SEANCE DU 5 FEVRIER 2002
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou, auteur de la question n° 1259, adressée à
M. le ministre délégué chargé des affaires européennes.
M. Aymeri de Montesquiou.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, élu
local du département du Gers, dont une part importante de l'économie est liée à
la vigne, élu national du premier pays viticole du monde et Européen convaincu,
je m'interroge sur l'utilisation des fonds communautaires en matière d'aide
agricole extérieure, singulièrement en matière d'aide à la viticulture.
Le constat est inquiétant : d'un côté, les viticulteurs français connaissent
de graves difficultés ; de l'autre, néanmoins, les fonds communautaires,
financés à 17 % par la France, servent à structurer des exploitations viticoles
étrangères, et donc à faciliter l'exportation de vins vers l'Europe, en
particulier en provenance d'Afrique du Sud.
Madame la secrétaire d'Etat, quels sont les montants alloués à cette
restructuration ? Cette aide concerne-t-elle des populations à faible niveau de
vie et aux structures de travail mal adaptées ou plutôt des sociétés viticoles
florissantes, caractéristiques de la viticulture sud-africaine ? De quels
moyens de contrôle dispose le gouvernement français ?
Entre 2002 et 2011, le contingent annuel d'importation à droits nuls du vin
sud-africain sur le territoire de l'Union européenne passerait de 42,02
millions de litres à 52,78 millions de litres. L'Union européenne doit-elle
aider ses propres concurrents ? Elle constitue déjà le principal débouché des
vins sud-africains, dont elle absorbe les deux tiers des exportations, tandis
que l'Afrique du Sud, elle, importe très peu de vins de pays tiers.
De telles dispositions, incohérentes, compromettent l'équilibre économique du
secteur viticole et suscite donc l'hostilité des viticulteurs au projet
européen. Dès lors, comment le Gouvernement entend-il défendre les intérêts de
la France et de ses viticulteurs dans ses négociations avec les autres Etats de
l'Union et avec l'Afrique du Sud ?
M. le président.
La parole est à Mme le secrétaire d'Etat, que nous nous réjouissons d'entendre
s'exprimer ce matin au nom de tous ses collègues !
(Sourires.)
Mme Paulette Guinchard-Kunstler,
secrétaire d'Etat aux personnes âgées.
Monsieur le sénateur, M. Moscovici
m'a priée de vous apporter la réponse suivante.
C'est en 1995, alors que la France exerçait la présidence du Conseil des
ministres, que l'Union européenne a examiné la manière dont elle pouvait
exprimer sa solidarité à l'égard d'une Afrique du Sud enfin libérée du système
odieux de l'apartheid. Le Conseil européen de Cannes avait décidé, notamment,
de conclure un accord sur le commerce, le développement et la coopération avec
ce pays.
Cet accord a été signé, le 11 octobre 1999, sur la base d'un « paquet »
finalisé en marge du Conseil européen de Berlin, en mars 1999. La France et
plusieurs de ses partenaires ont insisté pour que ce paquet prévoie la
négociation d'accords séparés sur les vins et les spiritueux qui offriraient
des conditions satisfaisantes de protection de la propriété intellectuelle,
dans ce secteur particulièrement sensible de notre économie. En échange d'un
engagement de l'Afrique du Sud a éliminer progressivement les indications
géographiques usurpées, il a été convenu d'ouvrir un contingent de 32 millions
de litres de vin sud-africain à droits nuls et d'octroyer une aide de 15
millions d'euros à la restructuration du secteur viti-vinicole dans ce pays.
La mise au point de ces deux accords sectoriels s'est révélée particulièrement
difficile, puisqu'ils n'ont pu être signés que le 28 janvier 2002.
C'est en raison de ce retard que les négociateurs ont décidé de prévoir une
compensation sur le contingent tarifaire, dont le volume - je le rappelle -
avait été fixé en 1999, et qui devait initialement être appliquée à partir du
1er janvier 2000. Cela étant, le contingent annuel atteindra bien 52,78
millions de litres en 2011, ainsi que vous le soulignez, monsieur le sénateur,
mais, dès l'année suivante, il reviendra au niveau, beaucoup plus raisonnable,
de 45,89 millions de litres. En effet, la compensation annuelle de la
non-ouverture du contingent, en 2000 et en 2001, conséquence du retard pris
dans la négociation des accords, ne sera appliquée que jusqu'en 2011.
S'agissant de l'aide de 15 millions d'euros, elle constitue clairement pour la
France la contrepartie des efforts de l'Afrique de Sud pour éliminer les
usurpations des dénominations protégées. Nous avons obtenu, à plusieurs
reprises, les assurances de la Commission que tel serait bien le cas. Dans
cette perspective, nous avons notamment insisté pour que la mise en oeuvre de
cette aide n'intervienne pas tant que la partie sud-africaine n'aura pas
transmis un registre des marques qui nous permettra de vérifier si lesdites
marques comportent ou non des dénominations protégées.
L'accord prévoit que ce registre soit transmis avant la fin du mois de
septembre 2002. La mise en place d'un programme ciblé pour l'utilisation des 15
millions d'euros nécessitera une préparation approfondie avec la partie
sud-africaine et ne pourra, en tout état de cause, intervenir avant cette date.
Le calendrier jouera donc en faveur d'une mise en oeuvre de l'aide à des fins
qui ne mettent pas en cause les intérêts de nos viticulteurs.
Pour le reste, nous aurions souhaité que ces accords sur les vins et les
spiritueux avec l'Afrique du Sud, qui ouvrent la voie - j'y insiste tout
particulièrement - à une élimination des usurpations des dénominations
protégées, aillent plus loin. Les dispositions actuelles correspondent bien à
un progrès par rapport à la situation de non-droit qui prévalait jusqu'à
présent.
Enfin, je tiens à souligner que le Gouvernement s'est attaché à laisser le
temps au Parlement de prendre connaissance de ces accords, dans le cadre de la
procédure de l'article 88-4 de la Constitution, en refusant - et ce malgré la
pression de nos partenaires - de demander l'examen en urgence. Nous avons aussi
respecté la réserve qu'avait maintenue la délégation de l'Assemblée nationale
pour l'Union européenne, en ne prenant pas part au vote qui est intervenu, le
21 janvier dernier, lors du Conseil « Agriculture ».
M. Aymeri de Montesquiou.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à M. de Montesquiou.
M. Aymeri de Montesquiou.
Madame la secrétaire d'Etat, je reste stupéfait devant votre réponse,
essentiellement consacrée à la protection de la propriété intellectuelle : non
seulement cela n'a rien à voir avec ma question, mais, en plus, une telle
protection ne doit entraîner aucune contrepartie !
Ces accords ont été signés en 1999, dites-vous. Mais quels sont les montants
alloués ? Et quelles sont nos possibilités de contrôle ? Qui aide-t-on, en fait
? Les grandes exploitations viticoles performantes de l'Afrique du Sud ? Le
secteur viticole sud-africain mérite-t-il d'être aidé par le contribuable
français ?
Vous n'avez traité aucune de ces diverses questions, répondant tout à fait à
côté sur une protection de la propriété intellectuelle qui va de soi : pourquoi
accorder des contreparties ?
STATUT DE LA LANGUE PROVENÇALE