègues, de voter la question préalable que je viens d'avoir l'honneur de défendre devant vous. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. J'ai écouté avec attention notre collègue Thierry Foucaud défendre la motion et je vais bien sûr lui répondre. Toutefois, je voudrais auparavant remercier M. Le Cam et M. Sergent.
Monsieur Le Cam, vous avez dit que mes intentions étaient louables même si, selon vous, je me fourvoyais. Je vous remercie donc de reconnaître le côté positif de mes intentions !
Je voudrais également vous remercier de m'avoir donné raison. Vous avez dit en effet dans votre intervention que nous allions augmenter le nombre de navires sous pavillon français, mais aussi attirer les voyous de la mer. Mon cher collègue, si cela se vérifie, vous pourrez nous en remercier, parce que, dès lors qu'ils seront sous pavillon français, ils n'auront plus la possibilité d'être des voyous de la mer !
Le but est que tous les navires respectent dans leur intégralité les dispositions internationales de l'OMI, et c'est aux Etats qui ont une véritable administration de les leur faire respecter.
Nous l'avons dit, M. le secrétaire d'Etat l'a répété, tous les navires qui seront sous pavillon français, immatriculés au RIF ou pas RIF, seront soumis aux normes internationales et aux normes françaises. Notre administration veillera à les faire appliquer, de sorte qu'aucun navire sous pavillon français ne pourra être un voyou de la mer. Tant mieux donc si certains voyous de la mer veulent battre pavillon français ! Ce sera un gage de sécurité.
Je vous remercie donc de m'avoir donné l'occasion de constater que vous approuviez le but recherché par la proposition de loi.
Cependant, mon cher collègue, j'ai été très surpris que vous osiez dire que notre texte est indigne de la France. Ce qui est indigne de la France,...
M. Dominique Braye. C'est le parti communiste !
M. Henri de Richemont, rapporteur. ... c'est que depuis huit ans on ait laissé sous pavillon français des marins étrangers sans aucune protection, alors que l'on savait parfaitement que ces marins étrangers étaient engagés par des sociétés de manning. Tout le monde savait qu'ils ne bénéficiaient d'aucune protection. Il y avait un vide juridique total, que les gouvernements successifs, en particulier le gouvernement que vous avez soutenu, n'ont pas comblé ! Vous parliez d'Erika I et d'Erika II. Pourquoi votre ministre, M. Gayssot, n'a-t-il pas déposé les instruments de ratification de la convention de 1996 ? Pourquoi n'a-t-il pas fait en sorte que les marins étrangers engagés sur des navires français bénéficient des normes sociales internationalement admissibles ?
M. Dominique Braye. Il ne voulait pas voir !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Vous dites que nous n'accordons aucune protection sociale à ces marins étrangers, mais, mon cher collègue, vous avez lu mon texte, j'en suis persuadé,...
M. Dominique Braye. Pas moi !
M. Henri de Richemont, rapporteur. ... et vous savez donc parfaitement que le minimum social que nous instituons ne découle pas des normes de l'OMI ou de l'OIT, mais des normes de l'ITF, l'International Transport Workers Federation. Il n'y aura pas un seul marin sur un navire français qui ne bénéficiera pas des normes de l'ITF, syndicat auquel adhère la CFDT et auquel adhérera demain la CGT.
Nous instituons une protection sociale décente assortie d'un salaire décent pour les navigants étrangers. Contrairement à ce que vous dites, nous ne faisons pas un nivellement par le bas : si hier des armateurs pouvaient embaucher en ignorant ces normes, demain ils devront obligatoirement les respecter.
Les normes que nous instituons sont les normes pratiquées dans la quasi-totalité des Etats de l'Union européenne, et elles sont supérieures à celles des navires sous pavillon de complaisance.
C'est pour lutter contre les pavillons de complaisance que nous faisons prévaloir les normes communautaires en ce qui concerne la défiscalisation.
Vous semblez même critiquer les conventions de l'OIT...
M. Thierry Foucaud. Nous sommes porteurs des revendications des marins et de leurs organisations syndicales !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je ne vous ai pas interrompu, monsieur Foucaud !
Vous nous reprochez de mettre en oeuvre les conventions de l'OIT que vous aviez écartées hier. A vous écouter, partout ailleurs dans le monde il n'y aurait que des pays plongés dans les ténèbres et nous seuls représenterions la lumière. Nous, Français, aurions raison tout seuls !
Permettez-moi de rappeler cette parole de l'Evangile : pourquoi les enfants de la lumière seraient-ils plus bêtes que les enfants des ténèbres. Pourquoi nous qui devons représenter la lumière n'utiliserions-nous pas les mêmes outils que tous les autres ? Si nous ne le faisons pas, c'est notre marine qui va disparaître. Peut-être aurons-nous les mains blanches et pures, mais nous n'aurons plus de marins !
Si véritablement votre but est d'être purs et de vous faire défenseurs de normes auxquelles vous êtes les seuls à faire référence et qui ne sont mises en application ni par l'Union européenne ni par la convention des Etats-Unis ni ailleurs, alors vous êtes les porte-drapeaux d'un monde complètement imaginaire !
M. Thierry Foucaud. Il y en a d'autres qui sont les porte-drapeaux du MEDEF et des armateurs !
M. Dominique Braye. Un bon registre, mais sans marins !
M. Henri de Richemont, rapporteur. Nous pouvons peut-être rêver à un monde idéal, mais l'idéal, mes chers collègues, je vous le laisse. Nous, nous voulons plus de navires pour plus d'emplois, pour plus de sécurité et pour que la France joue un plus grand rôle.
Mon dernier mot sera pour vous dire qu'il est vrai que, pour le commandant et son substitué, nous nous en tenons au minimum, mais c'est parce que nous ne pouvons pas aller au-delà. Il est évident que ce n'est qu'un minimum, mais les armateurs, eux, pourront aller au-delà - et je sais qu'ils iront au-delà - de cette obligation minimale. Ils auront la souplesse de le faire en fonction des circonstances.
Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, la contrainte tue l'emploi, alors que la souplesse et la confiance jouent en faveur de l'emploi. C'est la raison pour laquelle je demande au Sénat de rejeter la motion tendant à opposer la question préalable. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je n'ai rien à ajouter à cette talentueuse plaidoirie !
M. le président. Je mets aux voix la motion n° 12 tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet de la proposition de loi.
(La motion n'est pas adoptée.)
M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
TITRE Ier
DE LA PROMOTION DU PAVILLON FRANÇAIS
Section 1
Création du registre international français
Article 1er
Il est créé un registre dénommé « registre international français ».
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, sur l'article.
M. Gérard Le Cam. Un article du quotidien Le Monde daté du 23 novembre dernier et traitant du naufrage du Prestige expliquait, cherchant à identifier les responsabilités des uns et des autres :
« Où sont les responsables ? Partout et nulle part. Construit au Japon en 1976, commandé par un Grec, armé d'un équipage philippin et roumain, affrété par une société russe domiciliée en Suisse, le tanker battait pavillon des Bahamas après avoir été immatriculé pendant vingt-six ans au Panama, bien qu'appartenant à une société libérienne propriété d'une famille grecque basée à Athènes. Le drame a été provoqué par des travaux de réparation effectués dans un chantier naval chinois qui ont été inspectés par le représentant aux Emirats arabes unis d'une société de classification texane.
« Tel était le bien mal nommé Prestige, produit d'un embrouillamini abracadabrant et pourtant fort classique de la marine marchande, cet univers fermé et secret qui transporte 90 % du fret mondial. Armateurs, assureurs, pavillons, affréteurs pétroliers, bureaux de certification : cette chaîne de production cosmopolite à tiroirs, forme la plus aboutie de la mondialisation, est un monde à part, séduisant, mais inquiétant, qu'on découvre à chaque marée noire. A remonter la piste du Prestige se révèlent, à chaque étape, ses dysfonctionnements. »
Vous avez sans aucun doute, monsieur le rapporteur, de réelles bonnes intentions, comme j'ai déjà eu l'occasion de le dire, lorsque vous cherchez à promouvoir le RIF. Mais je crains que votre proposition de loi, par la déréglementation à laquelle elle aboutit, ne fasse participer la France à la logique libérale de la mondialisation que décrit cet article du Monde.
La France devrait oeuvrer pour stopper ce processus de création d'un marché mondial uniformisé sur lequel peuvent sévir des sociétés de marchandage, payant des bas salaires à des matelots essentiellement recrutés aux Philippines.
Elle devrait d'autant plus le faire qu'il n'y a aucune raison pour que cette surenchère à la baisse ne cesse si toutes les nations y participent. Une fois que tous les pays auront adopté un pavillon-bis du style du RIF, où résidera l'avantage compétitif, si ce n'est en faisant un pas de plus, à nouveau, vers la déréglementation et le moins-disant fiscal ? On sait où nous a conduit ce processus de déflation compétitive dans les années trente !
Car, sous le prétexte d'une exacerbation de la concurrence internationale et d'une volonté d'accroître la flotte sous pavillon français, la déréglementation sociale que vous officialisez remet en cause l'emploi dans notre filière maritime, ainsi que le statut social des marins français. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle ils font grève.
L'alignement sur les conventions internationales dont certaines n'ont pas été ratifiées par la France - même si cela doit arriver - conduira à la généralisation des contrats de travail individuels à la carte.
Les armateurs, qui bénéficient déjà d'importants avantages fiscaux, seront bientôt dispensés de payer des cotisations sociales ou d'appliquer le droit du travail maritime français à la majorité de leur équipage, recruté par ces sociétés de management. Ils continueront donc à bénéficier d'un régime fiscal extrêmement favorable sans, pour autant, un engagement concret de leur part, notamment en matière d'emplois.
Les craintes, qui concernent l'emploi dans l'ensemble de la filière maritime française, sont d'autant plus justifiées que votre texte de loi permet une extension de son champ d'application, comme je l'ai déjà souligné, et que certains souhaitent encore l'étendre au cabotage. Allons-nous recruter du personnel philippin, payé à des salaires de misère pour cabotage national ? Qu'est-ce qui nous garantit que tel ne sera pas le cas ?
Je continue de penser que nous faisons fausse route, monsieur le secrétaire d'Etat, et que ce pavillon RIF, qui s'inscrit dans le processus de la mondialisation libérale actuelle, n'est pas la solution d'avenir.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Mon cher collègue, même si cela n'arrive pas souvent, nous avons quelquefois les mêmes lectures. Non seulement je lis Le Monde, mais je le cite aussi dans mon rapport. Toujours au sujet du Prestige, Le Monde indiquait que le Panama avait perdu le registre et tous les documents relatifs à ce navire. Je déplore, je fustige le laxisme de ces Etats ! C'est la raison pour laquelle cette proposition de loi vise à lutter contre les pavillons de complaisance.
M. Dominique Braye. Merci, monsieur Le Cam, de votre démonstration !
M. Henri de Richemont, rapporteur. On ne peut pas lutter contre les pavillons de complaisance sans rendre notre registre national attractif et social.
Nous gagnerons enfin le combat contre les pavillons de complaisance, parce que, à la longue, compte tenu du fait que les normes de sécurité seront de plus en plus rigides et que les affréteurs risqueront d'être de plus en plus pénalisés s'ils affrètent des navires de complaisance, avoir un pavillon national d'un Etat européen comme le nôtre deviendra un facteur commercial déterminant pour les armateurs et cela ira dans le sens de ce que vous et moi souhaitons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.
(L'article 1er est adopté.)
Peuvent être immatriculés au registre international français les navires armés au commerce au long cours ou au cabotage international et les navires armés à la plaisance de plus de 24 mètres hors tout.
Un décret détermine le port d'immatriculation et, dans le cadre d'un guichet unique, les modalités administratives conjointes de francisation et d'immatriculation des navires au registre international français.
Sont exclus du bénéfice du présent article :
- les navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières intracommunautaires ;
- les navires exploités exclusivement au cabotage national ;
- les navires d'assistance portuaire, notamment ceux affectés au remorquage portuaire, au dragage d'entretien, au lamanage, au pilotage et au balisage ;
- les navires de pêche professionnelle.
M. le président. L'amendement n° 1 rectifié bis, présenté par MM. Oudin, Alduy, Doublet, Gérard, Lanier, Le Grand, Natali et Reux et Mme Brisepierre, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa de cet article, après les mots : "les navires", insérer les mots : "d'une jauge brute inférieure à 500". »
La parole est à M. Victor Reux.
M. Victor Reux. La rédaction actuelle de l'article 2 conduit à exclure des navires consacrés exclusivement au cabotage national, alors que ces navires sont actuellement immatriculés au registre TAAF.
Le maintien de l'article en l'état conduirait, sans réel motif, à une restriction du champ d'application par rapport à la situation actuelle. A tout le moins faudrait-il limiter cette restriction aux navires d'une jauge brute inférieure à 500.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il n'a jamais été dans mon intention de priver les navires inscrits au registre TAAF du bénéfice du RIF, puisqu'ils disposent de deux ans pour s'immatriculer au RIF et qu'au terme de ce délai l'immatriculation sera automatique.
En tout état de cause, je ne vais pas répéter ce que j'ai dit à la tribune, mais je comprends votre argument. C'est la raison pour laquelle je m'en remets à la sagesse du Sénat.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Sagesse !
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, pour explication de vote.
M. Gérard Le Cam. Il s'agit là du premier dérapage. Le cabotage national était exclu du RIF s'agissant du transport des passagers. Aujourd'hui déjà, alors que nous n'en sommes qu'au stade du débat, on assiste à cette libéralisation dans le cadre du cabotage national. Il n'est donc plus besoin d'être communautaire ! Il suffira qu'une ligne fasse un petit détour dans un pays non communautaire pour que le navire ait accès au RIF.
Voilà pourquoi des milliers de marins manifestent aujourd'hui.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
Les navires immatriculés au registre international français sont soumis à l'ensemble des règles de sécurité et de sûreté maritimes, de formation des navigants et de protection de l'environnement applicables en vertu de la loi française, de la réglementation communautaire et des engagements internationaux de la France. - (Adopté.)
Section II
Obligations de l'employeur
A bord des navires immatriculés au registre international français, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance, garants de la sécurité du navire, de son équipage et de la protection de l'environnement ainsi que de la sûreté, sont français.
M. le président. L'amendement n° 4, présenté par MM. Reux et Oudin, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par les mots : "de même que l'officier en chef mécanicien". »
La parole est à M. Victor Reux.
M. Victor Reux. L'obligation d'emploi national pour l'état-major navigant nous semble un peu trop restreinte dans la proposition de loi qui nous est soumise.
Sur un navire, les officiers ayant en charge la marche de celui-ci doivent former une équipe soudée par le même engagement à l'égard de l'armateur, du pavillon et du personnel navigant sous leurs ordres.
Le chef mécanicien est un élément essentiel de cette équipe.
En cas de défaillance de l'un de ces trois officiers ou en cas de situation périlleuse en mer, l'homogénéité des deux autres est une garantie de solidarité et de fiabilité susceptible de limiter les risques pour le navire et son équipage.
C'est pourquoi l'obligation d'emploi national pourrait être étendue au chef mécanicien.
Cet amendement n'est d'ailleurs en rien incompatible avec les propos pertinents de notre excellent rapporteur et du président de la commission des affaires économiques sur la sécurité en mer concernant ce projet réaliste et ambitieux.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. J'ai indiqué la raison pour laquelle il me paraissait impossible d'aller au-delà de l'obligation minimale d'emploi national du commandant et de son substitué : on tomberait sous le coup de la jurisprudence de la Cour de Luxembourg du 3 septembre 2003, et cela fragiliserait notre texte.
Je vous demande donc, mon cher collègue, de bien vouloir accepter de rectifier votre amendement en insérant, après les mots : « chargé de sa suppléance », les mots : « qui peut être l'officier en chef mécanicien ».
Le substitué pourra donc être le chef mécanicien.
M. le président. Monsieur Reux, acceptez-vous de rectifier votre amendement comme vous le propose la commission ?
M. Victor Reux. Je suis parfaitement conscient des exigences européennes et du fait que l'obligation relative à la nationalité retenue dans le texte constitue un minimum et n'empêche pas l'armateur d'aller au-delà.
Je veux simplement signaler que l'esprit de corps aux machines a fait ses preuves et qu'il me semble logique de le favoriser, car il est propice au maintien de la responsabilité et de la cohésion au sein de la hiérarchie sur un navire.
Cela étant, je suis entièrement d'accord pour rectifier cet amendement dans le sens que propose M. le rapporteur.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 4 rectifié, présenté par MM. Reux et Oudin, et qui est ainsi libellé :
« Après les mots : "chargé de sa suppléance", insérer les mots : "qui peut être l'officier en chef mécanicien,". »
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement fait siennes les observations de M. de Richemont et émet un avis tout à fait favorable sur l'amendement n° 4 rectifié.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.
(L'article 4 est adopté.)
Chaque armateur et chaque entreprise de travail maritime implantée sur le territoire national assurent la formation embarquée nécessaire au renouvellement des effectifs affectés aux fonctions visées à l'article 4. - (Adopté.)
Section III
Dispositions fiscales applicables aux navigants
Article 6
Le II de l'article 81 A. du code général des impôts est complété par un c) ainsi rédigé :
c) navigation à bord de navires immatriculés au registre international français. - (Adopté.)
Section IV
Entreprises de travail maritime
Article 7
Est entreprise de travail maritime, toute personne physique ou morale dont l'activité est de mettre à disposition d'un armateur des navigants qu'elle embauche et rémunère à cet effet en fonction de leur qualification. - (Adopté.)
Article 8
Le contrat de mise à disposition ne peut être conclu qu'avec une entreprise de travail maritime agréée par les autorités de l'Etat où elle est établie. Cette entreprise doit s'engager à respecter les dispositions de la convention n° 179 de l'Organisation internationale du travail sur le recrutement et le placement des gens de mer. - (Adopté.)
Les entreprises de travail maritime établies en France n'exercent leur activité qu'après déclaration faite à l'autorité administrative compétente et agrément de celle-ci. Elles justifient d'une garantie financière suffisante permettant de couvrir les salaires, les frais de rapatriement, les contributions sociales et les assurances qu'elles sont tenues de souscrire.
Le défaut de déclaration préalable ou l'exercice sans agrément de l'activité d'entreprise de travail maritime sont punis d'une amende de 3 750 euros et, en cas de récidive, d'une amende de 7 500 euros.
M. le président. L'amendement n° 5, présenté par MM. Reux et Oudin, est ainsi libellé :
« Dans le second alinéa de cet article, remplacer le montant : "3 750 euros" par le montant : "15 000 euros". »
La parole est à M. Victor Reux.
M. Victor Reux. Les sanctions ne paraissent pas suffisamment dissuasives dans leurs montants à l'égard tant des armateurs que de leurs éventuels vis-à-vis que sont les entreprises de travail maritime pourvoyeuses de navigants qui pourraient être tentés de tirer profit des nouvelles dispositions de ce texte.
Si nous voulons présenter un registre de pavillon sérieux, qui ne soit pas un simple plagiat de ce que l'on appelle les pavillons de complaisance, il faut que la sanction prévue mette un frein aux ambitions de ceux qui pratiquent le dumping social ou qui seraient tentés d'y recourir.
La qualité des recrutements doit permettre de conforter le volet social de ce texte. Tel est l'objet du relèvement proposé du montant des sanctions.
En fait, cet amendement vise à garantir davantage la protection des navigants.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
TITRE II
DU STATUT DES NAVIGANTS
Section I
Dispositions relatives au droit du travail
Au sens de la présente loi est navigant toute personne affectée à la marche, à la conduite, à l'entretien du navire et à son exploitation.
Ne sont pas considérés comme navigants, au sens de la présente loi, les travailleurs indépendants et les salariés sans lien direct avec l'exploitation du navire, qui bénéficient toutefois des dispositions relatives au rapatriement et au bien-être en mer et dans les ports.
Les navigants employés à bord des navires immatriculés au registre international français sont engagés par l'armateur ou mis à sa disposition par une entreprise de travail maritime.
Les personnes employées à bord des navires immatriculés au registre international français ne peuvent être âgées de moins de dix-huit ans, ou seize ans dans le cadre d'une formation professionnelle selon des modalités déterminées par décret.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, sur l'article.
M. Gérard Le Cam. Cette proposition de loi constitue un véritable projet de réforme sociale concernant la gestion des équipages à bord des navires qui seront immatriculés au RIF.
Les promoteurs de cette réforme semblent considérer le social à la fois comme un obstacle à la compétitivité de la flotte française et comme la cause du chômage !
Ainsi, monsieur le rapporteur, vous nous expliquez que les rigidités dans l'organisation du travail et les rigidités salariales constitueraient le principal obstacle au développement du pavillon français. Selon vous, « la contrainte tue, la souplesse fait progresser », et « ce n'est pas le marin français qui est cher, mais le poste de marin français ».
Autrement dit, nous constatons une fois de plus que la compétitivité est envisagée uniquement sous l'aspect des coûts. Comme d'habitude, on veut nous donner à entendre que les rigidités et les contraintes ressortissent toujours au social. Il s'agit en fait de remettre indirectement en question les formes de protection sociale, par un alignement par le bas.
Ainsi, cette proposition de loi, en légalisant les sociétés de management, vise à organiser le marchandage international sous pavillon français ! Sous le nouveau pavillon, la loi française ne s'appliquera plus à bord, puisque la liberté de choix est laissée aux contractants.
Les pratiques de discrimination entre nationalités sont ainsi banalisées, en même temps que le principe : à travail égal, salaire égal, est bafoué !
Les seules limites désormais fixées à la déréglementation sociale seront les normes internationales. Autant dire que la protection sera réduite au minimum. Par voie de conséquence, ce sont aussi toutes les normes de sécurité qui seront affaiblies.
Comment ne pas rappeler que l'abandon de l'organisation du transport maritime aux règles du marché mondial participe de la logique du laisser-faire, qui contribue inexorablement à accroître la probabilité d'accidents dont on connaît par expérience, hélas, la gravité ? Cette proposition de loi constitue une étape supplémentaire dans ce processus d'abandon.
Dans un espace maritime fortement déréglementé, les pratiques de dumping social, de réduction drastique des coûts, de contournement des règles internationales sont courantes, pour ne pas dire habituelles. C'est ce processus de déréglementation qui contribue à accroître l'insécurité sur les mers.
Rappelons que, en 1999, l'Erika souillait d'une marée noire d'une quarantaine de milliers de tonnes de fioul le littoral de la Manche et de l'Atlantique et que, en 2002, le Ievoli Sun, aux cuves pleines de produits chimiques toxiques, dont 4 000 tonnes de styrène, menaçait les rivages du Cotentin. Aujourd'hui, un an après son naufrage, le Prestige, dont la cargaison a souillé notre littoral, continue de polluer les côtes ibériques !
M. Dominique Braye. Et l'Amoco Cadiz ?
M. Gérard Le Cam. Ces catastrophes aux conséquences désastreuses sur les plans tant écologique qu'économique et humain témoignent, si cela était encore nécessaire, qu'une politique plus soucieuse de l'environnement et des hommes doit tendre à renforcer les normes de sécurité.
Je suis convaincu que les conditions de travail, au premier rang desquelles les exigences en matière de formation et de qualification, influent sur la probabilité des accidents.
La mise en oeuvre de la proposition de loi contribuera au contraire à dégrader la condition sociale des marins en soumettant la gestion de la main-d'oeuvre à bord des navires immatriculés au RIF aux seules règles du marché international et au bon plaisir des sociétés de marchandage, ce que nous ne pouvons accepter.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. J'ai écouté avec grand intérêt M. Le Cam,...
M. Dominique Braye. Vous êtes bien le seul, monsieur le rapporteur !
M. Henri de Richemont, rapporteur. ... auquel je crois avoir déjà répondu.
Cela étant dit, je voudrais revenir sur l'amendement n° 5, qui vient d'être adopté à l'article 9. Cet amendement doit être rectifié, puisqu'il ne prévoit pas le relèvement du montant des amendes visées en cas de récidive.
En conséquence, on se trouve dans une situation quelque peu cocasse, où la récidive serait punie moins sévèrement que l'infraction initiale. Par souci de cohérence, monsieur le président, je souhaiterais donc que l'on prévoie que, en cas de récidive, le montant de l'amende sera de 20 000 euros, puisqu'il est de 15 000 euros en cas de première infraction. Sinon, ce serait la première fois dans notre droit que l'infraction initiale serait sanctionnée plus lourdement que la récidive.
M. le président. L'amendement n° 5 et l'article 9 ayant été votés, il conviendra de procéder à une seconde délibération pour rectifier le texte dans le sens que vous souhaitez, monsieur le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je vous remercie, monsieur le président. Je me suis aperçu à l'instant de cette lacune.
M. le président. Je rends hommage à votre vigilance, monsieur le rapporteur.
Je mets aux voix l'article 10.
(L'article 10 est adopté.)
Les contrats d'engagement et le régime de protection sociale des navigants résidant hors de France sont soumis à la loi choisie par les parties, sous réserve des dispositions de la présente loi et sans préjudice de dispositions plus favorables des conventions collectives applicables aux non résidents, dans le respect des engagements internationaux et communautaires de la France. - (Adopté.)
Article 12
Les conditions d'engagement, d'emploi, de travail et de vie à bord d'un navire immatriculé au registre international français ne peuvent être moins favorables que celles résultant des conventions de l'Organisation internationale du travail ratifiées par la France.
Les rémunérations à bord d'un navire immatriculé au registre international français ne peuvent être inférieures aux montants approuvés par le conseil d'administration du Bureau international du travail sur avis de la commission paritaire maritime de l'Organisation internationale du travail. Un arrêté du ministre chargé de la marine marchande rend applicables les rémunérations minimales ainsi établies. - (Adopté.)
Article 13
Avant la mise à disposition de tout navigant, un contrat écrit est conclu entre l'armateur et l'entreprise de travail maritime. Ce contrat, qui respecte les dispositions de la présente loi, mentionne :
- les conditions générales d'engagement, d'emploi, de travail, et de vie à bord du navire ;
- les bases de calcul des rémunérations des navigants dans leurs différentes composantes ;
- les conditions de la protection sociale prévues aux articles 24 et 25 et le ou les organismes gérant les risques mentionnés à ces articles.
Une copie du contrat de mise à disposition se trouve à bord du navire, à l'exclusion des dispositions qui intéressent la relation commerciale entre l'entreprise de travail maritime et l'armateur. - (Adopté.)
Article 14
I. Le contrat d'engagement conclu entre l'entreprise de travail maritime et chacun des navigants mis à disposition de l'armateur précise :
- la raison sociale de l'employeur ;
- la durée du contrat ;
- l'emploi occupé à bord, la qualification professionnelle exigée et, le cas échéant, le nom du navire, le numéro d'identification internationale, le port et la date d'embarquement ;
- le montant de la rémunération du navigant avec ses différentes composantes ;
- les conditions de la protection sociale prévues aux articles 24 et 25 et le ou les organismes gérant les risques mentionnés à ces articles.
II. Le contrat d'engagement conclu entre l'armateur et le navigant comporte les mentions figurant au I. du présent article.
III. Un exemplaire écrit du contrat d'engagement, visé par l'autorité maritime compétente, conformément à l'article 3 de la convention n° 22 de l'Organisation internationale du travail, est remis au navigant qui le conserve à bord pendant la durée de l'embarquement. Une copie de ce document est remise au capitaine. - (Adopté.)
Article 15
Le travail des navigants est organisé sur la base de 8 heures par jour, 48 heures par semaine et 208 heures par mois. Pour des raisons d'exploitation, il peut être organisé sur une autre base journalière, dans la limite de 12 heures, dans des conditions fixées par accords collectifs.
Les durées minimales de repos sont déterminées dans les conditions suivantes :
- les durées de repos ne peuvent être inférieures à 10 heures par période de 24 heures et 77 heures par période de 7 jours ;
- le repos quotidien peut être fractionné en deux périodes sous réserve qu'une d'entre elles ne soit pas inférieure à 6 heures et que l'intervalle entre deux périodes consécutives n'excède pas 14 heures.
Chaque heure de travail effectuée au-delà de 48 heures hebdomadaires est une heure supplémentaire majorée d'au moins 25 %.
Les parties au contrat d'engagement conviennent que chaque heure supplémentaire fait l'objet d'un repos équivalent ou d'une rémunération.
Un mode forfaitaire de rémunération du travail supplémentaire peut être convenu par accord collectif.
Un tableau affiché à un endroit accessible précise l'organisation du travail et indique, pour chaque fonction, le programme du service à la mer et au port. Il est établi selon un modèle normalisé rédigé en langue française et anglaise. - (Adopté.)
Article 16
La durée des congés payés des navigants est de 3 jours par mois de travail effectif.
Le navigant a droit à une journée de repos hebdomadaire.
Lorsqu'un jour férié coïncide avec la journée de repos hebdomadaire, le repos hebdomadaire est réputé acquis.
Lorsque le navigant n'a pas, pour des motifs liés à l'exploitation du navire, bénéficié de son repos hebdomadaire, les parties au contrat d'engagement conviennent que ce repos est reporté à l'issue de l'embarquement ou rémunéré en heures supplémentaires.
Le nombre de jours fériés auquel a droit le navigant est fixé par le contrat d'engagement.
Les jours fériés sont choisis parmi les jours de fêtes légales des pays dont les navigants sont ressortissants.
Les parties au contrat d'engagement conviennent que chaque jour férié travaillé fait l'objet d'un repos équivalent ou d'une rémunération.
Un registre, conforme aux conventions internationales, tenu à jour à bord du navire, précise les heures quotidiennes de travail et de repos des navigants. - (Adopté.)
Article 17
Durant la première période d'emploi du navigant auprès d'un armateur, les trois premiers mois de service sont considérés comme une période d'essai. Au cours de cette période les parties peuvent, avant l'échéance prévue, rompre le contrat d'engagement ou interrompre la mise à disposition.
La durée maximale d'embarquement est de 6 mois. Elle peut être portée à 9 mois dans le cadre d'un accord collectif et, dans les deux cas, prolongée ou réduite d'un mois au plus pour des motifs liés à l'exploitation du navire. - (Adopté.)
Article 18
Le contrat d'engagement ou la mise à disposition prennent fin :
a) à l'échéance prévue ;
b) par décision de l'armateur ou du navigant en cas de débarquement du navigant pour maladie ou blessure ;
c) par décision de l'armateur ou du navigant en cas de perte totale de navigabilité ou de désarmement du navire ;
d) par décision du navigant si le navire fait route vers une zone de guerre ;
e) par décision motivée et notifiée de l'armateur en cas de faute grave ou lourde du navigant, ou pour un motif réel et sérieux.
Le délai de préavis réciproque en cas de rupture du contrat d'engagement est d'un mois. Il n'est pas dû en cas de perte totale de navigabilité, de désarmement du navire, de faute grave ou lourde ou lorsque le navire fait route vers une zone de guerre.
Les indemnités pour rupture du contrat d'engagement ne peuvent être inférieures à deux mois de salaire. Elles ne sont pas dues au navigant lorsque la rupture ou l'interruption résulte de sa décision ou en cas de faute grave ou lourde, et durant la période d'essai. - (Adopté.)
Le navigant dont le contrat d'engagement ou la mise à disposition est interrompu est rapatrié aux frais de l'armateur, à l'exception des cas de rupture du contrat d'engagement à l'initiative du navigant ou de faute grave ou lourde.
Lors du rapatriement, le navigant choisit la destination entre :
- le lieu d'engagement ;
- le lieu stipulé par convention collective ;
- son lieu de résidence ;
- le lieu mentionné par le contrat ;
- tout autre lieu convenu par les parties.
M. le président. L'amendement n° 10 rectifié, présenté par MM. de Rohan, de Richemont, Gélard, Texier, Braye, Oudin et Lanier, est ainsi libellé :
« Dans le premier alinéa de cet article, après les mots : "aux frais de l'armateur" insérer les mots : "ou de l'entreprise de travail maritime". »
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Il s'agit ici de prévoir que le navigant dont le contrat d'engagement ou la mise à disposition est interrompu sera rapatrié soit par l'armateur, soit par l'entreprise de travail maritime, dans les conditions prévues par le contrat de mise à disposition.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit en fait d'un amendement de cohérence. En effet, l'article 20 prévoit que l'armateur doit assumer les frais de rapatriement en cas de défaillance de l'entreprise de travail maritime, ce qui signifie que de tels frais peuvent être mis à la charge de celle-ci.
L'amendement n° 10 rectifié vise donc à mettre en cohérence les dispositions de l'article 19 avec celles de l'article 20.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 10 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 19, modifié.
(L'article 19 est adopté.)
En cas de défaillance de l'entreprise de travail maritime, l'armateur est substitué à celle-ci pour le rapatriement et le paiement des sommes qui sont ou restent dues aux organismes d'assurance sociale et au navigant. L'armateur peut contracter une assurance ou justifier de toute autre forme de garantie financière de nature à couvrir ce risque de défaillance.
Pendant la mise à disposition du navigant, l'armateur est responsable des conditions de travail et de vie à bord. - (Adopté.)
Article 21
Une liste du personnel présent à bord, tenue à jour sur le navire par le capitaine, est à la disposition des autorités compétentes. - (Adopté.)
Section II
Dispositions relatives au droit syndical
Article 22
I. Tout navigant, quels que soient son sexe, son âge ou sa nationalité, peut adhérer librement au syndicat professionnel de son choix.
II. La grève ne rompt pas le contrat d'engagement, sauf faute lourde imputable au navigant. Son exercice ne saurait donner lieu à des mesures discriminatoires en matière de rémunération ou d'avantages sociaux. - (Adopté.)
I. Des conventions ou accords collectifs, qui peuvent être étendus, précisent notamment les conditions d'emploi, de travail, de formation et de vie à bord, et les garanties sociales applicables aux navigants employés sur les navires immatriculés au registre international français.
Les conventions ou accords collectifs applicables aux navigants résidant hors de France peuvent être soumis à la loi dont relève le contrat d'engagement du navigant.
II. Sur chaque navire, un représentant de bord au moins peut être désigné pour la durée de l'embarquement. Il a pour mission de présenter au capitaine les réclamations individuelles ou collectives non contractuelles relatives aux conditions de travail et de vie à bord et de saisir l'inspection du travail maritime des plaintes et observations relatives à l'application des dispositions dont elle est chargée d'assurer le contrôle.
Les navigants présentent eux-mêmes, s'ils le souhaitent, leurs observations au capitaine ou à l'armateur.
M. le président. L'amendement n° 2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le second alinéa du I de cet article, remplacer les mots : "soumis à" par les mots : "celles ou ceux applicables en vertu de". »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 23, modifié.
(L'article 23 est adopté.)
Section III
Dispositions relatives à la protection sociale
Les navigants résidant dans l'un des Etats de l'Union européenne ou ressortissants de l'Espace économique européen ou d'un Etat lié à la France par une convention bilatérale de sécurité sociale bénéficient d'une couverture sociale dans les conditions prévues par les règlements communautaires ou la convention bilatérale qui leur sont applicables.
Ceux qui résident en France relèvent du régime spécial de sécurité sociale des marins visé à l'article L. 711-1 du code de la sécurité sociale.
M. le président. L'amendement n° 7 rectifié, présenté par MM. de Rohan, de Richemont, Oudin, Gélard, Texier, Braye et Lanier, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Les navigants résidant en France et embarqués avant le 31 mars 1999 sur des navires battant pavillon étranger peuvent, sur leur demande, dès lors qu'ils sont employés à bord d'un navire relevant de la présente loi, continuer à bénéficier des assurances sociales auxquelles ils ont auparavant souscrit. Ces assurances devront garantir aux navigants les risques énumérés au III de l'article 25. »
La parole est M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Cet amendement se justifie par son texte même.
Il s'agit de permettre aux marins qui auraient embarqué avant le 31 mars 1999 sur des navires battant pavillon étranger de continuer à bénéficier, sur leur demande, dès lorsqu'ils travaillent à bord d'un navire relevant du présent texte, des assurances sociales auxquelles ils ont auparavant souscrit.
Cette disposition est marquée par le souci d'améliorer la condition sociale des marins concernés, puisqu'on leur ouvre la faculté de conserver les conditions de protection sociale auxquelles ils étaient soumis précédemment.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 24, modifié.
(L'article 24 est adopté.)
I. Les navigants qui ne résident pas dans l'un des Etats de l'Union européenne, ou qui ne sont pas ressortissants de l'Espace économique européen ou d'un Etat lié à la France par une convention bilatérale de sécurité sociale, sont assurés contre les risques de maladie, d'accident du travail, de maternité, d'invalidité et de vieillesse.
II. Cette protection sociale, à laquelle l'employeur contribue, ne peut être moins favorable que celle résultant des conventions de l'Organisation internationale du travail applicables aux navigants.
III. Pour l'application des I et II du présent article, la protection sociale comprend :
- en cas de maladie ou d'accident survenu au service du navire, la prise en charge intégrale des frais médicaux, d'hospitalisation et de rapatriement, ainsi qu'en cas de maladie, la compensation du salaire de base dans la limite de 120 jours et, en cas d'accident, la compensation du salaire de base jusqu'à la guérison ou jusqu'à l'intervention d'une décision médicale concernant l'incapacité permanente ;
- en cas de décès consécutif à une maladie ou à un accident survenu au service du navire, le versement d'une indemnité de 60.000 EUR au conjoint du marin ou, à défaut, à ses ayant droits et le versement d'une indemnité de 15.000 EUR à chaque enfant à charge, âgé de moins de 21 ans, dans la limite de 3 enfants ;
- en cas de maternité de la femme navigante, la prise en charge des frais médicaux et d'hospitalisation correspondants, et la compensation de son salaire de base pendant une durée de deux mois ;
- en cas d'incapacité permanente consécutive à une maladie ou à un accident survenu au service du navire, le versement d'une rente viagère ou d'une indemnité proportionnelle à cette incapacité définies dans le contrat d'engagement ;
- la concession d'une pension de vieillesse dont le niveau, pour chaque année de service à la mer, n'est pas inférieur, pour une cessation d'activité à partir de l'âge de 55 ans, à 1,5 % de la rémunération brute perçue par le marin ou, si la cessation a lieu à partir de l'âge de 60 ans, à 2 % de cette rémunération. - (Adopté.)
Section IV
Dispositions relatives aux contrôles et sanctions
Article 26
Les fonctionnaires et agents visés à l'alinéa 2 de l'article L. 742-1 du code du travail assurent l'inspection du travail maritime sur les navires immatriculés au registre international français.
Ils contrôlent les conditions d'engagement, d'emploi, de travail, de protection sociale et de vie à bord et constatent les infractions à la présente loi et aux textes pris pour son application.
Ils interviennent dans les conditions fixées par le décret visé à l'alinéa 2 de l'article L. 742-1 du code du travail. - (Adopté.)
Est puni d'une amende de 3 750 euros et, en cas de récidive, d'une amende de 7 500 euros tout armateur ou tout entrepreneur qui a recours à un navigant sans avoir conclu un contrat, dans les conditions prévues aux articles 6 ou 7 de la présente loi.
Est puni d'une amende de 3 750 euros et, en cas de récidive, d'une amende de 7 500 euros pour chaque infraction constatée, tout armateur qui ne se conforme pas aux prescriptions relatives à la législation sur le travail et le bien être à bord des navires et aux dispositions prises pour leur application.
Constitue une récidive le fait, pour tout contrevenant, d'avoir subi dans les douze mois qui précèdent, une condamnation pour des faits réprimés par le présent article.
Les personnes morales peuvent être déclarées pénalement responsables, dans les conditions prévues par l'article 121.2 du code pénal, des infractions au présent article.
M. le président. L'amendement n° 6, présenté par MM. Reux et Oudin, est ainsi libellé :
« Dans les premier et deuxième alinéas de cet article, remplacer le montant : "3 750 euros" par le montant : "7 500 euros" et le montant : "7 500 euros" par le montant : "15 000 euros". »
La parole est à M. Victor Reux.
M. Victor Reux. Il s'agit d'un amendement de cohérence. L'objet est le même que celui de l'amendement que j'ai présenté à l'article 9 : relever le montant des amendes pour les rendre suffisamment dissuasives.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable. Le cas de la récidive est ici visé, il n'y a donc aucun problème !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 27, modifié.
(L'article 27 est adopté.)
La loi du 17 décembre 1926 modifiée portant code disciplinaire et pénal de la marine marchande est applicable à toute personne embarquée à bord d'un navire immatriculé au registre international français ainsi qu'à l'armateur ou son représentant. - (Adopté.)
TITRE III
Dispositions diverses
En cas de litige né d'un contrat d'engagement conclu dans les conditions de la présente loi :
- l'action de l'employeur ne peut être portée que devant les tribunaux de l'État sur le territoire duquel le navigant a son domicile ;
- l'employeur peut être attrait devant les tribunaux français, devant ceux de l'État où il a son domicile, ou devant le tribunal du lieu où se trouve ou se trouvait l'établissement qui a embauché le navigant.
En France, ces litiges sont portés devant le tribunal d'instance compétent après tentative de conciliation devant l'autorité maritime compétente, à l'exception des litiges opposant l'armateur au capitaine qui sont portés devant le tribunal de commerce.
Il ne peut être dérogé aux dispositions du présent article que par des conventions attributives de juridiction postérieures à la naissance du différend qui permettent aux parties de saisir d'autres tribunaux que ceux visés au présent article.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam, sur l'article.
M. Gérard Le Cam. Le titre III traite notamment des casinos flottants.
On peut penser ce que l'on veut des casinos ; ils ont le mérite de prendre de l'argent à ceux qui en ont, mais aussi, malheureusement, à ceux qui n'ont guère de moyens et sont attirés par le mirage du gain. Cela étant, nous craignons pour notre part que les casinos flottants ne servent au « blanchiment » de l'argent mafieux, issu notamment du trafic de drogue.
J'aimerais connaître votre position sur ce point, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Braye. C'est aussi comme cela que l'on recycle le produit de la vente du muguet !
M. Gérard Le Cam. Nous vous décernons le titre de plus grand anticommuniste de France, monsieur Braye !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Notre flotte de croisière a été jusqu'à présent handicapée par le fait que les navires français ne peuvent accueillir de casino.
En effet, certaines personnes, en particulier les personnes âgées, sont attirées par ce type de divertissement, et leur choix se porte donc sur des compagnies de croisières étrangères. Nous sommes loin, en l'occurrence, des réseaux mafieux, monsieur Le Cam.
Par conséquent, si nous voulons développer l'emploi dans ce secteur et favoriser les escales dans nos régions ultramarines, où l'on compte beaucoup sur les casinos de croisière, ainsi d'ailleurs qu'à Marseille, à La Rochelle ou à Bordeaux, il est nécessaire de prendre les dispositions adéquates.
C'est la raison pour laquelle le ministre chargé de la mer, après concertation avec M. le rapporteur, a convaincu le ministère de l'intérieur, très longtemps réticent, d'autoriser l'installation de casinos dans les navires de croisière.
M. le président. L'amendement n° 13, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Après les mots : "postérieures à la naissance du différend", rédiger comme suit la fin du dernier alinéa de cet article : ", ou qui permettent au navigant de saisir d'autres tribunaux que ceux indiqués dans le présent article". »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Cet amendement vise à corriger la rédaction de l'article 29, afin de la rendre conforme à l'article 21 du règlement européen 44-2001 du 22 décembre 2000 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l'exécution des décisions en matière civile et commerciale.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
Je voudrais rappeler à M. Le Cam, qui est comme moi très soucieux de l'avenir des Chantiers de l'Atlantique, que ceux-ci ont pour spécialité la construction de navires de croisière, la quasi-totalité d'entre eux étant immatriculés sous pavillons de complaisance.
Or il m'a été indiqué, lors d'une visite aux Chantiers de l'Atlantique, que cette entreprise perd des contrats, parce que l'impossibilité d'installer un casino à bord des navires battant pavillon français ne permet pas de « vendre » ce pavillon à des armateurs qui, pourtant, seraient intéressés. Non seulement ces derniers renoncent alors à faire immatriculer leur navire en France, mais ils le font construire ailleurs.
Il me paraît donc important d'aider les Chantiers de l'Atlantique, ce que permettent les dispositions présentées.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 13.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 29, modifié.
(L'article 29 est adopté.)
La loi du 15 juin 1907 modifiée réglementant les jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques, est ainsi modifiée :
I. L'intitulé de la loi du 15 juin 1907 est ainsi rédigé :
« loi du 15 juin 1907 réglementant les jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques et dans les casinos installés à bord des navires immatriculés au registre international français »
II. Après l'article 1er, il est inséré un article 1-1 ainsi rédigé :
« Art. 1-1. - Par dérogation aux dispositions de l'article 1er de la loi n° 83-628 du 12 juillet 1983 précitée, il peut être accordé aux casinos installés à bord des navires de commerce transporteurs de passagers n'assurant pas de lignes régulières et immatriculés au registre international français et pour des croisières de plus de 48 heures, l'autorisation temporaire d'ouvrir au public des locaux séparés où sont pratiqués certains jeux de hasard sous les conditions fixées dans les articles suivants.
« L'accès à ces locaux est limité aux passagers majeurs titulaires d'un titre de croisière ; les jeux de hasard ne sont ouverts que dans les eaux internationales. »
Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.
III. Après l'article 2, il est inséré un article 2-1 ainsi rédigé : « Art. 2-1. - L'autorisation d'exploiter les jeux de hasard dans les casinos visés à l'article 1-1 est accordée par arrêté du ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales à une personne morale qualifiée en matière d'exploitation de jeux de hasard ayant passé une convention avec l'armateur conforme à la convention type approuvée par décret en Conseil d'Etat.
« L'arrêté fixe la durée de l'autorisation. Il détermine la nature des jeux de hasard autorisés, leur fonctionnement, les missions de surveillance et de contrôle, les conditions d'admission dans les salles de jeux et leurs horaires d'ouverture et de fermeture.
« L'autorisation peut être révoquée par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, en cas d'inobservation des clauses de l'arrêté ou de la convention passée avec l'armateur.
« Dans l'enceinte du casino, le capitaine et l'officier chargé de sa suppléance sont garants du bon ordre, de la sûreté et de la sécurité publique. »
Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article.
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Il s'agit de permettre au ministère de l'intérieur de donner des instructions au commandant d'un navire à bord duquel se trouve un casino.
Le commandant n'aura pas de pouvoirs de police propres, mais il pourra être le bras armé des pouvoirs de l'Etat, lequel affiirmera son autorité par son intermédiaire.
M. le président. L'amendement n° 11, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I - Au premier alinéa du texte proposé par le II de cet article pour l'article 1-1 de la loi du 15 juin 1907, après les mots : " d'ouvrir au public des locaux " insérer les mots : " spéciaux, distincts et ".
« II - Au deuxième alinéa du même texte, remplacer les mots : " les jeux de hasard " par les mots : " ces locaux ".
« III - Aux premier et troisième alinéas du texte proposé par le III de cet article pour l'article 2-1 de la loi du 15 juin 1907, remplacer les mots : " ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales " par les mots : " ministre chargé de l'intérieur ".
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Conformément à ce que j'indiquais tout à l'heure à M. Le Cam, les amendements portant sur le II de l'article 30 reprennent des propositions émanant de M. le ministre de l'intérieur. Elles ont pour objet de caler au plus près le dispositif sur la législation concernant les casinos terrestres.
Le III de l'amendement est quant à lui purement rédactionnel.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par MM. de Rohan, de Richemont, Oudin, Gélard, Texier, Braye et Lanier, est ainsi libellé :
« A la fin de l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le III de cet article pour insérer un article 2-1 dans la loi du 15 juin 1907 modifiée réglementant les jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques, remplacer le mot : "publique" par le mot : "publics". »
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Cet amendement vise à rectifier une erreur rédactionnelle en précisant que l'adjectif « publique » s'applique non seulement à la sécurité, mais aussi à la sûreté et à l'ordre, et s'écrit donc « publics ».
M. Philippe François. C'est une faute d'orthographe !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 30, modifié.
(L'article 30 est adopté.)
Il est institué un prélèvement spécial progressif opéré par l'Etat sur le produit brut des jeux des casinos régis par l'article 1-1 de la loi du 15 juin 1907 modifiée réglementant les jeux dans les casinos des stations balnéaires, thermales et climatiques et dans les casinos installés à bord des navires immatriculés au registre international français, dont les tranches du barème, après abattement de 25 %, sont fixées par décret dans les limites minimum et maximum de 10 à 80 % du produit brut des jeux.
M. le président. L'amendement n° 9 rectifié, présenté par MM. de Rohan, de Richemont, Oudin, Gélard, Texier, Braye, Dubrule, Lanier, Trillard, Ginésy et Pintat, et Mme Henneron, est ainsi libellé :
« Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :
« Une fraction de ce prélèvement, égale à 5 % du produit brut des jeux dans les casinos installés à bord des navires immatriculés au registre international français est réversée à la Société nationale de sauvetage en mer. »
La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Cet amendement vise à permettre à la Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, de bénéficier d'une nouvelle ressource, afin qu'elle puisse mieux assumer ses missions.
M. Michel Mercier. C'est bien !
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. A l'heure actuelle, l'Etat perçoit quelque 50 % du produit brut des casinos, 10 % de celui-ci étant versé aux collectivités locales. S'agissant des casinos installés sur des navires de croisière, aucune collectivité locale n'est concernée, et il paraît donc souhaitable d'attribuer une part des recettes à la SNSM, qui joue un rôle tout à fait important et très apprécié.
C'est la raison pour laquelle je soutiens cet amendement, en rendant hommage aux efforts de tous les bénévoles de la SNSM.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je suis tout à fait favorable à cet amendement.
Je tiens à dire devant le Sénat que le Gouvernement a veillé à apporter à la SNSM des subventions sur une base régulière, afin de lui épargner les problèmes de financement et de trésorerie qu'elle a pu connaître les années passées, en particulier très récemment.
Un ancien sénateur, M. Christian Bonnet, également ancien ministre de l'intérieur, conseille d'ailleurs bénévolement l'amiral Gazzano.
Par ailleurs, dans les pays qui nous entourent, les navigateurs de plaisance adhèrent quasi systématiquement à la SNSM. Or cette dernière, malgré les vies humaines qu'elle sauve en permanence sur notre littoral, ne bénéficie pas de cotisations spontanées de la part de nos concitoyens.
La mesure préconisée par cet amendement me paraît extrêmement sage. Ainsi, la SNSM disposera de moyens accrus pour sa flotte et ses équipements. En outre, elle pourra s'installer outre-mer, ce qui est nécessaire.
En effet, nous assistons à un développement de la navigation dans certains territoires ultramarins où la SNSM n'est pas implantée. Je parle sous le contrôle de M. Reux, qui connaît bien ces questions.
Il s'agit donc d'un excellent amendement. (M. Victor Reux applaudit.)
M. Philippe François. Et on ne peut qu'y souscrire !
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 9 rectifié.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 31, modifié.
(L'article 31 est adopté.)
Les navires de commerce immatriculés au registre des Terres australes et antarctiques françaises pourront être immatriculés au registre international français sur simple demande.
Deux ans à compter de la publication de la présente loi, les dispositions de l'article 26 de la loi n° 96-151 du 26 février 1996 relative aux transports, fixant les conditions d'immatriculation au registre des Terres australes et antarctiques françaises ne sont plus applicables aux navires de commerce.
A l'expiration du délai mentionné à l'alinéa précédent, les navires visés au premier alinéa de l'article 2 encore immatriculés au registre des Terres australes et antarctiques françaises, sont immatriculés au registre international français. - (Adopté.)
La perte de recettes résultant de la présente loi est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits prévus par les articles 575 et575 A du code général des impôts.
M. le président. L'amendement n° 3, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Supprimer cet article. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Il s'agit d'un très bel amendement. Quand un ministre est autorisé par son collègue ministre des finances, sous l'autorité du Premier ministre, à lever un gage financier, cela veut dire qu'il y a eu de bons arbitrages sur un texte. Cet amendement vise à lever le gage puisque cette mesure est acceptée sans être gagée par le Gouvernement. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, l'article 33 est supprimé.
Un rapport d'évaluation portant sur la mise en oeuvre de la présente loi au 31 décembre 2006 sera présenté au Parlement dans les six mois suivant cette date. - (Adopté.)
M. le président. Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des articles de la proposition de loi.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. En application de l'article 43, alinéa 4, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande qu'il soit procédé, avant le vote sur l'ensemble, à une seconde délibération sur les articles 2 et 9 de la proposition de loi, et souhaite une brève suspension de séance.
M. le président. En application de l'article 43, alinéa 4, du règlement, le Gouvernement demande qu'il soit procédé à une seconde délibération des articles 2 et 9 de la proposition de loi.
Quel est l'avis de la commission sur cette demande de seconde délibération ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. La commission y est favorable.
M. le président. Je consulte le Sénat sur la demande de seconde délibération.
La seconde délibération est ordonnée.
A la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pendant quelques instants.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures vingt-cinq, est reprise à dix-neuf heures trente.)
M. le président. La séance est reprise.
Nous allons procéder à la seconde délibération.
Je rappelle au Sénat les termes de l'article 43, alinéa 6, du règlement :
« Dans sa seconde délibération, le Sénat statue seulement sur les nouvelles propositions du Gouvernement ou de la commission, présentées sous forme d'amendements et sur les sous-amendements s'appliquant à ces amendements. »
Le Sénat a précédemment adopté l'article 2 dans cette rédaction :
Peuvent être immatriculés au registre international français les navires armés au commerce au long cours ou au cabotage international et les navires armés à la plaisance de plus de 24 mètres hors tout.
Un décret détermine le port d'immatriculation et, dans le cadre d'un guichet unique, les modalités administratives conjointes de francisation et d'immatriculation des navires au registre international français.
Sont exclus du bénéfice du présent article :
- les navires transporteurs de passagers assurant des lignes régulières intracommunautaires ;
- les navires d'une jauge brute inférieure à 500 exploités exclusivement au cabotage national ;
- les navires d'assistance portuaire, notamment ceux affectés au remorquage portuaire, au dragage d'entretien, au lamanage, au pilotage et au balisage ;
- les navires de pêche professionnelle.
M. le président. L'amendement n° A-1, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le cinquième alinéa de cet article, après les mots : "les navires", supprimer les mots : "d'une jauge brute inférieure à 500". »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. A la réflexion, monsieur Reux, l'amendement que vous avez présenté n'est pas nécessaire. Les navires TAAF passent au RIF sans restriction particulière. Par conséquent, votre demande est satisfaite.
C'est la raison pour laquelle le Gouvernement s'est permis, en seconde délibération, de proposer le présent amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° A-1.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.
(L'article 2 est adopté.)
M. le président. Le Sénat a précédemment adopté l'article 9 dans cette rédaction :
Les entreprises de travail maritime établies en France n'exercent leur activité qu'après déclaration faite à l'autorité administrative compétente et agrément de celle-ci. Elles justifient d'une garantie financière suffisante permettant de couvrir les salaires, les frais de rapatriement, les contributions sociales et les assurances qu'elles sont tenues de souscrire.
Le défaut de déclaration préalable ou l'exercice sans agrément de l'activité d'entreprise de travail maritime sont punis d'une amende de 15 000 EUR et, en cas de récidive, d'une amende de 7 500 EUR.
M. le président. L'amendement n° A-2, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le second alinéa de cet article, remplacer le montant : "7 500 EUR" par le montant : "30 000 EUR". »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Nous avions oublié la récidive. Il s'agit simplement, dans cette hypothèse, de porter le montant de l'amende à 30 000 euros.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Henri de Richemont, rapporteur. Favorable.
M. le président. La parole est M. Victor Reux, pour explication de vote.
M. Victor Reux. Je souhaite simplement préciser que, moi aussi, je suis favorable à cet amendement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° A-2.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 9, modifié.
(L'article 9 est adopté.)
M. le président. Nous avons achevé l'examen des articles soumis à la seconde délibération.
M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la parole à M. Michel Sergent, pour explication de vote.
M. Michel Sergent. Je ne referai pas le débat. Je salue l'opiniâtreté de M. le rapporteur. Il nous a dit que nous vivions dans un monde idéal. Mais lui, il rêve quelquefois d'un monde idyllique, où les relations interprofessionnelles seraient transparentes, des armateurs à l'écoute des revendications salariales et professionnelles de leurs équipages, d'un monde sans dumping social, dans lequel la concurrence internationale est saine et loyale. Malheureusement, ce monde n'existe pas. Ce n'est pas en plaçant des sociétés écrans entre les armateurs et les marins que M. de Richemont résoudra le problème.
Le groupe socialiste votera donc contre ce texte et attend du Gouvernement une réelle concertation avec tous les personnels, et avec les intervenants de la marine marchande pour élaborer un texte porteur d'espoir pour l'avenir.
M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam. Moi non plus, je ne referai pas le débat. Cette discussion a mis en évidence la différence entre la conception libérale et la conception sociale, en l'occurrence s'agissant du RIF.
Tout à l'heure, vous nous avez traités d'idéalistes, monsieur le rapporteur. Les communistes, qui sont idéalistes - et c'est une de leurs caractéristiques -, ne sont pas irréalistes. Tout homme a besoin d'idéal pour vivre. Si on ne crée pas cet idéal, on tue beaucoup d'espoirs chez nos concitoyens.
Cette proposition de loi officialise un mode de travail qui serait redoutable s'il était appliqué sur le territoire national.
Aujourd'hui, les entreprises étrangères qui sont implantées dans notre pays doivent, et c'est heureux, appliquer la législation française. Demain, si on élargit ce type de raisonnement, elles ne seront plus obligées de le faire, et les entreprises françaises non plus. C'est particulièrement grave, et cela m'inquiète.
Nous voterons contre cette proposition de loi. Pour autant, nous sommes tous attachés au développement du pavillon national, mais pas dans ce cadre, avec ces équipages, ces conditions sociales et ces niveaux de formation et nous souhaitons beaucoup plus de Français au sein des équipages.
M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon.
M. Pierre Fauchon. Tout à l'heure, sur les travées des membres de l'opposition, il a été beaucoup question d'idéal. Je crois comprendre que l'idéal de M. Le Cam serait une marine marchande française qui ne comporterait que des retraités. C'est parce que je ne souscris pas à cet idéal que je voterai ce texte.
M. le président. La parole est à M. Dominique Braye.
M. Dominique Braye. Je reprends ce que vient de dire M. Fauchon. La gauche a une conception sociale de la marine, qui nous a conduits de la cinquième place mondiale à la vingt-neuvième place. Nous n'avons plus de marine marchande. Voilà le résultat auquel sont parvenus nos collègues de l'opposition en agissant ainsi !
Nos collègues de l'opposition veulent un registre français, mais avec des conditions qui ne permettront d'engager aucun marin, c'est-à-dire un très beau registre, mais sans marin. Nous, ce que nous voulons, c'est un registre certes non idéal - car l'idéal, malheureusement, n'est pas de ce monde - mais qui permettra de redresser la situation de notre marine marchande, ce à quoi M. le rapporteur et M. le secrétaire d'Etat se sont attachés.
Les positions que nous avons prises aujourd'hui honorent le Sénat. En effet, nous verrons bientôt notre marine marchande, nous l'espérons, se redresser. Il s'agit d'un premier pas. Nous nous sommes lancé un vrai défi et nous allons le gagner. En tout cas, nous pouvons tous l'espérer. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. La parole est à M. le rapporteur.
M. Henri de Richemont, rapporteur. Je suis heureux de savoir que mes collègues Michel Sergent et Gérard Le Cam partagent avec moi la notion d'idéal. Je voudrais en particulier rassurer M. Le Cam : le parti communiste n'a pas le monopole de la notion d'idéal, c'est quelque chose que nous avons tous en commun. Mais j'ai un avantage, moi, j'ai lu Jaurès : « Aller à l'idéal et comprendre le réel », disait-il.
C'est à cause du réel que j'ai dû déposer cette proposition de loi. En effet, mon cher collègue, si je ne prenais pas en considération le réel et que je me contentais de l'idéal, il n'y aurait plus un navire sous pavillon français. Je serais fier de mon idéal mais cela ne servirait à rien. Ayant pour objectif de servir mon pays, de développer l'emploi et assurer la sécurité maritime, je suis obligé de suivre Jaurès et de construire le réel.
Par ailleurs, je me félicite de la courtoisie des débats et des échanges que nous avons eus avec les orateurs de l'opposition, MM. Sergent, Foucaud et Le Cam. Nous ne sommes pas complètement d'accord, mais ils ont eu l'amabilité, et je les en remercie encore, de reconnaître que mes intentions étaient bonnes. Ils n'ont pas voulu me suivre jusqu'à ma conclusion, mais ils savent parfaitement bien que, malheureusement, il n'existe pas d'autre solution et que je ne crée rien. En effet, il y a déjà des marins étrangers à bord de nos navires.
Il y avait un vide juridique. Nous légiférons, nous encadrons, nous protégeons, et c'est tant mieux.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie, ainsi que vos collaborateurs, avec lesquels, au cours des six derniers mois, nous avons collaboré et qui m'ont apporté toute l'assistance dont j'avais besoin. C'est un travail d'équipe qui a permis à ce texte d'être équilibré, attractif et social.
Ce texte sera bon pour notre marine, pour l'emploi et pour la France. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Je souhaite à mon tour remercier l'ensemble des sénateurs qui ont participé à ce débat, non seulement, comme le disait Henri de Richemont, pour la courtoisie des échanges, mais aussi pour la qualité des arguments.
Ce débat fait honneur à l'institution parlementaire par la connaissance du dossier des uns et des autres et la qualité des propos et du travail.
Tout cela a été possible parce que Henri de Richemont a fait personnellement un travail tout à fait remarquable, je voulais le souligner à nouveau. C'est l'essence même de la qualité du travail parlementaire qui a été ainsi prouvée.
Je remercie également M. le rapporteur ainsi que celles et ceux, qu'ils soient fonctionnaires du Sénat ou de l'Etat, qui ont travaillé à ses côtés et apporté toutes les inflexions et modifications nécessaires à ce texte.
Cette période, qui va s'achever par le vote, je l'espère, de ce texte, annonce une autre phase, monsieur Le Cam, monsieur Sergent : celle de la concertation. Elle peut durer longtemps. J'ai d'ailleurs demandé à mes collaborateurs de donner un certain nombre d'informations complémentaires, en particulier dans les écoles de la marine marchande.
Nous poursuivrons, au cours des semaines à venir, la concertation et le travail d'explication autour de ce texte.
Quant à l'avenir législatif de ce texte, M. le rapporteur le sait, le Gouvernement a l'intention de le soumettre, dès le mois de janvier, à l'Assemblée nationale.
M. Hubert Haenel. Très bien !
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat. Monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le travail parlementaire se poursuivra donc dans les meilleurs délais afin que le vote du Sénat soit le début d'une nouvelle ère pour notre marine.
Je rappelle que nous avons mis en place, comme l'avait annoncé le Président de la République, la taxation au tonnage. Aujourd'hui, avec l'amorce de la création du RIF par ce premier vote, une nouvelle histoire s'ouvre pour notre marine, comme l'a dit Henri du Richemont.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous aurez sans doute à vous prononcer sur d'autres textes importants. Vous l'avez déjà fait pour la décentralisation des ports, en votant la loi de décentralisation, et j'aurai le plaisir de vous soumettre, dans quelques semaines, un projet de loi pour moderniser les ports autonomes. En effet, quand on parle de la marine, il faut aussi s'intéresser aux ports. Tout cela fait partie de la politique maritime du Gouvernement que je suis chargé de mettre en oeuvre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix les conclusions modifiées du rapport de la commission des affaires économiques et du plan sur la proposition de la loi n° 47.
(La proposition de loi est adoptée.)
DÉCISION DU CONSEIL CONSTITUTIONNEL
M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le président du Conseil constitutionnel, par lettre en date du 11 décembre 2003, le texte de la décision rendue par le Conseil constitutionnel sur la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.
Acte est donné de cette communication.
Cette décision du Conseil constitutionnel sera publiée au Journal officiel, édition des lois et décrets.
COMMUNICATION RELATIVE
À UNE COMMISSION MIXTE PARITAIRE
M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi de finances pour 2004 est parvenue à l'adoption d'un texte commun.
PROJET D'ACCORD D'ENTRAIDE JUDICIAIRE
EN MATIÈRE PÉNALE AVEC L'ISLANDE
ET LA NORVÈGE
Adoption d'une proposition de résolution
(ordre du jour réservé)
M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 87, 2003-2004) de M. Pierre Fauchon, fait au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale, sur sa proposition de résolution (n° 70, 2003-2004) présentée au nom de la délégation pour l'Union européenne, en application de l'article 73 bis du règlement, sur l'autorisation de signer le projet d'accord entre l'Union européenne et la République d'Islande et le Royaume de Norvège sur l'application de certaines dispositions de la Convention de 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale et du protocole de 2001 à celle-ci.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Pierre Fauchon, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, il faut se réjouir de ce que M. le président de la délégation pour l'Union européenne ait demandé la tenue du présent débat.
Ce débat permet en effet d'ouvrir une réflexion approfondie, et en commun avec M. le secrétaire d'Etat, non sur l'opportunité pour l'Union européenne de passer des conventions d'entraide judiciaire avec l'Islande et la Norvège, ce qui en soit n'est pas très problématique, mais sur la question de savoir quelle est la portée véritable d'une telle convention et quels remèdes peuvent être apportés à ce qui nous paraît être sa fragilité.
Cette fragilité en elle-même ne paraît pas douteuse. Elle résulte au fond des incertitudes qui sont inhérentes au texte même de l'article 24 du traité sur l'Union européenne, qui est la base de cette convention.
En effet, cet article ouvre la possibilité pour le Conseil d'autoriser la présidence à ouvrir une négociation avec des tiers dans les conditions suivantes : « Lorsqu'il est nécessaire de conclure un accord avec un ou plusieurs Etats ou organisations internationales en application du présent titre, le Conseil peut autoriser la présidence, assistée, le cas échéant, par la Commission, à engager des négociations à cet effet. De tels accords sont conclus par le Conseil sur recommandation de la présidence. »
Il n'est pas douteux que ce dispositif est applicable dans les matières du troisième pilier. Cependant, ces matières sont, en elles-mêmes, assez mal définies et l'article 24 ne précise pas si les accords sont passés au nom de l'Union ou au nom à la fois de l'Union et des Etats membres, ce qui en ferait des accords mixtes, interprétation adoptée précédemment par notre assemblée et approuvée par un certain nombre de commentateurs européens particulièrement autorisés. Je puis vous le dire pour être allé à Bruxelles interroger les milieux juridiques de la Commission européenne.
C'est sans doute ce flou qui explique la réserve de constitutionnalité expressément visée au paragraphe V de l'article 24 : « Aucun accord ne lie un Etat membre dont le représentant au sein du Conseil déclare qu'il doit se conformer à ses propres règles constitutionnelles ; les autres membres du Conseil peuvent convenir que l'accord est néanmoins applicable à titre provisoire. »
Cependant, comme si cette réserve ne suffisait pas, une déclaration additionnelle précise que : « Tout accord de cette nature n'implique aucun transfert de compétence des Etats membres vers l'Union européenne. » Il n'est pas possible, à la faveur d'accords internationaux, de créer de nouvelles compétences qui ne l'ont pas été au sein même de l'Union.
Je ne crois pas qu'il soit nécessaire, et ce serait une rude épreuve pour tous, y compris pour moi-même, d'explorer dans le détail les problèmes posés par ces textes qui ne précisent pas au nom de qui la convention est passée, ni très clairement quel peut en être l'objet. Ces questions, qui font l'objet de commentaires divergents, débouchent sur une difficulté d'articulation entre un accord conclu par l'Union et les accords bilatéraux existant entre les Etats membres et les Etats tiers.
Ce qui est sûr, et je m'en tiendrai à ce qui me paraît clair et sûr et qui nous suffit à ce stade, c'est que nous sommes en présence d'une méconnaissance politique du droit du Parlement. La France, et elle seule avec la Grèce, n'a pas cru devoir formuler la réserve de constitutionnalité prévue par l'article 24. Etant à l'origine du texte, elle ne pouvait naturellement pas émettre de réserves. C'est en soi fâcheux, mais cela présente surtout l'inconvénient de créer ce que j'appelle une situation de fragilité juridique.
Paraît, en effet, fragile une convention qui a pour objet, en dehors de toute ratification, d'obliger la France à des actions d'entraide dont certaines portent atteinte aux droits fondamentaux des personnes : il en est ainsi - et je m'en tiens aux points principaux - des transmissions d'information pouvant conduire à des actions pénales répressives, du transfèrement temporaire de personnes détenues aux fins d'une instruction, de l'audition de témoins et experts par vidéoconférence, de la création d'équipes communes d'enquêtes, des enquêtes discrètes ou sous couverture, des interceptions de communications - ce qui n'est pas rien - et de la transmission d'informations bancaires.
Dans l'ordre interne, rappelons-le, tout cela n'existe pas sous forme d'obligation. Il n'existe pas réellement d'obligation de mise en commun de telles informations. Certes, il existe Europol et Eurojust, mais il ne s'agit, à travers les actions de ces deux organismes, que d'échanges d'information soumis à la volonté discrétionnaire de leurs détenteurs et sans effet juridique. Si vous interrogez les gens d'Europol ou d'Eurojust, ils vous diront qu'ils ne disposent que des éléments d'information qu'on veut bien leur communiquer et qui, semble-t-il, d'ailleurs, ont plutôt tendance à se raréfier qu'à se développer.
Dès lors, au nom de quoi, l'Union serait-elle autorisée à obliger ses membres à participer à de telles actions à l'égard de tiers, alors qu'ils ne sont pas tenus de le faire entre eux ? Impuissants à organiser d'une manière décisive leur espace juridique et judiciaire interne, les Etats membres ont-ils le droit de traiter avec des tiers comme si une telle organisation était acquise et de créer ainsi, contrairement à l'interprétation dont j'ai parlé, une sorte d'extension de compétence qui n'existe pas clairement, en tout cas dans leur système interne ?
Cependant, il existe au moins deux moyens de remédier à cette fragilité : soit recourir à la clause de régularisation constitutionnelle prévue par l'article 24 - je viens de la lire -, soit interpréter les conventions issues de celui-ci comme engageant, d'une part, l'Union tout entière - d'une manière quelque peu symbolique, il faut l'avouer - et, d'autre part, les Etats membres signataires en vertu d'un mandat tacite dont l'Union serait porteuse, ce qui justifierait du même coup le recours aux procédures de ratification en vigueur dans notre pays et dans chacun des Etats.
Pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, la France s'obstine-t-elle à refuser l'une ou l'autre de ces solutions comme on l'a déjà vu, dans le cas beaucoup plus lourd de conséquences, il faut bien le dire, de la convention passée par les Etats-Unis ? C'est à vous personnellement que nous souhaitions poser cette question et c'est la raison pour laquelle nous avons souhaité avoir ce débat.
Nous croyons savoir que le rejet de telles solutions serait fondé sur l'avis du Conseil d'Etat invoquant des applications antérieures de l'article 24, mais, cette référence vise des domaines purement techniques et très peu comparables à celui dont nous parlons ce soir et qui touche à des questions de fond et de grande portée telles que les droits de l'homme.
Je me garderai bien de m'ériger en censeur du Conseil d'Etat, je suis trop avisé pour cela (Sourires.). Néanmoins, ce n'est pas manquer à la considération qui lui est due que d'observer que son avis ne suffira pas à transformer la fragilité que je viens d'évoquer en une certitude revêtue de la force de la loi.
Nul ne peut garantir que telle juridiction de l'ordre judiciaire saisie d'une difficulté née de l'application de la convention en question considère que les obligations nées de cette convention sont dépourvues de la valeur législative particulièrement nécessaire en matière pénale où le doute doit toujours profiter à la personne inquiétée.
Comme vous le savez, les juridictions de l'ordre judiciaire ne sont pas particulièrement soucieuses de connaître l'opinion du Conseil d'Etat sur les affaires dont elles sont saisies. Certaines juridictions considéreront qu'il y a doute sur la validité de ces engagements. Ce doute ne pouvant profiter qu'à la personne poursuivie ou inquiétée, elles refuseront de statuer. Nous avons en effet affaire à un pouvoir, celui de l'autorité judiciaire, qui, par définition, est autonome.
Le jour où cette difficulté se présentera - et elle ne manquera sûrement pas de se présenter -, il faudra se résoudre à une solution de sagesse et procéder aux régularisations convenables. Ne serait-il pas infiniment préférable de le faire dès maintenant, comme nous y sommes d'ailleurs invités par les Etats-Unis qui, en ce qui les concerne et à l'occasion d'un accord du même type, ont bien compris, semble-t-il, que seule une ratification par chacun des Etats membres garantirait l'efficacité de cette convention. A défaut, ils reviendraient à des accords bilatéraux.
Les Américains qui veulent avoir de l'efficacité se rendent compte que la convention que l'on a passée avec eux risque d'être inopérante. Ils préfèrent donc, par sécurité, passer des conventions particulières avec chacun des Etats membres, ce qui nous ramène à ce que nous avons souhaité.
Au-delà de ce souci de régularisation, permettez-moi de placer ici une réflexion complémentaire qui permettra d'élargir quelque peu le champ de notre réflexion.
Le présent débat permet, en effet, de prendre conscience de la complexité des problèmes posés par le développement de l'espace judiciaire européen et de la difficulté de satisfaire correctement aux exigences de consultation issues de l'article 88-4 de notre Constitution, dont nous comptons ici un éminent spécialiste, en raison, en particulier, du décalage existant inévitablement entre le texte qui sert de base à la consultation et l'évolution ultérieure de ce texte au gré des négociations qui se poursuivent. Ainsi le Parlement peut-il être consulté sur des versions dépassées, parce que les négociations continuent à l'heure où l'on donne des avis sur des questions qui ne se posent plus, ou ne pas l'être sur des versions définitives ? Il y a donc là un sytème qui ne fonctionne pas très bien.
La montée en volume et en puissance des textes intervenus dans ce domaine montre le caractère quelque peu artificiel et formel de ces consultations.
Il me semble, mais cela n'est qu'une réflexion personnelle, que se trouve mis en lumière ainsi la difficulté pour le législateur européen d'intégrer correctement les points de vue des législateurs nationaux, c'est-à-dire des parlements nationaux.
Ni le Parlement européen dans son mode électoral actuel, ni les Conseils des ministres ne peuvent réaliser une association satisfaisante des cultures juridiques nationales au processus d'intégration européenne dans ces domaines où les prérogatives des pouvoirs législatifs, il me semble en matière pénale, sont essentielles dans tout Etat de droit.
La seule façon d'y parvenir serait ou sera tôt ou tard, de toute évidence, de créer une seconde chambre - je sais que ce n'est pas à l'ordre du jour, mais il ne faut pas désespérer - issue des parlements nationaux ce qui permettra à l'Union européenne de se doter de la seule structure parlementaire qui puisse répondre aux spécificités d'une organisation de type fédéral : une chambre pour la représentation des peuples et une autre, dont je me garderai bien de dire si elle est plus ou moins haute que la première - langage désuet -, pour assurer la représentation législative des Etats, laquelle ne saurait se confondre avec leur représentation gouvernementale. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne.
M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'union européenne. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, il peut paraître surprenant à première vue de débattre en séance publique du projet d'accord d'entraide judiciaire pénale entre l'Union européenne, l'Islande et la Norvège.
Les dispositions contenues dans ce projet d'accord ne soulèvent aucune difficulté particulière. La délégation pour l'Union européenne et la commission des lois du Sénat s'accordent tout à fait sur ce constat.
Au contraire, nous approuvons les dispositions de cet accord, qui permettront de renforcer la coopération judiciaire pénale avec ces deux pays, lesquels sont d'ores et déjà liés par l'acquis de Schengen.
Alors, pourquoi débattre de cette proposition de résolution en séance publique ?
Simplement, parce que cet accord pose un problème de principe. Parce que ce problème de principe touche aux compétences de notre Parlement. Et parce que nous avons voulu que le Gouvernement participe à notre débat, qu'il nous entende et qu'il prenne en compte notre demande. En effet, jusqu'ici, nous n'avons guère été entendus par le Gouvernement.
Quel est le problème soulevé ?
L'article 24 du traité sur l'Union européenne permet au Conseil d'engager, puis de conclure des accords avec des Etats tiers.
Le but initial de ceux qui ont conçu cet article était de permettre à l'Union de conclure des accords techniques, c'est-à-dire des accords qui, en France, auraient été du domaine réglementaire.
Puis, pour répondre à la nécessité du moment, le Conseil a décidé d'utiliser cet article 24 pour conclure des accords dont la portée juridique et politique était d'une tout autre ampleur. Il s'agissait des deux accords avec les Etats-Unis en matière d'extradition et d'entraide judiciaire.
Je remarque qu'une telle utilisation de l'article 24 revenait à doter de fait l'Union européenne de la personnalité juridique qui lui avait été refusée lors des négociations du traité.
Mais nous savons que le droit européen est souple et adaptable. L'ensemble des Etats membres a accepté ce mécanisme. Nous l'avons accepté nous aussi.
Mais, ce que nous n'avons pas accepté, c'est que des accords d'une telle importance ne donnent lieu à aucune procédure de ratification parlementaire, et cela alors même que l'article 24 du traité précise qu'aucun accord conclu sur la base de cet article « ne lie un Etat membre dont le représentant au sein du Conseil déclare qu'il doit se conformer à ses propres règles constitutionnelles ».
Des interventions faites par le service juridique du Conseil et le service juridique de la Commission, lors des travaux du groupe de travail de la Convention consacré à la personnalité juridique de l'Union, auquel j'ai participé, il ressort clairement que cette disposition permet à un Etat de soumettre un accord conclu sur la base de l'article 24 à une procédure de ratification parlementaire.
J'ajoute que ce fut à l'évidence également l'avis du Conseil constitutionnel lorsqu'il a été saisi du texte du traité avant sa ratification. C'est pour cela que le Conseil constitutionnel n'a pas jugé cet article 24 non conforme à la Constitution française.
Nous demandons donc au Gouvernement de faire jouer les potentialités de l'article 24 du traité et de saisir, à l'avenir, l'Assemblée nationale et le Sénat de projets de loi autorisant la ratification des accords conclus sur la base de l'article 24.
J'ai cru comprendre que l'hésitation du Gouvernement tenait à un avis rendu par le Conseil d'Etat, qui aurait jugé une telle procédure inutile.
Vous savez que je suis naturellement et à l'évidence peu porté à critiquer le Conseil d'Etat. Mais j'aurais peut-être tendance à penser malgré tout que le service juridique de la Commission et le service juridique du Conseil sont plus habitués à manier les traités et le droit de l'Union européenne.
En tout état de cause, il ne s'agit pas ici de donner raison ou tort au Conseil d'Etat. Il s'agit de constater que, pour les deux accords conclus avec les Etats-Unis, treize Etats membres sur quinze ont saisi leur Parlement pour les faire participer à la ratification. Seules la France et la Grèce ne l'ont pas fait !
Il s'agit de constater que le refus de recourir à la procédure de ratification devant le Parlement français amènerait à ce que des accords d'une importance telle que ceux qui ont été conclus avec les Etats-Unis ne feraient l'objet ni d'une ratification parlementaire au niveau national, ni d'une ratification parlementaire au niveau européen. Vous conviendrez que toucher aux libertés publiques sans aucune intervention parlementaire ne paraît pas conforme à nos habitudes, et il serait regrettable de créer de tels précédents.
J'ajoute que c'est à la demande unanime de la commission des lois et de la délégation du Sénat pour l'Union européenne que nous sommes ici aujourd'hui.
Il s'agit donc que le Gouvernement nous dise qu'il décidera, même s'il n'y est pas obligé, de recourir à l'avenir à cette procédure de ratification parlementaire.
Pour l'accord avec l'Islande et la Norvège, dix Etats ont déjà fait savoir, ces dernières semaines, qu'ils procéderont à une ratification par leur Parlement national.
Enfin, il existe bien une clause facultative pour l'application de l'article 88-4 de la Constitution, qui permet au Gouvernement de soumettre à l'Assemblée nationale et au Sénat - il le fait de temps en temps - des textes européens qu'il n'est pas obligé par la Constitution de lui soumettre. Il pourrait y avoir aussi une clause facultative - à la discrétion du Gouvernement - pour la ratification des accords conclus sur la base de l'article 24.
La démocratie parlementaire y gagnerait. Et, comme l'a montré Pierre Fauchon, la sécurité juridique y gagnerait également. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Pierre Bédier, secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice. Monsieur le président, monsieur le président de la délégation pour l'Union européenne, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, la question de la ratification des accords internationaux conclus sur le fondement de l'article 24 du traité de l'Union européenne est, à bien des égards, une question délicate. Elle est délicate politiquement parce qu'elle est subtile juridiquement, et l'on sait bien que, dans la construction de l'Etat national, dès les Capétiens, comme dans la construction de l'Union européenne, le droit a eu au moins autant d'importance que la force. J'ai le souvenir de cet adage que l'on m'a enseigné dans mes premières années de droit fondant le droit français : « le roi est empereur en son royaume ».
Je souhaiterais ce soir tenter d'apporter des éléments de réponse à vos interrogations, vous assurer que le Gouvernement est particulièrement sensible aux préoccupations que vous exprimez. J'essaierai de convaincre M. le rapporteur qu'il n'est absolument pas question de méconnaissance politique du Parlement et j'ai bien compris que, derrière cette crainte de méconnaissance, pointait celle de mépris, qu'il n'y a aucun refus d'écoute de la part du Gouvernement. Au demeurant, nous savons bien, les uns et les autres, que ce n'est pas parce qu'on écoute et qu'on entend, parce qu'on s'efforce de comprendre, qu'on est pour autant d'accord.
Par l'adoption de l'article 24 du traité de l'Union européenne, le traité d'Amsterdam a entendu développer la capacité de l'Union à agir collectivement dans le domaine de la coopération internationale en matière pénale, en lui offrant la possibilité de conclure des accords internationaux dans ce domaine.
Il est vrai que ces articles n'indiquent pas expressément quelles sont les parties à de tels accords.
Toutefois, cette question a déjà été évoquée en France et au sein de l'Union européenne, lors du précédent constitué, cette année, par la négociation des accords de coopération judiciaire avec les Etats-Unis.
J'aimerais en rappeler les conclusions.
Tout d'abord, le service juridique du Conseil, dont M. Haenel a reconnu la qualité pour interpréter les traités internationaux, a, dans son avis du 19 décembre 2002, clairement indiqué que les accords conclus sur le fondement de l'article 24 du traité le sont au nom de l'Union européenne.
Cette analyse - je le rappelle - a été approuvée par nos partenaires, ainsi que par la Commission européenne.
S'agissant de la France, afin de lever toute ambiguïté, le Gouvernement avait, à cette occasion, souscrit à la proposition du Parlement de saisir de cette question le Conseil d'Etat.
Dans son avis du 7 mai 2003, ce dernier a estimé que l'article 24 devait être interprété comme reconnaissant la capacité de l'Union européenne pour négocier et conclure des accords internationaux.
Compte tenu de ces éléments, le Gouvernement français s'est rallié à l'analyse selon laquelle les accords en question sont conclus par l'Union européenne en tant que telle et non au nom des Etats membres.
Pour contester cette analyse, on a parfois pu se demander - comme le fait aujourd'hui le Sénat - si les accords de coopération judiciaire entre l'Union européenne et les Etats tiers pourraient constituer des accords mixtes relevant à la fois de la compétence de l'Union européenne et de celle des Etats membres.
Toutefois, quels que soient les avantages attendus de cette qualification, je ne crois pas que nous puissions nous engager dans cette voie. En effet, la qualification d'accord mixte est en principe réservée aux instruments portant à la fois sur des matières communautarisées et sur des matières relevant de la compétence des Etats membres.
Tel n'est pas le cas en l'espèce, puisque les accords de coopération judiciaire en matière pénale portent exclusivement sur des questions relevant du troisième pilier, donc du seul domaine de compétence des Etats membres.
Donner à ces accords la qualification d'accords mixtes reviendrait à reconnaître à l'Union européenne une compétence propre en matière d'entraide judiciaire pénale, ce qui, en l'état des stipulations du traité de l'Union européenne, ne nous semble ni opportun ni de toute façon juridiquement envisageable.
C'est pour ces raisons que, lors des discussions sur les projets d'accord avec les Etats-Unis, le Gouvernement a expressément écarté cette analyse. Il m'apparaît désormais impossible de remettre en cause cette approche et, partant, de contester la capacité juridique de l'Union européenne à conclure, en son nom, des accords internationaux.
Au demeurant, un tel revirement serait particulièrement inopportun en ce qu'il pourrait conduire à fragiliser la position de la France dans le débat sur l'entrée en vigueur des accords de coopération judiciaire entre l'Union européenne et les Etats-Unis.
Monsieur Haenel, monsieur Fauchon, vous avez évoqué cette discussion avec les Etats-Unis en disant que leur préoccupation était celle de la sécurisation juridique du dispositif. Je ne suis pas sûr que ce soit véritablement le souci de nos amis américains ! Peut-être y en a-t-il d'autres... Mais peut-être aussi vais-je trop loin dans l'interprétation !
En effet, comme le Sénat le relève, les Etats-Unis ont exprimé des doutes sur la valeur juridique de ces accords et, afin de lever toute incertitude, ils préconisent l'élaboration, avec chacun des Etats membres, d'un instrument bilatéral reprenant les stipulations de l'accord conclu par l'Union européenne, qui pourrait ainsi être soumis à la ratification du Congrès.
Le Gouvernement français a déjà fait connaître qu'il contestait toute approche remettant en cause la personnalité juridique de l'Union et sa capacité à conclure des accords.
Dans ce contexte, soumettre l'entrée en vigueur des accords conclus par l'Union européenne avec l'Islande et la Norvège à l'engagement d'une procédure de ratification ou d'approbation reviendrait à mettre en doute implicitement leur validité juridique et donc à affaiblir notre position, alors même que des discussions bilatérales doivent s'engager prochainement avec la partie américaine.
J'en viens maintenant à la question précise de l'entrée en vigueur des accords internationaux conclus par l'Union européenne sur le fondement de l'article 24 du traité.
Comme vous le savez, la possibilité de procéder à la ratification ou à l'approbation d'une convention internationale est, sur le plan juridique, étroitement conditionnée par nos dispositions constitutionnelles et la détermination des parties contractantes.
Or, en l'état actuel des choses, compte tenu de l'article 53 de la Constitution, il ne peut être envisagé de ratifier ou d'approuver des accords internationaux dont la France n'est pas signataire. Il n'existe d'ailleurs aucun précédent en ce domaine.
C'est cette analyse traditionnelle, évoquée dans vos interventions, que le Conseil d'Etat a réaffirmée dans son avis du 7 mai 2003, en écartant la possibilité d'une ratification par le Parlement des accords de coopération judiciaire avec les Etats-Unis. Monsieur le rapporteur, il n'y a donc, de la part du Gouvernement, non pas une obstination, mais bien une volonté d'écouter l'avis du Conseil d'Etat.
Le Sénat rappelle, à cet égard, que le refus de reconnaître à ces accords la nature d'accords mixtes n'empêche pas, en principe, les Etats membres de soumettre lesdits accords à leur Parlement, conformément à leurs règles constitutionnelles respectives. Il relève que, s'agissant des accords de coopération judiciaire entre l'Union européenne et les Etats-Unis, tous les Etats membres, à l'exception de la France, modèle démocratique s'il en est, et de la Grèce, à l'origine de la démocratie même, ont déclaré se prévaloir de l'alinéa 5 de l'article 24, aux termes duquel ils ne seraient pas liés avant d'avoir satisfait à leurs règles constitutionnelles.
Je suis convaincu qu'il ne faut pas tirer des conclusions hâtives de la mise en oeuvre de cette possibilité de déclaration. En effet, les modalités d'association des parlements nationaux à l'entrée en vigueur des accords conclus par l'Union européenne sont très différentes d'un Etat membre à l'autre et dépendent exclusivement du droit constitutionnel de ces derniers. En d'autres termes, les difficultés éprouvées par la France ne sont pas nécessairement partagées par l'ensemble des partenaires de l'Union.
Pour la France, le Conseil d'Etat a estimé que « la réserve par un Etat membre de ses propres règles constitutionnelles a pour objet de permettre à cet Etat d'assurer uniquement le respect des règles de fond d'ordre constitutionnel ».
Ainsi, la possibilité de déclaration prévue par l'article 24 du traité ne saurait permettre à un Etat membre de suppléer à l'impossibilité d'engager une procédure interne de ratification lorsqu'une telle faculté n'est pas ouverte par ses dispositions constitutionnelles.
Le Gouvernement n'ignore pas la sensibilité des interrogations que soulève la conclusion, par l'Union européenne, d'accords internationaux portant sur la coopération judicaire en matière pénale, qui touchent étroitement à l'exercice des libertés publiques et relèvent donc, par essence, de la compétence législative.
Toutefois, conscient de ces difficultés, le Gouvernement a constamment adopté la plus grande prudence et pris les dispositions nécessaires pour que, conformément à nos contraintes constitutionnelles, soit assuré le respect des compétences du Parlement.
Je voudrais, à cet égard, rappeler les positions adoptées par le Gouvernement.
Tout d'abord, comme pour la négociation des accords de coopération judiciaire entre l'Union européenne et les Etats-Unis, le garde des sceaux s'est toujours refusé à donner un accord, y compris un accord politique, sur le projet de convention avant que le Parlement ait été en mesure de communiquer son avis. Cette position de principe a été réaffirmée à plusieurs reprises par le garde des sceaux lors des conseils Justice et Affaires intérieures - JAI -, tant en ce qui concerne le projet d'accord soumis à votre examen aujourd'hui que dans le cadre des négociations entre l'Union européenne et les Etats-Unis.
Par ailleurs, le Gouvernement a toujours tenu le plus grand compte des conclusions de la consultation parlementaire.
Ainsi, lors de l'élaboration de l'accord entre l'Union européenne et les Etats-Unis, le garde des sceaux n'a pas hésité, au vu de l'avis du Parlement, à rouvrir les négociations en vue d'obtenir, sur les points les plus sensibles, les garanties de nature à répondre aux préoccupations exprimées par les assemblées.
Au-delà de ces précédents, le garde des sceaux a déjà rappelé que la négociation d'accords de coopération judiciaire entre l'Union européenne et des Etats tiers doit demeurer exceptionnelle.
Comme vous le savez, l'engagement de négociations avec les Etats-Unis dans ce domaine trouvait son origine dans des engagements politiques pris au plus haut niveau, notamment lors du Conseil européen extraordinaire du 21 septembre 2001, tenu au lendemain des attentats du 11 septembre 2001.
S'agissant de l'Islande et de la Norvège, la situation est très particulière. En effet, ces deux Etats entretiennent des liens étroits avec l'Union européenne, dont ils partagent les valeurs communes. Ainsi, un accord d'association, conclu le 17 mai 1999, leur permet d'ores et déjà de participer, selon certaines modalités, au développement de l'acquis de Schengen.
C'est pourquoi, afin de permettre la mise en place d'un cadre global et cohérent de coopération judiciaire entre ces deux pays et les Etats membres de l'Union européenne, le Conseil JA.I. du 10 juillet 2001 a donné mandat à la présidence de négocier avec l'Islande et la Norvège, sur la base de l'article 24, l'accord qui vous a été soumis.
J'observe qu'il n'existe aucune contestation quant à l'opportunité d'un accord étendant certaines dispositions d'entraide judiciaire à ces deux pays et que le principe en a été approuvé tant par l'Assemblée nationale que par le Sénat.
Au-delà de ces situations spécifiques, justifiées par des accords d'association, le garde des sceaux entend faire preuve d'une particulière prudence dans la mise en oeuvre de l'article 24 du traité. C'est pourquoi il a voulu évoquer cette question avec ses homologues lors du Conseil JAI informel de Veria les 28 et 29 mars 2003.
Soulignant les bouleversements qui peuvent résulter de la mise en oeuvre de l'article 24 dans les rapports entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, il a souhaité qu'il soit fait preuve de mesure et d'une vigilance accrue dans le recours aux possibilités offertes par ces dispositions.
Il a ainsi appelé le Conseil à définir une doctrine d'emploi de ces dispositions reposant sur plusieurs principes.
D'une part, il a estimé que le recours à ces nouvelles capacités d'action devait être limité à ce qui est strictement nécessaire pour renforcer la mise en place de l'espace européen de liberté, de sécurité et de justice.
D'autre part, il a souligné la nécessité de déterminer préalablement la valeur ajoutée de ces actions au regard de celles qui sont conduites par les Etats membres, ainsi que les conséquences qui en découlent dans l'ordre juridique de ces derniers.
Ces orientations, que le garde des sceaux entend retenir pour l'appréciation de l'opportunité de lancer de nouvelles initiatives dans ce domaine, constituent la ligne directrice des positions françaises. Elles intègrent pleinement, nous semble-t-il, les préoccupations qui sont les vôtres, dont le Gouvernement, croyez-le bien, entend continuer à tenir le plus grand compte. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de la proposition de résolution.
J'en donne lecture :
« Le Sénat,
« Vu l'article 88-4 de la Constitution,
« Vu le projet de décision du Conseil autorisant la signature du projet d'accord entre l'Union européenne et la République d'Islande et le Royaume de Norvège sur l'application de certaines dispositions de la convention de 2000 relative à l'entraide judiciaire en matière pénale et de son protocole de 2001 (texte E-2421),
« - Approuve le contenu de cet accord qui permettra d'étendre les dispositions de la convention de l'Union relative à l'entraide judiciaire pénale du 29 mai 2000 et de son protocole du 16 octobre 2001 à ces deux pays ;
« - Estime que cet accord est par nature un "accord mixte", relevant à la fois des compétences de l'Union et des Etats membres ;
« - Considère, en tout état de cause, que cet accord doit être soumis, à l'instar de nos partenaires européens, au Parlement pour autorisation de ratification. »
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de résolution.
(La proposition de résolution est adoptée.)
M. le président. En application de l'article 73 bis, alinéa 11, du règlement, la résolution que le Sénat vient d'adopter sera transmise au Gouvernement et à l'Assemblée nationale.
DÉPÔT D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. Jean-Marc Pastor, Mme Michèle André, MM. Bertrand Auban, Robert Badinter, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Jean Besson, Didier Boulaud, Mme Yolande Boyer, MM. Bernard Cazeau, Gilbert Chabroux, Michel Charasse, Roland Courteau, Marcel Debarge, Claude Domeizel, Mme Josette Durrieu, MM. Bernard Dussaut, Claude Estier, Jean-Claude Frécon, Bernard Frimat, Claude Haut, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Serge Lagauche, Roger Lagorsse, André Lejeune, François Marc, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Guy Penne, Jean-Claude Peyronnet, Jean-François Picheral, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Mme Gisèle Printz, MM. Daniel Reiner, Daniel Raoul, Gérard Roujas, André Rouvière, Mme Michèle San Vicente, MM. Claude Saunier, René-Pierre Signé, Simon Sutour, Jean-Marc Todeschini, Pierre-Yvon Trémel, André Vantomme, André Vezinhet, Marcel Vidal et les membres du groupe socialiste, et de MM. André Boyer, François Fortassin, Yves Detraigne, Mme François Férat, M. Bernard Barraux et M. Philippe Adnot une proposition de loi relative au financement du service d'élimination des déchets ménagers.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 111, distribuée et renvoyée à la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
TRANSMISSION D'UNE PROPOSITION DE LOI
M. le président. J'ai reçu de M. le président de l'Assemblée nationale une proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à redonner confiance au consommateur.
La proposition de loi sera imprimée sous le n° 114, distribuée et renvoyée à la commission des affaires économiques et du Plan, sous réserve de la constitution éventuelle d'une commission spéciale dans les conditions prévues par le règlement.
TEXTE SOUMIS AU SÉNAT EN APPLICATION DE L'ARTICLE 88-4
DE LA CONSTITUTION
M. le président. J'ai reçu de M. le Premier ministre le texte suivant, soumis au Sénat par le Gouvernement, en application de l'article 88-4 de la Constitution :
- Proposition de décision du Conseil concernant l'application provisoire des accords bilatéraux entre la Communauté européenne et la République du Belarus sur le commerce de produits textiles.
Ce texte sera imprimé sous le n° E-2467 et distribué.
DÉPÔT DE RAPPORTS
M. le président. J'ai reçu de M. Philippe Marini un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi de finances rectificative pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (n° 104, 2003-2004).
Le rapport sera imprimé sous le n° 112 et distribué.
J'ai reçu de M. Jacques Chaumont un rapport fait au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation sur le projet de loi autorisant l'approbation de l'avenant à la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République argentine en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune (n° 201, 2002-2003).
Le rapport sera imprimé sous le n° 113 et distribué.
J'ai reçu de M. Philippe Marini, rapporteur pour le Sénat, un rapport fait au nom de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion sur le projet de loi de finances pour 2004.
Le rapport sera imprimé sous le n° 115 et distribué.
ORDRE DU JOUR
M. le président. Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée au lundi 15 décembre 2003, à dix heures, à quinze heures et le soir :
Discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (n° 104, 2002-2003).
Rapport (n° 112, 2003-2004) fait par M. Philippe Marini, au nom de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation.
Délai limite pour le dépôt des amendements : vendredi 12 décembre 2003, à seize heures.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble de la première partie.
Scrutin public ordinaire de droit sur l'ensemble du texte.
Délais limites pour des inscriptions de parole
et pour le dépôt d'amendements
Deuxième lecture du projet de loi relatif aux obligations de service public des télécommunications et à France Télécom (n° 105, 2003-2004).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : lundi 15 décembre 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : lundi 15 décembre 2003, à dix-sept heures.
Déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur les rapatriés.
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mardi 16 décembre 2003, à dix-sept heures.
Deuxième lecture, sous réserve de sa transmission, du projet de loi relatif à l'accueil et à la protection de l'enfance (n° 97, 2003-2004).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale : mardi 16 décembre 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 16 décembre 2003, à dix-sept heures.
Projet de loi organique portant statut d'autonomie de la Polynésie française (n° 38, 2003-2004) et projet de loi complétant le statut d'autonomie de la Polynésie française (n° 39, 2003-2004).
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale commune : mercredi 17 décembre 2003, à dix-sept heures.
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 16 décembre 2003, à dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée à vingt heures vingt.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
NOMINATION DE RAPPORTEURS
COMMISSION DES FINANCES
M. Michel Mercier a été nommé rapporteur de la proposition de loi n° 82 (2003-2004) de M. Claude Biwer et des membres du groupe de l'Union centriste visant à rendre éligibles au fonds de compensation pour la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) les équipements réalisés par les communes ou leurs groupements mis gratuitement à disposition d'une ou de plusieurs associations à but non lucratif.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
QUESTIONS ORALES
REMISES À LA PRÉSIDENCE DU SÉNAT
(Application des articles 76 à 78 du réglement)
Aides à l'embauche des travailleurs handicapés
380. - 11 décembre 2003. - M. Georges Mouly appelle l'attention de M. le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité sur l'intérêt du dispositif particulier des abattements de salaires pour favoriser le passage des travailleurs handicapés du milieu protégé vers le milieu ordinaire de travail. Alors que chacun s'accorde à reconnaître l'intérêt de développer l'intégration professionnelle des personnes handicapées dans le milieu ordinaire de travail, il lui demande s'il ne pourrait être envisagé des mesures qui permettraient de mieux faire connaître cet outil et d'assouplir son utilisation d'un point de vue administratif.
ANNEXE AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du jeudi 11 décembre 2003
SCRUTIN (n° 110)
sur la motion n° 12 présentée par Mme Marie-France Beaufils et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen tendant au renvoi en commission de la proposition de loi portant création des communautés aéroportuaires.
Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages
exprimés : 311
Pour : 105
Contre : 206
Le Sénat n'a pas adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Pour : 22.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la séance.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (29) :
Contre : 29.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (17) :
Contre : 9.
Abstentions : 8. _ MM. Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin et Dominique Larifla.
GROUPE SOCIALISTE (83) :
Pour : 83.
GROUPE DE L'UNION POUR UN MOUVEMENT POPULAIRE (164) :
Contre : 163.
N'a pas pris part au vote : 1. _ M. Christian Poncelet, président du Sénat.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (5) :
Contre : 5.
Ont voté pour
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guerini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
Yves Krattinger
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Trémel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vézinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Ont voté contre
Nicolas About
Philippe Adnot
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Ernest Cartigny
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cléach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Philippe Darniche
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Sylvie Desmarescaux
Yves Détraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Hubert Durand-Chastel
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Bernard Joly
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean-Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Jacques Moulinier
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bernard Seillier
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Yannick Texier
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Alex Türk
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Abstentions
Nicolas Alfonsi, Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, François Fortassin, Dominique Larifla.
N'ont pas pris part au vote
Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy Fischer, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : 319
Nombre de suffrages
exprimés : 311
Majorité absolue des suffrages exprimés : 156
Pour :
106
Contre : 205
Mais, après vérification, ces nombres ont été
rectifiés conformément à la liste ci-dessus.