SEANCE DU 5 NOVEMBRE 2002
M. le président.
La parole est à M. Yves Coquelle, auteur de la question n° 59, adressée à M.
le ministre des affaires sociales, du travail et de la solidarité.
M. Yves Coquelle.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues,
depuis la rentrée, se succèdent des vagues de licenciements dans des centaines
d'entreprises et, plus grave encore, des fermetures d'entreprises.
Le département du Pas-de-Calais, massivement touché par la crise économique,
n'échappe pas à la règle. En effet, dans de nombreuses communes de l'ex-bassin
minier, le taux de chômage dépasse 25 % de la population active.
Depuis quelques mois, des annonces en cascade de fermetures d'entreprises
assombrissent encore un peu plus le paysage : Sollac-Biache, plus de 400
emplois supprimés ; la cokerie de Drocourt, 450 suppressions d'emplois directs,
sans compter les très nombreux emplois induits ; Metaleurop, plus de 500
suppressions d'emplois, en attendant une inéluctable liquidation qui privera
d'emploi plus de 1 000 personnes ; Alcatel à Douvrin, 450 suppressions
d'emplois ; Samsonite à Hénin-Beaumont, 200 suppressions d'emplois.
A ces suppressions d'emplois s'ajoutent de très nombreuses fermetures de sites
effectives ou envisagées à très court terme : Inergy à Grenay, l'entreprise
Mossley, Testut à Béthune, Lu à Calais, Solectron à Longuenesse, sans oublier
les lourdes menaces qui pèsent sur la cristallerie d'Arques.
Monsieur le secrétaire d'Etat, cette liste est, hélas ! bien loin d'être
exhaustive. La situation est d'autant plus inquiétante qu'aucune création
d'emplois sérieuse et durable n'est envisagée dans le secteur.
Cette spirale infernale inquiète fortement l'ensemble des élus du département,
qui sont déjà préoccupés par le désastreux contexte socio-économique
général.
Face à cette situation dramatique, les ouvriers, les salariés luttent et se
battent pour préserver leur outil de travail, leur seul moyen de
subsistance.
Il est concevable et compréhensible que, parfois, poussés par l'énergie du
désespoir, ils mènent des luttes fortes et déterminées.
Or, il se trouve que, dans notre département, depuis quelques mois, en
accompagnement des licenciements, nous assistons à une attaque en règle contre
les libertés syndicales.
De très nombreux délégués syndicaux ou syndicalistes - je ne citerai, ici, que
trois exemples : Sollac-Biache, Alcatel à Douvrin et Bertelsmann à
Noyelles-sous-Lens - sont actuellement en procédure de licenciement pour fautes
lourdes, alors qu'ils ne font que défendre leur outil de travail et l'emploi de
leurs camarades.
Monsieur le secrétaire d'Etat, à défaut de faire respecter le principe
fondamental du droit au travail, vous devez faire respecter la simple, mais
tout aussi fondamentale, liberté syndicale.
Le patronat ne doit pas pouvoir trouver des encouragements à sa politique
antisociale dans l'attitude passive du Gouvernement. Il est du devoir du
gouvernement Raffarin, qui se réfère souvent à « la France d'en bas », de
montrer, dans ses actes et son action, que ses propos correspondent à sa
politique.
Quelles mesures concrètes le Gouvernement va-t-il prendre, monsieur le
secrétaire d'Etat, pour que cessent ces licenciements et ces attaques contre
les libertés syndicales ?
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le sénateur, le
gouvernement Raffarin se réfère effectivement à « la France d'en bas ». Elu du
sud de la France, je suis d'ailleurs une parfaite émanation de cette France
d'en bas !
(Sourires.)
M. Gérard Longuet.
Mais de très haute qualité !
M. Hubert Falco,
secrétaire d'Etat.
Ma formule n'est pas une formule en l'air.
M. Yves Coquelle.
Nous ne sommes pas concernés par cette formule ! Le Pas-de-Calais, ce n'est
pas « la France d'en haut » !
M. Hubert Falco,
secrétaire d'Etat.
Nous sommes fiers de représenter la France d'en
bas.
M. Nicolas About.
C'est une France qui chante !
M. Hubert Falco,
secrétaire d'Etat.
Les suppressions d'emplois, les fermetures de sites
donnent lieu à des actions collectives de protestation des salariés concernés.
A cette occasion, des actes considérés, par les employeurs, comme constitutifs
de fautes lourdes peuvent conduire à la mise en oeuvre de procédures de
licenciement contre des délégués syndicaux.
Le code du travail, dans ce domaine particulièrement sensible, comporte
plusieurs dispositions pour protéger l'exercice du droit syndical dans
l'entreprise. Il donne aux organisations syndicales la possibilité de saisir le
juge en lieu et place d'un salarié qui est victime de discrimination. Il
consacre le rôle des inspecteurs du travail en matière de discrimination dans
le contrôle lié aux sanctions. Il rend obligatoire l'autorisation préalable au
licenciement des représentants du personnel. Ces dispositions visent à garantir
l'exercice normal du droit syndical.
Par ailleurs, l'article L. 122-45 du code du travail dispose qu'aucun salarié
ne peut être sanctionné ou licencié en raison de ses activités syndicales ou de
l'exercice normal du droit de grève. Il pose ainsi - et nous le comprenons - le
principe de la nullité de toute sanction prise à l'égard d'un salarié pour un
tel motif, et le principe du droit à réintégration du salarié si son
licenciement intervenait en raison de ses activités syndicales ou de l'exercice
normal du droit de grève.
Je rappelle par ailleurs, monsieur le sénateur, que la liberté syndicale et
l'exercice du droit de grève doivent se concilier avec les autres droits
garantis par la loi. Ils ne peuvent justifier ni les actes de violence sur les
personnes ni les détériorations des installations. De tels actes illicites
mettent alors en cause la responsabilité de ceux qui les commettent, avec
toutes les conséquences judiciaires qui s'y attachent.
Les services du ministère des affaires sociales, du travail et de la
solidarité, notamment les inspecteurs du travail en charge du respect de ces
textes, sont particulièrement attentifs à leur bonne application.
(Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Yves Coquelle.
M. Yves Coquelle.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne serez pas étonné si je vous dis que je
ne suis pas tout à fait satisfait par votre réponse.
Je sais qu'il existe des lois censées protéger les travailleurs, mais je sais
aussi, par expérience, parce que je suis un ancien militant syndicaliste, que
c'est souvent l'action qui précède la loi, que c'est elle qui fait respecter la
classe ouvrière.
Aujourd'hui, dans notre département, dans notre région, le taux de chômage
s'aggrave. La situation devient parfois désespérée et les gens n'ont plus que
la lutte. Quand on ne peut plus discuter autour d'une table, quand la direction
refuse de prendre en compte les aspirations des salariés, il faut bien avoir
recours à l'action. C'est ainsi que le progrès a gagné dans notre pays. Les
avancées sociales ont été conquises par les travailleurs. Malheureusement elles
sont remises en cause aujourd'hui.
C'est pourquoi il faut s'attendre à des actions dans les jours, dans les mois
qui viennent. Ainsi, demain, à Lille, aura lieu une manifestation de tous les
salariés en lutte pour la défense de leur outil de travail.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je ne manquerai pas de leur rapporter vos
propos.
M. Hubert Falco,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Hubert Falco,
secrétaire d'Etat.
Monsieur le sénateur, mes propos ne visaient pas à
condamner l'action. Nous comprenons l'action syndicale, et j'ai bien précisé
que nous allions demander aux inspecteurs du travail de protéger les droits des
salariés. Nous faisons simplement une distinction entre l'action syndicale et
les détériorations.
SITUATION DES ÉTABLISSEMENTS
D'ENSEIGNEMENT DU BRETON