COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président. La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à neuf heures trente.)
PROCÈS-VERBAL
M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
CONSULTATION DES ÉLECTEURS
DE GUADELOUPE, DE MARTINIQUE,
DE SAINT-BARTHÉLEMY ET DE SAINT-MARTIN
Débat sur une déclaration du Gouvernement
M. le président. L'ordre du jour appelle une déclaration du Gouvernement, suivie d'un débat, sur la consultation des électeurs de Guadeloupe, de Martinique, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin.
Le débat qui s'ouvre aujourd'hui au Sénat constitue la première application des dispositions de l'article 72-4 de la Constitution, issu de la révision constitutionnelle du 28 mars 2003.
Ces nouvelles dispositions constitutionnelles rendent désormais obligatoire la consultation des électeurs d'une collectivité ou d'une partie de collectivité située outre-mer préalablement à tout changement de statut de ladite collectivité. Lorsqu'une telle consultation est organisée sur proposition du Gouvernement, celui-ci doit faire une déclaration, suivie d'un débat, devant chaque assemblée.
Vous me permettrez de rappeler que c'est sur l'initiative de la commission des lois du Sénat que l'organisation de ce débat a été prévue, afin de préserver en amont les prérogatives du Parlement.
En application de décrets publiés au Journal officiel du 30 octobre dernier, quatre référendums locaux vont être organisés le 7 décembre prochain :
- d'une part, en Guadeloupe comme en Martinique, en vue d'y créer des collectivités territoriales uniques appelées à se substituer aux départements et aux régions actuels tout en demeurant régies par l'article 73 de la Constitution ;
- d'autre part, dans les îles de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, aujourd'hui rattachées à la Guadeloupe, dans la perspective de la création, dans chacune de ces îles, d'une nouvelle collectivité d'outre-mer autonome à statut spécifique régie par l'article 74 de la Constitution.
Ce sont ces consultations qui font l'objet de la déclaration que va maintenant prononcer Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Brigitte Girardin, ministre de l'outre-mer. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, par quatre décrets, signés le 29 octobre 2003 et publiés au Journal officiel du lendemain, le Président de la République a, sur proposition du Gouvernement, décidé d'organiser le 7 décembre 2003 une consultation des électeurs de la Martinique, de la Guadeloupe, de l'île de Saint-Martin et de l'île de Saint-Barthélemy.
En Martinique et en Guadeloupe, la question posée aux électeurs porte sur la création, dans ces deux régions monodépartementales, d'une collectivité territoriale unique demeurant régie par l'article 73 de la Constitution, c'est-à-dire par l'identité législative avec possibilités d'adaptation et se substituant au département et à la région.
A Saint-Martin et à Saint-Barthélemy, la question porte sur la création d'une collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution.
Ces consultations sont organisées sur le fondement de l'article 72-4 de la Constitution pour Saint-Barthélemy et Saint-Martin et sur celui de l'article 73 de la Constitution - qui renvoie d'ailleurs à l'article 72-4 - pour la Martinique et la Guadeloupe.
Le Gouvernement est tenu, en application de ce même article 72-4, de faire une déclaration, suivie d'un débat, devant les deux assemblées du Parlement, lorsque la consultation est organisée sur sa proposition et qu'elle porte sur le changement de régime législatif, tel le passage d'une collectivité du régime de l'article 73 vers le régime de l'article 74.
Le Conseil d'Etat a considéré que, lorsque est envisagée, dans le cadre de l'article 73, la création d'une collectivité nouvelle se substituant au département et à la région, le Gouvernement doit également faire une déclaration au Parlement. Nous nous sommes donc rangés à cet avis.
Mes propos porteront : d'abord, sur le nouveau cadre constitutionnel des collectivités françaises d'outre-mer ; ensuite, sur la démarche qu'a suivie le Gouvernement, saisi par les élus locaux de propositions d'évolutions institutionnelles ou statutaires ; enfin, sur les suites qu'il conviendra de donner aux consultations du 7 décembre 2003.
La loi constitutionnelle du 28 mars 2003 a profondément rénové le cadre constitutionnel de la France d'outre-mer. Elle a consacré solennellement l'appartenance des collectivités ultra-marines à la République en les mentionnant nominativement à l'article 72-3 de la Constitution.
Dans le même temps, elle a réunifié juridiquement le peuple français en abolissant la distinction entre le peuple français et les « peuples d'outre-mer ». Désormais, seule une révision de la Constitution peut conduire à ce qu'une collectivité ultra-marine sorte de l'ensemble français, et ce quel que soit son statut.
C'est dire que, régies par l'article 73 ou par l'article 74, les collectivités situées outre-mer bénéficient du même degré de protection constitutionnelle : le temps où l'article 74 était une sorte d'« antichambre de l'indépendance » pour les territoires d'outre-mer est bel et bien révolu.
Je note d'ailleurs que les courants indépendantistes sont inexistants dans plusieurs collectivités régies par l'article 74 - Mayotte, Wallis-et-Futuna, Saint-Pierre-et-Miquelon - ou qui pourraient l'être demain - Saint-Martin et Saint-Barthélemy -, alors qu'ils possèdent une audience électorale non négligeable dans certains départements d'outre-mer, comme la Martinique et la Guyane.
C'est dire que la puissance du sentiment séparatiste n'est pas nécessairement proportionnelle au degré d'autonomie d'une collectivité !
Je le réaffirme donc ici avec force : l'article 73 et l'article 74 sont sans incidence sur l'appartenance à la République des collectivités qu'ils régissent, et le passage de l'un vers l'autre n'emporte sur ce point aucune espèce de conséquence.
Ainsi sécurisé, le débat institutionnel et statutaire peut librement s'exercer, sous réserve que les changements les plus fondamentaux recueillent l'accord des électeurs. C'est ainsi que le passage du régime de l'article 73 vers l'article 74 ou, dans les régions monodépartementales d'outre-mer, l'institution d'une collectivité unique se substituant au département et à la région, doivent être autorisés par les électeurs. Sans cette autorisation, les pouvoirs publics ne peuvent agir plus avant, et une loi qui irait à l'encontre de la volonté populaire serait inconstitutionnelle. C'est donc bien davantage qu'un simple avis qui est ici recherché. C'est bien désormais un véritable consentement qui doit s'exprimer dans le cadre d'un scrutin satisfaisant à l'exigence de clarté et de loyauté.
Enfin, les collectivités qui composent l'outre-mer français ne peuvent désormais être soumises qu'à deux types de régime législatif.
Dans le cadre de l'article 73, les lois et règlements sont applicables de plein droit : c'est le régime de l'identité législative. Mais ils peuvent faire l'objet d'adaptations aux caractéristiques et contraintes des départements et régions d'outre-mer. Ces adaptations peuvent résulter de la loi ou du décret, comme c'est déjà le cas depuis 1946, ou encore être définis localement, mais dans les conditions que la loi organique devra encadrer et sur habilitation au cas par cas par le législateur. Dans un nombre limité de matières, pour tenir compte de leurs spécificités, les collectivités peuvent en outre adopter des actes réglementaires dans le domaine de la loi, mais cet aménagement partiel et encadré du principe d'identité législative ne doit naturellement pas avoir pour effet d'en dénaturer la portée. A titre d'exemple, des domaines comme les transports terrestres, l'environnement, l'urbanisme ou l'aménagement du territoire pourraient être concernés par cette procédure.
Dans le cadre de l'article 74, en revanche, ce pouvoir de réglementer dans le domaine de la loi peut concerner toutes les matières autres que régaliennes. En outre, c'est la loi organique qui, en fixant les conditions dans lesquelles s'appliquent les lois et règlements, détermine le plus ou moins grand degré de spécialité législative, laquelle peut ainsi osciller entre la quasi-assimilation, c'est le cas de Saint-Pierre-et-Miquelon, ou la très large autonomie, comme en Polynésie française, avec des situations intermédiaires, comme à Mayotte, où la spécialité s'applique aux deux tiers des textes environ.
Ainsi, on le voit, les deux régimes législatifs institués par les articles 73 et 74 révisés permettent d'envisager, pour l'outre-mer, toutes les solutions institutionnelles et statutaires, pourvu que soient respectés les principes de la République : les matières dites régaliennes - justice, police, défense, affaires étrangères, état des personnes, etc - demeurent toujours de la compétence de l'Etat.
Les deux régimes législatifs, dotés de la même force constitutionnelle, sont également estimables : on n'est pas moins Français parce que l'on vit dans une collectivité régie par l'article 74. Nos concitoyens de ces collectivités d'outre-mer ont su donner, par le passé, au même titre que ceux des départements d'outre-mer, des preuves de leur attachement à la nation.
Naturellement, les autres dispositions du titre XII de la Constitution ont vocation à s'appliquer aux collectivités régies par les articles 73 et 74 : l'appartenance à l'outre-mer n'implique en aucune façon une quelconque distanciation par rapport aux règles constitutionnelles communes à l'ensemble des collectivités territoriales de la République. Les collectivités situées outre-mer peuvent bénéficier d'attributions supplémentaires par rapport à celles de la métropole ; elles ne sauraient, en revanche, voir les droits de leurs habitants restreints, et les principes de l'Etat républicain ne sauraient y être de moindre force qu'en métropole.
C'est dans ce cadre constitutionnel rénové, sécurisé et clarifié que sont organisées les quatre consultations populaires qui font l'objet de la présente déclaration.
Contrairement à ce que prétendent un peu hâtivement certains commentateurs manifestement mal informés, ces consultations sont l'aboutissement de longs débats, tant localement qu'au sein du Parlement.
Je rappelle, d'abord, que la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 n'a pas été adoptée subrepticement : l'outre-mer y occupe tout de même un peu plus de la moitié du texte ! Les débats qui ont précédé l'adoption de la révision n'ont rien dissimulé des intentions du constituant, qui a mis en oeuvre les engagements du Président de la République, dont les positions sur ce sujet ont été précisées dès le discours de Madiana, à la Martinique, le 11 mars 2000.
En Martinique comme en Guadeloupe, la question de la collectivité unique et de l'assemblée unique est ancienne : elle apparaît en 1982, alors que le Gouvernement et le Parlement de l'époque veulent mettre en place des conseils régionaux élus au suffrage universel. Le caractère monodépartemental des régions d'outre-mer est regardé par de larges secteurs de l'opinion comme devant conduire, dans un souci de simplification, à la création, soit d'une collectivité unique se substituant au département et à la région, soit à la mise en place d'une assemblée délibérante commune aux deux collectivités.
Le Conseil constitutionnel, on le sait, a censuré une première tentative d'assemblée unique dans sa décision du 2 décembre 1982, pour des raisons principalement liées au mode de scrutin retenu pour cette assemblée, qui dénaturait par trop l'institution départementale.
Le législateur a alors décidé, par la loi du 31 décembre 1982, d'instituer un conseil régional distinct du conseil général ; ces conseils régionaux d'outre-mer furent élus pour la première fois en février 1983.
Depuis cette date, la coexistence sur le même territoire de deux assemblées délibérantes dotées de la même légitimité démocratique, qui n'a pas d'équivalent connu dans les démocraties contemporaines, n'a cessé d'être débattue.
Par ailleurs, l'article 73 de la Constitution, dans sa rédaction initiale, était regardé comme trop contraignant eu égard aux nécessités de l'adaptation des normes aux spécificités locales : là encore, le débat sur la dévolution aux collectivités régies par l'article 73 d'un pouvoir normatif, jugé nécessaire à l'exercice effectif de nouvelles compétences, est ancien et récurrent.
A Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, le débat statutaire est également ancien. On se souvient qu'en 1996 l'Assemblée nationale avait, sur la proposition du président Pierre Mazeaud, adopté pour ces deux îles une organisation particulière qui préfigurait, à bien des égards, le dispositif qui sera soumis aux électeurs le 7 décembre prochain. Cette tentative n'a pu être menée à son terme.
Voilà, très brièvement résumés, les termes du débat : ils ont d'ailleurs été largement développés, à l'occasion des discussions au Parlement sur la révision constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée de la République, par de nombreux orateurs au sein des deux assemblées, et les rapporteurs du texte, MM. Garrec et Clément, présidents des deux commissions des lois, s'en sont fait l'écho de manière très complète dans leurs rapports écrits.
C'est dire que l'on peut difficilement reprocher au Gouvernement je ne sais quelle « aventure » en ce domaine : les observateurs attentifs de l'outre-mer et de l'organisation territoriale de la République ne sauraient être surpris par sa démarche.
Ce reproche est d'autant moins fondé que le rôle du Gouvernement, sur ces questions, s'est limité à préparer et à mener un révison de la Constitution, sans idée préconçue sur les évolutions institutionnelles ou statutaires ultérieures. Conformément aux engagements du Président de la République, le Gouvernement et le Parlement, qui a adopté la révision constitutionnelle, ont tracé un cadre dans lequel les évolutions peuvent être proposées au choix des électeurs.
Le Gouvernement n'est pas, en l'espèce, porteur d'un quelconque projet : il n'a fait que proposer au chef de l'Etat, gardien de l'intégrité du territoire national et du respect de la Constitution, de soumettre au vote populaire des réformes préparées et mûries localement et dont il a vérifié qu'elles étaient bien conformes à la Constitution. Il ne prend position ni en faveur du « oui » ni en faveur du « non ».
Ces réformes, sur le détail desquelles je reviendrai dans quelques instants, s'inscrivent parfaitement dans le cadre de la Constitution révisée et ne comportent donc aucun danger d'affaiblissement du lien entre l'outre-mer et la République. Elles sont le résultat d'un large accord entre les forces politiques locales les plus représentatives, bien au-delà du traditionnel clivage droite-gauche, et au sein des assemblées locales.
C'est en effet une condition à laquelle le Gouvernement attache la plus grande importance : il n'entre pas dans ses intentions d'utiliser la procédure de consultation populaire de l'article 72-4 de la Constitution pour arbitrer des compétitions politiques locales. Le recours au vote populaire doit permettre de trancher une question concrète, à partir de propositions établies et discutées. La consultation populaire n'est pas un sondage. Elle n'est pas non plus un « questionnaire à choix multiple ». Dès lors qu'elle a valeur décisionnelle, elle doit porter sur un projet qui se trouve en débat, et sur un seul. Ainsi en dispose la Constitution.
Le Gouvernement n'a donc aucunement l'intention d'organiser une consultation populaire sur une question qui ne fait l'objet d'aucune demande locale : ainsi, comme aucun projet de ce type n'a vu le jour à la Réunion, il n'y aura pas de consultation sur ce thème ; de même, le passage vers le régime de l'article 74 n'étant demandé ni en Martinique ni en Guadeloupe, les électeurs n'en seront pas saisis.
Ce sont donc bien les propositions des élus locaux et elles seules qui ont conduit le Gouvernement à proposer au chef de l'Etat d'organiser ces consultations.
En Martinique et en Guadeloupe, les élus départementaux et régionaux ont adopté, postérieurement à la loi constitutionnelle, des résolutions sur l'évolution institutionnelle : ces orientations ont été synthétisées sous la forme d'un document d'orientation.
Les élus de la Guadeloupe se sont prononcés à une très large majorité.
En Martinique, le président du conseil général et le président du conseil régional, dûment mandatés à cette fin par une commission spécialement désignée par les deux assemblées, ont approuvé le document.
A Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, les deux conseils municipaux ont chacun approuvé à l'unanimité le document d'orientation propre à chaque île.
Chacun de ces documents d'orientation est visé par le décret par lequel il est décidé de consulter les électeurs dans la collectivité concernée.
Je vais maintenant procéder à la lecture de ces quatre documents, qui figureront ainsi au compte rendu officiel des débats du Sénat. En effet, s'ils ne possèdent pas de force juridique propre, ces documents d'orientation inspireront nécessairement les réformes qui suivront les consultations, si le « oui » l'emporte. Ils constituent en quelque sorte la « feuille de route » du Gouvernement pour l'élaboration des futurs textes législatifs nécessaires à la mise en oeuvre de la volonté populaire.
Je donne lecture du document d'orientation sur l'évolution institutionnelle de la Martinique :
« Conformément aux dispositions de la Constitution révisée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, les orientations suivantes en matière d'évolution institutionnelle sont soumises aux électeurs de la Martinique :
« 1. La Martinique constituera, sur le fondement des articles 72, premier alinéa, et 73 de la Constitution, une collectivité territoriale nouvelle se substituant au département et à la région de la Martinique.
« Elle demeurera donc soumise au principe de l'identité législative, adaptée le cas échéant à ses caractéristiques et contraintes, et au statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne.
« 2. La nouvelle collectivité exercera les compétences actuellement dévolues au département et à la région. Elle a en outre vocation à exercer des compétences nouvelles, qu'il s'agisse de celles qui pourront lui être dévolues dans le cadre des futures lois de décentralisation, ou des compétences normatives prévues aux alinéa 2 et 3 de l'article 73 de la Constitution.
« Les nouveaux domaines de compétence pourront comprendre l'aménagement du territoire, l'urbanisme, l'environnement, l'énergie, les transports terrestres et maritimes, le logement et l'habitat, la culture et le sport et la coopération régionale.
« 3. La nouvelle collectivité sera administrée par une assemblée délibérante unique de soixante-quinze membres dont l'élection se fera dans une circonscription électorale unique au scrutin proportionnel, avec une prime majoritaire de quatre sièges pour la liste arrivée en tête, les soixante et onze sièges restants étant répartis entre les listes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés. Le principe de parité entre les femmes et les hommes sera appliqué.
« L'organe exécutif de la collectivité sera élu par l'assemblée parmi ses membres et responsable devant elle.
« Trois conseils consultatifs, le conseil des communes, le conseil économique et social et le conseil pour l'éducation et la culture, bénéficieront de compétences d'initiative et de proposition. »
Je donne maintenant lecture du document d'orientation sur l'évolution institutionnelle de la Guadeloupe :
« Conformément aux dispositions de la Constitution révisée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, les orientations suivantes en matière d'évolution institutionnelle sont soumises aux électeurs de la Guadeloupe :
« 1. Régime constitutionnel et législatif : la Guadeloupe constituera, sur le fondement des articles 72 premier alinéa et 73 de la Constitution, une collectivité territoriale nouvelle se substituant au département et à la région de la Guadeloupe.
« Elle demeurera donc soumise au principe de l'identité législative, adaptée le cas échéant à ses caractéristiques et contraintes, et au statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne.
« 2. Compétences : la nouvelle collectivité exercera les compétences actuellement dévolues au département et à la région. Elle a, en outre, vocation à exercer les compétences normatives prévues aux alinéas 2 et 3 de l'article 73 de la Constitution, et les compétences nouvelles qui pourront lui être dévolues dans le cadre des futures lois de décentralisation.
« 3. Institutions : la nouvelle collectivité sera administrée par une assemblée délibérante unique de soixante-dix membres dont l'élection se fera dans le cadre d'une circonscription électorale correspondant à l'ensemble de la Guadeloupe. Cette élection se fera au scrutin proportionnel, avec une prime majoritaire de quatre sièges, les sièges restants étant répartis entre les listes ayant obtenu au moins 5 % des suffrages exprimés. En outre, chaque île bénéficiera d'une représentation spécifique, au scrutin uninominal quand un siège sera à pourvoir, et à la représentation proportionnelle au-delà. Le principe de parité entre hommes et femmes sera appliqué.
« L'organe exécutif de la collectivité sera élu par l'assemblée parmi ses membres et responsable devant elle.
« Les deux conseils consultatifs, le conseil économique et social et le conseil pour l'éducation et la culture, seront maintenus et bénéficieront de compétences d'initiative et de proposition renforcées. »
Je donne à présent lecture du document d'orientation sur l'évolution statutaire de l'île de Saint-Martin :
« 1. Saint-Martin constituera, sur le fondement de l'article 74 de la Constitution, une collectivité d'outre-mer de la République ; cette collectivité territoriale nouvelle se substituera à la commune de Saint-Martin ainsi que, pour le territoire concerné, au département et à la région de la Guadeloupe.
« A Saint-Martin, les lois et règlements s'appliqueront de plein droit dans les matières qui demeureront de la compétence de l'Etat, sous réserve des mesures d'adaptation nécessitées par l'organisation particulière de la collectivité.
« Saint-Martin demeurera soumise au statut de région ultra-périphérique de l'Union européenne.
« 2. La nouvelle collectivité exercera les compétences actuellement dévolues aux communes, aux départements et aux régions, ainsi que les compétences qui pourront être transférées ultérieurement à ces collectivités dans le cadre des futures lois de décentralisation. La collectivité pourra prendre des mesures relevant du domaine de la loi en matière fiscale, à l'exception des prélèvements sociaux. Elle pourra en outre adapter les lois et règlements en matière d'urbanisme, de logement, de domanialité publique et d'enseignement. Elle aura vocation à exercer ultérieurement des compétences nouvelles, dans le cadre et les limites prévues à l'article 74 de la Constitution.
« 3. La nouvelle collectivité sera administrée par une assemblée délibérante élue pour cinq ans dont l'élection se fera dans une circonscription unique. Cette élection se fera au scrutin proportionnel, avec une prime majoritaire. Le principe de parité entre les femmes et les hommes sera appliqué.
« L'organe exécutif collégial de la collectivité sera élu par l'assemblée parmi ses membres et responsable devant elle.
« Deux conseils consultatifs, le conseil économique et social et le conseil de la culture, de l'éducation et de l'environnement, bénéficieront de compétences d'initiative et de proposition. »
Je donne enfin lecture du document d'orientation sur l'évolution statutaire de l'île de Saint-Barthélemy :
« Dans le cadre de la Constitution révisée par la loi constitutionnelle du 28 mars 2003 relative à l'organisation décentralisée de la République, et pour tenir compte de la situation et de l'histoire particulières de l'île de Saint-Barthélemy, telles qu'elles résultent notamment du traité franco-suédois du 10 août 1877, il est proposé aux électeurs de l'île de Saint-Barthélemy d'approuver les orientations statutaires ci-après :
« 1. Saint-Barthélemy constituera, sur le fondement de l'article 74 de la Constitution, une collectivité d'outre-mer de la République ; cette collectivité territoriale nouvelle se substituera à la commune de Saint-Barthélemy et, sur le territoire concerné, au département et à la région de la Guadeloupe.
« A Saint-Barthélemy, les lois et règlements s'appliqueront de plein droit dans les matières qui demeureront de la compétence de l'Etat, sous réserve des mesures d'adaptation nécessitées par l'organisation particulière de la collectivité d'outre-mer.
« 2. La nouvelle collectivité d'outre-mer exercera les compétences actuellement dévolues aux communes, aux départements et aux régions et celles qui pourront leur être transférées ultérieurement dans le cadre des futures lois de décentralisation. Elle exercera en outre les compétences dans les domaines suivants :
« a) Fiscalité, sans préjudice de l'établissement d'une convention fiscale avec l'Etat qui déterminera la notion de résident ; régime douanier ; réglementation des prix ;
« b) Urbanisme, aménagement, construction et logement ; cadastre ; domanialité publique ; circulation et sécurité routières ; voirie ; gestion des infrastructures portuaires et aéroportuaires ; droit de l'eau ; énergie ; tourisme ; environnement ; sport ; culture ;
« c) Action sanitaire et sociale ; organisation et gestion des établissements de soins, du centre de secours, des établissements hospitaliers, des établissements d'enseignement primaire et secondaire ainsi que de la formation professionnelle ; transport scolaire ;
« d) Postes et télécommunication ;
« e) Accès au travail des étrangers .
« Dans les matières qui relèveront de sa compétence, la collectivité pourra prendre des mesures dans le domaine de la loi ; en outre, dans certaines matières qui demeureront à titre principal de la compétence de l'Etat, la collectivité pourra être habilitée à adapter les lois et les règlements.
« 3. La nouvelle collectivité d'outre-mer sera administrée par une assemblée délibérante élue pour cinq ans selon les modalités actuellement prévues pour l'élection du conseil municipal.
« 4. Le président de l'assemblée délibérante, élu par cette dernière parmi ses membres pour la durée du mandat, soit cinq ans, sera l'organe exécutif de la collectivité d'outre-mer ; il sera assisté par une commission exécutive élue pour la même durée par l'assemblée délibérante à la représentation proportionnelle de ses membres ; le président et la commission exécutive seront responsables devant l'assemblée délibérante.
« 5. Un conseil économique, social et culturel bénéficiera de compétences d'initiative et de proposition ; il sera obligatoirement consulté sur les projets d'actes et de délibérations de la collectivité d'outre-mer à caractère économique, social ou culturel. »
C'est donc éclairés par ces documents d'orientation que les électeurs se prononceront le 7 décembre prochain.
J'en viens maintenant aux conséquences des consultations.
J'évoquerai d'abord l'hypothèse d'une victoire du « non ». Dans ce cas, la décision des électeurs empêche que soit poursuivie, ou même entamée, une procédure d'évolution dans le sens rejeté par la population, faute de l'autorisation du corps électoral requise par la Constitution.
Le Gouvernement ne proposera donc au Parlement aucun texte qui irait à l'encontre de la volonté populaire. Cela implique que la Martinique ou la Guadeloupe demeureront des régions monodépartementales, et qu'elles pourront toujours revendiquer l'exercice des compétences nouvelles que l'article 73 de la Constitution a prévues, sous réserve de l'adoption préalable d'une loi organique pour en encadrer l'usage.
Pour Saint-Martin et pour Saint-Barthélemy, le « non » aura pour conséquence de maintenir ces îles dans le droit commun de l'article 73 de la Constitution. Ces îles étant demeurées dépendances de la Guadeloupe, leurs habitants ne pourront plus invoquer des tolérances, des coutumes et des usages, notamment en matière fiscale, pour se dérober au droit commun puisqu'ils auront refusé une évolution leur accordant l'autonomie dans ce domaine.
J'évoque maintenant l'hypothèse d'une victoire du « oui ».
Dans ce cas, le Gouvernement ne sera pas tenu juridiquement, mais aura l'obligation politique et morale de préparer un projet de loi organique et un projet de loi ordinaire qui comporteront des dispositions nécessaires à l'organisation des nouvelles collectivités. Ces textes seront, bien sûr, préparés en pleine concertation avec les élus, mais c'est en définitive le Parlement qui décidera ou non d'adopter ces projets.
Ces collectivités seront naturellement soumises au respect des règles et des principes posés par le titre XII de la Constitution : elles seront dotées d'une assemblée délibérante élue au suffrage universel direct, dont procédera un organe exécutif collégial qui sera responsable devant l'assemblée ; dans toutes les collectivités, des conseils consultatifs aux attributions étendues seront mis en place. Le référendum local et le droit de pétition seront institués.
De manière générale, le Gouvernement veillera, lors de la préparation de ces projets de loi, à organiser le fonctionnement des nouvelles collectivités dans la transparence et la démocratie interne. Il s'agit, sans doute, d'une exigence qui doit prévaloir dans toutes les collectivités territoriales de la République, mais qui revêt une acuité toute particulière dans des collectivités qui bénéficieront de compétences sans équivalent en métropole.
Bien évidemment, l'institution préfectorale sera maintenue dans les collectivités nouvelles : comment pourrait-il en être autrement ? Le représentant de l'Etat conservera les prérogatives que lui attribue la Constitution, notamment en matière de légalité.
Toujours dans l'hypothèse où le « oui » l'emporterait, les collectivités ainsi créées en Martinique et en Guadeloupe seront dotées d'une organisation institutionnelle particulière, mais, pour autant, elles demeureront régies par l'article 73 et donc par le principe de l'identité législative. C'est donc abusivement que l'on prétend ici ou là que la suppression du département et son remplacement par une collectivité territoriale nouvelle auront des conséquences sur l'état du droit applicable, car, en aucun cas, les droits qui résultent de la départementalisation ne pourront être remis en cause. Il convient, en effet, de ne pas accorder à l'adjectif « départemental » plus de portée qu'il n'en a réellement.
S'agissant, plus particulièrement, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, les compétences normatives accordées à ces collectivités, en particulier dans le domaine fiscal, ne remettront pas en cause celles que l'Etat conservera en matière de procédure pénale, de droit pénal, mais aussi de droit commercial, monétaire et financier : en aucun cas les compétences nouvelles accordées aux deux collectivités ne pourront avoir pour effet de permettre la création de « paradis fiscaux » ou de « centres off shore ».
Le pouvoir fiscal ainsi dévolu aux collectivités devra en tout état de cause s'exercer dans le cadre de conventions avec l'Etat, afin d'éviter tout phénomène d'évasion fiscale.
La réforme institutionnelle n'aura pas non plus d'incidences sur le statut européen de la Martinique et de la Guadeloupe, notamment sur leur qualité de « région ultrapériphérique » au sens du paragraphe 2 de l'article 299 du traité de Rome modifié par le traité d'Amsterdam.
En effet, du point de vue des institutions de Bruxelles, c'est l'application effective du droit communautaire qui importe : il revient à chacun des Etats membres de veiller au respect de leurs obligations en la matière par leurs entités territoriales. L'organisation interne des Etats membres relève de leur souveraineté. Le projet de traité constitutionnel devrait d'ailleurs réaffirmer ce principe ; son article 5-1 dispose en effet que « l'Union respecte l'identité nationale des Etats membres, inhérente à leurs structures fondamentales politiques et constitutionnelles, y compris en ce qui concerne l'autonomie locale et régionale ».
De même, si le paragraphe 2 de l'article 299 du traité de Rome évoque les « départements français d'outre-mer », il ne peut s'agir que d'une référence géographique aux quatre départements ainsi dénommés à la date de la signature du traité et non pas d'une référence juridique ou statutaire.
Toute autre interprétation priverait la France de sa souveraineté en matière d'organisation territoriale, en allant jusqu'à lui interdire de changer la dénomination de l'une de ses collectivités.
En conclusion, je voudrais, devant la représentation nationale, souligner deux points essentiels : c'est la première fois dans l'histoire que les électeurs des Antilles sont appelés à se prononcer sur l'évolution de leurs institutions dans le cadre de la République. Ni la départementalisation en 1946 ni la création des conseils régionaux en 1982 n'ont été soumis au suffrage populaire.
Ces scrutins sont l'illustration parfaite d'une démocratie locale effective et vivante. Ils ne portent pas atteinte à la souveraineté nationale. Ils permettent seulement aux citoyens concernés d'autoriser des évolutions locales ou de s'y opposer.
Enfin, je tiens une fois encore à écarter de la façon la plus solennelle les insinuations selon lesquelles l'évolution institutionnelle locale serait un premier pas vers la séparation d'avec la République. Quels que soient les résultats de ces scrutins, les liens entre la métropole et l'outre-mer ne seront ni amoindris ni distendus. Aucun autre gouvernement n'a fait autant que celui-ci pour réaffirmer l'appartenance pleine et entière de l'outre-mer à la République, sous la haute autorité du chef de l'Etat et avec le concours du Parlement, comme en témoigne la loi constitutionnelle du 28 mars 2003.
Je souhaite que nos compatriotes des Antilles participent nombreux, sans crainte et sans arrière-pensée, à ces consultations dont l'enjeu strictement local les concerne très directement.
A l'issue de ces scrutins, il n'y aura ni vainqueur ni vaincu. Seule la démocratie triomphera. (Applaudissements.)
M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :
Groupe Union pour un mouvement populaire, 51 minutes ;
Groupe socialiste, 28 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 12 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 10 minutes.
Dans la suite du débat, la parole est à Mme Lucette Michaux-Chevry.
Mme Lucette Michaux-Chevry. L'exposé que vous venez de faire, madame la ministre, est extrêmement complet et démontre votre parfaite maîtrise d'un dossier qui a toujours été passionné.
Je souhaite pour ma part que cette affaire, qui revêt pour l'outre-mer une importance capitale, ne constitue pas un enjeu politicien.
Nous avons réussi, en Martinique et en Guadeloupe, à mettre de côté nos légitimes différences idéologiques pour parler de nos régions en toute clarté et en toute lucidité. Ce qui a toujours pénalisé l'outre-mer, c'est l'arrivée intempestive chez nous de gens pleins de bonne volonté mais méconnaissant fondamentalement les problèmes de nos régions, de gens qui ne savent même pas ce qu'est l'octroi de mer et qui viennent nous donner des leçons.
Nos populations ont mûri, et cette espèce de paternalisme ne saurait être tolérée quand notre jeunesse reçoit une formation qui lui permet d'accéder aux plus hautes responsabilités. J'étais présidente du conseil général de la Guadeloupe en 1982 ; la réforme présentée par M. Emmanuelli, à l'époque secrétaire d'Etat auprès du ministre des départements et territoires d'outre-mer, ne me déplaisait pas. Mais je m'étais inquiétée parce que cette réforme violait la Constitution. Une révision était donc nécessaire. Je n'avais d'ailleurs, personnellement, aucune crainte politique à avoir puisque, en 1983, j'ai remporté les élections régionales en Guadeloupe.
Au demeurant, dans cette affaire, la question n'est pas de savoir qui va gagner ou qui va perdre.
En tout état de cause, ce seront la Guadeloupe ou la Martinique. En Guadeloupe, le problème est un peu plus complexe. Force est de reconnaître que Saint-Martin et Saint-Barthélemy sont des îles extraordinaires. Mais quiconque connaît ces îles comme je les connais doit aussi avoir l'honnêteté de dire que la puissance de l'influence américaine et le respect des valeurs républicaines qui les caractérisent justifient que ces territoires indiscutablement français soient néanmoins gérés de manière différente.
Saint-Martin, c'est la France. Or on y parle l'anglais, on y utilise le florin, et il n'y a jamais eu, malgré quelques tentatives, de règlement du problème de la zone hollandaise face à la zone française. En métropole, lorsqu'on parle de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, on a tendance à évoquer les problèmes de drogue, alors que ces deux îles sont deux phares avancés de l'Europe et de la France au sein de la zone américaine.
C'est pourquoi je soutiens la proposition de création d'une collectivité nouvelle, en application de l'article 72-4 de la Constitution, sans que soient pour autant rompus les liens d'affection et de solidarité qui doivent continuer d'unir ces îles à la Guadeloupe.
Au fond, je souhaite que les partis politiques et, comme vient de le dire Mme le ministre, le Gouvernement nous laissent nous exprimer en français. Nous avons déjà démontré notre capacité à être majeurs. En effet, qui a constitué les régions ultrapériphériques de l'Europe ? Ce sont bien la Guadeloupe, la Martinique, la Guyane et la Réunion, qui ont, seules, créé cette espèce d'association démontant qu'il existait une Europe ultramarine.
Lorsque le traité de Rome a été signé, on considérait que la frontière orientale de l'Allemagne constituait la plus lointaine frontière de l'Europe. Tout le monde avait oublié que la Réunion, la Guyane, la Martinique et la Guadeloupe, c'était aussi l'Europe !
Et ce sont encore les élus de ces régions qui, en pleine connaissance de leur environnement géographique, ont créé l'Association des Etats de la Caraïbe, démontrant à la France que pouvait exister une coopération décentralisée.
Il faut nous permettre de signer des accords avec les îles de la Caraïbe et non pas toujours laisser le ministre des affaires étrangères prendre des décisions qui ne correspondent pas à la réalité. C'est ainsi qu'un important marché de fourniture de ciment ne s'est jamais conclu chez nous, alors que la Guadeloupe et la Martinique pouvaient passer des conventions avec les autres îles de la Caraïbe. Or cette dimension, l'existence d'un espace caraïbe, n'a jamais été prise en compte.
Récemment, des sénateurs sont partis pour Trinidad afin d'essayer de mettre en place un gazoduc permettant d'approvisionner la Martinique et la Guadeloupe ; sans même nous consulter ! C'est cela qui choque nos populations et c'est de cela que nous ne voulons plus !
Quand j'entends des parlementaires, anciens candidats ou futurs candidats à la présidence de la République, nous donner des leçons, je me dis qu'ils étaient beaucoup plus discrets lorsque la Soufrière a grondé en 1976, et lorsque le cyclone Hugo, en 1989, a ravagé la Guadeloupe. On ne les a pas entendus ! En 1989, le Président de la République, François Mitterrand, lui, a quitté la métropole pour venir se rendre compte sur l'île de la Désirade de l'ampleur de la catastrophe. On ne les a pas plus entendus, lorsqu'ont éclaté les bombes qui étaient en quelque sorte une expression un peu violente du déchirement de nos régions.
Aujourd'hui, pour essayer de mettre le Gouvernement en difficulté et peut-être pour s'efforcer d'obtenir des places qu'ils ne parviennent pas à obtenir par des voies normales, ils viennent nous dire ce que nous devons faire pour nos régions, comme si nous n'avions pas la plénitude de la gestion de nos affaires, comme s'il fallait nous donner des leçons de patriotisme, à nous dont les ancêtres ont démontré, chaque fois que la France était en danger, combien ils étaient attachés à la République.
Voilà pourquoi je leur dis que nous consommons beaucoup de poisson, mais qu'il n'est jamais accommodé à la sauce béarnaise parce qu'elle est trop lourde pour nous ! (Sourires.)
C'est sans inquiétude que nous accueillons cette réforme constitutionnelle. En effet, ce sera la première fois depuis la loi d'orientation pour l'outre-mer, qui a créé le congrès et ainsi permis que s'engage le dialogue entre les deux assemblées de la Guadeloupe et de la Martinique, que nous pourrons dire ce que nous souhaitons : ce ne seront ni l'Alsace, ni la Bretagne, ni la Picardie, ni l'Aquitaine qui parleront en notre nom. De même, c'est la première fois que pourront s'exprimer les populations de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, ces îles que l'on considère comme des petites régions abandonnées, des paradis fiscaux, des lieux de passage de la drogue, mais où les problèmes de santé, d'immigration, de coopération, de libre circulation, les problèmes linguistiques n'ont jamais été réglés.
Aujourd'hui, nous disons que nous pouvons le faire dans la République, avec la République, mais dans le respect de notre identité propre.
Je fais partie de celles et ceux qui disent oui à la solidarité, mais non à l'assistanat, qui a été mis en place au détriment de la créativité de nos régions.
C'est pourquoi je vous remercie, madame la ministre, du travail difficile que vous avez mené en essayant de trouver une part de vérité chez chaque groupe politique, en essayant d'écouter les propos de chacun. Je vous remercie de dire ici que le Gouvernement ne se mêle pas de cette campagne de consultation, qu'il nous laisse libres, en Français majeurs et responsables, de choisir la meilleure façon de faire fonctionner les instances de nos régions.
Je nous en crois capables et je dis ici de façon solennelle que nous réussirons, car nous sommes, nous aussi, attachés à ces terres françaises lontaines, mais qui représentent inconstestablement les frontières maritimes de l'Europe.
Je conclurai, mes chers collègues, en disant que les idées ne nous manquent pas. Nous l'avons démontré en organisant, avec la Martinique, la création d'un label « banane antillaise », qui permet de mettre fin aux quotas qui nous étaient imposés et qui favorisaient la consommation par les Français de la banane de Colombie ; contre laquelle nous nous battons.
D'ailleurs, actuellement, avec la Martinique et avec les Canaries, nous sommes en train de créer une « banane européenne » pour faire place à la « banane zone dollar ».
Nous aussi, nous avons la capacité de réfléchir et de faire des propositions pour nos régions !
Madame la ministre, je vous remercie de ce débat qui permet de clarifier les choses et de mettre fin à certaines dérives. En effet, on tente, par des ambitions politiques légitimes, de réveiller les vieilles lunes de la peur qui ont toujours fait du mal à nos régions. (Applaudissements sur les travées de l'Union pour un mouvement populaire et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE).
M. le président. La parole est à M. Claude Lise.
M. Claude Lise. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la première fois, les citoyens de la Martinique, mais également ceux de la Guadeloupe et, de façon distincte, ceux de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, vont être appelés aux urnes dans le cadre d'une consultation électorale purement locale. Ils vont se prononcer, qui plus est, sur des propositions émanant de leurs élus locaux respectifs.
C'est, incontestablement, un événement qu'il faut saluer, un événement, il faut le reconnaître, inconcevable il y a encore quelques années.
Et je ne peux oublier les difficultés que j'ai eues à faire admettre, en 1999, les deux éléments fondamentaux et novateurs de la procédure d'évolution institutionnelle que je proposais d'inscrire dans la loi d'orientation pour l'outre-mer : le congrès des élus départementaux et régionaux et la consultation des seules populations concernées.
Que n'ai-je entendu à l'époque, et ici même !
Sur le congrès, tout d'abord : l'idée que des élus locaux puissent se réunir pour faire des propositions en matière d'évolution institutionnelle paraissait à beaucoup - responsables politiques, parlementaires, hauts fonctionnaires des ministères - proprement insupportable.
Les réserves, voire les oppositions, ne respectaient d'ailleurs pas tout à fait, je dois l'avouer, les clivages politiques traditionnels.
Quant à la consultation populaire, n'oublions pas qu'il s'est trouvé soixante députés et soixante sénateurs de droite - parmi lesquels sept ministres de l'actuel gouvernement - pour tenter de la faire censurer par le Conseil constitutionnel. Sans succès, fort heureusement !
C'est d'ailleurs pourquoi, madame la ministre, je ne peux vous suivre tout à fait lorsque je vous entends parfois proclamer que « c'est l'honneur de ce gouvernement d'être le premier à donner la parole aux citoyens des DOM ».
Non ! C'est le gouvernement précédent, celui de Lionel Jospin, qui a marqué le premier, et de façon très claire, la volonté de leur donner la parole. Cela est incontestable !
Le mérite du gouvernement actuel, et votre mérite personnel - que je souligne bien volontiers, madame la ministre -, c'est d'avoir su résister à la tentation de tout remettre en cause dans la procédure d'évolution déjà mise en oeuvre, d'avoir accepté de reconnaître non seulement l'existence des congrès qui s'étaient déjà réunis, mais - et c'est le plus important - leur légitimité.
Le Président de la République a, pour sa part, il faut le reconnaître, tenu un engagement, pour moi, essentiel.
Il a fait inscrire, vous l'avez rappelé, dans la nouvelle Constitution non seulement la possibilité de consulter les électeurs d'outre-mer sur toute question d'évolution institutionnelle, mais également l'obligation de les consulter en cas d'instauration d'une assemblée unique, de création d'une collectivité unique ou en cas de changement de régime législatif, obligation assortie, d'ailleurs, d'un véritable droit de veto des électeurs. On ne peut que s'en féliciter !
Le Président de la République vient, par ailleurs, de tenir un autre engagement, celui de convoquer le corps électoral des collectivités où les congrès ont permis aux élus de parvenir à un accord sur des propositions compatibles avec les dispositions de la Constitution actuelle.
Cette décision était, on le sait, particulièrement attendue en Martinique. Et je suis d'autant plus satisfait qu'elle ait été prise que d'aucuns étaient parvenus à susciter quelques inquiétudes à ce sujet.
Les citoyens de la Guadeloupe, de la Martinique, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin se rendront donc aux urnes le 7 décembre prochain. Cependant, s'ils vont tous voter le même jour, ils ne vont pas tous se prononcer sur la même question.
A Saint-Barthélemy et Saint-Martin, la question portera sur un changement de régime législatif, c'est-à-dire sur le passage du régime de l'identité législative, où les lois et règlements adoptés en France s'appliquent automatiquement de plein droit, à celui de la spécialité législative où ces lois et règlements ne s'appliquent que sur mention expresse.
Rien de tel en Guadeloupe et en Martinique. La question n'y a pas du tout, pour les électeurs, la même portée. Elle n'a pour objet - il faut insister sur ce point - qu'une simplification du cadre institutionnel dans lequel s'effectue la gestion des affaires locales.
En effet, au moment de l'acte I de la décentralisation, a été commise une grave erreur dont, il faut bien le dire, la responsabilité incombe aux parlementaires de droite de l'époque. Ceux-ci, dans la plus pure tradition jacobine, prirent, en effet, le parti de faire entrer, à tout prix, dans le droit commun des réalités qui ne s'y prêtaient pas.
Ils refusèrent la solution de sagesse que dictait, d'ailleurs, le simple bon sens et que proposait le gouvernement Mauroy : celle de mettre en place, dans chaque DOM, une seule assemblée exerçant les compétences des conseils généraux et des conseils régionaux métropolitains, d'ailleurs dénommée « assemblée générale et régionale ».
Le gouvernement socialiste n'avait pas voulu prendre le risque de proposer une collectivité unique alors même que cette solution eût été préférable.
En effet, il voulait éviter une éventuelle censure du Conseil constitutionnel qui, jusqu'alors, vous le savez, avait toujours donné une interprétation extrêmement restrictive de l'article 73 de la Constitution, qui n'a en effet jamais interprété cet article dans l'esprit du général de Gaulle, qui l'avait fait inscrire dans la Constitution de 1958.
L'opposition de droite n'hésita pas, malgré tout, à saisir le Conseil constitutionnel qui devait malheureusement suivre les censeurs et déclarer non conforme le projet d'assemblée unique.
C'est ainsi que, malgré les avertissements de ceux qui, avec clairvoyance, en prévoyaient les conséquences dommageables pour les DOM, furent mis en place des systèmes aberrants de régions monodépartementales.
Vous avez dit, madame la ministre, qu'il n'existe pas d'autre exemple de région monodépartementale dans les pays démocratiques modernes, et même pas en métropole. Paradoxalement, en voulant calquer le modèle métropolitain sur nos régions, on a créé un système exorbitant du droit commun.
On a encore en mémoire les mises en garde du secrétaire d'Etat à l'outre-mer, Henri Emmanuelli, lors de la discussion à l'Assemblée nationale, en septembre 1982, du projet de loi portant adaptation de la loi de décentralisation aux départements d'outre-mer.
Il dénonçait, notamment, ceux qui, voulant calquer le modèle métropolitain sur les départements d'outre-mer, prenaient le risque de « créer l'absurdité, l'inefficacité, et parfois même l'inacceptable » et il entrevoyait déjà « les querelles de légitimité, les conflits de compétences », « voire l'enchevêtrement et, finalement, la déliquescence des responsabilités ».
On se souvient également du jugement sans appel d'Aimé Césaire qui voyait dans le système de région monodépartementale à la fois « une anomalie, une absurdité et une injustice ».
La suite des événements devait malheureusement leur donner raison et rares sont ceux qui, aujourd'hui, ne reconnaissent pas les graves inconvénients qu'induit l'existence de deux collectivités et de deux assemblées sur un même territoire.
Ceux-ci résultent évidemment, pour une bonne part, de l'enchevêtrement des compétences. C'est, d'abord, un manque de cohérence dans la définition des politiques à mener et dans le choix des priorités, notamment dans des domaines comme l'agriculture, la pêche, le tourisme, les transports, le logement, la culture, l'éducation ou encore la coopération régionale.
Pensez, pour prendre un exemple caricatural, qu'un pêcheur lorsqu'il est à terre, dépend du conseil général, qui s'occupe des abris de pêcheurs, des structures d'avitaillement, des appontements, mais que dès qu'il met les pieds dans l'eau il dépend du conseil régional, qui subventionne les bateaux, les balises et les dispositifs de concentration de poissons.
Et je vous laisse deviner les problèmes qui surgissent lorsqu'il existe une différence de niveau entre le pont de tel nouveau modèle de bateau, subventionné par la région, et tel modèle d'appontement, réalisé par le département ! Comme les projets ne sont pas conçus simultanément, certains appontements ne sont pas au même niveau que les ponts des bateaux réalisés et subventionnés par la région !
L'enchevêtrement des compétences entraîne d'autres conséquences telles que des difficultés dans la mise en oeuvre des politiques et, souvent, des retards dans la réalisation de certains projets, un manque de lisibilité de l'action publique pour les citoyens qui, souvent, ne savent pas à qui s'adresser et qui est responsable de quoi, et, enfin, une incitation à la mise en concurrence des deux assemblées, avec tout ce que cela comporte de gaspillage de l'argent public.
A cela s'ajoute le facteur aggravant de la coexistence de deux exécutifs, qui, il faut le souligner, sont alimentés en informations et en analyses par deux administrations structurellement et culturellement différentes.
Il en résulte un affaiblissement de la représentation politique locale face à l'Etat, à l'Union européenne et aux autorités des pays environnants qui sont constamment confrontés à deux interlocuteurs.
On comprend donc pourquoi un tel système a fini par être très fortement dénoncé, non seulement par une large fraction de la classe politique, mais aussi par un pourcentage de plus en plus important de l'opinion publique des départements d'outre-mer.
En Martinique, par exemple, un sondage réalisé en juillet 2001 indiquait que seuls 31 % des citoyens se prononçaient en faveur du maintien des deux assemblées existantes.
Il n'y a rien d'étonnant, dans ces conditions, que l'une des revendications les plus soutenues par les différents congrès soit de procéder à une simplification de cesystème, notamment en substituant au département et à la région une collectivité unique dotée d'une assemblée unique. Les élus martiniquais se sont pour leur part prononcés à plus de 75 % en faveur d'une telle réforme.
Tout pouvait laisser croire, par conséquent, que, dans le débat ouvert en vue de la prochaine consultation, les éternels partisans du statu quo hésiteraient à développer les arguments alarmistes qu'ils brandissaient déjà il y a vingt ans !
Mais c'était compter sans l'inépuisable énergie de ceux qui, comme le dit Aimé Césaire, s'empressent, « à toute annonce de réforme », « d'annoncer la catastrophe ».
La première des catastrophes que certains nous prédisent déjà, avec une évidente mauvaise foi, c'est que la collectivité unique, sonnant le glas du département, constituerait une menace pour les droits acquis, notamment les droits sociaux.
Comme si les droits sociaux étaient nécessairement et totalement liés au cadre institutionnel que constitue le département, voire au terme « département », paré par certains d'un véritable pouvoir magique.
La réalité, et cela ne souffre aucune discussion, c'est que les droits acquis ont pour fondement le régime juridique de l'identité législative. Ce qu'a apporté la loi de départementalisation de 1946, ce n'est pas un modèle de collectivité, ce n'est pas une appellation contrôlée, c'est précisément ce régime législatif qui a remplacé celui qui s'appliquait aux « quatre vieilles colonies », et qui était celui de la spécialité législative.
Mais certains ne s'arrêtent pas là. Ils n'hésitent pas à reprendre le vieux spectre du largage que l'on croyait rangé au magasin des accessoires. Ils prétendent que l'article 73 de la Constitution ouvrirait la voie à toutes les dérives et que, notamment, par son biais, le pas conduisant à l'autonomie, voire à l'indépendance, pourrait être vite franchi.
Pourtant, ce nouvel article 73, s'il ouvre des possibilités d'adaptation, notamment, celle de mettre en place une collectivité unique se substituant au département et à la région, a de toute évidence été conçu pour limiter le champ des possibles en matière d'évolution institutionnelle ou statutaire.
Alors, certains essaient subtilement d'insinuer que les élus d'une assemblée unique, désireux d'accéder à l'autonomie ou à l'indépendance, pourraient tenter d'y parvenir en obtenant le passage du régime de l'article 73 à celui de l'article 74. C'est tout simplement feindre d'ignorer qu'il est expressément inscrit dans la Constitution que l'on ne peut passer de l'un à l'autre des régimes sans une consultation préalable et obligatoire des citoyens. C'est sans compter que ce nouvel article 74 n'offre pas de possibilités d'obtenir un réel statut d'autonomie, même pas le type de statut évoqué dans l'appel de Basse-Terre, lancé en 1999 par les présidents de région de Martinique, de Guadeloupe et de Guyane, et qui fait référence au statut des Açores, des Canaries et de Madère, lesquelles, il faut le savoir, disposent d'un pouvoir législatif propre dans certains domaines.
D'autres opposants, sans doute adeptes de l'art subtil du contretemps, défendent, quant à eux, farouchement aujourd'hui ce qu'ils condamnaient fermement hier. « L'assemblée départementale et régionale » qu'ils présentaient comme un épouvantail quand elle était proposée par la gauche en 1982 constitue désormais, pour eux, une panacée. Ils l'opposent à la collectivité unique gérée par une assemblée unique - leur nouvel épouvantail -, au moment même où la Constitution permet la mise en place de celle-ci, en toute sécurité.
C'est, en réalité, faire fi des difficultés que ferait perdurer le système d'assemblée unique, avec maintien de deux collectivités, qui, en 1982, ne constituait, rappelons-le, qu'une proposition a minima. On devine les problèmes suscités par la gestion de deux administrations, deux budgets et deux patrimoines distincts.
Autre argument encore de certains partisans du « non » à la nouvelle collectivité unique : le risque de la perte de nos droits acquis dans le cadre de l'Union européenne et du statut découlant de l'article 299-2 du traité d'Amsterdam.
Mais, madame la ministre, vous avez vous-même indiqué à plusieurs reprises, et encore tout à l'heure, qu'il n'y avait pas lieu d'entretenir cette crainte, ce que confirment de nombreux spécialistes du droit communautaire, français et européens, si l'on prend la peine de les interroger au lieu de se livrer à toutes sortes d'exégèses approximatives.
Ces derniers indiquent, très clairement, que l'application de l'article 299-2 ne dépend en rien du statut administratif interne des régions ultrapériphériques concernées. Si celles-ci bénéficient d'un traitement particulier de la part de l'Union européenne, c'est en raison de leur situation géographique, ainsi que de leurs caractéristiques économiques et sociales.
Il reste encore un dernier argument des opposants à la réforme : celui qui tendrait à nous faire croire à l'existence d'un véritable péril démocratique.
Il consiste, pour l'essentiel, à présenter l'instauration d'une assemblée unique comme étant fatalement de nature à favoriser une inquiétante concentration des pouvoirs.
A cela, il faut répondre que c'est précisément pour prévenir un tel phénomène que, dans le cadre des congrès, les élus ont prévu la mise en place de mécanismes de contre-pouvoirs, et d'abord, de contre-pouvoirs internes à l'assemblée.
C'est ainsi qu'en Martinique ils ont fait le choix d'un exécutif responsable devant l'assemblée.
Mais, à ce contre-pouvoir interne, s'ajoutent des contre-pouvoirs externes.
Il s'agit, en particulier, de la mise en place de différents conseils consultatifs, parmi lesquels un conseil des communes dont la vocation est d'ailleurs d'assurer la représentation du territoire.
Ce dernier, selon le souhait d'une majorité d'élus, devrait être doté de compétences d'initiatives, mais également d'un rôle consultatif obligatoire sur les questions susceptibles de toucher au budget des communes et, plus généralement, à l'aménagement du territoire. Il pourrait même être doté d'un pouvoir d'auto-saisine.
En matière de contre-pouvoirs externes, il faut d'ailleurs bien prendre conscience du rôle important que jouent de plus en plus des institutions comme les communautés de communes et les communautés d'agglomération, compte tenu de leurs compétences et de leur budget qui ne cesse de croître.
Vous l'aurez remarqué, je n'ai pas évoqué la question soulevée par certains élus à propos du mode d'élection retenu, à savoir le scrutin proportionnel : c'est tout simplement parce qu'en Martinique la plupart de ceux qui regrettent que le congrès n'ait pas pris en comptel'élément de représentation territoriale dans le mode d'élection n'en font pas un argument en faveur du « non ». Vous comprendrez que je m'en félicite !
Enfin, j'ajoute, à l'adresse de ceux qui invitent leurs compatriotes à se reposer sur le mol oreiller du statu quo - le statu quo d'aujourd'hui résultant généralement de l'évolution qu'ils abhorraient hier ! -, que celui-ci vit nécessairement ses dernières heures.
En effet, le projet de loi relatif aux responsabilités locales, débattu en ce moment même au Sénat, sera applicable dans les DOM.
Cependant, en cas de maintien des deux collectivités actuelles, les délégations de compétences prévues ne feront qu'aggraver l'enchevêtrement de leurs champs d'intervention.
Il n'y a donc pas de choix entre évolution et statu quo. Il n'y a de choix qu'entre évolution vers une simplification et évolution vers une complexification.
En réalité, mes chers collègues, je crois que ce qui importe désormais, à la veille de la consultation du 7 décembre, c'est que tout soit mis en oeuvre pour permettre à nos concitoyens de mesurer mieux encore les véritables enjeux et la réelle portée des réformes qui leur sont effectivement proposées.
Il faut, pour cela, instaurer les conditions d'une vaste mobilisation citoyenne.
Cela implique, selon moi, qu'en dehors de ce qui relève de la responsabilité des organisations politiques soient prises des initiatives mettant en avant, aux côtés des élus, des représentants de la société civile.
C'est dans cet esprit que j'ai moi-même mis en place un comité martiniquais de mobilisation citoyenne pour le « oui », un comité qui regroupe déjà plus de deux cents personnalités, représentant tous les secteurs de la société. Ce comité a commencé à aller à la rencontre des citoyens pour leur apporter les informations dont ils ont besoin afin de résister à toutes les manoeuvres politiciennes tendant à semer la confusion dans les esprits.
Le Gouvernement, lui, n'a bien entendu pas à prendre parti dans cette campagne. Mais il a néanmoins à assumer un devoir d'information. Je salue, d'ailleurs, les initiatives que vous avez déjà prises à cet égard, madame la ministre.
Je reste, pour ma part, convaincu que, s'agissant de ceux que je représente ici, les Martiniquaises et les Martiniquais sauront très majoritairement percevoir les vrais enjeux de la consultation du 7 décembre et qu'ils s'appliqueront à répondre à la question posée et rien qu'à cette question.
Ils le comprennent de mieux en mieux, malgré toutes les entreprises de désinformation : il ne s'agit pas de prendre position pour un quelconque changement de statut. Il s'agit de répondre à une proposition de simplification du cadre institutionnel actuel. On pourrait même parler d'une simple retouche à notre vêtement institutionnel fort mal ajusté.
Mais il s'agit d'une réforme dont il sera possible de tirer une plus grande efficacité dans la gestion des affaires publiques locales - certains acteurs économiques devraient davantage prendre en compte cet aspect - et qui permettra, en toutes circonstances, à la Martinique de parler d'une seule voix.
Une réforme modeste, me dira-t-on alors ?
Oui, c'est une réforme modeste, c'est, surtout, une réforme qu'il faut se garder de considérer comme porteuse de réponses à tous les problèmes que nous connaissons.
Mais c'est une réforme indispensable, qui peut être l'occasion d'un nouvel élan pour la Martinique, afin de la faire progresser sur la voie de la responsabilité et du développement. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici réunis pour débattre d'un sujet d'une importance capitale.
En effet, conformément à la Constitution, une déclaration suivie d'un débat dans les deux assemblées doit être prononcée par le Gouvernement lorsqu'un processus de réforme institutionnelle ou statutaire des départements ou des collectivités d'outre-mer est mis en oeuvre.
Les électeurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy sont donc appelés à se prononcer par « oui » ou par « non » sur leur avenir statutaire, plus précisément sur la question de savoir s'ils souhaitent devenir une collectivité d'outre-mer au sens de l'article 74 de la Constitution et être détachés de la Guadeloupe.
S'agissant de la Guadeloupe et de la Martinique, les électeurs sont appelés à se prononcer sur la création d'une collectivité nouvelle se substituant aux conseils généraux et régionaux de ces deux îles.
Je laisserai de côté la question de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy, car elle n'appelle de notre part aucune remarque particulière.
En revanche, au nom de mon groupe, je veux vous faire part de notre position sur la question de la Martinique et de la Guadeloupe.
Le groupe de l'Union centriste est opposé à la modification des institutions de ces deux îles françaises telle qu'elle est envisagée. Nous soutenons donc les nombreux Antillais qui appellent à voter « non ».
En effet, quelle est précisément la question : « Approuvez-vous le projet de création en Martinique [ en Guadeloupe ] d'une collectivité territoriale demeurant régie par l'article 73 de la Constitution, et donc par le principe de l'identité législative avec la possibilité d'adaptations, et se substituant au département et à la région dans les conditions prévues par cet article ? »
Sans revenir sur la rédaction de la question pour le moins obscure pour la majorité des citoyens, on propose donc aux Martiniquais et aux Guadeloupéens de changer de statut, de supprimer le département et la région, avec son conseil général et son conseil régional, afin de créer une collectivité nouvelle dont on ne connaît ni le contour, ni les compétences, ni l'organisation.
En effet, comme le soulignent nos amis de l'outre-mer, notamment l'ancien sénateur de notre groupe Roger Lise, et contrairement à ce que s'appliquent à faire croire ceux qui veulent faire aboutir cette proposition dangereuse, il ne s'agit pas d'une simple modification visant à instituer une assemblée unique.
Certes, l'existence de ces deux assemblées, conseil général et conseil régional, pour gérer les affaires locales a, dans la pratique, fait apparaître certaines difficultés, comme le chevauchement des compétences, les positions divergentes de ces deux assemblées, plus particulièrement de ces deux présidents.
Toutefois, si la modification de la situation actuelle était souhaitée par de nombreux Antillais, le projet proposé ne nous convient ni sur le fond, ni sur la forme.
J'évoquerai tout d'abord le fond.
Je reprendrai, à cet égard, les propos de Mme Anne-Marie Le Pourhiet, constitutionnaliste : « il est totalement faux de présenter le projet qui va être proposé aux Antillais comme une simple "réforme administrative" ou une pure "simplification", alors qu'il s'agit bien d'un changement total de statut. Le projet qui va être proposé à la population supprime purement et simplement et le département et la région pour la remplacer par une collectivité à statut particulier. »
Par ailleurs, nos amis des Antilles nous ont fait part de leurs inquiétudes concernant la motivation de certains élus qui ont approuvé le document d'orientation servant de base à la consultation du 7 décembre, et qui ne cachent pas leur volonté de faire de cette réforme une première étape vers l'autonomie de l'île.
Ce que veulent les opposants à cette réforme, auxquels nous nous associons, c'est une assemblée qui exerce les mêmes compétences que celles du conseil général et du conseil régional. Cette assemblée commune au département et à la région, qui seraient maintenus, permettrait de conserver les droits actuels et de garantir la mise en oeuvre de l'identité législative. Ils ne veulent pas d'une collectivité à statut particulier sortant dans ce cadre du droit commun.
Cette assemblée pourrait ainsi bénéficier de tous les accroissements de pouvoirs annoncés, qu'il s'agisse, d'une part, des dispositifs généraux applicables à l'ensemble des départements et des régions de France et, d'autre part, du droit à l'expérimentation.
Incontestablement, le régime de l'assimilation législative constitue le fondement des droits acquis dans ces territoires, en particulier ceux qui ont été conquis en matière d'égalité sociale avec l'ensemble des Français dans tous les domaines, sécurité sociale, politique familiale, allocation familiale, SMIC, RMI, éducation, droit du travail.
Enfin, je vous fais part des résultats d'une enquête réalisée par l'institut Louis Harris au mois de décembre 2001. Elle montrait que 92 % des Martiniquais souhaitaient que la Martinique reste un département français, 67 % d'entre eux considérant que ce statut garantissait au mieux leurs droits acquis.
Certes, cette analyse date un peu, mais il est difficilement imaginable que l'opinion martiniquaise puisse s'inverser en si peu de temps.
J'en viens à présent à la forme.
Le moins qu'on puisse dire, c'est que le temps de la respiration démocratique n'a pas été donné : communication en conseil des ministres le 8 octobre, décrets décidant des consultations le 29 octobre, déclaration devant les assemblées le 7 novembre, consultations des électeurs dès le 7 décembre. Nombreux sont les parlementaires qui sont choqués par cette manière de procéder.
Madame la ministre, ce n'est pas ce débat, qui se déroule en présence de cinq sénateurs, qui apportera la respiration démocratique que nous appelons tous de nos voeux !
M. Jean-Jacques Hyest. Ce n'est pas la faute du Gouvernement !
M. Nicolas About. Bien sûr, mais, en ce moment, ce sont les représentants de la Charente et de l'Ile-de-France qui traitent de l'outre-mer !
Mme Odette Terrade. Le Val-de-Marne et Orly !
M. Nicolas About. Mais vous représentez aussi un peu la Charente !
Ce sont donc les élus d'Ile-de-France qui débattent du statut des îles des Antilles.
M. Jean-Jacques Hyest. C'est le Parlement !
M. Nicolas About. Notre estimé et excellent collègue Dominique Larifla est le seul représentant des Antilles en cet instant.
Mme Odette Terrade. Ce n'est pas très aimable pour ceux qui sont déjà intervenus !
M. Nicolas About. Malheureusement, on ne peut débattre qu'avec ceux qui sont présents !
M. Jean-Jacques Hyest. Je suis d'accord avec vous !
M. Nicolas About. Je salue donc Dominique Larifla, même si je sais qu'il ne partage pas mon point de vue.
M. Dominique Larifla. C'est sûr !
M. Nicolas About. La Martinique et la Guadeloupe sont des territoires français depuis la Révolution, c'est-à-dire avant Nice et la Savoie.
Comment peut-on, en si peu de temps et sans débat, si ce n'est celui qui a lieu aujourd'hui, changer le statut et l'avenir de quelque 800 000 de nos compatriotes ?
Les Français de métropole ne savent même pas ce qui va se passer. Les Antillais eux-mêmes ne sont pas davantage au courant, à l'exception du « microcosme » des élus.
M. Dominique Larifla. Non !
M. Nicolas About. Nous verrons !
Comment peut-on travailler ensemble depuis tant d'années sur la continuité territoriale et républicaine pour ainsi abandonner les Antillais à leur sort ?
Mais, au juste, quel sort ?
Personne ne le sait. Et l'on peut se poser honnêtement la question de savoir pourquoi cette consultation, et surtout pourquoi cette consultation telle qu'elle est proposée. Car si nous sommes bien d'accord sur le fait qu'une évolution était souhaitable vers la simplification, elle ne doit pas se faire à n'importe quel prix.
Il eût été plus clair et plus démocratique, pour ainsi répondre à toutes les sensibilités antillaises, de poser deux questions : « Voulez-vous une assemblée unique qui s'inscrit dans le cadre du droit commun des régions et des départements ? » et « Voulez-vous une collectivité nouvelle ? », plutôt que de faire croire que la question posée rassemble les deux. Mais c'est une vieille tradition des consultations !
En résumé, vous l'aurez compris, au nom d'un grand nombre de Martiniquais et de Guadeloupéens, notre groupe souhaite vous faire part de notre opposition à cette réforme.
M. le président. La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens d'emblée à indiquer l'approbation par les sénateurs communistes de l'organisation d'un référendum, le 7 décembre prochain, en Guadeloupe, en Martinique, à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, pour permettre aux populations de se prononcer sur l'évolution de leurs institutions.
Cette consultation permettra pour la première fois à ces peuples de s'exprimer sur l'organisation politique de leurs régions.
L'objectif, rappelons-le, est de transformer deux régions et deux départements en collectivité unique, dans le cadre de l'article 73 de la Constitution.
Comment ne pas rappeler qu'une telle transformation était demandée depuis longtemps par les communistes antillais et métropolitains, et par notre groupe au Sénat ?
Permettez-moi de rappeler les propos de mon ami Robert Bret, prononcés le 13 juin 2000 dans cet hémicycle à l'occasion du débat sur la loi d'orientation pour l'outre-mer : « N'est-ce pas aux populations elles-mêmes qu'il convient de décider des voies à suivre ? Elles revendiquent pour cela l'application du principe de base de l'autodétermination. Et nous défendons ce droit imprescriptible ».
Je le dis non parce que je suis née en Charente, que je suis originaire d'Orly et que je représente le Val-de-Marne (M. Nicolas About rit), mais parce que c'est le droit imprescriptible des populations que de se déterminer sur leur sort et c'est cela qui nous fait agir !
Il est heureux qu'aujourd'hui les populations concernées puissent se prononcer sur l'avenir de leurs institutions !
M. Nicolas About. C'est sûr !
Mme Odette Terrade. Mais, pourquoi, madame la ministre, ne pas avoir étendu cette possibilité aux Guyanais, alors que cette demande de consultation y apparaît aussi forte ?
Madame la ministre, notre interrogation est toutefois grande sur l'absence totale d'un vaste plan de développement économique et social dans les collectivités concernées.
La Martinique et la Guadeloupe, notamment, où la crise s'aggrave depuis plusieurs années, subissent de plein fouet les effets de la restauration libérale menée par Jean-Pierre Raffarin.
Il est temps, grand temps, que les pouvoirs publics engagent un vaste plan de rattrapage en concertation avec les forces vives des collectivités antillaises.
Si cette voie n'est pas choisie, la modernisation institutionnelle risque fort de s'apparenter à un coup d'épée dans l'eau.
Les sénateurs communistes approuvent avec force un événement attendu depuis des décennies par de si nombreux Antillais progressistes, c'est-à-dire la consultation des peuples sur leur avenir.
Notre approbation va de pair avec l'exigence de transferts financiers liés aux transferts de compétences.
Madame la ministre, notre approbation sans réserve de cette consultation du 7 décembre prochain est aussi forte que le sera notre opposition résolue à toute velléité d'abandon des Antilles à une situation de crise qui maintient tant d'hommes, de femmes, de familles dans une situation de précarité et de pauvreté aujourd'hui inacceptable.
M. le président. La parole est à M. Dominique Larifla.
M. Dominique Larifla. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, compte tenu du caractère local de la consultation du 7 décembre prochain, je me bornerai à parler de la Guadeloupe, de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy.
En 1946, au moment de la départementalisation des quatre vieilles colonies, la cohésion de la République a nécessité un pouvoir central fort.
Aujourd'hui, après vingt ans de pratique de la décentralisation, ceux qui n'en étaient pas convaincus a priori ont désormais la preuve du caractère aberrant, et même monstrueux, de la région monodépartementale.
Aussi, mon engagement en faveur du « oui », le 7 décembre prochain, procède d'un souci de simplification et de clarification de l'action administrative locale.
En vingt ans de coexistence de deux assemblées sur un même territoire, l'action publique locale a fini par s'apparenter aux yeux des citoyens à un véritable labyrinthe.
La particularité géographique de la Guadeloupe, éclatée en plusieurs îles est déjà, en elle-même, un facteur d'éparpillement, et les difficultés générées par cet écartèlement doivent être compensées, surmontées au quotidien.
Comment rapprocher la décision du citoyen ? Comment adapter l'action aux besoins ?
Je tiens à affirmer ici, aussi bien devant la représentation nationale qu'aux Guadeloupéens, que ma démarche, en réponse à ces deux questions, ne vise en aucun cas à un éloignement de la métropole ; elle vise à un rapprochement local.
Le projet de réforme des institutions est également et surtout l'occasion de refonder une dynamique collective, de donner un nouvel élan à la démocratie, de redéfinir un projet commun de société.
A cet égard, madame la ministre, sachez que j'approuve l'esprit avec lequel vous avez engagé la consultation des populations.
Vous avez fait montre d'un respect appréciable de la volonté locale et d'une confiance dans le consensus qu'il faut bien souligner.
Je n'en doute pas, la mise en oeuvre effective de cette réforme se fera dans les mêmes conditions. Et je crois que vous entendre l'affirmer constitue un élément de nature à rassurer les populations.
Ainsi, l'objectif est bien celui de redessiner le cadre administratif local et uniquement cela.
Chaque acteur de la société se trouve un jour confronté aux inconvénients de la dilution administrative : le citoyen ne sait pas où s'adresser pour une subvention, les administrations sont engorgées, le contribuable est taxé deux fois et paie deux fois des indemnités aux mêmes élus pour régler les mêmes problèmes, etc.
Il s'agit d'abord de ramener l'harmonie entre les citoyens et leurs institutions. Dès lors, la meilleure manière est en premier lieu de les impliquer dans ce projet, ce qui sera fait par le biais du référendum le 7 décembre prochain.
En second lieu, la transparence de l'action menée par une unique collectivité devrait, quant à elle, contribuer à maintenir cette relation harmonieuse dans le temps.
S'agissant de l'action elle-même, l'enjeu fondamental est de définir des institutions nouvelles qui garantiront aux Guadeloupéens, chaque jour, transparence, efficacité, clarté, impartialité, proximité des procédures et des décisions.
C'est dans cette optique que les institutions constituent un outil, lui-même vecteur de l'efficacité de l'action.
Une assemblée unique, par la fluidité des rapports, mettra fin aux pesanteurs administratives, génératrices de perte d'énergie dans la conduite des politiques.
Une collectivité n'est pas une fin en soi, c'est un moyen.
Le citoyen attend de ses institutions qu'elles puissent s'adapter et qu'elles soient réactives. Or, dans les régions monodépartementales, les deux collectivités se déplacent sur un même espace de compétence, ce qui aboutit à un embouteillage administratif, lui-même facteur de ralentissement de l'action et, par voie de conséquence, de dilution de son efficacité.
C'est un ancien président du conseil général qui a dirigé pendant treize ans les affaires de la Guadeloupe qui vous parle et croyez bien, monsieur About, que, contrairement à ce que vous avez dit, le problème ne se réduit pas à une divergence entre deux présidents.
Bref, ces pesanteurs, dans le peu d'espace dont dispose chacune des collectivités, sont nuisibles à l'action, donc au pays tout entier, donc au citoyen.
A cela s'ajoute la configuration géographique particulière de la Guadeloupe qui en fait une entité composée de diversités.
En dépit des liens affectifs, historiques, qui lient les îles de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin à la Guadeloupe, leurs particularités respectives constituent un facteur supplémentaire de lourdeur dans leurs rapports administratifs avec la Guadeloupe. C'est donc ce même souci de clarté, de fluidité des rapports qui anime également la revendication de l'île de Saint-Barthélemy, que j'ai toujours soutenue et que j'approuve.
L'évolution vers le statut de collectivité d'outre-mer régie par l'article 74 de la Constitution inscrira, dans le droit de la République, l'héritage historique de Saint-Barthélemy, tout en le préservant.
Ce basculement constitue la porte de sortie d'une impasse juridique : le système fiscal, hérité d'une parenthèse suédoise, déroge au droit commun, alors que la collectivité est une commune de droit commun dans un département.
L'île de Saint-Barthélemy a remporté le double pari de la stabilité sociale et de la dynamique économique.
Sans rompre ses liens avec la République, pas plus qu'avec la Guadeloupe, revendiquer un statut de collectivité dans le cadre de l'article 74 de la Constitution, c'est clarifier les relations avec ces entités, c'est également les simplifier.
Le droit commun ne répond pas à la situation particulière de cette entité. Saint-Barthélemy aspire à s'ouvrir en protégeant son identité.
L'île de Saint-Martin connaît une situation quasi symétrique, des problématiques similaires, en dépit de paramètres différents, qui motivent la même revendication.
Ainsi, la Guadeloupe, est, à mon sens, en plein coeur de la problématique décentralisatrice, de la recherche d'une synthèse entre unité et diversité.
Le droit monolithique a bien du mal à prendre en compte chaque situation particulière, et l'archipel guadeloupéen en est bien symbolique.
Dans ce contexte, l'émergence d'une collectivité régie par l'article 74 de la Constitution révisée est la voie de la clarification pour que l'adaptation cesse de passer par des dérogations.
Il est donc plus efficace d'accorder à ces territoires qui le demandent un statut les autorisant à cumuler les avantages de la flexibilité, de la clarté des relations entretenues avec la Guadeloupe et la métropole, en éliminant du même coup les zones d'ombre, facteur d'insécurité.
Pour la première fois de leur histoire française, vieille de trois siècles, les Guadeloupéens, les Saint-Barth et les Saint-Martinois vont être, et eux seuls, consultés sur leur devenir institutionnel.
Au fond, ces trois collectivités partagent la même problématique : comment combiner l'attachement manifeste à l'appartenance nationale et l'efficacité de l'action locale ?
Je reste convaincu que la réforme institutionnelle - et non statutaire - en Guadeloupe, dès lors qu'elle est inscrite dans le cadre de l'article 73 de la Constitution, n'est ni de droite ni de gauche : elle est locale et républicaine.
En 1982, Frédéric Jalton, député socialiste de la Guadeloupe aujourd'hui disparu, qualifiait de « besoin morbide d'effrayer les populations » les motivations qui animaient ceux qui refusaient, à l'époque, l'idée d'une réforme. En réponse, il objectait : « La réalité est plus simple ! Il n'est question ni de conserver de force les départements d'outre-mer ni de les abandonner ! » Et j'ajoute : il s'agit simplement de leur permettre de respirer, étouffés qu'ils sont sous le poids de leur monstre institutionnel.
Toujours dans le cadre des débats sur l'adaptation des institutions d'outre-mer en 1982, un autre ancien député, M. Ernest Moutoussamy, revendiquait « un changement qualitatif indispensable », fustigeait la démarche de l'opposition consistant à mettre en échec tout projet « anti-colonialiste », considérait le mode de scrutin proportionnel comme « le plus juste et le plus démocratique ».
Je manifeste mon exaspération devant le reniement en faveur des clivages nationaux et au détriment du bon sens local et de l'intérêt général local.
Peu m'importe alors que ce projet dérange ceux qui sont motivés par la sauvegarde de leurs intérêts égoistes, pourvu que les Guadeloupéens, les Saint-Barth et les Saint-Martinois aient le pouvoir de décider.
Devant l'imminence de la consultation, les masques tombent et les réflexes paternalistes et colonialistes bien enfouis se réveillent.
Je ne récuse pas la pluralité des convictions ; ce que je récuse, c'est l'absence de conviction et la manipulation.
Aucun élu ne peut se permettre d'avoir à son inventaire la répétition des élections de la peur, d'une campagne contre la responsabilisation des départements d'outre-mer.
Dissuader les électeurs d'une réforme des institutions relève du fameux cliché des « danseuses de la République », attitude méprisante à l'égard des populations et de leurs élus que l'on cherche à maintenir dans une relation infantilisante.
Que tous ceux qui disent combattre les monstres qui menacent la démocratie s'assurent qu'ils ne deviennent eux-mêmes monstrueux pour la démocratie.
Au-delà de la conviction personnelle, l'acte II de la décentralisation impose un pragmatisme. L'approfondissement de la décentralisation augure d'un surcroît de charges pour des institutions déjà engorgées, déjà bien lourdes.
Le 7 décembre prochain, citoyens de la Guadeloupe, de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, nous devons, collectivement, avec un taux de participation exceptionnel, prendre le train de l'adaptation pour des institutions qui correspondent à nos attentes, à nos besoins. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest.
M. Jean-Jacques Hyest. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous débattons depuis deux semaines, et encore pour quelques jours, d'un projet de loi de décentralisation. Et le débat de ce matin ne porte sur rien d'autre que sur la décentralisation. Ceux qui ont voté la révision constitutionnelle ont pensé que les départements d'outre-mer devaient avoir la possibilité de choisir de nouvelles formes d'organisation mieux adaptées à leur situation particulière. La moindre des choses, pour le Gouvernement et pour le Parlement - le Président de la République l'avait d'ailleurs annoncé - est donc de permettre aux populations des départements d'outre-mer qui le souhaitent de s'exprimer sur de telles adaptations.
J'ai été très sensible aux propos de M. Larifla. Les propositions qui nous sont faites s'inscrivent effectivement dans le cadre de l'article 73 de la Constitution ; vous l'avez rappelé, madame la ministre.
Lors d'une consultation, on pose une question et, quelquefois, il est répondu à une autre question que celle qui est posée. Un exemple récent, qui concerne non pas un département d'outre-mer, mais une région...
Mme Odette Terrade. Lointaine !
M. Jean-Jacques Hyest. ... proche, mais très spécifique, prouve qu'en répondant à des questions institutionnelles, on répond parfois, dans le même temps, à des questions sur l'autonomie ou l'indépendance. Il est vrai que c'est une difficulté. Il est de la responsabilité de chacun de faire en sorte que des bonnes réformes puissent être mises en oeuvre, malgré le débat dont elles font l'objet.
M. Nicolas About. Tout à fait !
M. Jean-Jacques Hyest. Il serait dommage de mélanger les genres, les options politiques et le statut, ce qui se produit parfois. On le constate d'ailleurs depuis quelques jours : certains, qui sont favorables à la décentralisation, s'opposent à tout pour des raisons politiques. Ce n'est pas rendre grand service aux populations des départements de la Martinique et de la Guadeloupe que de fausser ce débat.
Il est évident, madame la ministre, que la révision constitutionnelle impliquait la simplification du cadre institutionnel.
Quant à dire qu'il s'agit d'une décision brutale, non ! Celle-ci résulte d'une longue discussion qui avait commencé bien avant la révision constitutionnelle. En fait, il fallait d'abord réviser la Constitution pour permettre des évolutions et ces consultations. Certains gouvernements précédents ne l'avaient pas compris et avaient mis la charrue devant les boeufs !
La commission des lois du Sénat, vous le savez, madame la ministre, a toujours soutenu cette évolution constitutionnelle. Il nous paraissait en effet, s'agissant des départements d'outre-mer, que des évolutions diversifiées permettant une meilleure responsabilisation devaient pouvoir être envisagées.
Vous avez tout dit sur les simplifications, madame la ministre. Il est curieux, en effet, de voir deux assemblées sur un même territoire exercer des compétences différentes. Dans le reste du pays, les territoires sont différents.
Pour des raisons historiques et constitutionnelles diverses, on voulait une région et un département. Et comme il fallait que tout le monde marche au même pas, ces évolutions n'ont pas pu avoir lieu.
La grande majorité des élus des départements de la Martinique et de la Guadeloupe souhaitent que la population soit consultée. C'est la moindre des choses ! Il appartiendra à chacun de réfléchir à l'intérêt pour ces collectivités d'évoluer en ce sens et peut-être, dans un second temps, d'empêcher que certains ne se livrent à des surenchères en matière d'autonomie.
D'ailleurs, il s'agit exclusivement de rester dans le cadre de l'article 73 de la Constitution. Où sont les risques ? Les seuls changements résultent du fait de rassembler le conseil général et le conseil régional. C'est la seule question qui est posée aujourd'hui !
Je formulerai un regret, madame la ministre. Je suis attaché au département. Le conseiller général est l'élu de son canton. Les assemblées régionales sont élues au scrutin proportionnel. Bien entendu, une majorité doit se dégager, mais cela permet une représentation de toutes les forces politiques. C'est un choix, mais il était presque inévitable : c'est le système régional qui s'applique, avec des adaptations. (Mme la ministre s'exclame.) C'est le choix des élus, je le sais ! Mais il ne faudrait pas que cela donne des idées à d'autres en métropole, ni que cela représente une menace pour les départements. Mais c'est un autre débat, et je pense que les choses sont tout à fait claires.
Mais il y a plus important que ces évolutions institutionnelles. Il faut le rappeler, car on a tendance à l'oublier un peu vite. Je veux parler de la loi de programme pour l'outre-mer, qui ouvrira de nouvelles perspectives économiques. Dans la Caraïbe, comme l'a souligné Lucette Michaux-Chevry, la coopération régionale doit permettre un développement économique qui ne dépende pas complètement de la métropole. On se trouve en effet dans un environnement caractéristique, et c'est également l'une des raisons de la réforme.
Cela dit, toutes les possibilités offertes par la loi de programme, qui permettra de développer ces potentialités dans les prochaines années, sont liées à l'évolution institutionnelle. En l'absence de cette loi, madame la ministre, il aurait été plus difficile de modifier les institutions. Il y a donc une cohérence de la part du Gouvernement, même si, comme vous l'avez dit, il ne prend position ni en faveur du « oui » ni en faveur du « non ». Ainsi, chacun pourra réfléchir et envisager un avenir meilleur pour la Martinique et pour la Guadeloupe.
J'en viens maintenant à Saint-Barthélemy et à Saint-Martin, car ces îles sont chères à la France.
Les îles qui sont plus ou moins éloignées et qui ont une histoire particulière ont dû être rattachées, à un moment donné, à une région-département pour permettre leur bonne administration. Cela a été un choix ! Pour les îles très proches, c'est plus facile. On fait parfois ce constat dans d'autres collectivités d'outre-mer : l'éloignement donne l'impression d'être un peu abandonné et rend très difficile l'exercice des fonctions de l'Etat. Il s'agit là d'un sentiment général : ce n'est pas un reproche que les élus de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin adressent à la Guadeloupe.
Le souhait de ces îles de pouvoir bénéficier désormais du statut de collectivité d'outre-mer est dû à leur situation géographique, car cela leur offre de nombreuses possibilités. Il faut donc trouver des solutions adaptées à leur cas spécifique. Je m'en réjouirais d'autant plus, madame la ministre, qu'en tant que rapporteur pour avis du budget des territoires d'outre-mer, si les électeurs de Saint-Martin et de Saint-Barthélemy se prononçaient en faveur du changement de statut, j'accroîtrais mes compétences, ce qui est toujours réjouissant pour un parlementaire ! (Sourires.)
Pour ma part, je pense qu'il faut toujours faire confiance à la démocratie. Si les évolutions statutaires sont bien conduites et si elles ne sont pas détournées de leur objet, elles devraient permettre à ces départements et régions d'outre-mer d'évoluer vers une meilleure efficacité. Laissons le soin aux habitants de ces départements de prendre en main leur avenir, comme le prévoit la Constitution. (Applaudissements.)
M. le président. La parole est à Mme la ministre.
Mme Brigitte Girardin, ministre. Permettez-moi, tout d'abord, d'adresser mes remerciements à l'ensemble des orateurs qui se sont succédé à la tribune. Je remarque que l'outre-mer, ses institutions, ses statuts et son évolution éventuelle ne suscitent aucun clivage droite-gauche, ce dont je me réjouis profondément, car, sur des questions aussi fondamentales, chacun doit pouvoir se déterminer librement.
En fin de compte, j'ai un peu l'impression que le véritable clivage s'établit entre ceux qui connaissent l'outre-mer - et quand on connaît, on aime - et les autres, entre ceux qui ont la connaissance et la sensibilité du terrain, qui sont sur place ou qui s'y rendent souvent, et les autres, entre ceux aussi qui ont lu attentivement la Constitution et les autres, qui, peut-être l'ont un peu survolée.
M. Nicolas About. Personne n'a le monopole du coeur !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Cela étant, je ne puis laisser passer certains propos sans réagir.
Monsieur About, permettez-moi de vous le rappeler, si je ne me trompe, vous avez voté la révision constitutionnelle...
M. Nicolas About. Absolument !
Mme Brigitte Girardin, ministre. ... et vous l'avez fait, je pense, en toute connaissance de cause et après avoir suivi nos longs débats, qui faisaient eux-mêmes suite à des débats locaux qui duraient depuis vingt ans. C'est dire si l'évolution institutionnelle de l'outre-mer a été longuement discutée.
Dès lors, vous comprendrez qu'il me soit diffcile d'accepter que l'on reproche au Gouvernement sa précipitation. De quoi s'agit-il ? Nous permettons enfin à des populations de trancher un débat qui agite les élus - essentiellement eux, d'ailleurs - depuis plus de vingt ans.
M. Nicolas About. C'est vrai !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Je crois, monsieur About, que les temps ont changé : vous ne l'avez peut-être pas très bien perçu. De par la volonté de ce gouvernement, l'époque est maintenant révolue où Paris dictait tout, décidait, pensait, agissait, ordonnait à la place de l'outre-mer.
Nous considérons que l'outre-mer mérite respect et écoute. C'est à l'outre-mer de dire ce qu'il veut et non plus à nous, depuis nos bureaux parisiens, de dire s'il faut une assemblée ou deux, ou de décider de construire ici une route, là un port, surtout depuis que nous nous sommes dotés d'une République décentralisée. Je vous assure que, lorsque l'on est à des milliers de kilomètres de Paris, cela s'impose encore plus de laisser décider de leur avenir ceux qui habitent ces terres lointaines, mais ces terres françaises aussi auxquelles nous sommes tous particulièrement attachés.
M. Lucien Lanier. Très bien !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Mais je ne vous en veux pas, monsieur About. Je pense en effet que, si le groupe auquel vous appartenez comprenait quelques parlementaires antillais, vous auriez peut-être eu une approche légèrement différente. Et, puisque vous avez cité Mme Anne-Marie Le Pourhiet, sachez que cette juriste a été associée aux travaux que j'ai menés lorsque j'étais conseiller du Président de la République, à l'Elysée. Sans doute vais-je vous étonner, mais elle avait pris, à cette époque, le parti de supprimer l'article 73 de la Constitution et de mettre tout l'outre-mer dans la spécialité législative !
Voyez-vous, il faut relativiser ces prises de position doctrinales et ne pas trop leur donner d'écho.
Je vous le répète, un référendum, ce n'est pas un questionnaire à choix multiple : une question est posée, à laquelle on ne peut donner qu'une seule réponse.
M. Nicolas About. En fait, il y a toujours une double question !
Mme Brigitte Girardin, ministre. Madame Terrade, vous me demandez pourquoi l'on ne fait rien en ce qui concerne la Guyane.
Depuis le début, je n'ai cessé de le dire, le Gouvernement ne propose rien - impose encore moins - et, personnellement, je me mets au rythme des élus.
Or je n'ai pas été saisie de propositions d'évolution de la Guyane. En mars 2003, j'avais donné aux Guyanais mon sentiment sur un document qui m'avait été remis, et qui avait été élaboré bien antérieurement ; il contenait des propositions d'évolution, notamment au regard de la Constitution telle qu'elle avait été révisée. Je regrette de ne pas avoir obtenu de réponse à ce courrier. Cela étant, des initiatives ont été prises. Ainsi, lundi prochain, je reçois une délégation d'élus guyanais.
Sachez que je suis toujours la même démarche : à partir du moment où un projet d'évolution conforme à la Constitution recueille un large accord des forces politiques locales, je lance une procédure. Les choses ne sont pas arrivées à ce stade en Guyane.
Je vous remercie, monsieur Hyest, d'avoir souligné que la politique que nous menons outre-mer ne se résumait pas à une question institutionnelle ou statutaire.
Vous avez bien voulu rappeler que j'avais présenté au Parlement une loi de programmation pour accompagner sur quinze ans le développement économique et social de nos collectivités d'outre-mer : elles ont besoin de ce soutien de la métropole, elles ont besoin de la solidarité nationale ainsi que de dispositifs spécifiques d'accompagnement économique et social.
On ne le répetera jamais assez, l'outre-mer ne connaît pas qu'un problème de retard de développement : l'outre-mer souffre également de handicaps structurels qui existeront toujours. En effet, ce sont pour la plupart des îles et, s'agissant de la Guyane, le département connaît de graves problèmes d'enclavement. Bref, l'éloignement, l'étroitesse des marchés, les transports demeureront toujours des handicaps pour l'outre-mer, qui aura donc toujours besoin de dispositifs économiques d'accompagnement.
Je considère que c'est tout à l'honneur des élus d'outre-mer d'avoir souhaité vérifier que le projet qu'ils portent recueillera l'accord de leurs électeurs. C'est tout à leur honneur d'avoir cette volonté de proximité avec leurs électeurs.
Pour ma part, je suis fière d'appartenir à un gouvernement qui donne la parole à nos compatriotes d'outre-mer.
Le moment est historique : c'est la première fois, en effet, qu'il est demandé à nos concitoyens d'outre-mer de s'exprimer et de trancher enfin cette question.
Comme je l'ai rappelé, le Gouvernement n'a pas à prendre position dans cette affaire, sauf à se placer lui-même en contradiction avec la philosophie que je décrivais voilà un instant. Non, Paris n'a plus à intervenir et à dicter leur avenir aux collectivités d'outre-mer.
C'est donc aussi à l'honneur de ce gouvernement d'avoir donné la parole à nos concitoyens d'outre-mer. Quel que soit le choix qu'ils feront, il sera le bon et ils n'ont aucune inquiétude à avoir : ils doivent se prononcer dans la sérénité, car ils sont et resteront dans la République.
Je rappelle que la révision constitutionnelle constitue un ancrage sans précédent de l'outre-mer dans la République : chaque collectivité d'outre-mer est citée dans la Constitution. Si d'aventure quelqu'un voulait n'en faire sortir qu'une seule de la République, il faudrait déjà commencer par réviser la Constitution !
Je suis heureuse de pouvoir donner la parole à nos concitoyens d'outre-mer. Je souhaite qu'ils la prennent de façon massive et disent ce qu'ils pensent, ce qu'ils veulent. Leur choix sera le bon. Je souhaite qu'ils l'exercent dans la plus grande sérénité, car ils sont amenés à choisir dans un cadre complètement sécurisé, celui de la République. (Applaudissements.)
M. le président. Le débat est clos.
Acte est donné de la déclaration du Gouvernement, qui sera imprimée sous le numéro 57 et distribuée.
Permettez-moi, madame la ministre, mes chers collègues, de saluer dans nos tribunes, les maires de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin, qui ont tenu à assister à l'ensemble du débat. (Applaudissements.)