SEANCE DU 26 JUILLET 2002
M. le président.
« Art. 16. - I. - Le premier alinéa de l'article 11 de l'ordonnance précitée
du 2 février 1945 est remplacé par les dispositions suivantes :
« Les mineurs de treize à dix-huit ans mis en examen par le juge d'instruction
ou le juge des enfants ne peuvent être placés en détention provisoire par le
juge des libertés et de la détention, saisi soit par le juge d'instruction,
soit par le juge des enfants, conformément aux dispositions des articles 137 à
137-4, 144 et 145 du code de procédure pénale, que dans les cas prévus par le
présent article, à la condition que cette mesure soit indispensable ou qu'il
soit impossible de prendre toute autre disposition et à la condition que les
obligations du contrôle judiciaire prévues par l'article 10-1 soient
insuffisantes.
« Les mineurs âgés de seize ans révolus ne peuvent être placés en détention
provisoire que dans l'un des cas suivants :
« 1° S'ils encourent une peine criminelle ;
« 2° S'ils encourent une peine correctionnelle d'une durée égale ou supérieure
à trois ans ;
« 3° S'ils se sont volontairement soustraits aux obligations d'un contrôle
judiciaire prononcé conformément aux dispositions de l'article 10-1.
« Les mineurs âgés de treize ans révolus et de moins de seize ans ne peuvent
être placés en détention provisoire que dans l'un des cas suivants :
« 1° S'ils encourent une peine criminelle ;
« 2° S'ils se sont volontairement soustraits aux obligations d'un contrôle
judiciaire prononcé conformément aux dispositions du III de l'article 10-1.
« La détention provisoire est effectuée soit dans un quartier spécial de la
maison d'arrêt, soit dans un établissement pénitentiaire spécialisé pour
mineurs ; les mineurs détenus sont, autant qu'il est possible, soumis à
l'isolement de nuit.
« Lorsque les mineurs ayant fait l'objet d'un placement en détention
provisoire sont remis en liberté au cours de la procédure, ils font l'objet,
dès leur libération, des mesures éducatives ou de liberté surveillée justifiées
par leur situation et déterminées par le juge. Lorsque le juge des enfants, le
juge d'instruction ou le juge des libertés et de la détention estime qu'aucune
de ces mesures n'est nécessaire, il statue par décision motivée.
« II. - Après l'article 11-1, il est inséré un article 11-2 ainsi rédigé :
«
Art. 11-2.
- Lorsqu'à l'égard d'un mineur de treize à seize ans, la
détention provisoire est ordonnée à la suite de la révocation d'un contrôle
judiciaire prononcé conformément aux dispositions du III de l'article 10-1, la
durée de la détention provisoire ne peut excéder quinze jours, renouvelable une
fois.
« S'il s'agit d'un délit puni d'au moins dix ans d'emprisonnement, la durée de
la détention provisoire ne peut excéder un mois, renouvelable une fois.
« Lorsque interviennent plusieurs révocations du contrôle judiciaire, la durée
cumulée de la détention ne peut excéder une durée totale d'un mois dans le cas
visé au premier alinéa et de deux mois dans le cas visé au deuxième alinéa.
»
Je suis saisi de cinq amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 113, présenté par Mme Borvo, M. Bret, Mmes Mathon, Beaudeau,
Beaufils et Bidard-Reydet, M. Coquelle, Mmes David, Demessine et Didier, MM.
Fischer, Foucaud et Le Cam, Mme Luc, MM. Muzeau, Ralite et Renar et Mme
Terrade, est ainsi libellé :
« Supprimer l'article 16. »
Les deux amendements suivants sont présentés par M. Estier et les membres du
groupe socialiste, apparentés et rattachée :
L'amendement n° 167 est ainsi libellé :
« A la fin du quatrième alinéa (2°) du texte proposé par le I de l'article 16
pour le premier alinéa de l'article 11 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février
1945, remplacer les mots : "trois ans" par les mots : "cinq ans". »
L'amendement n° 168 est ainsi libellé :
« Dans l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de l'article 16 pour
le premier alinéa de l'article 11 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945,
remplacer les mots : "autant qu'il est possible" par les mots : ", sauf quand
leur intérêt s'y oppose,". »
L'amendement n° 38, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois, est ainsi libellé :
« Compléter l'avant-dernier alinéa du texte proposé par le I de l'article 16
pour remplacer le premier alinéa de l'article 11 de l'ordonnance n° 45-174 du 2
février 1945 par une phrase ainsi rédigée :
« Les mineurs âgés de treize à seize ans ne peuvent être placés en détention
que dans les seuls établissements garantissant un isolement complet d'avec les
détenus majeurs ainsi que la présence en détention d'éducateurs dans des
conditions définies par décret en Conseil d'Etat. »
L'amendement n° 37, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois, est ainsi libellé :
« Après le I de l'article 16, insérer un paragraphe additionnel ainsi rédigé
:
« I
bis.
- A l'avant-dernier alinéa du même article, les mots : "des
quatrième et cinquième alinéas" sont remplacés par les mots : "des treizième et
quatorzième alinéas". »
La parole est à Mme Nicole Borvo, pour présenter l'amendement n° 113.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le garde des sceaux, en l'an 2000, 1 700 mineurs ont été placés en
détention provisoire. Aujourd'hui, 930 jeunes sont incarcérés, dont les deux
tiers en détention provisoire. Cette dernière a connu une augmentation de 40 %
au cours des huit derniers mois. Le centre des jeunes détenus de Fleury-Mérogis
a vu sa population multipliée presque par trois, et ce à peine en plus d'un
an.
Or ce texte prévoit d'augmenter encore le nombre des mineurs incarcérés. Pire
: vous proposez, monsieur le garde des sceaux, de placer en détention des
mineurs dès l'âge de treize ans, pour la simple raison qu'ils n'auraient pas
respecté les obligations du contrôle judiciaire qui leur étaient imposées.
C'est un inadmissible chantage à la détention provisoire, tout aussi
inadmissible que celui qui sous-tend l'article 15 concernant, notamment, les
centres éducatifs « fermés » - quelle ambiguïté ! - sur lesquels nous aurons
l'occasion de revenir.
Mais, surtout, vous oubliez qu'à treize ans on est encore un enfant, ou au
plus, comme on dit, un pré-adolescent. Il est vrai que vous avez déjà bien du
mal à considérer un mineur de dix ans comme un enfant, alors,
a
fortiori
, treize ans...
Il s'agit, dans ce cas, de préadolescents.
Les progrès de la psychologie et de la psychiatrie, notamment, nous permettent
de mieux comprendre aujourd'hui les phases de la préadolescence et de
l'adolescence, même si elles sont toujours complexes. Mais fi de tout cela !
En prison, se côtoieraient des jeunes de treize à dix-huit ans, autrement dit
plusieurs générations de jeunes. Nous avons des enfants, les uns et les autres,
et nous savons le rôle de modèle que peuvent jouer les plus âgés par rapport
aux plus jeunes.
M. Robert Del Picchia.
C'est vrai !
Mme Nicole Borvo.
Mais, après tout, c'est peut-être cela l'idée, que les dix-huit ans servent de
modèles aux treize ans ! Tout cela est vraiment extrêmement positif !
La prison pour les mineurs est criminogène - ce n'est pas moi qui le dis -,
c'est une véritable usine à fabriquer de la délinquance. Vous oubliez qu'au
sortir de l'incarcération la récidive est, sans comparaison, bien plus forte
qu'au sortir d'un placement en milieu ouvert.
Tout nous montre donc qu'il est absolument indispensable de rechercher des
alternatives à l'emprisonnement, quel qu'en soit le motif. Je rappelle,
messieurs et chers collègues, qu'il s'agit d'enfants de treize ans !
C'est donc un retour en arrière indiscutable qui nous est proposé ici. Il me
paraît inimaginable que notre société puisse porter ce regard sur les jeunes,
même délinquants.
Par ailleurs, monsieur le ministre, vous justifiez l'abaissement de l'âge
limite au-delà duquel la détention provisoire est possible en matière
correctionnelle par le fait qu'il conviendrait de mettre fin à l'hypocrisie,
puisque, dans la réalité, les juges requalifient en crimes les délits afin de
permettre la détention provisoire. Vous nous demandez donc d'entériner une
pratique déjà extrêmement contestable en elle-même et totalement en opposition
avec nos engagements internationaux.
Le projet de loi prévoit la création d'établissements pénitentiaires
spécialisés pour mineurs, placés sous la responsabilité de l'administration
pénitentiaire. Bref - soyons clairs - il s'agit de prisons
bis
, que la
commission a renoncé à supprimer, soit quatre cents places d'ici à 2007. C'est
bien peu si l'on considère les ambitions du Gouvernement en matière
d'incarcération des mineurs, mais beaucoup trop si l'on se place dans une
optique qui ne fait pas primer le répressif mais qui tient compte du fait qu'un
enfant reste un enfant, quoi qu'il ait fait.
Je rappellerai, d'ailleurs, puisque les modèles étrangers sont souvent
invoqués, que la Belgique comme l'Espagne ont supprimé la prison pour mineurs.
Par conséquent, quand on parle de centres fermés en Belgique ou en Espagne, il
faut savoir qu'il s'agit d'établissements qui sont substitués à la prison pour
mineurs. Je le précise, car il faut être très clair en ces matières.
C'est pourquoi les sénateurs communistes proposent, évidemment, de supprimer
l'article 16 relatif à la détention provisoire des mineurs.
M. le président.
La parole est à M. Robert Badinter, pour présenter les amendements n°s 167 et
168.
M. Robert Badinter.
Il s'agit, par l'amendement n° 167, de remplacer le seuil de trois ans par le
seuil de cinq ans, plus convenable en la matière, et, par l'amendement n° 168,
de remplacer la mention : « autant qu'il est possible » par les mots : « , sauf
quand leur intérêt s'y oppose, ». Quant au problème dans son ensemble, tel
qu'il a été posé par Mme Borvo à l'instant, nous aurons l'occasion d'y revenir
en explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, pour présenter les
amendements n°s 38 et 37 et pour donner l'avis de la commission sur les
amendements n°s 113, 167 et 168.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
L'amendement n° 38 consiste à compléter le dispositif en
garantissant que les mineurs les plus jeunes qui sont incarcérés soient
effectivement isolés des majeurs et soient suivis par des éducateurs de la
protection judiciaire de la jeunesse afin de prévenir la récidive. Ce
dispositif est né d'une constatation de la commission d'enquête sur la
délinquance des mineurs. Nous souhaitons donc que l' « étanchéité » soit
garantie, le mieux possible.
Pour ce qui concerne l'amendement n° 37, il est de nature rédactionnelle.
En ce qui concerne l'amendement n° 113, la commission est évidemment
défavorable à la suppression de l'article 16. Précédemment, nous avons justifié
le rejet d'un autre amendement, par référence précisément à cet article. Donc,
ne serait-ce que pour une raison de forme, la suppression ne serait déjà pas
très logique.
Sur le fond, il s'agit pour nous de rendre effectif le contrôle judiciaire au
moyen de cette menace que nous considérons dissuasive. Il faut donc maintenir
le dispositif proposé.
La commission est également défavorable à l'amendement n° 167. Le projet de
loi prévoit d'harmoniser les seuils de peine ; c'est une excellente idée.
Enfin, l'amendement n° 168, qui tend à préciser qu'il ne doit pas être procédé
à l'isolement de nuit lorsque l'intérêt du mineur s'y oppose, est satisfait par
le droit existant, puisqu'une circulaire de l'administration
pénitentiaire...
M. Robert Badinter.
Une circulaire n'est pas une loi !
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Certes, mais enfin, elle existe ! Donc, la circulaire prévoit
déjà que le mineur ne peut être seul en cellule s'il ne le souhaite pas. Cet
amendement est également satisfait par le projet de loi - cette fois, c'est la
loi, mon cher collègue -, qui prévoit que l'isolement de nuit sera réalisé «
autant qu'il est possible ».
J'écouterai avec intérêt M. le ministre donner l'avis du Gouvernement : il
pourra certainement confirmer les termes de l'instruction à laquelle je fais
allusion.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 113, 167, 168, 38 et
37 ?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
Le Gouvernement est évidemment défavorable à
l'amendement n° 113, qui tend à la suppression de l'article 16.
Il est également défavorable à l'amendement n° 167, - il me paraît ni utile ni
nécessaire de remplacer le seuil de trois ans par celui de cinq ans - ainsi
qu'à l'amendement n° 168. L'état actuel à la fois du droit, d'une part, et des
projets de construction de centres de détention pour mineurs, d'autre part, est
une réponse concrète au souci qui a été exprimé par les auteurs de
l'amendement.
Enfin, le Gouvernement est favorable aux amendements n°s 38 et 37.
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 113.
M. Robert Badinter.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Robert Badinter.
M. Robert Badinter.
Je ne reviens pas sur les arguments qu'a fournis Mme Borvo, ils sont tout à
fait importants. Je veux simplement rappeler certaines données qui ne doivent
jamais être perdues de vue.
L'emprisonnement - nous en avons assez parlé au cours de la discussion du
projet de loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les
droits des victimes - est contraire à la présomption d'innocence. S'agissant
d'un mineur, le risque est considérable. Non seulement sa personnalité peut
être altérée, mais encore ce n'est pas dans l'incarcération qu'il trouvera,
hélas ! les voies que nous souhaitons lui voir emprunter : il y fera de ces
rencontres qui, chacun le sait, transforment la prison en véritable école du
crime et, il faut bien le dire, font d'elle une source permanente de
récidive.
Mme Borvo a cité les chiffres, saisissants, de la récidive des mineurs
sortant de prison, y compris après une détention provisoire. La proportion est
incroyablement élevée par rapport au taux de récidive des mineurs qui ont fait
l'objet d'une mesure de placement dans un centre éducatif. Les quelques centres
éducatifs renforcés qui existent ont des résultats significatifs. C'est là la
voie dans laquelle il convient de s'engager.
Plus que toute autre, la question de l'amélioration effective de la condition
de détention des mineurs, amélioration nécessaire, se pose avec une exigence
première. On me demandera pourquoi nous ne l'avons pas réalisée. Je rappelle
que, tout au long de la législature précédente comme de celle à laquelle j'ai
pu participer entre 1995 et 1997, je n'ai jamais cessé de rappeler que la
France, notre pays, n'assumait pas ses responsabilités à cet égard. Les deux
rapports établis, l'un sous l'autorité de M. Hyest, l'autre sous la présidence
de M. Schosteck, au sujet de la délinquance des mineurs témoignent de cette
situation.
S'il y a une priorité, c'est bien celle-là, et ce n'est pas chez moi un
propos nouveau : je n'ai jamais cessé de le dire. Certes, je confesse
volontiers que, lorsque j'étais garde des sceaux, je n'ai pas été à même de me
faire suffisamment entendre. Je rappelle néanmoins que de nombreuses mesures en
faveur de l'humanisation des prisons ont été prises lorsque j'étais place
Vendôme. Cependant, nous traversions alors une période de grande crise
économique, et d'autres priorités tout à fait légitimes, des priorités dans le
domaine social - concernant notamment les personnes âgées, mais je ne vais pas
faire la liste des maux qui affligent notre société - passèrent avant la
nécessité d'octroyer à la rénovation des prisons les ressources matérielles
indispensables.
Le projet de loi vise à créer des centres de détention spéciaux pour mineurs.
Je suis convaincu que, quelle qu'en soit la forme, aucune mesure conduisant à
un élargissement de la détention des mineurs ne peut être bonne, à plus forte
raison quand il s'agit de détention provisoire. Ce n'est pas là seulement une
approche dictée par un sentiment d'humanité, il y va aussi de l'intérêt général
de la société : il nous faut à tout prix restreindre la détention des mineurs,
notamment leur détention provisoire, car, ne l'oublions pas, les mineurs
délinquants dont il est question ici sont âgés de treize à seize ans. Même en
tenant compte de ce que nous avons évoqué à propos du premier temps du contrôle
judiciaire, je ne crois pas que nous nous engagions là dans la bonne direction,
j'aurai l'occasion d'y revenir quand nous évoquerons les centres d'éducation
fermés. Je pense au contraire qu'il faut impérativement explorer davantage la
piste ouverte par les propositions de Mme Borvo.
Je retiendrai du débat d'aujourd'hui l'engagement pris par le Gouvernement,
dans le rapport annexé au projet de loi, d'accorder des moyens - car c'est bien
d'eux, en définitive, que tout dépend - à la protection judiciaire de la
jeunesse. Cet engagement ne devra pas rester simple déclaration, car, des
promesses faites à ce sujet par les gouvernements successifs, le cimetière des
bonnes intentions ministérielles en est, hélas ! pavé.
(Applaudissements sur
les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Jean-Pierre Sueur.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
M. Jean-Pierre Sueur.
Au moment où vous vous apprêtez sans doute, mes chers collègues, à adopter une
disposition qui va étendre, en matière correctionnelle, la détention à titre
provisoire des mineurs de treize à seize ans, et pour compléter ce que vient de
dire excellemment M. Robert Badinter, je vous donnerai lecture d'un extrait du
rapport de M. Schosteck, car il est bon que chacun ait à l'esprit ce texte, qui
est le fruit d'un grand travail :
« L'étanchéité entre ces quartiers de mineurs et les autres parties des
maisons d'arrêt est loin d'être parfaite. Nombre d'installations sont communes,
en particulier l'unité de soins ; les quartiers mineurs sont rarement pourvus
d'un quartier disciplinaire spécifique, de sorte que le quartier disciplinaire
des établissements est commun aux majeurs et aux mineurs...
M. Roger Karoutchi.
C'est l'héritage !
M. Jean-Pierre Sueur.
... « Par ailleurs, condamnés et prévenus mineurs étant mélangés, les
condamnés ne bénéficient pas de tous les droits qui sont accordés aux condamnés
majeurs, notamment en ce qui concerne les communications avec l'extérieur.
« Mais il y a plus grave.
« La commission d'enquête a visité le quartier des mineurs des prisons de
Lyon. La situation qu'elle y a constatée est véritablement une
Humiliation
pour la République
[...]. Les locaux sont terriblement dégradés, le
surpeuplement y est parfois tel que la commission a rencontré un mineur
couchant sur une paillasse à même le sol. Toutes sortes de trafics y
prospèrent, la séparation entre majeurs et mineurs étant virtuelle. Les efforts
d'un personnel pénitentiaire très méritant ne peuvent suffire à compenser une
telle situation.
« Le quartier des mineurs des prisons de Lyon est plus digne d'un roman de
Charles Dickens que de la France du xxie siècle ! »
M. Roger Karoutchi.
Que ne l'avez-vous fait !
M. Jean-Pierre Sueur.
Il faut regarder les choses telles qu'elles sont. Si nous souhaitons pouvoir
construire les établissements en question, il ne faut pas perdre de vue, mes
chers collègues, que la loi sera appliquée bien avant que les chantiers aient
seulement pu commencer.
M. Christian Cointat.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Christian Cointat.
M. Christian Cointat.
La délinquance des mineurs est une question très préoccupante qui nous
interpelle tous : il faut bien comprendre que nous avons tous mal
(Rires et
exclamations sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen)
lorsque nous voyons ces jeunes, perdus, à l'abandon. Mais c'est justement parce
que cela nous fait mal que nous devons réagir.
Mme Nicole Borvo.
Vous en rajoutez !
M. Christian Cointat.
Je suis un peu étonné de voir certains d'entre vous refuser ainsi la réalité :
c'est la politique de l'autruche !
Mme Nicole Borvo.
Pas du tout ! Ce n'est pas le refus de la réalité, c'est le refus de vos
solutions ! C'est tout à fait différent !
M. Christian Cointat.
Vous dites qu'il faut que ces jeunes soient libres, qu'ils puissent faire
n'importe quoi... Bien sûr que non !...
Mme Nicole Borvo.
Quelle mauvaise foi !
M. Christian Cointat.
Il faut leur rendre le sens des valeurs, leur donner des repères, ...
Mme Nicole Borvo.
En prison ?
M. Robert Bret.
Vous allez en faire des récidivistes
(Protestations sur les travées du
RPR.)
M. Christian Cointat.
... pour qu'ils puissent enfin reconstruire leur vie. L'une des valeurs, l'un
des repères, c'est le respect de l'autorité.
M. Robert Bret.
Vous les condamnez définitivement !
Mme Nicole Borvo.
Vous savez ce que c'est que de passer quinze jours en prison ?
M. Christian Cointat.
Il faut qu'ils puissent savoir jusqu'où ils peuvent aller sans aller trop
loin. C'est ainsi que l'on forge un caractère et que l'on peut donner un sens à
leur vie !
Mme Nicole Borvo.
A treize ans, on forge son caractère en prison ? Mais arrêtez !
M. Christian Cointat.
Vous, vous n'envisagez qu'une réponse : ne rien faire ! Parler, mais ne rien
faire !
(Vives protestations sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
Telle n'est pas notre position : nous, nous
voulons prendre nos responsabilités.
Mmes Marie-Claude Beaudeau et Nicole Borvo.
Mais non !
M. Christian Cointat.
Nous avons le courage d'agir, et le projet de loi va dans ce sens. Lisez-le
attentivement,...
Mme Nicole Borvo.
Nous l'avons lu !
M. Christian Cointat.
... toutes les précautions sont prises, et la détention n'est prévue qu'en
dernier ressort.
Le rapport du Gouvernement le montre clairement, et vous l'avez vous-même
souligné, monsieur Badinter : il faut avoir les moyens d'agir. La proposition
contenue dans le projet de loi n'a de sens que si l'on dégage les moyens
nécessaires pour la réaliser. Sinon, c'est vrai, elle ne réussira pas.
Nous avons au moins le mérite de chercher à faire quelque chose pour ces
jeunes et pour la société.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des
Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à Mme Nicole Borvo.
Mme Nicole Borvo.
En tant que président de la commission d'enquête, M. Schosteck demandait
précisément que les jeunes ne cohabitent pas avec des adultes, parce qu'on sait
que ce n'est pas acceptable, et l'on continue ! Pensez-vous vraiment que la
cohabitation de jeunes de treize ans avec des adultes incarcérés leur permettra
de prendre leurs responsabilités ? Croyez-vous vraiment que c'est une solution
?
M. Christian Cointat.
Non !
Mme Nicole Borvo.
C'est pourtant ce que vous faites !
M. Laurent Béteille.
Pas du tout !
M. Alain Vasselle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Alain Vasselle.
M. Alain Vasselle.
Je ne comprends pas la mauvaise foi de Mme Borvo, qui évoque une situation que
nous ne rencontrerons pas !
En effet, la loi précise très clairement qu'il ne pourra y avoir de
cohabitation entre des jeunes et des adultes.
Mme Nicole Borvo.
A quel endroit ?
M. Robert Bret.
Ce ne sont que des promesses !
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Ah ! Si vous aviez été là plus tôt !
M. Alain Vasselle.
Imaginez-vous, madame, que des magistrats, ou ceux qui sont chargés
d'appliquer la loi, enfreindront les règles ?
Je suis atterré d'entendre de tels propos de la part d'une personne qui
participe à l'élaboration de la loi.
(Applaudissements sur les travées du
RPR.)
M. Jean-Claude Carle.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Jean-Claude Carle.
M. Jean-Claude Carle.
Monsieur Sueur, la situation des prisons de Lyon est bien telle que le rapport
de la commission d'enquête, que vous avez cité, l'a décrite. Mais - peut-être
n'étiez-vous pas présent à ce moment-là - M. le ministre s'est engagé hier, en
réponse à une demande que je lui ai adressée au cours de la discussion
générale, à fermer très rapidement ce quartier pour mineurs.
Il y a ceux qui disent, il y a ceux qui parlent, mais il y a aussi ceux qui
font et qui feront.
(Applaudissements sur les travées, des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste.)
Mme Nicole Borvo.
Nous en reparlerons lorsqu'il sera vraiment fermé !
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 113, repoussé par la commission et par
le Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 167, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 168.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.
M. Michel Dreyfus-Schmidt.
Le texte du projet de loi prévoit l'isolement de nuit des mineurs, dans leur
intérêt, « autant qu'il est possible ». Or, il peut se produire que l'intérêt
du mineur soit au contraire de n'être pas isolé. C'est pourquoi nous proposons
purement et simplement de remplacer ces mots par la précision : « , sauf quand
leur intérêt s'y oppose, ».
Nous ne voyons vraiment pas, mes chers collègues, pourquoi vous n'approuveriez
pas cet amendement. Je me permets d'insister : la règle de l'isolement de nuit
est posée, mais, pour des raisons psychologiques que chacun imagine, il peut
être nécessaire de prendre des décisions contraires, et nous demandons
seulement que ce soit possible.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 168, repoussé par la commission et par le
Gouvernement.
(L'amendement n'est pas adopté.)
M. le président.
Je vais mettre aux voix l'amendement n° 38.
M. Robert Bret.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Robert Bret.
M. Robert Bret.
L'amendement que nous nous apprêtons à voter compte parmi ceux - ils sont
rares - par lesquels M. le rapporteur reprend quelques-unes des propositions
formulées par la commission d'enquête sénatoriale sur les conditions de
détention des mineurs. Il vise précisément à isoler les enfants de treize à
seize ans des détenus majeurs, et le Sénat, dans son ensemble, s'honorera en
l'adoptant.
M. Paul Loridant.
Je demande la parole pour explication de vote.
M. le président.
La parole est à M. Paul Loridant.
M. Paul Loridant.
Pour m'être rendu dans plusieurs prisons dans le cadre de la mission de
contrôle de la commission des finances, je souhaite vivement que cet amendement
soit adopté, mais surtout qu'il soit appliqué. Or, avant que son application
soit possible, beaucoup de temps et d'investissements seront nécessaires !
Si Fleury-Mérogis a effectivement un quartier réservé aux mineurs, j'ai
souvenir qu'au centre de détention de Baie-Mahault, en Guadeloupe, un petit
quartier est certes réservé aux mineurs à l'intérieur de la prison, qui est
quasiment neuve, mais que la promiscuité avec le monde des adultes est pour
ainsi dire immédiate, puisque ce sont de simples draps tendus qui les en
séparent !
Monsieur le garde des sceaux, monsieur le secrétaire d'Etat, une fois que cet
amendement sera voté, je souhaite vivement que vous preniez toute mesure pour
que, dans les meilleurs délais - immédiatement, allais-je dire, tant cela me
paraît important -, il puisse être appliqué.
M. Jean Chérioux.
Alors, votez le projet de loi !
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 38, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je constate que l'amendement n° 38 a été adopté à l'unanimité.
Je mets aux voix l'amendement n° 37, accepté par le Gouvernement.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
Je mets aux voix l'article 16, modifié.
(L'article 16 est adopté.)
Section 4
Dispositions instituant
une procédure de jugement à délai rapproché