I. - A. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Les articles 158 bis, 158 ter, 158 quater, 209 bis, 209 ter et 242 quater sont abrogés ;
2° A l'article 208, les mots : « du 3° de l'article 209 ter » sont supprimés. Au a du 1 de l'article 223 O, les mots : « avoirs fiscaux et » sont supprimés ;
3° Les articles 223 H, 223 sexies et 1679 ter sont abrogés ;
4° Les 2 et 3 de l'article 146, le dernier alinéa du 1 de l'article 187 et le 2 de l'article 223 O sont abrogés ;
5° a. Au dixième alinéa du 3° quater de l'article 208, les mots : « , du 3° de l'article 158 quater » et les mots : « et du 3° du 3 de l'article 223 sexies » sont supprimés ;
b. Au premier alinéa de l'article 223 A, les mots : « du précompte et » sont supprimés et le mot : « dus » est remplacé par le mot : « due » ; au dernier alinéa du même article, les mots : « et du précompte » sont supprimés ;
c. Au premier alinéa du I de l'article 1655 quater, les mots : « n'est imposée sur ses bénéfices que lors de leur distribution, dans les conditions prévues à l'article 223 sexies » sont remplacés par les mots : « est exonérée d'impôt sur les sociétés » ;
6° Le 3 de l'article 158 est ainsi modifié :
a) Les deux premiers alinéas deviennent un 1° ;
b) Les troisième à dixième alinéas sont remplacés par les 2° à 5° ainsi rédigés :
« 2° Les revenus distribués par les sociétés passibles de l'impôt sur les sociétés ou d'un impôt équivalent, ayant leur siège dans un Etat de la Communauté européenne ou dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôt sur les revenus et résultant d'une décision régulière des organes compétents, sont retenus, pour le calcul de l'impôt sur le revenu, pour 50 % de leur montant. A compter du 1er janvier 2009 pour les sociétés étrangères n'ayant pas leur siège dans un Etat de la Communauté européenne, cette disposition est réservée aux revenus distribués par des sociétés établies dans un Etat ou territoire ayant conclu une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale ;
« 3° Les dispositions du 2° ne s'appliquent pas :
« a. Aux produits des actions des sociétés d'investissement mentionnées au 1° bis et au 1° ter de l'article 208 et des sociétés de capital-risque mentionnées au 3° septies du même article ;
« b. Aux produits des actions des sociétés mentionnées au 1° bis A de l'article 208 et des sociétés d'investissement de même nature établies hors de France et soumises à un régime fiscal équivalent ;
« c. Aux revenus distribués qui ne constituent pas la rémunération du bénéficiaire en sa qualité d'associé ou d'actionnaire ;
« d. Aux revenus distribués mentionnés au a de l'article 111 ;
« e. Aux bénéfices ou revenus mentionnés à l'article 123 bis ;
« 4° Les dispositions du 2° sont également applicables pour la part des revenus de la nature et de l'origine de ceux mentionnés au 2°, sous réserve du 3°, distribués ou répartis par :
« a. Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières régis par les articles L. 214-2 et suivants du code monétaire et financier ;
« b. Les organismes de placement collectif en valeurs mobilières établis dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne et bénéficiant de la procédure de reconnaissance mutuelle des agréments prévue par la directive 85/611/CE du Conseil du 20 décembre 1985 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) ;
« c. Les sociétés mentionnées aux 1° bis, 1° ter et 3° septies de l'article 208.
« Pour la détermination de cette part, il est également tenu compte des revenus mentionnés au premier alinéa distribués ou répartis au profit de l'organisme ou de la société concerné par l'intermédiaire d'autres organismes ou sociétés mentionnés aux a, b et c.
« L'application de ces dispositions est conditionnée à la ventilation par les organismes ou sociétés en cause de leurs distributions ou répartitions en fonction de leur nature et origine ;
« 5° Il est opéré un abattement annuel de 1 220 EUR pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et de 2 440 EUR pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune sur le montant net des revenus déterminé dans les conditions du 2°. » ;
7° Il est inséré un article 200 septies ainsi rédigé :
« Art. 200 septies. - 1. Les contribuables qui ont leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B bénéficient d'un crédit d'impôt égal à 50 % du montant des revenus imposés selon les modalités du 2° du 3 de l'article 158 avant application des abattements prévus aux 2° et 5° du 3 du même article, ainsi que des revenus de même nature et de même origine perçus dans un plan d'épargne en actions et déclarés dans les conditions du 1 de l'article 170.
« Ce crédit est retenu dans les limites annuelles de 115 EUR pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et 230 EUR pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune.
« 2. Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de laquelle les revenus sont perçus après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200, des autres crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'excédent est restitué. » ;
8° Au dernier alinéa du 1 de l'article 170, après les mots : « n'a pas été exercée », sont insérés les mots : « , les revenus de la nature et de l'origine de ceux mentionnés au 2°, sous réserve du 3°, et au 4° du 3 de l'article 158 perçus dans un plan d'épargne en actions » ;
9° Au 1° du IV de l'article 1417, après le a, il est inséré un a bis ainsi rédigé :
« a bis) Du montant de l'abattement mentionné au 2° du 3 de l'article 158 pour sa fraction qui excède l'abattement non utilisé prévu au 5° du 3 du même article ; ».
B. - Les bénéfices distribués ou répartis par les organismes ou sociétés mentionnés aux a et c du 4° du 3 de l'article 158 du code général des impôts à compter du 1er janvier 2005 n'ouvrent plus droit au transfert de l'avoir fiscal, quelle que soit l'origine des revenus distribués ou répartis.
C. - A l'avant-dernier alinéa du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale et au quatrième alinéa du I de l'article 15 de l'ordonnance n° 96-50 du 24 janvier 1996 relative au remboursement de la dette sociale, les mots : « et au 3 et au 4 bis de l'article 158 » sont remplacés par les mots : « , aux 2° et 5° du 3 ainsi qu'au 4 bis de l'article 158 ». Le dernier alinéa du I de l'article L. 136-6 du code de la sécurité sociale est supprimé.
D. - Les dispositions des 1° , 2° et 6° à 9° du A et les dispositions du B et du C sont applicables aux revenus distribués ou répartis perçus à compter du 1er janvier 2005. La disposition prévue au a du I du C du II est applicable à compter du 1er janvier 2005.
Toutefois, pour les personnes autres que les personnes physiques, les dispositions du 1° du A sont applicables aux crédits d'impôt utilisables à compter du 1er janvier 2005.
Les dispositions des 3° à 5° du A sont applicables aux distributions mises en paiement à compter du 1er janvier 2005.
E. - Un décret fixe les modalités d'application du présent I.
II. - A. - Le code général des impôts est ainsi modifié :
1° Le e du 2 de l'article 119 ter est abrogé ;
2° Au premier alinéa du 1 de l'article 145, les mots : « aux articles 146 et » sont remplacés par les mots : « à l'article » ;
3° Au IV de l'article 163 quinquies D, les mots : « avoirs fiscaux et » sont supprimés ;
4° Le quatrième alinéa de l'article 193 est ainsi rédigé :
« L'impôt dû par le contribuable est calculé à partir de l'impôt brut diminué, s'il y a lieu, des réductions d'impôt prévues par les articles 199 quater B à 200, et, le cas échéant, des retenues à la source et crédits d'impôt mentionnés aux articles 182 A, 182 B, 199 ter, 199 ter A et 200 quater à 200 septies. » ;
5° Le II de l'article 199 ter et le c du 1 de l'article 220 sont ainsi modifiés :
a) Aux premier et dernier alinéas, les mots : « et avoirs fiscaux » sont supprimés ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « et avoirs » sont supprimés ;
6° L'article 199 ter A est ainsi modifié :
a) Au premier alinéa, les mots : « et avoirs fiscaux » sont supprimés ;
b) Au dernier alinéa, les mots : « et aux avoirs fiscaux » sont supprimés ;
7° Au premier alinéa du I de l'article 220 quinquies, les mots : « d'avoirs fiscaux ou » sont supprimés ;
8° Au IV des articles 235 ter ZA et 235 ter ZC, les mots : « avoirs fiscaux ou » sont supprimés ;
9° Le IV de l'article 239 bis B est abrogé ;
10° Au 4 bis de l'article 1668, les mots : « et avoirs fiscaux » sont supprimés.
B. - Au dernier alinéa du I de l'article L. 111 du livre des procédures fiscales, les mots : « , du montant de l'impôt mis à la charge de chaque redevable et du montant de l'avoir fiscal » sont remplacés par les mots : « et du montant de l'impôt mis à la charge de chaque redevable ».
C. - 1. La loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 relative au plan d'épargne en actions, est ainsi modifiée :
a) Le 1 bis du I de l'article 2 est complété par un c ainsi rédigé :
« c) De parts ou actions d'organismes de placement collectif en valeurs mobilières établis dans d'autres Etats membres de la Communauté européenne bénéficiant de la procédure de reconnaissance mutuelle des agréments prévue par la directive 85/611/CE du Conseil du 20 décembre 1985 portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant certains organismes de placement collectif en valeurs mobilières (OPCVM) et qui emploient plus de 75 % de leurs actifs en titres et droits mentionnés aux a, b et c du 1. » ;
b) Dans le 1 de l'article 3, les mots : « avoirs fiscaux et » sont supprimés.
2. Un décret en Conseil d'Etat précise les conditions que doivent respecter les organismes mentionnés au c du 1 bis du I de l'article 2 de la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 relative au plan d'épargne en actions ou leur gérant ou représentant légal pour permettre à leurs porteurs de parts ou actionnaires de justifier de l'éligibilité de leur investissement au plan d'épargne en actions.
C bis. - 1. Dans le dernier alinéa du I de l'article 4 de la loi n° 87-416 du 17 juin 1987 sur l'épargne et au 2 de l'article 3 de la loi n° 92-666 du 16 juillet 1992 précitée, les mots : « avoirs fiscaux et » sont supprimés.
2. Au 1 de l'article L. 432-13 du code monétaire et financier, les mots : « à l'avoir fiscal mentionné à l'article 158 bis du code général des impôts ou au crédit d'impôt prévu au b du 1 de l'article 220 du même code » sont remplacés par les mots : « au crédit d'impôt prévu au b du 1 de l'article 220 du code général des impôts ».
3. Le 2 du II de l'article 20 de l'ordonnance n° 67-821 du 23 septembre 1967 sur les groupements d'intérêt économique est abrogé.
4. Le b de l'article 6 de l'ordonnance n° 67-837 du 28 septembre 1967 relative aux opérations de crédit-bail et aux sociétés immobilières pour le commerce et l'industrie est abrogé.
5. Dans le b du II de l'article 30 de la loi n° 80-531 du 15 juillet 1980 relative aux économies d'énergie et à l'utilisation de la chaleur, les mots : « 158 bis, 158 ter et 223 sexies du code général des impôts relatifs à l'avoir fiscal et au précompte ainsi que celles des articles 145 et 216 » sont remplacés par les mots : « 145 et 216 du code général des impôts ».
6. Dans la première phrase du II de l'article 12 de la loi n° 93-1444 du 31 décembre 1993 portant diverses dispositions relatives à la Banque de France, à l'assurance, au crédit et aux marchés financiers, les mots : « à l'avoir fiscal mentionné à l'article 158 bis du code général des impôts ou au crédit d'impôt prévu au b du 1 de l'article 220 du même code » sont remplacés par les mots : « au crédit d'impôt prévu au b du 1 de l'article 220 du code général des impôts ».
7. La troisième phrase du troisième alinéa de l'article 163 bis AA et du premier alinéa du II de l'article 163 bis B du code général des impôts est ainsi rédigée :
« Par dérogation aux dispositions de l'article 199 ter, les crédits d'impôt attachés à ces revenus sont restituables. »
8. Le b du II de l'article 1er de la loi de finances rectificative pour 1969 (n° 69-1160 du 24 décembre 1969) est abrogé.
D. - Les dispositions du présent II sont applicables aux revenus distribués ou répartis perçus à compter du 1er janvier 2005.
M. le président. La parole est à M. le ministre, sur l'article.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Nous parvenons à un article important. Je veux donc en exposer les motifs explicites, expliciter les choix que nous avons opérés et dissiper quelques malentendus.
Il est tout à fait légitime qu'un sujet aussi complexe suscite un débat, mais je dois avouer que le dispositif proposé par le Gouvernement en remplacement de l'avoir fiscal et du précompte me paraît vraiment constituer le compromis le plus équilibré. Je suis, toutefois, naturellement à l'écoute des réflexions de votre commission des finances et de la Haute Assemblée. Toute autre solution qui pourrait être proposée requerra toute mon attention, même si je n'en ai pas vu émerger au-delà des éléments d'information que je vais porter à votre connaissance.
Pourquoi cette réforme ?
Il faut rappeler que l'avoir fiscal et le précompte ont été créés afin d'éliminer la double imposition des dividendes, du côté de la société qui les distribue et du côté de l'actionnaire. C'est la seule raison d'être de ce dispositif, qui a très bien fonctionné pendant plusieurs décennies, puis s'est progressivement altéré.
Du reste, ceux de nos partenaires qui utilisaient le même dispositif, en particulier le Royaume-Uni et l'Allemagne, l'ont abandonné - l'Italie le fera prochainement - au profit d'autres techniques d'élimination de la double imposition.
Tout d'abord, en effet, le précompte est de plus en plus pénalisant dans la mesure où les groupes français sont amenés à distribuer de plus en plus souvent des bénéfices de source étrangère qui ont déjà supportés l'impôt à l'étranger, mais qui ne sont pas assortis d'avoir fiscal. L'application du précompte revient donc à les taxer une deuxième fois, ce qui ne correspond manifestement pas à l'objectif premier d'un mécanisme d'élimination de la double imposition.
L'internationalisation de nos entreprises, et pas seulement des plus grandes d'entre elles, nous conduit nécessairement à nous interroger sur ce dispositif très complexe.
Par ailleurs, l'évolution du coût budgétaire de l'avoir fiscal est préoccupante, et le rapport de la commission des finances donne des informations très éclairantes sur ce sujet. La tendance est à un doublement du coût de l'avoir fiscal sur les dix dernières années et à un quadruplement du coût du remboursement de l'avoir fiscal aux non-résidents.
Soyons clairs : cela ne conduit pas à remettre en cause le principe même d'un mécanisme d'élimination de la double imposition des dividendes, mais nous devons nous interroger sur la pertinence de certaines particularités de l'avoir fiscal français, devenu quasi unique dans le monde.
Il s'agit du remboursement de cet avoir fiscal aux non-résidents, mais aussi aux résidents lorsque leurs dividendes sont logés dans des produits qui sont eux-mêmes exonérés tels que le plan d'épargne en actions. Dans ce cas, nous allons très au-delà de l'objectif premier du dispositif, à savoir l'élimination de la double imposition.
J'ajoute que les évolutions en cours chez nos partenaires vont, sans exception, toutes dans le même sens : l'abandon de l'avoir fiscal pour les motifs que je viens d'indiquer.
Mais il se trouve aussi que ce dispositif n'est plus conforme au droit communautaire dans la mesure où il crée une discrimination entre entreprises nationales et entreprises étrangères.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai donc aucun doute sur le fait que cette réforme est nécessaire, inévitable et, j'y reviendrai, urgente. Nous ne pouvons pas nous contenter d'un simple aménagement du dispositif existant.
Pourquoi le dispositif retenu par le Gouvernement est-il, de mon point de vue, le meilleur compromis possible ?
Nous avions quatre options et, si vous vous donnez la peine d'opérer le même travail, vous retrouverez ces quatre mêmes options ; je ne pense pas que vous en trouverez une cinquième.
Première option : rétablir la double imposition des dividendes en supprimant purement et simplement l'avoir fiscal et le précompte. C'est ce qu'ont fait les Etats-Unis. C'eût été absurde dans le cas français, car nos taux d'imposition marginaux sont élevés au titre tant de l'impôt sur les sociétés que de l'impôt sur le revenu. Il fallait donc, naturellement, conserver un système d'élimination de la double imposition.
Deuxième option : supprimer le précompte et garder l'avoir fiscal. Nous avons écarté cette option, qui ne repose sur aucune logique puisqu'elle consiste à accorder un crédit d'impôt - l'avoir fiscal - y compris lorsqu'il n'y a pas eu d'impôt au niveau de la société distributrice. C'était une solution incohérente et coûteuse.
Troisième option : appliquer un prélèvement libératoire aux dividendes. Cette voie a été évoquée par le passé et certains de nos partenaires l'ont retenue, par exemple le Royaume-Uni. Nous l'avons écartée, car elle est inéquitable. En effet, seuls les contribuables imposés à un taux marginal élevé bénéficient, dans ce cas, de l'atténuation de la double imposition du dividende ; les autres en sont exclus.
Quatrième option : appliquer le système de demi-base. C'est la solution que nous avons retenue, à l'instar de l'Allemagne. A la différence du prélèvement libératoire, elle permet en effet à tous les contribuables, quel que soit leur niveau d'imposition, de bénéficier de l'élimination de la double imposition.
Nous aurions pu en rester là. C'est d'ailleurs ce qu'ont fait les Allemands. Mais nous sommes allés plus loin en proposant des crédits d'impôt de 75 et 150 euros, qui neutralisent les conséquences de la réforme pour plus des deux tiers des titulaires de PEA et pour plus de 80 % des détenteurs d'actions en direct. L'Assemblée nationale a relevé le montant des crédits d'impôt à 115 et 230 euros, ce qui réduit encore plus sensiblement le nombre des « perdants ».
Existe-t-il, mesdames, messieurs les sénateurs, une autre voie possible ? Encore une fois, je ne le crois pas, mais je reste ouvert à des propositions alternatives fondées sur un travail effectif, tel que celui que j'ai, pour ma part, mené.
Je crois maintenant nécessaire de faire litière de quelques idées fausses ou qui me paraissent devoir être au moins contestées.
Première idée fausse : cette réforme pénaliserait les actionnaires au profit de l'Etat. Je sais que personne ne le pense dans cette assemblée, mais cela peut se lire ici ou là.
En réalité, cette réforme est budgétairement neutre ou, plus exactement, elle est légèrement coûteuse pour le budget de l'Etat. Les gains réalisés, notamment sur les non-résidents, sont recyclés en totalité au profit des actionnaires.
De la deuxième idée que je souhaite évoquer je ne dirai pas qu'elle est fausse par respect pour le rapporteur général. Celui-ci considère que l'urgence de la mesure qui vous est proposée n'est pas avérée. Je prétends, au contraire, qu'il y a urgence. En juger autrement, ce serait refuser - et l'exécutif ne peut faire ce choix - de prendre en considération les contentieux en cours, aussi bien devant la Cour de justice des Communautés européennes contre l'avoir fiscal finlandais, qui est totalement identique au nôtre, que devant les juridictions françaises, s'agissant du précompte.
Nous disposons sur ce point d'éléments qui sont apparus depuis la discussion à l'Assemblée nationale. En effet, la Cour de justice vient de nous transmettre la position de la Commission européenne, et se trouvent ainsi confirmées toutes les prévisions que nous avions faites en la matière : la Commission estime que le mécanisme de l'avoir fiscal a pour effet de dissuader l'investissement en actions de sociétés établies dans d'autres Etats membres de l'Union européenne. Elle en conclut qu'« il est évident que la législation finlandaise est contraire à l'article 56 du traité ». Si la législation finlandaise l'est, il est fort à craindre que ce ne soit également le cas de la législation française.
Selon le Gouvernement, cette réforme ne peut donc être remise à plus tard.
Nous avons toutefois proposé que son entrée en vigueur ne soit pas immédiate, de manière à permettre à chacun de prendre toutes les précautions nécessaires. Il reste que nous montrons à ceux qui observent l'attitude de la France que celle-ci est déterminée à évoluer pour se mettre à niveau avec le droit communautaire.
Le sens des responsabilités qui doit être celui de l'exécutif, et que nous partageons tous dans cet hémicycle, j'en suis sûr, doit nous conduire à anticiper le risque de contentieux, qui est incontestable.
Je veux également souligner que, contrairement à ce que j'entends ici ou là, cette réforme ne bénéficie pas aux plus grandes entreprises.
En fait, toutes les entreprises sont concernées par la suppression du précompte, y compris les plus petites lorsqu'elles distribuent des résultats qui sont soumis au taux réduit de l'impôt sur les sociétés.
Il est non moins inexact de dire que la suppression du précompte bénéficie à la seule entreprise, car, en vérité, l'avantage qu'elle retire de la suppression du précompte profite nécessairement à l'actionnaire, soit directement sous forme d'une augmentation des distributions, soit indirectement, si le bénéfice est partiellement ou totalement mis en réserve, par la valorisation du titre.
Quatrième idée qui me paraît devoir être combattue : cette réforme pénaliserait les actionnaires moyens et défavoriserait le placement en actions.
Non, car le crédit d'impôt permet de neutraliser les conséquences de la réforme pour les portefeuilles petits et moyens.
Non, car le maintien de l'abattement sur les dividendes à son niveau actuel, c'est-à-dire 1 220 euros et 2 440 euros pour un couple, équivaut en fait à un triplement de ce montant et permet d'exonérer d'impôt un portefeuille d'une valeur d'environ 250 000 euros pour un couple marié.
Non, enfin, parce que l'essentiel du rendement d'un portefeuille d'actions ou d'un PEA vient des plus-values réalisées et non des dividendes reçues. La progression du CAC 40 depuis le début de l'année, qui est d'environ 12 %, est un facteur autrement plus important que le rendement stricto sensu des portefeuilles, qui est de l'ordre de 2,7 % pour les sociétés cotées, dont 0,9 % d'avoir fiscal.
Si j'évoque ces chiffres, c'est pour que chacun, dans cette assemblée, soit bien conscient des enjeux réels de cette affaire et dont il va être question lorsque nous allons examiner les amendements déposés sur cet article.
En résumé, ne pas faire cette réforme aujourd'hui, c'est prendre devant les Français la responsabilité de dépenser beaucoup plus d'argent public demain, en pure perte pour notre économie.
De façon simplifiée, cette réforme s'analyse comme le rapatriement annuel, au profit de l'économie française, de 500 millions à 600 millions d'euros, qui correspondent à l'avoir fiscal versé à l'étranger.
Enfin, si l'on ajoute à ces sommes les 500 millions d'euros d'avoir fiscal versés aujourd'hui dans les PEA, on constate que l'on recycle plus de un milliard d'euros au profit de l'économie française - je veux parler des entreprises et des actionnaires -, alors même que cette somme n'était pas la contrepartie d'une double imposition, sauf à de rares exceptions pour certains Etats étrangers.
En conclusion, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que le Gouvernement vous propose, c'est non pas un simple ravalement de façade, mais bien une réforme.
Si nous partons du principe - et j'insiste sur ce point parce que nous sommes un pays réputé rétif à la réforme - que les seules réformes de notre pays qui soient envisageables sont celles où tout le monde gagne, sans aucune exception, nous sommes mal partis : cela signifie que nous n'en ferons jamais aucune, au risque de laisser notre pays redescendre en seconde division - ce que le Gouvernement n'acceptera pas -, car nous créons une contrainte impossible et nous nous condamnons à ne pouvoir faire ce que nos partenaires et concurrents réalisent sous nos yeux. Ils ont en effet mis en place des dispositifs qui ont été acceptés par leur opinion publique. Pour notre part, nous proposons un dispositif plus favorable que ceux qui ont été instaurés ailleurs.
Cela me permet de vous dire combien le Gouvernement souhaite que le Sénat le soutienne dans cette réforme en acceptant de voter cet article.
M. le président. Je suis saisi de sept amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.
Les trois premiers sont identiques.
L'amendement n° II-179 est présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances.
L'amendement n° II-92 est présenté par MM. Miquel, Angels, Auban, Charasse, Demerliat, Haut, Lise, Marc, Massion, Moreigne, Sergent et les membres du groupe socialiste et rattachée.
L'amendement n° II-167 est présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer cet article. »
L'amendement n° II-168 présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Dans la première phrase du deuxième alinéa (2°) du b du 6° du A du I de cet article remplacer la mention : "50 %" par la mention : "les deux tiers". »
L'amendement n° II-169, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Supprimer le dernier alinéa du b du 6° du A du I de cet article. »
L'amendement n° II-170, présenté par M. Foucaud, Mme Beaudeau, M. Loridant et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
« Rédiger comme suit le texte proposé par le 7° de cet article pour insérer un article 200 septies dans le code général des impôts :
« Art. 200 septies. - 1. Les contribuables qui ont leur domicile fiscal en France au sens de l'article 4 B bénéficient d'un crédit d'impôt égal au tiers du montant des revenus imposés selon les modalités du 2° du 3 de l'article 158, ainsi que les revenus de même nature et de même origine perçus dans un plan d'épargne en actions et déclarés dans les conditions du 1 de l'article 170.
« Ce crédit est retenu dans les limites annuelles de 115 euros pour les contribuables célibataires, divorcés ou veufs et 230 euros pour les contribuables mariés soumis à une imposition commune.
« 2. Le crédit d'impôt est imputé sur l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année au cours de laquelle les revenus sont perçus après imputation des réductions d'impôt mentionnées aux articles 199 quater B à 200, des autres crédits d'impôt et des prélèvements ou retenues non libératoires. S'il excède l'impôt dû, l'exédent est reportable sur les deux années suivantes. »
L'amendement n° II-177 rectifié, présenté par M. Plasait, est ainsi libellé :
« I. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le 7° du A du I de cet article pour l'article 200 septies du code général des impôts, remplacer la somme : "115 EUR" par la somme : "300 EUR" et la somme : "230 EUR" par la somme : "600 EUR".
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'augmentation du plafond du crédit d'impôt visé à l'article 200 septies du code général des impôts est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
La parole est à M. le rapporteur général, pour présenter l'amendement n° II-179.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Si le Parlement est un lieu où l'on débat - c'est sa vocation et sa noblesse -, souffrez, monsieur le ministre, que je vous contredise avec des arguments, et des chiffres issus d'une analyse qui a été menée en toute rigueur par la commission.
Tout d'abord, plaçons-nous sur le terrain économique et examinons la question du précompte ou plutôt de sa suppression. A cet égard, je ne peux que souscrire à vos arguments : le précompte doit être supprimé et sa disparition sera une simplification appréciable de notre droit fiscal. Le précompte est très complexe et extrêmement difficile à gérer pour les entreprises. Son coût peut être élevé pour certaines d'entre elles. Le précompte ne constitue pas seulement le gage de l'avoir fiscal - ce qu'il était à l'origine -, mais il tend à devenir un impôt à la charge de l'entreprise, donc un facteur de double imposition.
La commission partage ces arguments qui forment le tronc commun de nos propos respectifs.
Toutefois, il y a lieu de nuancer les arguments habituellement invoqués en faveur de la suppression du précompte.
Il faut se souvenir que le paiement de cet impôt repose sur une base très étroite. A la page 156 du tome III du rapport écrit de la commission des finances figure - et c'est une source du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie - la répartition par tranche des entreprises ayant acquitté le précompte en 2002. Elle montre que 442 entreprises ont acquitté le précompte et que son produit est très concentré puisque, en 2002, 90 % ont été versés par 10 % des assujettis. Autrement dit, 46 entreprises ont acquitté plus de 1 million d'euros de précompte.
Il est clair qu'un petit nombre de sociétés ou de groupes est aujourd'hui très pénalisé par le précompte. Bien entendu, il ne faudrait pas en déduire que l'on doive se désintéresser d'eux. Néanmoins, il convient, pour bien apprécier la suite, de se concentrer sur cet élément et de voir que les bénéficiaires de la réforme, pour une somme substantielle, ne représentent qu'une cinquantaine de groupes.
Afin d'examiner les effets macroéconomiques de la réforme et dans le souci d'informer le Sénat, la commission a établi un tableau complexe des gains et des coûts du point de vue des différents acteurs. Il figure à la page 159 du rapport écrit de la commission.
Sous l'angle macroéconomique, le dispositif de suppression du précompte et de la réforme de l'avoir fiscal s'apparente à un transfert de charges entre, d'une part, les 442 entreprises que j'ai évoquées qui enregistraient globalement un gain de 1,2 milliard d'euros chaque année et, d'autre part, trois catégories d'acteurs : les épargnants en actions, les non-résidents et l'Etat.
S'agissant de l'Etat, vous avez raison, monsieur le ministre, de dire qu'il ne gagne a priori rien au passage puisque, à compter de 2006 et au moins en 2006, 2007 et 2008, la réforme devrait comporter au contraire un coût net, donc une charge budgétaire correspondante, comprise entre 300 millions d'euros et 350 millions d'euros. Il faut constater que, dans cette réforme, l'Etat est non pas bénéficiaire mais contributeur.
Les non-résidents sont également contributeurs, ce qui est logique puisque l'avoir fiscal ne leur est plus restitué, pour un montant de près de 500 millions d'euros.
Quant aux épargnants en actions, ils perdraient chaque année globalement un peu moins de 200 millions d'euros.
Il est important de souligner que je n'ai trouvé nulle part de contestations de ces chiffres. Par conséquent, nous pouvons débattre sur une base stable et à partir d'éléments ayant un caractère de certitude.
Si l'on examine plus précisément ce qui se passe chez les épargnants en actions, il convient de distinguer deux situations : d'une part, celle des détenteurs de PEA et, d'autre part, celle des détenteurs en direct, détenteurs de comptes de titres en actions.
Les perdants les plus importants sont logiquement les détenteurs de PEA. En raison de la suppression de l'avoir fiscal, ces derniers perdent globalement 785 millions d'euros chaque année. Le crédit d'impôt nouvellement créé, selon le niveau où il sera fixé, ramène cette perte à une somme, qui reste substantielle, de 585 millions d'euros, compte étant tenu du relèvement opéré par l'Assemblée nationale.
En ce qui concerne les détenteurs de comptes titres en actions, il faut reconnaître que la réforme serait globalement neutre, car elle serait favorable à certains épargnants et, au contraire, défavorable à d'autres. Nous y reviendrons ultérieurement.
Les conditions dans lesquelles cette répartition des conséquences s'opère au sein de la catégorie des actionnaires individuels nous posent naturellement un certain nombre de problèmes, car nous devons nous assurer de l'équité des effets de la réforme.
Je souhaite aborder un autre aspect : l'attractivité de la place de Paris.
Vous vous réjouissez, monsieur le ministre, et vous avez raison d'un point de vue budgétaire, de la suppression de l'avoir fiscal des non-résidents. C'est effectivement un élément positif pour un ministre du budget.
Toutefois, ces 480 millions d'euros ne sont-ils pas une incitation à choisir des actions cotées sur la place de Paris plutôt que sur d'autres places européennes, incitation destinée aux investisseurs institutionnels lesquels raisonnent sur le plan mondial et arbitrent entre les places ? La suppression brutale de cet avoir fiscal des non-résidents ne comporte-t-elle pas un risque réel de réallocation d'actifs au profit d'autres places financières ?
Parallèlement, le dispositif proposé incite fortement les épargnants français à diversifier leur portefeuille d'actions en y incluant une part significative d'actions étrangères. Cela peut se comprendre aisément, puisque, à l'heure actuelle, les actions françaises sont favorisées par le système de l'avoir fiscal, contrairement aux actions étrangères qui n'y donnent pas droit. Dès lors que l'avoir fiscal est supprimé, il est logique que les épargnants soient moins réticents à diversifier la répartition de leur portefeuille afin d'acquérir des actions étrangères plutôt que des actions françaises. Je cite deux exemples, pages 160 et 161 de mon rapport écrit, de cette forme d'arbitrage et de comparaison de la situation avant la réforme et après la réforme pour des contribuables dont les caractéristiques fiscales sont précisées.
Pardonnez-moi, monsieur le ministre, d'avoir quelque peu insisté sur cet aspect relatif à la compétitivité de la place de Paris, mais il ne peut laisser le Sénat indifférent, quelques mois après le vote d'une loi de sécurité financière dont l'objectif était d'assurer la meilleure compétitivité possible de cette place.
J'en viens à la question de l'urgence et à celle des contentieux. Je ne peux qu'abonder dans votre sens, monsieur le ministre, et reconnaître qu'il n'est jamais agréable d'être sous le coup de possibles condamnations judiciaires, surtout lorqu'elles sont coûteuses. Les risques existent, vous nous l'avez dit, mais en termes de délais et de jurisprudence, la certitude est peut-être moins totale que certains propos ne le laissent penser.
Nous sommes bien informés de l'action intentée par six grandes entreprises françaises devant les juridictions nationales. Ces entreprises contestent le bien-fondé de l'imposition au précompte de certaines de leurs distributions.
L'enjeu est en effet considérable. Ces requérants contestent le caractère discriminatoire, selon eux, de la législation française à l'égard des dividendes de source étrangère. A ma connaissance, ce contentieux en est à son début et, en tout état de cause, la loi fiscale nouvelle ne changera rien par rapport à la situation de droit qui sera appréciée un jour, en dernier ressort, par une cour.
En ce qui concerne l'avoir fiscal et sa compatibilité avec le droit européen, j'observe que la Commission européenne peut être conduite à prendre des positions diverses sur une même question dans un faible laps de temps. En effet, s'agissant du PEA, dont certains aspects sont jugés discriminatoires par la Commission européenne à l'égard des pays tiers, le commissaire chargé du marché intérieur, M. Bolkestein, pourtant réputé pour son intransigeance, a décidé de reporter sa proposition d'ouvrir une procédure d'infraction contre la France en attendant que la situation évolue par ailleurs sur le plan des institutions européennes.
Vous nous avez cité à juste titre, monsieur le ministre, le contentieux avec la Finlande. Notre pays n'est pas encore directement l'objet d'une action. Cette dernière s'ouvrira peut-être et prendra un certain temps avant d'arriver à son terme.
La réforme de l'avoir fiscal nous pose des problèmes, non pas tant parce que nous contestons l'opportunité ou la nécessité de supprimer un jour le précompte, mais parce qu'il nous semble que nous risquons de procéder à cette réforme à contretemps.
Tout d'abord, est-ce le meilleur moment de procéder à une telle réforme, alors que nous sommes à la sortie d'une période de crise boursière, et que nous commençons seulement à reprendre espoir ?
Par ailleurs, nous avons en mémoire les dispositions qui ont été votées sur l'initiative du Sénat en loi de finances pour 2003 pour redonner confiance aux actionnaires individuels. A cet égard, on se souviendra que, parmi d'autres mesures, le plafond du plan d'épargne en actions a été relevé de 120 000 euros à 132 000 euros et que les épargnants ont été incités à investir des montants plus élevés dans leur PEA. La commission ne voudrait pas que ces épargnants puissent penser que le Sénat a contribué à les piéger ou, si cette expression est trop forte, qu'un changement de pied, intervenu quelques mois plus tard, a compromis leur situation.
Il existe même des cas, dont je fais état dans mon rapport écrit, sans doute particuliers mais représentatifs, où l'on peut démontrer que les effets de la réforme de l'avoir fiscal annulent ceux de la baisse de 3 % du barème de l'impôt sur le revenu.
En conclusion, mes chers collègues, regardons ce qu'il en est du côté des épargnants. Le régime du PEA, vu de Sirius ou de l'étranger, peut apparaître comme un régime généreux cumulant, avec la distribution de l'avoir fiscal, différents avantages. Mais tel est le PEA, et le contrat de confiance qui lui est lié entre les épargnants et l'Etat ne date pas d'aujourd'hui. C'est un produit au poids économique certain et extrêmement diffusé dans la population. C'est la raison pour laquelle il ne faut y toucher qu'avec beaucoup de précautions.
Il m'est arrivé de lire ou d'entendre dire que l'une des motivations de cette réforme serait de faire obstacle à des manoeuvres frauduleuses consistant à utiliser le PEA comme instrument détourné, pour y placer des opérations financières et se faire restituer des volumes considérables d'avoirs fiscaux.
Il est tout à fait clair que des situations de ce genre doivent être pourchassées comme elles le méritent sur le terrain de l'abus de droit. D'après les informations que nous nous sommes procurées, il y aurait bien entre 1,5 million et 2 millions de PEA sur 7 millions au total qui seraient perdants à la réforme, ce qui n'est pas négligeable.
Au demeurant, c'est une réforme extrêmement délicate sur laquelle bien des choses ont été dites au cours des années passées. Pour illustrer nos incertitudes, je ne peux que faire référence à un colloque que la commission des finances avait organisé au mois de mai 2001 avec le centre d'étude de la fiscalité des entreprises de Paris, le CEFEP. Ce colloque, extrêmement intéressant, nous avait plongé dans la perplexité la plus complète tant sa technicité était grande.
J'ai relevé dans les actes de ce colloque - que l'on n'y voie pas de malice particulière - un propos tenu par le directeur de la législation fiscale : « Cette réforme ne serait pas neutre pour l'actionnaire. Nos modèles suggèrent que la transposition vers un dispositif à l'allemande ou vers un prélèvement libératoire, tout en maintenant l'abattement de 8 000 ou 16 000 francs au niveau actuel se traduirait par 3 millions de perdants, à savoir les contribuables qui déclaraient dans leur feuille d'impôt des dividendes, ce qui est hors de question. »
Pour ne pas vous faire perdre de temps, je vous renvoie aux simulations que nous avons opérées et qui ont été difficiles à mettre au point, il faut le reconnaître. Il a fallu vraiment tout le talent mathématique des collaborateurs de la commission pour élaborer ces courbes. Le fait suivant ressort : pour les détenteurs de comptes titres, la réforme est favorable jusqu'à un seuil assez bas. Elle devient défavorable pour les épargnants qui sont peu fiscalisés et qui se situent, par exemple, au milieu du barème progressif de l'impôt sur le revenu.
Enfin, des patrimoines plus importants détenus par des personnes fiscalisées au taux marginal peuvent se trouver avantagés par la réforme.
Monsieur le ministre, la réforme que vous préconisez en toute bonne foi - nous ne saurions bien entendu mettre en doute les intentions qui vous animent - risque de notre point de vue de faire des « dégâts collatéraux » non négligeables.
J'ai déjà évoqué les épargnants assez âgés qui reçoivent une pension de retraite, dont le niveau de fiscalité est assez faible, et qui comptent sur le dividende pour compléter leur budget annuel. Il s'agit aussi de personnes morales, de fondations reconnues d'utilité publique, d'associations qui tirent leur revenu du produit de leur patrimoine. Ce patrimoine peut être constitué en actions, et le Sénat avait obtenu l'an dernier, dans la loi de finances, le vote d'une mesure qui restituait l'avoir fiscal à ces organismes. Nous ne voudrions pas nous retrouver un an après dans la situation inverse et que ceux-ci essuient des pertes suceptibles de remettre en cause leurs perspectives d'activité.
Au terme de cet exposé trop long, mais effectué avec une bonne foi égale à celle du Gouvernement, mes chers collègues, nous pensons que les choses ne sont pas mûres et que cette réforme pourrait être reportée d'une année.
J'ai bien entendu, monsieur le ministre, le discours de la réforme que vous avez tenu, et qui peut d'ailleurs s'appliquer à une infinité de sujets dans la gestion de l'Etat. Je me demande, comme vous, si une réforme incontestable est possible en se limitant à la fiscalité des actions, et si une démarche plus globale, qui aurait consisté à réexaminer beaucoup plus largement la fiscalité de l'épargne selon les principes de la commission, ne nous aurait pas apporté les marges de manoeuvre permettant véritablement de neutraliser la suppression de l'avoir fiscal pour le plus grand nombre des actionnaires.
Nous regrettons de ne pas vous avoir convaincu, monsieur le ministre, et nous espérons encore y parvenir, même si le ton et la clarté de votre propos ne nous laissent guère de doute.
Une heureuse surprise est toutefois toujours possible, et peut-être partagerez-vous le regret que j'ai exprimé.
J'évoquerai, pour terminer, le regret plus circonstanciel : que l'on ait pu considérer que, Parlement ou pas Parlement, la réforme était faite. Telle est, en effet, la tendance de nos concitoyens : à partir du moment où une réforme est annoncée à la presse, avant même, bien souvent, que le projet de loi soit adopté par le conseil des ministres, les choses sont faites ! Nous avons été quelques-uns à être choqués que l'on commente cette réforme comme si elle était déjà décidée, le Parlement n'ayant pas encore voté, et que l'on participe même à des rencontres, à des colloques, pour faire des commentaires à propos d'une mesure qui continue, malgré tout, de poser des problèmes.
Telles sont, monsieur le ministre, les raisons pour lesquelles la commission des finances a estimé devoir proposer la suppression de l'article, c'est-à-dire le report de la réforme, car il ne s'agit pas d'en contester les prémices, à savoir la nécessité de supprimer un jour le précompte.
M. le président. La parole est à M. Gérard Miquel, pour présenter l'amendement n° II-92.
M. Gérard Miquel. Je suis d'accord avec vous, monsieur le ministre, sur la nécessité de réformer l'avoir fiscal. Ce qui nous sépare, c'est la méthode utilisée.
En effet, la réforme de l'avoir fiscal instaurée aux termes de l'article 66 pose un problème au groupe socialiste, parce qu'il s'agit, une fois de plus, d'un dispositif favorable aux ménages dont les revenus sont les plus importants. La mise en place d'un abattement de 50 % des revenus distribués assure un avantage fiscal d'autant plus grand que les tranches d'imposition concernées sont élevées.
Là encore, même dans le monde des épargnants, le Gouvernement favorise les gros par rapport aux petits : les gros épargnants par rapport aux petits épargnants, les gros contribuables par rapport aux contribuables modestes, les gros actionnaires par rapport aux actionnaires individuels, un petit nombre de grosses entreprises par rapport aux petits épargnants qui sont appelés à les financer.
Le cas de figure est bien connu, mais terriblement injuste. La situation ainsi créée est d'autant plus étrange que ce sont les classes moyennes s'étant constitué un capital de retraite qui sont visées par le nouveau dispositif, au moment même où le Gouvernement veut mettre en place un mécanisme d'épargne retraite, sans parler de la suppression quasi totale des avantages dont bénéficiaient les porteurs de PEA.
Parce que l'activité des entreprises françaises est de plus en plus mondialisée et que le coût du remboursement de l'avoir fiscal aux non-résidents devient de plus en plus cher, une réforme de l'avoir fiscal est sans doute utile. Mais encore faut-il y réfléchir à deux fois.
Là encore, le Gouvernement pratique sa politique désormais bien connue de la ponction compensatrice : la baisse de l'impôt sur le revenu pour les plus favorisés ne cesse de se payer par la hausse des autres prélèvements. Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste demande la suppression de l'article 66.
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour présenter les amendements n°s II-167, II-168, II-169 et II-170.
M. Thierry Foucaud. Avec l'article 66 du projet de loi de finances, nous débattons de la réforme de l'avoir fiscal.
On pourrait nous demander pour quels motifs nous sommes partisans de la suppression pure et simple de cet article réformant l'avoir fiscal, comme le propose d'ailleurs une partie de la majorité sénatoriale. Les raisons qui nous animent sont assez nettement différentes de celles qui président aux préoccupations exprimées ici ou là. Nous persistons à penser que l'avoir fiscal constitue une authentique fiction juridique qui ne permet qu'à quelques contribuables relativement fortunés de bénéficier d'un avantage fiscal indû dont le poids en termes de dépenses fiscales constitue l'un des multiples éléments de valorisation des placements financiers dont notre fiscalité est truffée.
L'avoir fiscal, ne l'oublions pas, est parfois associé au versement de dividendes d'entreprises en déficit et constitue, de fait, un élément complémentaire de dévitalisation des fonds propres des entreprises concernées. Il est une rémunération supplémentaire de l'actionnariat qui n'a souvent que peu de rapport avec la réalité économique d'une entreprise puisque le montant du dividende finalement attribué ne procède que du bon vouloir de l'assemblée des actionnaires.
Il n'est en définitive qu'une confiscation au profit des actionnaires d'une partie du travail et de la richesse créée par les salariés. Nous sommes donc clairement opposés à tout dispositif de cette nature dans notre législation.
La disparition programmée de l'avoir fiscal, telle qu'elle est prévue par le présent article, recouvre également d'autres motivations. On ne peut manquer de relever que le système français procède, en la matière, de l'« exceptionnalité », aucun de nos partenaires économiques essentiels n'ayant, comme cela a été rappelé, un tel dispositif législatif dans son droit fiscal.
Cela dit, nous ne pouvons évidemment résister au bonheur de rappeler une partie de l'exposé des motifs du présent article : « Le régime fiscal français des distributions, qui repose sur le mécanisme de l'avoir fiscal et du précompte versé par les entreprises, est source de complexité tant pour les entreprises que pour l'actionnaire. Il pénalise la compétitivité des entreprises françaises, en particulier au regard de leur développement international. »
Pourquoi avoir attendu si longtemps ? Il vaut donc mieux mettre un terme à l'expérience et adopter cet amendement de suppression pure et simple de l'article 66.
Les amendements n°s II-168, II-169 et II-170 sont des amendements de repli. Comme je l'ai indiqué, une véritable réforme de l'avoir fiscal passe en fait par sa suppression, cet instrument de dépense fiscale constituant ce que l'on peut appeler une « fiction juridique ».
Ces trois amendements ne font donc que cadrer un peu plus le dispositif qui nous est présenté par l'article 66, rendu obligatoire aux yeux de certains, compte tenu d'une certaine forme d'harmonisation européenne.
Nous ne sommes pas, comme la commission des finances, choqués par le fait que les revenus du capital cesseraient de tirer parti de l'avoir fiscal. Des sommes sont peut-être à recadrer, et ces amendements y contribuent. En effet, rien ne justifie que le taux d'abattement soit fixé à 50 % lorsque le taux de l'impôt sur les sociétés est de 33,33 %. C'est le sens de l'amendement n° II-168.
Rien ne justifie davantage qu'existe une sorte de crédit d'impôt minimal destiné en pratique à éviter aux plus petits épargnants les effets de toute réforme du système. Que vaut ce dispositif au regard de l'abattement de 50 % ? Soyons clairs, ceux qui bénéficiaient le plus de l'avoir fiscal, M. Miquel vient de le rappeler, ce sont les détenteurs des plus gros revenus et non les retraités ou les petits épargnants qui sont souvent d'ores et déjà non imposables avant toute application du crédit d'impôt. C'est le sens de l'amendement n° II-170.
L'amendement n° II-169 consacre notre position de principe de non-reversement du bénéfice de l'avoir fiscal pour les entreprises dont le siège est situé hors du territoire de l'Union européenne. Comme nous l'avons maintes fois souligné, l'avoir fiscal ne règle pas, loin de là, la question du financement des entreprises. Il n'est définitivement qu'un outil d'optimisation fiscale qui ne profite réellement qu'aux plus gros patrimoines et bien sûr aux plus gros revenus.
C'est en dernière instance pour l'ensemble de ces raisons que je vous invite à adopter ces amendements, mes chers collègues.
M. le président. L'amendement n° II-177 rectifié n'est pas soutenu.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je le reprends, au nom de la commission.
M. le président. Il s'agit donc de l'amendement n° II-177 rectifié bis.
La parole est à M. le rapporteur général, pour le présenter et pour donner l'avis de la commission sur les autres amendements.
M. Philippe Marini, rapporteur général. L'amendement n° II-177 rectifié bis constitue de mon point de vue un amendement de repli. Il vise à relever le plafond du crédit d'impôt défini par l'article 66 du projet de la loi de finances de 115 à 300 euros pour un célibataire et de 230 à 600 euros pour un couple. Cet amendement limiterait les effets de la réforme de l'avoir fiscal pour les épargnants en quadruplant le plafond du crédit d'impôt proposé initialement par le Gouvernement.
En ce qui concerne les PEA, le relèvement à ce niveau du crédit d'impôt permettrait un bénéfice comparable à l'avoir fiscal pour les épargnants disposant d'un portefeuille d'actions inférieur à 32 700 euros. Aux termes de cet amendement, 500 000 PEA sur 7 millions resteraient touchés par la réforme, ce qui nous semble raisonnable.
Le coût budgétaire de ce relèvement serait, selon des calculs qu'il convient de confirmer, de l'ordre de 140 millions d'euros par an pour les seuls PEA, et probablement d'environ 240 millions d'euros par an en incluant les comptes titres.
J'en viens maintenant à l'avis de la commission. Je suis évidemment favorable aux amendements n°s II-92 et II-167 de suppression, même si je n'en partage pas les motivations. Je suis même assez surpris de voir que Thierry Foucaud, habituel pourfendeur de l'avoir fiscal, conteste sa disparition. Mais chacun gère ses contradictions !
M. Roland du Luart. Il est solidaire de la commission des finances !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Il est vrai que Thierry Foucaud est un membre éminent de la commission des finances, et c'est probablement une marque de solidarité envers la majorité de celle-ci !
M. Roland du Luart. C'est bien ce que j'avais compris !
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission n'est pas favorable à l'amendement n° II-169.
Quant à l'amendement n° II-168, je le trouve quelque peu surprenant, car il augmente l'abattement sur le dividende, ce qui a clairement pour effet d'améliorer la situation des patrimoines de ceux qui sont le plus fortement imposés au titre de l'impôt sur le revenu.
Par ailleurs, l'amendement n° II-170 vise à réduire le crédit d'impôt.
De ce fait, il porterait préjudice aux détenteurs plus modestes et plus faiblement imposés.
Il est donc clair que la commission ne peut qu'émettre un avis défavorable sur ces amendements.
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je souhaite répondre à M. le rapporteur général, qui a bien voulu nous donner son éclairage et celui de la commission sur tous ces sujets. Il a divisé son propos en trois parties. J'interviendrai en particulier sur la première partie, qu'il a lui-même qualifiée de « macroéconomique ».
La base étroite du précompte correspond à l'essentiel de la capitalisation du CAC 40. Il est vrai, monsieur le rapporteur général, que le précompte est très concentré. Toutefois, cet impôt peut aussi concerner des PME lorsqu'elles bénéficient par exemple du taux réduit de l'impôt sur les sociétés de 15 %. Elles paient le précompte sur la différence entre le taux de 15 % et celui de 33,33 %.
Vous avez indiqué, monsieur le rapporteur général, que cette réforme avait un coût pour l'Etat, et vous m'aidez, en cela, à tordre le cou à la légende selon laquelle ce serait le moyen pour l'Etat de récupérer de l'argent. Toutes choses égales par ailleurs, même si l'Etat est contributeur - vous avez évoqué le chiffre de 300 à 350 millions d'euros pendant trois ans -, il sera finalement gagnant, car il évite la croissance régulière du coût de l'avoir fiscal, qui s'élève, je le rappelle, à 500 millions d'euros par an. Si nous raisonnons ainsi, le gain potentiel de l'Etat sera de 200 millions d'euros par an.
Quoi qu'il en soit, la dynamique de cet avoir fiscal, que vous avez vous-même observée, est telle qu'il faut absolument la maîtriser.
J'en viens maintenant à l'aspect « désincitatif » de cette mesure : cette dernière pourrait-elle nuire à l'attractivité de la place de Paris ? Si l'avoir fiscal était le gage de l'attractivité de la place de Paris, cela ne constituerait pas un bon signal pour la place de Paris elle-même. En effet, nous pouvons penser qu'elle a d'autres raisons d'attirer les investisseurs étrangers : ceux-ci s'intéressent plus, me semble-t-il, aux perspectives de plus-values qu'au seul rendement sous forme de dividendes et d'avoir fiscal. En tout cas, espérons-le pour les entreprises !
Je crois aussi que, depuis la diminution du taux de l'avoir fiscal pour les sociétés qui ne disposent pas du régime mère-fille - il est passé de 50 % à 10 % - on n'a constaté aucune baisse de participation étrangère, notamment s'agissant des fonds de pension, sur ce seul motif.
Europlace ne m'a pas fait part de craintes s'agissant de l'attractivité de la place de Paris au regard de l'avoir fiscal. Le marché boursier parisien a bien évolué depuis 1965 et cet avantage compétitif ne me paraît pas décisif pour son avenir.
J'en viens maintenant aux questions relatives à l'urgence. Je connais l'esprit de responsabilité du Sénat. Mais des contentieux sont en cours et tous les éléments juridiques vont à l'encontre de nos positions. L'exécutif ne peut donc pas, sur un tel sujet, prétendre que cela lui indiffère.
Vous dites, monsieur le rapporteur général, qu'il n'y a pas urgence, parce que les juridictions ne statueront pas en dernier ressort avant la prochaine loi de finances. J'espère que vous avez raison. Cependant, cela revient à accroître potentiellement le coût financier de ces contentieux. Par conséquent, il nous faut assumer pleinement nos responsabilités.
Si encore vous me disiez, monsieur le rapporteur général, que vous songez à un projet de réforme nettement plus satisfaisant que ma proposition, que vous avez besoin de deux mois supplémentaires pour le mettre totalement au point et qu'il sera opérationnel, je serais prêt à attendre, car nous ne sommes pas à deux mois près dans ces circonstances-là. Mais, comme je l'ai dit dans mon intervention sur l'article, il n'existe pas de solution alternative. D'ailleurs, vous n'en avez pas proposé !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce serait trop cher, monsieur le ministre !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Si c'est cher cette année, il en sera de même les autres années ! De lourds contentieux nous menacent et il faut absolument que nous puissions les prévenir.
Vous avez dit également qu'il ne fallait pas engager de réforme à contretemps et qu'il convenait de faire appel à la confiance. Eh bien ! monsieur le rapporteur général, je ne peux pas prétendre connaître les marchés financiers aussi bien que vous, mais je peux espérer que nous nous rejoindrons s'agissant de la confiance. En effet, subir une réforme masquée, une réforme non avouée, une réforme réputée incontournable, sans en connaître le contenu, est encore pire, pour les épargnants, qu'une réforme dont ils ont connaissance. Car, dans ce cas, ils savent au moins où ils vont.
Le Gouvernement agit ainsi à leur égard dans la clarté, dans la transparence et dans le respect de la parole donnée. Il s'agit là d'un élément qui peut, au contraire, favoriser la confiance.
Monsieur le rapporteur général, vous nous avez invités à nous reporter aux travaux du CEFEP, auquel la commission des finances du Sénat s'est associée à l'occasion d'un colloque qui s'est tenu le 16 mai 2001. Vous avez cité le directeur de la législation fiscale, personnalité très respectable, d'autant qu'elle n'a pas les moyens de prendre la parole. Mais il est une autre personnalité...
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je sais ce que vous allez dire...
M. Alain Lambert, ministre délégué. ... c'est Philippe Marini lui-même, rapporteur général, qui a prononcé, au cours de ce colloque, des paroles sinon définitives, en tout cas qui m'ont convaincu. Vous aviez alors, monsieur le rapporteur général, une vision un peu critique de la législation actuelle en matière de précompte et d'avoir fiscal.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Je suis toujours critique !
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je citerai quelques extraits de cette vision que vous nous avez alors livrée.
« La France continue de faire vivoter un système que presque tous qualifient de moribond. [...]
« Aujourd'hui, le système de l'avoir fiscal et du précompte est ainsi l'antithèse de ce qu'il faut faire en matière fiscale, puisqu'il est complexe [...], coûteux en gestion pour les entreprises, coûteux pour le budget de l'Etat, instable et surtout incohérent.
« Il serait temps de faire preuve à nouveau d'un peu de modernité fiscale pour moderniser notre système d'imposition des distributions. [...] Ce "vieux" dispositif n'est plus un "bon" dispositif.
« Les pistes de solution sont désormais bien connues : suppression du précompte seule, régime du précompte optionnel ou suppression du précompte et de l'avoir fiscal avec l'instauration d'un abattement sur les dividendes, d'un prélèvement libératoire ou d'une retenue à la source, idéalement dans le cadre d'une véritable réforme du barème de l'impôt sur le revenu.
« On doit espérer que la réforme de ce système obsolète, que la commission des finances s'évertue à demander chaque année au Gouvernement, sera enfin inscrite dans le cadre de la prochaine loi de finances. »
Eh bien ! monsieur le rapporteur général, vous avez été entendu !
Tout à l'heure - et je le comprends -, vous vous êtes offusqué du fait que l'on ait commenté la réforme avant même qu'elle ait été décidée. Mais j'ai pris l'engagement, l'an dernier, dans cet hémicycle, de présenter une réforme lors de l'examen du projet de loi de finances pour 2004. Je n'ai donc pas pris en traître la commission des finances !
Cette réforme est indispensable et le Gouvernement n'envisage pas d'y renoncer. C'est ce qui me conduit à émettre un avis défavorable sur tous les amendements de suppression.
Je précise à M. Miquel que c'est précisément pour les petits actionnaires que nous avons proposé la création d'un crédit d'impôt, contrairement à la réforme qui a été opérée en Allemagne, avec un gouvernement qui est plus proche de vos voeux. Vous nous reprochez donc, en quelque sorte, notre générosité.
Cela étant, le Gouvernement ne désire pas imposer une réforme contre la volonté du Sénat, notamment de la commission des finances. Il a voulu engager le dialogue.
Les souhaits exprimés dans l'amendement n° II-177 rectifié bis sont impossibles à satisfaire, car ils vont beaucoup trop loin. Si la commission des finances, après y avoir réfléchi, voulait s'orienter dans la voie d'un léger relèvement du crédit d'impôt, je serais ouvert à une telle disposition, mais à condition qu'elle reste dans des limites financièrement acceptables.
Telles sont les précisions que je souhaitais apporter.
Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements identiques n°s II-167, II-179, II-92 et ainsi qu'aux amendements n°s II-168, II-169 et II-170.
S'agissant de l'amendement n° II-177 rectifié bis, le Gouvernement serait prêt à l'examiner s'il était modifié, afin d'aboutir à des chiffres qui seraient supportables.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous venons d'avoir un débat d'une haute qualité. Je me réjouis que des arguments aient pu être échangés entre M. le ministre et M. le rapporteur général avec autant de données objectives et de références historiques. Cela honore le Parlement.
En exprimant de nouveau avec force votre attachement à ce que cette réforme soit décidée dans les meilleurs délais, monsieur le ministre, vous nous avez invités à explorer l'ouverture que préfigure l'amendement de notre collège Bernard Plasait.
Je voudrais exprimer un souhait. Avec les propositions qui sont formulées, les entreprises échapperont au paiement du précompte, c'est-à-dire au versement de près de 2 milliards d'euros : ce sont les références de 2002, qui apparaissent dans l'analyse du rapporteur général.
Peut-on espérer que les entreprises disposant ainsi de ressources plus consistantes se dirigent vers une politique de dividendes plus généreuse ? En d'autres termes, sont-elles prêtes à restituer aux actionnaires une fraction significative de l'économie de précompte qu'elles pourraient réaliser ? On pourrait alors imaginer que les actionnaires perçoivent non plus l'avoir fiscal, mais un supplément de dividendes.
Cela étant, monsieur le président, à ce stade de la discussion, je demande une suspension de séance de quelques minutes, afin que la commission des finances puisse se réunir.
M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur le président.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue le mardi 9 décembre 2003 à zéro heure dix, est reprise à zéro heure vingt-cinq.)
M. le président. La séance est reprise.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. La commission des finances, après en avoir délibéré, s'est résolue à faire un pas - presque un saut ! - dans le sens du Gouvernement.
M. Roland du Luart. Un saut à l'élastique !
M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous n'avons malheureusement pas convaincu M. le ministre. Celui-ci a d'ailleurs malicieusement rappelé, mais je lui avais peut-être tendu la perche, le colloque de mai 2001, montrant ainsi la grande difficulté du problème et les contradictions dans lesquelles nous pouvons nous trouver. A l'époque, le directeur de la législation fiscale, qui, je pense, dans le cadre de ses fonctions, a probablement, et tout à fait légitimement, milité pour ce que vous défendez, monsieur le ministre, et qui a acquis votre conviction, n'était pas, en mai 2001, très « chaud », si vous me permettez cette expression familière.
En ce qui me concerne, m'exprimant de façon un peu rapide, et participant, il est vrai, à beaucoup de colloques, en en assurant parfois de façon imprudente la conclusion (Sourires), j'ai tenu les propos que vous avez bien voulu rappeler, monsieur le ministre. Je confesse que je les ai tenus sans avoir fait procéder à aucune simulation à l'époque. Or, depuis, les simulations ont été faites avec beaucoup de rigueur et de sens du devoir par nos collaborateurs, et elles nous ont convaincus de la réalité des problèmes.
Bref, ne revenons pas sur un sujet aussi délicat, que chacun fasse preuve de modestie. La commission, pour sa part, n'a ni amour propre d'auteur ni fierté mal placée. En conséquence, monsieur le président, nous retirons l'amendement de suppression n° II-179.
M. le président. L'amendement n° II-179 est retiré.
Veuillez poursuivre, monsieur le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Par ailleurs, nous souhaiterions que soit appelé par priorité l'amendement n° II-177 rectifié bis, mais qui deviendrait l'amendement n° II-177 rectifié ter à la suite d'une modification que nous souhaitons apporter.
M. Plasait proposait un crédit d'impôt de 300 euros pour une personne seule, et de 600 euros pour un couple. Nous voudrions, mes chers collègues, vous demander de voter les sommes de 230 euros pour une personne seule et de 460 euros pour un couple, soit le double des montants qui nous sont proposés par le Gouvernement, respectivement de 115 euros et de 230 euros.
La situation serait, de la sorte, un peu plus satisfaisante. Il est vraisemblable que 800 000 titulaires de PEA demeureraient touchés, alors que, dans le cadre qui nous est tracé par le Gouvernement, après passage à l'Assemblée nationale, ce nombre serait de 2 millions. Passer de 2 millions à 800 000, cela serait évidemment une amélioration !
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° II-177 rectifié ter, déposé par M. Marini, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :
« I. - Dans le deuxième alinéa du texte proposé par le 7° du A du I de cet article pour l'article 200 septies du code général des impôts, remplacer la somme : "115 EUR" par la somme : "230 EUR" et la somme : "230 EUR" par la somme : "460 EUR".
« II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« ... La perte de recettes résultant pour l'Etat de l'augmentation du plafond du crédit d'impôt visé à l'article 200 septies du code général des impôts est compensée à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts. »
J'ai été saisi par la commission d'une demande de priorité de l'amendement n° II-177 rectifié ter.
Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Le Gouvernement n'y voit pas d'objection.
M. le président. La priorité est ordonnée.
Quel est donc l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° II-177 rectifié ter ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je veux tout d'abord remercier la commission des finances d'avoir accepté de retirer son amendement de suppression. Cependant, parce que j'ai pour habitude de respecter les engagements que je prends et que, en l'occurrence, j'ai fait savoir, au moment de la suspension de séance, le montant au-delà duquel je ne donnerai pas mon accord, je m'y tiendrai.
Autrement dit, je ne peux pas donner un avis favorable à cet amendement. J'ai clairement indiqué qu'il était impossible pour moi d'aller au-delà de 150 euros et de 300 euros. Très franchement, dans les propositions que j'avais faites, je suis déjà allé au-delà du mandat qui était le mien. Donc, chacun prendra ses responsabilités : si le Sénat vote cet amendement, je serai contraint de demander une seconde délibération.
M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, la commission des finances a, ce soir, accompli plus qu'un pas en direction du Gouvernement. Notre souci est de sortir de cette discussion au Sénat après une délibération qui permette d'ouvrir le dialogue avec nos collègues députés au moment de la commission mixte paritaire.
Le vote de ce soir ne préjuge en aucune façon les conclusions de la commission mixte paritaire. Je souhaiterais donc que le Gouvernement veuille bien reconnaître l'importance significative du chemin que nous avons accompli en sa direction.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-177 rectifié ter.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. En conséquence, les amendements n°s II-92, II-167 et II-170 n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'amendement n° II-168.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-169.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président. Je mets aux voix l'article 66, modifié.
(L'article 66 est adopté.)
M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.