SEANCE DU 10 JUILLET 2002
ACCORD RELATIF À LA CONSERVATION
ET À LA GESTION DES STOCKS DE POISSONS
Adoption d'un projet de loi
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi (n° 2, 2001-2002)
autorisant la ratification de l'accord aux fins de l'application des
dispositions de la convention des Nations unies sur le droit de la mer du 10
décembre 1982 relatives à la conservation et à la gestion des stocks de
poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur qu'au-delà de
zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et des stocks de poissons
grands migrateurs (ensemble deux annexes). [Rapport n° 327 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier
secrétaire d'Etat aux affaires étrangères.
Monsieur le président,
monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de
vous soumettre le projet de loi portant approbation de l'accord du 4 décembre
1995 relatif à la conservation et à la gestion des stocks chevauchants de
poissons et des poissons grands migrateurs.
Comme son titre l'indique, ce texte a pour objet de compléter la convention du
droit de la mer du 10 décembre 1982, qui avait abordé le cas particulier des
grands bancs de poissons se déplaçant à la fois dans des zones sous juridiction
d'un ou de plusieurs Etats côtiers et en haute mer, ainsi que celui des grands
migrateurs, comme les thonidés.
L'accord du 4 décembre 1995 fixe les principes généraux pour assurer la
gestion et la conservation des stocks de poissons concernés. Les Etats sont
invités à coopérer en vue de la prise de mesures rationnelles reposant sur des
données scientifiques fiables. Ils sont aussi tenus de respecter le principe de
précaution et l'environnement marin.
L'accord prévoit également la création des organisations régionales de pêche
ouvertes aux Etats côtiers et à ceux qui exploitent les stocks en haute mer.
Les Etats non-membres ne peuvent prétendre avoir accès à la zone et aux espèces
concernées par l'organisation, sauf s'ils acceptent d'en appliquer les mesures
de gestion. Il s'agit donc d'une avancée considérable en vue de la conservation
des ressources halieutiques.
Les obligations de l'Etat du pavillon et l'exercice de la police en haute mer
sont traités en détail dans le texte, qui autorise l'inspection des navires des
Etats parties par des navires d'Etats membres d'une organisation régionale de
pêche. Il édicte, par ailleurs, des règles détaillées distinguant les
infractions simples et les infractions graves pouvant justifier une prise de
contrôle du navire par l'Etat d'inspection.
Les points concernant l'immunité de juridiction de l'Etat du pavillon ont fait
l'objet de dures négociations, au cours desquelles la France a marqué sa
réticence devant l'accroissement des pouvoirs attribués à l'Etat d'inspection.
En conséquence, elle déposera une déclaration interprétative, complétant celle
de la Communauté, avec son instrument de ratification.
Cet accord, entré en vigueur le 11 décembre 2001, constitue déjà une référence
dans le domaine du droit de la mer et a suscité une réflexion internationale
qui favorise la création de nouvelles organisations de pêche et une
actualisation du fonctionnement de celles qui existent déjà. La France souhaite
accompagner ce mouvement, d'autant qu'elle est présente dans de nombreuses
organisations régionales de pêche au titre communautaire et au titre de ses
territoires d'outre-mer, non couverts par les traités communautaires. La France
apparaît dans ce cas comme un Etat côtier, catégorie dont les intérêts sont
bien défendus par l'accord. Nos intérêts, s'agissant de la pêche hauturière, ne
sont cependant pas menacés, puisque l'objet de l'accord est d'assurer la
pérennité de la ressource halieutique, ainsi que le respect des intérêts des
Etats pêcheurs et des Etats côtiers.
Telles sont, monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames,
messieurs les sénateurs, les principales dispositions de l'accord aux fins
d'application des dispositions de la convention des Nations unies sur le droit
de la mer du 10 décembre 1982, relatif à la conservation et à la gestion des
stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à l'intérieur
qu'au-delà de zones économiques exclusives, appelées « stocks chevauchants »,
et des stocks de poissons grands migrateurs.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. André Boyer,
rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des
forces armées.
Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes
chers collègues, le présent accord donne des moyens juridiques nouveaux et
effectifs pour assurer le respect des mesures de gestion des ressources
halieutiques, qui ont déjà été parfaitement exposés par M. le secrétaire
d'Etat. Je ne ferai donc qu'insister sur les enjeux économiques et
environnementaux de la gestion des stocks chevauchants et de poissons grands
migrateurs.
La pêche reste un secteur économique très important. Selon les estimations de
la Commission européenne, il emploie près de 530 000 personnes en Europe, dont
67 000 en France. En valeur, la France est le troisième pays pêcheur de l'Union
européenne, derrière l'Espagne et l'Italie. Elle pêche 276 000 tonnes par an,
pour une valeur de 647 millions d'euros.
Le thon, poisson migrateur par excellence, constitue l'une des plus
importantes des espèces pêchées. Il représente, en France, 15 % de la valeur
des prises. On peut également noter l'importance de la pêche à l'espadon dans
la zone économique exclusive de la Réunion, pour une valeur de 8 millions
d'euros, et de celle des espèces profondes dans l'Atlantique du Nord-Est, pour
une valeur de 31 millions d'euros.
Cependant, selon les dernières estimations fournies par la Commission
européenne, de nombreuses espèces de poissons doivent être gérées plus
strictement pour éviter un effondrement des prises, qu'il s'agisse de l'espadon
et du thon rouge en Méditerranée, de la morue en mer du Nord, de la daurade
rose dans le golfe de Gascogne ou du requin et de la raie. Les experts de
l'IFREMER, l'Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer,
estiment pour leur part que la « biomasse » de morue, c'est-à-dire le stock, a
été divisée par trois en vingt ans, et celle du merlu par deux.
Ces estimations inquiétantes justifient que des mesures de conservation soient
prises. Cependant, le « plan Fischler », proposé par la Commission européenne
dans l'optique de la politique commune de la pêche, est extrêmement exigeant et
suscite de fortes inquiétudes. Les mesures proposées doivent, me semble-t-il,
faire l'objet d'une large concertation en vue de la conservation des
ressources, qui reste un objectif partagé par tous et favorable aux
pêcheurs.
A cet égard, monsieur le secrétaire d'Etat, pouvez-vous nous préciser quelles
seraient les conséquences de ce plan pour la France s'il était appliqué en
l'état, nous dire où en sont les négociations et quelle est la position de la
France sur cette question particulièrement sensible pour la filière de la pêche
?
Compte tenu des enjeux liés à ce secteur, je vous invite, mes chers collègues,
à approuver le présent projet de loi, car la France a tout intérêt à promouvoir
une gestion des ressources halieutiques concertée, admise par tous et
s'inscrivant dans le long terme. Ce texte en offre pour la première fois
l'occasion à l'échelle mondiale, tout en prévoyant de réels moyens
d'application.
Il est, en outre, pleinement cohérent avec les différents traités ou
conventions internationales visant des accords régionaux de gestion des pêches
que nous avons approuvés par le passé.
Enfin, il est la condition
sine qua non
de la pérennité et du
développement des pêcheries françaises, qui dépendent de la préservation des
ressources.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Renaud Muselier,
secrétaire d'Etat.
M. le rapporteur a fait part des inquiétudes que
suscitent, au sein de la Haute Assemblée, les propositions formulées par la
Commission européenne en ce qui concerne le secteur de la pêche. Je les partage
bien sûr en grande partie, étant élu de Marseille, où les pêcheurs
s'interrogent sur leur avenir.
La première question soulevée vise les conséquences, pour la France, de
l'application éventuelle des propositions de la Commission. Nous analysons
actuellement celles-ci, à commencer par la proposition de suppression des aides
positives.
Pour limiter les surcapacités de la flotte européenne, les aides publiques à
la construction d'un nouveau bateau seraient définitivement supprimées tandis
que les aides à la modernisation verraient leur champ d'éligibilité réduit à
certains aspects restreints : sécurité des marins pêcheurs à bord, qualité des
produits.
L'impact potentiel de ces propositions explique la vigueur des réactions de
ces dernières semaines. Selon la Commission, leur mise en oeuvre provoquerait
la réduction sur quatre ans de 30 % à 60 % des capacités de pêche de l'Union
européenne, ce qui correspond au retrait d'environ 8 600 bateaux, soit, en
effectif, l'équivalent de la flotte française. Elle conduirait à la disparition
de fait de 28 000 emplois directs. Les pêches côtière et artisanale étant
principalement visées, la France figurerait, avec les pays méditerranéens et
l'Irlande, parmi les grands perdants d'une telle réforme.
Qu'en est-il du calendrier ? Ce dossier sera géré au second semestre 2002 par
le Danemark, qui assure la présidence de l'Union européenne. Copenhague
souhaite parvenir à un compromis politique avant le 31 décembre 2002, date à
laquelle les principales mesures du régime communautaire actuel de la pêche
arriveront à échéance. D'ores et déjà, le groupe de travail « pêche » examine
activement à Bruxelles les textes proposés par la Commission. Trois réunions
des ministres européens chargés de la pêche sont également prévues au second
semestre.
Quelle est la position du Gouvernement ? Dès le 27 mai dernier, M. Gaymard a
exprimé publiquement des réserves de fond. Cette première réaction a été
relayée en France par de très nombreuses prises de position des organisations
professionnelles du secteur et des élus locaux.
La mise en oeuvre de ces propositions mettrait, en l'absence de modifications
substantielles, le tissu économique et social de régions entières dans une
situation précaire. Les orientations proposées en ce qui concerne le domaine de
l'accès à la ressource, la nécessité d'une réduction des surcapacités, la
meilleure prise en compte des exigences environnementales, l'amélioration des
avis scientifiques, une plus grande équité des contrôles et une meilleure
implication des pêcheurs dans le processus de décision vont dans le bon
sens.
En revanche, certains points sont inacceptables en l'état, notamment la
suppression des aides positives à la flotte, les transferts de compétences à la
Commission dans la fixation des totaux de captures et des quotas, ou encore la
prise en compte insuffisante des différentes dimensions - sociale et
territoriale - de la pêche. La France entend jouer un rôle actif dans les
discussions qui permettront, comme nous le souhaitons, d'aboutir à un accord
politique avant la fin de l'année.
M. le président.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie d'avoir contribué à clarifier
les positions sur un sujet préoccupant.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion de l'article unique.
« Article unique. -
Est autorisée la ratification de l'accord aux fins
de l'application des dispositions de la convention des Nations unies sur le
droit de la mer du 10 décembre 1982 relatives à la conservation et à la
gestions des stocks de poissons dont les déplacements s'effectuent tant à
l'intérieur qu'au-delà de zones économiques exclusives (stocks chevauchants) et
des stocks de poissons grands migrateurs (ensemble deux annexes), signé à New
York le 4 décembre 1996, et dont le texte est annexé à la présente loi. »
Personne ne demande la parole ?...
Je mets aux voix l'article unique du projet de loi.
(Le projet de loi est adopté.)
M. le président.
Je constate que ce texte a été adopté à l'unanimité.
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