SEANCE DU 18 DECEMBRE 2001
M. le président.
La parole est à Mme Borvo, auteur de la question n° 1192, adressée à M. le
ministre délégué à la santé.
Mme Nicole Borvo.
Je veux de nouveau attirer l'attention de M. le ministre délégué à la santé
sur la situation des médecins à diplôme étranger extracommunautaire, en
particulier ceux qui ont un statut d'attaché associé.
Certains font la grève de la faim. On peut s'interroger sur cette forme
d'action, mais c'est ainsi.
Alors que ces médecins assurent 30 % des gardes en réanimation, 40 % des
gardes en néonatologie et plus de 50 % des gardes dans les services d'aide
médicale urgente, les SAMU, et aux urgences, ils sont placés sous des statuts
spéciaux, de plus en plus ressentis comme précaires, sous-payés et
discriminatoires. Ils ne sont pas inscrits au Conseil de l'ordre des médecins.
On peut d'ailleurs dire qu'il y a là une contradiction avec le code de la
santé, en particulier avec ses dispositions sur la pratique illégale de la
médecine.
Cette situation paraît d'autant plus contradictoire que cette catégorie de
médecins a effectué plus de cinquante millions d'actes médicaux - diagnostic,
traitement et suivi - depuis vingt ans qu'existe ce statut.
Le professeur Amiel, dans le rapport officiel qu'il a remis au ministre chargé
de la santé en 1997, indiquait « qu'ils occupent des responsabilités cliniques
de fait qui les mettent en position équivalente avec les médecins français ».
La plupart d'entre eux ont par ailleurs un diplôme reconnu par le ministère de
l'éducation comme scientifiquement équivalent aux diplômes français.
Tout le monde se félicite de leur compétence et chacun reconnaît que leur
apport est indispensable au bon fonctionnement du système de santé. Je ne sais
d'ailleurs pas comment on ferait s'ils disparaissaient du jour au lendemain !
Ils exercent comme médecin senior, forment les internes et les externes, et
leurs actes sont facturés par les hôpitaux sur la base des actes de médecins
spécialistes.
Enfin, ils sont responsables de leurs actes de médecin devant les
tribunaux.
Dans ces conditions, ne faudrait-il pas reconnaître officiellement leur
travail ? La loi du 27 juillet 1999 comporte, certes, des avancées, mais elle
ne leur reconnaît pas la plénitude d'exercice, ce qui me paraîtrait pourtant
indispensable.
Il faut savoir que la jurisprudence de la Cour de justice européenne permet,
pour les médecins ressortissants français et européens, la prise en compte de
l'ensemble de leurs diplômes et de leur expérience sans les obliger à repasser
examens et concours.
Enfin, un arrêté de février a introduit une différenciation entre les gardes
des médecins à diplôme extracommunautaire et celles de leurs collègues. Cette
mesure, ressentie comme humiliante et discriminatoire, s'est traduite pour les
premiers, qui perçoivent un revenu de 9 000 francs au maximum par mois hors
gardes, par une diminution du tarif des gardes.
C'est cette mesure qui est à l'origine des mouvements de protestation
actuels.
Que compte faire M. le ministre délégué à la santé pour relancer le dialogue
et aboutir à une solution acceptable pour ces médecins, indispensables, je l'ai
dit, à la bonne marche des hôpitaux ?
M. le président.
La parole est à M. le ministre.
M. Claude Bartolone,
ministre délégué à la ville.
Madame Borvo, vous interrogez Bernard
Kouchner, ministre délégué à la santé, qui ne peut être présent et m'a demandé
de vous communiquer les éléments de réponse suivants.
Les attachés associés sont des médecins à diplôme extracommunautaire venus en
principe en France pour compléter leur formation médicale.
Ces praticiens attachés associés disposent d'un statut particulier, car ils ne
sont pas titulaires de la plénitude d'exercice de la médecine en France. Pour
l'avoir, il leur faudrait disposer soit d'un diplôme français, soit d'un
diplôme extracommunautaire et satisfaire aux obligations de cette profession
selon la réglementation française.
Contrairement à ce qui est souvent affirmé, leur responsabilité n'est engagée
devant les tribunaux que si, précisément, ils ont excédé les pouvoirs limités
d'exercice qui sont les leurs.
Il faut admettre que, souvent, des organisations trop floues mises en place
par certaines administrations hospitalières et dictées par les nécessités ont
pu les induire en erreur.
Leurs mérites ne sont en tout cas pas mis en cause.
Chaque fois qu'ils font des gardes, ils les font sous la couverture médicale
d'un praticien senior d'astreinte, ce qui explique que le taux de la garde soit
fixé à 1 250 francs, et non pas à 1 521 francs comme pour les gardes senior. Ce
sont d'ailleurs les enquêtes menées par les chambres régionales des comptes qui
sont à l'origine de l'arrêté pris pour régulariser une situation provisoire et
ambiguë qui conduisait certains établissements hospitaliers, dont ceux, en
particulier, de l'Assistance publique-hôpitaux de Paris, l'AP-HP, à payer à
mauvais droit des taux de garde senior à ces praticiens.
Une étude très précise effectuée récemment, à la demande du ministère de la
santé, sur six mois, à partir d'ailleurs des tableaux de garde et des pièces
comptables de l'AP-HP, montre par ailleurs qu'il est inexact de soutenir que
ces praticiens assureraient 100 %, ou même 60 %, des gardes d'un service.
Mme Nicole Borvo.
Le taux est de 50 % !
M. Claude Bartolone,
ministre délégué.
Quant à l'interprétation de l'arrêt de la Cour de
justice européenne, le juge indique que toute personne de nationalité
extracommunautaire ayant obtenu un diplôme communautaire doit pouvoir faire
examiner individuellement sa demande d'exercice de la médecine dans un autre
pays de l'Union. C'est donc plutôt par méconnaissance que cette jurisprudence
est utilisée par les praticiens ayant des diplômes extracommunautaires, car
elle ne concerne pas la plupart d'entre eux.
En revanche, ces praticiens pourront passer les futurs concours de spécialité
prévus aux articles 60 et 61 de la loi relative à la couverture maladie
universelle, ce qui ne les laisse pas sans solution pour l'avenir.
Il serait délicat, en effet, de les régulariser sans leur demander de subir
les mêmes épreuves universitaires que leur homologues communautaires, car ce
serait contraire à la directive européenne qui réglemente la matière et
s'impose à notre pays.
Enfin, conscient des difficultés créées par le décalage du paiement des
gardes, le ministère de la santé vient de proposer aux attachés associés un
règlement de transaction qui devrait aboutir rapidement et permettre d'apporter
une solution équitable à ce problème.
Mme Nicole Borvo.
Je demande la parole.
M. le président.
La parole est à Mme Borvo.
Mme Nicole Borvo.
Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Ce règlement dont
vous venez de parler permettra en effet de rétablir une certaine équité.
Je me permets cependant d'insister sur le fait que les médecins à diplôme
extracommunautaire exercent souvent à la place des médecins titulaires de
diplômes français ou communautaires.
Il faut donc trouver une solution pour que, d'une façon ou d'une autre, ils
bénéficient des droits correspondant à leur activité réelle, même si, j'en suis
d'accord, ils doivent être titulaires de diplômes équivalents. Actuellement, le
décalage est trop grand, et peut-être est-ce en effet encore plus vrai à
l'AP-HP.
SITUATION DE L'HÔPITAL SAINT-MICHEL À PARIS