SEANCE DU 5 NOVEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel, auteur de la question n° 46, adressée à
M. le ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
M. Pierre-Yvon Trémel.
Monsieur le ministre, je souhaite appeler votre attention sur les difficultés
rencontrées, lors de la rentrée scolaire 2002, par les établissements qui
dispensent un enseignement de la langue bretonne.
Il s'avère, en effet, que de nombreuses modalités prévues par la convention
additionnelle au contrat de plan Etat-région 2002-2006 et portant sur le
bilinguisme français-breton ne se sont pas traduites concrètement dans
l'organisation de la présente rentrée.
Cette situation est d'autant plus regrettable que les élus, les enseignants,
les associations et les parents d'élèves exprimaient depuis de nombreuses
années des attentes fortes dans le domaine de l'enseignement de la langue et de
la culture bretonnes. Aujourd'hui, leur déception est évidemment très grande
devant le peu d'avancées concrètes obtenues.
Il est nécessaire que les outils permettant la structuration du dispositif
d'enseignement puissent se mettre rapidement en place, qu'il s'agisse de la
mise en place du conseil académique des langues et cultures régionales, de
l'élaboration de la carte académique et des cartes départementales des sites
bilingues ou encore des supports d'information des familles.
En effet, en l'absence de ces structures, pourtant prévues dans la convention
additionnelle au contrat de plan, et d'une réelle planification des moyens à
mettre en oeuvre - je pense en particulier à la formation des maîtres -, les
objectifs de l'avenant au contrat de plan seront difficiles à atteindre et la
concertation entre les partenaires deviendra plus délicate.
Un inventaire de la situation des établissements d'enseignement et de
formation, a été réalisé, à la rentrée 2002, par la commission « éducation » du
conseil culturel de Bretagne.
De nombreux engagements n'ayant pas été tenus, les difficultés sont
aujourd'hui réelles dans de nombreuses écoles, collèges et lycées.
Malgré la complexité de ce dossier, aggravée par la décision du Conseil d'Etat
relative à l'intégration du mouvement Diwan dans le service public, des
décisions opérationnelles doivent être prises rapidement.
Je souhaiterais donc, monsieur le ministre, qu'après quelques mois à la tête
du ministère de l'éducation nationale vous puissiez me faire part de votre
analyse sur ce dossier et m'indiquer les orientations que vous entendez prendre
en faveur de l'enseignement des langues régionales, de la langue bretonne en
particulier.
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Luc Ferry,
ministre de la jeunesse, de l'éducation nationale et de la recherche.
Monsieur le sénateur, je tiens à vous dire très clairement que le ministère de
l'éducation nationale est extrêmement favorable à l'enseignement bilingue de
quelque nature qu'il soit. Ainsi, pour la formation des maîtres et l'équipement
des écoles, nous avons dégagé une importante ligne de crédits de 6 millions
d'euros.
Il est vrai que, en ce qui concerne les écoles Diwan, nous rencontrons une
difficulté dont j'ai hérité - vous le savez -, difficulté liée notamment au
fait que ces écoles, qui sont des écoles sous contrat et qui demandent leur
intégration dans l'enseignement public, ont fait l'objet de deux décisions du
Conseil d'Etat déclarant que la pédagogie par immersion totale dans la langue
bretonne, qui est le propre de ces écoles, était juridiquement inacceptable et
exorbitante par rapport au code de l'éducation, notamment par rapport aux
dispositions dudit code qui prévoient des exceptions en matière de langue et de
culture régionales.
J'ai donc reçu les représentants des écoles Diwan, notamment M. Andrew
Lincoln, dès le mois de juin. J'ai également reçu les parlementaires, de droite
comme de gauche, qui m'ont saisi de cette question pour essayer de faire
avancer les choses.
J'ai étudié ce dossier avec une grande bienveillance et j'ai présenté des
propositions concrètes aux représentants des écoles Diwan. Je vous en livre la
teneur.
Dans le cycle des apprentissages premiers, c'est-à-dire en petite et en
moyenne section de maternelle, la pratique de la pédagogie par immersion ne
soulève aucune difficulté puisque ce cycle ne relève pas de l'obligation
scolaire.
Dans le deuxième cycle, la langue bretonne pourrait être la langue de
l'enseignement, à l'exception de deux heures et demie quotidiennes qui doivent
être réservées à l'enseignement du français et d'une heure hebdomadaire
consacrée à l'enseignement d'une langue étrangère.
Le même dispositif pourrait prévaloir dans le troisième cycle, voire être
étendu à l'enseignement secondaire.
Si ce compromis était accepté par les représentants des écoles Diwan, je
serais prêt à les soutenir et à proposer l'intégration de ces écoles dans
l'enseignement public. Je serais même disposé à présenter le fonctionnement de
ces écoles comme une expérience d'avant-garde intéressante et, éventuellement,
comme un modèle d'organisation pour les autres formes d'enseignement bilingue,
qui m'intéressent particulièrement.
En revanche, il serait dangereux de conseiller aux écoles Diwan de jouer la
carte de l'exception dans le cadre de la décentralisation. En effet, je ne suis
pas certain que cette position serait juridiquement défendable. Le compromis
que je propose, lui, me semble raisonnable. Il a de bonnes chances de
fonctionner tout en permettant le maintien de l'enseignement du breton à un
niveau satisfaisant.
M. Gérard Longuet.
Très bien !
M. le président.
La parole est à M. Pierre-Yvon Trémel.
M. Pierre-Yvon Trémel.
Monsieur le ministre, je suis très sensible à la volonté que vous avez
exprimée de soutenir cette forme d'enseignement dans les écoles, les collèges
et les lycées. J'apprécie la réponse précise que vous m'avez apportée.
Permettez-moi toutefois de formuler plusieurs souhaits.
Je souhaite, tout d'abord, que vous soyez très vigilant sur l'application de
l'avenant à la convention du contrat de plan portant sur le bilinguisme,
notamment dans les écoles publiques. Ainsi, la mise en place du conseil
académique devrait avoir lieu rapidement car elle est très attendue.
S'agissant des écoles Diwan, j'aimerais que l'on trouve une solution
définitive à cette affaire qui a duré un peu trop longtemps. Je vous remercie
donc de votre bonne volonté.
Enfin, je souhaite que la volonté qui vous anime soit relayée par votre
administration, à l'échelon du rectorat et des inspections académiques.
APPLICATION DU PACTE CHARBONNIER