M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, sur l'article.
M. Michel Charasse. J'ai déposé sur cet article 25, et d'ailleurs sur l'article 24 qui suit, selon l'ordre arrêté par la commission, et que le Sénat a bien voulu accepter, deux amendements : l'amendement n° I-3, qui porte sur l'article 25, et l'amendement n° I-2 rectifié, qui concerne l'article 24.
Ces deux amendements constituent, comme les deux articles 24 et 25, un tout. Ils visaient à instaurer une nouvelle répartition de la part réservée au BAPSA et à moduler les droits d'une manière différente. Ils tendaient aussi à jouer sur les recettes grâce à la hausse des prix décidée par les fabricants en accord avec le Gouvernement, afin d'éviter une hausse trop brutale du prix des cigarettes au 1er janvier 2004. Ce système permettait, au fond, de lisser la hausse et de l'étaler un peu sur toute l'année pour qu'elle soit moins sensible, sans perdre de vue, naturellement, l'objectif anti-tabac, sur lequel nous nous rejoignons tous ici et qui ne nécessite pas que l'on s'y étende de façon interminable.
En outre, le tout aboutissait à assurer au Gouvernement les recettes qu'il souhaitait, notamment pour le BAPSA.
J'avais déjà présenté ces amendements à l'occasion de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, puisque j'en avais fait des sous-amendements à l'amendement n° 13 de la commission des affaires sociales, qui proposait de transférer les articles 24 et 25 du projet de loi de finances dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale.
Il se trouve que le Sénat n'a pas voulu de l'amendement n° 13, ni, par voie de conséquence, des sous-amendements qui s'y rattachaient et dont j'étais l'auteur ; je n'entrerai pas dans le détail à cette heure tardive.
Je voudrais simplement dire, monsieur le président, que j'ai pris connaissance des nouveautés que constituent les amendements n°s I-304 rectifié et I-303 du Gouvernement, qui s'appliquent respectivement aux articles 25 et 24. Ces deux amendements prévoient, au fond, une démarche intellectuellement très proche de celle que j'avais suggérée, même si les modalités diffèrent : ainsi, le taux des taxes n'est pas tout à fait celui que j'ai proposé, etc. En définitive, le résultat est presque identique à celui que j'avais suggéré : en tout cas, intellectuellement, il s'en rapproche. Je laisserai, bien sûr, le soin au rapporteur général, dont c'est le rôle, d'expliquer le fond de l'affaire, mais, dans ce cas, je ne vois pas l'intérêt de maintenir mes deux amendements n°s I-3 et I-2 rectifié. Par conséquent, je les retire. (M. Philippe Marini, rapporteur général, applaudit.)
M. le président. Je suis saisi de sept amendements faisant l'objet d'une discussion commune. Les quatre premiers sont identiques.
L'amendement n° I-3 est présenté par M. Charasse.
L'amendement n° I-100 est présenté par Mmes Desmarescaux, Henneron, Bout et Létard, MM. Darniche, Lecerf, Leclerc et Vanlerenberghe.
L'amendement n° I-179 rectifié est présenté par MM. Fournier, du Luart et Oudin.
L'amendement n° I-254 rectifié ter est présenté par MM. Gournac, P. Blanc, Ginésy, Pintat, Mouly, Murat, Besse et de Broissia.
Ces quatre amendements sont ainsi libellés :
« Supprimer le II de cet article. »
L'amendement n° I-304 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le II de cet article :
« II. - 1° Au troisième alinéa de l'article 575 du code général des impôts, le taux : "5 %" est remplacé par le taux : "8 %". »
« 2° Le troisième alinéa de l'article 575 A du même code est ainsi rédigé :
« cigarettes : 64 % »
« 3° L'article 1609 unvicies du même code est abrogé. »
L'amendement n° I-255 rectifié ter, présenté par MM. Gournac, P. Blanc, Ginésy, Pintat, Mouly, Murat, Besse et de Broissia, est ainsi libellé :
« Au début du II de cet article, ajouter les mots : " A compter du 1er juillet 2004,". »
L'amendement n° I-180, présenté par Mmes G. Gautier et Payet, MM. Nogrix, Moinard, Amoudry et Badré, est ainsi libellé :
« Compléter le II de cet article par une phrase ainsi rédigée :
« Le taux actuel du BAPSA de 0,74 % est doublé à compter du 5 janvier 2004, puis porté à son taux plein à compter du 5 juillet 2004. »
L'amendement n° I-3 a été retiré.
La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux, pour présenter l'amendement n° I-100.
Mme Sylvie Desmarescaux. Cet amendement vise à supprimer le II de l'article 25.
En effet, une hausse moyenne de plus de 20 % du prix du tabac est intervenue le 20 octobre dernier. En augmentant l'écart des prix avec les pays voisins, cette hausse favorise les ventes transfrontalières et entraîne le développement d'une économie parallèle. Elle provoque une désaffection des débits de tabac français, particulièrement grave en zone frontalière - habitant une zone frontalière, je peux le constater chaque week-end -, et, par un effet de dominos, une baisse des ventes françaises d'autres produits distribués par les buralistes - épicerie, boulangerie, presse, jeux de la Française des Jeux... - et les autres commerces de proximité, surtout dans les campagnes.
Le II de l'article 25 prévoit un relèvement du taux de la taxe BAPSA sur les tabacs de 0,74 % à 3,17 % du prix de vente au détail. Du fait de la structure professionnelle de la fiscalité sur les tabacs, il en résulterait, dès janvier 2004, une nouvelle hausse d'au moins 20 % du prix du tabac se cumulant à celle du mois d'octobre 2003.
Ces deux augmentations successives auront pour effet de développer encore davantage la contrebande et l'insécurité autour des bureaux de tabac. En outre, la baisse du chiffre d'affaires des buralistes, corrélée à la réduction de moitié de la valeur de leurs fonds de commerce, entraînera bien évidemment de nombreuses fermetures de ces commerces de proximité, avec des conséquences non négligeables sur l'emploi et sur l'économie locale.
Dans le but de maximiser les recettes fiscales sur les tabacs tout en déclarant la guerre au tabac - et non aux buralistes -, cet amendement vise à surseoir à l'augmentation de la taxe BAPSA sur les tabacs et à différer ainsi la prochaine hausse des prix sur les tabacs.
M. le président. L'amendement n° I-179 rectifié n'est pas soutenu.
M. Michel Charasse. C'était le même que le mien !
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, pour défendre l'amendement n° I-254 rectifié ter.
M. Georges Mouly. Cet amendement est identique à l'amendement n° I-100 que vient de présenter Mme Desmarescaux.
Aussi, je le retire.
M. le président. L'amendement n° I-254 rectifié ter est retiré.
La parole est à M. le ministre, pour défendre l'amendement n° I-304 rectifié.
M. Alain Lambert, ministre délégué. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, la rédaction de cet amendement respecte intégralement les finalités du texte initial du Gouvernement, à savoir le principe d'une hausse de la fiscalité, l'application de cette hausse dès janvier 2004 et la préservation de toutes les recettes prévues au profit, notamment, de la protection sociale agricole.
Elle apporte toutefois deux changements techniques.
En premier lieu, nous proposons de fusionner le droit de consommation, dont le taux actuel est de 62 %, et la taxe spécifique perçue au profit du BAPSA, dont le taux hors taxes est de 2,57 %. C'est une mesure de simplification importante : il n'est plus utile, en effet, de conserver deux taxes qui ont la même incidence économique et qui alimentent l'une et l'autre le BAPSA.
En second lieu, nous rééquilibrons, au sein du droit de consommation, la part spécifique et la part proportionnelle.
Sans entrer à l'excès, comme je m'y suis engagé tout à l'heure, dans des considérations d'ordre technique, je rappelle que la part spécifique introduit dans le calcul de la charge fiscale un élément fixe dont le montant est calculé par référence à la charge fiscale de la cigarette de la classe de prix la plus vendue.
Cette part spécifique est aujourd'hui de 18 centimes, soit 5 % de la charge fiscale totale d'un paquet vendu à 4,60 euros. Nous proposons de porter son taux à 8 %, ce qui nous rapprochera de la plupart des autres pays européens, où la part spécifique est plus élevée que le minimum prévu par les textes communautaires.
Corrélativement, la part proportionnelle totale serait légèrement moins élevée que dans le texte initial du Gouvernement : alors que le total de la taxe BAPSA et du droit de consommation représentait près de 64,6 %, notre amendement la portera à 64 %.
Enfin, ce dispositif sécurisera nos recettes fiscales. Il est en effet évident que plus l'élément fixe est important, moins ses recettes sont volatiles.
M. le président. La parole est à M. Georges Mouly, pour défendre l'amendement n° I-255 rectifié ter.
M. Georges Mouly. Je le retire, monsieur le président.
M. le président. L'amendement n° I-255 rectifié ter est retiré.
La parole est à Mme Gisèle Gautier, pour présenter l'amendement n° I-180.
Mme Gisèle Gautier. Qui peut prétendre ne pas être d'accord avec la volonté du Président de la République de mettre les politiques de santé publique au coeur de ses priorités, tout particulièrement, bien sûr, la lutte contre le tabagisme, dont venons de parler longuement ? Celui-ci constitue, chacun le sait, l'une des premières causes de mortalité en France, avec pas moins de 60 000 décès liés chaque année à l'usage abusif - je dis bien abusif - du tabac. Personne ici, me semble-t-il, ne saurait s'opposer à cet engagement du chef de l'Etat, que nous ne pouvons que saluer.
Je me dois d'ailleurs de signaler que les fabricants de cigarettes et leurs distributeurs sont eux-mêmes parfaitement conscients des conséquences que peut avoir sur la santé l'usage excessif du tabac. C'est la raison pour laquelle industriels et buralistes avaient engagé des discussions avec le Gouvernement, voilà quelques mois, pour faire en sorte que soit mise en place une augmentation progressive du prix de vente, cependant que la Haute Assemblée, dans sa sagesse, adoptait une mesure interdisant la vente de tabac aux moins de seize ans.
Malheureusement, force est de constater que, après bien des tergiversations, après bien des discussions, une nouvelle augmentation nous est proposée aujourd'hui. Certes, elle est moins forte que ce que l'on nous avait annoncé, mais elle est maintenue et aura des conséquences assez considérables, surtout pour les buralistes. Tant par son niveau que par le caractère quasi immédiat de son application - il est question de janvier prochain -, elle traduit, d'une certaine façon, la méconnaissance des effets négatifs de ces hausses successives pour les buralistes français.
Je me permettrai par ailleurs de relever que, à la suite de la dernière augmentation, les livraisons au réseau de débitants ont baissé, à l'échelle nationale, de 8 %, tandis que la consommation ne reculait que de 1 % environ. On peut s'interroger !
Ce constat, qui paraît tout à fait paradoxal, trouve son explication dans trois phénomènes, qui sont relativement nouveaux. Il y a d'abord - nous les avons évoqués - les échanges transfrontaliers, qui sont de plus en plus nombreux. Il y a ensuite la vente par internet, qui est apparue récemment et qui se développe. Je regrette profondément, à ce propos, qu'ait été dernièrement diffusée une émission sur la façon de se procurer des cigarettes sur les sites internet. Certes, tout le monde n'a pas internet, mais on aurait pu se passer de cette émission !
Enfin, le troisième élément, important s'il en est, est le développement des réseaux incontrôlés. Certains chauffeurs de camions de transports internationaux - je dis bien certains - commercialisent à la sauvette des cartouches à environ 50 % de leur valeur normale, constituant ainsi un marché parallèle totalement illicite.
J'illustrerai mon propos en citant un article paru hier dans un quotidien national et relatant à la rubrique des faits divers - après tout, nous sommes là dans le quotidien et dans le divers - une arrestation parmi tant d'autres : les douaniers ont intercepté vendredi, à la gare routière de Bagnolet, un homme de trente-deux ans qui transportait 300 cartouches de marque américaine et qui a reconnu faire régulièrement des allers-retours entre Paris et Prague et revendre les cigarettes à Barbès, à Paris. Cet exemple montre bien que les habitudes de consommation des fumeurs les poussent, en cas de hausse des prix brutale, vers les marchés parallèles bien plus que vers l'arrêt pur et simple du tabac. C'est sans doute regrettable !
Je rappelais à l'instant combien sont sous-estimés les effets éminemment négatifs d'une hausse aussi rapide des prix sur l'emploi. Les buralistes seront touchés de plein fouet par une concurrence déloyale et par les conséquences de prix prohibitifs. Ils représentent pourtant, dans leur ensemble, 50 000 emplois ; or, ils pourraient être amenés à revoir leurs effectifs à la baisse, c'est-à-dire à licencier. Les fabricants de tabac sont également concernés : Altadis, que j'évoquais, représente 5 000 salariés en France.
Aussi, je vous demande non pas uniquement d'écouter, mais d'entendre les légitimes revendications des buralistes, qui ont manifesté avant-hier leur mécontentement. Leur demande était très simple : ils souhaitent un étalement dans le temps des hausses de la fiscalité, notamment de la taxe BAPSA, afin de pouvoir s'organiser pour que l'effet en soit progressivement absorbé par leurs ventes annuelles.
Des mesures compensatoires avaient été prises pour faire face à la première augmentation : elles ont été particulièrement appréciées des professionnels. Mais il ne faudrait pas qu'elles se trouvent aussitôt contrariées par les conséquences d'une hausse trop brutale !
Pour conclure, je soulignerai qu'il nous faut accompagner les mesures qui seront prises ce soir d'une véritable politique de prévention, notamment en direction des jeunes. Il faut les alerter sur les dangers d'un tabagisme excessif, comme cela est fait pour l'alcool, et afficher une politique cohérente en matière de lutte contre les excès du tabac.
Il est également tout à fait indispensable de mettre en place une action coordonnée à l'échelon européen pour lutter contre la contrebande et les ventes illicites de toute nature, ainsi que d'harmoniser les prix des cigarettes dans les différents pays. Après tout, c'est aussi le rôle de l'Europe !
Cela étant, monsieur le ministre, bien que vous ayez revu à la baisse le taux des augmentations, très fortes et extrêmement brutales, qui avaient été annoncées initialement, je maintiendrai cet amendement.
M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Philippe Marini, rapporteur général. Peut-être m'autoriserez-vous, monsieur le président, à donner d'abord l'avis de la commission sur l'amendement du Gouvernement, car c'est autour de lui que la discussion, véritablement, s'organise.
Tout d'abord, je vous remercie, monsieur le ministre, d'être venu au Sénat pour nous proposer une solution. Le problème est difficile, car il y a, en quelque sorte, conflit d'intérêts généraux.
Plusieurs intérêts généraux sont en jeu, entre lesquels il faut trancher : l'intérêt général de la santé, c'est-à-dire la lutte contre le cancer, sur laquelle on ne peut pas transiger ; l'intérêt général de la défense de nos territoires et de leur desserte commerciale, à laquelle nous sommes tous légitimement attachés, notamment pour les zones frontalières, où peuvent naître de difficiles problèmes de concurrence ; l'intérêt général, enfin, de la protection sociale et du budget de l'Etat, avec la nécessité de trouver, pour le BAPSA, des ressources qui équilibrent les charges.
Nous devons trouver, entre ces intérêts généraux qui se contredisent parfois, le meilleur équilibre possible.
Monsieur le ministre, vous nous faites une proposition extrêmement constructive, et il est heureux que ce soit devant la Haute Assemblée que cette discussion puisse avoir lieu : si le Sénat est l'assemblée des territoires, très attentive aux questions du commerce, il a également marqué, ces dernières années, tout son engagement en matière médicale et en matière de protection sociale, et il s'est efforcé, ces derniers jours, notamment par la voix de la commission des finances, de réunir les conditions qui rendent possible la solution que vous nous proposez ce soir.
De quoi s'agit-il ? Mes chers collègues, si vous avez été attentifs au rapport écrit - quelque peu austère, bien sûr, surtout dans cette matière, si technique, des droits sur les tabacs -, vous aurez constaté que la commission y émettait des doutes et des réserves sur l'utilisation de la taxe sur les tabacs fabriqués, dite « taxe BAPSA ». Elle s'était interrogée sur la conformité au droit communautaire de cette taxe, qui apparaissait considérablement « gonflée », ainsi que sur son rendement et sur la certitude des chiffres qui figuraient en face des prévisions de dépenses du BAPSA. De ce point de vue, monsieur le ministre, en supprimant la taxe BAPSA, vous supprimez un archaïsme fiscal, vous apportez une simplification utile, vous répondez à nos préoccupations et à nos craintes. Voilà pour la technique.
En ce qui concerne maintenant les questions auxquelles nos concitoyens sont les plus sensibles, quelle est la solution ?
Vous utilisez opportunément les deux parts des droits de consommation sur les cigarettes, le droit fixe et le droit proportionnel. Le droit fixe, que l'on appelle la part spécifique, est déterminé en fonction du prix du paquet le plus vendu - il se trouve que c'est le paquet de Marlboro, je ne fais pas de publicité, mais c'est ainsi -, et son montant est le même quels que soient la marque et le prix du paquet considéré, à savoir, actuellement, 0,18 euro. C'est donc une taxe forfaitaire de base.
En modulant la place de la part spécifique dans le total du droit de consommation, qui passe, qui passerait, si nous vous suivons - ce que nous allons faire très probablement, du moins je l'espère - de 5 % à 8 %, on parvient à un dispositif qui, compte tenu des discussions qui ont eu lieu avec les producteurs de tabac, doit permettre, vous nous l'avez dit, de limiter au début du mois de janvier la hausse de ces produits de grande consommation, selon les informations qui nous ont été données, à un taux qui sera compris entre 8 % et 10 % selon les produits.
Grâce à la démarche que vous avez effectuée, monsieur le ministre, et c'est peut-être là le plus important, vous avez déconnecté l'aspect relatif à la fiscalité des aspects relatifs à la politique commerciale des fabricants.
Les fabricants prennent donc leurs responsabilités et l'Etat prend les siennes. Grâce au résultat de la négociation, la recette pour le BAPSA et pour l'assurance maladie est conservée, mais l'augmentation est cantonnée à la zone des 8 à 10 %.
M. Michel Charasse. Elle est moins brutale !
M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est en quelque sorte, monsieur le ministre, l'alchimie de la formule que vous nous proposez ce soir.
Pour autant, on ne change pas le cap, car la politique de lutte contre le cancer est une politique qui ne peut gagner que dans la durée, dans la persévérance.
Quand on connaîtra les chiffres définitifs de la consommation pour 2003, on s'apercevra que l'augmentation des prix du tabac, qui sera de l'ordre de 40 %, en un an, aura été efficace : baisse de la consommation, donc des risques sanitaires, qui seront mieux maîtrisés ; constance dans les objectifs ; modulation dans les effets ; réalisme dans la gestion des différents problèmes rencontrés, qui sont incontestables ; dans le réseau commercial et dans nos différents territoires.
Monsieur le ministre, il est difficile de conjuguer toutes ces contradictions tout en maintenant un cap. Je crois que la proposition que vous nous faites est particulièrement utile. C'est une proposition imaginative, que la Haute Assemblée devrait, à mon sens, pouvoir accueillir de manière tout à fait positive. En tout cas, la commission des finances, à une très large majorité, a émis tout à l'heure un avis favorable sur l'amendement n° I-304 rectifié.
Par ailleurs, mes chers collègues, je voudrais dire aux orateurs des différents groupes qui se sont exprimés qu'ils ont été entendus, comme en témoignent les propositions formulées par le Gouvernement. Les parlementaires, les élus, en particulier ceux des départements frontaliers, ont manifesté des préoccupations légitimes, ce qui a permis de progresser vers la solution du problème. Chacune et chacun de ceux qui se sont mobilisés sur ce sujet ont joué tout leur rôle, qu'il se fût agi d'avertir, de sensibiliser ou d'expliquer. En effet, mener une telle politique apparaît souvent ingrat et difficile, l'opinion publique ne comprenant pas nécessairement quelle est la logique à un moment donné, quel cap a été fixé et quels sont les objectifs visés. Il nous appartient donc, à nous parlementaires, de jouer en quelque sorte les intercesseurs, de transmettre les messages, dans un sens et dans l'autre, pour faire prévaloir, dans l'intérêt général, la voie qui nous semble la plus juste.
M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !
M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Alain Lambert, ministre délégué. Je demande aux auteurs des amendements n°s I-100 et I-180 de bien vouloir se rallier à l'amendement du Gouvernement.
M. le président. Madame Desmarescaux, l'amendement n° I-100 est-il maintenu ?
Mme Sylvie Desmarescaux. J'ai écouté avec beaucoup d'attention M. le ministre nous expliquer que la hausse sera finalement bien moindre que prévu. Je salue cette décision et, bien évidemment, je retire mon amendement. Au nom des signataires de l'amendement n° I-100, en particulier de ceux d'entre eux qui représentent des départements frontaliers, je remercie M. le ministre d'avoir compris les difficultés de nos buralistes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président. L'amendement n° I-100 est retiré.
Madame Gautier, l'amendement n° I-180 est-il maintenu ?
Mme Gisèle Gautier. Comme je l'ai annoncé tout à l'heure au terme de mon intervention, je retire l'amendement, tout en insistant sur le réel problème des échanges illicites. Nous devrons engager une véritable politique de défense sur ce plan.
M. le président. L'amendement n° I-180 est retiré.
La parole est à M. le rapporteur général.
M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, j'ai omis de vous poser une question technique relative à la date d'application du dispositif : celle-ci est-elle fixée au 1er janvier 2004 ou au 5 janvier 2004 ? C'est un élément de coordination avec les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces deux dates ne sont distantes que de quatre jours, mais il est nécessaire de procéder à l'ajustement.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lambert, ministre délégué. En réponse à M. le rapporteur général, je rectifie l'amendement, afin de préciser que les dispositions entreront en vigueur le 5 janvier 2004.
M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 304 rectifié bis, présenté par le Gouvernement, et ainsi libellé :
« Rédiger ainsi le II de cet article :
« II. - 1° Au troisième alinéa de l'article 575 du code général des impôts, le taux " 5 % " est remplacé par le taux : " 8 % ".
« 2° Le troisième alinéa de l'article 575 A du même code est ainsi rédigé : " cigarettes : 64 % ".
« 3° L'article 1609 unvicies du même code est abrogé.
« 4° Les dispositions des 1° à 3° du présent II entrent en vigueur le 5 janvier 2004. »
La parole est à M. Gérard Miquel, pour explication de vote.
M. Gérard Miquel. Les taxes sur les tabacs augmentent régulièrement depuis plusieurs années. Avant d'aller plus loin, il nous paraît souhaitable de faire le point sur l'efficacité de ces augmentations au regard de l'objectif d'amélioration de la santé publique qui les sous-tend.
Nous sommes dans une situation difficile. Le Gouvernement donne l'impression d'avoir agi avec un peu d'amateurisme et de se livrer aujourd'hui à une sorte de séance de rattrapage.
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Gérard Miquel. Le mal est fait : les buralistes sont dans la rue, la mise en oeuvre du plan présenté pour répondre à leurs inquiétudes sera coûteuse et inefficace, la police devra être mobilisée pour assurer la sécurité des débitants de tabac. La consommation baissera-t-elle pour autant ? Je ne le crois pas, car les fumeurs achèteront leur tabac dans des pays voisins ou en contrebande.
Le dispositif présenté contribuera à mettre un peu plus en difficulté un grand nombre de petites exploitations tabacoles. Elles sont nombreuses dans ma région, et la production de tabac est indispensable pour assurer leur équilibre financier.
Par l'amendement n° I-304 rectifié bis, monsieur le ministre, vous tentez de corriger les effets négatifs de la mesure d'augmentation des droits, qui a été annoncée de façon très maladroite. Je ne pense pas que vous y parviendrez. Nous aurions préféré une annulation pure et simple des augmentations prévues, dans l'attente de l'établissement d'un bilan, comme je vous l'avais proposé. C'est la raison pour laquelle nous nous abstiendrons sur cet amendement.
M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.
M. Michel Charasse. Je fais miens les propos de mon ami Gérard Miquel, mais je souhaiterais les compléter par une observation portant sur la méthode.
Cette affaire des droits sur les tabacs a beaucoup gêné le Gouvernement. Je pourrais m'en réjouir. Elle a conduit certains à s'interroger sur la nécessité de la lutte contre le tabagisme, voire à remettre en cause l'effort accompli. Tout cela n'est pas très bon.
La fiscalité est un art difficile, mes chers collègues. C'est un art d'écriture, de chiffrage, de calibrage, d'harmonisation avec les textes antérieurs, ainsi qu'avec les textes européens, puisque la fiscalité sur le tabac est maintenant très réglementée sur le plan européen. Personne ne peut s'ériger en apprenti sorcier de l'impôt, en tout cas pas dans n'importe quelles conditions.
Je souhaiterais donc que, à l'avenir, on laisse au ministre chargé du budget, dans le domaine fiscal, les responsabilités qui lui reviennent, et que les autres ministères acceptent de s'en tenir à leurs domaines de compétence. Que je sache, le ministre du budget et de la réforme budgétaire ne s'occupe pas des pilules du bon professeur Mattei ; les services de M. Mattei pourraient donc se dispenser de s'occuper des impôts de M. Lambert !
Je suis de ceux qui pensent que, au sein du Gouvernement, la fiscalité et l'impôt ne peuvent pas se sous-traiter ni s'externaliser. Nous n'aurions pas connu les mini-drames auxquels nous avons assisté depuis le début de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale si certains avaient laissé au ministre du budget le soin de faire son métier en matière de fiscalité, sans essayer de se mettre en avant, pour des raisons d'affichage tout à fait vaines.
Certes, monsieur le ministre, le Gouvernement est solidaire et je sais que vous ne me répondrez pas. Je ne le vous demande d'ailleurs pas, mais je suis de ceux qui savent que vous n'êtes pour rien dans tous ces cafouillages. J'espère que la leçon de cette année portera, afin que, l'année prochaine, on puisse, en toute laïcité, rendre à César ce qui est à César !
M. Gérard Braun. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, pour explication de vote.
M. Pierre Laffitte. Au terme de cette discussion, je voudrais rappeler que mon groupe a été précurseur, puisque, voilà quelques années, j'ai fait sortir le tabac de la liste des produits servant de base au calcul de l'indice des prix, avec l'aval du Sénat.
M. Michel Charasse. Exact !
M. Pierre Laffitte. Par ailleurs, M. Bernard Joly a contribué, par le dépôt d'une proposition de loi qui a été adoptée, à faire interdire la vente de tabac aux mineurs de moins de seize ans.
Je félicite le Gouvernement d'avoir apporté la meilleure solution aujourd'hui possible au problème qui faisait l'objet de ce débat. Il faut rappeler que quelque 80 000 personnes meurent chaque année du cancer dans notre pays.
M. Paul Girod. Très bien !
M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour explication de vote.
M. Thierry Foucaud. Comme l'a indiqué M. Miquel, la proposition du Gouvernement vient un peu tardivement. Sans doute nous est-elle présentée parce que 200 000 buralistes sont descendus dans la rue voilà quelques jours...
Certes, le tabac tue, mais il ruine aussi. A cet égard, on a un peu l'impression que l'on a atteint, en matière de droits de consommation sur le tabac, les limites de l'admissible.
M. Michel Charasse. Exactement !
M. Thierry Foucaud. Pour dire les choses un peu vite, comme nous l'avions souligné lors de la discussion de l'article 11, trop de taxes tuent la taxe. Quand plus de 70 % du prix d'un produit est constitué par des prélèvements fiscaux, on se situe, à l'évidence, au-delà d'un processus d'alourdissement des taxes.
De ce point de vue, que l'on me permette de souligner que si l'on fait de longs discours sur la nécessaire lutte contre le cancer, en en profitant pour taxer la consommation de tabac, pas plus tard que la semaine dernière, le Gouvernement a invoqué l'article 40 de la Constitution contre des amendements de notre groupe relatifs au drame de l'amiante.
Or, force est de constater que les cancers des voies respiratoires sont manifestement dus autant à l'exposition à certaines matières et produits dangereux qu'au tabagisme. J'attends d'ailleurs que l'on me communique des éléments fiables sur le plan scientifique permettant d'affirmer que la consommation de tabac est la première cause de tels cancers, même si je ne doute pas, bien sûr, de sa dangerosité. A cet égard, s'il n'est pas certain que les scientifiques récemment décédés d'un épithéliome ou d'un mésothéliome aient été de grands fumeurs, il est évident, en revanche, qu'ils ont travaillé dans des locaux floqués à l'amiante.
C'est donc aussi pour protester contre cette forme d'hypocrisie qui entoure les questions de santé publique que le groupe CRC s'abstiendra sur l'amendement du Gouvernement.
M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° I-304 rectifié bis.
(L'amendement est adopté.)
M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.
L'amendement n° I-178 rectifié bis est présenté par M. Fournier.
L'amendement n° I-181 est présenté par Mmes G. Gautier et Payet, MM. Nogrix, Moinard, Amoudry et Badré.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :
« Cette modification de la fiscalité entrera en vigueur à l'occasion du prochain arrêté portant homologation des prix de vente au détail des tabacs manufacturés. »
En conséquence de l'adoption de l'amendement n° I-304 rectifié bis, ils n'ont plus d'objet.
Je mets aux voix l'article 25, modifié.
(L'article 25 est adopté.)
B. - Autres mesures
(précédemment réservé)
I. - Les sommes à percevoir à compter du 1er janvier 2004, au titre des taxes suivantes, sont intégralement affectées au budget de l'Etat :
a) La taxe spéciale sur les conventions d'assurance mentionnée à l'article 991 du code général des impôts ;
b) La contribution sociale sur les bénéfices des sociétés mentionnée aux articles 235 ter ZC et 1668 D du code général des impôts ;
c) La taxe sur les véhicules de sociétés mentionnée à l'article 1010 du code général des impôts ;
d) La taxe générale sur les activités polluantes visée aux articles 266 sexies à 266 terdecies du code des douanes ;
e) Le produit des droits visés aux articles 402 bis, 438 et 520 A du code général des impôts ainsi que le produit du droit de consommation visé à l'article 403 du code général des impôts, à l'exception du produit de ce droit perçu dans les départements de la Corse ;
f) Le produit de la taxe sur les contributions au bénéfice des salariés pour le financement des prestations complémentaires de prévoyance mentionnée à l'article L. 137-1 du code de la sécurité sociale ;
g) Le produit de la contribution assise sur les contrats d'assurance en matière de circulation de véhicules terrestres à moteur mentionnée à l'article L. 137-6 du code de la sécurité sociale.
II. - Les sommes à percevoir à compter du 1er janvier 2004 au titre du droit de consommation sur les tabacs mentionné à l'article 575 du code général des impôts sont réparties dans les conditions suivantes :
a) Une fraction égale à 22,27 % est affectée à la Caisse nationale de l'assurance maladie des travailleurs salariés ;
b) Une fraction égale à 50,16 % est affectée au budget annexe des prestations sociales agricoles ;
c) Une fraction égale à 0,31 % est affectée au fonds mentionné à l'article L. 731-1 du code rural ;
d) Une fraction égale à 26,94 % est affectée au budget général ;
e) Une fraction égale à 0,32 % est affectée au fonds créé par le III de l'article 41 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999 (n° 98-1194 du 23 décembre 1998).
III. - Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° A l'article L. 137-1, les mots : « et au profit du fonds institué à l'article L. 131-8 » sont supprimés ;
2° Le deuxième alinéa de l'article L. 137-6 est supprimé.
M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
Les deux premiers sont identiques.
L'amendement n° I-2 rectifié est présenté par M. Charasse.
L'amendement n° I-177 rectifié est présenté par MM. Fournier, du Luart et Oudin.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
« Dans le II de cet article, remplacer respectivement les taux : "22,27 % ; 50,16 % ; 0,31 % ; 26,94 % ; 0,32 %" par les taux : "21,60 % ; 51,67 % ; 0,30 % ; 26,12 % ; 0,31 %". »
L'amendement n° I-303, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Dans le II de cet article, remplacer respectivement les taux : "22,27 % ; 50,16 % ; 0,31 % ; 26,94 % ; 0,32 %" par les taux : "21,42 % ; 52,06 % ; 0,3 % ; 25,91 % ; 0,31 %". »
L'amendement n° I-256 rectifié ter, présenté par MM. Gournac, P. Blanc, Ginésy, Pintat, Mouly, Murat, Besse et de Broissia, est ainsi libellé :
« I. - Au b du II de cet article, remplacer le taux : "50,16 %" par le taux : "53,16 %".
« II. - Au d du II de cet article, remplacer le taux : "26,94 %" par le taux : "23,94 %". »
L'amendement n° I-2 rectifié a été retiré.
L'amendement n° I-177 rectifié n'est pas soutenu.
La parole est à M. le ministre, pour présenter l'amendement n° I-303.