PRÉSIDENCE DE M. JEAN-CLAUDE GAUDIN

vice-président

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Patrice Gélard, rapporteur. Quelle que soit l'estime que je porte à mon collègue Robert Bret, je vais être obligé de le décevoir.

M. Robert Bret. Une fois de plus !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je ne partage absolument pas son point de vue sur le scrutin proportionnel.

J'estime que si le scrutin proportionnel conduit peut-être à la représentation exacte de la population - et encore, cela se discute - il conduit surtout à l'impossibilité de gouverner, ce que l'on constate chaque fois qu'on le pratique sans correctifs.

Cette remarque étant faite, je dois dire que je ne comprends pas ce qui justifierait un renvoi à la commission alors que nous avons consacré quarante-deux heures à débattre et étudié 370 amendements.

M. Jean-Pierre Sueur. Combien ont été adoptés ? Zéro !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Nous avons donc été particulièrement bien éclairés.

Mme Nicole Borvo. C'était un monologue !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Vous m'obligez à citer la décision du Conseil consitutionnel, car ce n'est pas ce qu'il a dit sur ce point, qui est tout de même important.

« Considérant, en l'espèce, que de nombreux amendements ont été présentés en commission et en séance publique, que la seule circonstance qu'aucun d'entre eux n'aient été adoptés par le Sénat n'a pas vicié la procédure d'adoption de la loi ; ».

M. Robert Bret. On est d'accord !

M. Jean-Pierre Sueur. On n'a jamais dit que cela viciait la procédure !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Force est de le reconnaître : le débat a eu lieu, nous avons été éclairés et il est donc inutile de renvoyer le texte à la commission, d'autant que la décision du Conseil constitutionnel éclaircit les quelques points qui auraient encore pu être considérés comme obscurs.

C'est la raison pour laquelle j'émets, au nom de la commission des lois, un avis défavorable sur la motion tendant au renvoi à la commission.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Avis défavorable, monsieur le président !

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 2, tendant au renvoi à la commission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

M. Claude Estier. Ils ne sont plus assez nombreux ! Ça ne sert à rien d'avoir la majorité absolue si c'est pour être absent !

Mme Nicole Borvo. Ils n'aiment pas ce débat !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Vous faisiez pareil !

Mme Nicole Borvo. Jamais !

M. Claude Estier. La gauche n'a jamais eu la majorité au Sénat !

M. le président. Mes chers collègues, il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

143317315159110205 En conséquence, nous passons à la discussion de l'article soumis à nouvelle délibération, dans le texte adopté par l'Assemblée nationale.

Demande de renvoi à la commission
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle délibération de l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques
Art. 4 (fin)

Article 4

M. le président. « Art. 4. - L'article L. 346 du code électoral est ainsi modifié :

« 1° Les deux dernières phrases du premier alinéa sont ainsi rédigées : "Le nombre de candidats figurant sur les sections départementales de chaque liste est fixé conformément au tableau n° 7 annexé au présent code. Au sein de chaque section, la liste est composée alternativement d'un candidat de chaque sexe" ;

« 2° Le deuxième alinéa est ainsi modifié :

« a) Les mots : "5 % du total des suffrages exprimés" et "3 % des suffrages exprimés" sont remplacés respectivement par les mots : "10 % des suffrages exprimés" et : "5 % des suffrages exprimés" ;

« b) Après la première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées : "Dans le cas où une seule liste remplit cette condition, la liste ayant obtenu après celle-ci le plus grand nombre de suffrages au premier tour peut se maintenir au second. Dans le cas où aucune liste ne remplit cette condition, les deux listes ayant obtenu le plus grand nombre de suffrages au premier tour peuvent se maintenir au second". »

Sur l'article, la parole est à M. Jean Louis Masson.

M. Jean Louis Masson. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je ne cache pas ma satisfaction de soutenir aujourd'hui le texte du Gouvernement.

M. Jean-Marc Todeschini. Faites une liste !

M. Jean Louis Masson. Il me paraît particulièrement positif et pertinent, et j'avais d'ailleurs dit dès le départ que la version initialement soumise au Conseil d'Etat était excellente parce qu'elle présentait l'avantage de permettre l'expression du pluralisme démocratique en même temps que celui d'assurer par le biais des sections départementales une représentation équitable des différentes parties du territoire.

Que le texte présenté au Parlement soit radicalement différent de cette version initiale m'avait donc surpris, et j'avais d'ailleurs très clairement et très publiquement manifesté mon opposition à la version qui avait été soumise au Sénat en première lecture.

J'avais même envisagé de présenter une motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité pour l'exacte raison qui a amené le Conseil constitutionnel à rejeter l'article 4.

Mme Nicole Borvo. Vous ne l'avez pas fait !

M. Jean Louis Masson. Dès le 6 mars dernier, j'expliquais dans le journal L'Est républicain que le texte qui nous était transmis par le Gouvernement n'était pas le même que celui qui avait été soumis au Conseil d'Etat.

Je ne réagis donc pas après coup et, bien sûr, je ne partage aucunement l'avis de ceux qui prétendent que le Conseil d'Etat aurait outrepassé ses droits.

Je crois au contraire que le Conseil d'Etat a très bien appliqué la Constitution, et je me réjouis que le Gouvernement nous soumette aujourd'hui un texte de bon sens.

Cela étant, il s'agit d'un énorme gâchis : le Gouvernement a recouru au dispositif de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, une bataille d'amendements a eu lieu, tout cela pour revenir au texte initial, qui était de bon sens ! Je crois que l'on aurait quand même pu faire l'économie d'un véritable psychodrame qui a finalement porté atteinte à la démocratie dans sa globalité. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste.)

C'est la raison pour laquelle le Gouvernement a très bien fait, me semble-t-il, de ne pas céder aux incitations à « rebricoler » ou à modifier de nouveau le seuil. C'était la voie de la sagesse.

De toute manière, l'argument fondamental qui était avancé pour justifier la modification des seuils, à savoir la nécessité de dégager des majorités de gestion, n'était pas pertinent. Je le dis comme je le pense ! En effet, dans le dispositif actuel, si l'on suppose que trois listes sont présentes au second tour, une majorité de gestion se dégagera toujours puisque la réforme introduite par le gouvernement Jospin prévoit une prime majoritaire de 25 % des sièges pour la liste arrivée en tête. C'est donc mathématique : si trois listes figurent au second tour, l'une d'elles obtiendra nécessairement la majorité absolue. Il en ira de même avec quatre listes. Ce n'est que si cinq listes étaient présentes au second tour...

M. Jean-Marc Todeschini. Dont la vôtre ! (Sourires.)

M. Jean Louis Masson. ... sans que la liste arrivée en tête atteigne 28 % des voix - conjecture purement théorique, une telle configuration étant tout à fait improbable, sinon impossible dans la réalité - qu'une majortité absolue pourrait ne pas se dégager.

M. René-Pierre Signé. C'est un peu compliqué !

M. Jean Louis Masson. Par conséquent, l'argument qui avait été avancé était un faux prétexte. Comme je l'ai dit, on voulait étrangler le pluralisme démocratique. A cet égard, M. le ministre de l'intérieur avait eu tout à fait raison de souligner, devant l'Assemblée nationale et devant le Sénat, que l'on doit gagner les élections en recueillant des suffrages et non pas en manipulant le mode de scrutin !

C'est pourquoi j'apporte aujourd'hui mon total soutien à la fois au ministre de l'intérieur et au Premier ministre. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)

M. Jean-Marc Todeschini. Et à M. Longuet !

M. le président. Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

L'amendement n° 5 est présenté par MM. Frimat, Sueur et Domeizel, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

L'amendement n° 7, présenté par MM. Frimat, Sueur et Domeizel, Mmes Pourtaud, Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Compléter le troisième alinéa de cet article par une phrase ainsi rédigée : "L'écart entre le nombre de candidats de chaque sexe figurant en tête des sections ne peut être supérieur à un". »

L'amendement n° 4, présenté par M. Bret et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

« Supprimer le cinquième alinéa (a) du 2° de cet article. »

L'amendement n° 6, présenté par MM. Frimat, Charasse, Sueur et Domeizel, Mme Blandin et les membres du groupe socialiste et apparenté, est ainsi libellé :

« Supprimer les deux derniers alinéas de cet article. »

La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 3.

M. Robert Bret. Comme je l'ai déjà indiqué, au-delà du rappel à l'ordre adressé par le Conseil constitutionnel au Gouvernement, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen n'approuvent pas la nouvelle rédaction de l'article 4, qui tend à maintenir des seuils particulièrement élevés pour l'accès au second tour des élections régionales - 10 % des suffrages exprimés - et pour la fusion avant celui-ci - 5 % des suffrages exprimés.

Ces deux seuils remplacent respectivement ceux de 5 % et de 3 % qui étaient inscrits dans la loi de 1999, laquelle, on le sait, n'a jamais été appliquée. Le Gouvernement et l'UMP maintiennent donc le cap sur une restriction significative du pluralisme et sur le renforcement de la bipolarisation. Comment ne pas rappeler que cette limitation apportée au débat pluraliste favorisera sans nul doute l'abstention, dont le taux a presque doublé en douze ans, passant de 22 % en 1986 à 31 % en 1992 et à 40 % en 1998 ?

C'est la raison pour laquelle nous vous proposons, mes chers collègues, de voter cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour défendre l'amendement n° 5.

M. Bernard Frimat. Cet amendement vise également à la suppression de l'article 4.

Je profiterai de cette occasion pour avouer que je suis à la fois émerveillé et étonné par la capacité de M. le rapporteur à défendre aujourd'hui ce qu'il condamnait hier. Un tel talent mériterait, je le dis sincèrement, d'être connu au-delà de cet hémicycle ! (Sourires.)

M. Claude Domeizel. C'est un véritable acrobate !

M. Bernard Frimat. En effet, nous avions entendu M. Gélard nous expliquer, presque avec des sanglots dans la voix - nous étions tous rivés à nos sièges par la fougue de ses plaidoiries - que si le seuil de 10 % du nombre des inscrits n'était pas retenu pour l'accès au second tour, la démocratie française serait menacée d'un cataclysme.

M. Robert Bret. Il avait failli nous convaincre !

M. Bernard Frimat. Il avait même poussé la démonstration mathématique jusqu'à prouver - M. Michel Mercier en était bouleversé ! (Nouveaux sourires) - que fixer ce seuil à 10 % des suffrages exprimés constituerait une véritable catastrophe !

Or, aujourd'hui, M. Gélard, toujours aussi dynamique et sympathique, nous affirme que retenir le seuil de 10 % des suffrages exprimés est une idée magnifique et représente la voie de la sagesse... Plus le Conseil constitutionnel lui tape sur la tête, plus il est content ! (Rires.) Quand il a contre lui trente-cinq considérants, il en reste encore trente-quatre pour le satisfaire, même si le projet gouvernemental a été censuré sur sa disposition cardinale, qu'il défendait avec conviction et par obligation. Je pense que M. Gélard accordera à ce dernier terme tout l'intérêt qu'il mérite !

Monsieur le président, vous êtes trop averti de ces problèmes pour ignorer que nous sommes bien là au coeur du sujet. Je compte d'ailleurs que vous me permettrez éventuellement de continuer à m'exprimer au titre des explications de vote.

Pourquoi M. Gélard s'obstine-t-il, après ce plaidoyer de M. Masson ? Quand un tel soutien au Premier ministre et au ministre de l'intérieur est exprimé, il y a de quoi être satisfait ! On pourrait même penser que, à la limite, si le Gouvernement a encouru la censure du Conseil constitutionnel, c'était uniquement pour pouvoir entendre M. Masson aujourd'hui, tant il était étonnant que de tels propos soient tenus de ce côté de l'hémicycle ! Pourquoi M. Gélard s'acharne-t-il à nous expliquer que la prime majoritaire instaurée par la loi Jospin ne permet pas à elle seule d'assurer la constitution de majorités cohérentes et stables ?

Vous savez très bien, monsieur le rapporteur, que si une liste recueille 33 % des suffrages exprimés, elle obtiendra mathématiquement, grâce à cette prime, la majorité absolue des sièges. J'ai d'ailleurs cru comprendre que cela ne vous inquiétait pas ! Que le seuil de qualification pour le second tour soit fixé à 5 % des suffrages exprimés, comme nous le souhaitons pour revenir à la loi Jospin, ou à 10 % des suffrages exprimés, cela ne change strictement rien au mécanisme de la prime.

Puisque ce qui est important à nos yeux, c'est la prime majoritaire et la formation d'une majorité incontestable, puisqu'il s'agit pour nous d'éviter la « semaine de toutes les magouilles » et les accords d'arrière-boutique que nous condamnons, nous maintenons notre amendement de suppression de l'article 4.

Il faut permettre aux listes ayant obtenu plus de 5 % des suffrages exprimés de figurer au second tour, même si, pour des raisons politiques, elles refusent de fusionner. Dans l'hypothèse d'un scrutin à un seul tour, elles seraient représentées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Danièle Pourtaud, pour présenter l'amendement n° 7.

Mme Danièle Pourtaud. Cet amendement tend à instaurer la parité pour les têtes des sections départementales des listes. (M. Jean-Louis Carrère s'étonne.) Oui, mon cher collègue, c'est bien de cela qu'il s'agit (Sourires) : grâce à Lionel Jospin, la parité a maintenant valeur constitutionnelle. Nous sommes fiers d'avoir introduit, à l'article 3 de la Constitution, un alinéa qui dispose désormais que « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives » !

Comme nous l'avions souligné lors de la discussion du projet de loi en première lecture, le texte instaure, pour les listes, une alternance des candidatures masculines et féminines. Cependant, pourquoi faire preuve de tant de timidité ? Pourquoi s'être arrêté là ? En effet, nous savons tous que, malheureusement, ce sont souvent des hommes qui seront placés à la tête des sections départementales : il s'agira d'une parité de type « homme-femme » et non pas « femme-homme ».

M. Michel Mercier. C'est faux !

Mme Danièle Pourtaud. Or il est clair, eu égard aux modalités complexes d'attribution des sièges - je vous renvoie là encore, mes chers collègues, aux considérants du Conseil constitutionnel - que le respect de la parité n'est pas du tout garanti à l'issue du processus.

Nous proposons donc une nouvelle fois au Sénat de mener jusqu'à son terme cette réforme importante que constitue l'instauration de la parité. Je ne comprends d'ailleurs pas pourquoi celle-ci effraie encore certains d'entre nous.

Quoi qu'il en soit, l'amendement vise à instituer la parité pour les têtes des sections départementales. De cette manière, lorsqu'une liste comptera peu d'élus dans une section départementale, cela ne portera pas systématiquement préjudice à la représentation féminine au sein des conseils régionaux. Alors que la parité a progressé à l'occasion des dernières élections régionales, il serait quand même dommage de revenir en arrière.

J'espère avoir réussi à convaincre les sénateurs siégeant à droite de l'hémicycle, car j'ai quelque peine, semble-t-il, à emporter l'adhésion de mon collègue Jean-Louis Carrère ! (Rires.)

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour défendre l'amendement n° 4.

M. Robert Bret. Nous visons le même objectif qu'avec l'amendement n° 3. Il s'agit plus particulièrement ici de la question des seuils.

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour présenter l'amendement n° 6.

M. Bernard Frimat. La disposition visée par l'amendement était pertinente dès lors qu'il s'agissait de fixer à 10 % du nombre des électeurs inscrits le seuil pour qu'une liste puisse se maintenir au second tour. Puisque l'on entend maintenant retenir le seuil de 10 % des suffrages exprimés, certaines dispositions n'ont plus aucun sens. Je ne peux croire un seul instant que la nécessité de voter le texte conforme nous empêche de supprimer des alinéas devenus inutiles.

En effet, je laisse à M. Gélard le soin de faire le calcul : pour qu'il n'y ait pas deux listes qui atteignent le seuil de 10 % des suffrages exprimés, il faut que les listes en présence soient nombreuses. Le Gouvernement et sa majorité ont oublié de « toiletter » le texte ; nous essayons timidement de les aider à devenir meilleurs ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les cinq amendements ?

M. Claude Domeizel. C'est dur, monsieur le rapporteur !

M. Patrice Gélard, rapporteur. S'agissant des amendements n°s 3 et 5, la logique suivie par la commission est différente. L'adoption de ces amendements entraînerait un retour à la loi Jospin.

M. Claude Domeizel. Bien sûr !

M. Jean-Marc Todeschini. C'était une bonne loi !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Or on a déjà démontré que l'application de la loi Jospin ne garantirait pas la constitution d'une majorité, et ce pour une raison très simple : en fixant à 5 % des suffrages exprimés le seuil permettant le maintien au second tour, ce sont sept, huit, neuf, voire dix listes qui pourraient participer à celui-ci ; la liste arrivant en tête pourrait alors ne recueillir que 20 % des suffrages, par exemple, et il n'y aurait pas de majorité.

Je ne m'étendrai pas davantage sur ce point, me contentant de faire observer à M. Frimat que, s'agissant des seuils, je ne me souviens pas avoir été un avocat aussi exceptionnel qu'il a bien voulu le dire !

M. Robert Bret. Si ! (Sourires.)

M. Patrice Gélard, rapporteur. J'en appelle au témoignage de M. Mercier, qui a reconnu que mon argumentation sur ce sujet comportait des nuances.

Par conséquent, j'émets un avis défavorable sur les deux amendements de suppression.

L'amendement n° 7, relatif à la parité pour les têtes des sections départementales des listes, vise à rouvrir un débat qui s'est tenu lors de la discussion du projet de loi. Nous n'allons pourtant pas y revenir ! Un vote négatif a déjà été émis sur ce point, et la commission reste fidèle à la position qu'elle avait alors adoptée.

Mme Danièle Pourtaud. Vous avez peur !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Je rappelle tout de même que le Conseil constitutionnel a souligné que le présent texte représentait un progrès considérable en matière de parité. Par conséquent, il est inutile d'aller plus loin, sauf à dénaturer les sections départementales. Nous préférons maintenir la rédaction actuelle du texte, et nous sommes donc défavorables à l'amendement n° 7.

Mme Danièle Pourtaud. C'est frileux !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Par ailleurs, j'émets un avis défavorable sur l'amendement n° 4, pour les raisons qui m'ont amené à m'opposer à l'amendement n° 3.

M. René-Pierre Signé. Modéré dans l'audace !

M. Patrice Gélard, rapporteur. Enfin, je suis également défavorable à l'amendement n° 6, qui est lui aussi un amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. C'est toujours un plaisir de venir au Sénat, ne serait-ce que pour entendre les plaidoiries ou les sermons de M. Frimat, que j'ai eu l'occasion d'apprécier sous d'autres cieux ! Les reconversions sont toujours signe d'élévation, et je suis ravi de voir que les familles se rassemblent !

Cela étant, M. Gélard a défendu, avec le brio et l'intelligence que nous lui connaissons, la position qui avait été exprimée par le Gouvernement. Il a ensuite demandé à chacun de respecter les décisions du Conseil constitutionnel, comme le propose le Gouvernement.

M. Patrice Gélard, rapporteur. Exactement !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Par ailleurs, en ce qui concerne le seuil de 10 % des suffrages exprimés pour le maintien d'une liste au second tour, vous avez souhaité les uns et les autres, mesdames, messieurs les sénateurs, une clarification. Or la question du seuil de 10 % des suffrages exprimés pour l'accès au second tour d'une élection à la représentation proportionnelle a déjà été examinée par le Conseil constitutionnel le 18 novembre 1982. Celui-ci n'avait alors pas jugé contraire à la Constitution le mode de scrutin pour l'élection des conseillers municipaux dans les communes de plus de 3 500 habitants. Hormis la prime majoritaire, le mode de scrutin est identique pour les élections régionales ; il me semble tout à fait souhaitable que les règles convergent pour les différents types d'élections, car cela va dans le sens de la clarification. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

C'est la raison pour laquelle j'émets un avis défavorable sur les amendements n°s 3 et 5.

M. Jean Chérioux. Tout ce qu'a fait Lionel Jospin n'est pas mauvais !

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Madame Pourtaud, vous avez, avec beaucoup d'émotion, défendu la place de la femme. Paradoxalement, cela témoigne du peu de confiance que vous avez en la capacité des femmes à trouver elles-mêmes leur place grâce à leurs talents et à leurs compétences ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Louis Carrère. On le répétera à Mme Alliot-Marie ! (Sourires.)

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Le rapport Zimmermann, qui n'est pas une source gouvernementale, indique que les projections qui ont été faites à partir du dispositif présenté permettent d'espérer que les conseils régionaux comprennent à peu près 48,5 % de femmes - ou d'hommes, selon la constitution des listes. La parité sera donc parfaitement respectée, conformément à vos voeux, madame Pourtaud.

Je dois d'ailleurs vous avouer que je serais quelque peu inquiet pour les femmes si votre amendement devait être adopté. Dans ce cas, en effet, dans une région composée de cinq départements, les partis politiques ne pourraient pas, s'ils en avaient la volonté, ce qui n'est absolument pas exclu, présenter cinq têtes de section féminines.

M. Jean-Louis Carrère. Comme en Aquitaine !

Mme Danièle Pourtaud. Cela protègerait les hommes ! Cela rassurerait mon collègue Jean-Louis Carrère ! (Sourires.)

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. C'est l'une des raisons pour lesquelles je suis défavorable à votre amendement.

Je reprendrai enfin les arguments de M. le rapporteur, pour m'opposer aux amendements n°s 5 et 6.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote sur les amendements identiques n°s 3 et 5.

M. Jean-Pierre Sueur. D'abord, monsieur le ministre, dans sa décision, le Conseil constitutionnel ne considère pas que la question des inégalités liées au seuil de 10 % des inscrits est réglée. (M. le rapporteur opine.) Le Conseil s'en tient à des considérations de procédure,...

M. Jean-Paul Delevoye, ministre. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur. ... mais il laisse la porte ouverte à une remise en cause de cette décision sur le fond, pour le cas où il serait un jour saisi de celle-ci.

Ensuite, ce n'est pas parce qu'une chose est répétée qu'elle devient juste.

Mme Nicole Borvo. Ça c'est vrai !

M. Jean-Pierre Sueur. Je réaffirme que - et M. Masson a exposé très clairement ce point - la loi Jospin suffit, monsieur le rapporteur,...

M. Patrice Gélard, rapporteur. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. ... dans la quasi-totalité des cas. Certes, il peut exister des situations atypiques, mais cela vaut pour tout mode de scrutin.

Mme Nicole Borvo. Les élections municipales !

M. Jean-Pierre Sueur. Dans la plupart des cas, cette loi permet de dégager une majorité stable, et même une majorité absolue. Nous étions donc fondés à considérer que la disposition existante fonctionnait bien et que, finalement, votre texte, c'est beaucoup de bruit pour rien. Nous disposions d'une bonne loi, qui ne demandait qu'à être appliquée.

Enfin, j'évoquerai les réactions qu'a suscitées la décision récente du Conseil constitutionnel. Le débat nous a permis de mesurer les différences qui subsistent au sein de la majorité. En effet, monsieur le ministre, vous-même, comme M. le Premier ministre et M. le ministre de l'intérieur, avez dit que cette décision du Conseil constitutionnel était d'une grande sagesse et que vous alliez en tirer rapidement toutes les conséquences. Or, monsieur le président, un autre membre éminent de la majorité a déclaré, dans Le Figaro du 5 avril dernier : « Le Conseil constitutionnel a outrepassé son rôle en s'érigeant, mine de rien, en arbitre entre deux positions politiques. » (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Le président de séance ne vous répondra pas !

M. Claude Estier. Il ne peut pas !

M. Jean Chérioux. Il est dans son rôle d'arbitre !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 3 et 5.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

144317313157110203 M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l'article 4, qui constitue l'objet de la nouvelle délibération.

La parole est à M. Josselin de Rohan, pour explication de vote.

M. Josselin de Rohan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au terme de ce bref débat, j'apporte, au nom du groupe UMP, notre soutien au Gouvernement. Nous saluons son désir d'apaisement. Nous respectons, quelles que soient les analyses que nous pouvons faire, le verdict du Conseil constitutionnel. Cela contraste avec certains commentaires que l'on entendait naguère quand le Conseil rendait des décisions qui n'étaient pas favorables à ceux qui constituent aujourd'hui l'opposition. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean Chérioux. Ça c'est vrai !

M. Claude Estier. Nous avons toujours respecté les décisions du Conseil constitutionnel !

M. Josselin de Rohan. Monsieur Estier, ne m'obligez pas à rappeler ce que M. Jospin disait du Conseil constitutionnel ou du Sénat !

M. Claude Estier. Faites-le !

M. Josselin de Rohan. Mais la question n'est pas là.

M. Claude Domeizel. Vous le voyez, vous ne voulez pas le rappeler !

M. Josselin de Rohan. La question est simple : le texte que nous adoptons aujourd'hui permettra-t-il aux régions de disposer d'une majorité et d'exercer une bonne gouvernance, alors même que la décentralisation va leur accorder des pouvoirs nouveaux et des budgets importants ?

Il est capital que les régions disposent d'une majorité. Et j'en sais quelque chose pour avoir présidé, pendant plus de cinq ans, un conseil régional dans lequel ma famille politique ne disposait que d'une majorité relative. En effet, j'ai pu mesurer les conséquences des divisions issues du scrutin qui avait prévalu à notre élection. Que de temps perdu, que d'énergies gaspillées en combinaisons, en calculs ou en discussions stériles faute d'avoir la majorité qui convenait pour mener à bien nos projets !

Chers collègues de l'opposition, il est normal, lorsque l'on s'engage pour six ans, de se présenter aux électeurs non seulement avec un programme, mais aussi avec une équipe que l'on connaît dès le premier tour. En effet, l'équipe dirigeante ne doit pas être constituée le soir du second tour ou la semaine qui suit l'élection, elle ne doit pas résulter de combinaisons étranges qui font que les électeurs ne reconnaissent plus le programme sur lequel ils se sont prononcés au premier tour. C'est une question de moralité publique.

M. Jean-Pierre Sueur. Dites cela à M. Blanc ou à M. Soisson !

M. Claude Estier. C'est pour cela que nous avons fait voter la loi de 1999 !

M. Josselin de Rohan. Monsieur Estier, j'espère que ce texte aboutira dès le premier tour à la constitution de majorités cohérentes, à droite comme à gauche. Sinon, je vous le garantis, les électeurs réagiront comme ils l'ont fait lors de l'élection présidentielle.

Le seul moyen de réconcilier les électeurs avec les élus, c'est la clarté dans les objectifs, dans les méthodes et dans la composition des équipes.

M. Bernard Murat. Absolument !

M. Josselin de Rohan. Certes, il existe une prime majoritaire, qui corrigera les risques de l'instabilité. Cependant, la disposition que nous avions prévue le faisait, me semble-t-il, de manière beaucoup plus certaine.

J'ajoute que nous avons consenti à retirer de la loi les dispositions sur le 49-3 régional. C'est un acte de confiance. Aujourd'hui, c'est un pari encore plus grand. En effet, si, demain, nous n'avons pas de majorité, nous aurons non seulement une instabilité politique, mais également une instabilité financière, puisque nous n'aurons même plus ce recours contre l'absence de majorité. Encore que le fait de voir son budget adopté par défaut me semble constituer une anomalie et être contraire à l'esprit démocratique.

M. Claude Domeizel. C'est comme une loi votée par défaut !

M. Josselin de Rohan. Par ailleurs, je veux vous parler du Front national.

Le Front national existe, nous l'avons rencontré, et nous avons aussi rencontré son clone, le MNR.

M. Jean-Marc Todeschini. Pas de chance !

M. Josselin de Rohan. Le MNR et le Front national savent toujours se retrouver lorsqu'il s'agit de combattre la majorité républicaine que nous constituons aujourd'hui, car nous sommes leurs véritables adversaires, ils nous l'ont toujours prouvé.

M. Claude Domeizel. Ah ?

M. Josselin de Rohan. Je regrette que dans le conseil régional où je siège, l'opposition n'hésite pas à mêler ses voix aux leurs pour rejeter nos budgets et nos initiatives. (Applaudissements sur plusieurs travées de l'UMP et exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo. Pas de leçons !

M. Robert Bret. Vous gérez des régions avec eux !

M. Josselin de Rohan. Ils ont été longtemps des alliés objectifs pour vous. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Claude Estier. Assez !

M. Josselin de Rohan. Et toutes les lois électorales que vous avez fait adopter n'avaient d'autre objet que de leur donner une place leur permettant de nous mettre en échec. (Nouvelles protestations sur les mêmes travées.)

M. Jean-Pierre Schosteck. Bien sûr !

M. Jean-Marc Todeschini. Le Front national, vous l'avez recyclé !

M. Josselin de Rohan. Que cela vous plaise ou non, nous vous jugerons à vos actes face au Front national lors des prochaines élections. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Un sénateur socialiste. Qui a voté Chirac ?

M. Josselin de Rohan. Je suis convaincu que le Front national est, hélas ! inscrit dans notre paysage politique. Je voudrais partager l'optimisme de M. le ministre de l'intérieur, qui considère qu'une bonne politique peut faire reculer le FN, mais le Front national sera toujours là pour profiter des difficultés du moment. Si ce n'est pas sur la politique d'immigration, ce sera sur une autre question. Le Front national sera toujours le parti de la frustration, du mécontentement et de la négation. Par conséquent, il représente un danger.

M. René-Pierre Signé. Il n'est pas grossier en ce moment !

M. Josselin de Rohan. J'espère qu'il ne sera pas l'arbitre des élections régionales. Je souhaite que nous mettions le Front national en échec. Aussi, tous ceux qui se reconnaissent dans les conceptions de la majorité républicaine doivent faire bloc, non seulement pour conserver les régions que nous dirigeons, mais aussi pour en reconquérir d'autres, en constituant une majorité qui gouverne selon les principes pour lesquels nous nous battons et sur lesquels, chers amis, nous nous retrouvons tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Michel Mercier applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier, pour explication de vote.

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le Conseil constitutionnel a validé toutes les dispositions contenues dans le projet de loi qui nous a été soumis le mois dernier et qui est relatif à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen, toutes, sauf une.

En effet, l'assemblée des neuf sages a censuré, pour vice de procédure, la règle inscrite dans l'article 4 du texte qui a été voté par notre seule assemblée, et selon laquelle les listes de candidats aux élections régionales devaient obtenir 10 % des suffrages des électeurs inscrits pour participer au second tour. Pour ce faire, le Conseil constitutionnel a interprété de façon très stricte l'article 39, alinéa 2, de notre Constitution.

De cette façon, le Conseil constitutionnel a tranché et a fait savoir, plus précisément dans ses considérants, que si le législateur peut modifier les règles du jeu électoral pour favoriser la constitution de majorités stables dans les conseils régionaux, il ne peut le faire que dans une certaine limite : celle du respect du pluralisme, de la diversité et des minorités. C'est pourquoi, à mes yeux, cette décision constitue bien, une nouvelle fois, l'expression de la sagesse qui caractérise cette haute juridiction.

Aussi, la modification de l'article 4 qui nous est aujourd'hui proposée, et qui consiste à porter le seuil nécessaire pour se maintenir au second tour des élections régionales à 10 % des suffrages exprimés, est, cette fois-ci, l'expression de la sagesse du Gouvernement.

Il faut ainsi rendre hommage au Premier ministre et à sa volonté d'apaisement et d'ouverture, comme l'a fait remarquer le ministre de l'intérieur en préambule à ce débat.

Si la volonté de combattre les extrêmes, de droite comme de gauche, et de préserver ainsi nos régions d'une contagion d'idéologies dangereuses pour notre démocratie, était plus que louable, cela ne pouvait se faire en mettant en péril le pluralisme partisan et la diversité des opinions. Avec la nouvelle version de l'article 4 qui nous est aujourd'hui proposée, d'une part, le pluralisme est assuré et, d'autre part, des majorités plus stables seront en place grâce à la prime majoritaire.

Aussi, je le répète une fois encore : ce n'est pas en modifiant les règles du jeu électoral et les modes de scrutin que l'on combattra les partis extrémistes et, surtout, leurs idées dangereuses, mais c'est en pratiquant la politique autrement, en allant à la rencontre de nos concitoyens, en exprimant nos convictions et en faisant preuve de responsabilité.

Monsieur le ministre, poursuivez votre politique de réforme. C'est de cette façon, et de celle-ci uniquement, que vous pourrez combattre et faire reculer les extrêmes qui menacent notre démocratie ! Il n'y a, hélas ! pas de solution simple ou de solution miracle ! C'est seulement par un travail de tous les jours et par une action réformatrice que nous pourrons progresser.

Nous aurions pu faire l'économie de cette nouvelle délibération si le Gouvernement avait su écouter quelques vieux sages de notre assemblée qui le mettaient en garde contre les dangers et certains excès de ce projet de loi ! Mais il est vrai que, même en Afrique, les vieux sages ne sont plus toujours entendus, et c'est bien dommage !

Parce qu'avec cette nouvelle délibération de l'article 4 le Gouvernement fait le choix de la sagesse et de l'apaisement et qu'il reprend à son compte un amendement défendu par mon groupe lors de l'examen du texte en mars dernier, la très grande majorité du groupe RDSE votera le texte proposé.

M. le président. La parole est à M. Michel Mercier, pour explication de vote.

M. Michel Mercier. Nous sommes heureux que, en cette fin de discussion le Gouvernement soit représenté par le ministre de l'éducation nationale. Je dirai, rejoignant en cela notre débat d'hier soir, que c'est ce qui prépare le mieux l'avenir !

Au terme du débat sur cet article 4, le texte, modifié par l'amendement que le Gouvernement, après la décision du Conseil constitutionnel, a présenté, est désormais équilibré.

Il y a, à mon avis, un certain nombre d'avantages à voter le texte tel qu'il nous est maintenant soumis.

Tout d'abord, ce mode de scrutin pour les élections régionales se rapproche beaucoup du mode de scrutin pour les élections municipales. Or, il est bon que les dispositions en matière électorale ne soient par trop différentes les unes des autres : plus les régimes électoraux seront proches, notamment pour les collectivités locales, mieux ce sera. Qu'il faille les mêmes seuils pour les élections municipales et pour les élections régionales en vue du maintien des listes au second tour me paraît donc une bonne chose.

Mme Danièle Pourtaud. La loi Jospin organisait le même mode de scrutin !

M. Michel Mercier. Pas du tout, madame Pourtaud, et je suis au regret de devoir vous le dire, même si, comme l'a fait M. Carrère en votant tout à l'heure votre amendement, nous cédons tous à votre charme ! (Sourires.) La loi Jospin ne correspond pas du tout à la loi municipale en matière de seuils. Or c'est ce dernier point qui compte aujourd'hui.

Ce texte va permettre à chacune des régions de disposer d'une majorité stable, connue à l'avance des électeurs - les alliances devront en effet se déclarer soit avant le premier tour, soit au plus tard avant le second tour - et, compte tenu du seuil de 10 % des suffrages exprimés pour le maintien des listes au second tour, les coalitions seront constituées dans le respect de chacune des composantes et en toute liberté : il y aura non pas des dominants et des dominés, mais des hommes et des femmes qui portent un projet en commun, projet qu'ils entendent soumettre aux électeurs afin de pouvoir le réaliser.

Nous avions indiqué, voilà un mois, pourquoi, à notre sens, le projet de loi qui nous était soumis était inacceptable. Nous sommes désormais saisi d'un bon texte qui fait l'objet, je crois, d'un consensus dans pratiquement tous les partis politiques - il faut savoir le reconnaître -, même si des raisons sont avancées par certains pour ne pas le voter.

Pour notre part, nous considérons qu'il faut toujours favoriser ce qui est positif par rapport à ce qu'il ne l'est pas.

En outre, l'exemple de démocratie sereine et apaisée qu'a donné le Gouvernement en se pliant immédiatement à la décision du Conseil constitutionnel va également dans ce sens-là.

Pour toutes ces raisons, le groupe de l'Union centriste votera l'article 4. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat, pour explication de vote.

M. Bernard Frimat. Lors du précédent débat sur ce texte, j'avais eu l'immense privilège d'intervenir en explication de vote sur l'ensemble après M. Karoutchi, unique intervenant du groupe UMP. Je m'adresserai aujourd'hui au président de ce même groupe.

Monsieur de Rohan, vous avez participé in fine au débat, à titre personnel. Voilà qui nous amène rétrospectivement à regretter de ne pas avoir pu engager avec vous une discussion sur les différents amendements que nous avions proposés voilà un mois. Un débat, en effet, est toujours l'occasion d'exprimer des positions différentes et de les confronter.

J'avais dit à M. Karoutchi, lors de notre précédent débat, que le groupe UMP s'était montré aphasique et amnésique.

M. Jacques Legendre. Rien que cela !

M. Bernard Frimat. Aujourd'hui encore, c'est ainsi que l'attitude du groupe que vous présidez, monsieur de Rohan, peut être caractérisée ; votre intervention en témoigne d'ailleurs : si je vous ai bien compris, vous vous êtes demandé si ce texte permettrait d'obtenir des majorités claires et stables lors des élections régionales. (M. Josselin de Rohan fait un signe d'assentiment.)

Oui, dans la mesure où ce texte ne démantèle pas, sur ce point, la loi de 1999 ! Nous aurons donc dans les conseils régionaux - et nous pouvons tous nous en réjouir - des majorités claires et stables grâce non pas au texte dont nous débattons aujourd'hui, mais au texte précédent !

M. Jean Chérioux. Le sacro-saint texte précédent !

M. Bernard Frimat. Vous avez fait d'autres modifications qui reflètent des choix politiques que, même s'ils ne sont pas les nôtres, nous pouvons respecter. Le point qui nous avait très fortement séparés lors du débat initial était l'instauration de la variable des abstentionnistes comme élément essentiel de la représentation régionale. Cette disposition a aujourd'hui disparu et nous vous en avons donné acte, même si, comme c'est normal, des divergences nous séparent encore.

Les électeurs doivent pouvoir se déterminer dans la clarté, en l'absence de « semaine de toutes les magouilles », d'accord de troisième tour. Pour notre part, nous avons montré, dans d'autres circonstances, que, quand les valeurs de la République étaient en jeu, nous savions prendre nos responsabilités. Par conséquent, épargnons-nous les leçons !

Vous avez dit, monsieur de Rohan, que vous nous jugeriez aux actes, que vous jugeriez l'arbre à ses fruits. Nous aussi, nous ferons de même ! Et nous verrons si les formations politiques qui se qualifient de « républicaines » mettent leurs actes en harmonie avec leurs discours !

En 1998, lors des élections des conseils régionaux et de leurs présidents, de conseils régionaux, nous n'avons enregistré aucune défaillance dans nos rangs. Si quelques-unes sont apparues ailleurs, votre camp a compté aussi des gens qui ont respecté scrupuleusement les valeurs de la République. Je leur en ai donné acte lors de nos premiers débats et je le fais de nouveau aujourd'hui. Aussi, cessons de nous donner mutuellement des leçons. Jugeons-nous aux actes. Cela fera gagner du temps à tout le monde !

M. Josselin de Rohan. Nous sommes bien d'accord !

M. Bernard Frimat. J'ajouterai un dernier mot pour nous réjouir de la présence dans cette enceinte de M. Ferry, sixième ministre, après MM. Sarkozy, Devedjian, Plagnol, Copé et Delevoye, à prendre part à ce débat. Six ministres pour nous expliquer le contenu essentiel de cette réforme qui plaisait tant à M. Gélard ! Un ministre de plus et vous auriez pu atteindre le nombre sept, et donc la perfection ! Mais la perfection n'était vraiment pas le mot qui convenait à votre texte, contre lesquel nous voterons ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo. Je tiens également à remercier M. le ministre de la jeunesse de l'éducation nationale et de la recherche, de sa présence. Un nombre considérable de ministres, ont participé à la discussion - si l'on peut dire ! - de ce texte...

M. Patrice Gélard, rapporteur. Mais un seul rapporteur !

Mme Nicole Borvo. ... tant lors des premiers débats qu'au cours de cette nouvelle délibération de l'article 4, mais force est de reconnaître qu'ils n'ont jamais siégé très longtemps au banc des ministres. On se demande bien pourquoi...

M. Robert Bret. Ils n'ont pas dit grand-chose non plus !

Mme Nicole Borvo. Indépendamment de la réforme à notre avis nécessaire du Conseil constitutionnel - nous n'avons pas changé d'avis à cet égard -, la décision prise par cette institution sur l'article 4 ainsi que ses commentaires, notamment sur la complexité du scrutin, ont au fond légitimés le débat que nous nous sommes efforcés d'avoir ici en première lecture, et ce en dépit du mutisme total des sénateurs censés être favorables à ce texte. Je dois néanmois reconnaître que M. Masson, qui avait retiré en première lecture sa motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité - il était en effet impensable qu'il la maintînt -, a eu aujourd'hui l'honnêté de donner son avis, que nous n'avions pas eu l'occasion d'entendre en première lecture.

Par conséquent, en dépit du vote bloqué, en dépit du vote conforme, nous avons quand même pu avoir, grâce finalement au Conseil constitutionnel, un bref échange de vues avec les sénateurs de la majorité dont les avis furent contrastés, voire différents.

Monsieur Mercier, vous avez été qualifié d'« intelligent » en première lecture, et je constate que vous en remerciez les ministres en vous réjouissant aujourd'hui d'avoir obtenu satisfaction. Comme récompense à l'intelligence, c'est le moins que l'on puisse faire dans notre assemblée ! (Rires.)

Au fond, l'avis du Conseil constitutionnel montre que tout n'est pas possible en matière de viol de la démocratie (Exclamations sur les travées de l'UMP. - M. Jean-Louis Carrère applaudit.) C'est une bonne chose ! Nous souhaitons que cela serve de leçon pour de futurs débats, quand nous ne manquerons pas d'avoir des positions différentes. Espérons, mes chers collègues de la majorité, que vous ne resterez alors pas muets, malgré la position du Gouvernement.

Concernant la majorité stable dans les conseils régionaux, ne faisons pas de confusion ! Notre opposition à ce texte se fonde sur la représentation des différents courants d'opinion. Il ne s'agit pas de majorité ; la majorité stable peut être assurée de différentes façons, et notamment par la prime majoritaire. Cela, c'est clair !

En revanche, la juste représentation du pluralisme n'est pas assurée par votre texte, et c'est contre cela que nous nous élevons, car personne ne pourra nous démontrer le contraire.

En réalité, vous faites fi des différences d'opinion, vous faites fi du pluralisme qui existe dans notre pays, ce pluralisme qui est notre tradition, notre histoire, auquel nous continuons d'être attachés et que défendrons encore et toujours, même s'il est mis à mal au niveau des élections régionales.

Telles sont toutes les raisons pour lesquelles nous voterons résolument contre l'article 4.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

M. le président. Je constate que le nouvelle délibération est arrivée à son terme.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-huit heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures quarante, sous la présidence de M. Guy Fischer.)

Art. 4 (début)
Dossier législatif : projet de loi portant nouvelle délibération de l'article 4 de la loi relative à l'élection des conseillers régionaux et des représentants au Parlement européen ainsi qu'à l'aide publique aux partis politiques