SEANCE DU 13 DECEMBRE 2001
ATTRIBUTION DES LOGEMENTS SOCIAUX
AUX PERSONNES EN SITUATION
DE HANDICAP
Adoption d'une proposition de loi
(Ordre du jour réservé)
M. le président.
L'ordre du jour appelle la discussion de la proposition de loi (n° 325,
2000-2001), adoptée par l'Assemblée nationale, visant à accorder une priorité
dans l'attribution des logements sociaux aux personnes en situation de handicap
ou aux familles ayant à leur charge une personne en situation de handicap.
[Rapport n° 125 (2001-2002).]
Dans la discussion générale, la parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat au logement.
Monsieur le président, mesdames, messieurs
les sénateurs, bien évidemment, la cause de l'accessibilité des logements, et
tout particulièrement des logements sociaux, aux personnes handicapées est l'un
des enjeux majeurs du Gouvernement. Lors de la communication que je ferai au
conseil des ministres du 3 janvier, j'aurai d'ailleurs l'occasion de présenter
des propositions concernant ce que l'on a appelé l'habitat durable,
c'est-à-dire la prise en compte du développement durable, avec un plan d'action
concret et très étoffé, relatif à la transformation et à l'adaptation des
logements, et des mesures tendant à favoriser l'accès des handicapés et des
personnes dépendantes à l'ensemble du parc de logements de notre pays, qu'il
s'agisse du parc social ou du parc privé. Beaucoup reste à faire en la
matière.
La présente proposition de loi est centrée sur la question de l'accès et, à la
suite de l'adoption d'un amendement par l'Assemblée nationale, sur le problème
de l'adaptation.
S'agisant de l'accès, je redoute un peu que la formulation proposée ne donne
qu'une satisfaction de façade. En effet, il existe déjà, dans les différentes
lois, au moins une cinquantaine de cas dont vous conviendrez tous aisément
qu'on ne peut contester leur caractère prioritaire : je citerai, à titre
d'exemple, les enfants atteints de saturnisme, les personnes vivant dans une
habitation insalubre et dont la santé est par conséquent menacée, les personnes
sans domicile fixe... Cette multiplicité de cas rendra à mon avis l'avancée
législative très relative. J'ajoute d'ailleurs que le caractère prioritaire de
l'accès aux logements sociaux pouvait tout à fait être prévu par la voie
réglementaire.
Le Gouvernement a bien pris acte de la volonté du Parlement d'insister sur
l'accès aux logements sociaux.
Par ailleurs, l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à déduire
de la taxe foncière sur les priorités bâties, ou TFPB, les dépenses engagées
par les organismes d'HLM pour l'accessibilité et l'adaptation des logements aux
personnes en perte d'autonomie.
Cette mesure présente à mon avis quelques inconvénients.
Tout d'abord, elle risque de ne pas favoriser les démarches spontanées et
systématiques des HLM. Or, dans bien des cas, il est fondamental que, à
l'occasion des réhabilitations normales, les logements soient rendus
accessibles aux personnes en situation de handicap. La mesure proposée risque
d'aboutir à ce que les HLM, voulant obtenir un maximum de subventions,
n'entreprennent pas les travaux dans le cadre de la prime à l'amélioration des
logements à usage locatif et à occupation sociale, ou PALULOS, mais demandent
plutôt la déduction de la TFPB. Cette disposition n'incitera donc pas au
civisme.
Par ailleurs, le problème de l'adaptation des logements se pose aussi pour les
logements de moins de quinze ans - heureusement, les règles relatives à
l'accessibilité sont appliquées depuis un certain nombre d'années déjà, mais il
reste à faire en matière d'adaptation -, lesquels sont déjà exonérés de TFPB.
Par conséquent, la déduction de TFPB en vue d'une généralisation de
l'adaptation des logements sociaux ne me paraît ni civique ni pertinente.
Le Gouvernement est évidemment conscient de la nécessité d'un accompagnement
financier raisonnable à ces évolutions. Nous avons proposé l'application du
taux maximum de la subvention PALULOS pour les travaux tendant à l'adaptation
et à l'accessibilité des bâtiments. L'effet de levier sera à mon avis beaucoup
plus fort, plus souple et général.
L'Assemblée nationale, lors de l'examen de ce texte, a posé la question du
surcoût pour les HLM. Je demande donc au Sénat, qui est connu pour sa sagesse,
de s'attacher plus à la pertinence du dispositif qu'à l'affichage de
l'intention, dont je veux bien croire qu'elle rassemble la nation. Il apparaît
bien clairement, en effet, que c'est le Parlement qui a souhaité alerter le
Gouvernement sur l'urgence d'une action de cette nature.
Enfin, le Gouvernement souhaiterait que les logements ayant fait l'objet de
gros travaux d'adaptation puissent, après le départ d'un locataire handicapé,
être réservés à d'autres personnes handicapées. Le paradoxe est en effet qu'un
handicapé ne puisse pas accéder à un logement qui a fait l'objet de gros
travaux d'accessibilité parce que ce logement est occupé par une personne
n'ayant aucun problème de handicap ! Je me permets donc d'insister auprès du
Sénat pour que le dispositif, issu de l'initiative parlementaire, n'apparaisse
pas comme fictif ou relatif au regard du bon travail que nous pourrions encore
réaliser ensemble sur ce texte.
M. le président.
La parole est à M. le rapporteur.
M. Jean Chérioux,
rapporteur de la commission des affaires sociales.
Monsieur le président,
madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, comme vous le savez, la
proposition de loi que nous examinons aujourd'hui vise à faciliter l'accès des
personnes handicapées et des familles ayant à leur charge un enfant handicapé à
des logements sociaux adaptés.
L'examen de ce texte, adopté par l'Assemblée nationale le 15 mai dernier, ne
nous est pas imposé par le Gouvernement dans le cadre de l'ordre du jour
prioritaire, comme cela était le cas, par exemple, pour la proposition de loi
relative à l'agence française de sécurité sanitaire environnementale ou la
proposition de loi relative à la lutte contre les discriminations.
Il s'agit donc d'un texte qui procède entièrement de l'initiative du
législateur. Une fois de plus, le Sénat montrera un esprit d'ouverture dont on
ne constate d'ailleurs pas d'équivalent du côté de l'Assemblée nationale : en
effet, aucune des propositions de loi adoptées par le Sénat sur l'initiative de
la commission des affaires sociales au titre de l'article 48-3 de la
Constitution et transmises à l'autre assemblée n'a fait l'objet d'un examen
susceptible de permettre la poursuite de la navette parlementaire.
En revanche, le Gouvernement et/ou les députés, quelle que soit d'ailleurs
leur tendance - il ne s'agit en effet pas de mettre en cause la seule majorité
actuelle dans ce processus de travail entre les deux assemblées, car la même
situation a été observée sous des gouvernements de l'autre bord - n'ont pas
hésité à déposer et à faire adopter des textes qui relevaient d'un «
quasi-clonage » de propositions de loi transmises par le Sénat : je pense
notamment aux textes relatifs au renforcement de la participation - à cet
égard, il y a une coresponsabilité sur tous les bancs -, aux soins palliatifs,
au congé de paternité et à l'allocation de présence parentale.
Dans le cas présent, les deux assemblées vont donc travailler ensemble, ce qui
est nouveau ! Cela justifie donc que, sur le point que nous examinons ce matin,
le processus législatif aille jusqu'à son terme et que nous réussissions ainsi
un petit tour de force.
Incontestablement, il existe aujourd'hui une demande non satisfaite émanant de
personnes handicapées souhaitant accéder à un logement aménagé pour tenir
compte des contraintes liées à leur handicap.
Notre appareil statistique ne dispose pas de données très récentes sur le
nombre de personnes handicapées : une enquête, établie à partir du nombre de
personnes se déclarant effectivement victimes d'un handicap, fait ressortir le
chiffre de 3,2 millions de personnes, soit environ 6 % de la population.
Ces personnes, en particulier les handicapés physiques, rencontrent des
difficultés pour accéder à un logement. Une enquête réalisée par l'Association
des paralysés de France en juin 1997 auprès de personnes handicapées motrices
montre que 27 % des personnes ayant déposé une demande de relogement, en raison
de difficultés d'accessibilité ou d'adaptation, n'ont pas eu satisfaction.
Cette situation s'explique notamment par le fait que les normes
d'accessibilité - très complexes, elles relèvent plus de la décision
réglementaire que de la loi - ne sont applicables qu'aux logements neufs.
Certes, la loi du 13 juillet 1991 a posé le principe selon lequel
l'architecture et l'aménagement des locaux d'habitation, des lieux de travail
et des établissements recevant du public devaient être accessibles aux
personnes handicapées. Des normes particulières sont prévues pour les bâtiments
d'habitation collectifs neufs, qu'il s'agisse des parties communes ou de
l'aménagement des logements eux-mêmes ; le permis de construire ne peut être
délivré si ces normes ne sont pas respectées.
Il reste que, dans le parc privé comme dans celui du logement social, le stock
de logements existants non aménagés demeure plus important en volume que le
nombre de logements neufs.
Pour ce qui concerne le logement social, afin de compenser le coût des
aménagements sur les bâtiments neufs, la prime à l'amélioration des logements
locatifs sociaux atteint jusqu'à 40 % du montant prévisionnel des travaux au
lieu de 10 % dans le régime de droit commun. Des associations spécialisées,
telles que l'association pour le logement des grands infirmes, apportent des
compléments de financement.
Il subsiste néanmoins des difficultés propres au secteur du logement
social.
Tout d'abord, les textes relatifs aux critères d'attribution ne mentionnent
pas formellement la notion de personnes handicapées ; ils font référence aux
personnes ayant des difficultés tenant à leurs conditions d'existence.
Par ailleurs, le système des plafonds de ressources met en situation
défavorable les locataires d'un logement social qui sont victimes d'un handicap
acquis au cours de leur existence, ce qui arrive souvent en raison d'accidents
de la circulation, mais aussi parce que les progrès de la médecine et
l'allongement de la durée de vie font que de plus en plus de personnes peuvent
rester à domicile tout en étant atteintes de maladies évolutives gravement
handicapantes.
Il arrive souvent que le locataire ne remplisse pas les conditions de
ressources lui permettant d'accéder à un autre logement social qui lui serait
aménagé. De plus, la personne handicapée éprouve des réticences bien
compréhensibles à quitter un logement social qui est proche de son
environnement familial, mais où elle ne peut faire effectuer les travaux
nécessaires, faute de moyens financiers.
Face à cette situation, la proposition de loi, qui comprend deux articles, se
veut essentiellement modeste et pratique. Ce n'est pas le grand monument
législatif que vous allez concevoir par la suite, madame le secrétaire d'Etat -
nous vous en laissons la responsabilité. Pour notre part, nous nous contentons
d'un texte limité.
L'article 1er intègre dans la liste des personnes prioritaires celles qui sont
en situation de handicap ou encore celles qui ont à leur charge une personne en
situation de handicap.
L'expression « en situation de handicap » a été volontairement préférée à
celle de « personne handicapée » pour éviter de stigmatiser certaines
catégories de personnes et pour mieux mettre en évidence le fait que chacun
peut être un jour placé en situation de handicap.
On notera que cette disposition a été heureusement modifiée à l'Assemblée
nationale, sur l'initiative de Mme Roselyne Bachelot-Narquin elle-même. En
effet, dans la rédaction initiale de la proposition de loi déposée en janvier
1998, n'étaient visées que les familles ayant une personne handicapée à leur
charge : il est tout à fait heureux que l'on ait décidé d'ajouter les adultes
handicapés eux-mêmes parmi les bénéficiaires du dispositif.
Enfin, il est important de souligner que le texte ne remet nullement en cause
le principe selon lequel les logements sociaux sont attribués en tenant compte
de la composition des ménages, du niveau de leurs ressources et de leurs
conditions de logement. A cet égard, l'inscription des personnes handicapées
parmi les personnes prioritaires ne devrait pas poser de problème particulier,
sauf dans les secteurs urbains où il existe déjà des tensions fortes que le
texte ne devrait pas, en réalité, sensiblement aggraver.
A cet égard, nombreux ont été nos collègues qui, en commission, ont déclaré
que, dans certaines zones, la gestion des attributions de logements sociaux ne
respectait pas le principe de mixité sociale.
L'article 2 de la proposition de loi a été inséré sur l'initiative d'un membre
du groupe socialiste.
Il prévoit que les organismes d'HLM pourront déduire de la taxe foncière sur
les propriétés bâties les dépenses engagées pour l'accessibilité et
l'adaptation des logements.
M. Gérard Larcher.
Très bien !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
La commission a constaté avec satisfaction que le texte
prévoyait une compensation en faveur des collectivités locales : il est
expressément indiqué que l'Etat devra abonder la dotation globale de
fonctionnement pour compenser la perte de ressources fiscales subie par les
collectivités locales. Il sera important que le ministère des finances ne
dénature pas la portée de la compensation, comme cela arrive trop souvent.
M. Alain Gournac.
Il y a là un risque !
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Tout à fait, mon cher collègue !
Ensuite, le texte distingue bien les travaux d'accessibilité, qui devraient
porter sur les aménagements extérieurs et sur les parties communes des
immeubles, des travaux d'adaptation, qui s'appliqueront au logement
lui-même.
La commission a considéré que cet article complétait utilement le dispositif
initial. Il permet en effet, non pas de mettre l'accent sur une catégorie de la
population défavorisée par rapport à une autre, mais de donner les moyens
d'assurer une véritable égalité entre des personnes en difficulté ayant des
besoins très différents.
Une disposition réglementaire actuelle, figurant à l'article R. 441-4 du code
de la construction et de l'habitation, prévoit que les logements construits ou
aménagés en vue de leur occupation par des personnes handicapées sont attribués
à celles-ci ou, à défaut de candidats, en priorité à des personnes âgées.
L'inconvénient de cette disposition est qu'elle n'a jamais entraîné une
augmentation du nombre de logements aménagés, disponibles pour les personnes
handicapées.
Le dispositif de la proposition de loi, au contraire, est de nature à
entraîner une véritable dynamique entre une meilleure identification de la
demande des personnes handicapées et la possibilité nouvelle ouverte, aux
organismes d'HLM, de financer, à un coût moindre, les travaux d'aménagement
nécessaires. En d'autres termes, avec les deux articles de la proposition de
loi, c'est un véritable levier que l'on met en place pour accroître le nombre
de logements répondant aux besoins des personnes à mobilité réduite.
Cela étant, la commission ne proposera pas d'amendement à ce texte, et ce pour
deux raisons : tout d'abord parce que, compte tenu du faible nombre de jours de
séance consacrés aux propositions de loi, si le Sénat en adoptait, le risque
serait grand que ce texte ne soit pas adopté d'ici à la fin de la présente
session ; ensuite, parce que les deux articles sont cohérents et que les
précisions qui pourraient être apportées semblent largement de nature
réglementaire.
La commission souhaite jouer un rôle plus utile en indiquant clairement au
Gouvernement quelle est précisément l'intention du législateur : il s'agit pour
nous de fournir aux ministères concernés un mode d'emploi, des « lignes
directrices » pour l'élaboration des décrets d'application. Cela apparaît
d'autant plus nécessaire que le texte est parfois ambigu et que l'Assemblée
nationale n'a pas donné beaucoup de précisions sur la manière dont elle
entendait qu'il soit appliqué.
Pour notre part, nous avons effectué un grand travail d'auditions. Aussi, les
suggestions que nous allons formuler sont le fruit de l'expérience de personnes
concernées.
Première suggestion : le dispositif devrait être ciblé sur les personnes qui
en ont besoin, tout en laissant beaucoup de souplesse aux organismes d'HLM pour
apprécier la nature des handicaps donnant lieu à un accès prioritaire.
Le dispositif devrait concerner les personnes affectées par un handicap
physique plutôt que celles qui sont victimes de handicap mental. Ces dernières
ont accès, bien entendu, aux logements sociaux mais leur besoin est plus celui
d'un accompagnement médico-social et humain que celui de la réalisation de
travaux spécifiques.
Parmi les personnes handicapées physiques, les personnes à mobilité réduite
sont directement concernées, mais il convient de ne pas oublier, ce que l'on
fait malheureusement trop souvent, les victimes de déficiences sensorielles :
les personnes mal voyantes, en particulier, peuvent bénéficier de travaux
consistant à apposer des revêtements particuliers sur les murs leur permettant
de reconnaître dans quelle pièce elles se situent et de trouver ainsi
facilement leur chemin.
Par ailleurs, le Gouvernement devra éviter la tentation d'identifier les
besoins des personnes handicapées à partir des procédures déjà existantes.
C'est une tentation qui n'est malheureusement que trop réelle. Ce serait une
erreur, en particulier, de restreindre le droit de priorité aux seuls
titulaires de l'allocation aux adultes handicapés ou aux personnes reconnues
gravement handicapées par les commissions techniques d'orientation et de
reclassement professionnel, les COTOREP. Les organismes d'HLM devraient
disposer d'une certaine latitude pour apprécier la nature du handicap et
estimer, en conséquence, la nature et le coût des travaux nécessaires. Cela
paraît aller de soi, mais cela va encore mieux en le disant.
Deuxième suggestion : le Gouvernement devrait respecter la lettre du texte et
autoriser les organismes d'HLM à prendre en charge aussi bien les travaux
réalisés dans les logements individuels que ceux qui pourraient être effectués
à l'extérieur des locaux, pour en faciliter l'accès, ou encore sur les parties
communes.
Il est d'autant plus nécessaire de permettre une globalisation que le montant
des travaux peut être très variable selon les natures de handicaps et que le
coût des travaux à réaliser sur un seul logement peut excéder le montant de la
taxe foncière afférente. En d'autres termes, la déduction sur la taxe foncière
devrait pouvoir se faire au niveau de l'immeuble pris dans son ensemble et non
pas être limitée au niveau de chaque logement pris individuellement.
Troisième suggestion : le Gouvernement devrait considérer que le législateur
n'entend pas écarter du champ d'application du dispositif les logements sociaux
qui disposent déjà aujourd'hui d'une exonération de taxe foncière ; en
l'occurrence, je pense répondre à une remarque que vous avez formulée, madame
le secrétaire d'état.
Deux catégories de logements sociaux sont ainsi concernées : il s'agit tout
d'abord des logements neufs construits depuis moins de quinze ans ; il s'agit
ensuite des logements sociaux situés sur le territoire d'une zone urbaine
sensible.
Il est vrai que les logements neufs doivent répondre à certaines normes
d'accessibilité ; cela ne veut pas dire pour autant que chaque logement
individuel comporte tous les aménagements requis pour les handicaps les plus
lourds. Pour favoriser la réalisation de ces aménagements, les organismes d'HLM
devraient être autorisés à reporter la déduction de taxe foncière après
l'expiration de la période des quinze ans d'exonération de droit commun.
Le nombre de logements situés en zones urbaines sensibles n'est pas
négligeable : on considère que un million de logements sociaux sont dans ce cas
sur l'ensemble des 3,5 millions de logements du parc social. Parce qu'il serait
injuste de pénaliser les résidents handicapés de ces zones urbaines sensibles,
les organismes d'HLM devraient être autorisés à reporter le montant de la
déduction sur des immeubles leur appartenant éventuellement en dehors de ces
zones.
A ces trois « lignes directrices », formulées à l'intention du Gouvernement
pour l'élaboration des décrets d'application, la commission a ajouté deux
recommandations d'ordre général.
Tout d'abord, l'information sur les logements sociaux aménagés pour des
personnes handicapées et devenus vacants semble tout à fait insuffisante.
Malgré la mise en place de chartes régionales avec les associations, il arrive
encore trop souvent qu'un logement aménagé soit mis à disposition d'une
personne qui n'est pas handicapée, faute de candidature dans les délais. L'Etat
serait bien inspiré de soutenir par des moyens financiers la généralisation, au
niveau de chaque région, des bourses d'échange de logements sociaux
aménagés.
Par ailleurs, le taux de non-conformité aux normes d'accessibilité constatée
sur les logements neufs, qui peut atteindre, selon un récent rapport du conseil
économique et social, jusqu'à 40 % appelle un nouvel effort de sensibilisation
au stade de la formation en architecture. Il serait sans doute souhaitable de
rendre obligatoires, et non plus optionnels, les modules de formation aux
normes d'accessibilité dans les programmes des écoles d'architecture.
Par ailleurs, à l'instar de ce qui se fait dans certains pays étrangers, il ne
serait pas inutile que les futurs architectes soient, pendant quelques jours,
mis en « situation de handicap » afin de mieux percevoir les contraintes qui
pèsent sur les personnes à mobilité ou à motricité réduite.
Comme le fait remarquer l'association des paralysés de France, tous les
habitants d'une ville peuvent tirer le bénéfice, à un moment ou un autre de
leur vie, des aménagements réservés à ceux qui ont des difficultés à se
mouvoir.
Pour conclure, la commission vous invite donc, mes chers collègues, à adopter
sans modification le texte de la présente proposition de loi en soulignant, une
fois de plus, que le Sénat a le souci, en dehors de toute considération d'ordre
politique, de jouer un rôle efficace lorsque la cause le mérite.
(Applaudissements sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. le président.
La parole est à M. Gérard Larcher.
M. Gérard Larcher.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le 10
décembre 1948, en adoptant l'article 13 de la Déclaration universelle des
droits de l'homme, l'Organisation des Nations unies affirmait que « toute
personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à
l'intérieur d'un Etat ».
Est-ce que nous respectons, en matière d'accueil des personnes handicapées, ce
principe posé voilà maintenant cinquante-trois ans ?
Je dois dire qu'en me situant au niveau de ce principe je ne m'affranchis pas
de ce que disait M. Chérioux il y a un instant : c'est par une politique des
petits pas, grâce au pragmatisme vécu au sein des collectivités, que nous
apporterons des réponses concrètes à nos concitoyens en situation de handicap
ou à leurs familles qui les accompagnent dans leur vie quotidienne.
Aujourd'hui, les personnes handicapées ont, et c'est naturel, de plus en plus
soif d'autonomie. L'autonomie est pour elles un vrai droit, et il nous faut le
leur reconnaître. Elles revendiquent légitimement leur intégration dans la
société en tous lieux et en toutes circonstances. Or, nous le savons, nous
avons encore de grands progrès à accomplir pour permettre aux personnes
handicapées d'accéder aux droits fondamentaux que sont le droit de circulation,
le droit à l'éducation, le droit au travail, bref le droit à une vie
économique, sociale et citoyenne normale. En fait évidemment partie ce droit
que nous avons déjà affirmé dans un certain nombre de textes : le droit au
logement.
Il existe un cadre juridique qui protège et facilite l'intégration de nos
concitoyens handicapés. La loi d'orientation du 30 juin 1975 a posé le principe
de l'accessibilité et en a fait une obligation nationale. La loi du 13 juillet
1991 a précisé ce qui pouvait favoriser l'accessibilité, pour les personnes
handicapées, des locaux d'habitation, des lieux de travail et des installations
recevant du public.
Ces lois, adoptées par des majorités différentes mais qui partageaient la même
préoccupation, ont révélé sur le terrain un certain nombre de limites. Ce sont
ces limites que, au Parlement, avec notre expérience d'élus locaux, nous
essayons de repousser en proposant des solutions concrètes.
Les associations qui rassemblent et aident nos concitoyens handicapés nous
disent quelles difficultés ils rencontrent pour se loger. Elles sont de deux
ordres : d'une part, les problèmes d'accessibilité et d'adaptation des
logements, qui n'intègrent pas les normes répondant à la perte d'autonomie que
peuvent connaître les personnes au cours de leur vie ; d'autre part, des
problèmes financiers, la plupart de nos concitoyens handicapés ne disposant que
de revenus modestes, voire très modestes, qui ne leur permettent même pas
toujours d'entrer dans les critères d'attribution des logements sociaux.
Si la législation a évolué sur l'accessibilité et l'adaptabilité du logement,
beaucoup reste à faire.
En dépit de textes qui imposent d'offrir des logements neufs qui présentent
des caractéristiques d'accessibilité minimale, trop souvent, les bailleurs ne
satisfont que partiellement à leurs obligations.
M. Alain Gournac.
Très partiellement !
M. Gérard Larcher.
De fait, les aménagements spécifiques induisent des surcoûts élevés.
En commission des affaires économiques et du Plan, madame la secrétaire
d'Etat, nous évoquions le problème du zonage. Le président About le sait bien,
le zonage pose un certain nombre de problèmes, notamment en Ile-de-France. Dans
la grande couronne, le prix du foncier est élevé - je ne pense pas qu'il en
aille différemment à Athis-Mons - et les organismes d'HLM sont toujours, faute
de fonds propres, à la limite de leurs possibilités.
Je peux même vous dire, madame la secrétaire d'Etat, qu'à Rambouillet, où le
logement social représente 30 % du parc, si la Ville ne revendait pas, année
après année, aux futurs bailleurs sociaux un certain nombre de terrains à un
prix qui n'a rien à voir avec celui du marché, nous ne pourrions pas réaliser
des logements sociaux.
De surcroît, nous nous trouvons dans l'incapacité de bâtir des logements
adaptables du fait même de ce zonage ; vous l'avez vous-même reconnu devant la
commission. Le problème reste donc posé !
La subvention à l'amélioration des logements locatifs sociaux est insuffisante
et incite les bailleurs à s'adresser aux caisses d'assurance maladie, aux
centres communaux d'aide sociale, aux conseils généraux ou aux villes
elles-mêmes pour couvrir le solde.
L'information et la formation de tous les acteurs de la construction - élus,
architectes, maîtres d'ouvrage - concernant la législation doivent être encore
améliorées. Je souhaiterais que, sur ce sujet, les directions de l'équipement
voient leur information renouvelée, afin que la mission d'inspection du
logement social, quand elle vient effectuer des contrôles, ne se préoccupe pas
uniquement d'un léger dépassement de plafond, mais qu'elle se soucie avant tout
de veiller au respect des principes posés par la loi.
M. Alain Gournac.
Absolument !
M. Gérard Larcher.
Jamais nous n'entendons prendre en compte cette dimension au cours des
réunions de chantier. Quand on s'aperçoit qu'elle a été oubliée, parce que nous
sommes devant une personne à mobilité réduite, il est trop tard ! Si ces
préoccupations avaient été présentes pendant le déroulement du chantier, nous
n'en serions pas à démolir ce que nous venons de bâtir !
M. Nicolas About,
président de la commission des affaires sociales.
Tout à fait !
M. Gérard Larcher.
Des procédures de contrôles obligatoires doivent être mises en place afin que
tous les bâtiments d'habitation entrant dans le champ d'application de la
réglementation soient conformes.
De plus, une nécessaire coordination des financements s'impose pour permettre
une prise en charge plus globale des aménagements nécessaires.
M. Jean Chérioux a fait référence à l'étude de l'Association des paralysés de
France. Cette étude décrit le comportement de certains bailleurs sociaux qui
demandent la signature d'un engagement de remise en état des lieux antérieur à
la sortie de bail ; je l'ai vu ! Ce type de clause entrave le parcours
résidentiel auquel le handicapé a droit, lui aussi.
Les plus grandes difficultés apparaissent aussi, vous le savez, dans
l'attribution d'un logement social. M. Vincent Assante, auteur d'un rapport
pour le Conseil économique et social en septembre 2000, décrivait ainsi la
situation : « L'entrée dans un logement et, pour des personnes à faibles
revenus comme le sont souvent les personnes handicapées, l'accès au logement
social, relèvent de la quadrature du cercle. Les listes d'attente ont tendance
à s'allonger et la triple exigence de surface minimum, de revenu minimum et
d'accessibilité rend l'éventualité d'obtenir satisfaction bien hasardeuse. »
D'une part, la gestion du stock de logements existants n'est pas optimale. Il
n'existe pas de fichier centralisé, au niveau départemental par exemple, des
logements sociaux adaptés ou non, et leur occupation ne fait l'objet d'aucun
suivi.
D'autre part, pour le moment, seule une politique volontariste des élus, aidés
par une législation favorable, peut donner une véritable impulsion capable de
modifier l'état des lieux.
Dans ma propre commune, la commission consultative « handicapés » a adopté une
nouvelle règle, qui aura vocation à s'appliquer à tous les nouveaux programmes,
quelle que soit leur importance. Elle a fixé à au moins 10 % la proportion de
logements qui devront être spécifiquement accessibles et adaptés à une personne
confrontée à une situation de handicap.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Très bien ! Cela devrait même être inscrit
dans la loi !
M. Gérard Larcher.
Parce qu'il faut aussi songer à celui qui entre dans un logement en parfaite
santé mais qui, l'âge venant ou la maladie le frappant, va devenir une personne
handicapée : il doit pouvoir rester dans son logement, ce qui implique
également que des moyens soient dégagés.
Ainsi, dans ma commune, nous venons de décider que, sur un programme de
vingt-six nouveaux logements, trois seront adaptés à une personne handicapée,
et nous souhaiterions aller plus loin.
De ce point de vue, au-delà de l'aspect financier du problème, il est
nécessaire qu'une priorité au bénéfice des handicapés soit clairement
affirmée.
Précisément, la présente proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale
sur l'initiative de notre collègue députée Roselyne Bachelot, vise à
reconnaître une priorité d'attribution de logements sociaux aux personnes
handicapées ou aux familles ayant à leur charge une personne handicapée.
Désormais, le code de la construction et de l'habitation prévoira cette
attribution prioritaire, tenant compte de la situation difficile des personnes
handicapées qui cumulent les facteurs d'exclusion.
L'autre grand progrès réside dans la disposition du texte qui prévoit une
incitation pour les organismes d'HLM à procéder aux travaux d'accessibilité et
d'adaptation des logements ; car il ne suffit pas d'afficher des principes, il
faut aussi se donner les moyens de les faire appliquer.
J'approuve pleinement l'approche pragmatique qui est celle de notre collègue
Jean Chérioux, dont nous connaissons tous l'altruisme et la profonde
sensibilité sociale. La déduction de la taxe foncière m'apparaît, à condition
qu'elle ne soit pas détournée par Bercy, comme très utile.
Cette proposition de loi peut paraître modeste face au défi de l'intégration.
Elle est une contribution de plus à cette intégration. Elle est, en tout cas,
inspirée par ce que les élus vivent jour après jour sur le terrain. Elle
s'inscrit dans notre volonté de faire progresser l'intégration des handicapés
dans la cité : ici, par le logement.
Mais il y a aussi l'intégration par le travail. A ce sujet, je souhaite vous
faire part d'une expérience personnelle. Dans le sud des Yvelines,
l'association Confiance fait, par le biais d'un CAT - centre d'aide par le
travail - un extraordinaire travail d'intégration dans la cité, lequel nous
conduit d'ailleurs aujourd'hui à construire un foyer pour ces travailleurs
handicapés qui participent pleinement à la vie de la cité.
Cela étant, il reste beaucoup à faire pour l'intégration par l'accessibilité
dans tous les lieux de vie, y compris dans ma propre cité.
Quoi qu'il en soit, ce matin, je souhaite que l'approche concrète et réaliste
que traduit cette proposition de loi trouve un écho unanime, par-delà les
clivages, au sein de notre assemblée, car, aussi modeste que ce texte puisse
paraître, il peut apporter beaucoup à un certain nombre de nos concitoyens.
(Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et Indépendants
et de l'Union centriste.)
M. le président.
La parole est à M. André Vezinhet.
M. André Vezinhet.
Monsieur le président, madame la secrétaire d'Etat, mes chers collègues, nous
pourrions nous mettre d'accord sur un point : aucun d'entre nous ne peut
revendiquer le privilège de vouloir plus que les autres permettre l'accès des
handicapés à un logement.
M. Jean Chérioux,
rapporteur.
Absolument !
M. André Vezinhet.
Cela étant acquis, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui
pourrait-elle entraîner autre chose qu'une adhésion quasiment spontanée, tant
elle fait apparaître sa nature généreuse et son ambition d'équité sociale.
Consensuelle, la démarche peut l'être également si elle s'analyse comme
l'occasion, pour la représentation nationale, de réaffirmer une détermination
politique très forte d'assurer un droit réel au logement pour tous les
citoyens. Sont particulièrement visés les plus défavorisés, aux ressources et
aux emplois précaires, à la situation fragile, aux comportements et modes de
vie spécifiques : bref, tous ceux qui, aujourd'hui, n'envisagent même plus de
formuler une demande de logement social.
De ce point de vue, les 3,2 millions de personnes handicapées qui vivent à nos
côtés, dont 1,8 million sont atteintes d'un handicap sévère restreignant leur
autonomie, sont concernées au premier chef. Bien souvent, en effet, viennent
s'ajouter aux difficultés concrètes de la vie quotidienne liées au handicap des
problèmes financiers lourds, qui les conduisent, tout naturellement, en matière
de recherche de logement, à se tourner vers le parc social.
Il est un fait indéniable, rappelé fréquemment par les associations de
handicapés, notamment l'Association des paralysés de France et l'ALGI,
l'Association pour le logement des grands infirmes, que le chemin d'accès à un
toit est semé d'embûches.
Vous avez, cher collègue Larcher, cité le rapport de M. Vincent Assante, qui
évoque la « quadrature du cercle » à propos de la recherche d'un logement par
les personnes handicapées.
Quelles garanties notre société peut-elle et doit-elle donner pour que le
droit au logement devienne réalité ? La réponse ne me paraît pas susceptible
d'être trouvée dans l'attribution prioritaire, objet du présent texte, dont
l'effet d'affichage n'est certes pas à négliger mais qui suscite, à notre avis,
plus d'interrogations qu'il n'offre de solutions.
Permettez-moi, mes chers collègues, de rappeler le contexte dans lequel ce
texte s'inscrit.
La proposition de notre collègue Roselyne Bachelot, députée RPR, qui a été
discutée à l'Assemblée nationale le 15 mai dernier, avait été initialement
déposée le 7 janvier 1998, soit quelques mois avant le vote de la loi
d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions, qui
a réformé la procédure d'attribution des logements sociaux, et avant celui de
la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains du 13 décembre
2000, qui contient plusieurs dispositions en faveur des personnes handicapées.
Ainsi, cette proposition de loi aurait pu venir opportunément combler un vide.
Mais, aujourd'hui, les lois précitées ont sensiblement modifié les choses.
L'article 56 de la loi de lutte contre les exclusions a réformé la procédure
d'attribution en s'appuyant sur trois principes : d'abord, la
contractualisation entre le préfet et les bailleurs sociaux par le biais d'un
accord triennal définissant un engagement quantifié annuel d'attributions de
logements sociaux aux personnes cumulant des difficultés économiques et
sociales ; ensuite, l'intercommunalité, avec l'instauration des conférences
intercommunales du logement chargées de définir, compte tenu des autres
demandes, les orientations prioritaires d'attributions propres à chaque
organisme et les besoins de créations d'offres adaptées ; enfin, la
transparence avec l'instauration du numéro départemental unique.
Il était alors nettement ressorti des débats que le législateur rejetait toute
idée d'identifier des personnes prioritaires, tant aurait été périlleuse la
tentative de hiérarchiser les urgences, et que, faute de pouvoir être
exhaustive, une telle démarche risquerait d'exclure par omission des catégories
de demandeurs méritant pourtant d'être prioritaires. Le législateur, à juste
titre, a préféré renvoyer à l'échelon local le pouvoir de juger de l'urgence
tout en fixant des principes généraux - j'allais dire généreux ! - parmi
lesquels celui qui est édicté par l'article L. 441-1 du code de la construction
et de l'habitation visant « les personnes mal logées, défavorisées ou
rencontrant des difficultés particulières de logement pour des raisons d'ordre
financier ou tenant à leurs conditions d'existence ».
De fait, les élus locaux, les administrateurs d'offices et de CCAS savent bien
que, dans la pratique, les commissions d'attribution prennent le plus souvent
en compte, fort heureusement, la présence d'une personne handicapée dans la
composition de la famille.
Dès lors, où rechercher les causes réelles - et, donc, les remèdes adaptés -
de ce qui relève encore du parcours du combattant pour de nombreux postulants ?
Sûrement et avant tout, dans l'insuffisance des constructions locatives
sociales.
Permettre à une personne handicapée de trouver toute sa place dans une
construction récente, située dans un environnement agréable, ouverte à toutes
les catégories de populations pouvant y prétendre, qui offre un logement avec
une surface et un confort adaptés, pour un loyer raisonnable, c'est le souhait
que nous partageons tous ici.
Si le sujet n'était pas aussi grave et important, on pourrait sourire au
souvenir - je ne m'adresse pas à ceux qui m'ont précédé aujourd'hui à cette
tribune, je les connais assez pour savoir leur implication et leur souhait de
voir les handicapés accéder à un logement correct - des déclarations à
l'emporte-pièce de ceux qui, dans cet hémicycle comme dans celui du
Palais-Bourbon prédisaient les conséquences terribles de la loi SRU...
Mme Odette Terrade.
Oh, oui !
M. André Vezinhet.
Avec les barres qui allaient réapparaître, avec les tours odieuses...
Mme Marie-Noëlle Lienemann,
secrétaire d'Etat.
Moi, je les fais tomber !
M. André Vezinhet.
... et avec l'obligation faite aux communes d'atteindre 20 % de logements
sociaux en vingt ans.
M. Nicolas About,
président de la commission.
On en reparlera dans quelques années !
M. Alain Gournac.
Voire dans quelques mois !
M. André Vezinhet.
Parmi les avancées au crédit de cette loi, il est à noter que l'article 55
fait figurer les logements-foyers conventionnés pour handicapés dans l'objectif
des 20 %, que l'article 150 fait figurer parmi les objectifs de la politique
d'aide au logement l'accessibilité aux handicapés et qu'enfin, l'article 185
ajoute aux missions traditionnelles de l'Agence nationale pour l'amélioration
de l'habitat, l'ANAH, celle de l'adaptation du logement des handicapés.
Par ailleurs, le projet de budget pour 2002 du logement, avec le financement
prévu - nous en parlions lundi dernier dans cet hémicycle - de 55 000
logements, avec l'aide à la pierre renforcée, devrait permettre d'inverser
durablement la tendance et de relancer la production, à condition que toutes
les bonnes volontés rassemblées ici se retrouvent avec la même détermination
sur le terrain !
S'agissant des bailleurs, je rappelle qu'en ce qui concerne les prêts locatifs
à usage social, les PLUS, si 25 % des logements sont adaptés au handicap dès le
départ de l'opération, l'organisme bénéficie d'une majoration de 5 % de
l'assiette de subvention « qualitel accessibilité handicapé ».
A une moindre échelle, une mauvaise connaissance du parc adapté et l'absence
de suivi de ce parc constituent aussi des obstacles. A titre d'exemple, dans
mon département, l'Hérault, le seul chiffre dont nous disposons avec certitude
sur l'état de la demande pour l'année 2001 est de 38 dossiers. Ce chiffre nous
est fourni dans le cadre de la réserve préfectorale. Peut-être pourrait-on
saisir l'opportunité du numéro départemental unique pour améliorer cette
connaissance.
Le manque de financements pour l'adaptation des logements, qui est fort
coûteuse pour la trésorerie des organismes d'HLM, voire, dans certains cas, la
complexité de ces adaptations sont aussi mis en avant.
Pourtant, les aides de l'Etat, je tiens à le dire avec force, ne sont pas
absentes. Je rappellerai pour mémoire que, depuis la convention du 7 mars 2001,
le « pass travaux » délivré par le 1 % logement permet de financer des travaux
d'accessibilité et d'adaptation. Je rappelle aussi que, depuis le décret du 18
avril 2001 le taux de la prime à l'amélioration des logements à usage locatif
et à occupation sociale, la PALULOS peut être porté à 40 % - au lieu de 10 %
auparavant -, du coût prévisionnel des travaux subventionnables avec un plafond
de 85 000 francs par logement.
M. Alain Gournac.
Encore faut-il obtenir les 40 % !
M. André Vezinhet.
J'ajoute que le décret du 8 février 2000 permet aux personnes handicapées déjà
propriétaires et désireuses d'acquérir un nouveau logement mieux adapté à leurs
besoins de déroger à la condition de primo-accédant pour le prêt à taux zéro.
Ainsi, leur est ouvert le droit à une nouvelle aide.
Enfin, et pour rester dans le parc privé, je voudrais signaler que des
partenariats intéressants peuvent être noués, apportant des aides utiles et
appréciées par les familles propriétaires confrontées au bouclage d'un projet
d'adaptabilité et/ou d'accessibilité. J'ai quelque expérience en la matière.
C'est le cas, par exemple, des prêts institués en 1992 et délivrés par la
Caisse d'aide immobilière, outil du conseil général de l'Hérault, en
partenariat avec la caisse régionale d'assurance maladie. En dix ans, cent
trois dossiers ont été traités, dont la moitié sont en cours de remboursement ;
au total, plus de trois millions de francs ont été débloqués.
Cette démarche participe pleinement de la politique menée par la collectivité
territoriale que j'ai l'honneur de présider, qui tend à favoriser au maximum le
maintien à domicile. Si l'on considère l'allocation compensatrice - 7,830
millions d'euros -, le service accompagnement 3,830 millions d'euros -, l'aide
ménagère - 320 000 euros -, les frais de repas - 91 500 euros -, l'allocation
départementale supplémentaire pour les handicapés les plus lourds - 91 000
euros -, ce sont 12 162 500 euros, soit près de 80 millions de francs, qui sont
inscrits au budget pour 2002 du département de l'Hérault en faveur d'une
meilleure intégration des personnes handicapées.
Face aux multiples défis qui restent à relever, la mobilisation de tous les
acteurs - Etat, collectivités locales, bailleurs sociaux, associations - est
primordiale. La proposition de loi instituant une attribution prioritaire aux
handicapés se veut être un outil supplémentaire. Bien qu'étant peu persuadé
qu'elle soit une réponse adaptée, le groupe socialiste la votera, parce qu'elle
est généreuse dans ses motivations et qu'elle aura permis, par les débats
qu'elle suscite, au Parlement comme au sein du Gouvernement, de se saisir une
nouvelle fois d'un véritable problème de société. Sans être indispensable, elle
n'aura donc pas été inutile.
Les efforts dégagés par le gouvernement de Lionel Jospin en faveur de
l'insertion la plus complète possible des personnes handicapées sont réels. Au
total, toutes institutions publiques confondues, la solidarité nationale lui
consacre 90 milliards de francs. La réglementation existe, elle aussi, il nous
appartient d'être vigilants quant à sa mise en oeuvre.
(Applaudissements sur
les travées socialistes et sur les travées du groupe communiste républicain et
citoyen. - M. le président de la commission et M. le rapporteur applaudissent
également.)
M. le président.
La parole est à Mme Terrade.
Mme Odette Terrade.
Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition
de loi d'attribution prioritaire des logements sociaux aux personnes en
situation de handicap est fondée sur un esprit généreux et humaniste. Autant le
dire tout de suite, le groupe communiste républicain et citoyen souscrit à
l'essence générale de cette proposition de loi.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Merci !
Mme Odette Terrade.
Toutefois, à l'occasion de ce débat, il faut aussi évoquer l'insuffisance
générale de logements sociaux dans notre pays et le refus de certains maires de
construire des logements sociaux ou de le faire dans des proportions
infimes.
M. Nicolas About,
président de la commission.
Ce n'est pas le débat !
Mme Odette Terrade.
En effet, même si, faute d'outils de recensement, l'évaluation du nombre de
personnes en situation de handicap paraît malaisée, même si un fichier
centralisé des logements sociaux intégrant le handicap fait défaut,
incontestablement, la situation du logement pour les handicapés, notamment dans
la région parisienne, n'est pas satisfaisante.
J'en veux pour preuve l'enquête réalisée voilà cinq ans par l'Association des
paralysés de France auprès d'un échantillon de personnes handicapées motrices
résidant en Ile-de-France, et relatée dans le rapport de notre collègue
Chérioux. Elle met en exergue la non-satisfaction des demandes de logement et
l'inadéquation entre l'offre présente et les besoins des personnes.
Ainsi, plus de 27 % des personnes interrogées ont déposé une demande de
relogement, 43 % vivent dans un logement de deux pièces ou moins, ce qui est
très exigu par rapport à l'espace nécessaire requis pour les aides techniques
et humaines. En outre, 35,2 % de ces personnes ne peuvent entrer seules dans
leur logement faute d'ascenseur ou parce qu'il est inaccessible.
Pour ma part, j'ai souvent l'occasion de rencontrer à ma permanence des
personnes handicapées dont la demande d'accès à un logement qui tienne compte
de leurs contraintes n'est pas satisfaite.
Encore récemment, une jeune femme m'exprimait ses difficultés à obtenir un
logement en rez-de-chaussée pour sa mère âgée, en perte d'autonomie. Pour les
reloger, on leur proposait un appartement au neuvième étage, dont l'ascenseur
ne permettait pas l'accès d'un fauteuil roulant et qui était, de plus, assez
souvent en panne !
Comme tout citoyen, les personnes handicapées ou en perte d'autonomie aspirent
à pouvoir vivre d'une manière autonome en milieu ordinaire. Par conséquent,
elles ne doivent pas être empêchées par un environnement inadapté de circuler
aisément dans la cité, de se loger, d'accéder à la culture et aux loisirs, ou
de travailler...
Certes, le législateur a posé un certain nombre de principes, qu'il s'agisse
de l'intégration ou de l'accessibilité.
Comme cela a déjà été rappelé, la loi du 13 juillet 1991, ainsi qu'une série
de mesures réglementaires ultérieures, destinées à favoriser l'accessibilité
des personnes handicapées aux locaux d'habitation, l'adaptation et
l'adaptabilité des lieux recevant du public, ont permis de poser les jalons de
situations jusque-là mal prises en compte.
Cependant, ces mesures n'ont eu qu'un impact très limité. D'abord, parce que
les normes d'accessibilité ne sont applicables qu'aux bâtiments collectifs
neufs, les constructeurs du secteur privé échappant aux obligations du code de
la construction et de l'habitation. Ensuite, parce que les règles de
construction existantes ne retiennent que les personnes atteintes de handicaps
moteurs se déplaçant en fauteuil roulant, ce qui exclut de fait les personnes
souffrant d'un handicap sensoriel.
A partir de ce constat, et considérant qu'il convenait d'impulser de nouvelles
réponses pour améliorer le quotidien des personnes handicapées, Roselyne
Bachelot, initiatrice de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui,
a mis l'accent sur les critères d'attribution des logements du parc social.
A l'origine, la proposition de loi réservait la priorité d'attribution de
logements sociaux aux seules familles ayant un enfant à charge. Fort
opportunément, les députés se sont accordés pour élargir le champ d'application
du texte non pas à toute personne en perte d'autonomie mais à toute personne en
situation de handicap.
Lors de l'examen du projet de loi relatif à la lutte contre les exclusions, un
débat s'était ouvert sur la question de savoir si le Parlement devait fixer les
catégories de personnes prioritaires, au risque d'en oublier, ou bien se
contenter de définir des critères généraux de priorité pour l'attribution des
logements.
Cette seconde option a été retenue pour éviter la logique d'une énumération
par catégorie. Les textes font référence aux personnes ayant des difficultés
tenant à leurs conditions d'existence.
A ce sujet, je me permettrai de rappeler que l'attribution prioritaire des
logements sociaux aux personnes en situation de handicap, ainsi qu'aux
personnes défavorisées, mal logées, aux familles monoparentales ou aux
personnes privées d'emploi est déjà une réalité inscrite dans nombre de
règlements départementaux d'attribution.
Pour autant, les demandes formulées par ces publics très vulnérables,
particulièrement par les personnes handicapées, ne trouvent pas toujours des
réponses appropriées dans ces mêmes départements.
Ce constat doit nous amener à poser la vraie question, celle de l'insuffisance
de l'offre en matière de logements sociaux.
D'ores et déjà, le plan de relance pour la construction de nouveaux logements,
que vous avez impulsé, madame la secrétaire d'Etat, permet de mieux répondre
aux besoins si forts en matière de logements sociaux, tout en visant la mixité
sociale.
Il en va de même des efforts fournis en faveur du relèvement de 25 % à 40 % du
taux des primes à l'amélioration des logements à usage locatif et à occupation
sociale, les PALULOS, dont la mobilisation doit permettre l'adaptation, voire
l'échange d'appartements.
Je suis perplexe, mais pas vraiment surprise, de constater que ceux qui
portent aujourd'hui cette proposition de loi refusaient hier, au sein de la
majorité sénatoriale ou dans l'opposition à l'Assemblée nationale, de
construire dans leur propre commune ce type de logements, rejetaient la loi
Gayssot, en caricaturant le logement social.
De ce point de vue, je crains que cette proposition de loi ne demeure qu'un
voeu pieu, sans réelle influence, comme c'est le cas, par exemple, pour la
priorité donnée aux jeunes dans l'attribution des logements sociaux.
Madame la secrétaire d'Etat, vous avez déclaré lors de l'examen de cette
proposition de loi à l'Assemblée nationale, et vous l'avez confirmé tout à
l'heure, que vous veilleriez à ce que l'ensemble du mouvement HLM respecte les
priorités d'accessibilité aux personnes handicapées, pour le neuf comme pour
l'ancien. Nous partageons votre point de vue.
S'agissant du financement des aménagements des logements sociaux anciens, il
convient de s'attarder aux réponses que cette proposition de loi entend mettre
en oeuvre face aux coûts élevés d'adaptation de ces appartements, compte tenu
notamment de leur superficie souvent réduite et de l'agencement des pièces.
Même si les dispositions envisagées nous semblent ne répondre que
partiellement à l'amélioration tant qualitative que quantitative de l'accès au
logement social des personnes handicapées, nous voterons cette proposition de
loi.
(Applaudissements.)
M. le président.
Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...
La discussion générale est close.
Nous passons à la discussion des articles.
Article 1er