SEANCE DU 25 JUILLET 2002


M. le président. Je suis saisi, par M. Dreyfus-Schmidt et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachée, d'une motion n° 17 tendant à opposer la question préalable.
Cette motion est ainsi rédigée :
« En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice (n° 362, 2001-2002). »
Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.
En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.
La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, auteur de la motion.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, « (...) les lois de programme ne sont opposables aux tiers que dans la limite des crédits inscrits chaque année dans la loi de finances, que le Parlement peut toujours revenir sur une intention annoncée précédemment et qu'il ne peut pas faire injonction au gouvernement d'inscrire certains crédits même antérieurement prévus.
« (...) les lois d'orientation (...) se veulent à la fois une nouvelle forme d'association du Parlement à la politique gouvernementale, qui méconnaît souvent la séparation entre domaine législatif et domaine réglementaire, et une méthode de concertation qui permet d'associer directement un secteur d'activité à l'élaboration de la loi. En réalité, elles sont d'abord un recueil de bonnes intentions et de déclarations très consensuelles dépourvues de toute valeur juridique immédiate. Sur le plan financier, elles n'engagent nullement le Gouvernement et le Parlement et sont parfois dépourvues de tout échéancier précis. Ce sont des lois symboliques qui ressemblent à des décisions mais ne sont souvent que des déclarations d'intention. De plus, il convient de se méfier de leurs annexes.
« (...) Il est clair ainsi que les lois quinquennales et les lois d'orientation traduisent une évolution particulièrement inquiétante de la conception de la loi.
« (...) La loi perd son autorité ; elle n'est plus cette règle obligatoire et générale dont le respect peut être exigé parce qu'elle est réputée être une norme d'intérêt général équitable et solennelle. De surcroît, la cascade de lois qui s'ensuit dévalorise l'acte législatif, complique la compréhension de la loi, empêche que se développe un véritable contrôle parlementaire et autorise la multiplication des effets d'annonce.
« (...) Sur le plan politique, cette pratique traduit un grand trouble. La loi doit décider et non se contenter d'effets d'annonce qui pourraient être considérés comme des alibis face aux difficultés du moment. Gouverner, c'est prévoir mais c'est aussi décider, souvent avec courage, parfois dans l'incertitude, toujours dans l'immédiat. En renvoyant sur d'autres les choix même difficiles qui doivent être faits aujourd'hui pour la France, ces lois qui s'apparentent à des symboles d'apaisement ressemblent plus à de fausses déclarations de consensus qu'à des règles normatives ou à des décisions courageuses.
« (...) Il faut redonner à la loi de la République sa force et sa solennité, ou bien choisir, une fois pour toutes, de légiférer à crédit. »
Ces phrases ne sont pas de moi. Elles sont - certains s'en souviennent peut-être - extraites d'un article de M. René Monory, alors président du Sénat, publié par le journal Le Monde le 1er juin 1994. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)
Je pourrais m'en tenir là. Cette condamnation des lois d'orientation et de programmation est une raison suffisante pour que vous votiez cette question préalable. Mais il en est d'autres, tant de forme que de fond.
Trois observations avant d'y arriver.
Il faut des moyens pour la justice. Nous en avons et j'en ai toujours réclamés. Pour rendre la justice, il faut des juges. Beaucoup d'autres pays ont beaucoup plus de juges que nous et nous avons un retard considérable sur eux.
Il faut des greffiers. Il faut des éducateurs. Il faut que la charge de travail des magistrats, des juges d'instruction, des juges des enfants, des juges aux affaires familiales soit beaucoup moins lourde et qu'ils aient chacun beaucoup moins de dossiers à traiter.
Nous avons toujours dénoncé, j'ai dénoncé, au civil comme au pénal, les « ersatz » : le recours au juge unique par exemple - et M. Béteille a eu tout à fait raison de le dire tout à l'heure - qui a entraîné l'extension de la compétence du tribunal d'instance, qui a amené le juge unique jusque dans les tribunaux de grande instance et devant les cours d'appel.
J'attire l'attention de notre collègue M. Béteille sur le fait que ce projet de loi lui-même prévoit une extension du juge unique en correctionnelle. J'espère qu'il sera d'accord avec nous pour supprimer cette disposition.
Quant aux procédures de masse, il est évident que les ordonnances pénales, dont certains proposent qu'elles soient maintenant rédigées par les greffiers, ne s'apparentent plus à de la justice : l'auteur de l'infraction ne peut pas se défendre et, s'il fait opposition, les juges, qui ont tellement de travail, n'y feront pas droit de crainte que les oppositions ne se multiplient.
Deuxième observation, rapide !
La gauche a beaucoup fait. Il faut se rappeler que, dès 1982, c'est de 28 % que le budget de la justice a augmenté. Le gouvernement de Lionel Jospin, auquel vous vous en prenez tant, a traité la justice en priorité. Mais les besoins sont énormes.
Vous avez, vous, monsieur le garde des sceaux, votre gouvernement et la majorité, de bonnes intentions. Je vous renvoie aux paroles du président Monory et au dicton : « L'enfer est pavé de bonnes intentions ! »
Vous avez de bonnes intentions, disais-je, et nous ne pouvons qu'espérer, comme Robert Badinter l'a dit ce matin, que vous obtiendrez que les crédits que vous annoncez soient budgétés année après année. Mais, pour l'instant, dans le projet de loi de finances rectificative, il n'y a pas un euro à cet égard. En 2003, combien de crédits seront-ils inscrits au budget ? Nul ne le sait.
Certes, dans son rapport, M. Haenel présente des tableaux qui indiquent, année après année, les dépenses et les postes qui seraient créés, mais il ne nous précise pas ses sources !
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. La commission des finances a travaillé avec les représentants du Gouvernement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La commission des finances, me dit-il, a travaillé avec le représentant du Gouvernement.
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Ce n'est pas une surprise !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais, M. Haenel ne fournit, dans son rapport, aucune explication et le projet de loi qui nous est soumis ne nous apporte absolument aucune précision de calendrier, ni en postes, ni en moyens financiers.
Nous verrons ce qu'il en sera. Espérons que vous obtiendrez les crédits nécessaires, car la justice en a grand besoin.
J'en arrive aux autres raisons de voter la question préalable.
Monsieur le garde des sceaux, vous avez, il y a un instant, décrit la situation actuelle, souvent en effet déplorable.
Mais, la semaine prochaine, monsieur le garde des sceaux, la situation sera la même ! Or vous prétendez modifier la procédure pénale sans attendre d'avoir commencé à réaliser quoi que ce soit. C'est dire que la situation sera pire demain qu'aujourd'hui !
Troisième observation : il faut dénoncer cette danse de Saint-Guy, comme dit Me Soulez-Larivière, cette insécurité juridique dont Robert Badinter parlait ce matin.
Il existe une loi, la loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui est une loi de consensus, qui a tout de même été adoptée à l'unanimité, même si, bien entendu, d'un côté comme de l'autre, il y a eu des concessions.
Attendons de voir ce qu'elle donne à l'usage, une fois appliquée ! Certains craignaient qu'elle empêche les incarcérations : elles ont augmenté !
Dans votre projet de loi, il y a beaucoup de retours en arrière et nous le verrons. Mais ce texte mérite des conditions de travail acceptables, ce qui n'est pas le cas aujourd'hui.
Le projet a été examiné en conseil des ministres le 17 juillet, c'est-à-dire la semaine dernière. Nous vous avons auditionné le même jour, monsieur le garde des sceaux. Et c'est seulement hier qu'en commission nous avons entendu nos rapporteurs et que leurs amendements ont été soumis à notre vote. En commission, il n'y a eu aucune audition.
Ah ! lorsque l'Assemblée nationale et le Gouvernement sont de gauche, le Sénat procède à des auditions et se bat pour que les textes ne viennent pas trop vite !
Nous pouvons faire, aujourd'hui, la comparaison ! (Exclamations sur les travées du RPR.)
Par ailleurs, aucune étude d'impact n'a été réalisée. Je pensais donc que vous ne vouliez plus appliquer une circulaire de M. Lionel Jospin qui prônait de telles études. Or le projet de loi relatif à la sécurité intérieure de M. Sarkozy a bénéficié d'une telle étude. Pourquoi n'y en a-t-il pas ici ? Je vous pose la question.
A cela s'ajoute que le rapport de la commission n'a été distribué que ce matin. Combien parmi vous, mes chers collègues qui siégez sur ces bancs, l'ont lu ? Je suis sûr que beaucoup n'ont pas pu le lire !
Alors, à quoi sert-il de faire un rapport - ce qui est extrêmement valeureux de la part des collaborateurs de la commission des lois, auxquels je tiens à rendre hommage, car ils accomplissent un travail considérable, comme nous, comme nos propres collaborateurs - s'il n'est pas rendu compte, dans ce rapport, des débats que nous avons eus en commission, ni des auditions auxquelles nos rapporteurs seuls - nous l'avons appris par le rapport lui-même - ont procédé le 18 juillet dernier ? Il n'y figure même pas les fiches qui ont été remises par les personnalités que, messieurs les rapporteurs, vous avez entendues. Je pense, notamment, à la note fournie par les premiers présidents de cours d'appel, note dont nous avons eu connaissance ce matin grâce à M. Robert Badinter.
Il aurait été bon, tout de même, que chacun connaisse les motifs pour lesquels tant de gens sont opposés à beaucoup de mesures que vous proposez, monsieur le garde des sceaux ! Le moins que l'on puisse dire, c'est que ces informations auraient servi à nourrir les débats.
Mais il y a pis : c'est la procédure d'urgence, qui ne permet qu'une seule lecture devant chaque assemblée. Non seulement il y a une précipation dans la venue du débat et dans sa préparation, mais discuter en urgence alors que le projet contient de nombreux textes de procédure pénale, cela ne s'est quasiment jamais vu, et ce n'est pas acceptable !
Si l'on compare avec la loi renforçant la présomption d'innocence et les droits des victimes, dont je parlais tout à l'heure, il faut savoir et se rappeler que la discussion de ce texte a duré quatorze mois.
Pour la première lecture à l'Assemblée nationale, le rapport date du 15 mars 1999, et la discussion a duré quatre jours à compter du 23 mars 1999. Pour la première lecture au Sénat, le rapport date du 10 juin, et la discussion s'est déroulée les 15, 16, 17, 24 et 25 juin 1999. Cinq jours pour étudier un rapport, c'est déjà peu, mais aujourd'hui, vous avez battu absolument tous les records, non seulement celui de l'épaisseur du rapport, mais aussi celui de sa mise à disposition des parlementaires.
La deuxième lecture à l'Assemblée nationale a duré deux jours, à partir du 3 février 2000 et, au Sénat, après le dépôt du rapport le 22 mars 2000, il y a eu encore quatre jours de débat, les 29 et 30 mars, et les 4 et 5 avril.
Quelle différence de méthode ! Il n'est pas étonnant que, s'il y a eu une bonne loi d'un côté - vous l'aviez acceptée, je le dis encore une fois -, une bonne loi sur laquelle il y avait eu un accord en commission mixte paritaire, la vôtre, si elle est votée, sera de mauvaise qualité.
La troisième raison pour que vous votiez la question préalable, c'est la nécessité d'approfondir la réflexion sur le fond. Je ne peux pas, bien évidemment, évoquer toutes les dispositions de votre texte. Notre collègue M. Bret vient de le faire très brillamment et très pertinemment.
Vous dites : ce n'est pas un texte tout répressif et ceux qui l'affirment mentent ! Mais, vous aviez déclaré auparavant : c'est un projet qui n'est pas « seulement » répressif !
M. Jacques Peyrat. Heureusement !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il y a toutefois du répressif. Vous le reconnaissez. Non seulement vous le reconnaissez, mais vous le revendiquez !
En deux mots, je voudrais dire ce qu'est le principe de vos propositions. D'une part, il est urgent de juger vite, surtout si les faits sont graves - et plus les faits sont graves, plus la défense doit être préparée - et de condamner les intéressés à de lourdes peines. Mais d'autre part, dès qu'un jugement est rendu, les décisions peuvent attendre et vous retardez tous les délais, par exemple sur les demandes de mise en liberté. L'appel en matière criminelle, lui, peut attendre indéfiniment !
Mme Paulette Brisepierre. Il n'y a pas d'attentats si leurs auteurs sont en prison !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. De même, on l'a dit et cela vient d'être rappelé, la notion d'ordre public, cette « vieille tarte à la crème » dont on avait enfin décidé qu'elle ne pouvait pas être utilisée, sauf en matière criminelle, pour prolonger la détention provisoire, vous la réintégrez !
Le référé-détention aboutit à une détention du fait du procureur de la République qui fait échec à la décision de mettre le détenu en liberté préventive prise par le juge d'instruction ou même par le juge des libertés qui, précisément, avait à l'origine décidé la mise en détention. C'est non seulement impossible, car anticonstitutionnel, mais extrêmement choquant !
Et qui jugera ? Le président de la chambre d'accusation !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Non !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si le président de la chambre d'accusation est d'accord, ce sera quinze jours après, la chambre d'accusation elle-même, car il est évident qu'elle ne donnera pas tort à son propre président !
Là aussi, il faudrait une étude d'impact. Si nous adoptions la question préalable, nous aurions le temps d'évaluer le référé-liberté, qui existe depuis 1993 et qui est une procédure très proche du référé-détention. Combien de fois a-t-il été utilisé ? Quelles sont les statistiques ? Nous l'ignorons !
Quand aux droits des victimes, je voudrais tout de même rappeler que la loi renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes a prévu trente-cinq mesures en leur faveur ! Le projet de loi n'en contient qu'une ou deux. Vous nous proposez un texte sur les personnes disparues qui a été voté à l'Assemblée nationale sur proposition de Mme Lebranchu, mais qui est en navette. Vous ne vous êtes pas donné trop de mal. Mais il y a mieux à faire pour les victimes : l'important, c'est de les indemniser de leurs préjudices, et donc de les diriger sur la commission d'indemnisation des victimes d'infraction, la CIVI, créée par Robert Badinter dès 1983.
Il faut tout de même le rappeler !
Et, en 1990, l'indemnisation a été étendue à de nombreux autres délits ; mais, dans ces cas-là, il y a des plafonds, alors que, pour les cas les plus graves, l'indemnisation est totale : les victimes doivent avoir des ressources réduites et l'indemnisation est, elle aussi, limitée. Les deux plafonds sont fixés par rapport au taux de l'aide juridictionnelle.
Nous vous proposerons, lorsque nous reviendrons dans des conditions plus sérieuses après que la question préalable aura été mise aux voix, un amendement - que nous avons d'ailleurs déjà déposé hier soir pour le cas où la question préalable ne serait pas votée - visant à vous demander l'augmentation notable de ces plafonds.
Pourquoi ne pas aller plus loin ? Parce que cela coûte extrêmement cher. Mais nous ne voyons aucun inconvénient à ce que vous décidiez une indemnisation intégrale du préjudice dans tous les cas.
Je conclus sur ce qui n'est pas dans votre projet.
Est-ce qu'en cinq ans vous n'avez pas l'intention de nous dire ce que vous comptez faire de la réforme du Conseil supérieur de la magistrature ?
Que comptez-vous faire du statut du parquet ? Je sais bien que vous donnez maintenant des instructions aux procureurs, revenant sur ce qui a été fait par vos prédécesseurs de gauche. Nous espérons - et je vous connais assez pour le penser de vous, personnellement - que vous n'enverrez pas d'hélicoptère dans l'Himalaya ! (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendants.)
Mais je vous rappelle quand même que M. le Président de la République, à une certaine époque, a dit : « Ce n'est pas la peine de donner des ordres aux procureurs, ils n'obéissent pas ! » (Sourires.) Je sais bien qu'il a tout dit et le contraire de tout ! (Exclamations sur les travées du RPR.) Mais, enfin, cela mérite tout de même que, dans les cinq ans, nous discutions de ce problème ! Qu'en est-il - je suis étonné que notre collègue Haenel ne le réclame plus - du rattachement de la police judiciaire à la Chancellerie au moment où l'on rattache la gendarmerie à l'intérieur ?
M. Hubert Haenel, rapporteur pour avis. Ce n'est pas l'objet du texte !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cela mérite qu'au moins on en débatte ! N'avez-vous pas d'intention à cet égard pour les cinq ans à venir ?
Ces questions, je vous les pose, monsieur le garde des sceaux. Quant à vous, mes chers collègues, je pense vous avoir donné suffisamment de raisons pour adopter notre question préalable. Si vous ne le faites pas, vous ne ferez que confirmer que ce qui vous intéresse, c'est de délibérer dans des conditions qui sont indignes du Parlement ! (Applaudissements sur les travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard, contre la motion.
M. Patrice Gélard. Nous avons, bien sûr, écouté avec beaucoup d'attention les propos de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt. Toutefois, je n'ai pas très bien compris, d'après les propos qu'il a tenus, ce qui justifiait le dépôt d'une question préalable. Il a cité, avec beaucoup d'intérêt pour nous et pour notre culture, les propos extraits d'un article de presse de notre ancien président, qui déclarait être contre les lois de programme.
Je suis désolé, mais les lois de programme figurent dans la Constitution ! Respectueux de la Constitution, tant qu'elle n'est pas modifiée, je suis pour les lois de programme.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et les lois d'orientation ?
M. Patrice Gélard. Les lois d'orientation sont de même nature ; tout juriste l'apprend !
S'agissant des conditions de travail, une autre motion, qui sera examinée ultérieurement, a, de toute façon, été déposée sur ce sujet qui ne relève pas de la question préalable. La question préalable signifie qu'il n'y a pas lieu de débattre.
En même temps, à la fin, de son intervention, notre ami Michel Dreyfus-Schmidt nous propose de charger la barque et de demander au ministre quel est son programme législatif pour les cinq ans à venir. Il nous propose donc, dans la loi dont nous discutons aujourd'hui, d'aborder en fin de compte la totalité du champ juridique. Il y a là une espèce de contradiction !
Mais, surtout - on l'a dit tout à l'heure -, pour nous, le problème n'est pas là. Il y a eu un engagement du chef de l'Etat, un engagement du Premier ministre dans sa déclaration de politique générale. Pour nous, il y a le feu à la maison ! (Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et Indépendantscentriste.) On ne peut pas continuer à oublier les problèmes, à les laisser courir, alors que la délinquance ne cesse de croître et que la première des libertés des citoyens, c'est-à-dire la sécurité, n'est pas respectée. Vous comprendrez que, pour ces motifs, nous refusions de voter la question préalable. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. La commission des lois n'est évidemment pas favorable à cette question préalable. Je me bornerai à observer que, s'agissant de la précipitation, chacun doit rester modéré. On en a vu d'autres !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Ah !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. J'ai rappelé ce matin, dans mon propos introductif, que nous avions voté dans l'urgence, pour ne pas dire dans la précipitation, un certain nombre de textes qui ne nécessitaient pas forcément une telle procédure,...
M. Claude Estier. Jamais à ce point !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur... en tout cas qui ne portaient pas sur des sujets d'une importance telle, comme l'a fort heureusement rappelé Patrice Gélard.
J'avoue ne pas comprendre le reproche qui nous est adressé sur le manque de concertation. Les rapporteurs de ce texte, aussi bien Pierre Fauchon que moi-même, ont reçu toutes les organisations de magistrats, d'avocats, les associations de victimes et des personnalités diverses.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Que vous ont-ils dit ?
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Je crois savoir que le garde des sceaux a lui aussi procédé à un certain nombre de consultations. Cet argument ne saurait donc, lui non plus, être retenu, pour reprendre une expression employée dans la jurisprudence administrative.
Si la question préalable était adoptée, le projet de loi serait rejeté et l'on en reviendrait à la législation précédente. Par voie de conséquence, nous nous priverions des crédits très importants qui sont annoncés et dont M. Dreyfus-Schmidt réclamait, dans son propos - fort intéressant, d'ailleurs - le détail.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Pas du tout ! C'est dans la loi de finances que figurent les crédits !
M. Claude Estier. Il n'y a pas de crédits dans ce projet de loi !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Ne boudons pas notre plaisir d'avoir à notre disposition des crédits extrêmement importants !
On nous reproche encore de remettre en cause la loi sur la présomption d'innocence.
Mme Nicole Borvo. Absolument !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Eh oui !
M. Jean-Pierre Schosteck, rapporteur. Comme je l'ai fait observer ce matin, ni nous ni le gouvernement actuel ne sont à l'origine de la loi du 4 mars 2002, qui a déjà remis en cause la loi sur la présomption d'innocence ! (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste, ainsi que sur les travées du RDSE.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'etait à votre demande, et vous l'avez votée !
M. le président. Le Gouvernement souhaite-t-il s'exprimer ?...
Je mets aux voix la motion n° 17, tendant à opposer la question préalable.
Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.
Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant de la commission des lois.
Il va être procédé au scrutin dans les conditions réglementaires.

(Le scrutin a lieu.)
M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...
Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 64:

Nombre de votants 314
Nombre de suffrages exprimés 312
Majorité absolue des suffrages 158
Pour l'adoption 112
Contre 200

Demande de renvoi à la commission