SEANCE DU 21 FEVRIER 2002
M. le président.
« Art. 32
ter. -
Après l'article 36 de la même loi, il est inséré un
article 36-2 ainsi rédigé :
«
Art. 36-2
. - Dans le mois qui suit son inscription sur la liste,
l'administrateur judiciaire ou le mandataire judiciaire au redressement et à la
liquidation des entreprises doit déclarer à la commission nationale
d'inscription dont il relève les intérêts économiques et financiers qu'il
détient, directement ou indirectement. Il est tenu d'actualiser sa déclaration
initiale à raison des intérêts qu'il vient à acquérir par la suite.
« Le non-respect des dispositions de l'alinéa précédent est passible de
poursuites disciplinaires.
« Les commissions nationales, à la demande de la juridiction, du ministère
public, ou de tout justiciable intéressé communiquent la déclaration d'intérêts
du professionnel à la juridiction saisie qui, lorsqu'elle estime qu'il existe
une incompatibilité entre le mandat confié et les intérêts détenus par le
professionnel, procède à une nouvelle désignation en application des articles
L. 811-2 et L. 812-2 du code de commerce.
« Un décret en Conseil d'Etat détermine les conditions d'application du
présent article et notamment le contenu de la déclaration mentionnée au premier
alinéa. »
Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion
commune.
L'amendement n° 84, présenté par M. Hyest au nom de la commission, est ainsi
libellé :
« Supprimer l'article 32
ter.
»
L'amendement n° 155, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
« I. - Rédiger ainsi le premier alinéa de l'article 32
ter
:
« Dans la section III du chapitre IV du titre Ier du livre VIII du même code,
il est inséré un article L. 814-8-1 ainsi rédigé : ».
« II. - En conséquence, au début du deuxième alinéa de cet article, remplacer
la référence : "Art. 36-2. -" par la référence : "Art. L. 814-8-1. -".
« III. - Dans la première phrase du deuxième alinéa de cet article , remplacer
les mots : "les intérêts économiques et financiers qu'il détient, directement
ou indirectement" par les mots : "sa situation patrimoniale".
« IV. - Dans le quatrième alinéa de cet article, remplacer les mots :
"d'intérêts" par les mots : "de situation patrimoniale". »
La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 84.
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
L'article 32
ter,
qui a été introduit par l'Assemblée
nationale, tend à instaurer une obligation de déclaration d'intérêts à la
charge des administrateurs et des mandataires judiciaires inscrits.
De nombreuses raisons conduisent à proposer sa suppression.
Premièrement le champ de l'obligation est mal défini : qu'entend-on par «
intérêts économiques » ? Que signifie « détenir des intérêts indirectement »
?
Deuxièmement, le secret de ces déclarations n'est pas préservé. Or, il s'agit
de données nominatives et personnelles. Ce type de déclaration est donc
attentatoire à la vie privée.
Troisièmement, ce dispositif serait une singularité du statut d'administrateur
et de mandataire judiciaires, car même les officiers ministériels n'y sont pas
astreints.
Enfin, quatrièmement, ce dispositif créerait une rupture d'égalité entre
professionnels inscrits et non inscrits.
M. le président.
La parole est à Mme le garde des sceaux, pour présenter l'amendement n° 155 et
pour donner l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 84.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
L'Assemblée nationale a adopté, au bénéfice d'un
amendement proposé par sa commission des lois, des dispositions soumettant les
professionnels à une obligation de déclaration d'intérêts destinée à renforcer
l'effectivité du contrôle de leur impartialité et de leur indépendance dans le
cadre des dossiers qui leur sont confiés.
Le Gouvernement partage ce souci de transparence et souhaite donc le maintien
du dispositif que votre commission des lois vous propose de supprimer.
Cela dit, la rédaction de cet article 32
ter
peut être améliorée dans
un souci de plus grande précision, d'autant que l'obligation de déclaration est
sanctionnée disciplinairement.
la notion d'intérêts économiques et financiers directs ou indirects apparaît
trop imprécise. Dans ces conditions, je vous propose de retenir la notion de
déclaration de situation patrimoniale issue de la législation relative à la
transparence de la vie politique et dont le contenu sera précisé par voie
réglementaire.
Vous disiez, monsieur le rapporteur, avec juste raison, que d'autres
professions, notamment les officiers ministériels, ne sont pas soumises à cette
obligation de déclaration d'intérêts. Ce souci de transparence ne me choque pas
lorsqu'il s'agit de personnes qui exercent des responsabilités importantes.
Cela ne devrait pas gêner les professionnels. Je ne comprends pas votre
opposition à ce dispositif.
Effectivement, c'est une première. Mais il faudrait également se poser la
question pour d'autres types de fonctions.
M. le président.
Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 155 ?
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Le Gouvernement s'est rendu compte que la rédaction adoptée
par l'Assemblée nationale pour l'article 32
ter
était très imprécise,
d'autant que l'obligation de déclaration pouvait donner lieu à des sanctions
disciplinaires.
La déclaration de patrimoine des élus a pour finalité de vérifier qu'il n'y a
pas eu d'enrichissement à la fin d'un mandat. Mais, lorsqu'il s'agit de
professionnels - que ce soit un notaire, un avocat, ou autres - il importe peu
de savoir s'ils étaient riches auparavant. Ou alors, il faudrait qu'ils
procèdent régulièrement à ces déclarations d'intérêts.
Mme Marylise Lebranchu,
garde des sceaux.
Oui, tous les cinq ans !
M. Jean-Jacques Hyest,
rapporteur.
Il n'est pas utile de commencer par ces professions. A ce
moment-là, tous ceux qui exercent des fonctions d'autorité publique devraient
également être soumis à cette obligation de déclaration d'intérêts. Ce serait
justifié, notamment, pour les responsables des collectivités locales, car ils
passent des marchés, etc. On a tous participé à cette législation sur la
moralisation de la vie publique. Mais ce n'est pas du tout pareil pour les
professionnels. Aujourd'hui, on ne demande pas cette déclaration d'intérêts à
un notaire ou à un huissier. Pourquoi la réclamerait-on aux administrateurs et
aux mandataires judiciaires ?
Une mission d'information est en cours sur les métiers de la justice. On
pourrait peut-être réfléchir à cette question, mais ce n'est pas le moment de
prendre de telles mesures, me semble-t-il. On ne peut pas établir une
comparaison entre un exécutif local ou un parlementaire et un professionnel. Ce
n'est pas la même chose !
Je comprends, madame le garde des sceaux, que vous ayez été gênée par
l'amendement qui a été adopté par l'Assemblée nationale. Vous souhaitiez qu'un
certain contrôle soit exercé. Mais dans la mesure où le contrôle que vous nous
proposez ne nous paraît ni opportun ni adapté, la commission émet un avis
défavorable sur cet amendement.
M. le président.
Je mets aux voix l'amendement n° 84.
(L'amendement est adopté.)
M. le président.
En conséquence, l'article 32
ter
est supprimé et l'amendement n° 155
n'a plus d'objet.
Article 32 quater