SEANCE DU 30 JUILLET 2002
M. le président.
Je suis saisi par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau, Beaufils et
Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM. Fischer,
Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme Terrade d'une
motion n° 9 tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide
qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté
par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, d'orientation et de
programmation pour la sécurité intérieure (n° 36, 2001-2002). »
Je rappelle que, en application du dernier alinéa de l'article 44 du règlement
du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative
ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour
quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie
au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une
durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à Mme Nicole Borvo, auteur de la motion.
Mme Nicole Borvo.
Vous nous avez tenu, monsieur le ministre, à seize heures, un discours de
meeting électoral.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Ah bon ?
Mme Nicole Borvo.
Votre ton, bien loin de la modestie prônée par le Premier ministre, n'y change
rien : votre projet est critiquable, et vous n'avez pas dissuadé les sénateurs
communistes de défendre une motion tendant à opposer la question préalable.
Le vote en urgence qui nous est imposé avec un travail parlementaire réduit à
sa plus simple expression est bien peu propice à un débat de fond sur les
réponses à apporter aux attentes des Français en matière de tranquillité
publique.
L'architecture du texte le confirme : il renvoie à un autre texte, au vote
d'un projet de loi sur des mesures précises pour l'automne. On nous demande
d'approuver dès maintenant les orientations figurant en annexe.
Pourquoi cette précipitation ? Vous n'avez pas donné la réponse. Votre souci,
c'est l'affichage, c'est certain. Mais ni l'étendue ni le contenu des annexes
ne nous permettent d'expédier la discussion en quatre jours, deux à l'Assemblée
nationale et deux au Sénat.
Votre loi de programmation étant la jumelle de celle de la justice - ce n'est
pas moi qui l'ai dit -, je me permets de reprendre les mêmes arguments !
Vous légitimez votre projet - et l'urgence - par le vote des Français et leurs
attentes en matière de sécurité.
D'emblée, je tiens à préciser que nul ici n'ignore la réalité de notre pays,
la mal-vie dans les quartiers difficiles, la violence, l'insécurité.
M. Dominique Braye.
Il ne suffit pas de le dire !
Mme Nicole Borvo.
Cette remarque est particulièrement fondée pour les élus communistes, élus le
plus souvent de quartiers populaires.
M. Dominique Braye.
Vous diminuez de jour en jour !
Mme Nicole Borvo.
Depuis des décennies, nous sommes aux premières loges de la détérioration du
tissu social.
A l'évidence, nos concitoyens aspirent à une vie meilleure, à l'emploi, à de
meilleurs salaires, à la tranquillité, au respect. De ce point de vue,
gouvernement et majorité précédents ne les ont pas convaincus, c'est un fait.
(Exclamations sur certaines travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Dominique Braye.
Vous en faisiez partie !
Mme Nicole Borvo.
Mais il n'en est pas moins vrai qu'il n'y eut pas réellement de débat de fond
sur les réponses à apporter et sur les choix à faire pour s'attaquer
durablement aux phénomènes de violence et d'insécurité au cours de la longue
période électorale que nous avons connue.
Le discours sur l'insécurité et la délinquance a envahi...
M. Dominique Braye.
La vie des Français !
Mme Nicole Borvo.
... le champ politique et médiatique à partir de l'été 2001. Le Président de
la République - alors futur candidat - a donné le « la » le 14 juillet 2001 et
la « déferlante » a couvert tout autre débat.
Les médias, notamment la radio et la télévision, ont adopté une attitude qui
mérite pour le moins réflexion.
La violence, qui est réelle et qui concerne toute la société, et la détresse
des victimes permettaient sans doute de faire de l'Audimat. Les présenter de
manière brute, sans analyse ni confrontation d'idées, fut un choix trop facile.
Cet étalage médiatique, le martèlement des ténors de la campagne de la future
majorité ont dévié le sens de la campagne électorale. Le débat de fond sur le
choix de société a été éludé.
Le résultat ne s'est pas fait attendre. Les intentions de vote pour le Front
national ont suivi la courbe de l'intonation des discours sécuritaires ; Le Pen
dépassa la barre des 16 % le 21 avril dernier et fut présent au second tour des
élections présidentielles. Cette réalité fait réfléchir. Il me semble qu'elle
fait même réfléchir tout le monde. Pourtant, vous continuez dans la même
voie.
Il y a une autre réalité, c'est la réaction aux résultats du 21 avril qui se
produisit le 1er mai : un million de personnes dans les rues de Paris, des
centaines de milliers dans toute la France. Ce fut un 1er mai de la tolérance,
de la République, d'une jeunesse que vous n'écoutez guère, monsieur le
ministre. Bien au contraire, vous la montrez souvent du doigt.
Cette vague a porté le Président de la République au pouvoir avec le résultat
que l'on connaît, non pas sur un fond de peur ou de haine, mais sur une
certaine idée de la liberté, de l'égalité et de la fraternité.
C'est à cette réalité que vous devriez réfléchir avant de vous empresser de
poursuivre dans la même voie. Le candidat Jacques Chirac semblait plus prudent
lorsqu'il déclarait, le 19 février 2002 : « Lorsqu'on évoque la sécurité, on
pense bien souvent que seuls la police et la justice sont en cause, mais en
réalité, la sécurité est l'affaire de tous. L'affaire des familles, de l'école,
des communes. [...] La famille qui doit être mieux aidée à assumer sa fonction
éducative [...] les municipalités et les associations devront être encouragées
à développer l'accueil des enfants avant et après l'école pour leur donner
aides aux devoirs et l'accès aux sports et à la culture ».
M. Dominique Braye.
C'est du baratin, cela !
Mme Nicole Borvo.
C'est du Jacques Chirac ! J'espère que vous ne considérez pas que c'est du
baratin !
M. Dominique Braye.
On le connaît par coeur !
Mme Nicole Borvo.
Bien sûr, mais je vous le rappelle !
Certes, monsieur le ministre, vous ne manquez pas d'évoquer quelques autres
objectifs du Gouvernement, notamment la politique de la ville, l'insertion, la
formation, l'emploi, ou encore l'intégration. Mais permettez-moi de souligner
quelques contradictions.
Pacte de stabilité oblige, choix libéral oblige, vous annoncez la limitation
des dépenses publiques. L'effort que vous programmez en matière de sécurité
sera payé par des restrictions ailleurs.
Nous sommes favorables - je le souligne - au fait de donner à la police les
moyens d'agir, mais nous verrons si le projet de loi de finances le permettra.
Il y a surtout un effet d'affichage, comme pour la justice.
Où sont les orientations d'une politique globale ? La prévention est traitée
très vaguement en une demi-page. Il en est de même pour le projet de loi
d'orientation et de programmation pour la justice, qui, ne traitait pas non
plus de réinsertion. Vous remettez à plus tard, comme vous nous l'avez dit ce
soir, monsieur le ministre. Quel dommage !
Reste la répression, présente dans les deux textes. Les intentions sont en
deçà de celles que M. Pasqua, qui, en 1994, alors qu'il présentait la
précédente loi d'orientation et de programmation, disait que la police ne
pouvait pas être la voiture balai de la société. Il ajoutait : « L'insécurité
est pour une large part le reflet des dysfonctionnements de la société, le
fruit des difficultés économiques ».
Traiteriez-vous M. Pasqua de laxiste ou d'idéologue ? Vous-même, lorsque vous
étiez en charge du budget, souteniez qu'il ne s'agissait pas tant de moyens que
d'orientation. D'ailleurs, à ce moment-là, les effectifs de la police étaient
en baisse !
Certes, votre texte concerne la police, pas les autres responsabilités de
l'Etat. Mais, hélas ! il y a un contenu.
Vous jetez l'opprobre sur les quartiers difficiles, sur les pauvres, les
jeunes.
(Murmures sur les travées du RPR.)
Vous ignorez superbement que,
si ces quartiers sont difficiles, c'est le fait d'une crise économique et
sociale qui dure depuis maintenant près de trente ans, déstructurant
profondément les rapports sociaux et précarisant la vie des habitants de ces
lieux où la pauvreté sévit, où l'on constate le délabrement de l'environnement,
des services publics, et où tous les maux sont ghettoïsés. Vous êtes si hostile
à la mixité sociale !
Quel est l'ordonnancement des préoccupations des Français ? Les études
d'opinion très changeantes en la matière peuvent parfois surprendre.
En 1999 - ce n'est pas si loin - un sondage du ministère de la ville montrait
la montée du sentiment réel de l'insécurité ressentie. Mais la montée de la
violence était due, pour 62 % des sondés, au chômage des jeunes, pour 37 % aux
conditions de vie dans les quartiers populaires, pour 28 % au manque de fermeté
des propos et pour 25 % seulement à l'insuffisance des effectifs de la police
!
Quant aux actions à mener, il fallait, pour 65 % d'entre eux, insérer les
jeunes dans le monde du travail, pour 64 % aider les parents en matière
éducative et, pour 34 %, renforcer la présence de la police.
Les acteurs les plus importants étaient pour 71 % les parents, pour 50 % les
éducateurs, pour 37 % les enseignants et pour 21 % les policiers.
Ces constats sont de bon sens. Et ce n'est pas être laxiste que d'exiger une
évolution profonde de notre société pour faire face à l'insécurité.
Une lutte efficace contre la violence exigerait une rupture claire avec des
choix qui privilégient la rentabilité financière à l'épanouissement humain.
Alors que tant de moyens sont nécessaires pour développer l'éducation, assurer
la santé et les retraites, construire des logements, améliorer le cadre de vie,
pourquoi faire à ceux qui n'en ont pas besoin des cadeaux tels que la baisse de
l'impôt sur le revenu ? Nous ne reprochons pas à un gouvernement d'agir, mais
dans quel sens ?
J'aurais souhaité, monsieur le ministre, vous entendre nous expliquer la
réalité de l'insécurité, chiffres à l'appui, sa diversité et ses différents
aspects. Cette analyse doit être faite pour déterminer les modalités de
traitement de la délinquance.
Vous nous répondez qu'il y a, d'un côté, ceux qui font des discours et, de
l'autre, ceux qui agissent. Nos concitoyens veulent que l'Etat agisse, c'est
certain, mais dans tous les domaines qui contribuent à leur mal-vie. De ce
point de vue, votre discours est éloquent.
En effet, vous affirmez que vous voulez développer une culture du résultat
fondée sur des indicateurs précis. Or, pour cela, comme l'a montré la
commission Pandraud-Caresche, il faudrait des statistiques plus fiables. Vous
avez dit ne pas vouloir la changer maintenant, mais il faudrait pourtant
distinguer incivilités, dégradations, injures, vols, agressions, viols et
meurtres !
A vous entendre, et certains ici, les meurtriers et les violeurs ne sont pas
punis par la loi ni poursuivis par la police ! C'est tout de même incroyable !
Pourtant, tout le monde ici connaît le code pénal. Savez-vous que le nombre de
personnes en prison ne cesse d'augmenter ces dernières années ?
Grande et petite délinquance, incivilités, injures, agressions, meurtres et
viols ne peuvent se traiter de la même manière. Prenons l'exemple des GIR.
Sont-ils vraiment adaptés pour traiter les problèmes de la violence dans le
métro ? Pour les professionnels eux-mêmes, cette structure est adaptée pour
combattre le crime organisé. Mais là n'est pas la source de l'exaspération
populaire ! En revanche, elle s'avère inadaptée pour réagir aux incivilités et
aux délits plus modestes. L'opération démesurée dans le quartier Picasso, à
Nanterre, l'atteste.
Je regrette au passage, monsieur le ministre, que les quartiers populaires
soient les seuls objets de votre attention.
Les grands délinquants, ceux qui vivent du trafic et du blanchiment de
l'argent sale, résident, eux, ailleurs que dans les quartiers populaires. Ils
résident dans des villes comme la vôtre ou à Paris, et plutôt dans le XVIe que
dans le XVIIIe arrondissement ! Ce sont bien eux qui organisent les trafics, et
leurs « petites mains » roulent en Mercedes !
Votre action doit porter non seulement sur les biens, mais aussi sur les
paradis fiscaux, qui reçoivent le fruit des pratiques illicites !
Sur le projet de loi lui-même, je souhaite, sans revenir sur les propos de mon
collègue Robert Bret, m'interroger sur la pratique des annexes.
Le Parlement ne devrait pas, selon moi, accepter de légiférer de la sorte. Les
annexes, comme cela a été dit, n'ont aucune valeur normative. Elles constituent
de simples déclarations d'intention. Preuve que la précipitation n'est pas
bonne conseillère. Certains de la majorité ont ici, en d'autres temps, critiqué
cette méthode des annexes.
Les effets d'annonce de votre première annexe n'en sont pas moins inquiétants.
Lorsque, dans un seul élan, y sont évoqués pêle-mêle, l'absentéisme scolaire,
l'immigration clandestine, la mendicité, les gens du voyage, les prostituées et
les trafiquants de stupéfiants, je crains de voir se profiler à nouveau une
politique du bouc émissaire et un amalgame dangereux pour les libertés
publiques, comme en témoignent la généralisation de la vidéo-surveillance, les
fichiers, etc.
Prenons l'exemple des gens du voyage, souvent cités ce soir. Pourquoi
confondre les ressortissants français et, par exemple, les citoyens roumains,
qui vivent une situation très difficile chez eux et provoquent des désordres du
fait de l'absence de coordination et de réflexion de nos autorités ?
Vous allez rencontrer le ministre roumain de l'intérieur. Tant mieux ! Mais
alors, pourquoi faire l'amalgame entre tous les gens du voyage ?
L'absentéisme scolaire est, vous le savez, sanctionné par les caisses
d'allocations familiales. Pourquoi ne pas se préoccuper de mieux prévenir les
caisses et d'entendre les responsables d'associations familiales qui ont engagé
une réflexion sur la responsabilité des parents, notamment à partir des
exemples de réussite ? Car il y en a dans les quartiers populaires !
Vous indiquez clairement vouloir légaliser les arrêtés municipaux bien connus,
comme ceux qui instituent les couvre-feux, qui interdisent la présence des
jeunes dans les cages d'escaliers, ou encore les arrêtés anti-mendicité...
Vous voulez même créer une infraction particulière concernant les prostituées
étrangères. J'avais pourtant cru comprendre que la nécessité de combattre, sous
toutes ses formes, l'esclavage dont sont victimes, quelle que soit leur
nationalité, les êtres humains - femmes et enfants - faisait l'objet d'un
consensus dans notre pays !
Vos effets d'annonce sont-ils efficaces ? Permettez-moi d'en douter. En tout
état de cause, il y a loin de vos annonces au traitement en profondeur des
problèmes !
Je me suis laissée dire que nombre d'hommes politiques français avaient rendu
visite à l'ancien maire de New York, M. Guiliani, qui a « nettoyé » la ville.
La délinquance a-t-elle diminué outre-Atlantique ? La société américaine
est-elle moins violente ? Là encore, au vu des faits divers, nous pouvons en
douter.
Une vaste concertation avec tous les acteurs sans exception devrait être
menée. Il faut tourner le dos aux discours de ces derniers mois qui, en
focalisant le débat sur les quartiers les plus pauvres et sur les jeunes,
pousse à la confrontation sociale. C'est indispensable pour apporter des
réponses durables, susceptibles de mobiliser l'ensemble de la société.
Tel est l'objet de la question préalable que nous vous proposons d'adopter.
(Applaudissements sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen, ainsi que sur les travées socialistes.)
M. le président.
La parole est à M. Patrice Gélard, contre la motion.
M. Patrice Gélard.
Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, j'ai été frappé,
en écoutant très attentivement notre collègue Mme Borvo, de constater à quel
point son discours était sécuritaire !
En effet, elle a regetté que nous ne prenions pas plus de mesures pour mener à
bien une politique qui aboutirait à une sécurisation totale.
J'ai eu aussi l'impression qu'elle se trompait de ministre, et qu'elle
s'adressait non pas au ministre de l'intérieur, mais à un ministre qui serait
en charge, en plus de l'intérieur, des affaires sociales, de l'éducation, de la
santé publique et de la ville !
Mme Hélène Luc.
Mais la sécurité, c'est tout cela !
M. Patrice Gélard.
En réalité, Mme Borvo a répété ce qu'elle avait déjà dit lors du discours de
politique générale du Premier ministre, et j'ai cru que, ce soir, elle s'était
trompée et qu'elle avait pris Nicolas Sarkozy pour le Premier ministre.
(Rires.)
M. Robert Bret.
Ne rouvrez pas ce dossier !
Mme Hélène Luc.
Pourquoi pas !
M. Patrice Gélard.
En effet, dans l'exposé des motifs de la motion tendant à opposer la question
préalable, on met en cause l'école, la formation professionnelle, le droit à
l'emploi, la lutte contre la précarité, le logement, la restructuration urgente
de l'urbanisme. Ce sont effectivement des problèmes importants, dont les autres
ministres viendront discuter devant nous. Mais, ce soir, nous parlons
simplement de la nécessité d'adopter des mesures pour assurer la première des
libertés des citoyens : la sécurité, et rien d'autre ! Il n'y a pas de liberté
possible sans sécurité !
Mme Hélène Luc.
Vous n'êtes pas d'accord avec ce qu'a dit le Président de la République !
M. Patrice Gélard.
Et, pour assurer cette sécurité, le texte qui nous est proposé aujourd'hui
comporte six articles, plus deux qui ont été insérés par l'Assemblée nationale.
Je ne vois pas, dans ces articles, le « tout répressif » que l'on a mentionné
ici ou là.
L'article 1er prévoit des orientations : celles que le Gouvernement, le
Premier ministre et le Président de la République ont défendues devant nos
concitoyens.
Vous n'avez peut-être pas eu de réunions électorales comme nous en avons tous
eu au cours des deux dernières campagnes électorales, madame Borvo. Il fallait
écouter nos concitoyens dans ces réunions publiques : leurs questions
concernaient presque uniquement la sécurité. Encore maintenant, dans nos
comités de quartier, dans nos villes, quels sont les problèmes qui agitent nos
concitoyens jour après jour si ce n'est ceux de la sécurité quotidienne ?
M. Dominique Braye.
Absolument !
M. Patrice Gélard.
Les comités de quartier sont présents non seulement dans les quartiers
bourgeois, mais également dans les quartiers difficiles, madame Borvo, ces
quartiers que vous nous accusez de méconnaître ou de mésestimer. Ce sont
justement ceux-là qui mobilisent en permanence les maires, les comités de
quartier, les conseils généraux. Ce ne sont pas les quartiers bourgeois qui
nous posent des problèmes !
M. le ministre nous propose de respecter l'engagement solennel du Gouvernement
et de concrétiser les promesses pour lesquelles nous avons été élus. Parmi ces
engagements figure l'action. Croyez-vous que les électeurs auraient accepté
qu'une fois élus les députés partent en vacances jusqu'au mois de septembre
sans légiférer...
Mme Hélène Luc.
Le problème n'est pas là ! On est prêts à travailler !
M. Patrice Gélard.
... et que l'on dise que la situaton s'améliorera toute seule simplement parce
que l'on a un bon ministre capable de bien gérer les choses ? Non, il fallait
d'ores et déjà montrer à quel point nous avions l'intention d'agir. Or,
précisément, nous ne pouvions le faire qu'à partir d'orientations. Nous
verrons, dans les années à venir, mois après mois, se bâtir l'édifice qui
permettra de faire en sorte que la sécurité devienne une réalité pour nos
concitoyens.
S'agissant des autres articles du projet de loi, l'article 2 relatif aux
crédits, est un bon article. D'ailleurs, nos collègues socialistes en sont
convenus. Comment peut-on être contre l'augmentation des crédits de la police,
de la gendarmerie et des moyens permettant d'assurer la sécurité de nos
concitoyens ?
Attention, la sécurité, ce n'est pas la répression ! Il ne faut pas confondre
! La sécurité consiste à assurer au quotidien la défense des droits et des
libertés des citoyens et à faire en sorte que la liberté s'arrête là où
commence celle des autres, ce qu'on a trop souvent oublié.
L'article 3 concerne la maîtrise d'ouvrage publique. Personnellement, cet
article me donne entière satisfaction : il permettra de construire des
gendarmeries et des commissariats en deux ans, contre cinq ans actuellement,
quand on arrive à les construire.
Pour ce qui est de l'article 4 relatif à la limite d'âge des gendarmes,
augmenter d'un an la possibilité pour un gendarme de rester en exercice
constituerait une atteinte répressive indiscutable ; ce serait dramatique...
Et ne parlons pas des articles 4
bis
et 4
ter
ajoutés par
l'Assemblée nationale, qui, en fin de compte, ne représentent que des mesures
de détail, mais urgentes, qu'il fallait adopter.
L'article 5 relatif à l'évaluation des résultats obtenus au regard des
objectifs fixés serait répressif... Monsieur le ministre, je crains que ces
évaluations, qui seront soumises au Parlement, ne soient très « répressives » à
votre égard.
(M. le ministre sourit.)
Mais tant mieux ! Au moins, le
Parlement sera associé à votre action, ce dont nul ne pourra se plaindre.
Enfin, l'article 6 concerne l'application de la loi à la Nouvelle-Calédonie, à
la Polynésie française, à Wallis-et-Futuna et à Saint-Pierre-et-Miquelon. Là
encore, je me demande où se trouve la répression !
En fait, madame Borvo, vous avez simplement établi un diagnostic, qui est à
peu près conforme au nôtre : nous aussi nous estimons que l'insécurité est
grandissante. D'ailleurs, vous appelez cela non pas « insécurité », mais «
atteinte à la tranquillité publique ». Je crois que l'on a un peu dépassé ce
stade ! Le diagnostic a été fait. Dès lors, il faut préciser quels sont les
symptômes de la maladie. Or vous refusez de dire là où cela fait mal : la
drogue, la prostitution, les émigrés clandestins. C'est tout de même là que se
trouvent les causes de l'insécurité ! Il ne faut pas fermer les yeux ! En
réalité, vous avez des lunettes déformantes, lesquelles peuvent parfois - et
c'est grave - conduire à la cécité.
Mme Nicole Borvo.
On voit quand même !
M. Patrice Gélard.
Car la thérapeutique que vous nous proposez avec la question préalable est
toute simple : elle consiste à renvoyer le problème à plus tard et à ne rien
faire ! Voilà ce que vous nous proposez !
Mme Hélène Luc.
Ce que vous dites est inexact !
M. Patrice Gélard.
En réalité, vous tenez le même discours que celui que nous avons entendu
pendant cinq ans : cela va mal, mais il ne faut citer personne, aucune
catégorie, parce que l'on aboutirait à des exclusions. Mais une fois le
discours prononcé, on n'agit plus. Eh bien ! telle n'est pas notre méthode !
Nous allons donc suivre le ministre et repousser cette motion tendant à
opposer la question préalable.
(« Très bien ! » et applaudissements sur les
travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi
que sur certaines travées du RDSE.)
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean-Patrick Courtois,
rapporteur.
La commission a considéré que les Françaises et les Français
nous avaient adressé deux messages à l'occasion des dernières élections :
l'insécurité est leur principale préoccupation ; le Gouvernement doit agir et
apporter des réponses à cette insécurité.
Aujourd'hui, vous nous présentez, monsieur le ministre, un texte ambitieux,
mais réaliste qui répond en tous points à l'attente des Français. La commission
des lois a donc considéré qu'il devait être adopté conforme.
Dès lors, il va sans dire que la commission des lois invite le Sénat à rejeter
la motion tendant à opposer la question préalable.
(« Très bien ! » et
applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de
l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix la motion n° 9, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de
loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe communiste
républicain et citoyen.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.
(Le scrutin a lieu.)
M. le président.
Personne ne demande plus à voter ? ...
Le scrutin est clos.
(Il est procédé au comptage des votes.)
Nombre de votants | 317 |
Nombre de suffrages exprimés | 315 |
Majorité absolue des suffrages | 158 |
Pour l'adoption | 107 |
Contre | 208 |
Le Sénat n'a pas adopté.
En conséquence, nous passons à la discussion des articles.
Article 1er et annexe I