SEANCE DU 19 DECEMBRE 2002
ADMINISTRATEURS
ET MANDATAIRES JUDICIAIRES
Adoption des conclusions
du rapport d'une commission mixte paritaire
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport (n° 85,
2002-2003) de la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur
les dispositions restant en discussion du projet de loi modifiant la loi n°
85-99 du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs judiciaires, mandataires
judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en diagnostic
d'entreprise.
Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire.
Monsieur le
président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de loi
modifiant la loi du 25 janvier 1985 relative aux administrateurs et mandataires
judiciaires avait été examiné par l'Assemblée nationale en mars 2001 puis, « en
urgence », par le Sénat presque un an plus tard en février 2002. Ce fut
d'ailleurs le dernier texte examiné par le Sénat lors de la précédente
législature. La fin de cette dernière ayant entraîné la caducité du texte, le
nouveau gouvernement a décidé de le déposer à nouveau sur le bureau de
l'Assemblée nationale pour permettre son adoption, qui est attendue par les
professionnels concernés.
On pourrait évoquer d'autres textes concernant, notamment, la réforme des
procédures collectives et le droit économique. Un texte sur la sécurité
financière sera examiné lors du prochain trimestre.
Je rappelle que le Sénat avait adopté ce texte à l'unanimité. Il avait été
fortement modifié puisque cent quarante et un amendements ont été adoptés, dont
cent trente-quatre émanaient de la commission des lois. Outre les amendements
de codification ou de nature formelle, avaient été adoptés soixante-treize
amendement de fond, dont quarante-sept avec l'avis favorable du Gouvernement,
ce qui était révélateur de la gêne de ce dernier à l'égard du texte adopté par
l'Assemblé nationale. Ces dispositions avaient permis de donner une cohérence à
la nécessaire réforme des professions d'administrateurs judiciaires et de
mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises et experts en
diagnostic d'entreprise.
En effet, si le projet de loi prévoyait une ouverture limitée à des
professionnels n'appartenant pas à ces professions, l'Assemblée nationale avait
consacré une ouverture maximale de ces professions, conduisant à la remise en
cause du caractère réglementé de celles-ci. Cela aboutissait à une
contradiction fondamentale consistant à « corseter » les professionnels, tout
en banalisant le recours à des personnes extérieures offrant de moindres
garanties et soumises à des obligations bien plus faibles pour exercer
néanmoins les mêmes fonctions.
En revanche, le Sénat a affirmé la nécessité de mieux réglementer et d'assurer
une discipline plus efficace de ces professions, estimant qu'il était
indispensable, pour la sécurité des justiciables, de conserver une profession
réglementée, tout en acceptant, comme c'était la cas de la loi du 25 janvier
1985, que l'on puisse faire appel à des personnes extérieures en raison de la
nature particulière de certaines dossiers.
La commission mixte paritaire, sous réserve de quelques modifications
mineures, a approuvé le texte adopté par notre assemblée.
Outre quelques amendements formels, le texte qui vous est proposé précise que
les personnes hors liste ne pourront exercer ces professions à titre habituel,
ce qui va tout à fait dans le sens des préoccupations du Sénat. S'agissant de
la désignation des personnes morales, le tribunal serait seul compétent dans le
choix des personnes physiques habilitées. De même, il a été précisé que les
professionnels pourraient gérer une société civile immobilière, une SCI, ayant
pour seul objet l'acquisition de locaux professionnels, ce qui paraît
indispensable pour l'exercice de ces professions.
La commission mixte paritaire s'est interrogée sur l'exigence, pour le
mandataire inscrit sur les listes, d'informer la juridiction des diligences
accomplies par lui au cours des cinq dernières années en tant que représentant
des créanciers ou liquidateurs dans le cadre d'une procédure dans laquelle
l'entreprise était elle-même créancière. Cette exigence, qui avait été limitée
dans le temps par le Sénat, est apparue irréaliste en pratique et juridiquement
mal fondée dans la mesure où le juge-commissaire pouvait, dans certains cas,
dispenser les mandataires de procéder à la vérification des créances. Cette
disposition a donc été supprimée par la commission mixte paritaire.
La commission mixte paritaire a longuement débattu du financement des
procédures impécunieuses, et a précisé, sur notre proposition, la définition du
fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations, réservant ce dispositif
aux seuls mandataires liquidateurs.
Certains auraient voulu l'étendre aux administrateurs, mais il nous a paru
qu'il devait être réservé aux mandataires liquidateurs. Puisqu'il y avait des
actifs, ils pouvaient très bien être rémunérés dans le cadre du mandat reçu du
tribunal.
Compte tenu du volume de ce fonds et pour la clarté du dispositif, il a été
décidé de ne l'appliquer qu'aux procédures ouvertes après l'entrée en vigueur
de la loi. A ce sujet, je voudrais rappeler l'urgence qui s'attache à la
révision des tarifs de ces professionnels, le Sénat n'ayant accepté de traiter
du dispositif des procédures impécunieuses que dans la perspective de la
publication du décret fixant le tarif. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous
signale tout particulièrement l'urgence de cette réforme. Nous ne pourrons
vraiment améliorer la situation des professionnels que lorsqu'un nouveau tarif
sera publié.
Enfin, la commission mixte paritaire vous propose la ratification du code de
commerce ; l'examen de ce texte a exigé un véritable travail de bénédictin : il
arrive parfois que des virgules soient oubliées ou rajoutées et cela peut
changer le sens. Un certain nombre d'imprécisions ont dû également être
clarifiées. Je remercie donc tous ceux qui se sont livrés, avec la
Chancellerie, à ce travail nécessaire.
Ce texte étant entré en vigueur par ordonnance en septembre 2000, soit depuis
plus de deux ans, et seulement partiellement ratifié, ce qui est préjudiciable
à la sécurité juridique pourtant indispensable au monde économique, il nous a
paru éminemment souhaitable de procéder à cette ratification. Je crois que tous
les juristes s'en réjouiront.
C'est pourquoi je vous propose, au nom de la commission des lois, d'approuver
le texte adopté par la commission mixte paritaire.
(Applaudissements sur les
travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Pierre Bédier,
secrétaire d'Etat aux programmes immobiliers de la justice.
Monsieur le
président, mesdames, messieurs les sénateurs, la commission mixte paritaire,
qui s'est réunie le 4 décembre dernier, vous propose, après l'avoir amendé, de
voter le projet de loi relatif aux administrateurs judiciaires, aux mandataires
judiciaires à la liquidation des entreprises et aux experts en diagnostic
d'entreprise.
Il s'agit d'un texte qui rénove profondément l'exercice de ces professions.
Cette rénovation avait déjà été amorcée depuis plusieurs années par les
administrateurs et par les mandataires judiciaires eux-mêmes, conscients de la
nécessité de faire évoluer profondément leur profession, afin de lui garder sa
légitimité, face aux critiques fortes dont ils ont été l'objet.
Ces professions se doivent de réaffirmer leur indépendance, leur compétence et
leur rigueur.
L'objet du projet de loi est d'accroître ces exigences en affirmant la
nécessité de confier ces mandats de justice à des professions plus fortement
encadrées et plus strictement contrôlées.
Dès lors, on comprend mal comment l'Assemblée nationale a pu, en mars 2001,
lors de l'examen du texte en première lecture, affirmer la possibilité pour le
juge de recourir habituellement à des personnes choisies hors des listes
professionnelles.
Le Sénat en est revenu à une conception plus sage et plus équilibrée grâce à
votre commission des lois et à son rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest.
Premièrement, le recours à des personnes hors liste pour l'exercice des
mandats, s'il n'est pas exclu, présentera un caractère exceptionnel.
Dans certains cas marginaux, ce recours pourra être utile. Il en sera
notamment ainsi des situations dans lesquelles sont en cause des entreprises
établies sur le territoire de plusieurs Etats membres de l'Union européenne,
dont les procédures d'insolvabilité seront soumises à des droits différents et
pour lesquelles le recours à une équipe de mandataires comprenant un
professionnel étranger pourra s'avérer utile.
La commission mixte paritaire du Sénat souhaite limiter le recours aux
professionnels hors liste aux personnes physiques. C'est là un choix que
j'approuve. Il faut éviter, en effet, dans toute la mesure du possible, que
puisse exister un lien de subordination ou de conseil, même indirect, avec
l'entreprise auprès de laquelle ces personnes peuvent être appelées à
intervenir.
En outre, la commission mixte paritaire entend, à juste titre, exclure la
possibilité pour les personnes hors liste d'exercer à titre habituel les
fonctions d'administrateur ou de mandataire judiciaire. Il est nécessaire, en
effet, de ne pas reconstituer une profession parallèle.
Le recours à des personnes morales doit être limité à celles qui regroupent
des professionnels inscrits, sociétés civiles professionnelles d'exercice
libéral, dont les règles d'organisation garantissent l'indépendance. Le
tribunal désignera en leur sein une ou plusieurs personnes physiques pour les
représenter dans l'accomplissement de leur mandat. Ainsi subsistera le fort
intuitu personae
qui caractérise de telles missions.
Deuxièmement, s'agissant de la déontologie et du régime disciplinaire, les
règles sont renforcées.
Ainsi, la faute disciplinaire est définie de manière plus précise. L'échelle
des mesures disciplinaires est élargie. Diverses incompatibilités
professionnelles sont par ailleurs prévues, notamment avec toute activité à
caractère commercial et avec toute fonction de dirigeant de société.
Enfin, le nombre des autorités habilitées à saisir les commissions de
disciplines est considérablement accru : parmi elles figure désormais le
président du Conseil national des administrateurs et mandataires
judiciaires.
Troisièmement, la réforme concerne l'amélioration des conditions d'exercice de
la profession et la définition plus précise des missions qu'elle assume.
Ainsi, le recours à des tiers pour l'exercice de ces missions est strictement
encadré. Cette disposition mettra un terme à des pratiques abusives de
sous-traitance, anormalement coûteuses pour les justiciables et incompatibles
avec la logique du recours à des professionnels spécialisés, contrôlés et
soumis à de strictes règles de déontologie.
Par ailleurs, le principe de la nomination de plusieurs professionnels pour
suivre un même dossier est reconnu. En outre, un délai est prescrit dans lequel
les dossiers du professionnel qui quitte ses fonctions doivent être
répartis.
Quatrièmement, s'agissant de la rémunération des mandataires judiciaires, le
texte prévoit un dispositif permettant la prise en charge de celle-ci par un
fonds géré par la Caisse des dépôts et consignations lorsque les ressources
générées par les procédures ne peuvent y suffire. Opportunément amélioré dans
sa rédaction par la commission mixte paritaire, il va permettre la redéfinition
souhaitée par tous du tarif des professionnels.
En effet, le tarif actuel n'est pas parvenu à créer un équilibre équitable,
tant pour les justifiables qui en supportent le coût que pour les
professionnels qui en bénéficient.
Outre le fait que les missions confiées aux professionnels ont
considérablement évolué depuis vingt ans, le tarif actuel présente la
caractéristique de reposer sur une logique consistant à compenser le déficit
engendré par le traitement de tâches sous-rémunérées ou non rémunérées au moyen
de la surrémunération d'autres postes. Par ailleurs, parce qu'il peut avoir un
effet direct sur le traitement des procédures collectives, il est susceptible
d'orienter certaines diligences au détriment de l'intérêt du dossier.
Il est indispensable, dans ces conditions, de procéder à une réforme
d'ensemble du tarif des mandataires judiciaires.
Toutefois, une réforme de cette importance ne peut être opérée dans l'urgence.
Un tel choix ne serait pas compatible avec la rénovation globale du droit des
procédures collectives, également indispensable. Le tarif devra en effet tenir
compte des nouvelles missions qui seront alors dévolues à chacun de leurs
acteurs.
La réforme d'ensemble du tarif sera donc conduite, le Gouvernement s'y engage,
parallèlement à celle du droit de la faillite dès le début de l'année
prochaine.
En revanche, un certain nombre de mesures tirant les conséquences immédiates
de la présente réforme peuvent être adoptées à brève échéance. Nous avons
demandé aux services de la Chancellerie de préparer sans délai un décret
d'application à cet effet.
Telles sont les grandes lignes de la réforme à laquelle les rapporteurs de la
commission mixte paritaire ont souhaité opportunément ajouter la ratification
du code de commerce. Ce code étant en vigueur depuis le 18 septembre 2000, il
s'agit donc de mettre un terme à un retard injustifié.
Je terminerai en remerciant tout particulièrement la commission des lois du
Sénat et son rapporteur, M. Jean-Jacques Hyest. Celui-ci a beaucoup oeuvré, au
printemps dernier, pour établir un texte équilibré. La commission mixte
paritaire a repris, pour l'essentiel, les dispositions qui avaient été votées
par votre Haute Assemblée, ce dont je me félicite.
La réforme va donc pouvoir enfin aboutir dans des conditions satisfaisantes.
(Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, du
triptyque censé revisiter les règles relatives aux juridictions consulaires il
ne reste plus que le présent projet de loi qui traite des professions
d'administrateurs judiciaires, mandataires judiciaires et experts en diagnostic
d'entreprise.
Cette réforme, dans sa globalité - dont le fameux rapport parlementaire de MM.
Montebourg et Colcombet est à l'origine -, est, depuis le début, un véritable
serpent de mer. Son parcours parlementaire a été en effet des plus incertains ;
je n'y reviendrai pas.
Finalement, en février dernier, la majorité sénatoriale a décidé d'amputer
cette réforme des deux tiers en adoptant la question préalable sur le texte
relatif aux tribunaux de commerce, ainsi que sur le projet de loi organique y
afférent, s'opposant ainsi à l'introduction de la mixité au sein des
juridictions consulaires.
Alors que la réforme était, selon nous, parvenue à un point d'équilibre
s'agissant de l'introduction de la mixité, du renforcement de la déontologie et
des incompatibilités, de la démocratisation du mode d'élection des juges
consulaires, des limites de durée d'exercice, elle est, depuis, dépourvue de
toute cohérence d'ensemble.
En effet, il ne faut pas oublier que les professions de mandataires
judiciaires ne sont pas déconnectées des juridictions commerciales, lesquelles
sont, par ailleurs, chargées de les désigner, et ce aux termes de la loi de
1985.
Les mandataires et les administrateurs exercent leurs missions dans le cadre
juridique de la loi de 1985 et ils ne sont, en la matière, que la partie
visible de l'iceberg, la partie cachée et, partant de là, la plus importante,
étant représentée par le régime des procédures collectives.
Or il s'avère que la loi du 25 janvier 1985 fixant le régime juridique des
procédures collectives a été - à l'instar, d'ailleurs, des salariés qui, dans
ce cadre-là, sont les premiers concernés - la grande absente de cette réforme
!
Complément pourtant indispensable au triptyque initial, cette loi en a été
injustement écartée alors même que des consultations ont eu lieu sur les
procédures collectives et qu'un document de travail, prélude à un avant-projet
de loi, a été rédigé en octobre 2000.
A l'époque, sous l'ancien gouvernement de gauche, nous nous étions abstenus
sur le texte qui nous occupe aujourd'hui, en attendant de prendre connaissance
du futur texte sur les procédures collectives !
Aujourd'hui, force est de constater que le paysage politique a changé. Par
conséquent, vous comprendrez aisément, je pense, que nous ne puissions signer
un chèque en blanc au Gouvernement, qui annonce le dépôt, en 2003, d'un projet
de réforme des procédures collectives.
Nous ne savons pas, à l'heure actuelle, ce que sera ce futur texte.
La loi de 1985, revisitée en 1994 - sur l'initiative de la droite sénatoriale
et sous un gouvernement de droite -, rime déjà trop avec liquidation, cessation
d'activité, licenciements et pas assez avec redressement, plan de continuation,
sauvegarde des entreprises et des emplois !
Les plans de licenciements, qui fluctuent au gré des courbes boursières, sont
hélas ! trop souvent là pour nous le rappeler !
Les récentes déclarations de M. le garde des sceaux ne sont pas de nature à
nous rassurer. Il entend, en effet, revoir la loi sur les faillites dans un
sens plus favorable aux créanciers, notamment les banques, ce que nous ne
pouvons accepter.
Quand je vois, aujourd'hui, le Gouvernement défaire tout ce qui a été fait
sous la gauche - 35 heures, modernisation sociale, emplois-jeunes, contrôle des
fonds publics -, je suis très inquiète.
Parce qu'il est question ici du sort de nombreuses entreprises, de leurs
salariés et de leurs familles, nous ne pouvons pas voter en faveur du texte
élaboré par la CMP dont on ne sait pas comment, demain, il s'articulera avec la
réforme des procédures collectives.
Nous resterons, de surcroît, très vigilants quant à la réforme à venir sur les
faillites. C'est pourquoi nous voterons contre ce texte.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Daniel Raoul.
M. Daniel Raoul.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, de
nombreuses dispositions qui avaient suscité une réserve de notre part ont été
maintenues dans le texte du Sénat, quand elles n'ont pas été accentuées. Je
pense en particulier au point clé de ce projet prévoyant une ouverture limitée
de la profession d'administrateur judiciaire et de mandataire judiciaire.
Cette ouverture répond pourtant à une nécessité dans l'intérêt de la
profession elle-même. Elle représente également un gage de meilleure efficacité
de la justice commerciale.
Contrairement à ce qui a été affirmé ici ou là, cette réforme n'aurait pas eu
pour effet de banaliser les désignations hors liste. Il ne pouvait y avoir de
concurrence déloyale en l'espèce, dès lors que la désignation était strictement
encadrée et qu'elle reposait sur une décision du juge prise après avis du
procureur de la République.
S'il nous semblait important de maintenir le critère tiré de la nature de
l'affaire afin que la désignation des professionnels hors liste ne soient
qu'occasionnelle, nous avions expliqué les raisons pour lesquelles nous étions
opposés au rétablissement du caractère exceptionnel qui limitait excessivement
la marge d'appréciation du juge.
Or la commission mixte paritaire a non seulement maintenu ce caractère
exceptionnel, mais encore elle a exigé que la décision de désigner un
administrateur judiciaire hors liste soit spécialement motivée, ce qui
circonscrit davantage la possibilité d'ouverture que nous préconisions.
Nous nous opposons donc à cette nouvelle rédaction. Je le dis avec d'autant
plus de regret que l'examen de ce texte a été l'occasion d'échanges
constructifs.
Je veux remercier, à cet effet, le rapporteur de la commission des lois, qui a
choisi de poursuivre le débat, attitude contraire à celle qu'avait adoptée la
majorité sénatoriale sur le projet de loi portant réforme des tribunaux de
commerce et sur le projet de loi organique relatif au recrutement des
conseillers de cour d'appel exerçant à titre temporaire.
Après les démissions massives des juges consulaires et les grèves à répétition
qu'ont suscitées ces projets, l'obstruction du Sénat, manifestée par
l'adoption, à deux reprises, de la question préalable, a effectué l'essentiel
du travail de sape de la réforme relative à la justice commerciale.
Il n'a pourtant jamais été question de vilipender les membres des tribunaux de
commerce. Nous connaissons et nous apprécions les qualités dont ils font preuve
en participant au service public de la justice, qualités qui sont inspirées par
leur expérience du terrain et leur compétence économique.
Néanmoins, on ne pouvait fermer les yeux sur certaines dérives et sur les
nombreux scandales qui ont terni la respectabilité et la crédibilité de
l'ensemble de l'institution.
En institutionnalisant la mixité dans les tribunaux de commerce et en
confortant leur assise juridique, cette réforme présentait le mérite
d'insuffler un enrichissement réciproque entre élus et professionnels et visait
une amélioration du fonctionnement des tribunaux de commerce, afin de répondre
à l'exigence de qualité attendue par les justiciables.
L'abandon de ces projets, annoncé par le garde des sceaux le 22 novembre
dernier, constitue une véritable occasion manquée, d'autant plus que l'état
d'esprit des différents acteurs de la réforme avait évolué et que nous n'étions
pas si éloignés d'aboutir à un consensus, comme vient de le rappeler Mme
Terrade. Le Gouvernement a, au final, cédé à la pression. Aujourd'hui, nous en
revenons au point de départ.
Ce recul du Gouvernement a eu au moins le mérite de faire prendre conscience -
c'est presque un aveu de la part de leurs représentants - de la nécessaire
adaptation de cette institution, qui passe par la capacité à assurer un
recrutement sélectif, une meilleure formation continue et un renforcement des
règles déontologiques des juges consulaires. Ces derniers devront également
faire preuve de souplesse au regard de l'indispensable révision de la carte
judiciaire, carte qui doit s'adapter aux nouvelles évolutions commerciales.
Je souhaite enfin intervenir sur un sujet complémentaire, et quasi
indissociable, qui concerne la réforme globale annoncée du droit des procédures
collectives pour l'année 2003.
Le précédent gouvernement avait été à l'origine d'une réflexion sur les
améliorations à apporter à cette législation. Il s'agissait, d'ailleurs, d'un
des volets du vaste programme gouvernemental de réforme de la justice
commerciale.
Le Parlement s'est également saisi de cette question au sein de l'office
parlementaire d'évaluation de la législation. Je voudrais saluer, à cet égard,
le rapport de M. Hyest sur l'évaluation de la législation relative à la
prévention et au traitement des difficultés des entreprises déposé sur les
bureaux des assemblées il y a tout juste un an. (
M. le président de la
commission des lois applaudit
.)
M. Alain Gournac.
Bravo, monsieur Hyest !
M. Daniel Raoul.
Le gouvernement actuel poursuit la réflexion engagée, et nous nous en
félicitons.
Cependant, j'attire d'ores et déjà votre attention sur le fait que cette
réforme, notamment la proposition consistant à créer une procédure accélérée,
doit reposer sur un juste équilibre entre prévention et efficacité et ne pas se
réaliser au détriment des salariés ou de la protection de l'emploi.
Il ne suffit pas de dire que l'amélioration de la prévention et la création de
procédures permettant d'anticiper et d'éviter la cessation des paiements sont
des mesures favorables à la préservation de l'emploi : encore faut-il s'en
donner les moyens !
Pour notre part, nous serons vigilants pour que cet équilibre soit
maintenu.
Au total, en cohérence avec la position qu'il a adoptée en première lecture,
le groupe socialiste votera contre le texte issu des travaux de la commission
mixte paritaire. (
Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste
.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Je rappelle que, en application de l'article 42, alinéa 12, du règlement,
lorsqu'il examine après l'Assemblée nationale le texte élaboré par la
commission mixte paritaire, le Sénat se prononce par un seul vote sur
l'ensemble du texte.
Je donne lecture du texte élaboré par la commission mixte paritaire :