SEANCE DU 3 DECEMBRE 2002
M. le président.
Le Sénat va examiner les dispositions du projet de loi concernant le ministère
de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires rurales, et le
budget annexe des prestations sociales agricoles.
La parole est à M. le rapporteur spécial.
M. Joël Bourdin,
rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et
des comptes économiques de la nation.
Monsieur le président, monsieur le
ministre, mes chers collègues, élaboré dans un contexte budgétaire national et
communautaire plus que tendu, le présent projet de budget a dû notamment
composer avec l'héritage des gestions budgétaires hasardeuses du passé,
critiquées, en particulier, par la Cour des comptes dans son rapport sur
l'exécution des lois de finances pour 2001.
En 2003, le budget du ministère chargé de l'agriculture s'élèvera à 5,154
milliards d'euros, en augmentation de 0,9 % par rapport aux dotations initiales
pour 2002, mais en baisse de 3,8 % par rapport aux dotations inscrites en loi
de finances rectificative.
Toutefois, il faut souligner que ce budget ne recouvre pas l'ensemble des
concours publics en faveur de l'agriculture, si bien qu'il ne permet pas
l'identification exhaustive de la réalité de l'intervention de l'Etat en faveur
de l'agriculture.
Ainsi, pour 2003, l'ensemble des concours publics à l'agriculture atteindra un
total de près de 27,5 milliards d'euros, ce montant incluant les dépenses
relatives au régime de protection sociale des agriculteurs, - regroupées au
sein du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, sur lequel
je reviendrai plus tard -, les dépenses en faveur de l'agriculture consenties
par d'autres ministères, les dépenses des collectivités locales, enfin, les
dépenses communautaires, qui représenteront plus de 9,95 milliards d'euros en
2003.
Malgré les contraintes budgétaires, et grâce à la mise en oeuvre d'une
politique de rationalisation des coûts budgétaires et de meilleure gestion des
effectifs qui devra être poursuivie et amplifiée dans les années à venir, le
présent projet de budget vous permet, monsieur le ministre, de financer les
priorités que vous avez définies.
Vos quatre priorités principales, auxquelles je souscris totalement, sont les
suivantes : promouvoir une agriculture écologiquement responsable et
économiquement forte au service de la qualité des produits ; renforcer
l'attractivité de l'agriculture ; lancer une politique nouvelle de l'espace
rural ; enfin, soutenir l'effort de modernisation de la pêche et des cultures
marines.
Si la qualité et la sécurité sanitaire de l'alimentation ainsi que la
multifonctionnalité de l'agriculture, thèmes chers au précédent gouvernement,
restent primordiales, le présent projet de budget permet cette année d'insister
sur des secteurs qui avaient été auparavant délaissés, voire marginalisés.
Parmi ces secteurs, je citerai d'abord la politique forestière. Les crédits
consacrés à la gestion durable de la forêt connaissent, en 2003, une
augmentation très sensible. Se traduit ainsi la volonté du Gouvernement
d'accélérer la mise en oeuvre du plan national pour la forêt en poursuivant la
reconstitution des forêts après tempêtes, de verser une compensation
exceptionnelle à l'Office national des forêts, l'ONF, et de développer les
investissements dans la filière bois.
Je citerai également la politique de la montagne, caractérisée par une
revalorisation des indemnités compensatoires de handicap naturel, un réel
soutien à l'enseignement agricole, notamment à l'enseignement privé, et, enfin,
de manière plus générale, la mise en oeuvre d'une politique de valorisation de
l'image de l'agriculture auprès de l'opinion publique, grâce à la création du
fonds de communication et de valorisation.
Au-delà de ce regain de l'intérêt porté à des secteurs qui en avaient
cruellement besoin, il faut noter dans le projet de budget la volonté du
nouveau ministre de prendre à bras-le-corps les difficultés récurrentes de la
politique agricole nationale.
C'est le cas, notamment, des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE,
pour lesquels vous avez décidé, monsieur le ministre, de suspendre les
signatures, dans l'attente d'une réflexion d'envergure sur la réforme de cet
outil. Ne contestant pas l'intérêt de la démarche contractuelle que
représentent les CTE, vous avez cependant reconnu, et avec raison, l'extrême
complexité administrative et, surtout, le coût budgétaire exponentiel de ce
dispositf, ce que j'avais moi-même dénoncé lors de l'examen des précédents
budgets. Le fonds de financement des CTE sera néanmoins doté de 200 millions
d'euros cette année, afin de couvrir les dépenses des années antérieures.
S'agissant de la politique en faveur de l'installation, je note également la
volonté du Gouvernement de trouver des solutions innovantes, avec notamment la
création du fonds d'incitation et de communication pour l'installation en
agriculture.
Malgré tous ces aspects très positifs, je relèverai quelques points qui mérite
que vous les explicitiez, monsieur le ministre.
Tout d'abord, la réduction de 15 % de la subvention de fonctionnement aux
offices résulte d'une volonté de rationaliser leur gestion. La nécessité d'une
telle mesure a d'ailleurs été soulignée par la Cour des comptes, qui a critiqué
la gestion de ces offices et leur façon de distribuer les aides communautaires.
J'estime néanmoins que les crédits des offices sont d'une importance
primordiale pour l'adaptation structurelle des exploitations et des filières.
Pourriez-vous nous indiquer, monsieur le ministre, quels sont précisément vos
projets en matière de rationalisation et de modernisation de la gestion des
offices agricoles ?
D'autres crédits budgétaires sont cette année en souffrance. Il s'agit
notamment de la dotation au fonds national de garantie des calamités agricoles,
qui est nulle pour 2003 ; il s'agit également des crédits en faveur des
agriculteurs en difficulté, qui connaissent une baisse significative sur
laquelle je m'interroge. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous éclairer sur
les raisons de la diminution de ces deux subventions, sans doute liées aux
gestions budgétaires antérieures ?
Au total, je suis donc très satisfait du premier projet de budget agricole de
la nouvelle législature, qui s'inscrit sous le signe de la saine gestion
budgétaire et de la défense des intérêts agricoles nationaux.
S'agissant maintenant du projet de budget annexe des prestations sociales
agricoles pour 2003 - puisque l'originalité de la discussion du projet de loi
de finances pour 2003, est que l'on examine en même temps le budget de
l'agriculture et le BAPSA -, sa discussion prend cette année une dimension
particulière, puisqu'elle s'inscrit dans un contexte de « crise » du
financement de la protection sociale des non-salariés agricoles.
On s'en souvient, le Gouvernement a dû recourir, à l'occasion du vote du
collectif budgétaire de cet été, à une solution exceptionnelle de financement
du déficit d'exécution du BAPSA pour 2002 par le biais, d'une part, de
prélèvements sur trois organismes agricoles - la société Unigrains, le fonds
national de garantie des calamités agricoles et les caisses de mutualité
sociale agricole, ou MSA -, à hauteur de 456 millions d'euros, et, d'autre
part, d'un doublement de la subvention d'équilibre du budget général. Ce
financement exceptionnel avait suscité l'émoi d'un grand nombre de nos
collègues sénateurs, puis leur compréhension, sinon leur acceptation, sous
réserve que soient trouvées des sources de financement pérennes au BAPSA et que
l'on fasse reposer celui-ci sur des prévisions de dépenses et de recettes
réalistes, afin de garantir à terme son équilibre sans avoir recours à de tels
prélèvements exceptionnels.
En 2003, le BAPSA s'élèvera, hors restitutions de TVA, à 14,625 milliards
d'euros, en hausse de près de 2,6 % par rapport à la loi de finances initiale
pour 2002.
Les sources externes de financement du projet de BAPSA pour 2003 restent
majoritaires, dans la mesure où le niveau des contributions professionnelles
versées par les exploitants agricoles ne permet pas de couvrir intégralement
les besoins de financement de la protection sociale des agriculteurs.
Pour 2003, les recettes du BAPSA se caractérisent par plusieurs traits.
Tout d'abord, on constate une quasi-stabilité du montant des contributions
professionnelles par rapport aux dotations de la loi de finances initiale pour
2002 et une faible progression du montant des taxes affectées, toujours
marquées par la prévalence des recettes de TVA nette et par une montée en
puissance du prélèvement sur la contribution sociale de solidarité des
sociétés, la C3S, en augmentation de 25 % par rapport à 2002.
Ensuite, le montant des transferts de compensation démographique diminue
faiblement - de 1 % -, tandis que la participation de l'Etat au titre de la
subvention budgétaire d'équilibre est quasiment doublée par rapport à la loi de
finances initiale pour 2002. Alors que, entre 2001 et 2002, la subvention
budgétaire avait enregistré une baisse record de 67 %, le niveau atteint en
2003, soit près de 523 millions d'euros, marque l'engagement de l'actuel
gouvernement d'assurer la solvabilité du régime de protection sociale des
agriculteurs.
Enfin, la ligne « recettes diverses » s'établit, pour 2003, à 43,2 millions
d'euros, ce qui représente une progression de 31 millions d'euros par rapport
au montant inscrit en loi de finances initiale pour 2002. Cette augmentation
correspond au nouveau prélèvement institué sur les caisses de mutualité sociale
agricole par l'article 21 du présent projet de loi de finances.
Les dépenses prévisionnelles s'établissent pour 2003 à près de 15,9 milliards
d'euros. Hors restitutions de TVA, elles s'élèvent à 14,625 milliards d'euros,
en augmentation de 2,6 % par rapport au montant des dépenses votées en loi de
finances initiale pour 2002.
Toutefois, il faut souligner que la loi de finances rectificative pour 2002 a
modifié ce montant des dépenses en fonction de prévisions de réalisation plus
importantes
In fine
, on note donc une diminution de 0,84 % entre les
dépenses prévisionnelles du présent projet de BAPSA pour 2003 et les dépenses
votées en loi de finances rectificative pour 2002.
Les prestations d'assurance vieillesse représentent, avec plus de 8 milliards
d'euros, le principal poste de dépenses du BAPSA en 2003, ce qui équivaut à
près de 55 % du total des dépenses, en augmentation de 1 % par rapport aux
dépenses prévues dans la loi de finances initiale pour 2002.
En outre, la participation de l'Etat au financement du nouveau régime de
retraite complémentaire obligatoire des agriculteurs, d'un montant de 28
millions d'euros, est incluse cette année dans ce poste de dépenses.
Les dépenses d'assurance maladie, maternité et invalidité, qui constituent le
deuxième poste de dépenses du BAPSA avec 39,4 % du total des dépenses,
devraient s'établir pour 2003 à près de 5,8 milliards d'euros, en augmentation
de 5,4 % par rapport au montant inscrit en loi de finances initiale pour
2002.
Toutefois, les prévisions de dépenses pour 2003 sont inférieures aux
prévisions d'exécution pour 2002 de près de 1,3 %. En conséquence, nous nous
demandons si les dépenses d'assurance maladie du BAPSA pour 2003 n'ont pas été
sous-évaluées, ce qui pourrait créer un déséquilibre financier dans le budget
d'ici à la fin de l'année 2003 et contraindrait le Gouvernement à avoir, de
nouveau, recours à des sources de financement exceptionnelles et
dérogatoires.
Les dépenses de prestations familiales, qui constituent le troisième poste de
dépenses, sont évaluées à 581 millions d'euros en 2003, enregistrant une baisse
de 1,5 % par rapport à la loi de finances initiale pour 2002.
Enfin, les dépenses liées à l'étalement et à la prise en charge des
cotisations des agriculteurs en difficulté sont en constante diminution. Ainsi,
pour 2003, comme je l'ai déjà indiqué, aucun crédit n'était inscrit dans le
projet de loi de finances initialement présenté par le Gouvernement à ce
chapitre budgétaire, en raison de l'ajustement aux besoins par suite de
l'évolution des dépenses et des effectifs. Je me félicite de ce que, lors de la
première lecture, l'Assemblée nationale ait abondé cette ligne à hauteur de 10
millions d'euros. Nous étions en droit de nous interroger sur l'opportunité de
cette réduction drastique dans un contexte agricole encore incertain.
Après cette rapide présentation du BAPSA, je souhaiterais vous faire part, mes
chers collègues, des observations suivantes.
Alors que l'avenir de la protection sociale des agriculteurs se trouve
aujourd'hui confronté à de nouveaux défis - mise en place d'un régime de
retraite complémentaire obligatoire, réforme de la couverture accidents du
travail et maladies professionnelles - la question du cadre financier de cette
protection sociale se pose avec acuité.
En effet, depuis 1997, tous les exercices du budget annexe des prestations
sociales agricoles se sont soldés par un déficit d'exécution mettant en
évidence les difficultés d'une réelle gestion budgétaire de ce budget
annexe.
Les déficits constatés depuis 1997 ont eu pour origine, avant tout, une
sous-estimation récurrente des dépenses prévisionnelles du BAPSA, notamment des
dépenses d'assurance maladie, ainsi qu'une constante surestimation des recettes
de cotisations sociales.
En 2001, le besoin de financement du BAPSA était de 452 millions d'euros.
La loi de finances rectificative pour 2002 a confirmé l'ampleur de ce besoin
de financement du BAPSA, fixé à 746 millions d'euros.
Enfin, les perspectives financières du BAPSA pour 2003 sont telles que, dans
le présent projet de loi de finances, sont prévus non seulement un doublement
de la subvention d'équilibre du budget général par rapport à la loi de finances
initiale pour 2002, mais aussi, conformément aux dispositions de l'article 21,
une nouvelle contribution des caisses de MSA, à concurrence de 31 millions
d'euros.
Ce contexte financier du régime de protection sociale des agriculteurs est
d'autant plus inquiétant que de nouveaux défis doivent aujourd'hui être
relevés.
Le premier concerne la mise en place du régime de retraite complémentaire
obligatoire créé par la loi du 4 mars 2002 : les nouvelles dispositions
relatives à la création de ce régime devaient entrer en vigueur le 1er janvier
2003. L'article 61 du présent projet de loi de finances prévoit cependant de
repousser cette entrée en vigueur au 1er avril 2003, compte tenu des délais de
mise en oeuvre comportant, notamment, la parution des décrets nécessaires. En
outre, cet article prévoit une participation financière de l'Etat de 28
millions d'euros en 2003.
La mise en place de ce nouveau régime doit permettre aux chefs d'exploitation
ou d'entreprise agricole de percevoir, après une carrière complète, une pension
globale équivalente à 75 % du SMIC annuel net de prélèvement social.
Selon les informations fournies par le précédent gouvernement dans son rapport
relatif aux retraites agricoles, le montant minimal de la retraite
complémentaire devrait s'élever à 1 143 euros par an pour une carrière
complète. En outre, le régime devrait profiter à quelque 500 000 chefs
d'exploitation déjà retraités. Enfin, son coût devrait s'établir entre 377,2
millions d'euros et 452,6 millions d'euros chaque année.
Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous donner plus de précisions quant à la
participation financière future de l'Etat à ce nouveau régime ?
En ce qui concerne la réforme de la couverture contre les accidents du travail
et les maladies professionnelles des exploitants agricoles, la loi du 30
novembre 2001 est entrée en vigueur le 1er avril 2002. Elle vise à la
restauration de l'obligation d'assurance en matière d'accidents du travail et
de maladies professionnelles des non-salariés agricoles, au relèvement du
niveau des prestations ainsi qu'à la mise en place d'une politique de
prévention des risques professionnels.
Cette réforme a profondément modifié l'esprit de cette couverture en
transformant un régime assurantiel basé sur des règles de concurrence en un
véritable régime de sécurité sociale.
Enfin, il faut s'interroger aujourd'hui sur l'avenir institutionnel du BAPSA.
Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 2001, la Cour des
comptes a appelé à sa suppression.
Le BAPSA sera en effet amené à disparaître au plus tard d'ici au premier
exercice d'entrée en vigueur des dispositions budgétaires de la nouvelle loi
organique, à savoir d'ici à 2006.
La suppression, à terme, du BAPSA devrait entraîner son intégration dans le
projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, l'ensemble du
régime social agricole pourrait être examiné par le Parlement au moment de la
discussion dudit projet de loi, comme tous les autres régimes sociaux des
non-salariés.
Monsieur le ministre, pourriez-vous nous en dire davantage sur votre vision de
l'avenir institutionnel du BAPSA ?
En outre, il convient de souligner que trois articles, dont un vient d'être
adopté à l'Assemblée nationale, sont rattachés au budget de l'agriculture.
L'article 60 du projet de loi de finances vise à fixer pour 2003 le plafond de
l'augmentation du produit de la taxe pour frais de chambre d'agriculture au
taux de 1,7 %, taux identique à celui de 2002, mais il est proposé de doubler
le plafond de majoration exceptionnelle de ce taux.
L'article 61 du projet de loi de finances, auquel j'ai déjà fait allusion,
établit le montant de la participation de l'Etat au financement du nouveau
régime de retraite complémentaire des exploitants agricoles à 28 millions
d'euros. Il tend également à repousser les premiers versements associés à ce
régime, précédemment fixés au 1er janvier 2003, au 1er avril 2003, afin de
tenir compte des délais de parution de tous les décrets nécessaires.
L'article 61
bis
prévoit que le Gouvernement transmettra au Parlement,
avant le 30 juin 2003, un rapport évaluant les conditions de fonctionnement des
offices agricoles et proposant des mesures destinées à en minorer les frais de
structure.
Je vous propose, mes chers collègues, d'adopter ces articles sans
modification.
Je vous propose également d'adopter le budget de l'agriculture pour 2003,
estimant qu'il répond, dans un contexte budgétaire national et communautaire de
restriction, aux grandes priorités de l'agriculture française, de même que le
budget annexe des prestations sociales agricoles.
(Applaudissements sur les
travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.
M. Gérard César,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour l'agriculture.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, cette année encore, les résultats économiques de l'agriculture
portent les stigmates des crises traversées.
Si la hausse des prix des produits agricoles en 2001, de 3,3 % en moyenne, a
permis une relative tenue de la production en valeur, elle n'a pourtant pas
concerné toutes les productions, le secteur bovin, notamment, subissant un
effrondement des cours lié à une nouvelle crise de confiance de la part des
consommateurs.
Pour cette année 2002, les prix agricoles semblent, au contraire, de nouveau
orientés à la baisse.
En outre, si le résultat net de l'agriculture progresse en 2001, c'est aussi,
en partie, grâce aux soutiens publics versés dans le cadre des plans
anti-crises, comme ceux qui furent décidés en faveur des éleveurs bovins.
Surtout, nos productions souffrent de plus en plus de l'affaiblissement de la
préférence communautaire et de la concurrence des importations à bas prix qui
en résulte.
Il convient, à cet égard, d'évoquer les importations massives de blé en
provenance des pays de la mer Noire, mais également la concurrence que fait
subir au secteur avicole français l'entrée, sur le marché européen, de
volailles sous-taxées en provenance du Brésil et de Thaïlande.
Le contingent d'importations de vin à droits nuls accordé par l'Union
européenne à l'Afrique du Sud, dans le cadre d'un accord signé en début d'année
et qui pourrait être reproduit avec d'autres pays viticoles, risque d'avoir les
mêmes effets désastreux dans le secteur du vin.
Les négociations conduites actuellement au niveau international et
communautaire sont, de ce point de vue, lourdes d'enjeux pour l'agriculture
française. Dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce, l'OMC, le
dossier agricole reste l'un des plus sensibles et cristallise les
oppositions.
A l'échelon européen, le périmètre de la révision à mi-parcours reste encore
indéterminé. Si les adaptations apparaissent souhaitables dans un certain
nombre de secteurs, comme celui de la viticulture, il ne saurait être question
d'anticiper sur une réforme de fond qui ne peut avoir lieu avant 2006,
conformément à l'accord de Berlin de mars 1999, et je sais, monsieur le
ministre, combien vous y êtes attaché.
A ce propos, je me félicite de l'accord passé entre le Président de la
République et le Chancelier allemand, M. Gerhard Schröder, repris lors du
Conseil européen de Bruxelles. Cet accord pose le principe d'un maintien des
aides directes jusqu'en 2006 contre l'engagement de contenir, après cette date,
les dépenses du premier pilier à leur niveau de 2006.
Cependant, l'élargissement de l'Union à dix nouveaux pays, qui se produira
certainement en 2004, impliquera nécessairement un redéploiement des dépenses
agricoles dans le respect du nouveau plafond budgétaire, ce qui préoccupe les
agriculteurs français.
S'agissant des crédits de l'agriculture pour 2003, la commission des affaires
économiques a relevé que la progression de 0,9 % dont ils bénéficiaient était
certes modeste, mais tout de même appréciable dans un contexte budgétaire
tendu. Cette contrainte budgétaire est notamment illustrée par l'insuffisance
des moyens prévus l'année dernière en faveur des contrats territoriaux
d'exploitation.
Pour 2003, un certain nombre de priorités sont affirmées. Je n'y reviens pas
puisqu'elles ont déjà été présentées.
S'agissant plus particulièrement des crédits examinés dans le cadre de cet
avis, la commission des affaires économiques a estimé qu'ils bénéficiaient,
globalement, d'une évolution favorable.
Illustrant la volonté du Gouvernement de soutenir une production agricole
respectueuse de l'environnement, les crédits consacrés à la politique
agri-environnementale sont plus que doublés, passant de 164 millions d'euros à
333 millions d'euros.
A cet égard, la commission des affaires économiques se félicite de la mise en
place d'une nouvelle prime herbagère agri-environnementale ou PHAE, qui prendra
le relais de l'actuelle prime à l'herbe appelée à disparaître en 2003.
Cette initiative semble correspondre aux attentes exprimées tout récemment
dans le rapport de la mission d'information sur l'élevage, que préside notre
collègue Jean-Paul Emorine, qui a mis en évidence le rôle essentiel joué par
l'élevage allaitant dans les zones herbagères traditionnelles.
La commission a également pris note de la forte revalorisation, à concurrence
de 200 millions d'euros, de la dotation affectée aux CTE, ce qui permettra
d'honorer les engagements déjà contractés et de conclure de nouveaux contrats
dans le cadre d'un dispositif rénové des contrats d'agriculture durable, les
CAD, qui vient d'être annoncé.
Je pense, monsieur le ministre, qu'il serait très intéressant que vous veniez
présenter ces nouveaux contrats devant la commission des affaires économiques
dès la publication des textes réglementaires qui s'y rapportent, et même
avant.
Nous avons également relevé avec satisfaction la progression des crédits
consacrés à la politique de l'installation, des structures et de la
modernisation des exploitations, qui doit notamment permettre la relance des
programmes pour l'installation des jeunes en agriculture et le développement
des intiatives locales, plus connus sous le nom de PIDIL. Enfin, il convient de
se féliciter de l'annonce de la mise en place du fonds de valorisation et de
communication doté de 2 millions d'euros, dont la création, prévue par la loi
d'orientation agricole de 1999, était attendue avec impatience par le monde
agricole.
Certaines lignes budgétaires enregistrent toutefois une diminution de leurs
crédits. C'est notamment le cas des dotations prévues pour le dispositif
Agridif - agriculteurs en difficulté -, pour le fonds d'allégement des charges
ou encore pour le fonds national de garantie des calamités agricoles. A cet
égard, je ferai observer que, dans un budget sous contrainte, des
redéploiements de crédits sont inévitables.
En outre, plusieurs des chapitres concernés disposeront encore des crédits de
l'année précédente, soit grâce à des reports, soit grâce à l'existence d'une
réserve financière, comme c'est le cas pour le fonds national de garantie des
calamités agricoles.
Enfin, les dotations en baisse, qui ont habituellement vocation à être
mobilisées en cas de difficultés conjoncturelles, pourront être complétées, le
cas échéant, dans les collectifs budgétaires ; c'est ce que vous avez annoncé
devant la commission des affaires économiques, monsieur le ministre.
Au sujet de l'assurance-récolte, la commission des affaires économiques
souhaiterait savoir quel bilan est tiré de l'expérimentation mise en place par
le décret du 23 avril 2002 et s'il est envisagé de la prolonger et de l'étendre
à tout le pays.
La seule réserve que j'émettrai à l'appréciation positive que je porte sur le
budget concerne la diminution de 15 % des crédits destinés aux offices on peut
craindre en effet qu'elle ne se traduise par une réduction des actions
d'orientation en faveur de la recherche et de l'orientation, notamment, à un
moment où de nombreuses filières, fragilisées par les crises, éprouvent un
besoin particulier de dynamisation.
Jugeant, malgré ce dernier point, ce projet de budget globalement équilibré,
la commission des affaires économiques a émis un avis favorable quant à son
adoption.
Cependant, monsieur le ministre, en tant que rapporteur du groupe de travail
sur la viticulture, je me permets de souligner le manque de chercheurs de
l'INRA, l'Institut national de la recherche agronomique, dans la filière
viticole. En effet, seuls 145 chercheurs sur 8 000 personnes sont affectés à la
viticulture.
Monsieur le ministre, en vous remerciant d'avoir bien voulu conclure notre
colloque « vin santé » organisé au Sénat, je vous demanderai, à vous qui savez
ce que représente la filière viticole en matière d'exportation, d'emplois
directs et indirects sur notre territoire national, de prier l'INRA d'affecter
un plus grand nombre de chercheurs à la filière viticole. Ne prenons pas de
retard par rapport aux autres pays viticoles !
La concurrence provenant des pays du Nouveau Monde, de l'Italie, de l'Espagne,
sans parler des pays d'Europe centrale et orientale, est sévère.
Sachons réagir pour l'avenir de la viticulture française ! Je compte, monsieur
le ministre, sur votre soutien, que je sais acquis d'avance.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Alain Gérard, rapporteur pour avis.
M. Alain Gérard,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour la pêche.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers
collègues, la gestion durable des pêches maritimes et de l'aquaculture
mobilisera encore de modestes crédits en 2003, s'élevant à 26 millions d'euros,
soit une dotation budgétaire en léger recul de 2,2 %. C'est pourtant l'avenir
de toute la filière pêche qui est en jeu, soit 100 000 personnes, si l'on tient
compte des activités à terre qui vivent de la pêche en mer.
Or le secteur de la pêche est convalescent, vous le savez, monsieur le
ministre, et il doit faire l'objet de soins attentifs de votre part.
En effet, les pêcheurs sont passés à travers de nombreux grains : marée noire,
tempête, hausse du prix du carburant. Et leur horizon ne s'est pas dégagé pour
autant : les professionnels de la pêche se trouvent devant d'importants défis.
J'en identifie trois principaux.
Le premier concerne les difficultés de recrutement. L'emploi, dans le secteur
de la pêche, baisse tendanciellement depuis de nombreuses années, même s'il
s'est stabilisé en 2001.
Pourtant, dans ce contexte, 30 % des entreprises de pêche rencontrent des
difficultés de recrutement. Certains navires en sont même réduits à rester à
quai.
Or le nombre de nouveaux marins pêcheurs s'accroît chaque année et dépasse
largement le nombre des départs en retraite ou des décès. Une étude qui vous a
été remise, monsieur le ministre, explique ce paradoxe : s'il est difficile de
recruter, c'est que de nombreux pêcheurs abandonnent rapidement leur métier,
lassés des conditions de travail difficiles et dangereuses. De plus, l'image du
secteur, marqué par le déclin, les crises économiques récurrentes, les
difficultés croissantes d'installation en tant que patron artisan jouent comme
autant de barrières à l'entrée, voire au maintien dans la profession.
Il me semble donc urgent de fidéliser les recrues en améliorant les conditions
de travail, mais aussi d'ouvrir le marché du travail de la pêche en y intégrant
de nouveaux publics et en facilitant les reconversions à terre.
La profession doit en outre répondre au défi que constitue l'exigence de
qualité des consommateurs. La nouvelle règle d'étiquetage, en vigueur depuis le
début de l'année, y contribue. Cette démarche en faveur de la qualité implique
aussi d'assurer une grande sécurité sanitaire des produits de la mer. C'est
manifestement une priorité de votre budget.
Enfin, la pêche doit absolument relever un autre défi : celui de la sécurité à
bord. Entre 1997 et 2001, trente marins pêcheurs ont disparu en mer chaque
année. Vous conviendrez que c'est insupportable ! Le plan mis en place par
votre prédécesseur vise à parer aux défaillances matérielles et aux erreurs
humaines. Je compte sur vous, monsieur le ministre - et je sais que je peux le
faire - pour en assurer l'application, voire le renforcement.
L'état du navire est sûrement l'une des clefs de la sécurité à bord. Vous en
avez eu l'expérience lors de votre embarquement sur le
Chimère,
au
Guilvinec. Or Bruxelles menace de supprimer, dès le 1er janvier prochain, toute
aide publique à la flotte.
Nous voici au coeur des préoccupations des pêcheurs : la réforme de la
politique commune de la pêche. J'avais fait part, l'an dernier, de mes
inquiétudes à la lecture du Livre vert de la Commission. Malheureusement, le
projet présenté en mai dernier par le commissaire européen chargé de la pêche,
M. Franz Fischler, a confirmé mes craintes.
Je ne remets pas en cause le diagnostic de la Commission : il est bien évident
qu'il faut trouver les moyens d'assurer le développement durable de la pêche.
Pour autant, il n'est pas acceptable de sacrifier aussi brutalement 8 000
navires européens et 28 000 marins pêcheurs sur l'autel du principe de
précaution. L'état de la ressource à long terme est si mal connu qu'il ne doit
pas commander une politique malthusienne de la pêche, alors même que la pêche
minotière n'est pas inquiétée.
La ressource peut être gérée localement de manière responsable, sans impliquer
nécessairement la casse des navires. Plusieurs réussites le prouvent et
incitent à une gestion décentralisée de la ressource.
Permettez-moi d'évoquer brièvement le projet alternatif que nous avons proposé
en janvier dernier dans la résolution européenne adoptée par le Sénat. Nous
imaginons une politique commune de la pêche recentrée autour des totaux
admissibles des captures, les TAC, et des quotas. A cet égard, les dernières
propositions de la Commission tendant à la réduction de 80 % de certaines
captures prouvent bien que la fixation de ces TAC doit impérativement rester de
la compétence du Conseil européen, car il s'agit bien de décisions politiques
et non de décisions techniques.
Des contrôles renforcés et équitables, réalisés sous la responsabilité
d'inspecteurs communautaires, viendraient en outre assurer la pleine
application de cette nouvelle politique commune de la pêche. Des mesures
techniques compléteraient le dispositif, encourageant notamment le recours à
des engins de pêche sélectifs, car « mieux vaut trier sur le fond que trier sur
le pont », comme on le dit chez nous.
En outre, la politique commune de la pêche doit prendre en compte la dimension
sociale de la pêche et son rôle dans l'aménagement du territoire. On ne peut
donc envisager de supprimer totalement et brutalement en janvier prochain les
aides publiques à la construction et à la modernisation des navires de pêche.
Ces aides ne sont effectivement, monsieur le ministre, ni facteur de
surcapacité, ni facteur de surpêche, ni facteur de distorsion de concurrence.
Au contraire !
L'aboutissement des négociations sur le projet de la Commission européenne est
prévu pour la fin du mois. Nous comptons sur votre combativité pour soutenir la
position française, avec l'appui des pays réunis dans le groupe des « Amis de
la pêche ».
Pour vous marquer son soutien, la commission des affaires économiques a émis
un avis favorable sur l'adoption du budget de la pêche pour 2003.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis.
M. Gérard Delfau,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour le développement rural.
Monsieur le président, monsieur le ministre,
mes chers collègues, depuis l'accord de Berlin de mars 1999 entérinant l'Agenda
2000, la notion de développement rural n'a cessé de prendre de l'importance. En
effet, l'Agenda 2000 a fait du développement rural le second pilier de la
politique agricole commune.
Le développement rural constitue désormais une dimension à part entière de la
politique agricole des Etats membres de l'Union, ce dont le Sénat se
félicite.
Je voudrais insister sur quelques points qui retiennent particulièrement
l'attention cette année : les contrats territoriaux d'exploitation, la
politique de la montagne et la réforme de l'office national des forêts.
M. Gérard César a déjà excellemment parlé des CTE, mais il est bon d'insister
sur ce sujet qui préoccupe le monde agricole et, au-delà, les maires des
communes rurales.
L'expérience a montré l'attachement des agriculteurs aux CTE. Je me félicite
que le Gouvernement ait entendu cette position, assurant que le dispositif
subsistera, fût-ce au prix d'une modification.
Ce point positif étant acquis, certaines questions demeurent concernant
l'avenir. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous donner aujourd'hui plus de
détails sur la nouvelle formule du CTE et sur la date à laquelle elle entrera
en application ?
Vous avez par ailleurs déploré l'évolution non maîtrisée des dépenses liées
aux CTE : pouvez-vous nous préciser où en sont vos réflexions sur ce point et
comment elles s'insèrent dans le cadre de la nouvelle formule à laquelle vous
travaillez ?
Bien entendu, la commission des affaires économiques suit attentivement
l'évolution de ce dossier qui est, vous le savez, particulièrement cher au
Sénat tout entier.
La mise à jour de la loi « montagne » suscite également un vif intérêt.
Monsieur le ministre, la mission commune d'information du Sénat sur cette mise
à jour émis quatre-vingt-dix-huit propositions. La commission des affaires
économiques a l'espoir que ces propositions auront retenu toute votre attention
et qu'elles guideront votre action à cet égard pour l'année à venir. Nous
souhaiterions savoir quels sont vos objectifs en la matière et, surtout,
quelles initiatives vous comptez prendre dans un domaine emblématique du
développement rural.
J'aborderai enfin la réforme de la politique forestière.
Après l'adoption, l'an passé, de la loi d'orientation pour la forêt - je
remarque au passage que, comme l'avait fait valoir le président de notre
commission dans sa communication du 30 octobre, la publication des décrets
d'application a pris du retard -, la réforme de la politique forestière de
notre pays s'est poursuivie cette année par la mise en place d'une vaste
réforme de l'ONF, à travers un plan pour l'Office, le PPO, qui est entré en
application le 1er septembre dernier.
Ce plan doit permettre à l'ONF de retrouver un équilibre financier au terme du
contrat de plan qu'il a conclu avec l'Etat pour les années 2002 à 2006 : ce
plan ambitieux prévoit des gains de productivité de 30 % en cinq ans, ce qui
implique une profonde réorganisation et une réduction des effectifs de 6,5 %,
soit près de 500 postes. Il s'agit là d'un effort considérable, auquel la
direction de l'ONF et les personnels consentent pour sauver un outil
déterminant, indispensable à toute politique forestière.
Je précise que cette réduction de 500 postes devrait se faire par le
non-remplacement de départs à la retraite. Il n'y aura donc pas de
licenciements. Je précise également que la direction s'est engagée à ce que cet
effort porte sur toutes les catégories de personnel, ce qui sera vérifié.
Mon examen du dossier m'a en tout cas renforcé dans la conviction selon
laquelle notre politique forestière a besoin d'un Office national des forêts
fort, capable d'organiser et de réguler le marché du bois, qui est à la fois
morcelé et déstabilisé à la suite des récentes tempêtes.
Au vu de l'évolution des crédits du développement rural, la commission a émis
un avis favorable quant à leur adoption.
(Applaudissements sur les travées
du RDSE, de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis.
M. Bernard Dussaut,
rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan,
pour les industries agricoles et alimentaires.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive,
le chiffre d'affaires des industries agro-alimentaires connaît une forte
progression - de 6 % - pour s'établir à 123 milliards d'euros. Cette croissance
du chiffre d'affaires s'explique essentiellement par la hausse des prix de
vente sur le marché intérieur, qui répercute elle-même, pour partie, la hausse
du coût des matières premières agricoles.
Ces bons résultats ont permis une augmentation de 1,5 % de l'emploi dans le
secteur et une augmentation appréciable - de 4 % - des investissements.
Première industrie française par son chiffre d'affaires, l'industrie
agro-alimentaire se compose de 4 150 entreprises et emploie près de 420 000
personnes. Si ce secteur compte des entreprises figurant parmi les plus grands
groupes mondiaux, à l'image de Danone, qui occupe le quinzième rang mondial, sa
vitalité repose en grande partie sur une multitude de PME présentes sur
l'ensemble du territoire. En outre, les industries agro-alimentaires
transforment 70 % de la production finale de l'agriculture.
Le secteur des industries agro-alimentaires n'en rencontre pas moins certaines
difficultés. En 2001, pour la première fois depuis 1996, les exportations
agro-alimentaires ont subi une diminution de 2,9 %, avec pour conséquence une
dégradation de 20 % du solde de notre commerce extérieur agro-alimentaire.
Cette dégradation s'explique notamment par la baisse des exportations de
viande bovine, liée à la fermeture des frontières en réaction aux crises
sanitaires de la fièvre aphteuse et de l'encéphalopathie spongiforme bovine,
l'ESB, par une diminution en valeur des exportations de vin, mais également par
une augmentation des importations de soja destiné à remplacer les farines de
viande, désormais interdites pour l'alimentation animale.
Parallèlement, la part de la France sur le marché international des produits
agro-alimentaires tend à s'éroder. En dix ans, elle a diminué de près d'un
point. Ce recul est encore plus marqué sur le marché européen, débouché de près
de 70 % de nos exportations.
Ce recul des performances françaises à l'exportation a été au coeur des débats
qui se sont tenus lors du dernier salon international de l'alimentation, en
octobre dernier. Plusieurs explications ont été avancées, en particulier
l'insuffisante analyse de la demande des marchés cibles, la dispersion de
l'offre ou encore l'effacement de l'image gastronomique de la France.
Cette évolution appelle des mesures énergiques de la part des pouvoirs publics
car, faut-il le rappeler, les entreprises concurrentes des pays tiers
bénéficient de soutiens appuyés de la part de leurs gouvernements. Le
dispositif français de soutien aux exportations agro-alimentaires doit être
renforcé. Par ailleurs, il est indispensable d'engager une relance de la
promotion de l'image de la culture alimentaire française, comme le suggère un
récent rapport de la société pour l'expansion des ventes des produits agricoles
et alimentaires, la SOPEXA.
L'autre grand sujet qui préoccupe actuellement le secteur agro-alimentaire est
celui des relations avec la grande distribution puisque, comme les producteurs
agricoles, les entreprises agro-alimentaires subissent les conséquences d'un
rapport de force déséquilibré avec les grandes surfaces.
La pratique des marges arrière, qui n'ont cessé de progresser ces dernières
années, est particulièrement mal vécue parce qu'elle donne aux entreprises le
sentiment de devoir payer pour avoir le droit de vendre leurs produits, ce qui
est un comble !
Malgré l'adoption de la loi sur les nouvelles régulations économiques, malgré
l'engagement d'un dialogue avec la grande distribution destiné à limiter les
marges arrière, les pratiques abusives des grandes surfaces restent la première
difficulté rencontrée au quotidien par les industries agro-alimentaires.
Les crédits examinés dans le cadre de cet avis enregistrent des évolutions
contrastées.
La commission des affaires économiques tient, tout d'abord, à saluer le souci
du Gouvernement de soutenir l'investissement souci dont témoigne l'augmentation
de 41 % des crédits de politique industrielle, et la continuité de l'effort
accompli en faveur de la sécurité sanitaire des aliments, afin, notamment, de
conforter la dotation de l'Agence française de sécurité sanitaire des aliments,
l'AFSSA, et de financer le programme d'éradication de la tremblante.
D'autres politiques examinées dans cet avis sont simplement reconduites :
c'est le cas à l'image de la politique de la qualité ou encore de la promotion
des produits agricoles et alimentaires, qui servent notamment au versement
d'une subvention à la SOPEXA.
Je viens d'ailleurs de prendre connaissance d'un amendement déposé au nom de
la commission des finances sur le titre IV et qui tend à réduire encore de 800
000 euros les crédits consacrés à la lutte contre l'ESB. Même si, à cet égard,
les préoccupations ne sont plus aussi vives qu'elles ont pu l'être, faut-il
pour autant baisser la garde ? Personnellement, j'espère que cet amendement ne
sera pas adopté, mais je crains fort que cet espoir ne soit vain !
Certaines actions enregistrent une vraie diminution de leurs moyens. C'est le
cas, par exemple, des crédits destinés à la recherche agro-alimentaire, qui
baissent de plus de 8 %. C'est surtout le cas des crédits affectés au
financement de l'équarrissage, qui sont réduits de 205,5 millions d'euros.
Cette baisse concerne non seulement les moyens destinés à l'élimination des
farines dites « à bas risque », mais aussi la dotation au service public de
l'équarrissage.
Si la réduction des crédits destinés à soutenir l'élimination des simples
déchets de viande des abattoirs s'explique par la dégressivité du dispositif
d'indemnisation des équarrisseurs mis en place à la suite de l'interdiction
d'utiliser les farines en alimentation animale, la diminution des moyens du
service public de l'équarrissage paraît réellement préoccupante compte tenu des
enjeux sanitaires de cette activité et de l'allongement de la liste des déchets
à haut risque traités dans ce cadre.
Alors que son rapporteur pour avis lui proposait de s'en remettre à la sagesse
du Sénat, en raison de la diminution des crédits de la recherche
agro-alimentaire et de l'équarrissage, ainsi que de la simple reconduction des
crédits de promotion, ce qui lui semble insuffisant au regard du recul des
performances de nos exportations, la commission des affaires économiques a émis
un avis favorable quant à l'adoption des crédits consacrés aux industries
agro-alimentaires dans le projet de loi de finances pour 2003 dans la mesure où
l'essentiel des politiques, hormis celle qui concerne l'équarrissage, était
préservé.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.
Mme Françoise Férat,
rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour
l'enseignement agricole.
Monsieur le président, monsieur le minitre, mes
chers collègues, en 2003, si le budget du ministère de l'agriculture augmente
de 0,9 %, les crédits consacrés à l'enseignement agricole connaissent une
évolution plus favorable encore : ils progressent en effet de 1,9 %, pour
atteindre 1 196 millions d'euros.
Tout en portant la marque d'une certaine rigueur, inspirée par un souci de
maîtrise des dépenses publiques que je ne peux que soutenir, ce projet de
budget comporte des mesures très positives pour l'enseignement agricole.
S'agissant de l'enseignement public, dont les subventions progressent de 0,97
%, il convient d'apprécier les dotations budgétaires au regard de la diminution
des effectifs, qui permet de dégager des marges de manoeuvre nouvelles. Je me
féliciterai toutefois du maintien du nombre des emplois de personnels non
enseignants en 2003. C'est là le signe d'une prise de conscience salutaire des
besoins des établissements de l'enseignement technique, qui, je le rappelle,
fonctionnent pour une large part selon le régime de l'internat et souffrent de
déficits incontestables, notamment en ce qui concerne les personnels
médico-sociaux.
Par ailleurs, je noterai avec satisfaction la poursuite du plan de résorption
de l'emploi précaire. A ce titre, le projet de budget prévoit la création de
trois cents emplois rémunérés sur les ressources propres des établissements.
Il est plus que temps, monsieur le ministre, de mettre en place une gestion
prévisionnelle des moyens et des personnels des établissements de
l'enseignement agricole public. Cet effort de programmation s'impose, en outre,
pour préparer les départs massifs à la retraite. A cet égard, ne faudra-t-il
pas réaliser un audit des besoins des établissements ?
En ce qui concerne l'enseignement privé, dont les subventions progressent de
3,51 %, je me félicite que le projet de loi de finances pour 2003 donne à
l'Etat les moyens d'assumer les responsabilités qui lui incombent en vertu des
dispositions de la loi de 1984.
Pour les établissements du temps plein, les crédits inscrits pour 2003
permettent de tirer les conséquences de la réévaluation des coûts par élève.
J'exprime le souhait que le décret fixant les nouvelles modalités de calcul des
subventions dont bénéficient ces établissements prévoie la périodicité des
procédures de réactualisation.
Pour les établissements du rythme approprié, l'enveloppe prévue pour 2003
devrait permettre la réévaluation du coût du formateur qui, réalisée en
principe chaque année, n'avait pas été opérée en 2001 ni en 2002. Pouvez-vous,
monsieur le ministre, nous le confirmer ?
S'agissant des établissements de l'enseignement supérieur privé, il avait été
prévu de modifier les paramètres de calcul de leurs subventions afin
d'améliorer les conditions dans lesquelles ils s'acquittent de leurs activités
de recherche. Or cette décision, dont les conséquences budgétaires ont d'ores
et déjà été anticipées, n'a pas encore été mise en oeuvre faute de texte
d'application. Il s'agit là d'un retard lourd de conséquences. Peut-on espérer
qu'en 2003 les mesures nécessaires seront enfin prises ?
En conclusion de cette présentation comptable, j'attirerai votre attention,
monsieur le ministre, sur la nécessité de définir une nouvelle ambition pour
l'enseignement agricole.
En premier lieu, l'adaptation des formations de la production aux nouvelles
exigences sanitaires apparaît comme un enjeu stratégique. En effet, je crois
qu'il ne peut y avoir de développement du milieu rural sans que le maintien des
activités de production soit assuré.
En second lieu, il y a également urgence à définir, au-delà de ces filières,
des orientations permettant à l'enseignement agricole de mettre à profit ses
acquis pédagogiques au bénéfice de nouveaux domaines, en particulier celui des
métiers de l'environnement. Il y a là des besoins à satisfaire.
Les derniers exercices ont été marqués par une absence de réflexion
prospective. On ne semble pas avoir encore pris conscience de la nécessité
d'adapter cet appareil de formation aux évolutions que connaissent non
seulement les professions agricoles mais également la société dans son
ensemble. Cette situation est regrettable, car l'enseignement agricole
fonctionne bien, et il continue à attirer de nombreux jeunes.
Alors que les facteurs démographiques jouent encore à la baisse, une tendance
à la stabilisation des effectifs s'est dessinée à la rentrée 2002.
L'accroissement significatif du nombre des élèves dans les formations de niveau
V laisse même espérer à terme une progression des effectifs. Les résultats aux
examens et les perspectives d'insertion professionnelle offertes aux diplômés
continuent à faire de cette filière une filière de promotion au service du
développement rural.
Monsieur le ministre, la gestion à court terme qui a prévalu jusqu'à
maintenant risque de handicaper l'enseignement relevant de votre ministère et
de conduire à une démobilisation des personnels qui en ont fait le succès. Ce
serait regrettable, alors que le Gouvernement veut promouvoir l'enseignement
professionnel.
Par conséquent, je formule le souhait que l'année 2003 permette d'engager une
réflexion, afin de préserver l'adéquation entre les formations agricoles et les
métiers auxquels elles préparent.
C'est dans cet espoir que la commission des affaires culturelles a émis un
avis favorable à l'adoption des crédits de l'enseignement agricole pour 2003.
(Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, du RPR, des
Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Nicolas About, rapporteur pour avis.
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales, en remplacement de M.
Jean-Marc Juilhard, rapporteur pour avis de la commission des affaires
sociales, pour les prestations sociales agricoles.
Monsieur le président,
monsieur le ministre, mes chers collègues, ainsi que la commission des affaires
sociales l'avait dénoncé en son temps, le projet de BAPSA pour 2002 était fondé
sur des prévisions irréalistes, qui ont naturellement abouti, dès le milieu de
l'année, à un déficit d'exécution d'un montant de 746 millions d'euros.
A peine arrivé aux affaires, le nouveau gouvernement a dû définir, dans le
cadre du collectif de l'été dernier, des mesures d'urgence afin de rétablir
l'équilibre financier du BAPSA. Outre des prélèvements sur trois organismes
agricoles, à savoir la société Unigrains, le Fonds national de garantie des
calamités agricoles et les caisses de la Mutualité sociale agricole à hauteur
de 456 millions d'euros, ces mesures se sont également traduites par un
doublement de la subvention d'équilibre versée par le budget général, qui
atteint ainsi 560 millions d'euros en 2002.
La commission des affaires sociales a donc aujourd'hui la satisfaction de
constater que le projet de BAPSA pour 2003 a été élaboré par l'actuel
gouvernement sur des bases financières plus saines et plus réalistes.
Je ne reprendrai pas ici le détail des chiffres qui ont déjà été exposés par
notre excellent collègue rapporteur spécial.
S'agissant des recettes du BAPSA pour 2003, je souligne plus particulièrement
le quasi-doublement, par rapport à la loi de finances initiale de 2002, de la
subvention d'équilibre.
Le Gouvernement entend, à l'évidence, rompre sur ce point avec les pratiques
les plus contestables de son prédécesseur, qui avait tendance à considérer
cette subvention comme « une recette parmi d'autres », et dont le montant, en
déclin constant au cours de ces dernières années, était déterminé en fonction
non pas des besoins de financement du BAPSA, mais des contraintes du budget de
l'Etat.
Je me félicite donc, monsieur le ministre, de cette réaffirmation, en 2003, de
la solidarité financière de la nation à l'égard du régime de protection sociale
des agriculteurs.
Je relève, par ailleurs, que les réserves des caisses de la Mutualité sociale
agricole sont, à nouveau, mises à contribution. Certes, le montant de cette
contribution est moins important que celui qui a été retenu l'été dernier. En
outre, je peux admettre le principe de cette participation financière des
caisses de la MSA dès lors que, d'une part, la gravité de la situation
financière du BAPSA le justifie, et que, d'autre part, elle s'accompagne, comme
cela est le cas, d'un effort parallèle et significatif du budget de l'Etat.
J'exprime néanmoins le souhait, monsieur le ministre, que cette sollicitation
des réserves de la MSA demeure tout à fait exceptionnelle et ne devienne pas,
les prochaines années, un mode habituel de gestion du régime des exploitants
agricoles. En effet, ces réserves sont indispensables à la MSA, notamment pour
la mise en oeuvre et le développement d'une action sanitaire et sociale d'une
grande richesse qui profite à l'ensemble des ressortissants du régime
agricole.
En ce qui concerne les prévisions de dépenses du BAPSA pour 2003, je limiterai
mon propos à deux remarques.
La première concerne l'abondement, en première lecture à l'Assemblée
nationale, de la ligne budgétaire « Agridif », pour un montant de 10 millions
d'euros, votre commission des affaires sociales approuve totalement cette
initiative conjointe du Gouvernement et de la commission des finances de
l'Assemblée nationale, qui va permettre de conforter, en 2003, un dispositif
essentiel de solidarité à l'égard des agriculteurs en difficulté.
Ma deuxième remarque est relative à l'extension aux exploitants agricoles de
la nouvelle allocation forfaitaire prévue en faveur des familles ayant au moins
trois enfants et qui perdent le bénéfice des allocations familiales dès lors
que l'un de ceux-ci atteint l'âge de vingt ans. Cette mesure répond à la
volonté, largement partagée dans cette assemblée, d'aligner la protection
sociale des exploitants agricoles sur le droit commun de la sécurité
sociale.
Cette volonté est déjà concrétisée dans le projet de budget soumis à notre
examen.
A ce sujet, j'évoquerai plus particulièrement le nouveau régime de retraite
complémentaire obligatoire créé par la loi du 4 mars 2002. Il entrera en
vigueur le 1er avril prochain. On ne peut que se féliciter de cette nouvelle
étape dans la consolidation de la protection sociale des agriculteurs. Certes,
ce nouveau régime est encore imparfait. Ni les conjoints ni les aides familiaux
n'en bénéficient pour l'instant, en raison du coût de cette extension pour les
cotisants, évalué à 1,43 milliard d'euros.
Néanmoins, ce nouveau régime de retraite complémentaire a désormais le mérite
d'exister et, surtout, d'être financé. En effet, là encore, le Gouvernement a
su trouver les ressources budgétaires que son prédécesseur s'était bien gardé,
en son temps, de définir : 28 millions d'euros seront ainsi versés par l'Etat
en 2003.
M. Paul Raoult.
C'est Byzance !
M. Paul Blanc.
Eh oui !
M. Nicolas About,
rapporteur pour avis.
Il me paraît nécessaire de souligner que cette
retraite complémentaire sera payée mensuellement, alors que les retraites
agricoles de base continuent, quant à elles, d'être versées par trimestre, ce
qui constitue un archaïsme auquel il convient de mettre fin dans les meilleurs
délais.
M. Gérard Le Cam.
C'est vrai !
M. Nicolas About,
rapporteur pour avis.
Le reste aussi !
(Rires.)
M. Didier Boulaud.
C'est à voir !
M. Nicolas About,
rapporteur pour avis.
Bien sûr, le coût de cette mensualisation est
élevé. Diverses solutions pertinentes ont été toutefois proposées, notamment
par la caisse centrale de la MSA, afin d'aboutir à sa mise en place
progressive.
Malheureusement, ce dossier est devenu plus complexe, depuis que le précédent
gouvernement a choisi de financer, entre 1997 et 2001, les déficits d'exécution
du BAPSA par des prélèvements massifs sur son fonds de roulement.
M. Henri de Raincourt.
C'est incroyable !
M. Paul Blanc.
Eh oui !
M. Nicolas About.
Eh oui ! La marge de manoeuvre financière, qui aurait facilité un passage
progressif à la mensualisation des retraites de base, a donc aujourd'hui
disparu.
Néanmoins, cette mensualisation demeure l'une des demandes les plus pressantes
des retraités du régime agricole. Pourriez-vous, monsieur le ministre, nous
faire part de votre réflexion et de vos projets en ce domaine ?
Je conclurai mon propos par le principal défi qui attend le régime des
exploitants agricoles dans les prochaines années, à savoir la disparition
annoncée du BAPSA.
Nous connaissons tous les limites et les imperfections de ce budget annexe. Sa
suppression pourrait donc fournir l'occasion de pérenniser, sur de nouvelles
bases, la protection sociale des exploitants agricoles, à la condition,
toutefois, de respecter quelques exigences fondamentales.
Tout d'abord, le BAPSA sera utilement remplacé par un cadre comptable et
financier plus cohérent, regroupant, en toute transparence, l'ensemble des
recettes et des dépenses du régime agricole.
Par ailleurs, la disparition du BAPSA ne devra pas se traduire par une remise
en cause du montant ou du principe même de la solidarité financière de la
nation à l'égard de la protection sociale des exploitants agricoles. Cette
solidarité est, en effet, la condition primordiale de sa survie.
Enfin, il conviendra de réaffirmer, à cette occasion, les atouts et les
spécificités de la Mutualité sociale agricole, dont la proximité et la qualité
de gestion sont des gages d'efficacité.
Le chantier est vaste. Ne doutant pas, monsieur le ministre, de votre
détermination en la matière, et constatant, dès votre premier projet de loi de
finances, votre engagement résolu en faveur de la protection sociale des
exploitants agricoles, la commission des affaires sociales a émis un avis
favorable à l'adoption des crédits du BAPSA pour 2003.
(Applaudissements sur
les travées des Républicains et Indépendants, du RPR et de l'Union centriste,
ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la
conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour
cette discussion sont les suivants :
Groupe du Rassemblement pour la République, 52 minutes ;
Groupe socialiste, 47 minutes ;
Groupe de l'Union centriste, 34 minutes ;
Groupe des Républicains et Indépendants, 29 minutes ;
Groupe communiste républicain et citoyen, 20 minutes ;
Groupe du Rassemblement démocratique et social européen, 32 minutes.
Je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des
Présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix
minutes.
Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Bernard Joly.
M. Bernard Joly.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le secteur
agricole reste encore fortement marqué, s'agissant des productions, par les
conditions climatiques défavorables de l'année 2002 et, s'agissant de
l'élevage, par les conséquences de la crise bovine et du retour de la fièvre
aphteuse. L'avenir s'annonce incertain en ce qui concerne tant les résultats
des négociations qui ont lieu dans le cadre de l'OMC que l'élargissement de
l'Union européenne à dix nouveaux pays.
Ces évolutions, qui mettent en jeu des partenaires extérieurs, se conjuguent
avec des situations hexagonales instables dont il convient de clarifier les
paramètres. Dans le développement durable, les agriculteurs ont un rôle
fondamental : ils interviennent, en interface, comme conservateurs du milieu et
comme producteurs, et ce aux échelons européen, national et local.
La décision que vous avez prise cet été, monsieur le ministre, de suspendre
l'examen des contrats territoriaux d'exploitation a surpris. Les milieux
professionnels ne semblent pas avoir été consultés ni avertis.
M. Didier Boulaud.
Ah, quand même !
M. Bernard Joly.
La nécessaire simplification des procédures n'est contestée par personne. Elle
était d'ailleurs jugée d'autant plus indispensable que le CTE était considéré,
jusqu'à présent, comme la seule modalité possible de reconduction de « prime à
l'herbe » à partir de l'année prochaine. Cette prime est considérée par les
organisations professionnelles comme une mesure emblématique du « nouveau
contrat entre la société et son agriculture ». Monsieur le ministre qu'en
est-il de cette aide pour l'année à venir ?
A l'issue d'un audit que vous avez demandé, monsieur le ministre, vous avez
annoncé, voilà quelques jours, que le CTE serait remplacé par le contrat
d'agriculture durable. Ce dernier s'inscrit, semble-t-il, dans une vision plus
globale et plus raisonnée de la société qui prédomine dans les actions
gouvernementales. Néanmoins, était-il judicieux de changer la donne en cours de
partie ? Qu'adviendra-t-il des agriculteurs dont le projet de CTE a été engagé
? Sera-t-il mené à bonne fin ? S'il doit y avoir un pont entre les deux
systèmes, comment va-t-il se faire ? Ce sont autant de questions qui appellent
des réponses, puisque la sortie des textes réglementaires afférents à ce
nouveau dispositif n'est prévue que dans le courant du premier semestre
2003.
Si l'implication du monde agricole dans les enjeux environnementaux
prioritaires ne fait pas de doute, il n'est pas moins certain que les
agriculteurs refusent d'être exclus du partage de la plus-value. Les dernières
actions ont clairement prouvé qu'il fallait clarifier et assainir un système
pernicieux.
Il convient d'avoir à l'esprit quelques chiffres : en France, la grande
distribution occupe une position dominante, avec cinq centrales d'achat pour
600 000 agriculteurs et 60 millions de consommateurs. Ces centrales, qui se
partagent 90 % du marché du pays, ont vu leur poids quasiment doubler en dix
ans.
Les marges arrière, pour ne parler que de l'une des pratiques abusives,
représentent 30 milliards d'euros soumis à un taux de TVA de 19,6 %. Il s'agit
de véritables fourches caudines, car si un fournisseur refuse de se soumettre
aux ristournes imposées, qui peuvent atteindre 30 % de la marge bénéficiaire,
il ne sera plus référencé par l'enseigne.
M. Jean Bizet.
Très juste !
M. Bernard Joly.
De plus, si l'on compare le prix de départ payé à l'exploitant et le prix de
vente dans les rayons des magasins, il apparaît que 60 % de cet écart tombe
dans l'escarcelle de la distribution. En conclusion, l'écrasement du prix
d'achat ne profite pas au consommateur, contrairement à ce qu'affirment
certaines campagnes de publicité.
Le dernier mouvement de protestation semble avoir débouché, grâce à vous,
monsieur le ministre, sur un dialogue. Une convention signée entre grandes
surfaces et agriculteurs, portant globalement sur la mise en place d'une
véritable politique contractuelle dans les différentes filières, ouvre une
perspective d'assainissement. L'arrêté publié tout récemment attribuant deux
sièges aux agriculteurs à la commission d'examen des pratiques agricoles, créée
par la loi sur les nouvelles régulations économiques, équilibre les
représentations dans une structure qui analysera les contrats passés entre la
grande distribution et ses fournisseurs.
Il est envisagé tout prochainement un assouplissement de la loi Galland ciblé
sur la revente à perte et les promotions abusives qui permettrait aux
fournisseurs de pratiquer des différenciations tarifaires venant contrecarrer
les marges arrière résiduelles. L'accord qui est intervenu, monsieur le
ministre, n'est-il qu'une étape ou est-il définitif ?
L'Etat, sans être dirigiste, doit être vigilant dans l'application des
dispositions déjà en vigueur. De plus, il est nécessaire qu'il favorise et
accompagne une moralisation des pratiques, qui ne peuvent être uniquement
fondées sur le profit. Je souhaiterais à cet égard vous entendre, monsieur le
ministre.
(Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'Union centriste,
du RPR et des Républicains et Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Serge Mathieu.
M. Serge Mathieu.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le contexte
agricole international est tendu avec les négociations de l'OMC et les
interrogations sur l'avenir de la politique agricole commune, la PAC ; le
contexte budgétaire est globalement difficile, et le précédent gouvernement a
laissé de nombreux dossiers en suspens
(Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC)
:
...
M. Paul Raoult.
L'héritage !
M. Serge Mathieu.
... BAPSA en grave déséquilibre, insuffisance des financements des CTE,
blocage du produit de la modulation des aides, promesses non tenues à la suite
de la tempête de 1999, dédain à l'égard de l'enseignement privé agricole
(Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste),
retraite complémentaire non financée. Malgré ce triste panorama, le budget du
ministère connaît une progression de 0,9 % par rapport à 2002
(Rires sur les
travées du groupe CRC),
et nous ne pouvons que vous en féliciter très
vivement, monsieur le ministre.
M. Gérard Le Cam.
Quel effort !
M. Henri de Raincourt.
C'est pas mal !
M. Didier Boulaud.
On attendait plus !
M. Serge Mathieu.
C'est un très gros effort !
Dans ce budget, vous entendez redresser la situation et vous affichez
clairement vos priorités pour 2003.
M. Gérard Delfau.
C'est saint Jean Bouche d'Or !
M. Serge Mathieu.
Nous y souscrivons pleinement : oui à une agriculture écologiquement
responsable et économiquement forte ; oui au développement de l'attractivité
agricole et à la promotion de l'installation ; oui à la solvabilité de la
protection sociale agricole.
Dans ce cadre général, permettez-moi, mes chers collègues, de m'attarder plus
particulièrement sur la situation de notre viticulture.
(Exclamations sur l'ensemble des travées.)
M. Bernard Piras.
De qualité !
M. Serge Mathieu.
La France est le deuxième exportateur mondial de produits agricoles et
alimentaires, et, si le solde de l'agro-alimentaire, dans notre balance
commerciale, est excédentaire, c'est largement grâce au secteur des vins et
spiritueux. Parallèlement, je tiens à rappeler que le vignoble de Saint-Emilion
a été inscrit par l'UNESCO au patrimoine mondial de l'humanité ; en tant qu'élu
d'un département viticole, je ne peux que marquer ma fierté de voir ainsi
reconnu le rôle de nos agriculteurs en faveur de la préservation de nos
paysages, de l'enrichissement de notre culture et de l'aménagement de nos
territoires.
Pour autant, la situation de notre viticulture n'est pas aussi brillante que
ces deux éléments pourraient le laisser paraître.
En effet, malgré d'importants efforts d'amélioration de la production, et
après des années plutôt encourageantes, notre viticulture est confrontée,
aujourd'hui, à des changements qui risquent, à terme, de menacer son
dynamisme.
Je rappellerai le cas du beaujolais, que je connais bien, et qui se vérifie
dans d'autres régions viticoles. Les professionnels ont, en effet, mené une
politique courageuse en mettant en place, cette année, un plan visant à
maîtriser la production tout en misant sur la qualité.
Mais, malgré ces efforts, les difficultés de la viticulture sont certaines ;
elles s'expliquent par la conjonction de deux facteurs principaux.
Premièrement, on relève une désaffection des consommateurs français et
européens, excepté, pour le moment, dans les pays du nord de l'Europe, tant
pour les vins de table que pour les vins d'appellation d'origine contrôlée.
Deuxièmement, une concurrence de plus en plus vive des nouveaux producteurs,
comme les pays d'Amérique latine, les Etats-Unis, l'Australie, menace notre
viticulture.
Or il s'agit non pas d'une situation conjoncturelle, mais bien de tendances
lourdes. Ces tendances plaident en faveur d'une réflexion d'envergure avec les
professionnels et de mesures ciblées qui permettront à la filière d'adapter
l'offre aux évolutions du marché, d'un point de vue tant quantitatif que
qualitatif.
Le Sénat a d'ailleurs pleinement participé à cette réflexion, en particulier
dans le cadre du groupe de travail sur la viticulture française dont notre
collègue Gérard César était le rapporteur.
Vous-même, monsieur le ministre, vous avez encouragé la profession à débattre
et à prendre position par rapport aux propositions du groupe Cap 2010, à la
suite du rapport Berthomeau.
Ces propositions peuvent se résumer succinctement. Il s'agit d'une réforme
fondée sur la régionalisation, sur un plus grand partenariat entre producteurs
et négociants, sur une adaptation de l'offre aux nouvelles habitudes des
consommateurs avec, notamment, une segmentation des produits visibles, et sur
des démarches commerciales plus pugnaces.
Nous souhaiterions plus particulièrement savoir, monsieur le ministre, où en
est cette procédure d'échange des points de vue que vous avez mis en place.
Il semble d'ores et déjà nécessaire de continuer de soutenir la stratégie de
l'appellation d'origine contrôlée et de l'indication géographique. Ce sont des
outils de développement harmonieux des territoires et des garanties contre les
délocalisations.
A ce titre, un point positif mérite d'être souligné, même s'il ne dépend pas
du présent budget : l'accord de Doha a prévu une avancée importante sur les
indications géographiques, à savoir la négociation d'un système multilatéral
d'enregistrement et de notification des indications géographiques pour les vins
et spiritueux.
Par ailleurs, monsieur le ministre, je crois que votre collègue François Loos
est bien déterminé à défendre une définition juridiquement contraignante des
indications géographiques dans la perspective du sommet de Cancun, en septembre
prochain.
Il me semble qu'une stratégie de qualité est la meilleure garantie pour
l'avenir de la filière viticole. Elle seule peut lui permettre de résister à
une concurrence toujours plus vive des vins du Nouveau Monde.
Pour cela, il faut obtenir, au niveau européen, des mécanismes de gestion des
marchés efficaces. Il faut aussi améliorer la traçabilité, clarifier les
dénominations en repositionnant l'offre, communiquer activement sur les
différents produits, sans négliger les marques et les cépages, adapter les
structures commerciales et, enfin, préserver nos pratiques oenologiques.
En somme, dans les différentes perspectives que je viens d'évoquer, monsieur
le ministre, il faut que notre politique de qualité, quelles que soient les
appellations, trouve des appuis forts.
(Applaudissements sur les travées du
RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. Jean-Marc Pastor.
(Très bien ! et applaudissements sur
les travées du groupe socialiste.)
M. Jean-Marc Pastor.
Monsieur le ministre, même si votre budget n'est pas foncièrement éloigné,
dans sa structure, du budget que votre prédécesseur avait défendu dans cette
assemblée en 2001, il laisse planer quelques inquétudes.
Il s'éleve à un tout petit peu plus de 5 milliards d'euros, et enregistre donc
une augmentation symbolique de 0,9 %, hors inflation, par rapport à la loi de
finances initiale pour 2002, à moins que la majorité du Sénat veuille le
réduire pour venir compenser une approximation budgétaire sur cette loi de
finances !... Cela montre qu'il n'y a pas, d'un côté, des hommes qui se
seraient trompés sur l'ampleur du soutien accordé par l'Etat à l'agriculture
et, de l'autre, des hommes qui auraient tout compris parce qu'ils auraient
soi-disant la fibre plus rurale.
En revanche, ce budget n'est pas, nous semble-t-il, porteur du souffle capable
de lever les inquiétudes d'une profession qui se pose aujourd'hui beaucoup de
questions sur son avenir et sur celui de la politique agricole commune.
D'emblée, je vous fais observer que les assurances que certains semblent
vouloir nous apporter sur les crédits supplémentaires qui seraient accordés en
cas de besoin à l'occasion du prochain collectif budgétaire ne sont pas non
plus de nature à nous inspirer une confiance immodérée dans le budget que vous
nous proposez aujourd'hui d'adopter.
L'un des mérites de la loi d'orientation agricole est d'avoir réinstauré le
rapport de l'homme à la terre en conférant une réelle légitimité à la
multifonctionnalité du métier d'agriculteur.
Les CTE ne sont que l'instrument institutionnel du virage amorcé vers cette
multifonctionnalité. M. André Lejeune y reviendra tout à l'heure.
Imaginer de simplifier ce dispositif n'est, en soi, absolument pas critiquable
et nous vous suivons sur cette décision, à condition de ne pas lui rogner ses
ailes en plein essor.
Je remarque que le rapport d'audit réalisé par les inspecteurs généraux du
comité permanent de coordination des inspections, le COPERCI, sur
l'articulation entre ces politiques et la politique agricole commune a été
rendu dès le mois de juillet. Pourtant, personne ne sait exactement à quoi s'en
tenir sur la formule revisitée qui nous est promise, à part qu'elle devrait
changer de dénomination. Que pouvez-vous nous dire de plus sur ce sujet,
monsieur le ministre ?
De ce point de vue notamment, la prime herbagère que vous présentez comme une
mesure phare de votre budget et qui va succéder à la prime à l'herbe ne
risque-t-elle pas de concurrencer les contrats d'agriculture durable dont la
logique de projet global pourrait souffrir ? Ne représentera-t-elle pas un
manque à gagner dans les bassins allaitant par rapport au système des CTE et à
la prime du maintien des systèmes d'élevage extensifs à la PMSEE, au regard des
critères d'éligibilité notamment ? Nous sommes encore dans le flou à cet
égard.
S'agissant des indemnités compensatrices de handicaps naturels, à laquelle
tiennent, bien sûr, les agriculteurs des zones défavorisées et des zones de
montagne, je note que le principe en a été confirmé cette année. Mais, comme
d'autres, j'émets le souhait que la légère augmentation de leur ligne de crédit
permette de compenser la redéfinition de leur périmètre.
Pour ce qui est de la sécurité sanitaire, les crédits sont en diminution,
compte tenu de la forte chute - plus de 200 millions d'euros - de l'enveloppe
affectée à l'équarrissage. Cette décision risque de devoir être supportée par
la filière bovine qui n'avait pas besoin de cela dans une période encore
marquée par les effets de l'encéphalopathie spongiforme bovine.
En revanche, je tiens à le souligner, vous confirmez les crédits de l'AFSSA et
les moyens dévolus à la traçabilité via l'identification permanente des
animaux, gage d'une indispensable transparence. Bernard Dussaut a exposé tout à
l'heure ce point en détail.
S'agissant de la qualité, qui ne rime pas toujours, vous le savez, avec
traçabilité, j'ai été confronté, dans mon département, à une décision affectant
des groupements de producteurs de veaux sous la mère travaillant sous marque de
qualité, comme chacun le prône : un groupement de producteurs de veaux du
Lauragais a en effet perdu la semaine dernière son agrément, avec le soutien de
votre ministère.
Supprimer les petits groupements n'est pas de nature à encourager les
initiatives des éleveurs et à les motiver pour créer des unités économiques
dans ce secteur d'activité, qui en a pourtant bien besoin.
Je me permets donc, monsieur le ministre, de me faire l'écho des
préoccupations des éleveurs et de vous alerter afin que vous soyez vigilant. De
tels problèmes ne manqueront pas de se reproduire, car il reste quelque 120 à
150 dossiers à examiner.
Sachez que les lois économiques ne sont pas toujours liées aux simples règles
théoriques ; elles dépendent également de la motivation des hommes. Or ce n'est
pas en ne laissant subsister que d'immenses groupements de producteurs que l'on
créera les conditions de cette motivation.
Les crédits consacrés aux aménagements en milieu rural ont, pour leur part,
été détaillés par notre collègue M. Delfau dans son rapport sur le
développement rural. J'insisterai, en tant qu'administrateur de la Compagnie
d'aménagement des coteaux de Gascogne, sur la diminution de près de 17 % des
crédits de paiement destinés aux sociétés d'aménagement régional, ce qui ne
manquera pas de se traduire par des diminutions des programmes d'investissement
et donc par une diminution de l'influence économique de ces sociétés.
Pour ce qui est des dépenses forestières, elles sont reconduites dans le
droit-fil de la précédente loi « forêt ». Cela nous satisfait, monsieur le
ministre. Je relève également l'effort qu'a accompli l'ONF pour s'adapter aux
situations nouvelles.
Le dossier de l'installation est toujours sensible. Vous annoncez la mise en
oeuvre d'un fonds d'incitation et de communication pour l'installation en
agriculture, afin de financer les opérations locales. C'est parfait. Nous en
prenons acte.
Outre le fait que le fascicule bleu n'individualise pas ce fonds par rapport à
la dotation aux jeunes agriculteurs, la DJA, et qu'il ne traduit pas une
évolution très sensible des sommes consacrées à l'installation, nous ne pouvons
pas espérer que le flux d'installations sera supérieur au flux habituel.
Avec 6 000 enfants par an en âge de s'installer, les agriculteurs n'ont plus
les capacités d'assurer le renouvellement des exploitants. Les besoins sont
évalués à 12 000 installations par an.
L'installation progressive hors DJA, voire tardive, l'assouplissement de
l'aide à la transmission, comme les suggestions du rapporteur de la mission sur
l'avenir de l'élevage, M. Emorine, doivent mobiliser votre attention, monsieur
le ministre.
En ce qui concerne le soutien des filières, M. le président de l'assemblée
permanente des chambres d'agriculture n'a pas été le seul à être surpris. Les
crédits au titre des offices sont en baisse de 15 %. Ce n'est pas passé
inaperçu et cela privera les éleveurs bovins, les viticulteurs et les
céréaliers, notamment, de moyens d'intervention et d'expertise lors des crises
récurrentes auxquelles ils sont confrontés.
Enfin, je ne ferai que citer la question des retraites complémentaires,
laissant aux autres intervenants du groupe socialiste le soin d'en traiter.
Au total, ce budget ne marque pas de véritable élan à un moment où nombre de
producteurs sont plus que préoccupés par le devenir de l'agriculture française.
Il marque peut-être au contraire un pas alors que la situation internationale
devrait inciter la France à faire preuve d'imagination et de volontarisme. Au
lieu de cela, vous proposez de dévaloriser l'outil novateur qu'est le CTE en
l'assimilant à une mesure de circonstance.
Monsieur le ministre, pourriez-vous par ailleurs préciser quel est le lien
entre les orientations budgétaires et la politique agricole commune ? La
première politique intégrée de l'Europe semble aujourd'hui en panne et l'on ne
peut pas décider d'une politique nationale sans voir clair par rapport à cette
PAC.
L'apparente absence de stratégie nous trouble. Pourriez-vous, monsieur le
ministre, nous éclairer sur les choix de la France dans le débat de stratégie
européenne d'ici à la fin de l'année 2006 ? Ne pas offrir de perspectives n'est
pas de nature à rassurer les jeunes agriculteurs dont le doute est palpable.
Ils devraient attendre 2006 avec le sentiment qu'il n'y a que peu d'espoirs car
il faudra de toute façon en venir à cette réforme. Ils savent bien qu'il
faudrait procéder à une réforme, mais il ne faudra pas qu'elle intervienne dans
des conditions qui, aujourd'hui, ne paraissent guère rassurantes. La
stabilisation de la dépense agricole en 2006 pour les vingt-cinq Etats
européens s'accompagnera nécessairement de redéploiements. C'est évident, et
cela fait naître bien des inquiétudes.
Le vote d'un budget est aussi le vote d'une orientation politique pour
l'avenir, monsieur le ministre.
Or, dans ce budget, rien ne filtre sur cet avenir. Comment la France se
prépare-t-elle à cette mutation européenne ? Certainement pas en réduisant le
rôle des offices et en supprimant les groupements de producteurs !
Monsieur le ministre, dans ces conditions d'attentisme et d'incertitude, nous
ne voterons pas votre budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe
socialiste et du groupe CRC.)
M. le président.
La parole est à M. Marcel Deneux.
M. Marcel Deneux.
Monsieur le président, monsieur le ministre et cher ami, mes chers collègues,
je voudrais d'abord féliciter M. Joël Bourdin, rapporteur spécial, ainsi que
les différents rapporteurs pour avis dont les interventions ont permis de mieux
comprendre un budget qui est important et qui a de nombreux champs
d'intervention, un budget, nous l'avons compris, qui a été mis en place dans un
contexte budgétaire difficile sur lequel on peut, selon que l'on met l'accent
sur le fait que le verre est à moitié plein ou à moitié vide, porter des
jugements différents.
C'est ainsi que ce budget est en hausse de 0,9 %, si on le compare au budget
primitif de l'an dernier, mais en baisse de 3 % si on le compare au budget qui
découle de la loi de finances rectificative. Il est sans doute encore
comparable à autre chose si l'on prend en compte les crédits engagés et les
dépenses réalisées. Toutes ces comparaisons sont importantes, mais, finalement,
elles ne mènent pas très loin.
Ce qui est important, c'est que ces dépenses sont de natures différentes,
qu'elles couvrent de multiples champs : la protection sociale, la formation, la
recherche, les industries agro-alimentaires, la forêt. Pour les autres secteurs
de l'économie, monsieur le ministre, ces dépenses figurent dans des budgets
spécifiques qui ne sont pas comptabilisés à la charge de tel ou tel
secteurprofessionnel.
Ainsi, si l'on identifie les seuls concours publics de nature économique au
sens large, ce sont 12,4 milliards d'euros qui sont affectés à l'agriculture,
c'est-à-dire 45 % des concours publics totaux, dont d'ailleurs près de 81 %
proviennent du budget communautaire.
L'ensemble des concours publics à l'agriculture est toujours source de
controverse et d'ambiguïté, car il agrège des dépenses de natures différentes
qui ne sont pas représentatives du soutien apporté à l'agriculture en tant que
secteur économique.
Dans les autres secteurs de l'économie, je viens de le dire, les dépenses
affectées à d'autres activités importantes figurent dans des budgets
spécifiques et ne sont pas comptabilisées à la charge du secteur.
L'agriculture présente ainsi une spécificité forte dans la répartition des
concours publics qui regroupent des dépenses ne concernant pas la seule
activité agricole productive et qui relèvent, d'une façon générale, de
l'Etat.
Le budget du ministère de l'agriculture, à lui seul, représente aujourd'hui 18
% des concours publics de l'agriculture. Les aides régionales, souvent mal
connues et pourtant importantes dans certains secteurs, s'ajoutent à ce
total.
Monsieur le ministre, ce budget français du ministère de l'agriculture ne sert
donc pas seulement aux agents économiques de l'agriculture, comme pourraient le
croire des observateurs non avertis. Il faut le dire et le faire savoir. Ce
budget influence une sphère bien plus grande.
On peut légitiment prévoir que les choses seront encore différentes lorsque
vous aurez pris toute la dimension de votre appellation de « ministre du
développement rural », examinée lors du conseil des ministres du 20 novembre
dernier ; nous souhaiterions que vous nous en disiez davantage sur ce point.
Ce budget s'est fixé des priorités, en faveur de l'enseignement notamment.
C'est une bonne chose. C'est une manière de préparer l'avenir, avec lequel il
ne faut jamais badiner.
S'agissant de la recherche, j'évoquerai l'INRA. Cet oganisme privilégie
encore une approche globale des problèmes dans un monde où la spécialisation
scientifique est devenue la règle. Dans la mesure où nous sommes les derniers
en Europe à conserver cette attitude, nous avons un devoir d'entraînement et de
restriction au niveau international.
J'ai d'ailleurs constaté avec plaisir que l'organisation interne de l'INRA a
été revue pour que cet organisme fasse partie de ceux qui structureront demain
l'espace mondial de la recherche. C'est un vrai challenge, monsieur le
ministre. Il nous faut le gagner.
Je ne souhaite pas parler du BAPSA car le temps m'est limité ; je veux
simplement attirer votre attention sur les prélèvements sur les réserves des
caisses de MSA dans le cadre de la loi de finances rectificative de 2002 et de
la loi de finances initiale pour 2003.
Il s'agit là de prélèvements qu'on ne fait qu'une fois, monsieur le ministre.
Et ils risquent de priver les caisses de mutualité sociale agricole des leviers
qui leur permettent de mener une action sociale indispensable en milieu
rural.
Je souhaite maintenant attirer votre attention sur quelques faiblesses que
j'ai pu déceler dans ce budget - mais je ne les ai pas toutes vues.
Ce projet de budget devrait être augmenté. Cela dit, nous avons conscience des
impératifs.
Monsieur le ministre, vous avez privilégié la remise à niveau de dotations
insuffisantes en 2002. Il fallait le faire, mais la revalorisation des
dotations pour les contrats territoriaux d'exploitation et pour les mesures
agro-environnementales hors CTE ne permettra pas de faire face aux besoins.
Le doublement des crédits du fonds de financement des contrats territoriaux
d'exploitation, le FFCTE, sera insuffisant pour honorer les CTE déjà signés et
les CTE relevant de la procédure transitoire qui vient d'être arrêtée ainsi que
le nouveau dispositif qui devrait être opérationnel au printemps 2003.
L'augmentation de plus de 50 % de la dotation affectée aux mesures
agro-environnementales hors CTE ne permettra pas de revaloriser de façon
significative la nouvelle prime herbagère qui doit prendre la suite, en 2003,
des mesures qui existaient.
Peut-être nous parlerez-vous des décisions récentes sur les CTE. Le budget qui
est présenté n'en tient pas forcément compte.
Or, monsieur le ministre, les CTE améliorés, revus et corrigés - nous avons eu
ce débat dans cette assemblée en 1999 - sont nécessaires à la gestion de la
politique agricole. C'est la forme moderne et intelligente de relation entre
l'agriculture et le pays. Les agriculteurs sont respectueux des accords donnés.
Un contrat signé est un véritable engagement.
Il fallait boucler votre budget, et vous avez dû engager des redéploiements
lourds de conséquences. Le projet de budget pour 2003 se traduit par des
remises en cause d'actions, suite à des réductions drastiques de crédits qui
risquent de fragiliser l'agriculture.
La baisse de 15,2 % de la dotation aux offices va sans doute se traduire,
compte tenu de la rigidité de l'évolution des dépenses de fonctionnement et des
crédits inscrits dans les contrats de plan, par une baisse d'un tiers des
crédits d'orientation. Une telle situation va presque automatiquement mener à
des révisions drastiques des politiques conduites dans les offices, qui ont
pourtant pour objectif d'adapter la production aux débouchés, de structurer les
filières ou d'encourager les démarches de qualité.
Par ailleurs, de nombreux secteurs traversent des crises qui ont malmené le
revenu des producteurs. La chute de 42 % des crédits consacrés à l'élimination
des déchets d'abattoir et au service public de l'équarissage aura, elle aussi,
des répercussions sur l'ensemble de la filière viande, du producteur au
consommateur.
La fusion des deux lignes « fonds d'allégements des charges des agriculteurs
», dite « FAC », et « agriculteurs en difficulté » du budget du ministère
conjuguée à la suppression de la ligne consacrée à l'allégement des cotisations
sociales sur le BAPSA déstructure totalement ce dispositif. En effet, le
redressement d'exploitations fragilisées exige toujours des mesures spécifiques
s'appuyant sur des aides à la couverture sociale, au redressement et au suivi
qui doivent exister à côté de dispositifs de crises.
Enfin, l'absence de dotation au fonds national de garantie des calamités
agricoles, outre qu'elle intervient à un moment où l'agriculture est confrontée
à des inondations sans précédent, augure mal la mise en oeuvre des orientations
du rapport Babusiaux, qui avait été timidement prévue dans le budget pour 2002.
Elle risque de décaler une nouvelle fois la France par rapport à
l'assurance-récolte, alors que certains Etats membres, notamment l'Espagne,
sont déjà très engagés sur cette voie.
Monsieur le ministre, ce budget comporte de bonnes choses : une augmentation
des crédits consacrés à la sécurité sanitaire, la retraite complémentaire
obligatoire, la création du fonds d'incitation et de communication pour
l'installation en agriculture, le FICIA. J'en ai relevé une moins bonne, dont
je souhaite vous parler : c'est le recul sur la sélection animale. En ce
domaine, j'ai quelques droits de paternité.
(Sourires.)
L'enveloppe consacrée à l'amélioration génétique des animaux est en baisse de
3,5 %. Après cinq années de stagnation de cette enveloppe en francs courants,
cette nouvelle baisse vient aggraver la situation du secteur de la sélection
animale. C'est la pérennité des actions de base qui est en jeu, notamment dans
le secteur allaitant, où les graves crises économiques de ces dernières années
ont provoqué une nouvelle régression de la base de sélection et une baisse du
recours à l'insémination artificielle.
La crise que traverse le secteur animal nécessite, bien sûr, de nombreuses
mesures. Mais il est indispensable que les crédits consacrés à l'amélioration
génétique permettent de maintenir la base de sélection des races allaitantes
pour pouvoir, demain, contribuer à travailler sur la qualité des viandes et se
conformer aux nouvelles attentes des consommateurs.
L'Etat s'était engagé voilà cinq ans à ne plus laisser l'enveloppe consacrées
à la sélection animale descendre au-dessous d'un seuil de 14,5 millions d'euros
actualisé. Or nous sommes, cette année, au-dessous, mais je pense que ce n'est
qu'une situation provisoire, C'est le maintien d'un outil de sélection efficace
qui est en jeu. Il faut, dans ce secteur, préparer l'avenir.
Monsieur le ministre, le projet de loi de finances pour 2003 que nous allons
voter comporte également plusieurs dispositions qui intéressent
particulièrement le secteur agricole, même si elles s'appliquent aussi à tous
les agents économiques : je veux parler de la baisse de l'impôt sur le revenu,
de l'amélioration de la prime pour l'emploi, de l'annualisation du paiement de
la TVA pour certains redevables. Je tiens à saluer ces mesures.
En revanche, malgré divers rapports publiés depuis plusieurs années, le projet
de loi de finances pour 2003 ne comporte aucune disposition fiscale nouvelle
permettant d'introduire des marges de manoeuvre sur la trésorerie des
exploitations ou de faciliter leur transmission. Je tenais à souligner cette
carence. En ce domaine également, adapter la fiscalité, c'est préparer l'avenir
des entreprises.
Après avoir participé, grâce à M. le président Chirac, au Sommet mondial sur
le développement durable à Johannesbourg, je ne m'explique pas l'erreur
d'orientation donnée aux agents économiques concernés, du fait de l'aggravation
de la fiscalité des biocarburants. C'est une incohérence au moment où, par
ailleurs, l'Etat affirme qu'il a des préoccupations en matière d'énergies
renouvelables et d'environnement.
(Très bien ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)
Changeons de sujet, monsieur le ministre.
Je souhaite, profitant de votre présence, parler des accords relatifs au
nouveau régime douanier céréalier européen.
A l'origine des accords, il y a un afflux des céréales en provenance de pays
riverains de la mer Noire, deux années d'importantes récoltes en Russie et en
Ukraine, des importations facilitées par la passivité de la Commission
européenne pendant plus d'un an, un emballement du phénomène au cours de l'été
2002 et des baisses de prix prolongées dans l'Union européenne pour le blé
entre novembre 2001 et novembre 2002. Finalement, le 12 novembre, des accords
relatifs à la refonte du régime douanier céréalier européen sont intervenus
dans le cadre de l'OMC.
Je n'entrerai pas dans les détails, monsieur le ministre ; vous les
connaissez. Je vous demanderai simplement comment s'appliqueront ces accords,
qui sont importants, étant donné que ce sont l'Ukraine et la Russie qui ont
menacé le marché européen, alors que ces pays ne font pas partie de l'OMC. Qui,
au sein du Gouvernement, est concerné ? Est-ce le ministre délégué au commerce
extérieur, qui est chargé de l'OMC en général, ou le ministre de l'agriculture,
qui est l'autorité de tutelle de l'Office national interprofessionnel des
céréales, l'ONIC ? Nous aimerions le savoir.
En terminant, permettez-moi de vous dire combien nous avons apprécié votre
action au cours de ce semestre depuis votre arrivée rue de Varenne, et combien
nous avons été sensibles à la part que vous avez prise à la préparation des
accords franco-allemands entre le Chancelier Schröder et le Président Chirac
sur la politique agricole commune.
Je souhaite que vous disiez à M. le Président de la République qu'au Sénat une
majorité a reçu le message. Nous disposons d'une période de répit que nous
allons mettre à profit pour être prêts après 2006. Nous allons apporter notre
pierre à la réflexion sur une nouvelle politique agricole commune.
Ce sera un grand projet pour l'agriculture française dans l'Europe de demain
élargie, un projet en rupture avec ce qui s'est passé depuis 1992, époque où
l'on s'est trompé d'orientation, un projet qui donne de l'espoir à toutes les
catégories d'agriculteurs, mais peut-être spécialement aux jeunes, en leur
proposant un métier sans tracasserie administrative, avec des perspectives
réelles de revenus et de dignité professionnelle reconnue, un projet dans
lequel le revenu des agriculteurs dépendra plus qu'aujourd'hui du marché et
moins des finances publiques.
Monsieur le ministre, comme nous l'avions fait en 1960 avec le général de
Gaulle, je souhaite que vous soyez, dans les instances européennes, au nom de
la France, l'artisan de cette vaste réforme, de cette vaste entreprise qui
engagera la France et l'Europe pour plusieurs décennies.
(Applaudissements
sur les travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et
Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Le Cam.
M. Gérard Le Cam.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues,
l'agriculture française et les agriculteurs représentent une dimension
incontournable de notre économie au service non seulement de sa fonction
première, à savoir nourrir la population, mais également de toutes ses
fonctions secondaires en matière d'environnement, d'aménagement de territoire,
de tourisme et de ruralité. Cela mérite d'être souligné en introduction.
Dans le projet de budget de l'agriculture pour 2003 qui nous est présenté, on
tente à la fois de se démarquer des budgets précédents et d'excuser son
impuissance par « le poids de l'héritage », justifié notamment par la montée en
puissance des CTE, que la droite a toujours combattus, et le coût de la
retraite complémentaire au sein du BAPSA, que la droite a pourtant voté.
Ce budget, annoncé en augmentation de 0,9 %, est, en réalité, en régression,
compte tenu de l'inflation. Il n'amorce pas une réponse à la hauteur de la
situation de crise que connaît notre agriculture pour la quasi-totalité de ses
productions. Les cours du porc stagnent autour d'un euro le kilogramme, la
viande bovine ne s'est pas remise de la crise de confiance provoquée par l'ESB
et la fièvre aphteuse. Les céréales sont concurrencées par les importations
abusives de Russie ou d'Ukraine, qui sont passées de 5,5 millions de tonnes à
12,7 millions de tonnes, sans être taxées à 155 % du prix européen
d'intervention, comme cela est possible.
Pourquoi la Commission a-t-elle ainsi bradé la préférence communautaire ? La
crise avicole trouve sa principale cause dans l'importation abusive de viandes
saumurées du Brésil et de Thaïlande.
Les fruits et légumes sont les premières victimes des importations de la
grande distribution et de ses pratiques commerciales illégales, du type «
marges arrière ».
La crise de la viticulture, qui a suscité un récent rapport de la commission
des affaires économiques, vient renforcer ce tableau.
Enfin, si les ovins se vendent bien pour l'instant, le cheptel global se
réduit, les vocations de bergers s'amenuisent et le loup irrite beaucoup dans
le Mercantour.
Monsieur le ministre, derrrière ces crises, il y a des femmes, des hommes qui
se découragent, qui, parfois même, mettent fin à leurs jours. Les chiffres sont
accablants à ce titre. Harcelés par les contrôles tatillons, la pression des
banques, les cours insuffisants et le poids de l'opinion publique à leur égard,
nombreux sont ceux qui, aujourd'hui, quittent la profession bien avant l'âge de
la retraite.
A ce titre, le dispositif « Agriculteurs en difficulté », dit « Agridif », qui
est globalisé avec le fonds d'allégement des charges, ne répond pas à la
situation, malgré les 10 millions d'euros votés à l'Assemblée nationale. Depuis
des années, les critères d'attribution se sont durcis pour les agriculteurs en
difficulté, ce qui explique leur sous-utilisation. Il est urgent d'inverser
tout cela, monsieur le ministre.
La réduction de 15 % des crédits destinés aux offices est également
inquiétante et restreint les possibilités de ceux-ci en période de crise. J'ose
espérer que le rapport promis à l'Assemblée nationale préconisera l'abondement
de fonds aux offices.
La prime herbagère agro-environnementale revalorisée de 70 % est sans doute
la mesure la plus positive de votre budget. Encore faudrait-il que nous en
connaissions les critères d'attribution. Seront-ils sociaux, environnementaux
ou simplement quantitatifs ?
Enfin, les aides à l'équarrissage sont réduites de 205 millions d'euros, ce
qui risque de se répercuter une fois de plus sur la profession. A ce sujet,
monsieur le ministre, je voudrais vous demander où en est le Gouvernement sur
la question de l'élimination des farines animales, quelles solutions techniques
il préconise et où.
A propos de l'installation des jeunes, le rapport budgétaire montre qu'un
jeune sur deux s'installe hors dotation aux jeunes agriculteurs. Ils sont plus
de 5 000 chaque année à s'engager dans la profession sans aide et s'en trouvent
particulièrement fragilisés. J'ai d'ailleurs entendu des échos favorables à ma
droite, au sein de la commission des affaires économiques, sur ce sujet.
Des mesures d'aides concrètes et simples en leur faveur seraient les
bienvenues, mesures d'accompagnement technique, financières et sociales. Ce
n'est donc pas le moment de baisser de 8,5 millions d'euros l'enveloppe DJA,
même si vous dotez le fonds d'incitation et de communication pour
l'installation en agriculture de 10 millions d'euros.
S'agissant des CTE, vous avez choisi, monsieur le ministre, de les suspendre
temporairement dès le 6 août 2002, et cela sans concertation avec la profession
agricole. A ce propos, je voudrais citer ici la délibération en date du 14
novembre dernier de la chambre d'agriculture des Côtes-d'Armor, qui constate «
que ces mesures prises unilatéralement par l'Etat vont conduire à réduire très
fortement le montant des aides initialement prévues dans chaque contrat afin de
respecter une moyenne départementale de 27 000 euros ».
Elle s'étonne encore « que ces mesures aient été prises sans aucune
concertation avec la profession agricole ». Elle déplore ensuite « que ces
décisions arrivent à un moment où la dynamique en faveur des CTE commençait à
porter ses fruits ». Elle demande, enfin, « que le futur dispositif CTE
devienne rapidement opérationnel et soit suffisamment incitatif financièrement
». Ce sont les agriculteurs des Côtes-d'Armor qui le disent, monsieur le
ministre, il faut les entendre !
Les CTE étaient, dans le cadre de la loi d'orientation agricole, la LOA, un
outil au service de la multifonctionnalité, de l'environnement, de la maîtrise
des productions et de la diversité des agriculteurs de notre pays. Il est à
craindre que ces objectifs ne soient dévoyés et que le CTE ne devienne un outil
de modélisation de l'agriculture telle que vous la concevez. J'ai encore en
mémoire les débats de la LOA, lorsque la majorité sénatoriale avait
intentionnellement transformé nos exploitations agricoles en entreprises.
Il est regrettable qu'une véritable concertation n'ait pas eu lieu avec toute
la profession. Nous attendons avec impatience que vous dévoiliez vos intentions
précises à ce sujet, monsieur le ministre.
Ce budget s'inscrit dans un contexte européen lourd de conséquences et
d'inquiétudes pour le monde agricole. Je veux évidemment évoquer la révision à
mi-parcours de la PAC à la suite des accords de Berlin de 1999, révision à
laquelle vous avez fait front, monsieur le ministre, et je tiens ici à saluer
publiquement votre attitude...
M. Hervé Gaymard,
ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et des affaires
rurales.
Merci !
M. Gérard Le Cam.
... car, en repoussant l'échéance, vous avez servi les intérêts de la France.
Désormais, il faudra aller plus loin et réorienter cette PAC dans l'intérêt de
tous.
S'agissant, brièvement, de la forêt, nous ne pouvons accepter la suppression
de cinq cents emplois à l'ONF, car cela ne contribuera pas à préparer
correctement l'avenir de la filière bois.
Par ailleurs, la Commission européenne propose de « réformer la réforme » de
1999 sans, au préalable, en avoir établi un bilan à mi-parcours. Il s'agit, en
fait, de répondre toujours mieux aux critères ultralibéraux de l'OMC, des
Etats-Unis et du groupe de Cairns, et d'engager l'agriculture française comme
monnaie de négociation future. Cela est inadmissible au moment où les
Etats-Unis relancent la course aux subventions avec le
Farm Bill 2002.
L'Europe doit, au contraire, assurer son indépendance, sa souveraineté
alimentaire et appliquer plus que jamais la préférence communautaire.
Le découplage des aides envisagé par la Commission est pervers à double titre.
D'une part, il assure aux exploitations une rente calculée par référence à la
moyenne des primes perçues au cours des trois dernières années, ce qui crée une
distorsion importante entre les exploitations selon la qualité des sols, la
situtation géographique et le type de production. C'est une mesure qui
fragilise les plus faibles. D'autre part, cette référence n'existant pas pour
les dix pays qui vont faire leur entrée dans l'Union européenne, ceux-ci
devront accepter ce que l'on voudra bien leur accorder.
L'écoconditionnalité, sur laquelle nous sommes tous d'accord, ne doit
cependant pas servir à la fois à satisfaire l'opinion publique et à cacher une
politique agricole d'abord orientée au profit de l'agro-industrie exportatrice
européenne.
Les plafonnements et la baisse des aides programmées ne peuvent que porter
préjudice aux exploitations de dimension familiale et favoriser l'intensif.
Autre aspect négatif : le déficit en protéines européen lié à
l'encéphalopathie spongiforme bovine et à la suppression des farines animales
dans l'alimentation n'est pas comblé par une politique volontaire de
développement des cultures d'oléagineux et de protéagineux, cultures qui ont,
par ailleurs, l'énorme avantage d'être économes en engrais chimiques
puisqu'elles fixent l'azote de l'air, les 36 millions de tonnes de graines
oléagineuses et protéagineuses importées correspondant à 10 millions d'hectares
de cultures en Europe.
S'il est vrai que la politique des aides, qui représente plus de 50 % du
revenu agricole, rend artificielle l'agriculture, toute modification de
celle-ci doit être subordonnée à une réelle et pérenne politique de prix
stables et rémunérateurs. L'action du 20 novembre dernier, engagée par la FNSEA
et les jeunes agriculteurs, a été largement soutenue par la Coordination
rurale, le MODEF, l'UFC-Que Choisir et la CGT. Je crois, monsieur le ministre,
que vos promesses de renforcement des contrôles et des sanctions ne suffiront
pas à enrayer les pratiques des grandes et moyennes surfaces, même si elles
sont nécessaires. Il est urgent d'aller plus loin et de durcir la loi relative
aux nouvelles régulations économiques, voire de surtaxer les profits
exorbitants de la grande distribution si celle-ci n'obtempère pas.
Enfin, l'élargissement à vingt-cinq, auquel nous sommes favorables, pour se
partager la manne initialement prévue pour quinze ne se fera pas sans lourdes
conséquences tant pour les Etats membres actuels que pour les Etats entrant
dans l'Europe.
Le jeu de massacre prévisible pour les populations agricoles et leur
reconversion n'a pas été mesuré par la Commission européenne.
Pour me résumer, monsieur le ministre, mes chers collègues, je crois qu'il est
indispensable que la France propose une PAC dans laquelle il faut absolument
faire jouer la préférence communautaire, prendre les dispositions de maîtrise
de la production dans les secteurs où la France est sensiblement excédentaire,
orienter les primes en faveur des secteurs les plus nécessiteux - zones de
production difficiles, zones pauvres - et, enfin, favoriser l'installation de
tous les jeunes agriculteurs, DJA et hors DJA, afin de maintenir un véritable
tissu rural.
Votre budget n'est pas encore orienté vers ces directions, monsieur le
ministre. Le débat dans cet hémicycle sur la loi d'orientation agricole a
montré le gouffre qui nous séparait de la droite en matière agricole, même si,
parfois, des propositions de bon sens peuvent être communes. Aussi, nous
voterons contre ce budget.
(Applaudissements sur les travées du groupe CRC
et du groupe socialiste.)
M. le président.
La parole est à M. Yann Gaillard.
M. Yann Gaillard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà un
siècle, le poète Milosz a écrit : « La chute d'une seule feuille emplit
d'effroi le corps muet de la forêt ».
Voilà trois ans, les ouragans Lothar et Martin nous ont coûté non pas une
feuille, mais dix millions d'arbres : chute des arbres, suivie de la chute des
cours du bois, la crise financière redoublant l'effet de la météorologie !
Monsieur le ministre, le nom de votre ministère est fort long, pourtant la
forêt n'y figure pas.
M. Hervé Gaymard,
ministre.
Eh oui !
M. Yann Gaillard.
Bien plus, vous aviez une direction de l'espace rural et de la forêt : elle
disparaît dans une « méga-fusion » administrative.
Est-ce à dire que vous vous désintéressez des hectares de forêt - 25 % du
territoire national - et des 500 000 emplois qui s'efforcent d'y perdurer ?
Non, sans doute, bien que vous soyez requis par l'agriculture, l'alimentation,
la pêche, l'Europe, et que vous déployiez vos talents, qui sont grands, de
Bruxelles à Varsovie ! Mais nous, nous craignons de ne pas attirer assez
l'attention des pouvoirs publics. Les forestiers, éleveurs d'arbres, scieurs de
long ou fendeurs de merrains, n'ont pas l'habitude de barrer les routes,
fussent-elles forestières ! Il est vrai que cela ne gênerait pas grand monde.
(Sourires.)
A sa forêt, la France a envoyé trois messages : le plan Jospin, au lendemain
des ouragans, en janvier 2000 ; la loi d'orientation forestière du 9 juillet
2001 ; le contrat de plan Etat-ONF du 22 juillet 2001. C'est aux promesses
ainsi formulées qu'il faut jauger votre budget, monsieur le ministre.
Faisons masse, pour simplifier, de cette loi de finances et des deux lois de
finances rectificatives d'été et d'hiver.
D'abord, le plan de janvier 2000 compte, pour première mesure, la
reconstitution des forêts sur dix ans. On s'y retrouve à peu près, compte tenu
des crédits européens. Ce qui manque, ce sont les crédits de travaux forestiers
ordinaires, confondus avec les travaux de reconstitution, à l'intérieur du
chapitre 61-45. Sur les 115 millions d'euros disponibles dans le budget pour
2003, il ne reste guère que 13 millions pour la conversion, le reboisement, la
voirie...
Il nous faudrait, et M. Plauche-Gillon est d'accord avec moi, quelque 40
millions d'euros dans le collectif budgétaire pour faire face aux dossiers qui
s'accumulent, dans la forêt publique et, surtout, dans la forêt privée, pour
ces tâches quotidiennes.
Il est une deuxième mesure dans cette annonce de janvier 2000: l'aide aux
communes sinistrées, ainsi qu'à celles qui, par solidarité, avaient différé la
mise de leurs coupes sur le marché ou stocké leur bois. Vous conviendrez que ce
problème intéresse tout particulièrement le président de la fédération des
communes forestières que je suis. Les aides budgétaires du ministère de
l'intérieur ont, jusqu'à présent, bien fonctionné. Elles devraient être
prolongées à hauteur de 11 millions d'euros : il faudra faire avec !
En revanche, ce qui manque, ce sur quoi nous n'avons aucune garantie, c'est la
prolongation des prêts bonifiés. Il paraît qu'un arbitrage se prépare. Nous
sommes inquiets.
Vint ensuite la loi d'orientation. Ce texte enjoint à la gestion forestière
d'être durable et multifonctionnelle. Durable, elle l'était déjà au temps de La
Fontaine. Mais il faut désormais que cette durabilité soit écocertifiée ! Avec
nos collègues de la forêt privée, nous nous efforçons d'imposer le label
européen PEFC -
Pan European Forest Certification
- face au très
anglo-saxon label FSC, ou
Forest Stewardship Council.
Aidez-nous, monsieur le ministre !
Multifonctionnelle, la forêt ? Ce jargon recouvre l'accueil et la protection
de la nature. J'ai scruté le budget de l'environnement, cotuteur de l'ONF, et
j'y ai trouvé 0,7 million d'euros : une misère...
Il y a, en outre, dans ce troisième de nos grands textes forestiers, après
ceux de Colbert et de Charles X, trois articles qui nous intéressent fort.
Je passe sur le reversement d'un pourcentage de nos cotisations en valeur «
bois », problème qui, sur le plan du principe, semble réglé. Grand merci !
Nous attendons désormais que le Gouvernement prenne les décrets d'application
de l'article 9, relatif au plan d'épargne forestière, et de l'article 26,
relatif au financement de l'interprofession.
J'en viens au troisième message : le contrat de plan Etat-ONF. Les 35 millions
d'euros du collectif d'été sont bien insuffisants pour couvrir le déficit de
cette année, qui frise et dépassera peut-être les 90 millions d'euros.
L'Office, notre partenaire, est fragilisé, comme tout ce qui mue. Nous ne
doutons pas que le collectif lui accorde une rallonge. Sera-t-elle suffisante
?
Nous nous réjouissons, certes, que la promesse de sanctuariser le versement
compensateur soit tenue, mais nous voudrions éviter de déstabiliser davantage
l'ONF en segmentant le domaine forestier de l'Etat. Cette décentralisation-là
peut attendre, et tous nos amis de la filière bois sont de cet avis. Nous
l'avons dit il y a quelques jours à M. Devedjian, qui recevait les
représentants de la fédération des communes forestières. Dites-lui à votre
tour, monsieur le ministre, que la forêt est une longue patience.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les
reprendrons à vingt et une heures quarante-cinq.
La séance est suspendue.
(La séance, suspendue à dix-neuf heures quarante-cinq, est reprise à vingt et
une heures quarante-cinq, sous la présidence de M. Guy Fischer.)