SEANCE DU 10 OCTOBRE 2002
PROTOCOLE ADDITIONNEL À L'ACCORD
AVEC LA COMMUNAUTÉ EUROPÉENNE
DE L'ÉNERGIE ATOMIQUE
ET L'AGENCE INTERNATIONALE
DE L'ÉNERGIE ATOMIQUE
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 199, 2001-2002)
autorisant la ratification du protocole additionnel à l'accord entre la France,
la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence internationale de
l'énergie atomique relatif à l'application de garanties en France. [Rapport n°
398 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le président de la commission, mesdames, messieurs les sénateurs, la
France, la Communauté européenne de l'énergie atomique et l'Agence
internationale de l'énergie atomique, l'AIEA, ont signé à Vienne, le 22
septembre 1998, un protocole additionnel à l'accord entre ces mêmes parties,
relatif à l'application de garanties en France, accord qui était entré en
vigueur le 12 septembre 1981.
La découverte du programme nucléaire militaire clandestin de l'Iraq et les
difficultés rencontrées par l'AIEA en Corée du Nord pour vérifier le stock de
matières nucléaires déclarées par cet Etat, au début des années
quatre-vingt-dix, ont mis en évidence l'insuffisance des mesures appliquées
dans le cadre des accords de garanties généralisées.
Ces deux Etats sont en effet signataires du TNP, le traité de
non-prolifération nucléaire, d'un accord de garanties généralisées avec l'AIEA.
Cependant, dans le cadre des accords de garanties, qui portent sur la
vérification des matières nucléaires détenues et déclarées par ces Etats, les
prérogatives des fonctionnaires de l'Agence restent limitées, notamment en
termes d'accès à l'information et d'accès physique aux matières nucléaires dans
les installations inspectées.
Il a donc fallu pallier les insuffisances juridiques ou pratiques des accords
de garanties et donner à l'AIEA la capacité de détecter des matières ou des
activités nucléaires non déclarées dans les Etats non dotés d'armes
nucléaires.
En conséquence, le programme de renforcement des garanties de l'AIEA, plus
connu sous le nom de « programme 93 plus 2 », a répondu à cet objectif. Le
modèle de protocole additionnel aux accords de garanties généralisées de 1997
prévoit que les Etats signataires communiquent à l'Agence des informations plus
larges que les informations relatives aux matières nucléaires, par exemple les
informations ayant trait à la recherche et au développement ou encore aux
importations et exportations d'articles nucléaires. Le modèle de protocole
autorise également l'Agence à accéder à des lieux où d'éventuelles activités
nucléaires non déclarées pourraient être menées.
Il s'agit donc d'un progrès significatif en termes d'efficacité de la
vérification internationale et d'une contribution importante au renforcement du
régime international de non-prolifération des armes nucléaires dans ce qu'il a
de plus essentiel.
Conçu à l'origine pour les Etats non dotés d'armes nucléaires ayant signé des
accords de garanties généralisées, le modèle de protocole a servi également de
base pour la négociation des protocoles additionnels aux accords de garanties
des cinq Etats dotés d'armes nucléaires, dont la France.
La France a, en effet, estimé qu'elle devait jouer pleinement son rôle dans le
processus de renforcement du régime de non-prolifération des armes nucléaires.
Son offre de signer un protocole additionnel témoigne de sa volonté de
contribuer activement à la paix et à la sécurité internationale.
Ainsi, ce protocole additionnel tient compte des objectifs qu'elle s'est fixés
en matière de renforcement des garanties dans les Etats non dotés d'armes
nucléaires d'amélioration du rapport coût/efficacité des garanties exercées par
l'AIEA en France.
Avec la mise en oeuvre du protocole français, l'Agence pourra bénéficier
d'informations sur des coopérations dans le domaine des applications pacifiques
de l'énergie nucléaire, engagées par la France avec les Etats non dotés d'armes
nucléaires.
La France octroiera également à l'Agence un accès à certaines de ses
installations, lorsque cet accès sera de nature à éclairer l'Agence sur des
activités menées en coopération avec ces mêmes Etats non dotés d'armes
nucléaires.
Les informations communiquées par la France et, le cas échéant, par la
Commission européenne au titre du traité d'EURATOM, de même que l'accès qui
sera éventuellement octroyé à l'Agence seront bien entendu limités à l'objectif
poursuivi et ne sauraient porter sur des domaines confidentiels, parce que
relevant de la défense nationale.
Le protocole français contient donc des dispositions qui encadrent les
nouvelles compétences de l'Agence et les modalités d'exercice par cette
dernière de la vérification internationale en France.
Il entrera en vigueur lorsque l'Agence aura reçu à la fois de la France et de
la Communauté notification écrite que leurs procédures internes respectives
sont terminées. Cette entrée en vigueur devrait être simultanée avec celle des
protocoles de nos partenaires de l'Union européenne.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le président de la commission,
mesdames, messieurs les sénateurs, les principales observations qu'appelle le
protocole additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de
l'énergie atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à
l'application de garanties en France, qui fait l'objet du projet de loi
aujourd'hui proposé à votre approbation.
(Applaudissements.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Dulait,
président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées, en remplacement de M. Michel Pelchat, rapporteur.
Monsieur
le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen du
protocole conclu en septembre 1998 entre la France, EURATOM et l'Agence
internationale de l'énergie atomique a été l'occasion, au sein de la
commission, d'un débat plus large sur la lutte contre la prolifération
nucléaire et ses perspectives actuelles.
Suivant les conclusions de son rapporteur, M. Michel Pelchat, la commission a,
bien entendu, approuvé le protocole additionnel ; et, en commençant ainsi par
la conclusion, je suis certain, monsieur le secrétaire, que je vous soulage
d'une inquiétude considérable !
(M. le secrétaire d'Etat sourit.)
Sur un plan pratique, la France étend la gamme des informations transmises à
l'AIEA. Elle accepte le contrôle international d'activités nucléaires civiles
menées en coopération avec d'autres pays afin d'établir que ces coopérations ne
favorisent pas l'acquisition et la détention par des pays non dotés d'armes
nucléaires de capacités nucléaires militaires.
La démarche française a surtout un objectif politique de soutien au régime
international de non-prolifération.
A travers la généralisation de tels protocoles, il s'agit en effet de donner
corps au programme de renforcement des garanties de l'AIEA défini en 1993, en
réaction notamment aux lacunes criantes du régime de contrôle antérieur
révélées lors de la découverte du programme nucléaire militaire iraquien. La
question est donc d'actualité.
Ces protocoles additionnels doivent permettre à l'AIEA sinon de garantir la
prévention absolue d'un programme nucléaire clandestin du moins de favoriser la
collecte d'informations suffisantes pour établir de fortes présomptions en cas
de telles activités clandestines. L'enjeu est donc très important, et la France
ne peut qu'appuyer l'extension à un maximum de pays de ce régime renforcé
d'inspections internationales.
Pour autant, lors du débat en commission, plusieurs de nos collègues ont
exprimé un certain pessimisme - et pour cause ! - sur l'avenir de la politique
de non-prolifération.
Tout d'abord, il faut constater que la mise en oeuvre de ce programme de
renforcement des pouvoirs de l'AIEA reste lente et laborieuse. Une soixantaine
d'Etats seulement ont souscrit à un protocole additionnel, et, parmi eux, on ne
trouve pratiquement pas de pays des régions les plus sensibles, notamment du
Proche-Orient et du Moyen-Orient. Une majorité d'Etats demeure sous le régime
antérieur des accords de garanties dont nous venons de souligner
l'insuffisance.
La politique de non-prolifération est également affaiblie par les difficultés
persistantes rencontrées non seulement avec l'Iraq, mais également avec la
Corée du Nord. Elle se trouve confrontée à l'immense défi du contrôle et de la
sécurité de l'arsenal nucléaire russe et de son démantèlement, aux risques de
vols de matières fissiles ou de détournement du potentiel scientifique,
matériel et humain au profit d'Etats proliférants, voire d'organisations
terroristes. Enfin, les nouvelles puissances nucléaires de fait, qui n'adhèrent
pas au TNP, se situent toujours en dehors du régime international de
non-prolifération.
Tous ces éléments, monsieur le secrétaire d'Etat, démontrent la fragilité du
régime de lutte contre la prolifération nucléaire mis en place par la
communauté internationale.
Il est plus que nécessaire de poursuivre tous les efforts destinés à
consolider et à perfectionner les instruments internationaux existants.
La commission des affaires étrangères vous demande donc, mes chers collègues,
d'adopter le projet de loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. -
Est autorisée la ratification du protocole
additionnel à l'accord entre la France, la Communauté européenne de l'énergie
atomique et l'Agence internationale de l'énergie atomique relatif à
l'application de garanties en France, signé à Vienne (Autriche) le 22 septembre
1998, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
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