SEANCE DU 19 DECEMBRE 2002
M. le président.
Avant de mettre aux voix l'ensemble de la proposition de loi, je donne la
parole à M. Max Marest, pour explication de vote.
M. Max Marest.
Nous parvenons au terme de la discussion d'une proposition de loi dont on peut
souligner le caractère essentiel pour le fonctionnement à court terme de notre
système de santé.
Notre groupe se félicite que le président de la commission des affaires
sociales ait pris l'initiative de déposer ce texte et remercie le rapporteur de
la qualité de son travail, effectué dans l'urgence.
Ce texte apporte une réponse concrète à l'inquiétude qui a gagné les
établissements et les professionnels de santé concernés par le désengagement de
plusieurs assureurs du marché de la responsabilité civile médicale. Si rien
n'avait été fait, la moitié au moins des établissements de soins privés
pouvaient se trouver sans assurance au 1er janvier prochain, ainsi que,
probablement, la quasi-totalité des praticiens dans certaines spécialités
particulièrement exposées, telle la gynécologie-obstétrique et
l'anesthésie-réanimation.
La loi du 4 mars 2002 sur les droits des malades est venue se surajouter à une
situation qui était déjà difficile. Cete loi a en effet créé l'obligation
d'assurance pour l'ensemble des professionnels et a réparti le financement de
l'indemnisation des dommages entre l'ONIAM, pour ce qui concerne l'aléa
thérapeutique et les assureurs pour ce qui concerne la faute, les infections
nosocomiales étant indemnisées par l'établissement de santé, sur lequel repose
une responsabilité pour faute, sauf s'il peut apporter la preuve d'une « cause
étrangère », ce qui est extrêmement difficile.
La réaction des sociétés d'assurance a été immédiate et négative.
La solution proposée par le texte consiste donc dans la limitation dans le
temps des garanties définies dans les contrats et dans une répartition plus
équitable des risques entre les assureurs et l'ONIAM, sans que soient remis en
cause le principe et le niveau de réparation des victimes.
Cela va constituer un véritable soulagement pour celles et ceux qui effectuent
un métier difficile et qui vont pouvoir, désormais, continuer à travailler en
étant assurés pour la réparation d'éventuelles fautes médicales.
Ce sera aussi un soulagement pour les associations de malades, qui verront les
droits à l'indemnisation des victimes garantis.
Quant à l'article 7 introduit par l'Assemblée nationale qui reporte d'un an la
date limite de vérification des compétences des aides opératoires, il s'agit -
nous l'espérons tous - du dernier épisode d'un dossier récurrent. M. le
rapporteur en a très justement décrit les péripéties. Cet article permettra
d'organiser de nouvelles sessions d'examen et de régulariser ainsi la situation
d'un personnel nécessaire aux établissements d'hospitalisation.
Pour toutes ces raisons, le groupe de l'UMP votera cette proposition de loi
sans modification.
M. le président.
La parole est à M. Gilbert Chabroux, pour explication de vote.
M. Gilbert Chabroux.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom du
groupe socialiste, je voudrais renouveler les réserves que nous avions
exprimées lors de la première lecture de cette proposition de loi.
Il est nécessaire, nous le comprenons bien, de trouver une solution dans des
délais très courts pour résoudre les problèmes de la responsabilité civile
médicale et pour assurer les risques dus aux infections nosocomiales. En
revanche, nous n'admettons pas le principe du partage des risques que vous
proposez : les gros risques étant pris en charge par la solidarité nationale et
les petits risques par les assureurs.
Cette distinction nous paraît dangereuse. Nous n'avons pas oublié les propos
qu'a tenus, il n'y a pas si longtemps, M. Jacques Barrot au sujet de la
sécurité sociale et des assurances complémentaires.
Nous ne comprenons pas que les assureurs ne fassent par leur métier
normalement et que les primes d'assurances s'envolent alors que les risques
qu'ils assurent sont moindres. Peut-on tolérer qu'ils fassent payer leur
mauvaise gestion et l'effondrement de leurs placements boursiers ?
Que penser des compagnies comme Saint-Paul ou ACE qui sont censées répondre
des fautes professionnelles et des accidents sur trente ans et qui se retirent
du marché alors qu'elles avaient encaissé d'énormes primes ? Seront-elles
quasiment exonérées ? Nous avons l'impression que certains ont exercé des
pressions, que le lobby des assureurs semble avoir joué son rôle.
Pour empêcher ces dérives, monsieur le ministre, il aurait fallu mettre en
place le bureau central de tarification prévu par la loi Kouchner du 4 mars
2002. Nous espérons que le décret sera publié avant la fin de cette année.
Quant aux aides opératoires, nous sommes d'accord pour que le délai accordé
soit prolongé d'un an encore, à condition que nous n'entendions plus parler de
ce problème.
Après avoir renouvelé nos réserves sur ce texte, nous serons conduits à nous
abstenir.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, avec enthousiasme, Bernard Kouchner,
dans son projet de loi relatif aux droits des malades...
M. Gilbert Chabroux.
Une très belle loi !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Oui, c'est une très
belle loi dans l'esprit... ! Mais, comme très souvent, il s'est laissé emporter
par son enthousiasme et est allé trop loin.
Voulant responsabiliser les professionnels de santé et les établissements de
santé, il a décidé qu'ils seraient désormais présumés responsables de toutes
les infections nosocomiales.
Si l'on s'en réfère à l'histoire de la médecine, c'est une responsabilité bien
lourde que l'on fait peser sur ces professionnels qui n'ont eu de cesse, depuis
le début - souvenons-nous de Pasteur et des autres - d'essayer de combattre ces
infections.
Ainsi, selon Bernard Kouchner, les adversaires avérés des infections
nosocomiales seraient les seuls présumés responsables de ces infections.
L'enthousiasme avait poussé ce grand médecin à aller un peu loin. Et
aujourd'hui, avec ce texte, nous proposons simplement de mieux répartir la
charge. Il ne faut plus dire : « c'est la faute à pas de chance ! » Il faut
dire que les professionnels de santé ont une mission et qu'ils doivent se
battre, encore et toujours.
Les grands progrès ne doivent pas faire reculer les professionnels. Non, ces
professionnels doivent continuer à se battre, notamment dans le domaine
extrêmement sensible des infections nosocomiales.
Ils peuvent avoir une part de responsabilité, s'ils ont commis une faute,
s'ils n'ont pas appliqué de bonnes pratiques, usé de bons protocoles, respecté
une stérilisation. Mais il convenait d'essayer de répartir les risques entre
les professionnels de santé et la solidarité nationale. C'est ce que nous
tentons de faire avec ce projet de loi que certains appelent la « loi About »,
mais je n'irai pas jusque là.
M. Gilbert Chabroux.
Elle est moins bonne que la loi Kouchner !
M. Nicolas About,
président de la commission.
J'assume ! Elle est plus responsable, même si
elle manque d'enthousiasme. En tout cas, elle est plus mesurée, plus contrôlée
puisque nous allons répartir les risques.
M. Chabroux, comme M. Kouchner, s'est laissé emporter par son enthousiasme.
Pour notre part, nous laisserons les petits risques aux médecins et les grands
à la solidarité nationale.
S'agissant des infections nosocomiales entraînant une IPP, une invalidité
permanente partielle, inférieure à 25 % les médecins seront responsables qu'ils
soient ou non à l'origine de l'infection et ils tomberont sous le coup de
l'action subrogatoire pour une IPP supérieure à ce taux. Dans ce dernier cas,
les professionnels de santé courront le risque d'être déclarés responsables si
leur culpabilité est démontrée.
Loin de dédouaner les professionnels et les établissements de santé, le texte
répartit les responsabilités avec plus de justice. Pour autant, ce texte est-il
parfait ? Certainement pas ! Il fait encore peut-être porter trop de
responsabilités sur les médecins, qui ne sont pas forcément à l'origine de tous
ces risques.
Mais nous souhaitons, et M. le ministre m'a confirmé que telle était également
son intention, laisser se dérouler une période d'observation et d'étudier les
informations que nous donnera l'ONIAM avant de réajuster le tir.
Rien n'est figé ! La médecine n'est jamais figée, la pathologie et les risques
non plus ! Essayons d'évoluer avec les réalités et, en tout cas, aujourd'hui,
sauvons des professions dont nous ne pouvons nous passer.
(Applaudissements
sur les travées de l'UMP.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole ?...
Je mets aux voix l'ensemble de la proposition de loi.
(La proposition de loi est adoptée.)
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