SEANCE DU 7 FEVRIER 2002
M. le président.
La parole est à M. Lanier.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Lucien Lanier.
Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer, que je remercie
d'avoir annulé d'importants rendez-vous pour être personnellement présent à
notre séance. En effet, le sujet en vaut la peine et il y a urgence.
Il s'agit d'événements intervenus voilà plus de deux mois en
Nouvelle-Calédonie et qui, se perpétuant, aboutissent aujourd'hui à une
situation qui s'aggrave profondément et qu'il n'est plus possible
d'occulter.
C'est un conflit de caractère ethnique, opposant à Saint-Louis, dans le
quartier de l'
Ave Maria,
une majorité mélanésienne à une minorité
wallisienne.
Les faits, d'origine culturelle et surtout foncière, ont rapidement dégénéré,
à partir du mois de décembre dernier, en un véritable affrontement armé, au
cours duquel deux jeunes Wallisiens furent grièvement blessés par balles.
Les gendarmes, dont il convient de saluer le courage et le sang-froid, sont
alors intervenus, sous les feux croisés des deux camps, pour empêcher le pire ;
leur véhicule porte la trace de nombreux impacts de balle.
Le 8 janvier dernier, le conflit a repris, atteignant son paroxysme et
provoquant la blessure, puis, hélas ! le décès, d'un jeune Mélanésien de
vingt-six ans, père de trois enfants. Son inhumation a été le théâtre d'une
très grave agitation : tombes profanées, règlements de compte latents, maisons
incendiées, routes bloquées, etc.
L'observation d'un temps de deuil a, selon une coutume pérenne, incité à
l'accalmie. Cependant, le 8 février, c'est-à-dire demain, marquera la fin du
deuil autant que l'anniversaire de deux affrontements majeurs. Il est à
craindre que le conflit ne reprenne immédiatement et que les passions à vif
n'engendrent un climat insurrectionnel qui mettrait en cause l'autorité même de
l'Etat, au moment où certaines informations semblent s'accorder sur le fait que
les combattants potentiels disposeraient d'armes automatiques.
L'autorité de l'Etat est donc bien en cause, puisque, d'après des informations
qui peuvent facilement être vérifiées, les forces de gendarmerie ont clairement
identifié les auteurs des coups de feu, au demeurant connus pour leur passé de
délinquants.
Je pense, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous êtes mieux que moi informé
et que vous avez déjà envisagé les mesures d'urgence qui s'imposent, et d'abord
la saisie des armes qui sont présentes dans la zone d'affrontement.
Monsieur le secrétaire d'Etat, les accords de Nouméa ne sauraient être remis
en cause par des conflits sanglants, certes encore locaux, mais qui, on le
sait, peuvent dégénérer et s'étendre par une violence passionnelle accrue.
Les accords de Nouméa garantissent - faut-il le rappeler solennellement ? -
l'engagement vers un destin commun et pacifié de toutes les populations de
l'archipel.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et indépendants et
de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. le président.
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Paul,
secrétaire d'Etat à l'outre-mer.
Monsieur le sénateur, la commune du
Mont-Dore en Nouvelle-Calédonie, près de Nouméa, connaît en effet, depuis
décembre dernier, des tensions, que je juge, comme vous, tout à fait
préoccupantes. Des membres des communautés mélanésienne, d'une part, et
wallisienne, d'autre part, qui résident dans cette tribu de Saint-Louis ou dans
sa proximité immédiate, se sont opposées et, à plusieurs reprises, des armes à
feu ont été employées. Au cours des deux derniers mois et avec une intensité
variable, les incidents se sont poursuivis, provoquant plusieurs blessés, dont
l'un vient, hélas ! de décéder.
Face à cette situation, dont vous vous êtes fait ici justement l'écho,
monsieur le sénateur, et qui trouve son origine dans des contentieux anciens,
dans des difficultés à vivre ensemble depuis plusieurs décennies, il faut le
rappeler, pour ces communautés qui vivent sur ce site dans des conditions
d'ailleurs souvent précaires, l'Etat a, depuis décembre, déployé ses efforts
dans trois directions.
Tout d'abord, pour assurer, bien sûr et avant tout, la sécurité des personnes,
un important dispositif de sécurité publique, de gendarmerie essentiellement -
vous lui avez rendu hommage et je le fais à mon tour - a été mis en place et
est maintenu à l'heure actuelle afin de prévenir et d'empêcher ces violences.
Parallèlement, un travail judiciaire est conduit afin d'identifier les
responsables de ces agressions.
Cependant, au-delà, pour aider ensuite à renouer le dialogue entre les
communautés, de nombreuses réunions et médiations ont été orgnanisées, pour
l'essentiel sur l'initiative du délégué du Gouvernement, du représentant de
l'Etat, non seulement avec les responsables politiques locaux, mais également
avec les responsables religieux et coutumiers, afin de faciliter un retour au
calme. C'est difficile, mais ces jours-ci la situation peut être décrite comme
apaisée.
Enfin, pour appuyer la recherche de solutions au fond, il faut, en effet,
rendre possible la cohabitation entre ces deux communautés.
Cela suppose que, au-delà de l'esprit de dialogue que nous nous efforçons en
effet de favoriser, des mesures très concrètes soient adoptées, en premier lieu
en faveur des jeunes, qui souffrent particulièrement du manque d'emplois et
dont le désoeuvrement est, pour partie au moins, à l'origine des troubles
récents.
Mais il faut aussi, en second lieu, faire un effort particulier pour améliorer
les conditions d'habitat de ces populations et les équipements dont elles
bénéficient. La commune du Mont-Dore et la province Sud de la
Nouvelle-Calédonie, qui sont compétentes dans ces domaines, ont accepté - et
elles sont bien évidemment accompagnées par l'Etat - de s'engager dans cette
voie qui est la seule à même de rétablir durablement l'harmonie et la
cohabitation à Saint-Louis.
Pour ma part, j'ai mis à profit le comité des signataires de l'accord de
Nouméa qui s'est tenu récemment à Paris. A cette occasion, M. le Premier
ministre a longuement reçu les signataires de l'accord de Nouméa, et M.
Loueckhote a bien évidemment assisté à cette rencontre. Au cours de ces
discussions, tant le Rassemblement pour la Calédonie dans la République que le
FNLKS, le Front de libération national kanak socialiste, ont rappelé avec force
leur attachement au processus calédonien en cours et leur engagement d'aller
plus avant pour permettre de résoudre le conflit à Saint-Louis, qui est très
circonscrit géographiquement et qui ne doit pas occulter les progrès accomplis
récemment en Nouvelle-Calédonie.
Les événements de ces dernières semaines ne sont pas à l'image de la
Nouvelle-Calédonie d'aujourd'hui. Ils sont plutôt révélateurs de difficultés
anciennes. C'est pourquoi soyez assuré, monsieur le sénateur, que l'affaire de
Saint-Louis est suivie par le Gouvernement avec une attention de chaque
instant.
(Applaudissements sur les travées socialistes et sur les travées du
groupe communiste républicain et citoyen, ainsi que sur celles du RDSE. - Très
bien ! sur quelques travées du RPR.)
SITUATION SOCIALE GÉNÉRALE