SEANCE DU 6 DECEMBRE 2002
SOMMAIRE
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
1.
Procès-verbal
(p.
0
).
2.
Loi de finances pour 2003.
- Suite de la discussion d'un projet de loi (p.
1
).
Ecologie et développement durable (p. 2 )
M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances ; Mme
Roselyne Bachelot-Narquin, ministre de l'écologie et du développement
durable.
MM. Jean Bizet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
; Ambroise Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires
culturelles ; Mme la ministre.
M. Jacques Oudin, Mme la ministre.
M. Jacques Pelletier, Mme la ministre.
M. François Trucy, Mme la ministre.
Mmes Odette Herviaux, la ministre.
Mmes Evelyne Didier, la ministre.
M. Christian Demuynck, Mme la ministre.
Mmes Marie-Christine Blandin, la ministre.
Crédits du titre III. - Adoption (p.
3
)
Crédits du titre IV (p.
4
)
M. le rapporteur spécial, Mme la ministre.
Adoption des crédits.
Crédits des titres V à VI. - Adoption (p.
5
)
Equipement, transports, logement, tourisme et mer
I. - services communs
II. - URBANISME ET LOGEMENT (p.
6
)
MM. Paul Girod, rapporteur spécial de la commission des finances ; Gilles de Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer.
Suspension et reprise de la séance (p. 7 )
MM. Bernard Piras, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques pour l'urbanisme ; Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis de la
commission des affaires économiques pour le logement ; le rapporteur spécial,
Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales pour le logement social ; M. le ministre.
MM. Yvon Collin, le ministre.
MM. Marcel-Pierre Cléach, le ministre.
MM. André Vezinhet, le ministre.
Mme Jacqueline Gourault, M. le ministre.
Mme Odette Terrade, M. le ministre.
MM. Jean-François Le Grand, le ministre.
Mme Anne-Marie Payet, M. le ministre.
MM. Max Marest, le ministre.
M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis.
Crédits du titre III (p. 8 )
Amendement n° II-92 de la commission. - MM. le rapporteur spécial, le ministre,
Mme Marie-France Beaufils, MM. André Vezinhet, Jean Arthuis, président de la
commission des finances ; Claude Estier. - Adoption.
Vote des crédits réservé.
Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé (p.
9
)
III. - TRANSPORTS ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE
1.
Transports terrestres et intermodalité
2.
Routes et sécurité routière
(p.
10
)
MM. Jacques Oudin, rapporteur spécial de la commission des finances pour les
transports terrestres et l'intermodalité ; Gérard Miquel, rapporteur spécial de
la commission des finances pour les routes et la sécurité routière ; Gilles de
Robien, ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et
de la mer.
MM. Bernard Joly, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques pour les transports terrestres ; Georges Gruillot, rapporteur pour
avis de la commission des affaires économiques pour les routes et les voies
navigables ; le ministre.
MM. Michel Teston, le ministre.
MM. Daniel Hoeffel, le ministre.
MM. le président, le ministre.
Mme Marie-France Beaufils, M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux
transports et à la mer.
MM. Lucien Lanier, le secrétaire d'Etat.
MM. Bernard Joly, le secrétaire d'Etat.
MM. Max Marest, le secrétaire d'Etat.
Crédits du titre III. - Vote réservé (p.
11
)
Crédits du titre IV (p.
12
)
Amendement n° II-93 rectifié de la commission. - MM. Jacques Oudin, rapporteur
spécial ; le secrétaire d'Etat, Michel Teston, Mme Marie-France Beaufils, MM.
Roger Karoutchi, Jean Arthuis, président de la commission des finances. -
Adoption par scrutin public.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre V. - Vote réservé (p.
13
)
Crédits du titre VI (p.
14
)
M. Jacques Oudin.
Vote des crédits réservé.
Article 71
bis.
- Adoption (p.
15
)
Article additionnel après l'article 71
bis
(p.
16
)
Amendement n° II-91 rectifié de M. Bruno Sido. - MM. Max Marest, Jacques Oudin, rapporteur spécial ; le secrétaire d'Etat. - Retrait.
Suspension et reprise de la séance (p. 17 )
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
III. - TRANSPORTS ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE
(suite)
3.
Aviation et aéronautique civiles
Budget annexe de l'aviation civile
(p.
18
)
MM. Yvon Collin, rapporteur spécial de la commission des finances ;
Jean-François Le Grand, rapporteur pour avis de la commission des affaires
économiques pour l'aviation civile et le transport aérien ; Paul Raoult, Mme
Marie-France Beaufils.
M. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
Crédits du titre III (p. 19 )
MM. Charles Revet, le secrétaire d'Etat.
Vote des crédits réservé.
Crédits des titres IV à VI. - Vote réservé (p.
20
)
Article 71. - Adoption (p.
21
)
Budget annexe de l'aviation civile (p.
22
)
Crédits figurant à l'article 40. - Adoption (p.
23
)
Crédits figurant à l'article 41 (p.
24
)
MM. le rapporteur pour avis, le secrétaire d'Etat.
Adoption des crédits.
IV. - MER (p. 25 )
MM. Marc Massion, rapporteur spécial de la commission des finances ; Charles
Revet, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ; Daniel
Percheron, Gérard Le Cam, Jacques Oudin, Jean-François Le Grand.
MM. Dominique Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer ; Jacques
Oudin.
Crédits du titre III (p. 26 )
MM. Jean-François Le Grand, le secrétaire d'Etat.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre IV (p. 27 )
Amendement n° II-94 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur
spécial. - Adoption.
Amendement n° II-150 de la commission. - MM. Jean Arthuis, président de la
commission des finances ; le secrétaire d'Etat, Daniel Percheron, Jean-François
Le Grand. - Adoption par scrutin public.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre V (p. 28 )
Amendement n° II-95 du Gouvernement. - MM. le secrétaire d'Etat, le rapporteur
spécial. - Adoption.
Vote des crédits réservé.
Crédits du titre VI. - Vote réservé (p.
29
)
Article additionnel après l'article 71
bis
(p.
30
)
Amendement n° II-66 de M. Henri de Richemont. - Retrait.
V. - tourisme (p. 31 )
Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial de la commission des finances ;
Charles Ginésy, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques
; Mmes Anne-Marie Payet, Evelyne Didier, MM. Paul Dubrule, Paul Raoult,
Jean-François Le Grand.
M. Léon Bertrand, secrétaire d'Etat au tourisme.
Crédits du titre III. - Adoption (p.
32
)
Crédits du titre IV (p.
33
)
Amendement n° II-151 de la commission. - MM. Jean Arthuis, président de la
commission des finances ; le secrétaire d'Etat, Mmes le rapporteur spécial,
Evelyne Didier, MM. Paul Raoult, Paul Dubrule. - Adoption par scrutin
public.
Adoption des crédits modifiés.
Crédits des titres V et VI. - Adoption (p. 34 )
3.
Ordre du jour
(p.
35
).
COMPTE RENDU INTÉGRAL
PRÉSIDENCE DE M. GUY FISCHER
vice-président
M. le président.
La séance est ouverte.
(La séance est ouverte à dix heures.)
1
PROCÈS-VERBAL
M. le président.
Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.
Il n'y a pas d'observation ?...
Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.
2
LOI DE FINANCES POUR 2003
Suite de la discussion d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances
pour 2003 (n° 67, 2002-2003), adopté par l'Assemblée nationale. [Rapport n° 68
(2002-2003).]
Ecologie et développement durable
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
le ministère de l'écologie et du développement durable.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a
opté pour la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le
principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants,
rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, Mme la ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur
spécial, aux deux rapporteurs pour avis et à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de
discussion.
Pour chaque question, les orateurs des groupes interviendront pendant cinq
minutes maximum. La durée de la réponse du Gouvernement sera fixée à trois
minutes, chaque orateur disposant d'un droit de réplique de deux minutes
maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose
sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole
impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, madame la
ministre, mes chers collègues, les crédits qui sont demandés pour l'écologie et
le développement durable en 2003 s'élèvent à 768,16 millions d'euros, ce qui
représente une légère diminution apparente de 0,16 % par rapport à 2002.
Toutefois, si l'on prend en compte les modifications de périmètre, portant sur
6,19 millions d'euros, et les crédits du fonds national de solidarité pour
l'eau, le FNSE, soit 61,37 millions d'euros après le vote du Sénat intervenu
lors de l'examen de la première partie du projet de loi de finances pour 2003,
les moyens du ministère s'établissent à 835,72 millions d'euros, soit une
baisse de 2 %.
Les dépenses ordinaires, qui représentent 617,47 millions d'euros, reculent de
2,15 % en 2003, après avoir marqué une augmentation de 18 % en 2002. Elles
représentent ainsi 80,4 % de l'ensemble du budget, contre 82 % l'année dernière
et seulement 42 % en 2000. Il faut cependant noter que ces évolutions tenaient
surtout à d'incessants changements de périmètre.
Au contraire, les dépenses en capital croissent de 8,90 %, alors qu'elles
avaient diminué de 27 % en 2002 : elles atteignent ainsi 150,69 millions
d'euros, soit 19,6 % du budget, contre 18 % l'année dernière.
J'en viens dès à présent aux quatre principales observations que m'inspire le
budget de l'écologie et du développement durable pour 2003.
« Budget en régression inquiétante, ministère inaudible et impuissant » : tels
sont les qualificatifs qu'a employés votre prédécesseur, madame la ministre,
dans un article de presse récent. Le rapporteur spécial que je suis depuis
quelques années n'en revient pas : ayant consacré une partie de mon rapport au
bilan de Mme Voynet et de M. Cochet en 2001, je vous laisse le soin
d'apprécier, mes chers collègues, si ces anciens ministres sont bien placés
pour donner des leçons !
En effet, ma première observation concerne l'exécution du budget pour 2001,
qui se révèle extrêmement critiquable et confirme les analyses que j'avais
développées à l'époque.
D'une part, certains crédits ont été imputés de manière irrégulière, notamment
au titre du plan POLMAR, sur le titre V, alors qu'il s'agissait pour
l'essentiel de dépenses de fonctionnement.
D'autre part, et surtout, la Cour des comptes a une nouvelle fois souligné la
sous-consommation des crédits de ce qui était alors le budget de
l'environnement, sous-consommation qu'elle qualifie de « chronique ». Elle
relève ainsi que la forte progression de ces crédits en 2001 s'est accompagnée
d'un taux de consommation extrêmement faible, de l'ordre de 50 %, voire de 25 %
pour ce qui concerne les seuls crédits de paiement, ce qui l'amène à «
s'interroger sur la sincérité du budget de l'environnement » d'alors.
Or, les informations concernant la consommation des crédits au premier
semestre de 2002 ne sont guère plus encourageantes. Ainsi, seuls 37,5 % des
crédits d'intervention, au titre IV, ont été consommés, et la situation est
plus médiocre encore pour les dépenses en capital : 14,2 % pour le titre V et
12,5 % pour le titre VI, soit un taux de consommation global de 12,6 % pour les
crédits de paiement, qui tombe à 11,6 % hors Agence de l'environnement et de la
maîtrise de l'énergie, l'ADEME.
Ma première question, madame la ministre, portera donc sur la manière dont
vous envisagez de corriger les errements de vos prédécesseurs. Nous ne vous
demandons pas d'expliquer leurs fautes à leur place - ils n'ont aucune excuse
-, mais simplement de nous dire comment, à l'avenir, vous pourrez faire
mieux.
Cette observation me permet également de poser ma deuxième question, qui
concerne l'ADEME : cette agence, après avoir été artificiellement surdotée au
début de la législature précédente, a ensuite été privée de ressources
puisqu'elle n'a reçu que le quart de ce que lui apportait l'ancienne TGAP, la
taxe générale sur les activités polluantes, qui a été ultérieurement affectée
au financement des 35 heures. De ce fait, l'Agence rencontre aujourd'hui des
difficultés pour assurer certaines de ses missions, si bien qu'elle ne traite
quasiment plus de dossiers nouveaux. Je souhaiterais donc connaître les
orientations que le Gouvernement entend donner à l'ADEME, dont j'avais par
ailleurs, l'année dernière, critiqué le fonctionnement dans un rapport
d'information. Madame la ministre, quelles suites entendez-vous donner à ces
critiques ? Comment ferez-vous pour revenir à une dotation qui, en régime de
croisière, devrait atteindre environ 3 millions d'euros ?
Enfin, eu égard à ses modalités de financement et de fonctionnement, je
m'interroge sur l'utilité du fonds national de solidarité pour l'eau. J'ai
auditionné l'ancien contrôleur financier central du ministère, qui m'a indiqué
qu'il était « difficile de définir l'activité du fonds ». Son fonctionnement,
effectif depuis 2001, ne paraît guère optimal, le comité consultatif du fonds
chargé d'assister le ministre ne s'étant pas réuni une seule fois en 2002. Sa
gestion financière n'est guère meilleure : le taux de consommation de ses
crédits ne s'est établi, selon la Cour des comptes, qu'à 28 % en 2001, soit un
niveau identique à celui de l'année précédente, tandis que d'importants reports
de crédits ont eu lieu, atteignant près de 95 millions d'euros en 2001 et plus
de 91 millions d'euros en 2002. La Cour des comptes a d'ailleurs estimé que «
l'affectation de ces ressources au budget général [en] aurait sans doute permis
une meilleure utilisation ».
Le FNSE fait donc l'objet de ma troisième question : vous savez, madame la
ministre, que le Sénat a relevé de 40 millions à 60 millions d'euros la part
affectée au FNSE, sur un prélèvement total de 80 millions d'euros effectué sur
les agences de l'eau.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre de l'écologie et du développement durable.
Ce n'est pas
suffisant !
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
Toutefois, eu égard au fonctionnement critiquable de
ce fonds, je souhaiterais savoir pourquoi ses missions ne sont pas financées
tout simplement sur le budget général et s'il ne conviendrait pas de s'orienter
vers la budgétisation intégrale du FNSE dans les années qui viennent.
Ma deuxième observation sera pour relever que le budget de l'écologie et du
développement durable est globalement peu lisible.
Les documents budgétaires afférents au budget de l'écologie sont d'un accès
objectivement peu aisé. En effet, la nomenclature retenue ne permet pas, ou
permet mal, d'identifier la plupart des mesures qu'il finance. L'intitulé de la
plupart des chapitres et articles budgétaires reste extrêmement général, voire
ambigu, et il est rare que l'intégralité d'un chapitre soit consacrée au
financement d'une seule action. De surcroît, de nombreux chapitres, qu'il
s'agisse de dépenses ordinaires ou de dépenses en capital, portent le même
intitulé, notamment : « Protection de la nature et de l'environnement », ou : «
Prévention des pollutions et des risques » - soit le même intitulé que celui de
l'agrégat 23 lui-même ! -, ce qui, s'agissant de ce budget, n'apporte que peu
d'éclaircissements sur l'objet et le champ des politiques publiques mises en
oeuvre.
Pourtant, le « bleu » comporte lui aussi des informations écrites relatives
aux politiques conduites, qu'il est très difficile de rapprocher des
informations chiffrées fournies par la nomenclature budgétaire. Il est dès lors
quasiment impossible d'identifier le coût de chacun des nombreux dispositifs
financés. Dans ces conditions, notamment dans la perspective tant de l'entrée
en vigueur définitive de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de
finances que de l'établissement de programmes, je ne peux qu'encourager le
ministère à améliorer la lisibilité de la nomenclature budgétaire.
En outre, les indicateurs de résultats fournis dans l'annexe bleue sont peu
significatifs. Leur qualité est très inégale, mais globalement médiocre, voire
franchement mauvaise. Surtout, ils ne permettent pas d'apprécier les résultats
des politiques publiques environnementales ni,
a fortiori,
leur
performances. L'ancien contrôleur financier central du ministère m'a confirmé
cette analyse et m'a indiqué « ne pas avoir eu l'impression que les efforts
financiers [réalisés en faveur de l'environnement] aboutissaient à des
résultats tangibles ». Il a ajouté que « les objectifs quantitatifs n'étaient
pas la traduction de véritables besoins » et a déploré l'absence de tableaux de
bord et d'indicateurs de résultats socio-économiques pertinents.
Le bleu budgétaire fournit de très nombreuses illustrations de ce manque de
pertinence des indicateurs, voire des objectifs eux-mêmes : certains objectifs
et résultats suscitent le scepticisme ; quelques-uns des résultats affichés
peuvent ne pas paraître crédibles, eu égard aux évolutions passées ; l'aspect
purement quantitatif de certains objectifs ne laisse pas de susciter des
interrogations sur leur pertinence ; l'affichage d'objectifs peut ne tirer
aucune conséquence du fait que plusieurs d'entre eux ne sont purement et
simplement pas atteints ; enfin, certains autres indicateurs de résultats sont
renseignés avec une évidente fantaisie.
Ces critiques, vous l'aurez compris, madame la ministre, portent
essentiellement sur les gestions passées, dont l'actuel gouvernement doit
aujourd'hui assumer les conséquences.
Aussi vous poserai-je, madame la ministre, la question suivante : comment
votre ministère s'implique-t-il dans la mise en oeuvre de la loi organique du
1er août 2001 et quand pourrez-vous nous présenter vos projets de programmes ?
Ne craignez-vous pas que le ministère de l'écologie ne soit en retard dans la
mise en oeuvre de cette profonde réforme, en particulier dans la définition des
indicateurs de résultats et de performances ?
Troisième observation : le projet de budget pour 2003 comporte des
orientations nouvelles qu'il convient de saluer.
D'abord, le changement de dénomination du ministère de l'environnement en
ministère « de l'écologie et du développement durable » ainsi que la création
d'un secrétariat d'Etat au développement durable traduisent bien les priorités
de la politique de la France en la matière : la solidarité entre les
générations ; la réconciliation entre protection de l'environnement et
développement économique, social et culturel, à travers une gestion responsable
des ressources naturelles ; l'information, l'éducation et la formation portant
sur les enjeux liés au développement durable. Ces grandes orientations sont
inscrites dans le document-cadre pour l'élaboration d'une stratégie nationale
de développement durable qui avait été adopté en vue du sommet de Johannesburg.
Un travail interministériel débutera prochainement afin de traduire rapidement
sur le terrain cette politique de promotion du développement durable.
Ensuite, conformément à un engagement du Président de la République, une
charte de l'environnement dans laquelle seront inscrits les principes
essentiels de la protection de l'environnement devrait voir le jour afin d'être
adossée à la Constitution. Le conseil des ministres du 5 juin dernier a engagé
la procédure en vue de son élaboration. Sur la base des propositions de la
commission présidée par M. Yves Coppens, et après une concertation
interministérielle, vous présenterez, madame la ministre, un projet de charte
en conseil des ministres avant le 5 juin 2003, date de la prochaine journée
mondiale de l'environnement.
Enfin, vous avez demandé à l'inspection générale des finances et à
l'inspection générale de l'environnement d'effectuer un audit du ministère
portant notamment sur deux points : le versement de subventions aux
associations et la mise au point d'une méthodologie permettant au ministère
d'appliquer la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances.
Quatrième observation : le projet de budget pour 2003 renoue, enfin ! avec la
sincérité budgétaire.
D'une part, les changements de périmètre sont limités, ce qui est plutôt
positif. Je rappelle en effet que, dans la loi de finances initiale pour 2002,
sur les 761 millions d'euros inscrits au budget, 381 millions, soit plus de 50
%, résultaient de simples modifications du périmètre budgétaire, ce qui
permettait de mettre en avant des progressions du budget de l'environnement
certes considérables, mais tout à fait factices.
Le projet de budget pour 2003 connaît donc une assez grande stabilité de son
périmètre, puisque les transferts sont limités à 6,20 millions d'euros, soit
seulement 0,8 % des dotations du ministère. De ce point de vue, je ne peux que
me féliciter de la fin de l'utilisation politique de l'environnement : en
effet, Mme Voynet avait systématiquement sacrifié les crédits de
l'environnement au profit de l'extension de son périmètre politique.
D'autre part, l'investissement est privilégié. Les efforts budgétaires
considérables - quoique en partie virtuels - en faveur du budget de
l'environnement au cours des années récentes avaient pour l'essentiel consisté
non pas à conduire des politiques publiques environnementales, mais à renforcer
les moyens du ministère et à créer des emplois publics.
Au contraire, le projet de budget pour 2003 tend à rompre avec cette
augmentation constante du nombre de fonctionnaires et avec la croissance
ininterrompue des dépenses de fonctionnement ; au contraire, l'accent est mis
sur les dépenses d'investissement : les crédits du titre V progressent de 19,4
% et ceux du titre VI de 6,1 %.
Pour l'ensemble de ces raisons, la commission des finances vous invite, mes
chers collègues, à adopter le projet de budget de l'écologie et du
développement durable pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre de l'écologie et du développement durable.
Vous avez procédé,
monsieur le rapporteur spécial - et je vous en remercie -, à une analyse très
approfondie du projet de budget de l'écologie et du développement durable, avec
la détermination et la précision qui vous caractérisent. Je vais répondre à vos
questions sur le même mode.
Auparavant, permettez-moi quelques rappels sur les principes de mon action,
dont le budget n'est que le moyen.
Le 7 mai 2002, j'ai pris en charge une politique que le Président de la
République a désignée comme l'un des axes prioritaires de son quinquennat et
que le Premier ministre a voulu inscrire dans le cadre du développement
durable. Le Président de la République a remarquablement donné, à Johannesburg,
sa dimension humaniste et internationale à ce ministère.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
J'ai voulu fonder notre action sur trois principes : la
sécurité, la transparence et la participation.
Sécurité d'abord, sécurité surtout : c'est une exigence forte de nos
concitoyens, et une grande partie du projet de budget lui est consacrée, avec
61 % des autorisations de programme et 63 % des crédits de paiement, hors
salaires. Sécurité industrielle, nucléaire et sanitaire, prévention des risques
naturels, sont des domaines auxquels les Français sont très attentifs.
Transparence ensuite, grâce à des débats apaisés, fondés sur l'expertise.
C'est le moyen le plus sûr de responsabiliser les décideurs et tous nos
concitoyens.
Participation enfin, car les Français ne s'intéressent à la politique que
s'ils sont associés aux décisions qui les concernent.
Le ministère dont j'ai la charge, m'avez-vous dit, a la réputation de ne
savoir que faire de ses crédits. On en trouverait la preuve dans les reports
importants, que vous stigmatisez, monsieur le rapporteur spécial. Vous m'avez
d'ailleurs posé une question très directe sur les initiatives que j'ai prises
pour corriger les « errements antérieurs ». Ma réponse tiendra en quelques
points.
La loi de finances initiale pour 2002 s'est établie à 769 millions d'euros et
les crédits ouverts, compte tenu des reports, notamment ceux de l'ADEME,
s'établissent à 1 175 millions d'euros.
Au 26 novembre 2002, le montant réel restant disponible à ordonnancer au
niveau central s'établit à 43 millions d'euros, soit 5,6 % des crédits de la
loi de finances initiale et 3,6 % des crédits ouverts après prise en compte des
mesures de régulation, dont les reports obligatoires, qui ont beaucoup porté
sur l'ADEME.
A ce stade de l'exercice, les montants en voie de consommation apparaissent
donc plutôt satisfaisants. Une limitation des engagements a d'ailleurs dû être
opérée sur certains chapitres, faute d'avoir la certitude de conserver, après
gel et reports obligatoires, les crédits nécessaires au paiement des
engagements actés.
Pour mémoire, les crédits gelés se sont élevés à 66 millions d'euros et les
reports obligatoires sur 2003 à 302 millions d'euros. Plus de 250 millions
d'euros des crédits gelés ou reportés, soit environ 70 %, ont concerné l'ADEME
et environ 10 % d'autres établissements publics.
Je considère donc que les premiers résultats du travail d'ascèse budgétaire
que j'ai entamé à mon arrivée sont obtenus.
Ce projet de budget est marqué par une stabilité des moyens, l'objectif étant
de mieux dépenser. Dès mon arrivée, j'ai effectué une analyse du budget qui m'a
démontré que mes prédécesseurs les plus directs avaient abusé des effets
d'annonce, d'où un grand écart entre les moyens d'engagement et les moyens de
paiement. Pardonnez-moi cette image, mais les autorisations de programme non
couvertes jonchaient le sol de mon bureau.
Certain ont affirmé que le budget du ministère diminuait. La partie « dure »
du budget - les crédits de paiement et de fonctionnement, le total des dépenses
ordinaires et des crédits de paiement - ne diminue pas. Dans la mesure où je
n'ai pas négocié et construit ce budget comme un instrument d'affichage, je
n'ai pas cherché à le faire paraître en augmentation.
Il est vrai que les autorisations de programme diminuent. Mais elles n'étaient
pas entièrement couvertes. Donc la sincérité augmente. Les maintenir aurait
consisté à continuer de signer trop de chèques sans provision ; ce n'est pas ma
méthode.
Les dépenses ordinaires diminuent également, ce qui répond à l'objectif du
Gouvernement et du Parlement de mieux maîtriser les dépenses de fonctionnement.
L'effort, hors salaires, atteint près de 3 %.
Les moyens de travail du ministère augmentent. Les crédits de paiement
s'accroissent de 8,9 %. L'écart avec les autorisations de programme, qui a
diminué, reste important. Mais il sera compensé en 2003 par les reports -
imposés, je vous le rappelle ; on ne pourra donc pas me les reprocher - qui
seront consommés. Le total des dépenses ordinaires et des crédits de paiement
reste constant.
Quant aux emplois, ils sont stables. Quelques échanges entre services et
ministères sont réalisés. Mais cette stabilité recouvre des redéploiements.
J'ai, en effet, décidé d'« autofinancer » en emplois mes priorités. C'est une
chose à laquelle mon ministère n'était plus habitué depuis fort longtemps.
Le centre hydrométéorologique de Toulouse, par exemple, qui jouera un rôle
crucial dans la surveillance des orages cévenols et dont la création avait été
annoncée par mes prédécesseurs mais non préparée, reçoit dix emplois de haut
niveau, créés par redéploiement. J'ai, par le même moyen, décidé de
déconcentrer certains emplois des administrations centrales vers les services
régionaux, notamment pour renforcer les capacités de gestion et de concertation
du système Natura 2000.
Au-delà de cet effort, je veux, dans le cadre du travail de simplification et
de décentralisation entrepris par le Gouvernement, réformer le ministère qui
m'a été confié. Il me faudra du temps pour concevoir cette réforme et
l'expliquer aux agents placés sous mon autorité, dont je constate chaque jour
le dévouement et le sens de l'intérêt général. Il me faudra des moyens ; il me
faudra votre aide.
Vous me posez une deuxième question, monsieur le rapporteur spécial, sur
l'ADEME. Certains points de votre analyse méritent des commentaires
techniques.
L'ADEME a connu dernièrement un changement de sa source de financement, qui a
consisté en une budgétisation de la TGAP - taxe générale sur les activités
polluantes. L'ADEME, à partir de 1999, a donc reçu non plus de taxe affectée,
mais une dotation de l'Etat par le budget général.
Cette dotation a consisté en l'inscription, l'année zéro, sur le budget du
ministère de l'écologie et du développement durable, des autorisations de
programme et des crédits de paiement correspondant à la TGAP, le compte spécial
alimenté par la TGAP étant, comme le FNSE, le fonds national de solidarité pour
l'eau, alimenté en autorisations de programme et en crédits de paiement à
niveau égal.
La surdotation que vous évoquez résulte donc de l'attribution de crédits de
paiement à la hauteur des autorisations de programme dès le démarrage des
actions sur les déchets sans qu'il ait été tenu compte du temps nécessaire pour
mettre en place les actions et donc engager les autorisations de programme. Il
ne faudrait pas que cette technique d'alimentation en crédits de paiement soit
à l'origine d'une confusion en accréditant l'image d'une mauvaise gestion.
A la fin de l'année prochaine, ces crédits de paiement devraient être
entièrement consommés d'après l'ADEME, d'après mes services et d'après ceux du
ministère chargé du budget. Ces trois sources concordantes me rassurent.
J'ajoute que ces reports de crédits de paiement sont représentatifs de «
dettes » exigibles à court terme par les collectivités locales.
J'ai déjà engagé, avec mon collègue Alain Lambert, des discussions
particulières pour prendre en compte les besoins réels de l'ADEME en 2004.
Mais vous noterez, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs, vous qui
êtes légitimement attachés à l'activation et à la sincérité des comptes
publics, que le débat s'est déplacé. Pour ce qui concerne l'ADEME, on parlera
en effet bientôt non plus de reports, mais de besoins de crédits de
paiement.
L'autre volet de la question sur l'ADEME porte sur les difficultés qu'elle
rencontrerait pour assurer ses missions et traiter des dossiers nouveaux
concernant la gestion des déchets, en particulier des déchets ultimes.
D'une part, la notion de « déchets ultime », vous le savez, est juridiquement
floue et loin d'être opérationnelle. Il était important cependant de ne pas
s'arrêter à ce constat et de faire en sorte que l'échéance du 1er juillet 2002
soit matérialisée, sinon les acteurs se seraient démobilisés. Poursuivre la
mise en oeuvre du système d'aide tel qu'il était conçu aurait consisté à donner
une prime aux retardataires. J'ai donc confirmé la suspension, pour
redéfinition, des aides de l'ADEME et ai engagé une réflexion sur une fiscalité
récompensant les « bons élèves ».
D'autre part, de nouveaux objectifs de progrès doivent être fixés. Une
réflexion est en cours, qui aboutira à une nouvelle politique au printemps
2003. Je peux vous citer quelques pistes.
Il s'agit de s'attaquer concrètement à la réduction du volume des déchets,
pour laquelle rien n'a été fait sérieusement jusqu'alors.
Il faudra aussi prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre des
différents systèmes de gestion de déchets.
Enfin, il faut avoir bien présent à l'esprit la carence en capacités de
traitement en France. D'après l'ADEME, notre pays ne dispose pas plus de six
ans de capacité. Il y a donc une nécessité impérieuse pour les élus de se
mobiliser sur ce sujet.
Je voudrais maintenant aborder la question du FNSE.
J'ai fait tout à l'heure un parallèle entre la TGAP et le FNSE. Pourquoi ?
Parce que le système étant le même - alimentation en autorisations de programme
et en crédits de paiement à montant égal -, les critiques sont les mêmes,
faible taux de consommation des crédits de paiement en début de vie ou de
programme, et le type de réponse est le même : il est difficile de reprocher à
un compte d'affectation spéciale de ne pas se comporter comme un chapitre du
budget de l'Etat, puisque ce n'en est précisément pas un. Je dois vous avouer
que les difficultés de compréhension du système et donc de sa programmation et
de sa gestion en 2003 m'ont parfois fait regretter qu'il ne soit pas
budgétisé.
Mais le FNSE n'est qu'un segment des financements de la politique de l'eau. Au
moment où je renoue la concertation au sujet de la loi sur l'eau ; où nous
devons transcrire la directive-cadre européenne, où il devient urgent de
stabiliser les ressources des agences de l'eau, il m'a semblé que travailler
sur les moyens financiers n'était pas la première chose à faire. Lorsque la
politique sera définie, après une concertation appuyée, lorsque la structure
des interventions sera précisée, viendra le moment des réflexions sur le
FNSE.
Pour l'instant, la diminution de 20 millions d'euros que vous avez fait porter
sur ce fonds rend encore plus difficile l'exercice de redéploiement que j'ai
entrepris.
J'ajoute qu'à votre demande, monsieur le rapporteur spécial, j'ai fait
effectuer par mes services un test rapide sur quelques ordonnateurs secondaires
quant au taux de passage des autorisations de programme déléguées en conférence
administrative régionale qui, si l'on retire les incidents de fin de gestion,
dus au manque de vigilance des maîtres d'ouvrage ; donne une idée assez fidèle
du taux d'engagement en clôture de gestion.
Le résultat est intéressant : sur quatre ordonnateurs secondaires testés, deux
atteignent un taux de 100 %. La montée en puissance des programmes du fonds
européen de développement régional, le FEDER, dont les crédits du FESE sont
souvent la contrepartie, est l'une des raisons de ce résultat en net progrès.
Cela veut dire que les reports de crédits de paiement que vous avez constatés
correspondent à des autorisations de programme qui seront bien engagées. Ils ne
sont donc pas disponibles.
Enfin, pour clore cette question du FNSE, je voulais vous dire que j'en avais,
pour 2003, changé la donne.
En faisant notamment en sorte que le FNSE finance, plus que les années
précédentes, les initiatives des collectivités locales tendant à créer ou
restaurer des champs d'expansion des crues afin de réguler les débits en tête
de bassin et prévenir les inondations, j'ai fait en sorte de revenir à l'esprit
initial du FNSE, qui avait été oublié par mes prédécesseurs.
Vous avez abordé enfin la question de la loi organique sur les lois de
finances.
Le ministère de l'écologie et du développement durable a entrepris de
s'organiser, depuis plusieurs mois, pour préparer la mise en oeuvre de cette
loi.
J'ai mis en place un comité de pilotage, présidé par le directeur de mon
cabinet et réunissant l'ensemble des directeurs d'administration centrale. Un
comité de suivi, regroupant les responsables de chacune des directions, est
chargé, par ailleurs, de mettre en place les orientations décidées.
La nature, le nombre et le contenu des programmes ministériels seront
directement déterminés d'après les travaux de ce comité.
La bonne information du Parlement, et du Sénat en particulier, sur une
politique donnée rend nécessaire l'inclusion, dans un même programme, de
l'ensemble des moyens dévolus à chaque politique.
Or ces moyens peuvent être actuellement, sur un plan budgétaire, dispersés
entre plusieurs ministères et établissements publics. Il conviendra donc, pour
répondre à la lettre comme à l'esprit de la loi organique relative aux lois de
finances, de définir les voies permettant au Parlement de voter, au sein d'un
même document, l'intégralité des moyens consacrés à ces politiques.
La même réflexion est en cours sur des catégories d'indicateurs de résultats
qui seront nécessaires et qui vous tiennent tant à coeur.
Ces réflexions sont naturellement conduites en liaison avec le ministère en
charge de la réforme budgétaire.
Vous avez souligné, à juste titre, monsieur le rapporteur spécial, les
regrettables errances de mes prédécesseurs. Vous constaterez aujourd'hui,
mesdames, messieurs les sénateurs, que notre ministère s'est livré à un travail
d'optimisation, de régularisation et de transparence nécessaire, voire
indispensable.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jean Bizet, rapporteur pour avis.
M. Jean Bizet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les crédits
inscrits au titre de l'environnement sont stabilisés à hauteur de 768,16
millions d'euros pour 2003.
Aux dotations budgétaires, il convient d'ajouter les crédits du fonds national
de solidarité pour l'eau, qui s'élèvent à 83 millions d'euros, et sur lesquels
je reviendrai plus en détail dans un instant.
En préambule, il convient de souligner - pour s'en réjouir - les nouvelles
orientations impulsées par Mme la ministre s'agissant de la conduite de son
ministère.
Ainsi, la nouvelle dénomination retenue pour le ministère, à savoir l'écologie
et le développement durable, traduit un changement d'attitude et incarne la
volonté de privilégier une approche pragmatique des problèmes de
l'environnement ainsi que le travail d'équipe avec des ministères comme celui
de l'industrie, de l'équipement, de l'agriculture ou encore de l'intérieur.
Cette orientation s'inscrit totalement dans la vision que nous avons toujours
eue pour le ministère en charge de l'environnement, qui devait être, pour nous,
une administration de mission capable de lancer et de faire appliquer des
réglementations et des politiques respectueuses de l'environnement par les
administrations de l'Etat, et cela en étroite coopération avec les
collectivités territoriales et les différents acteurs économiques de
terrain.
Aussi, le projet de budget pour 2003 rompt-il avec la progression, constatée
les années précédentes, des dépenses de fonctionnement et des augmentations
d'effectifs, pour mettre l'accent sur les dépenses d'investissement.
La seconde orientation de ce budget tourne le dos aux effets d'affichage, que
j'avais dénoncés les années précédentes, et met en avant la volonté de dépenser
mieux. C'est une première réponse aux critiques émises par la Cour des comptes
sur la très insuffisante consommation des crédits de l'environnement, critiques
réitérées sur l'application du budget 2001.
A propos des crédits consacrés à la nature et aux paysages, je prends bonne
note, madame la ministre, de votre volonté de faire progresser la mise en
oeuvre du réseau Natura 2000 en relançant une véritable politique de
concertation ; les deux lettres circulaires envoyées aux préfets en juillet et
en août 2002 vont dans le bon sens.
Pour 2003, l'objectif affiché est de signer et d'honorer financièrement un
nombre important de contrats de gestion sur les sites Natura 2000 avec
l'ensemble des propriétaires et des gestionnaires.
Toutefois, pour que la France se mette effectivement en conformité avec ses
obligations communautaires, encore faut-il lever un certain nombre d'ambiguïtés
fondamentales, tout particulièrement en ce qui concerne le maintien des
activités économiques et le développement local sur les territoires
concernés.
Ainsi reste la question de l'interprétation à donner à la notion de
perturbation, qui suscite, à juste titre, beaucoup d'interrogations parmi les
élus locaux, les gestionnaires et les usagers de la nature. Une interprétation
extensive de ce concept fait craindre la sanctuarisation de certains sites. Il
sera nécessaire d'ailleurs d'actualiser les inventaires scientifiques qui sont
à l'origine des propositions de sites, car certains ne sont plus à jour.
Les concertations en cours sur des sites complémentaires à notifier à la
Commission européenne vont-elles permettre d'actualiser certaines des données
scientifiques initiales sur la base desquelles des périmètres ont été proposés
?
S'agissant du financement des engagements de gestion, que se passera-t-il en
cas de disparition du contrat territorial d'exploitation ?
Sans qu'il s'agisse spécifiquement des sites Natura 2000, je note aussi les
difficultés que nous rencontrons sur le plan local pour faire évoluer la
réglementation concernant l'implantation de bâtiments agricoles sur des
terrains proches du rivage afin de permettre l'existence d'une activité
agricole compatible avec la protection de l'environnement et la qualité des
paysages.
La réglementation actuelle n'autoriserait que des superficies de vingt mètres
carrés, hors oeuvre brute : vous admettrez avec moi, madame la ministre, que
c'est absolument dérisoire.
Que proposez-vous, madame la ministre, pour autoriser effectivement le
maintien d'activités agricoles, pour lesquelles la proximité du rivage est
nécessaire en raison de leur nature même ou d'une dénomination géographique
reconnue ?
En ce qui concerne la politique de l'eau, les crédits budgétaires qui y sont
consacrés diminuent de 13,2 %, et je note que les moyens du FNSE sont
réorientés vers la mise en oeuvre de votre plan de lutte contre les
inondations, par le soutien aux collectivités locales dans leurs actions de
création ou de restauration des zones d'expansion des crues.
Sans revenir sur les excellents développements qu'a consacrés mon collègue M.
Philippe Adnot au FNSE, je m'associerai à son souhait de voir évoluer
profondément cet outil, qui est totalement inadapté. La réflexion sur
l'éventuelle budgétisation du prélèvement sur les agences doit être menée dès
2003 afin que soient déconnectées les autorisations de programme des crédits de
paiement et que ne soient prélevées que les sommes effectivement nécessaires à
la réalisation de besoins dûment identifiés.
A propos de la lutte contre les pollutions dans le secteur de l'eau, plus
particulièrement de la directive nitrates, qui impose la désignation des zones
en excédent structurel, je relève que l'évaluation forfaitaire des rejets
d'azote estimés et l'évaluation des surfaces épandables interdisent de prendre
en compte les efforts des éleveurs pour réduire les productions d'azote
organique ou encore pour optimiser les surfaces d'épandage.
Que peut-on envisager pour prendre en compte les efforts réels de la
profession et autoriser ainsi un canton classé en ZES - zone économique
spéciale - à sortir de cette désignation dès lors que la résorption des
excédents d'azote est constatée ?
Enfin, ma dernière question portera sur un aspect de la fiscalité écologique
mise en place par le précédent gouvernement, à savoir l'application de la taxe
générale sur les activités polluantes aux produits phytosanitaires.
On peut constater que, conformément à l'engagement de la profession de
diminuer le volume des lessives dans le cadre de son code de bonne pratique
environnementale, le tonnage de lessives commercialisé en France a
régulièrement baissé depuis 1997 ainsi que le tonnage de phosphates qu'elles
contiennent. La proportion de phosphates dans les lessives est ainsi passée de
25 %, voilà quinze ans, à 9,7 % en 2001.
Dans ces conditions, l'application de la TGAP aux lessives sans phosphate ne
peut s'inscrire dans une fiscalité incitative de nature à encourager la
profession à poursuivre dans cette voie.
Madame la ministre, comptez-vous proposer un réaménagement de ce compartiment
de la TGAP afin de prendre en compte les efforts de protection de
l'environnement ?
En outre, je souhaiterais obtenir des éclaircissements sur l'intitulé de la
rubrique « substances classées dangereuses qui entrent dans la composition des
produits antiparasitaires à usage agricole et produits assimilés ».
Cette dénomination concerne-t-elle les produits utilisés par la filière
agroalimentaire, en particulier les produits désinfectants pour les surfaces en
contact avec des denrées alimentaires ?
Si tel était le cas, l'impact sur les prix pourrait être tel que les
utilisateurs n'emploieraient plus de produits homologués et fabriqueraient
leurs propres dosages. Cela aurait certainement des conséquences négatives en
matière de santé publique alors même que ces produits désinfectants utilisés
pour des usages et selon des conditions d'emploi bien définis ne peuvent être
considérés comme polluants.
Madame la ministre, la commission des affaires économiques a émis un avis
favorable sur l'adoption des crédits consacrés à l'environnement et au
développement durable pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Ambroise Dupont, rapporteur pour avis.
M. Ambroise Dupont,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles.
Madame la
ministre, les crédits de votre ministère se stabilisent à 768 millions
d'euros.
Cette pause ne constitue pas, nous le savons, le signe d'un relâchement de
l'attention vigilante que le Gouvernement entend porter à l'écologie et à la
promotion d'un développement durable.
Elle répond plutôt à la volonté de revenir à un effort de sincérité
budgétaire, car la très forte progression des dotations de votre département
ministériel, au cours des années passées, s'était accompagnée d'une dégradation
concomitante du taux de consommation des crédits, dénoncée par le Sénat et par
la Cour des comptes, et avait entraîné l'accumulation de reports de crédits
qu'il convient maintenant d'apurer. Vous nous l'avez très bien dit avec force,
clarté et conviction.
Je ne reviendrai pas en détail sur l'analyse des crédits de votre ministère
qu'ont parfaitement présentés mes collègues de la commission des finances et de
la commission des affaires économiques. Je concentrerai mon analyse sur
quelques points particuliers en relation avec le champ de compétence de notre
commission.
J'évoquerai tout d'abord la protection de la nature, des sites et des
paysages, dont les crédits devraient s'élever à 120,7 millions d'euros en
2003.
Les crédits consacrés aux sept parcs nationaux enregistrent une hausse modérée
de 2,3 % et je souhaiterais plus particulièrement vous interroger, madame la
ministre, sur les trois nouveaux parcs dont la création est envisagée pour 2004
en Guyane, à la Réunion et en mer d'Iroise.
Où en est la préfiguration de ces trois projets ? Sont-ils bien reçus des
collectivités territoriales concernées ? Leur création respectera-t-elle le
calendrier prévu ? Quel en sera le coût budgétaire ?
J'ai noté que le Conservatoire du littoral devrait bénéficier, en 2003, de la
création de trois emplois budgétaires et d'un emploi dit de déprécarisation. Je
souhaiterais, à cette occasion, connaître votre point de vue sur les
propositions qui avaient été formulées par notre collègue Louis Le Pensec.
Certaines d'entre elles ont trouvé une traduction législative dans la loi sur
la démocratie de proximité. Tirez-vous un bilan positif des premiers mois
d'application de ces nouvelles dispositions ? Quelles suites envisagez-vous de
donner, par ailleurs, aux recommandations selon lesquelles une augmentation des
moyens du Conservatoire était souhaitable pour lui permettre de faire face à
l'extension de son patrimoine ?
J'aborderai également la protection de l'eau et des milieux aquatiques dont
les crédits s'élèvent à 28,35 millions d'euros dans le projet de budget pour
2003. Leur diminution de 13 % par rapport à 2002 est à rapprocher de la
sous-consommation de ces mêmes crédits au cours des exercices précédents.
Nous approuvons le souci de sincérité budgétaire qui inspire ces
réajustements, mais, compte tenu de la gravité des catastrophes naturelles
auxquelles nous sommes confrontés depuis quelques mois, nous souhaitons inciter
le Gouvernement à tirer pleinement parti des moyens budgétaires dont il dispose
pour renforcer des efforts indispensables.
Les plans de prévention des risques constituent un outil essentiel de lutte
contre les inondations ; les 5 000 communes les plus exposées doivent en être
dotées d'ici à 2005. Vous avez annoncé votre intention d'accélérer la mise en
oeuvre des mesures prescrites dans le cadre de ces plans de prévention, en
recourant, le cas échéant, au « fonds Barnier ». Pourriez-vous, madame la
ministre, nous donner quelques précisions sur les modalités de cette réforme
et, d'une façon générale, sur le nouveau système de prévention des crues que
vous souhaitez mettre en place ?
Je souhaite également évoquer le naufrage du pétrolier
Prestige
et les
menaces de pollution qu'il fait peser sur nos côtes.
J'avais projeté de vous interroger sur le financement d'un éventuel plan de
lutte contre les pollutions marines - POLMAR -, mais vous avez, par avance,
répondu à mon interrogation au cours de la séance des questions d'actualité,
hier après-midi. Je n'y reviendrai donc pas, mais j'évoquerai, en revanche, le
Fonds international d'indemnisation pour les dommages dus à la pollution par
les hydrocarbures, le FIPOL.
Le plafond du FIPOL a fait l'objet d'un premier relèvement à la suite du
naufrage de l'
Erika.
Mais nous sommes encore loin du montant de 1
milliard d'euros qui a été proposé par la France dans son mémorandum de février
2000. Pourrons-nous espérer l'atteindre par un relèvement des cotisations des
Etats membres, ou faut-il plutôt que nous envisagions la création d'un nouveau
fonds indépendant ? Quelles positions la France envisage-t-elle de défendre
lors de la prochaine conférence diplomatique du FIPOL qui se tiendra en mai
prochain ?
Dans le domaine de la prévention des pollutions et des risques, je souhaitais
vous faire part de la préoccupation que constitue pour de nombreux élus
l'arrivée à échéance, en juillet 2002, du délai fixé par la loi n° 92-646 du 13
juillet 1992 pour la mise aux normes des installations de traitement et
d'élimination des déchets. Celle-ci se traduit, dans votre projet de budget
pour 2003, par une diminution - sur laquelle vous vous êtes expliquée tout en
attirant notre attention sur la nécessité de ne pas en abuser - des
autorisations de programme de l'Agence de l'environnement de la maîtrise de
l'énergie consacrées à cette action. Beaucoup reste cependant à faire en ce
domaine - vous en êtes convaincu, je crois - et il serait utile que votre
ministère prenne contact avec les collectivités locales pour envisager de
donner une suite à ce programme d'amélioration des installations.
Enfin, j'en viens, madame la ministre, au projet de charte de l'environnement.
Son élaboration et son adoption constitueront une des actions phares de votre
ministère et du Gouvernement pour l'année 2003.
Nous apporterons, bien entendu, notre plein soutien à ce projet qui donnera
une consécration constitutionnelle à la défense de l'environnement que compte
mener notre pays en matière de promotion du développement durable.
Nous nous interrogeons sur la traduction juridique qu'il convient d'apporter à
l'expression, utilisée par le Président de la République, de « charte adossée à
la Constitution ».
Les dispositions de la charte seront-elles insérées dans le texte même de la
Constitution ou dans son préambule, dont elles constitueront un article ou un
alinéa nouveau ? La charte constituera-t-elle un texte distinct de la
Constitution mais inséré dans l'ordre constitutionnel par le jeu d'une simple
mention dans le préambule de la Constitution ?
Nous souhaiterions également en savoir davantage sur la procédure
d'élaboration de ce texte.
Certes, nous savons qu'une commission d'experts, présidée par le professeur
Yves Coppens, est chargée d'éclairer les enjeux scientifiques et techniques de
cette charte, et qu'elle doit présenter les conclusions de ses travaux,
assorties d'une proposition de texte, le 31 mars prochain.
Nous savons également que le Gouvernement a entamé une large concertation
nationale qui sera complétée, en début d'année 2003, par l'organisation
d'assises territoriales en métropole et outre-mer, pour mieux saisir les
attentes de notre société.
Toutefois, nous nous interrogeons sur la contribution que le Parlement sera
invité à y apporter.
Le Parlement sera-t-il saisi du texte même de la charte, qu'il pourra alors,
par voie d'amendement, modifier, infléchir ou compléter ? Ou bien son rôle se
limitera-t-il à insérer dans le préambule de la Constitution de 1958 la mention
d'une charte de l'environnement déjà rédigée, et qui, la faisant figurer aux
côtés de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 et du
préambule de la Constitution de 1946, l'intégrerait telle quelle dans le « bloc
de constitutionnalité » ?
Cette seconde procédure serait-elle acceptable au regard des exigences qui
sont habituellement imposées à toute autorité constituante ? Je rappelle, à
titre de comparaison, que le préambule de la Constitution de 1946 avait été
rédigé par l'assemblée élue le 2 juin 1946, dont la compétence
constitutionnelle avait été définie, au préalable, par la loi du 2 novembre
1945.
Bien entendu, par-delà ces interrogations plus juridiques
qu'environnementales, nous souhaiterions également connaître, madame la
ministre, le contenu et la portée des principes que vous souhaitez voir
consacrer dans cette charte.
Ce projet répond aux attentes environnementales de nos concitoyens, préoccupés
par l'avenir de notre planète. L'intérêt que nous portons à ce projet et la
volonté que nous avons de soutenir les actions que vous avez engagées ont
incité notre commission à recommander au Sénat d'émettre un avis favorable à
l'adoption des crédits de l'écologie et du développement durable pour 2003.
(Applaudissements sur les travées des Républicains Indépendants, du RPR et
de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Je vous remercie, messieurs les rapporteurs, d'avoir exposé les
orientations qui ressortent du projet de budget qui vous est présenté, tout en
ne cherchant pas à minimiser les problèmes qui pourront se poser. Vos questions
vont d'ailleurs me permettre de poursuivre cette clarification.
Vous avez, en particulier, bien saisi la difficulté de travailler à une ascèse
budgétaire indispensable pour réduire le déficit de l'Etat, alors que l'opinion
publique est depuis quelque temps régulièrement traumatisée par des
catastrophes technologiques - AZF, le
Prestige,
si mal nommé - ou par
des catastrophes naturelles - les inondations dans le Gard et dans le grand
Sud-Est qui ont encore touché des personnes déjà sinistrées voilà quelques
jours.
Je procéderai à des redéploiements pour optimiser les moyens du ministère ; la
stabilité des crédits et des emplois que je vous propose ne doit pas cacher de
profondes évolutions. Les réponses que je vais tenter d'apporter à vos
nombreuses questions, messieurs les rapporteurs, devraient me permettre
d'illustrer ce point.
Je commencerai par traiter quelques-uns des sujets très techniques et précis
évoqués par M. Bizet.
La « directive nitrates » prévoit en effet une limitation, pour chaque
exploitation, des apports d'azote issus des effluents d'élevage à 170
kilogrammes par hectare et par an à partir du 20 décembre 2002. Dans les zones
à forte concentration d'élevages, ont été définies des zones en excédent
structurel, les ZES : dans ces cantons, la quantité totale d'effluent d'élevage
produite annuellement conduirait, si elle était épandue en totalité sur leur
territoire, à un apport annuel d'azote supérieur à 170 kilogrammes par hectare
de surface susceptible de recevoir ces effluents.
La désignation de ces zones se fait sur la base d'une évaluation forfaitaire
des quantités d'azote produites et des surfaces épandables. Le classement d'un
canton en ZES signifie que le risque de pollution de l'eau par les nitrates
issus des effluents d'élevage est plus important qu'ailleurs ; en conséquence,
l'action y est prioritaire.
La résorption pérenne de cet excédent structurel ne peut être atteinte que par
une baisse des effectifs animaux qui traduit une diminution structurelle de la
pression organique, ou la mise en oeuvre de moyens de traitement des effluents,
qui traduit une diminution des apports effectifs d'azote. Il en résulte que
cette voie est la seule qui permette de sortir de cette situation.
La détermination des actions à mettre en oeuvre tient compte des efforts déjà
entrepris par les éleveurs, par exemple à la source, par réduction des
quantités d'azote produites par animal, par l'augmentation des surfaces
épandables, par transfert ou traitement des effluents produits. Ainsi,
l'objectif de résorption qui est déterminé pour chaque canton en ZES est
d'autant plus faible que les efforts déjà engagés par les éleveurs sont
importants. Par ailleurs, lorsque les excédents d'azote sont résorbés,
c'est-à-dire que l'azote organique épandu passe sous le niveau de 170
kilogrammes par hectare et par an, la principale contrainte liée aux ZES, à
savoir l'interdiction d'augmenter les effectifs animaux, est supprimée.
En conclusion, les textes permettent heureusement d'ores et déjà de prendre en
compte les efforts réels entrepris par la profession agricole.
Vous me demandez ensuite un réaménagement de la TGAP pour les lessives.
Les lessives comprennent systématiquement des agents de surface,
tensio-actifs, et, pour certaines d'entre elles, des phosphates. Ces composants
rejetés dans les eaux usées ne sont que partiellement éliminés par les chaînes
de traitement, avant d'être rejetés dans le milieu naturel. Leurs effets sur
l'environnement sont potentiellement toxiques, car ils nuisent à la flore et à
la faune aquatiques et marines.
La décision d'intégrer les lessives dans l'assiette de la TGAP vise donc à
réduire à la source les pollutions engendrées par ces produits qui ne peuvent
pas être complètement éliminés par les systèmes classiques d'épuration. Les
lessives avec phosphates font l'objet d'un taux de taxe plus élevé pour inciter
à la mise sur le marché de lessives sans phosphates. Ces dernières restent
taxées dans la mesure où elles contribuent à apporter des agents tensio-actifs.
Il y a donc lieu de maintenir dans le champ de la TGAP les lessives sans
phosphates, sachant que leur niveau de taxation est inférieur.
Vous souhaitez enfin quelques éclaircissements sur « les substances classées
dangereuses qui entrent dans la composition des produits antiparasitaires à
usage agricole ».
La TGAP s'applique aux produits antiparasitaires à usage agricole et produits
assimilés, dont la mise sur le marché est autorisée en application de la loi n°
525 du 2 novembre 1943, et contenant des substances classées dangereuses. Cette
taxe concerne à la fois les produits utilisés en zones agricoles et en zones
non agricoles. Son assiette, pour chaque produit commercialisé, dépend du poids
de chaque substance dangereuse entrant dans sa composition.
A partir des données disponibles et après évaluation par un comité d'experts
ou, à défaut, par le fabricant, la procédure de classement d'une substance
active peut aboutir à lui attribuer des symboles de danger et des phrases de
risques que vous connaissez, destinés à caractériser les dangers qu'elle
présente pour l'homme et l'environnement. Dans ce cas, cette substance entre
dans la catégorie des substances classées dangereuses. A chaque substance
active classée dangereuse est affectée une taxe au kilogramme dont le montant
est fonction de son classement toxicologique et écotoxicologique.
La directive 98/8 de la Communauté européenne concernant la mise sur le marché
des biocides, actuellement en cours de transposition, concernera à terme les
produits désinfectants pour les surfaces au contact des denrées alimentaires.
Le point 7 de l'article 253-1 du code rural, qui définit « les produits
destinés à l'assainissement et au traitement antiparasitaire des locaux,
matériels, véhicules, emplacements et dépendances utilisés pour la récolte, le
transport, le stockage, la transformation industrielle et la commercialisation
des produits d'origine animale ou végétale » comme antiparasitaires à usage
agricole a été abrogé en avril 2001. Néanmoins, il reste en vigueur jusqu'à ce
qu'une décision soit prise dans le cadre de la directive « biocides »
concernant les substances actives qui composent ces produits. Les produits
désinfectants utilisés par la filière agroalimentaire entrent donc bien, à
l'heure actuelle, dans le champ de la TGAP.
J'espère avoir répondu le plus précisément possible à votre question, monsieur
le rapporteur pour avis.
Je reviendrai sur les autres points que vous avez évoqués dans quelques
instants, mais passer de la TGAP au FIPOL, sujet qu'a soulevé M. Ambroise
Dupont, me paraît finalement être une bonne transition.
J'ai eu l'occasion de répondre sur ce sujet à une question orale à l'Assemblée
nationale voilà quelques jours, et je profite de l'opportunité qui m'est
offerte aujourd'hui pour apporter une information complète à la Haute
Assemblée.
Le FIPOL est d'actualité pour deux raisons : d'une part, la date du 12
décembre a été retenue pour la présentation des créances de l'
Erika ;
d'autre part, son avenir fait l'objet de débats européens.
Oui, l'Etat compte bien assigner le FIPOL avant le 12 décembre et lui
présenter sa créance pour les quelque 150 millions d'euros qu'il a dû dépenser
dans les opérations de nettoyage de nos côtes après le naufrage de
l'
Erika.
Le contraire serait profondément choquant : c'est bien au pollueur et à son
système d'assurances qu'il incombe de payer, et non aux contribuables. Je vous
confirme, monsieur Dupont, que cette assignation est d'ores et déjà
effectuée.
Je confirme également le maintien de l'Etat en situation volontaire de
créancier de second rang. Alors que, déjà, les victimes de la pollution de
l'
Erika
seront sans doute loin de percevoir une indemnisation à la
hauteur des préjudices réellement subis, il est en effet de notre devoir de
solidarité nationale de ne pas alourdir encore le poids qui pèse sur leurs
épaules.
Il faut en revanche rechercher les solutions qui permettraient de mieux aider
les victimes de ces pollutions.
Notre choix est, aujourd'hui, plutôt que de dénoncer la convention de 1992, ce
qui nous isolerait, de militer pour que le FIPOL évolue.
En clair, je demande principalement deux améliorations sensibles.
Premièrement, je souhaite le relèvement du plafond d'indemnisation du FIPOL à
hauteur de un milliard d'euros, alors qu'il était inférieur à 200 millions
d'euros lors de la catastrophe de l'
Erika
.
M. Jacques Oudin.
Très bien !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Nous devrons compter sur une mobilisation ferme de l'Union
européenne pour faire aboutir cette demande. En cas d'échec, mais dans ce cas
seulement, il faudra alors étudier la création d'un fonds complémentaire
d'indemnisation à l'échelle communautaire. Car, si nous rentrons dans cette
logique, monsieur le sénateur, nous payons deux fois. Nous sommes les plus
menacés et nous allons constituer un fonds qui nous permettra de répondre aux
besoins d'indemnisation.
Deuxièmement, il convient que le FIPOL prenne enfin convenablement en compte
les dommages écologiques. Ceux qui prétendent aujourd'hui que les dommages
écologiques ne sont ni tangibles ni mesurables se trompent. Les dommages
écologiques d'aujourd'hui auront un impact économique indiscutable demain, et
des moyens existent pour les quantifier.
Sur ces deux points, il faut que la France parvienne à mobiliser un front
commun, notamment au sein de l'Union européenne, afin de faire aboutir sa
demande. Je m'y suis déjà attelée.
M. Bizet, rapporteur pour avis, a abordé une question délicate, celle du
maintien d'activités agricoles pour lesquelles non seulement la proximité du
rivage mais aussi l'implantation de bâtiments proches de celui-ci sont
nécessaires.
L'article L. 146-6 du code de l'urbanisme, article issu de la loi du 2 mars
1986, dite loi littoral, dispose que, dans les espaces identifiés comme
remarquables en raison de leur qualité environnementale, notamment paysagère,
ne sont possibles que des aménagements légers, lorsqu'ils sont nécessaires à
leur gestion, à leur mise en valeur, notamment économique ou, le cas échéant, à
leur ouverture au public.
Plus précisément, les notions « d'espace remarquable » et « d'aménagement
léger » sont définies dans les articles R. 146-1 et R. 146-2 du même code.
Le précédent gouvernement avait modifié l'article R. 146-2 d'une manière qui,
si elle répond à une certaine logique environnementale, pose aujourd'hui de
sérieux problèmes de survie à des activités littorales, telles que
l'ostréiculture dans certaines zones de la Charente- Maritime et l'élevage du
mouton de pré-salé en baie du mont Saint-Michel, alors même que ces activités
jouent souvent un rôle déterminant dans l'entretien de la qualité des milieux
naturels alentour.
Le Gouvernement a bien pris conscience de cette difficulté. Comme M.
Bussereau, secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, a eu l'occasion de le
dire récemment à l'Assemblée nationale, il est urgent de rechercher les moyens
d'y remédier, et les services des ministères concernés sont au travail pour
apporter rapidement des réponses.
Ces questions très complexes de protection du littoral m'amènent à
l'interrogation de M. Ambroise Dupont sur l'évolution du Conservatoire du
littoral et des rivages lacustres.
La stratégie à long terme du Conservatoire a été fixée en 1995 et présentée au
Président de la République ainsi qu' aux plus hautes instances nationales.
Cette stratégie, qui précise l'objectif de la maîtrise foncière d'un tiers du
littoral d'ici à 2050, est mise en oeuvre par le Conservatoire en concertation
étroite avec les collectivités locales.
Je salue l'adoption du titre VII de la loi relative à la démocratie de
proximité, qui concerne le Conservatoire du littoral. Ces dispositions
consacrent le partenariat avec les collectivités, précisent les différents
modes de gestion, identifient la garderie du littoral, donnent au Conservatoire
un pouvoir de police ainsi qu'un droit de préemption propre, en complément de
celui des conseils généraux. De plus, cette loi permet l'affectation au
Conservatoire de terrains du domaine public, en particulier du domaine public
maritime, favorisant ainsi la gestion intégrée des zones côtières que
recommande la Commission européenne. Le projet de décret d'application est en
cours d'examen au Conseil d'Etat.
Vous vous étonnez, monsieur Dupont, de la baisse des crédits de paiement sur
la politique de l'eau alors que j'explique partout que c'est l'une de mes
priorités majeures.
En 2001 et 2002, les crédits de paiement avaient été volontairement diminués
pour tenir compte d'un volume important de reports dû à des fonds de concours
massifs en autorisations de programme et crédits de paiement versés par les
agences de l'eau avant la création du FNSE. A la fin de l'année 2001, le
montant de ces reports s'élevait par exemple à plus de 51 millions d'euros.
Le chiffre de 28 millions d'euros de crédits de paiement est ajusté selon nos
prévisions de consommation en 2003. Un ajustement fin est toujours possible en
cours de gestion grâce au fait que les crédits de paiement sont définis par
chapitre et non par article de dépense.
En ce qui concerne le volet inondations, qui est évidemment une priorité pour
le ministère, le montant des autorisations de programme demeure stable, soit,
pour le titre V, près de 14,8 millions d'euros en 2003, contre 16,3 millions en
2002. Sur le titre VI, le montant de 2003 est identique à celui de 2002, soit
19,97 millions d'euros. Je tiens à préciser que l'impact budgétaire du plan de
prévention des inondations que j'ai lancé en septembre 2002 sera surtout
visible en 2004, 2005 et 2006.
Les parc nationaux, qui vous tiennent tant à coeur, monsieur Dupont,
constituent à mes yeux un élément essentiel pour la protection de milieux
exceptionnels ; l'année 2003 verra d'ailleurs le quarantième anniversaire de
leur naissance. Ces parcs nationaux, au-delà de leur vocation première, sont
aussi pour moi la démonstration de la capacité de l'Etat à définir une
politique de protection complète, qui associe développement économique,
maintien des populations locales, gestion et protection du milieu naturel. Les
parcs nationaux ont su s'adapter pour porter l'innovation et accompagner le
développement durable des territoires, Je crois à ce concept très solide.
Soutenir ces parcs et leur budget est pour moi une nécessité d'évidence.
Les trois parcs en création - les Hauts de la Réunion, la mer d'Iroise et le
parc de Guyane - font l'objet de missions de préfiguration, dont les crédits
sont inscrits dans le projet de budget. Les crédits de lancement proprement
dits de ces trois parcs seront inscrits au plus tôt en 2004. M. Bizet m'a
interrogée sur Natura 2000 et sur la sanctuarisation des sites, qui fait peur à
tout le monde. Non, je le répète devant le Sénat, Natura 2000 n'est pas une
sanctuarisation ni une zone de protection, c'est un label.
J'ai pu constater, au cours de mes déplacements, que ce label, quand il était
bien compris, était extrêmement porteur. Nous avons la chance de posséder, en
France, une biodiversité tout à fait remarquable. Il nous faut la protéger.
C'est, certes, le fruit du patrimoine que nous avons reçu mais aussi des modes
de gestion favorables de l'espace que nous avons su mettre en oeuvre sur la
durée et dans lesquels nous avons su impliquer les propriétaires et les
usagers.
Le rôle des documents d'objectifs est bien, à partir de l'inventaire des
composantes naturalistes des sites et de l'analyse des activités humaines et
des usages, de fixer pour la gestion un cadre de références concertées avec
tous les acteurs qui sont au plus près du terrain.
Je suis convaincue que la vie économique et sociale a toute sa légitimité dans
les sites Natura 2000. Nous allons donc passer des contrats de gestion avec les
personnes qui ont un lien avec le site : les agriculteurs, les pêcheurs, les
chasseurs, les forestiers, les professionnels du tourisme ou ceux qui font du
tourisme, les randonneurs par exemple, afin que leurs activités et le maintien
des espèces puissent se concilier.
J'ai donc augmenté les crédits affectés à Natura 2000 et demandé à mon
collègue M. Gaymard, que les préoccupations environnementales soient au coeur
de la poursuite des politiques contractuelles qu'il mène ; je pense évidemment
plus particulièrement aux CTE.
M. le président.
Madame la ministre, je vous prie de conclure.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Je vais m'y employer, monsieur le président.
Je remercie enfin M. Ambroise Dupont d'avoir consacré une partie de sa
présentation à la préparation de la charte de l'environnement, qui est ma
grande priorité.
Le travail réalisé par la commission de préparation de la charte de
l'environnement, qui compte parmi ses dix-huit membres deux parlementaires,
dont la députée des Deux-Sèvres Mme Geneviève Perrin-Gaillard et le
député-maire de Lons-le-Saunier, M. Jacques Pélissard, et par le comité
juridique, auquel participe le sénateur de la Haute-Marne M. Bruno Sido, a
permis d'identifier trois formes juridiques possibles pour « adosser » la
charte à la Constitution.
J'avais prévu de vous détailler ces trois « scénarios », mais nous aurons
l'occasion d'y revenir dans nos travaux approfondis sur la charte.
Les principes qui pourraient être inscrits dans la charte sont ceux que
comporte déjà le code de l'environnement ainsi que des principes comme ceux de
responsabilité, d'intégration de l'environnement dans les actions publiques,
d'éducation et d'information sur l'environnement.
Bien sûr, si vous souhaitez organiser, au sein de votre assemblée, des
réunions ou des colloques, le travail que vous ferez sera pris en compte dans
l'élaboration de la charte. Mais c'est surtout à partir du moment où nous
aurons remis le fruit du travail préparatoire à M. le Président de la
République, le 5 juin 2003, que votre rôle sera déterminant, car c'est alors
que, sur la base de l'option de forme et de contenu qui sera privilégiée par le
Président de la République, s'engagera le débat parlementaire en tant que tel,
qui aboutira à la réforme constitutionnelle inscrivant l'environnement dans
notre loi fondamentale.
Je vous invite donc à participer activement à la consultation nationale
préparatoire en répondant au questionnaire et en vous associant étroitement aux
assises territoriales qui vont se tenir à partir de la fin du mois de janvier
2003.
C'est bien, mesdames, messieurs les sénateurs, le pacte social que nous sommes
en train de modifier, en déplaçant le point d'équilibre entre l'économie, le
social et l'environnement en faveur de ce dernier. Nous replaçons l'homme et
son bien-être au centre de tout projet. Il faut donc que toute la société
participe à ce débat : c'est un enjeu pour la démocratie participative et
représentative.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je souhaitais, madame la ministre, que vous puissiez apporter les réponses les
plus complètes à MM. les rapporteurs, mais j'ai été étrangement généreux
concernant votre temps de parole.
(Sourires.).
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Je vous remercie de votre mansuétude, monsieur le président
!
M. le président.
Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes au maximum pour
poser sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et
que l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Madame la ministre, je formulerai deux observations et vous poserai trois
questions.
Ma première observation concerne la charte de l'environnement, dont vous avez
beaucoup parlé.
Cette initiative nous réjouit et nous intéresse à la fois. Le Président de la
République a légitimement placé l'environnement parmi les priorités nationales
de la France. Cette charte de l'environnement sera adossée à notre
Constitution, et c'est une initiative unique au sein des démocraties
occidentales.
Le vaste débat public qui va s'instaurer avant le débat parlementaire est
également une initiative qui mérite d'être saluée. Nous participerons tous à ce
débat en tant que parlementaires, mais aussi en tant que présidents
d'associations qui s'intéressent à l'environnement. Nous serons donc avec vous
jusqu'au 5 juin 2003 pour préparer le texte de cette charte et, ensuite, pour
la faire adopter.
J'en viens à ma deuxième observation.
Madame la ministre, quand nous prenons des engagements vis-à-vis des instances
européennes, il nous faut nous donner les moyens - et des moyens adaptés - de
les respecter. L'eau est le principal vecteur de pollution. C'est donc sur la
politique de l'eau que nous devons asseoir largement nos préoccupations. Nous
disposons dans ce domaine d'un arsenal juridique considérable. Nous avons des
institutions qui nous permettent de l'appliquer. Vous voulez une meilleure
administration. Ce que nous demandons, c'est que les moyens financiers soient
adaptés à nos ambitions.
Or la situation actuelle n'est pas à la hauteur de ces ambitions. Mes trois
questions sont précisément fondées sur cette constatation.
Premièrement, nous avons pris des engagements européens ambitieux et
contraignants, que nous ne sommes pas aujourd'hui, en mesure d'honorer. Soyons
clairs : le quart des stations d'épuration des collectivités et la moitié des
réseaux de collecte des eaux usées ne sont pas conformes à l'échéance du 31
décembre 1998 fixée par la directive « eaux résiduaires urbaines ».
Ces retards ont été sanctionnés à maintes reprises par la Cour de justice des
Communautés européennes : condamnations des 8 et du 15 mars 2001, trois avis
motivés - seconde lettre d'avertissement - du 24 juillet 2001, mise en demeure
du 2 juillet 2002.
A ce stade, nous sommes confrontés au dilemme suivant : soit nous refusons de
souscrire à des normes de plus en plus sévères, car nous ne pouvons pas les
respecter, soit nous donnons réellement les moyens d'atteindre les objectifs
que nous nous sommes fixés, sur lesquels nous nous sommes engagés au niveau
communautaire, et nous ajustons nos moyens.
Quelle branche de l'alternative allez-vous choisir ? C'est ma première
question.
Deuxièmement, la politique de l'eau a été, au cours des dernières années, «
polluée » par des débats idéologiques qui vous laissent un héritage contesté et
lourd à gérer. Chacun se souvient ici des débats sur la taxe générale sur les
activités polluantes, la TGAP ; notre excellent collègue Philippe Adnot l'a
amplement rappelé : les crédits qui auraient dû être affectés à l'environnement
ont été utilisés pour les 35 heures. J'ai le plus grand respect pour les 35
heures, mais j'ai également un très grand intérêt pour l'environnement !
(Sourires.)
La première version du projet de loi portant réforme de la politique de l'eau
a également suscité des polémiques. Vous avez manifesté le souhait d'abandonner
ce projet pour engager une nouvelle réflexion. Je vous en félicite. Pour
autant, nous devons demeurer vigilants.
Voici donc mes questions sur la nouvelle loi sur l'eau. Quels délais pour
quelles ambitions ? Quelles ambitions pour quels moyens ? Quelles expertises
pour quelles ambitions ?
Troisièmement, vous avez dit que vous souhaitiez des débats apaisés, fondés
sur l'expertise. Bravo ! C'est exactement ce que nous souhaitons ! Mais les
modalités de mise en oeuvre du huitième programme des agences de l'eau sont en
cours d'adoption au sein des comités de bassin. Leur financement soulève une
importante contradiction. J'ai déjà signalé le retard que nous accusons
s'agissant de la directive « eaux résiduaires urbaines ». Mais nous avons
également du retard en ce qui concerne les directives « eau potable » et «
nitrates ». En outre, nous devons mettre en oeuvre de nouvelles exigences
européennes : la directive-cadre, le plomb, etc.
Dans ce contexte, les recettes des agences vont connaître une baisse sans
précédent : cinquième programme, 40 milliards d'euros de travaux ; sixième
programme, 80 milliards de travaux ; septième programme, 105 milliards de
travaux. Quel sera le montant des travaux pour le huitième programme ?
Permettez-moi de citer les chiffres intéressant mon comité de bassin : montant
des investissements prévus pour les années 2003 à 2006, 1,3 milliard d'euros ;
recettes prévisionnelles, 1,056 milliard. Qui paie la différence ? Le fonds de
roulement. Il passe de huit mois à deux mois. Parfait !
Mais, une fois que nous n'aurons plus de fonds de roulement et que le produit
des redevances aura baissé, que ferons-nous ? On me rétorquera que celui-ci ne
va pas baisser. Mais si ! Il va passer de 235 millions d'euros en 2003, à 222
millions en 2004, à 212 millions en 2005, à 206 millions en 2006. Et les
recettes totales vont baisser aussi ! Respectivement, pour les mêmes années,
elles atteignent les montants suivants : 282,5 millions d'euros, 269 millions,
256,5 millions, 247,4 millions. Une fois qu'on aura atteint le point bas mais
que les obligations auront, elles, atteint leur point haut, que se passera-t-il
?
La situation est-elle analogue dans les cinq autres bassins ? Cette situation
est-elle pérenne ? S'inscrit-elle réellement dans la perspective d'une
politique de l'eau durable, notamment après épuisement des fonds de roulement
?
Madame la ministre, vous avez dit : « Il est urgent de stabiliser les
ressources des agences de l'eau. » J'apporterai une nuance : je crois qu'il
faut donner aux agences les moyens financiers de respecter nos engagements.
Sur le financement de la politique de l'eau, je suis naturellement prêt, avec
les associations que j'ai l'honneur d'animer ou de présider, à participer à
cette réflexion et à vous aider.
Bien sûr, il faut stabiliser les prélèvements publics. C'est une politique que
j'approuve. Mais il faut tout de même vous donner, madame la ministre, les
moyens de votre politique et de vos ambitions, que nous soutenons.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Monsieur le sénateur, je voudrais d'abord vous remercier de
l'appréciation que vous portez sur l'initiative qui a été prise concernant la
charte de l'environnement, et de votre décision de participer activement à son
élaboration. Nous avons d'ailleurs eu l'occasion d'en discuter de façon
approfondie lors de mon dernier déplacement sur le littoral vendéen, que vous
aviez particulièrement bien organisé. Je connais donc votre implication dans
tout ce qui concerne les programmes de l'eau.
Pour les raisons que vous avez rappelées, je n'ai effectivement pas laissé se
poursuivre l'examen du projet de loi sur l'eau qui avait été préparé par mes
prédécesseurs. Pour autant, je n'ai évidemment pas abandonné ce chantier et
j'ai divisé le travail en quatre parties.
La première partie concerne le réexamen de l'architecture des responsabilités
pour tout ce qui touche à l'eau. Cet aspect est renvoyé - comment pourrait-il
en être autrement ? - à notre grand débat sur la décentralisation.
La deuxième partie concerne les risques, en particulier le risque inondations
: dans le projet de loi sur les risques que je vous présenterai dès le début de
l'année prochaine, le titre II sera entièrement dédié aux risques naturels, au
premier rang desquels figurent les inondations.
La troisième partie est constituée par la transposition de la directive-cadre
européenne sur l'eau, à laquelle vous êtes particulièrement attaché. Nous y
travaillerons au cours du premier semestre de 2003.
Quant à la quatrième partie, c'est la préparation et l'examen, qui devrait
intervenir au début de l'année 2004, d'une nouvelle loi sur l'eau. La
concertation approfondie qui est le préalable nécessaire à l'élaboration de ce
texte est entamée, vous le savez, monsieur Oudin, puisque je me suis rendue à
votre invitation, ici même, il y a deux mois, pour participer aux travaux du
Cercle français de l'eau - que vous animez - consacrés au thème de l'évaluation
de la politique de l'eau à l'aube du huitième programme.
Je partage votre analyse sur le déficit d'évaluation préalable des moyens
nécessaires pour atteindre les objectifs environnementaux, sur les retards dans
l'application des normes européennes, sur la nécessité d'optimiser
l'utilisation des crédits dans un contexte de maîtrise des prélèvements
obligatoires, sans parler du retard que nous avons pris dans la tranposition
des innombrables directives européennes. Je signale que l'ancien ministère de
l'environnement figurait, en la matière, parmi les trois derniers de la classe
européenne !
Vous souhaitez une accélération de procédures de police de l'eau avec un
soutien aux moyens des services, une meilleure évaluation des objectifs, un
meilleur suivi des politiques publiques de l'eau, un développement de la
planification concertée : ces objectifs sont également les miens.
Je maintiendrai en 2003 l'effort de soutien aux moyens techniques de la police
de l'eau en privilégiant les actions de contrôle du respect des autorisations
et une amélioration permanente du fonctionnement des guichets uniques que
représentent les missions interservices de l'eau, dans l'intérêt des
usagers.
Je suis particulièrement attachée à ce que les effectifs de la police de l'eau
soient préservés dans les services départementaux de l'Etat, comme le sont les
effectifs des gardes-pêche relevant de ma responsabilité.
La nécessité d'améliorer l'évaluation et le suivi de l'efficacité des
politiques publiques de l'eau m'a conduite à donner plus de lisibilité à moyen
terme aux agences de l'eau en remplaçant le programme de transition de deux ans
par un huitième programme de quatre ans dont la durée est identique à celle des
contrats de plan Etat-région.
Elle m'a également conduite à demander aux agences de l'eau d'organiser, dans
ce programme, un effort convergent des acteurs de l'eau pour progresser vers
l'objectif d'un bon état écologique de l'eau à l'horizon 2015, qui est au coeur
de la directive-cadre. Dans un contexte d'aggravation des contentieux
communautaires, je leur ai assigné comme priorité politique d'inciter les
communes et les éleveurs à mieux investir, à mieux gérer, de manière que nous
rattrapions nos retards en matière de résorption des excédents de nitrates et
de respect des normes de pollution urbaine dans les agglomérations.
Les conseils d'administration des agences de l'eau ont retenu un montant
global d'aides de plus de 8 milliards d'euros pour les années 2003 à 2006, en
tenant compte à la fois des besoins de financement de la politique de l'eau, de
la stabilisation de la pression fiscale en matière de redevance et du niveau de
trésorerie disponible.
Le Gouvernement prévoit des contrats d'objectifs avec les agences de l'eau
afin de se doter d'indicateurs précis capables de suivre l'efficacité des
actions engagées, autant pour l'application des directives communautaires que
pour la mise en oeuvre de politiques territoriales permettant de sélectionner
les actions les plus pertinentes pour le développement durable de la ressource
en eau et des milieux aquatiques.
Monsieur le sénateur, je peux vous confirmer mon total engagement sur un sujet
qui, je le sais, vous tient particulièrement à coeur.
(Applaudissements sur
les travées du RPR, des Républicains et Indépendants, de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Madame la ministre, vous avez parfaitement répondu à mes questions. Cette
réflexion doit cependant être poursuivie, puisque les agences de l'eau, les
comités de bassin devront se prononcer sur le huitième programme de quatre ans
et qu'il faut, bien entendu, faire des projections au-delà.
Une fois que les ressources auront baissé et que les fonds de roulement auront
été utilisés, nous nous retrouverons dans la situation que nous avons connue il
y a dix ans, c'est-à-dire à un moment où il a fallu faire un effort
d'investissement considérable. Que s'est-il passé ? Le prix de l'eau a augmenté
et nos populations se sont émues.
Pour ma part, je pense qu'un ajustement annuel progressif est meilleur qu'un
grand saut pour rattraper les retards. Certains d'entre nous sommes prêts à
étudier le problème du prix de l'eau, car, contrairement à ce qu'on croit, nos
concitoyens ne refusent pas que le prix de l'eau soit ajusté en fonction des
investissements et du respect de nos obligations ; 59 % des Français sont prêts
à payer l'eau un peu plus cher si elle est de meilleure qualité et si nous
respectons davantage nos obligations.
Cela dit, le problème est toujours le même : nous devons respecter nos
engagements. Nous sommes les plus mauvais élèves de la classe pour la
transposition des directives dans notre droit et pour les résultats effectifs
constatés.
Madame la ministre, je suis sûr qu'avec l'aide du Parlement vous saurez
réagir.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Madame la ministre, dans le contexte économique et financier que nous
connaissons aujourd'hui, votre budget est très correct. Par ailleurs, vous avez
une façon pragmatique et intelligente d'aborder les problèmes très importants
qui relèvent de votre autorité. Je vous en félicite et, bien évidemment, avec
beaucoup de mes collègues, je voterai avec plaisir votre budget.
Je voudrais vous interroger sur l'absence de crédits en faveur de l'Office
national de la chasse et de la faune sauvage, l'ONCFS, dans ce projet de
budget.
L'office national, établissement public à caractère administratif placé sous
votre tutelle, a vu son champ d'activités considérablement élargi ces deux
dernières années, notamment en application de la loi relative à la chasse de
juillet 2000.
L'office national assure désormais trois missions essentielles.
Il s'agit, premièrement, de la réalisation d'études, de recherches et
d'expérimentations. Conduite par les ingénieurs, chercheurs et techniciens des
cinq centres nationaux d'études et de recherche appliquée, cette mission vise à
améliorer les connaissances des espèces, de leurs populations et de leurs
habitats, ainsi qu'à proposer des mesures de gestion concertées et validées
permettant le maintien d'une faune abondante et compatible avec les divers
usages de l'espace rural.
La compétence et l'expérience de l'Office dans ces domaines sont aujourd'hui
reconnues par la communauté scientifique et les responsables de la chasse.
Deuxièmement, l'Office apporte un appui technique. Cette mission répond à une
demande forte de l'administration, notamment des directions régionales de
l'environnement, les DIREN, ainsi que des établissements publics ou des
collectivités territoriales porteurs de projets d'aménagements susceptibles
d'avoir un impact sur la faune. Elle recouvre l'expertise, la vulgarisation,
l'information et la formation des acteurs.
Troisièmement, l'Office assure enfin la surveillance de la faune sauvage et la
police de la chasse.
Exécutée par 1 430 agents de l'établissement, cette mission, qui participe
aujourd'hui à la police de l'environnement, est considérée depuis toujours
comme un domaine d'excellence de l'office.
Mobilisant l'essentiel du temps de travail des agents - près de 67 % en 2001 -
elle consiste en la surveillance, la prévention, l'information et la
constatation des infractions.
Afin de répondre aux nouvelles ambitions qui lui ont été confiées par la loi
chasse, l'Office a mis en oeuvre un projet d'établissement, approuvé en
décembre 2000 : ouverture de son conseil d'administration aux représentants des
agriculteurs, des forestiers, des gestionnaires d'espaces protégés et des
associations de protection de la nature, restructuration de l'échelon central,
création de quinze délégations régionales, renforcement de la technicité par
recrutement d'ingénieurs et de techniciens.
Le ministère de tutelle a soutenu ces évolutions. Il vient notamment de
fonctionnariser les 1 400 agents de l'Office. Ces derniers ont été intégrés
dans le corps d'agents techniques et de techniciens de l'environnement
nouvellement créé, mais salaires et charges continuent à être assurés par
l'ONCFS.
Cette situation m'amène au coeur de ma question, madame la ministre.
Ces évolutions nécessaires ont considérablement alourdi le budget de
l'établissement, notamment la masse salariale, qui est passée de 56,9 millions
d'euros en 1998 à 66,3 millions d'euros en 2002, soit une augmentation de 16,5
%. De plus, pour 2003, les dépenses prévisionnelles marquent une forte
hausse.
Depuis la suppression, en 1998, des services départementaux de garderie dont
le financement par les fédérations de chasseurs bénéficiait à l'Office à
hauteur de 12 millions d'euros par an, les ressources de celui-ci se limitent
aux seules redevances cynégétiques.
L'équilibre budgétaire a néanmoins pu être assuré en recourant à des mesures à
caractère exceptionnel, telles que l'augmentation de ces redevances ou en
prélevant sur les réserves de l'office. Mais la baisse continue des effectifs
de chasseurs cotisants de 3 % par an en moyenne, et le tarissement des
réserves, évaluées à 2,5 millions d'euros à la fin de l'exercice 2003, ne
permettront pas de « construire » le budget de l'Office pour l'année 2004.
Vous remarquerez, madame la ministre, que j'attire votre attention sur ce
point bien en avance.
A plusieurs reprises, le conseil d'administration de l'Office s'est ému de
cette situation auprès de votre ministère, en souhaitant la définition de
moyens financiers nouveaux et pérennes.
A l'évidence, madame la ministre, l'Etat devra se saisir de ce problème au
moment de l'élaboration du projet du budget pour 2004 car, l'année prochaine,
l'Office n'aura plus de réserves. Les missions qui lui ont été confiées
progressivement par le ministère et par la loi chasse, particulièrement la
police de l'environnement, exigent une participation financière de l'Etat.
Je vous serais très obligé de bien vouloir m'indiquer quelles sont vos
intentions sur ce sujet.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Monsieur Pelletier, votre question me permet de tracer très
rapidement devant vous les principes qui conduisent mon action pour ce dossier
très difficile de la chasse.
Le premier principe est celui de la réconciliation. Sur ce dossier
complètement « miné », je veux entendre dans un esprit apaisé tous ceux qui, au
même titre, sont les garants de la protection de nos espaces et de nos espèces,
les chasseurs, d'une part, et les associations de protection de la nature,
d'autre part.
Le deuxième principe, c'est celui de l'expertise scientifique. Dans un dossier
particulièrement difficile, on ne peut s'entendre qu'autour de données
parfaitement incontestables. C'est dans cet esprit qu'a été décidée la création
d'un observatoire de la faune sauvage qui permettra une gestion fine des
espèces.
Le troisième principe, c'est celui de la décentralisation. La chasse est la
gestion des espaces et des espèces. Il existe de grandes différences sur
l'ensemble de notre territoire et l'on ne peut gérer de la même façon ces
espaces et ces espèces dans le Nord, le Sud, l'Est et l'Ouest. C'est pour ce
motif, par exemple, qu'a été pris, il y a quelques jours, un arrêté sur les
mustélidés qui renvoie au niveau départemental la gestion de cette famille de
mammifères.
J'en viens au coeur de votre question. L'Office national de la chasse et de la
faune sauvage, l'ONCFS, dispose de ressources propres, il n'y a donc aucune
raison qu'il ait une inscription budgétaire.
Il est vrai, toutefois, que la loi de juillet 2000 a imposé une nouvelle
répartition entre ses missions et celles des fédérations de chasseurs.
Le budget pour 2003, qui sera présenté au prochain conseil d'administration,
le 16 décembre prochain, tient compte à la fois des engagements de plein emploi
et des priorités gouvernementales, notamment pour la préparation des
orientations régionales de gestion de la faune sauvage et le lancement de
l'observatoire dont je vous parlais à l'instant.
Il implique un effort important de redéploiements internes. Il sera difficile
de maintenir, dans les années suivantes, les conditions d'équilibre de 2003, le
montant de la redevance cynégétique baissant chaque année de près de 4 millions
d'euros. J'ai coutume de dire qu'une des principales espèces menacées, dans ce
pays, est celle des chasseurs eux-mêmes.
M. Gérard Braun.
Exactement.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Il s'agit donc d'un budget de transition.
A l'avenir, compte tenu de l'élargissement des missions confiées à l'ONCFS,
notamment en matière de police de la nature par l'Etat, il faudrait envisatger
une budgétisation d'une partie de ses missions.
Pour préparer cette évolution et, parallèlement, celles du conseil supérieur
de la pêche, qui a, finalement, les mêmes problèmes de structure, j'ai, à mon
arrivée, confié à M. Pierre Roussel, inspecteur général de l'environnement, une
mission de prospective et de consultation très large. Je disposerai dans
quelques jours de ce rapport et j'entamerai la concertation générale nécessaire
pour que les missions de police et de recueil scientifique de ces deux
établissements puissent être maintenues avec la conscience professionnelle et
la qualité qui leur sont reconnues. Bien entenu, mesdames, messieurs les
sénateurs, j'associerai pleinement le Sénat à ce travail de réflexion et de
concertation.
M. Gérard Braun.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Jacques Pelletier.
M. Jacques Pelletier.
Je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir rappelé vos vues en
matière de chasse, notamment de votre souci d'une concertation permanente.
J'ai bien compris que tout ce qui concerne l'ONCFS sera revu avant la
préparation du budget pour 2004. Je vous donne donc rendez-vous dans un an.
M. le président.
La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, les années
passées, le précédent gouvernement n'avait pas hésité à recourir aux effets
d'annonce et d'affichage pour se donner « une bonne conscience écologique » :
les crédits connaissaient certes une augmentation, mais le périmètre budgétaire
du ministère était considérablement élargi. Ils étaient aussi l'objet d'une
sous-consommation chronique. Et, pendant ce temps, la législation n'a pas
beaucoup évolué : le projet de loi relatif à l'eau n'a pas dépassé le stade de
la première lecture ; le projet de loi relatif à la transparence nucléaire n'a
pas été présenté au Parlement, pas plus que celui qui est relatif aux risques
industriels ; enfin, le plan de lutte contre l'effet de serre est quasiment
resté lettre morte.
Votre budget, madame la ministre, est en rupture avec ces pratiques. Il se
veut, à juste titre, un budget de stabilisation et de vérité. Vous l'affirmez
et nous le pensons. Dans cette démarche, vous trouverez notre entier
soutien.
Je souhaiterais vous interroger plus particulièrement sur le Conservatoire du
littoral.
Les principes qui ont présidé à sa mise en place en 1975 gardent aujourd'hui
encore toute leur pertinence. Il existe bien un patrimoine littoral digne de
préservation par la collectivité pour les générations futures.
Nous devons notamment protéger les zones écologiquement fragiles, comme les
zones humides et les marais ; nous devons aussi protéger nos côtes des dangers
de certains projets, par exemple immobiliers, par trop envahissants ; nous
devons enfin promouvoir, avec toujours plus d'efficacité, le respect des sites
naturels et des équilibres écologiques.
A titre d'illustration, dans mon département, le Var, l'intervention du
Conservatoire sur la presqu'île de Giens a été très opportune : elle a permis
de sauvegarder un écosystème et de préserver nature et paysages. L'acquisition
des anciens salins d'Hyères désaffectés, par le recours exceptionnel à la
procédure d'expropriation, a permis de sauver un site d'un grand intérêt en
termes de diversité biologique. Restent devant nous des années de travail.
Pour toutes ces raisons, le Conservatoire a vu progressivement son domaine de
compétences et d'interventions s'élargir et se renforcer. Et le partenariat
avec les collectivités locales a été amélioré.
Constitué d'une équipe relativement modeste mais dynamique - une centaine de
personnes travaillent au Conservatoire ; on dénombre cent cinquante gardes du
littoral et une douzaine d'emplois-jeunes dans l'établissement - le
Conservatoire assurait, au 1er juillet 2002, la protection de près de 66 600
hectares sur 490 sites et celle de 861 kilomètres de rivages, dont 737
kilomètres de rivages maritimes.
La stratégie à long terme de l'établissement - j'espère que vous nous le
confirmerez - est d'arriver à la maîtrise foncière de 200 000 hectares en bord
de mer afin de protéger définitivement un tiers du littoral français. En 2002,
un tiers de cette mission est assuré.
En somme, aujourd'hui, un constat s'impose : la mission confiée au
Conservatoire du littoral est l'objet d'un remarquable consensus.
C'est pourquoi il faut lui donner les moyens non seulement de la continuer
avec succès, mais encore de s'adapter à des situations nouvelles, car ses
responsabilités sont de plus en plus lourdes.
Ainsi, le Conservatoire doit désormais mener des opérations plus complexes et
plus coûteuses qu'à ses débuts du fait, notamment, du renchérissement du prix
des terrains. Par ailleurs, dans la mesure où son patrimoine augmente de façon
régulière, le volume des travaux - terrains, bâtiments - à accomplir par les
propriétaires, le nombre des conventions de gestion à négocier, le suivi de la
gestion prennent une importance croissante.
Dans le budget pour 2003, la dotation de fonctionnement progresse de 3 %, ce
qui est bien et permettra la création de trois postes budgétaires, ce qui est
peu. En revanche, les crédits d'investissement enregistrent une baisse
relativement importante de 6 % qui nous préoccupe et qui risque d'affecter la
capacité d'intervention de l'établissement.
Madame la ministre, nous vous saurions gré de bien vouloir nous éclairer sur
ces choix en faveur du fonctionnement par rapport à l'investissement et de nous
rassurer sur la pérennité des moyens accordés au Conservatoire du littoral.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR, de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Monsieur Trucy, je vous remercie des remarques positives que
vous avez émises sur le travail d'ascèse budgétaire auquel je me suis
livrée.
Vous m'interrogez plus précisément sur les crédits du Conservatoire du
littoral, organisme qui vous tient particulièrement à coeur, en vous inquiétant
d'une baisse des crédits, en particulier des crédits d'investissement.
La dotation de fonctionnement que j'ai prévue pour 2003 s'élève à 7,5 millions
d'euros et correspond à une augmentation de 3,7 %. Elle permettra la création
de quatre postes budgétaires, dont un poste pour la déprécarisation. Dans un
contexte particulièrement difficile, cela montre notre intérêt pour le
Conservatoire du littoral et des rivages lacustres.
La dotation d'investissement, soit 18,07 millions d'euros en autorisations de
programme et 17,1 millions en crédits de paiement, correspond à un ajustement
aux projets en cours d'acquisition. C'est sur l'analyse des projets en cours
d'acquisition que nous avons bâti cette ligne. Vous remarquerez que le très
fort taux de couverture en crédits de paiement correspond bien à la réalité des
dépenses : acheter un terrain exige de disposer immédiatement des crédits de
paiement.
Par ailleurs, l'expérience montre que, lorsqu'une importante acquisition se
présente - vous avez rappelé le cas des salins d'Hyères, en 2001 -, des moyens
spécifiques peuvent être trouvés. Mais l'expérience nous montre aussi, en ce
qui concerne le Conservatoire du littoral, que les acquisitions éventuelles
sont en général très longues à mettre en oeuvre. Certaines procédures
d'acquisition ont duré plus de vingt ans.
L'accent sera mis, en 2003, sur la consolidation de l'équipe technique et
administrative pour mettre en oeuvre, d'une part, la refondation prévue par la
loi relative à la démocratie de proximité et, d'autre part, le partenariat
actif et reconnu avec les collectivités territoriales.
Le Conservatoire du littoral a donc reçu les moyens d'un bon fonctionnement.
Si, par hasard, ce dont je doute, la possibilité d'une acquisition foncière
particulièrement importante et significative se présentait, nous veillerions à
ce qu'il puisse l'effectuer.
(M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, et M.
Gérard Braun applaudissent.)
M. le président.
La parole est à M. François Trucy.
M. François Trucy.
Je voudrais simplement remercier Mme la ministre qui, comme toujours, s'est
exprimée avec clarté et vigueur.
M. le président.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux.
« Economies, économies » ! « Héritage, héritage ». Quel autre prétexte
trouverez-vous l'an prochain ! Combien de fois avons-nous entendu ces notes
depuis le début de la session budgétaire.
M. Max Marest.
Quelle mauvaise foi !
Mme Odette Herviaux.
En tout cas, les chiffres sont là. Le budget de l'écologie et du développement
durable enregistre une baisse de 0,2 %. En outre, le Gouvernement a fait des
coupes sévères dans celui de l'ADEME, qui baisse de 34,5 %. En résumé, madame
la ministre, je dirai pour ma part : plutôt régressions, restrictions et
transferts de charges déguisés aux collectivités territoriales.
Je ne rappellerai pas les termes du discours de M. le Président de la
République, à Johannesburg le 2 septembre dernier. Mais avouez qu'entre le ton
véhément, le fond alarmiste de ce discours et la réalité de votre budget, il y
a plus qu'un fossé, il y a une faille.
Cette baisse des crédits consacrés à l'environnement constitue à notre avis un
véritable coup d'arrêt à la politique volontariste qui avait été mise en place
les années précédentes et qui avait conduit à multiplier par 2,7 ces crédits,
mais en intégrant la budgétisation de l'ADEME.
Madame la ministre, les diminutions de crédits visent presque tous les
secteurs de l'environnement, sans que l'on sache toujours très bien quelles
activités seront plus particulièrement pénalisées.
Je comprends d'ailleurs difficilement que l'on puisse à la fois annoncer des
priorités - dont, d'ailleurs, je partage totalement l'analyse - et, en même
temps, baisser les crédits nécessaires à la mise en oeuvre de ces actions
prioritaires que vous avez tout à l'heure citées.
On remarque, pour la lutte contre la pollution de l'air, une baisse de presque
10 % du budget. La recherche sur la réduction des émissions polluantes dans
l'industrie, les transports et l'agriculture est également touchée, avec une
baisse de 12 %. Pour la lutte contre le bruit, la baisse est supérieure à 52 %,
alors que 54 % des Français considèrent que c'est une priorité dans la lutte
contre les nuisances. Le budget du Conservatoire du littoral et des rivages
lacustres est amputé de 5 %. Ce recul est incompréhensible et préjudiciable à
la protection du littoral, dont la défense, nécessaire et urgente, avait été
enclenchée par le budget de 2002 dans la lignée du rapport de notre collègue
Louis Le Pensec, qui demandait un rattrapage nécessaire des moyens du
Conservatoire pour mener à bien sa mission.
L'Institut français de l'environnement, l'IFEN, subit, lui aussi, une forte
baisse de plus de 20 %, alors que vous prévoyez le renforcement de ses
missions.
Le budget de l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale,
l'AFSSE, baisse d'un tiers ; pourtant vous affirmez que la sécurité est une
priorité dans le domaine de l'environnement.
Enfin, permettez-moi d'ajouter, en tant qu'élue du Morbihan, que j'ai été très
sensible à la réforme de la politique de l'eau que vous présentez comme un
enjeu vital - c'est vraiment le cas de ma région ! Malheureusement, avec la
baisse de 5 %, je me demande comment vous parviendrez à la mettre en oeuvre.
J'en viens enfin à l'objet de ma question, à laquelle vous avez déjà en partie
répondu : la forte diminution des crédits de l'Agence de l'environnement et de
la maîtrise de l'énergie, l'ADEME.
Je rappelle simplement que les actions de l'ADEME s'inscrivent dans un contrat
de plan défini conjointement avec les ministères de l'environnement, de la
recherche et le secrétariat d'Etat à l'industrie. Fixées à 218 millions d'euros
pour 2003, les autorisations de programme baissent de 13 %, sous le prétexte de
la date butoir du 1er juillet 2002.
Pourtant, le nombre de demandes d'interventions financières en matière
d'équipements de traitement des déchets a explosé en 2002 - toutes ont été
déposées avant le 30 juin - entraînant pour l'ADEME l'impossibilité peut-être
d'honorer 85 millions d'euros d'aides.
Par ailleurs, vous n'hésitez pas à dire que ce projet de budget lui permettra
de poursuivre ses programmes opérationnels « en les ajustant aux priorités
effectives des pouvoirs publics pour l'année 2003 ». Quelles sont donc ces
priorités, madame la ministre ?
La baisse des crédits subie par l'ADEME concerne également la maîtrise de
l'énergie, qui voit sa dotation baisser de 42 %.
Je souhaite aussi attirer votre attention sur le mauvais coup porté encore une
fois aux collectivités territoriales si l'ADEME limitait ses interventions dans
le secteur des déchets.
Pour les déchets ménagers, il reste à développer la collecte sélective dans
l'habitat vertical et le traitement de ces déchets, ainsi que ceux des
entreprises, notamment les plus petites, et des artisans.
A travers cet exemple de l'ADEME, on pourrait faire une longue énumération des
distorsions qui existent entre les préoccupations des Français et vos réponses
budgétaires.
Madame la ministre, avec le projet de budget que vous nous présentez, comment
pensez-vous pouvoir maintenir deux des grandes priorités de l'ADEME développer
une économie de déchets à haute qualité environnementale et amplifier un effort
durable de maîtrise de l'énergie ?
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Madame la sénatrice, je centrerai ma réponse principalement sur
l'ADEME et l'AFSSE, les questions précédentes qui m'ont été adressées m'ayant
permis de répondre par avance à vos autres questions.
S'agissant de l'ADEME, nous étions confrontés à une échéance importante, celle
du 1er juillet 2002. La loi de 1992 imposait en effet aux opérateurs de ne
recevoir et donc de n'entreposer que des déchets ultimes. Outre le fait que la
définition de ces déchets est juridiquement inopérante, proroger le financement
revenait à aider des mauvais élèves et à ne pas récompenser les bons. J'ai donc
donné les instructions nécessaires pour que les opérateurs se mettent aux
normes, et les crédits de paiement de l'ADEME, qui sont passés de 61 millions à
71 millions d'euros, permettront de traiter les dossiers que mes services ont
reçus avant le 1er juillet 2002.
Voilà le travail de sincérité budgétaire que j'ai fait pour l'ADEME. Le reste,
ce sont des effets d'annonce !
En outre, nous profiterons du premier semestre 2003 pour mettre en place sur
l'ensemble des filières la nouvelle politique de déchets qui est tout à fait
indispensable en raison des difficultés auxquelles nous nous heurtions et que
j'ai signalées dans mon propos liminaire.
Pour les autres missions de l'ADEME, celles qui concernent la qualité de l'air
ou le traitement de la pollution des sols, les crédits sont largement
suffisants.
J'en viens à l'Agence française de sécurité sanitaire environnementale, qui
illustre vraiment ce qu'est un effet d'annonce ! On décide sa création, mais on
n'embauche pas de personnel et on n'accorde aucun crédit budgétaire. J'ai
décidé de faire de cette coquille vide un outil opérationnel.
A cet effet, j'ai donc versé au budget de l'AFSSE 1,52 million d'euros
parallèlement au 1,52 millions d'euros de M. Mattei. J'ai également ouvert
douze emplois au titre du ministère de l'écologie et du développement durable,
associés aux douze emplois ouverts par M. Mattei au titre du ministère de la
santé, de la famille et des personnes âgées.
Voilà qui va nous permettre de faire de cette coquille vide que vous nous avez
laissée l'outil opérationnel qui est absolument indispensable à la santé
environnementale. C'est, madame la sénatrice, toute la différence entre la
gestion précédente et celle que je souhaite mener !
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Odette Herviaux.
Mme Odette Herviaux.
Madame la ministre, j'ai bien entendu votre volonté de réaffirmer les
priorités de l'ADEME mais, en l'amputant aussi fortement, avouez que votre
Gouvernement ne vous aide pas beaucoup !
Malgré votre bonne foi, dont je n'ai pas à douter, malgré une certaine
solidarité féminine, je le reconnais, et malgré vos convictions souvent fortes
que j'ai pu apprécier dans d'autres circonstances, je reste sceptique et
inquiète, car ce qui se passe pour l'ADEME, notamment en matière de soutien à
la recherche, limitera forcément les chercheurs dans la poursuite de leurs
travaux, tout comme ceux du CNRS et de l'INRA.
Je désire également vous informer d'un problème spécifique à ma région.
Ces dernières années, l'ADEME a permis des avancées significatives dans le
domaine des économies d'énergie, l'énergie éolienne par exemple, malgré une
campagne plus ou moins sournoise de dénigrement, mais de sérieux efforts
restent à faire. C'est le cas du soutien aux chauffe-eau solaires, au chauffage
solaire et aux pompes à chaleur.
Dans une région comme la mienne, madame la ministre, peu réputée, à tort
d'ailleurs, pour son ensoleillement, l'idée a pris du temps et, même si ces
aides existent depuis trois ans, le manque d'artisans formés ou agréés a
reporté à 2002 une véritable explosion de la demande. Il y a maintenant plus de
100 artisans agréés « solaire », autant pour le chauffage par pompe à chaleur.
Le nombre d'installations pourrait passer à plusieurs centaines en 2003 pour
peu que l'on maintienne le soutien au niveau actuel jusqu'à la fin des
accords-cadres en 2006.
Je vous laisse imaginer l'impact économique désastreux pour notre région,
comme pour beaucoup d'autres, si l'implication et les objectifs de l'ADEME
étaient revus à la baisse d'une manière inconsidérée, entraînant ainsi un recul
des activités de ces artisans qui se sont beaucoup investis.
M. le président.
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier.
En préambule à mon propos, je voudrais dire, madame la ministre, que je ne
doute pas de votre intérêt personnel pour l'écologie et le développement
durable, et que je vous sais animée d'une réelle volonté de faire avancer la
cause de l'environnement.
L'entretien que vous avez bien voulu accorder à certains de nos collègues et
amis en septembre dernier a conforté ce sentiment.
Toutefois, l'intérêt soudain du Gouvernement pour le développement durable
m'apparaît davantage, en tout cas pour l'instant, comme une nouvelle marotte,
un affichage qui - permettez-moi cette expression - « ne mange pas de pain ».
Nous verrons, dans l'ensemble des mesures, ce qui pourra être fait.
J'en viens maintenant à notre sujet d'aujourd'hui.
La formule expérimentale de questions et de réponses avec droit de réplique
instantanée pour certains budgets, dont celui de l'écologie et du développement
durable, ne me permet pas d'exprimer comme je le souhaiterais, l'avis du groupe
communiste républicain et citoyen sur de nombreux sujets essentiels comme les
espaces naturels, la politique de prévention des pollutions et des risques,
celle des déchets ménagers, la lutte contre les nuisances sonores ou encore la
pollution atmosphérique. Je ne peux que le déplorer.
Je me bornerai donc à intervenir sur la politique de l'eau, un domaine
sensible à bien des égards.
Tout d'abord, je tiens à dire que cette politique, malgré ce qui est affirmé,
n'apparaît pas comme le volet prioritaire de ce budget.
En effet, pour la deuxième année consécutive, d'ailleurs, celui-ci diminue de
façon importante, de 23 % en 2002 et de 13,2 % en 2003.
De plus, l'agrégat 22 ne représente que 3,7 % du budget de l'écologie et du
développement durable. C'est d'ailleurs celui-ci qui subit l'essentiel de la
diminution des crédits.
A ce propos, je citerai la remarque très juste de M. le rapporteur spécial de
la commission des finances : « Il convient de souligner la réduction des
crédits destinés à la lutte contre les inondations, alors que la prévention des
inondations d'origine fluviale constitue l'une des priorités du ministère. »
Rappelons encore la volonté de certains parlementaires en mal d'économies de
réduire les recettes du Fonds national de solidarité pour l'eau, sous prétexte
de non-consommation, alors que, dans le même temps, dans les départements, on
manque de crédits pour financer les investissements.
Comment, dès lors, peut-on parler de priorité ?
Par ailleurs, ce budget, comme d'autres, est marqué par la volonté de mettre
la France en conformité avec les directives européennes. J'en citerai trois :
la directive-cadre du 23 octobre 2000, qui fixe l'obligation d'atteindre un bon
état pour les milieux aquatiques, la directive « nitrates », destinée à lutter
contre les pollutions agricoles diffuses liées à l'azote, et la directive
concernant les eaux résiduaires urbaines.
La mise en oeuvre de ces nouvelles règles a nécessité et nécessitera encore,
de la part tant des collectivités que des agriculteurs et des particuliers, des
efforts financiers considérables dans les années à venir.
Pouvez-vous nous indiquer comment et avec quels moyens l'Etat envisage d'aider
ceux-ci à faire face à ces obligations, qui s'ajouteront aux autres dépenses
déjà engagées, notamment pour la collecte et le traitement des déchets ?
Ne serait-il pas intéressant, dans un souci de transparence, d'étudier
l'évolution des coûts, pour les collectivités et les particuliers, de la mise
en place des politiques environnementales et plus particulièrement du principe
pollueur-payeur, qui pointe, à mon sens, trop souvent du doigt les
consommateurs plutôt que les véritables pollueurs ?
Je pense bien entendu, entre autres, au
Prestige
.
Enfin, n'est-il pas temps de poser la question d'un véritable service public
de l'eau, décentralisé et au service de tous, afin de faire de cette richesse
naturelle un bien patrimoniale de notre pays, un bien qui ne soit pas
transformé en simple marchandise par des groupes avides de profit ?
Voilà, madame la ministre, trop rapidement sans doute, quelques questions que
je soumets à votre réflexion.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Madame la sénatrice, je vous remercie du ton de votre question.
Je veux vous rassurer : l'implication du Président de la République et du
Gouvernement est totale en ce qui concerne la politique environnementale, qui
n'est pas une marotte !
Le chantier ouvert sur la charte de l'environnement est particulièrement
important. S'il est difficile d'en ressentir les implications, c'est parce que
nous sommes au début du travail de réflexion.
D'abord, une démarche pédagogique aura lieu à travers les assises
territoriales, le questionnement, la saisine par les associations, les
syndicats, les partis politiques et les assemblées. Chacun apportera sa pierre
à cette réflexion.
Est également prévue la transposition au niveau constitutionnel de principes
importants. Vous avez évoqué très justement celui de « pollueur-payeur ». Si,
demain, ce principe de responsabilité est porté au plus haut niveau de notre
arsenal législatif, à savoir au niveau constitutionnel, à côté des principes de
prévention et de précaution, les implications de ce chantier seront plus fortes
encore. Je peux vous garantir que le Président de la République n'a pas
l'intention de faire de ce travail d'adossement de ces principes à la
Constitution un exercice en demi-teinte.
Ensuite, vous me demandez pourquoi les crédits de paiement consacrés à la
politique de l'eau baissent alors qu'il s'agit d'une priorité majeure de notre
ministère. Je vous ferai un peu la même réponse celle que j'ai faite tout à
l'heure à M. Ambroise Dupont.
En 2001-2002, les crédits de paiement avaient été volontairement réduits pour
tenir compte du volume important des reports dus à des fonds de concours
massifs en autorisations de programme et en crédits de paiement versés par les
agences de l'eau avant la création du FNSE. A la fin de l'année 2001, le
montant de ces reports s'élevait, par exemple, à plus de 51 millions d'euros.
Le chiffre de 28 millions d'euros de crédits de paiement est ajusté selon nos
prévisions de consommation pour 2003. Un ajustement, madame la sénatrice, est
toujours possible en cours de gestion dans la mesure où les crédits de paiement
sont définis par chapitre, comme je le disais à M. Ambroise Dupont, et non par
article de dépense. Si une difficulté surgissait, nous aurions donc tous les
moyens d'ajustement nécessaires.
En ce qui concerne le volet inondation, le montant des autorisations de
programme reste stable pour le titre V. Il s'élève à 14,8 millions d'euros en
2003 alors qu'il était de 16,3 millions en 2002. Sur le titre VI, le montant de
2003 est identique à celui de 2002, soit 19,97 millions d'euros. Ce volet
inondation de la loi sur les risques, et donc le plan de prévention des
inondations que j'ai lancé en septembre 2002 et qui vient en écho, n'auront un
impact qu'en 2004, 2005, 2006. Une inscription budgétaire substantielle pour la
loi de finances de 2003 n'était par conséquent pas nécessaire.
Enfin, vous m'avez demandé comment nous aiderons les agriculteurs à surmonter
les difficultés considérables qu'ils vont rencontrer pour mettre aux normes
leur exploitation dans le cadre du programme de maîtrise des pollutions
d'origine agricole, le PMPOA.
Avec mon collègue Hervé Gaymard, je me suis rendue en Bretagne pour rappeler
aux agriculteurs les échéances de fin 2002 et de fin 2006, qui sont très
difficiles pour eux, mais sur lesquelles, je leur ai dit, le Gouvernement ne
peut transiger. En revanche, nous allons tout faire pour aider les agriculteurs
à y faire face grâce, d'une part, à un appui méthodologique extrêmement
important - un travail technique est, en effet, nécessaire pour appliquer ces
directives - et, d'autre part, à un effort financier qui sera porté par le
FNSE.
C'est la raison pour laquelle, mesdames et messieurs les sénateurs, il est
indispensable que les moyens du FNSE atteignent un niveau suffisant pour aider
les agriculteurs à mettre leur exploitation aux normes. Je vous remercie
particulièrement, madame la sénatrice, de m'avoir permis de répéter ce point
fondamental.
M. le président.
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier.
Madame la ministre, nous resterons vigilants et, puisque le développement
durable est pour vous une véritable préoccupation, avez-vous dit, nous jugerons
sur pièces !
Permettez-moi de revenir sur les consommateurs, qui sont, eux aussi, trop
souvent les payeurs. Il n'y a pas que les agriculteurs, il y a aussi de simples
citoyens ! Nous ferons des propositions sur ce sujet. Nous vous en avions déjà
fait lors de l'examen du projet de loi sur l'eau.
M. le président.
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Madame la ministre, il est toujours extrêmement délicat d'aborder une
discussion budgétaire, censée définir les grandes orientations politiques de la
nation, lorsque le sujet concerné se trouve sous le feu d'une dramatique
actualité. Je pense notamment au naufrage du pétrolier
Prestige
, au
large des côtes de Gallice, qui mobilise les opinions publiques européennes, en
particulier espagnoles et françaises, autour des graves périls que la recherche
de profits toujours plus importants fait peser sur nos milieux naturels.
Même si de très nombreux champs de compétence entrent en ligne de compte dans
cette affaire, de l'énergie aux transports, en passant par la politique
maritime et les douanes, il faut noter que c'est bien la politique de la France
en matière d'environnement qui est au coeur de tous les débats.
A cet égard, le budget 2003 du ministère de l'écologie et du développement
durable est révélateur de plusieurs évolutions majeures que je crois utile de
rappeler.
La première est la prise en compte tout à fait essentielle de la notion de
développement durable. Entendue comme une voie médiane entre la croissance
économique et le respect des ressources naturelles, elle est réaffirmée comme
l'axe stratégique majeur de ce budget.
La deuxième est l'indispensable et très attendue rationalisation des
mécanismes comptables et budgétaires du ministère. L'augmentation constante du
nombre de fonctionnaires et la croissance ininterrompue des dépenses de
fonctionnement observée depuis plusieurs années ont été résolument endiguées au
profit des dépenses d'investissement qui connaissent une hausse de 19,4 %.
De même, c'est avec intérêt et vigilance que nous nous pencherons sur les
conclusions de l'audit commandité à l'inspection générale des finances ainsi
qu'à l'inspection générale de l'environnement, illustration de la nouvelle
politique de transparence voulue par le Gouvernement.
La troisième est l'ouverture de grands chantiers environnementaux, tels que la
création d'un réseau d'espaces protégés doté de 75,5 millions d'euros, dont
19,8 millions d'euros pour le seul programme Natura 2000, ainsi que la
promotion d'une charte de l'environnement et son intégration dans l'ordre
constitutionnel, conformément à la volonté du Président de la République, qui
témoignent chacun du caractère prioritaire de la politique écologique pour le
gouvernement de Jean-Pierre Raffarin.
Cependant, madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur le
risque que peut être amenée à courir une politique publique qui, manquant de
visibilité, ne serait pas soutenue par l'opinion.
En effet, la très grande technicité de votre projet de budget pour 2003,
l'écart entre une apparente diminution de 0,16 % des crédits par rapport à
2002, mais une réelle progression de 0,5 %, ainsi qu'une vaste redistribution
des lignes budgétaires rendue nécessaire par la sous-consommation des crédits
ne présentent-ils pas le risque de diluer la détermination de l'Etat et de
masquer ses actions concrètes ?
Ma question, madame la ministre, porte sur les moyens et les méthodes dont le
ministère de l'écologie et du développement durable entend se doter pour
communiquer efficacement ses ambitions et ses programmes auprès des citoyens,
pour qui ce sujet est d'autant plus sensible qu'il concerne un nombre toujours
plus important d'aspects de leur vie quotidienne.
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Monsieur le sénateur, je vous remercie de votre question, qui
expose, en particulier, les difficultés de communication du ministère. C'est un
ministère qui manie des sujets très techniques demandant un haut niveau
d'expertise et qui, en même temps, s'adresse à un public souvent manipulé par
des peurs, des craintes, des fantasmes. C'est sans doute cet écart qu'il nous
faut gérer. Je crois que c'est possible. Tout à l'heure, M. Pelletier parlait
du dossier de la chasse. Nous sommes dans le même type de problématique.
La semaine dernière, je me suis rendue en Galice. Je serai ce week-end sur les
côtes aquitaines pour assister à la préparation du plan Polmar si, par malheur,
nos côtes étaient polluées. Nous sommes, là aussi, au coeur d'une problématique
complexe qu'il faut traiter sur le plan technique en prenant les mesures
politiques concrètes qui nous permettent d'affronter ces échéances. Mais nous
ne pouvons pas oublier les larmes des pêcheurs de Galice, que j'ai rencontrés
mardi dernier. On ne peut pas répondre à leur colère, uniquement par des
dispositions techniques !
Vos préoccupations ne peuvent être ignorées, monsieur le sénateur. Je crois
que la clé de la gestion de ce grand écart, c'est l'information, l'éducation
des plus jeunes, la sensibilisation de nos concitoyens. La transparence,
l'écoute, le dialogue constituent des aspects essentiels de notre méthode pour
progresser sur ces dossiers.
L'une de nos priorités, en 2003, sera donc de faire oeuvre de pédagogie, par
exemple, en matière de conscience du risque, d'exprimer les enjeux de
l'écologie et du développement durable, notion qui est largement ignorée de nos
concitoyens. Comment gérer le dossier des inondations, par exemple, en ayant
simplement une approche technique, alors que l'on sait bien que la plupart des
morts déplorés lors des dernières inondations du Gard auraient pu être évités
grâce une meilleure conscience du risque ?
C'est une ambition que le Président de la République a clairement exprimée à
Johannesburg et qui suppose un engagement politique explicite et fort. Le
signal qui a été donné avec l'entrée du développement durable au Gouvernement
et la tenue du dernier séminaire gouvernemental qui a lancé la stratégie
nationale du développement durable illustrent cette priorité.
Je vous donne un exemple précis : le Premier ministre a décidé, lors de ce
séminaire gouvernemental, de l'organisation d'une semaine sur le thème du
développement durable au début du mois de juin prochain. Cette opération
permettra de mobiliser les différents ministères et les nombreux partenaires
qui voudront bien s'y associer.
L'information de nos concitoyens doit également viser, de manière spécifique,
les plus jeunes - nos enfants, nos petits-enfants -, qui sont les citoyens de
demain, producteurs et consommateurs.
Nous avons relancé, avec nos collègues chargés de l'éducation nationale, Luc
Ferry, et de l'enseignementr scolaire, Xavier Darcos, les actions en faveur de
l'éducation environnementale en les orientant vers le développement durable.
Au cours du premier semestre 2003, plusieurs événements seront organisés
autour de projets concrets, dans le cadre, par exemple, de l'opération « Mille
défis pour ma planète ».
C'est par l'éducation, par la sensibilisation des plus jeunes - parce que les
plus jeunes nous éduquent, nous, leurs parents ou leurs grands-parents - que
nous sortirons de cette dialectique, parfois meurtrière, qui a trop longtemps
oblitéré l'action du ministère, anciennement dénommé « de l'environnement » et
devenu « de l'écologie et du développement durable ».
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Christian Demuynck.
M. Christian Demuynck.
Madame la ministre, vous avez tout à fait raison de vouloir commencer par
l'information des plus jeunes. Ce sont eux qu'il faut effectivement essayer de
convaincre. En tout cas, j'étais inquiet sur les moyens de communication que
vous alliez mettre en place. Vous m'avez vraiment rassuré et je vous remercie
de cette réponse.
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Madame la ministre, ni la planète, ni le Sud, ni nos quartiers ne supporteront
encore longtemps un urbanisme, une économie, des modes de transports et de
production industrielle, agricole, énergétique qui ne prendraient pas en compte
la justice sociale, les écosystèmes et les aspirations des habitants.
Ce fut, hélas ! le développement non durable des trente glorieuses. Si le PIB
a grossi, les pollutions et les écarts de richesse aussi.
Chez nous, ce sont des enfants atteints de saturnisme au pied de
Metaleurop.
En Inde, ce furent des milliers d'aveugles à Bhopal, pour fabriquer le Temik,
pesticide de nos betteraves.
Hier, ce fut la démocratie française bafouée par les mensonges d'un organisme
d'Etat affirmant que le nuage de Tchernobyl n'avait pas franchi la
frontière.
N'oublions pas que toutes ces erreurs ont d'énormes coûts en termes de santé
et de réparation : désamiantage, dépollution, décontamination.
La péréquation annoncée dans la loi constitutionnelle relative à
l'organisation décentralisée de la République devra d'ailleurs tenir compte de
ces inégalités.
C'est l'ensemble des choix en matière d'agriculture, d'aménagement du
territoire et de
process
industriels qui doit pouvoir bénéficier de
nouveaux critères et de nouveaux savoirs.
Votre tâche est donc immense, madame la ministre, et rien ne se fera sans la
concertation et l'expertise partagée. Or, dans votre budget, on ne trouve, à ce
sujet, presque rien. Les dix emplois en prévision des orages et inondations ne
remplaceront pas les centaines d'écologues qui seraient nécessaires à la
restauration des zones humides, aux agendas 21 et à la pédagogie d'un bon
aménagement du territoire.
Il y a la transversalité, me direz-vous. Mais lorsqu'on regarde le budget du
développement durable de la recherche, malgré de bonnes intentions comme la
biodiversité ou la coopération Nord-Sud, ce sont 236 millions d'euros, sur les
249 millions d'euros affichés, qui sont détournés pour le nucléaire. Il est
vrai que l'activité des déchets du même nom est très « durable » !
Le séminaire du Gouvernement énonce soixante mesures. Je passerai sur
l'incongruité pour un monde vivable des préoccupations environnementales dans
le cahier des charges du programme d'armement. Mais je m'étonne surtout
qu'aucune évaluation budgétaire n'accompagne ces soixante mesures.
Pour venir d'une région, le Nord - Pas-de-Calais, qui, depuis dix ans,
s'attelle à la tâche, je peux vous dire que cela a un coût, et que la
concertation, l'élaboration commune, la transversalité méritent des budgets.
Madame la ministre, votre délégation s'appelle « écologie et développement
durable » et c'est fort bien. L'enjeu est de taille !
Le Président de la République ne disait-il pas à Johannesburg : « Les pays
développés doivent engager la révolution écologique, la révolution de leurs
modes de production et de consommation. »
Madame la ministre, ma question est simple : quels crédits avez-vous inscrits,
hors écologie classique, dans votre budget pour cette révolution du
développement durable ?
M. le président.
La parole est à Mme la ministre.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Madame Blandin, je partage nombre de vos analyses, en
particulier celle qui porte sur l'évaluation des moyens de production et de
consommation. Vous avez parlé d'urbanisme, de transport, de la préservation des
écosystèmes. La prise de conscience concerne l'ensemble de notre société. A
l'évidence, il est des appréciations politiques que je ne peux partager avec
vous. Nous aurons d'ailleurs ce débat à propos d'autres budgets.
Finalement, je ne peux que regretter l'approche terriblement datée qui est la
vôtre : pour vous, faire du développement durable, c'est mettre encore un peu
plus d'argent dans la machine. Ce n'est pas cela, le développement durable ! Ce
n'est pas une question de budget, c'est un problème de méthode. Mon ambition
est même de faire en sorte que le développement durable coûte moins cher. Car
ce développement non durable que nous avons mené pendant des années entraîne
des coûts en matière de santé, d'équipement : d'organisations induites.
Excusez-moi de vous le dire, mais le propos que vous tenez est terriblement
démodé, madame la sénatrice !
Mon ambition, c'est de favoriser le développement durable en pressurant moins
les contribuables, pour permettre de concilier développement économique et
développement écologique.
(M. Jean Bizet, rapporteur pour avis, applaudit.)
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
Très juste !
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
C'est la raison pour laquelle j'ai placé l'action de mon
ministère sous le signe de la sécurité, de la transparence et de la
participation. Voilà au moins trois points sur lesquels nous allons pouvoir
nous rejoindre, car c'est cela le développement durable : la sécurité de nos
concitoyens - ils y sont attachés, et c'est le sens de ce que je fais, par
exemple, avec le plan de prévention des inondations ; la transparence - les
Français veulent savoir pourquoi nous prenons telle ou telle décision, et c'est
l'objet de la création de l'Observatoire de la faune sauvage, pour la gestion
fine des espaces et des espèces ; enfin, la participation, parce que les
décisions ne valent que si les citoyens y participent. Tel est le sens de
l'action que je mène aux côtés de la secrétaire d'Etat au développement durable
Tokia Saïfi sur l'information.
Voilà, madame la sénatrice, ce qu'est le développement durable ! Il faut non
pas écraser un peu plus les contribuables, mais, au contraire, moins les
pressurer pour leur permettre de mieux se développer sur le plan économique et
écologique.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et
Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.
Mme Marie-Christine Blandin.
Madame la ministre, hélas ! votre manque de pratique se révèle dans les propos
que vous venez de tenir ! Je le répète : la démocratie a un coût réel et les
économies de demain ne pourront être réalisées que grâce aux dépenses
d'aujourd'hui. Je déplore qu'une secrétaire d'Etat symbolique venue de notre
région, se voit doter d'un budget zéro.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin
ministre.
Non !
Mme Marie-Christine Blandin.
Vous nous avez habitués à une audace de parole ; je regrette la façon dont
vous l'utilisez. Il est plus facile, effectivement, de fustiger le Parlement
pour la gestion passée que de penser à demain. Vous avez dit avoir trouvé votre
ministère le sol jonché d'autorisations de programme. Gardez-vous, madame la
ministre, qu'à votre départ nous ne le retrouvions jonché d'erreurs et de
renoncements ! Demain, des comptes vous seront demandés tant sur votre
comportement face aux peuples du Sud que sur l'urbanisme, l'autoroute
ferroviaire ou les applications de la recherche. Vous devez vous engager sur
ces points !
Quand la maison brûle, je ne pense pas que l'urgence soit de critiquer les
pompiers d'hier et d'aujourd'hui !
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. - Mme la ministre
s'exclame.)
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant le ministère de l'écologie et du développement durable.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : moins 5 052 625 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV :
moins
5 567 742 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Philippe Adnot,
rapporteur spécial.
Madame la ministre, vous l'avez échappé belle ! Dans
sa recherche de maîtrise du déficit prévisible, la commission des finances
avait prévu de déposer un amendement tendant à supprimer 1 million d'euros de
crédits au titre IV, soit 0,28 % de la dotation. En effet, 700 millions d'euros
de recettes fiscales en moins ont été annoncés.
Cependant, un effort vous a été demandé en ce qui concerne les crédits qui
sont affectés au FNSE, tout en faisant en sorte de vous donner plus que
l'Assemblée nationale : nous avons été extraordinairement généreux puisque nous
avons porté ces crédits de 40 millions d'euros à 60 millions d'euros. Cela
permettra au Gouvernement de mieux maîtriser la baisse annoncée des recettes
fiscales.
Par conséquent, la commission a décidé de ne pas déposer d'amendement, mais
elle vous demande, madame la ministre, de procéder à un examen très attentif du
chapitre 44-10, dont la consommation de crédits ne s'élevait, au premier
semestre, qu'à 4,2 %. Ce chapitre fera l'objet, dans le cadre du projet de loi
de finances rectificative, d'une annulation de crédits de 39 millions d'euros.
Il y a donc lieu de vérifier le bien-fondé d'un certain nombre de subventions
qui sont accordées à des associations que je qualifierai de fantaisistes. A
titre d'illustration, je citerai l'Association de découverte de la ferme : une
pédagogie vivante.
Nous ne présentons pas d'amendement, madame la ministre, mais nous comptons
sur vous pour accomplir l'effort de maîtrise budgétaire nécessaire. Nous
souhaiterions que vous nous transmettiez le rapport que vous avez demandé sur
ce sujet.
Mme Roselyne Bachelot-Narquin,
ministre.
Ce sera fait !
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 45 790 000 euros ;
« Crédits de paiement : 8 565 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre V.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 327 026 000 euros ;
« Crédits de paiement : 55 689 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'écologie et le développement durable.
Equipement, transports, logement,
tourisme et mer
I. - SERVICES COMMUNS
II. - URBANISME ET LOGEMENT
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant
l'équipement, les transports et le logement : I. - Services communs, II. -
Urbanisme et logement.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a
opté pour la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le
principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants,
rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre répondra immédiatement et successivement au rapporteur
spécial, puis aux trois rapporteurs pour avis, et enfin à chaque orateur des
groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de
discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq
minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur, ce dernier
disposant d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose
sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole
impartis.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, le budget du ministère de l'équipement, des
transports, du logement, du tourisme et de la mer est probablement l'un des
plus importants. En effet, s'agissant des seules sections que j'ai l'honneur de
rapporter devant vous, avec les 4,3 milliards d'euros pour les services communs
et les 7,3 milliards d'euros pour le logement, on obtient un total qui
représente plus du double du budget de la justice. C'est donc un ministère «
lourd » en termes budgétaires.
Les crédits du fascicule « Services communs » s'élèveront à 4,3 milliards
d'euros pour 2003, soit une progression modérée de 1 % par rapport à 2002. Les
dépenses ordinaires représentent 99 % de ce budget et sont donc presque
exclusivement consacrées à des crédits de personnel et de fonctionnement.
Conséquence logique, les dépenses en capital ne représentent que 1,4 % des
crédits et sont, en outre, de nouveau en baisse.
J'aurai quelques observations à formuler. Tout d'abord, il faut saluer un
premier effort de réduction des emplois pour 2003. En 2002, le budget avait
enregistré 241 créations d'emplois. Par ailleurs, la mise en oeuvre de la loi
du 12 avril 2000 avait eu pour conséquence la création de 969 emplois d'agent
contractuel.
Monsieur le ministre, cette année, et pour la première fois depuis deux ans,
vous prévoyez un effort de réduction du nombre de postes budgétaires de 774
emplois. Encore faut-il observer que vous résorberez dans le même temps 750
emplois budgétaires vacants, ce qui réduit un tout petit peu l'effort réel en
la matière.
Au total, les mesures relatives à la résorption de vacances de postes
budgétaires seront exactement compensées par la réduction du nombre d'emplois
budgétaires. Il s'agit donc d'un budget de mise au clair.
Ensuite, s'agissant des dépenses de fonctionnement du ministère de
l'équipement, elles font l'objet, depuis plusieurs années déjà, de mesures
d'économies. Cependant, pour 2003, les moyens de l'administration centrale
enregistrent une hausse de 1,69 million d'euros et ceux des services
déconcentrés, de 3 millions d'euros.
Par ailleurs, les moyens en faveur de la sécurité routière sont révisés à la
hausse de 4,66 millions d'euros, afin de tenir compte de cette priorité. Cela
se situe tout à fait dans la ligne de recommandations de M. le Président de la
République.
S'agissant des crédits d'investissement, il faut noter la poursuite des
réductions de crédits consacrés aux programmes d'études et de recherche.
L'an dernier, les crédits du PREDIT, le programme de recherche et de
développement pour l'innovation et la technologie dans les transports
terrestres, étaient réduits de 27 %, et les crédits du FARIT, le fonds d'aide à
la recherche et à l'innovation dans les transports, de 28 %.
Pour 2003, les crédits de ces organismes de recherche continuent de se
réduire. Cela s'explique avant tout par la transition entre les programmes de
recherche. De fait, les crédits d'engagement, qui préparent l'avenir, sont,
eux, stabilisés. Il n'en reste pas moins que les besoins de recherche sont
importants, particulièrement dans le domaine de la sécurité routière, comme la
commission des finances l'a souligné.
Enfin, monsieur le ministre, six mois après votre prise de fonctions, une
observation est toujours d'actualité : la nécessité d'améliorer la présentation
de ce budget.
La Cour des comptes a réalisé une monographie du budget de l'équipement et des
transports. Bien que dotée de moyens efficaces et d'une expertise reconnue, la
Cour a peiné à retracer l'évolution des crédits.
Les années passées, la commission des finances avait regretté que le budget
soit affecté de nombreux changements de nomenclature, qui rendent l'analyse
détaillée des crédits difficile, voire impossible. Ces changements tendent
heureusement à devenir moins nombreux. Pour 2003, il faut compter quatorze
changements de nomenclature, soit moitié moins qu'en 2000, mais c'est tout de
même encore beaucoup.
Par ailleurs, un effort particulier est porté sur la connaissance des
effectifs. Une démarche a été entreprise avec l'Observatoire de l'emploi public
pour définir avec exactitude les effectifs, mais elle n'est pas encore tout à
fait achevée. De même, un logiciel est seulement maintenant en cours
d'élaboration pour recouper les différentes bases de données du ministère.
Cette initiative est bienvenue, même si l'on peut s'interroger sur le temps
qu'il a fallu pour mettre en place un tel dispositif !
Dans son rapport d'avril 2001, la Cour des comptes notait aussi un écart
important entre les emplois budgétaires et les emplois réels du ministère, dont
la moitié correspondait à des « emplois sur crédits ».
Si la question des emplois contractuels est en voie de règlement, la question
des effectifs des établissements publics nationaux persiste. Ces effectifs ne
sont pas comptabilisés au budget de l'Etat. L'augmentation apparente des
crédits de fonctionnement masque souvent l'augmentation réelle de ces dépenses
de personnel.
Mais j'en viens aux crédits de l'urbanisme et du logement.
Pour 2003, le budget de l'urbanisme et du logement s'élève à 7,3 milliards
d'euros en moyens de paiement, soit un budget de reconduction, de transition,
si l'on peut dire, et de « mise au net » dans certains domaines. Je pense en
particulier au FSL, le fonds de solidarité pour le logement.
Les dépenses ordinaires, qui sont à 97 % des crédits d'aides personnelles au
logement, s'élèvent à 5,4 milliards d'euros.
Les dépenses en capital, correspondant essentiellement aux aides à la pierre,
sont stables, à 1,9 milliard d'euros en crédits de paiement, mais elles
diminuent en autorisations de programme.
Je vous présente tout de suite mes observations.
Ma première observation concerne les aides à la personne, qui représentent 75
% du budget.
Une réforme importante des aides personnelles s'est déroulée ces deux
dernières années. La commission des finances du Sénat, par la voix de notre
collègue Jacques Pelletier, rapporteur spécial, avait souhaité, l'année
dernière, cette réforme et s'était félicité de sa mise en oeuvre, car elle
prenait en compte, à égalité, les revenus de transfert et les revenus
d'activité. C'était un point qui agitait beaucoup la représentation
nationale.
Cette réforme, d'un coût élevé, a pu être financée par la croissance :
celle-ci a permis de stabiliser le nombre de bénéficiaires des aides,
aujourd'hui de 6,2 millions de ménages, et d'accroître les versements des
employeurs. L'Etat, qui ne prend en charge que 40 % des prestations - elles
s'élèvent, rappelons-le, à un total de 12,7 milliards d'euros -, a pu faire des
économies.
Pour l'avenir, il faudra considérer dans quelle mesure la charge des aides
personnelles peut être maîtrisée. Pour 2003, la commission note que des
économies sont réalisées, ce qui va dans le sens de nos préconisations. Reste
l'inconnue de la croissance qui a influé sur le poids de la charge au cours des
dernières années.
Par ailleurs, vous avez décidé de mener une action sur les frais de gestion
des aides personnelles, comme la commission des finances du Sénat l'avait
souhaité, et nous nous en félicitons.
En aide personnalisée au logement, les frais de gestion étaient égaux à 4 %
des prestations jusqu'en 2001. A la suite d'une décision du conseil de gestion
du fonds national de l'habitat du 26 novembre 2001, ces frais ont été réduits à
3 % ; ils devraient encore être abaissés à 2 % des prestations, ce qui
représente plusieurs dizaines de millions d'euros d'économies.
Au-delà, nous souhaitons que le dispositif de financement des aides
personnelles soit considérablement simplifié.
Les dotations budgétaires sont fusionnées pour la première fois cette année,
ce qui est une bonne chose. Il serait logique, à terme, d'envisager la mise en
place d'un fonds unique de financement des aides personnelles au logement, ce
qui faciliterait la tâche tant du Parlement que de la Cour des comptes.
Enfin, une réflexion pourrait s'engager sur une modification de calendrier.
Monsieur le ministre, la revalorisation au 1er juillet de chaque année n'est
pas prise en compte correctement dans les dotations budgétaires, et ce pour des
raisons évidentes. En outre, elle crée d'incroyables complications en termes de
gestion. Or la mise à disposition des fichiers fiscaux depuis 2001 permettrait
de supprimer les cinq millions de formulaires de demandes d'aides personnelles,
ce qui aurait l'avantage de faire coïncider la revalorisation des barèmes avec
l'année budgétaire et d'éviter ainsi nombre de travaux inutiles.
Cela irait en outre dans le sens de la réforme de l'Etat et d'une amélioration
de sa productivité, ce que chacun souhaite.
Ma deuxième observation concerne le parc social.
Pour 2003, la priorité du Gouvernement va au renouvellement urbain ; elle doit
cependant être complétée par une gestion plus dynamique du parc social.
De 1997 à 2000, le nombre annuel de logements sociaux n'a cessé de se réduire.
En 2001, un plan de relance a donc été lancé et les paramètres du prêt locatif
à usage social - PLUS, en langage technocratique - ont été réajustés à la
hausse. L'augmentation du taux d'intérêt du livret A et du coût des opérations
nécessitait de revoir les conditions d'équilibre financier des opérations de
construction.
L'ensemble de ces mesures a eu des effets, puisqu'elles ont permis, pour
l'année 2001, le financement de 56 000 logements locatifs sociaux contre 42 000
logements en 2000.
Cependant, la commission pense que la politique du logement social doit
s'inscrire dans le cadre plus large de la réhabilitation du parc où les besoins
sont très importants. Et je sais que, sur ce projet, monsieur le ministre, vos
réflexions rejoignent celles de votre collègue chargé de la ville.
En 2001, seulement 88 000 réhabilitations lourdes ont été financées dans le
logement social, contre 123 000 en 2000. Le budget pour 2003 consacre donc un
effort particulier en faveur de la réhabilitation du parc social, ce dont nous
nous félicitons.
On observera que l'augmentation des crédits devrait contribuer à des
opérations de mise en sécurité particulièrement nécessaires. Nous ne pouvons
que souscrire aux propos que vous avez tenus, monsieur le ministre, à la suite
d'accidents d'ascenseurs récents.
Par ailleurs, pour 2003, la démolition de 12 000 logements est prévue.
L'objectif est réduit par rapport à celui de 2002, qui était de l'ordre de
l'effet d'annonce, mais il est plus proche de la réalité des contraintes pour
ce type d'opérations. La réduction de l'enveloppe de crédits résulte donc d'un
souci de transparence ; je parlais de budget de mise au net et de
clarification, nous sommes bien sur cette voie.
Par ailleurs, votre collègue M. Jean-Louis Borloo, ministre délégué à la ville
et à la rénovation urbaine, a annoncé des objectifs très ambitieux en termes de
démolition et de reconstruction dans les quartiers difficiles. Dans un premier
temps, la mise en place d'un « guichet unique » devrait constituer un outil de
simplification administrative. Dans un second temps, il conviendra d'envisager
une vraie politique interministérielle en faveur du renouvellement urbain, dont
les moyens restent à préciser. Je pense que nous nous retrouverons en cours
d'année, ou lors de l'examen du budget pour 2004, pour en parler.
Enfin, je souhaiterais souligner l'importance d'approfondir la réflexion sur
la gestion et les performances du parc locatif social. Les distorsions de
statuts, notamment de régimes fiscaux, induisent des distorsions de concurrence
entre les opérateurs. La vision du parc est morcelée, ses performances sont mal
évaluées. Il est important que les réflexions progressent sur une
simplification de la gestion de notre parc social.
En dernière observation, j'évoquerai l'aide à la pierre dans le logement
privé.
Une mission a été confiée en 2001 à l'Inspection générale des finances, au
Conseil général des Ponts et chaussées et au directeur de l'Agence nationale
d'information sur le logement sur le prêt à taux zéro. Les conclusions de cette
mission montrent tout l'intérêt du dispositif.
D'un point de vue social, la cible visée a été atteinte : 75 % des
bénéficiaires ont des ressources au plus égales à 2,5 fois le SMIC en 2001.
D'un point de vue économique, comme la commission des finances l'avait déjà
fait valoir, ce prêt a contribué à améliorer la situation du secteur du
bâtiment. La création du prêt à taux zéro a évité de passer sous 250 000 mises
en chantier en 1996 et 1997, et elle a soutenu par la suite la remontée vers le
seuil de 300 000 mises en chantier annuelles.
On peut dès lors regretter que le nombre de prêts à taux zéro se soit
fortement réduit depuis 1997, passant de 123 000 prêts émis à 102 000. Pour
2003, une légère remontée est annoncée, mais on ne peut pas vraiment encore
parler d'inversion de tendance.
Il faut noter que le rapport de la mission d'évalution contient des
propositions. Malgré les contraintes budgétaires actuelles, ces pistes de
travail devraient être explorées tout en tenant compte, en zone urbaine - là où
la situation est la plus difficile - de l'action et de l'expérience de
certaines grandes villes qui favorisent le prêt à taux zéro. Il semble
cependant que, même avec cet appui, les difficultés ne manquent pas.
J'en viens maintenant aux moyens de l'Agence nationale pour l'amélioration de
l'habitat, l'ANAH, qui, vous vous en doutez, font l'objet de toutes les
attentions.
Je crois, d'ailleurs, que vous en avez entendu largement parler à l'Assemblée
nationale, au point que vous avez déposé un amendement qui tend à augmenter un
peu ses moyens.
Le précédent gouvernement parlait d'un « recentrage » plus affirmé des aides
sur les copropriétés dégradées ou le logement insalubre. Ce recentrage
s'appuyait notamment sur les observations de la Cour des comptes.
Pour 2003, les dotations de l'ANAH, après le vote de l'Assemblée nationale,
s'élèveront, - sur votre initiative, d'ailleurs, puisque l'on ne pouvait pas
faire autrement - à 422 millions d'euros en autorisations de programme et à 442
millions d'euros en crédits de paiement.
Ces moyens semblent assez contraints. Or il faut encourager le logement
locatif, et la fin programmée du régime de la loi de 1948 devrait également
conduire à des besoins accrus en termes de réhabilitation. Un message positif
doit être adressé aux bailleurs, qui continuent d'acquitter une fiscalité
élevée et dérogatoire au droit commun, sous la forme, notamment, de la
contribution annuelle sur les revenus locatifs.
Enfin, je vous rappelle que la commission porte une attention toute
particulière à la fiscalité des bailleurs privés, et notamment au régime dit «
Besson », en faveur du parc locatif intermédiaire qui, grâce à nos efforts et à
ceux de l'Assemblée nationale, devrait être sensiblement revalorisé l'an
prochain.
En outre, la commission se réjouit du maintien du taux réduit de TVA à 5,5 %
pour les travaux sur les logements, qui a été mis en place à titre transitoire
depuis quelques années. Notre souhait, bien entendu, est que cette situation se
prolonge dans les années qui viennent. Nous comptons sur le Gouvernement pour
plaider avec vigueur à Bruxelles en ce sens.
Je souhaite vous poser quatre questions, monsieur le ministre.
J'évoquerai d'abord le budget des services communs. Comment préparez-vous la
mise en oeuvre des dispositions de la loi organique, c'est-à-dire, pour une
présentation plus claire de votre budget, la répartition des crédits en
programmes et en missions ?
En ce qui concerne le logement, maintenant, comment envisagez-vous la
redynamisation du parc social locatif ? Souhaitez-vous, en particulier, une
évolution du statut des organismes ?
S'agissant du parc privé, comment voyez-vous l'avenir de l'ANAH, l'Agence
nationale pour l'amélioration de l'habitat ? Nous souhaiterions que ses
dotations budgétaires - c'est un problème qui se posera l'année prochaine -
s'adaptent à la réalité des besoins et tiennent compte de l'élargissement
actuel et annoncé de ses missions, en évitant les à-coup budgétaires, les
régulations brutales qui désorganisent tout le secteur, et en laissant une
possibilité de dotation budgétaire complémentaire en loi de finances
rectificative.
J'en viens à la décentralisation.
La politique du logement est l'une des plus centralisées, alors même qu'elle
concerne directement les collectivités locales, qui interviennent souvent en
matière de logement social, mais aussi de rénovation urbaine, d'accès au
logement, de lutte contre l'insalubrité. Pourriez-vous nous en dire plus sur
vos projets, monsieur le ministre ?
En conclusion, mes chers collègues, je rappelle que la commission des finances
vous propose d'adopter le budget des services communs, de l'urbanisme et du
logement pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la
mer.
Monsieur le rapporteur spécial, je voulais tout d'abord vous
remercier et saluer la qualité de votre rapport. Mon cabinet et tous les
experts qu'il compte sont très admiratifs devant ce document d'une centaine de
pages, de très grande qualité, particulièrement riche en ce qui concerne les
aides à la personne. Soyez assuré, monsieur le rapporteur spécial, que nous en
ferons le meilleur usage.
Mais j'entre dans le vif du sujet et je vous réponds.
Vous avez raison de poser la question de la préparation de la mise en oeuvre
de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF, à propos des
services communs, car la ventilation entre les programmes des moyens retracés
sur ce budget sera très délicate en raison de l'importance des effectifs - près
de 100 000 emplois - et de la diversité des missions qu'ils assurent sur le
terrain.
Mesdames, messieurs les sénateurs, vous le constatez dans vos départements,
les agents du ministère de l'équipement contribuent à plusieurs politiques,
notamment la route, la sécurité routière, les transports et le logement, mais
aussi à l'action d'autres administrations, quand ce n'est pas des collectivités
locales, y compris, dorénavant, les inspecteurs du permis de conduire. J'ai le
plaisir, en effet, de vous annoncer que leur grève est terminée et que nous
venons - il y a une heure - de signer un protocole d'accord. Ces inspecteurs
seront donc rattachés aux directions départementales de l'équipement.
Des progrès ont été accomplis, mais je suis, comme vous, convaincu qu'il faut
continuer à améliorer la lisibilité et la transparence de l'information du
Parlement et des citoyens.
Dès à présent, je vous rassure sur l'implication de mon ministère dans la mise
en oeuvre de cette réforme, qui vise à mettre en évidence et en relation les
objectifs, les coûts et les résultats des politiques publiques.
Un dispositif de travail spécifique a été mis en place sous l'autorité de mon
cabinet, avec pour mission prioritaire la structuration des futurs programmes.
L'un des enjeux essentiels est de parvenir à des programmes qui reflètent à la
fois les finalités des politiques menées et la réalité des responsabilités.
La définition des programmes dépendra également des décisions qui
interviendront en matière de décentralisation.
Par ailleurs, ainsi que vous l'avez noté dans votre rapport écrit, le
ministère de l'équipement s'engage, dès 2003, dans une expérimentation de
dotation globalisée des moyens en personnels et des crédits de fonctionnement
dans la région Nord - Pas-de-Calais.
Je vous remercie aussi d'avoir noté, monsieur le rapporteur spécial, les
efforts du ministère en faveur de la réduction des frais de gestion. D'autres
expérimentations seront proposées dans le budget pour 2004. Je veillerai à
associer, évidemment dès que possible, le Parlement à la mise au point des
programmes.
J'ai bien noté l'ensemble des remarques très pertinentes que vous avez
formulées sur le logement. Je voudrais répondre d'abord sur la gestion du parc
HLM, qui constitue un véritable sujet stratégique pour l'ensemble du secteur
HLM. Je ne sais si cette gestion doit être redynamisée, mais elle doit en tout
cas être modernisée pour apporter un service de qualité aux locataires.
Cela passe par deux grandes orientations. La première consiste à mettre fin à
l'excès de centralisation dont souffre le logement social. L'Etat centralisé
n'est plus en mesure de répondre aux besoins d'aujourd'hui, en raison de la
diversité des situations locales.
La décentralisation de la politique du logement permettra certainement aux
collectivités territoriales de mieux répartir et d'adapter, en fonction des
besoins locaux, les aides à la construction et à la réhabilitation des
logements locatifs sociaux. J'y reviendrai, puisque c'est l'une de vos
questions.
La seconde orientation vise à refonder les relations entre les organismes HLM
et les collectivités publiques. J'ai indiqué devant le congrès de l'Union
sociale de l'habitat que je souscrivais à l'idée d'un conventionnement global,
tel qu'il est proposé dans un rapport conjoint du Conseil général des Ponts et
chaussées et de l'Inspection générale des finances. Mes interlocuteurs ont eu
l'air d'apprécier cette solution.
Cette réforme, qui fait l'objet d'un travail conjoint entre mes services et
ceux de l'Union sociale pour l'habitat, doit permettre à chaque organisme de
définir contractuellement avec l'autorité locale ses objectifs en matière de
qualité de service comme en matière de patrimoine. Construction nouvelle,
démolition, vente aux locataires, l'ensemble forme un tout qui doit entraîner
une certaine mobilité du patrimoine.
Elle permettrait non seulement de définir une politique de loyer plus adaptée
à la réalité du terrain et plus juste, mais aussi de préciser les objectifs
d'accueil des populations les plus défavorisées.
Cette politique, fondée sur des objectifs définis conjointement et reposant
sur une relation de responsabilité et de confiance, est le complément
indispensable de la décentralisation.
La question du statut des organismes doit être replacée dans ce contexte. Une
concertation est engagée depuis plusieurs mois sur le statut des offices et des
offices publics d'aménagement et de construction, les OPAC. C'est d'abord au
mouvement HLM qu'il revient de faire des propositions.
La décentralisation, voulue par le Premier ministre, constituera l'une des
réformes majeures des années à venir.
Nous sommes aujourd'hui dans une phase d'écoute des aspirations qui
s'expriment à partir du terrain, au sein notamment des assises régionales des
libertés locales qui s'achèveront au mois de janvier. Vous y avez participé,
comme moi, monsieur le rapporteur spécial. De nombreuses idées fusent de toutes
les directions : c'est passionnant !
Je ne souhaite donc pas exprimer aujourd'hui une position qui serait
interprétée comme une marque de désinvolture à l'égard de tous ceux qui se sont
engagés dans cette démarche de dialogue ou comme une volonté de verrouiller le
débat avant même qu'il soit achevé. J'ai cependant, en la matière, quelques
convictions dont je tiens à vous faire part et qui sont, du moins je l'espère,
partagées par l'ensemble du Gouvernement et de la majorité.
D'abord, il me paraît indispensable que les politiques du logement soient
territorialisées - c'est pour moi une évidence - pour mieux prendre en compte
la réalité des situations qui varient beaucoup d'un département à l'autre,
voire d'un bassin d'habitat à l'autre sur notre territoire.
Une plus grande souplesse est incontestablement nécessaire : il faut
rapprocher le niveau de décision et d'arbitrage du terrain.
Ensuite, la décentralisation doit prendre en compte au moins deux principes
qui fixent les limites de ce qu'il est possible de faire ou de ne pas faire et
sur lesquels le Gouvernement sera intransigeant, car il y va de la cohésion
nationale. Je veux parler du droit au logement pour les plus démunis, sur
lequel Mme Versini s'est exprimée récemment, et du respect de la mixité
sociale.
La décentralisation n'est à mon avis possible que s'il existe des garanties
préalables de mise en oeuvre effective de ces deux principes.
Mme Odette Terrade.
Avec la révison de la loi SRU, ce sera difficile !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Enfin, sur un plan technique, jusqu'à preuve du contraire,
certaines aides au logement ne sont en tout état de cause pas susceptibles
d'être décentralisées ; il s'agit des bonifications des prêts à taux zéro, des
aides personnelles et des aides fiscales. Si c'est une évidence pour ces
dernières, je sais que certains imaginent d'autres solutions concernant les
aides personnelles ; la discussion reste ouverte.
J'en viens maintenant à votre question concernant l'Agence nationale pour
l'amélioration de l'habitat, l'ANAH. Son avenir à moyen terme dépend fortement
des décisions qui seront prises en matière de décentralisation, car s'il est un
régime qui, sur le plan technique, peut facilement être décentralisé, c'est
bien celui des aides à l'amélioration de l'habitat privé.
A court terme, pour répondre plus précisément à votre question, je ne suis pas
inquiet. Certes, il serait souhaitable que les dotations budgétaires s'ajustent
à la réalité des besoins et soient gérées sans à-coups. Je suis conscient de
l'effet de levier induit par ces subventions sur l'activité du bâtiment et, par
voie de conséquence, sur l'emploi.
Les crédits de l'ANAH ne peuvent échapper aux contraintes budgétaires de
l'Etat. Cela étant rappelé, je me félicite de l'abondement de 30 millions
d'euros que l'Assemblée nationale a voté. Ces crédits permettront notamment de
répondre aux besoins exprimés par les propriétaires bailleurs dans ce que l'on
appelle « le secteur diffus », tout en renforçant l'intervention de l'agence
dans les domaines que son conseil d'administration a jugés prioritaires.
Il s'agit du traitement des logements insalubres et des copropriétés
dégradées, de la remise sur le marché de logements locatifs privés à loyers
maîtrisés ou encore des actions en faveur du développement durable ou de
l'adaptation des logements aux besoins des personnes âgées et handicapées.
Telles sont, monsieur le rapporteur spécial, mesdames, messieurs les
sénateurs, les premières réponses que je pouvais vous apporter.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants,
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à quinze heures.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze
heures.)
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'équipement, les transports et le logement : I. - Services communs,
II. - Urbanisme et logement.
La parole est à M. Bernard Piras, rapporteur pour avis.
M. Bernard Piras,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'urbanisme.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, comme toutes les politiques de long terme, la politique de
l'urbanisme ne se prête ni à des annonces spectaculaires ni à des « effets de
manches ». Elle a cependant une incidence déterminante sur la vie quotidienne
de nos concitoyens.
Tout en adoptant les crédits qui y sont consacrés par le projet de loi de
finances - contrairement à l'avis défavorable que j'avais émis -, mes collègues
de la commission des affaires économiques et du Plan m'ont chargé, dans le
cadre de la nouvelle procédure budgétaire, de vous poser, monsieur le ministre,
diverses questions et de me faire l'interprète de plusieurs préoccupations.
En ce qui concerne l'évolution des crédits, nous constatons une diminution
aussi bien en dépenses ordinaires et autorisations de programme qu'en dépenses
ordinaires et crédits de paiement. Cette diminution touche notamment les lignes
destinées aux acquisitions foncières. Chacun s'accordant à souligner
l'importance d'une politique d'achat de terrains par anticipation, afin de
lutter contre la spéculation, je ne peux que m'étonner de cette diminution
notable des crédits. Elle porte atteinte à la continuité et à la crédibilité de
la politique foncière de notre pays. Comment le Gouvernement la justifie-t-il
?
La deuxième série de questions concerne l'élaboration des documents
d'urbanisme.
Commençons par les documents d'urbanisme décentralisés, puisque vous savez que
plus des quatre cinquièmes des autorisations de construire sont désormais
accordés par les collectivités locales. La loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains a relancé le mouvement de planification urbaine avec
l'élaboration des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux
d'urbanisme. Or, qu'observe-t-on s'agissant des financements ?
Bien que soit posé le principe d'une égalité entre les transferts de
ressources et les transferts de charges, les communes se trouvent dans
l'obligation d'élaborer des documents coûteux - un plan local d'urbanisme coûte
plus de 45 000 euros -, alors même que l'Etat n'accroît pas les aides destinées
à leur permettre de réaliser ces documents, notamment dans les petites
communes.
Je saisis d'ailleurs cette occasion pour vous demander au nom de tous mes
collègues, monsieur le ministre, d'adresser des instructions à vos services,
qui semblent parfois considérer que le plan d'aménagement et de développement
durable, qui fixe les orientations principales des PLU, doit être aussi
détaillé pour les petites communes que pour les grandes agglomérations. Telle
n'était pourtant par l'intention du législateur lorsqu'il a établi cette
procédure !
J'observe, au surplus, s'agissant du cas particulier des cartes communales,
que celles-ci ne permettent toujours pas d'utiliser des procédures telles que
le droit de préemption, alors même qu'il serait très utile dans de nombreuses
communes rurales. Que comptez-vous faire à ce sujet ?
J'en viens aux documents élaborés par l'Etat. Quel est, monsieur le ministre,
le contenu du décret portant application des dispositions de la loi « littoral
» aux estuaires ? Quand sera-t-il publié ? Les élus locaux ou leurs
représentants ont-ils été consultés dans les principales zones intéressées ?
A-t-on une idée de l'incidence, directe ou indirecte, de ce décret sur la
possibilité de réaliser des infrastructures ou d'urbaniser ? Sur ce point, il
est nécessaire de calmer les inquiétudes qui se font jour.
Les directives territoriales d'aménagement, dont le Sénat a imaginé, en 1995,
le régime sur la base d'une proposition du Conseil d'Etat, se font toujours
attendre, alors même qu'elles ont toutes été lancées entre 1996 et 1997. Vous
comprendrez, même si je ne la partage pas totalement, la surprise manifestée
par certains de nos collègues qui constatent que l'Etat, qui veut inciter les
communes et leurs établissements publics à élaborer des schémas de cohérence
territoriale, s'avère incapable de publier, dans un délai raisonnable, les
directives territoriales d'aménagement.
J'en viens enfin à la situation des deux agences des cinquante pas
géométriques dans les départements d'outre-mer et de l'établissement public de
l'aménagement de la Guyane. Si j'en crois les informations dont je dispose, les
premières ont pris beaucoup de retard et ne disposent guère de moyens. Quant au
second, il n'est manifestement pas doté des ressources financières qui lui
permettraient de mener à bien sa mission. Quand on sait l'importance des outils
d'aménagement foncier dans la gestion de l'espace, on ne peut que s'interroger
sur les mesures à prendre pour faciliter l'action de ces institutions.
Je vous remercie, par avance, monsieur le ministre, des réponses que vous
voudrez bien me donner.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour le logement.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, le budget du logement et de l'urbanisme pour l'année 2003 est en
baisse de 3,5 % et s'établit en moyens d'engagement à 7,28 milliards d'euros,
même si les moyens de paiement sont stables.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Ah !
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis.
Dès votre premier exercice budgétaire, vous
affichez donc, monsieur le ministre, les orientations du Gouvernement en
matière de politique du logement pour les cinq prochaines années.
Ce budget n'est pas le budget de reconduction ou de consolidation que certains
nous présentent. Il est plutôt un budget de transition vers un début de
désengagement de l'Etat des politiques publiques en faveur du logement.
Vraisemblablement, ce désengagement a lieu au profit des collectivités locales.
Peut-on parler de profit, d'ailleurs ? Nous le saurons bientôt, mais à quels
coûts et pour quels objectifs ?
Il existe, certes, ici ou là, je vous l'accorde, des lignes budgétaires pour
lesquelles vous jugez malgré tout que l'Etat doit jouer pleinement son rôle.
Pour autant, je rappelle que le logement ne doit pas être oublié, comme le
sont l'éducation ou la recherche, alors que nous sommes dans une période
d'incertitude économique - il faut en prendre acte - et, surtout, dans une
période où vous faites le choix de donner tous les moyens budgétaires et
financiers aux forces répressives, alors que vous savez comme moi, monsieur le
ministre, que le logement constitue un des principaux éléments d'ancrage d'une
vie sociale réussie en même temps qu'il est un formidable outil de
développement et d'aménagement pour nos villes.
C'est pourquoi, monsieur le ministre, les orientations de votre projet de
budget pour 2003 sont inquiétantes pour l'ensemble des acteurs du logement et
pour les Français les plus défavorisés.
J'évoquerai dans un premier temps la baisse de 50,1 millions d'euros des
crédits alloués à l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat et ses
conséquences.
Croyez-vous, monsieur le ministre, que l'ANAH peut assurer sa mission dans son
ensemble alors qu'un million de logements ne présentent pas des conditions de
salubrité décentes, 300 000 d'entre eux n'ayant même aucune installation
sanitaire ?
Par ailleurs, je tiens à redire ici que nous avons tous dans nos villes des
îlots d'insalubrité. Nous devons collectivement en prendre conscience, car
cette situation ne devrait plus exister au xxie siècle, et tout mettre en
oeuvre pour éradiquer ce fléau. C'est d'ailleurs à ce titre que nous avons
favorisé la création de la grande ANAH.
Il s'agit donc ici d'assurer à l'ANAH les moyens de son fonctionnement et de
son développement.
Monsieur le ministre, je vous demande officiellement d'abonder la ligne
budgétaire de l'ANAH afin de lutter efficacement contre l'insalubrité, qui
fragilise une population déjà touchée par d'autres handicaps sociaux.
J'ajoute que, de cette façon, vous redonneriez confiance aux acteurs engagés
dans la réhabilitation.
Le second volet de mon intervention concerne les crédits affectés aux aides à
la personne, en particulier aux mesures d'économie ciblées sur les jeunes et
les étudiants.
Tout d'abord, monsieur le ministre, je m'étonne que vous n'ayez pas prévu dans
ce projet de budget la traditionnelle revalorisation du 1er juillet.
Allez-vous, comme cette année, geler l'augmentation, puis revenir sur votre
décision en fin d'exercice, par une mesure rétroactive financée sur le budget
de l'année suivante ? Est-ce déjà un signe d'incertitude budgétaire ? Ce serait
inquiétant...
Je le rappelais précédemment, nous sommes dans une situation économique
inconfortable. Le nombre de demandeurs d'emploi stagne, mais il me semble que
l'éventuel ralentissement de la conjoncture économique et ses effets sur
l'augmentation des besoins financiers n'ont pas été pris en compte dans le
projet de budget. Quelles mesures concrètes comptez-vous prendre, monsieur le
ministre, si la situation se détériore ?
Dans le même registre, les mesures d'économie réalisées sur les aides
personnelles, soit près de 103 millions d'euros, portent essentiellement sur
les jeunes et les étudiants. Je m'interroge donc sur l'utilité d'une telle
économie quand on connaît les difficultés rencontrées par ces deux catégories
de bénéficiaires.
Est-ce trop demander à ce gouvernement que d'assurer aux étudiants des
conditions acceptables d'études, d'aider les jeunes ménages à s'installer et de
permettre à tous les jeunes d'être, enfin, autonomes ?
Enfin, monsieur le ministre, le fonds de solidarité pour le logement ne fait
pas partie, lui non plus, des instruments que vous jugez utiles dans une
politique du logement pour tous, même s'il est vrai qu'une nouvelle fois tous
les crédits n'ont pas été consommés, et je le regrette.
Baisser les crédits alloués à ce formidable outil d'accompagnement social,
c'est casser ce qui marche, alors que nous savons qu'il suffit de modifier son
fonctionnement afin que tous les crédits mobilisés soient consommés.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, j'exprime, à titre personnel,
les plus vives craintes quant aux évolutions des crédits alloués aux aides
personnelles pour l'année 2003.
Par ailleurs, je salue l'objectif de 54 000 constructions de logements sociaux
cette année et l'augmentation de 15 millions d'euros de la ligne fongible, mais
je m'interroge sur la baisse de la dotation affectée à la destruction de
logements alors que votre collègue, M. Borloo, a annoncé un objectif de 200 000
destructions sur cinq ans. Je souhaiterais donc connaître le véritable projet
du Gouvernement en la matière.
J'ajoute qu'en ce qui concerne les financements de l'Etat pour la réalisation
des opérations en fin d'année, les crédits sont, semble-t-il, gelés ou
reportés.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Vous avez tort !
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis.
Pouvez-vous nous rassurer, monsieur le ministre,
sur le soutien de l'Etat dans la réalisation de l'objectif 2002 ?
Enfin, comment ne pas évoquer les récentes annonces portant sur le retour dans
le droit commun des logements de la loi de 1948, qui suscite, à juste titre,
une vive inquiétude de la part des personnes âgées ?
Comment ne pas évoquer, aussi, la modification de la loi relative à la
solidarité et au renouvellement urbains qui casse toute la dynamique de
construction de logements sociaux ?
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Ce n'est pas l'avis de la commission. C'est le vôtre
!
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis.
Après toutes ces attaques portées au logement
social et
de facto
aux populations en attente d'un logement, pouvez-vous
au moins, monsieur le ministre, nous rassurer quant au maintien de la taxe sur
les logements vacants instaurée par la loi de lutte contre les exclusions ?
Pour conclure, je ne vois donc pas de solution dans ce budget pour les
millions de Français qui n'ont pas les moyens de devenir propriétaires ou, tout
simplement, qui sont à la recherche d'un logement décent pour vivre.
C'est pourquoi, en tant que rapporteur pour avis, j'ai proposé d'émettre un
avis défavorable. Pour autant, je dois le reconnaître, la commission des
affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption des crédits
consacrés au logement inscrits dans le projet de loi de finances pour 2003, et
je tenais à vous en rendre compte.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Je demande la parole pour un rappel au règlement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Je veux rappeler que les rapporteurs pour avis, comme
les rapporteurs au fond, doivent exprimer la position de leur commission : les
observations personnelles n'ont pas leur place dans la présentation d'un
rapport à la tribune et peuvent être exprimées en d'autres circonstances !
M. Marcel-Pierre Cleach.
Absolument !
M. le président.
Chacun assume ses responsabilités.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
En vingt-cinq ans, je n'avais jamais vu cela !
M. le président.
La parole est à Mme Françoise Henneron, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Henneron,
rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales, pour le logement
social.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
depuis plusieurs années, la crise de la construction accentue la pénurie de
logements, laquelle affecte particulièrement les ménages disposant de
ressources modestes.
Ainsi, à partir des éléments du recensement de 1999, l'INSEE évalue la demande
potentielle à près de 350 000 logements par an.
Ce problème est aggravé par le nombre important de logements vacants dans le
parc locatif social, nombre estimé à près de 130 000 au 31 décembre 2000.
Cette année, la conjoncture économique défavorable impose au Gouvernement de
sélectionner ses priorités avec une grande rigueur. L'effort budgétaire, les
crédits de paiement restant stables à 7,3 milliards d'euros, traduit cette
contrainte.
Fort de l'idée qu'il est possible de « dépenser moins pour dépenser mieux »,
le Gouvernement concentre ses moyens sur deux priorités : le développement de
l'habitat et le renouvellement urbain.
Ainsi, les crédits en faveur de la construction et de la réhabilitation sont
portés à 435 milions d'euros, soit une augmentation de près de 9 %, afin de
permettre la réalisation effective de 54 000 logements en 2003, auxquels
devraient s'ajouter 100 000 réhabilitations au titre de la PALULOS, de façon à
satisfaire les besoins de rénovation du parc HLM, 70 % des logements datant de
plus de vingt ans.
L'efficacité de ce projet de budget peut également être jugée à l'aune des
acquis consolidés : les aides à la personne et la qualité des services dans les
quartiers.
Les aides personnelles en faveur des ménages modestes représentent 73 % du
budget du logement, soit 5,2 milliards d'euros, et bénéficient à plus de six
millions d'allocataires.
La consolidation des crédits affectés aux fonds de solidarité pour le logement
et le triplement des moyens alloués à la qualité des services dans les
quartiers sont en outre un gage du renforcement de la solidarité.
La commission des affaires sociales est particulièrement attentive à
l'application du principe de solidarité et se félicite à cet égard de ce que le
Gouvernement ait choisi de relever le défi de la lutte contre les exclusions
dans le domaine du logement.
Au titre de premier effort, l'accent est mis sur la résorption de l'habitat
insalubre, notamment par l'amélioration de l'efficacité de la lutte contre le
saturnisme.
En effet, la diminution des moyens affichés en 2003 en faveur de la lutte
contre le saturnisme ne fait que prendre acte d'un phénomène récurrent : la
très faible consommation des crédits du fait de la complexité des
procédures.
Il était donc urgent de clarifier les compétences, d'alléger les procédures
et, surtout, de définir un acteur unique de la politique de lutte contre
l'insalubrité, pour que celle-ci soit enfin efficace.
L'autre grand chantier qui s'ouvre, pour le Gouvernement, est celui du
développement d'une politique ambitieuse d'intervention en faveur du parc
privé, qui favoriserait l'accession sociale à la propriété et renforcerait les
opérations de réhabilitation.
On peut toutefois regretter que le projet de budget pour 2003 n'ait pu prévoir
un effort plus important dans ce domaine. En effet, malgré son efficacité, le
dispositif du prêt à taux zéro n'est pas suffisamment encouragé, comme nous
avons d'ailleurs pu le regretter ces dernières années.
Aussi ma première question portera-t-elle, monsieur le ministre, sur l'avenir
du prêt à taux zéro, dont les plafonds, vous le savez, n'ont pas évolué depuis
1997, et, plus largement, sur les mécanismes que vous comptez développer ou
mettre en place pour favoriser l'accession des ménages les plus modestes à la
propriété.
En revanche, la commission des affaires sociales ne peut que se féliciter de
l'initiative que vous avez prise, lors du débat à l'Assemblée nationale, de
majorer substantiellement les crédits de paiement et les autorisations de
programme de l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat, l'ANAH.
En effet, à l'heure où les pouvoirs publics cherchent à favoriser le logement
locatif et où la fin programmée de l'application de la loi de 1948 pourrait
également entraîner des besoins accrus en termes de réhabilitation, le rôle de
l'Agence nationale pour l'amélioration de l'habitat est plus que jamais amené à
se développer.
Enfin, ce projet de budget pour 2003 doit être apprécié dans la perspective de
l'examen du projet de loi d'orientation et de programmation du renouvellement
urbain, qui a fait l'objet, le 30 octobre dernier, d'une communication de M.
Jean-Louis Borloo en conseil des ministres.
En outre, le projet de loi portant diverses dispositions relatives à
l'urbanisme, à l'habitat et à la construction revient sur plusieurs
dispositions de la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains.
Dans ce cadre, une réflexion vaut également d'être engagée, plus précisément
sur l'article 55 de la loi du 13 décembre 2000.
Ma seconde question portera sur la prise en compte des différents types de
logements sociaux laissés volontairement de côté par le précédent gouvernement
pour des raisons idéologiques et qui, de ce fait, n'entrent pas dans le fameux
quota de 20 %.
Je sais que vous avez estimé l'opération complexe lors de l'examen de la
proposition de loi de mon collègue Dominique Braye, discutée le 12 novembre
dernier au Sénat.
Mais le débat au sein de la commission des affaires sociales a fait apparaître
la préoccupation de nombre de mes collègues, qui s'inquiètent, avec raison,
d'une véritable injustice.
Certaines de nos communes supportent en effet la charge d'un habitat social
plus étendu que celui du parc HLM au sens strict, composé de logements sociaux
de type PLI - prêt locatif intermédiaire - ou relevant du régime de l'accession
sociale à la propriété, qui leur posent les mêmes difficultés économiques et
sociales que le parc classique. Mais l'absence de prise en compte de ces
logements dans le quota de 20 % pénalise ces communes.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, présente, à bien des égards, les
caractéristiques d'un budget de transition. Il ne peut répondre, par
conséquent, à toutes les attentes, mais la priorité qu'il donne à l'efficacité
est le gage d'une ambition nouvelle et salutaire pour la politique du
logement.
C'est pourquoi la commission des affaires sociales a émis un avis favorable
sur les crédits relatifs au logement social.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je
tiens tout d'abord à remercier les rapporteurs d'avoir souligné l'importance de
l'urbanisme et de la politique du logement dans notre pays pour la vie
quotidienne des Français. Certes, s'agissant d'une compétence décentralisée
depuis maintenant près de vingt ans, les crédits d'Etat affectés à l'urbanisme
sont peut-être modestes, mais le rôle de l'Etat ne se situe pas là : dans ce
domaine, le montant des crédits ne reflète pas l'importance des objectifs.
J'indiquerai à M. Piras que la baisse des crédits consacrés à l'aménagement et
à l'action foncière s'explique essentiellement par le retour progressif au
droit commun des villes nouvelles, et surtout par l'existence de reports
importants, dus aux retards de mise en oeuvre des actions foncières inscrites
pour la première fois dans les contrats de plan Etat-région.
En ce qui concerne le soutien aux collectivités pour l'élaboration des
documents d'urbanisme, les crédits correspondants sont maintenant intégrés à la
dotation globale de décentralisation, au sein des crédits du ministère de
l'intérieur. Il est donc normal, monsieur Piras, que vous ne les retrouviez pas
dans mon projet de budget.
J'évoquerai brièvement le projet d'aménagement et de développement durable, le
PADD. Ce document n'a pas vocation à être lourd et coûteux, comme tant d'autres
; il doit être un simple document de présentation et permettre un « débat
d'orientation d'urbanisme », un peu comme se tient un débat d'orientation
budgétaire avant le vote du budget dans une collectivité locale. En tout cas,
le Gouvernement traite de ce sujet dans le projet de loi portant diverses
dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la construction, que le
Sénat étudiera prochainement.
Le droit de préemption urbain s'applique, en effet, uniquement dans les zones
urbaines ou d'urbanisation future des POS et des PLU. Le droit de préemption
constitue une atteinte très forte au droit de propriété, et il ne me semble
donc pas excessif de limiter les possibilités de le faire jouer.
Je suis bien sûr conscient des difficultés liées au décret « estuaires ». Le
Gouvernement travaille à celui-ci en vue d'une publication qui interviendra
dans les prochaines semaines, sinon dans les prochains jours.
S'agissant des établissements fonciers d'outre-mer, je suis ce dossier avec ma
collègue Brigitte Girardin, la ministre de l'outre-mer. En particulier, les
crédits de l'Etat qui permettent à l'Etablissement public d'aménagement de la
Guyane de mener son action sont inscrits à son budget et leur utilisation est
placée sous sa responsabilité.
Quant à la durée d'existence des deux agences qui ont été évoquées, je suis
ouvert à l'idée de la prolonger jusqu'en 2011. S'agissant de leurs ressources,
c'est-à-dire d'un éventuel relèvement du plafond de la taxe spéciale
d'équipement, la TSE, il semble opportun d'attendre que des programmes
finalisés d'équipement de la zone des cinquante pas géométriques soient
définis, afin de pouvoir alors apprécier s'il convient ou non d'accroître cette
ressource fiscale.
J'en viens maintenant aux crédits du logement.
Comme vous le savez, monsieur Mano, les marges de manoeuvre qui étaient
disponibles cette année, au moment de l'élaboration du projet de loi de
finances, n'ont pas permis, comme je l'aurais souhaité, de relancer le
dispositif du prêt à taux zéro, qui continue à bien fonctionner. Mme Henneron,
dans son rapport établi au nom de la commission des affaires sociales, regrette
également qu'un effort supplémentaire n'ait pas été consenti en faveur du prêt
à taux zéro.
M. Mano, pour sa part, a insisté sur l'efficacité économique et sociale du
prêt à taux zéro. Je suis entièrement d'accord avec lui, et je puis assurer au
Sénat que la suppression de ce dispositif n'est absolument pas d'actualité. Les
conclusions de l'évaluation conjointe menée en 2001 par l'Inspection générale
des finances, le Conseil général des ponts et chaussées et le directeur de
l'Agence nationale d'information sur le logement sont d'ailleurs très
favorables au maintien de ce produit. C'est pourquoi le Gouvernement a décidé,
dans un contexte budgétaire particulièrement tendu, de maintenir les moyens
d'assurer la distribution d'environ 102 000 prêts en 2003, ce qui n'est pas
négligeable. Cela représentera une légère progression par rapport aux années
2001 et 2002.
Si les crédits figurant dans le projet de loi de finances, avec 778 millions
d'euros pour le seul prêt à taux zéro, sont en recul, c'est parce que le coût
unitaire de chaque prêt a diminué, en raison de la baisse des taux d'intérêt,
qui entraîne une moindre compensation de la part de l'Etat. Il s'agit là d'un
effet mécanique, cela ne signifie pas que l'on distribuera moins de prêts à
taux zéro.
Par ailleurs, il ne suffit pas, monsieur Mano, de prévoir des crédits pour
qu'ils soient consommés ; il y faut aussi une volonté politique de tous les
instants. Alors que le précédent gouvernement avait affiché un objectif de 30
000 logements démolis par an, leur nombre n'a jamais atteint 10 000, et il ne
dépassera pas, selon les prévisions que l'on peut établir en ce mois de
décembre, 8 000 en 2002. La politique volontariste élaborée par mon collègue
Jean-Louis Borloo commencera à porter ses fruits en 2003, c'est pourquoi le
projet de budget prévoit des crédits pour quelque 12 000 démolitions, niveau
jamais atteint jusqu'à présent. Bien sûr, ce n'est que les années suivantes que
le plan prendra toute son ampleur.
La loi de 1948, qui était indispensable lors de sa promulgation à la
Libération, entraîne aujourd'hui, il ne faut pas le cacher, des effets pervers.
On a manqué de courage, dans le passé, devant ce qui constitue l'une des
dernières survivances de l'économie administrée, puisque l'Etat fixe tous les
ans les loyers de façon quasi uniforme sur l'ensemble du territoire.
L'insuffisance de rémunération a inévitablement amené une absence d'entretien
et, parfois, le développement d'un habitat insalubre. Le Gouvernement souhaite,
par conséquent, un retour au droit commun de ces logements, afin qu'ils
puissent être correctement entretenus, pour le plus grand profit des
locataires.
Ce mécanisme de retour au droit commun devra être progressif, et sa mise en
oeuvre devra donc s'étaler sur plusieurs années. Une remise aux normes du
confort des logements concernés devra être assurée par les propriétaires, comme
je l'ai bien spécifié. Cela étant, je n'envisage pas que le mécanisme de sortie
du dispositif de la loi de 1948 s'applique aux personnes à revenus modestes ou
aux personnes âgées qui vivent souvent depuis de nombreuses années dans ces
logements.
J'examine avec l'ANAH quelles dispositions pourraient permettre d'attribuer
des aides pour les travaux de remise aux normes des logements que je viens
d'évoquer. J'organiserai une concertation avec les représentants des locataires
et des propriétaires privés pour négocier les modalités techniques et
juridiques d'un tel processus.
Mme Françoise Henneron estime que, au-delà des crédits affichés par la loi de
finances, il est nécessaire de clarifier les compétences, d'alléger les
procédures et surtout de désigner un acteur unique de la politique de lutte
contre l'insalubrité, pour que celle-ci soit efficace.
J'ai également relevé l'intérêt porté par M. Jean-Yves Mano à la procédure de
résorption de l'habitat insalubre, laquelle, il faut bien le reconnaître, avait
été quelque peu négligée ces dernières années.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU, a
refondu la loi Vivien de 1970, simplifié les procédures et clarifié les
responsabilités. Peut-être faut-il aller plus loin, et je souhaiterais vivement
que vous me fassiez part de vos suggestions et de vos avis sur ce sujet.
D'un point de vue opérationnel, j'ai voulu, dès mon arrivée au ministère,
l'ouvrir le chantier de la simplification et de l'amélioration des financements
prévus pour les opérations de résorption de l'habitat insalubre. Les mesures
correspondantes entreront en vigueur très prochainement, puisque la circulaire
devrait être signée au début de l'année 2003.
Par ailleurs, j'ai fait de la lutte contre l'insalubrité l'un des principaux
axes du volet relatif au logement du plan de renforcement de la lutte contre
les exclusions que j'ai présenté aux associations et à la presse le 5 novembre
dernier.
Je voudrais maintenant assurer M. Mano, qui s'est inquiété de l'« évolution
négative des aides à la personne ». Le Gouvernement a décidé de revaloriser au
1er juillet 2002, donc avec un effet rétroactif portant sur deux ou trois mois,
les barèmes des aides personnelles, pour un coût budgétaire de 145 millions
d'euros en 2003, contre 128 millions d'euros en 2002 et 86 millions d'euros en
2001 : vous avez donc eu tort, monsieur Mano, de parler d'une réduction des
aides à la personne ; il s'agit, au contraire, d'une très forte augmentation en
valeur absolue.
Enfin, la taxe sur les logements vacants, la TLV, créée en 1998, s'applique
aux logements laissés volontairement inoccupés depuis au moins deux ans et
situés dans des agglomérations où la demande de logements est forte. Il n'est
pas, pour l'heure, dans les intentions du Gouvernement de modifier ce
dispositif. Le fait que le rendement de cette taxe soit limité montre qu'elle
joue un rôle dissuasif - ou incitatif, j'ignore quel est l'adjectif le plus
adéquat !
En tout cas, j'ai la volonté de mobiliser toutes les énergies pour remettre
sur le marché des logements du parc privé, grâce à cette taxe et aux
majorations de subventions accordées par l'ANAH en cas de remise sur le marché
de logements vacants.
Mme Henneron et M. Mano ont également évoqué l'article 55 et la mixité
sociale. Le Sénat a examiné une proposition de loi de la commission des
affaires économiques tendant à modifier la loi SRU, notamment l'article 55 de
celle-ci, qui a été transmise à l'Assemblée nationale le 13 novembre dernier.
Pour ma part, j'ai toujours indiqué que j'étais favorable à la mixité sociale
et à la diversité de l'habitat, qui font, me semble-t-il, l'objet d'un
consensus sur les travées de la Haute Assemblée. Je persiste à penser qu'un
dispositif fondé sur la confiance que l'on accorderait aux élus locaux serait
plus efficace, plus performant et devrait permettre de réaliser au moins
autant, sinon davantage, de logements sociaux qu'actuellement dans des
quartiers ou des communes qui ont grand besoin d'un certain rééquilibrage.
C'est en ce sens que le Gouvernement entend travailler avec les élus et avec
les milieux associatifs, pour que la mixité sociale et la diversité du logement
ne soient pas de simples slogans.
(Applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous passons aux questions.
Je rappelle que chaque intervenant dispose de cinq minutes maximum pour poser
sa question, que le ministre dispose de trois minutes pour répondre et que
l'orateur dispose d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Yvon Collin.
M. Yvon Collin.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du
logement est toujours dominé, en termes de masse financière, par les crédits
destinés aux aides à la personne. C'est naturellement une bonne chose, car le
logement compte parmi les premières priorités de nos concitoyens. A ce titre,
il est fondé de favoriser les dispositifs visant à faciliter l'accès au
logement.
Sans méconnaître les enjeux relatifs aux aides personnelles, je souhaite en
fait vous interroger, monsieur le ministre, sur le rôle des communes dans la
production de logements sociaux.
En introduction à ce débat, les rapporteurs ont rappelé que la part des
logements sociaux dans la construction neuve s'était réduite au cours de la
dernière décennie, en dépit des efforts du gouvernement précédent. En effet,
plus qu'une absence de volonté politique, c'est l'augmentation des coûts, la
rareté du foncier, l'accroissement de la demande et l'effort porté sur les
opérations de réhabilitation qui sont responsables de la pénurie de
logements.
Pour faire face aux problèmes que pose ce parc insuffisant et vieillissant,
les collectivités locales accompagnent la politique nationale du logement, même
si les premières lois de décentralisation ne leur confèrent pas directement
cette compétence. Intervenant en matière d'urbanisme réglementaire, d'action
foncière et d'urbanisme opérationnel, les communes sont devenues des acteurs
incontournables de la politique du logement.
Pour ma part, soucieux, comme de nombreux maires, de satisfaire la demande de
logement de mes administrés, c'est avec volontarisme que je remplis cette
mission. Cependant, un certain nombre d'obstacles limite l'action des élus.
De plus en plus soumis à des contraintes financières, les organismes d'HLM
réalisent leurs programmes en faisant appel aux communes. C'est une nécessité
pour aboutir à un loyer d'équilibre conforme à l'objectif fixé en matière de
logement social.
La multiplication des normes en termes de sécurité, d'environnement et de
cadre de vie engendre d'importants surcoûts, qui sont à la charge des
communes.
En outre, ces dernières fournissent le foncier gratuitement, un foncier
qu'elles maîtrisent rarement. Faute d'un portefeuille ancien mais renouvelé
régulièrement au fil des années, les maires sont dès lors obligés d'acquérir
des biens au prix fort, celui du marché. Dans le Sud-Ouest, par exemple, le
prix du foncier augmente au minimum de 10 % chaque année, d'où l'intérêt de
constituer une réserve foncière.
Monsieur le ministre, parce que la faisabilité d'un grand nombre d'opérations
HLM dépend des moyens engagés par les collectivités, je souhaiterais connaître
vos intentions à leur égard.
Plus globalement, quels sont, dans le cadre de l'approfondissement de la
décentralisation, les moyens qui seront octroyés aux communes ? Leurs
compétences et les charges correspondantes seront-elles clairement définies
?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur le sénateur, en tant qu'élu local, je suis très
sensible à votre question relative au rôle des communes en matière de logement
social.
Je commencerai par affirmer qu'il est de la compétence de l'Etat de financer
le logement social. Dans la pratique, l'Etat finance le logement social à
travers la subvention qu'il verse, l'octroi du taux réduit de TVA et
l'exonération de la taxe foncière sur les propriétés bâties, la TFPB, pour ce
qui concerne la construction neuve. L'Etat participe aussi au financement du
logement social par le biais des prêts à taux privilégié de la Caisse des
dépôts et consignations.
Par ailleurs, l'Etat attribue des aides à la personne pour un montant
considérable puisqu'il atteint 5,4 milliards d'euros. Elles permettent de
couvrir une partie des loyers, grâce auxquels les offices d'HLM peuvent
rembourser les annuités des emprunts qu'ils contractent pour construire des
logements sociaux.
Cependant, comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, cet effort ne
suffit pas, et il arrive très fréquemment que des collectivités locales soient
contraintes de participer d'une façon ou d'une autre au financement, afin
d'équilibrer les opérations.
D'ores et déjà, il sera mis fin à l'obligation d'assurer l'équilibre opération
par opération, puisque nous nous orientons vers un conventionnement avec les
bailleurs sociaux pour que soit désormais prise en considération la situation
financière globale de l'organisme souhaitant réaliser des logements sociaux. Un
léger déficit, sur une opération particulière, pourra, le cas échéant, être
toléré.
J'observe tout de même que les contributions des collectivités locales, quelle
que soit leur utilité, restent globalement limitées.
Un rapport de l'Inspection générale des finances et du Conseil général des
ponts et chaussées évalue ainsi ces contributions à 4,7 % du total des
financements. Certes, cela n'est pas négligeable et permet de débloquer
quelques dossiers, mais l'ampleur de l'effort des collectivités locales demeure
relativement modeste.
Si les communes peuvent, dans certains cas, contribuer au plan de financement
en fournissant, par exemple, du foncier à un prix privilégié, voire
gratuitement, elles n'ont pas, bien entendu, à se substituer à l'Etat.
Quoi qu'il en soit, il faut veiller à ce que l'évolution des coûts des
constructions ou des travaux ne remette pas en cause un équilibre qui me paraît
relativement satisfaisant aujourd'hui. Si l'on promouvait davantage l'accession
sociale à la propriété, cela permettrait aux bailleurs sociaux, qui, à l'heure
actuelle, construisent des logements sociaux pour les donner en location, de
dégager des fonds propres grâce auxquels ils pourraient peut-être renforcer
l'apport des collectivités locales, voire se substituer, dans certains cas, à
ces dernières.
M. le président.
La parole est à Yvon Collin.
M. Yvon Collin.
Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. J'ai bien noté que le
Gouvernement affiche le logement social comme priorité des priorités ; il est
vrai qu'il représente un facteur essentiel de cohésion sociale.
Je formulerai une remarque concernant les mesures relatives à la mise en
place, le 7 janvier dernier, d'une action dite « foncière du logement » dans le
cadre du 1 %. Les objectifs sont très ambitieux. Ne pensez-vous pas, monsieur
le ministre, qu'il serait souhaitable que le Parlement soit représenté au sein
de cette structure pour y faire entendre la voix de la représentation nationale
?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je retiens votre suggestion, monsieur Collin. Je vais la mettre
à l'étude car elle me paraît fort intéressante.
M. Yvon Collin.
Merci, monsieur le ministre !
M. le président.
La parole est à M. Marcel-Pierre Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget du
logement s'élève à 7,3 milliards d'euros. Globalement stable, c'est un budget
de transition établi dans un contexte de faible croissance et de maîtrise des
dépenses publiques.
Je le comprends bien, monsieur le ministre : il vous était difficile, cette
année, de faire autrement que d'en reprendre les mesures traditionnelles. Il
m'apparaissait impossible, en tout cas, de préparer rapidement le budget de
rupture que je souhaite vous voir défendre, ici même, l'an prochain.
Nos rapporteurs ont largement et excellemment détaillé et expliqué les
diverses composantes et mesures de ce budget, apprécié ses « plus » et regretté
ses insuffisances.
Pour ma part, je me contenterai d'attirer votre attention sur la situation
tendue, gravement tendue, du marché locatif du logement, tant dans le secteur
privé que dans le secteur aidé.
Aujourd'hui, en effet, l'équilibre entre l'offre et la demande est rompu, et
ce quel que soit le marché, qu'il s'agisse du logement locatif privé ou
logement dit social.
Il est donc du devoir des pouvoirs publics de s'en inquiéter afin, d'une part,
de soutenir l'activité économique et, d'autre part, bien sûr, de permettre à
nos concitoyens de se loger convenablement, notamment dans les grandes villes,
et à une distance raisonnable de leur lieu de travail.
L'Etat ne peut, seul, répondre à la demande.
Diffus, bien réparti géographiquement, le parc locatif privé remplit, lui
aussi, vous le savez bien, monsieur le ministre, une fonction économique et une
fonction sociale indispensables.
Les jeunes, notamment, ne peuvent plus se loger à Paris. Je sais bien qu'il y
a Paris, où la situation est carrément critique, et le reste de la France, mais
le constat vaut pour toutes les grandes villes.
Il convient donc de se demander à quoi sont dues ces tensions locatives.
La première raison me semble résider dans la pénalisation fiscale de l'épargne
immobilière. Son assiette fiscale est large, puisqu'elle concerne toutes les
étapes de la vie du bien : acquisition, production, détention et transmission.
Sa rentabilité est faible au regard des autres placements possibles, de même
que sa liquidité.
A cette charge fiscale excessive s'ajoutent les risques inhérents à la
location. Actuellement, le propriétaire est systématiquement placé en état
d'infériorité par rapport à son locataire. Cette pente, sans cesse aggravée ces
dernières années par les textes et la jurisprudence, dessert tout autant les
prétendants à la location que les propriétaires bailleurs. Le développement de
l'offre locative dans le parc privé suppose une meilleure sécurisation des
bailleurs. De surcroît, l'incessant va-et-vient entre la taxation excessive et
la mise en place d'avantages fiscaux très ciblés pour soutenir momentanément
certains pans du marché m'apparaît très préjudiciable.
En réalité, la fiscalité appliquée au secteur immobilier a une connotation
moralisatrice. Elle interdit de posséder. Elle a, en tout cas, atteint son but
en contribuant à éloigner de ce secteur d'activité un très grand nombre de nos
concitoyens qui ont juré qu'on ne les y prendrait plus.
On ne peut attendre du parc privé qu'il participe à la lutte contre la pénurie
de logements et décourager les propriétaires par une fiscalité excessive et un
risque locatif grandissant. On ne peut espérer remédier à cette situation sans
doter ce secteur d'un cadre stable et de dispositions juridiques et fiscales
aussi attractives que les autres produits d'épargne.
Stimuler l'épargne vers l'investissement locatif, c'est aussi donner à nos
concitoyens la possibilité de se construire une épargne retraite diversifiée.
Cette approche, qui permettrait une rencontre entre l'intérêt individuel et
l'intérêt collectif, ne peut être ignorée au moment même où la réforme des
retraites doit être mise en place.
Il ne faut pas avoir peur de revenir à une politique volontariste en faveur de
l'investissement immobilier. Nous avons besoin de logements de toutes
catégories et il faut redonner confiance aux Français qui étaient très attachés
à ce type d'investissement et qui, sous les coups de boutoir de la fiscalité et
compte tenu de la complexité des textes amplifiée d'année en année, ont quitté
ce secteur et n'y reviendront que rassurés par une nouvelle politique, par de
nouvelles habitudes de gouvernement et par l'assurance d'une règle du jeu qui
ne change pas tous les deux ou trois ans, voire tous les ans !
Pourtant, les règles simples qui s'appliquaient à l'investisseur immobilier
locatif, jointes à une fiscalité raisonnable, ont contribué à relancer, à
plusieurs reprises, l'activité du bâtiment et de toutes ses professions
périphériques !
La situation du logement social n'est pas meilleure. En dépit d'annonces très
optimistes de programmations, on n'a jamais construit aussi peu de logements
sociaux que ces dernières années.
Votre projet de budget, monsieur le ministre, permettra de réaliser un nombre
d'opérations au moins égal et souvent supérieur aux réalisations de 2002.
Mais il convient de se projeter au-delà de l'année 2003 et de prendre la
mesure des entraves existantes et de la tâche à accomplir pour tenter de
remédier à cette situation.
La longueur et la complexité du montage des opérations, les modifications de
la législation financière expliquent certes, pour partie, cet échec, mais le
problème crucial me semble être le coût de la construction et son
financement.
La situation du secteur locatif, qu'il soit public ou privé, n'est bien sûr
pas la même partout en France, et le constat global doit être corrigé en
fonction des différences constatées entre les grandes villes, les banlieues,
les villes moyennes et le monde rural.
Il n'en reste pas moins que la situation dans ces deux secteurs s'est dégradée
au fil des ans et qu'il convient, aujourd'hui, non plus de travailler en
prenant des mesurettes ou en corrigeant de manière homéopathique un système
essoufflé, mais de promouvoir une politique que nous ne devons pas craindre de
qualifier de « libérale » à l'égard du secteur privé et de « qualitative »
s'agissant du secteur locatif aidé.
C'est non pas un problème idéologique, mais une simple question de bon sens :
pour répondre aux besoins de nos compatriotes, il faut avoir le courage de
renoncer aux programmations irréalistes en matière de construction de logements
sociaux, et d'engager une politique décomplexée et pérenne en faveur du secteur
locatif privé.
Aussi, ma question est double, monsieur le ministre : envisagez-vous
d'engager, d'une part, une politique résolument nouvelle, tant sur le plan
fiscal que sur le plan réglementaire, pour favoriser l'investissement
immobilier privé et, d'autre part, une politique résolument qualitative à
l'égard du secteur locatif aidé ?
(Applaudissements sur les travées des
Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur le sénateur, je suis tout à fait d'accord avec vous.
La politique du logement, c'est la politique de la chaîne du logement, qui
recouvre non seulement le locatif social, c'est-à-dire le locatif aidé, comme
vous l'avez appelé, mais également l'accession à la propriété et notamment
l'accession sociale. Aux deux bouts de la chaîne, il peut y avoir de
l'accession ou de la construction résidentielles et du logement de très grande
urgence. Tous ces éléments constituent donc la chaîne du logement.
Je le reconnais, monsieur le sénateur, le projet de budget pour 2003 ne
traduit pas une révolution considérable dans la politique du logement ; ce
serait mentir que de l'affirmer. Néanmoins, il traduit certaines inflexions qui
pourraient être en tout cas des signes importants d'une nouvelle politique du
logement qui s'élaborera au cours de l'année 2003.
Pour favoriser l'investissement locatif privé, le Gouvernement s'est déjà
montré favorable à la possibilité de location entre ascendant et descendant
dans le fameux dispositif de la loi Besson, ce qui était exclu précédemment et
mettait dans une situation difficile, voire scabreuse, les propriétaires qui
voulaient investir en achetant des logements pour les louer.
Par ailleurs, il est souhaitable que l'on recherche un meilleur équilibre
entre la fiscalité de l'immobilier et la fiscalité des valeurs mobilières,
sinon les investisseurs placeront leur argent là où la fiscalité est la plus
attrayante, ou la moins pénalisante.
Quant au locatif social, les enjeux sont autant qualitatifs que quantitatifs.
Comme vous l'avez rappelé, le budget prévoit, en 2003, la construction de 54
000 logements sociaux. C'est insuffisant, mais c'est déjà mieux.
Les organismes sociaux sont encouragés à mener une politique active de gestion
de leur patrimoine, grâce au soutien financier que l'Etat leur apporte, par
l'élaboration de leur plan stratégique de patrimoine. Tout à l'heure, j'ai
parlé du conventionnement, et j'aurais pu évoquer également la fongibilité des
crédits d'aide à la pierre, qui apportera un « plus » et, je l'espère, un «
mieux » dans la construction de logements aidés. Les actions qui en découlent -
l'amélioration de la qualité de service aux usagers, les démolitions et les
réhabilitations - sont également financièrement soutenues. C'est, j'en suis
convaincu, en utilisant toute la palette des dispositifs existants que la
préoccupation que vous exprimez en faveur de la qualité du logement social sera
mieux prise en compte.
Pardonnez-moi de faire état d'une comparaison qui n'est pas en notre faveur,
mais elle montre l'importance du défi qui nous attend dans les années à venir.
Dans un grand pays ami, l'Espagne, sont aujourd'hui construits 500 000
logements par an, pour 41 millions d'habitants. En France, le rythme est, comme
vous l'avez rappelé, de 300 000 à 320 000 logements pour 61 millions
d'habitants. De plus, les Espagnols sont pratiquement tous propriétaires.
Mme Odette Terrade.
Il faut augmenter les salaires !
M. Gilles de Robien,
ministre.
En termes d'objectifs, de soutien à l'économie et à l'emploi,
par ces investissements considérables, si on parvenait à atteindre un tel
rythme de construction dans les années à venir, cela permettrait de résorber
une grande partie des problèmes du logement dans notre pays. On aurait une
France de propriétaires, ce qui améliorerait considérablement notre climat
social.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Marcel-Pierre Cleach.
M. Marcel-Pierre Cleach.
Monsieur le ministre, il a pu vous sembler paradoxal qu'un président d'OPAC
milite pour l'investissement privé. Mais, hormis le logement social, nous ne
trouvons plus de logements. Les jeunes rencontrent des difficultés
considérables pour se loger, notamment dans les grandes villes. Dans le monde
rural, le problème est bien sûr différent.
En tant qu'acteur du logement social, j'ai noté, notamment, la fongibilité,
que nous réclamions depuis longtemps, et donc les avancées que contient ce
budget sur le plan des principes.
Il vous faudra quelques années, une période de croissance et une situation
financière améliorée pour que nous puissions convaincre vos collègues de Bercy
de nous aider à mettre sur pied une fiscalité incitative pour l'investissement
privé, ce qui ne veut pas dire, d'ailleurs, que, pour les caisses de l'Etat, le
résultat net sera déficitaire et moins important que celui que rapporte,
aujourd'hui, la fiscalité immobilière.
M. le président.
La parole est à M. André Vezinhet.
M. André Vezinhet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le 15 août
dernier, le journal
Le Monde
titrait : « La politique du logement
est-elle à l'abandon ? » Le projet de budget pour 2003 peut-il nous fournir, à
cet égard, une réponse ?
Les dotations pour 2003 se caractérisent par une quasi-stabilité des crédits
de paiement, qui s'élèvent à 7,29 milliards d'euros. On note une baisse
sensible - 7,6 % - des autorisations de programme.
Pour le logement locatif social, même si la ligne fongible - PLA, PLUS et
PALULOS - progresse de 15 millions d'euros, croyez-vous, monsieur le ministre,
que l'objectif budgétaire de 54 000 logements réponde à l'exigence nationale,
même si on y ajoute les 4 000 logements de la société foncière créée par Mme
Lienemann ? Ce nombre correspond à la producton 2001, rehaussée grâce au plan
de relance d'avril 2001. On aurait pu espérer qu'il augmente en 2002. Mais les
régulations « républicaines » sont passées par là dès juillet, sans compter les
amputations du collectif budgétaire de fin d'année.
Cent mille PALULOS suffiront-elles aux besoins de réhabilitation, au
financement du plan de sécurisation des ascenseurs, sachant que ces crédits
concernent en priorité, dans le cadre de la politique de la ville, des
opérations lourdes dans des quartiers difficiles ?
Pourquoi réduire de 76 millions d'euros à 60 millions d'euros la dotation pour
les démolitions, alors que 200 000 opérations sont programmées sur cinq ans ?
Le gouvernement précédent avait largement amorcé la mesure. On aurait souhaité
vous voir poursuivre dans ce sens.
Voilà deux ans à Montpellier, dans le canton de La Paillade dont j'ai
l'honneur d'être élu, une cité délabrée a cédé la place à soixante et onze
logements, opération lourde en quatre tranches imposant déplacement et
relogement. Cette procédure inédite voulue par M. Louis Besson se traduit par
une authentique réussite. Il eut fallu persévérer et amplifier de telles
actions.
Pourquoi amputer les crédits de l'ANAH de 11 % en autorisations de programme ?
Il s'agit-là d'un frein à la mobilisation du parc privé, notamment dans la
revitalisation des centres anciens. Cette réponse offre une possibilité de se
loger à des familles privées de l'accès au parc HLM, sans oublier le rôle de
l'ANAH et des OPAH à l'égard de l'artisanat et du bâtiment.
Pourquoi supprimer, sans évaluation préalable, la prime à l'accession très
sociale, expérimentée dans le budget 2002, dans un objectif de mixité sociale ?
Alors que, comme vous venez de le rappeler, vous déclarez partager cet
objectif, vous cautionnez, par ailleurs, une proposition de loi de la majorité
sénatoriale visant à atteindre l'article 55 de la loi SRU. La majorité a
procédé ici comme elle l'a fait pour la durée du temps de travail. Elle n'a
certes pas supprimé l'article 55, elle l'a rendu inopérant en en faisant une «
coquille vide ». Tous les prétextes furent bons pour aller dans le sens de ceux
qui rêvent de choisir leurs concitoyens en excluant certaines composantes de
l'offre d'habitat.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Que ne faut-il pas entendre ?
M. André Vezinhet.
On parviendra ainsi à un peuplement qui ne sera plus le reflet de la
population nationale.
S'agissant des dispositifs d'aide aux ménages en détresse - aide à la
médiation locative, aide au logement temporaire ou FSL -, les financements de
l'Etat régressent.
La revalorisation - vous l'avez signalé - de 1,2 % des APL, les aides
personnalisées au logement, est notoirement insuffisante. Elle ne prend même
pas en compte l'évolution de 3,57 % de l'indice de la construction 2001 ni
celle de l'indice INSEE, 2,6 %, calculée sur les douze derniers mois en juillet
2002. La solvabilisation des ménages s'en trouve grandement affectée.
Pour évoquer d'autres aspects qui auraient pu donner du souffle et du
dynamisme à ce budget du logement, j'aurais aimé trouver des mesures du type de
celles que nous essayons de promouvoir dans mon département. Voilà un mois, en
effet, en présence de M. Michel Delebarre, une trentaine d'organismes d'habitat
social ont signé un projet de charte méditerranéenne de l'habitat. Celle-ci
suppose d'intégrer dans l'acte de construire et de réhabiliter les notions de
haute qualité environnementale et de développement durable. Avez-vous
l'intention, monsieur le ministre, de poursuivre dans cette voie ouverte par le
secrétariat d'Etat au logement dans le budget 2002 ?
Pour conclure, monsieur le ministre, le budget serré qui est consenti au
logement pour 2003 confirme que celui-ci ne fait pas partie des priorités du
Gouvernement. Les annulations de crédits contenues dans le projet de loi de
finances rectificative pour 2002 - annulations de 12 % des crédits de paiement
et de 6 % des autorisations de programmes aux chapitres 65-48 et 46-50 - ne
sont pas de nature à apaiser nos craintes, pas plus que les gels de crédits
votés pour 2003 qui seront pratiqués dès janvier prochain. Pouvez-vous nous
préciser quelles opérations seront prioritairement visées : les constructions,
les réhabilitations ?
Dans ce contexte, le groupe socialiste, au nom duquel je m'exprime, déplore
que vous ne disposiez d'aucune marge de manoeuvre pour le court terme, dans une
situation encore marquée, malgré un léger mieux, par une pénurie d'offre
locative et par l'impossibilité, pour nombre de nos concitoyens, de donner un
contenu concret au droit au logement. Il votera contre ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur Vezinhet, c'est avec plaisir que je réponds à vos
questions sur le budget pour 2003.
S'agissant de la ligne fongible, l'augmentation est de 15 millions d'euros, ce
qui mérite d'être examiné attentivement. En 2002, cette ligne fongible n'a fait
l'objet d'aucune annulation d'autorisations de programme. On a même ajouté 20
millions d'euros en région parisienne, pour la surcharge foncière en
Ile-de-France, qui, permettez-moi de vous le rappeler, n'avait pas été évaluée
à sa juste mesure dans le budget précédent.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Les logements à haute qualité environnementale sont une très
bonne idée - qu'il faut approfondir -, mais il faut savoir que cela générera un
surcoût. Il ne faut pas simplement faire des demandes. Il faut avoir à l'esprit
les surcoûts, et il conviendra donc de trouver les ressources
correspondantes.
Par ailleurs, certaines idées ne sont pas bonnes à exprimer. Il en est ainsi
lorsque vous dites qu'il faut indexer l'APL sur l'indice du coût de la
construction, l'ICC, ou sur les loyers. En effet, si nous avions indexé l'APL
en 2002 ou en 2001 sur l'augmentation des loyers pour les locataires des
offices d'HLM ou des SA d'HLM, cela se serait traduit par une baisse certaines
années puisque l'indice du coût de la construction a lui-même baissé. Vous
auriez eu - ce que vous auriez alors pu dénoncer - une non-progression, voire
une baisse, de l'APL pour des millions de locataires qui sont aujourd'hui en
HLM. Par conséquent, il convient plutôt de chercher la manière de mieux indexer
les loyers sur un bon indice, car l'ICC est trop erratique, il ne reflète pas
vraiment l'évolution du pouvoir d'achat. C'est dans cette direction qu'il faut
aller pour aboutir à de véritables réponses en termes d'équité et de
solidarité.
S'agissant des régulations 2002, le dispositif, que nous n'avons pas modifié,
j'en conviens, avait été mis en place par le gouvernement que vous souteniez à
l'époque. Vous ne pouvez donc pas vous en plaindre aujourd'hui, sachant que
vous ne vous en êtes pas plaints au début de l'année 2002.
Les opérations de démolition sont financées par des crédits de paiement, et
non par des autorisations de programme. Nous disposons aujourd'hui et nous
avons disposé en cours d'année 2002 de tous les crédits nécessaires pour
répondre aux demandes de démolition. Si des annulations de crédits
interviennent parfois dans ce domaine, c'est parce que les projets sont moins
en avance ou moins à l'heure que ce qui était prévu. Nous sommes alors bien
obligés de restituer les crédits.
Par ailleurs, vous nous faites un procès sur la mixité sociale. Ce n'est pas
bien ! Le texte tel qu'il résulte des travaux du Sénat entend assurer cette
mixité sociale. Au lieu de recourir à un texte d'affichage dans une loi - celle
que vous avez votée -, qui avait pour objectif seulement 18 000 logements
sociaux en mixité sociale, les sénateurs ont voté une loi comportant un
objectif de mixité sociale de 23 000 logements sociaux.
Mme Odette Terrade.
On verra !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Que l'on puisse encore améliorer ce dispositif, certes, mais
le Gouvernement n'acceptera jamais que ses objectifs soient revus à la baisse.
Ils seront supérieurs à ceux que vous aviez prévus et nous les atteindrons plus
aisément puisque nous faisons confiance aux élus locaux, alors que votre
démarche consistait à les pénaliser d'emblée. Il s'agit d'une autre démarche,
qui consiste à faire confiance.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Je voudrais vous répondre sur la prime à l'accession très sociale. La mise en
place de cette prime partait d'un constat d'expérience de l'offre de logements
neufs en accession à la propriété. L'idée était de verser, sous certaines
conditions, une subvention de 10 700 euros aux promoteurs qui s'engageaient à
baisser du même montant le prix de vente des logements réalisés.
Connaissez-vous le résultat de cette belle mesure, là encore emblématique ?
Moins de 400 logements ont été déclarés éligibles à la prime ! C'est un très
faible résultat, vous en conviendrez.
Je souhaite aider les ménages modestes à accéder à la propriété, y compris
dans les agglomérations où les prix sont plus élevés. Il faut revoir cet
objectif, mais aussi les moyens de l'atteindre. Je citerai quelques pistes. Les
collectivités territoriales, je l'ai dit tout à l'heure, pourraient compléter
et soutenir divers dispositifs d'aide relevant de la compétence de l'Etat ;
certaines le font déjà. La location-accession est aussi un bon dispositif, qui
s'est un peu « endormi », si je puis dire, et que je souhaite relancer, en
concertation notamment avec les organismes d'HLM ; elle peut aussi apporter une
bonne réponse à la demande des ménages les plus modestes, qui ont besoin d'être
sécurisés et qui rêvent, comme beaucoup de ménages français, de devenir un jour
propriétaires.
M. le président.
La parole est à M. André Vezinhet.
M. André Vezinhet.
Monsieur le ministre, je n'ai aucune raison de douter de votre engagement
personnel. Mais vous faites manifestement partie d'une équipe gouvernementale
qui ne veut pas faire du logement une de ses priorités, la lecture du projet de
budget que vous nous soumettez le montre clairement.
Faute de temps, je ne reviendrai que sur deux des nombreux sujets que vous
avez évoqués.
S'agissant de la mixité sociale et de l'article 55 de la loi SRU, personne ne
peut être dupe du dispositif que vous proposez. Il vise à établir un droit
dérogatoire qui, de toute évidence, deviendra le droit commun. Le dispositif
que nous avions élaboré avec M. Besson permettait d'atteindre en vingt ans la
mixité telle que nous la souhaitions. Si l'on se fonde strictement sur les
données que vous nous proposez, il faudra soixante ans pour y parvenir.
Certes, le droit commun demeurera, mais le droit dérogatoire deviendra la
véritable voie, et je sais combien les maires dont la campagne électorale
reposait sur la promesse de ne jamais construire de logement social dans leur
commune se réjouissent aujourd'hui des dispositions que vous envisagez de
prendre.
M. Jean-Pierre Schosteck.
Mais non !
M. André Vezinhet.
S'agissant de l'aide aux collectivités locales, je suis d'accord avec vous,
monsieur le ministre. Pour ma part, je sais n'être l'objet d'aucun procès dans
ce domaine, pas plus pour l'aide foncière que pour l'aide à la construction, ni
même pour l'aide directe à la pierre, sur laquelle nous intervenons.
Mais, de grâce ! Puisque vous êtes en bons termes avec le président du conseil
régional du Languedoc-Roussillon, dites-lui qu'il est la honte de la France,
car sa région est aujourd'hui la seule à ne pas donner un centime au logement
social.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les moyens
d'investissement du ministère de l'équipement pour 2003 sont recentrés sur la
réalisation des contrats de plan et des autres engagements de l'Etat jusqu'ici
non financés, ainsi que sur l'entretien des routes. Le projet de loi de
finances prévoit en outre la poursuite de la rénovation et du développement du
parc de logements. Vous l'avez rappelé tout à l'heure, monsieur le ministre, un
double objectif est retenu en 2003 de 12 000 nouvelles démolitions de logements
vétustes - soit près du double des réalisations prévues en 2002 -, et de 54 000
constructions nouvelles dans le parc d'HLM.
Tout cela me semble correspondre à la volonté de votre ministère non seulement
de concrétiser les projets du Gouvernement, mais également de répondre à ceux
des collectivités territoriales, et, sans vouloir « régionaliser » mon
intervention, je ne peux pas ne pas rappeler ici notre attachement au début
effectif, en 2003, des travaux du carrefour de Verdun, à Blois, point noir de
notre belle vallée de la Loire.
En ce qui concerne l'urbanisme, je reconnais que les objectifs de la loi SRU
sont louables, puisqu'il s'agit d'améliorer l'urbanisation périphérique, de
casser les ghettos urbains en favorisant la mixité par le logement, d'éradiquer
l'insalubrité. Dans la pratique, ils se sont montrés très difficiles à mettre
en oeuvre, tout particulièrement en ce qui concerne les règles d'urbanisme.
Parfois peu lisibles, donnant lieu à des interprétations très contestables de
la part des services déconcentrés de l'Etat, les nouvelles réglementations,
notamment celles qui sont relatives au SCOT et au PLU, rencontrent souvent une
réelle hostilité de la part de l'ensemble des élus locaux. Les nouvelles
procédures et les nouveaux instruments instaurés par cette loi bloquent les
initiatives d'urbanisation et d'aménagement des communes, et la grande majorité
des élus peinent à concilier les exigences législatives et réglementaires
d'urbanisme avec leurs besoins en matière de construction.
Je sais que l'équillibre est difficile à trouver : d'une part, les règles
d'urbanisme sont absolument nécessaires pour contrôler les constructions et
pour protéger l'environnement de nos belles campagnes et le paysage urbain ;
mais, d'autre part, certains territoires ruraux ne peuvent revoir leurs
objectifs à la baisse sous peine d'aggraver la désertification des villages.
Les territoires ruraux doivent pouvoir attirer de nouveaux résidents pour
demeurer des centres de vie, et vous connaissez aussi bien que moi, monsieur le
ministre, les contraintes de la gestion quotidienne d'une petite commune, où
les moyens humains et financiers sont limités.
A cet égard, lors de l'examen par le Sénat de la proposition de loi tendant à
modifier l'article 55 de la loi SRU, le groupe de l'Union centriste a retiré un
amendement qui visait à assouplir les règles relatives à la participation pour
voies nouvelles et réseaux associés contre l'assurance que vous aviez donnée,
monsieur le ministre, de prévoir de nouvelles règles dans le projet de loi qui
sera très prochainement débattu à l'Assemblée nationale. Je me permets de vous
demander de nouveau vos intentions sur ce sujet, qui préoccupe tout
particulièrement les élus ruraux.
J'aborderai également la question de l'élaboration des documents d'urbanisme.
Dans ce domaine également, le manque de moyens financiers et humains est un
handicap pour les petites communes. Une partie de la dotation générale de
décentralisation compense les dépenses des communes, compétentes en matière
d'urbanisme ; en 2002, elle s'élevait à 15,9 millions d'euros. Cependant, ces
moyens se révèlent la plupart du temps insuffisants. C'est pourquoi il me
semble nécessaire que la contribution de l'Etat soit majorée pour pallier
notamment le dysfonctionnement et la carence des directions départementales de
l'équipement, les DDE, qui, compte tenu de la politique de réduction des
effectifs menée actuellement, peinent à remplir leur rôle de conseil.
M. Gérard Le Cam.
Alors, vous voterez contre l'amendement de la commission des finances !
Mme Jacqueline Gourault.
Je terminerai en rappelant que les élus, à l'heure actuelle, ont besoin
d'encouragements. Il faut leur donner les moyens de mettre en place une
politique urbaine cohérente et réaliste ; il faut leur donner des moyens
simples et efficaces qui permettent de tenir compte des particularismes locaux,
de la spécificité du monde rural et des espaces naturellement difficiles, comme
la montagne ou les zones touchées par les plans de prévention des risques, les
PPR.
En conséquence, monsieur le ministre, quels sont les moyens que vous comptez
mettre en oeuvre pour aider les communes à conduire un développement équilibré
en matière d'urbanisme et d'habitat ?
(M. Daniel Hoeffel applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Même si ce n'est pas le sujet, j'ai grand plaisir à vous
répondre, madame Gourault, à propos du carrefour de Verdun à Blois. Nous sommes
évidemment très favorables à la réalisation des travaux. Leur financement,
hélas ! n'est pas assuré pour 2003, mais je compte qu'il le sera en 2004.
Cependant, les participations locales ne sont pas encore définitivement
arrêtées ; dès qu'un consensus aura été trouvé, je pourrai vous donner une
réponse beaucoup plus précise.
Je sais que vous êtes très attachée à ces travaux d'aménagement, destinés à
améliorer la fluidité de la circulation, certes - ce carrefour très important
est souvent engorgé - mais aussi la sécurité. Nous sommes très attentifs à
cette question, croyez-le bien.
Pour ce qui est de l'urbanisme, je suis bien conscient des difficultés, des
rigidités, des peurs, des non-décisions que la loi SRU a suscitées, malgré,
parfois, de bonnes intentions. De nombreux maires, mais aussi, je dois
l'avouer, des agents du ministère dont j'ai la charge, et même certains
préfets, ne savent pas toujours interpréter toutes les subtilités de la loi et
de ses textes d'application. Le Gouvernement a donc déposé un projet de loi
portant diverses dispositions relatives à l'urbanisme, à l'habitat et à la
construction, dit « DDUHC », qui contient des mesures urgentes de
simplification. Ce texte n'a pas d'ambition démesurée ; nous déposerons
ultérieurement un projet de loi dont l'objet sera d'harmoniser la loi Voynet,
la loi Chevènement et la loi SRU.
Cette future grande loi d'harmonisation, annoncée par le Premier ministre dans
son discours de politique générale, devrait venir en discussion en 2003, alors
que le projet de loi DDUHC devrait être examiné en première lecture dans les
semaines qui viennent, puisqu'il a déjà été soumis au Conseil d'Etat et
présentée en conseil des ministres. Nous n'attendons plus maintenant qu'une
date propice à son inscription à l'ordre du jour.
Certaines des mesures contenues dans la DDUHC répondront certainement à vos
attentes, madame, en particulier pour ce qui concerne la participation pour
voies nouvelles et réseaux. Le projet du Gouvernement est extrêmement simple :
désormais, une participation, qui est déjà actée, pourra être mise en place
pour le financement des réseaux d'une voie existante - la notion de voie
nouvelle disparaissant -, même si la commune n'a prévu aucun aménagement de
ladite voie. Nous pensons notamment au milieu rural et au milieu périurbain. Ce
dispositif permettra, nous l'espérons, de débloquer un certain nombre de permis
de construire, car il apportera une grande simplification.
Comme vous, madame, je suis convaincu qu'il est important pour les communes de
raisonner en termes de projet urbain : il n'y aurait aucun sens à laisser les
communes totalement libres de leur plan d'occupation des sols ou du futur
schéma de cohérence territoriale, le SCOT.
Il faut effectivement agir avec une certaine cohérence si l'on veut éviter un
étalement de la ville à l'américaine, ou son développement anarchique. Le
projet d'aménagement et de développement durable, le PADD, peut à cet égard
constituer un progrès. Il conduira à une régression technocratique s'il n'est
qu'un document technique supplémentaire venant compliquer les PLU et les
fragiliser sur le plan juridique. Mais il représentera un réel progrès
démocratique s'il est l'occasion d'un débat non technique sur l'avenir de la
commune.
La question de son opposabilité est donc posée. Tel est en tout cas l'esprit
du projet du Gouvernement. Sans entrer dans le détail, on peut dire que le PADD
serait au débat d'urbanisme ce qu'est le débat d'orientation budgétaire au vote
du budget : un exposé des motifs, en cohérence avec le texte, bien sûr, mais
qui ne sera pas opposable. C'est en simplifiant de la sorte que l'on pourra le
mieux - et je reprends volontiers votre expression à mon compte, madame -
encourager les élus ruraux.
Enfin, vous avez mis l'accent sur une vraie question sur une question
importante : celle de l'assistance, du soutien, de l'aide, bref, du conseil aux
élus. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui quels moyens financiers y seront
consacrés, mais je sais que, dès que la loi DDUHC sera votée et promulguée -
les textes d'application sont déjà en préparation -, j'assurerai, pardonnez-moi
le terme, le « service après-vente » dans tous les départements, dans toutes
les régions. Je ne sais pas sous quelle forme je le ferai, peut-être irai-je
dans les régions. Quoi qu'il en soit, je réunirai tous les agents de mon
administration, et nous passerons la journée s'il le faut, dans chacune des
régions, pour expliquer le mode d'application des nouveaux textes. Car chaque
fois qu'une loi un peu complexe est votée, il faut un an, voire un an et demi,
avant que ses modalités d'application soient bien comprises, ce qui provoque
des blocages durant tout ce temps. Nous ferons donc des allers et retours entre
les DDE et le ministère pour assurer ce que j'appellerai la vulgarisation des
nouvelles mesures législatives et réglementaires.
M. le président.
La parole est à Mme Jacqueline Gourault.
Mme Jacqueline Gourault.
Je vous remercie de toutes ces précisions, monsieur le ministre. Je suis
particulièrement sensible à la pédagogie que vous allez mettre en oeuvre dans
les départements pour expliquer concrètement l'application de la nouvelle loi,
qui, j'en suis sûre, soulagera grandement les élus locaux.
J'ose penser que les associations départementales des maires - je m'exprime en
présence du premier vice-président de l'Association des maires de France - sont
particulièrement bien placées pour relayer cette pédagogie auprès de tous les
élus locaux.
M. le président.
M. Daniel Hoeffel a trouvé une alliée !
M. Daniel Hoeffel.
J'approuve !
M. le président.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de
budget du logement pour 2003 est tout d'abord marqué par un élément original :
il n'y a plus, en effet, dans la répartition des responsabilités
gouvernementales, de ministre délégué ou de secrétaire d'Etat au logement,
alors même que les dépenses dans ce domaine constituent, de par leur montant -
plus de 7 milliards d'euros, dont près de 2 milliards d'euros au titre des
dépenses civiles en capital -, un paramètre essentiel de l'action publique en
général.
La politique du logement social, et du logement de façon générale, est en
effet, à nos yeux, l'un des éléments qui caractérisent avec le plus de
précision les orientations politiques d'un gouvernement, quel qu'il soit.
Force est de constater, dans l'exécution du budget pour 2002, que des crédits
ont pu être annulés, en particulier sur le chapitre 65-48, qui regroupe des
crédits aussi importants que ceux qui sont destinés à la construction de
logements sociaux neufs, les crédits de réhabilitation de l'habitat, la
subvention à l'ANAH et les opérations de résorption de l'habitat insalubre,
notamment.
Ce sont donc au total près de 240 millions d'euros qui, lors de l'exécution
budgétaire, auront ainsi été annulés dans les crédits du ministère, en
particulier dans les dépenses d'équipement.
Un projet de loi portant diverses dispositions sur l'habitat est également
annoncé. Il conduira de fait à la disparition du parc social issu de la loi de
1948, alors que ce patrimoine permet de répondre à une certaine demande
sociale.
Dans le même temps, des mesures réglementaires ont été prises pour geler les
sommes dévolues au fonds de solidarité, ce qui aura des répercussions,
variables selon les capacités d'abondement des départements, et qui conduira
inévitablement à une diminution des aides aux ménages frappés par le chômage,
la précarité et le surendettement.
L'actualisation des barèmes de l'APL a été repoussée, alors que les loyers, en
sortie de gel, ont augmenté de près de 3 %.
De plus, le retour à l'évaluation forfaitaire des revenus pour l'attribution
de l'allocation logement et de l'aide personnalisée versées aux jeunes aura
pour conséquences la diminution de 5 % à 30 % des aides aux apprentis, aux
stagiaires en formation et aux demandeurs d'emplois, qu'ils résident en foyer
de jeunes travailleurs ou louent un logement à des bailleurs sociaux ou
privés.
Des mesures de ce genre participent d'une conception pour le moins étonnante
des économies budgétaires qui ampute en réalité le pouvoir d'achat et le niveau
de revenu des familles modestes bénéficiant de l'APL. Je rappelle que les aides
personnelles au logement concernent plus de 6 millions de ménages dans notre
pays !
Il y a peu, la Haute Assemblée, qui ne s'est pas particulièrement honorée à
cette occasion, a examiné dans la précipitation une proposition de loi tendant
à la loi SRU sur des points essentiels, notamment sur la nécessité de
développer le parc locatif social. Furent également discutées certaines
évolutions du droit de l'urbanisme qui, remises en question, conduiront à
repousser la mise en oeuvre réelle de la mixité sociale et du droit au
logement.
Par ailleurs, le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation
décentralisée de la République, dans sa rédaction actuelle, risque d'être à
l'origine de profondes inégalités territoriales, selon l'engagement des
collectivités et des organismes concernés en faveur du logement social.
Tous ces éléments nous conduisent à estimer que le climat qui préside à la
discussion du budget du logement pour 2003 est pour le moins inquiétant, et à
nous interroger sur le sens que votre gouvernement entend donner à sa politique
en la matière.
Nous nous demandons en particulier quel est l'ordre des priorités qui anime le
ministère, alors même que nombre des problèmes auxquels nous sommes confrontés
attendent une réponse. Comment répondre, en effet, à la demande sociale des
jeunes ? Comment répondre à la demande exprimée par les mal-logés, par les
familles qui continuent de vivre dans les logements indécents qui sont encore
mis en location ? Comment répondre à la demande d'accession sociale à la
propriété, alors même que le prêt à taux zéro connaît un relatif essoufflement
? Quelles sont les réponses de votre Gouvernement sur ces questions
essentielles ?
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous-même et votre collègue, ministre
délégué à la ville et à la rénovation urbaine, avez annoncé certains des grands
axes de votre démarche : construction de 54 000 logements en 2003, avec, à
terme, un objectif de 80 000 ; démolition-reconstruction de 200 000 logements
situés dans les quartiers concernés par des grands projets de ville. Tout cela
suppose de mettre en oeuvre des moyens qui ne figurent pour l'instant ni dans
les lignes budgétaires ouvertes cette année au titre du logement ni dans les
crédits affectés à la ville et à la rénovation urbaine.
Il est en revanche évident qu'un effort d'économies sera réalisé sur les
dépenses ordinaires, comme en témoignent l'évolution de la contribution de
l'Etat au titre des aides à la personne ou le prétendu ajustement aux besoins
des crédits du fonds de solidarité pour le logement, le FSL. Chacun le sait,
cela ne favorisera guère la mixité sociale !
Cet effort d'économies, nous l'avons souligné, est pour le moins discutable en
ce qu'il s'attaque aux droits acquis par certains publics prioritaires,
notamment les jeunes, premiers visés dans le dispositif mis en place.
Dans ces conditions, monsieur le ministre, je vous poserai les questions
suivantes. Quelles sont les orientations réelles que le Gouvernement entend
mettre en oeuvre en matière de logement social, compte tenu de la réalité des
besoins sociaux ?
Quels sont les outils financiers et fiscaux dont il entend se servir pour
mettre en oeuvre ces orientations ?
Peut-on affirmer aujourd'hui que le Gouvernement fait de la préservation et du
développement du parc locatif social la priorité de son action ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je vais m'efforcer de répondre aux interrogations de Mme
Terrade, mais c'est très difficile, parce que si on peut, en cinq minutes,
poser cinquante questions, on ne peut, en trois minutes, répondre à cinquante
questions !
(Sourires.)
Je vais quand même essayer de répondre à quelques-unes des questions.
Tout d'abord, je vous dirai, madame, que s'il n'y a plus de secrétariat d'Etat
au logement, désormais, c'est un ministre de plein exercice qui a la charge du
logement.
Mme Odette Terrade.
Très bien !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Si c'est très bien, il ne fallait pas critiquer dans un premier
temps... Vous saviez bien d'ailleurs qu'un ministre s'occupait du logement
puisque je suis devant vous et que j'accepte, bien sûr avec plaisir, de
répondre à vos questions.
Mme Odette Terrade.
Parmi beaucoup d'autres tâches !
M. Gilles de Robien,
ministre.
Peut-être, mais vous le savez, c'est la passion qui compte et
non pas le temps qu'on y passe !
Vous avez fait une description vraiment apocalyptique de la situation du
logement en France.
Mais une politique du logement, cela signifie plusieurs mois, sinon un ou deux
ans d'efforts ; on en récolte les fruits au bout de trois, quatre ou cinq
ans.
La situation d'aujourd'hui - je le dis sans esprit polémique - est le résultat
d'une politique qui a été menée depuis deux, trois, quatre ou cinq ans, et ce
n'est pas en claquant des doigts, au moment où l'on arrive au ministère, que
l'on peut créer 500 000 logements sur-le-champ.
Cela demande du temps. Le logement est comme un grand paquebot dont on
parvient à orienter le cours avec le temps, et je me donne l'année 2003 pour ce
faire.
En attendant, nous engageons une politique volontariste, qui me semble plus
ambitieuse que la précédente, même si je ne dis pas qu'elle soit parfaite.
En tout cas, madame, il n'y aura pas d'annulations sur la ligne fongible en
2002 ; il n'y aura pas d'annulations sur les FSL en 2002. En 2003, les crédits
destinés aux aides à la personne ne diminueront pas. En 2002, les aides à la
personne seront bien supérieures à ce qu'elles étaient, en valeur absolue, en
2001 ; elles seront deux fois plus importantes qu'en 2000 ; elles s'élevaient à
86 millions d'euros en 2000 et se monteront à 142 millions d'euros en 2003.
Sur le logement social, je peux vous dire que, à la fin de 2003, 42 000
logements PLUS, prêts locatifs à usage social et PLI, prêts locatifs
intermédiaires, pourront être financés. Pour les logements PLI, il est prévu de
financer 1 000 places en maisons-relais, cette nouvelle catégorie de résidences
familiales qui permettent d'accueillir dans un hébergement durable des
personnes en difficulté sociale et psychologique. Cela fait partie d'un plan de
création de 5 000 places au total qui a été annoncé lors d'une communication au
conseil des ministres par Mme Dominique Versini.
Le nombre de PLS - prêts locatifs sociaux - financés sur les ressources du
livret A sans subvention budgétaire sera de 12 000, ce qui fait 54 000
logements nouveaux, auxquels il faut ajouter effectivement les 4 000 logements
dont on a évoqué l'existence tout à l'heure.
Vous voyez donc que le logement social est pour le Gouvernement une priorité
dans son intervention sur l'ensemble de la chaîne du logement.
Avec Mme Versini, j'ai présenté aux associations les orientations en matière
de logement du plan national de lutte contre l'exclusion qui sera présenté par
le Gouvernement dans les prochaines semaines. Ces orientations ont été plutôt
bien accueillies par lesdites associations ; je pense, notamment, aux actions
sur la prévention des expulsions et à la plus grande efficacité qui sera donnée
aux divers fonds par leur fusion.
J'ai demandé que les associations départementales d'information sur le
logement, les ADIL, se mobilisent pour aider les personnes les plus démunies à
connaître mieux leurs droits et à accéder à un logement ou à s'y maintenir.
A cette occasion, je tiens à saluer le rôle très important que jouent les
associations qui sont prêtes à se mobiliser si on leur donne, non pas une
feuille de route, ce serait prétentieux, mais les indications et les outils
nécessaires.
J'en viens aux aides personnalisées au logement. Le mécanisme dit d'évaluation
forfaitaire, sur lequel vous m'avez interrogé, vise à donner une appréciation
la plus juste possible des ressources réelles de l'allocataire.
Ce dispositif avait été supprimé en avril 2002. Le Gouvernement a décidé de le
rétablir, avec une disposition favorable pour les jeunes en contrat à durée
déterminée. Pour ces jeunes, l'évaluation forfaitaire est donc faite sur la
base de neuf fois leur salaire au lieu de douze. Les intéressés peuvent
demander la révision de l'aide tous les quatre mois si leur revenu baisse d'au
moins 10 %. Nous avons essayé de « coller » au plus juste aux revenus pour
calculer l'aide. Cette mesure est donc vraiment équitable.
M. le président.
La parole est à Mme Odette Terrade.
Mme Odette Terrade.
J'ai bien évidemment écouté avec beaucoup d'attention, monsieur le ministre,
votre réponse ainsi que celle que vous avez faite à mes collègues. Je suis au
regret de vous dire que vous ne m'avez pas vraiment convaincue, pas plus que
mes amis du groupe communiste. Nos appréciations divergent sur la conception de
ce que vous appelez votre politique volontariste du logement, du logement
social en particulier.
Pour nous, il s'agit d'une mission de solidarité nationale de l'Etat, lequel
doit garantir à chacun le droit à un toit et la liberté de choix de son habitat
!
Assurer cette mission suppose, de notre point de vue, de considérer le
logement comme un service public.
Il nous semble, à l'expérience, que toute politique du logement social doit
être précédée d'une réflexion sur le cadre fiscal et financier dans lequel elle
s'exerce et que des questions doivent être posées quant à la taxe foncière, la
taxe sur les salaires, les organismes publics d'HLM ou la préservation du taux
réduit de la TVA sur les travaux dans les logements.
De la même manière se pose la question des modalités de financement des
opérations de constructions neuves comme des opérations de réhabilitation.
Même si M. Borloo annonce qu'il va consacrer 30 milliards d'euros à la
politique de renouvellement urbain dans le courant de la législature, il n'en
demeure pas moins que, tant que les niveaux de subvention seront faibles, que
ce soit en constructions neuves ou en réhabilitation, nous devrons constater la
moindre consommation des crédits et la persistance des tensions en matière de
demande sociale.
Comme M. Cleach et un certain nombre de nos collègues l'ont évoqué tout à
l'heure, un rapport du Conseil économique et social estime à 300 000, rien que
pour l'Ile-de-France, le nombre de personnes ayant formulé une demande de
logement HLM. La fondation de l'abbé Pierre, quant à elle, évalue à 3 millions
le nombre de personnes sans logement ou mal logées dans notre pays.
En fait, nous ne devons jamais oublier, monsieur le ministre, que derrière le
discours budgétaire, derrière la question de savoir si les crédits sont
consommés ou non, les chantiers ouverts ou non, il y a des personnes, des
jeunes, des familles qui attendent, souvent avec beaucoup de souffrances et de
frustrations, que leur demande de logement soit enfin prise en compte et que
leur situation évolue.
Comme nous sommes, pour notre part, très attachés à la mixité sociale, nous
constatons, à l'examen de vos crédits, que votre projet de budget ne résoudra
pas l'insuffisance de l'offre de logements disponibles et ne pourra soutenir,
comme il se doit, le secteur du logement, dont la contribution à la croissance
économique, chacun le sait, est pourtant déterminante.
Pour toutes ces raisons, je ne peux que confirmer la position de notre groupe
: nous voterons contre les crédits de votre ministère, monsieur le ministre.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Sur vos déclarations d'intention, madame le sénateur, bien
entendu, je suis d'accord avec vous, cependant, le logement n'est pas un
service public ; c'est une mission de service public, ce qui n'est pas la même
chose. Nous devons tous nous mobiliser, secteur privé, collectivités locales,
services de l'Etat pour assurer ensemble cette mission de service public. C'est
par un travail de toute la chaîne du logement que nous obtiendrons des
résultats pour remédier à la situation qui a été créée au cours de ces
dernières années !
Mme Odette Terrade.
C'est facile, mais l'année prochaine, vous ne pourrez pas dire la même chose
!
M. Gilles de Robien,
ministre.
Il faut trois ans, madame le sénateur, pour obtenir des
résultats.
M. le président.
La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le président, je vais m'exprimer au nom de mon collègue Jacques
Ostermann, qui ne pouvait être parmi nous aujourd'hui, et je m'associe bien
volontiers à ses propos.
Monsieur le ministre, je vais vous poser deux questions : l'une a trait au
logement privé locatif et l'autre aux conséquences de la loi SRU.
Je ne m'attarderai pas sur ce deuxième point, parce que vous avez déjà
abondamment et excellemment répondu à mes collègues Marcel-Pierre Cleach
etJacqueline Gourault. J'ai d'ailleurs noté l'effort de pédagogie que vous
souhaitiez accomplir pour accompagner l'application de la nouvelle loi.
Monsieur le ministre, permettez-moi de vous dire que le meilleur moyen d'être
pédagogue est de présenter un texte simple. A cet égard, je vous ferai part
d'une réflexion émanant d'un maire du département de la Manche, département
dont je préside le conseil général : lorsque le préfet m'écrit, me confiait-il,
je lis son courrier une fois. Si je n'ai pas compris, je lis une deuxième fois.
Si, à la deuxième lecture, je n'ai toujours pas compris, c'est que ce n'est pas
bon pour la commune.
(Sourires.)
S'agissant du logement locatif privé, je veux vous féliciter, vous faire part
d'une inquiétude et vous poser une question.
Comme certains de mes collègues l'ont déjà relevé, je tiens à vous féliciter
de la fin progressive de la loi de 1948 que vous avez annoncée. Cette décision
est excellente.
Je vous félicite également d'avoir proposé l'extension de l'amortissement de
la loi Besson aux descendants et aux ascendants, ce qui semble aller dans le
bon sens.
Quant à la TVA au taux de 5,5 %, permettez-moi de vous dire que cette mesure
est particulièrement positive, puisqu'elle a entraîné une augmentation de
volume des travaux de 1,6 milliard d'euros et a permis la création de plus de
50 000 emplois. Je pense qu'il est bon de souligner ce qui va bien ; on
intervient suffisamment pour dire ce qui ne va pas !
Mon inquiétude a trait aux crédits de l'ANAH. Je pense que vous en connaissez
les raisons. Même si les subventions d'investissement augmentent de 13,2 %,
elles ne sont néanmoins pas suffisantes pour compenser la forte baisse de
trésorerie de l'agence, notamment la réduction de 11 % des autorisations de
programme prévue pour 2003. Or, monsieur le ministre, vous qui êtes élu d'une
région à connotation rurale, vous savez combien l'ANAH joue un rôle primordial
dans le milieu rural.
La question portera, elle, sur les bailleurs privés.
Ces derniers sont en effet dans l'attente d'un statut qui leur soit adapté. Un
certain nombre de mesures ont été prises précédemment, toutes en faveur des
locataires mais les bailleurs, eux, se trouvent démunis de moyens, face aux
impayés par exemple. Il est nécessaire, monsieur le ministre, que vous puissiez
répondre à leur inquiétude.
Voilà ce que M. Ostermann aurait dit, avec beaucoup plus de talent que moi,
s'il avait été présent, mais j'ai essayé de le suppléer de mon mieux.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur Le Grand, je connais votre grande maîtrise des
problèmes du logement et la pertinence de votre propos.
Vous avez salué un certain nombre d'initiatives, de réorientations,
d'améliorations, mais, dans un souci d'objectivité, vous vous êtes fait l'écho
des attentes qui subsistaient.
Elles se manifesteront encore pendant plusieurs années, hélas, compte tenu du
grand retard que nous avons.
En ce qui concerne l'ANAH, je partage votre appréciation. Les procédures de
saisine sont assez souples, rapides, relativement simples. Cette agence a un
formidable effet de levier sur le bâtiment, en général, et sur la rénovation
dans le milieu rural, en particulier. C'est un très bon outil dont il convient
de souligner la pertinence.
J'ai déjà indiqué tout à l'heure que je tenais absolument à ce que cet outil
persiste. Certes, il y a bien quelques problèmes au niveau budgétaire, mais
l'abondement de 30 millions d'euros est venu les atténuer quelque peu. Cet
abondement va permettre de renforcer l'intervention de l'agence dans les
domaines prioritaires et de maintenir son activité à un haut niveau, notamment
dans le secteur diffus. Ce dernier, qui comprend les aides dédiées à l'espace
rural, représente encore près de 50 % du total des aides de l'agence
aujourd'hui. Il n'y a donc aucun risque qu'il soit marginalisé à la suite de
l'élargissement des missions de l'ANAH.
Vous avez parlé des bailleurs.
Il est vrai que, d'une certaine façon, les bailleurs sont de moins en moins
nombreux, voire de moins en moins bailleurs, et ce au profit d'autres
investissements qui sont quelquefois plus aléatoires sur le court terme. Il
faut donc encourager les bailleurs et encourager les capitaux à s'orienter vers
l'immobilier ; cela crée du logement. Vous avez raison : il faut relancer
l'investissement dans l'immobilier locatif et favoriser la mise sur le marché
des logements vacants.
Les bailleurs se sentent aujourd'hui démunis face à des risques d'impayés. Ils
sont d'autant plus découragés de conserver dans leur patrimoine des logements
locatifs que la fiscalité demeure pénalisante. Il faut donc travailler au
rééquilibrage de la fiscalité entre les secteurs immobilier et mobilier, mais
il faut aussi prévoir des dispositifs afin de sécuriser le bailleur pour que
celui-ci ne se sente pas perpétuellement en situation de fragilité par rapport
au preneur.
Ainsi, une partie des Français retrouvera le chemin de l'investissement
immobilier, souvent défini comme un investissement de qualité et sans risque,
mais dont beaucoup se détournent, hélas, à cause de l'injustice fiscale et de
l'insécurité que vous avez soulignées, monsieur le sénateur.
(M. Paul Girod
applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Je remercie vivement M. le ministre de ses explications.
M. le président.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet.
Monsieur le président, monsieur le ministre, j'entends fréquemment mes
collègues sénateurs remettre en cause le fonctionnement des services des DDE,
les directions départementales de l'équipement. En effet, compte tenu d'une
baisse des effectifs, les services déconcentrés ne sont plus à même de répondre
aux sollicitations des élus.
L'exemple le plus marquant est le désengagement de leur mission de conseil
auprès des collectivités locales pour l'élaboration des documents
d'urbanisme.
La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains prévoit que les
services extérieurs de l'Etat peuvent être mis gratuitement à la disposition
des communes pour les aider à élaborer leurs documents d'urbanisme.
Or, dans les faits, les communes sont contraintes de faire appel à des
cabinets privés pour disposer d'une aide technique en substitution des services
déconcentrés de l'Etat.
Comptez-vous en conséquence, monsieur le ministre, donner plus de moyens aux
DDE, afin qu'elles puissent remplir plus convenablement leurs missions ?
C'est ma première question.
Ma deuxième question a un caractère plus spécifique.
Au même titre que la moitié des départements français, la Réunion a fait le
choix de la partition, c'est-à-dire de la gestion autonome de son réseau
routier. Cette décision politique, fondée sur la conviction que l'on gouverne
mieux de près, correspond à l'esprit de la décentralisation, qui tend à donner
plus de liberté d'action et plus d'efficacité aux instances locales.
Toutefois, cette autonomie a engendré de lourdes difficultés concernant la
gestion du personnel ; en effet, ce qui devait aboutir à une plus grande
homogénéité à l'échelle du département risque d'aboutir à de nouveaux
clivages.
A l'heure qu'il est, en effet, les agents de la DDE, agents de l'Etat, sont
mis à la disposition des conseils généraux concernés. A la Réunion, ce sont 140
agents qui se trouvent mis à la disposition du conseil général.
Ils agissent actuellement sous le contrôle d'une double autorité : celle de
l'administration à laquelle ils sont rattachés, la direction de l'équipement,
et celle du président du conseil général.
Cette situation, difficile à gérer pour les services départementaux, doit à
tout prix rester provisoire et trouver une solution rapide.
Sans doute le passage de ces agents de la fonction publique d'Etat à la
fonction publique territoriale serait-elle la meilleure solution. Mais elle
pose à la Réunion de nouveaux problèmes : en effet, la situation de
fonctionnaire de l'Etat y présente des avantages que l'on ne retrouve pas dans
le statut de fonctionnaire territorial.
Monsieur le ministre, pouvez-vous assurer aux agents confrontés à cette
situation qu'ils ne perdront rien à ce passage d'une fonction publique à
l'autre ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et
des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Madame Payet, vingt ans après la décentralisation de
l'urbanisme, il n'est pas anormal que les communes soient amenées effectivement
à consacrer des moyens internes ou en sous-traitance aux études d'urbanisme et
à l'élaboration des documents d'urbanisme.
Il faut noter que le niveau de l'investissement consacré, en France, aux
études d'urbanisme est sensiblement le même que celui de nos principaux
voisins. Cela dit, les DDE restent bien entendu à la disposition des communes
pour les aider dans ce domaine, à condition que leurs moyens en personnel ne
soient pas réduits. Certes, les moyens à la disposition des DDE ne permettent
pas toujours de réaliser des études en régie. Mais elles peuvent et doivent
développer auprès des communes des missions d'assistance à maîtrise d'ouvrage
des études, ainsi que des missions de conduite des procédures.
Bien entendu, ce sont les petites communes qui doivent bénéficier en priorité,
me semble-t-il, de cette action des DDE, parce que ce sont elles qui ont,
forcément, le moins de personnel, et donc moins de cadres. S'il le faut, madame
la sénatrice, j'interviendrai personnellement auprès des DDE concernées.
Vous avez parlé de la loi du 2 décembre 1992, qui a maintenu le principe de
mise à disposition des conseils généraux et des directions départementales de
l'équipement pour gérer les réseaux routiers.
Cette loi prévoit aussi la possibilité de placer certaines parties de la DDE
intervenant dorénavant à titre exclusif pour le compte du département
directement sous l'autorité fonctionnelle du président du conseil général. Un
tiers seulement des départements ont d'ailleurs eu recours à cette option.
Le droit d'option, habituellement lié à la décentralisation et à la loi
relative à la démocratie de proximité, a commencé à s'ouvrir aux agents placés
dans ce cas de figure. La loi apporte donc toutes les garanties aux personnels
concernés. C'est ainsi qu'en tout état de cause, dans l'hypothèse où la
fonction publique territoriale s'avère moins attractive, les agents peuvent
demander à être mis en détachement, en conservant tous les atouts de leur
statut d'origine.
J'imagine qu'avec le développement de la décentralisation seront mis à l'étude
des dispositifs pour instituer le maximum de passerelles entre la fonction
publique territoriale et la fonction publique d'Etat, notamment dans le domaine
de l'équipement ; ce serait très utile et sécurisant pour tout le monde.
M. le président.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes ces précisions et de la
réponse claire que vous m'avez faite. Elle était très attendue dans le
département et elle fera donc plaisir aux intéressés.
(Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste, du RPR, des Républicains et Indépendants,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest.
Le budget du logement que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le
ministre, s'inscrit, nous le savons, dans un contexte marqué par la nécessaire
maîtrise des dépenses publiques.
Malgré ce contexte particulièrement difficile, les moyens de paiement pour le
logement et l'urbanisme sont globalement stabilisés. Nous nous réjouissons, en
outre, que deux mesures primordiales pour le secteur du logement soient
prorogées dans le projet de loi de finances pour 2003. Il en est ainsi de la
reconduction jusqu'au 31 décembre 2003 de l'application du taux réduit de TVA
aux travaux d'amélioration. Il en est également ainsi de la reconduction du
crédit d'impôt pour diverses dépenses afférentes à l'habitation principale. M.
le rapporteur spécial, ce matin, a souligné que la pérennisation de cette
mesure était attendue.
Par ailleurs, la consolidation des efforts de solidarité en faveur des ménages
modestes, l'accroissement de l'offre nouvelle de logements sociaux, le
développement d'une meilleure gestion patrimoniale du parc existant, le soutien
aux ménages souhaitant investir dans l'immobilier ainsi que la poursuite des
politiques conduites en partenariat avec les collectivités territoriales dans
le domaine de l'urbanisme et de l'aménagement sont autant d'axes prioritaires
qui ressortent de votre projet de budget : nous ne pouvons que nous en
réjouir.
S'agissant du logement social, la situation est particulièrement préoccupante,
et ce à plusieurs égards.
Votre objectif, monsieur le ministre, est d'accroître l'offre nouvelle de
logements sociaux et de favoriser l'acquisition.
Les mesures prises en ce sens relèvent, en effet, d'une impérieuse nécessité
puisque ce secteur a été particulièrement touché ces dernières années,
enregistrant des résultats plus que décevants. Cette évolution inquiétante est
le fruit de la politique de recentralisation délibérée menée par le précédent
gouvernement, traduite notamment dans la loi relative à la solidarité et au
renouvellement urbains. Cet excès de centralisme a nui
de facto
à
l'efficacité de la politique du logement social.
Aujourd'hui, il est donc indispensable de conduire une politique sociale qui
soit en adéquation avec les besoins locaux. Le dialogue, bien plus que la
coercition, favorisera l'élaboration d'une politique du logement social
efficace et adaptée aux besoins.
A l'heure actuelle, le parc social ne répond pas à la demande puisque, selon
des études récentes, seulement 21 % des ménages à faibles revenus sont logés en
locatif social et 31 % en locatif privé. De même, la progression de la vacance
de logements sociaux dans certaines zones conduit à penser qu'il est primordial
de réfléchir à une réforme en profondeur de la gestion du logement social et de
développer une politique plus globale de renouvellement urbain.
Ne pensez-vous pas, monsieur le ministre, qu'il y a lieu de réfléchir aux
conditions qui permettraient d' accroître rapidement la mixité sociale, de
manière que celle-ci ne soit pas qu'un slogan - je reprends là votre propre
remarque - car il convient de réduire effectivement, voire de supprimer les
ghettos.
L'augmentation du parc de logements sociaux ne peut-il nous aider à atteindre
cet objectif, surtout dans l'optique d'une coordination renforcée avec les
collectivités locales ?
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer les actions que vous envisagez
pour conforter une politique du logement social qui me paraît aujourd'hui
manquer d'efficacité ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien
ministre.
Monsieur le sénateur, l'application du taux réduit de TVA à 5,5
% pour les travaux de rénovation a été pérennisée jusqu'à la fin de 2003. Je
puis vous dire que le Gouvernement a bien l'intention de défendre avec vigueur
cet excellent dispositif - je le dis sans arrière-pensée - qui, en permettant
la réhabilitation de nombreux logements, soutient les entreprises du bâtiment
et donc l'emploi dans ce secteur.
Vous le savez mieux que quiconque, monsieur Marest, le logement social, c'est
non seulement le parc HLM public mais c'est aussi, ne l'oublions pas, le parc
social privé. D'ailleurs, 60 % des aides à la personne vont au logement social
privé contre 40 % au logement social public.
Il faut donc augmenter l'offre à la fois dans le parc public et dans le parc
privé.
Au cours des cinq dernières années, on a enregistré en moyenne la construction
d'environ 47 000 logements sociaux par an. Nous nous sommes fixé un objectif de
54 000 nouveaux logements. Certes, cela n'a rien d'extraordinaire, mais c'est
tout de même un net progrès, qui indique clairement les intentions du
Gouvernement.
Nous sommes convaincus que l'on peut stimuler l'offre de logements locatifs
privés en réorientant l'épargne vers ce type d'investissement. Pour cela, il
convient de le rendre fiscalement attractif, de lui donner de la souplesse,
d'éviter de faire peser des contraintes trop lourdes.
Certains s'y sont essayés avec un relatif bonheur, mais en prévoyant trop de
restrictions. Je pense notamment au dispositif Besson, que nous avons commencé
à dévérouiller avec la mesure concernant les ascendants et les descendants : la
levée de cette contrainte représentera problablement quelques milliers de
logements supplémentaires.
A terme, nous voulons aller plus loin en instituant un mécanisme du type du
dispositif Périssol - celui-ci sera, en quelque sorte, remis au goût du jour -,
de façon que des gens qui ont un peu d'argent ou qui peuvent emprunter puissent
acheter un logement. Ce nouveau dispositif sera défini en fonction des masses
budgétaires dont nous disposerons. En tout cas, il faut que des gens qui
veulent se constituer une petite épargne puissent investir dans l'immobilier.
Cela permettra à la fois de soutenir le bâtiment et de stimuler l'offre
locative.
Mais j'y vois un autre avantage, à l'heure où l'on se préoccupe beaucoup de
l'avenir des retraites. En aidant les Français non seulement à acquérir leur
propre logement, mais aussi à investir dans un logement destiné à la location,
il va de soi que l'on contribue à leur procurer un supplément de revenu pour
les années où ils auront cessé de travailler.
Vous le voyez, il existe un gisement de mesures à imaginer : mises bout à bout
elles permettront de réactiver toute la chaîne du logement et, par surcroît,
dans certains cas, d'améliorer le revenu des futurs retraités.
En ce qui concerne la décentralisation, je souhaite que, d'une logique de
guichet et de financement opération par opération, on passe à une logique de
contrat d'entreprise, ce que les spécialistes appellent le « conventionnement
global ».
Aujourd'hui, lorqu'un organisme d'HLM veut construire un ensemble de dix ou de
cent logements, il doit boucler un épais dossier et démontrer par a + b que
l'opération est parfaitement équilibrée. Cela nécessite des allers-retours
nombreux entre les administrations et l'office public ou la société anonyme
d'HLM. Demain, la réforme permettra, notamment grâce à la décentralisation,
d'examiner l'équilibre global du maître d'ouvrage. Si cet équilibre global est
satisfaisant, le conventionnement permettra de conduire des opérations, quitte
à ce qu'elles soient, dans un premier temps, légèrement déséquilibrés. En
effet, vous le savez, la construction de logements HLM est principalement
financée par les loyers. Dès lors, on conçoit qu'une opération puisse être
déséquilibrée pendant trois ou quatre ans, et que l'équilibre ne soit trouvé
qu'à partir de la cinquième ou la sixième année.
Ainsi, la mise en oeuvre de cette notion de conventionnement global
permettrait à certains organismes de construire beaucoup plus de logements
sociaux.
Voilà quelques réponses, monsieur le sénateur, à vos excellentes questions.
M. le président.
La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest.
Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses. Vos convictions et
votre engagement nous inspirent, je puis vous l'assurer, une totale
confiance.
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions.
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Yves Mano, rapporteur pour avis.
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, j'ai cru percevoir, lors de
mon intervention, une certaine émotion chez M. le rapporteur spécial.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Tout à fait !
M. Jean-Yves Mano,
rapporteur pour avis.
Peut-être cette émotion était-elle prématurée car,
en conclusion de mon intervention, j'ai évidemment fait part de l'avis
favorable émis par la commission des affaires économiques.
Je pense avoir ainsi respecté l'esprit des règles et des usages sénatoriaux :
le rapporteur est libre de ses propos, mais se doit, bien entendu, de rapporter
conformément à l'avis de la commission.
Je dois d'ailleurs préciser que, si j'ai effectivement donné mon opinion
personnelle, celle-ci est partagée par les représentants des différents
professionnels du secteur que j'ai pu rencontrer. Au demeurant, je suis
persuadé que M. le ministre, à titre personnel, partage certaines des
inquiétudes que j'ai pu exprimer : apès tout, ce sont les inquiétudes que
ressentent tous les élus locaux. Tous, nous souhaitons le développement du
logement social dans notre pays où l'importance de la demande par rapport à
l'offre dans ce domaine crée une réelle difficulté.
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les services communs,
l'urbanisme et le logement inscrits à la ligne « Equipement, transports,
logement, tourisme et mer » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de
l'examen des crédits affectés au tourisme.
ÉTAT B
M. le président.
« Titre III : 47 805 492 euros. »
L'amendement n° II-92, présenté par MM. Arthuis, Marini et Girod, au nom de la
commission des finances, est ainsi libellé :
« Réduire les crédits du titre III de 1 000 000 euros. »
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Avant de présenter cet amendement, monsieur le
président, je voudrais répondre à M. Mano que j'ai sur lui, concernant la
déontologie sénatoriale, l'avantage d'une légère antériorité puisque je ne
siège ici que depuis vingt-quatre ans et demi.
(Sourires.)
Je crois me souvenir, en particulier, qu'une règle d'honnêteté avait cours
dans toutes les commissions du Sénat : lorsqu'un rapporteur était
personnellement en désaccord avec la position de la commission, sa dignité
voulait qu'il se défasse du rapport et le laisse à l'un de ses collègues
susceptible d'exposer sans faille ladite position de la commission.
C'est d'ailleurs dans ces conditions que j'ai eu l'honneur d'être un jour
transformé en rapporteur pour donner l'avis de la commission sur le projet de
loi de suppression de la peine de mort, ce qui n'était pas rien !
M. Claude Estier.
Ne doit-il plus y avoir que des rapporteurs appartenant à la majorité ?
Mme Odette Terrade.
Moi aussi, j'ai rapporté au nom d'une commission dont je désapprouvais l'avis
! Et je ne suis pas la seule !
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Cela étant dit, je reprends maintenant mon rôle de
rapporteur et, même si je ne suis pas, en l'occurrence, personnellement,
totalement en accord avec les positions de la commission, je défends cet
amendement que j'ai cosigné et qui tend à réduire de un million d'euros les
crédits du titre III.
Nous savons tous que les recettes de 2003 ne seront pas, à 700 millions
d'euros près, au moins celles qu'espérait le Gouvernement.
La commission des finances rappelle collectivement que le débat sur le budget
ne s'arrête pas au vote de l'article d'équilibre, qui, compte tenu des
recettes, fixe un maximum de dépenses : le débat se poursuit avec les crédits
ouverts aux ministres. Dès lors, il n'est pas inutile, d'un point de vue à la
fois pédagogique et prévisionnel, que la commission des finances recommande au
Sénat certaines réductions de dépenses.
Notons que la réduction des crédits demandée est relativement faible par
rapport à l'ensemble des crédits de personnel et de fonctionnement du
ministère, qui s'élèvent à 4,2 millards d'euros, pour près de 100 000 emplois
budgétaires. Il reviendra au ministère, sur le plan technique, de retarder un
peu certaines embauches destinées à remplacer des départs à la retraite.
M. Claude Estier.
C'est évidemment dérisoire !
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Mais essentiel sur le principe !
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Gilles de Robien,
ministre.
Avant toute chose, je dirai que j'ai passé une bonne partie de
l'été à examiner ligne par ligne, avec mes collaborateurs, le budget de mon
ministère pour trouver des possibilités d'économie. C'est ainsi que nous sommes
parvenus à économiser 32 millions d'euros. C'est dire si l'été a été productif
!
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
C'est bien !
(Sourires.)
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je veux également rappeler - mais M. le rapporteur spécial et
M. le président de la commission des finances le savent bien - que ce ministère
investit beaucoup et que ces investissements induisent nécessairement un fort
soutien à l'économie et à l'emploi.
Cependant, investir beaucoup ne veut pas dire investir dans n'importe quoi.
Pour que ces investissements soient judicieux, pour qu'ils se portent sur des
projets réellement intéressants, il faut préalablement étudier des dossiers, ce
qui suppose de mobiliser de la « matière grise », des collaborateurs
compétents.
Nombre de sénateurs, aujourd'hui, ont précisément réclamé plus d'aide de la
part des directions départementales de l'équipement, se sont plaints que
celles-ci manquaient de personnels, de « matière grise ».
Monsieur le rapporteur spécial, j'entends bien que vous nous demandez de
réduire le plus possible les frais de fonctionnement et d'en transformer une
partie en investissements. Cependant, ne sous-estimez pas les difficultés que
cela peut créer dans les départements. Je n'ai pas besoin de vous décrire les
problèmes qui surgissent en particulier pendant la période hivernale du fait
des aléas climatiques.
Dans le département d'où je suis issu, les agents de la DDE nous ont été bien
précieux lorsque nous avons dû faire face à des inondations d'une ampleur
totalement imprévue.
Plus récemment, dans le Sud-Est, lorsque je me suis rendu sur place, j'ai vu
les agents de la DDE travailler jour et nuit pendant cinq jours consécutifs. Je
ne pouvais tout de même pas faire moins que de leur promettre qu'ils seraient
payés en heures supplémentaires. Si j'ai pu faire et tenir cette promesse,
c'est parce que le budget m'offrait un minimum de souplesse.
Or la réduction que vous proposez aujourd'hui me priverait de cette
possibilité.
Je comprends parfaitement la démarche qui sous-tend votre amendement mais
comprenez que nous avons nous-mêmes fourni un important effort pour réduire les
frais de fonctionnement du ministère.
C'est la raison pour laquelle je ne peux, au nom du Gouvernement, émettre un
avis favorable sur cet amendement.
M. le président.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, contre l'amendement.
Mme Marie-France Beaufils.
M. le ministre vient de rappeler l'ampleur de la diminution que subissent déjà
les crédits. Ce n'est d'ailleurs pas la première année que les crédits
afférents aux personnels de l'équipement enregistrent une baisse. Jean-Claude
Gayssot était toutefois parvenu à stabiliser les effectifs, puis à les
accroître légèrement l'an dernier.
Cette année le Gouvernement prévoit déjà de réduire ces effectifs de 800
unités, et la commission des finances veut aller encore plus loin.
Les petites communes ont de plus en plus de difficultés à être accompagnées
dans l'élaboration de leurs projets par les DDE. Celles-ci ne sont plus aussi
présentes qu'autrefois pour leur prodiguer des conseils, pour les assister dans
le suivi des opérations, les accompagner sur des chantiers routiers un peu
complexes.
Mme Gourault et Mme Payet ont, elles aussi, exprimé l'inquiétude des communes
à cet égard.
M. le ministre vient lui-même de dire combien ces personnels sont utiles et
combien ce service public répond à un besoin sur l'ensemble du territoire
national.
Cet amendement traduit probablement la volonté de la majorité du Sénat d'aller
vite en matière de décentralisation : il préfigure sans doute de futurs
transferts de compétence vers les régions ou vers les départements, qui, à leur
tour, feront reposer sur les communes la prise en charge d'un certain nombre de
problèmes dans ce domaine.
Tout à l'heure, l'un de nos collègues trouvait regrettable que les services de
l'Etat, notamment les services de l'équipement, rappellent parfois certaines
communes à leurs obligations, par exemple en matière de logement social. Pour
ma part, je crois que, ce faisant, ils sont aussi dans leur rôle.
Je dirai enfin à M. le président de la commission des finances et à M. le
rapporteur spécial que la réduction du déficit ne passe pas nécessairement par
une diminution des dépenses. Dans un certain nombre de cas, on peut également
intervenir sur les recettes. Or nous n'approuvons pas les réductions de
recettes que vous avez retenues.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre cet amendement.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. André Vezinhet, pour explication de vote.
M. André Vezinhet.
Monsieur le ministre, vous serez peut-être surpris du soutien que je vais vous
apporter. Bien entendu, c'est votre avis défavorable sur cet amendement que je
soutiens.
Madame Payet, tout à l'heure, vous avez vraiment - pardonnez la vulgarité de
l'expression - « tapé dans le mille » en réclamant à M. le ministre davantage
de personnels dans les DDE. Je ne sais pas, ma chère collègue, si la réponse
que vous apporte la commission des finances vous satisfait...
Voilà encore un budget qui, après ceux de la ville, du travail, de
l'agriculture, de l'aménagement du territoire, n'a pas la chance d'être «
sanctuarisé », selon la formule chère à notre rapporteur général. Il est donc,
a contrario,
sacrifié.
Mais il est vrai que ce sacrifice ne coûte guère. Montrer du doigt les
fonctionnaires, stigmatiser les emplois publics, comme les emplois-jeunes, que
la majorité sénatoriale propose de supprimer, les rendant ainsi responsables
des dérives budgétaires, devient une vraie « marotte » dans cette noble maison
!
Les auteurs de cet amendement nous proposent de réduire de un million d'euros
les crédits de personnel du ministère de l'équipement et des transports en
imputant cette réduction aux chapitres traitant des rémunérations des
personnels fonctionnaires ou contractuels et des charges sociales.
Ils nous disent qu'il s'agit de décaler dans le temps une partie des
recrutements en ne remplaçant pas immédiatement les départs définitifs. En
clair, vous demandez au Gouvernement de ne pas préparer l'avenir en retardant
les embauches du ministère de l'équipement.
Ils proposent de réduire le nombre de fonctionnaires, mais aussi le nombre de
contractuels du ministère de l'équipement, sans se préocuper de leur
utilité.
Monsieur le ministre, je vous sais gré d'avoir parlé de la situation avec une
certaine émotion.
L'an dernier, les conditions météorologiques très préoccupantes, dans le
département de l'Hérault et dans la région Languedoc-Roussillon notamment, ont
imposé une présence très soutenue des fonctionnaires de l'équipement que je
connais bien dont je tiens d'ailleurs à saluer le professionnalisme et
l'efficacité.
Sans doute, messieurs les auteurs de l'amendement, pensez-vous demander aux
conseils généraux de suppléer à votre incapacité à renforcer les effectifs au
lieu de les réduire dans le cadre de la décentralisation ? Sachez que, si les
transferts doivent avoir lieu dans ces domaines, ils ne peuvent s'opérer sans
transfert de ressources permettant une action résolue au service des
citoyens.
En conclusion, autant on peut discuter des moyens à mobiliser pour améliorer
la qualité de la fonction publique, la rendre attractive, autant nous refusons
de discuter de cette approche purement comptable dont l'unique objet est de
corriger les mauvaises prévisions économiques qui ont été à l'origine de ce
budget.
C'est la raison pour laquelle nous voterons contre cet amendement.
(Très
bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Monsieur le ministre, j'ai été, comme chacun
d'entre nous, attentif à vos propos et j'ai, moi aussi, partagé l'émotion qui
vous animait.
Toutefois, comme l'a excellemment dit notre rapporteur spécial, M. Paul Girod,
lorsque vous avez recherché et trouvé des économies, c'était pendant l'été.
Vous savez bien que c'est le jour même où il soumettait au conseil des
ministres le projet de loi de finances rectificative que le Gouvernement est
venu annoncer au Sénat que les prévisions qui semblaient réalistes dans le
courant de l'été devaient malheureusement être révisées, qu'il convenait d'en
tirer les conséquences et de prévoir, d'ores et déjà, une moins-value fiscale
de 700 millions d'euros pour l'exécution de la loi de finances 2003.
Lorsqu'une institution, une entreprise ou une famille constate que ses
ressources sont en baisse, elle doit forcément remettre en cause le niveau de
ses dépenses prévisionnelles.
Madame Beaufils, le Sénat est parvenu à trouver des ressources fiscales. En
effet, nous avons soumis au Sénat, qui l'a approuvée, une disposition qui
permettra à l'Etat de percevoir pendant quatre années successives 400 millions
d'euros au titre de l'impôt sur les sociétés d'investissement immobilier
cotées.
Mme Marie-France Beaufils.
Nous avons fait d'autres propositions !
M. Gérard Le Cam.
Il ne fallait pas baisser les impôts !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
On ne va pas reprendre le débat,
madame Beaufils, mais vous savez bien que les propositions que vous avez faites
étaient de nature à entraîner la fuite des ressources fiscales ! Il ne vous a
pas échappé que nous étions à l'heure de la mondialisation et, à cet égard, un
certain nombre de vos propositions ont un caractère quelque peu illusoire,
voire incantatoire.
A cet égard, il faut rompre avec les pratiques budgétaires qui ont marqué les
années précédentes, quand, finalement, le budget n'était qu'un affichage sans
rapport avec l'exécution budgétaire.
Le Gouvernement s'astreint à une exigence de sincérité et de transparence.
C'est dans cet esprit que nous vous demandons, monsieur le ministre,
d'accomplir cet effort. Nous le faisons sans aucun plaisir, soyez-en
persuadé.
Et puisque, en effet, vous aurez à constater un certain nombre de départs en
retraite au sein de votre administration, il suffira, comme l'a suggéré Paul
Girod, de décaler de quelques semaines les recrutements, comme nous le faisons,
les uns et les autres, dans l'exercice de nos responsabilités communales,
départementales ou régionales.
Méfions-nous des effets budgétaires un peu faciles.
Dans quelques jours, le Gouvernement nous présentera le projet de loi de
finances rectificative. Il ne vous a pas échappé, monsieur le ministre, que,
s'agissant, par exemple, de l'Agence nationale pour l'amélioration de
l'habitat, qui a fait l'objet d'une dotation complémentaire pour 2003 à
l'Assemblée nationale, dans le collectif budgétaire, les autorisations de
programme sont réduites de 40 millions d'euros et, sauf erreur de ma part, les
crédits de paiement de 55 millions d'euros. Ce sont donc des exercices
particulièrement contraignants.
Si nous voulons retrouver des marges de manoeuvre pour l'ANAH, et pour
l'investissement, nous devons faire un effort sur les dépenses de
fonctionnement. Il est nécessaire de rechercher une plus grande compétitivité,
une plus grande productivité. Nous avons beaucoup d'estime et d'admiration pour
les agents de l'équipement. C'est au nom de l'équilibre budgétaire et du
développement durable que la commission des finances vous propose cet
amendement.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Paul Girod,
rapporteur spécial.
Il n'a échappé à personne que M. le ministre a dit
qu'il ne pouvait pas donner un avis favorable à cet amendement.
Je veux quand même attirer l'attention de nos collègues sur le montant
relativement modeste de la réduction prévue par cet amendement, puisqu'il
s'agit en réalité d'une diminution de 0,024 % des crédits du titre III, soit
moins d'un quart de 1 %. Ce n'est tout de même pas excessif de demander un tel
effort de productivité.
Cela n'enlève rien, monsieur le ministre, au respect que nous portons aux
agents de l'équipement qui travaillent sur le terrain. Nous connaissons tous
leur dévouement, leur efficacité et leur promptitude de réaction quand nos
concitoyens sont en difficulté ou que les éléments les mettent en situation de
péril, comme cela, hélas, arrive quelquefois. A cet hommage que je tiens à leur
rendre, en écho à celui que vous leur avez rendu tout à l'heure, le Sénat tout
entier s'associera.
Cela étant dit, sur un volume de 100 000 agents, réduire d'un quart de 1 % les
crédits en accroissant la productivité ne me semble pas hors de portée, surtout
si l'on considère la masse des administrations centrales. Les efforts consentis
sont importants, nous le savons, mais nous pouvons encore les accroître, me
semble-t-il.
Je rejoins ce qu'a dit, d'ailleurs beaucoup mieux que moi M. le président de
la commission et des finances et j'ai quelque scrupule à prendre la parole
après lui : à partir du moment où les recettes sont absentes, les dépenses
doivent l'être aussi, sinon, un jour ou l'autre, nous nous retrouverons dans
une situation que nous n'avons que trop connue pendant cinq ans, dont le
contrôle nous échappait totalement et qui a abouti à cet endettement public
dont les proportions dépassent l'imagination.
Monsieur le ministre, sachez-le, nous ne cherchons pas à vous gêner, nous
cherchons même plutôt à vous aider en vous proposant une mesure qu'il vous
faudra, de toute façon, mettre en oeuvre.
M. le président.
La parole est à M. Claude Estier, pour explication de vote.
M. Claude Estier.
Pour ma part, je voterai également contre l'amendement n° II-92, pour les
raisons que mon ami André Vezinhet a parfaitement exposées.
M. le président de la commission des finances nous a tenu le même discours
tout au long de cette discussion budgétaire. Lors de l'examen de chacun des
titres il a défendu des amendements visant à réduire les crédits des
ministères, au motif que le Gouvernement devait tenir compte de recettes moins
importantes que prévu.
Une fois de plus, je tiens à souligner que le projet de budget qui a été
adopté par l'Assemblée nationale le mardi 19 novembre était un budget
mensonger...
Mme Odette Terrade.
Tout à fait !
M. Claude Estier.
... puisque, dès le mercredi matin, le Gouvernement présentait au Sénat un
projet de budget dont les recettes étaient minorées de 700 millions d'euros.
Monsieur le président de la commission des finances, vous parlez constamment
du budget mensonger de l'ancien gouvernement, mais le seul budget mensonger qui
existe est celui qui a été adopté par l'Assemblée nationale puisqu'il a été
corrigé dès le lendemain dans sa présentation au Sénat ! C'est d'ailleurs la
première fois - une grande première - que le Sénat est saisi par le
Gouvernement d'un projet de budget différent de celui qui a été adopté par
l'Assemblée nationale.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je vous remercie de me donner de
nouveau la parole, monsieur le président, mais en tant que président de la
commission des finances, je puis, il est vrai, intervenir à tout moment dans la
discussion du projet de loi de finances.
Monsieur Estier, l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi de
finances pour 2003 a commencé à un moment où le Gouvernement ne disposait pas
des indicateurs lui permettant de réviser ses prévisions.
C'est à l'honneur du Gouvernement que d'avoir pris acte du consensus des
prévisionnistes pour réviser le montant des recettes.
M. Claude Estier.
Entre le mardi et le mercredi ?
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Voilà un an, le budget était
manifestement mensonger, ce qui devenait de plus en plus évident au fil des
semaines, mais en raison d'une vision quelque peu idéologique et par le recours
à une forme d'illusionnisme volontariste, le gouvernement de l'époque n'a rien
voulu changer.
En définitive, monsieur Estier, l'Assemblée nationale se prononcera sur le
projet de loi de finances lorsque la commission mixte paritaire se sera réunie
et j'ai bon espoir que celle-ci parvienne à un accord. Le texte que votera
alors l'Assemblée nationale sera identique à celui que votera le Sénat sur la
base des prévisions révisées. Ce qui était vrai pour les prévisionnistes au
moment où s'est engagée la discussion du projet de loi de finances à
l'Assemblée nationale a malheureusement été démenti par les indications les
plus récentes. Je sais gré au Gouvernement d'avoir eu ce souci de transparence
et de sincérité. Par conséquent, tout procès qui lui serait fait à cet égard
est, à mon avis, infondé.
(Applaudissements sur les travées de l'Union
centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines
travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Le débat est plus de l'ordre du symbole, de l'appel, que de la
réalité.
Quoi qu'il en soit, lorsqu'il y a des recettes, elles ne sont pas affectées.
Lorsqu'il n'y a pas de recettes, elles ne sont pas affectables. Si l'on m'avait
prouvé qu'il existait manifestement une dépense superflue que je n'aurais pas
réussi à financer au cours de ce brillant été, j'aurais volontiers reconnu
notre insuffisance de recherche d'économie et j'aurais émis un avis favorable à
l'amendement n° II-92. En attendant, nous allons essayer de faire au mieux. Par
conséquent, je m'en remets à la sagesse de la Haute Assemblée.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je vous remercie, monsieur le
ministre.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-92.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV :
moins
1 540 476 515 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 1 580 704 000 euros ;
« Crédits de paiement : 673 934 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 806 959 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 249 679 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les services communs, l'urbanisme et le logement.
III. - TRANSPORTS ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE
1.
Transports terrestres et intermodalité
2.
Routes et sécurité routière
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'équipement, les transports, le logement, le tourisme et la mer : III. -
Transports et sécurité routière : Transports terrestres et intermodalité,
routes et sécurité routière.
J'indique au Sénat que, pour cette discussion, la conférence des présidents a
opté pour la formule expérimentée ces deux dernières années et fondée sur le
principe d'une réponse immédiate du Gouvernement aux différents intervenants,
rapporteurs ou orateurs des groupes.
Ainsi, M. le ministre ou M. le secrétaire d'Etat répondra immédiatement et
successivement aux deux rapporteurs spéciaux, puis aux deux rapporteurs pour
avis, et, enfin, à chaque orateur des groupes.
Ces réponses successives se substitueront à la réponse unique en fin de
discussion.
Chacune des questions des orateurs des groupes ne devant pas dépasser cinq
minutes, le Gouvernement répondra en trois minutes à chaque orateur ; ce
dernier disposant d'un droit de réplique de deux minutes au maximum.
J'invite chaque intervenant à respecter l'esprit de la procédure, qui repose
sur des questions précises et en nombre limité, et les temps de parole
impartis.
J'excuse par avance M. le ministre dont les charges le contraignent à nous
quitter vers dix-huit heures. M. le secrétaire d'Etat aux transports et à la
mer, Dominique Bussereau, lui succédera dans le débat.
La parole est à M. Jacques Oudin, rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les transports terrestres et
l'intermodalité.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, s'il y a un problème auquel nos concitoyens sont confrontés tous les
jours, c'est bien celui des transports.
Qu'ils soient simples citoyens ou responsables d'entreprise, ils vivent dans
une société de plus en plus mobile, de plus en plus exigeante en termes de
rapidité, de fluidité et d'efficacité.
Le monde lui-même est assoiffé d'échanges. Au-delà du mouvement inéluctable de
la mondialisation, nous bâtissons, en Europe et ailleurs, de vastes ensembles
territoriaux pour faciliter les mouvements de personnes et de marchandises.
L'Union européenne en est l'exemple le plus achevé. Son élargissement
entraînera inéluctablement l'accélération de la demande de transports.
N'oublions pas que la France est, dans ce contexte, l'une des plaques
tournantes de l'Europe.
Secteur vital pour le développement de notre économie et l'aménagement de
notre territoire, le transport est un secteur « mal aimé », monsieur le
ministre.
(M. le ministre acquiesce.)
Deux exemples illustrent ce phénomène.
L'année 2002 a été celle de deux grandes élections. Relisez tous les discours
: le thème des transports n'a été évoqué ni dans le cadre de la campagne pour
l'élection présidentielle ni dans celui de la campagne pour les élections
législatives. On ne parle des transports qu'à l'occasion de catastrophes, de
grèves ou de manifestations d'associations de riverains. Où sont les grandes
perspectives ?
D'autre part, la politique européenne des transports a pris un retard
important, préjudiciable au bon fonctionnement de notre marché unique. Le
dernier Livre blanc n'a été publié qu'en septembre 2001. Les dix grands
chantiers d'Essen ont pris un retard considérable. Dans ce contexte, les
grandes liaisons transeuropéennes connaissent des phénomènes de saturation due
à des insuffisances de capacité.
Monsieur le ministre, vous avez pris vos fonctions après une période qui n'a
pas été favorable aux transports. Au cours de la précédente législature,
l'investissement en ce domaine n'a cessé de décliner. Jamais nous n'avons
investi aussi peu dans les transports qu'en l'an 2000. Or, pendant le même
temps, compte tenu de la croissance économique, la demande de transports n'a
fait qu'augmenter.
Aux investissements en diminution se sont ajoutés deux autres phénomènes.
Le premier est le changement radical d'optique concernant la vision à long
terme de notre système de transport. La première loi d'aménagement du
territoire de 1995, à laquelle le Sénat était si attaché et qui était fondée
sur une vision structurelle des différents modes de transports, permettait une
desserte équilibrée du territoire. A cette première loi ont succédé les schémas
de services préconisés par la seconde loi d'aménagement du territoire de 1999
et sur laquelle tant les régions que le Sénat ont émis des avis extrêmement
réservés.
A l'évidence, ces schémas de services ne peuvent étayer une politique à long
terme des transports.
Le second phénomène concerne l'écart grandissant entre les engagements de
l'Etat dans le domaine des infrastructures de transports et ses capacités
réduites pour en assurer le financement.
Dans ce contexte, le Gouvernement a décidé d'engager une triple action que
nous approuvons et que nous soutenons pleinement.
En premier lieu, le lancement d'un audit général sur la faisabilité de tous
les grands chantiers de transport est une initiative excellente : elle nous
permettra de mieux asseoir notre future politique à long terme sur des bases
mieux évaluées.
En deuxième lieu, une mission de réflexion prospective a été confiée à la
DATAR sur notre politique de transport à l'horizon du xxie siècle. Pour ma
part, je souhaite que cette réflexion aille le plus loin possible dans
l'approche stratégique en termes d'aménagement du territoire, d'intermodalité,
de gestion durable et, surtout, de grandes liaisons transeuropéennes. Nous
devons déjouer à la fois l'horizon hexagonal et le tropisme parisien. Il n'y a
pas que Paris qui soit le centre des transports en France ! Nous devons nous
appuyer sur les besoins régionaux que doivent exprimer les schémas régionaux de
transports, voire les schémas interrégionaux de transports. Le mouvement de
décentralisation et les nécessités de l'aménagement du territoire nous y
obligent.
En troisième lieu, nous devons débattre largement et publiquement de notre
politique des transports.
Le Gouvernement a prévu un tel débat parlementaire au printemps 2003. Nous
nous en réjouissons, monsieur le ministre, et nous l'attendons. Ce sera
peut-être le prélude à une future loi de programmation des transports que, pour
ma part, j'appelle de mes voeux.
Jusqu'à ce jour, le sujet a largement échappé, sinon par bribes, aux débats
parlementaires. Or la politique des transports est à un nouveau tournant de son
évolution. Cela est vrai en France comme dans la plupart des pays européens.
L'ouverture à la concurrence des services ferroviaires, la révision
inéluctable des modalités de financement des infrastructures avec un nouveau
partage des charges entre le contribuable et l'usager, la mise en oeuvre
éventuelle d'un système harmonisé de tarification à l'échelle européenne, la
réforme nécessaire des services de transports collectifs de voyageurs et du
fret ferroviaire, le développement réel de l'intermodalité, l'amorce
souhaitable d'un certain rééquilibrage modal, tout cela entraîne des choix
importants pour la nation et impose des débats parlementaires approfondis.
Les schémas de structure, que ce soit pour la route, le fer, la voie fluviale
ou les infrastructures portuaires et aéroportuaires, ne sauraient être décidés
par la seule voie réglementaire. Le Parlement doit faire entendre sa voix.
Venons-en maintenant au budget des transports terrestres et de
l'intermodalité.
Je serai peu disert sur l'intermodalité, tant l'échec passé de cette politique
est patent. Tout reste à construire et à développer.
Pour le budget des transports terrestres, je vous renvoie aux développements
de mon rapport écrit.
Je vous suggère de lire le passage concernant les tribulations d'un rapporteur
qui, avec conscience, essaie de faire son métier et son devoir face à toutes
les obstructions qu'il a rencontrées pour clarifier la situation et avoir une
vision honnête des comptes.
Je note toutefois que les moyens de paiement atteignent 7,9 milliards d'euros,
soit une hausse de 1,8 %, et que les moyens d'engagement ont été fixés à 8
milliards d'euros, soit une légère hausse. Je n'en dirai pas plus sur ce
point.
Je formulerai maintenant six observations sur lesquelles nous souhaitons avoir
des réponses, monsieur le ministre.
Ma première remarque concerne l'approche générale du secteur des transports
dans le cadre de la mise en oeuvre de la loi organique sur les lois de finances
du 1er août 2001.
Le secteur des transports est un domaine où la rationalité peut et doit
s'imposer.
Pour avoir une idée globale et précise de l'économie et des finances du
secteur des transports, le Parlement a adopté, sur mon initiative, l'article 12
de la loi de finances rectificative du mois d'août 2002 qui recadre les
missions de la commission des comptes des transports et impose la remise d'un
rapport annuel au Parlement et au Gouvernement.
Cette réforme s'inscrit dans la ligne de la loi organique qui impose plus de
transparence et d'évaluation dans la gestion des comptes publics.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que les nouveaux comptes des transports
soient présentés au Parlement à l'appui du projet de loi de finances pour 2004,
c'est-à-dire en septembre 2003.
De même, il serait souhaitable que votre ministère soit un ministère pilote
pour l'expérimentation et la mise en oeuvre de la loi organique, et cela dès
2003.
Voilà trente ans, j'ai eu l'honneur d'être chargé de préparer le premier
budget de programme du ministère de l'équipement. Nous avions mis en place des
batteries d'indicateurs et de ratios qui nous permettaient d'apprécier, même
sommairement, mais, je le crois avec justesse, l'efficacité de la gestion de ce
vaste ensemble.
Je vous remercie des assurances que vous nous apporterez sur ces deux points,
monsieur le ministre.
Ma deuxième observation portera sur le financement à moyen terme du programme
d'investissements amorcé ou engagé par votre prédécesseur.
Mon excellent collègue M. Gérard Miquel parlera du financement du secteur
autoroutier. Les collectivités et les professionnels sont attentifs aux
réponses que vous apporterez à nos observations.
En ce qui concerne les transports ferroviaires, monsieur le ministre,
pouvez-vous nous confirmer la baisse tendancielle des investissements
ferroviaires. Ils n'ont cessé de décliner de 1997 à 2000. A cette date, ils ne
représentaient que 13 % des investissements en infrastructures.
Face à ce constat, les ambitions figurant dans les schémas de services sont
considérables : développement des liaisons internationales de voyageurs,
organisation des transports de fret, grand corridor de transports
internationaux, organisation de liaisons transalpines et transpyrénéennes,
développement des déplacements urbains et périurbains.
Le Gouvernement s'est engagé sur de grands projets que nous attendons : les
lignes à grande vitesse - Languedoc-Espagne, Rhin-Rhône, Tours-Bordeaux, Le
Mans vers Angers et Rennes, certaines lignes de fret, contournement de Lyon,
Lyon-Turin ou Nîmes-Montpellier -, sans oublier le transport combiné.
Ces projets de lignes à grande vitesse représentent 26 milliards d'euros, ce
qui n'a rien d'anormal.
La consultation des régions à laquelle j'ai procédé fait apparaître, pour les
vingt prochaines années, un besoin exprimé d'investissement de 70 milliards
d'euros. Ce n'est pas excessif comparé aux exigences de nos concitoyens et aux
efforts de nos voisins. Mais les Français accepteront-ils d'attendre vingt ans
?
Pour l'instant, l'inquiétude du Parlement, des élus territoriaux et des
opérateurs porte sur la possibilité de financer à moyen terme ces
infrastructures nouvelles auxquelles s'ajoute le programme de modernisation du
réseau ferroviaire classique.
L'audit général nous éclairera sur les rentabilités et les priorités. Il ne
résoudra pas pour autant le problème crucial de l'endettement du système
ferroviaire qui pèse lourdement sur nos capacités d'investissement.
Cet endettement a atteint 40 milliards d'euros. S'il n'a que faiblement
progressé au cours des dernières années, c'est à cause, d'abord, de la
réduction des investissements.
La réduction de l'endettement et la relance de l'investissement appelleront, à
l'évidence, des actions globales sur lesquelles nous espérons, monsieur le
ministre, connaître votre position.
Ma troisième observation porte sur la situation de la SNCF et sur son
nécessaire redressement.
Sur ce sujet, soyons clairs : les Français et le Parlement sont très attachés
à leur système ferroviaire et ils souhaitent qu'il puisse se développer.
Toutefois, je ne suis pas certain qu'ils réalisent combien le système
ferroviaire coûte à la nation : au bas mot plus de 10,7 milliards d'euros de
subventions publiques par an.
Ce chiffre mérite d'être confirmé par vos soins tant il a été, pendant des
années, tenu pour confidentiel, comme d'ailleurs une partie des comptes de la
SNCF. Je vous renvoie aux tribulations du rapporteur !...
L'objectif que nous visons tous est que la SNCF puisse devenir un opérateur
transparent et performant dans un marché européen en voie de libéralisation.
Cela implique, à l'évidence, une modification profonde des structures et des
méthodes de gestion de la SNCF pour respecter les exigences de la loi
organique.
Certaines réformes sont déjà intervenues par le « bas », si je peux m'exprimer
ainsi, avec la régionalisation, et par le « haut », en raison des engagements
européens que la France a pris : séparation de Réseau ferré de France et de la
SNCF, libéralisation du fret encore à venir mais inéluctable.
Au-delà de certains discours lénifiants, les chiffres parlent avec
brutalité.
La productivité globale de la SNCF s'est fortement dégradée depuis 1998. La
productivité technique du matériel a regressé pour la branche « fret ».
Du fait du coût des acquisitions des nouveaux matériels TGV, la rentabilité
financière des investissements s'est dégradée car la politique tarifaire de la
SNCF n'a pas accompagné l'augmentation de la qualité du service.
Les charges fixes sont trop élevées, sans élasticité par rapport aux recettes
de trafic et le « point mort » de l'entreprise a progressé.
L'augmentation des effectifs - 7 060 équivalents temps plein depuis 1998, ce
qui est un cas unique parmi les entreprises ferroviaires occidentales - s'est
traduite par une dégradation des soldes intermédiaires de gestion de la
SNCF.
Les résultats de l'exercice 2001 connaissent une forte dégradation qui est
aggravée par l'impact des mouvements sociaux qui ont coûté la bagatelle de 145
millions d'euros. La chute du chiffre d'affaires du fret s'est d'ailleurs
poursuivie en 2002 avec une baisse de trafic de 1,3 % au premier semestre.
L'accroissement de l'endettement a certes été limité grâce à d'importantes
cessions d'actifs, dont l'ancien siège social, pour 73 millions d'euros.
Faute d'un redressement vigoureux autour d'un nouveau plan d'entreprise
négocié et accepté par tout le personnel, la SNCF serait tentée de céder ses
filiales les plus rentables pour ne pas dégrader sa situation financière.
Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dresser un tableau lucide de la
situation de la SNCF et de ses perspectives de réforme et de redressement ?
Ma quatrième observation porte sur le fret ferroviaire, qui doit pouvoir se
développer.
Le précédent gouvernement nous avait annoncé un objectif, le doublement du
fret ferroviaire, c'est-à-dire un trafic de 100 milliards de tonnes/kilomètres
en 2010, ce qui correspond à ce qui existait il y a vingt ans.
La première réalisation de ce plan, en 2001, s'est traduite par une diminution
de 9 %. Les résultats de 2002 sont à peu près sur la même tendance. Cela n'a
rien à voir avec le doublement annoncé.
L'echec de la politique de relance du fret ferroviaire est, à ce jour, patent,
alors qu'il s'agit d'une priorité nationale, avec le transport combiné et
l'intermodalité.
Vous avez mandaté deux sénateurs pour qu'ils vous remettent un rapport sur le
fret ferroviaire. Vous avez choisi la voie de la sagesse, monsieur le
ministre.
Le 15 mars 2003, le « premier paquet » ferroviaire européen devrait entrer en
application. En 2006, ce sera le tour du « deuxième projet ».
A ce stade de mes observations, je souhaite que vous puissiez nous éclairer
non seulement sur la politique générale du fret ferroviaire, mais aussi sur la
traversée ferroviaire du massif alpin et sur le fonctionnement de deux nouveaux
établissements publics nationaux créés par la loi du 3 janvier 2002, dont les
ressources financières sont à ce jour grevées, c'est le moins qu'on puisse
dire, de lourdes incertidudes.
L'un des problèmes du fret ferroviaire est le découragement des chargeurs en
raison du manque de régularité et de fiabilité du système. Le nombre de jours
perdus pour fait de grève a doublé de 2000 - 85 094 jours de grève - à 2001 -
160 947 jours de grève. Le premier semestre 2002 est meilleur. Il n'a
enregistré que 12 512 jours perdus, mais l'effet dévastateur de cette situation
n'a pas disparu.
Ma cinquième observation concerne les transports en Ile-de-France. Nous aurons
tout à l'heure de longs débats sur ce point.
A la suite des réformes intervenues depuis deux ans, la RATP enregistre une
amélioration de ses recettes commerciales en 2001, mais elle connaît toujours
une situation financière très dégradée et donc peu satisfaisante.
La difficulté provient essentiellement d'une augmentation des effectifs et des
charges supérieures à la progression des recettes.
Ainsi, la dette financière de la RATP reste préoccupante. L'endettement net de
l'entreprise est passé de 2,4 milliards d'euros en 1990 à 3,9 milliards d'euros
en 2001, soit 7,2 fois la capacité d'autofinancement de l'entreprise.
Il faut par ailleurs noter, dès 2003, une forte augmentation des subventions
de l'Etat pour les dépenses d'infractructures en Ile-de-France - qui passent de
60 millions à 100 millions d'euros - alors même que les dotations pour les
transports publics de province sont fortement contraintes. On peut s'interroger
sur cette différence de traitement particulièrement forte en 2003.
Quelle politique comptez-vous mettre en oeuvre pour le transport ferroviaire
parisien, monsieur le ministre ?
Ma dernière observation sera consacrée au transport fluvial. Je serai bref.
Pour les voies navigables, les schémas de services définissent deux objectifs
prioritaires : la modernisation du réseau existant et l'aménagement progressif
de la liaison Seine-Nord à grand gabarit. C'est sur ce point que je
souhaiterais connaître les échéanciers et votre action.
Je pense que le moment est venu de s'engager résolument pour le développement
du transport fluvial et de mettre en oeuvre les orientations prévues en termes
d'investissement. Cette démarche nouvelle devra s'accompagner d'une rénovation
des conditions d'exercice du métier de transport fluvial.
Monsieur le ministre, l'augmentation des charges, l'insuffisance des recettes,
l'endettement colossal mettent actuellement notre système ferroviaire dans une
impasse. Dans le même temps, les attentes sont fortes et les besoins pour les
lignes à grande vitesse, pour le fret à grande distance sont importants et
incontournables.
En dépit des déclarations passées, le bilan est très insuffisant. Il nous faut
donc une relance de la politique ferroviaire. Cela passe par de profondes
réformes et par l'adhésion des personnels. Vous avez notre soutien pour toute
action courageuse, novatrice, productive que vous engagerez dans ce domaine.
Pour toutes ces raisons, monsieur le ministre, nous voterons bien entendu
votre budget et nous soutiendrons votre action.
M. le président.
La parole est à M. Gérard Miquel, rapporteur spécial.
M. Gérard Miquel,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation, pour les routes et la sécurité
routière.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
pour 2003, les crédits consacrés aux routes et à la sécurité routière
atteignent 1,3 milliard d'euros en moyens de paiement, soit une hausse
importante de 10,6 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002. Il
faut rappeler cependant que le budget 2002 avait bénéficié de reports des
crédits de l'ex-fonds d'investissement des transports terrestres et des voies
navigables, le FITTVN. Les moyens d'engagement demandés pour les routes et la
sécurité routière en 2003 atteignent 1,48 milliard d'euros, soit une diminution
de 2,2 % par rapport au budget 2002.
J'en viens à mes observations.
Première observation : l'investissement routier poursuit son
ralentissement.
Selon le rapport de la commission des comptes des transports de la nation, les
dépenses en infrastructures routières ont fortement diminué sur la période
1996-2001. Les moyens du budget de l'Etat ont chuté de près de 22 % sur la
période et ceux des sociétés concessionnaires d'autoroutes de 43 %. Seule la
forte hausse des investissements des collectivités locales, plus 24 %, permet
de limiter la réduction des programmes d'investissements. En 1996, le budget «
infrastructures routières » des collectivités locales était deux fois plus
important que celui de l'Etat, il est désormais plus de trois fois plus
important.
Signe du faible engagement de l'Etat, on note un retard croissant dans la mise
en oeuvre des contrats de plan Etat-régions.
Je rappelle que le gouvernement précédent avait décidé d'affecter 5,1
milliards d'euros aux volets routiers du XIIe plan. Compte tenu du gel en 2002
et des moyens prévus pour 2003, le taux prévisionnel d'exécution des contrats
de plan en 2003 sera de 46 %, c'est-à-dire nettement inférieur au taux moyen
d'exécution de 57,1 %.
De même, le lancement de nouvelles liaisons autoroutières concédées prend du
retard. En 2001, seulement 51 kilomètres d'autoroutes ont été mis en chantier
contre 118 kilomètres annoncés, et 116,5 kilomètres d'autoroutes devraient être
lancés en 2002 contre 275 annoncés. Pour 2003, le lancement de 312 kilomètres
d'autoroutes est toutefois prévu.
Le schéma directeur routier national, le SDRN, est réalisé à 85,4 % au début
de l'année 2002. La loi d'orientation pour l'aménagement et le développement
durable du territoire a prévu que les anciens schémas sectoriels dont le SRDN
sont remplacés par des schémas de services. A l'exception de quelques projets,
les opérations prévues au SRDN sont reprises dans les schémas de services
transport.
Mais rien n'est véritablement précisé pour le financement des nouvelles
liaisons autoroutières, en particulier du fait de la fin du régime de
l'adossement qui avait permis de développer notre système autoroutier.
Les nouvelles autoroutes seront concédées dans le cadre de concessions
particulières, ce qui rendra nécessaire l'attribution de subventions publiques
aux nouveaux concessionnaires. Or les financements sont loin d'être garantis.
Ainsi, seule une dotation de 29,5 millions d'euros figure dans le projet de loi
de finances rectificative pour 2002. Par comparaison, les dividendes et les
remboursements d'avances versés par les sociétés d'autoroutes s'élèveront à 130
millions d'euros.
Le Gouvernement a donc chargé le Conseil général des ponts et chaussées et
l'inspection générale des finances d'un audit qui devra être rendu d'ici au 31
décembre 2002. Il établira l'état précis des projets, leur faisabilité
technique, le calendrier prévisible des travaux, ainsi que leur coût pour
l'Etat. Il évaluera par ailleurs l'intérêt socio-économique et les enjeux en
termes d'aménagement du territoire de chacun des projets.
Conséquence de la chute des investissements et de la prolongation des
concessions des sociétés concessionnaires d'autoroutes, la situation des
sociétés s'améliore fortement. Le montant de l'endettement total des six
principales sociétés devrait atteindre, vers 2003, un montant maximum d'environ
22,4 milliards d'euros. Il devrait se résorber rapidement après 2005 pour
s'éteindre avant la fin des concessions.
La situation financière des sociétés concessionnaires d'autoroutes est donc
globalement saine, mais elle reste très contrastée.
Deux sociétés doivent en effet faire face, conjoncturellement, à des problèmes
spécifiques : la Société des autoroutes Paris-Normandie et la Société française
du tunnel routier du Fréjus.
Le traitement de la situation financière de la Société française du tunnel
routier du Fréjus et de la société Autoroutes et tunnel du Mont-Blanc fait par
ailleurs l'objet d'une réflexion dans le cadre de la constitution d'un pôle
alpin.
Cela m'amène à faire quelques remarques sur l'intermodalité.
En janvier 2001, le Premier ministre avait annoncé la création d'un pôle
multimodal alpin, qui s'inscrivait dans une politique utile de rééquilibrage
entre les différents modes de transports, en particulier pour les
franchissements des massifs alpin et pyrénéen.
C'est dans ce contexte que la loi du 3 janvier 2002 relative à la sécurité des
infrastructures et systèmes de transport après événement de mer, accident ou
incident de transport terrestre a créé deux nouveaux établissements publics
administratifs nationaux, d'une part, le Fonds pour le développement de
l'intermodalité dans les transports, le FDIT, dont l'objet est de concourir à
la mise en oeuvre de la politique intermodale des transports sur le territoire
national et, d'autre part, le fonds pour le développement d'une politique
intermodale des transports dans le massif alpin, le FDPITMA, pour le massif
alpin. Les statuts des deux établissements ont été institués par décret le 5
avril 2002.
Or une grande partie de leurs ressources ne sont pas garanties, dans la mesure
où les sociétés autoroutières alpines ne sont pas en situation de verser des
dotations. Il conviendra, monsieur le ministre, que des éclairages soient
donnés au Parlement sur les ressources exactes de ces fonds et leur utilité.
Enfin, je souhaite que se poursuive l'effort en matière d'entretien et de
réhabilitation du réseau national.
Les campagnes de mesures menées depuis 1992 ont révélé que, si la majeure
partie du réseau routier est dans un état satisfaisant, 11 % des voies
nécessitent des interventions lourdes.
Les moyens consacrés à l'entretien courant du réseau routier national ont
évolué sensiblement depuis cinq ans, passant de 380 millions d'euros en 1997 à
429 millions d'euros en 2002. Les moyens de la réhabilitation du réseau ont
également progressé depuis 1997. Dans le domaine des ouvrages d'art, les moyens
nouveaux ont notamment permis les opérations de mise en sécurité des
tunnels.
Mais les besoins restent importants. L'estimation globale des moyens
financiers nécessaires à la remise en état du réseau national est de 2,2
milliards d'euros pour un patrimoine dont la valeur à neuf est estimée à plus
de 122 milliards d'euros.
Il faut donc que les efforts, déjà modestes au regard des besoins, se
poursuivent. La dotation budgétaire pour 2003 consolide les moyens d'engagement
de l'Etat pour l'entretien et la réhabilitation du secteur routier. Il est
important que ces moyens ne fassent pas l'objet de régulations en cours
d'année.
J'en viens maintenant aux crédits de la sécurité routière et notamment au «
jaune budgétaire », créé sur l'initiative de notre commission des finances.
Pour 2003, les crédits consacrés à la sécurité routière par l'Etat sont
estimés à 1,6 milliard d'euros, en hausse de 4,6 % par rapport au budget pour
2002.
Les moyens de la sécurité routière seront d'autant plus nécessaires que les
résultats en 2001 ont été très décevants. Après une baisse significative en
1999 et 2000, l'insécurité routière s'est de nouveau accrue de 1 % en 2001 pour
le nombre de tués. Le niveau de gravité est très élevé cette année, avec 6,61
tués pour 100 accidents corporels. L'action contre l'insécurité routière a été
retenue comme un objectif prioritaire du Gouvernement, ainsi qu'un objectif
majeur du Président de la République.
Je rappelle que la création du jaune budgétaire répondait à deux
préoccupations : d'une part, grâce à la nouvelle présentation des crédits de la
sécurité routière, développer une analyse sur l'efficacité de cette politique
interministérielle ; d'autre part, mieux prendre en compte les différents
acteurs de la sécurité routière, et notamment l'action des collectivités
locales.
Pour mettre en oeuvre ces préconisations, j'ai entamé une mission sur le thème
de la recherche en sécurité routière, qui mobilise de nombreux acteurs, sur les
plans local, national et européen, et dont j'ai présenté les conclusions en
commission. J'espère, monsieur le ministre, qu'elles vous seront utiles pour
les travaux que vous menez.
Je voudrais, avant de conclure, vous poser trois brèves questions, monsieur le
ministre.
La Commission européenne a publié un livre blanc en 2001 sur la politique des
transports dans lequel il est demandé aux gouvernements de réfléchir sur le
rééquilibrage des modes de transport, notamment sur la tarification de la
route. Envisagez-vous de modifier la tarification du transport routier,
notamment pour les poids lourds ?
Par ailleurs, de nombreuses interrogations se font jour aujourd'hui sur
l'ouverture du capital des sociétés d'autoroutes. Une « privatisation »
complète peut entraîner des risques importants quant au respect du cahier des
charges par les concessionnaires. Quelle est votre position à cet égard ?
Enfin, je souhaiterais connaître votre sentiment sur l'application de la
décentralisation à la gestion des infrastructures routières. Je pense aussi au
transfert des routes nationales vers les conseils généraux...
En conclusion, je vous rappelle, mes chers collègues, que la commission des
finances vous demande d'adopter le budget des routes et de la sécurité routière
pour 2003. J'espère avoir été un rapporteur fidèle de la commission des
finances, ce qui ne préjuge en rien mon vote, vous le comprendrez, monsieur le
ministre.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre de l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la
mer.
Monsieur Oudin, c'est effectivement dans la loi de finances
rectificative pour 2002 qu'ont été prévus la remise, chaque année, d'un rapport
sur les comptes des transports au Parlement et les thèmes détaillés qui doivent
y figurer.
Un certain nombre de ceux-ci nécessiteront la collecte d'informations
complémentaires et la mise au point de méthodologies complexes, entraînant par
là même une évolution sensible des travaux menés jusqu'à présent par la
Commission des comptes des transports de la nation.
Ainsi, pour 2003, un compromis devra être trouvé entre la rapidité de remise
du rapport et l'exhaustivité des renseignements fournis. D'ores et déjà, mon
ministère travaille sur les dispositions qui permettraient à la Commission des
comptes d'étudier, dès l'été 2003, le projet de rapport, afin que la version
finale de ce rapport puisse être disponible en septembre 2003, comme vous le
souhaitez.
J'en viens à votre question relative à la préparation de la loi organique
relative aux lois de finances, la LOLF, question que vous avez eu raison de
poser.
Vous le constatez dans vos départements, mesdames, messieurs les sénateurs,
les agents du ministère de l'équipement contribuent non seulement à plusieurs
politiques, - la route, la sécurité routière, les transports, le logement -,
mais aussi à l'action d'autres administrations, quand ce ne sont pas des
collectivités locales, comme on l'a souligné tout à l'heure.
Des progrès ont été accomplis. Mais, comme vous, je suis convaincu qu'il faut
continuer à améliorer la lisibilité et la transparence de l'information du
Parlement et des citoyens. Dès à présent, je vous assure - et je vous rassure,
si besoin est - de l'implication de mon ministère dans la mise en oeuvre de
cette réforme, qui vise à mettre en évidence et en relation les objectifs, les
coûts et les résultats des politiques publiques.
Monsieur Oudin, vous avez qualifié le secteur des transports de « mal-aimé ».
Je crois qu'il s'agit plutôt d'un secteur souvent ignoré, sauf, vous l'avez
dit, quand il y a des problèmes et, le cas échéant, des retards. Les Français
estiment en effet qu'il est normal d'avoir des moyens de transport leur
permettant d'aller d'un lieu à l'autre. Par conséquent, c'est le retard qui est
illogique, et le moyen de transport qui fonctionne bien et qui arrive à l'heure
est absent du paysage !
Je vais vous dresser, comme vous me l'avez demandé, un tableau lucide des
transports, notamment de la SNCF.
La SNCF traverse une situation économique et financière difficile dont vous
avez, d'ailleurs, souligné les effets sur les comptes pour 2002.
L'entreprise prévoit en effet un déficit qui dépasserait, à la fin de l'année,
les 200 millions d'euros. Il est partiellement compensé cette année par des
cessions d'actifs importantes - cela n'est pas satisfaisant en soi, bien
entendu, mais c'est ainsi -, ce qui permettra de stabiliser le niveau
d'endettement. Sans ces cessions, le niveau d'endettement serait donc en
hausse.
La SNCF n'est pas la seule entreprise ferroviaire dans ce cas. Certes, le fait
de savoir que d'autres souffrent de la même façon dans une conjoncture
économique difficile n'est pas un motif de satisfaction, mais, forcément, les
transports sont l'un des reflets, des baromètres de la conjoncture et de la
croissance.
D'autres entreprises européennes connaissent d'importantes difficultés d'ordre
également financier.
Malgré le succès des lignes à grande vitesse - que je veux souligner, car il
est réel -, en particulier le succès commercial que l'on connaît après une
année complète d'exploitation du TGV Méditerranée, les comptes de la SNCF sont
marqués, en 2002, par des résultats très décevants, pour le fret ferroviaire
aussi, vous l'avez dit, et inquiétants en raison de la dégradation des
résultats des trains de grandes lignes classiques, plus connus sous la
dénomination « Corail », qui pâtissent d'une concurrence en termes d'image,
bien sûr, maintenant qu'il y a des lignes à grande vitesse.
Il faut toutefois souligner les bons résultats obtenus dans les secteurs qui
sont contractualisés, le transport express régional, le TER, qui vient d'être
confié aux régions et au syndicat des transports d'Ile-de-France, le STIF, en
Ile-de-France.
Cela étant, je partage vos conclusions : il est impératif que la SNCF se
réforme rapidement en profondeur pour retrouver, de façon pérenne, l'équilibre
qu'elle a connu en 2000.
Je tiens tout d'abord à souligner que le secteur ferroviaire connaîtra, avec
la transposition du premier « paquet ferroviaire » le 15 mars 2003 - et nous
sommes prêts - de profonds changements qui me semblent être une chance pour que
la SNCF évolue et poursuive sa modernisation. Elle va, en effet, devoir
s'adapter à un contexte nouveau, raisonner à l'échelle de l'Europe et acquérir
une culture de marché et de service. Comme vous le soulignez, elle devra, pour
ce faire, parvenir à maîtriser ses charges et, comme toute entreprise, elle
devra s'organiser afin de répondre aux fluctuations de la conjoncture en
abaissant ce que l'on appelle son « point mort ».
En réalité, ces évolutions sont une chance pour la SNCF, et le président
Gallois, qui est tout à fait conscient de cette opportunité, a repris cette
idée comme thème central de son projet industriel en adoptant le slogan : « Une
entreprise de service public à la dimension de l'Europe. » Ce projet industriel
devra donc être fondé, avec l'appui de l'ensemble de l'entreprise, sur un
programme de redressement rigoureux.
Quant à Réseau ferré de France, RFF, son désendettement est une nécessité.
Aujourd'hui, la moitié environ de la dette correspond à des recettes qui
permettront, à terme, son remboursement ; l'autre moitié - il faut le dire
clairement - n'est pas remboursable. On peut rechercher des solutions par le
biais des recettes, notamment de privatisation - et je pense naturellement aux
sociétés d'autoroutes - mais aussi par le biais de l'élargissement de son
capital. Vous avez souhaité tout à l'heure, monsieur le rapporteur spécial, un
débat au Parlement. Il permettra, je l'espère, d'avancer sur ces sujets. Les
débats, à l'origine desquels vous êtes souvent, monsieur le sénateur, font
d'ailleurs déjà avancer la réflexion sur le problème du financement des
infrastructures en général.
S'agissant du fret ferroviaire, dont le développement est une nécessité dans
une économie moderne et durable, il faut que la SNCF se réforme pour tirer
partie de l'appel d'air que va constituer la mise en place du réseau
transeuropéen de fret ferroviaire. Elle doit donc mettre tout en oeuvre, en
matière de moyens et d'organisation de sa production, pour améliorer la qualité
et la fiabilité de ses prestations. L'Etat, pour sa part, jouera son rôle,
notamment en matière d'infrastructures, mais la responsabilité première revient
à l'entreprise.
Par ailleurs, vous avez indiqué, monsieur le rapporteur spécial, que le
Gouvernement, conscient de ces enjeux, avait confié à MM. Haenel et Gerbault
une mission sur le fret dont les résultats sont attendus au début de l'année
prochaine. Nous espérons des propositions audacieuses et concrètes.
Quoi qu'il en soit, nous avons confiance dans la capacité de l'entreprise et
de ses personnels à mener à bien ces évolutions indispensables qui
conditionnent l'avenir de l'entreprise et des transports en France mais aussi
en Europe.
Vous m'avez demandé quel serait l'avenir du fonds de développement de
l'intermodalité.
Comme vous le savez, ce fonds a été créé à l'occasion du vote de la loi
relative à la sécurité des infrastructures et systèmes de transport, aux
enquêtes techniques après événement de mer, accident ou incident de transport
terrestre ou aérien et au stockage souterrain de gaz naturel, d'hydrocarbures
et de produits chimiques. Il devait être initialement doté d'une partie du
produit de l'ouverture du capital de la Société des autoroutes du Sud de la
France et servir à financer des projets alternatifs au « tout routier »,
notamment la liaison à grande vitesse Perpignan-Figueras.
L'audit sur les projets de transports, l'étude interministérielle pilotée par
la DATAR, le grand débat parlementaire qui suivra ces réflexions permettront au
Gouvernement de disposer d'une vision claire des enjeux, des objectifs, et de
tracer sa feuille de route. Il faut être pragmatique et retenir les outils
adaptés à nos choix politiques. Le fonds intermodal survivra s'il peut jouer un
rôle réel dans la mise en oeuvre de nos décisions.
Monsieur Oudin, quant aux traversées ferroviaires alpines, les travaux des
ouvrages de reconnaissance du tunnel de base franco-italien ont démarré au
printemps 2002 et mobilisent aujourd'hui d'importants financements. La
descenderie de Modane est en cours et celle de Saint-Martin-de-la-Porte va être
engagée au début de l'année 2003.
Enfin, je rappelle que cette opération figure dans l'audit des grands projets
d'infrastructures confié au Conseil général des ponts et chaussées et à
l'Inspection générale des finances.
En ce qui concerne l'Ile-de-France, monsieur Oudin, le contexte des transports
est marqué par deux sujets majeurs : dans le cadre de la décentralisation, le
transfert à la région du pilotage du STIF et, dans le cadre du contrat de plan,
le démarrage dès 2003 des travaux pour beaucoup d'opérations qui conduiront à
une augmentation importante des services.
Monsieur Oudin, vous m'avez également interrogé sur le développement des
infrastructures fluviales et sur les métiers du transport fluvial.
Le Gouvernement est conscient de la nécessité d'oeuvrer à la modernisation des
professions de transport fluvial, notamment de la batellerie artisanale. Un
nouveau plan d'aide a été mis en place pour les années 2001-2003 afin de tenir
compte de l'essor récent du transport fluvial, avec une progression du trafic
de près de 20 % entre 1997 et 2001.
Dans le cadre de ce plan, l'Etat maintiendra sa dotation en 2003 à hauteur de
760 000 euros, en complément des moyens de Voies navigables de France.
Ces crédits permettront d'inciter les entreprises à moderniser leur matériel,
afin notamment de favoriser les économies d'énergie et l'innovation technique.
Des actions communes avec les organisations professionnelles seront également
poursuivies en faveur de la formation initiale et continue, et de l'entrée de
jeunes exploitants dans la profession.
En ce qui concerne le projet de liaison à grand gabarit Seine-Nord, la
première étape est désormais bien engagée avec la modernisation des accès Nord
- canal Dunkerque-Escaut - et Sud - Oise et Seine -, près de 300 millions
d'euros étant prévus sur la période 2002-2006 au titre des programmes
cofinancés par l'Etat et les collectivités locales. La réalisation du nouveau
canal entre Compiègne et le canal Dunkerque-Escaut, pour lequel le fuseau de
tracé a été choisi, est évalué à 2,6 milliards d'euros.
Compte tenu de l'importance de l'investissement, le financement et la
programmation de ce projet font l'objet d'une réflexion approfondie, au même
titre que les projets autoroutiers et ferroviaires, dans le cadre de l'audit
demandé par le Gouvernement au Conseil général des ponts et chaussées et à
l'Inspection générale des finances.
Monsieur Miquel, je tiens à vous saluer pour l'excellent rapport sur la
sécurité routière, qui fait date et autorité.
Je vais répondre aux questions que vous avez posées en termes de tarification,
par exemple des infrastructures et des nouvelles recettes.
Il est vrai que pour honorer les besoins d'investissement identifiés à
l'horizon des vingt ans qui viennent, quel que soit le montant des dividendes
autoroutiers, de nouvelles ressources devront être imaginées. M. le sénateur
Oudin pose souvent cette question.
Cet exercice essentiel, dans la démarche que nous avons lancée, doit prendre
en compte les évolutions souhaitables de la tarification d'usage des diverses
infrastructures selon les modes de transport, considérer les possibilités de ce
que la Commission européenne appelle la « mutualisation des financements entre
modes », et étudier les formules appropriées que pourrait présenter le
partenariat public-privé.
Aussi, il ne peut être question de présenter aujourd'hui ces travaux alors
qu'ils sont actuellement en cours. Cependant, il n'est pas inutile de rappeler
qu'ils sont en cours et que nous attendons avec impatience les réponses.
Sur le plan français, la mise en oeuvre de ces dispositions n'est pas tout à
fait évidente. Souvenons-nous que le réseau autoroutier s'est développé avec
succès depuis une trentaine d'années grâce au péage prélevé sur les usagers.
S'agissant d'une redevance - car garantissant l'entretien et le maintien de la
qualité de service du réseau, ainsi que l'amortissement financier des
investissements - et résultant des contrats passés entre l'Etat et les sociétés
concessionnaires d'autoroutes, les marges de manoeuvre ne sont probablement pas
très fortes.
Les réflexions engagées doivent, dans le respect de la future directive
européenne et sans pénaliser notre développement économique et l'activité de
nos entreprises de transport, favoriser l'optimisation des infrastructures
existantes, inciter au report sur d'autres modes notamment en milieu urbain et
dans les zones sensibles, comme la traversée des massifs montagneux, et dégager
des ressources nouvelles pour l'aménagement du réseau. En tout cas, la part
publique des financements demeurera à n'en pas douter prépondérante et justifie
un effort certain de rationalisation et de programmation. Elle justifie
également que la France propose à ses partenaires l'adjonction au pacte de
stabilité de critères nouveaux comme « la qualité de la préparation de l'avenir
», ce qui recouvre, comme le Président de la République a eu l'occasion de le
dire lors du sommet franco-italien, aussi bien le souci légitime de notre
défense que celui des grands travaux d'infrastructures.
A propos de la privatisation des sociétés d'autoroutes, monsieur le sénateur
Miquel, votre question m'amène à deux types de réflexions.
Le premier domaine de réflexions porte sur le financement des infrastructures.
Depuis la fin de l'adossement, chaque nouveau tronçon autoroutier doit trouver
son équilibre propre au travers d'une subvention publique. Par exemple, dans le
schéma de financement de l'autoroute A 28 Rouen-Alençon établi par le précédent
gouvernement, ce sont les dividendes autoroutiers qui ont permis d'honorer la
subvention de l'A 28. Il y a donc, actuellement, un lien très direct entre les
dividendes et les subventions.
Vous comprendrez qu'une ouverture du capital des sociétés d'autoroutes ne peut
raisonnablement s'envisager que dès lors qu'un mécanisme alternatif est mis en
place.
La démarche engagée par le Gouvernement autour de l'audit et du débat au
Parlement devra, entre autres, permettre de définir cette nouvelle donne en
matière de financement des infrastructures.
La deuxième série de réflexions porte, en effet, sur la capacité du concédant
à faire respecter le contrat de concession, ce qui n'est pas évident. Il faut
être bien armé juridiquement.
C'est un contrat qui se déroule sur une longue période et qui fait donc
l'objet de nombreux avenants. Une seule chose est claire à ce sujet :
l'ouverture du capital ne peut remettre en cause les contrats de concession
déjà signés.
En résumé, tout cela m'incite, à ce stade, à faire preuve d'une grande
prudence sur ces questions et à les aborder sous un angle totalement
pragmatique.
Monsieur le sénateur, vous m'avez interrogé, enfin, sur la
décentralisation.
Sachez que, dans le cadre de la décentralisation, les routes nationales ne
seront pas oubliées.
Mon approche de ce dossier est avant tout centrée sur le meilleur service à
apporter aux usagers. La décentralisation des routes nationales doit apporter
un plus pour l'usager.
Dans cet esprit, un réseau d'importance nationale doit être conservé : les
autoroutes, bien sûr, et les deux fois deux voies - je suis encore un peu
nuancé -, car les modes de gestion, d'entretien et d'exploitation doivent être
organisés autour d'itinéraires qui s'affranchissent des limites
administratives.
En revanche, le reste du réseau - environ seize mille kilomètres, ce qui est
peu par rapport à l'ensemble du réseau routier -, dont la gestion peut rester
locale à l'échelon départemental, peut parfaitement être transféré vers les
conseils généraux. Il semble d'ailleurs qu'il existe une forte demande des
conseils généraux en la matière. En tout cas, vous le comprendrez, monsieur le
sénateur, pour l'instant, je reste réservé, car je ne souhaite pas anticiper
sur la conclusion des assises.
Telles sont les réponses les plus concises possible que je peux apporter aux
excellentes questions de MM. les rapporteurs spéciaux.
(Applaudissements sur
les travées de l'Union centriste et du RPR, et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Joly, rapporteur pour avis.
M. Bernard Joly,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les transports terrestres.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, avec des dotations à hauteur de 6,39 milliards
d'euros en moyens de paiement et de 6,48 milliards d'euros en moyens
d'engagement, le projet de budget des transports terrestres pour 2003 peut être
considéré comme un budget de « consolidation ».
Le Gouvernement fait valoir que ce budget témoigne d'un réel effort pour le
réseau ferroviaire, tout en préservant les crédits consacrés à l'exploitation
des autres modes de transports.
Ce budget comporte trois axes. Le premier axe concerne le développement et la
modernisation des infrastructures de transport. Le deuxième axe a trait au
maintien de la contribution de l'Etat au fonctionnement des entreprises. Au
total, ce sont ainsi 2,3 milliards d'euros qui, en 2003, seront consacrés au «
fonctionnement » du secteur ferroviaire, montant auquel il convient d'ajouter
les crédits versés aux régions pour les TER. Enfin, le troisième axe est
relatif à la préservation des politiques sociales - 2,6 milliards d'euros -,
avec le financement des régimes spéciaux de retraite, d'une part, et la
compensation des tarifs sociaux, d'autre part.
La commission des affaires économiques a estimé que le projet de budget pour
2003 des transports terrestres constituait, en définitive, un « bon budget ».
Elle n'en a pas moins relevé que les grands problèmes à traiter restaient
devant nous.
Dès le printemps 2003, en application des directives européennes, RFF va se
voir confier la répartition des sillons. De très délicats arbitrages seront à
opérer, notamment entre le transport de fret et le transport régional de
voyageurs. Parallèlement, le fret ferroviaire international sera ouvert à la
concurrence sur les réseaux transeuropéens de fret.
Le problème du fret ferroviaire « franco-français » reste d'ailleurs largement
à l'ordre du jour. Une mission confiée à deux de nos collègues devrait
permettre de dégager des solutions pour procéder à une vraie relance d'un mode
de transport qui représente, malgré tout, la principale alternative au «
tout-routier ».
Par ailleurs, sur les quinze et vingt prochaines années, un programme
d'investissements de l'ordre de 70 milliards d'euros, dont 17 milliards d'euros
pour le seul projet Lyon-Turin, dans sa partie française, auquel il convient
d'ajouter la poursuite du programme TGV et la résorption des goulets
d'étrangement du fret comme à Lyon, Bordeaux, Nîmes-Montpellier, va devoir
trouver son financement. Comme vous le savez, la question est loin d'être
réglée ! Hélas ! l'intermodalité n'est pas qu'une affaire de volonté politique
: elle a aussi un coût !
Enfin, reste le problème de la « dette ferroviaire », qu'il faudra bien
traiter un jour ou l'autre.
J'ai trois questions à vous poser, monsieur le ministre.
Tout d'abord, le besoin de financement du secteur des transports tous modes
confondus - ferroviaire, routier, fluvial, aérien - est estimé
grosso
modo
à 150 milliards d'euros sur les quinze prochaines années. Sans
attendre les résultats de l'audit, avez-vous déjà des pistes de réflexion pour
les financements envisageables ?
Ensuite, le 27 novembre dernier, en adoptant un certain nombre de rapports sur
le « deuxième paquet ferroviaire », la commission des transports du Parlement
européen a appelé à une libéralisation complète du transport ferroviaire de
passagers, et ce dès le 1er janvier 2008.
Je souhaite connaître votre réaction face à ces initiatives, monsieur le
ministre, ainsi que votre « vision » de notre paysage ferroviaire à la fin de
la décennie.
Enfin - et cette question ne vous étonnera pas - quelles mesures comptez-vous
prendre pour améliorer rapidement le fonctionnement de la ligne Paris-Bâle ? La
mise en service, d'ici à la fin de la décennie, du TGV Rhin-Rhône pourrait-elle
remettre en cause l'achèvement de l'électrification de la ligne ?
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Georges Gruillot, rapporteur pour avis.
M. Georges Gruillot,
rapporteur pour avis de la commissin des affaires économiques et du Plan, pour
les routes et les voies navigables.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, le projet de budget des routes pour 2003 est, en
moyens de paiement, un assez bon budget, et la commission des affaires
économiques l'a adopté à la majorité. En effet, le budget « développement du
réseau routier national » augmente de 17 %. Le budget « entretien et
réhabilitation » progresse de 3,4 %. En outre, et surtout, le budget « sécurité
routière et exploitation routière » s'accroît de 21 %, ce qui est
significatif.
Cette dernière dotation financera des actions que le Président de la
République a jugées, on le sait, ultra-prioritaires.
La lutte contre l'insécurité routière constitue le premier des trois grands
chantiers de société souhaités par le Président de la République.
Les derniers bilans de l'insécurité routière - on en a déjà parlé, mais il est
bon de le rappeler - appellent une véritable mobilitation générale pour réduire
le nombre des accidents et des victimes de la circulation.
Selon tous les experts, le respect des règles existantes concernant les
limitations de vitesse, la conduite avec un taux d'alcoolémie maximal de 0,5
gramme par litre de sang, ainsi que le port systématique du casque et de la
ceinture de sécurité pourraient préserver de l'ordre de quatre mille vies par
an.
Monsieur le ministre, si ce projet de budget pour les routes est assez
satisfaisant, il ne s'inscrit que dans une politique de continuité. Fort
heureusement, 2003 ne devrait être qu'une année de transition, puisque le
Gouvernement a pris conscience, nous semble-t-il, de l'impérieuse nécessisté
d'engager une politique globale des transports pour notre pays, que la
commission des affaires économique appelle de tous ses voeux depuis de
nombreuses années.
C'est particulièrement vrai en matière de fret. En raison de sa situation
géographique au sein de l'Europe, la France est, à l'évidence, un lieu de
passage obligé pour de nombreux trafics entre les pays du Nord et ceux du Sud.
En outre, elle a la chance de posséder les meilleures façades maritimes
européennes sur l'Atlantique et sur la Méditerranée. Sachons en profiter pour
dynamiser notre développement. Encore faut-il mettre en place les
infrastructures nécessaires.
En matière routière - on en a déjà beaucoup parlé - un effort considérable a
été accompli par l'élaboration du schéma autoroutier national. Il est
pratiquement réalisé aujourd'hui grâce à la politique de l'adossement, mais des
besoins nombreux existent encore.
Nous ne pouvons, chacun en est conscient, continuer, par facilité, à ne
compter que sur ce mode de transport. Arrêtons le tout-camion - tout le monde
en est d'accord - et utilisons au mieux les autres modes de transport
possibles.
A cet égard, monsieur le ministre, votre projet de budget laisse planer une
très grande inquiétude sur l'intégration du transport fluvial dans les grands
choix de transports des années à venir. En effet, les crédits affectés à la
voie d'eau restent dérisoires : en 2003, Voies navigables de France devrait
disposer de 117 millions d'euros en ressources propres, auxquels s'ajoutent 88
millions d'euros en subventions, pour assumer sa mission.
Un risque sérieux pèserait sur l'avenir même du projet de liaison fluviale «
Seine-Nord » ; vous venez d'y faire allusion, monsieur le ministre. Pourtant,
ce projet est attendu avec impatience par tous les opérateurs, et loué par tous
les responsables politique de gauche et de droite depuis des années. En cinq
ans, on a pu à peine trouver un accord sur le tracé définitif.
En tout cas, ce projet fait actuellement l'objet d'un audit réalisé par
l'Inspection générale des finances et le Conseil général des ponts et
chaussées. Quand on sait à quel point ce dernier corps est peu favorable au
mode fluvial - tout au moins il l'a montré dans le passé ; espérons qu'il a
changé d'avis -, cela ne peut qu'inquiéter ceux qui considèrent, à l'instar de
beaucoup d'autres pays en Europe, que c'est un mode de transport d'avenir.
L'audit sera-t-il objectif ? La question a été clairement posée au sein de la
commission et si certains sénateurs ont émis des doutes à ce sujet, tous en ont
exprimé le souhait.
Il n'est pas douteux que l'abandon du projet de liaison fluviale « Seine-Nord
» signifierait le renoncement définitif à toute politique fluviale digne de ce
nom, à toute volonté de réalisation du « maillage européen », que la mission
d'information de la commission des affaires économiques, qui a présenté ses
conclusions le 18 janvier 2002, appelait de ses voeux.
Après votre audition, monsieur le ministre, le 27 novembre 2002, devant la
commission des affaires économiques, nous demeurons très inquiets à ce
sujet.
Qu'il me soit en tout cas permis de rappeler certaines des conclusions de la
mission d'information de la commission des affaires économiques.
« La réalisation du maillage européen ferait, à coup sûr, de la voie d'eau un
partenaire à part entière des autres modes alternatifs, comme elle l'est d'ores
et déjà, d'ailleurs, dans les régions dites mouillées », c'est-à-dire celles
que traversent des voies fluviales canalisées ou des canaux au gabarit
européen.
Toutes ces données montrent que la France n'est pas absolument « condamnée »
au « tout-routier » ; que c'est, dans une large mesure, du fait de l'inertie de
la volonté politique, que nous avons perdu tout contrôle sur des évolutions qui
auraient pu parfaitement être maîtrisées.
Aucune des solutions modales alternatives ne doit être négligée.
Il importe d'en tirer, au contraire, tout le parti dans le cadre d'une
véritable approche nationale, succédant à tant d'années d'indifférence et
d'abandon.
Les membres de la commission unanimes, toutes tendances confondues, m'ont
mandaté, monsieur le ministre, pour vous poser, avec une certaine solennité,
une seule question, à laquelle nous souhaiterions que vous puissiez répondre
avec la plus grande franchise possible. Le Gouvernement de la France pense-t-il
que la voie fluviale a un avenir ? Saura-t-il écouter les très nombreux élus
qui le croient ?
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains
et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur le sénateur, vous avez rappelé l'importance des
besoins de financement du secteur des transports. C'est une question que j'ai
souvent abordée, comme de nombreux sénateurs ici présents.
Le mois dernier, j'ai eu le plaisir de participer à un colloque très dense
organisé sur ce thème au Sénat. Cela m'a permis de prendre connaissance du
travail considérable réalisé par l'association Transport - développement -
intermodalité-environnement, la TDIE, en particulier de son estimation des
besoins d'infrastructure de transport : 150 milliards d'euros !
Des infrastructures de transport permanentes constituent un atout fantastique
pour un pays. Lors de ce colloque, j'ai dit qu'il était indispensable que la
France se dote de nouvelles infrastructures permanentes, surtout à un moment où
l'on parle beaucoup de l'élargissement de l'Europe. Car le rôle de la France -
je ne parle pas de son rôle culturel, qui est éminent - est d'être une plaque
tournante, un lieu d'accueil et de tourisme. Si nous n'offrons pas des moyens
de transport très performants, le désenclavement de la péninsule Ibérique, le
trafic venant de Grande-Bretagne, d'Irlande, des pays nordiques vers la France
risquent d'être compromis un jour avec l'élargissement européen. Nous avons
peut-être cinq ans, dix ans ou quinze ans pour agir. Au vu des efforts que les
autres accomplissent, si nous n'y prenons garde et si nous n'effectuons pas ce
travail de recherche de nouveaux modes de financement performants et
spécifiques, le coeur de l'Europe se déplacera à l'Est.
C'est pourquoi le Gouvernement s'est saisi de ce problème dès cet été. Cette
question fait partie intégrante d'une démarche en trois temps, qui doit aboutir
au printemps 2003. Ces trois étapes sont les suivantes : un audit sur les
projets et leurs enjeux accompagné de propositions sur de nouveaux mécanismes
de financement ; une réflexion prospective organisée par la DATAR ; un débat au
niveau du Parlement.
Sans trop anticiper sur les résultats attendus, il s'agit de déterminer la
part que les utilisateurs peuvent supporter et de proposer les principes d'une
nouvelle tarification. Cette tarification doit favoriser le report modal pour
améliorer la sécurité et réduire les nuisances. A cet effet, elle doit prendre
en compte la possibilité proposée par la Commission européenne de mutaliser les
financements entre les modes. Enfin, elle pourrait être modulée par zone pour
mettre l'accent sur les sections de transit à grande circulation, par
exemple.
Je compte beaucoup sur le travail engagé pour arriver à des propositions
efficaces dans le courant de l'année 2003.
S'agissant de l'ouverture des réseaux ferroviaires, la commission de la
politique régionale, des transports et du tourisme du Parlement européen, lors
de sa séance du 27 novembre dernier, s'est prononcée en faveur d'une
libéralisation complète de l'ensemble des services ferroviaires, y compris les
services intérieurs de transports de passagers, dès le 1er janvier 2008.
Lors de l'examen du premier paquet ferroviaire, le Parlement européen avait
également adopté une position de libéralisation du transport ferroviaire.
Nous avons l'ambition que le développement du transport ferroviaire
international, notamment de fret passe par une ouverture des réseaux maîtrisée
et progressive.
Le premier paquet ferroviaire, qui donne accès au réseau transeuropéen de
fret, entrera en vigueur le 15 mars 2003. Les Etats membres s'attachent
actuellement à le transposer. En France, les travaux sont bien avancés : le
projet de texte doit être présenté aux services de la Commission avant la fin
de l'année. J'en ai parlé à Mme la commissaire lors de sa vene au ministère la
semaine dernière.
La mise en oeuvre effective de ce premier paquet constituera une étape
importante, dont les résultats devront être finement évalués.
Sur cette base, nous définirons la suite qui devra être donnée avant
d'envisager une nouvelle ouverture des réseaux pour le fret. L'accord de
Barcelone prévoyait la mise en place du premier paquet ferroviaire, ainsi que
son évaluation, avant que soit abordé le deuxième paquet ferroviaire.
Nous avons, à plusieurs reprises, fait part de cette position à nos
partenaires européens, et en dernier lieu au conseil « transports » qui s'est
tenu hier et aujourd'hui. C'est M. Dominique Bussereau qui assurait la présence
de la France aujourd'hui et qui devrait nous rejoindre tout à l'heure.
Pour ce qui est de l'électrification de la ligne Paris-Bâle, il s'agit d'un
projet important. Les études d'avant-projet de la section Paris-Toyes sont en
cours et elles devraient être achevées à l'automne 2003, afin de permettre
l'engagement de l'opération inscrite au contrat de Plan Champagne-Ardennes,
pour un montant de 45 millions d'euros.
Je signale d'ailleurs les efforts accomplis par la SNCF et le cofinancement
Etat-région en Ile-de-France pour la « remotorisation » de trente locomotives
diesel en gare de l'Est - cela représente quand même 15 millions d'euros - dont
la première a été officiellement mise en service la semaine dernière, pour
réduire les pollutions liées aux fumées d'échappement du diesel.
Le projet de TGV Rhin-Rhône sera, quant à lui, examiné dans le cadre de
l'audit sur les grands projets d'infrastructure. On ne peut donc aujourd'hui
présumer son échéance de réalisation.
M. Georges Gruillot a souligné combien nous sommes tous, les uns et les
autres, sensibilisés à la sécurité routière, dont le Président de la République
a fait « l'un des grands chantiers du quinquennat ». Monsieur le sénateur, les
états généraux qui se sont tenus en présence des six ministres concernés et du
Premier ministre ont donné une indication très nette à l'exécutif : commencez
déjà par faire appliquer ce qui existe !
Le 18 décembre prochain, le comité interministériel de la sécurité routière
doit se réunir. Un ensemble de mesures sérieuses, actuellement en préparation,
sont en voie de finalisation ; elles portent sur tous les aspects - vitesse,
alcool, port de la ceinture, aménagements routiers - et utilisent tous les
leviers pertinents, que ce soit l'éducation, la formation ou la répression.
Tout doit être mis en oeuvre pour combattre ce fléau qui fait trop souvent la
une de l'actualité, qui plonge dans le deuil 8 000 familles et entraîne 150 000
blessés chaque année. Statistiquement, une personne sur cinq sera, au cours de
sa vie, blessée sur la route, c'est imparable !
M. Gruillot m'a interrogé sur le réseau fluvial. Les priorités sont, bien sûr,
l'entretien du réseau existant et son maintien. Le canal Seine-Nord, qui est
inscrit dans l'audit, est, à l'évidence, le meilleur projet fluvial.
Je signale que l'écluse fluviale du port du Havre permettra aussi une
meilleure intermodalité à partir de Port 2000.
S'agissant des voies navigables, le développement du transport fluvial
s'inscrit clairement dans la politique que le Gouvernement entend mener pour
favoriser le recours aux modes de transport alternatifs. A ce titre, le projet
de loi de finances pour 2003 traduit une priorité donnée à la modernisation du
réseau qui existe, d'une part, et à celle des professions du transit fluvial,
d'autre part, notamment pour la formation.
(Applaudissements sur les travées
des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur
certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Monsieur le ministre, s'il vous est possible d'attendre l'arrivée de M.
Bussereau, ce qui nous permettrait de passer aux questions.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Vous êtes fort aimable, monsieur le président, de me poser la
question. Je peux attendre l'arrivée de M. Bussereau, qui a un léger retard de
quinze minutes.
M. le président.
Nous allons donc passer aux questions.
Je vous rappelle, monsieur le ministre, mes chers collègues, la règle du jeu
dite des « cinq, trois, deux » : chaque intervenant dispose de cinq minutes
maximum pour poser sa question ; le ministre, de trois minutes pour répondre,
et l'orateur, d'un droit de réplique de deux minutes maximum.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la mobilité
des personnes et la circulation des biens en Europe connaissent un fort
développement avec, pour corollaire, des besoins en infrastructures de
transport en augmentation sensible.
En raison de sa situation géographique, la France est l'une des plaques
tournantes des échanges européens. Le grand Sud-Est, en particulier, est un
passage obligé pour le trafic nord-sud.
Bien que des efforts très importants aient été consentis afin de doter ce
territoire en infrastructures de qualité, il reste encore de nombreux projets à
mettre en oeuvre.
Une étude récente menée par l'association technique de la route a estimé à 37
milliards d'euros les besoins du grand Sud-Est en termes d'infrastructures de
transport d'ici à vingt ans. D'ores et déjà, plusieurs grands projets ont été
identifiés pour une programmation immédiate ou ultérieure dans le cadre des
contrats de plan Etat-région, ou en dehors de ces contrats.
Dans le domaine ferroviaire, je citerai, hors contrat de plan, les lignes
Lyon-Turin et Perpignan-Figueras, le contournement fret de Lyon et le
contournement mixte de Montpellier et de Nîmes. Quant aux contrats de plan, ils
prévoient de nombreuses améliorations et électrifications de lignes.
Dans le domaine routier, les opérations retenues sur les trois contrats de
plan sont également nombreuses. La réalisation du contournement ouest de Lyon
est prévue, quant à elle, hors contrat de plan.
Dès lors, qu'en sera-t-il de la réalisation de tous ces projets dans un délai
raisonnable, compte tenu du gel de certains crédits décidé durant l'été 2002 et
de l'annulation de crédits prévue dans le projet de loi de finances
rectificative pour 2002 ; de l'audit sur les grandes infrastructures ; du
budget 2003, qui prévoit une baisse importante des autorisations de programme
avec, par exemple, une diminution de 4,8 % pour le développement du réseau
routier national, et, enfin, de l'amendement déposé par la commission des
finances en vue de réduire les crédits du titre IV ?
Ces divers éléments laissent à penser que des équipements, pourtant essentiels
au développement des échanges et à l'aménagement du territoire du grand
Sud-Est, peuvent être différés, voire abandonnés.
Monsieur le ministre, l'Etat respectera-t-il, en 2003 et les années suivantes,
les engagements qu'il a pris dans le cadre des contrats de plan, mais aussi,
pour les principales infrastructures, hors contrats de plan ?
Je sollicite une réponse claire à ces interrogations, dans la mesure où les
équipements projetés présentent un intérêt pour conforter le grand Sud-Est en
tant que territoire d'échanges à l'échelon européen, mais aussi pour assurer un
meilleur maillage de son territoire et renforcer la solidarité entre ses
composantes.
Dans cette perspective, comment ne pas se poser aussi la question de la
saturation à brève échéance de l'autoroute A 7 en vallée du Rhône et de la
sécurité de cet itinéraire ?
En outre, les choix qui seront faits pour éviter l'engorgement de l'axe
rhodanien, et ses conséquences sur les trafics national et international, ne
seront pas sans incidences sur le développement de certains territoires
relativement enclavés, de part et d'autre du Rhône et, tout particulièrement,
l'Ardèche.
Je rappelle que l'Ardèche est dépourvue de desserte directe par des trains de
voyageurs et que cet état de fait rend plus nécessaire encore un réseau routier
national performant.
Monsieur le ministre, quelle solution comptez-vous privilégier ? Une
alternative ferroviaire et fluviale, ou bien la création d'une nouvelle
autoroute longeant le sud-est du Massif central ? Dans ce cas, les Ardéchois
veilleront à une bonne intégration de cette infrastructure et à obtenir un
nombre suffisant d'accès. Ou encore, favoriserez-vous le passage de l'A 7 à
deux fois cinq voies ? Dans ce cas, des compensations devront être consenties,
sur crédits d'Etat, pour raccorder directement à l'autoroute A 7 le réseau
routier national desservant l'Ardèche, notamment par de nouveaux ouvrages de
franchissement du Rhône, et un effort particulier d'investissement devra être
fait en faveur de la mise à niveau du réseau existant.
Quoi qu'il en soit, éviter l'engorgement de l'axe de la vallée du Rhône est un
objectif majeur qui nécessite que la Commission nationale du débat public soit
saisie le plus rapidement possible afin de lui permettre d'organiser la
nécessaire concertation.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à saisir cette commission, et dans quels
délais ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur le sénateur, je croyais que la règle du jeu consistait
à poser une question en cinq minutes. Or ce sont cinq questions par minute que
vous avez posées.
(Sourires.)
Mais n'y voyez aucun reproche de ma part,
je n'aurais, d'ailleurs, aucune autorité pour vous en faire. Je vais tenter de
vous répondre et, le cas échéant, vous serez le bienvenu au ministère pour
obtenir des précisions sur tous les points que vous avez évoqués.
En ce qui concerne les crédits, il est vrai que le Gouvernement, en 2002, a
été conduit à mettre en réserve une partie des crédits votés. Il s'agit plus
d'une mesure destinée à contenir le déficit de l'Etat et qui est liée au fait
que les recettes n'ont pas été à la hauteur des prévisions annoncées lors du
vote de la loi de finances pour 2002. Cela étant, il n'est absolument pas
question que l'Etat ne respecte pas les engagements qu'il a pris lors de la
signature du contrat de plan Etat-région Rhône-Alpes en 2000. D'ailleurs, le
taux d'exécution national, à la fin de cette année, atteindra 35 %. Vous êtes
donc gâté, monsieur le sénateur, puisque, en Ardèche, il atteindra 67 %, soit
presque le double de la moyenne nationale !
(Sourires.)
Cela témoigne,
évidemment, de l'intérêt de l'Etat pour ce département et aussi de l'état
d'avancement des chantiers et des projets.
Le volet ferroviaire du contrat de plan Etat-région Rhône-Alpes est le plus
important des contrats de plan Etats-régions. Lors de son établissement, plus
de 520 millions d'euros ont été inscrits, dont 140 millions d'euros financés
par l'Etat et 140 millions d'euros financés par la région.
Aujourd'hui, plus de 23 millions d'euros ont été attribués par l'Etat,
notamment pour les opérations relatives au noeud lyonnais, à la modernisation
de la ligne Dijon-Modane et à l'amiélioration de la desserte périurbaine des
grandes agglomérations régionales.
Vous m'avez demandé ensuite si l'amendement sénatorial qui a été voté aura des
conséquences sur l'investissement du ministère et, notamment, pour le contrat
de plan ou pour l'Ardèche. Je vous réponds très clairement par la négative. En
effet, cet amendement a pour objet de réduire les frais de fonctionnement à
hauteur de 1 million d'euros et non les frais d'investissement. Cet amendement
aura pour conséquence de décaler les recrutements ou les remplacements de
postes devenus vacants au cours de l'année 2003.
Enfin, vous m'avez interrogé sur l'autoroute A 7 et, plus généralement, sur le
problème du trafic dans la vallée du Rhône. Je vous informe qu'en 2003 la
Commission nationale du débat public sera saisie de ce grand sujet. Nous
fixerons alors les orientations ; vous voulez les connaître dès aujourd'hui,
mais cela me paraît un peu prématuré. Faut-il une nouvelle autoroute ? Faut-il
doubler l'autoroute A 7 ? Faut-il réserver plusieurs voies supplémentaires aux
poids lourds ? Ce sont des questions extrêmement pertinentes. J'espère que le
débat de la CNDP nous apportera des réponses tout aussi pertinentes.
M. le président.
La parole est à M. Michel Teston.
M. Michel Teston.
Monsieur le ministre, je n'avais posé en fait que deux questions, et en moins
de cinq minutes.
(Sourires.)
Je les reprends : l'Etat respectera-t-il
les engagements qu'il a pris lors de la signature des contrats de plan et hors
contrats de plan ? Etes-vous prêt à saisir la Commission nationale du débat
public sur la question de l'engorgement à brève échéance du principal axe de
circulation dans la vallée du Rhône ?
Sur le premier point, vous me répondez que l'Etat respectera totalement les
engagements pris lors de la signature des contrats de plan. J'en prends acte
avec satisfaction, mais je resterai, comme beaucoup d'autres élus, très
vigilant.
Sur le second point, je note avec la même satisfaction que la démarche engagée
par votre prédécesseur, M. Jean-Claude Gayssot, est poursuivie et que nous
pourrons nous concerter sur l'ensemble du territoire concerné par les diverses
solutions, de manière à éviter l'engorgement de l'A 7 qui serait très
préjudiciable non seulement aux liaisons entre le nord et le sud de l'Europe,
mais aussi, on l'oublie un peu trop souvent, aux liaisons par le sud de la
France entre l'Espagne et l'Italie.
M. le président.
La parole est à M. Daniel Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Monsieur le ministre, je souhaite plaider une cause qu'il est difficile de
plaider dans notre pays, et pourtant j'y crois profondément, je veux parler de
la voie navigable et, particulièrement, de la voie navigable sur la façade est
de la France.
Cinq arguments plaident en sa faveur.
Le premier argument tient au rôle stratégique de la façade est de la France
dans la perspective européenne. La liaison fluviale entre le bassin rhénan et
le bassin rhodanien, comme, d'ailleurs, le TGV Nord-Sud sur la façade est
Rhin-Rhône, représentent autant de maillons manquants qu'il est absolument
nécessaire de combler rapidement.
Deuxième argument, la voie d'eau a un avenir. Plus les distances sont longues,
plus elle a un avenir. Or, avec l'élargissement de l'Europe vers l'Europe
centrale et orientale, la voie navigable trouve tout son intérêt et, à une
réalisation de la liaison Rhin-Main-Danube et à la liaison Elbe-Oder, devra
bien répondre un jour une liaison Rhin-Rhône.
Troisième argument, il faut désengorger, comme cela a déjà été souligné, les
sillons rhénan et rhodanien. En effet, chaque année, 500 millions de tonnes de
marchandises transitent par ce corridor, et il est prévu que, dans les dix ans
à venir, le trafic augmentera de 50 %. Lorsque l'on sait qu'une barge fluviale
transporte cinquante camions de quarante tonnes,...
Mme Hélène Luc.
C'est vrai !
M. Daniel Hoeffel.
... on comprend que ce désengorgement passe non pas par deux modes de
transport, le rail et la route, mais par trois, la voie d'eau trouvant toute sa
place.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Très bien !
M. Daniel Hoeffel.
Quatrième argument, la liaison entre les sillons rhénan et rhodanien a été
retenue il y a longtemps déjà, parmi les projets d'intérêt européen, notre
collègue Jacques Oudin le sait bien. La Commission européenne a encore rappelé
tout à fait récemment l'intérêt européen que représente pour elle la liaison
précitée. Il n'est pas pensable qu'il n'y ait pas d'écho en France de ce qui
est reconnu comme une priorité en Europe.
Cinquième et dernier argument enfin, le transport fluvial est le mode de
transport le moins polluant et il est regrettable que ce soit un ministre de
l'environnement qui ait exécuté un projet retenu au mois de janvier 1995 et
adopté à une très grande majorité par les deux assemblées du Parlement.
M. Jean-Pierre Schosteck.
C'est, en effet, regrettable.
M. Daniel Hoeffel.
Les pays les plus soucieux de l'environnement en Europe sont ceux qui
investissent le plus dans la voie d'eau.
Monsieur le ministre, je vous fais confiance, en tant que ministre chargé des
transports, pour l'ensemble de votre action. Je n'ose cependant croire qu'une
réponse ponctuelle, donnée à quelques élus d'un secteur géographique délimité,
puisse être considérée comme une renonciation définitive à un élément
stratégique, à un élément fort d'aménagement du territoire à l'échelon tant
national qu'européen. Je veux croire que, sur ce plan aussi, nous pouvons vous
faire confiance pour examiner ce dossier dans une perspective d'avenir, en
faisant abstraction des nombreux préjugés trop solidement ancrés dans notre
pays.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et du
RPR.)
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Une perspective d'avenir, avez-vous dit, monsieur Hoeffel. Si
vous ne donnez pas d'horizon à cet avenir, je pourrais toujours vous répondre
oui, mais je dois à l'honnêteté de mettre les choses au point dès
aujourd'hui.
Les réflexions nées dans le cadre de la préparation des schémas de services du
transport de marchandises ont bien montré que le mode ferroviaire offrait, sur
l'axe Rhin-Rhône-Saône, des réponses très pertinentes, et même plus pertinentes
que les voies fluviales. Donc, au terme de toutes les réflexions menées au sein
du ministère, nous aboutissons à préférer le ferroviaire au fluvial.
Normalement, il n'y a pas lieu de revenir sur l'abandon, décidé en 1997, du
grand projet de liaison fluviale à grand gabarit entre la Saône et le Rhin, qui
aujourd'hui ne bénéficie ni d'une déclaration d'utilité publique ni de
financement et qui est, de plus, incompatible avec certains aspects du projet
Saône-Rhin en cours de réalisation. Voyez que je ne cherche pas à vous bercer
d'illusions !
Compte tenu de ces différents éléments, toute réouverture du dossier semble
aujourd'hui exclue. Le projet de liaison fluviale à grand gabarit Saône-Rhin ne
figure ni au schéma de services de transport de marchandises ni dans la liste
des opérations auditées, malgré tout mon désir de vous être agréable.
Il existe peut-être une solution de repli qui peut à moyen ou à long terme
vous apporter quelques espérances : une mission d'information présidée par
votre collègue M. Grignon a établi, durant le premier semestre de l'année 2002,
au nom de la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat, un
rapport où, certes, on regrette l'abandon, en 1997, du projet Saône-Rhin, mais
où l'on conclut - en matière de transport modal privilégiant le mode fluvial -
en avançant des propositions qui sont moins contraignantes, du point de vue
environnemental, qu'un grand projet et qui sont plus justifiées et plus faciles
à financer.
Ces propositions, qu'il faut maintenant approfondir, sont inspirées de l'idée
qu'il serait intéressant de réaliser, à l'horizon de vingt-cinq ou trente ans,
une sorte de maillage fluvial qui établirait les connexions aujourd'hui
pratiquement inexistantes entre les réseaux à grand gabarit français et
européen.
Voilà tout ce que je peux aujourd'hui vous répondre, monsieur Hoeffel, pour
être honnête avec vous et avec moi-même !
M. le président.
La parole est à M. Daniel Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel.
Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse. Nous ne sommes pas
figés sur tel ou tel tracé, l'essentiel étant que le projet de liaison entre le
sillon rhodanien et le sillon rhénan se fasse et qu'on évite, à l'avenir, de
considérer systématiquement comme une dépense pharaonique des projets réalisés
sur la façade est, alors qu'ailleurs ils sont considérés comme entrant dans la
nature des choses.
M. le président.
Monsieur de Robien, je tiens à vous remercier infiniment, au nom du Sénat, de
votre très grande disponibilité, qui nous a permis de ne pas interrompre nos
travaux jusqu'à l'arrivée de M. Dominique Bussereau, que je suis heureux
d'accueillir parmi nous.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Gilles de Robien,
ministre.
Monsieur le président, je voudrais à mon tour vous dire combien
j'ai apprécié le dialogue qui s'est instauré avec le Sénat depuis ce matin et
je vous remercie de la grande courtoisie avec laquelle vous avez mené ces
débats.
Je passe le flambeau à mon collègue et ami, Dominique Bussereau, qui a
également un emploi du temps très chargé, et revient de Bruxelles, où il
assistait aujourd'hui au conseil des ministres européens des transports.
(Applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Nous apprécions d'autant plus votre présence, monsieur le secrétaire d'Etat,
que le Thalys dans lequel vous voyagiez avait une heure de retard !
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'accroissement de la mobilité est l'une des caractéristiques majeures de notre
époque.
La loi du 30 décembre 1996 sur l'air et l'utilisation rationnelle de l'énergie
a prévu l'obligation, pour les villes de plus de 100 000 habitants, de se doter
d'un plan de déplacement urbain, un PDU. L'objectif était de diminuer la
circulation automobile pour réduire la pollution. Cette obligation semble
fortement compromise par les propositions qui sont faites dans le projet de loi
de finances pour 2003.
La route est aujourd'hui le mode de transport majoritaire en Europe avec 88 %
des déplacements de voyageurs et 85 % des déplacements de marchandises. La
liberté de choix, si souvent invoquée, est complètement déséquilibrée. Votre
projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, fait pencher la balance dans
le même sens.
Un meilleur équilibre entre le rail et la route favoriserait le respect de
l'environnement par la réduction de la pollution. Il faut défendre cette
démarche au niveau européen.
Il est temps de renverser une tendance qui va à l'encontre même des intérêts
des transporteurs routiers. Aujourd'hui, si nous voulons faire en sorte que
l'interopérabilité et l'intermodalité deviennent une réalité en dehors des
discours, il faut que des choix politiques clairs soient opérés et renforcés
par des crédits budgétaires. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, ce que vous
nous proposez dans ce projet de budget brille par sa timidité ou, le plus
souvent, va en sens contraire.
Pour franchir ce pas, il faudrait beaucoup plus d'audace. Des investissements
lourds sont nécessaires pour le transport de marchandises par rail, sinon
l'intermodalité ne restera qu'une idée marginale.
Mes chers collègues, vous savez tous ici que le rail offre des avantages
décisifs puisque l'électricité ne produit aucune pollution. Il faut sans doute
utiliser le réseau de façon optimale, mais il est également indispensable de
construire de nouvelles lignes sur les axes les plus chargés et d'améliorer
celles qui existent pour gagner en efficacité. Or vous ne faites pas ces choix,
monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous diminuez de 25 millions d'euros la
contribution aux charges d'infrastructure ferroviaire versée à RFF,
affaiblissant ainsi ses capacités d'intervention.
Admettez que ce sont des choix clairs, en complète contradiction avec les
engagements pris par le Président de la République, au nom de la France, en
faveur de l'application des accords de Kyoto.
Pour nos villes dans lesquelles la saturation est à son comble,
qu'envisagez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat, si ce n'est la réduction
drastique de 28 % des crédits alloués aux plans de déplacements urbains ?
Etes-vous certain que ce soit une bonne orientation pour préserver notre
environnement, pour diminuer la circulation des voitures en ville et pour
favoriser une autre culture du déplacement ?
Les autorisations de programme concernant les aides aux investissements pour
le transport en commun en site propre dans le projet de loi de finances pour
2003 restent au même niveau qu'en 2002, ce qui est inférieur aux besoins
formalisés dans les projets en cours. Les quarante-trois PDU approuvés
seront-ils financés ? Les six projets en cours de validation ont-ils été
intégrés ? Avez-vous ignoré les onze PDU en cours d'élaboration ?
Avec l'« évaporation » de la dotation de l'Etat, les communes voient s'envoler
leurs espérances.
Serait-ce, avant l'heure, la mise en place de la décentralisation proposée par
M. Raffarin qui annonce un désengagement de l'Etat sur ces questions ? Nous ne
sommes pas loin de le penser et nous constatons, une fois de plus, que les
territoires les plus fragiles seront défavorisés.
Nous sommes aujourd'hui confrontés à des défis pour préserver l'environnement.
Le rééquilibrage des transports entre eux ne doit pas être une incantation. Il
vous appartient, monsieur le secrétaire d'Etat, d'en assurer la régulation.
L'analyse à courte vue pourrait nous faire croire que le transport routier est
plus économique. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, l'analyse montre que 92 %
des coûts externes - les accidents, le bruit, la pollution atmosphérique, le
changement climatique -, qui représentent 4,6 % du PIB, sont générés par le
trafic routier à l'échelle européenne.
En France, une étude réalisée en mars 2000 par la direction des affaires
économiques chargée des transports publics évalue à 151,4 milliards de francs
en 1997 les coûts environnementaux - congestion du réseau, accidents, pollution
- générés par le trafic routier.
Il serait important de connaître, monsieur le secrétaire d'Etat, le résultat
du « compte poids lourds », c'est-à-dire la différence entre les recettes,
qu'elles soient fiscales ou liées aux péages, et les coûts que génère, tous
domaines confondus, ce mode de transport aujourd'hui. Cette information nous
permettrait d'avoir une vision plus claire. Nous saurions en outre si, depuis
1990 - date à laquelle la participation des automobilistes était d'environ 80 %
et celle des poids lourds de 20 % -, la situation a évolué, et dans quel
sens.
La France est un pays de transit. Or nous ne pouvons plus absorber la
croissance du transport routier et la situation de paralysie qui s'annonce sera
également préjudiciable aux autres États membres. L'Europe doit donc s'engager
plus activement.
Les charges sont actuellement induites de façon majoritaire par les
transporteurs routiers, dont de nombreux sont européens et qui, lorsqu'ils
utilisent nos routes nationales, n'apportent aucune contribution financière.
Ces charges sont supportées à hauteur de 80 % par les automobilistes. Que
comptez-vous faire pour renverser cette tendance ?
Monsieur le secrétaire d'Etat, selon quels critères les villes seront-elles
sélectionnées pour bénéficier de ce qui reste des crédits destinés aux PDU ?
Les autorités organisatrices sont très inquiètes des conséquences de votre
décision.
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez participé récemment à un
séminaire sur le développement durable. Comment allez-vous résoudre la
contradiction entre l'ampleur de cette question et la faiblesse de vos crédits
pour y contribuer ?
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du
groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie tout d'abord d'excuser mon
retard, lié à des aléas férroviaires à l'issue de la réunion du conseil des
ministres des transports européens consacré, justement, à ce qu'il est convenu
d'appeler le « deuxième paquet ferroviaire » et au transport maritime, sujets
sur lesquels je reviendrai ultérieurement.
Madame le sénateur, permettez-moi de vous dire, sans esprit de polémique, que
le Gouvernement s'est trouvé confronté, s'agissant du fret ferroviaire, à une
situation catastrophique.
M. Gayssot, dont vous souteniez la politique avec ardeur et véhémence, avait
promis des lignes de TGV et des infrastructures de fret dans toute la France,
mais il avait simplement oublié de les financer. Chaque maire, chaque président
de conseil général ou régional attendait l'amélioration de ses infrastructures
alors qu'aucune discussion n'avait été engagée avec les collectivités locales
pour préparer le financement des projets.
Le Gouvernement s'est donc trouvé dans la nécessité de remettre de l'ordre et
et de la rigueur en réalisant un audit. Un bilan des infrastructures en projet
sera dressé d'ici à la fin de l'année. Le Gouvernement travaillera ensuite
pendant trois mois pour tenter de les classer selon les trois critères suivants
: ces projets sont-ils intéressants, d'une part, pour l'aménagement du
territoire et, d'autre part, pour les grandes infrastructures européennes ?
Enfin, s'agit-il de projets intermodaux en termes de voyageurs et de fret ?
En fonction de ce classement, le Gouvernement établira une liste de priorités,
à parir du mois d'avril, il présentera sa « feuille de route » devant le
Parlement pour que l'Assemblée nationale et le Sénat puissent discuter des
choix d'infrastructures et de l'ordre dans lequel ils seront réalisés.
Naturellement, au sein de ces infrastructures, madame Beaufils, une priorité
sera accordée au fret ferroviaire. Je vous rappelle que mon prédécesseur, M.
Gayssot, s'était engagé à doubler le fret ferroviaire en dix ans. Au cours des
deux années pendant lesquelles il a exercé cette possibilité, le fret de la
SNCF a diminué dans des proportions inédites. Nous sommes malheureusement
obligés de rappeler que cette question n'a pas été traitée de manière
sérieuse.
Nous allons faire du fret ferroviaire une véritable priorité, car l'asphyxie
menace nos routes. Il est nécessaire que le fret ferroviaire ne perde pas de
parts de marchés mais qu'il en gagne. Nous attendons beaucoup du rapport que
rendront deux de vos collègues, M. Hubert Haenel, membre du conseil
d'administration de la SNCF, et M. François Gerbaud, membre du conseil
d'administration de RFF, pour formuler des propositions réalistes visant à «
booster » le fret ferroviaire, car nous ne pouvons pas en rester à l'échec
actuel.
Je veux d'ailleurs préciser qu'il existe deux autres domaines dans lesquels
nous devons développer le transport de fret. Tout d'abord, il faut redonner une
vraie priorité au transport fluvial dans ce pays. M. Gayssot avait, à juste
titre, engagé le projet Seine-Nord.
Nous préciserons, à la suite de l'audit, les modalités de sa réalisation.
Ensuite, il faut bien sûr développer le cabotage maritime.
A cet égard, je peux témoigner d'une volonté politique européenne, en
particulier avec le programme Marco Polo, de développer le cabotage
maritime.
Vous êtes, madame le sénateur, élue de la région tourangelle. Or le trafic qui
relie le pont du Cher entre Tours et votre commune devrait être supporté par le
fret ferroviaire ou par le cabotage, car il vise souvent à raccorder les ports
espagnols ou portugais aux grands ports de l'Europe du Nord.
En ce qui concerne les plans de déplacements urbains, je n'ai pas de leçon à
recevoir. J'ai été vice-président du GART - le Groupement des autorités
responsables de transport - et je me suis battu en faveur du transport urbain.
D'ailleurs, l'agglomération tourangelle est extrêmement en retard sur la
question des transports en site propre. Vous êtes malheureusement mal placée
dans tous les palmarès, en particulier celui de
La vie du rail et des
transports.
Je sais que ce n'est pas votre faute, chère madame, mais je
suis obligé de le constater quand vous nous interpellez au sujet des plans de
déplacements urbains.
Nous avons préféré garder l'argent public pour les projets de transports en
commun en site propre qui seront présentés à l'Etat. Nous avons maintenu le
niveau de financement. Toutefois, entre les reports de crédits qui n'ont pas
été consommés en 2002 et ceux qui sont prévus dans le projet de loi de finances
pour 2003, nous pourrons répondre à presque toutes les demandes.
Madame Beaufils, vous m'avez judicieusement interrrogé sur les critères qui
seront retenus. Il s'agira d'aider les villes qui ont des projets de site
propre ou des projets innovants visant à réaliser le plus rapidement possible
leur PDU.
M. le président.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez fait allusion au travail de
Jean-Claude Gayssot. Or M. de Robien vient de dire qu'il faudrait au moins
trois ans pour ressentir les effets des décisions qu'il prend aujourd'hui.
M. Dominique Bussereau
secrétaire d'Etat.
Cinq ans !
Mme Marie-France Beaufils.
M. Gayssot a lancé voilà seulement deux ans l'idée de doubler le fret
ferroviaire sur dix ans et ce n'est pas suffisant pour obtenir des
résultats.
Nous avons d'ailleurs mené des études précises à Saint-Pierre-des-Corps parce
que nous avions du mal à mobiliser les élus sur la question du développement du
fret ferroviaire et de la logistique.
Nous avons fait la démonstration qu'un certain nombre de freins devaient être
levés. A cet égard, l'électrification de la ligne Tours-Vierzon, qui permet
d'éviter les ruptures de charges, favorisera le recours au fret ferroviaire.
Des améliorations sont donc engagées. J'espère que l'audit sera suffisamment
sérieux pour faire la démonstration du travail qui a été entrepris, mais qui
n'a pas encore pu produire de résultats compte tenu de l'importance des
investissements.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous ai écouté et j'ai eu l'impression que
tout le budget était suspendu au résultat de l'audit. Ainsi, la situation est
pire que je ne l'imaginais puisque nous ne savons pas du tout ce qui sera fait
avec les crédits qui sont inscrits dans ce projet de budget !
Par conséquent, monsieur le secrétaire d'Etat, je serai attentive aux
conclusions de l'audit et aux décisions qui seront prises.
Pour ce qui est du PDU, je suis informé du 4e travail du GART depuis très
longtemps et je sais que vous en avez été vice-président. Monsieur le
secrétaire d'Etat, on n'est pas toujours prophète en son pays et j'ai dû
composer avec un élu que vous avez peut-être connu, Jean Royer, qui était loin
d'être passionné par les transports en commun en site propre et qui refusait
qu'un tramway traverse Tours en raison des problèmes que les rails allaient lui
poser pour se déplacer !
Je me bats pour que les plans de déplacements urbains soient les plus
efficaces possible et qu'ils répondent véritablement à la question du
développement durable à laquelle je suis très attachée, afin que tous les modes
de déplacement puissent être utilisés. Ce faisant, je pense non pas seulement
au transport ferré ou au transport collectif, mais aussi à une meilleure
utilisation du réseau cyclable des villes, qui risquent de rencontrer des
difficultés de financement. Dans ce domaine, j'ai d'ailleurs été alertée par
des membres du GART qui s'inquiètent fortement au sujet des crédits inscrits
dans le présent projet de budget.
J'espère, s'agissant des crédits non consommés et reconductibles, que nous
aurons une meilleure lisibilité dans les années à venir, car les questions que
nous avions posées en commission des affaires économiques n'ont pas reçu de
réponse.
M. le président.
La parole est à M. Lucien Lanier.
M. Lucien Lanier.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, la
dureté des chiffres concernant la route qui tue nous prouve que, manifestement,
quelque chose ne va pas. L'échec de notre politique de sécurité routière est
patent.
C'est bien pourquoi l'action contre l'insécurité routière est aujourd'hui
retenue comme un objectif majeur voulu par le Président de la République, tel
qu'il l'a défini dans sa déclaration du 14 juillet dernier.
Pourquoi en sommes-nous arrivés là ? D'abord, reconnaissons-le, le problème
qui se pose à nous n'est pas simple à résoudre.
Les projets de loi qui s'y sont attaqués sous l'empire de l'urgence ne l'ont
pas conçu dans son ensemble. De surcroît, la lenteur d'application des textes,
pourtant votés souvent à l'unanimité par le Parlement, a trop souvent émoussé
l'effet des décisions, alors que se renforçaient tant d'égoïsmes individuels ou
d'intérêts contradictoires, intéressés au laisser-faire, au laisser-passer.
Mais la réalité est là, qui s'impose. Le réseau routier destiné à être vecteur
d'échanges, de circulation des personnes et des biens, source de vie devient de
plus en plus source de mort et au-delà, source de drames sociaux. Il faut y
ajouter un gouffre financier pour la santé, la sécurité sociale, les
assurances, combien plus onéreux que ne coûterait une politique résolue et
efficace de sécurité.
Nous sommes donc à l'heure du choix ! Ou bien la sécurité routière est une
priorité absolue et nous lui en offrons les moyens ; ou bien nous sommes
résignés à de timides tentatives pour limiter les dégâts, en sachant qu'ils ne
feront que s'accentuer face à l'éparpillement des demi-mesures.
Votre projet de budget, monsieur le secrétaire d'Etat, révèle votre volonté
d'entreprendre, en coopération avec vos collègues, une politique plus
cohérente, plus positive et plus efficace pour combattre l'insécurité.
Reconnaissons tout d'abord une hausse importante de vos crédits. Toutefois, la
valeur d'un budget ne se mesure pas seulement à l'aune de ses augmentations,
mais à l'intelligente et pertinente utilisation des crédits qu'il comporte.
Trois grands axes définissent et orientent votre politique de sécurité
routière.
Tout d'abord, un effort est indispensable pour la recherche et les études.
Nous l'appellions de nos voeux, suivant en cela l'action bénéfique menée par
notre excellent rapporteur Gérard Miquel. Car comment comprendre, en effet, les
causes de l'insécurité routière sans en évaluer les conséquences et sans en
préciser les remèdes ?
Seule une recherche scientifiquement conçue, précisément ciblée, peut offrir
une base raisonnable d'appréciation et donc d'efficacité. Tel n'est pas
aujourd'hui le cas. Trop d'organismes, certes respectables et pleins de bonne
volonté, demeurent disparates d'un ministère à l'autre. Or une recherche
approfondie mérite de la méthode et beaucoup de cohésion. Vous en êtes
parfaitement conscient et, grâce à vous, nous voyons les prémices.
Première question : êtes-vous décidé à poursuivre fermement et à préciser une
politique d'études et de recherches adaptée à son sujet ?
Mais une telle action resterait vaine sans le renforcement concerté d'une
politique interministérielle de sécurité routière. En effet, nombre de
départements ministériels sont directement ou indirectement concernés. Chacun
s'y emploie avec le souci réel d'être à la hauteur de l'enjeu. Mais trop de
disparités, bref, trop de cloisons nuisent à la rentabilité de l'action, et le
Premier ministre ne peut pas toujours orchestrer lui-même en la matière la
cohésion des décisions.
Deuxième question : estimez-vous utile de renforcer la cohésion d'une
politique interministérielle de sécurité routière, et par quels moyens ?
Enfin, une cohésion interministérielle appelle, bien entendu, la cohésion
nationale, qui devrait être précisée, et, mieux encore, diligentée à la fois
dans une communauté d'action avec les collectivités locales, et par des
ententes concertées entre secteur public et secteur privé.
Troisième et dernière question : êtes-vous décidé à mieux orchestrer et à
développer l'action des différents acteurs de la sécurité routière ?
Pour conclure, monsieur le secrétaire d'Etat, soyez assuré que nous comprenons
l'ampleur d'une tâche qui se situe au carrefour des techniques et des
mentalités, au carrefour également d'acteurs qui partagent la diversité des
problèmes.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, nous souhaitons vous aider.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, vous connaissez bien le problème
pour avoir exercé des fonctions préfectorales. Vous avez donc été en première
ligne et vous avez raison de dire que, la réflexion législative et
réglementaire se fait trop souvent dans l'urgence.
J'ai participé en tant que membre de la commission des lois de l'Assemblée
nationale, pendant plusieurs années, à la préparation des textes et j'ai
toujours eu le sentiment, comme les présidents des commissions, tant au Sénat
qu'à l'Assemblée nationale, que trop de loi tuait la loi.
En matière de sécurité routière, il serait peut-être plus utile d'appliquer
les lois et les règlements existants que de chercher sans cesse à créer de
nouveaux délits ou infractions. Vous le constatez vous-même dans votre
département, comme partout, ce qui manque souvent à nos forces de police, ce ne
sont pas des textes, ce sont des moyens : des hommes, des radars, des
véhicules...
Tentons donc d'abord de mieux appliquer les textes à notre disposition.
Vous avez cité trois domaines de développement de la politique de sécurité
routière. Ils correspondent aux orientations que Gilles de Robien, qui est
directement en charge de ce dossier, met en oeuvre.
Il s'agit en premier lieu du domaine de la recherche et des études.
J'ai présidé durant cinq ans le programme de recherche et d'innovation dans
les transports terrestres, le PREDIT. C'est aujourd'hui un député de mon
département, M. Maxime Bono, également maire de La Rochelle, qui préside le
PREDIT.
La recherche, en matière de sécurité routière, porte sur ce qu'on appelle la «
route intelligente », c'est-à-dire, par exemple, sur les dispositifs de
détection permettant le repérage des obstacles, et donc une conduite plus sûre,
par temps de pluie ou de brouillard.
Dans le secteur automobile, l'Etat apporte le concours de l'Institut national
de recherche sur les transports et leur sécurité, l'INRETS, à une recherche
extraordinaire, à laquelle contribuent aussi très activement les constructeurs.
Le dernier Mondial de l'automobile a ainsi montré à quel point les
constructeurs attachaient maintenant de l'importance à la sécurité. Les
équipements de sécurité des modèles présentés n'ont plus rien à voir avec ce
qui se faisait il y a quelques années seulement, en particulier pour les
pneumatiques, spécialité dans laquelle les entreprises françaises sont
actuellement à la pointe de la recherche et du progrès.
Deuxième développement que que vous avez cité, monsieur le sénateur : le
caractère interministériel de la sécurité routière. Vous avez entièrement
raison.
Sous l'impulsion du Président de la République et du Premier ministre, vous
savez que se sont réunis au mois de septembre des états généraux de la sécurité
routière réunissant l'ensemble des acteurs. Gilles de Robien a présenté une
communication au mois d'octobre en conseil des ministres sur la sécurité
routière et un comité interministériel de la sécurité routière, présidé par le
Premier ministre, se réunira le 18 décembre. Ce comité aura pour objet de faire
le point sur l'action interministérielle et de présenter un éventail de mesures
complétant et améliorant les mesures existantes.
Enfin, troisième domaine, comment ne pas être de votre avis quand vous dites
qu'il est nécessaire que cette politique soit relayée par les collectivités
locales ? Les maires sont les premiers acteurs de la sécurité routière dans
leurs communes. Dans le cadre de la loi Chevènement sur les polices
municipales, il a été, par exemple, permis aux polices municipales d'utiliser
des cinémomètres et de dresser des contraventions au code de la route, même
dans ses aspects réglementaires ou législatifs. Les collectivités locales ont,
naturellement, un rôle de premier plan à jouer.
Vous avez rappelé également le rôle des entreprises. Nombre d'entreprises font
des programmes pilotes de sécurité routière, avec leur personnel, et avec le
concours des services de l'Etat.
Dans les écoles, la gendarmerie et la police nationale apportent leur concours
aux inspecteurs d'académie pour des actions de sensibilisation.
Le Gouvernement est en parfait accord avec les principes que vous prônez. Nous
devons maintenant nous donner les moyens d'accomplir les actions que vous
appelez de vos voeux, et de le faire dans les meilleurs délais.
M. le président.
La parole est à M. Lucien Lanier.
M. Lucien Lanier.
Mon amitié avec M. le secrétaire d'Etat est suffisamment ancienne pour que je
puisse lui faire confiance et arrêter là mes réquisitions !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
m'exprime à titre personnel, mais aussi au nom de mon collègue M. André
Vallet.
Le projet de budget des transports dont nous débattons aujourd'hui est pour
moi l'occasion de souligner l'effort de la nation en faveur de la sécurité
routière.
Je rappelle que les accidents de la route constituent la première cause de
mortalité chez les jeunes. Plus exactement, les accidents de la circulation
représentant à eux seuls 40 % des décès chez les quinze - dix-neuf, 37 % chez
les vingt - vingt-quatre ans et 26 % chez les vingt-cinq - vingt-neuf ans. Dans
une proportion de trois garçons pour une fille, près des deux tiers des décès
sont liés à l'usage d'un véhicule motorisé et 47 % des accidents mortels
surviennent la nuit.
Cet état de fait est la conséquence directe de l'accroissement de pratiques
quasi suicidaires, souvent associées à une consommation d'alcool et de
substances illicites.
Pour enrayer ce phénomène dévastateur, le Gouvernement a entrepris de mettre
en place une politique de sécurisation de la circulation sur deux fronts. Son
premier volet se traduit par une hausse sans précédent des crédits budgétaires
en faveur de la sécurité routière ; le second préconise la tolérance zéro à
l'égard des conducteurs qui adoptent une conduite dangereuse, pour eux-mêmes et
pour les autres. C'est le premier volet qui attirera plus particulièrement mon
attention.
Pour 2003, les crédits consacrés à la sécurité routière s'élèvent à plus de
1,65 milliard d'euros, soit une hausse de 4,6 %. De par leur importance, ces
chiffres montrent à quel point la lutte contre l'insécurité sur nos routes est
devenue une des missions prioritaires du Gouvernement, au même titre que la
sécurité intérieure, la justice et la défense nationale.
Cette lutte se décline en trois titres : les actions de la direction de la
sécurité routière ; l'entretien, le développement et les mesures de
sécurisation du réseau routier ; enfin, la rémunération des personnels du
ministère.
La progression des moyens budgétaires découle d'une prise de conscience
nationale suscitée par les mauvais résultats de l'année dernière, le nombre de
tués ayant augmenté de 1 %.
Face au drame humain et au gâchis économique que représentent 8 000 morts par
an, nous ne pouvons rester indifférents et, dès lors, nous devons encourager
l'action gouvernementale. Dans son discours du 14 juillet dernier, le Président
de la République retenait la sécurité routière comme l'un de ses objectifs
majeurs.
Mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les effets néfastes de la
consommation d'alcool au volant.
En revanche, j'aimerais attirer votre attention sur une cause encore peu
traitée d'accidents mortels : la conduite sous l'emprise de produits
stupéfiants.
En France, la consommation de stupéfiants par un conducteur ne fait à ce jour
l'objet d'aucune interdiction. Seule la loi du 18 juin 1999 sur la sécurité
routière soumet à un dépistage systématique de stupéfiants tout conducteur
automobile impliqué dans un accident mortel. Ne pourrait-on pas, comme pour les
contrôles d'alcoolémie, mettre en place des actions préventives de dépistage
plutôt que d'attendre l'issue fatale ?
Les stupéfiants recherchés sont les opiacés, le cannabis, les amphétamines et
la cocaïne. Seul le code de la santé publique prévoit que « l'usage illicite de
l'une des substances ou plantes classées comme stupéfiants est puni d'une peine
d'emprisonnement et d'une amende ».
En revanche, une disposition du code pénal, qui incrimine « le fait d'exposer
autrui à un risque immédiat de mort ou de blessures de nature à entraîner une
mutilation ou une infirmité permanente par la violation manifestement délibérée
d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence », s'applique
difficilement au cas des personnes conduisant sous l'emprise de stupéfiants.
C'est pourquoi je tiens à saluer l'adoption par l'Assemblée nationale d'un
texte prévoyant des sanctions à l'encontre de ces personnes.
Ce texte sera examiné ici même avant Noël : gageons que le Sénat saura
contribuer à la lutte contre des comportements dangereux inacceptables dans un
pays comme le nôtre.
Soulignons que l'examen des dispositions prises par nos partenaires européens
pour enrayer ce phénomène destructeur fait apparaître que la conduite sous
l'emprise des stupéfiants constitue chez eux une infraction spécifique,
distincte de la conduite en état d'ivresse. Les législations de pays comme
l'Allemagne, la Grande-Bretagne, l'Espagne, la Belgique ou l'Italie prévoient
des dispositifs de contrôle, qui reposent sur des analyses biologiques et sur
des procédures de suivi des conducteurs.
Quoi qu'il en soit, la conduite sous l'emprise de stupéfiants est sanctionnée
de façon similaire à la conduite en état d'imprégnation alcoolique : les
contrevenants sont passibles d'une amende, voire d'une peine de prison, ou des
deux peines cumulées dans les cas les plus graves. De plus, des sanctions
complémentaires sont généralement appliquées : interdiction de conduire pendant
un certain nombre de mois ou retrait du permis de conduire.
Au vu des dispositions en vigueur dans les pays qui nous entourent, l'absence
en France d'une législation spécifique liée à la conduite sous l'emprise de
stupéfiants constitue une exception.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le projet de budget que vous nous présentez est
l'occasion pour la majorité sénatoriale, non seulement de soutenir et
d'encourager votre démarche en faveur d'une plus grande sécurité sur nos
routes, mais surtout de mieux débattre d'un phénomène tragique qui nous
concerne tous et contre lequel l'efficacité doit être le fil directeur de toute
action.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, je vais devoir paraphraser vos
propos, car le Gouvernement est en complet accord avec vous.
Je vous remercie d'encourager le Gouvernement, et en particulier Gilles de
Robien, qui a la charge de ce dossier, dans sa volonté de combattre
l'insécurité routière par une politique déterminée et des mesures
renforcées.
Vous savez que, ces jours-ci encore et notamment hier à Loriol, lorsqu'il a
rendu hommage aux pompiers décédés en mission dans les conditions que l'on
connaît, le Président de la République a prononcé des paroles très fortes, qui,
je le pense, ont été entendues de nos compatriotes, sur l'insécurité routière
et les comportements affolants d'un grand nombre d'entre eux.
C'est une grande cause nationale et, comme vous l'avez indiqué, elle appelle
une augmentation des crédits qui lui sont consacrés dans le projet de loi de
finances.
Il est urgent que le nombre de tués et de blessés diminue. Les moyens
nécessaires seront mis en place, et je le disais à M. Lanier, une véritable
politique interministérielle sera menée. Ainsi, le 18 décembre, le Premier
ministre présidera lui-même un comité interministériel.
Cette date du 18 décembre est importante. Elle se situe à quelques jours des
vacances de fin d'année, moment où beaucoup de familles partent sur les routes.
Des mesures importantes seront mise en oeuvre et j'espère qu'elles susciteront
une prise de conscience de nos compatriotes quant à la dangerosité de certains
comportements en matière de conduite.
Nous sommes également très sensibles, monsieur le sénateur, au fait que vous
ayez évoqué le problème de l'usage des stupéfiants et de la conduite sous leur
influence. C'est un sujet sur lesquel le Parlement se penche depuis longtemps.
D'ailleurs, au cours de la précédente législature, à l'occasion de la
présentation, au nom du gouvernement de M. Jospin, d'un projet de loi sur la
sécurité routière par M. Gayssot, plusieurs députés de l'opposition d'alors,
relayés au Sénat par des membres de la majorité sénatoriale, avaient voulu
faire de l'usage des stupéfiants au volant un délit.
M. Gayssot avait refusé, alors que nos arguments n'avaient rien, me
semble-t-il, de politique, mais démontraient les dangers de la conduite sous
l'emprise des stupéfiants. Il a bien été prévu qu'en cas d'accident grave il
serait procédé à des examens, mais c'est très en deçà du problème, qui fait
partie des préoccupations majeures du Gouvernement et qui fera l'objet d'une
réflexion dans le cadre du comité interministériel de la sécurité routière.
Le Gouvernement a donc entendu votre message, monsieur le sénateur, et il
prendra les mesures nécessaires.
M. le président.
La parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Je remercie M. le secrétaire d'Etat de sa réponse. Cependant, je ne suis pas
sûr - je l'avais déjà dit à M. Gayssot il y a quelques années - que la vitesse
soit la seule cause des accidents mortels.
Mon département se place, pour le nombre des accidents mortels, parmi les
premiers de France. Toute une série de mesures contre la vitesse ont été prises
et, certes, le nombre des accidents a diminué, mais le nombre de morts sur la
route reste à peu près le même. Et, en effet, des études le montrent, il y a un
pourcentage constant de conducteurs qui s'endorment au volant, qui ne tiennent
pas compte des tracés continus, etc. Vous êtes les uns et les autres des
conducteurs et vous avez constaté sur la route des comportements au volant qui,
indépendamment de la vitesse, sont dangereux.
Peut-être faudrait-il être plus vigilant dans les agglomérations - il est, par
exemple, de plus en plus dangereux de traverser la rue de Vaugirard pour passer
du Sénat à nos bureaux ! -, mais, surtout, il faudrait que la loi soit
appliquée dans toutes ses dispositions.
(M. Lucien Lanier applaudit.)
M. le président.
La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest.
Nous arrivons en fin de parcours, et beaucoup a été dit. J'en viendrai donc à
ma question sans préambule, monsieur le secrétaire d'Etat.
Nous savons que l'intermodalité dans les transports permettrait d'assurer une
construction équilibrée et harmonieuse du territoire : rail, route, voies
fluviales, cabotage maritime, qui n'a pas été évoqué mais qui concerne nos
façades atlantique et méditerranéenne.
Pour autant, la répartition du trafic entre les différents modes de transport
témoigne aujourd'hui d'un fort déséquilibre en faveur de la route, avec un
risque de blocage demain si nous n'y prenons pas garde.
Comment comptez-vous corriger ces déséquilibres entre modes de transport,
monsieur le secrétaire d'Etat, et prévoyez-vous de nous présenter une politique
cohérente à long terme ? Serait-il possible de procéder à une synthèse lisible
à l'échelon national, afin que nous sachions où nous en sommes, entre l'Est, le
Nord, le Sud et l'Ouest ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Marest, vous me posez sans préambule une
question aussi importante que vaste. Vous avez raison : aujourd'hui, la
politique des transports d'un pays moderne comme la France, au coeur de
l'Europe qui s'élargit, ne peut qu'être intermodale.
On peut reprocher à nos gouvernements successifs d'avoir fait à travers les
différentes époques des choix modaux sans prêter attention à ce qui se passait
au-delà de nos frontières.
Le TGV sud-est Paris-Marseille est en revanche l'exemple d'un succès :
réalisation technique extraordinaire, il obtient en termes de trafic des
résultats formidables. Mais, en même temps que l'on développait cette ligne,
qui prenait des parts de marché à l'avion, on a libéralisé le transport aérien
et transféré une part du trafic de l'aérien vers le train. On a donc investi à
la fois pour les aéroports de Marseille et de Nice et pour la ligne
nouvelle.
L'argent public étant rare, il faut avoir une vision intermodale. C'est facile
à dire dans les discours, mais dans la réalité, chacun voit bien dans son
département, dans sa région, le type d'équipement qu'il veut réaliser et qui,
parfois, est très lié à un mode de transport.
Comme je l'ai dit tout à l'heure à Mme Beaufils, l'audit que le Gouvernement
effectue actuellement privilégiera les projets intermodaux. Je prendrai
quelques exemples de ce qui figure dans cet audit.
Dans le présent projet de loi de finances, des crédits sont inscrits pour Port
2000, très grand équipement de développement du port du Havre. Or, voilà
quelques mois, a été stoppée la construction d'une écluse permettant d'aller de
la Seine au port. Autrement dit, on est en train de développer un grand port à
proximité d'un grand fleuve sans qu'une écluse permette aux navires fluviaux de
rejoindre le port. Je ne dis pas que nous réaliserons cette écluse, mais en
tout cas nous l'avons réintroduite dans l'audit afin d'examiner si, sur le plan
financier et en termes d'aménagement du territoire, cet équipement n'était pas
nécessaire.
De même, je me suis aperçu, il y a plusieurs mois, à l'occasion d'un
déplacement à Fos-sur-Mer, que l'un de nos services empêchait les navires
automoteurs fluviaux de pénétrer dans une darse du port, empêchant ainsi
l'intermodalité, au nom de je ne sais quelle règle absurde et technocratique :
c'est à ce type même de comportement qu'il faut mettre fin.
Les solutions, vous les connaissez, consistent à développer toutes les
plates-formes combinées. Cette semaine, j'ai visité à Perpignan la merveilleuse
plate-forme combinée qu'est le marché Saint-Charles, qui permet à des
marchandises arrivées par la route d'être ensuite transportées par des trains
partant de Perpignan à dix-sept heures et arrivant le matin à quatre heures à
Rungis pour alimenter la région parisienne en fruits et légumes. Ce sont des
choses très concrètes, qui se développent avec des projets très importants. Il
faut faire la même chose avec la route et avec le transport combiné.
Monsieur Marest, pour que le transport combiné soit relancé, les subventions
budgétaires prévues en sa faveur dans le projet de budget seront attribuées non
à la seule SNCF, mais aux opérateurs du transport combiné afin qu'ils puissent
faire leurs choix modaux et pour que, avec la SNCF et d'autres modes de
transport, ils puissent développer tous les choix intermodaux possibles.
Cette politique intermodale doit être au coeur de toutes les politiques -
qu'il s'agisse des collectivités territoriales dans leurs choix
d'investissement, dans les contrats de plan Etat-région, ou de l'Etat -, et je
vous remercie de l'avoir souligné dans votre intervention.
M. le président.
La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest
Monsieur le ministre, je vous remercie de vos réponses.
Dans mon intervention, je pensais plus au fret qu'au trafic voyageurs. En
France, avec notre façade atlantique et l'appel de l'Europe centrale et de
l'Europe de l'Est en termes de trafic, nous serions en dessous de tout -
passez-moi l'expression - si nous ne faisions pas le maximum pour utiliser
l'ensemble des moyens de transit que possède notre pays.
M. le président.
Nous en avons terminé avec les questions.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant les transports terrestres, les
routes et la sécurité routière, inscrits à la ligne « Equipement, transport,
logement, tourisme et mer » seront mis aux voix aujourd'hui même, à la suite de
l'examen des crédits affectés au tourisme.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 47 805 492 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV :
moins
1 540 476 515 euros. »
L'amendement n° II-93, présenté par MM. Arthuis, Marini et Oudin, au nom de la
commission des finances, est ainsi libellé :
« Augmenter la réduction du titre IV de 12 000 000 euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à
moins
1 552 476 515 euros. »
La parole est à M. Jacques Oudin, rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Je présente cet amendement en accord avec Jean
Arthuis, qui complétera éventuellement mon propos dans le cours du débat.
Comme vous le savez, mes chers collègues, le Gouvernement a constaté une perte
prévisionnelle de recettes pour 2003 qui s'élève à 700 millions d'euros. Il
convient d'en tirer les conséquences en termes de dépenses. Cet amendement a
donc pour objet de réduire de 12 millions d'euros le chapitre 46-41, article
70, qui représente la contribution de l'Etat à l'exploitation des transports
collectifs en Ile-de-France, au profit de la RATP et de la SNCF. Le versement
de l'Etat s'élève à 812 millions d'euros en 2003, contre 799,4 millions d'euros
en 2002, soit une progression de 1,6 %. Vous l'aurez remarqué, la réduction que
nous proposons ne réduit pas les crédits par rapport à 2002, elle les maintient
au même niveau. Les crédits sont versés, pour 227 millions d'euros, en
compensation à la région d'Ile-de-France et, pour 585 millions d'euros, au
syndicat des transports parisiens et de la région d'Ile-de-France, le STIF.
Le présent amendement vise donc à réduire légèrement la dotation versée au
STIF, afin de promouvoir une meilleure productivité des services de transports
en Ile-de-France.
Il faut rappeler que la masse salariale de l'entreprise RATP a progressé de 17
% sur la période 1997-2001, dont 5,2 % en 2000 et 3,1 % en 2001, en particulier
en raison de l'application de la réduction du temps de travail. En 2001, les
frais de personnel ont été supérieurs de 63,2 millions d'euros aux frais de
personnel de 2000, en raison de la création de 1 263 emplois pour 37,6 millions
d'euros et d'une évolution globale de la masse salariale par agent pour 11,1
millions d'euros. On ne peut comprendre que les dotations de l'Etat au
fonctionnement courant progressent alors que, dans le même temps, des
réductions de crédits ont lieu sur les subventions aux investissements pour les
transports collectifs de province, notamment pour les plans de déplacements
urbains, lesquelles seront ramenées de 53,5 millions d'euros en 2002 à 38,6
millions d'euros en 2003.
En revanche, les subventions de l'Etat pour les infrastructures de transport
en Ile-de-France progresseront encore fortement en 2003. En effet, elles
passeront de 61 millions d'euros en 2002 à 100,5 millions d'euros en 2003, soit
une augmentation de 40 % ! C'est considérable.
(M. Roger Karoutchi
s'exclame.)
Il faut rappeler que la contribution de l'Etat à l'exploitation des transports
collectifs en Ile-de-France représente seulement 18,9 % des sommes allouées à
la RATP et à la SNCF en 2003.
Telles sont, mes chers collègues, les raisons qui conduisent la commission des
finances à vous proposer de maintenir en 2003 les crédits de 2002.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le rapporteur spécial, le Gouvernement est
très sensible aux arguments développés par la commission des finances dans
l'amendement que vous présentez avec MM. Arthuis et Marini.
Nous nous félicitons, bien sûr, de la bonne évolution du trafic et des
recettes commerciales de la RATP, mais nous partageons votre diagnostic sur
l'augmentation rapide des effectifs et des charges de l'entreprise.
Le service assuré par la RATP et sa rémunération sont définis depuis 2000 dans
le cadre d'un contrat pluriannuel passé par l'entreprise avec le STIF, qui doit
être renouvelé à la fin de l'année 2003. Aussi, nous veillerons, monsieur le
rapporteur spécial, à ce que le nouveau contrat prenne en compte la nécessité
pour l'entreprise d'améliorer sa productivité, comme vous le souhaitez.
Auparavant, la nouvelle présidente-directrice générale de la RATP, Mme Idrac,
présentera à la fin de janvier prochain à son conseil d'administration ses
orientations stratégiques pour l'entreprise. Bien entendu, le commissaire du
Gouvernement, présent ce jour-là, rappellera à la présidence de la RATP les
préoccupations de productivité du Gouvernement.
Pour autant, les concours de l'Etat au STIF proposés pour 2003 ont été
calculés au plus juste. Compte tenu de l'absence de marge de manoeuvre sur les
actuels contrats entre le STIF et la RATP ainsi que la SNCF, qui courent pour
2003, une éventuelle réduction des concours publics ne pourrait avoir que des
effets négatifs sur l'évolution des tarifs, sur les autres politiques menées
par le STIF, comme celles qui sont relatives à la ville, à l'accessibilité des
réseaux aux personnes handicapées, et sur les montants versés aux entreprises
privées. Je rappelle que nous avons, dans le même temps, augmenté le VT, le
versement transport, dans certains départements de l'Ile-de-France.
C'est la raison pour laquelle, sur le principe, le Gouvernement n'est pas
favorable à cet amendement. Il s'en remet à la sagesse de la commission.
Peut-être pourrait-elle présenter une contre-proposition de nature à recueillir
l'accord de la commission et du Gouvernement ?
M. le président.
La parole est à M. Michel Teston, contre l'amendement.
M. Michel Teston.
Le projet de budget des transports terrestres pour 2003 n'est pas
satisfaisant. Dans ce contexte, l'augmentation des crédits consacrés aux
transports collectifs en Ile-de-France va, en revanche, dans le bon sens - M.
le secrétaire d'Etat l'a indiqué - et cela est d'ailleurs conforme à ce qui est
prévu dans le contrat de plan. Dès lors, au nom du groupe auquel j'appartiens,
je m'oppose à l'adoption de cet amendement. En effet, si la réduction qui est
prévue s'agissant des crédits du syndicat des transports parisiens et de la
région d'Ile-de-France est légère, elle n'en est pas moins réelle.
M. le président.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.
Mme Marie-France Beaufils.
Récemment, nous avons eu le plaisir d'évoquer avec Mme Idrac,
présidente-directrice générale de la RATP, la situation des transports en
Ile-de-France. La suppression de ces 12 millions d'euros se justifierait, selon
vous, par l'augmentation importante des frais de personnel. Or celle-ci tient,
pour l'essentiel, aux 1 100 agents qui travaillent à l'amélioration de la
sécurité dans les transports collectifs de l'Ile-de-France. C'est tout de même
important. Mme Idrac nous a fait part du travail qui a été engagé à cet égard,
qu'il s'agisse des interventions, des investissements et de l'achat de
matériels de vidéosurveillance. Aujourd'hui, en cas de difficulté, les
personnels de sécurité, qui sont associés à 600 agents de la police nationale,
peuvent intervenir en dix minutes.
Selon moi, la réduction des crédits consacrés au personnel, alors que ces
crédits ont précisement été augmentés pour améliorer la sécurité, ne
permettrait pas aux transports de l'Ile-de-France d'accroître leur «
performance » en termes de voyageurs transportés.
En effet, chacun le sait, si la sécurité diminue, le nombre de voyageurs
diminue lui aussi.
En ce qui concerne les recettes du budget, on nous a fait part d'un
pourcentage très faible de réduction. Je voudrais rappeler que le groupe
communiste républicain et citoyen propose une taxation de 0,3 % sur les actifs
financiers. Une partie de ceux-ci sont des capitaux très spéculatifs, et on a
vu combien étaient douloureuses les conséquences pour l'activité économique et
pour l'emploi à travers de nombreux exemples à l'échelon national ou
international.
Par ailleurs, s'agissant des recettes, c'est vous-même qui avez décidé de
réduire l'impôt sur le revenu. Or cette mesure n'améliore pas le pouvoir
d'achat de ceux qui en ont le plus besoin et qui participeraient à
l'amélioration de la consommation.
Par ailleurs, quand vous proposez la réduction de l'intervention de l'Etat
pour le syndicat des transports parisiens et de la région d'Ile-de-France, vous
incitez à ce que l'on fasse plus appel au financement par les usagers. Or, on
le sait bien, il s'agit, majoritairement, de familles modestes dans le budget
desquelles cela pèse lourd.
Votre proposition risque donc d'avoir des incidences sur d'autres recettes du
budget de l'Etat, en particulier celles qui sont liées à la consommation, dont
la TVA.
Pour toutes ces raisons, nous voterons contre l'amendement.
M. le président.
La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.
M. Roger Karoutchi.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
j'interviens sinon avec l'autorisation ou la bénédiction du président et du
premier vice-président de la commission des finances, en tout cas avec l'espoir
que mes propos ne me vaudront pas trop d'acrimonie de leur part.
Nous avons - et quand je dis « nous », c'est de manière globale - récupéré un
syndicat des transports parisiens et de la région d'Ile-de-France dans une
situation financière très difficile. L'alternance, si je puis dire, a permis au
nouveau préfet de région, président du STIF, et à la réforme qui a été votée
voilà deux ans et qui a été mise en oeuvre l'année dernière, de faire entrer
notamment les représentants de la région au STIF. A ce titre, j'ai le bonheur,
ou le malheur, de siéger au conseil d'administration du STIF.
Nous sommes dans une situation très difficile : 60 % des déplacements par les
transports publics en France se font en Ile-de-France. La situation des réseaux
- ferroviaire, métropolitain ou RER - est extraordinairement difficile : il
faut renouveler le matériel, transformer les voies et permettre l'accessibilité
aux handicapés. Il s'agit d'une région où les déplacements pour le travail,
pour les loisirs, pour la vie quotidienne sont très lourds et très longs.
L'Ile-de-France est, dans notre pays, la région où les temps de trajet
quotidiens sont les plus longs. C'est également la région où l'insécurité dans
les transports publics est la plus forte ; grâce au nouveau ministre de
l'intérieur, des mesures ont été prises, notamment la création de la police
régionale des transports.
La RATP et la SNCF font des efforts considérables. En 2002, nous avons
accepté, pour l'ensemble des usagers en Ile-de-France, une hausse des tarifs
qui représente à peu près deux fois et demie l'inflation. D'ores et déjà se
prépare le budget 2003, qui sera voté très prochainement par le conseil
d'administration du STIF. Les augmentations de tarif pour les usagers
représenteront à nouveau deux à trois fois l'inflation.
Il ne faut pas s'en prendre au STIF, allais-je dire. Il faut le réformer. Je
souhaitais, et M. le secrétaire d'Etat le sait, une réforme beaucoup plus
complète du STIF. En effet, aujourd'hui encore, il s'agit d'une machine trop
lourde et trop compliquée, dans laquelle l'intervention de l'Etat et des
collectivités n'est pas assez organisée et n'est pas suffisamment claire pour
l'avenir. Pour autant, le STIF ne doit pas être mis en péril, sinon nous
mettrions en difficulté les millions de Franciliens qui, tous les jours,
effectuent des allers-retours qui, finalement, sont très pénibles.
Aussi, très sincèrement, et avec tout le respect que je dois au président et
au vice-président de la commission des finances, je ne peux, en tant qu'élu
francilien, qui voit et vit les transports en Ile-de-France et leurs
difficultés, voter cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
J'ai bien entendu chacun des orateurs qui sont
intervenus dans ce débat. Je sais gré à M. Jacques Oudin, notre excellent
rapporteur spécial, d'avoir justifié, comme il l'a fait, l'amendement de la
commission des finances.
Chacun, ici, doit comprendre que l'exercice auquel nous nous livrons
s'accomplit non pas au nom de l'orthodoxie budgétaire, mais tout simplement
parce que, l'Etat ayant fait le constat que ses recettes fiscales, en 2003, ne
seront pas à la hauteur de ses prévisions, nous devons nous efforcer d'en tirer
des conséquences s'agissant des crédits mis à la disposition des différents
départements ministériels. C'est une démarche de sagesse pour ne pas laisser
exploser le déficit public.
Nos collègues ici présents, tant M. Teston que Mme Beaufils, doivent le
comprendre.
Madame Beaufils, nous n'allons pas reprendre ce soir le débat sur les choix
fiscaux du Gouvernement, soutenu par sa majorité. En effet, nous avons eu
l'occasion d'en débattre pendant une semaine. Une nouvelle fois, je voudrais
attirer votre attention sur le fait que toute imposition excessive des capitaux
et des mouvements financiers, qui sont par nature volatils, pénalise
directement notre communauté nationale. En prenant le risque d'accroître cette
imposition, vous assécherez progressivement les ressources et vous travaillerez
contre l'emploi ; vous serez à l'oeuvre pour organiser la délocalisation des
activités et de l'emploi.
(Mme Odette Terrade proteste.)
Je vous mets en
garde contre les conséquences tout à fait redoutables de telles initiatives
!
Vous me donnerez acte que la commission des finances du Sénat a pris
l'initiative de proposer une mesure qui procurera des ressources fiscales
supplémentaires, au titre de l'impôt sur les sociétés, d'un montant de 400
millions d'euros. Voilà qui devrait aller au-devant de votre attente !
Je comprends bien le déchirement de Roger Karoutchi. Je sais qu'il est
particulièrement attentif, en sa qualité de membre de la commission des
finances, à rechercher des économies, et c'est un exercice auquel, avec chacun
des membres de la commission, il se livre quotidiennement. Mais il est l'élu
d'Ile-de-France et participe à l'administration du STIF ! Je comprends donc
tout à fait son dilemme.
M. le ministre nous a appelés à la modération, et je ne doute pas que M. le
rapporteur spécial sera en mesure de vous faire des propositions qui répondront
à votre attente. Quoi qu'il en soit, il est important que le Sénat délivre un
message à l'attention de tous les agents, qui sont au demeurant d'excellents
professionnels, participant au transport des Parisiens et des Franciliens : le
STIF ne peut pas échapper à l'obligation de recherche systématique de gains de
productivité et de modération dans la progression de ses dépenses.
Voilà pourquoi, s'il doit y avoir un amendement n° II-93 rectifié, j'en laisse
l'initiative au rapporteur spécial. Pour ma part, je le voterai.
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin, rapporteur spécial.
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Je ferai d'abord remarquer que l'Etat n'oublie pas
les transports franciliens. J'ai déjà cité les chiffres ; mais, quand les
chiffres sont bons, on les oublie, et quand ils sont mauvais, on les retient.
Je vous rappelle néanmoins que les subventions de l'Etat aux dépenses
d'infrastructures en Ile-de-France - je le dis pour mes collègues franciliens
ici présents - passent, de 2002 à 2003, de 60 millions à 100 millions d'euros.
Cela constitue l'une des plus fortes augmentations du budget que nous examinons
aujourd'hui. Il est normal, compte tenu des besoins d'investissement pour les
transports dans la région parisienne, que cet effort soit accompli, dans le
cadre d'un plan à long terme.
Nous avons évoqué tout à l'heure les dépenses de fonctionnement, auxquelles la
commission des finances est extrêmement attentive, car c'est d'elles que
découle la détérioration des comptes publics. Ainsi, j'ai déjà souligné que
tous les ratios de gestion de la SNCF se dégradent. Certes, à la RATP, le
trafic augmente, mais les autres ratios se dégradent également : l'endettement
devient considérable, et les effectifs, donc les masses salariales, augmentent.
Bien sûr, on note davantage de sécurité, un trafic accru ; il n'en demeure pas
moins que, en termes de gestion, un redressement des comptes des transports
parisiens s'impose.
L'amendement que nous proposons est un amendement d'alerte, pour ne pas dire
un amendement d'appel. Pour votre information, je comparerai quelques chiffres
significatifs. En termes de transports urbains, Paris et Tokyo se ressemblent :
Paris, pour 297 stations, compte 211 kilomètres de lignes ; à Tokyo l'ensemble
du réseau couvre 261 kilomètres pour 217 stations. A Paris comme à Tokyo, il y
a 12 000 agents. Mais, à Paris, 1,1 milliard de passagers sont transportés,
contre 3 milliards à Tokyo. Les ratios, vous l'avez compris, ne sont pas à
l'avantage du transport parisien !
Sans demander que la productivité et la rentabilité des transports atteignent
celles que l'on trouve à Tokyo, il y a une marge dont nous souhaitons que les
responsables prennent conscience. C'est pourquoi les efforts déjà engagés
doivent être poursuivis.
Nous avons entendu la remarque du ministre, comme nous avons entendu les
craintes du représentant des élus franciliens. Dans ces conditions, et avec
votre accord, monsieur le ministre, je rectifie l'amendement n° II-93 pour
répartir l'effort et le partager en deux. Au lieu d'augmenter la réduction de
12 millions d'euros, je propose de ne la majorer que de 6 millions.
Mais rendez-vous est pris pour l'année prochaine ! Comme la loi organique
relative aux lois de finances nous demande des ratios précis, nous examinerons
les progrès qu'aura faits la productivité des transports franciliens d'ici
là.
J'espère que cet amendement de compromis recevra l'appui des élus franciliens
eux-mêmes.
M. le président.
Je suis donc saisi d'un amendement n° II-93 rectifié, présenté par MM.
Arthuis, Marini et Oudin, au nom de la commission des finances, et ainsi
libellé :
« Augmenter la réduction du titre IV de 6 000 000 euros.
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à
moins
1 546 476 515 euros. »
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Je dirai à M. le rapporteur spécial ainsi qu'à M. le
président de la commission des finances que j'ai bien entendu leur appel.
Je souhaite également assurer M. Karoutchi que personne ne se satisfait, pas
plus que la commission des finances ou lui-même, du fonctionnement actuel du
STIF, et que nous voyons se dessiner les améliorations qui doivent y être
apportées. Un nouveau président du STIF vient d'être désigné, puisqu'un nouveau
préfet de région a été nommé en Ile-de-France. Les équipes peuvent également
être amenées à évoluer. Il faut savoir que la décentralisation, à laquelle le
Sénat et l'Assemblée nationale réfléchissent en ce moment, aura des
conséquences sur le STIF et qu'il conviendra à terme, comme je l'ai dit devant
l'Assemblée nationale, de se demander si cet établissement ne doit pas être
présidé par un élu d'Ile-de-France : le fonctionnement actuel, en vertu duquel
le préfet, représentant de l'Etat, préside, n'est plus adapté à l'évolution des
transports en région parisienne comparée à l'organisation des transports dans
nos régions.
(M. Roger Karoutchi approuve.)
Je sais que Roger Karoutchi, comme nombre de ses collègues qui siègent au
STIF, est un défenseur de cette idée et de ce renouveau.
(M. Roger Karoutchi acquiesce.)
M. Oudin, qui est toujours attentif à la gestion des finances de l'Etat et
qui connaît bien celle des entreprises de transport, a également rappelé des
ratios qui méritent d'être examinés.
C'est la raison pour laquelle, ayant entendu à la fois le message de Roger
Karoutchi et l'appel de la commission des finances, monsieur le rapporteur
spécial, le Gouvernement se rallie, naturellement, à votre amendement n° II-93
rectifié.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je remercie M. le secrétaire
d'Etat et je demande, au nom de la commission des finances, un scrutin public
sur l'amendement n° II-93 rectifié.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-93 rectifié.
Je suis saisi de deux demandes de scrutin public émanant, l'une, de la
commission des finances, l'autre, du groupe CRC.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 310 |
Nombre de suffrages exprimés | 307 |
Majorité absolue des suffrages | 154 |
Pour l'adoption | 196 |
Contre | 111 |
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 580 704 000 euros ;
« Crédits de paiement : 673 934 000 euros. »
Le vote des crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 806 959 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 249 679 000 euros. »
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Loin de moi l'intention de prolonger les débats, surtout à cette heure
tardive, mais je souhaite intervenir brièvement sur le problème du
développement des grandes liaisons interurbaines, autrement dit sur l'avenir de
notre système autoroutier.
Tout à l'heure, j'ai évoqué la baisse des investissements de transport. A cet
égard, il nous faut avoir conscience que, voilà dix ans, nous dépensions pour
les infrastructures de transports 0,65 % de notre PIB, alors qu'aujourd'hui
nous sommes à un pourcentage de 0,40 %.
La diminution du kilométrage d'autoroutes mises en services - M. Gérard Miquel
le soulignait il y a quelques instants - nous conduit tout de même à nous
interroger sur nos propres déclarations au sujet de la sécurité routière. Il
faut savoir qu'une autoroute est quatre fois plus sûre qu'une route normale.
Réduire le kilométrage d'autoroutes, ce n'est pas rendre un service important à
la sécurité routière ! Le constat est fait, il est connu.
Reste maintenant la question d'une nouvelle politique de développement et de
financement de notre secteur autoroutier. Nous sommes sur ce point à la croisée
des chemins, car, si la question est posée, la solution n'est pas à portée.
Monsieur le secrétaire d'Etat aux transports et à la mer, nous ne pouvons pas
nous satisfaire de la suppression de tous les systèmes de péréquation qui
existaient. Souvenez-vous - je m'adresse ici aux plus anciens parmi nous - que
la loi de 1947 avait créé la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la
TIPP, pour financer le réseau routier national. La TIPP a disparu. Le fonds
spécial d'investissement routier a disparu. Le fonds des grands travaux a
disparu. Le fonds d'intervention des transports terrestres et des voies
navigables a disparu. Nous n'avons plus d'instrument de péréquation, hormis un
budget de l'Etat qui connaît le déficit que l'on sait. Or un instrument de
péréquation en déficit, c'est un très mauvais instrument !
Il faut donc agir pour définir de nouvelles modalités de financement de notre
secteur autoroutier. La privatisation des sociétés d'autoroutes ne me paraît
pas être la meilleure formule, car seuls leurs péages peuvent garantir la
pérennité des investissements futurs dans le système autoroutier.
Telles sont les quelques remarques que je souhaitais formuler. Je suis
persuadé que tant M. le ministre que M. le secrétaire d'Etat sont très
attentifs à cette question et qu'un débat s'instaurera avec le ministère des
finances. C'est la raison pour laquelle j'ai appelé de mes voeux un débat
parlementaire global sur la politique des transports, voire une loi de
programmation relative aux transports.
Nous reviendrons sur cette question dans le courant des mois prochains. Dans
l'immédiat, le problème est posé, mais il n'a malheureusement pas reçu, à ce
jour, de solution.
M. le président.
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
J'appelle en discussion l'article 71
bis,
qui est rattaché pour son
examen aux crédits affectés aux routes et à la sécurité routière ainsi que, en
accord avec la commission des finances, l'amendement n° II-91 tendant à insérer
un article additionnel après l'article 71
bis.
Article 71 bis
M. le président.
« Art. 71
bis.
- Le Gouvernement déposera, avant le 30 juin 2003, sur
le bureau de l'Assemblée nationale et sur celui du Sénat, un rapport sur le
Fonds pour le développement de l'intermodalité dans les transports et sur le
Fonds pour le développement d'une politique intermodale des transports dans le
massif alpin.
« Ce rapport détaillera le financement, le fonctionnement et l'utilité de ces
fonds. »
- (Adopté.)
Article additionnel après l'article 71 bis
M. le président.
L'amendement n° II-91 rectifié, présenté par MM. Sido, Bailly, de Broissia,
Richert, Trillard, Marest, Oudin et Adnot, est ainsi libellé :
« Après l'article 71
bis
, insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« Le Gouvernement déposera, avant le 31 juillet 2003, un rapport sur la
compensation à reconnaître aux départements, suite à la suppression de la
subvention qui leur était accordée pour la gestion des lignes routières
exploitées par fer. »
La parole est à M. Max Marest.
M. Max Marest.
En application de la LOTI, l'article 29 du décret du 16 août 1985 prévoit,
pour les lignes routières anciennement exploitées par fer dont la gestion a été
transférée aux départements, que l'Etat transfère à ces derniers la quote-part
financière relative à la compensation des tarifs sociaux et à l'équilibre
économique de ces lignes.
En 2002, cette quote-part représentait 5,4 millions d'euros. Cette somme
devait être utilisée par les départements pour assurer le maintien en
exploitation de ces lignes. Votée l'an dernier par le Parlement, elle a été
gelée par l'Etat, et les conseils généraux n'ont donc pas reçu ce qu'ils
étaient censés recevoir.
Le projet de loi de finances pour 2003 ne prévoit pas non plus de crédits à ce
titre dans le budget du ministère des transports.
Ces crédits devraient être transférés au sein de la DGD des régions dans le
cadre de la régionalisation des transports ferroviaires, sans que, pour autant,
le décret de 1985 soit modifié, sauf à mettre en péril l'équilibre des
transports départementaux, ce qui ne manquerait pas d'affecter les zones
particulièrement fragiles.
L'objet de cet amendement est donc de susciter l'engagement d'une concertation
entre les départements et le ministère des transports en demandant le dépôt
d'un rapport sur cette question.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Cet amendement a pour objet de demander au
Gouvernement d'établir un rapport sur la compensation, pour les départements,
de la suppression de la subvention qui leur était accordée pour la gestion des
lignes routières anciennement exploitées par fer. C'est une vraie question et
notre collègue l'a fort bien posée.
Pour 2003, les crédits des services régionaux de transport ferroviaire sont
transférés au budget de l'intérieur, avec une légère revalorisation : de 50
millions d'euros ; ils passent ainsi à 1,55 milliard d'euros.
Dans le même temps, on supprime la subvention pour les lignes ferroviaires
devenues routières, qui s'élevait à 5,4 millions d'euros et qui est désormais
censée être englobée dans la dotation revalorisée.
La difficulté tient au fait que la précédente contribution était versée aux
départements alors que les nouvelles compensations seront versées aux
régions.
Il convient donc que le Gouvernement apporte toutes les précisions nécessaires
sur ce sujet. C'est pourquoi la commission souhaite entendre l'avis du
Gouvernement.
M. le président.
Quel est, donc, l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Le transfert en DGD des crédits des services régionaux
de voyageurs a pour effet de priver de fondement les contributions précédemment
versées aux départements pour l'organisation des dessertes à courte distance.
Je confirme donc que l'article 29 du décret du 16 août 1985 sera abrogé.
Je n'ignore pas, en revanche, que la suppression de ces contributions
d'équilibre peut poser des problèmes à certains départements et à certaines
entreprises.
Je pense que la question du devenir des soixante-dix lignes en cause mérite
d'être clairement posée, beaucoup de ces lignes ayant manifestement perdu de
leur intérêt eu égard à l'évolution de la demande intervenue depuis le début
des années quatre-vingt en matière de déplacements.
J'estime, en toute franchise, que l'avenir de ces lignes, s'il était confirmé,
réside dans leur intégration aux services régionaux de voyageurs. Cela
répondrait à une vraie cohérence, car deux autorités organisatrices différentes
existent actuellement.
Comme vous me l'avez demandé, monsieur le rapporteur spécial, monsieur Marest,
je prends l'engagement de traiter très rapidement cette question.
Le Gouvernement souhaite, au cours du premier semestre de l'année 2003,
dresser un bilan de la régionalisation des transports de voyageurs. En effet,
depuis le 1er janvier dernier, en application de la loi Pons-Idrac de 1997 et
de la loi SRU, ces services de voyageurs sont transférés aux régions. Il est
normal que, au terme d'une année, nous voulions examiner la situation, évaluer
le coût de cette régionalisation, chercher à connaître la perception qu'en ont
les élus, les entreprises, les responsables. Nous pourrions même réaliser un
audit particulier des services sur lesquels, monsieur Marest, vous avez attiré
notre attention. Le Gouvernement vous donnera donc satisfaction dans les six
premiers mois de l'année 2003.
M. le président.
Quel est, maintenant, l'avis de la commission ?
M. Jacques Oudin,
rapporteur spécial.
Les explications de M. le ministre sont claires, et
ses engagements ne le sont pas moins. Dans ces conditions, la sagesse voudrait
que vous retiriez votre amendement, monsieur Marest.
M. le président.
Monsieur Marest, l'amendement n° II-91 rectifié est-il maintenu ?
M. Max Marest.
M. le ministre s'étant engagé à nous donner satisfaction et M. le rapporteur
me demandant de faire preuve de sagesse, j'aurais mauvaise grâce à ne pas
retirer cet amendement, monsieur le président.
M. le président.
L'amendement n° II-91 rectifié est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant les transports et la sécurité routière.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt-deux heures quinze.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à vingt heures cinq, est reprise à vingt-deux heures
quinze, sous la présidence de M. Adrien Gouteyron.)
PRÉSIDENCE DE M. ADRIEN GOUTEYRON
vice-président
M. le président.
La séance est reprise.
Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté
par l'Assemblée nationale.
III. - TRANSPORTS ET SÉCURITÉ ROUTIÈRE
(suite)
3.
Aviation et aéronautique civiles
Budget annexe de l'aviation civile
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'équipement, les transports, le logement, le tourisme et la mer : III. -
Transports et sécurité routière : aviation et aéronautique civiles, budget
annexe de l'aviation civile.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Yvon Collin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le secteur du transport aérien subit,
depuis les attentats du 11 septembre 2001, la plus importante crise de son
histoire. Elle se caractérise d'abord par une diminution du trafic aérien et
ce, pour la première fois depuis la guerre du Golfe : en 2001, le trafic
mondial a diminué de 5,7 % et, pour la France, de 2,2 %.
Les compagnies aériennes ont été fortement affectées par la perte de recette
liée à la diminution du trafic aérien. Elles ont également été confrontées à la
croissance des coûts liés aux mesures de sûreté et à la hausse des redevances.
Cet effet de ciseaux a condamné les compagnies les plus fragiles
financièrement, notamment, en Europe, Swissair et Sabena. D'autres compagnies
sont dans une situation financière particulièrement précaire. C'est le cas, en
France, d'Air Lib et d'Air Littoral, dont l'avenir n'est pas assuré à ce
jour.
Parallèlement, les compagnies à bas coûts se développent rapidement sur le
continent européen, préfigurant une réorganisation sans doute importante du
marché du transport aérien.
C'est dans ce contexte difficile que s'inscrit la construction du budget
annexe de l'aviation civile. Les marges de manoeuvres de la direction générale
de l'aviation civile, la DGAC, sont très limitées, car le renouvellement des
équipes et la mise en oeuvre des mesures de sûreté ne peuvent guère être
reportés à des jours meilleurs.
Quant aux dépenses de personnel, elles augmentent de plus de 5 %, ce qui
représente les deux tiers de l'accroissement des dépenses du budget annexe.
Cette progression est le résultat des mesures indemnitaires et de la création
de 393 emplois prévues par le protocole triennal d'accord conclu le 7 décembre
2000 avec des syndicats.
Les durées de formation des personnels de l'aviation civile rendent
difficilement envisageable un ajustement conjoncturel des emplois. En revanche,
il faut s'interroger sur la croissance des primes et indemnités diverses prévue
par les protocoles d'accord successifs. Un récent rapport public de la Cour des
comptes sur le contrôle de la navigation aérienne indique que « le levier
offert par la possibilité pour les contrôleurs aériens d'empêcher la
circulation aérienne au-dessus du pays aura été un formidable accélérateur
d'évolutions statutaires et indemnitaires, qui se sont étendues par un
phénomène de contagion aux autres personnels de la direction générale de
l'aviation civile ». Plus loin, ce rapport note que « les protocoles triennaux
ont eu pour vocation implicite essentielle de maintenir la paix sociale ».
A l'évidence, ces dépenses pèsent sur les compagnies aériennes. Dans le
contexte actuel, il est indispensable de maîtriser davantage leur progression.
Je souhaite donc que, pour les années à venir, on n'achète pas la paix sociale
à n'importe quel prix.
Les recettes du budget annexe de l'aviation civile devraient augmenter de 4,4
% en 2003. C'est le résultat de la hausse du montant des emprunts et de
l'augmentation des recettes tirées des redevances. Les tarifs de la redevance
de route devraient progresser de 7,8 % en 2003, ce qui est nettement inférieur
aux augmentations prévues par la plupart des autres pays européens.
La fin du programme d'équipement pour assurer 100 % du contrôle des bagages de
soute dans les aéroports permet de réduire la part du produit de la taxe de
l'aviation civile affectée au fonds d'intervention pour les aéroports et le
transport aérien, le FIATA, et d'augmenter la part versée au profit du budget
annexe, alors que le produit attendu de la taxe est en regression. La
diminution globale des crédits du FIATA est liée à la diminution des dépenses
d'équipement. En vérité, elle masque une progression de 5 % des crédits
consacrés au soutien des dessertes aériennes régionales.
Compte tenu de la situation du transport aérien, la direction générale de
l'aviation civile a dû reporter ses ambitions de désendettement à des jours
meilleurs, et l'endettement du budget annexe devrait s'accroître de 35,2
millions d'euros en 2003. Elle a également cherché à contenir ses dépenses en
2002 et 2003.
La suppression du subventionnement du budget annexe par le budget général crée
une situation où tous les acteurs sont « dans le même avion », si je puis dire.
Il s'agit de répartir le poids des charges entre les acteurs privés et la DGAC
de manière à préparer au mieux l'avenir. Ce projet de budget montre que chacun
prend sa part dans cette situation et que la DGAC joue un rôle d'amortissement
de la crise, tout en tenant compte des contraintes d'équilibre financier à long
terme du budget annexe.
La mise en oeuvre des mesures de sûreté représente un coût important pour les
compagnies aériennes et, surtout, pour les gestionnaires d'aéroports. On peut
toujours formuler les doutes sur l'efficacité de ces mesures, mais elles sont
indispensables car les risques liés au terrorisme sont toujours, et peut-être
aujourd'hui plus que jamais, d'actualité. Elles sont aussi nécessaires pour
maintenir la confiance des usagers, ce qui est important.
La France a choisi de confier l'essentiel de la mise en oeuvre des mesures de
sûreté aux gestionnaires d'aéroport, qui font appel à des entreprises de
sous-traitance. Une part importante de l'augmentation des coûts de sûreté est
d'ailleurs liée à la hausse des rémunérations des personnels de ces
entreprises, à la suite de la grève du début de l'été.
La rotation importante des effectifs me conduit à exprimer certaines craintes,
malgré les importantes précautions qui ont été prises.
Force est de constater que la mise en place des dispositifs de sûreté, pour le
contrôle des bagages et pour l'accès des personnels aux zones sensibles, s'est
faite un peu dans la précipitation. Il faudra en revoir l'organisation avec un
triple souci : l'efficacité des matériels et des dispositifs mis en oeuvre, la
qualité du service offert aux passagers et, enfin, la situation financière des
acteurs du transport aérien.
Dans le contexte actuel de crise du transport aérien, les compagnies
américaines sont contraintes d'engager des programmes de restructuration
drastiques, comme c'est le cas, ces derniers jours, d'United Airways, qui est
dans une situation critique. Le gouvernement américain était pourtant intervenu
massivement pour aider les compagnies aériennes après le 11 septembre 2001,
mais le marché intérieur américain reste très déprimé.
La politique de la Commission européenne est davantage orientée vers un libre
ajustement du marché, avec un encadrement très strict des aides publiques. Le
système de garanties publiques mis en place pour pallier la dénonciation des
contrats d'assurance n'a pas été reconduit le 1er novembre de cette année. Il
aurait été préférable d'attendre la mise en place des fonds de mutualisation du
risque entre compagnies aériennes car la majorité des acteurs considère que le
marché de l'assurance ne reviendra pas à une situation normale avant 2004.
La politique de la Commission européenne vise à harmoniser les conditions de
la concurrence au sein de l'Union. Le transport aérien devient, de plus en
plus, un sujet européen. Cela présente des avantages, notamment pour la
sécurité aérienne. Il faudra cependant veiller à ce que la libéralisation du
marché ne fragilise pas les compagnies européennes face à leurs concurrents,
les compagnies américaines en particulier. De plus, les conséquences de la
réalisation du « ciel unique » européen suscitent des inquiétudes qu'il faudra
sans doute apaiser.
J'en viens aux crédits consacrés à la construction aéronautique, domaine dans
lequel les entreprises américaines disposent d'un avantage concurrentiel
visible sur leurs concurrents européens. Le montant des avances remboursables
est relativement stable. Elles permettront notamment de poursuivre le
développement de l'Airbus A 380.
Les crédits consacrés à la recherche sont, quant à eux, en forte augmentation,
après une diminution en loi de finances initiale pour 2002 partiellement
compensée par une ouverture de crédits dans le collectif budgétaire d'été.
Les constructeurs aéronautiques français ont assez bien résisté à la crise
jusqu'ici. Pourtant, les dépenses qu'ils consacrent à la recherche et au
développement sont sensiblement inférieures à celles de leurs concurrents
américains qui bénéficient des synergies développées avec les contrats
militaires puisque les industries américaines sont plus duales que les
industries européennes.
L'industrie aéronautique américaine bénéficie également d'avantages fiscaux
importants : la Commission européenne estime que le système des Foreign Sales
Corporation, qui fait l'objet d'un contentieux dans le cadre de l'Organisation
mondiale du commerce, a permis à Boeing d'économiser 540 millions de dollars au
cours des quatre dernières années.
Le transport aérien traverse une période d'incertitudes et de mutations. La
commission des finances a considéré que les crédits de l'aviation et de
l'aéronautique civiles pour 2003 témoignaient, dans un contexte de crise, de la
recherche d'un équilibre. Elle a donc proposé au Sénat d'adopter ces
crédits.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'aviation civile et le transport aérien.
Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je serai bref dans la
mesure où mon collègue a excellemment présenté le budget de l'aviation et de
l'aéronautique civiles.
Je me bornerai à présenter quelques observations sur ce sujet avant d'en venir
à l'essentiel, c'est-à-dire à la situation du secteur du transport aérien.
Nous sommes dans un contexte de reprise fragile de l'économie mondiale,
caractérisée par trois aspects négatifs et trois aspects positifs.
Le premier aspect négatif, c'est l'augmentation des coûts des procédures de
sécurité, qui nuit au développement du transport aérien. Cela ne signifie pas
que la sécurité ne soit pas nécessaire, elle est indispensable au contraire,
mais elle coûte cher.
Le deuxième aspect négatif, c'est le quasi-doublement des primes d'assurances
en matière de transport aérien, à un point tel que la Commission européenne
s'est interrogée sur l'existence de pratiques illicites et sur un éventuel
abandon de l'assurance vis-à-vis du secteur aérien. La question est posée, il
faudra sans doute y revenir.
Le troisième élément très négatif, c'est la défaillance des grandes
compagnies. Un certain nombre de grandes compagnies ont progressivement
disparu. Je ne vais pas les passer ici en revue. Chacun les connaît et sait
très bien ce qu'il est advenu.
Quant aux éléments positifs, ils laissent apparaître des difficultés.
Il s'agit de la restructuration du transport aérien, de l'apparition de
nouveaux acteurs sur lesqels il convient d'être vigilants.
Il ne s'agit pas de refuser une nouvelle donne de l'économie du transport
aérien, mais il faudra certainement, à un moment ou à un autre, vérifier la
pertinence de l'action des compagnies « bas coût », qui peuvent fausser la
concurrence.
La redéfinition des politiques aéroportuaires est également un élément
positif. La réflexion est lancée sur ce sujet.
Monsieur le ministre, j'en viens aux crédits de votre ministère.
Il y a d'abord le budget annexe de l'aviation civile dont les recettes sont
les redevances de la navigation aérienne et la taxe de l'aviation civile, la
TAC. Nous étudierons ensuite le fonds d'intervention pour les aéroports et le
transport aérien, le FIATA, puis la construction aéronautique.
Le budget annexe de l'aviation civile, qui regroupe l'ensemble des crédits des
services de l'aviation civile, est alimenté, par les redevances de la
navigation aérienne. Les recettes sont en hausse de 6,7 %, ce qui représente
1,129 milliard d'euros. C'est une progression raisonnable et logique.
La taxe de l'aviation civile s'élève à 294,56 millions d'euros qui seront
affectés, d'une part, au budget annexe et, d'autre part, au FIATA.
Les crédits de ce dernier sont en diminution parce que les objectifs de
sécurité sont atteints. Cela étant, la part du FIATA qui est affectée au
soutien aux dessertes aériennes régionales dites « d'aménagement du territoire
» augmente de 5 %.
Cela reste insuffisant pour accompagner l'effort de développement des
territoires qui sont enclavés. Je le dis parce qu'un certain nombre de mes
collègues ici sont directement intéressés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Conseil supérieur de l'aviation marchande,
aux destinées duquel j'ai l'honneur de présider, a fait des propositions sur
l'évolution du FIATA. Je souhaite que vous les regardiez et que vous vous en
empariez, en quelque sorte, sachant que ce fonds resterait, pour l'essentiel,
ciblé vers l'aménagement du territoire. Mais l'aménagement du territoire
comprenant aussi le développement économique, certaines lignes pourraient être
considérées comme des lignes d'intérêt économique y contribuant, je pense à des
plateformes aéroportuaires comme Troyes, Le Havre, Chambéry et quelques autres,
qui mériteraient de bénéficier d'une aide spécifique, au moins au démarrage.
M. Charles Revet.
Très bien !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
S'agissant de l'accompagnement à la construction
aéronautique, les autorisations de programme diminuent, et les crédits de
paiement augmentent. C'est une question de bonne gestion, dont on ne peut que
prendre acte.
Dans le domaine de la construction aéronautique, deux logiques s'opposent. La
logique d'Airbus, avec des gros-porteurs, et celle de Boeing, avec des
moyens-porteurs supersoniques de type Sonic Cruiser. Ne convient-il pas de
s'interroger sur l'évolution de ce secteur de la construction aéronautique ? Il
serait dommage que des logiques aussi opposées se contrecarrent.
J'en viens aux trois acteurs majeurs du transport aérien en dehors de la
construction aéronautique, que sont les compagnies, les aéroports et le
ciel.
Les pertes dues au 11 septembre 2001 sont équivalentes aux profits réalisés au
cours des années 1997, 1998, 1999 et 2000. C'est dire la gravité des
conséquences de ces attentats sur les compagnies aériennes. Cela a entraîné
aussi des restructurations. Les pertes de lignes ont été très lourdes.
L'effondrement de Swissair, notamment, a eu des conséquences sur Air Lib et Air
Littoral. Il y a lieu de surveiller ce qui va se passer et d'accompagner
convenablement ces compagnies, sans pour autant enfreindre les règles
sacro-saintes.
S'agissant des aéroports, le facteur qui limite leur développement, ce sont
les nuisances sonores. Il faut avoir une approche globale de ce problème, car
les restrictions qui sont imposées aux compagnies ne sont pas une bonne
solution dans la mesure où elles n'ont pas forcément les effets induits
attendus. Le développement du transport aérien passe non seulement par une
régulation des nuisances, mais aussi par une politique d'urbanisation faisant
fi à la fois des hypocrisies et des non-dits. On ne peut pas continuer à agir
comme on le fait.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Sans qu'on fasse le troisième aéroport !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Le meilleur moyen, de protéger les populations du
bruit, c'est de ne pas les y exposer.
Alors, seulement, on obtiendra des résultats intéressants. Cela étant, le
décret du 26 avril que vous avez pris a été parfait.
Je vous félicite, monsieur le secrétaire d'Etat, d'avoir conclu, comme chacun
le sait, ici, les accords du conseil européen des transports en protégeant le
contrôle aérien, en faisant en sorte qu'il ne soit pas compromis par des
incidences financières et en empêchant sa privatisation.
Il faut décongestionner l'espace aérien, en séquençant les routes d'approche
des aéroports. Ce jour-là, je crois qu'on y gagnera.
(M. Yvon Collin,
rapporteur spécial, applaudit.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe socialiste : 10 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
La parole est à M. Paul Raoult.
M. Paul Raoult.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues
l'examen du budget annexe de l'aviation civile, le BAAC, s'était inscrit l'an
dernier dans un contexte de crise, du fait des répercussions sur le transport
aérien des actes de terrorisme commis le 11 septembre 2001.
D'autres tentatives de destruction d'appareils ont été menées au cours des
douze derniers mois, de celle de Richard Reid contre un vol Paris-Miami le 22
décembre 2001 au tir d'un missile sol-air contre un avion israélien décollant
de Mombasa le 28 novembre dernier.
Par ailleurs, la faiblesse de la conjoncture économique générale pèse
également sur la demande de transport aérien, de passagers comme de
marchandises, ce qui retarde le retour du secteur sur sa courbe tendancielle en
hausse sur longue période.
Ainsi, d'ici à 2005, le trafic de passagers augmentera en moyenne annuelle,
selon les prévisions de l'
International Air Transport Association
, de
6,5 % sur l'Atlantique Nord, de 5 % sur les lignes Europe-Asie Pacifique, de
2,5 % sur les liaisons transpacifiques, de 6 % sur l'Asie/Pacifique et de 5,5 %
sur l'Europe. Les données disponibles en ce qui concerne le fret permettent
d'espérer des progressions au moins aussi fortes dans ce domaine.
C'est en fonction de ces perspectives, somme toute raisonnablement favorables,
que nous devons examiner le projet de budget annexe de l'aviation civile qui
nous est soumis.
Dans le projet de loi de finances pour 2003, les crédits qui sont alloués
s'élèvent à 1 426 500 000 euros si l'on additionne les dépenses ordinaires et
les autorisations de programme, mais les crédits de paiement, qui sont
légèrement en baisse de 0,2 %, atteignent 286 millions d'euros, ce qui n'augure
pas bien d'une reprise de l'investissement dans ce domaine. Cette année encore,
le BAAC s'équilibre par ses recettes propres, sans qu'il soit fait appel à une
subvention provenant du budget général, ce qui, il est vrai, aurait été bien
difficile à trouver. Et pourtant, le taux de la taxe de l'aviation civile est
une nouvelle fois demeuré stable.
En fait, comme pour le budget de 2002, c'est en tablant sur l'accroissement du
produit des redevances de navigation aérienne, de route et pour services
terminaux que ce budget se suffit à lui-même. Ces recettes seront notamment
employées pour le financement des emplois créés, soit 393 contre 467 dans le
budget 2002.
Sans doute conviendrait-il que l'Etat réfléchisse aux modalités par lesquelles
il assume sa responsabilité d'assurer la sécurité du transport, ce qui
passerait par un accroissement plus important des dépenses de fonctionnement.
S'agissant à présent des dépenses d'investissement, pour lesquelles les
autorisations de programme sont privilégiées par rapport aux crédits de
paiement, les intentions du Gouvernement sont certainement louables, mais il
reste à les concrétiser.
A côté de cet affichage un tant soit peu volontariste, nous assistons à un
véritable effondrement des crédits d'investissement du fonds d'intervention
pour les aéroports et le transport aérien, en chute libre de 58 %, soit une
baisse globale de 31 % puisque ses crédits de fonctionnement baissent de 2 %.
Et pour cause, nous est-il expliqué : les travaux d'urgence qui avaient été
suscités par les attentats du 11 septembre 2001 ont été menés à bien... Comme
s'il n'était pas possible d'essayer d'anticiper un tant soit peu pour améliorer
la situation de nos équipements !
Ainsi, la semaine dernière, l'attentat manqué contre le vol Mombasa-Tel Aviv
a-t-il mis en lumière l'intérêt que pourrait représenter l'équipement des
flottes des compagnies aériennes en dispositifs de détection de missiles et
leurres destinés à les contrer. Pourquoi ne pas engager des moyens pour
prévenir de telles attaques contre des appareils d'Air France et de ses
consoeurs ?
De fait, il nous faut aussi aujourd'hui redéfinir avec force une politique en
direction des aéroports régionaux qui ont bien du mal à équilibrer leurs
comptes. Un certain nombre de lignes aériennes régionales sont déficitaires :
ma collègue de Clermont-Ferrand me signale, pour l'aéroport de cette ville, un
certain nombre de lignes aériennes déficitaires et des difficultés financières
importantes sur lesquelles il serait bon que le Gouvernement se penche
sérieusement.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Il n'y a pas que Clermont-Ferrand !
M. Paul Raoult.
Effectivement !
Malgré les incertitudes qui pèsent sur le court terme, trois constats peuvent
être dressés aujourd'hui.
D'abord, les aéroports de Roissy et d'Orly accueillent 75 millions de
passagers par an, soit les trois cinquièmes du trafic national, et leur part
est encore plus importante dans le secteur des marchandises, où ils
représentent à eux deux 90 % du fret métropolitain.
Ensuite, avec une grande sagesse, le précédent Gouvernement avait entrepris
de conforter les limitations de nuisances subies par les populations vivant à
leur voisinage, et il semble que son successeur ne se risquera pas à revenir
sur ces mesures qui, de fait, plafonneront leur croissance.
Mais il faudra bien accueillir la différence entre ces plafonds d'activité et
celle que vont requérir les 140 millions de passagers attendus en 2020 pour le
grand Bassin parisien, sans compter le fret supplémentaire.
Ne revenons pas sur l'emploi, particulièrement choquant, de l'argument selon
lequel le trafic aérien baisserait en raison du 11 septembre et de ses suites,
et que n'ont pas hésité à employer ceux qui refusent ce troisième aéroport.
Alors, bien entendu, le recours aux aéroports régionaux constitue sans doute
une partie de la réponse, et le précédent gouvernement l'avait bien compris, en
assurant une première aide de 5 milliards de francs pour leur développement,
dans un futur immédiat.
Cet essor pourrait être fondé sur les alternatives au transport aérien
classique que représentent les compagnies à bas coût.
Il paraît cependant pour le moins hasardeux d'espérer que plus de 60 millions
de passagers supplémentaires viennent fréquenter ces plate-formes régionales,
qui répondent imparfaitement aux exigences de la logique de
hub
.
C'est pourquoi, en parallèle, après avoir mené une concertation, le précédent
gouvernement avait eu le courage de se prononcer pour l'implantation d'une
troisième plate-forme aussi proche que possible de Paris.
Depuis, votre nouveau gouvernement et le nouveau ministre chargé notamment des
transports, qui avait fait connaître son opposition à cette décision, ont
brutalement remis en question l'immense travail accompli au cours de trois
cents heures de réunions publiques.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Baratin !
M. Paul Raoult.
Oui, c'est votre avis, ce n'est pas le mien !
Faisant table rase de cet acquis, ils ont cru bon d'engager une nouvelle
procédure d'étude à la fois sur la nécessité de cet équipement et sur son
emplacement.
Il ne me semble pas que les pouvoirs publics aient agi de manière très
responsable et pour tout dire courageuse.
Mais il est vrai que nous avons pris l'habitude de voir le nouveau
gouvernement défaire aussi rapidement qu'il lui est possible ce que son
prédécesseur avait construit.
Il faut dire aussi que les pouvoirs publics ne pouvaient peut-être pas se
consacrer à la résolution du problème posé par l'accroissement à venir du
trafic aérien.
En effet, ils étaient déjà fort occupés à préparer la grande affaire des
idéologues libéraux qui nous gouvernent dans ce secteur : la privatisation de
la compagnie aérienne nationale française.
Il convient tout de même de rappeler à ceux qui caressent ce projet qu'il leur
est permis d'y rêver précisément parce qu'il demeure une compagnie nommée Air
France, là où tant de compagnies privées ont soit disparu, comme Midway, soit
réduit leur voilure dans des proportions considérables. Je pense aux compagnies
United Airlines et American Airlines, qui ont affiché toutes les deux, au terme
de ce troisième trimestre 2002, 900 millions de dollars de pertes, et Delta
Airlines, qui a enregistré 330 millions de dollars de pertes.
A contrario,
le précédent gouvernement avait su fournir à Air France un
soutien qui lui a permis de passer le cap des tempêtes, à la différence de
Sabena ou de Swissair et de son pôle français AOM-Air Liberté.
Les résultats de la compagnie nationale sont même particulièrement
appréciables au regard de ceux de la Lufthansa ou de British Airways, qui
subissent de lourdes pertes d'exploitation.
C'est donc là l'opportunité, nous proclamaient les thuriféraires du secteur
privé, d'ouvrir le capital d'Air France. Une annonce en ce sens avait été faite
par le Gouvernement, dès le 29 juillet dernier.
Puis, soudain, l'effondrement des marchés financiers l'a contraint à remiser
cette si noble ambition de dépouiller le secteur public français de l'un de ses
plus beaux fleurons. Quoi qu'il en soit, nous attendons toujours de savoir
pourquoi il faudrait absolument privatiser Air France, qui s'avère tout à fait
compétitive et à même de passer des alliances fructueuses avec des compagnies
privées telles que Delta Airlines au sein de
Sky Team,
qui regroupe
aussi Alitalia, CSA, Aeromexico et Korean Airlines.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
C'est encore plus réactif !
M. Paul Raoult.
Il ne suffit pas de répéter, comme un bon élève du néolibéralisme, que cette
mesure permettrait d'aider Air France à conforter sa position. Encore faut-il
nous le démontrer.
A la vérité, le budget annexe de l'aviation civile qui nous est soumis est
bien plus préoccupant par ce qu'il ne nous dit pas que par ce qu'il énonce
comme priorités.
Souvent reprises des années précédentes, en matière de personnels,
d'investissements ou de développement de l'industrie aéronautique civile, ses
orientations pour 2003 pourraient se discuter.
Après tout, ce domaine d'intervention des pouvoirs publics est assez technique
pour que la polémique politique en soit absente.
D'ailleurs, sur tous les grands dossiers aéronautiques et aériens, y compris
l'an dernier malgré une conjoncture mondiale particulièrement délicate, le
Gouvernement avait su faire prévaloir l'intérêt général au cours des cinq
dernières années hors de tout dogmatisme.
Il avait aussi fait en sorte que se poursuive la mise en oeuvre d'une
stratégie industrielle et d'une politique des transports aériens au service de
l'emploi et du développement durable.
Or, monsieur le secrétaire d'Etat, quels que soient les crédits mobilisés par
le présent projet de loi de finances, il ne nous est pas possible de constater
de votre part la même volonté de doter la France des moyens de faire face aux
enjeux de l'avenir dans ce domaine.
En effet, bien au contraire, aux incertitudes qui pèsent sur un secteur aussi
fragile qu'essentiel, vous avez délibérément ajouté deux inconnues qui
obscurcissent tout l'horizon de l'aviation civile française : comment sera
réglé le problème des aéroports parisiens, et que deviendra Air France ?
Le groupe socialiste votera donc contre les crédits des transports aériens et
du budget annexe de l'aviation civile.
(Applaudissements sur les travées du
groupe socialiste.)
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Il a tort !
M. le président.
La parole est à Mme Marie-France Beaufils.
Mme Marie-France Beaufils.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
depuis les événements tragiques du 11 septembre 2001, le secteur aérien,
français et international, traverse une crise qui a mis en grande difficulté de
nombreuses compagnies aériennes. Aux Etats-Unis comme en Europe, les compagnies
privées ont réduit de manière drastique leurs emplois. Depuis la fin de l'année
2001,
American Airlines
a ainsi supprimé 27 000 emplois,
US
Airways,
12 000,
British Airways,
7 500,
Delta Airlines,
13
000,
Air Canada,
9 000. La faillite de
Swissair
se sera traduite,
quant à elle, par la suppression de 9 000 emplois, et celle de
United
Airlines
concernerait 84 000 salariés.
La France a, jusqu'à maintenant, mieux résisté aux conséquences du
ralentissement du trafic aérien. Face à la crise d'AOM-Air Liberté, les
soutiens publics ont permis d'éviter d'importantes suppressions d'emplois.
Aujourd'hui, la situation d'Air Lib est pourtant des plus préoccupantes. Le
différend qui l'oppose à
Swissair
depuis sa faillite ne lui a toujours
pas permis de recouvrer les 61 millions de créances dont la compagie helvétique
est redevable. Reconnaissons que cet apport de liquidités lui permettrait
d'apurer sa situation financière et de faire face au remboursement du prêt de
30,5 millions d'euros que lui a accordé l'Etat.
Je sais que M. le rapporteur pour avis pense que les difficultés actuelles
d'Air Lib ne résultent pas exclusivement du non-recouvrement de ses créances.
Il souligne ainsi que sur « les cinq mois d'exploitation de l'exercice 2001, le
taux de remplissage moyen n'aurait été que de 51,3 % ». Or, chacun le sait, le
ralentissement actuel du secteur aérien n'a épargné aucune compagnie. Chacun
sait aussi - la plupart des experts économiques comme la plupart des rapports
sur ce budget le mettent en évidence - que cette crise n'est que conjoncturelle
et que, sur le moyen terme, la croissance annuelle du trafic devrait se
raffermir, atteignant probablement 5 % sur les vingt prochaines années.
Monsieur le secrétaire d'Etat, pensez-vous réellement, au vu de tous ces
éléments, qu'une compagnie comme Air Lib doive être sacrifiée au gré d'une
conjoncture particulièrement déprimée ? J'espère que vous saurez entendre les
propositions en préparation.
Nous attendions un soutien public permettant à cette société de traverser
cette crise et de perdurer.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Elle l'a eu !
Mme Marie-France Beaufils.
Au lieu de cela, un plan de restructuration a été annoncé en octobre dernier
qui prévoit non seulement la suppression de 600 emplois, mais aussi le
démantèlement de l'entreprise !
Le traitement de ce cas est tout à fait révélateur de la politique libérale du
Gouvernement si coûteuse en emplois.
La volonté de privatiser Air France en est un autre aspect. Cette compagnie,
réputée mondialement pour la qualité de ses services, résiste incontestablement
mieux que beaucoup d'autres compagnies à la crise que traversent actuellement
les transports aériens.
Le plan mis en place par le précédent gouvernement, sous l'impulsion du
ministre des transports de l'époque, M. Jean-Claude Gayssot, après le 11
septembre et, plus globalement, le développement du
hub
de Roissy -
Charles-de-Gaulle, les différents accords de coopération noués avec d'autres
compagnies internationales dans le cadre de l'alliance
Sky Team
, lui ont
permis de dégager un résultat net confortable.
Nous devons, cependant, demeurer prudents et faire preuve de plus de
volontarisme politique que ne nous l'autorise votre projet de budget, d'autant
plus que les prévisions de recettes sur lesquelles il s'appuie semblent
difficilement réalisables dans la conjoncture actuelle.
La crainte d'actes terroristes a provoqué une augmentation brutale et très
importante des primes d'assurance. En réponse à cela, les aides qui avaient été
octroyées jusqu'en octobre 2002 n'ont pas été reconduites, ce qui ne manquera
pas d'accroître encore la fragilité financière des compagnies aériennes, déjà
durement touchées.
Je voudrais encore attirer votre attention sur le développement des compagnies
« bas coût ». Elles favorisent le développement d'une concurrence déloyale, qui
tire les prix vers le bas, ce qui fragilise d'autant la rentabilité du
secteur.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Et les consommateurs ?
Mme Marie-France Beaufils.
En effet, de telles compagnies bénéficient d'aides souvent non négligeables
des collectivités ou encore d'une réduction de la redevance aéroportuaire. Par
ailleurs, plusieurs aéroports ont connu des fermetures rapides de lignes dès
leur ouverture, ce qui constitue, à n'en pas douter, un gâchis financier
considérable.
La Commission européenne, pourtant si hostile aux diverses formes d'aides
accordées aux entreprises en réelle difficulté - elle n'hésite pas, par
exemple, à remettre en cause les aides accordées dans le cadre de la prime
d'aménagement du territoire -, s'est-elle sérieusement penchée sur ce type de
pratiques ? Il ne s'agit certes pas d'un abus de position dominante ;
cependant, qui nierait que cela induit des distorsions de concurrence ?
Enfin, j'attire votre attention, monsieur le secrétaire d'Etat, sur le
processus actuel de déréglementation européenne de notre espace aérien.
Dans le contexte géopolitique actuel particulièrement préoccupant et
incertain, la modification des espaces aériens civil et militaire nous paraît
également préoccupante. La volonté affichée de certains pays de mettre en
concurrence les différentes prestations de services intervenant pour la
sécurité des passagers, risque de peser lourdement sur les décisions du Conseil
des ministres européens. Votre prédécesseur s'est mobilisé pour faire entendre,
au sein de cette instance, la qualité des services publics intervenant dans
notre pays, monsieur le secrétaire d'Etat.
Je vous serais reconnaissante de nous donner des informations sur l'avancée
des discussions qui se sont récemment tenues dans le cadre de la procédure
européenne de codécision.
Face à toutes nos inquiétudes, vous l'aurez compris, monsieur le secrétaire
d'Etat, le groupe CRC ne votera pas les crédits de votre budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, dans le temps qui m'est imparti, je vais
tenter de répondre à M. le rapporteur spécial et à M. le rapporteur pour avis,
qui ont présenté les travaux de la commission des finances et de la commission
des affaires économiques et du Plan, ainsi qu'aux différents orateurs.
En effet, madame Beaufils, nous sommes au lendemain d'une réunion importante
du conseil des ministres européens au cours de laquelle le ciel unique européen
a été acté. Chacun aura compris que, pour des raisons de sécurité, il était
important que l'espace européen aérien soit géré non plus simplement en
fonction des frontières, mais aussi en fonction des espaces géographiques et
économiques. Madame Beaufils, je vous rassure, la France a naturellement été
fortement partisane du ciel unique européen - alors que le gouvernement
précédent ne l'était pas -, tout en réaffirmant les missions régaliennes de
l'Etat. Ainsi, le contrôle aérien, pour la sécurité des vols, sera assuré, en
tant que mission régalienne, par des fonctionnaires de l'Etat. Il n'est pas
question de sortir de ce système.
Le ciel unique européen ne signifie pas une déréglementation ou une
libéralisation sur le plan économique. Il s'agit, au contraire, de donner plus
de régularité, plus de sécurité à nos vols intérieurs.
Mme Marie-France Beaufils.
Pas dans tous les cas !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
De surcroît, avec ce ciel unique européen, les espaces
aériens seront moins encombrés.
Lorsque, l'an passé, la Haute Assemblée a examiné ce projet de budget, les
chiffres du transport aérien étaient catastrophiques ; c'était, il est vrai, au
lendemain des attentats du 11 septembre. Certes, aujourd'hui, la situation
n'est pas brillante, mais, si l'on regarde les chiffres récents, ceux du mois
d'octobre, on s'aperçoit que le transport aérien se redresse dans notre pays,
et même en Europe.
Il y a de par le vaste monde des bruits de bottes, et la situation peut
toujours évoluer dans un sens moins positif, mais le transport aérien semble
petit à petit sortir de la crise dans laquelle il était entré. On peut donc
s'attendre à ce que la structure du transport aérien évolue.
Parlant de la structure du transport aérien, je voudrais évoquer la situation
de la compagnie Air France. Monsieur Raoult, être ou ne pas être libéral, tel
n'est pas le sujet ! L'un des premiers hommes d'Etat de qualité à avoir parlé
de la privatisation d'Air France, c'était Laurent Fabius, lorsqu'il était
président de l'Assemblée nationale.
(Exclamations sur les travées
socialistes.)
Or, vous reconnaîtrez avec moi qu'il n'est pas, en général,
catalogué comme homme politique ou économiste ultra-libéral.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
En effet !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Pourquoi Air France resterait-elle nationalisée ?
Aucune raison ne donne une quelconque légitimité à l'Etat pour être
l'actionnaire principal d'une compagnie aérienne. A l'Etat de s'occuper de la
sécurité des vols, du contrôle aérien et des mesures dans les aéroports, avec
la direction générale de l'aviation civile. Mais pourquoi l'Etat, aujourd'hui,
serait-il propriétaire d'une compagnie aérienne ?
Mme Marie-France Beaufils.
Pourquoi ne le serait-il pas ?
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Il ne l'est plus de Renault, il ne le sera plus,
bientôt, de France Télécom. Rien ne justifie, à part l'idéologie, que l'Etat
reste actionnaire majoritaire d'une compagnie aérienne.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Si nous voulons que les salariés d'Air France soient
ceux, demain, d'une compagnie qui soit dans les toutes premières mondiales,
dans les
majors
, il faut qu'ils soient comme les autres salariés des
autres compagnies, et pas avec un président nommé en conseil des ministres et
autres fariboles du même ordre.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Air France gagne de l'argent ; les autres compagnies en perdent !
M. Gérard Le Cam.
Là, c'est de l'idéologie !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Ce système-là a fait long feu.
Le Gouvernement vous soumettra, le moment venu, un projet de loi relatif à la
privatisation d'Air France.
M. Max Marest.
Très bien !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
L'année 2003 ne s'achèvera pas sans qu'Air France soit
privatisée et que nous connaissions une situation normale. Air France pourra
ainsi conclure un certain nombre d'alliances, avec ALM, avec Alitalia - c'est
en cours - pour devenir une des grandes compagnies mondiales.
Air France, compagnie nationalisée, c'est une affaire du passé. Ne menez pas
de combat d'arrière-garde, madame le sénateur, sinon les Français sauraient, le
moment venu, vous le reprocher une fois de plus.
M. Jacques Oudin.
Bravo !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Rappelons-nous également que, si Air France va bien et
qu'elle surmonte la crise du 11 septembre, en revanche, certaines des
compagnies régionales qui dépendent d'Air France, par exemple
Regional Air
Lines
, éprouvent des difficultés. Je pense également au
hub
de
Clermont-Ferrand, qui est la plate-forme de correspondances des compagnies
régionales, et qui connaît des problèmes. Coexistent donc, au sein d'Air
France, des postes de réussite et des secteurs en difficulté.
Le Gouvernement, monsieur Raoult, vous pourrez le dire à vos collègues
sénateurs du Puy-de-Dôme, comme nous l'avons déjà dit aux députés du
Puy-de-Dôme, est très attentif à l'avenir du
hub
de Clermont-Ferrand et
des compagnies régionales filiales d'Air France organisées autour de cette
plate-forme.
M. Paul Raoult.
Merci, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Je dirai un mot, à présent, des compagnies à bas coût.
Mme Beaufils m'a sidéré en prétendant qu'elles cassaient l'emploi.
Ainsi donc, que des compagnies fassent baisser le coût du trafic aérien et
permettent de voyager à des gens qui ne prenaient pas l'avion jusqu'à présent,
pour des raisons financières, ce serait antidémocratique ? Je m'attendais à un
autre jugement de la part d'une formation politique telle que la vôtre, madame
le sénateur !
Mme Marie-France Beaufils.
J'ai dit anti-économique !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Si le parti communiste avait encore quelques élus en
province, ce qui n'est plus le cas, car il n'en a plus qu'en région parisienne
et, éventuellement, à Saint-Pierre-des-Corps,...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Et M. Le Cam ? Et Mme Beaufils ? Ce sont des élus de province !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
... vous sauriez que la majorité des aéroports des
régions vivent actuellement grâce aux compagnies à bas coût.
Mme Marie-France Beaufils.
Et grâce aux subventions des collectivités territoriales !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
La plupart des aéroports de province sont gérés par
les chambres de commerce, certes, avec le soutien des collectivités locales, et
ne vivent que grâce aux compagnies bas coût. Ces compagnies permettent de se
déplacer par avion à des populations qui n'utilisaient pas auparavant ce mode
de transport. Elles permettent également aux touristes européens, notamment
britanniques, de venir chaque semaine dans ces régions et de contribuer au
développement de leur tourisme.
Par conséquent, s'opposer aujourd'hui aux compagnies bas coût, c'est s'opposer
finalement à la démocratisation du transport aérien et à l'aménagement du
territoire. Je ne pense pas que, au sein de la Haute Assemblée, il y ait une
majorité pour soutenir cette position.
Nous avons une autre difficulté, mais elle n'a pas encore été évoquée ce soir,
je veux parler de la desserte aérienne de l'outre-mer. En effet, la situation
de monopole qui prévaut dans un certain nombre de départements et de
territoires d'outre-mer n'est pas bonne pour nos compatriotes ultramarins,
parce qu'elle entraîne un renchérissement du prix des billets et que les
dessertes ne sont pas forcément adaptées.
Le Gouvernement a l'intention de prendre prochainement un certain nombre de
mesures pour faciliter le trafic aérien entre l'outre-mer et la métropole. Nous
voulons que les prix baissent pour nos compatriotes ultramarins. Nous voulons
faire en sorte qu'un certain nombre de liaisons nouvelles soient assurées et
que de nouvelles compagnies apparaissent sur le marché. D'ailleurs, à ce titre,
nous nous réjouissons que Air Austral développe une relation entre la Réunion
et Paris d'ici à quelques mois - peut-être bientôt entre Mayotte et Paris - et
que Air Tahiti participe désormais, avec d'autres compagnies, à la desserte
entre la Polynésie française et la métropole.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais vous rendre particulièrement
attentifs, mais je sais que vous l'êtes déjà, à la desserte de l'outre-mer,
car, pour nos compatriotes d'outre-mer, la desserte aérienne n'est pas
simplement une question de confort : elle leur permet de maintenir le lien avec
la métropole et nous permet de continuer à être à leurs côtés.
Pour ce faire, nous devons maintenir le budget de l'aviation civile à un bon
niveau, qui nous permette tout à la fois de développer nos infrastructures, de
maintenir notre niveau de sûreté et de développer nos aéroports.
M. Le Grand l'a noté dans son rapport écrit, ainsi que M. Collin dans le sien,
nous avons prévu des crédits pour les études complémentaires concernant un
éventuel troisième aéroport parisien ainsi que pour l'aéroport de
Notre-Dame-des-Landes. Ce projet intéresse le Gouvernement en ce que
Notre-Dame-des-Landes serait le grand aéroport de l'Ouest parisien et, partant,
offrirait une possibilité de ne pas construire un troisième aéroport en région
parisienne.
Monsieur Raoult, sachez que nous n'avons pas stoppé le projet de troisième
aéroport pour des raisons idéologiques. Simplement, ce troisième aéroport était
situé à plus de 100 kilomètres de Paris, alors que nos amis canadiens et
québécois ont stoppé Mirabel à quelque soixante kilomètres de Montréal. Le
secteur choisi se trouvait au beau milieu d'une des plus riches zones agricoles
françaises, au même titre que la Brie ou la Beauce. Enfin, il devait traverser
le cimetière militaire australien, alors que nous nous devons d'honorer ceux
qui sont venus nous aider de l'autre bout du monde à une époque où nous étions
bien contents de les avoir à nos côtés. Bref, c'était le type même de la
mauvaise décision
(Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du
groupe CRC),
...
M. Paul Raoult.
Ce n'est pas un argument, c'est insupportable !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Alors, prenez une autre décision !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
... le tout sur fond de communication, de grandes
réunions, de papier glacé et d'argent dépensé !
Tout cela n'était qu'une parodie de démocratie, dont le Gouvernement actuel ne
voulait pas !
M. Jacques Oudin.
Il a raison !
M. Paul Raoult.
Pourtant, vos collègues de droite du Nord - Pas-de-Calais étaient d'accord
!
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Nous avons donc stoppé définitivement le projet de
troisième aéroport en Picardie...
M. Paul Raoult.
Je le regrette !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est scandaleux !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
... parce qu'il ne correspondait à aucune réalité. Il
faisait plaisir à M. Gayssot et peut-être à M. Gremetz, mais il n'intéressait
pas les Français.
Quelle est la démarche du Gouvernement ? Certes, elle est moins « papier glacé
», moins « communication ».
M. Paul Raoult.
M. Legendre était d'accord avec moi.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Elle consiste à vérifier si nous avons besoin d'un
troisième aéroport, car telle est la vraie question !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Bien sûr que nous en avons besoin !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Vous le savez, madame Beaudeau, mais les Français ne
le savent pas. Alors, nous allons réfléchir avec eux. Nous avons confié une
mission à la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale pour
savoir s'il faut un troisième aéroport dans notre pays.
Qu'en est-il du développement d'Orly, qui n'est pas à son plafond de 250 000
mouvements ?
Ne convient-il pas de développer convenablement Roissy ? Sous le gouvernement
précédent, n'avait-il pas été décidé de construire une cinquième aérogare avec
une capacité maximale...
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'est vrai, contre l'avis des habitants !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
... en dépit de la décision annoncée par ailleurs ?
Nous voulons donc vérifier si les aéroports d'Orly, de Roissy, de Vatry, et de
Châteauroux-Déols pour le fret, ainsi que les grands aéroports régionaux tels
que Lyon-Saint-Exupéry, Lille et, demain, Notre-Dame-des-Landes permettraient
d'absorber le trafic dans notre pays ou s'il est nécessaire, une fois de plus
avec une vision purement technocratique et parisienne, de décider
l'implantation d'un troisième aéroport à 100 kilomètres de la capitale, en
oubliant que la grande majorité des Français habitent loin de la capitale et
qu'ils ont besoin d'aéroports régionaux et pas d'aéroports parisiens.
Mme Marie-Claude Beaudeau.
Je vous invite, monsieur le sécrétaire d'Etat, à tenir une réunion publique
dans le Val-d'Oise avec vos collègues !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Madame Beaudeau, nous sommes dans une démarche de
concertation et de discussion avec les Français, qui n'est plus celle du carton
ou du papier glacé, comme le gouvernement précédent !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Sur ce point, nous n'avons pas d'opposition
affirmée.
Nous rouvrons le dialogue et nous faisons exactement l'inverse de M. Gayssot
qui avait bloqué les capacités d'accueil de Roissy à 55 millions de passagers
alors qu'il aménageait une aérogare qui pouvait accueillir jusqu'à 80 millions
de passagers.
M. Paul Raoult.
Et les élus de droite du Nord - Pas-de-Calais !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Nous, nous avons une position cohérente !
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Un autre domaine dans lequel nous avons une position
cohérente, c'est le budget de la sûreté.
Si nous avons réduit les crédits du FIATA, monsieur Raoult, c'est que les
investissements programmés en matière de sécurité étaient réalisés. Nous avons
dès lors estimé qu'il n'était pas nécessaire de continuer à dépenser l'argent
public.
A l'Assemblée nationale, un député s'est d'ailleurs inquiété de savoir s'il ne
fallait pas réduire les crédits consacrés à la sûreté et si la France n'en
faisait pas trop.
Je pense très légitimement que nous n'en faisons pas trop. Nous devons nous
efforcer d'atteindre le plus haut niveau de sécurité et de sûreté possible. On
peut se demander - M. Le Grand l'a souligné à juste titre - si les contrôles
des bagages et des passagers sont toujours correctement réalisés et si nous
n'avons pas besoin, dans ce domaine, de faire des investissements et des
réalisations supplémentaires.
Mesdames, messieurs les sénateurs, à cet égard, à la demande du ministère des
transports, le ministre de l'intérieur va nommer deux sous-préfets chargés de
la sécurité, l'un auprès du préfet du Val-de-Marne, l'autre auprès du préfet de
Seine-Saint-Denis, afin d'assurer la sécurité des deux aéroports parisiens.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Je terminerai en répondant à quelques-unes des
questions qui ont été posées par les rapporteurs et par les orateurs du groupe
socialiste et du groupe communiste républicain et citoyen.
S'agissant de la construction aéronautique, nous pensons que le projet de
budget est à la hauteur des besoins. Les autorisations de programme nous
paraissent se situer à un niveau correct puisqu'elles sont fondées sur les
demandes de l'industrie aéronautique pour l'an prochain.
Monsieur Collin, la croissance des primes et indemnités paraît certes
exponentielle. Toutefois, ce n'est que par le dialogue social avec les
personnels de la DGAC que nous pourrons réfléchir sur la manière d'organiser
les relations sociales.
Pour ce qui est du FIATA, ceux qui pensent que ses crédits n'augmentent pas
assez ont peut-être raison. En effet, la demande des aéroports de région pour
développer des liaisons transversales ou non rentables est importante.
L'augmentation de cette demande est la conséquence des besoins des Français en
matière de trafic aérien qui souhaitent voyager à bas coût. Il faudra
certainement que nous trouvions ultérieurement les moyens d'augmenter les
possibilités du FIATA ou de l'associer à d'autres partenaires, en vue d'assurer
le financement des liaisons d'aménagement du territoire.
Madame Beaufils, vous avez évoqué l'avenir de la compagnie Air Liberté. Je
vous dis simplement, sans polémique, que le gouvernement actuel lui a accordé
plus d'argent que le gouvernement précédent. Nous ne l'avons pas fait exprès,
nous sommes simplement restés plus longtemps aux affaires sur ce dossier, mais
nous n'en retirons aucun honneur ! Nous voulons qu'Air Liberté s'en sorte, à la
fois pour ses salariés qui sont nombreux, et pour toutes les villes, en
métropole comme outre-mer, qu'elle dessert. En outre, dans un souci de
complémentarité et de concurrence, nous souhaitons naturellement qu'il y ait,
sur le marché français, des opérateurs autres que les compagnies du groupe Air
France, les compagnies « bas coût » ou les compagnies européennes et
étrangères.
Or nous avons été confrontés à une situation dans laquelle l'Etat assurait les
fins de mois d'Air Liberté. En outre, la compagnie ne pouvait plus payer ni
l'URSAFF ni les compagnies consulaires qui gèrent les aéroports. Le
Gouvernement a donc été contraint d'examiner avec Air Liberté les solutions qui
lui permettraient de s'en sortir, y compris la recherche de nouveaux
investisseurs.
Le président d'Air Liberté, M. Corbet, nous a présenté voilà quelques
semaines un nouvel investisseur que nous rencontrons régulièrement. Le
Gouvernement souhaite ardemment que cet investisseur soit en mesure de faire
redémarrer l'entreprise à partir du mois de janvier. Pour l'instant, je ne peux
faire aucun pronostic, il est difficile de savoir si les fiançailles entre
l'entreprise hollandaise et la compagnie française déboucheront véritablement
sur un mariage, mais nous souhaitons, pour les personnels, pour les escales,
pour l'avenir du transport aérien français, que la compagnie réussisse des
projets d'avenir et qu'elle se développe.
Nous avons la même analyse pour la compagnie Air Littoral, qui se trouve
également, avec un millier de salariés, dans une situation difficile du fait du
retrait de l'actionnaire principal Swissair. Nous souhaitons qu'Air Littoral se
tire de ce mauvais pas, d'autant plus que cette compagnie est basée
principalement sur deux grands aéroports français, Montpellier-Méditerranée et
Nice-Côte d'Azur, et que sa disparition aurait des répercussions sur l'emploi.
Nous avons donc accordé à Air Littoral des délais de paiement ainsi qu'un prêt
du FDES assorti d'un prêt des collectivités territoriales. Il faudra cependant
que la compagnie trouve des investisseurs, comme je l'ai indiqué à ses
dirigeants cette semaine à Montpellier. Aussi attendons-nous qu'Air Littoral
nous présente un plan de redéveloppement au début de l'année prochaine.
Je terminerai mon propos en évoquant la question des nuisances sonores,
abordée par M. Le Grand. Quelles que soient vos positions sur le développement
du trafic aérien, j'ai bien compris qu'une partie de l'hémicycle n'était pas
favorable à la privatisation d'Air France ; j'ai cru comprendre également que
certains croyaient encore au troisième aéroport, seul l'avenir jugera.
Je ne cherche à imposer le point de vue du Gouvernement à personne, nous
sommes dans un débat démocratique et républicain. A terme, selon moi, le
développement du trafic aérien est lié à la capacité des aéroports de se
développer par rapport aux populations riveraines. Le trafic aérien qui,
a
priori,
est promis à un avenir radieux, pourrait être bloqué dans son
développement par le problème des nuisances sonores. Certains exemples, en
Europe et dans le reste du monde, l'attestent. Les réactions des riverains de
Roissy témoignent également de ces difficultés.
Il faut dire que nous ne sommes pas aidés par les couloirs aériens qui ont été
mis en place en région parisienne par le précédent gouvernement. Ils sont le
parfait exemple de ce qu'il ne faut pas faire : absence de concertation,
mauvaise décision qu'il est difficile d'appliquer sur le terrain. Actuellement,
certains de nos concitoyens de l'Essonne et de Seine-et-Marne souffrent des
couloirs qui ont été décidés au mois d'avril dernier. Nous devrons donc
réétudier cette situation qui n'est pas du tout satisfaisante.
En tout état de cause, nous devrons être raisonnables dans le développement
des aéroports. Les mesures que Gilles de Robien annonçait à la fin du mois de
juillet doivent donc être mises en application. Cela signifie, monsieur Le
Grand, comme vous l'avez justement indiqué, qu'il faudra réfléchir à un nouvel
urbanisme et à des règles économiques incitatives autour des aéroports. Il nous
faudra veiller à ne pas heurter la sensibilité légitime des populations qui,
d'un côté, apprécient l'aéroport parce qu'il crée de l'emploi et qu'il leur
permet de voyager et, de l'autre, détestent être réveillés par les avions à
toutes les heures du jour et de la nuit !
Telles sont, mesdames et messieurs les sénateurs, les perspectives du
transport aérien de notre pays.
Aujourd'hui, plus d'un an après le 11 septembre, nous pouvons être
raisonnablement optimistes. Air France s'est bien sortie de la situation et sa
privatisation lui permettra de se développer ; de réels soucis subsistent au
sujet d'Air Liberté et d'Air Littoral. Le développement des compagnies « bas
coût », que je juge favorablement, doit répondre aux règles normales de la
concurrence. Il existe également des problèmes environnementaux.
Malheureusement, enfin, les récents actes de terrorisme nous montrent que la
sûreté dans le domaine aérien n'est jamais facile ni acquise et que les
gouvernements doivent poursuivre leurs efforts.
Voilà, monsieur le président, les éléments que je voulais exposer à la Haute
Assemblée, en lui demandant, naturellement, d'adopter ce projet de budget.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant l'aviation et l'aéronautique
civiles, inscrits à la ligne « Equipement, transports, logement, tourisme et
mer » seront mis aux voix aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits
affectés au tourisme.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 47 805 492 euros. »
La parole est à M. Charles Revet.
M. Charles Revet.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez évoqué le transport aérien dans sa
globalité. Vous avez justement insisté sur la nécessité de maintenir les
liaisons avec l'outre-mer. Je voudrais attirer votre attention sur le problème
du maintien des liaisons régionales.
La plupart des grandes lignes ont supprimé ces liaisons, en dehors des grandes
métropoles françaises. C'est le cas d'Air France, mais aussi des compagnies qui
en dépendent et qui ont agi de la même façon sur la quasi-totalité des
lignes.
Les compagnies « bas coût », quant à elles, exploitent souvent ces liaisons
durant quelques mois avant de les supprimer.
Par conséquent, de grandes villes françaises se trouvent privées de liaisons
aériennes ; or chacun sait que l'aménagement du territoire et le développement
économique des régions passent par la complémentarité des moyens de
communication.
Monsieur le secrétaire d'Etat, le Gouvernement envisage-t-il de prendre des
dispositions pour rétablir ces lignes qui sont indispensables au développement
économique de nos régions ? Ne peut-on pas revoir les dispositifs en matière
d'utilisation du FIATA, car, si certaines lignes sont obligatoirement
déficitaires, elles n'en sont pas moins indispensables au développement et à
l'aménagement du territoire ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Votre question, monsieur Revet, est très justifiée. Il
est vrai que l'on peut craindre le désengagement sur les lignes régionales, en
particulier sur celles du groupe Air France. Les élus de la Loire se
souviennent des efforts financiers qu'ils ont consentis en faveur du
hub
de Saint-Etienne, pour la compagnie Proteus Airline, de son rachat par Air
France qui a ensuite reporté son choix sur Clermont-Ferrand et Lyon, entraînant
la quasi-disparition de cette plate-forme.
Les liaisons régionales sont donc fragiles. Nous pouvons l'observer dans toute
l'Europe. D'ailleurs, en termes de construction aéronautique, le marché des
avions régionaux est aujourd'hui très difficile, alors que celui des
moyen-courriers et des long-courriers est meilleur, même en cette période de
crise.
Cette question est donc délicate. Plusieurs possibilités s'offrent à nous,
monsieur Revet. Il y a le rôle de l'Etat, vous l'avez rappelé, c'était le sens
de votre question. Il est vrai que le FIATA doit être un véritable outil
d'aménagement du territoire. Maintenant que les efforts en matière de sûreté
sont achevés, nous devons redéployer les efforts du FIATA vers l'aide à des
lignes d'aménagement du territoire.
Ensuite, il y a - je ne dis pas cela pour vous flatter - l'intervention des
collectivités locales.
Je vous ai dit un jour que je me plaçais en victime, puisque je venais saluer
le président du conseil général de Seine-Maritime qui venait d'acheter une
compagnie aérienne dans mon département. Il est vrai que vous aviez déjà acheté
une compagnie maritime, un port en Angleterre. Vous venez d'acquérir une très
jolie compagnie aérienne basée en Charente-Maritime pour développer des
liaisons à partir du Havre et de Rouen qui avaient disparu.
M. Paul Raoult.
Ce n'est pas très néolibéral. Il y a deux discours !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Monsieur Raoult, à partir du moment où il n'y a pas
d'initiative privée convenable, le fait qu'une collectivité, à savoir un
département ou une région, veuille agir pour le développement et l'aménagement
de son territoire ne nous choque pas.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Dans le processus de décentralisation que le
Gouvernement va engager, nous proposons aux régions et aux départements de
devenir des autorités concédantes aéroportuaires et de remplacer l'Etat dans ce
rôle.
M. Daniel Percheron.
Incroyable !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
D'ores et déjà, nombre de départements et de régions,
y compris menés par vos amis, sont venus demander au Gouvernement d'être
gestionnaires de plates-formes départementales ou régionales.
M. Daniel Percheron.
Economie mixte !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Nous sommes dans un système qui vise à aménager le
territoire.
M. Daniel Percheron.
Economie mixte !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Lorsque les entreprises peuvent le faire, elles le
font ; lorsqu'elles ont besoin que le territoire vienne les aider, par le biais
du FIATA, l'Etat est au côté des entreprises.
Lorsque des collectivités comme la vôtre, monsieur Revet - je vous rends cet
hommage -, veulent devenir entreprenantes parce qu'il existe une déficience de
l'activité privée, le Gouvernement sera à leurs côtés pour les encourager.
M. le président.
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV :
moins
1 540 476 515 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président.
« Titre V. - Autorisations de programme : 1 580 704 000 euros ;
« Crédits de paiement : 673 934 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 806 959 000 euros ;
« Crédits de paiements : 1 249 679 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
J'appelle en discussion l'article 71, qui est rattaché pour son examen aux
crédits affectés à l'aviation et aéronautique civiles.
Equipement, transports, logement, tourisme et mer
Article 71
M. le président.
« Art. 71. - Au IV de l'article 1609
quatervicies
du code général des
impôts, le deuxième tableau est ainsi rédigé :
CLASSE |
1 |
2 |
3 |
---|---|---|---|
Tarifs par passager | De 4,3 à 8,5 EUR | De 3,5 à 8 EUR | De 2,6 à 9,5 EUR |
Tarifs par tonne de fret ou de courrier | De 0,3 à 0,6 EUR | De 0,15 à 0,6 EUR | De 0,6 à 1,5 EUR |
Je mets aux voix l'article 71.
(L'article 71 est adopté.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits concernant le budget
annexe de l'aviation civile et figurant aux articles 40 et 41.
Services votés
M. le président.
« Crédits : 1 281 387 468 euros. »
Je mets aux voix les crédits ouverts à l'article 40 au titre des services
votés.
(Ces crédits sont adoptés.)
Mesures nouvelles
M. le président.
« I. - Autorisations de programme : 210 000 000 euros ;
« II. - Crédits : 221 124 581 euros. »
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Jean-François Le Grand,
rapporteur pour avis.
Monsieur le président, j'ai omis de dire que la
commission des affaires économiques avait réservé un avis favorable à
l'adoption des crédits du budget annexe de l'aviation civile.
Je veux par ailleurs interpeller le Gouvernement sur les difficultés
croissantes que provoquent les « passagers turbulents ». Je souhaite que l'on
se penche très sérieusement sur ce problème, qui, je le sais, ne relève pas du
budget, mais je profite de l'occasion pour le signaler.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Le problème des passagers turbulents est un problème
complexe, dont les équipages des compagnies aériennes souffrent de plus en
plus, davantage d'ailleurs sur les lignes de certains de nos voisins européens
que sur les nôtres, mais nous n'en prendrons pas moins, en concertation avec
les compagnies aériennes, les mesures adéquates.
M. le président.
Je mets aux voix les crédits inscrits à l'article 41, au titre des mesures
nouvelles.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant l'aviation et l'aéronautique civiles.
IV. - MER
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'équipement, les transports, le logement, le tourisme et la mer : IV. -
Mer.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Marc Massion,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les crédits inscrits au projet de
budget de la mer pour l'année 2003 atteignent 1,033 milliard d'euros, ce qui
représente une hausse apparente de 1,3 %.
En réalité, cette hausse est plus forte si l'on tient compte de la
transformation en dégrèvement du dispositif de remboursement de la part
maritime de la taxe professionnelle. Cette transformation se traduit par la
disparition d'une ligne budgétaire, mais ne remet en cause ni le principe ni le
niveau de la subvention, qui sera désormais prise en charge par le budget des
charges communes.
Dès lors, hors ENIM - l'Etablissement national des invalides de la marine - et
hors personnel, on constate une augmentation de 3,7 % des crédits dévolus à la
mer, ce qui est n'est pas négligeable dans le contexte budgétaire actuel.
Cette année, le budget de la mer porte la marque de la réforme du mode
d'imposition des navires annoncée par le Gouvernement. Il a en effet été décidé
d'introduire en France le système de la taxation au tonnage.
Cette mesure, demandée avec vigueur par la profession depuis longtemps,
permettra d'harmoniser la fiscalité française avec celle de nos voisins
européens et, plus généralement, avec les pratiques internationales, puisque ce
système concerne déjà 70 % de la flotte mondiale.
Cela étant dit, il convient de rappeler les priorités affichées par le
Gouvernement dans ce projet de budget.
Il s'agit principalement, tout d'abord, d'agir en faveur de la sécurité
maritime, en octroyant des moyens supplémentaires aux acteurs principaux de
celle-ci : mise à niveau technologique des centres régionaux opérationnels de
surveillance et de sauvetage, les CROSS, poursuite du plan de modernisation des
phares et balises, extension du réseau des unités littorales des affaires
maritimes et création de quatre emplois d'inspecteur de la sécurité afin
d'augmenter la proportion de navires contrôlés dans les ports français,
conformément aux engagements du mémorandum de Paris.
La loi de finances pour 2003 permettra également de recruter des jeunes
retraités de la marine à la vacation, afin de pallier le manque d'inspecteurs
de sécurité.
Le temps de formation de ces derniers - trois ans et demi - ne permet en effet
pas de pourvoir les postes créés dans les dernières lois de finances. C'est
ainsi que, sur les cinquante postes créés en 2001 et 2002, quinze n'ont pas été
pourvus faute de personnel qualifié.
En ce qui concerne la sécurité portuaire, la création d'emplois d'officier de
port décidée par le conseil interministériel de la mer du 27 février 2000 est
poursuivie, ce qui permet d'atteindre l'objectif fixé, soit trente postes.
Plus généralement, la sécurité dans les ports pourrait être menacée par
l'adoption du projet de directive européenne sur l'accès au marché des services
portuaires.
Le principe consiste à autoriser plusieurs prestataires à réaliser les
services techniques délivrés lors des escales des navires dans les ports.
Le Gouvernement français considère que ces services répondent à une double
logique : économique, par la fourniture d'une prestation, mais également
d'intérêt général, puisqu'ils requièrent un savoir-faire dont dépend la
sécurité des interventions. C'est pourquoi ils sont délivrés en France par un
prestataire unique.
La France a cependant obtenu de Bruxelles que le pilotage puisse par
dérogation continuer à être assuré par un prestataire unique. Mais les
questions relatives au remorquage et au lamanage ne sont pas réglées et les
inquiétudes françaises restent importantes.
On le voit bien, les questions de sécurité ont été et sont prises à coeur par
les gouvernements français successifs. Depuis le naufrage de l'
Erika
, on
ne peut nier l'émergence d'une réelle prise de conscience des risques liés à
l'exploitation croissante des océans. Notre pays disposant de la troisième
superficie maritime du monde, il a décidé d'aborder le problème de la sécurité
sur tous les fronts, dans le cadre des derniers conseils interministériels de
la mer ou des commissions d'enquête parlementaires.
Sur le plan budgétaire, la France s'est efforcée de traduire dans ses lois de
finances les principales recommandations issues de ces travaux, et, depuis la
loi de finances de 2001, les crédits consacrés à la sécurité ont régulièrement
augmenté.
Toutefois, tout montre que la France ne peut agir seule. Le nouveau naufrage
du pétrolier libérien répondant au nom, fort mal choisi, de
Prestige
constitue l'illustration dramatique de ce constat.
Après le naufrage de l'
Erika
, des mesures ont été prises et un
consensus a semblé voir le jour.
Les paquets
Erika 1
et
Erika 2,
arsenal de dispositions
législatives décidées par la Commission européenne, contiennent des mesures
concrètes.
Le paquet
Erika 1
prévoit ainsi l'établissement d'une liste noire de
navires ayant l'obligation de se soumettre à inspection tous les ans,
l'élimination progressive d'ici à la fin de 2015 des navires à simple coque et
le renforcement des contrôles sur les sociétés de classification. Toutes ces
mesures devrait être mises en vigueur avant la fin de l'année 2003.
Le paquet
Erika 2,
plus ambitieux, prévoit la création d'une agence
européenne de la sécurité maritime, d'un fonds d'indemnisation des dommages de
la pollution et, à terme, l'instauration d'un système d'information de
navigation sur le modèle aérien qui permettrait d'interdire l'entrée dans les
eaux européennes de tout navire jugé à risque.
Sur cet ensemble de propositions, il est impérieux que se dégage le plus
rapidement possible un consensus entre les Etats membres de l'Union européenne.
Les atermoiements et dissensions, quelles qu'en soient les justifications, ne
sont plus tolérables. Les Etats membres doivent être plus que jamais unis et
solidaires dans leur combat contre le fléau des marées noires.
A cet égard, la prochaine présidence de l'Union européenne par la Grèce,
grande puissance maritime, et l'entrée - prévue en 2004 - de Malte et de
Chypre, pays également très concernés, dans l'Union européenne permettent
d'espérer une relance de la mobilisation qu'avait déclenchée le naufrage de
l'
Erika.
En tout état de cause, il faut en finir avec la partie de ping-pong qui se
joue parfois entre les instances européennes et les Etats membres.
Le deuxième objectif fixé par le projet de budget est de protéger le littoral
et de le mettre en valeur. Cet objectif, cohérent avec le précédent, doit être
atteint par le renforcement des moyens de lutte contre les pollutions
accidentelles - c'est-à-dire les moyens du plan Pomar-terre à la charge du
budget de la mer - et par la poursuite du développement des schémas de mise en
valeur de la mer.
Ces schémas, qui définissent les grandes orientations de protection des zones
littorales, sont actuellement au nombre de douze. Ils s'accordent bien avec
l'approche européenne dite de « gestion intégrée des zones côtières », et c'est
pourquoi nous devons chercher à les développer.
Enfin, le désensablement de la baie du Mont-Saint-Michel a fait l'objet de
dotations accrues, ce qui est la conséquence à la fois de l'avancement du
projet et de la réévaluation de son coût global à 126 millions d'euros.
Le troisième objectif fixé par le projet de budget est de soutenir et de
favoriser le développement de la formation maritime, qui est un élément
indispensable de toute politique maritime. L'offre de marins et d'officiers
correctement formés est, en effet, bien insuffisante, en raison de la moindre
attractivité des métiers de la mer et des contraintes qu'ils imposent. Le
soutien à la formation s'avère donc nécessaire. Il se concrétisera cette année
par la création d'emplois d'enseignant, par l'accord de subventions aux lycées
maritimes, ainsi que par la revalorisation de la subvention aux écoles
nationales de la marine marchande.
Le projet de budget doit aussi permettre d'assurer la protection sociale des
marins relevant de l'ENIM.
Par ailleurs, une dotation dont il faut souligner le faible montant, est
destinée aux marins abandonnées dans les ports français, en attendant la mise
en place d'un système d'assurance international, en discussion au sein de
l'Organisation maritime internationale.
Enfin, la dernière priorité affichée par le Gouvernement est d'améliorer la
compétitivité de la flotte de commerce, afin d'enrayer le déclin du pavillon
français. Ce déclin est lié au coût trois à quatre fois plus élevé de notre
pavillon par rapport à un pavillon de complaisance. A cette fin, les avantages
fiscaux des budgets précédents sont maintenus : remboursement de charges
patronales pour les armateurs opérant des navires soumis à la concurrence, taxe
professionnelle allégée, avec, cette année, le passage du remboursement au
dégrèvement, et GIE fiscaux qui facilitent l'investissement dans les navires de
commerce.
Par ailleurs, j'ai déjà évoqué la taxe au tonnage, dont on attend des
résultats concrets sur la flotte française. L'exemple des Pays-Bas nous montre
en effet que le déclin des flottes européennes est loin d'être inéluctable. Si
l'aide de l'Etat est appropriée, le pavillon français comporte des avantages
réels, en termes de sécurité et de protection sociale des marins.
Quant à la modernisation des ports maritimes, elle n'est pas la priorité
affichée de ce projet de budget, puisque ce dernier se caractérise par une
chute brutale des autorisations de programme liée à la fin de l'opération Port
2000 au Havre. En 2003, la totalité des crédits d'investissement est constituée
d'opérations inscrites aux contrat de plan Etat-région de 2002-2006. On aurait
pu s'attendre à ce que l'opération Port 2000 soit relayée par un projet de même
envergure dans un autre port.
Un autre point insuffisamment pris en compte dans ce projet de budget est le
cabotage maritime, qui fait l'objet d'une dotation d'un million d'euros, ce qui
peut sembler dérisoire au regard des enjeux qui s'attachent à ce mode de
transport. La France dispose pourtant d'opportunités réelles : le cabotage
concerne non seulement ses plus grands ports, mais aussi les ports de taille
moyenne, en particulier des ports qui, s'étant spécialisés, peuvent occuper une
position stratégique à l'échelon européen et même mondial.
Pour ce faire, il faudrait que les pouvoirs publics traduisent leur intérêt
pour le développement du cabotage - intérêt qui n'a pas été remis en cause,
comme en témoignent le rapport Liberti, remis en mai 2002, et la nomination
récente, par le ministre de l'équipement, des transports, du logement, du
tourisme et de la mer, de M. de Richemont pour conduire une mission sur le
cabotage - par un effort financier nettement plus important. Mais ce ne sera
pas le cas cette année.
Enfin, je poserai une question relative aux ports : quel sera le statut des
ports au terme des évolutions institutionnelles internes de la France ?
La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité prévoit qu'une
expérimentation sera engagée dans un délai d'un an, afin de renforcer le rôle
des régions dans le développement des ports maritimes.
La voie de la régionalisation devrait également être promue dans le cadre des
futures lois de décentralisation. Ces évolutions peuvent s'avérer intéressantes
pour les ports, à condition, d'une part, qu'elles ne se traduisent pas par une
rupture d'égalité des conditions de concurrence entre les ports nationaux,
d'autre part, que l'Etat assortisse les transferts de compétences des moyens
financiers correspondants. En résumé, monsieur le secrétaire d'Etat, vous
présentez un projet de budget de continuité.
Toutefois, je me permets d'attirer votre attention sur la situation des ports
en tant qu'élu d'une circonscription qui compte deux ports autonomes, un port
national et trois ports départementaux. De leur compétitivité dépend le
développement économique et donc l'emploi dans la région. Face à la concurrence
européenne, en particulier dans le Nord-Ouest européen, on doit les soutenir.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Charles Revet,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'examen des crédits de la mer se déroule cette année dans un contexte
inquiétant.
En effet, la récente catastrophe du
Prestige
démontre que l'on n'a pas
totalement tiré depuis trois ans les enseignements du naufrage de
l'
Erika.
Ensuite, les activités portuaires ont subi l'an dernier une régression de près
de 2 %, en raison notamment de la mauvaise saison céréalière et du retournement
de la conjoncture économique intervenu au dernier trimestre 2001.
Le nombre des navires de la flotte de commerce nationale et ses capacités de
tonnage n'ont pas augmenté, la France n'occupant désormais que le huitième rang
européen et seulement le vingt-cinquième rang mondial : ce ne sont pas des
places dignes de la cinquième puissance économique du monde !
Dans ce contexte, le projet de budget pour 2003 prend une importance certaine,
en particulier au regard des priorités qu'il exprime : le renforcement de la
sécurité maritime, la modernisation des ports, le soutien de la compétitivité
de la flotte, ou encore la protection et la mise en valeur du littoral.
Arrêtés à près de 1,045 milliard d'euros, les crédits de la mer sont en
progression apparente de 1,4 %, ce qui démontre l'attention dont bénéficie ce
secteur dans cette période de rigueur, d'autant que leur croissance est, en
réalité, plus significative. Elle est en effet de l'ordre de 2,9 % si l'on
tient compte de la simplification technique du dispositif fiscal de prise en
charge de la taxe professionnelle des armateurs prévue par le projet de loi de
finances.
Quant aux autorisations de programme, leur baisse apparente de 17 % n'est,
elle non plus, pas significative, puisqu'elle résulte de l'achèvement du plan
de financement de l'opération Port 2000 au Havre : déduction faite de ce
programme, les autorisations de programme augmentent en réalité de 20 %, ce qui
démontre l'importance qu'accorde l'Etat à sa politique d'investissements.
Que financeront ces crédits ?
Ils vont, tout d'abord, être affectés au renforcement de la sécurité maritime.
La commission des affaires économiques soutient vos efforts en la matière,
monsieur le secrétaire d'Etat, et c'est en effet absolument indispensable. Il
faut, en particulier, que la France parvienne très rapidement à atteindre
l'objectif de 25 % d'inspections des navires au port fixé par l'Union
européenne, objectif dont elle est toujours loin. Elle est d'ailleurs sous la
menace d'une condamnation par la justice européenne pour n'avoir pas respecté
les engagements du mémorandum de Paris.
Aussi, plutôt que de payer des amendes qui pourraient s'élever à 10 000 euros
par jour, il convient, comme vous l'avez proposé, de recruter des jeunes
retraités de la marine, capitaines ou ingénieurs en chef des machines, pour
permettre de passer correctement le cap de cette période difficile. Peut-être
faudrait-il même pérenniser ce dispositif, l'expérience irremplaçable de ces
professionnels pouvant utilement contribuer à la qualité de notre système de
contrôle de manière permanente ?
S'agissant de la sécurité portuaire, je crois devoir attirer votre attention
sur l'incertitude juridique dans laquelle se trouvent les services d'incendie
et de secours en cas de sinistre intervenant dans une enceinte portuaire.
Qui est responsable de l'organisation et de la direction des secours ? Les
textes actuels sont confus et contradictoires quant au rôle du maire, du
préfet, du préfet maritime et des gestionnaire du port. Monsieur le secrétaire
d'Etat, il faudra rapidement apporter une réponse précise à cette question
majeure.
Votre deuxième priorité est d'améliorer la compétitivité de la flotte de
commerce.
J'ai déjà évoqué le dispositif de dégrèvement de la taxe professionnelle, qui
devrait simplifier et alléger la gestion des armateurs et améliorer leur
trésorerie.
Je citerai également le remplacement de l'impôt sur les sociétés par une taxe
forfaitaire au tonnage, mesure qui était attendue depuis de nombreuses années
par la profession et qui figure dans le projet de loi de finances rectificative
pour 2002. La commission des affaires économiques se félicite de ce mécanisme
optionnel qui devrait permettre à la profession de lutter à armes égales avec
ses concurrents européens et d'accroître, grâce aux effets structurants de la
mesure, ses capacités.
Mais le redressement durable du pavillon national passe par d'autres mesures
structurelles et réglementaires, et nous comptons d'ailleurs sur notre collègue
Henri de Richemont pour vous faire prochainement, monsieur le secrétaire
d'Etat, des propositions hardies en faveur d'un pavillon
bis
offrant à
nos armateurs de véritables moyens de s'opposer à la concurrence
internationale.
Le troisième axe prioritaire de votre budget, c'est la protection et la mise
en valeur du littoral. Bien entendu, dans le contexte actuel, on saisit
l'importance de maintenir l'effort en faveur du renouvellement régulier des
matériels POLMAR de lutte contre la pollution du littoral.
Il s'agit donc globalement, et compte tenu de l'état dans lequel le
Gouvernement a trouvé les finances publiques
(M. le rapporteur spécial
proteste),
d'un bon budget, auquel la commission des affaires économiques a
donné un avis favorable.
Celle-ci a toutefois retenu deux priorités à venir pour que la France retrouve
un niveau plus conforme à son statut en matière d'économie de la mer. J'ai déjà
évoqué la première : offrir à notre flotte de commerce un système pavillonnaire
plus performant. La seconde n'est pas moins importante : il faut améliorer
rapidement la desserte portuaire française et renforcer l'intermodalité, car
cela conditionne la santé de nos ports et, au-delà, de l'ensemble de l'économie
nationale de la mer.
Il est heureux, à cet égard, que le secrétaire d'Etat chargé de la mer soit
également chargé des transports, car cela peut, et même cela doit, constituer
un atout fondamental pour améliorer la desserte de l'hinterland de nos ports ;
je pense notamment au Havre, du fait des grands projets que nous avons dans ce
domaine, et nos interrogations sont donc grandes quant à l'évacuation de
l'ensemble des marchandises. Mais cela est encore insuffisante pour lutter à
armes égales avec les grands ports européens. Les élus et les gestionnaires des
ports comptent sur vous, monsieur le secrétaire d'Etat, pour faire jouer à
l'Etat le rôle qui doit être le sien en la matière.
Monsieur le président, nous fêtons, cette année, le bicentenaire de la
naissance de Victor Hugo, qui a siégé dans cet hémicycle. Voilà quelques jours,
j'ai retrouvé l'une de ses interventions sur le littoral, et en particulier sur
le littoral normand. Aussi, je me permettrai, avec votre autorisation, monsieur
le président, d'en donner lecture, étant entendu que je suis bien incapable de
la déclamer avec le talent qui était le sien :
« Messieurs, si on venait vous dire : "Une de vos frontières est menacée ;
vous avez un ennemi qui, à toute heure, en toute saison, nuit et jour, investit
et assiège une de vos frontières, qui l'envahit sans cesse, qui empiète sans
relâche, qui aujourd'hui vous dérobe une langue de terre, demain une bourgade,
après-demain une ville entière" ; si l'on vous disait cela, à l'instant même
cette Chambre se lèverait et trouverait que ce n'est pas trop de toutes les
forces du pays pour défendre un pareil intérêt, pour lutter contre un pareil
danger. Eh bien ! messieurs les Pairs, cette frontière menacée, elle existe :
c'est votre littoral ; cet ennemi, il existe, c'est l'océan.
« Messieurs, vous ne l'ignorez pas, Dieppe s'encombre tous les jours ; vous
savez que tous nos ports de la Manche sont dans un état grave, et pour ainsi
dire atteints d'une maladie sérieuse et profonde.
« Les courants de la Manche s'appuient sur la grande falaise de Normandie, la
battent, la minent, la dégradent perpétuellement ; cette colossale démolition
tombe dans le flot, le flot s'en empare et l'emporte ; le courant de l'Océan
longe la côte en charriant cette énorme quantité de matières, toute la ruine de
la falaise ; chemin faisant, il rencontre le Tréport, Saint-Valéry-en-Caux,
Fécamp, Dieppe, Etretat, tous vos ports de la Manche, grands et petits, il les
encombre et passe outre. Arrivé au cap de la Hève, le courant rencontre, quoi ?
La Seine qui débouche dans la mer. Voilà deux forces en présence, le fleuve qui
descend, la mer qui passe et qui monte.
« Comment ces deux forces vont-elles se comporter ? Une lutte s'engage ; la
première chose que font ces deux courants qui luttent, c'est de déposer les
fardeaux qu'ils apportent ; le fleuve dépose ses alluvions, le courant dépose
les ruines de la côte. Ce dépôt se fait, où ? Précisément à l'endroit où la
Providence a placé le Havre-de-Grâce.
« Je demande que la question grave du littoral soit mise désormais à l'ordre
du jour pour les pouvoirs comme pour les esprits. Ce n'est pas trop de toute
l'intelligence de la France pour lutter contre les forces de la mer. »
Je n'ai, bien entendu, rien à ajouter, sinon que, en cette année
commémorative, il me semblait intéressant de citer cette intervention de Victor
Hugo.
(Applaudissements.)
M. le président.
Le temps de parole de Victor Hugo ne peut être limité, surtout dans cette
assemblée !
(Nouveaux applaudissements.)
Je vous remercie, monsieur le rapporteur
pour avis.
M. Jean-François Le Grand.
Oceano nox ? (Sourires.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 15 minutes ;
Groupe socialiste, 13 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes.
Je vous rappelle que, en application des décisions de la conférence des
présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Daniel Percheron.
M. Daniel Percheron.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, ces
accents hugoliens, qui n'étaient pas prévus, peuvent bien entendu éclairer
cette séance nocturne et maintenir son intensité.
M. Jean-François Le Grand.
Très bien !
M. Daniel Percheron.
Mon intervention sera sans surprise pour un budget sans surprise. En effet,
même après la sixième alternance en vingt ans - quel peuple ! -, un
parlementaire espère. Un miracle ? N'en demandons pas tant ! Une ambition ?
Elle s'imposerait ce soir ! Des améliorations ? On ne les devine guère ! Soyons
naturels : ce budget de la mer s'inscrit, de manière poussive, dans la
continuité. Et pour éviter l'ennui d'un traditionnel réquisitoire d'opposition,
permettez-moi de prononcer ces quelques phrases aussi en qualité de président
du conseil régional de la région Nord - Pas-de-Calais et d'esquisser des
propositions, malgré des réticences légitimes. Nous sommes, vous l'avez voulu
ainsi, à l'heure de la décentralisation.
Quelque 70 % ! Au coeur du petit budget de la mer, c'est paradoxal pour le
troisième propriétaire maritime de la planète, il y a la protection sociale des
marins. Elle est maintenue, et même améliorée grâce à l'instauration du congé
de paternité. Nous nous en félicitons. Alors que la dérégulation et la
compétition du transport maritime font rage, nos marins demeurent parmi les
mieux protégés du monde. C'est très bien ainsi. Ne bougeons pas, ne changeons
pas, n'y touchons pas !
L'actualité, la force des images, l'angoisse des hommes ne bouleversent pas
votre politique de sécurité maritime, qui a été redéfinie en 2000. Le
Prestige
symbolise tous les dangers, mais le budget ne frémit pas :
quatre inspecteurs supplémentaires, c'est peu pour contrôler tous les bateaux,
tous les rafiots, qui longent nos côtes et qui s'arrêtent dans nos ports. A
l'aide, à nous les jeunes retraités ! Pourquoi pas ? Mais c'est un peu du
bricolage !
La modernisation des centres régionaux opérationnels de surveillance et de
sauvetage, les CROSS, des phares et balises, le programme des unités littorales
des affaires maritimes, les ULAM, jusqu'en 2006 suivent cahin-caha leur petit
bonhomme de budget contraint et limité, autorisations de programme et crédits
de paiement étant parfois contradictoires. Pour l'élu d'une région qui voit
défiler 260 000 navires par an dans le détroit du Pas-de-Calais, le sentiment
de sécurité apparaît plus que mitigé. On ne trouve, par exemple, aucun gros
remorqueur dans l'un de nos trois grands ports : Boulogne, Calais et Dunkerque.
Puisque, chaque jour, la navette ininterrompue du trafic transmanche croise la
route de tous les bateaux de la planète, il n'est plus absurde, pour nous,
région Nord - Pas-de-Calais, d'envisager, d'inventer une coopération entre
l'Etat et le conseil régional pour sécuriser encore et toujours plus le
boulevard maritime le plus fréquenté du monde.
De la même manière, la formation des marins nous intéresse beaucoup. La ligne
nouvelle, timidement consacrée à l'enseignement maritime secondaire, nous
encourage à approfondir les possibilités d'avenir. Nous allons en effet bientôt
investir plus de 10 millions d'euros pour notre lycée maritime et aquacole du
Portel, sans réelle concertation, sans véritable contrat d'objectifs, alors,
parlons-en, monsieur le secrétaire d'Etat, et à votre timidité ajoutons notre
volonté et nos moyens. Puisqu'il n'y a pas de recteur de la mer, expérimentons,
pour l'enseignement maritime, un statut transfrontalier et une compétence
centrée, par exemple, sur la sécurité maritime. L'enjeu vaut concertation,
l'enjeu vaut collaboration.
Et puisque nous y sommes, monsieur le secrétaire d'Etat, examinons ensemble la
suite du rapport Liberti réhabilitant le cabotage. Votre million d'euros est à
notre portée, nous pouvons le conforter, si la décentralisation et le
développement durable sont correctement interprétés.
D'une tout autre ampleur apparaît la question de l'avenir institutionnel de
nos ports d'intérêt national, d'importance nationale ou, peut-être aussi,
d'indifférence nationale. La loi offre aux régions la possibilité d'asseoir
leur autorité, leur ambition sur des ports souvent stratégiques, parfois
décisifs pour le développement économique des régions. Avec quels moyens ? La
fin de Port 2000, l'accomplissement du bonheur havrais vous permettent de
poursuivre l'effort pour les uns et pour les autres, du Nord au Sud. Et vous
baissez les bras, vous contentant des contrats de plan, ces marchés de dupes
qui voient l'Etat, comme chez moi à Calais ou à Boulogne, ne plus faire, ne pas
faire, ne pas envisager de faire son métier d'Etat et son métier de
propriétaire. A Boulogne-sur-Mer, par exemple, l'Etat investit moins de 10 %
dans un contrat de 650 millions de francs.
Après la philippique de la Cour des comptes, on espérait une réaction, on
pouvait espérer une correction. Rien, cent fois rien dans le budget 2003 !
Après le Havre, le vide impardonnable ! Y a-t-il vraiment un budget de la mer ?
Ce n'est pas la première fois que la question est posée. Il y eut un budget
pour recapitaliser la CGM. Mais c'est un autre débat que nous n'entamerons pas
malgré votre offensive, tout à l'heure, sur l'idéologie.
Mais nous sommes prêts, monsieur le secrétaire d'Etat, envers et contre tout,
à prendre la responsabilité de nos deux ports d'intérêt national, de nos deux
grands ports - le premier port de pêche d'Europe et le deuxième port de
voyageurs du monde -, en vous laissant la possibilité de faire votre devoir
pour le port autonome de Dunkerque. Nous sommes prêts à créer la première
communauté interportuaire avec Boulogne et Calais, à condition que vous la «
bénissiez » d'une dotation spécifique. C'est ainsi que l'intercommunalité a
décollé.
Sécurité maritime, formation, cabotage, ports d'intérêt national qui
pourraient devenir de volonté régionale, avouez que le président
social-démocrate fait preuve d'une réelle bonne volonté...
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
C'est parfait !
M. Daniel Percheron.
... et - qui sait ? - d'une réelle naïveté. A une condition, monsieur le
secrétaire d'Etat, que nous partagions l'espace d'une séance de nuit, un rêve :
5 % de la TIPP, la taxe intérieure sur les produits pétroliers, affectés à un
fonds national d'infrastructures portuaires, ferroviaires et fluviales,
répartis, après péréquation, entre les régions. Ainsi, la liaison entre les
ports et le pays, cette malédiction française, serait enfin et rapidement
réalisée par le rail - pauvre RFF, Réseau ferré de France, écrasé par la dette
- par le canal, par la voie d'eau. Vive Seine-Nord ! monsieur le secrétaire
d'Etat, alors que le troisième aéroport s'en est allé.
Pour conclure, je dirai quelques mots sur l'Europe, ou du moins sur la
dimension européenne.
La taxe au tonnage, cette réalité européenne, vaut la peine d'être tentée.
L'accès aux services portuaires, tenez bon ! Il n'a jamais été dit, il n'a
jamais été écrit, il n'a jamais été proposé dans un débat européen ou national,
dans des élections européennes ou dans une élection nationale, que lamanage,
pilotage et remorquage devaient être déstructurés. Appliquez le principe de
précaution. Au nom de l'Etat-nation et du principe de subsidiarité, dites non,
tout simplement non.
S'agissant de l'implantation de l'Agence européenne de sécurité maritime, où
en êtes-vous, monsieur le secrétaire d'Etat ? A Lisbonne ? Peut-être. Au Havre
? Ce serait bien. A Calais ? Ce serait un rêve ! Pas de cachotteries, de
l'ambition ! Et, si vous le pouvez, des précisions.
Il s'agit, monsieur le secrétaire d'Etat, d'un budget sans surprise, sans
véritable perspective, d'un vrai renoncement après Port 2000. Le groupe
socialiste ne peut s'en contenter.
(Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe
CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez inscrit au rang des priorités de ce
budget le renforcement de la sécurité maritime. L'actualité, hélas ! avec le
naufrage du
Prestige
témoigne combien les efforts en ce domaine sont
nécessaires. Pour autant, je crains que votre priorité ne puisse se traduire
dans les faits étant donné les marges de manoeuvre budgétaires restreintes dont
vous disposez.
Vous avez certes décidé de créer quatre postes budgétaires d'inspecteur des
affaires maritimes pour renforcer le contrôle des navires étrangers accostant
dans nos ports. Cette mesure nous paraît largement insuffisante et rompt avec
les efforts engagés par le précédent gouvernement : en 2001, sur les seize
postes créés, quinze ont été pourvus et en 2002, vingt postes ont été pourvus
sur les trente-quatre créations d'emplois inscrites dans la loi de finances de
2002. Doit-on encore souligner que les CROSS, grâce à leurs opérations de
surveillance, jouent un rôle très important en matière de sécurité maritime,
notamment du point de vue de la prévention des accidents. Or, leurs crédits de
paiement subissent une coupe sévère de plus de 34 %, ce qui pourrait
compromettre le plan de modernisation actuellement en cours et qui devrait
s'achever en 2006.
Vous avez aussi inscrit au rang de vos priorités le renforcement de la
compétitivité de notre flotte commerciale, à travers des mesures d'exonération
fiscale et de diminution des charges sociales. Nous ne pensons pas que de
telles mesures puissent relancer la dynamique de l'emploi. Nous avons encore pu
le vérifier ces derniers mois avec la multiplication des plans sociaux dans
d'autres secteurs économiques. Le nouveau dispositif fiscal de la taxe au
tonnage coûtera à l'Etat 7 millions d'euros. Au Royaume-Uni, l'application de
cette dernière aurait eu pour conséquence la suppression d'environ 500 emplois
d'officiers !
Assurer la compétitivité de notre filière maritime, c'est aussi continuer les
efforts engagés en matière de modernisation de nos ports. Certains ports
européens sont aujourd'hui proches de la saturation de leurs axes de
transports. C'est une chance pour les ports français, qui sont relativement
bien placés dans la compétition européenne. Il n'en demeure pas moins que le
maintien de notre compétitivité exige l'aménagement des hinterlands portuaires
et la valorisation à long terme de nos espaces portuaires.
Cela suppose l'amélioration des dessertes, à l'exemple de l'opération Port
2000 du Havre. Nos ports ne pourront résister à la concurrence si nous ne
consacrons pas nos efforts au développement des dessertes terrestres
multimodales ferroviaires et fluviales, à leur mise en réseaux territoriale
pour acheminer le fret le plus loin possible, à l'intérieur des terres. Cela
suppose également d'équiper nos ports en logistique et en infrastructures de
transbordement modernes, à l'ensemble du procédé Modalhor.
Malheureusement, la faible augmentation des autorisations de programme, qui
révèle l'absence d'une vision à long terme, ne permettra pas d'apporter le
soutien financier nécessaire à la modernisation de nos ports. L'audit sur les
infrastructures de transport ferroviaire que le Gouvernement a engagé confirme
encore que les insuffisances du développement du transport fluvial, du
ferroutage et du transport combiné ne seront pas levées. C'est la logique
globale du projet de budget pour 2003, budget dit de transition, qui s'inscrit
en rupture avec les grands projets portés par le précédent gouvernement sur
l'initiative de Jean-Claude Gayssot.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Portés mais pas payés !
M. Gérard Le Cam.
Nous aurions également souhaité, dans la même optique, que des efforts
importants soient consacrés à la promotion du cabotage. Comme notre collègue
François Liberti le soulignait lui-même dans le rapport qu'il a rédigé pour
l'Assemblée nationale, une telle politique suppose une augmentation des
crédits. Le cabotage a soulevé en 2002 critiques et ricanements de la part de
la droite sénatoriale quant à la modestie des crédits consacrés au lancement du
cabotage sur l'initiative de M. Jean-Claude Gayssot. Le niveau des crédits pour
2003 devrait vous inciter à plus de retenue.
Je souhaite néanmoins souligner ma satisfaction de voir, dans le cadre des
schémas de mise en valeur de la mer, le schéma Trégor Goëlo, dans les
Côtes-d'Armor, soumis à approbation en 2003, ainsi que les travaux de
désensablement de la baie du Mont-Saint-Michel,...
M. Jean-François Le Grand.
Ah !
M. Gérard Le Cam.
... qui porteront leurs fruits, tant sur le plan environnemental que sur le
plan touristique, pour notre belle région de Bretagne, mais également, bien
sûr, pour la Normandie.
M. Jean-François Le Grand.
Très bien !
M. Gérard Le Cam.
Le temps me manque pour évoquer les insatisfactions en ce qui concerne
l'enseignement maritime public, pour lequel des moyens manquent encore, ainsi
que les manques de crédits en faveur de la Société nationale de sauvetage en
mer, la SNSM, et l'appel à la charité publique, qui ne grandit jamais
l'Etat.
Enfin, pour terminer, est-il encore nécessaire d'insister sur le fait que la
compétitivité de nos ports réside dans la qualité de leurs services et de leur
main-d'oeuvre ? La mise en concurrence des différents prestataires de services
engagée par Bruxelles risque de remettre en cause les missions de service
public, parmi lesquelles celles qui consistent à assurer la sécurité et la
préservation de notre environnement. Le recours à l'auto-assistance permettra
notamment de contourner les exigences en matière de qualification
professionnelle, avec tous les dangers que comportent de telles manoeuvres.
Nous sommes fermement opposés à la directive européenne. Notre ami et collègue
député M. Daniel Paul a souligné dans le rapport qu'il lui a consacré tous les
dangers qu'elle représente pour notre sécurité maritime. Tandis qu'un
navire-poubelle est en train de cracher ses tonnes de fuel qui risquent de
nouveau de polluer nos côtes, nous aimerions, monsieur le secrétaire d'Etat,
connaître votre conception de l'évolution des services portuaires à l'heure de
la déréglementation européenne et de la décentralisation.
Constatant des orientations qui ne confirment pas celles qu'avait retenues le
précédent gouvernement, vous comprendrez, monsieur le secrétaire d'Etat, que le
groupe communiste républicain et citoyen ne puisse pas voter ce budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe
socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin.
M. Jacques Oudin.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes un élu du littoral, vous connaissez
la mer. Nous vous faisons donc confiance.
M. Paul Raoult.
Ah ?
M. Jacques Oudin.
Mais la situation est complexe.
La grande ambition maritime de la France est encore en panne. Le groupe de la
mer, que je préside, a élaboré au cours de l'été 2001 un rapport intitulé : «
Trente-six mesures pour une politique maritime de la France » ; peu d'entre
elles ont réellement été mises en oeuvre.
Avec 212 bateaux, notre flotte reste toujours à la vingt-cinquième place,
comme l'a souligné notre ami M. Revet, ce qui n'est pas très brillant. Le
cabotage maritime ne s'est guère développé ; nos ports n'ont pas gagné de parts
de marché et, après l'échec des quirats, les groupements d'intérêt économique
fiscaux, les GIE, ont tout juste permis de moderniser notre flotte.
Aujourd'hui, nous instaurons la taxe au tonnage. Je l'avais défendue l'année
dernière, elle avait été rejetée ; on avait dit sagesse : la sagesse est
arrivée, et je m'en félicite.
Le grand sujet du jour, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est le problème des
pollutions maritines. Vous le savez, nos populations maritimes sont excédées
par la répétition de ces menaces bien réelles de pollution.
Nous connaissons aujourd'hui le
Prestige,
mais il y en a eu tant
d'autres ! Avec l'
Amoco Cadiz,
nous avions cru la série des naufrages
terminée. Nous avions pris des mesures, un rapport avait été élaboré... quand
s'est échoué l'
Exxon Valdes.
Les Etats-Unis en ont tout de suite tiré la
leçon en prenant l'
Oil Pollution Act,
qui a mis un terme à la pollution
de leurs côtes, tandis que nous, nous avons été les victimes de bien d'autres
accidents ! Le
Haven
en 1991, l'
Aegaen Sea
en 1992, le
Braer
en 1993, le
British Trent
en 1993, le
Mimosa,
le
Borga,
le
Sea Empress,
puis l'
Erika
en 1999, le
Baltic
Carrier
en 2001, et la série ne s'arrête pas...
Cette situation est intenable. Il faut vraiment y mettre un terme, et je
crois, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Président de la République,
assisté par les autres nations maritimes, dont l'Espagne et le Portugal, a fait
des choix dont vous allez pouvoir nous parler.
Plusieurs rapports ont été rédigés au Sénat, notamment par Henri de Richemont
; il en a été de même à l'Assemblée nationale. Ce ne sont pas les premiers, ce
ne sont peut-être pas les derniers. Quelles conclusions peut-on en tirer ?
Le trafic maritime s'accroît à une vitesse considérable. Le transport des
produits polluants et dangereux est en constante augmentation, de 35 % en dix
ans. Il est vrai cependant que la sécurité maritime progresse, mais que le
risque zéro n'existe pas. Et si le nombre des navires qui ont sombré a baissé
de 44 % entre 1990 et 2000, il en coule encore des centaines, surtout des
vraquiers, mais parfois aussi des pétroliers. Il faut savoir que, entre 1992 et
1999, sur les 77 pétroliers qui ont sombré dans le monde, 60 étaient vieux de
plus de vingt ans !
C'est pourquoi nous avons raison d'affirmer qu'il faut éliminer les navires à
simple coque de plus de quinze ans. Les mesures qui ont été envisagées à
Malaga, le 26 novembre dernier, sont les bonnes : lutte contre les pavillons de
complaisance ; établissement de couloirs de navigation éloignés des côtes pour
les navires dangereux ; interdiction à très court terme des pétroliers à simple
coque ; attribution de moyens contraignants à l'Agence européenne de sécurité
maritime ; renforcement du dispositif de la convention de Bruxelles pour que
soit engagée la responsabilité financière des armateurs, des sociétés de
classification et des affréteurs ; renforcement encore des moyens humains et
financiers, pour que la France puisse enfin réaliser toutes les inspections
nécessaires ; possibilité d'intervenir dans la zone des deux cents milles
marins pour arraisonner les navires présentant un danger de pollution... Il
faut prendre des mesures draconniennes, monsieur le secrétaire d'Etat ! Nous ne
pouvons plus supporter de nouvelles pollutions. Je suis convaincu que la France
soutiendra son gouvernement si celui-ci a le courage, même dans un contexte
international difficile, d'aller de l'avant.
J'insisterai sur un point, monsieur le secrétaire d'Etat : peut-être
faudrait-il tout de même pointer du doigt, en France même, la responsabilité de
certains ! La sécurité maritime n'a pas disposé de tous les moyens dont elle
devait disposer : radars obsolètes, flotte de navires insuffisante, inspecteurs
trop peu nombreux..., et ce depuis des années. Qui a pris la responsabilité de
dire non lorsque les demandes de crédit sont arrivées au ministère du budget ?
Il y a bien eu un directeur, dans un ministère, qui a demandé plus
d'inspecteurs, plus de bateaux, plus de matériels ! Qui a dit non ? Qui a
arbitré défavorablement ? Pour ma part, je souhaite que l'on recherche les
responsabilités, que l'on retrouve celui qui a dit non.
Nous avons un secrétaire général à la mer, nous avons un Premier ministre.
Nous avons un lourd héritage et nous devons le liquider. Il nous faut des
moyens en personnels, et si nous demandons 200 inspecteurs, il faut que nous
obtenions 200 inspecteurs. Songez qu'en France un seul port possède des
installations de déballastage : Le Havre. Comment voulez-vous contraindre un
bateau qui arrive dans un port à ne repartir que s'il a déballasté si vous ne
lui donnez pas les moyens de le faire ? Comment voulez-vous lui interdire de
prendre la mer ?
Il faut, à un moment, prendre en France les mesures que les Américains ont
prises chez eux. Il n'y a plus de pollution aux Etats-Unis ; et que l'on ne
nous dise pas que c'est parce que les Etats-Unis sont une île et nous un
continent près des côtes duquel croisent tous les bateaux du monde ! Il faut,
un jour, avoir le courage de dire la vérité, avoir le courage de rendre les
arbitrages qui s'imposent, avoir le courage de dire un non définitif aux
pollutions.
Il faut développer les recherches nécessaires pour éliminer les fausses
questions, comme celle des doubles coques : certains sont pour les simples
coques ; plusieurs années après les avoir préconisées, on nous dit maintenant
que les doubles coques présentent peut-être des dangers...
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez suffisamment conscience des
problèmes, et toutes les mesures vont enfin pouvoir être prises pour épargner à
la France toutes ces pollutions.
Dans l'immédiat, j'attire votre attention sur un point : dans mon département,
dans le vôtre, partout, des centaines de marins pêcheurs veulent se mobliser
pour chaluter le pétrole en mer et savent le faire, savent travailler en
couple. Donnez-leur les moyens d'aller sur les lieux de la pollution ! Il est
moins coûteux d'acheter des chaluts spéciaux et de les leur fournir que de
mobiliser ensuite la population pour aller gratter toutes les côtes !
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous attendons des décisions fortes. J'espère
que des comités interministériels de la mer se réuniront prochainement, que des
arbitrages budgétaires seront pris, par exemple à l'occasion d'une loi de
finances rectificative ; mais, surtout, j'espère qu'une volonté politique en
faveur de la mer, s'exprimera. Nous savons que le Président de la République a
cette volonté, de même que M. le Premier ministre, et que vous êtes là pour la
mettre en oeuvre.
Monsieur le secrétaire d'Etat, nous vous faisons confiance, et nous voterons
votre budget ; mais nous attendons des résultats !
(Applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union
centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le secrétaire d'Etat, la mer est une zone de non-droit, et cette
aberration ne cessera pas tant que nous attendrons que la solution vienne de
l'Organisation maritime internationale, l'OMI.
Celle-ci, dans son fonctionnement actuel, n'engendrera pas de réaction rapide
ni efficace face aux événements. Elle mettra des années à élaborer des
directives... que tout le monde ne respectera pas.
La solution doit venir d'ailleurs : elle est beaucoup plus simple, elle est
beaucoup plus proche de vous. Lisez les rapports du Parlement ! Depuis des
années déjà, le Sénat et l'Assemblée nationale établissent des rapports et
formulent des propositions qui échouent inévitablement et irrémédiablement dans
des placards dont on les exonde de temps à autre, histoire de leur faire
prendre l'air avant de les y replonger aussitôt.
(Protestations sur les
travées du groupe CRC.)
Lisez ces rapports : ils contiennent des mesures très simples. J'en citerai
une seule parmi celles que, depuis 1994, j'ai proposée, à quatre gouvernements
successifs - vous appartenez au quatrième, monsieur le secrétaire d'Etat, et
j'espère que ce sera le bon !
Il faudra bien, tôt ou tard, rendre les acteurs de la filière du transport
coresponsables des dégâts qui pourront affecter les côtes. Alors, peut-être, on
pourra espérer une amélioration de leurs actions vertueuses et obtenir des
résultats positifs. Cela fait partie des mesures simples qui peuvent être mises
en oeuvre rapidement et qui permettront une harmonisation à peu près convenable
à l'échelon européen.
Pour terminer, je rejoins Jacques Oudin à propos des chaluts : il faut équiper
très rapidement l'ensemble du littoral français des moyens de chalutage
nécessaires. Ce n'est pas la panacée, cela ne réglera pas tous les problèmes,
mais il faut confier à ceux qui savent le faire le soin d'agir. En chargeant
les pêcheurs d'aller chaluter le gazole ou le fioul lourd, nous éviterons
probablement bien des dégâts à nos côtes.
M. le président.
Vous avez fait preuve d'une remarquable et surprenante concision ! Je vous en
remercie, mon cher collègue !
(Sourires.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat aux transports et à la mer.
Monsieur le président,
mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie tout d'abord le rapporteur
spécial, Marc Massion, et le rapporteur pour avis, Charles Revet, ainsi que les
orateurs qui se sont exprimés, que ce soit au nom de leur groupe ou à titre
personnel : M. Le Cam, M. Percheron, M. Oudin, M. Le Grand.
Je ne peux qu'éprouver un sentiment de grande humilité après la citation, non
pas longue, mais remarquable, que nous a faite M. Revet. Entendant « Fécamp »,
je m'attendais à entendre aussi le général de Gaulle : « Fécamp, port de mer et
qui entend le rester ».
M. Charles Revet,
rapporteur pour avis.
Ce sera pour l'année prochaine !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Je pensais également à Michelet, qui, séjournant dans
ma ville, Saint-Georges-de-Didonne, en Charente-Maritime, écrivit un soir de
tempête de si belles pages sur la mer !
Mais, n'ayant pas le talent de M. Revet, je m'abstiendrai de le suivre sur ce
terrain des citations.
M. Gérard Le Cam.
Homme libre, toujours tu chériras la mer !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Pour l'Etat, le projet de budget de la mer pour 2003
prend une acuité toute particulière du fait de la crise qu'a provoquée le
naufrage du navire
Prestige
.
M. Oudin rappelait tout à l'heure que, dans un certain nombre de départements
du littoral, nous avons mis en place le dispositif Polmar-terre, qui, sous
l'autorité des préfets, met en oeuvre les moyens de protection des côtes.
Depuis mardi, sous l'autorité du préfet maritime de l'Atlantique, nous avons
déclenché le plan Polmar-mer, qui permet en effet, monsieur Oudin, comme vous
le souhaitiez, la mobilisation, à côté des moyens de l'Etat, de moyens civils,
en particulier de chalutiers qui sont entraînés, équipés, rétribués, pour aller
en mer chercher des nappes de pétrole, ou du moins des flaques importantes, et
empêcher que la pollution n'atteigne nos côtes.
Avant d'aborder le projet de budget proprement dit, je ferai part à la Haute
Assemblée du résultat du conseil des ministres « transport maritime » qui s'est
déroulé ce matin et cet après-midi à Bruxelles. Il s'est bien passé : les
thèses défendues par la France et l'Espagne, mises au point lors du sommet de
Malaga et réaffirmées cette semaine par le Président de la République, ont fait
l'objet d'un consensus de la part de l'ensemble des pays européens. Même les
pays dont nous craignions la réticence - je pense à la Grande-Bretagne, aux
Pays-Bas, à la Grèce, qui va prochainement assurer la présidence de l'Union -
nous ont suivis. Le consensus est presque total, et l'Europe a su, avant le
sommet de Copenhague, parler d'une seule voix et prendre des décisions communes
et fortes sur la sécurité maritime. C'est un moment qu'il faut fêter, car
l'échec, ou du moins la non-application des deux paquets Erika, était
certainement lié au fait qu'ils n'avaient pas recueilli de consensus, si bien
qu'un certain nombre d'Etats européens ne se sont pas empressés de les
appliquer.
(MM. Jacques Oudin et Jean-François Le Grand
applaudissent.)
En ce qui concerne la sécurité maritime, le projet de budget affiche des
crédits de paiement en hausse de 14 %. Cependant, nous sommes conscients que la
France jusqu'à présent, n'a pas respecté les engagements qu'elle avait pris en
matière d'inspections de sécurité des navires. Les gouvernements précédents ont
fait de réels efforts en la matière, M. Le Cam les a rappelés à juste titre, et
des embauches ont été réalisées grâce aux budgets précédents. Il faut s'en
réjouir. Néanmoins, et c'est normal, une partie de ces inspecteurs nouvellement
recrutés sont encore en formation.
Au mois de juillet, nous contrôlions environ 9 % des navires. Au mois de
décembre, nous nous situons entre 14 % et 15 %. Nous n'avons pas encore atteint
l'objectif que nous nous étions fixé, qui est de 25 %
C'est pourquoi le Gouvernement propose le recrutement d'inspecteurs qui seront
choisis parmi les aînés de la marine. Nous avons de bonnes raisons de penser
qu'une personne qui a été capitaine, officier mécanicien, bref, qui a navigué,
sera capable d'inspecter un navire et de faire preuve d'une grande vivacité,
d'une grande intelligence pour détecter ce qui ne va pas. Avec le recrutement
de ces vacataires, nous parviendrons à inspecter 25 % des bâtiments.
Je dois d'ailleurs souligner que les volontaires se sont présentés en grand
nombre, et nous en sommes heureux. L'appel à candidatures a été passé par le
biais de la direction des affaires maritimes, des pensionnés de la marine
marchande et de tout un ensemble d'associations, tel l'Institut français de la
mer. Nous avons reçu de nombreux dossiers, dont beaucoup, sinon la majorité,
sont excellents.
Nous pourrons donc mettre ces vacataires au travail dès le 1er janvier et
ainsi, je l'espère, parvenir au taux de 25 % dans le courant du premier
trimestre de 2003.
Par ailleurs, nous devons faire des efforts pour sécuriser les voies
maritimes. M. Percheron rappelait à juste titre la densité du trafic en mer du
Nord, et l'on peut naturellement dire la même chose du rail d'Ouessant. Le
projet de budget prévoit donc d'octroyer des moyens supplémentaires aux CROSS,
les centres régionaux opérationnels de surveillance et de sauvetage. La
signalisation maritime bénéficiera également de crédits en hausse.
S'agissant du dispositif de contrôle et de surveillance en mer et sur la
frange littorale, le projet de budget prévoit la création de deux unités
littorales des affaires maritimes ainsi que la construction d'un second
patrouilleur.
J'ajoute, mesdames, messieurs les sénateurs, que cette semaine, en conseil des
ministres, j'ai présenté à la demande du Premier ministre une communication
relative à la sécurité maritime. J'ai également évoqué la nécessité de mieux
coordonner les moyens de l'Etat. Actuellement, nous disposons des moyens
associatifs - comme la Société nationale de sauvetage en mer, qui joue un rôle
considérable - des moyens des affaires maritimes, de ceux de la marine
nationale des douanes, de la gendarmerie, de la gendarmerie maritime et parfois
de la police nationale.
Le Gouvernement a donc demandé au secrétaire général de la mer d'examiner,
dans un délai de trois mois, de quelle manière ces moyens pourraient être mieux
coordonnés. En effet, certains endroits du littoral peuvent-être sous-défendus,
alors que d'autres bénéficieront de moyens excédentaires. Il faut donc mettre
tous ces dispositifs en ordre de travail.
La sécurité maritime, c'est également la sécurité des ports. Des créations de
postes destinés aux ports sont inscrites au budget, ainsi que des moyens
supplémentaires - cela a été évoqué - pour y assurer une meilleure sécurité.
De même - M. Le Cam l'a rappelé - des crédits sont prévus pour protéger et
valoriser le littoral, notamment la baie du Mont-Saint-Michel.
Assurer la sécurité de nos navires est bien sûr l'une de nos préoccupations
essentielles. Encore faut-il qu'il y ait des navires ! M. Oudin rappelait à
juste titre notre rang assez pitoyable, puisque nous avons la vingt-cinquième
flotte à l'échelon mondial, la huitième en Europe.
M. Charles Revet,
rapporteur pour avis.
Et nous sommes la troisième puissance économique
!
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Ce n'est pas digne d'un pays qui a autant de façades
maritimes et qui est présent dans le monde entier grâce à ses terres
d'outre-mer !
Pour soutenir notre flotte de commerce, nous devons rendre moins coûteux
l'emploi des marins français, en allégeant les charges des armateurs, et
faciliter l'acquisition de navires sous pavillon français en les faisant
bénéficier des GIE fiscaux.
Monsieur Oudin, je suis moins pessimiste que vous sur les quirats. C'est une «
affaire qui marchait ». Certes, elle a été trop brutalement interrompue. Nous
disposons maintenant des GIE fiscaux, utilisons-les !
M. Jacques Oudin.
Monsieur le secrétaire d'Etat, me permettez-vous de vous interrompre ?
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Je vous en prie !
M. le président.
La parole est à M. Jacques Oudin, avec l'autorisation de l'orateur.
M. Jacques Oudin.
Dans cette enceinte, j'ai défendu les quirats parce que j'y croyais
profondément, et la loi qui les a institués a effectivement impulsé un
mouvement très important.
Si j'ai parlé de l'échec des quirats, c'est parce que cette loi a battu le
record historique de la brièveté législative : votée à l'été 1996, elle ne
s'est appliquée que jusqu'en décembre 1997, soit dix-huit mois plus tard !
C'est sur cela que portait ma critique. Je suis convaincu que le principe même
était extraordinairement dynamique.
D'ailleurs, c'est grâce au système des quirats, que de grandes nations
maritimes européennes - l'Allemagne, la Norvège, notamment - ont développé leur
flotte. Une fois que leur flotte a été renouvelée et développée, jusqu'à
atteindre 1 200 ou 1 400 navires, ils ont abandonné ce système. Nous, nous
l'avons abandonné alors qu'il venait à peine d'être mis en place : après deux
coups de pédales, on est descendu de la selle !
Mme Marie-Claude Beaudeau.
C'étaient tout de même de gros cadeaux fiscaux !
M. le président.
Veuillez poursuivre, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
En effet, monsieur Oudin, il est bien dommage qu'on
ait interrompu si brutalement la politique des quirats. Notre flotte en porte
d'ailleurs les stigmates avec le mauvais rang que j'ai rappelé.
Dans ce domaine, nous ne ferons pas preuve de la même impéritie que le
Gouvernement précédent : nous poursuivrons la politique des « GIE fiscaux ».
Nous allons en outre mettre en place - M. Percheron a bien voulu reconnaître
que la formule lui paraissait intéressante - une taxation au tonnage ; je vais
y revenir.
Afin de rendre moins coûteux l'emploi de marins français pour les entreprises,
nous rembourserons une part significative des cotisations d'allocations
familiales et d'assurance chômage dans le budget 2003. Je tiens à souligner
devant la Haute Assemblée que c'est la première fois que le Gouvernement
présente une mesure de cette nature.
Par ailleurs, une mesure de simplification administrative doit contribuer à
améliorer la trésorerie des armements : il s'agit de substituer à la procédure
de remboursement de la taxe professionnelle au moyen de subventions
budgétaires, qui sont évidemment versées avec un décalage d'un an, une
procédure de dégrèvement fiscal.
M. Charles Revet,
rapporteur pour avis.
C'est beaucoup mieux ! C'est plus simple !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Cela évite de percevoir pour rembourser ensuite. Je
pense que la commission des finances ne peut qu'être intéressée par ce type de
simplification.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Nous l'approuvons !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Le dispositif de la taxe au tonnage, qui est très
important, n'est pas prévu, c'est vrai, dans le présent projet de loi de
finances. Mais, M. le président Arthuis le sait, il sera introduit dans le
projet de loi de finances rectificative.
Ce système permettra aux armateurs d'opter pour une taxation de leurs
bénéfices en fonction du tonnage des navires qu'ils exploitent, en substitution
du régime de droit commun de l'impôt sur les sociétés auquel ils sont
aujourd'hui soumis.
C'est une mesure structurante, qui vient utilement compléter les dispositifs
existants de compensation de charges et d'investissement naval en « GIE fiscal
».
Je voudrais dire à M. Le Cam que, contrairement à ce qu'il pense, dans les
pays européens où ce système a été mis en place - l'avenir tranchera : je ne
peux être complètement affirmatif -, il a été créateur d'emplois.
Vous avez, monsieur Le Cam, évoqué l'exemple britannique, mais je crois
comprendre que, d'une manière générale, ce qui se fait en Grande-Bretagne ne
vous convient guère !
(Sourires.)
En tout cas, dans les pays du sud de l'Europe auxquels nous ressemblons le
plus, à savoir l'Espagne et l'Italie, l'introduction de la taxe au tonnage a
permis aux flottes nationales de se relever, de créer des emplois et de
reprendre des parts de pavillon. Tel est, bien sûr, l'objectif visé par le
Gouvernement avec l'introduction de ce dispositif qui vous sera proposé
prochainement.
Vous avez également évoqué le cabotage. Le cabotage inspire généralement bien
des discours. Le problème est de passer à la réalisation !
Il est vrai que, à ce titre, dans le présent budget nous ne prévoyons
d'inscrire qu'un million d'euros. Mais, l'an passé, il y en avait 965 000 et il
n'ont pas été consommés.
M. Daniel Percheron.
Exact !
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Nous allons donc pouvoir en profiter !
J'ajoute que le Conseil des ministres des transports de l'Union européenne a
adopté hier le dispositif Marco Polo. Nous pourrons ainsi jouer et sur un
dispositif européen et sur un dispositif national.
J'ai bien entendu, monsieur le président de la région Nord - Pas-de-Calais,
votre suggestion. Je vous propose que nous en reparlions le moment venu pour
faire en sorte que les collectivités puissent appuyer des lignes de
cabotage.
Le problème, avec le cabotage, c'est que des lignes ont parfois été lancées
avec l'aide des collectivités - j'ai connu le cas à La Rochelle - mais n'ont
pas eu le temps d'atteindre le stade de la viabilité économique avant
l'extinction de l'aide. Autrement dit, la subvention était versée, mais pas
assez longtemps. De ce fait, la collectivité était mécontente et l'armateur
aussi parce qu'il n'avait pas encore eu la possibilité de capter la clientèle
nécessaire à la rentabilisation de la ligne de cabotage ! C'est évidemment
cette situation qu'il faut éviter.
En ce qui concerne nos ports, monsieur Percheron, l'audit n'a pas pour
objectif de bloquer les investissements. C'est une photographie que fait le
Gouvernement de la situation des grandes infrastructures.
Dans le courant du premier trimestre de l'année prochaine, nous ferons le
point sur tous les grands investissements, en vérifiant s'ils sont utiles à
l'aménagement du territoire, à l'Europe et à l'intermodalité. Bien entendu, la
desserte, les hinterlands et les grands aménagements portuaires - je parlais
tout à l'heure de l'écluse fluviale du Havre, par exemple, qui a été abandonnée
- seront examinés dans le cadre de l'audit. S'il y a bien un domaine dans
lequel les collectivités et l'Etat ne doivent pas stopper leurs
investissements, c'est bien le domaine portuaire.
Il est vrai que, dans ce projet de budget, les seuls crédits importants
concernant les ports sont ceux qui correspondent à l'achèvement du programme «
Ports 2000 ». Néanmoins, nous sommes prêts à intervenir sur d'autres grands
chantiers. Je pense en particulier à « Fos 2 x L », projet de grande ampleur
intéressant le port de Marseille. Les ports de Dunkerque, de Sète et bien
d'autres encore ont également des projets importants qui méritent d'être
soutenus par l'Etat et par les collectivités.
Monsieur Revet, vous avez raison de mettre l'accent sur la sécurité dans les
ports. Il nous faudra, à cet égard, observer ce que font actuellement nos amis
américains : ils discutent avec le port de Marseille pour y installer, par
exemple, une antenne de leurs services douaniers et pour organiser un meilleur
trafic entre les Etats-Unis et Marseille. Sachez, messieurs les élus de
Seine-Maritime, qu'ils ont une démarche identique à l'égard du port du
Havre.
Faute de réponse de l'Europe sur ces question-là, il y aura en France deux
types de ports : les « grands ports », ayant une relation particulière avec les
Etats-Unis, et les autres ports, qui n'auront pas cette chance.
Il faut donc que la négociation sur la présence des douanes américaines et sur
les relations de sécurité avec les Etats-Unis soit menée globalement à la fois
à l'échelon français et à l'échelon européen, et non pas port par port. Evitons
de tomber dans l'écueil que nous avons connu dans le passé avec les compagnies
aériennes, lorsque les pays passaient des accords bilatéraux avec les
Etats-Unis sans s'apercevoir que les Etats-Unis se souciaient avant tout de
leurs intérêts, et pas nécessairement de ceux de l'Europe ou de la France.
Le thème de la décentralisation a été abordé par un certain nombre d'entre
vous, notamment MM. Daniel Percheron et Charles Revet.
Naturellement, ainsi qu'il l'a fait pour les aéroports, l'Etat, dans le cadre
des assises sur les libertés locales comme dans celui du débat parlementaire
actuellement en cours, se tourne vers les collectivités locales pour réfléchir
avec elles aux meilleurs moyens de développer nos ports.
Le statut des ports autonomes mérite certainement d'être modernisé,
dépoussiéré. Les collectivités locales ont toute leur place dans la gestion des
ports d'intérêt national et des autres ports. Qu'il s'agisse d'un département -
la Seine-Maritime, par exemple - ou de régions - le Languedoc-Roussillon,
peut-être le Nord-Pas-de-Calais, d'autres encore -, il y a là une occasion
formidable pour les collectivités de prendre en main le destin de leurs ports.
Je suis persuadé que les ports, seront mieux gérés par les collectivités, parce
qu'ils le seront de plus près, parce qu'ils le seront et qu'ils généreront plus
de développement et donc plus d'emplois.
Le Gouvernement cherche, par conséquent, un accord avec les collectivités pour
développer nos ports dans le sens de l'intérêt national, de l'intérêt régional,
du trafic maritime et de l'emploi.
Pour ce faire, nous devons disposer de la ressource humaine nécessaire. Je
sais l'effort que font les régions et leurs lycées professionnels maritimes. Il
nous faut, à cet égard, faire en sorte que, dans l'enseignement maritime, une
place très importante soit réservée à la sécurité. On l'a vu, monsieur Oudin,
avec le terrible accident qui a endeuillé la ville des Sables-d'Olonne, la
sécurité est un enjeu majeur, dans les ports comme sur les bateaux, notamment
les bateaux de pêche. Or c'est dans les lycées maritimes que la sécurité
s'apprend, que les réflexes se prennent. Nous devons donc élaborer des
programmes de sécurité très complets avec les lycées maritimes et l'ensemble
des formateurs, de manière à trouver des jeunes marins très sensibilisés aux
problèmes de la sécurité.
Enfin, il faut que l'ENIM assume ses fonctions. Le budget de l'ENIM présente
une augmentation nécessaire à l'exercice de ses missions.
Mesdames, messieurs les sénateurs, la triste actualité maritime que nous
vivons ne doit pas nous faire oublier qu'une partie de nos approvisionnements
et aussi de notre nourriture nous est offerte par la mer. La France, de par sa
position géographique et ses traditions, se doit de toute façon d'avoir une
ambition maritime. C'est facile à dire à une tribune, mais c'est peut-être
moins facile à réaliser sur le terrain.
Cette année, dans le domaine de la sécurité, le gouvernement vous propose des
mesures honnêtes et réalistes. Dans le domaine fiscal, pour améliorer notre
flotte, nous proposons des mesures nouvelles. Nous en dresserons naturellement
ensemble le bilan, le jour venu. Ce gouvernement a une ambition maritime : il
espère donc être soutenu par la Haute Assemblée.
(Très bien ! et
applaudissements sur les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Je rappelle au Sénat que les crédits concernant la mer, inscrits à la ligne «
Equipement, transports, logement, tourisme et mer », seront mis aux voix
aujourd'hui même à la suite de l'examen des crédits affectés au
tourisme.
ÉTAT B
« Titre III : 47 805 492 000 euros. »
La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Dans le droit-fil de ce qui a été dit à propos de la sécurité maritime,
j'ajouterai : la prévention vaut beaucoup mieux que l'action curative. Alors
même que nous avons tous présents à l'esprit les malheurs qui s'abattent sur
les côtes de Galice et du nord de l'Espagne - et les régions maritimes sont,
dans cette période difficile, totalement solidaires des difficultés de nos amis
espagnols -, il apparaît à l'évidence que l'inspection des navires constitue
une prévention nécessaire.
La commission des finances, on le sait, propose de réduire les crédits, selon
une démarche que j'approuve. Néanmoins, j'aurais souhaité que le Sénat puisse
prévoir une ligne de crédits en faveur des vacataires qui viennent d'être
recrutés pour améliorer le service de contrôle des navires. Certes, ce n'aurait
pas été une économie. Mais, ce geste politique fort aurait montré que la Haute
Assemblée se soucie de financer des moyens permettant de contrôler les
navires.
Je crois que ce n'est malheureusement plus possible.
Cela étant, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous puissiez, d'une manière
ou d'une autre, réaliser ce « fléchage » précis des crédits mis à disposition
des affaires maritimes pour les contrôles. Ces crédits pourraient être
inscrits, par exemple, aux chapitres 31-96 ou 34-98. Ce serait l'expression
claire d'une volonté politique forte, conforme à l'état d'esprit qui a régné au
cours de cette discussion du budget de la mer.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Je tiens à vous remercier, monsieur Le Grand, de cette
intervention. Nous avons reçu, à ce jour, à peu près soixante-dix
curriculum
vitae
d'inspecteurs vacataires, et ils sont d'excellente qualité. Nous en
attendons encore d'autres.
Nous estimons que le montant des vacations devrait être compris entre 230 000
euros et 300 000 euros. Il est exact que, pour l'instant, les crédits
correspondants n'apparaissent pas de manière « fléchée ». Nous pourrons
toujours trouver, à partir de redéploiements, le moyen de régler ces
vacataires. Mais si, à un moment ou à un autre de la discussion budgétaire,
laquelle se poursuit, il était possible de les faire apparaître, j'en serais
ravi.
Je me tourne vers Jean Arthuis pour préciser que, outre la manifestation d'une
volonté, ce serait une source d'économie pour l'Etat puisqu'il ne s'agit pas de
gens que nous recrutons à vie. Ces jeunes inspecteurs, qui sont encore en
formation, sont appelés à remplir des missions de service public mais n'ont pas
pour autant vocation à émarger au budget de l'Etat tout au long de leur
carrière.
M. le président.
Le vote sur les crédits figurant au titre III est réservé.
« Titre IV :
moins
1 540 476 515 euros. »
L'amendement n° II-94, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Minorer la réduction du titre IV de 200 000 euros.
« En conséquence, ramener le montant des mesures nouvelles négatives à
moins
1 540 276 515 euros. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
En novembre 2001, la France a renouvelé l'accord qui
la lie au BIT, le Bureau international du travail. La France verse donc une
subvention au BIT afin de contribuer au financement d'actions menées par cette
organisation en vue de renforcer la sécurité maritime.
L'actualité récente a démontré qu'il fallait aller vite dans ce domaine. Or,
le groupe de travail du BIT dénommé « pour un travail décent dans le secteur
maritime » organise une convention extraordinaire en 2003. Le Gouvernement vous
propose de faire face à cette dépense par un ajustement de 200 000 euros des
crédits concernés, par redéploiement au sein de la section budgétaire « mer
».
Cet amendement correspond donc à une augmentation des crédits de subvention de
200 000 euros sur le titre IV au chapitre 46-32.
Nous vous présenterons dans un instant un amendement n° II-95 qui gage cette
mesure par une réduction de 100 000 euros sur le chapitre 55-30 - Ports
maritimes » - et de 100 000 euros sur le chapitre 57-30 - « Équipement
immobilier .
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Marc Massion,
rapporteur spécial.
La commission est favorable à cet amendemetn.
A titre personnel, je me permettrai de dire à M. le secrétaire d'Etat que
c'est son second amendement qui me gêne puisqu'il tend à retrancher, pour gager
cet amendement-ci, des crédits sur des chapitres dont nous avons dit les uns et
les autres à la tribune qu'ils nous semblaient prioritaires.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-94.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
L'amendement n° II-150, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la
commission des Finances, est ainsi libellé :
« Augmenter cette réduction de 1 000 000 euros ;
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 1
541 476 515 euros. »
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
A plusieurs reprises, depuis le début de
l'examen des crédits mis à la disposition des différents départements
ministériels, M. le rapporteur général, les rapporteurs spéciaux et moi-même
avons eu l'occasion de rappeler la démarche accomplie par la commission des
finances.
Cette démarche consiste à tirer les conséquences des moins-values fiscales
d'un montant de 700 millions d'euros que le Gouvernement a dû constater lors du
vote de l'article d'équilibre, du fait d'une conjoncture moins porteuse que
l'on pouvait le penser lorsque le projet de loi de finances a été adopté par le
conseil des ministres. Nous recherchons donc des économies.
Cet amendement a pour objet de réduire de un million d'euros la subvention de
l'Etat à l'Etablissement national des invalides de la marine, l'ENIM, chargé
d'assurer la protection sociale des gens de mer, subvention prévue au chapitre
47-37 « Gens de mer - Subvention à l'Etablissement national des invalides de la
marine » du titre IV du budget de la mer.
Cette subvention constitue traditionnellement le premier poste budgétaire du
budget de la mer : en 2003, 70 % des crédits du budget lui sont consacrés. La
dotation, qui s'élève à 722,41 millions d'euros, progresse de 2,1 % par rapport
à la dotation prévue en 2002, qui était de 707,51 millions d'euros. Cette
hausse est justifiée par une baisse des transferts de compensation en
provenance de la CNAM.
La commission des finances estime cependant possible, sans remettre en cause
les différents régimes de protection financés par l'ENIM, de proposer une
réduction minime de la subvention de l'Etat dans le projet de loi de finances
pour 2003.
Puis-je rappeler qu'en 2001 la loi de finances initiale avait prévu une très
forte augmentation de la subvention : celle-ci avait été portée à 733,28
millions d'euros. La loi de finances rectificative avait annulé 25 millions sur
cette subvention. L'exécution budgétaire de 2001 s'était soldée par un déficit
d'exécution de seulement 10 millions d'euros, ce qui signifie qu'en ayant
annulé 15 millions d'euros, au lieu de 25 millions, l'ENIM serait parvenue à
l'équilibre.
Par ailleurs, en prenant en compte sa situation prévisionnelle de trésorerie
en fin d'année, qui fait apparaître 34,5 millions d'euros, on peut considérer
que l'économie que nous proposons est plus que raisonnable et ne met pas en
cause la situation financière de l'ENIM.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Le Gouvernement est bien ennuyé. En effet, réduire les
crédits de l'ENIM n'est pas chose agréable. Cela étant, nous nous sommes livrés
à des calculs sur la proposition que nous a fait M. le président de la
commission des finances et il est exact que l'amputation de ce million d'euros
ne devrait pas avoir de conséquences sur les prestations de l'ENIM. Aussi le
Gouvernement s'en remet-il à la sagesse de la Haute Assemblée.
J'espère que, plus tard dans le cours des débats budgétaires, vous saurez par
subterfuge trouver les 300 000 euros nécessaires à l'embauche de retraités pour
assurer la sécurité. La commission des finances ferait là un geste que le
Gouvernement accueillerait avec beaucoup de plaisir !
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Monsieur le ministre, je vous
remercie de l'appréciation que vous portez sur notre amendement. Croyez bien
que j'ai entendu l'appel de notre collègue Jean-François Le Grand et le
vôtre.
La commission des finances considère que ce souhait est tout à fait légitime.
Malheureusement, la procédure budgétaire est telle que nous n'avons pas les
moyens de répondre favorablement à cette sollicitation.
Mais il va de soi que dès qu'une occasion nous permettra d'exprimer notre avis
sur une disposition gagée, nous lui réserverons un accueil tout à fait
bienveillant.
M. Jean-François Le Grand.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Daniel Percheron, contre l'amendement.
M. Daniel Percheron.
Nous voterons naturellement contre cet amendement.
Monsieur Arthuis, il est bien tard pour « tirer » sur l'établissement national
des invalides de la marine, il est bien tard pour diminuer la protection
sociale des marins, il est bien tard aussi pour égratigner le pacte qui lie
tous ceux qui travaillent dans la République.
Je ne comprends pas bien cette habileté et cette mesquinerie de fin de
soirée.
Je rappelle que, s'agissant de la compétitivité de la marine marchande et de
la vocation maritime de la France, nous avons, tout à l'heure, égrené les
mesures positives. A ces mesures doit correspondre tout naturellement la
protection sociale des marins.
Nous voterons donc sans état d'âme contre cet amendement et, si l'assemblée
est sage, elle nous suivra.
M. le président.
La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Je voudrais que vous preniez acte, monsieur le président, des remerciements
que je tiens à adresser à M. le président de la commission des finances.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je récuse les propos de M.
Percheron car il n'est en aucune façon question de remettre en cause les droits
à pension des gens de mer.
Je vous rends attentif, monsieur le sénateur, au fait que la situation
financière de l'établissement lui permet d'assumer pleinement ses obligations à
leur endroit. Evitez, à cette heure tardive, de caricaturer nos propos !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-150.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 316 |
Nombre de suffrages exprimés | 312157 |
Pour l'adoption | 202 |
Contre | 110 |
Le vote sur les crédits figurant au titre IV est réservé.
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 580 704 000 euros ;
« Crédits de paiement : 673 934 000 euros. »
L'amendement n° II-95, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« Réduire les autorisations de programme figurant au titre V de 200 000
euros.
« Réduire les crédits de paiement figurant au titre V de 200 000 euros. »
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Dominique Bussereau,
secrétaire d'Etat.
Je m'étais permis d'annoncer cet amendement pour
éviter de m'attirer les foudres du président de la commission des finances.
Cela dit, je ne le présenterai pas une seconde fois.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission ?
M. Marc Massion,
rapporteur spécial.
La commission émet un avis favorable, mais elle
renouvelle les réserves qu'elle a exprimées tout à l'heure.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-95.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Le vote sur les crédits figurant au titre V est réservé.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 806 959 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 249 679 000 euros. »
Le vote sur les crédits figurant au titre VI est réservé.
Article additionnel après l'article 71 bis
M. le président.
En accord avec la commission des finances, j'appelle en discussion
l'amendement n° II-66 tendant à insérer un article additionnel après l'article
71
bis.
L'amendement n° II-66, présenté par MM. de Richemont, Gélard, Gérard, Le
Grand, Oudin et de Rohan, est ainsi libellé :
« Après l'article 71
bis,
insérer un article additionnel ainsi rédigé
:
« A l'article 6 de la loi n° 2001-43 du 16 janvier 2001 portant dispositions
d'adaptation au droit communautaire dans le domaine des transports, les mots :
"promulgation de la présente loi" sont remplacés par les mots : "publication du
décret prévu à l'article 3". »
La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Je retire cet amendement.
M. le président.
L'amendement n° II-66 est retiré.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant la mer.
V. - TOURISME
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi de finances concernant
l'équipement, les transports, le logement, le tourisme et la mer.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-Claude Beaudeau,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je rappelle le montant des crédits : 75
millions d'euros, soit une augmentation de 1,6 %, ce qui confirme le
ralentissement de leur croissance par rapport à 2002.
Les moyens des services figurant au titre III, avec 22,45 millions d'euros,
progressent de 1 %.
Les dépenses ordinaires d'intervention, en diminution de 8 %, atteignent 41,47
millions d'euros, pour l'Observatoire national du tourisme, de 20 % pour les
contrats Etat-région et de 50 % pour le développement territorial du
tourisme.
Pour les dotations en capital, dans le chapitre 66-03 intitulé : «
Développement du tourisme », l'augmentation est de 54 % pour les crédits de
paiement et de 0,7 % pour les autorisations de programme. Quant au programme de
consolidation des hébergements de tourisme social, ses dotations en crédits de
paiement augmentent de 71 %, alors que les autorisations de programme chutent
de 10 %.
Comme vous le constatez, ce projet de budget est contrasté ; il manque de
cohérence et présente quelques atouts, mais aussi des insuffisances.
Un tel projet permettra-t-il à la France de conforter sa place de première
destination touristique ? Se rapprochera-t-elle de l'objectif des 90 millions
de touristes annoncé comme possible depuis plusieurs années ? Et, en même
temps, rattrapera-t-elle les deux pays qui la précèdent en termes de recettes
liées au tourisme ?
C'est à ces questions que je voudrais tenter de répondre.
Rien ne s'oppose dans le budget à ce que des avancées s'affirment en 2003 et
nous rapprochent des deux objectifs. Mais, monsieur le secrétaire d'Etat, des
mesures complémentaires doivent être prises, une volonté nouvelle doit
s'affirmer.
Je pense que vous vous trompez, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque vous
déclarez de façon presque affirmative, que, dans vingt ans, la France sera
supplantée par des destinations comme le Japon et la Chine. Je souhaite que
vous ayez tort !
En revanche, je vous rejoins, monsieur le secrétaire d'Etat, lorsque vous
déclarez devant le Press-Club qu'il faudrait nous orienter vers la création
d'un vrai ministère du tourisme.
Mais, sans attendre, quelques mesures audacieuses pourraient être prises,
comme la relance de l'industrie touristique outre-mer, secteur clé pour le
développement des Antilles, de la Réunion, de la Guyane.
L'activité y est en baisse de 20 % avec encore deux millions de visiteurs et
40 000 emplois. Ne faudrait-il pas revoir votre politique pour atteindre un
doublement de ces chiffres et réfléchir à une modernisation ne se limitant plus
à des notions réductrices telles que le tourisme de sites pour la Réunion, le
tourisme de plages pour les Antilles ou le tourisme d'aventure et de
découvertes pour la Guyane ?
Une loi de programme en faveur de l'outre-mer s'impose et nous souhaitons que
la partie « tourisme » retenue corresponde bien aux besoins et aux
possibilités. La presse fait d'ailleurs état d'un rapport parlementaire en
cours de préparation. Le confirmez-vous, monsieur le secrétaire d'Etat ?
La chaîne hôtelière Accor voulait quitter les Antilles. Elle y restera,
d'après ce que j'ai compris. J'en conclus que rien n'est fatal et que tout est
lutte.
En métropole et en outre-mer, des recettes supplémentaires et des créations
d'emplois deviennent possibles avec la réduction à 5,5 % de la TVA sur la
restauration sédentaire ou mobile. J'ai déposé un amendement allant en ce sens
dans la première partie de la loi de finances. Vous affirmez aujourd'hui que la
Commission européenne adoptera bientôt cette mesure. Je m'en félicite, car ce
seront des centaines de milliers de repas supplémentaires servis, plusieurs
milliers d'emplois créés et des recettes fiscales supplémentaires pour la
France. Voilà, monsieur le secrétaire d'Etat, une mesure attendue ! Si un
gouvernement la prend, elle se révélera extrêmement positive.
De nouveaux efforts s'imposent pour que beaucoup plus de 60 % de la population
française bénéficie en 2003 du droit aux vacances. La tendance au non-départ en
vacances s'aggrave. Le pourcentage de 40 % ne diminue pas. Il augmente au
contraire parmi les publics concernés que sont les jeunes, les personnes et les
familles en difficultés sociales, les personnes handicapés.
Les moyens consacrés à la bourse solidarité-vacances sont maintenus. Les aides
fournies par l'Agence nationale pour les chèques-vacances sont préservées.
L'ouverture de l'accès aux chèques-vacances des entreprises de moins de vingt
salariés, la réduction de la complexité du dispositif devraient permettre
d'élargir un peu le nombre de bénéficiaires. Il n'en reste pas moins que nous
récoltons là le fruit vénéneux de la réduction des aides publiques, de la
baisse du pouvoir d'achat au cours de ces dix dernières années.
Une autre mesure pourrait être prise, elle porte sur la reconnaissance des
droits des travailleurs saisonniers du tourisme, les salaires, le logement et
les conditions de travail. L'excellent rapport que M. Le Pors a remis à Mme la
ministre de l'emploi et de la solidarité et à Mme la secrétaire d'Etat au
tourisme, en 1999, a offert un certain nombre de solutions. Je vous rappelle
que près de 500 000 personnes exercent un métier dont les horaires sont
excessifs, souvent illégaux au vu de la législation du travail.
Dans le sud de la France, les pénuries deviennent telles que nous devons
aujourd'hui faire appel à de la main-d'oeuvre étrangère.
En 2003, il sera nécessaire d'accomplir des progrès et je veillerai, monsieur
le secrétaire d'Etat, à ce que des mesures soient prises.
Enfin, j'insiste également dans mon rapport écrit sur la double nécessité
d'améliorer la formation aux métiers du tourisme et de ne plus négliger le
tourisme d'affaires. Il représente, en France, 20 % du chiffre global lié au
tourisme et sa croissance a été ininterrompue de 1990 à 2000, progressant à un
rythme régulier de 3 % à 4 %.
Je souhaite également me féliciter de la majoration des crédits de Maison de
la France, qui est le principal bénéficiaire du chapitre avec les contrats de
plan Etat-région. Ces derniers s'élèvent à 28,1 millions d'euros, soit une
croissance de 2,6 % par rapport à l'année 2002.
Ce sont là de bonnes mesures qu'il est possible de mettre en oeuvre, car elles
permettront d'étendre l'activité touristique française sur l'ensemble des
régions et au plus profond du pays.
Je terminerai par une note optimiste concernant certains personnels de Maison
de la France dont nous avons longuement parlé ici. Une solution apparaît, enfin
avec la possible intégration de ces personnels dans la fonction publique
permettrait une augmentation et une plus grande égalité des salaires. Quel que
soit le pays considéré, ces personnels - peu nombreux - disposeront dès alors
d'un niveau de vie plus conforme à la dignité de tous les personnels
représentant la France à l'étranger.
Monsieur le ministre, l'actualité est là, pressante. Elle nous conduit à nous
interroger. Pour l'année 2003, des grandes incertitudes planent sur la venue en
France de nouveaux touristes. Le monde vivra-t-il en paix ?
La pollution entraînée par le naufrage du pétrolier
Prestige
souillera-t-elle nos plages du Sud-Ouest.
Pour un nombre toujours plus grand de nos concitoyens, leur pouvoir d'achat
leur permettra-t-il de partir en vacances ?
Selon moi, le Gouvernement se doit d'engager une politique plus résolue et
plus hardie en faveur du tourisme.
Par conséquent, la majorité de la commission des finances du Sénat vous
propose d'adopter les crédits du projet de loi de finances du secrétariat
autourisme pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC. - M.
Jean Arthuis applaudit également.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur pour avis.
M. Charles Ginésy,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
l'examen des crédits consacrés au tourisme dans le projet de loi de finances
s'inscrit, cette année, dans un contexte doublement particulier : la saison
touristique 2001-2002 a été affectée par les odieux attentats du 11 septembre
2001 et les élections du printemps ont donné au Président de la République une
nouvelle majorité parlementaire, dont l'ambition ne se trouve qu'en partie
révélée par ce projet de budget.
La France a plutôt bien résisté aux conséquences du 11 septembre, dans un
marché mondial en nette contraction. L'année 2001 a connu des résultats globaux
satisfaisants et stables par rapport à l'année 2000. Les principaux secteurs et
régions touchés ont un lien fort avec le tourisme « long-courrier ».
L'économie du tourisme a connu des modifications d'ordre structurel : les
clientèles américaine et japonaise ont été moins nombreuses, les Français ont
privilégié les vacances dans l'Hexagone, l'hébergement en secteur marchand a
stagné dans le secteur de l'hôtellerie, et les séjours ont été plus courts. Les
35 heures semblent avoir fractionné les vacances des Français.
Pour contrecarrer les effets du 11 septembre, une campagne mondiale de
promotion de la destination « France » a été réalisée à partir du mois de
février 2002 par Maison de la France, en priorité en direction des grands pays
européens, vivier de touristes, ainsi qu'aux Etats-Unis, au Canada et au Japon.
Cette campagne a reçu de l'Etat une dotation exceptionnelle de près de 5
millions d'euros.
D'une manière générale, il serait souhaitable, me semble-t-il qu'une telle
dotation « de campagne » soit pérennisée pendant quelque temps, afin de
garantir l'efficacité de cette promotion : chacun sait en effet qu'en marketing
la durée et la répétition sont essentielles pour faire passer le message.
La promotion de la destination « France » est d'ailleurs l'un des trois axes
prioritaires que vous avez retenus, monsieur le secrétaire d'Etat.
Dans le contexte actuel de maîtrise des dépenses publiques, la commission des
affaires économiques et du Plan est satisfaite que ce projet de budget ait été
protégé et que ses crédits atteignent 75 millions d'euros. On ne peut ignorer
que le tourisme concourt à près de 90 % du résultat net de la balance des
paiements, avec un solde de près de 15 milliards d'euros.
Globalement, la commission des affaires économiques et du Plan a approuvé les
priorités budgétaires de votre projet de budget pour 2003 et les moyens qui ont
été affectés au tourisme.
Il est nécessaire de renforcer l'attractivité du territoire « France », afin
d'exploiter davantage et mieux son potentiel économique. Il convient de
favoriser l'aménagement du territoire et le développement local, par le biais
des contrats de plan Etat-région et du programme de consolidation des
hébergements de tourisme social. Pour ces derniers, le secrétariat d'Etat au
tourisme a obtenu une progression de 60 % des crédits de paiement en 2003, soit
une augmentation de 4,2 millions d'euros. Plusieurs membres de la commission
jugent nécessaire de favoriser le tourisme rural et de participer au
développement des zones situées à l'écart des grands flux touristiques.
Le troisième axe prioritaire de votre secrétariat d'Etat concerne le domaine
social. Les actions visant à développer l'accès aux vacances des personnes
handicapées, des jeunes et des personnes en difficulté sociale seront
confortées, et notre commission en est satisfaite.
Elle a également manifesté son intérêt pour votre programme de travail
législatif très complet, auquel nous espérons être étroitement associés.
Notre commission a néanmoins exprimé plusieurs préoccupations.
La première concerne la situation aux Antilles, qui appelle des mesures de
soutien de la part des pouvoirs publics. Avec Mme Girardin, vous proposerez
bientôt aux acteurs locaux des pistes pour favoriser le développement de la
Guadeloupe et de la Martinique.
Notre deuxième préoccupation touche au secteur de la montagne. Les
statistiques montrent une désaffection de cette destination touristique en
raison d'une offre encore insuffisamment adaptée à la demande. Il convient
d'aider davantage les professionnels pour le tourisme d'hiver et pour le
tourisme d'été, en particulier dans le domaine de l'hébergement.
Dans cet esprit, je souscris pleinement aux excellentes propositions de la
mission commune d'information chargée de dresser un bilan de la politique de la
montagne.
La troisième préoccupation concerne l'extension du taux réduit de TVA à la
restauration. Je suis convaincu que le Gouvernement saura obtenir l'accord de
nos partenaires européens lors des négociations de 2003 - il est impératif
qu'il y parvienne - et que cette question soit enfin réglée en 2004.
La dernière préoccupation, enfin, est relative à l'emploi. On peut se réjouir
des premières réformes intervenues cet été et cet automne tendant à aider les
entreprises à recruter des jeunes non qualifiés et à assouplir la législation
relative au temps de travail. Toutefois, le secteur du tourisme doit faire
l'objet d'une attention soutenue pour bénéficier d'une main-d'oeuvre qualifiée
et susciter des vocations nouvelles de la part des jeunes.
Compte tenu de ces différentes observations, et des orientations
incontestablement positives du budget du secrétariat d'Etat au tourisme, la
commission des affaires économiques a donné un avis favorable à l'adoption de
ses crédits pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union
centriste et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République : 12 minutes ;
Groupe socialiste : 10 minutes ;
Groupe de l'Union centriste : 7 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants : 5 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen : 5 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minues.
La parole est à Mme Anne-Marie Payet.
Mme Anne-Marie Payet.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les
crédits demandés au titre du tourisme pour 2003 s'élèvent à 75 millions
d'euros, soit une augmentation de 1,6 % par rapport à 2002. Cette augmentation
est faible comparée aux années précédentes, mais le contexte budgétaire nous
oblige à plus de rigueur dans la définition des priorités de la politique de la
France.
La France est la destination préférée des touristes, devant l'Espagne et les
Etats-Unis. A cet égard, elle doit conserver cette place privilégiée qui est
une source de richesses importante pour notre économie.
Paris est, bien entendu, la première concernée par cet engouement touristique,
mais le tourisme touche également d'autres zones de notre territoire, comme la
mer, la montagne, la campagne, ainsi que nos territoires d'outre-mer.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous revenez de la Réunion, où j'ai eu le
plaisir de vous accueillir. Vous avez pu ainsi répertorier, dans le domaine du
tourisme, toutes les potentialités de notre département, mais aussi tous les
problèmes qui y sont liés. Je ne vais donc pas vous les détailler à nouveau. Je
ferai toutefois remarquer que Cilaos, qui est la deuxième destination des
touristes après notre volcan, n'était pas inscrit dans le programme de vos
déplacements, et je le déplore. En effet, vous auriez pu vous rendre compte,
monsieur le secrétaire d'Etat, que la route qui mène à ce village a la
particularité d'être à la fois un atout, en raison de son caractère
pittoresque, et un handicap à cause des risques, surtout en période cyclonique,
d'où la nécessité de la sécuriser davantage. Mais vous reviendrez et je me
ferai le plaisir de vous accueillir à nouveau.
M. Jean-François Le Grand.
Avec du vin de Cilaos !
(Sourires.)
Mme Anne-Marie Payet.
La politique décidée et menée au niveau de l'Etat est particulièrement
importante, car elle concerne le dynamisme de nombreux bassins de vie et le
maintien d'un grand nombre d'emplois.
Outre cette politique menée au niveau de l'Etat, le tourisme est un secteur
d'activité dont la gestion est aujourd'hui fortement décentralisée. Grâce aux
contrats de plan Etat-région, la région est la collectivité locale principale
en matière de tourisme.
Par les contrats de plan, les partenaires régionaux et locaux favorisent le
développement local et jouent un rôle essentiel dans la diversification et
l'adaptation de l'offre touristique. Cinq priorités peuvent ainsi être dégagées
: l'amélioration de la qualité et de la commercialisation des hébergements
touristiques ; l'organisation et la mise en oeuvre d'un dispositif d'évaluation
stratégique de l'économie touristique ; l'adaptation des entreprises
touristiques aux évolutions du marché ; l'accès du plus grand nombre au
tourisme et aux loisirs ; et, enfin, le renforcement par le tourisme de
l'attractivité des territoires en intégrant le concept de développement
durable.
La région constitue un échelon d'autant plus déterminant pour la mise en
oeuvre d'une véritable politique d'aménagement touristique que la loi du 27
février 2002 relative à la démocratie de proximité renforce les compétences des
régions dans le domaine du tourisme.
Selon la loi du 23 décembre 1992 portant répartition de compétences dans le
domaine du tourisme, les différentes collectivités ont des compétences
concurrentes en la matière. Toutefois, les régions disposent d'un privilège de
compétence en matière de planification touristique.
Ainsi deux compétences d'Etat sont transférées à la région. Il s'agit, d'une
part, d'assurer le recueil, le traitement et la diffusion des données relatives
à l'activité touristique dans la région et, d'autre part, de coordonner les
initiatives publiques et privées dans les domaines du développement, de la
promotion et de l'information touristique.
De nombreux organismes ont également compétence en matière de politique
touristique. Les moyens sont distribués à différents échelons. Il est donc
parfois difficile d'identifier l'acteur idoine pour un sujet bien déterminé.
La région est la collectivité locale compétente en matière de tourisme, mais
l'échelon départemental, avec les comités départementaux de tourisme, constitue
également un acteur important de l'aménagement touristique. En conséquence, il
me semble nécessaire, monsieur le secrétaire d'Etat, de clarifier les rôles,
d'instaurer davantage de cohérence dans la mise en oeuvre des politiques
touristiques et de donner à chacun un rôle clairement identifié. Cela est pour
moi particulièrement important compte tenu de l'actualité.
Le projet de loi constitutionnelle relatif à l'organisation décentralisée de
la République prévoit de constitutionnaliser la notion de « communauté chef de
file » lorsque plusieurs échelons territoriaux sont concernés par un même
sujet. Cette notion de chef de file s'appliquera sans aucun doute en matière
touristique. N'est-ce pas également l'occasion de redéfinir le rôle de chacun
en matière de tourisme ?
Cette nécessité de clarifier l'organisation de l'aménagement touristique est
importante car elle permettra, sans aucun doute, de dynamiser notre politique
touristique, d'utiliser aux mieux les moyens qui y sont affectés et de cibler
plus précisément les attentes et les besoins.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à Mme Evelyne Didier.
Mme Evelyne Didier.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etart, mes chers collègues,
tout d'abord, je voudrais rappeler un certain nombre de faits quant à la
situation générale de l'activité touristique.
Si le projet de budget du tourisme, avec ses 75,04 millions d'euros, ne
représente que 0,39 % du budget du ministère, l'industrie touristique contribue
de façon importante à l'activité économique de la nation : il demeure le
premier poste de la balance des paiements avec plus de 13 milliards d'euros
d'excédent, ce qui représente 7 % du produit intérieur brut. C'est l'équivalent
de l'industrie manufacturière, ce qui me conduit à dire que le tourisme est un
peu « le pétrole » de la France puisque ce que nous gagnons ici est proche de
ce que nous dépensons en matière énergétique.
Pour autant, cela ne peut nous faire oublier certaines caractéristiques de la
situation de ce secteur. J'en citerai deux : l'emploi et la fiscalité.
S'agissant de l'emploi, nous savons pertinemment que le tourisme est un
secteur encore marqué par la précarité, même si l'action des ministres qui vous
ont précédé a permis de modifier certaines contraintes imposées aux salariés.
Je pense notamment aux mesures fiscales relatives à la taxe de séjour que nous
avons votées dans le cadre de la loi de finances initiale pour 2002 et que
payaient les employés saisonniers.
Cela dit, le secteur touristique, parce qu'il continue de proposer des emplois
mal rémunérés et à fortes contraintes, présente aujourd'hui un déficit de
recrutement qu'il faudra bien examiner sérieusement.
En matière fiscale, l'abaissement de la TVA, si cette demande de la profession
est retenue, sera-t-elle destinée à permettre une évolution positive de la
situation des salariés ? La plus extrême vigilance devra être apportée sur les
contreparties sociales d'une telle réduction de TVA, si elle devait
intervenir.
Revenons maintenant aux données propres au projet de budget. Nous constatons
la stagnation des crédits ouverts, avec une augmentation de 1,6 % proche de
l'inflation, en rupture avec la progression dynamique enregistrée dans les lois
de finances précédentes.
La régulation budgétaire intervenue en 2002, avec le gel des crédits, qui a
aussi touché de nombreux autres domaines, pèsera sur les capacités de l'Etat à
faire face, dans l'avenir, à ses engagements, notamment dans le cadre des
contrats de plan Etat-région. En effet, la forte régression des crédits
affectés, dans le chapitre « Développement de l'économie touristique », à la
ligne consacrée aux moyens d'intervention ne peut que nous inquiéter.
J'ai noté les baisses suivantes : 8,1 % pour l'observation économique, 29 %
pour les interventions stratégiques, 20 % pour les contrats de plan Etat-région
et 50 % pour le développement territorial du tourisme.
Par ailleurs, nous pouvons aussi souligner la réduction des crédits du titre
IV, notamment de ceux qui sont destinés au développement de l'activité des
comités et offices du tourisme régionaux et départementaux et au secteur
associatif d'une manière générale, secteur qui se trouve de ce fait
fragilisé.
Les moyens des services ne sont pas mieux lotis, puisque la dotation pour
charges de personnel est en baisse, comme si l'on prévoyait de ne plus pourvoir
certains postes aujourd'hui vacants.
S'agissant du programme de consolidation des hébergements de tourisme social,
la chute de 10 % des autorisations de programme est inquiétante pour
l'avenir.
Enfin, vous le savez, 40 % des Français ne partent pas en vacances. Le droit
aux vacances a pourtant été consacré par l'article 140 de la loi d'orientation
relative à la lutte contre les exclusions. Si nous pouvons nous féliciter du
dispositif des chèques-vacances, il peut encore être amélioré et nous
présenterons un certain nombre d'amendements allant dans ce sens lors de la
discussion des articles non rattachés.
Enfin, nous ne pouvons qu'insister sur la nécessité de développer l'action en
faveur du droit aux vacances pour les publics prioritaires. Si nous notons le
maintien de la subvention aux bourses solidarité vacances, nous demandons que
des efforts supplémentaires soient faits rapidement pour que les familles, les
jeunes exclus du droit aux vacances voient enfin ce droit reconnu et qu'un plus
grand nombre d'entre eux puisse en bénéficier.
Le défi du droit aux vacances reste à relever et l'on peut estimer, après cinq
ans d'efforts, que nous devons agir encore pour qu'il devienne effectif.
Au terme de ces quelques remarques, je ne peux que vous indiquer notre refus
de voter les crédits du budget dévolu au tourisme.
(Applaudissements sur les
travées du groupe CRC.)
M. Jean-François Le Grand.
Dommage !
M. le président.
La parole est à M. Paul Dubrule.
M. Paul Dubrule.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je
ne reviendrai pas sur les deux excellents rapports de nos collègues, Mme
Beaudeau et M. Ginesy. J'insisterai seulement sur quelques points qui me
tiennent à coeur.
Tout d'abord, dans un esprit de continuité par rapport à l'année dernière, je
répéterai que ce petit budget me convient, car il est stable en euros constants
et n'a pas de raison d'être augmenté. Le tourisme rapporte 15 milliards
d'euros, alors que les crédits du ministère du tourisme atteignent 75 millions
d'euros. Vous avez, monsieur le ministre, le meilleur rendement ministériel
!
Mais ne nous laissons pas abuser par les chiffres, car l'investissement pour
le développement du tourisme est infiniment plus important et provient de deux
sources distinctes.
La première est transversale, Mme Beaudeau l'a déjà souligné, onze ministères
investissant au total 1,3 milliard d'euros dans le secteur du tourisme, soit 18
fois le budget du ministère du tourisme.
La deuxième est verticale ; il s'agit d'une décentralisation avant la lettre.
Je pense aux comités régionaux et départementaux du tourisme, aux milliers
d'offices de tourisme, sans oublier l'Agence française d'ingénierie
touristique, l'AFIT, l'Observatoire national du tourisme, l'ONT, et, bien sûr,
la Maison de la France, initiative exemplaire de l'un de vos prédécesseurs, M.
Jean-Jacques Descamps.
Une consolidation des chiffres s'impose, qui permettrait de prendre la juste
mesure de l'investissement en faveur du tourisme dans notre pays et du réel
poids de ce poste dans le budget de la nation. Mais, à ce jour - j'ai interrogé
les spécialistes - personne ne connaît les chiffres.
De plus, et du fait de cet éparpillement, on constate trop souvent, lors des
grandes manifestations de promotion du tourisme français, une dizaine, voire
une vingtaine de représentants français, sans coordination au niveau
national.
Les moyens mis en place sont donc importants et votre ministère joue un rôle
de coordination à la fois interministériel et territorial, qui justifierait,
pour son efficacité, comme je l'ai déjà mentionné à plusieurs occasions, un
rattachement aux services du Premier ministre.
Je souhaite maintenant insister sur quelques points particuliers, comme la
baisse de la TVA sur la restauration promise par le précédent gouvernement. Je
note avec satisfaction que le dossier sera défendu à Bruxelles et qu'il est
soutenu au plus haut niveau du Gouvernement, ce qui n'avait jamais été fait
dans le passé.
L'application acrobatique des 35 heures dans le secteur du tourisme est
catastrophique. Tout le monde souffre : hôtels, restaurants, musées et, d'une
manière générale, la qualité de l'accueil. Dans ce domaine, les grandes
entreprises souffrent peut-être moins que l'hôtellerie familiale, pour qui
cette dernière contrainte est de trop. La fermeture de ces établissements est à
craindre et c'est grave, car le maillage de l'accueil, de l'hébergement en
France est familial. Une commune qui perd son hôtel ou son restaurant perd de
sa vie sociale. C'est en effet un équipement « structurant », comme disent les
experts.
Si la sécurité des biens et des personnes dans les métiers du tourisme est
fondamentale, il est une autre mission que l'Etat doit assurer : c'est la
formation à laquelle doivent s'associer, bien sûr, les entreprises privées. Il
n'y a pas de secret : le personnel est de qualité si on lui donne une formation
de qualité. C'est notre rôle primordial, nous ne devons pas l'oublier.
Il sera intéressant, à cet égard, de connaître les résultats de la mission sur
la formation aux métiers du tourisme que vous allez confier à un
parlementaire.
Les années 2003 et 2004 seront déterminantes pour l'organisation de ce
secteur, lors de la mise en oeuvre des textes sur la décentralisation.
Les nouvelles compétences données aux régions ne pourront que fédérer les
actions souvent éparses, voire contradictoires, menées sur le territoire. Une
meilleure utilisation des crédits, non seulement ceux qui sont dédiés au
tourisme, mais aussi ceux de la culture, des transports, de l'environnement,
contribuera à rendre l'offre touristique plus performante et à améliorer la
répartition des touristes sur le territoire.
Enfin, le tourisme, c'est aussi le développement durable, ce qui exige d'aller
au-delà d'une saison, d'une année, de quelques dizaines d'années. Il s'agit
d'exploiter des sites, mais aussi de les préserver, d'en profiter tout en
faisant en sorte que les générations futures puissent également en profiter.
C'est avant tout un état d'esprit, et je souhaite qu'il soit pris en compte
dans les actions que votre département ministériel entreprendra ou qu'il
cautionnera.
Monsieur le secrétaire d'Etat, considérez qu'il ne s'agit pas pour moi de vous
présenter une liste de revendications, mais d'avancer des propositions qui ne
sont motivées que par l'attention que porte cette assemblée au fleuron de notre
économie.
(Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et
des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Raoult.
M. Paul Raoult.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, au
moment où nous débattions, l'année passée, du budget du tourisme, nous ne
mesurions pas encore les effets qu'auraient les attentats de septembre 2001 sur
le tourisme mondial et les flux en France.
Selon les informations qui nous sont données par les obervatoires économiques,
la France n'a connu qu'un ralentissement de son taux de progression de
fréquentation, notamment de la part des clientèles nord-américaine et
japonaise.
Malgré ce choc international, la bonne tenue du tourisme en France démontre à
quel point les efforts accomplis par le précédent gouvernement, durant cinq
années, ont été déterminants pour soutenir l'activité économique touristique et
la faire reconnaître comme telle.
Les crédits qui nous sont soumis aujourd'hui sont quasi stables par rapport à
2002 - ils progressent de 0,4 % -, alors qu'un gros effort de rattrapage avait
été consenti pour compenser le recul marqué de 1993 à 1997.
Rappelons rapidement les enjeux.
L'activité touristique représente un peu plus de 752 000 emplois salariés et
188 000 emplois non salariés ; elle concerne plus de 206 300 entreprises
réparties sur l'ensemble du territoire français.
Le tourisme est un des vecteurs de valorisation de la culture et du
savoir-faire de notre pays.
Cette activité génère environ un million d'emplois directs et autant d'emplois
indirects.
Toujours première destination touristique au monde en 2001, la France
présentait une balance des paiements excédentaire de 15,107 milliards d'euros,
ce qui est tout proche de son chiffre record de l'année 2000, où l'on
enregistrait 15,415 milliards d'euros. Le montant des dépenses touristiques est
estimé à 97,1 milliards d'euros.
Pour donner plus de perspective à ces chiffres, il faut bien intégrer que le
potentiel de développement de cette économie est encore très fort et que le
soutien de l'Etat ne doit pas être relâché.
En effet, nous devons rester conscients de ce que, d'une part, les Français
qui partent en vacances, choisissent de plus en plus volontiers des
destinations à l'étranger et que, d'autre part, ils partent de moins en moins
en vacances, tant en hiver qu'en été, et de manière plus fractionnée. De plus,
40 % environ de nos concitoyens ne partent jamais en vacances.
Je crois qu'il était important de rappeler ces éléments qui montrent quel
levier le tourisme constitue pour l'économie française, et les efforts qu'il
faut continuer à déployer.
Le projet de budget pour le tourisme 2003 qui nous est proposé est donc quasi
stable par rapport à celui de 2002. Les crédits de fonctionnement du ministère
s'élèvent à 22,45 millions d'euros, dotation équivalente à celle de 2002.
Toutefois, les dépenses de personnel sont en légère baisse, tandis que les
moyens de fonctionnement des services sont en augmentation, sur les crédits
d'études, de 5,4 %.
Avec une prévision de 41,47 millions d'euros en faveur de la politique de
développement de l'économie touristique, monsieur le secrétaire d'Etat, vous
proposez une diminution qui s'applique à tous les postes du chapitre 44-01 du
projet de budget. Seule la ligne de crédit destinée à la promotion en France et
à l'étranger - Maison de la France - échappe à cette règle et voit son budget
porté à 28 millions d'euros, soit une hausse de 2,4 %, ce que nous saluons.
Une diminution est également forte sur l'article 30, article budgétaire dédié
à la réalisation de nouveaux programmes de rénovation des hébergements de
tourisme social. Les autorisations de programme sont en baisse de 10 % par
rapport à la programmation de 2002.
Enfin, s'agissant du chapitre 66-03 qui concerne les crédits d'investissement
liés aux contrats de plan Etat-région, il est légèrement augmenté, à hauteur de
2,4 %.
Au-delà de ces chiffres, ce projet de budget sur le tourisme est décevant. Il
porte sur un volume trop faible au regard des résultats et des progressions
enregistrées au cours des dernières années.
En effet, ce budget est caractérisé par une baisse des moyens d'engagement, je
veux parler du soutien que l'Etat compte apporter au programme de tourisme
associatif. Lancé en 2002, un nouveau plan pluriannuel n'avait pu se réaliser
pour des raisons administratives. Ces dernières sont, depuis, réglées, le
projet de rénover trois cent cinquante établissements d'ici à 2006 n'a plus
d'obstacle aujourd'hui, si ce n'est le coup de frein surprenant de 10 % sur le
chapitre budgétaire correspondant.
Ce programme d'aide à la pierre constitue une nécessité pour adapter les
centres aux nouvelles exigences des touristes, tout en maintenant des prix de
journées et de séjour acceptables pour les familles et les groupes concernés
par ce type d'accueil.
Une simple reconduction des dotations en faveur des bourses solidarité
vacances, d'un montant de 1,22 million d'euros, ainsi que des actions pour
améliorer l'accès aux personnes handicapées, semble, pour notre groupe,
insuffisante compte tenu du retard cumulé depuis plusieurs décennies et de la
demande bien légitime que le Gouvernement doit entendre pour que les vacances
soient un droit pour tous les Français.
Ma deuxième remarque concerne le soutien aux interventions stratégiques. La
diminution de 23 % des crédits est totalement inadaptée. Nous mettions
précédemment l'accent sur l'intérêt majeur que représentent les centres de
ressources et la capacité d'expertise et de suivi de la politique nationale des
centres de ressources et des délégations régionales. L'Etat est ici totalement
dans son champ de compétences pour donner les moyens d'anticiper et d'impulser
une véritable politique touristique par rapport à un marché international en
pleine mutation.
Seuls les crédits alloués en faveur de Maison de la France, dont je salue le
travail en faveur de l'image touristique de notre pays, enregistrent une légère
augmentation qui reste toutefois insuffisante au regard des financements
apportés notamment par les régions.
Il en est de même des crédits de fonctionnement qui, apparemment, progressent
de 5,4 %, alors que les crédits d'intervention subissent une baisse de 6,8 %.
L'augmentation de postes comme celui des dépenses de personnel ou des moyens de
fonctionnement n'est qu'un artifice de présentation, puisqu'il s'agit, en
réalité, d'ajustements de situations réelles, de transferts de chapitres, de
réductions des crédits destinés aux rémunérations des agents publics en poste à
l'étranger, ou encore de transformations d'emplois dans les services
déconcentrés.
Ma troisième remarque porte sur l'évolution des crédits d'investissement
consacrés aux contrats de plan Etat-régions. Elle ne repose que sur
l'inscription effective des crédits sur lesquels l'Etat s'est engagé en
contrepartie de dotations des régions et des collectivités locales. Nous sommes
actuellement dans la phase active de ces contrats. L'Etat ne pourrait expliquer
une autre position.
Enfin, pour conclure cette intervention, je souhaite attirer l'attention de
nos collègues sur trois sujets qui me tiennent à coeur.
Premièrement, il me semble déterminant de poursuivre le travail engagé par le
précédent gouvernement sur la clarification des champs de compétences. Le
tourisme est une activité économique en tant que telle, particulièrement
adaptée à notre volonté d'aménagement du territoire et à la valorisation des
richesses de nos pays. Son effet est particulièrement important sur le
développement du tourisme rural.
Deuxièmement, il est nécessaire de développer et d'organiser la formation aux
métiers du tourisme. Ils constituent souvent de véritables professions, parfois
des vocations, souvent hautement qualifiées, en constante évolution, car le
marché change et les exigences font progresser ce secteur.
Troisièmement - et ce point est un peu personnel -, il convient d'aider les
fédérations dans leur travail de classement et de labellisation de
l'hébergement, en particulier Gîtes de France et Clévacances. C'est un travail
remarquable qui est accompli par les fédérations qu'il nous faut mieux aider
pour garantir l'excellence de tous nos hébergements.
Je ne trouve pas, monsieur le secrétaire d'Etat, dans ce budget pour 2003,
l'annonce d'un soutien fort de l'Etat, alors que nous sommes là au coeur de nos
préoccupations, dans une logique de structuration, de qualification d'une
partie de l'économie française et de solidarité entre les régions.
Ce projet de budget pour 2003 est donc décevant du fait de la modestie de son
volume - il représente 0,3 % du budget du ministère de l'équipement - et au
regard des efforts déployés et des progressions enregistrées au cours des
dernières années.
Il est inadapté, car il est trop faible eu égard à l'importance des enjeux
économiques du secteur touristique en France, notamment dans nos régions. Les
moyens d'engagement, les aides aux interventions stratégiques sont marquées
d'un coup de frein dont on pressent déjà les effets.
Aussi, monsieur le secrétaire d'Etat, le groupe socialiste est au regret de
devoir voter contre les crédits du tourisme pour 2003.
M. le président.
La parole est à M. Jean-François Le Grand.
M. Jean-François Le Grand.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
après cette vision panoramique du tourisme et du budget du tourisme, je
souhaite simplement formuler quelques observations en tant que président du
conseil général d'un département à la fois littoral et rural et à fort
potentiel touristique.
L'observation au ras de la plage ou au ras du terrain
(Sourires)
montre qu'il existe des possibilités d'amélioration de l'activité touristique,
en recourant à des mesures qui sont relativement simples, qui ne coûtent pas
d'argent et qui permettraient d'activer un secteur terriblement important en
termes de créations d'emplois.
Monsieur le secrétaire d'Etat, ayant déjà eu l'occasion de vous faire part de
ces observations et, notamment, de huit mesures dont je m'étais permis de
dresser la liste, je me contente de les citer très rapidement pour qu'elles
soient actées.
Ma première observation concerne les entreprises touristiques. Dans des
départements comme le nôtre, il s'agit de micro-entreprises qui ont besoin
d'une simplification administrative, mais aussi d'aides économiques de
proximité relevant plutôt des départements que des régions, car l'éloignement
des centres de décision au regard des mesures d'accompagnement rend l'accès à
ces dispositifs difficile.
Ma deuxième observation a trait à la formation dans le domaine touristique. Le
secteur a besoin de plans de formation initiale qui soient parfaitement adaptés
aux différentes spécificités des métiers du tourisme. Il n'y a pas un métier du
tourisme mais des métiers complètement différents selon les endroits. Ces
formations initiales répondent à un besoin soit de ceux qui en manquent
a
priori,
soit de ceux qui veulent faire évoluer leur propre parcours
personnel. Il importe, selon moi, de faciliter une telle démarche. De même, à
l'échelon régional comme à l'échelon national, il serait nécessaire
d'harmoniser ces différentes formations.
La troisième observation concerne l'action de l'Etat : nous avons besoin, en
la matière, de transversalité et de coordination. Je vous avais suggéré de
mettre en place une cellule de coordination ; cela a été repris par un certain
nombre de mes collègues qui ont appelé de leurs voeux une « coordination » des
différents ministères ou des différents services qui agissent dans le domaine
du tourisme.
En effet, c'est un véritable parcours psychédélique pour quelqu'un qui ne
connaît pas forcément les rouages et les arcanes de l'administration et qui
souhaite monter des dossiers de ce genre. D'où la nécessité de transversalité,
de coordination et de simplification.
Ma quatrième observation concerne l'amélioration de la relation entre l'Etat
et les collectivités territoriales, à travers, notamment, un schéma national
d'aménagement et de développement touristique. Si vous aviez ce schéma,
monsieur le secrétaire d'Etat, vous pourriez l'offrir à la contractualisation
dans le cadre des contrats de plan Etat-région et les régions et les
départements pourraient en faire leurs choux gras, ce qui amplifierait l'effet
des mesures ou des financements que vous mettez en place.
La cinquième observation concerne les mesures organisationnelles, mais je n'en
dirai presque rien, car il en a déjà été question.
J'évoquerai rapidement, sixième observation, l'encadrement des entreprises et
des structures, qui nécessite également une simplification.
J'en viens à deux observations, les deux dernières, sur les mesures fiscales
et les aides publiques aux stations touristiques.
Monsieur le secrétaire d'Etat, s'agissant de micro-entreprises à un seul
salarié, ne pourrait-on pas mettre en place une sorte de fiscalité progressive
au fur et à mesure que l'entreprise se développerait ? Ne pourrait-il pas y
avoir une adaptation de la fiscalité à la réalité de l'entreprise ? L'imposer
dès le premier jour et la première année est souvent facteur d'échec ou
d'abandon. Cette formule nous permettrait de résoudre un certain nombre de
problèmes.
Enfin, parce que les stations touristiques vieillissent, ne pourrait-on pas
mettre en place une sorte de fonds national destiné à leur donner les moyens de
se rénover, de se redynamiser ? Certaines d'entre elles ont accumulé des
retards, je sais bien que ce n'est pas la faute de l'Etat ni celle des
gouvernements, cela relève d'autres responsabilités. Cela étant, ces stations
touristiques, qui sont parfois mal en point, mériteraient d'être aidées. Cela
contribuerait à développer l'essentiel de l'économie touristique.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Léon Bertrand,
secrétaire d'Etat au tourisme.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, je tiens tout d'abord à souligner la qualité du travail effectué
par les deux rapporteurs, Mme Marie-Claude Beaudeau, rapporteur spécial, et M.
Charles Ginésy, rapporteur pour avis.
J'ai apprécié la précision et l'exhaustivité remarquables des documents
présentés. Pour ma première présentation du budget du tourisme devant le Sénat,
ces rapports constituent pour moi un apport précieux.
A travers les interventions des orateurs, j'ai perçu également le très grand
intérêt que votre assemblée porte à la première industrie nationale. Je
répondrai aux uns et aux autres dans la deuxième partie de mon intervention.
Je souhaite d'abord mettre en perspective les priorités sur lesquelles est
construit notre budget pour 2003, en répondant, notamment, aux questions
soulevées par les rapporteurs.
Madame la rapporteur spécial, monsieur le rapporteur pour avis, le contexte
international, comme vous l'avez souligné dans vos différents rapports, est
très difficile. Il convient de rappeler que les événements dramatiques du 11
septembre 2001 et, plus récemment, ceux de Bali et du Kenya ont profondément
affecté le tourisme mondial.
Alors que les déplacements touristiques internationaux connaissaient une
croissance de 5 % par an jusqu'en 2001, le bilan de cette année affichait une
baisse de 1,3 % dans le monde.
Dans ce contexte difficile, la France est restée néanmoins très attractive en
accueillant, en 2001, plus de 76,5 millions de touristes étrangers qui ont
apporté en France 33,9 milliards d'euros, donnant ainsi un solde positif de 15
milliards d'euros au poste « voyages » des échanges extérieurs.
Il faut, à ce propos, souligner que ce résultat met le tourisme au premier
rang des secteurs économiques de notre pays. Beaucoup d'entre vous l'ont
souligné. Cela ne doit pas nous faire oublier que le tourisme reste un secteur
fragile, sensible aux événements et soumis à une concurrence mondiale offensive
qui interdit de relâcher nos efforts.
Mesdames, messieurs les sénateurs, dans le contexte actuel de maîtrise des
dépenses publiques, l'ensemble des moyens de paiement du tourisme - 75 millions
d'euros - croît légèrement, alors que celui des moyens d'engagement reste
pratiquement stable.
De plus, le soutien budgétaire à la politique du tourisme ne se limite pas à
la seule section « tourisme ». D'autres crédits sont, par ailleurs, mis en
oeuvre par plusieurs départements ministériels.
A ce sujet, Mme Beaudeau et M. Ginésy demandent la création d'une annexe
informative spécifique au tourisme. Il s'agit, certes, d'une possibilité, mais
la perspective de la loi organique relative aux lois de finances contredit
cette idée. Pour répondre à leur préoccupation, j'ai demandé à mes services,
sans attendre, une analyse des crédits mis en oeuvre en 2002 par les différents
ministères en faveur du tourisme.
Il s'agit cependant, avant tout, de mieux utiliser les crédits mis à notre
disposition, avec un souci d'efficacité, de transparence et une exigence de
vérité.
L'un des axes majeurs du secrétaire d'Etat au tourisme est de contribuer au
développement de l'action internationale par une vigoureuse promotion de la
France à l'étranger et le renforcement de l'attractivité du territoire « France
». Le but est d'inciter les touristes étrangers à choisir la France comme
destination et à prolonger leurs séjours, ce qui répond à la préoccupation de
M. Ginésy.
Le tourisme est donc le premier poste excédentaire de la balance des paiements
: il représente 7 % du PIB. Si la France est la première destination
touristique du monde, elle ne tient que le troisième rang mondial au niveau des
recettes.
Le potentiel économique existe donc et doit être mieux exploré.
Portée à 28,1 millions d'euros, soit une augmentation de 2,6 %, la subvention
de l'Etat au groupement d'intérêt économique Maison de la France assure
pratiquement la moitié du budget du GIE, financé, parallèlement, par les
professionnels membres du groupement.
Maison de la France a notamment en charge la gestion de la campagne « Bonjour
» ainsi que celle des campagnes qui confortent l'image touristique de la
destination France, notamment avec la campagne « J'aime la France ».
L'augmentation de la subvention en 2003 doit permettre de dynamiser notre
représentation à l'étranger et d'intensifier les campagnes de promotion de
notre pays dans le contexte délicat de l'après 11-septembre.
Par ailleurs, en ce qui concerne le statut de certains personnels de Maison de
la France évoqué par les deux rapporteurs, je me suis engagé à étudier cette
question sur le fond et les premières démarches concernant un aspect de ce
problème ont déjà été engagées.
Mme Beaudeau a également souhaité attirer l'attention du Gouvernement sur
l'évolution du tourisme d'affaires, notamment à Paris. Je suis sensible à cette
remarque. C'est la raison pour laquelle j'ai accordé des moyens supplémentaires
à Maison de la France, qui prendra désormais en compte cette nouvelle
donnée.
La recherche de l'augmentation des flux du tourisme international doit être
nécessairement précédée d'études d'impact indispensables à la définition des
cibles. Ces études devront être affinées en complément de celles déjà
réalisées.
En augmentation de 28 % par rapport à celle de l'année dernière, la dotation
pour les études atteindra 2,6 millions d'euros en 2003. Elle permettra de
poursuivre la rénovation de l'enquête aux frontières. Cette enquête fournit une
grande part des données transmises à Eurostat, dans le cadre de la directive
européenne sur les statistiques du tourisme.
Un dispositif permanent d'observation des flux de touristes non résidents sera
ainsi mis en place, à terme.
Corrélativement, l'innovation technologique dans le secteur touristique doit
être soutenue et accompagnée par l'Etat pour rendre cohérente et homogène
l'offre des acteurs nationaux. Cette dernière pourra ainsi proposer des
services et des produits touristiques personnalisés en ligne. Je souhaite
accélérer le développement de l'outil de mise en ligne sur Internet de l'offre
touristique française, dont une déclinaison, au niveau européen, est en cours
de mise en oeuvre. Je pense en particulier au serveur national de réservation,
Resinfrance, et au site Internet franceguide.com.
La valorisation du produit touristique constitue, au même titre que la
promotion à l'étranger, un enjeu majeur de la politique du tourisme. Sa mise en
oeuvre est confiée à l'Agence française d'ingénierie touristique, l'AFIT.
Ses moyens sont globalement maintenus à un bon niveau, afin de lui permettre
de développer son savoir-faire. L'un des objectifs qui lui seront fixés sera de
développer de nouveaux partenariats et de rechercher ainsi de nouveaux
financements.
Les moyens octroyés à l'association Observatoire national du tourisme sont
également globalement maintenus.
Dans ce cadre, vous savez l'importance que j'attache au développement de
l'outil statistique, et c'est pourquoi je vous informe que j'ai demandé à M.
Francis Mer de mettre en place une mission générale d'étude sur l'observation
statistique en France. Celle-ci visera à proposer une rationalisation des
structures existantes.
Ma deuxième priorité budgétaire pour 2003 sera d'amplifier une politique
dynamique de l'aménagement des structures touristiques, dans le cadre d'un
développement durable qui s'inscrira dans une offre touristique diversifiée. Il
s'agit de restructurer cette offre, en partenariat avec les collectivités
locales.
Le développement territorial du tourisme en investissement - inscrit au titre
VI - comprend, d'une part, les contrats de plan Etat-région, pour lesquels 206
millions d'euros seront mobilisés entre les années 2000 et 2006, et, d'autre
part, le programme de consolidation des hébergements de tourisme social, qui
prévoit des crédits d'un montant de 27,44 millions d'euros sur la période
allant de 2001 à 2006.
Ainsi, en 2003, la progression des crédits de paiement pour ces programmes
sera particulièrement forte, - 4,15 millions d'euros - soit une augmentation de
59,7 %.
Par ailleurs, l'aménagement des structures touristiques doit également
concerner l'outre-mer. C'est pour cette raison que je prépare, en liaison avec
Mme la ministre de l'outre-mer, un plan d'urgence pour le tourisme dans les
départements et territoires d'outre-mer.
Un meilleur accueil des touristes passe nécessairement par une amélioration de
l'offre touristique. Je souhaiterais, dans cette optique, évoquer notamment les
questions de formation, de classement des villes touristiques et la baisse du
taux de la TVA dans le secteur de la restauration traditionnelle, questions
évoquées notamment par M. Ginésy.
S'agissant de la formation, une mission parlementaire - comme je l'ai indiqué
précédemment devant les différentes commissions - a été confiée à un élu.
Ainsi, Mme Arlette Franco sera chargée de dresser un bilan du dispositif
existant et devra proposer une évolution de la réglementation actuelle qui
tienne compte des besoins réels des professionnels du tourisme. Bien entendu,
la recommandation de M. Ginésy tendant à la coordination en matière de travail
saisonnier sera respectée.
Pour répondre aux préoccupations de Mme Beaudeau concernant le statut et
l'hébergement des saisonniers, et comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale,
j'ai lu le très intéressant rapport de M. Anicet Le Pors. Il me semble
nécessaire d'élargir la réflexion qu'il a menée en tenant compte également des
attentes des entreprises de tourisme à l'endroit des saisonniers.
Le régime des stations classées est fondé sur des textes anciens qui sont
maintenant codifiés, et il convient, après de nombreuses études, de préparer et
de mettre en place - en coordination avec les associations d'élus, les
professionnels et les administrations concernées - une réelle réforme du régime
de ces stations.
De même, j'ai pris des dispositions pour que la codification à droit constant
des textes relatif au tourisme soit achevée dans le courant de l'année 2003.
Par ailleurs, l'application du taux réduit de TVA dans le secteur de la
restauration traditionnelle doit dynamiser à la fois l'emploi, à l'image de la
baisse de la TVA appliquée aux travaux immobiliers, et l'attractivité de
l'offre, tout en favorisant l'aménagement du territoire dans le cadre d'un
tourisme durable. Cette réglementation est en cours de négociation avec les
autres pays européens.
En ce qui concerne la décentralisation, le Gouvernement a engagé un grand
débat national. Je souhaite que les missions confiées aux délégations
régionales au tourisme soient redéfinies, et qu'elles soient maintenues dans le
domaine des missions régaliennes de l'Etat.
La troisième priorité du secrétariat d'Etat au tourisme est de favoriser
l'accès aux vacances pour tous, ce qui conduit à consacrer à cette action 9 %
du budget total.
En plus du programme de consolidation de l'équipement du tourisme social, les
interventions dans le domaine social seront très présentes dans le budget du
tourisme pour 2003.
Les actions pour développer l'accès aux vacances sont confortées. Elles seront
conduites en fonction de trois axes principaux : l'accès au tourisme des
personnes handicapées, l'accès au tourisme des jeunes et l'accès au tourisme
des personnes en difficulté sociale.
L'année 2003 sera l'année européenne pour les personnes handicapées.
La mise en oeuvre du label « Tourisme et handicap » doit s'achever afin
d'inciter à l'élaboration d'une large gamme de produits spécifiques.
Dans le domaine du tourisme des jeunes, il sera donné suite aux analyses et
préconisations du rapport du Conseil économique et social et du rapport du
Conseil national du tourisme.
Pour les personnes en difficulté sociale, la volonté est de structurer la
Bourse solidarité vacances pour répondre aux attentes tant des opérateurs de
tourisme que des organismes sociaux pour la réalisation des objectifs
quantitatifs de départ de ces personnes.
Comme l'a souligné M. Ginésy, le régime d'attribution des chèques-vacances est
aujourd'hui trop restrictif. Un amendement est proposé pour simplifier le
mécanisme destiné aux très petites entreprises de moins de dix salariés.
Sur la situation aux Antilles, je me suis déjà longuement exprimé : je ne
reviendrai donc pas sur ce sujet d'importance.
Voilà, mesdames, messieurs les sénateurs, ce que je voulais dire en guise de
présentation globale de mon budget. J'aimerais répondre à présent aux questions
qui m'ont été posées par M. le rapporteur spécial et par M. le rapporteur pour
avis.
Tout d'abord, madame Beaudeau, vous avez évoqué la mission parlementaire
conduite par M. Patrick Ollier qui, en ce moment même, prend contact avec les
différents acteurs du terrain aux Antilles, aussi bien les élus que les
responsables syndicaux ou les professionnels. Les premières conclusions du
rapport de cette mission me seront certainement remises avant mon départ aux
Antilles, qui est prévu entre le 18 et le 22 décembre prochains.
Certains sénateurs se sont interrogés sur la TVA. De ce qui n'était qu'un
sujet de réflexion et de débat, nous sommes désormais passés à une situation
concrète, puisque la Commission européenne notamment son président, Romano
Prodi, a accepté le principe d'ouvrir un chantier. Par conséquent, des
discussions vont débuter dès le mois de janvier 2003 afin d'aboutir, nous
l'espérons, à un taux de TVA de 5,5 % à compter du mois de janvier 2004. Il
existe tout de même quelques résistances, notamment de la part des Allemands et
des Danois ; je me rends d'ailleurs le 10 décembre à Bruxelles, où j'ai
l'intention de rencontrer mes homologues et de tenter de les convaincre.
Monsieur Ginésy, vous avez évoqué le maintien de Maison de la France. Nous
sommes tous d'accord sur l'intérêt d'un tel organisme : si nous voulons que
notre pays reste la première destination touristique, il y a en effet un énorme
travail de promotion à réaliser. C'est la raison pour laquelle nous avons
privilégié les moyens mis à la disposition de Maison de la France.
Vous avez évoqué, monsieur le rapporteur pour avis, le problème des Antilles
ainsi que celui des montagnes.
Je me rends vendredi prochain en Haute-Savoie, sur l'initiative des élus et
des responsables de ce département. Ce sera pour moi l'occasion de montrer
l'intérêt que je porte à la relance de ce territoire qui rencontre depuis deux
ou trois ans des difficultés.
Nous aurons donc l'occasion d'étudier la situation dans le détail, car il est
sans doute nécessaire de définir une nouvelle politique. Nous savons bien que
la moyenne montagne souffre de retards ou parfois de manque d'enneigement. Une
réflexion gagnerait à être menée avec l'AFIT pour trouver d'autres produits
touristiques et que ces régions ne soient pas laissées pour compte.
J'en viens maintenant aux questions qui m'ont été posées par les orateurs.
Madame Anne-Marie Payet, sachez combien nous avons été heureux, mon équipe et
moi-même, d'être accueillis aussi chaleureusement à la Réunion. Il est vrai que
je n'ai pas eu le temps de me rendre à Cilaos. Je connais cependant cette
région pour avoir eu l'occasion, en 1993, de m'y rendre en tant que rapporteur
du budget. Je vous promets, bien entendu, de m'y rendre dès que je le
pourrai.
Vous avez évoqué le secteur du tourisme qui, il est vrai, est largement
décentralisé, ainsi que la nécessaire clarification des rôles entre les
différents acteurs qui, sur le terrain, mènent des opérations en vue de
diversifier le produit.
A l'occasion d'une réunion très intéressante à laquelle j'ai assisté la
semaine dernière à Saint-Pierre, j'ai pu constater un foisonnement de projets
grâce à la vigueur, à l'énergie et au génie local. Les hommes et les femmes y
sont déterminés, remplis d'audace et animés de beaucoup de créativité et
d'imagination. A mon sens, le tout doit pouvoir « respirer », mais nous sentons
bien que la présence d'un « facilitateur », d'un régulateur s'impose.
Précisément, le débat sur la décentralisation devrait nous permettre de
conforter le rôle des DRT, les délégués régionaux du tourisme. Sans animateur
sur le terrain, les règles du jeu que doivent jouer les uns et les autres
risquent de ne pas être comprises clairement.
Vous avez également évoqué le problème du développement durable. Je me suis
rendu à Mayotte la semaine dernière, connue pour son lagon qui est l'un des
plus beaux du monde. C'est là tout l'enjeu entre l'exploitation d'un produit
touristique et sa préservation, ce qui signifie que, dans toutes les actions
que nous mènerons en matière de tourisme, le développement durable sera
toujours présent.
Mme Evelyne Didier a évoqué les marges de manoeuvre que nous espérons dégager
lorsque la TVA sera à 5,5 %. Nous en avons déjà discuté avec les professionnels
et nous sommes d'accord sur ce que nous appelons les « trois tiers » : un tiers
de cette marge serait destinée à rendre les prix plus attractifs pour la
clientèle ; un autre tiers permettrait d'améliorer les équipements, voire
d'apporter des réponses en matière de formation ; le dernier tiers viserait à
rendre les salaires plus intéressants, aussi bien pour les salariés que pour
les patrons. Nous souhaitons voir ces engagements se concrétiser. La discussion
est en cours avec les professionnels.
Vous avez souligné, madame le sénateur, que ce budget était maigre. Il était
difficile de faire autrement dans le contexte économique que traverse la
France. En tout cas, je puis vous assurer que les moyens de paiement sont plus
importants que les moyens d'engagement. Le fonctionnement du ministère devra
être apprécié non pas en termes d'affichage mais en termes d'exécution. Je
veillerai à ce que les crédits qui sont inscrits dans mon budget soient
réellement consommés. C'est ainsi que nous pourrons mesurer le travail
accompli.
Des efforts restent nécessaires pour encourager le tourisme social. Une porte
a été ouverte par mes prédécesseurs et je salue leur travail. Sachez que je
poursuivrai dans la même direction, car le tourisme doit s'adresser à tous les
publics. A cet égard, les crédits consacrés à l'hébergement social, connaissent
une hausse importante. Je puis donc vous rassurer : les engagements en faveur
du tourisme social seront maintenus.
La déclaration de M. Paul Dubrule, selon laquelle ce budget a le meilleur
rendement ministériel et qu'il souhaitait que le secrétariat d'Etat au tourisme
soit rattaché aux services du Premier ministre, me va droit au coeur. Pourquoi
pas !
(Sourires.)
Elle souligne à quel point ce secteur connaît une
forte reconnaissance que nous souhaitons tous la plus large possible.
Par ailleurs, j'ai sollicité M. Francis Mer pour que l'INSEE nous fournisse de
vraies statistiques. Lorsque nous disposerons de données fiables, nous serons
confortés dans nos exigences, car le poids de l'économie du tourisme au sein de
l'économie française sera mieux cerné.
S'agissant des 35 heures, des discussions ont été engagées avec François
Fillon et un décret est en préparation qui devrait, d'ici à la fin du mois,
clarifier la situation. Les 35 heures, il est vrai, ne peuvent pas être
appliquées sans discernement à des restaurateurs ou à des hôteliers. Un
assouplissement est donc nécessaire dans ce domaine et nous y travaillons.
En ce qui concerne la formation, je le répète, Mme Arlette Franco est chargée
de faire un état des lieux qui nous permettra de définir quelques orientations
avant le mois de mai. Pour que les jeunes soient intéressés par le secteur du
tourisme, il faut valoriser les métiers concernés en créant des formations qui
soient sanctionnées par des diplômes reconnus par les pouvoirs publics. Cela
permettra de rendre ces métiers plus attractifs. Ces formations, par voie de
conséquence, seront le gage de la qualité des professionnels dont nous avons
besoin pour être concurrentiels.
Vous avez naturellement évoqué le développement durable, qui est pour nous une
priorité.
Jean-François Le Grand a, quant à lui, cité huit mesures. Monsieur le
sénateur, vos propositions sont pour moi un sujet d'inspiration. Je m'efforce
depuis quelque temps de lire tous les documents qui me sont transmis. La
plupart du temps, il s'agit de propositions très intéressantes qui alimentent
ma réflexion.
Vous proposez notamment de réfléchir à l'adaptation de la fiscalité aux
petites entreprises. Cette idée me paraît tout à fait neuve et intéressante.
Des dispositifs similaires sont appliqués en outre-mer. Je suis prêt à étudier
avec vous des propositions que nous pourrions soumettre au ministre de
l'économie.
Monsieur Raoult, vous avez parlé d'un petit budget. Nous nous efforcerons
d'utiliser avec efficacité le peu dont nous disposons et d'en tirer le meilleur
parti. C'est en tout cas l'esprit dont je suis animé.
Je rappelle également que nous allons poursuivre le programme d'hébergement
social et le plan patrimoine qui avaient été engagés par mes prédécesseurs. Le
financement est prévu.
Vous avez en outre évoqué les vacances pour tous les Français. Comme vous
l'avez souligné, l'intervention financière en faveur des bourses solidarité
vacances est pratiquement inchangée. Nous allons donc poursuivre des efforts en
ce sens.
Vous avez surtout traité des question de classement, de label. L'axe principal
de la politique que je souhaite développer dans les années qui viennent
s'appuiera sur ce que j'appelle le « plan qualité France. ». Si nous voulons
être concurrentiels, il faut vendre la qualité et, pour que la qualité soit
garantie, il faut des classements, des certifications, des labels. J'en fais un
point d'honneur et, par conséquent, je crois que vous pouvez, de ce côté, être
tranquilles.
J'espère, mesdames, messieurs les sénateurs, être autant que possible parvenu
à apaiser toutes vos inquiétudes. J'ai en tout cas tenté de répondre à
toutes vos préoccupations.
Pour terminer mon propos, je dirai que, s'il est modeste, le budget de
tourisme ne correspond pas seulement à ce que nous entrevoyons. C'est pourquoi
il a été question tout à l'heure de rendement ministériel. Il faut aussi mettre
dans la balance la synergie qui doit exister entre les professionnels de ce
secteur et les pouvoirs publics, que nous représentons. C'est le sens de la
politique que je souhaite mener à la tête de mon secrétariat d'Etat, car je
crois que là est la clé de la réussite.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
Nous allons procéder à l'examen et au vote des crédits figurant aux états B et
C concernant l'équipement, les transports, le logement, le tourisme et la
mer.
Je vous rappelle que le Sénat a déjà examiné aujourd'hui même les crédits
affectés aux services communs, à l'urbanisme et au logement, aux transports
terrestres, à l'aviation et l'aéronautique civiles et à la mer.
ÉTAT B
M. le président. « Titre III : 47 805 492 000 euros. »
Je mets aux voix les crédits figurant au titre III, modifiés par l'amendement
n° II-92 précédemment adopté par le Sénat.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre IV :
moins
1 540 476 515 euros. »
L'amendement n° II-151, présenté par MM. Arthuis et Marini, au nom de la
commission des finances, est ainsi libellé :
« Augmenter cette réduction de 200 000 euros ;
« En conséquence, porter le montant des mesures nouvelles négatives à moins 1
540 676 515 euros. »
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation.
Avant de commenter l'amendement que je présente,
au nom de M. le rapporteur général et en ma qualité de président de la
commission des finances, je veux saluer la passion qui anime M. le secrétaire
d'Etat au tourisme et rendre hommage à la conviction qu'il a exprimée ce soir
devant le Sénat.
M. Charles Ginésy,
rapporteur pour avis.
Très bien !
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Ayant dit cela, je veux
souligner à quel point le pouvoir du secrétaire d'Etat ne se mesure pas en
crédits, comme l'a si bien rappelé M. Paul Dubrule.
Il s'agit d'être l'animateur, celui qui mobilise, le catalyseur des énergies,
étant bien entendu que, sur l'ensemble du territoire, les régions, les
départements, les communes participent également à la politique touristique,
avec l'ensemble des professionnels du secteur.
L'amendement que je présente maintenant, avec le sentiment qu'il ne rejoint
pas nécessairement les préoccupations de M. le secrétaire d'Etat, s'inscrit
dans la recherche que conduit la commission des finances depuis le début de
l'examen des crédits mis à la disposition des différents ministres.
Des moins-values fiscales ayant été constatées sur les prévisions de recettes
par le Gouvernement, au moment où il venait présenter devant le Sénat le projet
de loi de finances pour 2003, il faut en tirer les conséquences sur les
dépenses.
Cet amendement a pour objet de réduire de 200 000 euros, c'est-à-dire
d'environ 10 %, la subvention de l'Etat à l'Agence française d'ingénierie
touristique, l'AFIT, inscrite à l'article 21 du chapitre 44-01 « Développement
de l'économie touristique ».
Cette subvention, qui a atteint sous la précédente législature un niveau élevé
- depuis 2001, l'organisme reçoit 1,936 million d'euros - a progressé de plus
de 80 % depuis 1998. Il est vrai qu'en 2001 il a fallu compenser
l'assujettissement de l'AFIT à la TVA, ce qui justifie, mais seulement
partiellement, l'augmentation de la subvention observée depuis 1999.
L'AFIT, dois-je le rappeler, a été créée le 17 mars 1993. C'est un groupement
d'intérêt public qui a pour objet le soutien à l'adaptation de l'offre, l'étude
des financements des investissements et de la promotion à l'étranger de
l'ingénierie touristique française.
Sans remettre en cause la qualité des services fournis par l'AFIT, on peut
néanmoins proposer une réduction de ses crédits en se fondant sur quelques
observations.
Le président de l'AFIT m'a appelé à maintes reprises au cours des derniers
jours pour me faire part de ses préoccupations quant à son établissement, mais
un argument au moins fonde la position de la commission des finances, et je
précise que l'intention première de celle-ci était de réduire de 400 000 euros
le montant de la subvention. Nous avons donc pris en considération les
remarques du président de l'AFIT.
La hausse des subventions de l'Etat observée ces dernières années s'est
effectuée en contradiction totale avec les statuts du groupement d'intérêt
public, qui prévoient le développement d'une politique de partenariats et,
corrélativement, une réduction progressive de la part des subventions de
l'Etat.
Par ailleurs, d'après les informations fournies à notre commission, et en
dépit d'un déficit d'exécution en 2001, l'AFIT dispose de marges de manoeuvre
budgétaires significatives, au regard desquelles la réduction des crédits
proposée par le présent amendement paraît bien minime.
En outre, l'Observatoire national du tourisme, l'ONT, association de la loi de
1901 également subventionnée par l'Etat, dont les missions sont proches de
celles de l'AFIT, voit ses subventions diminuer de 8 % dans le projet de loi de
finances pour 2003. Un effort similaire devrait donc pouvoir être demandé à
l'AFIT.
Enfin, il faut préciser que ces réductions de crédits ne remettent pas en
cause la politique de modernisation des outils d'information menée par le
secrétariat d'Etat au tourisme. Le projet de loi de finances pour 2003 prévoit
en effet une augmentation substantielle - de 30 % - de la dotation aux études,
qui finance une précieuse enquête aux frontières devant permettre à terme
l'établissement d'un dispositif permanent d'observation des flux de
touristes.
Ce qui a emporté notre conviction, c'est l'examen de la situation financière
de l'AFIT. Sur la base des documents qui m'ont été communiqués par le
secrétariat au tourisme, il apparaît que l'AFIT dispose à son actif de
liquidités, en banques et dans des établissements financiers, pour un montant
de 735 664 francs. Au surplus, l'AFIT a pu souscrire - et c'est d'ailleurs, Mme
Beaudeau en conviendra, une sage utilisation de son épargne que de recourir
ainsi aux marchés de valeurs mobilières - un montant de 8 661 170 francs de
valeurs mobilières, ce qui porte le total de ses disponibilités à 9 296 833
francs, soit, à peu près 1 400 000 euros.
Mes chers collègues, nous devons être attentifs aux situations patrimoniales
de tous les établissements qui font appel aux subventions publiques. C'est vrai
à l'échelle communale, à l'échelle départementale et à l'échelle nationale.
Si nous réduisons donc de 200 000 euros la subvention qu'accorde l'Etat à
l'AFIT, il restera, me semble-t-il, suffisamment de ressources dans le
patrimoine de l'AFIT pour lui permettra de faire face à ses obligations.
C'est donc un signal que le Parlement adresserait à l'ensemble des
établissements, des associations, des organismes publics qui perçoivent des
subventions : nous ne pouvons pas lever de l'impôt pour conforter des
trésoreries et des placements en valeurs mobilières.
Tel est donc le sens de l'amendement qui vous est présenté par la commission
des finances.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement ?
M. Léon Bertrand,
secrétaire d'Etat.
J'ai bien entendu l'argumentation du président de la
commission des finances et je suis, comme tout le monde, soucieux de réduire le
déficit. C'est une obligation qui s'impose à tous.
Cela étant, je rappelle que le budget du secrétariat d'Etat au tourisme
représente 0,3 % du budget de la nation. Autrement dit, on tire sur une
ambulance !
(Sourires. - M. Paul Raoult applaudit.)
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Elle est bien conduite, monsieur
le secrétaire d'Etat !
M. Léon Bertrand,
secrétaire d'Etat.
Surtout, je crains que les différents acteurs du
tourisme ne retiennent de cette réduction de crédit qu'un signal politique
négatif, dont les effets seront démesurés par rapport à l'économie finalement
réalisée. Je m'interroge donc sur l'opportunité de cet amendement.
Je rappelle que l'AFIT, dont la mission est très différente de celle de
l'Observatoire national du tourisme, joue un rôle important à l'échelon de ces
communes que votre hororable assemblée représente. J'ai parlé tout à l'heure du
rôle de l'AFIT à l'égard des plus faibles et de la solidarité que l'Etat se
doit de manifester à l'égard de certaines régions. L'AFIT est précisément le
bras de l'Etat pour mener ce genre de politique.
M. Ginésy parlait ainsi des régions de moyennes montagnes qui sont et seront
de plus en plus, du fait de l'effet de serre, confrontées au problème du manque
d'enneigement. Cette situation impose une réflexion pour trouver de nouveaux
produits et diversifier l'activité touristique. L'AFIT est précisément
l'organisme chargé d'analyser ce genre de situation et d'étudier, à partir des
potentiels, les moyens pour mettre en place de nouveaux produits.
Réduire les crédits de l'AFIT c'est se priver de cette possibilité.
Une autre chose me gêne terriblement : tout le monde a entendu parler des
problèmes du tourisme de l'outre-mer. Dans mon plan de relance, l'AFIT
apparaissait comme un des fers de lance de la politique que je souhaite
développer.
Monsieur le président, je me rendrai sur place entre les 18 et le 22 décembre.
Il me sera difficile d'annoncer aux Antilles, notamment en Guadeloupe, où l'on
m'attend, cette réduction des crédits de l'AFIT, organisme qui normalement
aurait dû permettre de diversifier l'offre touristique aux Antilles, celle-ci «
tournant » jusqu'à présent autour d'un seul produit, à savoir la plage et la
mer. Il faut donc peut-être envisager l'émergence d'autres produits, comme le
tourisme social, le tourisme de montagne, ou la rencontre avec les communautés,
produits nouveaux que l'AFIT peut justement nous aider à mettre en place.
En outre, même s'il est vrai que l'on peut détecter à peu près 10,9 millions
de francs sur les comptes de l'AFIT, dois-je rappeler que ces sommes compensent
aussi les dettes que les collectivités n'ont pas toujours pu honorer à temps ?
Elles ne font donc que transiter sur les comptes de l'AFIT : ce n'est pas un
trésor de guerre !
Je souhaite donc tout simplement en appeler à la sagesse de la commission des
finances pour lui demander sinon de renoncer à son amendement, au moins de
réduire la portée de la diminution des crédits.
M. le président.
Monsieur le président de la commission des finances, acceptez-vous la
suggestion de M. le secrétaire d'Etat ?
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Monsieur le président, ma tâche
n'est pas facile, car M. le secrétaire d'Etat est convaincant dans ses
propos.
Mais, puisque vous vous rendrez dans les départements d'outre-mer, notamment
aux Antilles, à la fin du mois de décembre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous
pourrez dire à nos compatriotes des Antilles que la commission des finances du
Sénat a renoncé à présenter un amendement tendant à réduire les crédits du
ministère chargé de l'outre-mer. Voilà qui devrait apaiser vos préoccupations
!
Vous avez tout à l'heure indiqué un montant pour la trésorerie de l'AFIT qui
doit être plus récent que celui que j'ai moi-même mentionné, lequel
correspondait à la situation à la fin de 2001. Si je comprends bien, la
situation de trésorerie de l'AFIT s'est donc encore améliorée en 2002, ce qui
entre d'ailleurs dans le prolongement de l'amélioration constatée en 2001 par
rapport à 2000.
D'ailleurs, Mme Beaudeau, qui manifeste beaucoup de détermination pour
permettre à la commission des finances d'assumer pleinement ses prérogatives de
contrôle, a, me semble-t-il, l'intention de s'intéresser tout particulièrement
à la situation de l'AFIT dans les prochains mois. Nous aurons donc l'occasion
de revenir sur ces questions.
Encore une fois, monsieur le secrétaire d'Etat, nous n'avons pas le sentiment
de vous mettre en difficulté ; nous voulons simplement faire savoir aux
gestionnaires de ces institutions qu'il n'est pas satisfaisant que l'impôt
serve à accumuler de la trésorerie, à souscrire des parts de SICAV, ou
peut-être même des bons du Trésor, ce qui au moins contribue à financer le
déficit public, mais avouez que, même dans ce cas, le procédé n'est pas
satisfaisant. C'est une situation contre laquelle nous nous devons de réagir en
notre qualité de parlementaires, et c'est la raison pour laquelle il me semble
que nous ne pouvons pas répondre à votre souhait.
L'intention première de la commission des finances, je l'ai dit, était de vous
demander un sacrifice de 400 000 euros, sacrifice que nous avons ramené à 200
000 euros. Cela reste notre position. Encore une fois, ne le prenez pas en
mauvaise part : nous avons le sentiment que l'AFIT a suffisamment de trésorerie
disponible pour faire face à ses obligations, qui sont, c'est vrai, nombreuses,
et nous ne remettons en aucune façon en cause sa capacité d'expertise.
M. le président.
La parole est à Mme le rapporteur spécial.
Mme Marie-Claude Beaudeau,
rapporteur spécial.
Je ne conteste pas bien entendu les chiffres avancés
par M. le président de la commission des finances, mais, si les subventions de
l'Etat ont progressé de plus de 80 % en quelques années, cette progression doit
évidemment être appréciée au regard de l'assujettissement obligatoire de l'AFIT
à la TVA à partir de 1998. Il a bien fallu que l'Etat compense le coût de cet
assujettissement !
Je relève aussi quelques contradictions avec le statut du groupement d'intérêt
public, puisque c'est le cas de l'AFIT. D'ailleurs, monsieur le président de la
commission, il serait indispensable d'ouvrir un débat sur les GIP, ainsi que
sur les GIE recevant des dotations publiques, pour clarifier la situation et
combler quelques vides juridiques. Quand on fait la comparaison entre l'AFIT et
l'ONT, qui n'a pas connu, et c'est heureux, les mêmes dérives, on voit bien que
le statut d'association de la loi de 1901 n'aboutit pas aux mêmes résultats.
Je ne conteste pas non plus les marges budgétaires, qui ont été découvertes
subitement. D'ailleurs, il faudra s'interroger sur la manière dont est contrôlé
ce groupement d'intérêt qu'est l'AFIT pour qu'il soit possible d'en arriver
aujourd'hui à cette situation, puisque cela n'est pas conforme à ses
statuts.
Vous le savez, monsieur le président de la commission, lorsque nous avons
examiné ces crédits en commission, j'ai proposé, vous l'avez dit voilà quelques
instants, de conduire une mission sur les finances de l'AFIT, à l'instar de
celle que j'avais conduite voilà deux ans s'agissant de Maison de la France.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Tout à fait, madame !
Mme Marie-Claude Beaudeau,
rapporteur spécial.
Celle-ci s'était conclue par un rapport dont tous nos
collègues ont pu prendre connaissance et qui a été publié. Depuis, des
modifications sont intervenues en ce qui concerne cet organisme, qu'il s'agisse
des marchés, du personnel ou du contrôle en général.
Aussi, je souhaiterais que la commission des finances me laisse le temps de
conduire ma mission à son terme avant de pouvoir conclure sur l'AFIT, que je ne
défends pas d'ailleurs, pas plus que je ne défends son président M. Michel
Bécot, qui a publié des déclarations que j'ai fait figurer dans mon rapport
écrit.
Pour toutes ces raisons, et afin de ne pas anticiper sur une analyse
d'ensemble des finances de l'AFIT, je ne m'associe pas à votre demande,
monsieur Arthuis. D'ailleurs, je n'ai pas approuvé la diminution de 8 % des
crédits de l'ONT. Je l'avais dit en commission et je l'ai précisé dans mon
rapport écrit. J'ajouterai que, bien entendu, je ne partage pas les choix
budgétaires de la majorité sénatoriale.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Cela ne nous avait pas échappé,
madame Beaudeau.
Mme Marie-Claude Beaudeau,
rapporteur spécial.
Vous pourrez m'en donner acte. Je l'ai dit à de
nombreuses reprises au cours de l'examen de la première partie du présent
projet de loi de finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
En effet !
Mme Marie-Claude Beaudeau,
rapporteur spécial.
La commission des finances n'ayant pas délibéré sur
l'objet de cet amendement, je ne peux donc m'exprimer ici en son nom. C'est
pourquoi je précise, à titre personnel, et en toute liberté, que je ne voterai
pas cet amendement.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
Je veux saluer le rapport de Mme
Beaudeau sur Maison de la France, dont la qualité a été reconnue. Il a eu des
suites, ce qui démontre que le Parlement est bien dans son rôle lorsqu'il
effectue sa mission de contrôle.
Je souhaiterais dire quelques mots sur la TVA. Le corollaire de
l'assujettissement à la TVA, c'est l'exonération de la taxe sur les salaires.
Dans ces conditions, je fais l'hypothèse que l'effet sur le budget n'a pas dû
être aussi considérable que certains veulent bien le penser.
Encore une fois, nous ne sommes pas compétents pour porter une appréciation
sur l'efficacité de l'AFIT. Nous voulons simplement délivrer un signal à propos
de l'accumulation - qui nous paraît excessive - de trésorerie. Puisque la
nouvelle loi organique relative aux lois de finances nous invite à porter une
attention toute particulière à l'exécution budgétaire, nous serons à cet égard
particulièrement vigilants.
M. le président.
La parole est à Mme Evelyne Didier, pour explication de vote.
Mme Evelyne Didier.
Je voudrais saluer l'humour de M. le secrétaire d'Etat lorsqu'il a dit que
cela reviendrait à tirer sur une ambulance. Je continuerai dans cette veine, si
vous me le permettez.
Les actions menées par l'AFIT sont très concrètes, notamment dans mon
département, puisque le territoire du Lunévillois, en Meurthe-et-Moselle, a été
retenu par cette agence pour piloter un projet de développement de tourisme
durable. Au moment où le Gouvernement déclare que le tourisme durable est l'une
de ces grandes priorités, il me semble curieux d'empêcher l'AFIT de faire ce
travail.
L'amendement n° II-151 est pour le moins intéressant.
En effet, la commission des finances propose de placer l'Agence française de
l'ingénierie touristique en situation de devoir se libérer de quelques-unes de
ses immobilisations financières, qu'elle tirerait dans les faits de
l'utilisation des lignes budgétaires qui lui sont accordées.
Il est assez surprenant, je l'avoue, que la commission des finances, qui, on
le sait, est attachée à la bonne santé de nos marchés financiers, propose
aujourd'hui un tel amendement.
Soyons honnêtes, mes chers collègues. Quand on vote, dans la première partie
du projet de loi de finances, la possibilité pour les investisseurs boursiers
d'imputer pendant dix ans les moins-values dégagées sur la cession d'actifs en
cette période de déprime du CAC 40, et que cette « gâterie fiscale » sans
équivalent dans notre législation fiscale coûte, au bas mot, 200 millions
d'euros à la collectivité nationale, notamment à tous ceux qui disposent de
modestes ressources et qui sont donc privés du bonheur d'effectuer cette
imputation, un tel amendement est plutôt audacieux.
En outre, l'AFIT est d'ores et déjà largement mise à contribution dans le
projet de budget pour 2003, sans qu'il soit d'ailleurs besoin de réduire son
intervention en matière de politique du tourisme à la mobilisation de fonds
destinés à d'autres usages ou objets que ceux qui relèvent de sa mission
originelle. Mais peut-être s'agit-il là de la différence bien connue que nous
observons si souvent entre lecture strictement comptable et expertise de
gestion ?
Cet amendement est donc, de notre point de vue, faussement vertueux, d'autant
qu'il émane de personnes qui sont si peu sourcilleuses sur l'usage des deniers
publics en faveur des placements financiers.
Monsieur le président de la commission des finances, vous n'avez vraiment pas
le beau rôle depuis quelques jours. La cuisine budgétaire que vous nous servez
jour après jour a vraiment mauvais goût !
(Mme Marie-France Beaufils
applaudit.)
M. François Le Grand.
Heureusement, c'était de l'humour !
M. le président.
La parole est à M. Paul Raoult, pour explication de vote.
M. Paul Raoult.
Il s'agit du énième épisode d'une tentative désespérée pour rééquilibrer un
budget qui est en réalité déjà lourdement déficitaire.
S'agissant de l'AFIT, il est franchement désespérant de réduire ses crédits,
déjà maigres, alors même que cet organisme est un instrument déterminant de la
réflextion en termes d'aménagement touristique et qu'il intervient jour après
jour auprès de tous ceux qui, au niveau des collectivités locales ou
territoriales, ont des projets.
Certes, comme cela a été dit tout à l'heure, le budget est faible, mais la
France est tout de même la première destination touristique. Si nous sommes les
premiers, c'est aussi parce que les collectivités locales et territoriales, les
communes, les départements et les régions, consacrent d'importants crédits au
tourisme. Quand on parle du budget touristique, on parle d'abord du budget des
collectivités locales et territoriales. Telle est, aujourd'hui, la réalité
profonde de notre politique touristique. Il serait tout de même bon que l'Etat
prenne conscience de l'importance économique de ce secteur et ne cherche pas à
réaliser de maigres diminutions de crédits, alors même qu'il faudrait donner
une impulsion supplémentaire.
Par ailleurs, sous le prétexte que nous sommes les premiers, il serait inutile
d'augmenter les crédits. Or, mes chers collègues, vous oubliez que, dans le
même temps, l'Espagne et l'Italie font un effort gigantesque pour nous
rattraper, pour nous dépasser. Si nous n'y prenons garde, à force de s'endormir
sur nos lauriers, nous perdrons notre première place. Allez voir comment sont
conduites les politiques touristiques en Espagne et en Italie !
Je trouve un peu fort de café qu'aujourd'hui on vienne mégoter sur un problème
interne à l'AFIT. Si, comme vous le dites, monsieur Arthuis, il reste beaucoup
d'argent dans les caisses de cette agence, expliquez-nous pourquoi cet argent
n'est pas dépensé, comment le dépenser plus vite et mieux, au lieu de vous
amuser, à deux heures trente du matin, à mégoter en diminuant l'enveloppe
budgétaire qui lui est attribuée. Vos numéros répétés, par lesquels vous voulez
nous faire croire que le Sénat, aujourd'hui, serait un peu plus intelligent,
peut-être, que la majorité de l'Assemblée nationale, en nous alignant, les unes
après les autres, de petites diminutions de crédits, sont vraiment dérisoires,
monsieur Arthuis, et vous le savez bien.
Sur le budget 2002 et le budget 2003, le déficit sera de l'ordre de 300
milliards de francs. Aussi, parler, à cette heure, de quelques dizaines de
milliers d'euros, c'est dérisoire et inutile.
Vous avez prétendu, hier, que notre budget était mensonger, mais le vôtre
l'est mille fois plus ! En effet, vous l'avez élaboré à partir d'un taux de
croissance du PIB que vous aviez évalué à 2,5 %. Aujourd'hui, nous en sommes à
1,2 % ou 1,3 %. Vous êtes quand même allé jusqu'à nous présenter un budget qui
n'est pas réel et vous allez nous faire croire que, parce qu'on va économiser,
jour après jour, quelques sous, quelques euros, on arrivera à diminuer les
quelque 300 milliards de francs de déficit qui sont déjà prévisibles !
En réalité, le fond de l'affaire, monsieur Arthuis, et vous le savez bien,
c'est la décision de la majorité actuelle de diminuer l'impôt sur le revenu
pour appliquer une de ses promesses électorales. Cela vous conduit à être dans
l'incapacité de nous présenter un budget correct, comme vous auriez espéré
pouvoir le faire, c'est-à-dire mieux équilibré. Ce ne sont pas quelques mesures
dérisoires qui régleront le problème de fond. Voilà la réalité ! Aujourd'hui,
on est coincé.
Pendant cinq ans, vous n'avez cessé de dire : nous, nous ferons des économies,
en particulier dans l'administration centrale. Or, lors de la présentation du
budget du ministère de l'agriculture, vous nous avez dit qu'il n'était pas
possible de faire de telles économies. C'est pourquoi la commission des
finances a alors proposé de diminuer les crédits du FNDAE, le Fonds national
pour le développement des adductions d'eau. Là encore, comme pour l'AFIT, il
vaudrait mieux comprendre par quelle inertie administrative on n'arrive pas à
consommer réellement les crédits dont nous avons besoin. S'agissant du FNDAE,
on devrait pouvoir consommer les crédits puisque les besoins sont
considérables. Pourtant, on le fait pas. Résultat des courses : vous diminuez
les crédits de 46 %.
Ce soir, vous recommencez la manoeuvre pour l'AFIT, alors que les besoins à
satisfaire sont énormes. Je ne peux qu'être opposé à cette manoeuvre, que je ne
comprends pas et qui me paraît dérisoire.
M. le président.
La parole est à M. Paul Dubrule, pour explication de vote.
M. Paul Dubrule.
Je n'ai pas le talent oratoire de mon excellent collègue, mais je connais le
tourisme. Cette année, la situation budgétaire étant très difficile, chacun
devrait avoir à coeur d'apporter sa petite part d'économies.
L'AFIT fait effectivement un excellent travail. Cette agence fait des
affaires, c'est-à-dire traite des dossiers, prépare des budgets et élabore des
projets. Or, dans toute entreprise, lorsqu'on traverse une période difficile,
on se recentre, on se resserre, on série les problèmes et les questions, et on
essaye de dépenser un peu moins. C'est possible s'agissant des projets. Si on y
ajoute la possibilité de puiser dans les réserves, la proposition de la
commission des finances paraît raisonnable.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Léon Bertrand,
secrétaire d'Etat.
Tout à l'heure, lorsque j'ai annoncé un montant de
valeurs mobilières de 10,9 millions d'euros, je me suis trompé. En fait, il y a
8,5 millions d'euros de valeurs mobilières, pour compenser 10,9 millions
d'euros de dettes qui n'ont pas été payées jusqu'à présent par les
collectivités ou les partenaires de l'AFIT. Ces fonds qui apparaissent comme un
placement permettent, en fait, à l'AFIT de disposer d'une trésorerie pour
fonctionner convenablement. L'écart est actuellement en cours de résorption.
Voilà les précisions que je souhaitais apporter pour clarifier la situation.
M. le président.
La parole est à M. le président de la commission des finances.
M. Jean Arthuis,
président de la commission des finances.
A cette heure avancée de la
nuit, on me pardonnera sans doute de prendre de nouveau la parole.
Je voudrais saluer la vitalité du propos de notre collègue M. Raoult à cette
heure avancée de la nuit !
(Sourires.)
Je lui fais observer que c'est
l'honneur du Gouvernement de Jean-Pierre Raffarin d'avoir tenu compte de
l'évolution des données prévisionnelles et ne pas s'être risqué à une pratique
de budget mensonger. Le texte que l'Assemblée nationale examinera en ultime
lecture tiendra compte de cette moins-value fiscale. Ne pas tenir compte de
l'évolution de la situation économique est une forme d'entêtement qui peut être
critiquable. Aussi, je vous appelle à une grande compréhension.
Par ailleurs, je salue Mme Didier, qui préconise les placements en valeurs
mobilières pour la bonne santé du marché (
Sourires.
) Elle dispose, je
n'en doute pas, des encouragements de Mme Beaudeau pour qu'il en soit ainsi !
(Nouveaux sourires.)
Enfin, monsieur le secrétaire d'Etat, je suis attentif aux dettes dont vous
faites état dans le bilan de l'AFIT, mais puis-je vous faire observer qu'à
l'actif vous avez également des créances d'un égal montant ? Par conséquent,
l'argument que j'avais présenté garde toute sa pertinence.
(M. Paul Dubrule applaudit.)
M. Jacques Oudin.
Très bien !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° II-151.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des
finances.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du
règlement.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 315 |
Nombre de suffrages exprimés | 312 |
Majorité absolue des suffrages | 157 |
Pour l'adoption | 201 |
Contre | 111 |
Le Sénat a adopté.
Je mets aux voix les crédits figurant au titre IV, modifiés par les amendements n° II-93 rectifié, II-94 et II-150 précédemment adoptés par le Sénat et l'amendement n° II-151 que nous venons d'adopter.
(Ces crédits sont adoptés.)
ÉTAT C
M. le président. « Titre V. - Autorisations de programme : 1 580 704 000 euros ;
« Crédits de paiement : 673 934 000 euros. »
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement
figurant au titre V, modifiés par l'amendement n° II-95 précédemment adopté par
le Sénat.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
« Titre VI. - Autorisations de programme : 2 806 959 000 euros ;
« Crédits de paiement : 1 249 679 000 euros. »
Je mets aux voix les autorisations de programme et les crédits de paiement
figurant au titre VI.
(Ces crédits sont adoptés.)
M. le président.
Nous avons achevé l'examen des dispositions du projet de loi de finances
concernant le tourisme.
3
ORDRE DU JOUR
M. le président.
Voici quel sera l'ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment
fixée au lundi 9 décembre 2002, à neuf heures trente, à seize heures et le soir
:
Suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2003, adopté par
l'Assemblée nationale (n°s 67 et 68, 2002-2003) (M. Philippe Marini, rapporteur
général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes
économiques de la nation).
Deuxième partie. -
Moyens des services et dispositions spéciales :
- Budgets annexes de l'ordre de la Légion d'honneur et de l'ordre de la
Libération :
M. Jean-Pierre Demerliat, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 39).
- Justice
Procédure de questions et de réponses avec un droit de
réplique des sénateurs.
(et article 74) :
M. Hubert Haenel, rapporteur spécial (rapport n° 68, annexe n° 27) ;
M. Christian Cointat, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (services généraux, avis n° 73, tome IV) ;
M. Georges Othily, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (administration pénitentiaire, avis n° 73, tome V)
;
M. Patrice Gélard, rapporteur pour avis de la commission des lois
constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et
d'administration générale (protection judiciaire de la jeunesse, avis n° 73,
tome VI) ;
- Articles de la deuxième partie non joints à l'examen des crédits :
Aucun amendement aux articles de la deuxième partie n'est plus recevable.
Scrutin public à la tribune
En application de l'article 60
bis,
troisième alinéa du règlement, le
vote sur l'ensemble du projet de loi de finances pour 2003 aura lieu, de droit,
par scrutin public à la tribune, à la fin de la séance du mardi 10 décembre
2002.
Délais limites pour les inscriptions de parole
et pour le dépôt des amendements
Deuxième lecture du projet de loi constitutionnelle, modifié par l'Assemblée
nationale, relatif à l'organisation décentralisée de la République (n° 83,
2002-2003) :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans la discussion générale :
mardi 10 décembre 2002, à dix-sept heures ;
Délai limite pour le dépôt des amendements : mardi 10 décembre 2002, à
dix-sept heures.
Question orale avec débat (n° 4) de M. Gérard Larcher à M. le ministre de
l'équipement, des transports, du logement, du tourisme et de la mer sur la
réorganisation des couloirs aériens en Ile-de-France :
Délai limite pour les inscriptions de parole dans le débat : mercredi 11
décembre 2002, à dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de
résolution de M. Henri de Raincourt, tendant à la création d'une commission
d'enquête sur la maltraitance envers les personnes handicapées accueillies en
institution et les moyens de la prévenir (n° 315, 2001-2002) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 décembre 2002, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des affaires sociales sur la proposition de
résolution de MM. Bernard Plasait et Henri de Raincourt et des membres du
groupe des Républicains et Indépendants, tendant à la création d'une commission
d'enquête sur la politique nationale de lutte contre les drogues illicites (n°
348, 2001-2002) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 décembre 2002, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des lois sur la proposition de loi de M. Daniel
Hoeffel relative à la décentralisation de la gestion des fonds européens (n°
63, 2002-2003) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 décembre 2002, à
dix-sept heures.
Conclusions de la commission des finances sur la proposition de loi de M.
Philippe Adnot portant réforme des règles budgétaires et comptables applicables
aux départements (n° 64, 2002-2003) :
Délai limite pour le dépôt des amendements : mercredi 11 décembre 2002, à
dix-sept heures.
Personne ne demande la parole ?...
La séance est levée.
(La séance est levée le samedi 7 décembre 2002, à deux heures
quarante.)
Le Directeur
du service du compte rendu intégral,
MONIQUE MUYARD
NOMINATION D'UN RAPPORTEUR
Commission des lois constitutionnelles,
de législation, du suffrage universel,
du règlement et d'administration générale
M. Daniel Hoeffel a été nommé rapporteur de sa proposition de loi n° 63
(2002-2003) relative à la décentralisation de la gestion des fonds européens.
Le Directeur du service du compte rendu intégral, DOMINIQUE PLANCHON
ANNEXES AU PROCÈS-VERBAL
de la séance
du vendredi 6 décembre 2002
SCRUTIN (n° 64)
sur l'amendement n° II-93 rectifié, présenté par MM. Jean Arthuis, Philippe
Marini et Jacques Oudin au nom de la commission des finances, tendant à réduire
les crédits du titre IV de l'état B inscrits à l'article 36 du projet de loi de
finances pour 2003, adopté par l'Assemblée nationale (budget des transports et
de la sécurité routière).
Nombre de votants : | 309 |
Nombre de suffrages exprimés : | 306 |
Pour : | 196 |
Contre : | 110 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre :
22.
N'a pas pris part au vote :
1. _ M. Guy Fischer, qui présidait la
séance.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Pour :
12.
Contre :
6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard
Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.
Abstentions :
3. _ MM. Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré et Bernard
Joly.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
92.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, et Roger Karoutchi.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Contre :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Pour :
51.
N'ont pas pris part au vote :
3. _ MM. Denis Badré, Jean-Jacques Hyest
et Jean-Marie Poirier.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Pour :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Adrien Gouteyron
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Pierre Jarlier
Jean-Marc Juilhard
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré, Bernard Joly.
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Denis Badré, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Hubert
Durand-Chastel, Jean-Jacques Hyest, Roger Karoutchi, Jean-Marie Poirier,
Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Guy
Fischer, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 310 |
Nombre des suffrages exprimés : | 307 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 154 |
Pour : | 196 |
Contre : | 111 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 65)
sur l'amendement n° II-150, présenté par MM. Jean Arthuis et Philippe Marini au
nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de
l'état B inscrits à l'article 36 du projet de loi de finances pour 2003, adopté
par l'Assemblée nationale (budget de l'équipement, des transports, du logement,
du tourisme et de la mer).
Nombre de votants : | 313 |
Nombre de suffrages exprimés : | 309 |
Pour : | 199 |
Contre : | 110 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Pour :
12.
Contre :
5. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Gérard Delfau,
François Fortassin et Dominique Larifla.
Abstentions :
4. _ MM. Nicolas Alfonsi, Yvon Collin, Rodolphe Désiré et
Bernard Joly.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
92.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, et M. Adrien Gouteyron, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Contre :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Pour :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Pour :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
Nicolas Alfonsi, Yvon Collin, Rodolphe Désiré, Bernard Joly.
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Hubert Durand-Chastel,
Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Adrien
Gouteyron, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 316 |
Nombre des suffrages exprimés : | 312 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 157 |
Pour : | 202 |
Contre : | 110 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.
SCRUTIN (n° 66)
sur l'amendement n° II-151, présenté par MM. Jean Arthuis et Philippe Marini au
nom de la commission des finances, tendant à réduire les crédits du titre IV de
l'état B inscrits à l'article 36 du projet de loi de finances pour 2003, adopté
par l'Assemblée nationale (budget de l'équipement, des transports, du logement,
du tourisme et de la mer).
Nombre de votants : | 313 |
Nombre de suffrages exprimés : | 310 |
Pour : | 199 |
Contre : | 111 |
Le Sénat a adopté.
ANALYSE DU SCRUTIN
GROUPE COMMUNISTE RÉPUBLICAIN ET CITOYEN (23) :
Contre :
23.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT DÉMOCRATIQUE ET SOCIAL EUROPÉEN (21) :
Pour :
12.
Contre :
6. _ MM. Jean-Michel Baylet, André Boyer, Yvon Collin, Gérard
Delfau, François Fortassin et Dominique Larifla.
Abstentions :
3. _ MM. Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré et Bernard
Joly.
GROUPE DU RASSEMBLEMENT POUR LA RÉPUBLIQUE (94) :
Pour :
92.
N'ont pas pris part au vote :
2. _ M. Christian Poncelet, président du
Sénat, et M. Adrien Gouteyron, qui présidait la séance.
GROUPE SOCIALISTE (82) :
Contre :
82.
GROUPE DE L'UNION CENTRISTE (54) :
Pour :
54.
GROUPE DES RÉPUBLICAINS ET INDÉPENDANTS (41) :
Pour :
41.
Sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe (6) :
N'ont pas pris part au vote :
6.
Ont voté pour
Nicolas About
Jean-Paul Alduy
Jean-Paul Amoudry
Pierre André
Philippe Arnaud
Jean Arthuis
Denis Badré
Gérard Bailly
José Balarello
Gilbert Barbier
Bernard Barraux
Jacques Baudot
Michel Bécot
Claude Belot
Christian Bergelin
Daniel Bernardet
Roger Besse
Laurent Béteille
Joël Billard
Claude Biwer
Jean Bizet
Jacques Blanc
Paul Blanc
Maurice Blin
Annick Bocandé
Didier Borotra
Joël Bourdin
Brigitte Bout
Jean Boyer
Jean-Guy Branger
Gérard Braun
Dominique Braye
Paulette Brisepierre
Louis de Broissia
Robert Calmejane
Jean-Pierre Cantegrit
Jean-Claude Carle
Auguste Cazalet
Charles Ceccaldi-Raynaud
Gérard César
Jacques Chaumont
Jean Chérioux
Marcel-Pierre Cleach
Jean Clouet
Christian Cointat
Gérard Cornu
Jean-Patrick Courtois
Robert Del Picchia
Fernand Demilly
Christian Demuynck
Marcel Deneux
Gérard Dériot
Yves Detraigne
Eric Doligé
Jacques Dominati
Michel Doublet
Paul Dubrule
Alain Dufaut
André Dulait
Ambroise Dupont
Jean-Léonce Dupont
Louis Duvernois
Daniel Eckenspieller
Jean-Paul Emin
Jean-Paul Emorine
Michel Esneu
Jean-Claude Etienne
Pierre Fauchon
Jean Faure
Françoise Férat
André Ferrand
Hilaire Flandre
Gaston Flosse
Alain Fouché
Jean-Pierre Fourcade
Bernard Fournier
Serge Franchis
Philippe François
Jean François-Poncet
Yves Fréville
Yann Gaillard
René Garrec
Christian Gaudin
Jean-Claude Gaudin
Philippe de Gaulle
Gisèle Gautier
Patrice Gélard
André Geoffroy
Alain Gérard
François Gerbaud
Charles Ginésy
Francis Giraud
Paul Girod
Daniel Goulet
Jacqueline Gourault
Alain Gournac
Francis Grignon
Louis Grillot
Georges Gruillot
Charles Guené
Michel Guerry
Hubert Haenel
Emmanuel Hamel
Françoise Henneron
Marcel Henry
Pierre Hérisson
Daniel Hoeffel
Jean-François Humbert
Jean-Jacques Hyest
Pierre Jarlier
Jean-Marc Juilhard
Roger Karoutchi
Joseph Kergueris
Christian de La Malène
Jean-Philippe Lachenaud
Pierre Laffitte
Lucien Lanier
Jacques Larché
Gérard Larcher
André Lardeux
Patrick Lassourd
Robert Laufoaulu
René-Georges Laurin
Jean-René Lecerf
Dominique Leclerc
Jacques Legendre
Jean-François Le Grand
Serge Lepeltier
Philippe Leroy
Marcel Lesbros
Valérie Létard
Gérard Longuet
Jean-Louis Lorrain
Simon Loueckhote
Roland du Luart
Brigitte Luypaert
Max Marest
Philippe Marini
Pierre Martin
Jean Louis Masson
Serge Mathieu
Michel Mercier
Lucette Michaux-Chevry
Jean-Luc Miraux
Louis Moinard
René Monory
Aymeri de Montesquiou
Dominique Mortemousque
Georges Mouly
Bernard Murat
Philippe Nachbar
Paul Natali
Philippe Nogrix
Nelly Olin
Joseph Ostermann
Georges Othily
Jacques Oudin
Monique Papon
Anne-Marie Payet
Michel Pelchat
Jacques Pelletier
Jean Pépin
Jacques Peyrat
Xavier Pintat
Bernard Plasait
Jean-Marie Poirier
Ladislas Poniatowski
André Pourny
Jean Puech
Henri de Raincourt
Victor Reux
Charles Revet
Henri Revol
Henri de Richemont
Philippe Richert
Yves Rispat
Josselin de Rohan
Roger Romani
Janine Rozier
Bernard Saugey
Jean-Pierre Schosteck
Bruno Sido
Daniel Soulage
Louis Souvet
Michel Thiollière
Henri Torre
René Trégouët
André Trillard
François Trucy
Maurice Ulrich
Jacques Valade
André Vallet
Jean-Marie Vanlerenberghe
Alain Vasselle
Jean-Pierre Vial
Xavier de Villepin
Serge Vinçon
Jean-Paul Virapoullé
François Zocchetto
Ont voté contre
Michèle André
Bernard Angels
Henri d'Attilio
Bertrand Auban
François Autain
Jean-Yves Autexier
Robert Badinter
Jean-Michel Baylet
Marie-Claude Beaudeau
Marie-France Beaufils
Jean-Pierre Bel
Jacques Bellanger
Maryse Bergé-Lavigne
Jean Besson
Pierre Biarnès
Danielle Bidard-Reydet
Marie-Christine Blandin
Nicole Borvo
Didier Boulaud
André Boyer
Yolande Boyer
Robert Bret
Claire-Lise Campion
Jean-Louis Carrère
Bernard Cazeau
Monique Cerisier-ben Guiga
Gilbert Chabroux
Michel Charasse
Yvon Collin
Gérard Collomb
Yves Coquelle
Raymond Courrière
Roland Courteau
Yves Dauge
Annie David
Marcel Debarge
Gérard Delfau
Jean-Pierre Demerliat
Michelle Demessine
Evelyne Didier
Claude Domeizel
Michel Dreyfus-Schmidt
Josette Durrieu
Bernard Dussaut
Claude Estier
Guy Fischer
François Fortassin
Thierry Foucaud
Jean-Claude Frécon
Bernard Frimat
Charles Gautier
Jean-Pierre Godefroy
Jean-Noël Guérini
Claude Haut
Odette Herviaux
Alain Journet
André Labarrère
Philippe Labeyrie
Serge Lagauche
Roger Lagorsse
Dominique Larifla
Gérard Le Cam
André Lejeune
Louis Le Pensec
Claude Lise
Paul Loridant
Hélène Luc
Philippe Madrelle
Jacques Mahéas
Jean-Yves Mano
François Marc
Jean-Pierre Masseret
Marc Massion
Josiane Mathon
Pierre Mauroy
Louis Mermaz
Gérard Miquel
Michel Moreigne
Roland Muzeau
Jean-Marc Pastor
Guy Penne
Daniel Percheron
Jean-Claude Peyronnet
Jean-François Picheral
Bernard Piras
Jean-Pierre Plancade
Danièle Pourtaud
Gisèle Printz
Jack Ralite
Daniel Raoul
Paul Raoult
Daniel Reiner
Ivan Renar
Roger Rinchet
Gérard Roujas
André Rouvière
Michèle San Vicente
Claude Saunier
Michel Sergent
René-Pierre Signé
Jean-Pierre Sueur
Simon Sutour
Odette Terrade
Michel Teston
Jean-Marc Todeschini
Pierre-Yvon Tremel
André Vantomme
Paul Vergès
André Vezinhet
Marcel Vidal
Henri Weber
Abstentions
Nicolas Alfonsi, Rodolphe Désiré, Bernard Joly.
N'ont pas pris part au vote
Philippe Adnot, Philippe Darniche, Sylvie Desmarescaux, Hubert Durand-Chastel,
Bernard Seillier, Alex Türk, Christian Poncelet, président du Sénat, et Adrien
Gouteyron, qui présidait la séance.
Les nombres annoncés en séance avaient été de :
Nombre de votants : | 315 |
Nombre des suffrages exprimés : | 312 |
Majorité absolue des suffrages exprimés : | 157 |
Pour : | 201 |
Contre : | 111 |
Mais, après vérification, ces nombres ont été rectifiés conformément à la liste ci-dessus.