SEANCE DU 26 JUILLET 2002
M. le président.
« Art. 12. - Il est ajouté après l'article 15 de l'ordonnance du 2 février
1945 précitée un article 15-1 ainsi rédigé :
«
Art. 15-1
. - Le tribunal pour enfants pourra prononcer par décision
motivée une ou plusieurs des sanctions éducatives suivantes :
« 1° Confiscation d'un objet détenu ou appartenant au mineur et ayant servi à
la commission de l'infraction ou qui en est le produit ;
« 2° Interdiction de paraître, pour une durée qui ne saurait excéder un an,
dans le ou les lieux dans lesquels l'infraction a été commise et qui sont
désignés par la juridiction, à l'exception des lieux dans lesquels le mineur
réside habituellement ;
« 3° Interdiction, pour une durée qui ne saurait excéder un an, de rencontrer
ou de recevoir la ou les victimes de l'infraction désignées par la juridiction
ou d'entrer en relation avec elles ;
« 4° Mesure d'aide ou de réparation mentionnée à l'article 12-1 ;
« 5° Obligation de suivre un stage de formation civique, d'une durée qui ne
peut excéder un mois, ayant pour objet de rappeler au mineur les obligations
résultant de la loi et dont les modalités d'application sont fixées par décret
en Conseil d'Etat.
« Le tribunal pour enfants désignera le service de la protection judiciaire de
la jeunesse chargé de veiller à la bonne exécution de la sanction. Ce service
fera rapport au juge des enfants de l'exécution de la sanction éducative.
« En cas de non-respect par le mineur des sanctions éducatives prévues au
présent article, le tribunal pour enfants pourra prononcer à son égard une
mesure de placement dans l'un des établissements visés à l'article 15. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 32, présenté par M. Schosteck, au nom de la commission des
lois, est ainsi libellé ;
« A. - Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par l'article 12
pour insérer un nouvel article 15-1 dans l'ordonnance n° 45-174 du 2 février
1945 :
«
Art. 15-1
. - Le juge des enfants ou le tribunal pour enfants pourra
prononcer, par décision motivée s'il s'agit d'un mineur de dix à treize ans,
une ou plusieurs des sanctions éducatives suivantes : »
« B. - En conséquence, à l'avant-dernier alinéa et au dernier alinéa du texte
proposé par cet article pour insérer un article 15-1 dans l'ordonnance n°
45-174 du 2 février 1945, remplacer les mots : "tribunal pour enfants" par les
mots : "juge des enfants ou le tribunal pour enfants". »
L'amendement n° 159 rectifié, présenté par M. Estier et les membres du groupe
socialiste, apparentés et rattachée, est ainsi libellé :
« I. - Dans le premier alinéa du texte proposé par l'article 12 pour l'article
15-1 de l'ordonnance n° 45-174 du 2 février 1945, remplacer le mot :
"sanctions" par le mot : "mesures". »
« II. - En conséquence, dans le dernier alinéa du texte proposé par cet
article pour l'article 15-1 de l'ordonnance précitée du 2 février 1945,
remplacer le mot : "sanctions" par le mot : "mesures".
La parole est à M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur, pour présenter
l'amendement n° 32.
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Cet amendement a deux objets.
Premièrement, il s'agit de donner compétence au juge des enfants pour
prononcer une sanction éducative. En effet, en l'état actuel du droit,
lorsqu'il décide de juger un mineur dans son cabinet, le juge des enfants ne
peut prononcer que des mesures éducatives. En revanche, lorsqu'un mineur est
jugé par le tribunal pour enfants, celui-ci peut prononcer aussi bien des
mesures éducatives que des peines. Le présent article 12 prévoit que la
juridiction compétente pour prononcer une sanction soit exclusivement le
tribunal pour enfants.
La commission a estimé que la compétence exclusive du tribunal présentait deux
inconvénients.
D'abord, il s'agit d'une procédure lourde puisqu'il faudra réunir le tribunal.
Vous savez que c'est une instance solennelle, composée du juge des enfants et
de deux assesseurs. Ceux-ci n'étant pas des magistrats professionnels, ils ont
évidemment une disponibilité plus limitée.
Par ailleurs, il serait paradoxal que les sanctions éducatives prises à
l'encontre des mineurs de dix à treize ans relèvent du cérémonial du tribunal
pour enfants alors que certains délits commis par des mineurs jusqu'à dix-huit
ans et ne donnant pas lieu à une condamnation pénale ne relèvent, eux, que d'un
jugement en chambre du conseil par le seul juge des enfants.
Cet amendement tend donc à permettre le prononcé de sanctions éducatives par
le juge des enfants statuant en chambre du conseil comme par le tribunal. Il
s'agit d'élargir la palette des outils disponibles pour le juge des enfants
statuant en audience de cabinet sans remettre en cause le fait que les
condamnations pénales ne pourront être prononcées que par le tribunal pour
enfants.
Le second objet de cet amendement vise à supprimer la motivation de la
sanction éducative pour les mineurs de treize à dix-huit ans.
Il s'agit de limiter la motivation de la sanction éducative aux seuls mineurs
de dix à treize ans. A l'heure actuelle, les mineurs de treize à dix-huit ans
peuvent déjà être condamnés à des peines sans que le tribunal pour enfants ait
à motiver cette peine, sauf s'il s'agit d'une peine d'emprisonnement.
Il serait paradoxal que le prononcé d'une sanction éducative à l'égard des
mineurs de plus de treize ans soit motivé alors que le prononcé de la peine ne
l'est pas.
En outre, il ne paraît pas souhaitable d'étendre la motivation à l'ensemble
des peines au risque de ne plus avoir de motivation personnalisée. On risque de
voir apparaître des formulaires pré-imprimés et d'alourdir les procédures. Il
convient donc de conserver la motivation pour les peines les plus graves,
l'emprisonnement, et pour les mineurs de dix à treize ans.
Enfin, on peut souligner que les sanctions éducatives pour les mineurs de
treize à dix-huit ans sont relativement légères puisqu'il s'agit notamment de
la réparation et du stage d'instruction civique.
M. le président.
La parole est à M. Robert Badinter, pour défendre l'amendement n° 159
rectifié.
M. Robert Badinter.
Cet amendement se justifie par son texte même.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 159 rectifié ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Par coordination avec l'amendement n° 158, la commission est
défavorable à l'amendement n° 159 rectifié.
M. le président.
Quel est l'avis du Gouvernement sur les amendements n°s 32 et 159 rectifié
?
M. Dominique Perben,
garde des sceaux.
M. le rapporteur connaît la position du Gouvernement
sur l'amendement n° 32, qui contient trois dispositions différentes.
Il prévoit, tout d'abord, que seul le prononcé des sanctions éducatives à
l'encontre du mineur de dix à treize ans doit être spécialement motivé, cette
formalité n'étant pas exigée pour les mineurs de treize à dix-huit ans. J'y
suis favorable.
Ensuite, l'amendement prévoit la possibilité pour le juge des enfants de
prononcer des sanctions éducatives alors que cette compétence est confiée, aux
termes du projet de loi, au tribunal pour enfants.
Je dois avouer que je suis réservé à cet égard. Il s'agit de véritables
sanctions. Cette partie de l'amendement mériterait donc d'être corrigée.
Enfin, l'amendement prévoit la possibilité, pour le juge des enfants, de
prononcer la mesure de placement qui sanctionne le non-respect de la sanction
éducative prononcée. Le Gouvernement peut se rallier à ce troisième élément.
Peut-être M. le rapporteur acceptera-t-il de rectifier son amendement de telle
sorte que le Gouvernement puisse émettre un avis favorable.
Quant à l'amendement n° 159 rectifié, le Gouvernement y est défavorable.
M. le président.
Monsieur le rapporteur, acceptez-vous de rectifier l'amendement n° 32 dans le
sens souhaité par M. le garde des sceaux ?
M. Jean-Pierre Schosteck,
rapporteur.
Si j'ai bien compris, le Gouvernement propose que seul le
tribunal pour enfants prononce, par décision motivée, les sanctions
éducatives...
M. le président.
Monsieur le rapporteur, il me semble que, pour vous donner le temps d'arrêter
une position parfaitement claire, il convient d'interrompre nos travaux pendant
quelques instants.
La séance est suspendue.