SEANCE DU 7 FEVRIER 2002
AUTORITÉ PARENTALE
Discussion d'une propositon de loi en deuxième lecture
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion en deuxième lecture de la proposition de
loi (n° 131, 2001-2002), adoptée par l'Assemblée nationale avec modifications
en deuxième lecture, relative à l'autorité parentale.
[Rapport n° 209 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le ministre.
Mme Ségolène Royal,
ministre déléguée à la famille, à l'enfance et aux personnes handicapées.
Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je suis heureuse que
ce texte soit aujourd'hui examiné par le Sénat en deuxième lecture. Le dialogue
s'est poursuivi de manière très constructive entre les deux chambres puisque
l'Assemblée nationale avait déjà retenu nombre des modifications votées par le
Sénat, lesquelles étaient tout à fait pertinentes et ont contribué à
l'amélioration du texte.
A cet instant, je voudrais saluer la qualité de ce travail : il serait
souhaitable que les citoyens soient plus nombreux à pouvoir l'apprécier, ce qui
permettrait de ne pas restreindre l'image du Parlement à la seule
retransmission des questions d'actualité au Gouvernement.
En ouvrant ce débat, je voudrais aussi rendre hommage à Dinah Derycke, qui
avait été très active lors de la discussion en première lecture et qui s'était
beaucoup impliquée dans l'élaboration de ce texte, s'agissant en particulier du
dispositif relatif à la lutte contre la prostitution des mineurs.
Le texte que vous allez sans doute adopter instaure un droit commun de
l'autorité parentale, qui n'opère plus de distinction entre les enfants selon
les circonstances de leur naissance ou entre les parents selon leur statut et
qui conforte le père et la mère dans leur égale et commune responsabilité. Le
rôle du droit n'est pas simplement d'entériner l'évolution des moeurs et des
pratiques sociales : il accompagne ces évolutions, il leur donne un sens et,
surtout, il préserve les références communes.
Les récentes bonnes nouvelles en matière de natalité ne doivent pas masquer la
réalité des familles fragilisées, les déchirements des séparations, l'isolement
de certains parents, non plus que la vulnérabilité de certains enfants. Au
cours du débat, des dispositions ont été ajoutées au texte initial pour tenter
d'apporter des réponses à ces diverses situations.
Cette proposition de loi est un texte de principe et de référence qui
s'inscrira dans le code civil, dans la perspective de la grande réforme de 1970
qui a substitué l'autorité parentale à la puissance paternelle, mais c'est
aussi un texte qui vise à assurer l'effectivité des droits et devoirs reconnus
et prend en compte la réalité et la diversité des familles d'aujourd'hui, ainsi
que l'émergence de rapports plus égalitaires entre les hommes et les femmes,
pour le plus grand bien de l'enfant qu'ils ont mis au monde.
Ce texte donne de nouveaux outils aux parents pour organiser eux-mêmes, par
une démarche responsable, les conséquences de leur séparation à l'égard de
leurs enfants, par le biais de la valorisation des accords, de la prise en
compte des accords amiables par les administrations, du développement de la
médiation, etc.
La résidence alternée permet de rendre effective la continuité du lien de
l'enfant avec son père et sa mère, par un partage moins inégalitaire du temps
après la séparation : est ainsi prise en compte une dimension fondamentale de
l'éducation des enfants, car c'est bien au travers des mille faits, gestes et
paroles de la vie quotidienne que nous transmettons l'essentiel des valeurs à
la génération qui suit.
Vous avez contribué, mesdames, messieurs les sénateurs, à mettre en exergue ce
point fort de la réforme, et les navettes parlementaires ont permis d'aboutir à
une rédaction nuancée du texte : il ne s'agit ni d'imposer un nouveau modèle
supposé convenir à tous ni d'ériger l'égalité arithmétique du partage du temps
de l'enfant en valeur absolue. La résidence alternée est un mode d'organisation
de la vie de l'enfant parmi d'autres, et, à ce titre, le juge peut proposer à
des parents d'en faire l'expérience ; il peut même trancher en faveur de ce
mode de résidence, comme il le fait en faveur d'une résidence habituelle chez
la mère ou chez le père.
Inscrire la médiation familiale dans le code civil, développer des services de
médiation de qualité, les rendre accessibles à tous, sur l'ensemble du
territoire, tout cela fait l'objet d'autres dispositions importantes du
texte.
Nous avons également progressé dans la mise en oeuvre concrète du
développement de la médiation. En effet, un projet de décret portant création
d'un diplôme de médiateur familial est actuellement soumis à concertation un
travail en liaison avec la Caisse nationale des allocations familiales, est
également en cours afin de rendre plus lisible et de mieux organiser la
médiation dans les départements les plus avancés : j'ai voulu que le pouvoir
réglementaire accompagne ainsi le travail du législateur.
Une disposition de la proposition de loi donne un fondement légal à toutes les
mesures que peut prendre un juge pour « garantir la continuité et l'effectivité
du maintien de l'enfant avec chacun de ses parents » et, ainsi, prévenir les
risques de captation ou d'enlèvement d'enfant par l'un des parents. C'est, là
aussi, une disposition très importante.
L'Assemblée nationale a supprimé la possibilité, fort peu usitée au demeurant,
d'une ingérence directe, par voie de justice, d'un membre de la famille dans un
conflit entre parents. Cette suppression est bienvenue, mais elle doit
s'accompagner d'une meilleure information sur le rôle que peut jouer le
ministère public en la matière. Le procureur de la République peut être avisé
par toute personne, membre de la famille ou non, y compris par l'enfant mineur,
d'une situation difficile pour l'enfant. Il peut, s'il l'estime opportun,
saisir le juge civil des affaires familiales, qui pourra notamment modifier les
conditions d'hébergement de l'enfant.
C'est une possibilité qui mérite d'être rappelée, car elle permet de prendre
en compte la parole de l'enfant ou de toute personne soucieuse de l'intérêt de
celui-ci sans les obliger à devenir les protagonistes d'un procès fait aux
parents.
Parce qu'il est aujourd'hui essentiel de renforcer la responsabilité vis-à-vis
des adultes et des enfants, parce que, comme vous le savez, les mineurs
prostitués sont le plus souvent soustraits à l'autorité parentale, ces
dispositions ont également été intégrées à ce texte.
Il est important que soit clairement affirmée dans nos textes l'incrimination
du recours à des mineurs, en matière de prostitution. Tout adulte qui profite
dans ces conditions d'un mineur, quel que soit l'âge de l'enfant, se rend
coupable d'un délit. Il faut récuser toute assimilation erronée de la
prostitution à un acte qui relèverait d'un prétendu libre arbitre du mineur, au
nom d'une interprétation extensive de la notion de « majorité sexuelle »
Enfin, le principe de protection des mineurs sur le territoire et la nécessité
de faire reconnaître leurs droits exigent d'assurer leur protection en toutes
circonstances. Je pense, en particulier, à la situation dramatique des mineurs
étrangers isolés, pour lesquels il était devenu urgent d'assurer la
représentation et l'assistance nécessaires à la reconnaissance de leurs droits
dans les procédures administratives et juridictionnelles qui les concernent.
Ce texte conjugue la protection des enfants et la responsabilité des adultes à
leur égard. Cette réforme est un message adressé aux adultes aussi pour les
rappeler à leurs responsabilités générationnelles, pour les aider à surmonter
leurs conflits en épargnant ceux-ci à leurs enfants. Ainsi, ces derniers, en
conservant leur estime à leurs deux parents, y trouveront la force et la
confiance nécessaires pour transmettre à leurs propres enfants le désir de
grandir et de transmettre à leur tour leurs valeurs.
Je voudrais, pour terminer, formuler quelques observations sur la dizaine
d'amendements déposés par M. Badinter sur la prostitution des mineurs. Je les
ai bien sûr examinés sans tarder. J'avais néanmoins commencé à réfléchir sur ce
point puisque la question avait déjà été soulevée. Par ailleurs, nous avons
l'occasion d'étudier ces problèmes fort importants dans le cadre du groupe
interministériel contre la prostitution des mineurs isolés auxquels sont
associés la brigade des mineurs et les juges pour enfants.
Le raccrochement de ce dispositif à la loi sur l'autorité parentale peut
soulever quelques interrogations. Je tiens à redire, en effet, que la plupart
des mineurs visés par ce dispositif sont soustraits à l'autorité parentale : je
pense en particulier aux mineurs étrangers isolés, démunis de tout. Les
associations qui s'en occupent pour les sortir de cet esclavage sont claires :
il y a prostitution de mineurs parce qu'il y a clients. Or la défenseure des
enfants, les magistrats et les policiers en charge de ces affaires qui sont
associés à ce groupe interministériel déclaraient manquer d'outils et attendre
ce texte.
Je voudrais remercier le Sénat qui, malgré les interrogations qu'il a
soulevées, a été la première assemblée à voter ce texte. L'adoption de ce
dernier par le Sénat, puis par l'Assemblée nationale, a eu pour effet immédiat
une diminution très importante de la présence de mineurs prostitués sur les
boulevards parisiens et une réduction des trafics, en particulier des mineurs
étrangers isolés.
C'est un texte dissuasif qui vous est proposé. En effet, la réalité de la
prostitution a bien changé depuis le xixe siècle, et le rapport parlementaire
sur l'esclavage moderne vient de le montrer une fois de plus. La prostitution
des mineurs, source de profits, de violences, est une transgression
insupportable du devoir de protection des mineurs qu'a tout adulte à l'égard
des mineurs de dix-huit ans - et j'insiste sur cet âge. C'est une intolérable
atteinte à la dignité de la personne humaine vulnérable. Les clients
recherchent en effet des proies de plus en plus jeunes.
Le nouveau délit clairement affirmé, et plus seulement comme une circonstance
aggravante, permettra à la police d'agir efficacement et, surtout, sera
dissuasif : il s'agit justement de dissuader, par la peur des condamnations,
les proxénètes et les clients de recourir à des mineurs de dix-huit ans. « Mais
qu'en sera-t-il des relations sexuelles librement consenties, entre quinze et
dix-huit ans, qui seraient accompagnées d'un petit cadeau ? Tout cela n'est-il
pas dangereux ? » nous a-t-il été demandé. Je rappelle que, à la suite des
travaux du Sénat et de l'Assemblée nationale, le texte est extrêmement clair
sur ce point ; il ne peut y avoir aucune confusion avec le libre consentement à
l'acte sexuel des plus de quinze ans, le dispositif étant clairement encadré
par deux dispositions : d'une part, la rémunération et, d'autre part,
l'activité de prostitution. Chacun sait de quoi il s'agit. Nous nous sommes
donc attachés à rechercher un effet dissuasif sur les clients et les
proxénètes, car, sans clients, il n'y aurait pas de proxénètes. Ce texte est
donc relatif à la protection des mineurs.
Heureusement, grâce à la contraception, aux progrès de la parité, de l'égalité
entre les hommes et les femmes, au fait que les jeunes peuvent désormais
cohabiter avant le mariage, a disparu une certaine forme de prostitution qui
paraissait moins grave que celle dont il est question aujourd'hui, tragique,
sordide, liée à la criminalité et à la pédophilie, autre phénomène dont nul ne
parlait avant - c'était plus commode, en effet - et qui, pourtant, existait
déjà au xixe siècle.
Je me permets donc, compte tenu de tout cela, de demander solennellement au
Sénat de ne pas régresser dans ce domaine par rapport à son vote initial, sous
peine de donner un signal très négatif à la fermeté mise en avant avec la
limite à dix-huit ans qui vient d'être adoptée à l'unanimité par les pays
réunis au congrès de Yokohama le 20 décembre dernier, congrès où je
représentais la France. Cette limite de dix-huit ans, qui est l'application de
la convention internationale des droits de l'enfant, a été demandée avec
insistance par les pays asiatiques et africains, ceux-là mêmes à l'égard
desquels on ne saurait tolérer un tourisme sexuel sous prétexte que, là-bas, la
minorité sexuelle n'a pas le même sens.
Nous avons le devoir d'imposer à l'échelle de la planète les principes de la
convention internationale des droits de l'enfant, qui, je le répète, donnent à
tous les mineurs de dix-huit ans la possibilité d'être protégés contre toute
forme d'exploitation sexuelle. Dans notre société contemporaine, où la
confusion des valeurs est si fréquente, nous avons le devoir de clarifier les
interdits : l'interdit de l'inceste est quelque chose de fondateur ; il
signifie, au sens large, que l'on n'accepte pas la confusion des générations et
que la limite de dix-huit ans a un sens : dix-huit ans, c'est en effet l'âge de
la majorité.
Je demande au Sénat, qui a eu le courage d'émettre un premier vote conforme à
cette exigence nouvelle de protection de l'enfant, de rester ferme sur les
principes et de ne pas régresser dans ce domaine. Je l'en remercie par avance.
(Applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur celles du
groupe communiste républicain et citoyen.)
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Laurent Béteille,
rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du
suffrage universel, du règlement et d'administration générale.
Monsieur le
président, madame le ministre, mes chers collègues, le texte que j'ai l'honneur
de rapporter devant vous a pour ambition première de créer un véritable droit
de l'autorité parentale, d'une part en regroupant diverses propositions qui
étaient jusqu'alors éparpillées dans le code civil en fonction essentiellement
de la situation des parents et, d'autre part, en adaptant ces règles pour
permettre une meilleure coparentalité et favoriser, s'il y a lieu, la recherche
d'un consensus entre les parents en cas de séparation.
En première lecture, le Sénat avait approuvé cette démarche, tout en apportant
un certain nombre de modifications, à la fois de fond et de forme, et de
compléments.
A l'article 1er, le Sénat avait donné une nouvelle rédaction des articles 286
et 256 du code civil, trouvant qu'il était particulièrement irréaliste de
préciser, comme le faisait l'Assemblée nationale, que le divorce n'emportait
par lui-même aucun effet sur les droits et les devoirs des parents à l'égard
des enfants. Il avait donc adopté sur ce point une rédaction plus neutre qui
reprenait le texte initial de l'article. En outre, le Sénat avait rétabli le
lien indispensable entre la procédure de divorce et la détermination des
modalités de l'exercice de l'autorité parentale.
A l'article 2, relatif à la définition de l'autorité parentale, le Sénat avait
estimé indispensable de reconnaître le rôle fondateur des parents. Il avait
refusé que l'intérêt de l'enfant puisse être considéré comme le fondement de
l'autorité parentale, mais avait admis qu'il en était, en réalité, la
finalité.
S'agissant des enfants majeurs, le Sénat, à l'article 2
bis
, avait
subordonné la continuation de l'obligation d'entretien et d'éducation à la
poursuite effective des études de l'enfant, estimant que l'obligation
alimentaire prévue par l'article 207 du code civil devait prendre le relais de
cette contribution.
Un point sur lequel nous reviendrons avait fait l'objet de longs débats : le
Sénat avait supprimé la limitation du recours à la médiation en cas de
violences familiales, estimant qu'une médiation bien conduite pouvait également
être utile dans cette hypothèse.
Le Sénat avait également supprimé le paragraphe V de l'article 4 qui
permettait au juge, après une décision définitive, d'ordonner une enquête de
suivi pour évaluer les conséquences du mode de garde retenu sur le
développement de l'enfant. Mais il avait rendu obligatoire une période
probatoire avant le prononcé d'une mesure de résidence alternée en cas de
désaccord des parents..
Le Sénat avait également apporté un certain nombre de modifications dans le
domaine de la contribution à l'éducation et à l'entretien de l'enfant : la
prise en charge directe des frais exposés pour l'enfant ; la possibilité d'un
versement direct de la pension alimentaire en tout ou partie entre les mains de
l'enfant majeur ; la dissociation du régime de paiement de la pension
alimentaire en capital du régime applicable en matière de prestation
compensatoire, qui est d'une tout autre nature et ne répond pas aux mêmes
besoins.
Le Sénat avait également imposé que les deux parents soient appelés à
l'instance avant toute décision en matière de délégation de l'autorité
parentale.
Il avait enfin refusé d'utiliser l'expression les « enfants par le sang »,
estimant qu'elle n'était pas d'une nature juridique particulièrement
heureuse.
Sur la forme, le Sénat avait profondément restructurée le texte, et ce pour
plusieurs raisons : tout d'abord, il avait regroupé dans une section spécifique
du code civil l'ensemble des dispositions relatives à l'intervention du juge
aux affaires familiales ; par ailleurs, il avait évité de donner une nouvelle
numérotation - complication inutile - à des articles actuels du code civil ne
changeant ni de place ni de contenu ; en outre, il avait rendu la proposition
de loi plus lisible en y faisant apparaître le texte intégral de plusieurs
articles plutôt que de les modifier à plusieurs reprises.
Enfin, le Sénat avait apporté un certain nombre de compléments.
Sur proposition de notre collègue Michel Dreyfus-Schmidt, il avait limité les
possibilités de contestation de filiation légitime ou naturelle en interdisant
toute contestation au-delà de cinq ans.
Par ailleurs, sur l'initiative du Gouvernement, il avait abordé des problèmes
graves et adopté trois articles additionnels.
Tout d'abord - cela vient d'être souligné par Mme le ministre - il avait
institué une incrimination pénale spécifique de recours à la prostitution des
mineurs, permettant de sanctionner les clients de mineurs prostitués.
En outre, il avait adopté un article dotant les mineurs étrangers isolés d'un
administrateur
ad hoc
chargé de les assister à l'occasion des procédures
de maintien en zone d'attente ou de demande de la qualité de réfugié.
Enfin, il avait permis aux parents divorcés de déduire de leur revenu
imposable les pensions alimentaires versées en dehors de toute décision
judiciaire.
L'Assemblée nationale a tenu compte de nombreux apports du Sénat. En
particulier, elle a accepté l'ensemble des restructurations que nous avons
effectuées.
Sur le fond, elle a adopté plusieurs dispositions dans le texte même du
Sénat.
Elle a adopté conforme l'article 2 relatif à la définition de l'autorité
parentale, de même que l'article 3 prévoyant des relations privilégiées de
l'enfant avec l'ensemble de ses ascendants.
Elle a adopté sans modification les II et II
bis
de l'article 4
concernant l'adoption simple, permettant l'exercice conjoint de l'autorité
parentale par un adoptant simple, mais uniquement lorsqu'il s'agit de l'enfant
du conjoint.
Elle a accepté la suppression de l'enquête de suivi lorsque le juge rend une
décision définitive et adopté les différentes mesures que nous avions prévues
concernant la contribution à l'entretien et à l'éducation des enfants.
De même, elle a adopté conforme l'article 6, admettant ainsi que les deux
parents soient appelés à l'instance avant toute délégation de l'autorité
parentale.
Toutefois, l'Assemblée nationale a apporté un certain nombre de modifications,
en particulier aux textes proposés pour les articles 286 et 256 du code civil.
Je rappelle que le Sénat avait souhaité qu'il ne soit pas mentionné que le
divorce n'emporte par lui-même aucun effet sur les relations entre les parents
et les enfants.
L'Assemblée nationale, sur proposition du Gouvernement, a adopté une rédaction
beaucoup plus neutre, et à mon avis plus heureuse, consistant à indiquer
simplement que les conséquences du divorce ou de la séparation à l'égard des
enfants sont réglées par les dispositions relatives à l'autorité parentale,
sans se poser la question de savoir si cela avait ou non un effet ; nous savons
très bien que cela en a forcément un !
Au paragraphe III
ter
de l'article 4 concernant la privation
automatique de l'autorité parentale, je rappelle que nous avions réduit le
nombre de cas. Tout en adoptant
grosso modo
notre rédaction, l'Assemblée
nationale en a ajouté un, le déplacement illicite d'un enfant vers
l'étranger.
A l'article 4, elle a, sur proposition du Gouvernement, remplacé la mention
que nous avions adoptée selon laquelle le juge aux affaires familiales
prononcerait l'interdiction du territoire si l'intérêt et la sécurité de
l'enfant le commanderaient par une disposition plus générale qui englobe cette
interdiction et selon laquelle le juge peut prendre des mesures permettant de
garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de l'enfant avec
chacun de ses parents.
L'Assemblée nationale a également modifié les dispositions que nous avions
proposées concernant la résidence alternée.
En effet, autant nous sommes tout à fait d'accord pour reconnaître que la
résidence alternée peut être un mode d'exercice de l'autorité parentale
intéressant, autant nous craignons qu'en cas de désaccord entre les parents
cette formule n'apporte plus d'inconvénients que d'avantages. Nous avions donc
proposé qu'en cas de désaccord des parents le juge ne puisse prononcer cette
mesure qu'après un essai. L'Assemblée nationale a accepté le principe de cet
essai, mais l'a rendu facultatif.
Enfin, l'Assemblée nationale a accepté le dispositif relatif à la sanction
pénale du recours à la prostitution des mineurs. Elle a cependant réduit, sur
proposition de Mme Lazerges et de la commission, et avec l'accord du
Gouvernement, de dix ans d'emprisonnement et 150 000 euros d'amende, à sept ans
d'emprisonnement et 100 000 euros d'amende la peine applicable en cas de
recours à la prostitution de mineurs de moins de quinze ans.
L'auteur de l'amendement a souhaité ainsi punir moins sévèrement le client que
le proxénète et permettre la comparution immédiate.
L'Assemblée nationale a accepté de doter d'un administrateur
ad hoc
les
mineurs étrangers isolés placés en zone d'attente ou demandant l'asile, mais en
précisant que le procureur de la République devrait être avisé dès l'entrée du
mineur en zone d'attente et que l'administrateur
ad hoc
pouvait être une
personne morale. Elle a également précisé, bien que ce soit incompatible avec
la qualité de personne morale, que l'administrateur
ad hoc
devait se
rendre en zone d'attente pendant que le mineur y serait maintenu.
M. Jean-Jacques Hyest.
Des personnes morales qui se déplacent, c'est plutôt rare !
(Sourires.)
M. Laurent Béteille.
rapporteur.
C'est rare, en effet. Il faudra peut-être revoir la
question.
En revanche, l'Assemblée nationale a refusé un certain nombre de dispositions
adoptées par le Sénat.
Ainsi, elle n'a pas accepté de subordonner le maintien de la contribution à
l'éducation et à l'entretien d'un enfant à la poursuite de ses études. Elle a
simplement précisé que cette obligation d'entretien ne cesse pas de plein droit
lorsque l'enfant est majeur.
L'Assemblée nationale a, d'autre part, supprimé la possibilité de donner
mandat à un tiers que nous avions prévue pour l'accomplissement de certains
actes usuels relatifs à la personne de l'enfant, estimant que cette disposition
était inutile en l'état actuel de la pratique.
Dans la mesure où cette pratique est couramment appliquée, il avait paru
souhaitable à la commission de la légaliser et de lui donner un fondement
juridique. Cette pratique permet à l'un des parents de donner mandat à un
tiers, qui peut être la grand-mère, la nourrice ou toute autre personne de son
choix. Nous avions limité ce mandat à des actes usuels comme celui d'aller
chercher l'enfant à l'école.
En fait, nous nous étions demandé quelles pouvaient être les garanties
juridiques de l'enseignant, du directeur de l'école, voire du maire, par
l'intermédiaire du directeur de centre aéré par exemple, si, en exécution de ce
mandat informel et sans assise juridique, il remettait l'enfant à un tiers.
Nous avions donc souhaité donner à tous ces intervenants une garantie
supplémentaire.
Je ne vous proposerai pas, mes chers collègues, de réintroduire ce mandat dans
le texte pour ne pas compliquer la discussion dans la mesure où, pour
l'instant, cette pratique ne soulève pas de difficulté. Au demeurant, il faudra
bien un jour s'interroger sur le maintien de mandats qui n'ont pas de base
légale, alors qu'ils engagent la responsabilité de ceux qui en tiennent
compte.
L'Assemblée nationale a, sur proposition de la commission, et contre l'avis du
Gouvernement, rétabli, dans l'article 373-2-8 du code civil, la disposition que
le Sénat avait supprimée, selon laquelle le parent qui ne respecte pas les
droits s'attachant à l'autorité parentale peut se voir rappeler à ses
obligations par le juge.
Enfin, l'Assemblée nationale a rétabli la limitation du recours à la médiation
en cas de violences familiales.
L'Assemblée nationale a apporté quelques nouvelles modifications au texte
initial et elle a adopté des dispositions totalement nouvelles.
Ainsi, elle a supprimé la possibilité de saisine directe du juge aux affaires
familiales par des membres de la famille.
Elle a également adopté, sur proposition de la commission et contre l'avis du
Gouvernement, une disposition qui prévoit la possibilité pour un enfant confié
à un tiers et victime dans sa minorité d'un accident du travail n'ayant pas
fait l'objet d'une déclaration auprès de la sécurité sociale d'effectuer cette
déclaration jusqu'à l'expiration de la deuxième année qui suit sa majorité.
L'Assemblée nationale a également prévu de sanctionner la détention des images
pornographiques mettant en scène des enfants des mêmes peines que celles qui
sont prévues pour la réalisation, l'enregistrement ou la diffusion de telles
images. Elle a, en outre, prévu que la mention des avertissements relatifs aux
interdictions de vente aux mineurs figurerait directement sur les reproductions
d'oeuvres cinématographiques présentant un caractère pornographique ou incitant
à la violence.
Sur proposition de M. Cardo, avec l'avis favorable du Gouvernement,
l'Assemblée nationale a prévu une spécialisation des juridictions appelées à se
prononcer sur les actions engagées sur le fondement de la convention
internationale de La Haye du 25 octobre 1980 sur les aspects civils de
l'enlèvement international d'enfants.
Quelle est la position de la commission sur ce texte qui nous revient de
l'Assemblée nationale ?
Je tiens à dire tout d'abord que la commission se félicite de ce que
l'Assemblée nationale ait retenu les apports du Sénat sur de très nombreux
points. De son côté, elle ne vous proposera de revenir que sur quelques points
peu nombreux.
J'ai dit tout à l'heure qu'il fallait faire preuve d'une certaine prudence à
l'égard de la résidence alternée en cas de désaccord des parents.
La commission préfère le dispositif prévu par le Sénat, qui interdit de
prononcer directement la mesure sans une période probatoire. Cependant, elle
vous proposera, mes chers collègues, d'adopter la disposition de l'Assemblée
nationale dans la mesure où elle a conservé cette période probatoire tout en la
rendant facultative. Cette proposition a le mérite de souligner la
circonspection qu'il convient d'avoir en la matière.
Toutefois, deux modifications semblent nécessaires.
Ainsi, il convient de faire ressortir qu'en la matière l'intérêt de l'enfant
doit primer sur celui des parents. Nous proposerons donc de supprimer la
mention introduite par l'Assemblée nationale, selon laquelle le juge peut
prononcer une mesure provisoire « sauf si l'intérêt de l'enfant s'y oppose ».
En effet, ce n'est pas « sauf si l'intérêt de l'enfant s'y oppose » qu'il faut
ordonner cette mesure ; c'est plutôt, si elle correspond à l'intérêt de
l'enfant.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a limité la durée de la mesure à un
maximum de six mois. Un débat a eu lieu dans l'hémicycle à propos de cette
durée, certains députés estimant qu'elle devrait couvrir la totalité d'une
année scolaire.
Le plus simple serait donc de ne pas introduire de durée maximale et de
laisser au juge la souplesse nécessaire pour fixer la durée de cette période
probatoire.
J'en viens à un sujet extrêmement douloureux : les enlèvements internationaux
d'enfants.
Nous avons eu, en première lecture, de longs débats sur ce sujet, et il n'est
pas surprenant que l'Assemblée nationale se soit penchée de nouveau sur ce
problème. Il est certain que le système actuel de prévention et de lutte contre
ce fléau n'est pas satisfaisant. Je comprends donc parfaitement nos collègues
d'avoir cherché à en améliorer les modalités.
Cela étant, nous ne pourrons évidemment pas régler le problème grâce à de
simples modifications du code civil, lequel ne s'applique pas au-delà de nos
frontières, notamment pas dans l'espace Schengen.
Certes, il fallait poser le problème ; mais nous ne le résoudrons pas à
travers ce texte.
En première lecture, le Sénat avait effectivement adopté une disposition
incluant parmi les missions du juge la possibilité de prononcer l'interdiction
du territoire. L'Assemblée nationale a remplacé cette disposition par une
mention plus générale selon laquelle le juge peut prendre les mesures
permettant de garantir la continuité et l'effectivité du maintien des liens de
l'enfant avec chacun de ses parents. Je vous proposerai, au nom de la
commission, d'adopter sans modification le texte proposé par l'Assemblée
nationale.
En tout état de cause, l'interdiction de sortie du territoire fait partie des
mesures que le juge peut prononcer, et je vous rappelle d'ailleurs qu'elle peut
être enregistrée de manière administrative, pour une durée provisoire de quinze
jours. L'enfant est alors inscrit sur le fichier des personnes recherchées, qui
est consulté aux frontières par la police de l'air.
La difficulté réside cependant dans le fait que ces dispositions ne
s'appliquent que dans les aéroports français. Si l'enfant s'envole de
Bruxelles, par exemple, il n'y a plus aucun contrôle possible.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté deux articles additionnels
prévoyant une spécialisation des juridictions s'agissant des actions fondées
sur la convention de La Haye, qui lie la France à soixante-deux Etats en
matière d'enlèvements internationaux d'enfants.
La commission des lois souscrit pleinement à cette spécialisation, qui
permettra à des magistrats très au fait de ces dispositifs d'intervenir de
manière plus efficace. Elle vous propose d'ailleurs d'étendre cette
spécialisation à l'ensemble des accords bilatéraux et aux intruments
communautaires relatifs à l'enlèvement international d'enfants, car certains
Etats ne sont pas signataires de la convention de La Haye mais ont signé avec
la France des conventions bilatérales. De plus, certains Etats, comme le
Portugal, sont signataires à la fois de la convention de La Haye et d'une
convention bilatérale avec la France qui va un peu plus loin. Par conséquent,
dans certains cas, les parties ne sauraient pas très bien quel tribunal
consulter, et ce point me semble devoir être réglé.
Par ailleurs, la convention européenne de Luxembourg s'applique aussi,
permettant l'
exequatur
d'une décision rendue en matière d'autorité
parentale dans un autre Etat partie.
La commission des lois vous proposera, sur ce point, d'étendre le champ
d'application des dispositions de cette convention à l'outre-mer.
En revanche, la commision n'a pas suivi l'Assemblée nationale sur les
dispositions qui prévoyaient une privation automatique de l'exercice de
l'autorité parentale pour le parent coupable d'un enlèvement international
d'enfant, et ce pour deux raisons.
En premier lieu, cette mesure est en contradiction avec le souhait du Sénat de
limiter au minimum les cas de perte automatique de l'exercice de l'autorité
parentale. Cette disposition ne ferait que rendre plus difficile le retour d'un
enfant enlevé, en créant des blocages supplémentaires.
En second lieu, la mère française qui aurait ramené l'enfant en France sans
respecter une législation étrangère qui lui serait peu favorable - cela peut
arriver - et qui se serait donc rendue elle-même coupable d'un rapatriement
illicite d'enfant se verrait priver, d'une manière automatique et sans
possibilité de recours, de son autorité parentale. Ce serait tout à fait
excessif, me semble-t-il, et dans tous les cas contre-productif. C'est la
raison pour laquelle je vous proposerai de revenir sur cette disposition.
Enfin, la commission vous proposera de supprimer certaines dispositions
adoptées par l'Assemblée nationale.
C'est le cas, en premier lieu, de celle qui concerne la déclaration des
accidents du travail, car le dispositif adopté par les députés est, en
définitive, moins protecteur des mineurs que ne le sont les dispositions
actuelles du code civil, qui sont applicables à la totalité des mineurs.
En second lieu, la commission reste opposée à l'article 9
bis A,
pourtant inséré par le Sénat en première lecture, limitant les possibilités
de contestation des filiations légitime et naturelle s'agissant tant des délais
que des titulaires de l'action.
J'avais indiqué, en première lecture, qu'il ne me semblait pas souhaitable
d'examiner une disposition prise isolément dans ce vaste domaine qu'est la
filiation, sur lequel un véritable débat devrait s'instaurer. En effet, un
véritable équilibre doit être trouvé entre la filiation apparente et une vérité
biologique qui est désormais facile à déterminer.
A l'heure où le droit à la connaissance des origines est imposé comme un
credo, où il est facile d'établir, grâce à des analyses relativement simples,
la véritable paternité, faut-il, en prévoyant des délais extrêmement courts,
interdire à l'enfant, lorsqu'il aura eu connaissance de la fausseté de la
déclaration de paternité à sa naissance, de contester cette filiation ? Il y a
là un réel problème qu'on ne résoudra pas en interdisant les contestations,
surtout si le véritable père se manifeste enfin et marque son intérêt pour
l'enfant.
Je suis sûr, en revanche, que ces questions mériteraient un débat de fond,
dans le cadre d'un examen d'ensemble du droit de la filiation.
Telles sont les réflexions de la commission sur ce texte qui comporte des
dispositions extrêmement importantes, non seulement sur l'autorité parentale,
qui en est le point de départ, mais aussi sur divers sujets qui s'y sont
ajoutés au fur et à mesure des discussions successives : je pense en
particulier au problème extrêmement grave et douloureux de la prostitution
enfantine, qui ne saurait être traité à la légère, mais aussi au problème des
enlèvements internationaux, sur lequel nous nous devons d'avoir un débat pour
tenter de trouver la meilleure solution, tout en sachant que nous ne pouvons
décider pour les autres Etats !
(Applaudissements sur les travées du RPR,
des Républicains et Indépendants et de l'Union centriste.)
Rappel au règlement